Laurent Veillard UMR ICAR (CNRS, Université Lyon 2, ENS de lyon )

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Instrumentation de la recherche en Education : analyse épistémologique de quelques logiciels d’aide à l’analyse qualitative Laurent Veillard UMR ICAR (CNRS, Université Lyon 2, ENS de lyon

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Laurent Veillard UMR ICAR (CNRS, Université Lyon 2, ENS de lyon ). Instrumentation de la recherche en Education : analyse épistémologique de quelques logiciels d’aide à l’analyse qualitative. Quelques clarifications théoriques préalables (Habert, 2005). Distinction entre : - PowerPoint PPT Presentation

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Instrumentation de la recherche en Education : analyse épistémologique de quelques logiciels d’aide à l’analyse qualitative

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QUELQUES CLARIFICATIONS THÉORIQUES PRÉALABLES (HABERT, 2005) Distinction entre :

Instrument (spécialisé) : quelque chose qui prend une donnée langagière et/ou filmique et qui permet d’obtenir une représentation transformée, soit automatiquement, soit semi-automatiquement

Outil (polyvalent) : logiciels multi-usages, polyvalents, non spéfiquement orientés vers des données langagières ou filmiques (ex : access, excel, etc.) (Simondon, 1989)

Ressources : Données (bases de données textuelles, audiovisuelles) Nécessitent de plus en plus des instruments spécifiques de

gestion, classification, exploration, filtrage car non (ou trop lourdement) manipulables telles quelles

Dispositif expérimental (Foucault, Latour): Montage de techniques manuelles, d’instruments, (parfois)

d’outils, et de ressources servant à produire des faits dont la reproductibilité et le statut font l’objet de controverses

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DU PROTOTYPE À L’INSTRUMENT

Processus d’évolution : Dispositif Expérimental Prototype Instrument ou lignée d’instruments diffusion hors des labos de conception dans d’autres dispositifs expérimentaux inscription dans d’autres dispositifs adaptation de l’instrument (feed-back aux concepteurs)

Rôle du milieu associé Définition: ensemble des caractéristiques socio-techniques

assurant le bon fonctionnement/usage d’un objet technique (Simondon, Stiegler)

La diffusion/mobilisation d’un instrument dans d’autres dispositifs expérimentaux dépend de sa capacité à vivre (avec ou sans modifications) dans des milieux associés différents du dispositif initial (Simondon)

Ex : Moteurs de recherche actuels issus de dispositifs expérimentaux des années 50

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FREINS, DIFFICULTÉS

L’instrument peut devenir potentiellement une boîte noire pour les utilisateurs dans un nouveau milieu associé, cad que les opérations cristallisées dans l’instrument, leur inscription dans le dispositif originel et les choix épistémologiques initiaux deviennent pour une part non transparents.

Epistémologies contradictoires de l’instrument et du chercheur, sans que ce dernier en ait toujours conscience

Manques ou incompatibilités de certains éléments techniques du dispositif (ex : formats incompatibles de fichiers)

Recherches vaines des fonctionnalités qui n’existent pas

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DIFFÉRENTS TYPES D’INSTRUMENTS ET OUTILS MOBILISÉS DANS LES DISPOSITIFS EN SHS Enregistrement :

Statiques : appareil photo – scanner Dynamiques : caméra – enregistreurs audio – enregistreurs de

paramètres physiologiques (ex : fréquence cardiaque, etc.) Traitement des signaux (analogiques/numériques) :

logiciels de numérisation, compression, machines de stockage Classement / Annotation: Base de données (ex : ViSA,

CLAPI, TalkBank, etc.), logiciels (Ex : Advene, etc.) Aide à l’analyse :

Logiciels d’analyse quantitative : lexicométrie, sphinx, spss Logiciels d’aide à l’analyse qualitative (CAQDAS): CLAN, ELAN Atlas.ti,

Transana, Kronos actogram, The Observer, Videograph, etc. Diffusion des analyses et Formation : logiciels de

montage (ex : Avid, Vegas, etc.) ; lecteurs multimédia ; plateforme de formation (ex : Neopass ; Pegase ; etc.)

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CARACTÉRISTIQUES DES INSTRUMENTS LOGICIELS D’AIDE À L’ANALYSE EN SHS

Cristallisation d’opérations symboliques humaines d’analyse dans des systèmes de type computationnel (opérations logiques) « Ce qui réside dans les machines, c’est de la réalité humaine, du geste

humain fixé et cristallisé en structures qui fonctionnent » (Simondon, 1989)

Données opérations informatisées Représentations transformées Automatisation des opérations réalisées plus ou moins importante

Quelle valeur ajoutée ? Facilitation de l’exploration des données (navigation) Découpage en segments et déplacement de ces segments :

Délinéarisation des enregistrements temporels Opérations possibles de rapprochement pour comparaison d’évènements,

d’états, de phénomènes, etc. (similarités, différences, écarts, etc.) Calculs d’occurrence, de co-occurrence (automatiques, semi-automatiques)

Alignement / mise en relation de données de nature différentes Ex : transcription alignée sur un fichier son ou vidéo (Transana, Videograph,

etc.) ; copie d’une cahier d’élèves liée à un fichier son ou vidéo (ViSA) Explicitation des procédures analytiques (contrainte imposée par le

logiciel) archivage de ces procédures et circulation entre chercheurs

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DIFFÉRENTS TYPES DE LOGICIELS D’ANALYSE

Exemple des logiciels d’analyse textuelle en linguistique (Lejeune, 2010)

MontrerCalculer

Explorer

Analyser

Lexicométrie

Concordanciers

Automates Réflexifs

Dictionnaires

Registres

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L’AUTOMATISATION : JUSQU’OÙ ?

Une différence entre enregistrements texte et vidéo liée à la nature des données : analogique ou digitale Données textuelles :

Digitales Opérations automatiques possibles (mais avec des limites) sur ces

éléments symboliques discrets Enregistrements filmiques :

Analogiques Certaines opérations automatiques de reconnaissance de formes,

de mouvements, de configurations (relations entre éléments) possibles mais beaucoup complexes

Conséquence : selon la catégorisation de Lejeune, les logiciels d’analyse vidéo sont principalement de type réflexif (aide à l’analyse) avec des possibilités limitées de calcul et des formes de représentation plus ou moins variées

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EX1 : ACTOGRAM KRONOS - DISPOSITIFS EXPÉRIMENTAUX INITIAUX

« Actogram est un logiciel initialement conçu pour répondre aux besoins des ergonomes et des psychologues du travail  » (Kerguelen, 2008)

« La principale caractéristique de l’outil était d’inciter fortement à une planification des observations en imposant la réalisation préalable d’un protocole de description »

Utilisation : En observation directe sur le terrain (palm) Pour analyser des enregistrements vidéo

Un système d’analyse par codage inspiré des champs de l’éthologie et de l’ergonomie du travail

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ORGANISATION DE L’INTERFACE 3 onglets correspondant à 3 zones de travail séparés visuellement

Définition des protocoles de description (répertoire) Réalisation des relevés (avec pilotage vidéo) et visualisation des graphes

d’activité Statistiques

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STRUCTURE DU SYSTÈME DE CODAGE Protocole de description

Classes d’observable Evènements exclusifs changement d’états ( 1 seul

état pour une classe donnée)

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RELEVÉS D’OBSERVATION

Modes de relevé Par menu contextuel (1)

1

2

3

Par plan (2) Par boutons (3)

Possibilités de courts relevés de communications verbales

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REPRÉSENTATION DES RÉSULTATS

Graphes d’activité Statistiques Exportations possibles

(SPSS, Excel, etc.)

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LIMITATIONS Le découpage en états mutuellement exclusifs

opérationnalise le traitement des données d’observation. Mais permet-il de rendre compte de la manière la plus appropriées de certaines situations / comportements ? Ex : opératrice en charge d’une machine de fabrication de

pièces plastiques : Actions : approvisionner la machine ; trier les pièces produites dans différents

bacs ; contrôler la qualité ; etc. Codes : approvisionnement ; Tri ; Nettoyage ; Contrôle Qualité Activité de contrôle qualité déborde le moment prescrit et se fait partiellement

aussi pendant le tri Pas de segmentation possible des vidéos (en clips

manipulables) travail d’interprétation uniquement basé sur des représentations symboliques (statistiques, graphs, etc.)

Pas de possibilités de jouer plusieurs enregistrements en même temps

Limitations à des fichiers vidéos

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EX 2 : TRANSANA : DU PROTOTYPE À L’INSTRUMENT Prototype créé par C. Fassnacht (1995/2000),

Etudiant en master de sociologie (U. Wisconsin) : un mémoire sur une problématique d’analyse conversationnelle chez des ingénieurs travaillant sur des pbs de conception en petits groupes)

Un background dans le domaine informatique Pas de logiciel existant pour faciliter :

La transcription des enregistrements vidéos et audios La navigation dans cette transcription sans perdre le lien avec la

vidéo L’analyse de nombreux petits segments de celle-ci : découpage en

segments / étiquetage de ces segments / comparaison avec d’autres / inclusion dans des segments plus importants

Un travail qui en reste à un prototype non abouti (mémoire à terminer)

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Reprise du code par D. Woods pour en faire un instrument pour différents chercheurs à partir de 2000

Pas de modification de la structure de base : “ Transcripts have a very central role in Transana. 2 reasons for that :

one is because Chris Fassnacht was a conversation analyst and conversation analysis is a transcription oriented mode of analysis […] Their way of viewing the world is transcript-centric. That was Chris Fassnachts orientation and that has continued to be a central part of Transana and probably will for a long time. […] I am absolutely convinced that a transcript is essential. One of the functions of the transcript is that it allows you to find what you are looking for much more easily than just looking in the video. […] Another thing that is really central to my undertanding of the role of the transcript is that a transcript isn't just a written representation of the video […] the transcript is a first level abstract representation of the video […] Even if you think you are creating a simple verbatim transcription, that's an analytic decision to create that kind of transcript. Tt's an analytic decision about do you include the ums and the uhs and the like like like ” (D. Woods, entretien 2012)

DU PROTOTYPE À L’INSTRUMENT

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Travail de D. Woods dans plusieurs directions : Ergonomie d’utilisation : zones de travail, arborescence,

aide et tutoriel Ouverture : formats de vidéos ; export des bases ; version

multiusers ; Représentation des analyses : graphiques, tableaux

synthétiques, etc. Ajout de fonctionnalités nouvelles : pilotage de

plusieurs vidéos, insertion de photos dans la transcription, etc

DU PROTOTYPE À L’INSTRUMENT

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4 zones de travail

STRUCTURE DE BASE

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Une structure type base de données

STRUCTURE DE BASE

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Rapports synthétiques textuels

SYSTÈME DE REPRÉSENTATION DES ANALYSES

Représentations graphiques temporelles : moments d’occurrence ; % de temps ; fréquence d’apparition, etc.

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Pas de possibilité de coder directement la vidéo : le travail d’analyse (segmentation, adjonction de mots-clés, …) se fait sur des transcriptions (noyau épistémologique fondamental)

Un travail fastidieux d’adjonction des marqueurs temporels lorsqu’il y a de multiples codes et de nombreuses heures de vidéo à coder,

Mal adapté si classes de codes hiérarchisés Limitation à enregistrements audio et vidéo

LIMITATIONS

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EX 4 : ATLAS.TI. LE PROTOTYPE

Prototype créé dans le cadre du projet ATLAS (Archive for Technology, the Lifeworld, and Everyday Language) entre 1989 et 1991 à l’Université technologique de Berlin Mené en collaboration entre des informaticiens, des

psychologues, des linguistes Objectif : concevoir un logiciel d’aide à l’interprétation de textes

pour des chercheurs en sciences sociales Inflluence théorique :

 Grounded Theory » (Glaser & Strauss, 1987), utilisé par les psychologues du projet ATLAS

Etapes 1) Codage ouvert : génération de micros-analyses sur des petits

segments , conduisant à des catégories préliminaires 2) Codage axial : essai d’utilisation de ces catégories sur d’autres

passages / mise en relation des catégories fusions / divisions / réorganisations verticales et horizontales

3) Codage sélectif : généralisation aux données

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VERS UN INSTRUMENT PLUS OUVERT ET PLUS PUISSANT Une structure conceptuelle de

base inchangée Développements :

Du travail sur des segments textuels à des segments d’images (aires spatiales), puis des segments temporels audio-visuels (enregistrements audio et filmiques)

Amélioration de l’ergonomie de l’interface d’utilisation (ex : facilité de codage des vidéos)

Travail sur les outils d’alignement des données entre elles (ex : transcription avec vidéo)

1991 (v 1.0)

2012 (V 7.0)

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STRUCTURE DE BASE

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ATLAS.TI : PROCESSUS DE TRAVAIL

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CODAGE DES DONNÉES

Codage de Texte

Codage d’image

Codage de vidéos (ou enr. audio)

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OUTILS D’ANALYSE

Word Cruncher : occurrence de mots dans des textes

Query tool : recherche de de segments avec opérateurs logiques (ex : toutes les « quotations » où codes A et B présents)

Co-occurrence tool : génération de tableaux croisés dynamiques entre types de codes

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OUTILS DE REPRÉSENTATION EN RÉSEAUX

Exemple 2 : types de liens entre différents segments

Exemple 1 : vue en réseau des liens entre codes et familles de codes

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Pas de possibilités de représentations graphiques de type temporel

Pilotage d’un seul flux vidéo (par comparaison, Transana peut en piloter jusqu’à 4)

Traitement statistique renvoyé à des logiciels externes (SPSS, …)

LIMITATIONS

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DIFFUSION VERS DES MILIEUX ASSOCIÉS DIVERS

Kronos Actogram présuppose la construction préalable d’un système de catégories puis un codage systématique et direct des vidéos Évènements ponctuels / durables Analyses et représentations statistiques et temporelles

Atlas.ti / Transana : logiciels très ouverts et souples en raison d’une épistémologie située (grande place aux données dans la construction des catégories d’analyse) : Transana :

Recherches principalement basées sur la vidéo, avec possibilité de multiscope Analyses micros de segments vidéos par comparaison / rapprochement /

généralisation (catégories d’évènements et de comportements) Représentations graphiques temporelles

Atlas.ti : Démarches ethnographiques s’appuyant sur des données très différentes Analyses de segments par une étude des types de relations logiques et/ou

sémantiques Représentations graphiques de type relationnel