l'Art du marketing - les Echos PwC

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L’Art d u Mar k eting avec le concours de En association avec 8 La Distribution DOSSIER SPÉCIAL CHAQUE VENDREDI PENDANT 12 SEMAINES En collaboration avec le FINANCIAL TIMES La semaine prochaine : Marketing des secteurs (1 re partie) Illustration : Florence Gendre

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gestion du capital client : les enjeux pour les acteurs du commerce multi-canal

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L’Art du Marketingavec le concours de

Enassociationavec

8La Distribution

DOSSIER SPÉCIAL CHAQUE VENDREDIPENDANT 12 SEMAINES

En collaboration avec le FINANCIAL TIMES

La semaine prochaine :

Marketing des secteurs (1re partie)

Illustration : Florence Gendre

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Directeur général, directeur des publications : David GUIRAUD

Directeur délégué : Eric NOBLET

Directeur de la rédaction, rédacteur en chef : Nicolas BEYTOUT

L’Artdu Marketing

Rédacteur en chef adjoint : Michel DABAJI

Coordination et secrétariat de rédaction : Catherine LIMAGNE

Sabine ESTIVALET

a gestion du capital clients est unenjeu économique clef à l’ère dudéveloppement des nouvelles tech-nologies qui ouvrent les portes à unemeilleure connaissance des clients.Les entreprises qui le souhaitent sontLaujourd’hui capables de valoriser

l’information clients. Partons d’un constat dresséen 1998 par PricewaterhouseCoopers dans lesecteur des produits de grande consommation àl’échelle européenne : 84 % des profits du secteurde la grande consommation sont réalisés par 30 %des clients, soit 70 % des ventes. Examinons laportée de ces chiffres.

Premièrement, la relation directe entre lesprofits de l’entreprise et la contribution de sesdifférents segments de clients favorise un mana-gement plus opérant de l’entreprise du fait del’indexation de ses performances sur la valeurclients. Les objectifs marketing (recrutement oufidélisation par exemple) peuvent dès lors êtreévalués à l’aune de leur contribution réelle sur lecompte d’exploitation de l’entreprise. Deuxième-ment, en s’appuyant sur des données valorisées,les opérations logistiques et commerciales peu-vent être mesurées et arbitrées avec beaucoupplus d’efficacité. A titre d’illustration, la rupturen’a pas la même valeur pour tous les clients cartous les clients n’ont pas la même valeur pourl’entreprise. La connaissance du client est donc aucentre d’un enjeu immédiat pour l’entreprise :être capable de donner du sens à l’informationclients pour être capable de piloter l’entreprisedans une logique économique plus fiable carmesurée, donc évaluée.

A l’ère de l’entreprise étendue, à l’heure où lafrontière entre le monde professionnel et lemonde personnel est de plus en plus étroite, lagestion du capital clients pose en premier lieu ledébat de l’utilisation efficiente de l’information àl’intérieur des organisations et entre les organisa-tions du grand commerce.

Les enjeux de la distributionPrenons un exemple, Sony on line, le site Internetd’une des 10 marques les plus connues dans lemonde, permet aujourd’hui à Sony de tisser unerelation très personnelle avec les clients : idéescadeaux, présentation des nouveautés produits,jeux sont proposés sur le site. Sony on line n’a pasvocation à assurer la distribution physique desproduits, mais on imagine fort bien que cetteinformation puisse être valorisée ne serait-cequ’en informant le client Sony de la disponibilitéd’un produit auprès de tel ou tel distributeur de lamarque.

Prenons un autre exemple, Total n’est pasconcurrent de Carrefour en dehors de la ventedes produits pétroliers et des lubrifiants, mais lenombre de stations-service, leur localisation etplus encore la connaissance clients acquise parTotal via sa carte de fidélité Total Le Club,permet aujourd’hui à l’enseigne pétrolière deconcurrencer la distribution traditionnelle sur denouveaux segments de marché : dépannage,convenience.

La notion de « mind share » (présence à l’es-prit) va prendre tout son sens dans les prochainesannées. La notoriété acquise par les marques

Gestion du capitalclients et distribution

Servir la masse des consommateurs en tenant comptede leurs aspirations individuelles est un défi primordial

pour les entreprises de la grande distribution. Les enjeuxde la gestion du capital clients sont en effet multiples.

8n La distribution

Gestion du capital clients et distributionPar Michel Tatibouët et Vincent Haguet,PricewaterhouseCoopers

Pages II et III

Le category management, nouvelle sciencede la distributionPar Thomas W. Gruen, Goizueta Business SchoolLe distributeur qui adopte le category managementdoit s’attendre à transformer considérablement sesrelations avec ses fournisseurs ou sa gestion desstocks.

Pages IV et V

Différenciez vos prix !Par Hermann Simon, consultant, Robert Dolan,Harvard Business School et Gilles Laurent, GroupeHECUne politique de prix efficace peut améliorer lesprofits de 20 à 50 % en exploitant les différencesentre les consommateurs. Cela implique d’étudier enprofondeur la valeur que ces derniers attribuent auproduit ou au service considéré.

Page VI

Les MDD, menace pour les marques nationalesPar Stephen J. Hoch et Jagmohan S. Raju, WhartonSchoolLes marques de distributeur ont connu ces dernièresannées un succès croissant auprès desconsommateurs. Quelle stratégie les marquesnationales peuvent-elles adopter pour leur résister ?

Pages VII et VIII

Les règles d’or du service à la clientèlePar Dawn Iacobucci, Kellogg SchoolIl faut savoir répondre aux besoins du client sansdépasser inutilement ses attentes, et surtoutcomprendre et gérer ses insatisfactions, pourdistancer la concurrence.

Pages IX et X

Les avantages stratégiques de la vente directePar Kent Grayson, London Business School, etRichard Berry, directeur de la Direct SellingAssociationUn contact privilégié avec les clients, une grandeliberté dans l’organisation du travail et, surtout, uneindépendance qui permet de surmonter les coûts dedistribution : la vente directe possède plus d’un atout.

Pages X et XI

Michel Tatibouët,associé chezPricewaterhouseCoopers.Il dirige les secteursRetail et ConsumerGoods, au sein del’activité Conseil enManagement.

MichelTatibouët

Vincent Haguet,manager chezPricewaterhouseCoopers,est spécialiste del’amélioration de laperformance desorganisations dans lessecteurs de la grandedistribution et desproduits de grandeconsommation, au seinde l’activité Conseil enManagement.

VincentHaguet

II Les Echos - vendredi 4 et samedi 5 juin 1999L’Art du Marketing

MICHEL TATIBOUËT ET VINCENT HAGUET

Pour recevoir les cahiers de L’Art du Marketing,reportez-vous à la page III

Figure 1

Driversde valeur

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Drivers de coût

Coût de la mise à dispositiondu produit

Catégories

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Figure 2

Communications

Individu

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Groupes

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Services et solutions

Environnement d'achat

Offre

pro

duit

Gestion baséesur les relations-clients 9

Développementde la marque

1

Publicité etpromotion

3

Gestion dela fidelité

5

Gestion dela relation client

7

Développementpar canal unique

4

Création parcanaux multiples

6

Intégration parcanaux multiples

8

Innovation produit

2

Page 3: l'Art du marketing - les Echos PwC

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jouera pleinement, et ceci d’autant plus que lesmarques se donneront les moyens de faciliter lespasserelles entre la présence à l’esprit du clientpour un produit donné et son acte d’achat.Coca-Cola n’a-t-il pas initié cette démarche entransformant les occasions de voir sa marque enautant d’occasions de la boire ?

Flux d’information et flux logistiques vont doncs’intégrer en fonction de la création de valeurpropre à chaque canal de distribution.

Dans cette configuration, la création de valeurpourra être mesurée à l’aune de son coût réel dedistribution (figure 1). Le propos de cette matriceest clair : rapprocher les éléments créateurs devaleur (nouveaux produits, publicité, promotions,merchandising, etc.), de leurs coûts réels dedistribution : logistique, passage de la force devente. Quand, dans une même catégorie, les coûtsde la chaîne logistique peuvent aller du simple audouble (soit de 8 à 16 % du prix de venteconsommateur, LSA, avril 1999), on est en droitde se demander si toutes les actions ont la mêmevaleur... Assurément non ! Plus avant, ce schémadoit inciter les entreprises du commerce à réo-rienter leurs processus autour de la valeur clientset à la mesurer sur l’ensemble de la chaîne devaleur. Il s’agit du principal enjeu de la distribu-tion : mesurer sa performance en la rapprochantde la valeur restituée par les clients (paniermoyen, taux de fréquentation des magasins…)

Fidélisation et recrutementLa maîtrise de la clientèle captive va devenir laclef du succès de la distribution. La volatilité desclients et plus encore la concentration de la valeur

entre les mains de quelques clients est aujour-d’hui un fait. La capacité des entreprises deconstruire des programmes de fidélisation seradéterminante. D’importantes réserves de crois-sance existent aujourd’hui au regard de l’informa-tion disponible sur les clients (plus de 20 millionsde consommateurs recensés via les cartes defidélité en France).

Par ailleurs, afin de conquérir des clients noncaptifs, il deviendra essentiel de construire desprogrammes de recrutement efficients, c’est-à-dire garantissant le meilleur retour sur investisse-ment clients. Là encore, la capacité des entre-prises du commerce à mettre en œuvre cessolutions sera déterminante.

Ces solutions existent, elles se sont toutd’abord déployées dans le marketing business-to-business : data warehouse, data mining, call cen-ters, etc. L’industrie des produits de grandeconsommation est paradoxalement en retrait dece mouvement alors même que la relation entreindustriels et distributeurs s’apparente à uneapproche business-to-business du fait de la rela-tion « indirecte » existant entre le produit et leconsommateur final. Fidélisation et recrutementdoivent aller de pair. De la capacité à gérerconcomitamment ces objectifs dépend le succèsdu commerce.

Gérer le capital clientsLa figure 2 illustre concrètement les enjeux et lesperspectives de la gestion du capital clients dansla grande distribution.

A gauche, « Offre produit », la création de lavaleur (nouveaux produits par exemple) est déve-loppée en fonction de la contribution économiqueet des attentes spécifiques des différents types declients : masse, groupes, individu. A droite, « Ser-vices et solutions », la capitalisation de la valeurcréée est assurée en offrant des services exclusifsqui répondent de façon ciblée aux attentes précé-demment identifiées et en garantissent la péren-nité (par exemple, la livraison à domicile desproduits pondéreux pour les seniors). En haut,« Communications », l’utilisation optimisée desmoyens publipromotionnels au service des objec-tifs propres aux différents types de clients ciblés.

En bas, « Environnement d’achat », la possibilitéde servir les clients selon les contraintes dequalité, de service et de coûts, proportionnelles àla valeur des clients au sein de chaque canal dedistribution.

ConclusionLa gestion du capital clients met à jour lacomplexité du métier du commerce : servir lamasse des consommateurs en tenant compte deleurs aspirations individuelles. Elle inscrit laconduite des entreprises du commerce dans larecherche de solutions efficientes (valeur/coûts)en les rapprochant de la connaissance « intime »des besoins des clients. Dans un environnementéconomique caractérisé par la stagflation, lesprofits se distribueront entre acteurs du com-merce. La conquête des parts de marché mettra àjour la capacité des organisations du commerce àdévelopper leur capital clients. l

La concentration de la valeur au sein d’un nombrerestreint de clients stigmatise les enjeux du com-merce : fidéliser et recruter des clients rentables.Pour y parvenir, les acteurs de la grande distribu-tion doivent valoriser l’information clients dispo-nible et mesurer leurs actions à l’aune de leurefficience économique.

Résumé

Les Echos - vendredi 4 et samedi 54 juin 1999 IIIL’Art du Marketing

Total, via sa carte defidélité Total le Club,permet aujourd’hui àl’enseigne pétrolière deconcurrencer ladistribution traditionnellesur de nouveauxsegments de marché,comme le dépannage oules services.

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Page 4: l'Art du marketing - les Echos PwC

’Efficient Consumer Response (ECR) aconsidérablement modifié les pratiquesde la distribution alimentaire aux Etats-Unis et en Europe dans les années 90. Cesnouvelles pratiques ont amené les distri-buteurs à restructurer leur offre : il a falluLaccélérer l’échange d’informations avec

les fournisseurs et les processus de livraison dans lesmagasins, ce qui a contribué à limiter les stocks et lesopérations de manutention... Tout cela s’est traduit parune plus grande efficacité.

Le volet offre de l’ECR n’est généralement pas perçupar le consommateur. Le volet demande est désigné parle terme « category management », qui regroupe lemerchandising, les promotions, les prix et l’assortimentde produits. Le category management est défini par leprojet sectoriel en la matière (Joint Industry Project onECR) comme le « processus par lequel distributeurs etfournisseurs gèrent les catégories de produits comme desunités commerciales stratégiques, et améliorent les résul-tats en s’attachant à offrir de la valeur au consomma-teur. »

Le category management est considéré comme lanouvelle « science de la distribution » pour trois raisons.Il met tout d’abord en œuvre un processus systématiquequi a fait ses preuves dans des cas de figure trèsdifférents, chez des distributeurs de tous les continents.Ensuite, il s’appuie sur des analyses complexes, effec-tuées sur des données recueillies auprès des consomma-teurs, des magasins et des marchés. Enfin, il supprime lebiais introduit par les marques, qui cherchent à accroîtreleurs parts de marché, et le remplace par un point devue beaucoup plus objectif : les souhaits du consomma-teur.

Contexte et stratégieLes initiatives ECR, initialement conçues en 1993 pourles circuits de distribution alimentaire aux Etats-Unis,

ont permis de relever plusieurs pratiques non rentables :au total, on a évalué à 30 milliards de dollars le montantde ces opérations, qui n’apportaient rien au consomma-teur. L’objectif ultime de l’ECR est d’arriver à unsystème réactif et déterminé par le consommateur danslequel est prise en compte la totalité de la chaîne del’offre en vue de réduire les coûts et les stocks, tout enaméliorant le choix pour le consommateur.

Du point de vue stratégique, le category managementconsiste à diviser le magasin d’alimentation en 150 à250 catégories de produits ayant chacune son rôle et sesobjectifs en termes de chiffre d’affaires, de résultat,d’actif et de productivité. Le Joint Industry Project onECR définit ainsi une catégorie : « groupe distinct etgérable de produits ou de services perçus par le consom-mateur comme liés et/ou interchangeables pour répondreà ses besoins ».

En utilisant le category management, le distributeurcherche à se différencier de façon durable et à obtenirun avantage concurrentiel catégorie par catégorie. Ilgère chacune d’entre elles comme une unité commer-ciale stratégique. Le but est de concevoir le marketingmix d’une catégorie de manière à donner davantage devaleur au client que s’il achetait sous une autre formulede distribution.

Avant d’opter pour le category management, lesdistributeurs de l’alimentaire avaient tenté d’enrayerl’érosion de leurs marges en augmentant la fréquence etl’ampleur des promotions, en exigeant des producteursdes frais de référencement pour le lancement denouveaux produits et en renforçant leurs marges auxdépens des fournisseurs. Cette méthode à courte vue netenait pas du tout compte des consommateurs, qui sesont montrés dès lors moins fidèles. Le projet sectorielsur l’ECR, en 1993, était en fait une tentative désespé-rée des distributeurs alimentaires pour remplacer desméthodes inefficaces et mal orientées par un ensemblede pratiques améliorées donnant de la valeur ajoutée auconsommateur. Le groupe de partenaires a ainsi offi-ciellement défini les grandes étapes de la mise en œuvredu category management, publiées sous le titre « BestPractices Category Management Report », en 1995.

En donnant un surcroît de valeur au client, catégoriepar catégorie, les distributeurs de l’alimentaire cher-chaient à contrer diverses autres formules de vente audétail. Par exemple, les ventes de produits pour ani-maux de compagnie s’effondraient, au profit de grandessurfaces spécialisées, de même que les ventes deproduits d’hygiène et de beauté au profit des « harddiscounters » spécialisés. Les « club stores » s’implan-taient sur les produits en gros et d’autres nouvellesformes de magasins, comme Wal-Mart, prenaient desparts de marché.

Chaque fois, les formules alternatives paraissaientplus attrayantes pour le consommateur, qui n’hésitaitplus, dès lors, à se rendre dans un magasin différent.Certes, les distributeurs de l’alimentaire ont été lesprincipaux bénéficiaires du category management. Maisc’est une arme à double tranchant, dans la mesure où ila aussi été adopté par les grandes surfaces d’hygiène etde beauté, par les discounters et par les magasins deproximité.

Lancées aux Etats-Unis, les méthodes de categorymanagement ont été rapidement adoptées en Europe.Des travaux parallèles, parrainés par ECR Europe, ontdonné lieu à la publication de rapports sur les meil-leures pratiques de category management et sur lesassortiments les plus efficaces. En Europe, les initiativescôté offre ont été compliquées par la diversité descultures, des langues et des systèmes nationaux, mais lecategory management, côté demande, est parvenu àmaturité beaucoup plus vite qu’aux Etats-Unis.

Un processus en huit étapesAvec quelques variations, le processus en huit étapesdéfini par le groupe de partenaires a été adopté par lesconsortiums ECR aux Etats-Unis, en Europe et auBrésil (voir figure 1).

l Définition des catégoriesLe détaillant démarre ce processus de gestion par la

répartition des produits en catégories. Une catégorie estidéalement définie par l’utilisation chez le consomma-teur. Exemple : produits de soins capillaires, alimentspour chiens et chats, potages et yaourts. Autre critère :l’emballage. Ainsi, les jus longue conservation, les jusréfrigérés et les jus concentrés congelés constituent troiscatégories distinctes. Pour le magasin, l’idéal est quechaque unité faisant partie du stock (désignée en anglaispar « stock keeping unit », ou SKU) appartienne à unecatégorie. Dans la pratique, les détaillants commencentpar intégrer ce mode de gestion catégorie par catégorie,de sorte que chaque unité SKU soit affectée à unecatégorie au fur et à mesure, et non en une seule fois.

l Rôle des catégoriesOn attribue ensuite à chaque catégorie le « rôle »

qu’elle doit jouer au niveau du magasin. Le rapport surles meilleures pratiques en matière de category manage-ment définit quatre rôles, fondés sur le positionnementvis-à-vis des consommateurs.

1. Catégories de destination : celles par lesquelles ledétaillant essaie de se distinguer de la concurrence enoffrant une valeur supérieure au consommateur. Parexemple, le distributeur peut choisir d’englober danscette catégorie le café, les pâtes, le papier, le pain, lesboissons non alcoolisées et certaines denrées péris-sables.

2. Catégories de routine : celles que le consommateurachète régulièrement au magasin. Exemple : les jus defruits, le lait, les céréales, la lessive et les aliments pouranimaux de compagnie.

3. Catégories occasionnelles/saisonnières : cellesqu’on achète moins fréquemment, comme les condi-ments et les crèmes solaires.

4. Catégories de proximité : le client sait qu’il peutavoir un choix plus étendu et de meilleurs prix ailleurs,mais il les achète dans le magasin le plus proche parceque la qualité est suffisante pour éviter un déplacementdans un autre point de vente. Exemple : les produitspour l’automobile, les produits « bio » ou les confiseries.

Une catégorie n’a d’autre rôle fixe que celui que luiattribue le distributeur. Ce dernier doit organiser sescatégories selon un « portefeuille » de rôles équilibrépour gérer chacune d’entre elles d’après leur rentabilitéattendue et pour mettre en œuvre les stratégies etatteindre les objectifs de son entreprise.

l Evaluation des catégoriesCette étape consiste à évaluer en détail les sous-caté-

gories, segments, marques et SKU de chaque catégoried’après les informations émanant du consommateur, dudistributeur, du fournisseur et du marché. L’évaluationdes catégories se fonde sur un certain nombre d’outilsanalytiques conçus pour déterminer les points forts, lespoints faibles, les opportunités et les risques de chaquecatégorie. Idéalement, l’analyse comporte une compa-raison entre les données des lecteurs optiques au niveaudu magasin et celles du marché, obtenues auprès d’unebanque de données du secteur telle que Nielsen, IRI ouGfK.

On utilise normalement des tableurs pour ce typed’analyse. On trouvera, figure 2, un exemple d’analysedes sous-catégories constituant la catégorie jus concen-trés congelés. L’axe des ordonnées représente la part demarché du magasin par rapport au segment correspon-dant. L’axe des abscisses représente les résultats récentsdu magasin par rapport au reste du marché. Dans cetexemple, pour deux sous-catégories (les jus d’oranged’un côté, les punchs et les boissons fruitées de l’autre),non seulement le magasin détient une part de marchéplus faible que celle de ses concurrents, mais encore,chez lui, ces produits progressent moins vite qu’ailleurs.Au contraire, les cocktails de fruits et les autresmélanges affichent à la fois une part de marché et unecroissance supérieure à celle de la concurrence.

Le graphique contribution à la marge montre lerapport entre le chiffre d’affaires de chaque sous-caté-gorie et son niveau de marge brute. L’analyse rentabi-lité de la marge brute/capitaux investis mesure la

Le category management,nouvelle science de la distribution

Le distributeur qui adopte le category management doit s’attendre à transformerconsidérablement ses relations avec ses fournisseurs ou sa gestion des stocks.

Il doit aussi placer le consommateur au centre de ses décisions.Thomas W. Gruen estprofesseur assistant demarketing à la GoizuetaBusiness School, del’Emory University. Sestravaux portent, entreautres, sur le marketingde réseau, la gestion etl’évaluation de laclientèle, ainsi que surle categorymanagement.

Thomas W.Gruen

Il existe un consensus sur l’idée que lesprincipales difficultés du category manage-ment ne sont pas d’ordre technologique oufinancier, mais organisationnel. L’organisationde base et les habitudes des membres d’unefilière sont à revoir, ainsi que le savoir-fairedes personnes impliquées. Les entreprises dedistribution classiques se sont subdivisées ensections chargées de la commercialisation, desachats, de la promotion et de la fixation desprix, l’essentiel étant l’ensemble de savoir-fairefonctionnels nécessaires à la réalisation dechaque tâche. Le category management im-plique l’intégration de ces ensembles de sa-voir-faire pour chaque catégorie. A cette fin, ledistributeur doit non seulement modifier sastructure, mais aussi former le personnel autravail en équipe pour améliorer les résultatsd’une catégorie. La planification, en matièrede category management, se fonde sur desdonnées récentes, sachant que tout retard dans

l’application d’un plan rendra rapidement cesdonnées obsolètes. La mise en œuvre peut seheurter à une inertie structurelle classique dela part du distributeur, mais le category mana-gement inspire aussi souvent de la méfiance.Les distributeurs resteront sur leurs gardestant qu’ils n’auront pas vu les résultats. Aussifaut-il commencer par les convaincre en intro-duisant d’abord avec succès ce mode de ges-tion dans quelques catégories clefs.Les travaux que j’ai effectués montrent que leprocessus de planification est beaucoup plusdéveloppé que le processus de mise en œuvre.Pour surmonter les obstacles à la mise enœuvre, il faut un engagement total de la partde la direction du distributeur. Il faut égale-ment faire un travail considérable pour réo-rienter et former le personnel, en mettant enplace de nouveaux systèmes de mesure et derécompense calculés d’après les notes attri-buées par catégorie.

Obstacles à la mise en œuvre

IV Les Echos - vendredi 4 et samedi 5 juin 1999L’Art du Marketing

THOMAS W. GRUEN

Le processus de category managementFigure 1

Source : The Partnering Group

Examen des catégories

Définitiondes catégories

Mise en œuvrepar catégorie

Tactiquepar catégorie

Classementdes catégories

Rôledes catégories

Stratégiepar catégorie

Evaluationdes catégories

Page 5: l'Art du marketing - les Echos PwC

performance du stock du détaillant, indiquant le rap-port entre la rentabilité fondée sur la marge brute et larotation annuelle des stocks.

Chacun de ces graphiques, entre autres outils d’éva-luation, donne une idée précise d’un aspect de laperformance de la catégorie (et de ses composantes).Chaque graphique indique des possibilités d’améliorercette performance.

Les graphiques par quarts de la figure 2 indiquentque les performances de la sous-catégorie des mélangespourraient être meilleures moyennant une augmenta-tion des prix et une baisse des stocks. Dans lasous-catégorie jus d’orange, étant donné le nombreélevé de rotations indiquées par le graphique sur larentabilité de la marge sur les capitaux investis, ledétaillant qui a opté pour le category management doitpeut-être ajouter quelques SKU pour améliorer sacroissance et sa part de marché. Pour la sous-catégoriedes boissons fruitées et des punchs, il doit peut-êtreenvisager une politique plus agressive sur les prix etsupprimer certains SKU à faible rotation. Pour le choixde la tactique définitive (exemple : quels SKU ajouterou supprimer ?), il faudra faire une analyse par quartde ce type au niveau de la marque et du SKU.

l Classement des catégoriesCette opération sert à « noter » le category manage-

ment. Ce que l’on mesure dépend du rôle et desstratégies attribuées à chaque catégorie. Cependant, lescritères les plus couramment utilisés sont la part demarché, le chiffre d’affaires, la rentabilité du capitalinvesti fondée sur la marge brute et le résultat net. Lesnotes attribuées permettent d’organiser le processus decategory management et de définir les objectifs duresponsable.

l Stratégie par catégorieIl faut déterminer des stratégies de marketing,

d’offre produits et de services en magasin pour chaquecatégorie. Les stratégies typiques de marketing parcatégorie consistent en général à augmenter le traficdes consommateurs, renforcer les transactions, lacontribution au résultat, la génération de trésorerie,l’animation, à créer une image et à défendre « leterritoire ». Ces stratégies créent le marketing mix descatégories.

l Tactique par catégorieUne fois la stratégie choisie, il faut élaborer un plan

indiquant les tâches à accomplir pour chaque catégorie.Le plan porte à la fois sur les côtés offre et demande decette catégorie. Côté demande, on détermine l’assorti-ment de produits optimal, les prix, la présentation enrayon et la tactique de promotion, alors que, côté offre,il s’agit plutôt de l’approvisionnement et de la distribu-tion des produits.

l Mise en œuvre par catégorieAlors que le plan tactique met l’accent sur les tâches

à accomplir, le plan « mise en œuvre » précise qui doitexécuter le plan par catégorie, quand et comment. Ilprévoit notamment une affectation des tâches, uncalendrier et les ressources nécessaires.

l Analyse par catégoriePendant la réalisation du plan, la catégorie fait

régulièrement l’objet d’un suivi, de mesures et demodifications.

Décision fondée sur les faitsLe category management est considéré comme uneméthode « scientifique » de la distribution, parce qu’ilconsiste en un processus de prise de décision fondé surdes données et des faits. Cette méthode a pu sedévelopper grâce à l’informatique et aux systèmesd’aide à la décision mis au point par les consultants dusecteur. Elle a considérablement changé le rôle del’acheteur et du vendeur.

Le category management s’articule nécessairementautour de la base de données et dépend très fortementde l’analyse. Même l’évaluation par catégorie la plussimple, faisant appel à l’analyse Pareto pour le classe-ment des résultats ou du chiffre d’affaires en volumedes SKU d’une catégorie, nécessite des chiffres précissur les ventes en magasin. Les évaluations par catégorievisent à intégrer les données du magasin, celles dumarché (fournies par les services études). Elles com-prennent aussi les informations sur les consommateursfournies par les fabricants en vue d’identifier des« créneaux d’opportunité » pour augmenter le chiffred’affaires, le résultat et la rentabilité des capitauxinvestis.

La collecte, la standardisation, la gestion et l’analysede volumes de données aussi considérables à partir desources multiples nécessitent un engagement en maté-riel informatique, en logiciels et en personnel. Lecategory management transforme la masse des donnéesrecueillies par les lecteurs optiques du magasin eninformations utilisables. Le category management estdevenu bien moins complexe depuis que des pro-grammes existent pour intégrer ces diverses sources dedonnées et automatiser l’analyse fondamentale. L’ob-jectif est de réduire le temps nécessaire à l’étude d’unecatégorie et à la standardisation des informationsutilisées par les gérants. Ces programmes peuvent êtreobtenus auprès de consultants ou de producteurs debases de données, sachant que de grandes sociétés tellesque Procter & Gamble et Coca-Cola ont développéleurs propres outils d’analyse sur la base du modèleBest Practices Category Management de TPG.

L’un des résultats les plus importants de la méthodede « décision d’après les faits » est que le rôle del’acheteur dans le secteur de la distribution a changé. Laplanification par catégorie détermine l’assortiment, leslinéaires et la présentation des SKU de manière àsatisfaire au mieux le client d’après les informationsrecueillies. Ainsi, les modes d’achat traditionnels sontrelégués à un simple rôle de logistique : il s’agit deréduire au minimum les livraisons et les stocks enveillant à ce que les rayons restent toujours approvi-sionnés. Le category management élargit ces responsa-bilités dans une gestion totale des actifs d’une catégorie.

Une approche objectiveL’autre raison pour laquelle le category managementest considéré comme un mode de « distribution scienti-fique » est qu’il implique un partenariat entre distribu-teurs et fournisseurs. A cette fin, les uns et les autresdoivent examiner le marché à l’aide d’instrumentsobjectifs pour mieux servir le client. Auparavant,fournisseurs et distributeurs se considéraient plutôtcomme des adversaires. Pour lancer un nouveau pro-duit, mieux valait l’accompagner d’une bonne prime delancement, plutôt que d’insister sur sa capacité àrépondre aux attentes du consommateur. Les prixétaient davantage fixés en fonction de la marge bruteque du bénéfice réel. On procédait donc au petitbonheur la chance, essayant d’augmenter les margesplutôt que de fidéliser la clientèle.

Lorsque le fournisseur est considéré comme un« capitaine de catégorie », il doit faire preuve d’objecti-vité. Le distributeur le sélectionne pour la catégorieconcernée parce qu’il le considère comme le plus aptepour la gestion de cette catégorie. Le capitaine decatégorie définit avec le distributeur un plan pour lacatégorie, de A à Z, y compris les marques desconcurrents et celles de distributeur. En fait, le distribu-teur confie le sort de l’ensemble d’une catégorie à unfournisseur unique, modifiant ainsi le rôle fondamentalde la fonction de vente. Plutôt que de chercher à gagnerdes parts de marché au détriment des marques deconcurrents, le capitaine de catégorie cherche à bénéfi-cier de l’augmentation de la taille et de la performancede la catégorie, de sorte que toutes les marques (ycompris celle du capitaine) contribuent au bénéfice.

Toute tentative du capitaine pour « biaiser » lerapport ne ferait que nuire à la performance anticipéede la catégorie, ce qui se manifestera pendant laplanification stratégique. C’est en se fondant sur desdonnées objectives et en respectant les huit étapes ducategory management que l’on obtient le plan d’actionle plus à même de bâtir la catégorie pour le segment deconsommateurs cibles. La définition de la planificationstratégique se traduit souvent par la réduction dunombre des SKU pour le magasin. Le capitaine decatégorie doit rester objectif, même lorsque ses propresSKU sont éliminés. Les évaluations de catégories auxEtats-Unis et en Europe aboutissent en moyenne à larecommandation de réduire de 10 % à 15 % les SKUd’une catégorie (même si certains recommandentd’ajouter des SKU). Les études effectuées montrentqu’on peut éliminer (déréférencer) dans certaines caté-gories 25 % de SKU sans réduire la satisfaction de laclientèle. En fait, cette dernière devrait même augmen-ter, dans la mesure où il devient plus facile pour ledistributeur de garder en stock les articles les plusappréciés par le segment concerné. En outre, les achatsdeviennent plus faciles et moins déroutants pour lesconsommateurs. l

L’Efficient Consumer Response (ECR), ou réactionefficace au consommateur, est mieux connue commeinitiative du côté de l’offre, initiative par laquelle lesdistributeurs maîtrisent le niveau de leurs stocks et lesreconstituent de façon efficace. Le côté demande del’ECR, connu sous le nom de category management,est peut-être moins connu, mais il peut aussi êtredéterminant pour la réussite d’une stratégie commer-ciale. Dans cet article, Thomas Gruen ébauche, étapepar étape, la mise en œuvre du category management,expliquant comment il permet de compenser le partipris pour une marque chez les fournisseurs, demodifier la relation entre distributeurs et fournisseurset de se rapprocher du consommateur. Le categorymanagement peut donner un nouveau départ auxdistributeurs, mais il implique que les diverses fonc-tions intègrent leurs savoir-faire. Pour cette raison, unengagement sans faille de la part de la direction estessentiel.

Résumé

Les gestionnaires ont à leur disposition plusieursressources. Tout d’abord, le Joint Industry Projecton ECR a publié un rapport sur les meilleurespratiques de category management et un autre surl’assortiment efficace, tous deux rédigés par ThePartnering Group. Ces documents, ainsi que leursmises à jour et autres rapports connexes, peuventêtre obtenus auprès du Food Marketing Institutede Washington D.C. Des rapports similaires exis-tent pour l’Europe et peuvent être obtenus auprèsd’ECR-Europe. Le Food Marketing Institute apublié en outre cinq manuels de mise en œuvre decategory management, rédigés par Robert Blatt-berg, du Center for Retail Management à laNorthwestern University.

Les sources d’information

Les Echos - vendredi 4 et samedi 5 juin 1999 VL’Art du Marketing

Boissons et jus de fruit congelés (analyse par sous-catégorie)Croissance en part de marché

Figure 2

Part de marché

Part de marché

0,43

0,38

0,33

0,28

0,23

0,18

0,13

Produits qui stagnent

Produits qui stagnent

Point d'interrogation Créneau

Produits qui marchent bien

Jus d'orangeBoissonsfruitéeset punchs

Cocktails de fruits Autresmélanges

– 0,2 – 0,15 – 0,1 – 0,05 0 0,05 0,1 0,15

Contribution à la margeChiffre d'affaires en %

Marge brute en %

50

40

30

20

10

0

Produits générateurs de trafic

Point d'interrogation Produits soutenant les ventes

Produits qui marchent bienJus d'orange

Boissons fruitéeset punchs

Cocktails de fruits

Autresmélanges

28 29 30 31 32 33 34 35 36 37

Rentabilité de la marge brute sur investissementMarge brute en %

Rotation annuelle des ventes

32

36

40

42

28

24

20Produits générateurs de traficPoint d'interrogation

Produits qui marchent bien

Jus d'orange

Boissons fruitéeset punchs

Cocktails de fruits

Autresmélanges

10 15 20 25 30 35 40

Page 6: l'Art du marketing - les Echos PwC

n sait depuis longtemps qu’il fautadapter les produits et les servicesofferts aux besoins de chaque seg-ment de clientèle. Mais on nesonge pas assez à adapter les prixaux différents segments. Les en-Otreprises savent bien que la valeur

d’un produit n’est pas la même pour tous lesconsommateurs, mais trop peu d’entre elles entirent des conclusions systématiques. Trop sou-vent, la politique de prix est fondée uniquementsur les coûts, et les dirigeants se posent directe-ment la question : « Quel prix unique fixer pournotre produit ? », alors que les bonnes questionssont les suivantes :

− Quelle valeur chaque client attache-t-il per-sonnellement au produit ?

− Quelle politique de prix correspond-elle lemieux à la valeur attachée au produit par lesdifférents segments de consommateurs ?

Vendre à un prix unique est une bonne ap-proche quand les clients sont peu différents lesuns des autres. Si tous les clients potentielsvalorisent votre produit à 500 francs, un prix devente unique à 500 francs est très proche de lasolution optimale, et suffit amplement. En re-vanche, s’il ne s’agit que d’une valorisationmoyenne provenant de valeurs perçues très di-verses, un prix unique ignore ce potentiel dedifférenciation et gaspille une part considérabledes profits potentiels.

Une politique de prix efficace doit plutôtsegmenter les différentes catégories de consom-mateurs selon la valeur qu’ils accordent au pro-duit ou au service considéré. Cela peut se faire àl’aide de tarifs conçus pour que les clients atta-chant une valeur élevée au produit ne puissentbénéficier de l’offre destinée aux clients qui luiattachent moins de valeur. Pour prendre unexemple classique, un adulte est prêt à payer pluscher une place de cinéma qu’un étudiant, et onpeut en tirer parti en réservant le prix réduit auxétudiants ou aux moins de 25 ans. Plus générale-ment, on peut utiliser cinq techniques efficaces etinnovantes pour différencier les prix : 1) les tarifsmultidimensionnels, 2) les rabais sur quantité,3) les tarifs de groupe, 4) les offres groupées ou« bundling » et 5) les stratégies de gamme.

Cette variété de méthodes est nécessaire parceque les contextes de marché varient. Mais leprincipe est toujours d’augmenter les profits entenant compte de ce que chaque consommateurest prêt à payer.

Tarifs multidimensionnelsLe principe des tarifs multidimensionnels estd’introduire de nouveaux paramètres dans lecalcul du prix pour mieux s’adapter à la diversitédes consommateurs. Par exemple, au lieu deproposer du gaz en bouteille à un prix unique parkilo, un producteur introduit un prix de locationjournalier pour la bouteille en acier tout enbaissant le tarif du kilo de gaz. Il limite ainsi lescomparaisons directes avec ses concurrents quicontinuent de vendre le gaz uniquement au poids.De plus, la nouvelle structure de prix modifie lecalcul du coût par unité pour le client, puisqu’auprix du kilo de gaz il faut ajouter le coût delocation divisé par le nombre d’unités consom-mées pour obtenir le prix réel par unité. De cettefaçon, le producteur segmente les clients en lesdifférenciant selon leur taux de consommation :

les gros consommateurs paient moins par kilo. Onpeut pousser cette logique plus loin avec un prixau kilo d’autant plus bas que le client consommeplus. Le producteur peut proposer le même tarifinitial à tous ses clients, et la segmentation se faitautomatiquement sur la base de la consomma-tion. En fixant correctement les deux paramètresdu prix, le producteur ou le revendeur peutaugmenter ses profits de façon significative.

Les chemins de fer utilisent aussi depuis long-temps ce type de structure. L’abonnement « Fré-quence » de la SNCF permet ainsi de voyager endeuxième classe dans toute la France avec 50 %de réduction dans tous les trains contre l’achatd’une carte annuelle de 3.186 F. Le prix comporteainsi deux composantes distinctes : celui de lacarte et celui du voyage proprement dit. L’impor-tant est de baisser le coût marginal de transportau kilomètre, le seul qui comptera lors du choixdu moyen de transport pour un déplacement(voiture ou train). En Allemagne, la « Bahn-Card » introduite en 1993 a connu un succèsfulgurant et compte actuellement 3,5 millionsd’abonnés. Fonctionnant selon le même principede voyages à moitié prix moyennant l’achat d’unecarte annuelle, ce nouveau tarif a augmenté lechiffre d’affaires annuel de l’entreprise de plus de185 millions d’euros.

La détermination de chaque paramètre du prixrequiert bien sûr une analyse approfondie despréférences des clients et de la valeur qu’ilsattachent au produit. La mise en place de la« BahnCard » a nécessité l’interview de 4.000 usa-gers en utilisant des techniques sophistiquées demesure indirecte des valeurs d’utilité sur ordina-teur (« analyse conjointe »). Le coût d’une telleétude est largement justifié par les économiesengendrées.

Rabais sur quantitéIl s’agit de faire varier le prix unitaire selon laquantité achetée. Dans de nombreuses situations,le consommateur attache plus de valeur à lapremière unité du produit qu’aux unités sui-vantes. Considérons par exemple la politiquemise en place par une nouvelle salle de cinémaoffrant un écran géant panoramique et des effetsspéciaux (type Géode). Une carte délivrée gratui-tement lors de la première visite offre des réduc-tions pour l’achat d’autres tickets pendant lemême mois. La demande des consommateurs estmieux exploitée, puisque les gros clients poten-tiels bénéficient de tarifs plus attractifs que ceuxqui se satisfont d’une seule visite.

Ces deux premiers types de tarifs sont desexemples de tarifs non linéaires, où le prix payén’est pas proportionnel au nombre d’unitésconsommées. Les profits peuvent croître de 50 %,mais les réactions de la concurrence peuvent aussijouer un rôle critique, et doivent être anticipées etobservées avec soin.

Tarifs de groupeLe rabais, ici, dépend du nombre de clients achetantensemble. Le principe est que chaque membre dugroupe paie moins en moyenne qu’un consommateurisolé. L’explication est que le prix acceptable par lapremière personne est plus élevé que pour les autresmembres du groupe. Par exemple, un homme d’af-faires est prêt à payer 5.000 francs pour un voyageprofessionnel, alors que l’épouse qui l’accompagnen’est prête à dépenser que 3.000 francs. La compa-gnie aérienne a trois solutions. Elle peut fixer le prixdu vol à 5.000 francs, et ne transporter que l’hommed’affaires, fixer le prix à 3.000 francs et transporterles deux personnes, ou encore proposer 5.000 francspour la première personne et 3.000 francs pour ladeuxième (ou un lot de deux tickets pour8.000 francs). La troisième solution est la plusprofitable.

Ce type de tarif est très répandu dans les voyages,l’hôtellerie, les conférences ou autres activités com-parables. Cela nécessite des informations détaillées

sur les consommateurs et leur volonté de payer, à lafois pour l’individu et le groupe concerné. Enpratique, les améliorations de profit sont de l’ordrede 10 à 15 %.

Offres groupées ou « bundling »Il s’agit de proposer dans un même lot desproduits différents pour un prix inférieur à lasomme de leurs prix respectifs. Dans une straté-gie de lot pure, seul le lot tel quel peut êtreacheté, par opposition à une stratégie de lotsmixtes, où les produits peuvent aussi être achetésséparément. Ces techniques sont largement utili-sées dans l’agroalimentaire, l’automobile, le tou-risme (voiture ou train + avion), les télécommuni-cations ou l’informatique (l’« Office » deMicrosoft par exemple est une offre qui s’estrévélée extrêmement efficace). Dans le cas d’unconstructeur automobile, les options groupéespermettent de réduire considérablement les coûtsd’achat tout en simplifiant la logistique et l’as-semblage.

Les offres groupées se distinguent des autrestechniques de prix en cela qu’elles augmentent leprofit en réduisant les différences entre consom-mateurs. Il s’agit de trouver des combinaisons deproduits pour lesquelles la volonté de payer desconsommateurs est plus homogène que pour lesproduits pris individuellement. La volonté depayer pour un produit peut être reportée surd’autres produits. Comme pour les autres mé-thodes décrites plus haut, cette stratégie nécessiteune analyse précise des clients pour déterminers’il est préférable d’appliquer des tarifs séparés(sans lots), une stratégie de lot pure ou unestratégie de lot mixte. Au total, les offres grou-pées engendrent typiquement des améliorationsde profit allant de 15 à 25 %.

Stratégies de gammeLes grandes marques, de plus en plus exposéesaux attaques de produits « sans nom » ou desmarques de distributeur, peuvent riposter dedifférentes manières : mettre en place une straté-gie de prix bas permanents, baisser les prixtemporairement pour tenir en échec les concur-rents, introduire un nouveau produit moins cher,sous une deuxième marque, une marque géné-rique, une marque privée ou encore une marquede distributeur. Le plus important est de fixer unprix de façon à limiter la cannibalisation avec lamarque principale et à permettre de regagner desparts de marché face aux marques à bas prix.

Un fabricant de luminaires a choisi cette straté-gie face à la concurrence des produits chinois bonmarché. Il a lancé un produit 40 % moins cher queson produit traditionnel, de conception différente,moins bien emballé, vendu par une force de ventespéciale, dans des circuits séparés. La firme évitaitd’attaquer de front les produits chinois, se préser-vant d’une éventuelle guerre des prix. Au bout dedeux ans, cette stratégie, soigneusement conçue etmise en place, s’est révélée être un succès : 40 %du chiffre d’affaires du produit bon marchévenaient de la cannibalisation du produit d’ori-gine, mais 60 % avaient été gagnés sur les concur-rents chinois. L’entreprise a segmenté les clientsavec deux marques, pour maximiser ses profits.

Une politique de prix bien étudiée peut amélio-rer les profits de 20 à 50 % en exploitant lesdifférences entre les consommateurs. Cela im-plique d’étudier en profondeur la valeur que lesconsommateurs attribuent au produit. L’analyseconjointe est un outil particulièrement utile pourcalculer la valeur attachée par les clients auxdifférentes caractéristiques d’un produit ou d’unservice. Cela permet de mettre en place des tarifset des produits adéquats. Il faut aussi prendre soind’adapter la communication à la politique de prixadoptée : faire raisonner, par exemple, les clientsdes hôtels en termes de « réductions hors saison »plutôt que de « hausses en haute saison ». Mettreen place une politique de prix différenciés n’estpas toujours aisé. Mais, si elle est soigneusementétudiée, les espérances de gains sont considé-rables. l

Différenciez vos prix !Une politique de prix efficace peut améliorer les profits de 20 à 50 % en exploitant

les différences entre les consommateurs. Cela implique d’étudier en profondeur la valeurque ces derniers attribuent au produit ou au service considéré.

De nombreuses firmes emploient avec succès desstratégies de segmentation des produits et desservices. Mais la différenciation des prix peut êtreencore plus profitable : entre 20 % et 50 % deprofit en plus. Après une étude approfondie de lavaleur attachée au produit par les différents seg-ments de clientèle, il faut mettre en place unestratégie de prix différenciés. Les auteurs décriventcinq formes possibles de ces stratégies.

Résumé

Le professeur HermannSimon est président deSimon, Kucher& Partners Marketing& Strategy Consultants,dont les bureaux sontsitués à Bonn,Cambridge (Etats-Unis)et bientôt Paris.

HermannSimon

Robert Dolan estprofesseur à la HarvardBusiness School.

Robert Dolan

Gilles Laurent estprofesseur de marketingau Groupe HEC.

GillesLaurent

HERMANN SIMON, ROBERT DOLAN ET GILLES LAURENT

VI Les Echos - vendredi 4 et samedi 5 juin 1999L’Art du Marketing

Page 7: l'Art du marketing - les Echos PwC

ntrez dans un supermarché et vous ytrouverez toutes les marques natio-nales dont vous voyez les publicitésà la télévision ou dans les journaux.Vous remarquerez également queles marques de distributeur (MDD)Eoccupent une place croissante à leur

côté. Au départ, ces « marques de magasin »devaient concerner des produits destinés à desclients particulièrement attentifs aux prix. Lesclients plus aisés, appréciant et recherchant laqualité, étaient censés privilégier toujours lesproduits de marques nationales. C’était, dumoins, la conviction des grands distributeurs etdes fabricants.

Le développement spectaculaire des ventes demarques de distributeur a contraint les respon-sables des marques nationales à rapidementmettre en œuvre de nouvelles stratégies pourcontrer leurs assauts. Les marques nationales setrouvent dans une situation inconfortable : lesmagasins qui se lancent dans des programmes decommercialisation de leur propre marque sontégalement les principaux clients des marquesnationales.

A l’origine, les clients achetaient les marquesde distributeur pour des raisons économiques.Les grands distributeurs ont néanmoins constatéqu’ils achètent désormais ces produits parce qu’ilsestiment que leur qualité est comparable à celledes marques nationales. En outre, les prix desMDD sont généralement inférieurs de 10 à 30 %à ceux des marques nationales.

Par le passé, les marques nationales avaienttendance à se focaliser sur le consommateur et ànégliger le distributeur. Leurs responsables ontdésormais compris que le succès d’un produitdépend non seulement du fabricant, mais aussi duconsommateur et du distributeur. Les distribu-teurs et les fabricants de produits de marquenationale s’efforcent désormais de travailler encollaboration tout en se faisant concurrence.

Les marques de distributeur ont représenté13 % du volume des ventes des supermarchésaméricains en 1991. Bien que ce chiffre semblerelativement peu important, il représente 50 mil-liards de dollars. Il ressort de nos récentes étudesque les marques de distributeur sont, enmoyenne, 21 % moins chères que les marquesnationales. Dans de nombreuses catégories deproduits, les marques de distributeur dominent lemarché. Par exemple, plus de 50 % des ventes de

petits pois surgelés et de fromages à pâte dure sefont sous des marques de distributeur. Nousavons également remarqué que les distributeursdégagent une marge brute sur les marques dedistributeur de 20 à 30 % supérieure à celledégagée sur les marques nationales.

Les MDD ont obtenu de bien meilleurs résul-tats en Europe et au Canada qu’aux Etats-Unis.En Allemagne, par exemple, les ventes demarques de distributeur ont augmenté de 13 à23 % entre 1982 et 1990. Le tableau de lapage VIII présente un récapitulatif de la pénétra-tion des MDD par pays. On constate une trèsgrande différence qualitative entre les pro-grammes américains de commercialisation desmarques de distributeur et ceux élaborés enEurope. En effet, les marques de distributeureuropéennes offrent souvent une qualité et unchoix supérieurs aux marques de distributeuraméricaines. L’Europe et le Canada disposent degrandes chaînes nationales de distribution ali-mentaire dont la concentration est beaucoup plusimportante qu’aux Etats-Unis. Dans ce pays, parexemple, le plus grand magasin d’alimentation estKroger ; malgré sa taille importante − son chiffred’affaires annuel dépasse les 20 milliards dedollars −, il ne réalise que 6 % des ventes natio-nales de produits alimentaires. Toutefois, lesrécentes acquisitions et fusions effectuées dans lesecteur de l’épicerie pourraient laisser présagerque les Etats-Unis s’orientent vers le modèleeuropéen. A l’inverse, la suppression des bar-rières douanières sur le marché européen pour-rait entraîner le secteur de la distribution alimen-taire vers une situation similaire à celle desEtats-Unis avec des distributeurs régionaux déte-nant de petites parts du marché européen.

Notre étude montre qu’il existe un lien étroitentre les ventes de marques de distributeur et lasituation économique : lorsque les temps sontdurs, les consommateurs ont tendance à acheterdavantage les produits des marques de distribu-teur ; lorsque l’économie est forte, ils préfèrentles produits de marques nationales. Si l’on repré-sente sur un graphique la part de marché desmarques de distributeur et le revenu moyen desconsommateurs, on constate que la premièrebaisse lorsque les revenus augmentent et qu’elleaugmente lorsque les revenus baissent (voir lafigure ci-contre).

Nous avons également constaté que dans leszones à forte concentration de personnes âgées,de familles nombreuses ou de femmes actives, lesconsommateurs font très attention aux prix et onttendance à acheter des marques de distributeur.A l’inverse, dans les foyers à revenus élevés, lesconsommateurs sont moins attentifs aux prix etachètent moins de produits des marques dedistributeur. Toutefois, et ceci est fort intéressant,les consommateurs disposant d’un haut niveaud’études font généralement peu attention auxprix, mais achètent néanmoins beaucoup demarques de distributeur. Nous en déduisons queles consommateurs ayant un certain niveau d’ins-truction sont mieux informés sur les marques dedistributeur et savent que leur qualité peut êtrecomparable à celle des marques nationales.

Qualité et prixC’est la combinaison du prix et de la qualité quifait la différence entre les marques de distribu-teur et les marques nationales. Si les consomma-teurs ont tout d’abord recherché la qualité en netenant guère compte du prix ou, au contraire, desprix bas au détriment de la qualité − permettantainsi aux marques nationales de se concentrer surla qualité et aux marques de distributeur de sefocaliser sur les prix −, ils semblent vouloir désor-

mais obtenir des produits de grande qualité à desprix abordables. Ces consommateurs disposent deressources suffisantes pour acheter des produitsde marques nationales mais exigent des prixcorrespondant généralement à ceux des marquesde distributeur. Un véritable casse-tête pour lesfabricants et les détaillants.

Les marques nationales ont toujours fait de laqualité leur cheval de bataille. La qualité com-prend deux composantes : 1) le niveau moyen dequalité d’un produit comparé à un autre et 2) laconstance de la qualité d’un produit dans letemps. Les méthodes de fabrication jouent unrôle déterminant dans la qualité d’un produit.

Initialement, les marques nationales étaientlégèrement supérieures sur le plan de laconstance de la qualité des produits dans letemps. Or, de plus en plus, les fabricants demarques de distributeur peuvent égaler voire

Les MDD, menacepour les marques nationalesLes marques de distributeur ont connu ces dernières années un succès croissant auprès

des consommateurs. Quelle stratégie les marques nationales peuvent-elles adopterpour leur résister ?

Les marques de distributeur fleurissent. Ellesreprésentent plus de la moitié des ventes totalesde certaines catégories de produits, sont souventmoins chères que les marques nationales et per-mettent aux distributeurs de dégager des margesplus importantes. Ce qui est encore plus inquié-tant, pour les responsables de marques natio-nales, c’est que nombre de marques de distribu-teur rivalisent désormais sur le plan de la qualité.Stephen Hoch et Jagmohan Raju expliquent,dans cet article, que la meilleure stratégie pourles marques nationales consiste à promouvoiractivement leur image de qualité − à laquelle leconsommateur accorde davantage d’importancequ’au prix − tout en maintenant des prix compéti-tifs. Une marque nationale peut également ren-forcer ses activités publicitaires et promotion-nelles pour inciter les distributeurs à lui accorderplus de place dans ses rayons. Mais une marquenationale peut tout aussi bien inciter les distribu-teurs à participer à ses opérations de promotionet de marketing ; ces accords de partenariatrenforcent l’image de qualité des distributeurs etassurent une meilleure distribution des marques.

Résumé

Les Echos - vendredi 4 et samedi 5 juin 1999 VIIL’Art du Marketing

STEPHEN J. HOCH ET JAGMOHAN S. RAJUPart de marché des marques de distributeuret revenus disponibles des consommateurs

11

12

13

14

15

16

17

18 1,05

1,02

0,99

0,96

0,931970 1975 1980 1985 1990 1995

Part de marchédes marquesde distributeur

Revenusdisponibles

Part de marché des marquesde distributeur

Source : Sami. A.C. Nielsen. Department of Commerce, Bureau of EconomicAnalysis. Les revenus personnels disponibles sont corrigés selon la tendance.

Revenus disponiblesdes consommateurs

Page 8: l'Art du marketing - les Echos PwC

dépasser la qualité des produits des marquesnationales et garantir une qualité constante pourl’ensemble de leur gamme. De ce fait, les MDDdeviennent une réelle menace pour les marquesnationales dont elles deviennent les véritablesrivales.

Dès qu’un consommateur se rend compte quela qualité des marques de distributeur est compa-rable à celle des marques nationales et que cettequalité est constante, il n’hésite pas à laissertomber les marques nationales. Après tout, ilobtient ce qu’il veut à un prix qui, en moyenne,est 20 % moins cher. Bien sûr, les consommateursacceptent d’échanger la qualité contre un prixbas, mais seulement dans une certaine limite. Nosétudes ont en effet montré que le prix n’est pas unfacteur déterminant.

Un nécessaire partenariatLe succès croissant des marques de distributeurfait pencher la balance en faveur des distributeursau détriment des marques nationales. Mais toutn’est pas encore perdu pour les marques natio-nales.

Un des problèmes majeurs, pour les distribu-teurs, se pose lorsqu’ils doivent accorder uneplace restreinte en rayon aux produits de leurenseigne. Les marques nationales fournissent auxdistributeurs le matériel publicitaire et des opéra-tions de marketing sous la forme de bons deréduction ou d’autres promotions, alors que lesdistributeurs doivent assurer eux-mêmes la pro-motion de leur marque. Lorsque ces derniersdisposent de programmes efficaces de commer-cialisation de leurs produits, ils se servent souventde cet argument pour obtenir des marques natio-nales de meilleures conditions, de meilleurs prixou un meilleur approvisionnement. Les MDDpermettant aux distributeurs de dégager desmarges brutes plus importantes, les marquesnationales doivent offrir d’autres avantages pourgarder leur place en rayon.

Les marques nationales ont leurs propresmoyens de pression. Elles fournissent générale-ment une aide et contribuent à l’expansion dumarché, deux choses que les distributeurs nepeuvent pas se permettre de faire pour leurspropres produits. Les distributeurs qui ont leurspropres marques doivent assumer des responsabi-lités qui sont généralement prises en charge parles fabricants de marques nationales. Ils doiventainsi investir dans des stocks, des emballages, desprésentoirs, des opérations de promotion spé-ciales, et en publicité.

Les magasins d’alimentation commercialisentdes dizaines de milliers d’articles différents ; de cefait, il leur est impossible de gérer un programmede commercialisation pour chaque produit oupour chaque catégorie de produits de MDD. Ilsdoivent, par conséquent, concentrer leurs effortssur les produits qui leur garantissent à la fois unchiffre d’affaires et des marges brutes consé-quents. Les fabricants de marques nationalespeuvent rivaliser de manière agressive en renfor-çant leurs efforts publicitaires et promotionnels eten améliorant la qualité de leurs produits.

Les marques de distributeur ont tendance àavoir moins de succès lorsqu’elles sont en concur-rence avec beaucoup d’autres marques. C’est lecas, par exemple, du marché des shampooings, oùl’on compte plus de 1.100 produits différents,comparativement à celui du sel ou du sucre où il ya très peu d’offres concurrentes. Plus la variétéest grande et plus il est difficile pour une marquede distributeur de s’emparer d’une part impor-tante de marché. Le fabricant d’une marque

nationale examinera soigneusement son marché,recherchera en permanence des niches et étudierala manière dont son produit est perçu par lesconsommateurs.

Les consommateurs sont devenus très exi-geants, car ils sont beaucoup mieux informés. Ilsveulent un juste milieu entre la qualité et le prix.Le mot d’ordre dans le secteur du commerce dedétail est actuellement « valeur ». Les consomma-teurs sont capables de porter des jugements sur laqualité des produits et d’indiquer ceux qui garan-tissent la meilleure valeur. Lorsque les fabricantsde marques nationales ont clairement délimitéleur territoire et lorsqu’il existe plusieurs va-riantes d’un produit, les marques de distributeuront beaucoup moins de chances de réussir.

La publicité continue de jouer un rôle détermi-nant dans la création d’une marque forte et pourfidéliser les clients de leur côté. Les distributeursconsacrent beaucoup de temps et d’argent àfidéliser les clients de leur magasin. Les fabricantsde produits de marques nationales doivent deve-nir les partenaires de chaque distributeur et passimplement leurs fournisseurs. Ils peuvent nonseulement apporter une aide précieuse au distri-buteur en matière de marketing en projetant uneimage de qualité, mais aussi s’assurer que leursproduits sont vendus à des prix compétitifs, ce quipermet au distributeur de dégager une margehonorable.

En contact permanent avec leurs clients, lesdistributeurs peuvent modifier presque instanta-nément la gamme de produits qu’ils commerciali-sent ainsi que leurs présentations pour faire faceaux réactions de ces clients. Ils peuvent tirerprofit des promotions organisées par des marquesnationales pour pousser leur propre marque. Lesdistributeurs ont aussi un contrôle total sur lamise en rayon et la promotion des produits. Si unproduit se vend bien, le distributeur peut interve-nir immédiatement en donnant le petit coup depouce supplémentaire qui stimulera encore plusses ventes. S’il ne se vend pas, le distributeur peutle changer de place ou le retirer de la gamme desproduits qu’il commercialise. Les responsablesdes marques nationales doivent prendreconscience du pouvoir accru dont disposent lesdistributeurs et de la nécessité de travailler maindans la main avec eux.

Les résultats obtenus par les marques de distri-buteur se sont considérablement améliorés dansun segment en pleine expansion du commerce dedétail, celui des discounters comme Wal-Mart auxEtats−Unis. Si ces distributeurs poursuivent leurprogression agressive dans le secteur de la ventetraditionnelle des produits alimentaires et combi-nent cette progression à leur engagement enversles MDD, les marques nationales seront vraimenten danger. Ces dernières devront répondre rapi-dement à grand renfort de campagnes publici-taires et promotionnelles pour convaincre lesclients que la valeur qu’elles offrent est vraimentmeilleure.

Les distributeurs utilisent fréquemment lesmarques nationales dans leur publicité pour atti-rer les clients dans leurs magasins. Notre étudenous a permis de constater que les distributeursqui emploient ce genre de stratégie commerciali-sent davantage de produits de marques natio-nales, offrent un plus grand assortiment et ven-dent généralement moins cher que leurs

concurrents. Ces stratégies, bien évidemment,portent préjudice aux MDD. Ceci montre à quelpoint il est difficile pour un distributeur detrouver un juste équilibre pour maximiser sesrecettes et sa marge brute sur chaque catégorie deproduits.

Notre étude peut être utile à tous les secteursqui commercialisent des produits de marquesnationales et de marques de distributeur. Tantqu’il sera possible d’externaliser, les marques dedistributeur continueront de progresser au détri-ment des marques nationales. Le consommateurn’est pas toujours fidèle à une marque et latentation est forte d’en essayer d’autres.

Les fabricants de produits de marques natio-nales semblent, toutefois, disposer des ressourcesnécessaires pour créer de nouveaux produits ouaméliorer ceux qui existent beaucoup plus rapide-ment que ne peuvent le faire les fabricants deproduits sous marques de distributeur. La plupartdes marques nationales disposent de grands dé-partements de recherche, très sophistiqués, ainsique d’importants services de publicité et demarketing, ce qui constitue un avantage considé-rable.

Le prix n’est pas l’élément déterminant dusuccès − ou de l’échec − des marques de distribu-teur. La force de la marque est le principalobstacle à surmonter. Les marques nationaless’efforcent de démontrer leur qualité auxconsommateurs ; les MDD n’ont jamais eu cettepossibilité. Un sondage Gallup effectué en 1990 arévélé que 85 % des consommateurs considé-raient la qualité comme « très importante » dansleurs décisions d’achat, tandis que 73 % considé-raient le prix comme « très important ». Il ressortde ce sondage que la qualité est le seul critèred’achat vraiment déterminant pour la majoritédes acheteurs. Les marques nationales doiventdonc concentrer leurs efforts sur leur image dequalité, même si leurs prix deviennent plus com-pétitifs.

La meilleure stratégie de prix pour les distribu-teurs est de maintenir un écart de prix moyenentre les marques nationales et les marques dedistributeur. Si l’écart est trop important, lesventes de produits de marques nationales à margeélevée en souffrent et le distributeur renonce àdégager trop de marge sur les marques de distri-buteur, sans parvenir à en augmenter suffisam-ment les ventes pour compenser le déséquilibre.En outre, le distributeur ne gagne pas grand-chose en termes de meilleure image de prixpuisque celle-ci est véhiculée davantage par lesmarques nationales que par les marques dedistributeur.

Si l’écart est trop petit, les ventes de produitsde marques nationales augmentent, tandis quecelles des marques de distributeur diminuent aupoint de ne plus dégager aucune marge.

La leçon à tirer est la suivante : les fabricantsde produits de marques nationales et les distribu-teurs se trouveraient dans une bien meilleuresituation s’ils dépensaient moins d’énergie à riva-liser sur les prix. Les marques nationales de-vraient mettre en place une stratégie reposant surl’innovation, à grand renfort de campagnes publi-citaires et d’opérations de marketing afin desoutenir leurs produits ; quant aux distributeurs,ils devraient s’efforcer de mieux gérer leursmagasins et de conserver leurs clients fidèles. l

Les consommateurs recherchent de plus en plus desproduits de qualité supérieure à bas prix. Ceciouvre des horizons, non seulement aux marquesnationales qui ont toujours eu une avance sur leplan de la qualité, mais aussi aux marques dedistributeur qui, elles, ont une avance au niveau desprix. Comme la qualité réelle des MDD augmenteet que la façon dont elle est perçue s’améliore, il ya de fortes chances pour que de plus en plus declients choisissent ces produits.Une croissance relativement faible des dépenses enproduits frais et emballés, d’une part, et uneconsolidation constante dans le secteur alimentaire,extrêmement fragmenté, d’autre part, impliquentun renforcement de la concurrence et une diminu-tion des marges pour les distributeurs et les fabri-cants. Dans de nombreux pays, on s’oriente vers laconstitution d’un petit nombre de distributeurscontrôlant une part importante du marché ; cesdistributeurs sont ceux qui disposeront des res-sources pour mettre en œuvre avec succès desprogrammes de commercialisation de leurs propresmarques.Les marques nationales qui continueront d’existerseront celles dont les produits se distingueront de

ceux des marques de distributeur, c’est-à-dire cellesqui continueront à accroître leur valeur. La célèbreformule n’a jamais aussi bien convenu : résoudre unimportant problème avec un consommateur à l’aided’un produit de qualité supérieure et faire partensuite avec détermination des avantages offertspar le produit à grand renfort de publicité.Les marques nationales sont sur le point d’instaurerdes relations solides avec leurs clients-distributeurs.Cette tendance se poursuivra. Les distributeurssavent qu’ils ont besoin des marques nationales ets’efforceront, par conséquent, de maintenir debonnes relations avec leurs fournisseurs.Bien que le succès d’un programme de commercia-lisation de marques de distributeur dépende ducomportement du distributeur, les marques natio-nales pourront à l’avenir influer sur l’évolution desMDD. Plus les marques nationales permettront auxdistributeurs de faire des bénéfices, moins ceux-ciseront enclins à allouer des ressources à la promo-tion de leurs propres marques. Les responsablesdes marques nationales devront concentrer leursefforts non pas sur les prix, mais plutôt sur lesnombreux avantages qu’offrent leurs produits auxdistributeurs et aux consommateurs.

L’avenir

Source : AC Nielsen 1994.

Stephen J. Hoch estprofesseur de marketingà la Wharton School del’université dePennsylvanie. Sesétudes portentnotamment sur lastratégie du commercede détail, les systèmesd’aide à la décision et lecomportement desconsommateurs.

Stephen J.Hoch

Jagmohan S. Rajuenseigne le marketing àla Wharton School del’université dePennsylvanie. Sesrecherches portent surle mécanisme des prix,le commerce de détail etla publicitéinstitutionnelle.

Jagmohan S.Raju

VIII Les Echos - vendredi 4 et samedi 5 juin 1999L’Art du Marketing

PaysPart des marques

de distributeur(% unités)

Pop/km2% grandes surfaces

alimentaires(>3.000 m2)

Part de marchédes 3 principaux

distributeurs

Suisse 41,2 155 36 80....................................................................................................................................................................................................................................................Royaume-Uni 37,1 228 70 45....................................................................................................................................................................................................................................................Allemagne 21,8 225 40 47....................................................................................................................................................................................................................................................Canada 21,0 3 50 25....................................................................................................................................................................................................................................................Belgique 19,8 325 56 58....................................................................................................................................................................................................................................................Etats-Unis 17,6 25 70 17....................................................................................................................................................................................................................................................France 16,4 103 76 38....................................................................................................................................................................................................................................................Pays-Bas 16,3 363 31 47....................................................................................................................................................................................................................................................Danemark 15,1 118 37 77....................................................................................................................................................................................................................................................Suède 10,7 19 38 95....................................................................................................................................................................................................................................................Finlande 8,0 148 27 75....................................................................................................................................................................................................................................................Espagne 7,7 77 35 20....................................................................................................................................................................................................................................................Italie 6,8 19 26 11....................................................................................................................................................................................................................................................Autriche 6,3 91 26 56....................................................................................................................................................................................................................................................Norvège 5,0 13 19 86....................................................................................................................................................................................................................................................Irlande 3,6 50 53 43....................................................................................................................................................................................................................................................Portugal 2,3 113 43 41

Pénétration des marques de distributeur par pays

Page 9: l'Art du marketing - les Echos PwC

outes les statistiques le montrent : lesecteur des services représente lesdeux tiers au moins de l’économiemondiale. L’industrie des services en-globe les « services » au sens strict duterme (hôtels, restaurants, cabinets-Tconseils, etc.) , et des éléments

« mixtes » pour lesquels le cœur de l’achat peut êtreun produit, mais comportant un important élémentde service : par exemple, les concessionnaires auto-mobiles ou les courtiers en prêts hypothécaires.

En raison de l’intensification de la concurrence,les dirigeants d’entreprise cherchent de plus en plusà fournir une valeur ajoutée aux clients et àrenforcer leur avantage concurrentiel en offrant demeilleurs services à la clientèle.

La meilleure façon d’améliorer la qualité desservices offerts à la clientèle consiste à mieuxcomprendre leurs caractéristiques fondamentales.Les services ont tendance à être immatériels,produits et consommés simultanément, et hétéro-gènes. Chacune de ces qualités a des répercussionssur le marketing et la gestion du service à laclientèle.

Des biens immatérielsLe « service encounter » est souvent décrit commele résultat d’une interaction sociale permettant auconsommateur et au personnel concerné de sevaloriser l’un l’autre. Dans ce processus d’échange,le client est traité d’une manière qui peut êtreimmatérielle. L’immatérialité des services a denombreuses répercussions sur la gestion des entre-prises. On a, par exemple, suggéré que les publici-tés pour des services devaient comporter dessymboles ou des éléments tangibles, utilisés commedes signes concrets d’attributs abstraits, tel lerocher de la compagnie d’assurances américainePrudential pour symboliser la solidité.

Le principal thème traité par les études théo-riques sur l’immatérialité des services est celui deses effets sur l’évaluation, par les clients, desservices qui leur sont fournis. Plusieurs modèlesconceptuels de satisfaction des clients et de qualitédes services partent du principe que l’évaluation estune comparaison entre l’expérience réelle du clientet ses attentes : si l’expérience dépasse les attentes,les modèles prédisent une satisfaction. On estimeque les attentes avec lesquelles on compare lesexpériences sont issues d’informations transmisespar une société (par exemple, des publicités) ou pard’autres clients (le bouche-à-oreille).

En se fondant sur ces analyses, les universitairesessaient de concevoir d’autres modèles plus utili-sables. Le professeur Roland Rust, par exemple,conseille aux entreprises de quantifier « les retom-bées de la qualité » pour évaluer la rentabilitéfinancière des initiatives visant à améliorer leservice à la clientèle et la satisfaction des clients.Certaines mesures, ou certaines modifications ap-portées à la manière dont les services sont fournis,feront davantage plaisir aux clients que d’autresdécisions. Il s’avère par conséquent nécessaire dedéterminer les qualités qui, pour les clients, présen-tent de la valeur. Les sociétés doivent pour celaécouter ce que les clients ont à leur dire.

Les professeurs Eugene Anderson et Claes For-nell, de l’université du Michigan, ont commencé àdémontrer qu’il existe une relation prometteuseentre les indicateurs de satisfaction et les statis-tiques macroéconomiques telles que l’indice desprix à la consommation. Ces deux indices permet-tent d’évaluer la notion de bien-être économiquedes consommateurs, et le degré de satisfaction peutéventuellement servir à diagnostiquer l’état del’économie tout entière. Ces études montrent quel’interaction humaine toute simple et banale quirésulte des « service encounters » (la compétence etl’empathie des employés en contact direct avec lesclients) a des répercussions directes sur la perfor-mance d’une société et d’un pays.

Les universitaires commencent également à com-prendre que satisfaction et mécontentement ne

sont pas antagonistes. Le professeur Vikas Mittal,de la Northwestern University, a démontré que lasatisfaction et le mécontentement sont similairesdans la mesure où il s’agit de fonctions qui ne sontpas linéaires et dont l’augmentation ou la diminu-tion en valeur est logique (c’est-à-dire qu’elles sontmonotoniques). Ses études montrent égalementque, lorsque trop d’efforts sont déployés pouraccroître la satisfaction, l’effet obtenu peut aller àl’encontre de celui escompté. La satisfaction et lemécontentement sont toutefois différents dans lamesure où il semble plus important de réduire lemécontentement que d’améliorer des services dontles clients sont déjà satisfaits.

Depuis une dizaine d’années environ, on ne cessede répéter à tout le monde qu’acquérir de nou-veaux clients coûte plus cher que de retenir lessiens. Les études de Vikas Mittal montrent que leplus grand danger pour les entreprises est celui deperdre un client. Les entreprises doivent par consé-quent faire tout leur possible pour retenir leursclients. Au-delà des efforts déployés pour lesconserver, toutes les tentatives visant à satisfairedavantage les clients actuels sont inutiles et ne sontpas rentables. Il faut par conséquent segmenter laclientèle en fonction de ses seuils de mécontente-ment.

Les universitaires se rendent compte, par ail-leurs, que les évaluations de la qualité ou de lasatisfaction n’ont pas de répercussions sur la fré-quence des achats, la fidélité ou la façon dont lavaleur est perçue. La valeur est généralementdéfinie comme une sorte de comparaison entre laqualité, ou la satisfaction, et le prix (dont lescomposantes sont à la fois économiques et psycho-logiques). On attend un meilleur service lorsqu’onpaie le prix fort, tandis qu’un service de qualitémédiocre est toléré lorsqu’on lésine sur les prix : lesconsommateurs tiennent à la valeur globalelorsqu’ils achètent.

Un échange interactifLe consommateur participe souvent à la co-créa-tion d’un service, de sorte que la production et laconsommation des services nécessitent générale-ment sa présence. C’est pour cette raison que lesdirecteurs de marketing des services doivent tenircompte de l’environnement physique des ateliersde réparation et des employés qui contribuent à lacréation d’une séquence d’« instants de vérité »pour le consommateur.

Le client n’assiste généralement pas à la fabrica-tion d’un produit. L’usine, ses employés et lesdistributeurs n’ont pas d’influence immédiate sur lasatisfaction du client. Pour les services, en re-vanche, les clients se trouvent généralement là oùceux-ci sont « produits ». L’environnement phy-sique du système de prestation de services joue, parconséquent, un rôle déterminant dans l’apprécia-tion du client. Un bureau peut fournir des élémentstangibles à la qualité d’un service. Par exemple, uncabinet d’avocats peut donner l’impression que lesjuristes qui y travaillent sont brouillons et désor-donnés ou qu’ils sont au contraire extrêmementcompétents et que le cabinet peut se payer le luxede supporter d’énormes frais généraux.

Ce sont les distributeurs qui sont à l’origine de laséculaire remarque selon laquelle « l’emplacement,l’emplacement, l’emplacement » est ce qui compteavant tout. Il est vrai que l’accès est important. Ilimplique également que le magasin soit ouvert àdes heures qui conviennent à la clientèle.

La simultanéité de la production et de la consom-mation se cache derrière un autre aspect desservices : ils sont périssables. L’avion qui décolleavec des places vides ne pourra pas les récupérerpour un prochain vol.

L’approximation la plus exacte des stocks quepeuvent avoir les responsables des services, c’est lalongueur de la file d’attente. Mais si les détergents,

les chaussures de sport et les voitures se moquentbien d’être stockés pendant longtemps, les clients,eux, n’aiment pas attendre.

La rencontre du client avec le personnel chargédu service à la clientèle constitue un autre défi àrelever, plus difficile encore que celui de la simulta-néité de la production et de la consommation. Si unchef d’équipe d’une usine de produits chimiques estbougon, le client s’en moque éperdument. Ce n’estpas le cas, en revanche, si c’est le médecin traitant,ou le pharmacien habituel, ou la caissière, qui estde mauvaise humeur, car cette mauvaise humeur ades répercussions directes sur l’expérience duclient.

Les chercheurs, en s’appuyant sur leur expé-rience, sont de plus en plus convaincus que lasatisfaction de l’employé et celle du client sontétroitement liées. Les professeurs Leonard Schle-singer, Earl Sasser et James Heskett, de l’universitéde Harvard, répètent depuis longtemps que lasatisfaction des employés est un élément détermi-nant de la conservation de la clientèle.

Si les emplois sont intéressants, si la direction estsélective dans ses embauches et si elle sait êtregénéreuse sur le plan des rémunérations et de laformation professionnelle, les employés serontcompétents et fidèles.

La constance du personnel contribuera à rentabi-liser la société (moins de ressources seront consa-crées à l’embauche et à la formation profession-nelle) et à satisfaire les clients, puisque le personnelpourra s’appuyer sur toute son expérience. Mieuxinformé, le personnel renforcera la satisfaction desclients. Il y aura moins de défaillances dans lesservices, qu’il sera possible de personnaliser davan-tage. Il ne fait aucun doute que la conservation desclients qui en résulte améliorera la rentabilité grâceà la répétition des achats, au bouche-à-oreillefavorable à la société, ainsi qu’à la réduction desressources allouées au démarchage de nouveauxclients. En outre, la satisfaction des clients renfor-cera à son tour celle des employés : travailler avecdes clients satisfaits est une expérience profession-nelle gratifiante.

Le fait qu’une grande partie des services revêteun aspect interpersonnel, entre le client et leprestataire de services, incite les dirigeants d’entre-prise et les services de marketing à relever le défiqui leur est lancé. Aussi compétents et bien inten-tionnés qu’ils soient, les employés peuvent com-mettre des erreurs de jugement.

Les employés en contact direct avec les clientsjouent un rôle d’intermédiaires dans les relationsque les sociétés souhaitent instaurer avec leursclients. Or ils se plaignent souvent de jouer un rôle« usant » et de se retrouver fréquemment dans unesituation « conflictuelle » : ils souhaitent faire plai-sir à la clientèle, mais doivent respecter des règlesbureaucratiques, ou bien encore ils veulent faire dubon travail tout en espérant que le client s’en aille.

Le rôle des employés chargés du service à laclientèle est un thème abordé par le professeurKent Grayson, de la London Business School. Unélément important du professionnalisme de cesemployés consiste à jouer le rôle de prestataires deservices serviables quelle que soit leur humeur.

Une véritable relation ne peut s’instaurer entredeux personnes qu’à la suite de plusieurs ren-contres. Dans le cas d’une transaction type, réaliséeune seule fois sur le marché, on se rend compte que« le rôle du client » interagit avec « le rôle duprestataire de services ».

Des biens hétérogènesLe fait que les services soient co-créés par deuxêtres humains changeants et faillibles expliqueégalement pourquoi les services sont réputés hété-rogènes. Les prestations de services varient d’unclient à un autre et d’un employé à un autre, que cesoit dans différents magasins ou dans un seul etmême magasin. Les employés n’ont pas les mêmescompétences et ne réagissent pas de la mêmemanière envers les clients puisque ceux-ci sont très

Les règles d’or du serviceà la clientèle

Il faut savoir répondre aux besoins du client sans dépasser inutilement ses attentes,et surtout comprendre et gérer ses insatisfactions pour distancer la concurrence.

Dawn Iacobucci estprofesseur demarketing à la KelloggGraduate School ofManagement de laNorthwesternUniversity. Ses étudesportent sur lemarketing de serviceset les modèlesd’interaction dyadiqueet de réseau.

DawnIacobucci

Fournir un service de qualité àla clientèle est essentiel dans uncontexte de concurrence crois-sante. Dans cet article, DawnIacobucci examine les caracté-ristiques des services − leur im-matérialité, leur hétérogénéitéet le fait que leur production etleur consommation soient simul-tanées − et leurs implicationspour les dirigeants d’entreprise.Les questions portent sur lesstratégies permettant de gérer lasatisfaction et surtout le mécon-tentement des clients, l’impor-tance de la satisfaction des em-ployés et la valeur des garantiesde service. L’auteur reconnaîtque le meilleur conseil que l’onpuisse donner est de respecterscrupuleusement la règle d’or :« Ne fais pas à autrui ce que tune voudrais pas qu’on te fît. »

Résumé

Les Echos - vendredi 4 et samedi 5 juin 1999 IXL’Art du Marketing

DAWN IACOBUCCI

Page 10: l'Art du marketing - les Echos PwC

différents les uns des autres et que leurs besoins sonteux aussi extrêmement variés. L’hétérogénéité,comme le cholestérol, peut être bonne ou mauvaise.La bonne hétérogénéité, c’est l’opportunité, dans lecadre d’une interaction client-prestataire de services,de fournir un service personnalisé qui répondeparfaitement aux besoins du client. La mauvaisehétérogénéité, c’est l’erreur.

De la même façon que la variabilité sur le marchéest considérée comme financièrement risquée, lavariabilité des services incite les clients à les considé-rer comme des achats risqués. Si un ordinateur peutêtre fabriqué avec une précision infinie, un sushi, enrevanche, ne sera jamais préparé deux fois de lamême manière.

La garantie de service est un outil de marketingqui gagne du terrain chez les bons prestataires denombreux secteurs. Elle peut inciter l’acheteur àjuger moins risqué l’achat qu’il envisage et peutfournir des indications sur la qualité attendue duservice. Après tout, le client raisonne : comment unesociété peut-elle offrir une telle garantie, à moinsd’être sûre de ne pas devoir procéder souvent à desremplacements ou des remboursements ?

De nombreux aspects, à valeur ajoutée, du serviceà la clientèle peuvent être facilement copiés par lesconcurrents. Comme ces services supplémentairessont offerts par toutes les sociétés d’un mêmesecteur, ils ne permettent pas de distinguer les

concurrents entre eux. Les clients ont d’ailleurstendance à les considérer comme quelque chose detout à fait normal. Les attentes des clients augmen-tent et ceux-ci deviennent de plus en plus exigeants.

De prime abord, il semblerait que les concurrentspuissent facilement faire une offre de garantie deservice similaire. La distinction réside dans le faitqu’il n’est pas toujours facile de faire comme lesautres. Dans ce domaine, il ne suffit pas de dire« moi aussi », car le prestataire de services dont laqualité ne rivalise pas avec celle des produits duleader ne peut pas se permettre d’offrir une garantiequi soit compétitive. Les garanties permettent parailleurs à la société d’obtenir des informations enretour. Dans la grande majorité des cas, un clientnon satisfait du service qui lui a été fourni fera partde son mécontentement à ses amis, aux membres desa famille et à ses collègues de travail. Les dirigeantsde l’entreprise ne seront jamais tenus informés duproblème et ne pourront pas prendre de mesuresafin d’empêcher que de telles faiblesses se reprodui-sent à l’avenir.

La sagesse collective en matière de servicessemble être actuellement l’« empathie plus un ». End’autres termes : être sûr d’avoir une attitude bien-veillante envers le client et de pouvoir comprendreses réclamations et sa situation ; régler le problèmeet compenser (voire surcompenser) l’erreur par uneoffre gratuite.

Nous devons bien admettre, en tant que profes-seurs de marketing, que nous n’avons pas d’autresconseils à donner sur la fourniture des services queceux exposés dans cet article. Ils semblent se réduireà l’exhortation morale universelle : « Ne fais pas àautrui... ». D’ailleurs, si ce conseil était suivi, leservice à la clientèle s’en trouverait vraiment amé-lioré.

Quelles que soient les circonstances, les employésen contact avec le client doivent accomplir leurtravail avec professionnalisme et traiter celui-ci avecdignité. Les réclamations des clients aux sociétés deservices ne portent pas, pour la plupart, sur unedéfaillance du service lui-même ou sur son prix, maissur l’incompétence et l’attitude désagréable desemployés. Par exemple, un homme d’affaires quiprend régulièrement l’avion pourra très bien ne riendire en cas de retards dus aux conditions météorolo-giques ou à des problèmes techniques, alors qu’ilsera le premier à se plaindre si aucune explicationn’est donnée ou si le personnel est désagréable ouinsolent. Les clients peuvent, bien évidemment, êtreodieux. Mais le personnel doit apprendre à garderson calme et à ne pas donner le change.

De telles difficultés sont inévitables lorsque l’ontraite avec des êtres humains. Mais c’est précisémentce facteur « humain » qui rend les services si intéres-sants et qui fait tout le charme du management deses entreprises. l

a vente directe consiste à vendre et àfournir des produits à des particuliers,généralement à leur domicile ou sur leurlieu de travail, par l’intermédiaire d’uneforce de vente. Bien qu’il s’agisse de l’unedes plus anciennes méthodes de distribu-Ltion, elle a été évincée au profit d’autres

méthodes dans les économies les plus modernes.Ainsi, le développement de la fabrication en série et

de la publicité au début du XXe siècle a incité denombreuses sociétés de produits grand public à choisirdes réseaux de distribution de masse pour s’imposerplus facilement sur les marchés. Plus récemment, lacommercialisation en masse des produits par le biais decatalogues, de mailings et du téléphone (appeléeparfois « marketing direct ») a été facilitée par ledéveloppement des techniques modernes de gestiondes bases de données.

Aujourd’hui, les distributeurs ont acquis une tellepuissance qu’ils peuvent constituer des obstacles impor-tants, même pour les marques les plus établies. Lesconsommateurs, quotidiennement bombardés d’unnombre croissant de messages publicitaires, sont immu-nisés contre le tapage commercial dont ils sont abreu-vés à la télévision, à la radio, ou en se rendant à leurtravail. La vente directe est une méthode de distribu-tion moins vulnérable à certains problèmes liés auxcircuits de distribution traditionnels. C’est ce quiexplique, en partie, le succès remporté par plusieurssociétés de vente directe, comme Amway, Herbalife,Mary Kay, Betterware, Weekenders, Oriflame et Klee-neze.

A l’heure actuelle, les entreprises spécialisées dans lavente directe commercialisent chaque année des pro-duits de consommation représentant plus de18 milliards de dollars aux Etats-Unis, et plus de10 milliards de dollars au sein de l’Union européenne.Ces chiffres ont incité de nombreux chefs d’entreprise àconsidérer la vente directe comme le premier ou ledeuxième canal de distribution de leurs produits.

Individualisée ou globale ?Parmi les organisations de vente directe, on distingue lavente individualisée (one-to-one, relation un à un) et laméthode globale (one-to-many, relation un à plusieurs).

Dans le cas de la vente directe globale (vente par« organisation de réunion »), plusieurs clients et pros-pects sont invités à participer en groupe à des présenta-

tions de produits. Les participants sont souvent des amisou des connaissances de la personne qui organise laprésentation : ils s’intéressent aux produits présentés etapprécient aussi le caractère convivial de ces présenta-tions qui se caractérisent par leur style décontracté etleur ambiance bon enfant.

A l’inverse, les vendeurs qui optent pour la méthodeindividualisée présentent leurs produits non pas à desgroupes de clients, mais à des personnes individuellesou à des couples. A l’instar des réunions de vente, lesprésentations se font souvent au domicile du client, enparticulier si le vendeur démarche en porte-à-porte. Lesvendeurs en one-to-one fixent également des rendez-vous à divers endroits, restaurants, cafés ou lieu detravail.

Les sociétés de vente directe mettent généralementl’accent sur l’une de ces deux méthodes de vente. Lechoix est souvent conditionné par le type d’article àvendre. Par exemple, la vente globale est une excellenteméthode pour vendre des produits intéressants ouplaisants à présenter, comme les cosmétiques ou lessoins de la peau. Lorsqu’une ou deux personnesdécident de passer une commande lors d’une réunionde vente, il y a de fortes chances pour que d’autres enfassent autant.

La plupart des produits de la vie courante, comme lesarticles ménagers, seront vendus par des vendeurs enone-to-one et présentés sur catalogue plutôt que surdémonstration. La vente individualisée semble être plusappropriée aux articles relativement coûteux tels queles aspirateurs. En effet, les clients ont souvent besoind’être convaincus de manière plus personnalisée avantun achat onéreux.

Les compétences du vendeur jouent un rôle impor-tant dans le type de vente. Un vendeur qui sait adapterson « boniment » à chaque client préférera sans doute larelation un à un. Un autre, excellent démonstrateur,préférera probablement organiser des réunions devente à domicile, même si, d’après d’autres vendeurs, ils’agit de produits difficiles à présenter.

Niveaux unique ou multiples ?Une autre façon de distinguer les sociétés de ventedirecte consiste à examiner l’organisation de la direc-tion et de le contrôle des ventes.

Certaines sociétés − dites organisations de vente àniveau unique − ont un ou deux échelons de directeurs(par exemple, un directeur général des ventes et desdirecteurs régionaux) chargés de recruter, de former etde superviser les vendeurs. Les sociétés de vente directeà niveau unique fonctionnent comme de nombreusesorganisations de vente traditionnelles puisque leursstructures sont similaires.

Les organisations de vente directe « à niveaux mul-tiples », en revanche, dépendent de leurs vendeurslocaux pour recruter, former et encadrer la force devente. Les vendeurs acceptent volontiers d’assumer detelles responsabilités puisqu’ils perçoivent, en échange,des commissions sur les ventes réalisées par les collabo-rateurs qu’ils ont recrutés et sur les produits vendus parles vendeurs recrutés par ceux qu’ils avaient eux-mêmesrecrutés, et ainsi de suite. Les sociétés qui font appel àleurs vendeurs pour recruter et former du personnelrelèvent du « marketing de réseau ou multi-niveaux »puisque leurs vendeurs tirent profit des multiplesniveaux de vente qu’ils constituent.

De ce fait, les vendeurs des sociétés de marketing deréseau doivent généralement exceller dans l’argumenta-tion des avantages d’une ligne de produit comme dansla constitution de la force de vente qui la commercialise.Pour réussir, les vendeurs multi-niveaux doivent égale-ment disposer de compétences en matière de formationprofessionnelle et de gestion des ventes.

Bien que les vendeurs d’organisations à niveauunique puissent, à l’occasion, être récompensés pour lerecrutement d’autres personnes, ils ne le sont pas pourles ventes réalisées par les recrues des recrues.

Le point de vue du fabricantTout instrument de marketing présente des avantageset des inconvénients, et la vente directe n’échappe pasà ce principe. Ses avantages stratégiques dépendentdes objectifs de l’organisation ainsi que des pointsforts et des points faibles de ses ressources humaines.

Un fabricant de produits grand public ou unprestataire de services doit tenir compte de troiséléments fondamentaux lorsqu’il évalue les opportu-nités stratégiques offertes par la vente directe.

l Mettre en place la structure de venteLes consommateurs sont, de nos jours, toujours

plus sceptiques sur le contenu des messages publici-taires parce qu’ils sont harcelés quotidiennement.

Les avantages stratégiquesde la vente directe

Un contact privilégié avec les clients, une grande liberté en matière d’organisationdu travail et, surtout, une certaine indépendance qui permet de surmonter les coûts

de distribution : la vente directe possède plus d’un atout.

X Les Echos - vendredi 4 et samedi 5 juin 1999L’Art du Marketing

KENT GRAYSON ET RICHARD BERRY

Page 11: l'Art du marketing - les Echos PwC

Les spécialistes du marketing relationnel ontconstaté que même les enfants savent qu’il ne faut pasprendre les publicités pour argent comptant. Enrevanche, ces mêmes spécialistes ont constaté que lacommunication directe et le bouche-à-oreille repré-sentent souvent une source d’information plus cré-dible sur les produits, particulièrement lorsque l’inter-locuteur est déjà connu du consommateur.

Dans les organisations à niveau unique commedans celles à niveaux multiples, tout est fait pourinciter le client à recommander chaudement à sesamis les produits ou les services de la société. Ainsi,les sociétés de vente directe peuvent, de différentesfaçons, contrer les assauts des autres formes depromotion et de distribution. Certaines personnes,toutefois, sont mal à l’aise à l’idée que les relationssociales servent de base à l’instauration de relationscommerciales. Elles estiment que l’on tire profit del’amitié qu’elles entretiennent avec d’autres per-sonnes ou que l’on se sert de leurs relations person-nelles dans un tout lucratif. C’est en partie pour cetteraison que certaines personnes considèrent la ventedirecte comme une intrusion indésirable dans leur vieprivée.

Une récente étude de Wirthlin Worldwide a mon-tré que 42 % des Américains sont favorables à lavente directe. La moitié d’entre eux achètent desproduits à un vendeur direct qu’ils connaissent déjà.Les personnes opposées à la vente directe ont déclaréêtre préoccupées par les pressions auxquelles ellesrisquaient d’être soumises pour acheter.

Pour venir à bout de cette résistance éventuelle, lesvendeurs directs adoptent souvent une tactique diffé-rente de celle de la plupart des autres vendeurs. Enfait, nombre d’entre eux souhaiteraient ne plus êtreappelés « vendeurs », car ils se considèrent plutôtcomme des utilisateurs enthousiastes d’un produitdont ils souhaitent simplement faire partager lesavantages à des amis, comme ils leur recommande-raient un livre ou un film.

l Etablir des relations avec les clientsComme le montre le nombre croissant de pro-

grammes de fidélisation mis en œuvre au cours de cesdix dernières années, les directeurs du marketingaccordent de plus en plus d’attention à l’instaurationde relations durables avec les clients. Cette démarcheoffre, outre une réduction des frais de vente, lapossibilité pour une entreprise de mieux connaître sesclients et de leur proposer des produits qui répondentparfaitement à leurs besoins.

Toutefois, de nombreuses sociétés ne considèrentpas véritablement les consommateurs comme desclients à part entière et ne personnalisent pas réelle-ment les produits qu’ils offrent à chacun d’entreeux (1).

Le marketing relationnel ne consiste pas simple-ment à faire figurer le nom d’un consommateur sur unmailing ou à lui souhaiter un joyeux anniversaire lejour J. Il suppose une connaissance approfondie duconsommateur et une aptitude à adapter l’offre dumarché à ses besoins.

La vente directe offre aux sociétés la possibilitéd’instaurer de véritables relations. A la différence desspots publicitaires télévisés et des mailings, les ven-deurs peuvent interagir avec les clients, c’est-à-direqu’ils écoutent et répondent à leurs besoins et leursdésirs. Leur position privilégiée leur permet égale-ment d’entretenir un contact régulier avec les mêmesclients.

Cette combinaison d’interactivité et de rencontresrépétées permet aux vendeurs de passer du stadethéorique à la mise en pratique du marketing relation-nel. Une récente étude sur les vendeurs de sociétés demarketing de réseau choisis par la London BusinessSchool et la Direct Selling Association (associationbritannique de vente directe) a permis de démontrerqu’il existe un lien étroit entre la valeur des relationspersonnelles instaurées par un vendeur et sa réussiteen tant que vendeur.

Malheureusement, le taux de rotation du personneldes sociétés de vente directe est élevé (bien qu’il nesoit pas plus élevé que dans certains établissements devente au détail traditionnels). De nombreuses sociétéscompensent cet inconvénient en utilisant des bases dedonnées pour aider leurs vendeurs, mais aussi pourassurer le suivi des clients dont le vendeur attitré aquitté la société.

l Force et maîtrise du circuit de distributionComme les fabricants de produits de consomma-

tion le savent pertinemment, les distributeurs ontacquis une taille et un pouvoir considérables au coursdes dix dernières années. Nombre de grandes en-seignes sont devenues de véritables marques à partentière et disposent de méthodes de marketingsophistiquées ainsi que de leurs propres catégories deproduits ou de services.

A l’heure actuelle, ce sont les fabricants qui doiventfaire des concessions − telles que des remises ou desristournes − pour que leurs produits soient commer-

cialisés dans les magasins. Les petits producteurs sontnombreux à ne pas pouvoir faire face aux demandesde volumes importants de ces magasins et ne sont pas,par conséquent, en mesure de les approvisionner.

Les distributeurs refusent souvent de vendre unnouveau produit ou une nouvelle marque lorsqu’ilspeuvent réaliser des bénéfices plus élevés en consa-crant leur espace de vente à des marques plusconnues. Pour convaincre les distributeurs du succèsfutur d’un produit auprès des consommateurs, lessociétés devront souvent réaliser de coûteuses cam-pagnes publicitaires. Nombreux sont les fabricants quidoivent encore accorder aux distributeurs des« primes de référencement » pour obtenir que leursproduits soient mis en rayon.

On comprend aisément pourquoi beaucoup d’orga-nisations − notamment les sociétés nouvellementconstituées − n’ont pas les moyens financiers ni lescapacités de production nécessaires pour attirer l’at-tention des grands distributeurs. La vente directe estun moyen pour elles de surmonter les coûts et lesobstacles liés à la grande distribution.

Comparée à la gestion des relations avec lesdistributeurs, la gestion d’une société de vente directesoulève des problèmes un peu différents en matièrede pouvoir et de contrôle. En effet, le champ de lagestion des ventes directes est, par de nombreuxaspects, beaucoup plus important. Une société enca-drant une centaine ou un millier de vendeurs n’a pasbesoin des mêmes compétences et des mêmes sys-tèmes que celle qui traite avec une dizaine ou unevingtaine de grands acheteurs.

Par ailleurs, comme les vendeurs au détail travail-lent sur place, ils peuvent être encadrés et dirigés plusfacilement que les vendeurs directs. Ces problèmessont encore plus visibles dans le cas des sociétés devente directe de marketing de réseau où les vendeurssont des travailleurs indépendants et non des salariés.

De nombreuses sociétés de vente directe s’effor-cent d’encadrer leurs forces de vente en concevantdes programmes standardisés de formation profes-sionnelle, et en organisant des réunions de vente oudes stages de formation. Néanmoins, il n’en demeurepas moins une plus forte variabilité dans la commer-cialisation et la vente d’un produit que dans le cas desautres forces de vente. Ce qui peut constituer unavantage dans la mesure cela permet aux vendeursdirects de personnaliser les offres. Mais les sociétés devente directe craignent alors que les vendeurs com-mercialisent les produits d’une manière qui va àl’encontre de la stratégie de l’entreprise ou qui estcontraire à la déontologie professionnelle.

Le point de vue des vendeursComme les sociétés de vente directe dépendent trèslargement de leurs vendeurs, elles ne peuvent réussirque si elles parviennent à susciter un véritable intérêtauprès de futurs vendeurs. Heureusement, elles atti-rent beaucoup de personnes ; elles offrent notammentbeaucoup des avantages liés à la création d’uneentreprise, sans en avoir les nombreux inconvénients.

l Peu de frais d’établissementDevenir un vendeur direct nécessite peu de moyens

financiers. Puisque ni magasin ni personnel ne sontnécessaires, les vendeurs directs n’ont pas à s’inquié-ter de payer un loyer ou des salaires. En outre, il n’estpas indispensable d’avoir des stocks importants. Unnouveau vendeur direct achètera généralement lestrict minimum, c’est-à-dire ce dont il a besoin pourses essais personnels et les démonstrations de pro-duits.

Au Royaume-Uni, les dispositions légales relativesà la vente directe interdisent aux sociétés de deman-der un apport initial de plus de 200 livres. Denombreux kits d’établissement coûtent même moinscher. La plupart des sociétés de vente directe fournis-sent, par ailleurs, à leurs vendeurs le matériel decommercialisation, qui doit souvent être acheté, maisà un prix généralement inférieur aux coûts de produc-tion. Le revers de la médaille est que ces fraisd’établissement peu élevés vont souvent de pair avecun engagement initial moindre. En effet, certains nedeviennent pas membres d’une organisation de ventedirecte par choix professionnel, mais uniquementpour arrondir leurs fins de mois à court ou moyenterme. Une entrée facile et un faible apport ont pourcorollaire un départ encore plus facile. D’où une forterotation des effectifs. Dans la plupart des sociétés devente directe, conserver une force de vente d’unmillier de collaborateurs équivaut à recruter entre1.000 et 1.300 nouveaux par an. Pour les sociétés quivendent des produits très onéreux, ce nombre peutatteindre 4.000 personnes.

l IndépendanceBien que les nouvelles méthodes de travail comme

le télétravail et le partage de poste permettent unecertaine souplesse aux salariés d’une entreprise, ellesn’offrent pas autant de liberté personnelle que lavente directe. Les vendeurs directs peuvent travailler

à temps partiel ou complet. Ils décident des jours etdes heures qui leur conviennent le mieux. Personnen’est là pour contrôler leur journée de travail.

Plus que n’importe quelle autre forme d’activité, lavente directe est susceptible d’attirer des personnesqui n’ont pas l’intention de faire de la vente à pleintemps. Par exemple, nombre de personnes utilisent lavente directe pour accroître leurs revenus. D’autresencore, comme les parents au foyer, exercent la ventedirecte à temps partiel en tant qu’activité secondaire.

L’étude LBS-DSA mentionnée précédemmentmontre que les vendeurs directs des sociétés demarketing de réseau ne consacrent, en moyenne, que10 à 15 heures par semaine à leur activité. Elle montreégalement que les vendeurs les plus performantstravaillent, en moyenne, 40 heures par semaine, maisils sont rares. Ces chiffres supposent que les sociétésde vente directe doivent recruter beaucoup plus decollaborateurs que les autres organisations de vente.Si tous les nouveaux collaborateurs ne travaillent qu’àmi-temps, il faudra deux nouvelles recrues pourcouvrir le marché et accomplir le travail d’un vendeurà plein temps.

l Accès facile à la formation et à l’assistanceLes personnes qui créent leur propre affaire sont,

par définition, extrêmement motivées. Elles doiventassurer leur formation et être leur propre conseil.Elles doivent apprendre en tâtonnant, et donc sup-porter le poids de leurs erreurs. Et souvent, elles nepeuvent compter que sur elles-mêmes pour affronterles situations difficiles.

Les vendeurs directs doivent, eux aussi, être moti-vés, mais ils bénéficient des systèmes mis en place parles entreprises dont ils vendent les produits. A l’instardes franchisés de marques connues, les vendeursdirects doivent suivre des stages de formation organi-sés par la société. On leur demande (du moins, audépart) de respecter des systèmes préétablis degestion d’entreprise, qui « déqualifient » le processusde vente.

Dans les organisations de vente directe à niveauunique, les vendeurs sont dûment encadrés par uncollaborateur de la société. Dans les organisations àniveaux multiples, les vendeurs sont recrutés par unparrain, qui perçoit une commission sur les ventesréalisées par ses recrues ; il a donc tout intérêt à lesencadrer, à les motiver et à les former correctement.Les vendeurs − du moins ceux des organisations àniveaux multiples − semblent tirer le meilleur profitdes possibilités de formation qui leur sont offertes. Ilressort de l’étude LBS-DSA que 20 % seulement despersonnes interrogées n’ont pas suivi de stage deformation au cours de l’année précédente, tandis que40 % ont participé à un stage tous les deux mois.

En outre, ces stages sont bénéfiques. Selon l’étude,il y a un lien étroit entre le nombre d’heures deformation et la rentabilité des vendeurs.

Il est toutefois surprenant de constater que l’exis-tence d’un contrôle organisé au sein des sociétés devente directe les place parfois dans une situationdélicate. Démarrer une nouvelle affaire ou lancer unnouveau produit est toujours risqué et la plupart deces opérations échouent, même avec le soutien d’unegrande société. Lorsqu’un entrepreneur échoue, il nepeut s’en prendre qu’à lui-même. En revanche,lorsqu’un vendeur direct échoue, la société ou sonsuperviseur sont des cibles faciles, même si l’échec aété causé par l’incapacité de l’individu à vendre, à semotiver, à s’organiser ou à gérer son temps. Commedans les organisations de vente traditionnelles, lesmauvais résultats d’un vendeur direct peuvent êtreimputés à une carence dans l’encadrement ou à uneformation professionnelle inappropriée. l

(1) Lire l’article de Susan Fournier, Susan Dobsha et DavidGlen Mick dans le numéro de janvier-février 1998 de la « HarvardBusiness Review ».

Kent Grayson estmaître de conférencesen marketing à laLondon BusinessSchool. Ses étudesportent sur lesquestions d’authenticitéet de supercherie enmarketing, et sur lemarketing en réseau(« la ventepyramidale »).

KentGrayson

Richard Berry estl’ancien directeurgénéral d’une grandesociété britannique devente directe. Il estactuellement directeurde la Direct SellingAssociation. Il estégalement l’auteur del’ouvrage intitulé« Direct Selling : FromDoor-to-Door toNetwork Marketing »(ButterworthHeinemann).

RichardBerry

Rien qu’aux Etats-Unis, les sociétés de vente directeréalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à18 milliards de dollars. Kent Grayson et RichardBerry décrivent ici plusieurs structures organisation-nelles existant sur le marché et présentent leursavantages et inconvénients. Les sociétés peuventconstituer une force de vente « à niveau unique » oùles dirigeants supervisent les vendeurs, ou une forcede vente « à niveaux multiples » où les vendeurslocaux sont chargés du recrutement et jouent unrôle de superviseur. Les vendeurs peuvent, à leurtour, adopter une méthode de vente individualisée,c’est-à-dire destinée à un seul prospect, ou globale,c’est-à-dire destinée à plusieurs prospects à la fois.La vente directe offre aux sociétés la possibilitéd’établir des relations étroites avec leurs clients etd’exercer un contrôle direct sur la distribution ;quant aux vendeurs, ils retirent certains avantagesliés à la création d’une société sans en supportertous les risques.

Résumé

Les Echos - vendredi 4 et samedi 5 juin 1999 XIL’Art du Marketing

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