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L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques ! ! L’éducation des filles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

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  • L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

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    Organisationdes Nations Unies

    pour l’éducation,la science et la culture

  • L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

    Organisationdes Nations Unies

    pour l’éducation,la science et la culture

  • Les appellations employées dans cette publication et la présentation des données qui y fi gurent n’impliquent de la part de l’UNESCO ou des organismes partenaires de l’UNGEI aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.

    L’auteur est responsable du choix et de la présentation des faits fi gurant dans ce document ainsi que des opinions qui y sont exprimées, lesquelles ne sont pas nécessairement celles de l’UNESCO ou de l’UNGEI et n’engagent pas l’UNESCO ou les organismes partenaires de l’UNGEI.

    Publié en 2005par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture7 place de Fontenoy, 75352 PARIS 07 SP

    photo couverture : © UNICEF OLS/2004/BonnDes villageoises de Pandit (Sud du Soudan) passent la tête par la fenêtre de la classe où étudient leurs fi lles. Près de 90 % des femmes du Sud du Soudan sont analphabètes.

    © UNESCO 2005Imprimé en FranceED-2005/WS/71 //cld 25264

  • Table des matières

    Acronymes et sigles 5

    Avant-propos 7

    Résumé du rapport 9

    1. Introduction 13

    2. Défi nir le problème : parité, égalité et équité entre les sexes 23

    • Clarifi er les concepts 23• Vers l’égalité entre les sexes : les implications opérationnelles 27

    3. Faire progresser l’égalité entre les sexes : les enseignements d’une bonne pratique 31

    • Diffi cultés et chances pour l’éducation des fi lles 31• Les leçons de l’expérience sur les conditions favorisant les bonnes pratiques 37

    4. Développer l’éducation des fi lles 43

    • Conceptualiser la « mise à l’échelle » pour l’éducation des fi lles 43• Pourquoi devons-nous « mettre à l’échelle » ? 47• Comment « mettre à l’échelle » : partenariats globaux, nationaux et locaux 47• Les divers types de « mise à l’échelle » 50

    5. La « mise à l’échelle » : leçons et défi s 59

    • La « mise à l’échelle » : leçons tirées, leçons à suivre 59• « Mises à l’échelle » : les conditions à remplir pour un passage effi cace

    des projets aux programmes et aux politiques 62

    • Les obstacles à la « mise à l’échelle » : avantages et inconvénientset limitations politiques des efforts visant à réformer les secteurs de l’éducation et à généraliser l’égalité entre les sexes 70

    6. La « mise à l’échelle » de l’égalité entre les sexes dans l’éducation : comment opérer la transition à partir de l’enseignement féminin ? 77

    Références 88

  • Le présent document a été préparé par Ramya Subrahmanian, de l’Institute for Development Studies de l’Université du Sussex (Royaume-Uni), en collaboration avec le Point focal sur le genre du Secteur de l’éducation de l’UNESCO, pour le compte de l’UNGEI.La Banque mondiale a apporté un généreux concours à cette publication par l’intermédiaire du Fonds norvégien pour l’éducation.

  • Acronymes et sigles

    CAMFED Campagne en faveur de l’éducation des fi llesCBO Organisations communautairesCEDAF Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination

    à l’égard des femmesCOE Centre d’excellenceDFID Department for International Development (Département du développement

    international) (Royaume-Uni)DISE District Information System for EducationDPEP Programme d’enseignement primaire de districtDSRP Document de stratégie pour la réduction de la pauvretéEPPE Education et protection de la petite enfanceEPT Education pour tousEPU Enseignement primaire universelFAWE Forum for African Women Educationalists (Forum des éducatrices africaines)FMI Fonds monétaire internationalFSSS Female Secondary Scholarship SchemeGENIA Réseau pour l’égalité entre les sexes dans l’éducation en AsieIMOA Initiative de mise en œuvre accéléréeIPS Indice de parité entre les sexesMEF Mouvement pour l’éducation des fi llesMS Mahila SamakhyaMTEF Cadre de dépenses à moyen termeOMD Objectifs du Millénaire pour le développement ONG Organisation non gouvernementalePAGE Programme for the Advancement of Girls’ EducationPDEP Programme de développement de l’enseignement primairePMIS Système d’information sur la gestion des projetsRGBI Rwanda Gender Budgeting InitiativeSGB School Governing BodySGS Système de gestion sexospécifi queSSC Secondary School Certifi cateSWAP Sector-Wide Approach (Approche sectorielle)TBS Taux brut de scolarisationTNS Taux net de scolarisationUNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la cultureUNGEI Initiative des Nations Unies pour l’éducation des fi llesUNICEF Fonds des Nations Unies pour l’enfanceVIH/sida Virus de l’immunodéfi cience humaine/Syndrome d’immunodéfi cience acquiseWEF Forum mondial sur l’éducation

  • Avant-propos

    Les réalités sont « têtues », et le fait demeure que les fi lles continuent à cons-tituer la majorité des enfants non scolarisés et les femmes la majorité des adultes analphabètes dans le monde. Tant que cette situation demeure, les Objectifs du Millénaire pour le déve loppement (OMD) et l’Education pour tous (EPT) sont en péril.

    L’Initiative des Nations Unies pour l’éducation des fi lles (UNGEI) a été lancée au Forum mondial sur l’éducation qui s’est tenu à Dakar (Sénégal) en avril 2000. L’UNGEI a pour objectif de faire prendre conscience de l’impor-tance de l’éducation des fi lles et de susciter pour cette tâche cruciale, des soutiens à l’échelon national, régional et international. Cet effort consiste notamment à préconiser l’accroissement des investissements dans l’éducation des fi lles et à informer les décideurs sur ce qui fait obstacle à une pleine participation des fi lles à l’école et à la société et sur les efforts pratiques les plus effi caces pour remédier à cette situation.

    La présente publication est un exemple parmi d’autres des actions que mène l’UNGEI. Elle a son origine dans deux réunions techniques sur la « mise à l’échelle » des bonnes pratiques dans l’éducation des fi lles. La première réunion, tenue à Nairobi (Kenya) en juin 2004, était consacrée à l’Afrique subsaharienne ; elle était le fruit d’une collaboration entre un certain nombre de partenaires de l’UNGEI, notamment le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), la Banque mondiale, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le Forum des éducatrices africaines (FAWE), la Banque africaine de développement et le Secrétariat des pays du Commonwealth. La seconde réunion, analogue à la première, avait été organisée par le Secrétariat des pays du Commonwealth en Asie du Sud et s’était tenue à Chandigarh (Inde) en septembre 2004. Les questions les plus importantes ont été également discutées à une Consultation ministérielle organisée à l’occasion de la Conférence interna-tionale sur l’éducation de l’UNESCO, tenue à Genève en septembre 2004.

  • 8 L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

    La présente publication constitue un excellent exemple du partenariat de l’UNGEI. Attestant que l’UNGEI est un cadre précieux pour le partage des expé-riences et le renforcement de la collaboration Sud-Sud, ce rapport présente une large gamme d’exemples réussis d’interventions à petite échelle dans le domaine de l’éducation des fi lles, et il met également en lumière les conditions préalables à remplir pour « mettre à l’échelle » les expériences de ce genre.

    Si les bonnes pratiques en matière d’éducation des fi lles ne sont pas dûment « mises à l’échelle », la réalisation de l’objectif de 2005 pour la parité entre les sexes, de l’objectif de 2015 pour l’égalité entre les sexes et des autres objectifs du Millénaire pour le développement et de l’Education pour tous (des OMD et de l’EPT) sera davantage encore menacée. Cela exige qu’on analyse et qu’on comprenne bien ce qui favorise l’égalité entre les sexes et la réforme de l’édu-cation, qu’on tire les leçons des projets et des politiques qui ont donné de bons résultats et qu’on les reproduise ailleurs, compte dûment tenu de la dynamique sous-jacente du changement social et éducatif.

    Une éducation fondée sur l’égalité n’est pas un rêve inaccessible, mais une perspective réalisable. La présente publication nous aide à comprendre ce qu’il faut faire et comment il faut le faire.

    Koïchiro Matsuura Ann M. Veneman Directeur général Directrice générale de l’UNICEF de l’UNESCO Organisation chef de fi le de l’UNGEI

  • Résumé du rapport

    La présente publication est centrée sur les questions essentielles à prendre en compte et sur les stratégies à mettre en place afi n d’atteindre les cibles internationales et les objectifs nationaux pour universaliser l’accès des fi lles à l’éducation, leur rétention à l’école et la réalisation d’une éducation de qualité. Le droit de tous les enfants à une éducation sans discrimination et d’une qualité suffi sante pour leur permettre de participer pleinement à la société est un objectif sur lequel ont insisté tous les grands traités sur les droits uni-versels et toutes les réfl exions sur le développement de l’époque mo derne. C’est ainsi que la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’ensei-gnement (1960) et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAF – 1979) ont défi ni la discrimination dans de nombreux domaines, dont l’éducation, comme une violation des droits universels. La Convention relative aux droits de l’enfant (1989) a fait de la promotion de l’enseignement primaire gratuit et d’une éducation de qualité une obligation pour les gouvernements vis-à-vis des enfants et des adolescents jusqu’à l’âge de 18 ans.

    Les arguments en faveur de la promotion des droits universels et de l’égalité entre les sexes dans l’éducation ont reçu un nouvel appui dans des documents internationaux plus récents. L’éducation des fi lles et des femmes a trouvé une place de choix dans ces réfl exions internationales sur les priorités du développement. Deux objectifs défi nissent les secteurs qui doivent faire l’objet d’une attention prioritaire en ce qui concerne les questions de genre dans l’éducation. Il s’agit : (a) d’éliminer les disparités fondées sur le genre dans l’enseignement primaire et secondaire d’ici à 2005 ; (b) de réaliser l’égalité entre les sexes dans l’éducation d’ici à 2015. Ces objectifs ont été formulés à partir de la Conférence mondiale sur l’Education pour tous (EPT), qui s’est tenue à Jomtien en 1990, et élargis au Forum mondial sur l’éducation (WEF), tenu à Dakar en 2000, qui lui a fait suite. Ils trouvent un soutien dans l’Objectif du Millénaire pour le développement (OMD) pour l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes.

    La présente publication insiste sur la nécessité d’accélérer l’action entreprise en « mettant à l’échelle » les interventions qui ont connu le succès ou les éléments d’intervention susceptibles d’être reproduits. Au cours des dernières années, on a beaucoup appris et beaucoup écrit sur la nature des politiques et des interventions programmatiques qui peuvent avoir le plus d’impact pour la scolarisation des fi lles. On en sait beaucoup moins sur les stratégies qui peuvent faire que celles-ci restent à l’école et qu’elles reçoivent une éducation de qualité, mais l’attention se porte de plus en plus

  • 10 L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

    sur la politique d’apprentissage et les leçons programmatiques dans ces domaines. La « mise à l’échelle » des leçons qui ont fait la preuve de leur effi cacité n’est cependant pas un simple calcul arithmétique qui consisterait à multiplier les intrants. Elle exige une étude rigoureuse des circonstances qui ont facilité le succès, des stratégies qui ont permis de surmonter les multiples diffi cultés qui apparaissent au cours de la mise en œuvre d’un programme ou d’une politique et la gestion des incertitudes économiques et sociales qui risquent de perturber la fréquentation régulière de l’école par les fi lles.

    L’action pour la parité entre les sexes, c’est-à-dire pour une scolarisation égale des garçons et des fi lles, a enregistré des progrès signifi catifs bien que des données interna-tionales donnent à penser qu’il existe encore des groupes défavorisés qu’il est nécessaire d’atteindre. Il s’agit de groupes qui peuvent être désavantagés pour des raisons tenant à la géographie, à l’identité sociale ou à la condition physique et pour lesquels il est néces-saire d’élaborer des mesures spéciales susceptibles d’être intégrées dans l’ensemble du système scolaire.

    Cependant, la réalisation de l’égalité entre les sexes présente des diffi cultés plus grandes encore. Elle exige l’institutionnalisation de mesures non discriminatoires qui garantissent que, dans le cadre d’un engagement global en faveur de l’égalité entre les sexes, il y ait une redistribution des chances et des ressources afi n de permettre aux fi lles de surmonter des obstacles qui sont souvent des préjugés sociaux solidement ancrés contre leur participation à la vie sociale, économique et politique sur un pied d’égalité. L’« égalité entre les sexes dans l’éducation » insiste donc à la fois sur l’égalité des chances et l’égalité du traitement. D’où il s’ensuit que, pour faire en sorte que l’éducation donne une égalité de résultats pour les femmes et pour les hommes, il est nécessaire d’insister sur l’égalité entre les sexes dans le processus éducatif, c’est-à-dire pour que les fi lles et les garçons aient les mêmes possibilités d’éducation (et non pas un accès à une éducation de qualité inégale), que les fi lles soient traitées sur un pied d’égalité au cours des processus éducatifs et que l’éducation ménage des possibilités égales pour les hommes et pour les femmes après la scolarité.

    Les leçons de l’expérience montrent que, pour que le changement en faveur de l’égalité entre les sexes devienne une réalité, il ne suffi t pas d’allouer un surcroît de ressources éducatives pour les femmes, mais qu’il faut dispenser une éducation compor-tant un contenu et des processus d’autonomisation. Lorsque les femmes ont accès à ces res sources, elles peuvent alors gérer elles-mêmes leurs processus de changement. Faire en sorte que le contenu de l’éducation soit générateur d’autonomisation contribuera à accélérer le processus par lequel les femmes et les adolescentes pourront devenir des agents du changement au sein de leurs communautés en démontrant la valeur de l’édu-cation des fi lles et des femmes et en incarnant les droits qui sont actuellement sollicités pour leur compte.

    Que signifi e donc le passage de la parité à l’égalité ? Il signifi e qu’on intervient plus dynamiquement pour s’attaquer aux racines structurelles des inégalités entre les sexes. Il signifi e qu’on intervient sur de multiples fronts pour mettre en cause les normes et les règles sociales qui forgent les identités des hommes et des femmes selon des moda-lités qui les maintiennent dans des positions d’inégalité, où leurs contributions sont

  • Résumé du rapport11

    appréciées différemment et, par voie de conséquence, récompensées inégalement. D’un autre point de vue, on peut dire que l’accent mis sur la parité grâce à des mesures d’accès a introduit une mutation dans les relations entre les sexes. Pour que cette mutation s’ap-profondisse et se maintienne – car ces changements restent à la merci de changements dans le contexte économique et social – il est nécessaire de se préoccuper des conditions liées au genre dans lesquelles les fi lles et les garçons entrent dans les systèmes scolaires et y participent. En ce qui concerne les pays qui tardent encore à réaliser la parité entre les sexes, des stratégies plus dynamiquement axées sur les racines structurelles de l’inégalité pourraient les aider à s’acheminer plus rapidement vers les deux séries d’objectifs dans les délais souhaités.

    Dans la présente publication, nous mettons l’accent sur certaines des leçons bien connues relatives à ce qui constitue la « bonne pratique » pour l’éducation des fi lles et nous faisons la synthèse de certains des enseignements qu’on peut de toute évidence tirer sur les conditions qui permettent d’instaurer et de maintenir ces formes de bonne pratique.

    De nombreuses initiatives – dues à des gouvernements et à des organisations non gouvernementales (ONG) et soutenues par des donateurs et des organisations interna-tionales de la société civile – ont donné naissance à une vague de changements qui, dans une perspective historique, s’inscrit dans des laps de temps relativement brefs. Au cours des dernières décennies, beaucoup des efforts de promotion de l’éducation se sont tra-duits par des changements signifi catifs dans de nombreuses sociétés, en particulier dans la mesure où ils ont contribué à atténuer les résistances à la participation des femmes à la vie publique. Dans nos tentatives de « mise à l’échelle », nous ne saurions sous-estimer l’importance qui s’attache à bien connaître les avantages comparatifs des différents types de mesures afi n d’adopter une approche coordonnée, polyvalente et basée sur des par-tenariats. Les expériences tirées de la « mise à l’échelle » d’initiatives pour l’égalité entre les sexes dans l’éducation ont été documentées en 2004 dans deux ateliers organisés par les partenaires de l’Initiative des Nations Unies pour l’éducation des fi lles (UNGEI). La présente publication fait principalement, mais non uniquement, appel aux études de cas et aux rapports auxquels ont donné lieu ces ateliers.

    Les leçons tirées des bonnes pratiques analysées pour la présente publication mettent en évidence un parti pris dans les politiques éducatives des pays en développe-ment en faveur d’initiatives éducatives ciblées sur les fi lles, alors que les types de ré formes qu’il serait nécessaire d’apporter au système pour une démarginalisation des fi lles béné-fi cient de beaucoup moins d’attention. Les interventions ciblées sont porteuses de mes-sages clairs sur la valeur que les autorités attachent à l’éducation des fi lles et des femmes et elles contribuent aussi, grâce à des mesures spécifi ques, à accélérer le changement dans l’accès à l’éducation pour les groupes défavorisés et pour les fi lles mais, réduites à elles seules, ces interventions n’ont qu’un impact limité sur les systèmes d’enseignement de manière que les fi lles bénéfi cient d’une égalité de traitement et d’une égalité de chan-ces dès l’instant qu’elles sont scolarisées. A l’appui des changements suscités par les inter-ventions ciblées visant à l’accélération, une réforme des systèmes éducatifs qui tienne

  • 12 L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

    compte des questions de genre est d’une importance décisive. D’où un défi pour réaliser l’« intégration du genre » en matière d’éducation, défi qui n’a pas encore été relevé.

    Les études entreprises pour la présente publication font apparaître l’impor-tance qui s’attache à une base de connaissances solides, non pas seulement sur « ce qui marche », mais sur « ce qui fait que les stratégies marchent ». Dans l’ensemble, une meilleure connaissance de ce qui marche et de la façon dont cela marche pour promou-voir l’égalité entre les sexes en matière d’éducation est une première mesure importante qui exige de la part des donateurs et des gouvernements un investissement signifi catif dans une recherche empirique dûment réfl échie. Les synthèses des connaissances exis-tantes se heurtent à de gros obstacles dès l’instant qu’on veut tirer des enseignements techniques spécifi ques des connaissances existantes, lesquelles risquent de ne pas fournir les informations dont on aurait besoin pour pouvoir dégager des leçons.

    La publication se termine par des observations sur les quatre secteurs où de nou-veaux travaux s’imposent d’urgence. En premier lieu, il est nécessaire de procéder à des travaux détaillés sur les initiatives visant à l’égalité entre les sexes, en recherchant com-ment celles-ci peuvent être « mises à l’échelle » et sur les types de soutien institutionnel nécessaires pour faire en sorte que les leçons institutionnelles de « ce qui marche » soient plus précisément comprises comme intimement liées à divers contextes de planifi cation et de politique générale. Il est nécessaire en particulier que ces évaluations soient faites indépendamment, c’est-à-dire qu’elles soient exécutées par des équipes de chercheurs qui ne soient pas uniquement composées de personnes associées aux interventions pour éviter le risque que les leçons ne fassent l’objet d’une analyse sélective. En second lieu, il faut déterminer quelles sont les initiatives à « mettre à l’échelle » et comment, quelles seraient les autorités responsables et quel serait le type de soutien institutionnel néces-saire pour que ces initiatives donnent de bons résultats. Cela dépendra de la question de savoir si la mise en œuvre se fait au niveau des districts ou au niveau national. La troi-sième information nécessaire concerne les coûts, il faut élaborer des modèles de coûts réalistes fondés sur l’analyse du niveau et des agents appropriés pour la mise en œuvre de l’activité « mise à l’échelle » et sur une évaluation de tous les contributeurs possibles au processus. Les initiatives visant à l’égalité entre les sexes n’ont pas toutes le même coût. Enfi n, en l’absence d’une discussion sur la manière d’améliorer les structures, les mécanismes et les procédures de mise en œuvre, on continuera à se heurter à un désé-quilibre entre l’élaboration de politiques ambitieuses et progressistes et leur traduction en changements effectifs à la base. C’est là la lacune la plus grave que met en évidence la littérature sur les bonnes pratiques et la « mise à l’échelle ». Sans une analyse rigou-reuse basée à la fois sur des considérations techniques et empiriques pour guider le changement et les réformes, les débats sur la « mise à l’échelle » continueront à être plus abstraits que réalistes.

  • 1. Introduction

    L’année 2005 est une année décisive pour la communauté internationale de l’éducation. C’est en effet l’année cible pour une série d’objectifs relatifs à l’enseignement primaire et secondaire universel, l’accent étant mis en particulier sur la réduction des dispari-tés entre les sexes dans ces secteurs. La plupart des commentateurs observent que ces objectifs risquent fort de n’être pas atteints par un nombre très important de pays, dont certains ont déployé de gros efforts pour aller de l’avant. Dans sa publication 2005 Girls’ Education Strategy, le Département britannique du développement international (DFID) souligne que l’Objectif du Millénaire pour le développement pour 2005 (OMD) consis-tant à réaliser l’égalité de scolarisation des garçons et des fi lles aux niveaux primaire et secondaire n’aura vraisemblablement pas été atteint dans plus de soixante-quinze pays. Les fi lles représentent 57 % des enfants ne fréquentant pas l’école. Le fossé entre les sexes est particulièrement large dans l’enseignement secondaire.

    Il est d’autant plus urgent d’atteindre les objectifs en question que l’éducation est reconnue comme un droit humain fondamental et universel. La Convention con-cernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (1960) et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAF – 1979) ont défi ni la discrimination comme une violation de droits univer-sels. L’article premier de la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement défi nit notamment la discrimination comme « toute distinction, exclusion, limitation ou préférence qui, fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine natio-nale ou sociale, la condition économique ou la naissance, a pour objet ou pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de traitement en matière d’enseignement ». L’article 10 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui consacre le principe des droits des femmes à la non-discrimination, souligne le rôle qui incombe aux gouvernements d’assurer la non-discrimination et l’égalité des chances à tous les niveaux et dans tous les types d’éducation. La Convention relative aux droits de l’enfant (1989) a fait de la promotion de l’enseignement primaire gratuit et d’une éducation de qualité une obligation pour les gouvernements en ce qui concerne les enfants et les jeunes jusqu’à l’âge de 18 ans.

    Les conventions internationales confèrent aux politiques suivies le statut d’un mandat légal que les gouvernements ont accepté comme une obligation inhérente à leur qualité de membres de la communauté internationale. La décennie 1990 a vu plusieurs

  • 14 L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

    conférences internationales qui se sont attachées à l’élaboration d’un consensus interna-tional sur des objectifs communs dans les domaines des droits de l’homme, des femmes, du développement social et de la population et du développement. Chacune de ces conférences a également défi ni le cadre dans lequel l’égalité entre les sexes en matière d’éducation doit contribuer à atteindre les différents objectifs fi xés. La Plate-forme d’ac-tion de Beijing (Objectif stratégique B : Education et formation des femmes) présente un grand nombre de mesures que les gouvernements et les acteurs de la société civile devraient prendre dans le domaine de l’éducation en vue de faire des droits des femmes à l’éducation une réalité. Ces mesures se fondent sur la reconnaissance des intercon-nexions entre l’éducation et toute une série d’autres questions importantes pour faire prévaloir l’égalité entre les sexes.

    Les arguments pour la promotion des droits universels et de l’égalité entre les sexes dans l’éducation ont été réaffi rmés dans des documents internationaux plus récents. L’éducation des femmes a trouvé sa place dans ces visions internationales des priorités du développement. Deux objectifs défi nissent les priorités à prendre en compte pour les questions de genre dans l’éducation. Il s’agit : (a) d’éliminer les disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire d’ici à 2005 ; (b) d’instaurer l’égalité dans ce domaine d’ici à 2015. Ces objectifs qui découlaient de la Conférence mondiale sur l’Education pour tous (EPT), tenue à Jomtien en 1990, ont été élargis dans la réunion de suivi qu’a été le Forum mondial sur l’éducation (WEF), tenu à Dakar en 2000. Ils sont confi rmés dans l’OMD pour l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes.

    En 1990, le consensus de Jomtien préconisait une approche universelle en vue de la réalisation de l’EPT pour 2000, mais il ne relevait pas l’importance de l’action au niveau national pour éliminer les barrières sociales et culturelles qui font que les fi lles se trouvent exclues des avantages des programmes d’enseignement réguliers. Le Cadre d’action de Dakar, adopté au WEF, reconnaissant que les objectifs n’avaient pas été atteints pour 2000, a repoussé les années cibles jusqu’à 2015 (conformément aux objec-tifs internationaux de développement). Le consensus au WEF montre qu’a été recon-nue la nécessité d’initiatives spécifi ques de la part de différents acteurs internationaux et nationaux pour accélérer les progrès. Il en est résulté un ensemble élargi d’objectifs généraux qui sont essentiellement un enseignement primaire gratuit et obligatoire et la qualité de l’éducation. Le cadre du WEF a insisté davantage sur des groupes ciblés que sur une approche « universelle » plus générale et a fi xé des cibles à la fois pour la parité et l’égalité en matière d’accès et de résultats (Rose et Subrahmanian, 2005).

    On sait désormais ce qu’il en coûte de ne pas atteindre ces objectifs. C’est ainsi que, dans son rapport (2003a), le Comité du développement estime que, si les engagements en matière de parité entre les sexes ne sont pas tenus, on perd la possibilité : (a) d’aug-menter la croissance par habitant de 0,1 à 0,3 point de pourcentage ; (b) d’abaisser les taux de fécondité de 0,1 à 0,4 enfant par femme ; (c) d’abaisser les taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans de 5,8 mille naissances vivantes ; (d) de faire baisser le nombre des enfants de moins de 5 ans ayant un poids anormalement bas de 2 points de pourcentage. Ce calcul des coûts entraînés par le non-respect des objectifs de l’EPT en matière de genre met en lumière les interconnexions entre l’éducation et les autres

  • 15Introduction

    OMD. Le Rapport mondial de suivi sur l’EPT (UNESCO, 2003a) accorde une très grande importance aux interconnexions – non pas du seul point de vue des effets favo-rables de l’éducation, mais encore pour ce qui est des facteurs qui contribuent à la per-sistance des inégalités fondées sur le sexe dans le domaine de l’éducation. Il est indispen-sable de comprendre les implications pour l’éducation des fi lles des inégalités d’accès au marché du travail et aux possibilités d’emploi, d’une mauvaise santé et d’une nutrition défi ciente, pour ne mentionner que ces seuls facteurs, et d’y remédier. Il est nécessaire de poursuivre les investissements pendant les années à venir afi n de faire en sorte que les changements apportés à l’éducation des fi lles se maintiennent et pour que se maintienne aussi l’impact de cette éducation sur d’autres dimensions du développement, telles que la santé des enfants.

    Il faut par conséquent agir d’urgence pour identifi er et mettre en œuvre les mé thodes les plus effi caces permettant d’aider les pays qui ont pris du retard dans cette tâche à progresser. Il s’agit avant tout : (a) de tirer la leçon des procédés qui ont fait leurs preuves dans les pays qui progressent ; (b) d’identifi er les procédés décisifs et de les adapter aux contextes locaux afi n d’élaborer des approches tenant compte des situations locales ;(c) d’accélérer le progrès selon des modalités durables.

    Le problème est double : tout d’abord, l’accès des fi lles faisant partie de groupes socialement exclus (minorités ethniques, castes opprimées, victimes d’une pauvreté extrême, migrants, populations vivant dans des lieux géographiquement reculés et per-sonnes handicapées) demeure un problème majeur. Les stratégies visant à promouvoir la parité entre les sexes doivent donc être replacées dans le cadre d’une compréhension plus large de l’exclusion sociale. En second lieu, il est nécessaire d’accorder une attention accrue à la qualité de l’éducation, tant en ce qui concerne les processus d’apprentissage que la qualité des intrants, tels que les manuels scolaires. Accélérer l’accès à la scolarisa-tion et promouvoir la qualité de l’éducation selon des modalités qui tiennent compte du genre, ainsi que d’autres inégalités sociales, telles sont les conditions préalables à remplir pour parvenir aux objectifs de la parité entre les sexes et pour progresser vers les objectifs de l’égalité entre les sexes à tous les niveaux de l’enseignement.

    Si l’on veut accélérer les progrès en matière d’éducation des fi lles, il est indispen-sable de mobiliser davantage volonté et capacité politiques et ce, non pas seulement pour l’égalité entre les sexes dans l’éducation, mais encore pour les réformes institutionnelles et la prise en compte du genre. Les projets pilotes fournissent des moyens importants d’expérimenter l’innovation sur la manière dont les services éducatifs sont dispensés ou sur la façon dont les communautés s’y prennent pour dispenser un enseignement. Cela étant, les projets sont souvent aussi le seul moyen de réaliser des changements lorsque les systèmes scolaires résistent à la réforme et aux transformations. Des projets peuvent donner de bons résultats ou être nécessaires à la suite ou à cause de l’échec d’un chan-gement d’orientation politique ou d’un processus de réforme institutionnelle. La prise d’engagements préludant à un changement de système plus large exige : (a) qu’on défi -nisse une priorité de principe pour l’éducation des fi lles assortie de ressources au service de cette priorité ; (b) qu’on mette en place des réformes institutionnelles pour réorienter les systèmes en vue d’aboutir à des résultats qualitatifs indiscutables en ce qui concerne

  • 16 L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

    l’égalité entre les sexes dans l’éducation ; (c) qu’on suive les processus de changement et qu’on tire la leçon de leurs résultats. Sur chacun de ces points, un engagement signifi ca-tif au service du changement s’impose, ce qui implique des coûts et des défi s à relever. Les avantages de ces changements sont bien connus et ont fait l’objet d’une large publi-cité de la part des institutions internationales et des gouvernements, mais leurs coûts ont rarement fait l’objet d’une analyse du point de vue de l’égalité entre les sexes.

    La « mise à l’échelle » refl ète le sentiment d’urgence ressenti dans la communauté internationale quant à la nécessité d’accélérer les progrès de l’éducation des fi lles et des femmes afi n de promouvoir plus largement l’égalité entre les sexes. Pour que cette évo-lution ait lieu, de gros efforts s’imposent pour promouvoir l’égalité entre les sexes dans le domaine de l’éducation. L’égalité entre les sexes est à la fois un moyen et une fi nalité importante de l’éducation pour tous. Cela exige qu’on procède à une analyse approfon-die de ce qui stimule à la fois l’égalité entre les sexes et la réforme de l’éducation, qu’on tire un enseignement à la fois des projets et des politiques qui ont donné de bons résultats et qu’on les reproduise en tenant dûment compte des facteurs sous-jacents du change-ment. La leçon tirée des projets peut aussi contribuer à défi nir la nature des efforts à déployer au niveau le plus élevé pour faciliter le changement institutionnel.

    Ce processus n’est pas sans soulever de grosses diffi cultés. En particulier, quand on veut « mettre à l’échelle » les leçons tirées de projets pour formuler des politiques, la tâche n’est pas aussi simple qu’on pourrait l’espérer. Il existe, dans la confi guration des projets, politiques et institutions en matière d’éducation, plusieurs types de relations qu’il est nécessaire d’examiner. Il s’agit notamment des relations entre : (a) les pro cessus éducatifs et l’instauration graduelle de l’égalité entre les sexes ; (b) les processus de chan-gement et les structures décisionnelles et institutionnelles en place ; (c) les structures déci-sionnelles et les processus de réforme, d’une part, et les questions politiques plus larges soulevées par l’instauration du changement, d’autre part. Le progrès des connaissances sur chacun de ces aspects, ainsi que sur les modalités du changement n’est pas encore suffi samment avancé pour permettre de faire pleinement face aux questions d’égalité entre les sexes en général et en matière d’éducation en particulier. Comme le note la Banque mondiale (2004a, p. 8), la littérature sur le développement « a largement ignoré les processus et systèmes sous-jacents qui font que des institutions innovent, connaissant des échecs en cours de route, tirent la leçon de ceux-ci et poursuivent leur marche en avant ». Cela exige qu’on ne s’attache pas seulement aux « bonnes politiques » mais aussi aux « bonnes institutions » et aux « politiques de facilitation ». Les enseignements sur ces deux derniers points qui seraient applicables à l’égalité entre les sexes dans l’édu-cation demeurent très insuffi sants.

  • 17Introduction

    A propos de cette publication

    La présente publication utilise ce qui constitue désormais un ensemble important d’en-seignements sur les initiatives qui favorisent des changements positifs dans la scolarisation des fi lles et contribuent à promouvoir l’égalité entre les sexes dans l’éducation. Notre analyse repose essentiellement sur les leçons de ces expériences de changements en faveur de l’éducation des fi lles, qui nous permettent de mieux connaître les mesures qu’il convient de hâter pour atteindre les objectifs de l’EPT en matière d’égalité entre les sexes pour 2015. Les dimensions contextuelles du changement en ce qui concerne aussi bien les relations de genre que le progrès de l’éducation sont désormais bien con-nues. Comme le note Aiyyar (1996, p. 348), « les prescriptions universelles n’ont pas plus de pertinence que l’histoire universelle ». La compréhension de l’interface entre des processus spécifi ques d’un certain contexte, d’une part, et des politiques nationales et des cadres institutionnels, d’autre part, est beaucoup plus complexe que ne l’admettent souvent les documents généraux sur ces questions. L’accélération ne signifi e pas simple-ment « qu’on fait plus de ce qui marche » à une plus grande échelle. En premier lieu, ce qui marche à l’échelon local peut très bien ne pas se prêter à une reproduction à plus grande échelle, ce qui fait qu’il faut déterminer et analyser les tenants et les aboutissants des processus de changement (Samoff et Sebatane, 2001). En second lieu, la réalisation de l’égalité entre les sexes signifi e qu’il faut aller au-delà d’un plus large accès à l’ana-lyse et remédier à la répartition inégale des chances dans l’éducation et dans la société en général (UNESCO, 2003a). Ces deux facteurs sont d’une importance fondamentale pour une compréhension réaliste de la manière dont le progrès vers l’élimination des disparités entre les sexes et la promotion de l’égalité entre les sexes dans l’éducation peut être réalisé.

    Les tentatives visant à atteindre les objectifs de l’EPT pour 2005 n’ont peut-être pas donné de résultats uniformes à l’échelon mondial, mais les projecteurs braqués sur les disparités entre les sexes dans l’éducation ont attiré l’attention sur ce qui marche, pour quelles raisons et à quelles conditions quand on veut faire avancer les choses. Bien que ces connaissances soient elles aussi inégales, comme Kane (2004) l’a fort bien montré dans son analyse de la documentation relative à des projets dans des pays d’Afrique, il existe désormais une base de données suffi santes pour guider les développements futurs. Traduire ces connaissances en actes est le défi que la présente publication entend relever.

    De nombreuses initiatives – dues à des gouvernements, à des organisations non gouvernementales (ONG) et soutenues par des donateurs et des organisations interna-tionales de la société civile – ont contribué à créer une onde de changement qui, vue dans une perspective historique, est intervenue en un laps de temps relativement court. Une grande partie des efforts de promotion de l’éducation déployés depuis quelques décennies s’est traduite dans beaucoup de sociétés par des changements signifi catifs, en particulier parce que ceux-ci ont contribué dans une certaine mesure à atténuer les résistances à la participation des femmes à la vie publique. Un élément implicite mais important des essais de « mise à l’échelle » est qu’ils nous permettent de mieux connaître

  • 18 L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

    les avantages respectifs des différents types de mesures en vue d’adopter une approche coordonnée et polyvalente basée sur des partenariats. Des expériences de « mise à l’échelle » d’initiatives pour l’égalité entre les sexes dans l’éducation ont récemment été documentées dans deux ateliers, l’un dans la région africaine (UNGEI, 2004), l’autre en Asie du Sud (Secrétariat des pays du Commonwealth, 2005). La présente publication se fonde principalement, mais non uniquement, sur les études de cas et les rapports issus de ces deux ateliers.

    La publication s’efforce de combler une lacune dans les connaissances exis tantes sur les questions relatives au genre et à l’éducation. Il y a eu des synthèses utiles des con-naissances sur « ce qui marche » en matière de genre et d’éducation, ainsi que certains travaux sur la formulation de stratégies et de plans nationaux, et aussi sur des approches et programmes internationaux. Il existe toutefois un « chaînon manquant » concernant les processus par lesquels « ce qui marche » aux échelons locaux peut servir de base à une réforme de l’éducation, incorporant ainsi les stratégies pour l’égalité entre les sexes à des réformes pour l’élargissement de l’accès et l’amélioration de la qua lité. L’analyse de ce « chaînon manquant » peut aussi contribuer à expliquer pourquoi l’élaboration de cadres nationaux et internationaux peut être aussi inadéquate ou aussi infructueuse qu’une grande partie de la littérature nous le donne à entendre. Beaucoup des ensei-gnements sur « ce qui marche » sont le fruit d’études sur des microprojets et des inter-ventions ciblées dans le cadre de programmes d’éducation plus vastes. Transposer ces enseignements – qui renvoient plus largement à une compréhension des processus de changement social et non pas simplement de changement dans l’éducation – en pro-cessus de réforme sectorielle demeure un défi . Cependant, nous nous heurtons à l’in-suffi sance, dans les connaissances existantes, des données relatives à la manière dont de petits projets peuvent être « mis à l’échelle » dans de bonnes conditions d’économie et d’effi cacité pour assurer une couverture beaucoup plus large.

    Une question centrale est celle du rapport entre « généralisation de l’analyse selon le genre » et « mise à l’échelle ». Dans la présente publication, nous considérons que l’amélioration théorique et pratique de la généralisation de l’analyse selon le genre revêt une importance stratégique pour la réalisation de la « mise à l’échelle ». Comme le notent Moser et al. (2004, p. 2), la généralisation de l’analyse selon le genre est « la stra-tégie faisant l’objet d’un accord international de la part des gouvernements et des orga-nisations vouées au développement pour que soient respectés les engagements formulés dans la Plate-forme d’action de Beijing ». La généralisation de l’analyse selon le genre est considérée comme une stratégie nécessaire pour empêcher la marginalisation répé-tée des besoins féminins et pour remédier aux inégalités dans les rapports de pouvoir entre femmes et hommes, non pas simplement dans la « société », mais aussi au sein des institutions de développement. Ainsi, la généralisation de l’analyse selon le genre a été et continue à être considérée comme une stratégie nécessairement « transformatrice » (Kabeer et Subrahmanian, 1999) – transformatrice en particulier des institutions de développement et du « préjugé masculin » (Elson, 1991), du « regard sur la réalité » (Kabeer, 1994) qui était profondément ancré dans la réfl exion, la politique et la pratique en matière de développement.

  • 19Introduction

    La plupart des conceptions de l’égalité entre les sexes reconnaissent l’importance que revêtent à la fois les approches ciblées et un remaniement des institutions qui tienne compte du genre, en vue d’atteindre les objectifs de l’égalité entre les sexes. « Prendre en compte l’égalité entre les sexes » signifi e qu’on s’engage à faire en sorte que les préoccupations des femmes et les préoccupations des hommes fassent partie intégrante de la conception, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation de tous les programmes et politiques afi n que les femmes et les hommes en bénéfi cient également. Cela n’ex-clut pas les programmes ciblés visant spécifi quement les femmes (ou les hommes), mais cela exige que ces programmes ciblés fassent partie d’une stratégie d’ensemble qui soit consciente des particularités de chaque sexe et qui y réponde.

    Dans la pratique, cependant, les initiatives pour l’égalité entre les sexes dans le domaine de l’éducation continuent à être associées davantage à des programmes ciblés pour les fi lles ou à ce qu’on appelle l’« éducation des fi lles ». Autrement dit, ces initia-tives ont tendance à se focaliser sur des mesures spéciales qui peuvent amener les fi lles à l’école. Toutefois, ce n’est là qu’une démarche parmi plusieurs autres pour se rapprocher de l’égalité entre les sexes dans l’éducation. Pour un changement durable, il faut que les systèmes éducatifs se transforment de façon à remédier systématiquement aux inégalités dans le processus de scolarisation et qu’ils forgent des générations de citoyens conscients du genre et soucieux de remédier aux inégalités et aux disparités en sachant voir que celles-ci portent atteinte au bien public. Cependant, le type de changement systémique qu’exigerait l’égalité entre les sexes est souvent considéré comme trop délicat ou diffi cile et n’est pas sérieusement recherché par les gouvernements. Les diffi cultés inhérentes à une réforme des systèmes pour tenir compte des questions de genre ont été dûment identifi ées (Goetz, 1997). La généralisation de l’analyse selon le genre est largement con-sidérée comme ayant été une déception sinon tout à fait un « échec » (Subrahmanian, 2004a). Dans la plupart des pays, les politiques de l’éducation se réclament largement des avantages de l’investissement dans l’éducation des fi lles, mais la plupart des gouver-nements demeurent peu disposés et/ou incapables de transformer les systèmes éducatifs et les institutions pour qu’une planifi cation tenant compte du genre devienne une réa-lité à toutes les étapes de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques. La créa-tion d’unités spécialisées dans le « genre » au sein des départements et ministères a été insuffi sante par rapport à l’ampleur de la tâche, avec des ressources trop faibles ne leur permettant pas de se développer et une absence de pouvoir qui ne leur permet pas de faire prévaloir leurs recommandations pour le changement. De ce fait et contrairement aux intentions exprimées, les questions de genre n’ont jamais cessé d’être considérées comme distinctes de la planifi cation et de la politique de l’éducation dans leur ensemble (Rose et Brown, 2004).

    Les interventions ciblées mettent clairement en évidence la valeur que les pou-voirs publics accordent à l’éducation des fi lles et des femmes. Elles contribuent aussi à accélérer le changement dans l’accès à l’éducation des groupes défavorisés et des fi lles grâce aux mesures spécifi ques qu’elles instaurent. Toutefois, à elles seules, elles ne contri-buent guère à modifi er les systèmes de façon que les fi lles, une fois scolarisées, bénéfi cient d’une égalité de traitement et d’une égalité des chances. Pour consolider les changements

  • 20 L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

    amenés par des interventions ciblées visant à faire bouger les choses, une réforme des systèmes éducatifs tenant compte du genre est essentielle. Cela donne à penser que le défi de la « prise en compte du genre » dans l’éducation n’a pas encore été relevé.

    La « mise à l’échelle » de l’éducation des fi lles dépendra largement de la capacité de faire prévaloir la prise en compte du genre dans tous les aspects de la planifi cation et de la mise en œuvre de l’éducation. Les dimensions institutionnelles de la mise en œuvre de l’éducation en particulier seront décisives pour faire progresser durablement le mou-vement vers la parité et, ce qui est plus important encore, vers l’égalité dans l’éducation. Des succès et des échecs que nous avons rencontrés dans un passé récent pour prendre en compte le genre, quels sont les enseignements que nous pouvons tirer pour informer un renouveau d’efforts ? C’est là une question fondamentale pour atteindre les objectifs internationaux. Certains enseignements sont déjà suggérés dans la littérature existante (voir, par exemple, Rose et Brown, 2004), à savoir notamment : (a) la nécessité d’une allocation de crédits bien défi nis ; (b) des attributions qui fassent l’objet d’un accord et soient acceptées à tous les échelons de l’organisation concernée ; (c) un personnel dûment formé ; (d) un environnement propice sur le plan politique qui permette aux stratégies de prise en compte du genre d’exercer leur infl uence sur la planifi cation et la mise en œuvre.

    Un investissement concerté dans les ressources fi nancières et humaines et dans les compétences et capacités techniques fera la différence qui est recherchée. C’est là un message crucial qu’adresse la présente publication, sur la base d’exemples et de cas dûment étudiés.

    La publication fournit à la fois une analyse et quelques principes directeurs, tirant des leçons de nombreuses initiatives en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne. Cet effort doit toutefois être assorti de plusieurs mises en garde. Tout d’abord, il existe sou-vent un écart notable entre l’analyse et les principes directeurs, l’analyse faisant appa-raître des complexités et des nuances que des principes directeurs généralisés – avec leur souci de simplifi cation et de généralisation – risquent de contredire. Ensuite, pour ce qui est de la tentative d’analyse du « chaînon manquant », quand on tire les leçons des recherches et de la documentation existantes, on se heurte souvent à la diffi culté de bien comprendre l’orientation qui avait présidé aux recherches ou de scruter en pro-fondeur une documentation qui est souvent descriptive (Samoff, 1996 ; Kane, 2004). L’enseignement susceptible d’être tiré de projets est compromis par le fait que beaucoup (sinon la plupart) des rapports tendent à faire la publicité de l’intervention concernée au lieu d’être orientés vers les enseignements qu’on peut en tirer. Ces textes promotionnels laissent parfois entendre que les choses ont été faciles, alors qu’elles avaient été diffi ciles, et tendent parfois à négliger les domaines où peu de changements ont été réalisés. En outre, les auteurs des rapports peuvent se trouver dans l’obligation d’éluder une dis-cussion honnête des contraintes et des obstacles lorsque de nombreuses parties sont en cause et que la poursuite de l’intervention est menacée. Tirer la leçon d’une réforme institutionnelle, ou même du fonctionnement d’une institution, en particulier dans la perspective du genre, est rendu quasiment impossible à cause de l’extrême rareté d’une documentation suffi sante sur des initiatives de changement orientées vers l’égalité entre

  • 21Introduction

    les sexes prises dans le cadre de systèmes éducatifs ou de bureaucraties. Enfi n, il apparaît clairement qu’il est extraordinairement diffi cile de tirer de contextes variés des conclu-sions ou des orientations généralisées. Samoff (1999, p. 252) fait observer que, malgré la diversité des pays africains étudiés par les institutions donatrices dans le cadre des études visant à défi nir la nature des aides futures, « ces documents comportent des hypothèses, des méthodologies, des observations, des conclusions et des recommandations généra-lement similaires ». Samoff et Sebatane (2001, p. 17) notent que « la détermination de « ce qui marche » et de ce qui « réussit » est en partie, et peut-être même en très grande partie, contextuelle et contingente ... nous devons veiller à reconnaître que les générali-sations qui semblent bien fondées doivent être interprétées dans le contexte d’initiatives et de situations spécifi ques ».

    Le reste de la présente publication se divise en cinq chapitres. Le chapitre 2 four-nit un cadre conceptuel aux termes de « parité entre les sexes » et « égalité entre les sexes ». Le chapitre 3 passe en revue les approches opérationnelles en distinguant entre celles qui sont ciblées, systémiques et facilitatrices. Nous déterminons les leçons à tirer, d’une part, de l’expérience acquise pour surmonter les obstacles tenant au genre dans l’accès à l’éducation et, d’autre part, de celle qui concerne les efforts institutionnels pour améliorer la qualité. La littérature publiée sur le premier aspect est beaucoup plus abon-dante que celle qui concerne le second, encore que l’attention et l’importance accordées aux réformes destinées à améliorer la qualité ne cessent de s’accroître. Le chapitre 4 fournit un exposé général des défi nitions données à la « mise à l’échelle ». Le chapitre 5 est axé sur les enseignements des efforts déployés pour « mettre à l’échelle » l’éducation des fi lles. Le chapitre 6 réunit une analyse des réformes pour l’égalité entre les sexes et de la politique et des dimensions institutionnelles de la « mise à l’échelle » pour esquisser une manière de procéder en défi nissant les étapes décisives et en formulant certaines directives analytiques qui peuvent faciliter le processus.

  • 2. Défi nir le problème : parité, égalité et équité entre les sexes

    Clarifi er les concepts

    Réaliser la « parité entre les sexes dans l’éducation » est un engagement fondamen-tal de l’EPT. Sur la base de la valeur du ratio garçons/fi lles d’un indicateur donné, la parité entre les sexes mesure la participation égale des garçons et des fi lles à différents aspects de l’éducation. Les indicateurs de la parité entre les sexes sont statiques puisqu’ils me surent le nombre des fi lles et des garçons ayant accès et participant à l’éducation à un moment donné (Subrahmanian, 2005). L’OMD relatif au genre porte sur les pro-portions relatives de fi lles et de garçons scolarisés (Indice de parité entre les sexes – IPS). Toutefois, la progression de l’IPS ne garantit pas une scolarisation élevée et ne mesure pas non plus les améliorations qualitatives de la scolarisation des fi lles.

    L’« égalité entre les sexes dans l’éducation » concerne à la fois l’égalité des chances et l’égalité du traitement. Cela signifi e que, pour garantir l’égalité des résultats de l’édu-cation pour les femmes et pour les hommes, il est nécessaire de s’attacher à l’égalité entre les sexes au cours du processus d’éducation, c’est-à-dire à la question de savoir si les fi lles et les garçons ont les mêmes possibilités d’éducation (et non pas un accès à des éducations de qualité inégale), s’ils bénéfi cient d’une égalité de traitement dans les pro-cessus éducatifs et si l’éducation ouvre des possibilités égales de postscolarisation pour les hommes et pour les femmes. Le Rapport mondial de suivi sur l’EPT (UNESCO, 2003a) considère ces éléments comme des dimensions étroitement liées d’une approche fondée sur les droits : égalité d’accès à la scolarité, égalité dans la scolarité et égalité par la scolarité.

    Il est important de distinguer entre la « parité entre les sexes », indicateur de progrès quantitatif, et l’« égalité entre les sexes », indicateur de progrès qualitatif. La parité entre les sexes peut être considérée comme une mesure de l’égalité « formelle » des « écarts » chiffrés entre les deux sexes pour l’accès à la scolarisation. L’égalité entre les sexes est un concept qui porte davantage sur la substance, reconnaissant que les fem-mes et les hommes ont des positions de départ présentant des avantages différents et se heurtent à des obstacles différents. C’est pourquoi l’égalité des résultats est un élément important à prendre en compte, reconnaissant que l’égalité d’accès à elle seule (parité) risque de ne pas se traduire par des processus et des résultats signifi catifs dans l’éduca-tion (Subrahmanian, 2005).

    Cependant, l’égalité des résultats n’est pas facile à mesurer ou à réaliser. C’est pourquoi on peut préférer une défi nition de l’égalité qui ne porte pas sur des résultats

  • 24 L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

    préalablement spécifi és, mais qui concerne le principe plus large de la « non-discrimina-tion ». C’est ainsi que, pour la CEDAF, la non-discrimination à l’égard des femmes est la considération de fond, qui fait intervenir diverses dimensions de la vie sociale, écono-mique et politique. De même, en matière d’éducation, l’attention portée à l’égalité entre les sexes pourrait se concentrer sur la qualité d’expérience de l’éducation pour ce qui est de l’entrée dans l’éducation (accès), de la participation à l’éducation (participation) et des bénéfi ces de l’éducation (réussite et résultats).

    Cette conceptualisation donne aussi à penser que la promotion de l’accès n’est pas suffi sante et qu’il est nécessaire de se pencher sur les problèmes de qualité. Telle est d’ailleurs de plus en plus la considération prédominante dans le discours international sur la politique de l’éducation. Il est toutefois nécessaire d’insister bien davantage sur le lien entre l’égalité entre les sexes dans l’éducation et la qualité de celle-ci. Nous avons suggéré plus haut que la promotion de l’égalité entre les sexes est une question de qualité d’éducation – et par conséquent d’égalité de traitement et d’égalité des chances pour les fi lles et les garçons scolarisés – mais cela signifi e aussi que, pour promouvoir une éducation de qualité, il faut faire en sorte que les apports et les processus éducatifs soient réexaminés et réformés pour tenir compte du « genre », afi n que les réformes de qualité reposent sur une compréhension des besoins communs et distincts des garçons et des fi lles, et des femmes et des hommes en matière d’éducation.

    Deux questions étroitement liées sont en jeu : la nécessité d’accélérer les progrès en matière d’accès des fi lles à l’éducation et, plus généralement, la nécessité d’améliorer cet accès par un effort concerté visant à promouvoir plus d’égalité entre les hommes et les femmes. Les mesures générales sont axées sur la promotion de l’éducation des fi lles pour pouvoir atteindre les objectifs de la parité entre les sexes (c’est-à-dire pour réaliser une participation égale des fi lles et des garçons à toutes les formes d’éducation en fonction de leur proportion dans le groupe d’âge correspondant dans la population). Raccourci statistique, les mesures de la parité entre les sexes fournissent un élément d’apprécia-tion très utile de la réussite des fi lles par rapport aux garçons dans un contexte donné. Les changements dans l’accès à l’éducation révèlent aussi certaines modifi cations de la demande d’éducation pour les fi lles, modifi cations susceptibles de déclencher d’autres changements. Toutefois, le mouvement vers la « parité entre les sexes » en un certain laps de temps dans un pays donné pourrait aussi refl éter une baisse de la participation des garçons, aspect qui doit être analysé avec soin concurremment avec les chiffres nets des inscriptions, qui indiquent un progrès vers l’éducation universelle.

    Cependant, on craint de plus en plus que la parité entre les sexes ne suffi se pas à elle seule à rendre compte de ce que l’accès à l’éducation signifi e pour les fi lles, en particulier pour ce qui est de l’égalité entre les sexes (pour réaliser l’égalité d’éducation entre les garçons et les fi lles). En insistant sur l’égalité entre les sexes dans l’éducation, on est amené à aller au-delà d’une simple mesure des progrès des fi lles en matière d’accès et de participation à l’éducation pour se demander comment l’accès à l’éducation peut contribuer à transformer les conditions dans lesquelles ce progrès est réalisé et si ces conditions transformeront suffi samment la situation pour garantir que les gains réalisés seront durables.

  • 25Défi nir le problème : parité, égalité et équité entre les sexes

    En plus des concepts directeurs que sont la « parité » et l’« égalité », beaucoup de commentateurs usent du langage de l’« équité » pour indiquer le type de politique redis-tributive qui peut remédier à la discrimination et aux préjugés contre l’investissement dans la scolarisation des fi lles par les Etats, les sociétés et les familles. A une conférence récente1, l’idée selon laquelle on pourrait faire appel au concept d’« équité » entre les sexes pour guider et mesurer les progrès a été chaleureusement approuvée. L’équité entre les sexes a été considérée comme un concept global qui inclut à la fois les idées de parité et d’égalité, mais qui met en outre en lumière deux dimensions importantes du problème, à savoir les liens avec d’autres formes d’exclusion, l’injustice fondée sur le sexe étant considérée comme opérant dans une sphère plus large d’injustice sociale, et l’importance du type d’éducation pouvant aboutir au résultat souhaité en matière de justice sociale. Cette formulation souligne les dimensions à la fois redistributives et transformatrices du changement : l’équité entre les sexes exige à la fois que les ressources soient redistribuées pour corriger les injustices sociales dans la répartition des chances et des ressources et que l’éducation joue un rôle transformateur vis-à-vis de ces injustices (UNICEF, 2005). L’encadré 1 fournit un exemple d’une approche fondée sur l’équité.

    1. 2005 and Beyond: Accelerating Girls’ Education in South Asia, Conférence organisée par le Bureau régional de l’UNICEF pour l’Asie du Sud, Bangkok, 7-9 février 2005.

    Encadré 1 : Equité et droits : la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (1960) de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO)

    On peut trouver un exemple d’une approche fondée sur l’« équité » dans la Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement dont il a été question plus haut. Des articles de la Convention proclament le principe de l’élimination de la discrimination pour quelque raison que ce soit dans l’accès à l’éducation (justice) dans les processus éducatifs (égalité de traitement) ; de l’approbation de la création de différentes institutions ou de mesures spéciales pour remédier aux effets de la discrimination (redistribution) ; et de l’expression d’une vision de l’éducation considérant celle-ci comme un moyen de réaliser « le plein épanouissement de la personnalité humaine » visant au « renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales » et devant « favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux » (transformation). La Convention reconnaît la possibilité, dans certains cas, d’une exclusion sociale, fondée sur des statuts de minorités déterminés par des facteurs identitaires tels que la nationalité, l’ethnicité et la religion et affi rme les droits pour les groupes exclus d’avoir le choix (s’ils le désirent) du lieu et des modalités de leur instruction, tout en affi rmant leurs droits de participer pleinement à la société.

  • 26 L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

    Le concept d’équité doit être distingué de celui d’« équivalence », souvent invoqué en faveur d’une redistribution des ressources fondée sur les divisions existantes de la main-d’œuvre et des responsabilités au sein d’une société donnée. Un argument en faveur de l’« équivalence » dans la répartition des ressources et des possibilités ne vise pas à trans-former, mais à faire en sorte que la répartition des ressources augmente parallèlement à ce qui est considéré comme les rôles et les statuts formels acceptables des femmes dans une société donnée. Comme exemples de politique d’équivalence, on peut mention-ner celles qui justifi ent que les femmes aient des droits d’héritage inférieurs à ceux des hommes en faisant valoir la place qu’elles occupent dans la société en tant que fi lles ou que sœurs et en tant que soutiens de famille accessoires ; dans le domaine de l’éducation, cela pourrait vouloir dire qu’on limite l’éducation que les fi lles reçoivent à des sujets par-ticuliers qui sont considérés comme appropriés culturellement ou comme convenables pour le sexe féminin dans la société. La redistribution non accompagnée d’un effort de transformation peut être considérée comme reposant sur un concept d’« équivalence » plutôt que d’« équité ». L’équité cherche à corriger ou à redresser des inéquités passées grâce à des ressources additionnelles et à des méthodes de transformation ; l’équivalence recommande une utilisation des ressources qui se fonde sur le statu quo et qui, par con-séquent, n’intervient pas pour opérer un changement positif.

    Néanmoins, des politiques fondées sur l’équivalence peuvent jouer un rôle impor-tant en faveur de la parité entre les sexes dans l’éducation car elles peuvent créer des espaces pour l’éducation des fi lles et des femmes, fût-ce dans des conditions étroitement défi nies. C’est ainsi que l’orientation de la politique suivie en Iran vers une égalité entre les sexes en général, et en matière d’éducation en particulier, a subi des changements qui se réclamaient d’un principe d’« équivalence » (voir encadré 2 ci-après). Le principe d’« équivalence » suivi par l’Etat dans la formulation de sa politique correspondait aussi à la nature de la demande d’éducation pour les fi lles, dans la mesure où des familles qui auraient pu craindre l’impact libérateur de l’éducation pour les femmes étaient tranquillisées par l’adoption d’une politique plus conservatrice. Toutefois, sous l’effet de cette politique fondée sur l’équivalence, les femmes instruites en Iran ont commencé à constituer une « masse critique » et, ayant fait leur entrée dans divers emplois et pro-fessions, ont fait pression en faveur de changements plus importants, comme l’atteste l’importance donnée actuellement à l’autonomisation, et elles poussent maintenant à une réorientation fondée sur l’égalité. Faire en sorte que les investissements en faveur de l’éducation des fi lles et des femmes soient maintenus peut, dans certains cas, aboutir à des résultats favorables à la parité entre les sexes, et les femmes peuvent tirer profi t des espaces qui leur sont offerts pour contribuer à faire pression sur les sociétés en faveur du changement et d’une prise en compte accrue des questions de genre.

  • 27Défi nir le problème : parité, égalité et équité entre les sexes

    Encadré 2 : Réaliser la parité entre les sexes dans l’éducation : de l’équivalence à l’égalité

    Le fait que l’Iran soit parvenu à un indice de parité entre les sexes de 0,98 pour l’enseignement primaire et de 0,92 pour l’enseignement secondaire atteste la rapidité des progrès réalisés pour réduire les écarts entre les sexes dans ces deux degrés d’enseignement. Les politiques adoptées par l’Etat en matière d’éducation ont activement encouragé la scolarisation des fi lles et des femmes, mais selon des modalités qui refl étaient étroitement l’environnement sociopolitique en Iran, en particulier dans la période postrévolutionnaire à partir de 1979. Par exemple, les trois piliers de l’islamisation, de la politisation et de l’égalisation ont eu conjointement pour effet de garantir aux fi lles des chances égales d’accès à la scolarisation, celle-ci étant toutefois défi nie et circonscrite par les idéologies de l’islamisation. Les composantes ont joué toutes trois un rôle important dans la détermination du contenu et de l’orientation de l’éducation à tous les niveaux. On peut, dans la politique suivie à partir de 1979, distinguer trois phases. Il y eut d’abord une phase révolutionnaire, où l’éducation était considérée comme un instrument de la politisation et de l’islamisation et où les femmes étaient considérées essentiellement comme des martyrs et comme des mères. Dans la phase suivante de la « reconstruction », les politiques éducatives ont refl été l’importance attachée à l’éducation des femmes et des fi lles, mais compte dûment tenu de leurs rôles dans la famille et dans la société, l’accent étant mis sur la sainteté et la stabilité de la famille. Enfi n, dans la phase actuelle de la réforme, on insiste davantage sur l’égalité entre les sexes et sur l’autonomisation des femmes, l’éducation étant considérée en particulier comme le moyen d’octroyer aux femmes plus d’espace pour comprendre leurs droits et pour agir indépendamment en faveur de ceux-ci.

    Source : Mehran (2003).

    Les concepts font fonction de cadres normatifs et sont utilisés différemment par diffé-rents acteurs. Alors que le concept de parité est quantitatif et se prête donc aisément à une normalisation, les concepts d’égalité sont moins clairement défi nis et leur usage varie d’un contexte à l’autre. Dans chaque contexte, ces mots auront des résonances différentes, fondées sur le discours politique et social général qui prévaut. Parvenir à un accord sur la signifi cation de ces termes ne saurait être considéré comme allant de soi, mais exige un engagement constructif et une élaboration en commun si l’on veut que ces termes soient institutionnalisés dans la pratique journalière des institutions et des acteurs.

    Vers l’égalité entre les sexes : les implications opérationnelles

    Que signifi e donc le passage de la parité à l’égalité ? Il signifi e qu’on intervient de façon plus dynamique pour s’en prendre aux racines structurelles des inégalités entre les sexes. Il signifi e qu’on prend des mesures sur des fronts multiples pour mettre en question

  • 28 L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

    les normes et règles sociales qui construisent les identités des hommes et des femmes selon des modalités qui les maintiennent dans des positions d’inégalité faisant que leurs contributions sont appréciées différemment et, par voie de conséquence, sont récom-pensées inégalement. En d’autres termes, l’accent mis sur la parité au moyen de mesu-res d’accès a introduit un rééquilibrage dans les relations entre les sexes. Pour que ce rééquilibrage s’approfondisse et se maintienne – car ces changements risquent toujours de subir le contrecoup de changements intervenant dans les structures économiques et sociales – il est nécessaire de rester attentif aux conditions différenciées dans lesquelles les fi lles et les garçons entrent dans les systèmes éducatifs et y participent. Pour les pays qui marquent encore le pas dans la réalisation de la parité entre les sexes, les straté-gies visant à s’en prendre plus dynamiquement aux racines structurelles de l’inégalité peuvent les aider à progresser plus rapidement vers la réalisation des deux séries d’ob-jectifs dans le laps de temps souhaité.

    Ainsi, pour étudier les progrès accomplis, il faut procéder à des évaluations tant quantitatives (parité entre les sexes) que qualitatives (égalité) dans le cadre d’un enga-gement général au service de l’égalité entre les sexes, en ne perdant pas de vue que le progrès de l’éducation des fi lles exige qu’on consacre un minimum d’attention au changement des circonstances sous-jacentes dans lesquelles l’accès et la participation à l’éducation sont facilités. Réaliser la parité entre les sexes n’est qu’une étape vers l’égalité entre les sexes, dans l’éducation et par l’éducation. Un système éducatif auquel parti-cipent en nombres égaux garçons et fi lles qui peuvent cheminer également d’un bout à l’autre du système, peut fort bien, dans les faits, n’être pas basé sur l’égalité entre les sexes. De plus, une approche qualitative contribuera aussi à mettre au jour les aspects les plus délicats du travail sur l’éducation des fi lles dans une compréhension plus large d’autres questions sociales complexes, en reconnaissant que, dans une société donnée, toutes les femmes ne sont pas désavantagées de la même façon (Subrahmanian, 2005).

    Il est nécessaire d’élaborer ces distinctions conceptuelles car elles offrent une base solide sur laquelle peuvent reposer les stratégies, leur mise en œuvre et l’évaluation de leurs impacts. En distinguant parité entre les sexes et égalité entre les sexes comme des pôles différents d’un continuum, il nous est plus facile d’applaudir à la réalisation de la parité sans traiter pour autant celle-ci comme le processus fi nal d’un effort collectif. Une approche double est donc nécessaire pour s’attacher à la fois à l’« éducation des fi lles » en tant que priorité politique et à une « approche fondée sur le genre » en tant que moyen de faire savoir qu’on comprend que cette priorité signifi e qu’on se préoccupe de la façon dont les identités de genre (c’est-à-dire la manière dont les rôles de genre et les relations de genre sont façonnés dans une société donnée) peuvent infl uer sur les perspectives et les possibilités de scolarisation et d’éducation pour les garçons et pour les fi lles, et pour les femmes et pour les hommes. Cette distinction peut aider aussi à faire le départ entre la valeur des approches ciblées, d’une part, et la valeur d’un ensemble de stratégies concernant les questions de l’inégalité entre les sexes dans tous les aspects de la politique, de la programmation et de la pratique de l’éducation, d’autre part. Les deux types de stratégies sont importants et leurs possibilités de réalisation varieront selon les

  • 29Défi nir le problème : parité, égalité et équité entre les sexes

    contextes socioculturels. Dans la plupart des cas, cependant, il est probable qu’il y aura combinaison des approches systémiques et ciblées.

    Enfi n, et cela est décisif, l’autonomisation des femmes et des fi lles apparaît comme un objectif important du développement. Les OMD considèrent l’éducation comme un moyen de réaliser l’autonomisation des femmes. Il faut cependant souligner le rôle que les processus d’autonomisation jouent pour faciliter la réalisation de l’égalité entre les sexes dans l’éducation. L’« autonomisation » n’est pas seulement une fi n, elle est aussi un moyen important d’atteindre durablement les objectifs éducatifs, de tirer parti des idées que les femmes et les fi lles se font elles-mêmes de ce qu’elles considèrent comme des changements souhaitables et de développer leurs capacités de formuler et de préciser ces perspectives. L’autonomisation est un processus complexe qui fait intervenir simul-tanément les capacités individuelles et les structures d’opportunité (Alsop et Heinsohn, 2005). Cela donne à penser qu’il y a lieu de viser à la fois deux objectifs : développer les capacités des fi lles et des garçons à remédier aux inégalités de genre et créer des institu-tions qui pourront offrir des possibilités de susciter ou de laisser se déployer ces capacités. L’implication d’une approche de l’égalité entre les sexes sous l’angle de l’« autonomisa-tion » est que les processus éducatifs devraient s’attacher aux capacités et aux compéten-ces qu’ils créent chez les jeunes des deux sexes pour que ceux-ci remé dient aux inégalités de genre en formant des relations sociales nouvelles et plus égalitaires (voir encadré 3).

  • 30 L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

    Encadré 3 : Proposer une éducation aux femmespar une approche d’autonomisation :le Mahila Samakhya en Inde

    L’expérience du Mahila Samakhya (MS), commencée depuis 1989, fournit un exemple de l’im-portance d’une autonomisation des femmes comme condition préalable décisive pour faciliter l’inclusion des femmes et de leurs fi lles dans l’éducation. Ce programme du département de l’éducation du Gouvernement indien, fi nancé avec des soutiens extérieurs pour ses seize premières années, a fourni une importante solution de rechange à la mobilisation et à l’autonomisation des femmes. Renonçant à faire du développement économique le point d’entrée dans le processus, il a opté pour une mobilisation politique par un travail de conscientisation et l’élaboration d’une stratégie collective.

    Le programme a reçu son élan de la Politique nationale de l’éducation de 1986 qui attachait une grande attention aux inégalités de genre dans l’éducation et optait pour une utilisation de l’éducation comme un « agent de changement fondamental dans le statut des femmes ». La conception de l’autonomisation impliquait un engagement explicite en faveur d’une redéfi nition de l’éducation comme un instrument de facilitation et d’autonomisation, comme un processus qui permettrait aux femmes « de faire preuve d’esprit critique, de remettre en question et d’analyser leur propre condition, d’exiger et d’obtenir l’information et les compétences dont elles avaient besoin pour pouvoir faire des plans et agir collectivement en faveur du changement ». Il était convenu que l’éducation devait donc aider les femmes à remettre en question plutôt qu’à accepter, leur donner les moyens d’affi rmer leur propre potentiel et soutenir les processus qui leur permettraient de ne plus accepter passivement leur sort, mais de s’affi rmer et d’agir collectivement, bref, de prendre leurs vies en main et de mettre en place des collectifs de femmes conscients et indépendants (sanghas) qui lanceraient et maintiendraient des processus de transformation sociale.

    En confi ant les tâches d’autonomisation à des collectifs de femmes au niveau du village, le Mahila Samakhya a vu l’émergence d’un plan de travail articulé à l’échelon local portant notamment sur la santé, les moyens d’existence, la production de revenus, l’épargne et le crédit, les femmes élaborant leurs propres stratégies pour résoudre les questions présentant de l’importance pour elles. Il s’agit en particulier de participer à la gouvernance locale, de veiller à ce que la fourniture de services par les autorités s’opère effi cacement et de s’attaquer aux questions sociales plus larges ayant un impact négatif sur la vie des femmes, comme l’alcoolisme et la violence des hommes.

    C’est dans le domaine de l’éducation des fi lles que la mobilisation des femmes a eu l’effet le plus marqué. Souvent, des femmes ont pris la diffi cile décision de retirer leurs enfants (en particulier les fi lles) d’un travail rémunéré et de leur fournir une possibilité de s’instruire. Beaucoup de femmes ont été motivées par le désir d’introduire un changement dans les vies de leurs fi lles, pour faire en sorte que celles-ci aient de meilleures chances et une vie différente de celle de leurs mères. Le fait d’envoyer des enfants et surtout des fi lles dans des écoles ou dans des internats créés dans le cadre du programme signifi e dans bien des cas prendre le contre-pied de normes sociales établies de très longue date (comme le mariage des enfants) en retardant de plusieurs années l’âge du mariage. Les femmes veillent en outre activement à ce que le système éducatif soit effi cace en surveillant les écoles et en participant activement à des organes scolaires (comme les comités éducatifs des villages et des écoles). L’une des manifestations les plus frappantes de ce sentiment d’appartenance a été l’importance du bénévolat et du soutien fi nancier que les collectifs de femmes fournissent pour lancer des interventions variées en matière d’éducation et pour combler les lacunes de cours gérés par le programme dans les différents Etats où ce dernier est mis en œuvre.

    Source : Jandhalya (2003).

  • 3. Faire progresser l’égalité entre les sexes : les enseignements d’une bonne pratique

    Diffi cultés et chances pour l’éducation des fi lles

    Plusieurs rapports2 récents mettent en lumière les obstacles à la parité et à l’égalité entre les sexes dans le domaine de l’éducation, obstacles dont il faut tenir compte pour trouver des solutions. Il s’agit notamment de facteurs liés à la « demande » d’éducation. Certaines des questions les plus importantes soulevées par ces études sont résumées briè-vement ci-après, mais chacun des rapports mérite d’être lu en entier.

    • Responsabilités domestiques, amenant les fi lles à abandonner l’école plus tôt que les garçons. Cela est lié aux coûts d’opportunité élevés de l’éducation des fi lles, celles-ci s’acquittant de toute une série de tâches domestiques non rémunérées qui libèrent une main-d’œuvre adulte (féminine) pour un travail productif.

    • Des normes sociales qui compromettent l’autonomie des femmes et, par voie de conséquence, l’éducation, comme le mariage précoce, les pratiques en matière de dot, ainsi que les tabous et pratiques nuisibles liés à la maturation sexuelle.

    Les limitations tenant à l’offre sont notamment les suivantes :

    • L’éloignement des écoles par rapport aux habitations de groupes marginalisés est un facteur signifi catif freinant l’accès, la sécurité des fi lles étant une source de préoccu-pation particulière.

    • Un milieu scolaire défavorable qui réduit encore les perspectives pour l’éducation des fi lles, celles-ci ne bénéfi ciant pas des facilités dont elles auraient besoin (par exemple sanitaires pour les adolescentes, protection contre un harcèlement des pairs et/ou des enseignants, infrastructures facilitant la sécurité telles que routes bien éclairées et facilités de transport).

    • Les coûts directs de l’enseignement qui limitent d’autant plus la participation des fi lles que le travail des femmes est perçu comme peu rentable économiquement.

    2. Comme on l’a mentionné précédemment, dans les préparatifs pour l’année 2005, beaucoup de travaux ont été faits sur les moyens de savoir « ce qui marche » pour assurer l’accès et la participation des fi lles à l’éducation. Parmi ces études et synthèses, on mentionnera notamment Kane (2004), les rapports commandés par le DFID (Rose et Brown, 2004 ; Swainson, 2004) en vue de la préparation du rapport sur la stratégie à suivre de 2005 (DFID, 2005), ainsi que Herz et Sperling (2004). En outre, des rapports mon diaux, comme le Rapport mondial de suivi sur l’EPT, publié par l’UNESCO (2003a), A Fair Chance for All, publié par la Campagne mondiale pour l’éducation (2003) et le rapport de l’UNICEF intitulé Situation des enfants dans le monde (2003) traitent également des diffi cultés auxquelles se heurte l’édu-cation des fi lles et des enseignements à en tirer.

  • 32 L’éducation des fi lles : vers une « mise à l’échelle » des bonnes pratiques

    • Le manque d’enseignantes et l’absence de prise en compte du genre chez les enseignants ont une incidence défavorable sur l’atmosphère dans les classes, réduisant le rôle de mo dèles que pourraient avoir les enseignants et renforçant l’association symbolique entre espace scolaire et autorité masculine.

    L’instauration de mesures formelles n’est pas suffi sante à elle seule pour remédier à la discrimination fondée sur le sexe. Les limitations à la participation des femmes, aux côtés des hommes, dans les organismes locaux créés pour gérer les écoles tels que les School Governing Bodies (SGB) ou les comités d’éducation de village, ont pour conséquence que les normes sociales régissant les relations entre les sexes ne sont pas contestées même lorsque la participation des femmes est imposée par des mécanismes tels que les quotas. Il conviendrait de se préoccuper davantage de politiques d’accompagnement instituant offi ciellement des « sièges autour de la table » pour les femmes, compte dûment tenu des espaces « informels » où les « vraies » décisions sont prises (voir encadré 4).

    Encadré 4 : Discrimination à la mine : un exemple en Afrique du Sud

    Bien que l’Afrique du Sud ait adopté une législation impressionnante pour promouvoir les droits des Noirs, des femmes et des personnes handicapées, la discrimination envers les femmes continue en raison des idées ancrées de longue date dans la population sur ce que doivent être les comportements et les responsabilités des hommes et des femmes, en particulier dans la sphère publique. Un cas évoqué chez Ramagoshi (2005) à propos des SGB dans les zones rurales d’Afrique du Sud en fournit une bonne illustration :

    ... une femme avait été présélectionnée pour un poste de principal, puis convoquée pour un entretien. A peine entrée dans la pièce, elle s’entendit dire : « Excusez-nous, Madame, mais vous êtes dans la pièce où nous organ