Larzac 1980

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Plateau du LARZAC, juillet 1980 Ce fut un mois merveilleux, et pourtant c’étaient des vacances militantes, la lutte des paysans et de leurs soutiens bénévoles contre le projet d’extension du camp militaire était bien organisée, les activités étaient multiples et quotidiennes, son champ d’action à lui était la communication et le reportage radio, et ce n’est pas le travail qui manquait. C’est justement pendant cette grande grève dans l’Usine à Images qu’il avait fait ses premières armes dans l’exercice de la radio, lui qui était surtout un homme de télé. Il était parti d’un raisonnement simple, puisque le pouvoir en place bloquait comme à son accoutumée l’info sur les luttes qui le dérangeaient,

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la radio libre au sevice de la lutte contre l'extension du camp militaire du Larzac

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Plateau du LARZAC, juillet 1980

Ce fut un mois merveilleux, et pourtant c’étaient des vacances militantes, la lutte des paysans et de leurs soutiens bénévoles contre le projet d’extension du camp militaire était bien organisée, les activités étaient multiples et quotidiennes, son champ d’action à lui était la communication et le reportage radio, et ce n’est pas le travail qui manquait.

C’est justement pendant cette grande grève dans l’Usine à Images qu’il avait fait ses premières armes dans l’exercice de la radio, lui qui était surtout un homme de télé.

Il était parti d’un raisonnement simple, puisque le pouvoir en place bloquait comme à son accoutumée l’info sur les luttes qui le dérangeaient, puisque leurs actions militantes n’étaient pas assez « couvertes » par les media nationaux, ou mal comprises, il fallait qu’eux-mêmes créent un medium bien à eux, afin de diffuser leur propre vérité.

On parlait alors beaucoup des radios pirates, qui s’étaient auto proclamées « Radios Libres », et qui commençaient à faire peur au Pouvoir, dont la liberté d’expression à la radio et à la télé n’était pas la préoccupation première, qui admettait difficilement qu’on puisse la mettre en doute, et qui n’envisageait pas un instant que l’on puisse changer quelque chose à la chape de plomb que De Gaulle avait jeté sur l’ORTF.

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Depuis 1978, c’était la guérilla entre les radios libres et le Pouvoir, ce pouvoir qui croyait que l’ennemi était puissant et bien organisé, en n’ayant comme référence que la lourdeur des moyens techniques des radios officielles, alors que les petits radioteurs avaient des moyens dérisoires, du matériel bricolé à trois sous, mais comment faire la différence quand on entend dans son poste de radio une modulation aussi forte que celle des radios officielles sans soupçonner que l’émetteur en fait est très près de vous.

La plus belle farce qu’on fait les pirates est la fameuse émission de Radio Verte reçue claire et nette à l’intérieur d’un plateau de télé, dont la structure métallique faisant cage de Faraday, bloquait théoriquement et sans appel les émissions très puissantes des radios officielles, tous les techniciens en radioélectricité vous le diront.

En fait Brice Lalonde, en appuyant sur le bouton du poste de radio qu’il avait posé ostensiblement sur la table, n’avait fait que recevoir un programme enregistré transmis par un minuscule émetteur caché dans le sac d’un complice qui avait pu pénétrer dans les coulisses du studio…..à dix mètres des débatteurs.

Le lendemain, toute la presse s’interrogeait sur la puissance de l’émetteur des pirates, ces dangereux terroristes, sur l’origine financière des puissants moyens dont ils venaient de donner la preuve, la DST était sur les dents, le Pouvoir commençait à trembler, alors que ce n’était qu’une blague de potaches et de techniciens doués.

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En matière de radio libre, c’était l’imagination au pouvoir pour pallier le manque de moyens, et plus les pirates s’amusaient, plus le Pouvoir transpirait et prenait peur, mobilisait d’énormes moyens de brouillage et de repérage par radiogoniométrie, sans succès, car au fil des soirs de plus en plus d’auditeurs cherchaient fébrilement les émissions pirates qui se multipliaient comme les petits pains, car on y abordait volontiers les sujets tabous comme le sexe, la drogue, l’anticléricalisme, l’antimilitarisme, l’écologie, on y fustigeait férocement les malversations des hommes politiques, on y faisait campagne pour tout ce qui était défendu.

Alors Paco prit l’initiative de prendre discrètement contact avec ces pionniers, fut convaincu en une nuit, tenta de convaincre à son tour ses collègues des syndicats meneurs de mettre en place une radio à l’intérieur de la boite occupée, voulut aller trop vite et se fit d’abord proprement éconduire par des syndicalistes bornés et peu inventifs, qui lui opposèrent l’argument de la crainte d’un assaut des forces de l’ordre, alors que son idée, mais il ne le disait pas, c’était justement de provoquer le Pouvoir, ne se découragea pas, contourna l’obstacle en organisant des émissions à l’extérieur du bâtiment, fit école, et bientôt plusieurs radios parlaient tous les soirs du combat des grévistes.

Il s’engagea alors à fond dans l’aventure des radios libres, car, répugnant à la violence, il estimait que ce medium état une arme de lutte non violente.

Plus tard il compris son erreur, mais c’est une autre histoire.