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LACAN L’ envers de la psychanalyse 1969- 1970

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LACAN L envers de la psychanalyse

1969- 1970

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Ce document de travail a pour sources principales : - L envers de la psychanalyse, reprographie des annes 1970-71 ( sans autre information ) - L envers de la psychanalyse, stnotypie au format Pdf sur le site de lE.L.P. - L envers de la psychanalyse, au format html sur le site de Pascal GAONACH : Gaogoa. - L envers de la psychanalyse au format mp3 , sur le site de Patrick VALAS. Les rfrences bibliographiques privilgient les ditions les plus rcentes. Les schmas sont refaits.

N.B. Ce qui sinscrit entre crochets droits [ ] nest pas de Jacques LACAN

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Table des sances Leon 1 26 Novembre 1969 Leon 2 17 Dcembre 1969 Leon 3 14 Janvier 1970 Leon 4 21 Janvier 1970 Leon 5 11 Fvrier 1970 Leon 6 18 Fvrier 1970 Leon 7 11 Mars 1970 Leon 8 18 Mars 1970 Leon 9 09 Avril 1970 Leon 10 15 Avril 1970 Leon 11 20 Mai 1970 Leon 12 10 Juin 1970 Leon 13 17 Juin 1970

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26 Novembre 1969 Table des sances Permettez-moi, mes chers amis, une fois de plus, dinterroger cette assistance, en tous les sens du terme, que vous mapportez, et notamment aujourdhui, en me suivant tous dans un troisime - pour certains dentre vous - dans un troisime de mes dplacements. Avant de reprendre cette interrogation, tout de mme je ne puis moins faire que de prciser

pour en remercier qui de droit comment je suis ici. Cest au titre dun prt, que la Facult de Droit veut bien faire un certain nombre de mes collgues des Hautes tudes auxquels elle a bien voulu madjoindre. Que la Facult de Droit, et particulirement ses plus hautes autorits, notamment M. le Doyen, en soient ici par moi et, je pense avec votre assentiment, remercies. Comme peut-tre laffiche vous la appris, je ne parlerai ici

non certes que le lieu ne me soit offert tous les mercredis je ne parlerai ici que le deuxime et le troisime mercredi de chaque mois, me librant par l, aux fins dautres offices sans doute, les autres mercredis. Et notamment, je crois pouvoir annoncer que le premier de ces mercredis du mois, au moins pour une part, cest--dire un mois sur deux, et donc

je commencerai le mois prochain, le mois de Dcembre

les premiers mercredis de Dcembre, de Fvrier, dAvril et de Juin, cest Vincennes que jirai porter, non pas mon sminaire, comme il fut annonc dune faon errone, mais ce quen contraste, et pour bien souligner quil sagit dautre chose, jai pris soin de nommer quatre impromptus, auxquels jai donn un titre humoristique dont vous prendrez connaissance sur les lieux o il est dj affich.

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Puisque, comme vous le voyez, il me plat de laisser en suspens telle ou telle indication, jen profite trs vite pour librer ici un scrupule qui mest rest dune sorte daccueil que jai fait

en somme, la rflexion, peu aimable non pas que je laie voulu tel, mais il se trouva ainsi de fait. Un jour, une personne qui est peut-tre ici

et sans doute ne se signalera pas mabordait dans la rue au moment que je montais, que je prenais pied dans un taxi. Elle arrta pour a son vlomoteur, pour me dire :

Est-ce que cest vous, le docteur Lacan ?

Que oui, lui dis-je, et pourquoi ?

Est-ce que vous reprenez votre sminaire ?

Mais oui, bientt.

Et o ? Et l, sans doute que javais pour cela mes raisons, elle voudra bien men croire, je lui rpondis :

- Vous le verrez. la suite de quoi elle partit sur son petit vlomoteur, quelle avait dcroch avec une telle prestesse que jen restais la fois interdit et charg de remords. [ Rires ] Cest ce remords que jai voulu aujourdhui exprimer en lui prsentant mes excuses, si elle est l, pour quelle me pardonne. la vrit, cest assurment une occasion de remarquer que ce nest jamais un excs

en quelque faon que ce soit par lexcs de quelquun dautre quon se montre, au moins apparemment, excd. Cest toujours parce que cet excs vient concider avec un excs vous.

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Cest parce que moi, jtais dj sur ce point dans un certain tat qui reprsentait un excs de proccupation, que sans doute je me suis manifest ainsi dune faon que jai trouve trs vite intempestive. Eh bien entrons - sur ce - dans ce quil va en tre de ce que nous apportons cette anne. La Psychanalyse lenvers, ai-je cru devoir intituler ce sminaire. Ne croyez pas que ce titre doive quoi que ce soit lactualit qui se croirait en passe de mettre un certain nombre de lieux lenvers. Je nen donnerai pour preuve que ceci : cest que dans un texte qui est dat de 1966, et nommment dans une de ces introductions que jai faites, au moment du recueil de mes crits, une de ces introductions qui scandent ce recueil, qui sappelle De nos antcdents

a se trouve, si mon souvenir est bon et si je lai bien not, la page 68

je fais trs prcisment allusion, ou plus exactement je caractrise, ce quil en a t du discours - comme je mexprime - dune reprise - dis-je - du projet freudien lenvers. Cest crit donc bien avant les vnements. Quest-ce dire ? Il mest arriv, lanne dernire, en tout cas avec beaucoup dinsistance, de distinguer ce quil en est du discours, comme une structure ncessaire de quelque chose qui dpasse de beaucoup la parole, toujours plus ou moins occasionnelle. Ce que je prfre, ai-je dit, et mme affich un jour, cest un discours sans parole 1. Cest qu la vrit, sans paroles, il peut fort bien subsister. Il subsiste dans certaines relations fondamentales qui littralement ne sauraient subsister sans le langage, sans linstauration par l'instrument du langage dun certain nombre de relations stables, lintrieur desquelles peut certes sinscrire quelque chose qui va bien plus loin, qui est bien plus large que ce quil en est des nonciations effectives.

1 Cf. Sminaire 1968-69 : Dun Autre lautre (1968-69), sance du 13 Novembre, inscrit au tableau en dbut de sance : Lessence de la thorie psychanalytique est un discours sans parole .

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Nul besoin de ces nonciations pour que notre conduite, pour que nos actes ventuellement sinscrivent du cadre de certains noncs primordiaux. Sil nen tait pas ainsi, quen serait-il de ce que nous retrouvons dans lexprience

et spcialement analytique, celle-ci ne svoquant en ce joint que pour lavoir prcisment dsigne

quen serait-il de ce qui se retrouve pour nous sous laspect du surmoi ? Il est des structures, nous ne saurions les dsigner autrement pour caractriser ce qui est dgageable de cet en forme de sur lequel lanne dernire je me suis permis de mettre laccent dun emploi particulier ce quil en tait de ce qui se passe de par la relation fondamentale, celle que je dfinis : dun signifiant un autre signifiant. Voil la relation fondamentale, celle que je dsigne pour tre do rsulte lmergence de ceci que nous appelons le sujet, ceci de par le signifiant qui en loccasion fonctionne comme le reprsentant - ce sujet - auprs dun autre signifiant. Quen est-il, comment situer cette forme fondamentale, cette forme que si vous voulez bien, sans plus attendre, nous allons cette anne crire, non plus

comme je le disais lanne dernire comme lextriorit du signifiant S1, celui do part notre dfinition du discours tel que nous allons laccentuer en ce premier pas.

Je mets donc le signifiant S1 pour manifester ce qui rsulte de son rapport avec ce cercle dont je ne mets ici que la trace. Javais marqu ici le sigle du A, le champ du grand Autre, mais simplifions.

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Nous considrons dsigne par le signe S2 la batterie des signifiants, de ceux qui sont dj l. Car au point dorigine o nous nous plaons pour fixer ce quil en est du discours

du discours conu comme statut de l'nonc S1 est celui qui est voir comme intervenant, intervenant sur ce quil en est dune batterie de signifiants que nous navons aucun droit, jamais, de tenir pour disperse, pour ne formant pas dj - le rseau de ce qui sappelle un savoir. Ce qui se pose dabord

de ce moment o S1 vient reprsenter quelque chose, par son intervention dans le champ dfini, au point o nous sommes

comme le champ dj structur dun savoir, ce qui est son suppos, [ upokeimenon ], cest le sujet, en tant quil reprsente ce trait spcifique, distinguer de ce quil en est de lindividu vivant, et qui assurment en est le lieu, le point de marque, mais qui bien sr nest pas de lordre, de lordre de ce que le sujet fait entrer de par le statut du savoir. Sans doute est-ce l, autour du mot savoir le point dambigut sur lequel nous avons aujourdhui bien accentuer ce qui dores et dj

par plusieurs chemins, sentiers, occasions de lumire, traits de flash ce quoi je pense avoir rendu vos oreilles sensibles. Il mest arriv lanne dernire

noterai-je pour ceux qui en ont pris note, pour ceux qui peut-tre a trotte encore dans la tte

il mest arriv lanne dernire dappeler ce savoir : La jouissance de l'Autre . Cest une drle daffaire, une formulation qui vrai dire na jamais encore t profre. Elle nest plus neuve, puisque jai pu, dj lanne dernire, lui donner devant vous sa vraisemblance suffisante, puisque jai pu en tenir le propos sans soulever de spciales contestations.

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Cest l un des points de rendez-vous que jannonais pour cette anne. Compltons dabord ce qui fut dabord deux pieds :

puis trois :

donnons-lui son quatrime :

Celui-l, jy ai depuis, je pense, assez insist, et spcialement lan dernier, puisque lanne dernire le sminaire tait fait pour a : Dun Autre Lautre, lintitulais-je. Cet autre, le petit, avec son grand L, son L de notorit, ctait ce que nous dsignions

ce niveau, qui est dalgbre, qui est de structure signifiante

cest ce que nous dsignons comme lobjet(a). ce niveau de structure signifiante, nous navons connatre que de la faon dont a opre. ce niveau de structure signifiante nous avons libert de voir ce que a fait

si nous crivons ces choses donner tout le systme un quart de tour. Ce fameux quart de tour dont je parle depuis assez longtemps, en bien dautres occasions

notamment depuis la parution de ce que jai crit sous le titre de Kant avec Sade

pour quon puisse penser que peut-tre un jour, on verrait que a ne se limite pas au fait du schma dit Z , mais quil y a ce quart de tour, dautres raisons que ce pur accident de reprsentation imaginaire.

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Voil un exemple :

bien prendre les choses, sil apparat fond que la chane

la succession de ce quil en est des lettres de cet algbre ne peut pas tre drange, si vous vous livrez cette opration que jai appele quart de tour nous obtiendrons pas plus de quatre structures, dont celle qui est ici crite gauche nous montre en quelque sorte le dpart :

Il est trs facile de produire vite, sur le papier, les deux qui restent. Cela nest pas que pour spcifier un appareil qui na absolument rien dimpos

comme on dirait de certaines perspectives rien dabstrait daucune ralit. Bien au contraire, cest dores et dj inscrit dans ce qui fonctionne comme cette ralit dont je parlais tout lheure, du discours qui est dj au monde et qui le soutient, tout le moins celui que nous connaissons. Cest l

pas seulement dj inscrit : faisant partie de ses arches

que cette chane symbolique peu importe, bien sr, la forme des lettres o nous linscrivons, pour peu quelles soient distinctes

que quelque chose y manifeste une relation constante. Telle est cette forme, en tant quelle dit que cest au point linstant mme - o le S1

cest la suite de ce que dveloppera ici notre discours qui nous dira quel sens il convient de donner ce moment l

cest au moment o ce S1 intervient dans le champ dj constitu des autres signifiants

en tant quils sarticulent dj entre eux comme tels qu intervenir auprs dun autre [signifiant] de ce systme, surgit ceci : S, qui est ce que nous avons appel le sujet comme divis.

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Mais nous avons accentu de toujours :

- que de ce trajet sort quelque chose de dfini comme une perte,

- et que cest cela que dsigne la lettre qui se lit comme tant lobjet(a).

Bien sr nous navons pas t sans dsigner le point do nous extrayons cette fonction de lobjet perdu : du discours de FREUD sur le sens spcifique de la rptition chez ltre parlant. Car ce nest point de nimporte quel effet biologique de mmoire quil sagit dans la rptition. La rptition a un certain rapport avec ce qui, de ce sujet et de ce savoir, est la limite qui sappelle la jouissance. Cest pourquoi cest dune articulation logique quil sagit dans la formule :

Le savoir est la jouissance de lAutre. De lAutre, bien entendu pour autant

car il nest nul Autre pour autant que la fait surgir comme champ lintervention du signifiant. Sans doute me direz-vous que l, en somme, nous tournons toujours en rond : le signifiant, lAutre, le savoir, le signifiant, lAutre, le savoir Et cest bien l que le terme de jouissance nous permet de montrer le point dinsertion de lappareil, et sans doute

sortant de ce quil en est authentiquement de ce qui est reconnaissable comme savoir

de nous rapporter aux limites, lhors-champ, celui que la parole de FREUD ose affronter, quand de tout ce que celle-ci articule rsulte - rsulte quoi ? non le savoir, mais la confusion, car de la confusion elle nous a port tirer rflexion et

puisquil sagit des limites sortir du systme.

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En sortir en vertu de quoi ? Dune soif de sens ? Comme si le systme en avait besoin ! Il na aucun besoin, le systme ! Et nous, tres de faiblesse

tels que nous nous retrouverons dans le cours de cette anne tous les tournants

nous avons besoin de sens. Eh bien, en voil un. Cest peut-tre pas le vrai, mais ce quil y a de certain cest que nous allons voir aussi quil y a beaucoup de cest peut-tre pas le vrai , dont linsistance nous suggre proprement la dmission [ lapsus ] la dimension de la vrit. [ Rires ] Eh bien, remarquons lambigut mme qua prise

dans la stupidit psychanalytique le mot Trieb, pour autant quau lieu de sappliquer saisir comment sarticule cette catgorie

sans doute qui nest pas sans anctre, je veux dire qui nest pas sans dj emploi , et qui remonte loin, jusqu KANT

du mot Trieb. Mais tout de mme ce quoi a sert dans le discours analytique mriterait bien que lon ne se prcipite pas pour le traduire trop vite, trop vite par le mot instinct . Mais quand mme, ce nest pas sans raison que se produisent ces glissements. Et aprs tout, quoique depuis longtemps nous insistions sur le caractre aberrant de cette traduction, nous sommes en droit pourtant den tirer profit, non certes pour consacrer - et surtout ce propos ! la notion dinstinct, mais pour rappeler ce qui du discours de FREUD la rend habitable, et pour tcher simplement - ce discours - de le faire habiter autrement.

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Populairement, lide de linstinct est bien lide dun savoir, dun savoir dont on nest pas capable de dire ce que a veut dire, mais qui est cens, et non sans titre, avoir pour rsultat que la vie subsiste. Si nous donnons un sens ce que FREUD nonce du principe du plaisir comme essentiel au fonctionnement de la vie, dtre celui o se maintient la tension la plus basse, est-ce que ce nest pas dire ce que la suite de son discours dmontre comme lui tre impos, impose par le dveloppement de quoi ? dune exprience, de lexprience analytique, en tant quelle est structure de discours. Car noublions pas que ce nest pas considrer le comportement des gens quon invente la pulsion de mort. La pulsion de mort, nous lavons ici, l o il se passe quelque chose entre vous et ce que je dis. Je dis : ce que je dis, je ne parle pas de ce que je suis. quoi bon, puisquen somme a se voit grce votre assistance. Ce nest pas quelle parle en ma faveur [ Rires ] Elle parle quelquefois, et le plus souvent, ma place. Ce qui justifie, quoi quil en soit, quici je dise quelque chose, cest ce que jappellerai lessence de cette manifestation quont t successives les diverses assistances que jai attires selon les lieux do je parlais [ Sainte-Anne, E.N.S. rue dUlm, Univ. Paris I-Panthon]. Je tenais beaucoup embrancher quelque part

parce que aujourdhui men semblait le jour, aujourdhui o je suis dans un lieu de mieux

de faire remarquer que ce lieu a toujours eu son poids pour faire le style de ce que jai appel cette manifestation . Manifestation, cest dire quelque chose dont aussi je ne veux pas laisser passer loccasion de dire quelle a rapport avec le sens courant du terme interprtation.

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Ce que jai dit par, pour, et dans, votre assistance, est chacun des temps que je vous avais dfinis comme lieux gographiques, toujours dj interprt. Jy reviendrai, parce que a aura prendre place dans les petits quadripodes tournants dont je commence aujourdhui de faire usage. Mais pour ne pas vous laisser compltement dans le vide, jindique que si javais interprter, je veux dire pingler comme interprtation

- ceci qui va dans le sens contraire linterprtation analytique, - ceci qui fait bien sentir combien linterprtation analytique

est elle-mme rebours du sens commun du terme interprter qu pingler donc linterprtation de ce que je disais Sainte-Anne par exemple, je dirais que le plus sensible, la corde qui vibrait vraiment, ctait la rigolade. Le personnage le plus exemplaire de cette audience, qui tait mdicale sans doute

mais enfin, il y avait aussi quelques assistants qui ne ltaient pas

tait celui qui brochait mon discours dune sorte de jet continu de gags. Cest cela que je prendrai pour le plus caractristique de ce qui fut pendant dix ans lessence de ma manifestation. [ sic ] Les choses nont commenc saigrir que du jour

et cest une preuve de plus o jai consacr un trimestre lanalyse du mot desprit.[ Rires ] Je ne peux pas longtemps aller dans ce sens, cest une grande parenthse, mais il faut bien que jy ajoute les caractristiques de linterprtation, l, de lendroit o vous mavez quitt la dernire fois, comme a, cest absolument magnifique en lettres initiales [ E. N. S. ], a tourne autour de ltant. Il faut toujours savoir profiter des quivoques littrales, surtout que cest trs important, cest les trois premires lettres du mot enseigner.

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Cest l quon sest aperu que ce que je disais tait un enseignement. Avant a nen tait pas un, de toute vidence, ctait mme pas admis, les professeurs et spcialement - les mdecins taient fort inquiets. Le fait que ce ntait pas du tout mdical laissait un fort doute sur le fait que ce ft digne du titre denseignement, jusquau jour o on a vu des petits gars

vous savez, l, ceux des Cahiers pour lanalyse o on a vu des petits gars forms dans un coin,

comme je lavais dit depuis bien longtemps avant, justement au temps des gags

ce coin o par effet de formation on ne sait rien, mais on lenseigne admirablement. Quils aient interprt ce que je disais, comme a, a bien un sens : cest une autre interprtation. Linterprtation analytique Naturellement, on ne sait pas ce qui va arriver ici. Je ne sais pas sil viendra des tudiants en droit, mais la vrit, ce serait capital, mais vraiment capital. Cest probablement le temps de beaucoup le plus important des trois, puisque ce dont il sagit cette anne, cest de prendre la psychanalyse lenvers. Cest peut-tre, justement, lui donner son statut, au sens du terme quon appelle juridique, a, en tout cas, a a srement toujours eu affaire, et au dernier point, avec la structure du discours. Si le droit, cest pas a, si cest pas l quon touche comment le discours structure le monde rel, o a sera ? Cest pour a que nous ne sommes pas plus mal ici quailleurs, ce nest donc pas simplement pour des raisons de commodit que jen ai accept laubaine, que a vous fait dans vos priples le moindre drangement, au moins pour ceux qui taient habitus lautre ct. [ LUniversit. Paris 1 : place du Panthon, et lE.N.S. : rue DUlm, sont proches ] Il y a une chose : je ne suis pas trs sr que pour le parking ce soit trs commode, mais enfin vous avez tout de mme encore la rue dUlm. Reprenons.

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Nous tions arrivs notre instinct et notre savoir comme situs, en somme, de ce que BICHAT dfinit de la vie : La vie

dit-il, et cest la dfinition la plus profonde, elle nest pas du tout prudhommesque si vous voyez de prs

est lensemble des forces qui rsistent la mort. Lisez ce que dit FREUD de ce quil en est de la rsistance de la vie, la pente vers le Nirvna, comme on a dsign autrement la pulsion de mort au moment o il lintroduit. Sans doute se prsentifie-t-il au sein de lexprience analytique

dune exprience de discours cette pente au retour linanim. FREUD va jusque-l. Mais ce quil en est, dit-il, qui fait la subsistance de cette bulle

vraiment limage simpose laudition de ces pages cest que la vie ny retourne que par des chemins, toujours les mmes, quelle a une fois bien tracs. Quest-ce, sinon le vrai sens donn ce que nous trouvons dans la notion dinstinct, d'implication d'un savoir ? Ce sentier-l, ce chemin-l, on le connat, cest le savoir ancestral. Et ce savoir, quest-ce que cest ? Si nous noublions pas le point o FREUD

au-del du principe de plaisir, du principe de ralit introduit ce quil appelle lui-mme Au-del du principe du plaisir qui nen est pas pour autant renvers. La preuve, cest trs prcisment que le savoir, cest ce qui fait que la vie sarrte une certaine limite vers la jouissance. Le chemin vers la mort

cest de cela quil sagit, cest un discours sur le masochisme le chemin vers la mort nest rien dautre que ce quon appelle la jouissance.

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Ce rapport primitif du savoir la jouissance, cest l que vient sinsrer ce qui surgit

au moment o lappareil apparat de ce quil en est du signifiant. Il est concevable ds lors que ce surgissement du signifiant, nous en relions la fonction. a suffit ! Quavons-nous besoin de tout expliquer ? Et lorigine du langage, pourquoi pas Chacun sait que pour structurer correctement un savoir, il est besoin de renoncer la question des origines, et que ce que nous faisons ici, je vous lai dit, est au regard de ce que nous avons dvelopper cette anne, c'est--dire une structure. Ce que nous faisons en articulant ceci est superflu, vaine recherche de sens, dj. Tenons compte de ce que nous sommes. Cest au joint dune jouissance

et non pas de nimporte laquelle, sans doute doit-elle rester opaque

cest au joint dune jouissance privilgie entre toutes, non pas dtre la jouissance sexuelle puisque ce que cette jouissance dsigne dtre au joint, je le disais linstant, cest la perte de la jouissance sexuelle, cest la castration. Cest en rapport au joint avec la jouissance sexuelle que surgit dans la fable, la fable freudienne de la rptition, lengendrement de ceci qui est radical, et donne corps un schma articul littralement : cest pour autant que S1 ayant surgi, premier temps, se rpte auprs de S2

do surgit dans lentre en rapport le sujet que quelque chose reprsente une certaine perte, dont il vaut davoir fait cet effort vers le sens pour comprendre lambigut.

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Ce nest pas pour rien que ce mme objet que dautre part javais dsign comme celui autour de quoi, en somme, sorganise dans lanalyse toute la dialectique de la frustration

ce mme objet lanne dernire aussi, je lai appel le plus-de-jouir. Ceci veut dire que la perte de lobjet, cest aussi la bance, le trou ouvert quelque chose dont on ne sait sil est la reprsentation du manque jouir, qui se situe du procs du savoir en tant que l il prend un tout autre accent dtre ds lors savoir scand du signifiant. Est-ce mme le mme ? Le rapport la jouissance saccentue soudain de cette fonction encore virtuelle qui sappelle celle du dsir. Aussi bien est-ce pour cela-mme que jarticule plus-de-jouir ce qui ici apparat, non pas dun forage ou dune transgression Quon tarisse un petit peu, je vous en prie, autour de ce cafouillage. Si lanalyse montre quelque chose

jinvoque ici ceux qui y ont un peu dautre me que celle dont on pourrait dire - comme BARRS le dit du cadavre - quelle bafouille

cest trs prcisment ceci : quon ne transgresse rien ! Se faufiler nest pas transgresser. Voir une porte entrouverte, ce nest pas la franchir. Nous aurons loccasion de retrouver ce que je suis en train dintroduire. Ce nest pas ici transgression, mais bien plutt irruption, chute dans le champ, de quelque chose qui est de lordre de la jouissance : un boni. Eh bien, mme a, cest peut-tre a quil faut payer. Cest pour a que lanne dernire, cest propos de ce plus-de-jouir que je vous ai dit : dans MARX, le (a) qui est l est reconnu comme fonctionnant

au niveau qui sarticule du discours analytique, pas dun autre reconnu comme plus-de-jouir.

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Cest a que MARX dcouvre comme ce qui passe vritablement au niveau de la plus-value. Car bien entendu, ce nest pas MARX qui a invent la plus-value, mais seulement, avant lui, personne ne savait quelle place a avait : la mme place ambigu qui est celle que je viens de dire, du travail en trop, du plus-de-travail. Quest-ce que a paye - dit-il sinon justement de la jouissance dont il faut bien quelle aille quelque part ? Ce quil y a de troublant, cest que si on la paye, on la, et qu partir de l, il nest plus trs urgent de la gaspiller, mais que si on la gaspille alors a a toutes sortes de consquences. Laissons pour linstant la chose en suspens. Que suis-je en train de faire ? Je commence vous faire admettre, simplement lavoir situ, que cet appareil quatre pattes, avec quatre positions, peut servir dfinir quatre discours radicaux. Il nest pas de hasard que ce soit sa forme que je vous ai donne comme premire :

Mais rien ne dit que je naurais pu partir de toute autre, de celle-ci qui est gauche par exemple :

Il est un fait, dtermin par des raisons historiques, qui fait que cette premire forme

celle qui snonce partir de ce signifiant qui reprsente un sujet auprs dun autre signifiant

elle a de limportance parce que cest elle qui, dans ce que nous allons noncer cette anne, va spingler entre toutes - entre les quatre - comme tant larticulation du discours du Matre. Le discours du Matre, je pense quil est inutile de vous rapporter son importance historique, puisque quand

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mme, dans lensemble vous tes recruts sur ce tamis quon appelle universitaire, et que de ce fait, vous ntes pas sans savoir que la philosophie ne parle que de a. Avant mme quelle ne parle que de a, cest--dire quelle lappelle par son nom

point saillant chez HEGEL, tout spcialement illustr par lui

il tait dj manifeste que ctait, dans le champ, au niveau du discours du Matre qutait apparu quelque chose qui quand mme nous concerne, nous concerne quant au discours, quelle que soit son ambigut, et qui sappelle la philosophie. Alors je ne sais pas jusquo je vais pouvoir porter ce que jai aujourdhui vous pingler, vous pointer, je vous rappelle quil ne faut pas traner si nous voulons faire le tour des quatre discours en question. Comment sappellent les autres ? Je vous le dirai tout de suite - pourquoi pas ? ne serait-ce que pour vous allcher.

Matre Hystrique Analyste Celui-l de gauche cest le discours de lhystrique. a se voit pas tout de suite hein [ Rires ], a se voit pas tout de suite, mais je lexpliquerai. Et puis les deux autres. Il y en a un qui est le discours de lanalyste. Et puis lautre, non dcidment, je vous dirai pas qui cest [ Rires ], je vous le dirai pas parce que cela prterait simplement

tre dit aujourdhui comme a trop de malentendus. Mais enfin vous verrez, cest un discours tout fait dactualit. Bon, eh bien, reprenons le discours du Matre.

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Pour autant quil faut que jassoie ce quil en est de la dsignation de lappareil algbrique prsent, comme donnant la structure du discours du Matre. L [ S1 ], disons pour aller plus vite : le signifiant, la fonction de signifiant sur quoi sappuie lessence du Matre. Vous vous souvenez peut-tre dun autre ct sur quoi jai mis laccent lanne dernire plusieurs reprises : que le champ propre de lesclave cest le savoir [ S2 ]. Il ne fait aucun doute

lire les tmoignages que nous avons de lre antique, en tout cas du discours qui se tenait sur cette vie -lisez l-dessus la Politique dARISTOTE

ce que javance de lesclave comme caractris par tre celui qui est le support du savoir, ne fait aucun doute. Ce qui dfinit la position de lesclave pour autant que dans lre antique, il nest pas, comme notre moderne esclave, une classe simplement, il est une fonction inscrite dans la famille. Quand ARISTOTE parle de lesclave, il est tout autant dans la famille et plus encore dans ltat, et il lest parce quil est celui qui a un savoir-faire. Cest trs important, parce quavant de savoir si le savoir se sait, si lon peut fonder un sujet sur la perspective dun savoir totalement transparent en lui-mme, il faut savoir ponger le registre de ce qui dorigine est savoir-faire. Or ce qui se passe, ce qui se passe sous nos yeux, et qui donne son sens

un premier sens, vous en aurez dautres la philosophie, nous en avons tout fait heureusement - grce PLATON - une trace. Et il est trs essentiel de sen souvenir pour situer, pour mettre sa place, quaprs tout si quelque chose a un sens dans ce qui nous travaille, a ne peut tre que de mettre les choses leur place [ Cf. df. du Rel ].

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Ce que la philosophie dsigne dans toute son volution cest ceci : le vol, le rapt, la soustraction lesclave de son savoir, par lopration du Matre. Il suffit davoir un petit peu de pratique

et Dieu sait si depuis 16 ans je fais effort pour que ceux qui mcoutent la prennent, cette pratique

un peu de pratique des dialogues de PLATON pour sen apercevoir. Quest-ce que cherchent ce que jappellerai cette occasion les deux faces du savoir, ce savoir-faire si parent du savoir animal, mais qui chez lesclave nest absolument pas dpourvu, bien sr, de cet appareil qui en fait un rseau langagier, bien sr des plus articuls. Parce quil sagit de cela

la seconde couche, lappareil articul de sapercevoir que a, a peut se transmettre, ce qui veut dire se transmettre de la poche de lesclave celle du Matre, si tant est qu' cette poque, on et des poches ! Et tout leffort de dgagement de ce qui sappelle l[ pistm ]

cest un drle de mot, je ne sais si vous y avez jamais bien rflchi : se mettre en bonne position, comme Vorstellung, cest le mme

il sagit de trouver la position pour que le savoir devienne savoir de Matre. La fonction de l[ pistm ] en tant que savoir transmissible elle est spcifie comme telle

reportez-vous aux dialogues de PLATON elle est tout entire, emprunte toujours aux recours aux techniques artisanales, cest--dire serves. Ce dont il sagit, cest den extraire lessence pour quil devienne savoir de Matre.

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Et puis, a se redouble naturellement dun petit choc en retour, qui est tout fait comment dirais-je - ce quon appelle un lapsus, nest-ce pas, un retour du refoul. Mais, dit tel ou tel, enfin que ce soit CALLIMAQUE ou un autre Enfin quest-ce que je dis l Reportez-vous au Mnon, l, au moment o il sagit de la 2, nest-ce pas, et de son incommensurable. Il y en a un qui dit :

Voyons, lesclave, mais quil vienne, le cher petit, il sait. On lui pose des questions, des questions de Matre bien sr, et comme lesclave rpond naturellement aux questions ce que les questions dj dictent comme rponses, on trouve l sous cette espce de forme de dmission, de drision, de mode de bafouer le person-nage qui est l retourn sur la pole, on montre bien que le srieux, la vise, cest ceci : cest que lesclave sait et que, ne lavouer que dans ce biais de drision, se cache ce dont il sagit l, cest de ravir lesclave sa fonction au niveau du savoir. Et cela, pour donner son sens ce que je viens dnoncer, il faudrait bien sr

mais ce sera notre pas de la prochaine fois voir comment sarticule la position de lesclave

et cest ce que jai dj amorc de dire lanne dernire

au regard de la jouissance. Ce ntait quun mythe, un mythe pittoresque, mais chacun sait que ce qui est intressant cest ce qui l dedans dment ce qui se dit ordinairement, savoir que la jouissance cest le privilge du Matre. Bref, cest du statut du Matre quil sagit en loccasion. Ce que je voulais dans mon introduction, cest seulement vous dire quel point profondment nous intresse ce statut, dont il vaut, il vaut de garder lnonciation pour un prochain pas. Combien il nous intresse quand ce qui se voit, ce qui dvoile, ce qui du mme coup se rduit un coin du paysage, cest la fonction de la philosophie.

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Ceci tant, vu lespace

et lespace plus court cette anne que dautres que je me suis donn, sans doute ne puis-je le dvelopper. a na aucune importance : que quelquun reprenne ce thme, et en fasse ce quil voudra. La philosophie dans sa fonction historique est cette extraction, cette trahison, qui presse le savoir de lesclave, pour en obtenir sa transmutation comme savoir de Matre. Est-ce dire que ce que nous voyons surgir comme science pour nous dominer soit le fruit de lopration ? L encore aussi, loin quil faille se prcipiter, nous constatons au contraire quil nen est rien. Cest savoir que toute cette sagesse, cette [ pistm ] faite de tous les recours toutes les dichotomies, nont abouti qu un savoir quon peut proprement parler dsigner du terme qui servait ARISTOTE lui-mme caractriser le savoir de Matre : un savoir thorique. Non pas bien sr, au sens faible que nous donnons ce mot, mais au sens accentu que le mot [ thria ] a dans ARISTOTE, et que - chose singulire ce nest que du jour

jy reviens, car pour mon discours cest le point vif, un point-pivot, un point essentiel

cest du jour o, dun mouvement de renonciation ce savoir, si je puis dire mal acquis, quelquun

du rapport strict de S1 S2 a extrait pour la premire fois comme telle, la fonction du sujet. Jai nomm DESCARTES, tel que bien entendu, je crois pouvoir vous larticuler, non sans accord avec au moins une part importante de ceux qui sen sont occups.

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La distinction du temps o surgit le virage de cette tentative de passation du savoir de lesclave au Matre, et de son redpart, que ne motive quune certaine faon de poser dans la structure toute fonction possible de lnonc en tant que seule larticulation du signifiant la supporte, voil un petit exemple des aperus, des clairs, que le type de travail que je vous propose cette anne, peut vous apporter. Ne croyez pas que cela sarrte l, bien sr. Car ce que je dis, ce que jai avanc, qui je pense, partir du moment o on le montre, prsente au moins son caractre de dessillement dune vidence : qui peut nier que la philosophie ait jamais t autre chose quune entreprise fascinatoire au bnfice du Matre, partir du moment o on le dit ? Nous y reviendrons bien sr. lautre terme, nous avons le discours de HEGEL, et son normit dite du savoir absolu. Que peut bien vouloir dire le du savoir absolu, si nous partons de la dfinition que je me suis permis de rappeler comme principielle pour ce qui est de notre dmarche concernant le savoir ? Cest peut-tre de l que nous partirons la prochaine fois, a sera au moins un de nos dparts. Lautre est ceci, il nest pas moindre, il est norme et tout spcialement salubre cause des normits, des normits vritablement accablantes quon entend des psychanalystes concernant ce quil en est du dsir : sil y a quelque chose que la psychanalyse devrait nous forcer de maintenir mordicus, cest que le dsir de savoir a na aucun rapport avec le savoir. Nous nous payions du mot lubrique de la transgression . La distinction radicale, qui a les dernires consquences du point de vue de la pdagogie, que le dsir de savoir ce nest pas ce qui conduit au savoir. Cest une chose qui enfin je pense - permettra de motiver plus ou moins long dlai, le discours lui-mme.

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Mais en fin de compte il y a une question se poser : le Matre

le Matre qui opre cette opration l, de dplacement, appelez a comme vous voudrez, le virage bancaire du savoir de lesclave

est-ce quil a envie de savoir, est-ce quil a le dsir de savoir ? Parce que nous avons vu en gnral, jusqu une poque rcente

cela se voit de moins en moins, un vrai Matre quil ne dsire rien savoir du tout, il dsire que a marche. Et pourquoi est-ce quil voudrait-il savoir ? Il y a des choses plus amusantes que a. Alors la question est de savoir comment le philosophe est arriv lui inspirer le dsir de savoir. Cest l-dessus que je vous laisse. Cest une petite provocation. Sil y en a qui le trouvent dici la prochaine fois, ils me le diront.

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17 Dcembre 1969 Table des sances

Matre Hystrique Analyste Universitaire

Alors ces quatre formules sont utile avoir ici comme rfrence. Ceux qui ont assist mon premier sminaire ont pu y entendre le rappel de la formule que : le signifiant, la diffrence du signe, est ce qui reprsente

le terme reprsente tant bien sr accentu du mot reprsentant et du mot reprsentation, cest pourquoi :

qui reprsente un sujet pour un autre signifiant. Comme rien ne dit que lautre signifiant ne sache rien de laffaire, cest pour cela quil est clair quil ne sagit pas de reprsentation, mais de reprsentant. Moyennant quoi, cette mme date, jai cru pouvoir en illustrer ce que j'ai appel le discours du Matre. Le discours du Matre, en tant que justement si nous pouvons le voir rduit un seul signifiant, cela implique quil reprsente quelque chose, que cest dj trop dappeler quelque chose, quil reprsente x, qui est justement ce qui est lucider dans laffaire. Car rien nindique en quoi le Matre imposerait sa volont. Quil y faille un consentement, cest hors de doute ! Et que HEGEL cette occasion ne puisse se rfrer, comme au signifiant du Matre absolu, qu la mort, est pour le coup un signe, un signe que rien nest rsolu par cette pseudo-origine, puiquaussi bien, pour que a continue personne nest mort :

- ni le Matre, dont il ne serait aprs tout dmontr quil en est le Matre, que sil tait ressuscit, savoir sil avait pass effectivement par lpreuve,

- quant lesclave, cest la mme chose : il a prcisment renonc sy affronter.

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Lnigme de la fonction du Matre ne se livre donc pas immdiatement. Jai amorc, jindique, jindique parce que cest dj sur la voie que nous navons pas feindre de dcouvrir, sur la voie qui est celle par o non pas la thorie de linconscient, mais la dcouverte de quelque chose qui nous assure que a ne va pas de soi que tout savoir, dtre savoir, se sache comme tel. Puisque ce que nous dcouvrons dans lexprience de la moindre psychanalyse cest que cest bien quelque chose de lordre le plus prcisment - du savoir, non pas de la connaissance, non pas de la reprsentation, mais trs prcisment de ce quelque chose qui lie, dans une relation de rseau, un signifiant S1 si vous voulez - un autre signifiant S2. Cest dans des termes aussi pulvrulents que je puis ainsi faire entendre - en usant de mtaphore - laccent quil convient de mettre, dans loccasion, au terme savoir. Cest dans un tel rapport, et pour autant justement quil ne se sait pas, que rside que lassiette de ce qui se sait, de ce qui sarticule tranquillement comme petit Matre, comme moi , comme celui qui en sait un bout, quon voit tout de mme, de temps en temps, que cela se dtraque, et cest l lruption de toute la face de lapsus, dachoppements, o se rvle linconscient. Mais cest bien mieux et bien plus loin, qu la lumire de lexprience analytique nous nous permettons de lire une biographie :

- quand nous en avons les moyens,

- quand nous avons suffisamment de documents pour que satteste ce quelle croit, ce quelle a cru, avoir t comme destine, de pas en pas, voire mme loccasion, comment cette destine, elle a cru la clore.

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Nanmoins il apparat, la lumire de cette notion quil nest pas sr quun savoir se sache : - que nous puissions lire au niveau de quel savoir inconscient sest fait le travail qui livre ce qui est effectivement la vrit de tout ce qui sest cru tre, - que

pour oprer sur le schme du discours du Matre, du grand M

cest invisiblement le travail esclave, celui qui constitue un inconscient non rvl, qui livre de cette vie

qui vaut quon en parle ce qui de vrits - de vrits vraies - a fait surgir tant de dtours, de fictions, et derreurs. Le savoir donc, est mis au centre, sur la sellette, par lexprience psychanalytique. Ceci, soi tout seul, nous impose un devoir dinterrogation, qui na nulle raison de restreindre son champ. Pour tout dire, lide que le savoir puisse faire daucune faon

ni aucun moment, ft-il despoir dans lavenir totalit close, voil ce qui bien sr, navait point attendu la psychanalyse pour pouvoir paratre douteux. Mais enfin il est clair que cette mise en doute tait peut-tre aborde dun peu bas, quand il sagit des sceptiques. Je parle de ceux qui se sont intituls de ce nom au temps o a constituait une cole, chose dont nous navons plus quune fort maigre ide, de ce que a peut constituer, un cole. Mais aprs tout quen savons-nous ? De ce qui nous reste des sceptiques peut-tre, peut-tre vaut-il mieux juger, savoir que nous nen avons peut-tre que ce quont t capables de recueillir deux les autres : ceux qui ne savaient pas do partent leurs formules de radicale mise en question de tout savoir, a fortiori de sa totalisation. Cest une ide

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qui montre combien peu porte lincidence des coles

cest une ide - que le savoir puisse faire totalit - qui, si je puis dire, est immanente, immanente au politique en tant que tel. On le sait depuis longtemps. Lide imaginaire du tout, telle quelle est donne par le corps, fait partie de la prcherie politique comme sappuyant sur la bonne forme de la satisfaction, ce qui fait sphre, la limite :

- quoi de plus beau, mais aussi,

- quoi de moins ouvert,

- quoi qui ressemble plus la clture de la satisfaction ? La collusion de cette image avec lide de la satisfaction :

- cest le quelque chose contre quoi nous abordons, chaque fois que nous rencontrons quelque chose qui fait nud, dans ce travail dont il sagit, de la mise au jour de quelque chose par les voies de linconscient,

- cest lobstacle,

- cest la limite,

- cest plutt le coton dans lequel nous perdons sens, et o nous nous voyons obstrus.

Il est important de savoir quelle a toujours t utilis dans le politique, et quil est trange, quil est singulier, quil est singulier de voir quune doctrine, celle de MARX, qui en a instaur larticulation sur la fonction de la lutte, de la lutte de classes, na pas empch quil en naisse ce quelque chose qui est bien pour linstant le problme qui nous est tous prsent, savoir le maintien dun discours du Matre. Certes, non de pas la structure de lancien,

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au sens o il sinstalle de la place indique sous ce grand M :

M

Mais de celui qu gauche, je chapeaute de lU :

U

Je vous dirai pourquoi. Et o ce qui y occupe la place que provisoirement nous appellerons dominante cest justement ceci [S2] qui se spcifie dtre, non pas savoir de tout - nous ny sommes pas mais dtre tout-savoir, entendez ce qui saffirme de ntre rien dautre que savoir, et que lon appelle, dans le langage courant, la bureaucratie. Et on ne peut pas dire quil ny ait pas l quelque chose qui fasse problme. Si aussi bien nous sommes partis de ce que dans ma premire nonciation, celle dil y a trois semaines, jtais parti, cest que dans le premier statut du discours du Matre, le savoir, cest la part de lesclave. Cest pourquoi jai cru pouvoir indiquer

je regrette quun mince contretemps mait empch la dernire fois peut-tre dy revenir pour donner telles indication supplmentaires

jai cru pouvoir indiquer que ce qui sopre du discours du Matre antique celui du Matre moderne, quon appelle capitaliste, cest quelque chose qui sest modifi dans la place du savoir. Jai mme cru pouvoir aller jusqu dire que la tradition philosophique avait sa responsabilit dans cette transmutation.

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De sorte que si cest pour avoir t dpossd de quelque chose

cest avant tout, bien sr, de la proprit communale que le proltaire se trouve qualifiable de ce terme de dpossd, qui justifie lentreprise aussi bien que le succs de la rvolution

est-ce quil nest pas sensible que ce qui lui est restitu, ce nest pas forcment sa part ? Si ce savoir dont effectivement lexploitation capitaliste le frustre en le rendant inutile, celui l lui est rendu dans un type de subversion, cest autre chose qui lui est rendu : un savoir de Matre. Et cest pourquoi il na fait que changer de Matre. Ce qui reste, cest bien en effet lessence du Matre, savoir quil ne sait pas ce quil veut. Car cest cela qui constitue la vraie structure du discours du Matre. Lesclave sait beaucoup de choses, mais ce quil sait bien plus encore cest ce que le Matre veut mme si celui-ci ne le sait pas, ce qui est le cas ordinaire, car sans cela il ne serait pas un Matre. Lesclave le sait, cest cela, sa fonction desclave. Cest aussi pour a que a marche, car tout de mme, a a march assez longtemps. Le fait que le tout-savoir soit pass la place du Matre, voil ce qui, loin dclairer, opacifie un peu plus ce qui est en question, savoir, la vrit. Do a sort, quil y ait un signifiant de Matre ? L, il est bel et bien lov le S1 du Matre, montrant los de ce quil en est de la nouvelle tyrannie du savoir, et rendant impossible qu cette place qui est la place o nous avions peut-tre lespoir quapparaisse au cours du mouvement historique ce quil en est de la vrit : ce signe est maintenant ailleurs.

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Il est produire par ceux-l qui se trouvent substitus lesclave antique, comme tant eux-mmes des produits, comme on dit

et consommables tout autant que les autres dune socit dite de consommation : le matriel humain, comme on la nonc dans un temps, aux applaudissements de certains qui y ont vu de la tendresse. Ceci mrite dtre point, puisque aussi bien a nous concerne. Ce qui nous concerne maintenant cest dinterroger, dinterroger ce dont il sagit dans lacte psychanalytique. Je ne le prendrai pas au niveau

dont jai espr que je pourrai boucler la boucle, il y a deux ans2, et qui resta interrompue

de lacte o sassoit, o sinstitue comme tel le psychanalyste. Je le prendrai au niveau de lexprience, et de ses interventions une fois lexprience institue dans ses limites prcises. Sil y a un savoir qui ne se sait pas, je lai dj dit : il est situer au niveau de S2, soit celui que jappelle lautre signifiant . Jai dj assez insist l-dessus lanne dernire : cet autre signifiant nest pas seul, le ventre de lAutre, du grand A, en est plein. Ce ventre est celui qui donne, tel un cheval de Troie monstrueux, lassise de ce fantasme dun savoir-totalit . Il est bien clair pourtant que sa fonction implique que quelque chose y vienne frapper du dehors, sans a jamais rien n'en sortira, et Troie ne sera jamais prise. Quest-ce quinstitue lanalyste ? Jentends beaucoup parler de discours de la psychanalyse, comme si cela voulait dire quelque chose !

2 Cf. Sminaire LActe psychanalytique (1967-68).

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Il y a si nous caractrisons un discours de le centrer sur ce qui est sa dominante

il y a le discours de lanalyste, et a ne se confond pas avec le discours du psychanalysant, avec le discours tenu effectivement dans lexprience analytique. Ce que lanalyste institue comme exprience analytique, a peut se dire simplement : cest lhystrisation du discours, autrement dit, cest lintroduction structurale, par des conditions dartifice, du discours de lhystrique, celui ici indiqu dun grand H :

H

Celui que jai essay de pointer lanne dernire en disant que cest ce discours qui existait, et qui existerait de toute faon, que la psychanalyse soit l ou non, que ctait un discours

je lai dit dune faon image parce que je lui ai donn son support le plus commun

celui do est sortie pour nous lexprience majeure, cest savoir le dtour, le trac en chicanes sur lequel repose ce malentendu de lespce humaine, que dans lespce humaine constitue le rapport sexuel. Comme on a le signifiant, il faut quon sentende, et cest justement pour cela quon ne sentend pas : le signifiant nest justement pas fait pour le rapport sexuel. Ds lors que ltre humain est parlant : fichu, fini, ce quelque chose, dailleurs impossible reprer nulle part dans la nature, qui serait le caractre parfait, harmonieux, de la copulation. La nature en prsente des espces infinies, et qui pour la plupart dailleurs, ne comportent aucune copulation, ce qui videmment montre quel point cest peu dans les intentions de la nature que a fasse, comme je le rappelais tout lheure, un tout, une sphre.

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Il y a en tout cas une chose qui est certaine : si pour lhomme cela va cahin-caha, cest grce un truc qui le permet, mais qui dabord le rend insoluble. Voil ce que veut dire le discours de lhystrique, qui industrieuse comme elle est - si nous la faisons femme - a nest pas son privilge : beaucoup dhommes se font analyser, et qui de ce seul fait sont bien forcs aussi den passer par le discours de lhystrique, puisque cest la loi, la rgle du jeu. Il sagit de savoir ce quon en tire pour ce qui est du rapport entre hommes et femmes. Nous voyons donc lhystrique fabriquer, comme elle peut, un homme, un homme qui serait anim du dsir de savoir. Jai pos la question mon dernier sminaire, la question qui ressort de ceci, que si nous constatons quhistoriquement le Matre a lentement frustr lesclave de son savoir, pour en faire un savoir de Matre, il restait mystrieux comment le dsir

car du dsir, si vous men croyez, il sen passait si bien, puisque lesclave le comblait avant que mme il sache ce quil pouvait dsirer

comment le dsir a pu lui en venir. Cest l-dessus quauraient port mes rflexions de la dernire fois si cette charmante chose surgie du rel [ Rires ]

on maffirme que cest du rel de la dcolonisation : un hospitalis, de soutien pour nous, dans lAlgrie ancienne, et cas ici, et comme vous le voyez, une charmante foltrerie [ Rires ]

grce a vous ne saurez pas, comme a, au moins jusqu un certain temps

car il faut bien que javance quelle parent je mets entre le discours philosophique et le discours de lhystrique, prcisment en ceci justement quil semble que ce soit le discours philosophique qui ait anim le Matre, du dsir de savoir. Quest ce que peut bien tre lhystrie en question ? Il y a l quand mme un domaine ne pas dflorer. Sil y en a dont la pense aime filer un tout petit peu en avant de ce que raconte lorateur, quils trouvent l une occasion dexercer leur talent, je leur assure que la voie au moins est, il me semble, prometteuse.

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Quoi quil en soit, pour donner une formule plus ample qu la localiser sur le plan du rapport homme-femme, disons qu seulement lire ce que jinscris l du discours de lhystrique, bien sr nous savons toujours pas ce que cest que cet S l, mais si cest de son discours dont il sagit

et dont je dis quil passe - quand il sagit de lhomme - ce quil y ait un homme anim du dsir de savoir

cest quil sagit de savoir - quoi ? - de quel prix elle est, elle-mme, cette personne qui parle. En tant quobjet(a), elle est chute, chute de cet effet de discours, au contour toujours cass quelque part. Ce qu la limite lhystrique veut que lhomme sache, cest en quoi de par le langage, de par ce langage qui drape sur lampleur de ce que, comme femme, elle peut ouvrir sur la jouissance, ce nest pas l ce qui importe lhystrique. Ce qui importe, lhystrique cest que lautre, lautre qui sappelle lhomme, sache quel objet prcieux elle devient dans ce contexte de discours. Et aprs tout, nest-ce pas l le fond mme de lexprience analytique, si je dis qu lautre il donne la place dominante dans le discours de lhystrique, il hystrise son discours, il en fait ce sujet qui est pri dabandonner toute rfrence autre que celle des quatre murs qui le cernent, et de produire des signifiants qui font cette association libre, matresse pour tout dire, du champ. Dire nimporte quoi, comment cela peut-il conduire quelque chose, sil ntait pas dtermin quil ny a rien dans ce qui

peut-tre l sorti au hasard justement dtre signifiants ne se rapporte ce savoir qui ne se sait pas, et qui est vraiment ce qui travaille ? Seulement, il ny a aucune raison quil en sache par l un peu plus. Si lanalyste ne prend pas la parole, que peut-il advenir de cette production foisonnante de S1 ?

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Beaucoup de choses assurment. Lanalyste qui coute peut en enregistrer beaucoup de choses. Avec ce quun contemporain moyen peut noncer sil ne prend garde rien, on peut faire lquivalent dune petite encyclopdie, a fera normment de cls. Si ctait enregistr, on pourrait mme aprs le construire, faire faire une petite machine lectronique. Cest dailleurs lide que peuvent avoir certains : cest quils construisent la machine lectronique grce quoi lanalyste na en queque sorte qu tirer le ticket pour leur donner la rponse.[ Rires ] Cest que, ce qui est en jeu, ici dans le discours de lanalyste car dans lexprience, cest lui qui est le Matre. Sous quelle forme, cest ce quil faudra, bien entendu, que je rserve nos prochains entretiens. Pourquoi sous la forme (a) si seulement je le marque, (je lai dj soulign ailleurs) ? Mais ce qui est remarquable, cest que de son cot cest de son ct quil y a S2, quil y a savoir. Que ce savoir il lacquiert dentendre son analysant, ou que a soit savoir dj acquis, reprage de ce qu un certain niveau on peut limiter au savoir-faire analytique. Seulement, ce qu'il faut comprendre de ces schmas, comme dj ce fut indiqu de mettre S2, dans le discours du Matre, la place de lesclave, et de le mettre ensuite, dans le discours du Matre modernis, la place du Matre : cest pas le mme savoir. L, quelle place est-il ?

Matre Hystrique Analyste Universitaire la place que dans le discours du Matre, HEGEL

le plus sublime des hystriques [ Rires ] HEGEL nous dsigne comme tant celle de la vrit.

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Car on ne peut pas dire, que la Phnomnologie de lesprit a consiste partir du Selbstbewusstsein soi-disant saisi au niveau le plus immdiat de la sensation, et impliquant que tout savoir se sait depuis le dpart. quoi bon toute cette phnomnologie sil ne sagissait pas dautre chose ? Seulement il faut bien le dire, ce que jappelle lhystrie de ce discours tient prcisment ce qui lude cette distinction minimale qui permettrait de sapercevoir que si mme jamais cette marche historique

qui est en fait la marche des coles et rien de plus aboutissait au savoir absolu, ce ne serait que pour marquer lannulation, lchec, lvanouissement au terme, de ce qui seul motive la fonction du savoir : cest sa dialectique davec la jouissance, de ce qui ferait que le savoir absolu, ce serait purement et simplement labolition de ce terme. Quiconque tudie de prs le texte de la Phnomnologie ne peut en avoir aucun doute. Quest-ce donc maintenant que nous apporte cette position de S2 la place de la vrit ? Quest-ce que la vrit comme savoir ? Cest le cas de le dire : comment le savoir sans savoir ? Cest une nigme. Eh ben, cest la rponse : cest une nigme entre autres. Je vais vous en donner un autre exemple de ce que a peut tre aussi. Les deux ont la mme caractristique, qui est le propre de la vrit : cest quon on ne peut jamais la dire qu moiti. Si notre chre vrit de limagerie dpinal qui sort du puits , ce nest jamais qu mi-corps. Jai fait tat en Italie

dans une des confrences quon mavait demandes - je ne sais pourquoi - et laquelle jai fait face, assez mdiocrement pourquoi ? -

jai fait tat de la Chimre, o sincarne prcisment le caractre originel du discours de lhystrique.

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Elle pose une nigme lhomme DIPE, qui avait peut-tre dj un complexe, mais pas forcment

certainement pas celui auquel il devait donner son nom

il lui rpond dune certaine faon, et cest comme cela quil devient DIPE. Ce que lui a demand la Chimre, il aurait pu y avoir beaucoup dautres rponses :

- 4 pattes, 2 pattes, 3 pattes, - il aurait pu dire : cest le schma de LACAN !

aurait donn un tout autre rsultat ! Il dit : Cest un homme et encore il prcise : un homme en tant que nourrisson . Nourrisson, il a commenc sur quatre pattes. Sleva-t-il sur deux ou en reprit-il une troisime, cest le nourisson, et du mme coup, il file droit comme une balle dans le ventre de sa mre ! Cest ce quon appelle, en effet juste titre le complexe ddipe. Mais je pense que vous voyez ce que veut dire ici la fonction de lnigme : un mi-dire, comme la Chimre apparat mi-corps, quitte disparatre tout fait quand on a donn la solution. Un savoir en tant que vrit, ceci dfinit ce que doit tre la structure de ce quon appelle une interprtation. Si jai longuement insist sur la diffrence de niveau de lnonciation lnonc, cest bien pour que prenne sens la fonction de lnigme, mais dune autre que je vais maintenant dire. L'nigme, cest proprement a : une nonciation. Je vous charge de la faire devenir un nonc. Dbrouillez-vous avec comme vous pouvez, comme fit DIPE : vous en subirez les consquences. Voil ce dont il sagit dans lnigme. Mais il y a autre chose, quoi on ne pense gure, que jai comme a effleur, chatouill, de temps en

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temps, parce qu vrai dire, cela me concernait ce titre assez souvent pour que a ne soit pas commode, pour que jen parle aisment. Et a sappelle la citation. La citation a consiste, au cours dun texte o vous vous avancez plus ou moins bien :

- si vous tes comme cela dans les bons endroits de la lutte sociale, tout dun coup vous citez MARX, et vous ajoutez MARX a dit

- si vous tes analyste vous citez FREUD ce moment l. Cest capital ! [ Rires ]

Lnigme cest lnonciation et dbrouillez-vous pour lnonc ! La citation cest : je pose lnonc, et pour le reste, cest le solide appui que vous trouvez dans le nom de lauteur dont je vous remets la charge. Et cest trs bien ainsi, a na rien du tout faire avec le statut plus ou moins branlant de la fonction de lauteur. Quand on cite MARX ou FREUD

ce nest pas au hasard que jai choisi ces deux noms cest en fonction de la part prise un discours par le lecteur suppos, quon les cite. Cest l limportance de la fonction de la citation : cest qu sa faon cest aussi un mi-dire. Cest un nonc dont on vous indique quil nest recevable que pour autant que vous participez dj un certain discours, et un discours structur, du niveau des structures tout fait fondamentales qui sont l au tableau. Vous remarquerez que cest l le seul point vif

mais pouvais-je lexpliquer jusqu' prsent ? qui fait que la citation, le fait que lon cite ou non un auteur, peut avoir tout fait, au second degr, une importance. Je vais vous le faire comprendre

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jespre que vous ne prendrez pas a mal par quelque chose de tout fait familier. Supposez quau second temps, on cite une phrase en indiquant de l o elle est, du nom de lauteur, M. RICUR par exemple. Supposez quon cite la mme, et quon la mette sous mon nom. Cela ne peut absolument pas dans les deux cas avoir le mme sens [ Rires ]. Jespre par l vous faire sentir ce quil en est de ce que jappelle la citation. Eh bien, ces deux registres, en tant prcisment quils participent du mi-dire, voil qui donne le mdium et, si lon peut dire, lthique, sous laquelle intervient linterprtation. Linterprtation ici ceux qui en usent sen aperoivent linterprtation est autant, et mi-part nigme :

- nigme autant que possible cueillie dans la trame du discours du psychanalysant, nigme que vous ne pouvez nullement complter, de vous-mme linterprte, que vous ne pouvez pas considrer comme aveu sans mentir

- et citation dautre part, savoir prise dans

le mme texte que tel nonc, tel nonc lui qui peut passer pour aveu, seulement que vous le joigniez tout le contexte, vous faites appel l celui qui en est lauteur.

Car ce qui frappe, ce qui frappe de ce quil en est de cette institution du discours analytique et ce qui est le ressort du transfert, ce nest pas

comme certains ont cru lentendre - et de moi - que lanalyste, ce soit lui qui soit plac en fonction du sujet suppos savoir. Si la parole est donne si librement au psychanalysant

cest justement ainsi quil reoit cette libert

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cest quil lui est reconnu quil peut parler comme un Matre, cest--dire comme un sansonnet, et que a donnera daussi bons rsultats que dans le cas dun vrai Matre, que cest suppos conduire un savoir, un savoir dont se fait le gage, lotage, celui qui accepte davance dtre le produit des cogitations du psychanalysant, cest savoir trs prcisment le psychanalyste, en tant que, comme ce produit, il est destin la fin la perte, llimination du processus, je veux dire quil puisse assumer cette place. Si, au niveau du discours du Matre, il est clair dj dans le simple fonctionnement des rapports du Matre et de lesclave, que le dsir du Matre, cest le dsir de lAutre

puisque cest le dsir que lesclave prvient la question est autre de savoir ce quil en est, de ce de quoi lanalyste prend la place pour dchaner ce mouvement dinvestissement du sujet suppos savoir, sujet qui, dtre reconnu comme tel, est son endroit, davance fertile de ce quelque chose quon appelle transfert. Assurment, il nest que trop facile de voir ici passer lombre dune satisfaction dtre reconnu. Mais ce nest pas l lessentiel : le supposer - le sujet - savoir ce quil sait

plus encore que lhystrique, dont cest la vrit de la conduite, mais non point ltre mme

lui, lanalyste, se fait la cause du dsir de lanalysant. Que veut dire cette tranget ? Devons-nous la considrer comme un accident, une mergence historique, qui serait de la premire fois apparue dans le monde, anticipant sur la suite. Cest une voie qui peut - peut-tre - nous entraner un long dtour. Vous remarquez pourtant que cest l fonction dj apparue, et que ce nest pas pour rien que FREUD recourait de prfrence tant de prsocratiques, EMPDOCLE entre autres, vous le savez.

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Pour des raisons qui tiennent au fait que je sais qu deux heures il y a ici quelque chose dans cet amphithtre, je finirai dsormais comme je le fais aujourdhui deux heures moins le quart, et je vous donne rendez-vous le deuxime mercredi de Janvier.

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14 Janvier 1970 Table des sances

Matre Hystrique Analyste Universitaire On ma mis de la craie rouge, fortement rouge. Du rouge sur du noir a ne [ Rires ], a ne parat pas vident que ce soit lisible. Je vais faire quelques lorgnettes, comme a vous pourrez voir. En tous les cas ce ne sont pas des formules nouvelles, ce sont des formules que jai dj crites au tableau la dernire fois, a ne semble pas avoir soulev les mmes protestations. Elles sont utiles tre l prsentes parce quaussi bien

si simples soient-elles et si simples dduire lune de lautre, puisquil sagit simplement dune permutation circulaire, encore les choses restant dans le mme ordre

eh bien il savre que nos capacits de reprsentation mentale ne sont pas telles quelles supplent au fait que ce soit ou non crit au tableau. Nous allons donc continuer, continuer ce que je fais ici, depuis

ici ou ailleurs, enfin, un ici qui est toujours au mme temps, le mercredi midi trente

depuis dix-sept ans. Il vaut bien que je le rvoque au moment o tout le monde se rjouit dentrer dans une nouvelle dcennie. Ce serait pour moi plutt loccasion de me retourner vers ce que ma donn la prcdente.

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Il y a dix ans, deux de mes lves prsentaient quelque chose qui ressortait des thses lacaniennes sous le titre LInconscient, tude psychanalytique 3. Cela se passait - mon Dieu - par ce quon peut appeler le fait du prince, le seul capable dun acte libral, tant entendu quun acte libral a veut dire un acte arbitraire, tant admis aussi que arbitraire a veut dire command par aucune ncessit, en raison de ceci quaucune ncessit ne pressait sur ce point, ni dans un sens ni dans un autre, le prince

le prince, mon ami Henri Ey mit lordre du jour certain congrs - congrs de Bonneval - LInconscient, en en confiant le rapport

au moins pour une part : la rdaction de ce rapport

deux de mes lves. Depuis ce travail fait foi en quelque sorte, et la vrit, non sans raison, il fait bien foi de quelque chose : de la faon dont ceux-ci - mes lves - ont pens pouvoir atteindre, pouvoir faire entendre quelque chose au sein dun groupe, qui stait distingu par une sorte de consigne concernant ce que je pouvais avancer sur ce sujet intressant, puisquil sagissait de rien de moins que Linconscient , que cest de l quau dpart mon enseignement a pris son vol, disons Eh bien, la rponse, lintrt pris par ce groupe ce que jnonais stait manifest par quelque chose que quelque part rcemment- je ne sais plus o- dans une petite prface, je signalais comme un interdit aux moins de 50 ans. Nous tions en 60, ne loublions pas. Nous tions loin

sommes-nous plus prs, cest la question loin de toute contestation proprement parler, dune autorit, entre autres celle du savoir. De sorte que cet interdit, interdit aux moins de 50 ans, profr, a quelque chose qui a de curieux caractres. 3 Jean Laplanche, Serge Leclaire, LInconscient, une tude psychanalytique in Les Temps Modernes, Juillet 1961, pp. 81-129 ( Rapport aux journes de Bonneval de 1960 ), ou in Henry Ey, L'Inconscient (6me colloque de Bonneval), Paris, Descle de Brouwer, 1966.

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En tous cas lun dentre eux le rendant comparable une sorte de monopole de savoir, cet interdit fut observ, purement et simplement. Cest dire quel tait le travail qui se proposait ceux qui avaient bien voulu sen charger : de devoir faire entendre quelque chose d proprement parler inou aux oreilles en question. Le comment ils le firent est quelque chose dont aprs tout il nest pas trop tard pour que je fasse le point, puisquaussi bien sur le moment il ntait pas question, pas question que je le fasse, pour la raison que ctait dj beaucoup de voir entrer en jeu, pour des oreilles absolument non averties, qui navaient rien reu du moindre de ce que javais pu articuler alors depuis sept ans, ce ntait videmment pas le moment vis--vis de ceux-l mmes qui se livraient ce travail de dfrichage, dy apporter quoi que ce soit qui pt sembler y trouver redire. Aussi bien, dailleurs, y avait-il l beaucoup dlments excellents. Ce point donc, et propos dune dune thse rcente4

qui ma foi, se produit quelque part la frontire de laire francophone, et je dirais l o pour en maintenir les droits on lutte vaillamment : Louvain pour lappeler par son nom

on a fait une thse, une thse mon Dieu sur ce quon appelle - peut-tre improprement - mon uvre . Dans cette thse, bien sr, qui est une thse, ne loublions pas, universitaire, il faut bien avancer des choses qui prennent forme universitaire, et la moindre des choses qui apparaisse est que mon uvre sy prte mal. Cest bien pourquoi il nest pas dfavorable lavance dun tel propos - de thse universitaire que soit situ ce qui dj duniversitaire a pu contribuer tre le vhicule de la dite uvre , toujours entre guillemets. 4 Thse dAnika Lemaire, une tude de luvre de Jacques Lacan soutenue luniversit de Louvain. Edite sous le titre Jacques Lacan aux d. Charles Dessart , 1970 ( Collection Psychologie et Sciences Humaines ), puis aux d. Pierre Mardaga ( Fonds Dessart ), Bruxelles, 1977 ( 8me dition 1997 ) ; Prface de Jacques Lacan.

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Cest bien pourquoi aussi lun des auteurs, de ce Rapport de Bonneval, est l aussi mis en avant, et bien sr dune faon alors qu ce titre, je ne peux manquer dans ma prface de marquer que le point, le point doit tre fait, de ce qui est ventuellement traduction de ce que jnonce, et de ce que jai, proprement parler, dit. Il est clair que cette petite prface que jai donne cette thse qui va paratre Bruxelles

puisque il est vident quune prface de moi lui lui allge les ailes

et bien, mon Dieu, dans cette prface je suis forc par exemple de bien marquer

cest l sa seule utilit que ce nest pas la mme chose de dire que :

- linconscient est la condition du langage, - ou de dire que : le langage est la condition de linconscient.

Le langage est la condition de linconscient cest ce que je dis. De la faon dont

pour des raisons qui certes pourraient dans leur dtail tre tout fait motives

du strict motif universitaire et ceci certainement mnerait loin, nous mnera peut-tre assez loin pour cette anne

du strict motif universitaire - dis-je dcoule que la personne qui me traduit, dtre forme de ce style, de cette forme dimposition du discours universitaire, ne peut faire autre chose

quelle croie ou non me commenter que de renverser ma formule, cest--dire de lui donner une porte

il faut bien le dire strictement contraire, et la vrit sans mme aucune homologie avec ce que javance. Do assurment la difficult, la difficult propre me traduire en langage universitaire, qui est aussi bien ce qui frappera tous ceux qui, quelque titre que ce soit et la vrit, celle dont je parle qui tait anime par ailleurs dune immense bonne volont.

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Cette thse donc, qui va donc paratre Bruxelles nen garde pas moins tout son prix, son prix dexemple en elle-mme, son prix dexemple aussi par ce quelle promeut, ce quelle promeut de la distorsion, en quelque sorte obligatoire, dune traduction en discours universitaire de ce qui est quelque chose ayant ses lois propres. Ces lois

dont je dois le dire : il me faut les frayer celles qui prtendent donner au moins les conditions dun discours proprement analytique. Ceci tant, bien entendu, soumis au fait que tout de mme, comme je vous lai soulign lanne dernire, le fait quici je lnonce du haut dune tribune comporte en effet ce risque derreur, cet lment de rfraction, qui fait que par quelque ct il tombe sous le coup du discours universitaire. Il y a l quelque chose qui ressortit dune sorte de foncier porte--faux, celui qui fait que dune certaine position, dune position certes laquelle, certes, je ne midentifie nullement : je vous assure que chaque fois que je viens ici porter la parole, a nest certes pas de quoi que ce soit que jaie vous dire ou quest-ce que je vais leur dire cette fois l ? quil sagit pour moi. Je nai cet gard nul rle jouer, au sens o la fonction de celui qui enseigne est de lordre du rle, de la place tenir, et dune certaine place de prestige, incontestablement. Ce nest pas l ce que je vous demande, mais plutt quelque chose qui est dune mise en ordre que je mimpose, de devoir la soumettre cette preuve. Dune mise en ordre laquelle sans doute, comme tout un chacun, jchapperais si je navais pas, devant cette mer doreilles [ Rires ]

parmi lesquelles il en est peut-tre bien une paire de critiques

de devoir devant elles - avec cette redoutable possibilit - rendre compte de ce qui est le cheminement de mes actions, au regard de ceci : quil y a du psychanalyste.

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Que cest mme la situation qui est la mienne, et que cest une situation dont jusqu prsent le statut na t rgl daucune faon qui lui convienne, si ce nest limitation, la semblance, de nombreuses autres situations tablies, et dans le cas aboutissant des pratiques frileuses de slection :

- une certaine identification une figure,

- une faon de se comporter, voire un type humain dont rien ne semble rendre la forme obligatoire,

- un rituel encore, voire quelques autres

mesures que dans un meilleur temps, un temps ancien, jai compares celles de l auto-cole , sans provoquer dailleurs de quiconque aucune protestation, il y a eu mme quelquun de trs proche parmi mes lves dalors, qui ma fait remarquer que ctait l, la vrit, proprement parler, ce qui tait dsir par quiconque sengageait dans la carrire analytique : recevoir, comme l auto-cole , le permis de conduire, selon des voies bien prvues et comportant le mme type dexamen.

Il est certes notable - je veux dire, digne dtre not - quaprs dix ans, cette position du psychanalyste jarrive tout de mme larticuler, larticuler dune faon qui est celle que jappelle son discours, disons son discours hypothtique, puisque aussi bien cette anne cest ce qui est propos votre examen, savoir, de ce quil en est de la structure de ce discours. Jarrive larticuler de la faon suivante : quelle est faite substantiellement - de lobjet(a)

de lobjet(a) en tant quici dans larticulation que je donne de ce qui est structure de discours, structure de discours en tant quelle nous intresse, disons : prise au niveau radical o elle a port pour le discours psychanalytique

elle est substantiellement celle de lobjet(a), en tant que cet objet(a) dsigne prcisment ce qui des effets du discours, se prsente comme le plus opaque, et - la vrit, depuis trs longtemps - mconnu, pourtant essentiel.

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Il sagit de leffet de discours qui est effet de rejet, effet de rejet dont je vais tout lheure essayer de pointer la place et la fonction. Voici donc ce quil est substantiellement, ce quil en est substantiellement de cette position du psychanalyste. Et cet objet se distingue dune autre faon, de ceci quil vient ici la place do sordonne le discours, parce que cest de l que sen met, si je pui dire, la dominante . Vous sentez bien la rserve quil y a dans cet emploi. Dire la dominante , a veut dire exactement ce dont finalement je dsigne, pour les distinguer, chacune de ces structures de discours, les dsignant diffremment

de lUniversitaire, du Matre, de lHystrique et de lAnalyste par des positions diverses de ces termes radicaux. Disons que jappelle dominante

faute tout de suite de pouvoir donner ce terme autre chose que ceci

que cest ce qui me sert en quelque sorte les dnommer. Dominante nimplique pas la dominance, au sens o cette dominance spcifierait - ce qui nest pas sr - le discours du Matre. Disons que par exemple on peut donner des substances diffrentes cette dominante selon les discours, que si nous appelions par exemple la dominante du discours du Matre

en ceci que S1 en occupe la place la Loi, nous ferions quelque chose qui a toute sa valeur suggestive, et qui ne manquerait pas de pouvoir ouvrir la porte un certain nombre daperus intressants. Est-ce que la Loi

entendons la Loi en tant quarticule cette Loi mme dans les murs de laquelle nous recevons abri, et cette Loi qui constitue le droit et et qui nest certes pas quelque chose dont il doit tre tenue que cest l lhomonyme de ce qui peut snoncer ailleurs au titre de la justice.

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Et que certes lambigut, lhabillement que cette Loi reoit de sautoriser de la justice, est l trs prcisment un point dont notre discours peut, peut-tre, faire mieux sentir o sont les vritables ressorts :

- jentends ceux qui permettent lambigut,

- jentends ceux qui font que la loi reste quelque chose qui est dabord et avant tout, inscrit dans la structure.

Et quil ny a pas trente-six faons de faire des lois

que la bonne intention, linspiration de la justice les animent ou pas

il y a peut-tre des lois de structure qui font que la loi sera toujours la Loi, situe cette place que jappelle dominante dans le discours du Matre. Au niveau du discours de lhystrique, il est bien clair que cette dominante, nous la voyons apparatre sous la forme du symptme, que cest autour du symptme que se situe, que sordonne ce quil en est du discours de lhystrique. Et certes, cest l occasion de nous apercevoir que si cette place est la mme, cest peut-tre pour a qu une lumire

dont il ne suffit pas de dire que ce soit celle de lpoque pour en rendre raison

il se peut que cette place dominante soit en ce cas celle du symptme, ou quelque chose de porte nous faire questionner comme tant celle du symptme

la mme place quand elle sert dans un autre discours. Cest bien en effet ce que nous voyons notre poque : la Loi mise en question comme symptme. Jai dit tout lheure que cette mme place, cette mme place dominante, peut tre occupe, quand il sagit de lanalyste, en ce que lanalyste lui-mme, ici de quelque faon a reprsenter leffet de rejet du discours, soit lobjet(a).

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Est-ce dire quil nous sera aussi ais de caractriser cette place, la place dite dominante quand il sagit du discours universitaire

pour lui donner un autre nom un nom qui de quelque faon nous permettrait cette sorte dquivalence que nous venons de poser comme existant au moins au niveau de la question, cette sorte dquivalence entre la loi et le symptme, voire le rejet loccasion, en tant que dans lacte psychanalytique cest bien la place quoi est destin lanalyste ? Eh bien justement, notre embarras rpondre sur ce qui fait lessence, la dominante, du discours universitaire est l quelque chose qui doit nous avertir que notre recherche

car ce que je trace devant vous, ce sont les voies mmes autour desquelles, quand je minterroge, vague, erre, ma pense, avant de trouver les points srs

cest l quen quelque sorte lide pourrait nous venir de chercher ce qui, dans chacun de ces discours, pour dsigner au moins une place, nous paratrait tout fait sr, aussi sr que le symptme quand il sagit de lhystrique. Est-ce que

puisque dj je vous ai dj laiss voir que dans le discours du Matre le (a), il est prcisment identifiable au terme, ce quenfin une pense travailleuse, celle de MARX, a sorti, savoir ce quil en tait, symboliquement et rellement, de la fonction de la plus-value

nous serions donc dj en prsence de deux termes, do il me resterait peut-tre simplement modifier lgrement, donner une traduction plus aise, transposer des autres registres. La suggestion ici se forme que puisquil y a en somme 4 places caractriser, peut-tre que chacune des 4 de ces permutations nous livrerait, au sein delle-mme, celle qui est la plus saillante, disons, constituer un pas dans un ordre de dcouverte qui nest rien dautre que celui qui sappelle la structure.

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Eh bien, une telle ide aura pour consquence de vous faire toucher du doigt, de quelque faon que vous la mettiez lpreuve, ceci, qui ne vous apparat peut-tre pas au premier abord, cest savoir : quessayez simplement

indpendamment de toute cette fin que je vous suggrais pouvoir tre celle qui nous intresse

essayez, dans chacune disons, appelons-les figures

dans chacune de ces figures, de vous obliger simplement ceci : que dans chacune la place

dfinie en fonction du terme place : en haut, en bas, droite ou gauche

que dans chacune la place soit diffrente, eh bien, vous n'arriverez pas ce que

quelle que soit la faon dont vous vous y preniez ce quelles soient chacune occupes par une lettre diffrente.

Matre Hystrique Analyste Universitaire Essayez, dans le sens contraire, de vous donner comme condition du jeu de choisir dans chacune de ces quatre formules une lettre diffrente, eh bien, vous narriverez pas ce que chacune de ces lettres occupe une place diffrente. Faites-en lessai. Cest trs ais raliser

sur un bout de papier, et aussi si on se sert de cette petite grille qui sappelle une matrice

de voir tout de suite quavec un si faible nombre de combinaisons, le dessin exemplaire suffit immdiatement illustrer la chose de faon parfaitement vidente. Mais si nous pensons quil y a l une certaine liaison signifiante, et quon peut poser comme tout fait radicale, cest l aussi occasion dillustrer, de ce simple fait, ce que cest que la structure.

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Qu poser dune certaine faon la formalisation du discours, et lintrieur de cette formalisation, de saccorder soi-mme quelques rgles destines, - cette formalisation - la mettre lpreuve, se rencontre un tel lment dimpossibilit. Voil ce qui est proprement la base, la racine, ce qui est fait de structure, et dans la structure ce qui nous intresse au niveau de lexprience analytique. Ceci pas du tout parce quici nous sommes un degr dj lev

au moins dans ses prtentions lev dlaboration, ceci ds le dpart, puisquaussi bien si nous sommes, si nous sommes nous treindre avec ce maniement du signifiant et son articulation ventuelle, cest bien que, il est dans les donnes de la psychanalyse, je veux dire : dans ce qui, un esprit aussi peu - je dirais - introduit cette sorte dlaboration qua pu ltre un FREUD

tant donn la formation que nous lui connaissons, qui est une formation du type sciences para-physiques : physiologie arme des premiers pas de la physique, et de la thermodynamique spcialement

si FREUD est amen suivre la veine, le fil de son exprience, formuler, dans un temps qui pour tre second dans son nonciation, nen a que plus dimportance

puisquaprs tout, rien ne semblait limposer dans le premier temps, celui de larticulation de linconscient

si FREUD dans un second temps, celui donc o est pour lui acquis ceci, ceci que linconscient permet de situer le dsir

cest l le sens du premier pas de FREUD, dj tout entier, non pas impliqu, mais proprement articul, dvelopp dans la Traumdeutung

si dans ce second temps, celui quouvre lAu-del du principe du plaisir, FREUD articule que nous devons tenir compte de cette fonction qui sappelle - qui sappelle quoi ? la rptition. La rptition, quest-ce que cest ? Lisons son texte, voyons ce quil articule. Ce qui ncessite la rptition, cest la jouissance, le terme est dsign en propre.

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Cest en tant quil y a recherche de la jouissance en tant que rptition, que se produit ceci, qui est en jeu dans ce pas, le franchissement freudien, que ce quelque chose qui nous intresse en tant que rptition, et qui sinscrit dune dialectique de la jouissance, cest proprement ce qui va contre la vie. Cest au niveau de la rptition que FREUD se voit en quelque sorte contraint

et ceci de par mme la structure du discours contraint darticuler cette sorte dhyperbole, dextrapolation fabuleuse

et la vrit qui reste scandaleuse pour quiconque prendrait au pied de la lettre lidentification de linconscient et de linstinct

va articuler cet instinct de mort savoir ceci : que la rptition nest pas seulement fonction des cycles, des cycles que la vie comporte

cycles du besoin et de la satisfaction mais quelque chose dautre quun cycle qui aussi bien emporte la disparition de cette vie comme telle, le retour linanim : certainement point dhorizon, point idal, point hors de lpure, mais dont le sens lanalyse prcisment structurale sindique, sindique parfaitement de ce quil en est de la jouissance. Si nous partons dj du principe du plaisir pour savoir :

- que ce principe du plaisir nest rien que le principe de moindre tension, de la tension minimale maintenir pour que la vie se maitienne, ce qui dmontre quen soi-mme, la jouissance le dborde, et que ce que le principe du plaisir maintient, cest la limite quant la jouissance,

- que si la rptition comme tout nous lindique dans les faits, lexprience, la clinique

si la rptition est fonde sur un retour de la jouissance, et que ce qui proprement ce propos est - dans FREUD, et par FREUD lui-mme articul, cest savoir que dans cette rptition mme, cest l, cest l que se produit ce quelque chose qui est dfaut, chec.

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savoir que, ici, en son temps jai point la parent avec les noncs de KIERKEGAARD 5 : ce qui se rpte ne saurait

au titre mme de ceci quil est expressment et comme tel rpt, quil est marqu de la rptition

ne saurait tre autre chose que ce qui par rapport ce que cela rpte

est en quelque sorte en perte , en perte de ce que vous voudrez, en perte de vitesse ! Il y a quelque chose qui est perte, et que sur cette perte, ds lorigine, ds larticulation de ce que ici je rsume, FREUD insiste : que dans la rptition mme, il y a dperdition de jouissance. Cest l que prend origine dans le discours freudien la fonction de lobjet perdu. Cela cest FREUD. Ajoutons-y quil nest pas tout de mme besoin de rappeler que cest expressment autour du masochisme, conu seulement sous cette dimension de la recherche de cette jouissance ruineuse, que tourne tout le texte de FREUD. Maintenant vient ici ce quapporte LACAN. Cette rptition, cette identification de la jouissance, et l jemprunte

jemprunte pour lui donner un sens qui nest pas point dans le texte de FREUD

la fonction du trait unaire, cest--dire de la forme la plus simple de marque, cest--dire ce qui est, proprement parler, lorigine du signifiant. Et javance, ceci qui nest pas dans le texte de FREUD

javance ceci qui nest pas vu dans le texte de FREUD, et qui ne saurait daucune faon tre cart, vit, rejet, par le psychanalyste

cest que cest du trait unaire que prend son origine tout ce qui nous intresse, nous analystes, comme savoir. 5 Sren Kierkegaard : La rptition, in uvres compltes, Vol. 5, ( traduction Tisseau ) pp. 3-96 Paris, d. de lOrante, 1972 . Ou in Sren Kierkegaard : La reprise, pp. 691-767, d. Robert Laffont ( traduction Tisseau modifie ), Coll. Bouquins, 1993. Ou Kierkegaard : La reprise, d. Flammarion , ( nouvelle traduction de Nelly Viallaneix ) Coll. GF n 512, 1990.

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Car la psychanalyse prend son dpart dun tournant qui est celui o le savoir spure, si je puis dire, de tout ce qui peut faire ambigut, tre pris dun savoir naturel, de je ne sais quoi qui nous guiderait dans le monde qui nous entoure, laide de je ne sais quelles papilles qui, en nous, sauraient - de naissance - sy orienter. Non certes quil ny ait rien de pareil. Et bien sr,quand un savant psychologue crit de nos jours

enfin je veux dire, il ny a pas si longtemps, quarante ou cinquante ans

quelque chose qui sappelle La Sensation, guide de vie 6, il ne dit, bien sr, rien dabsurde. Mais sil peut lnoncer ainsi, cest justement que toute lvolution dune science nous fait apercevoir quil ny a nulle co-naturalit de cette sensation ce qui par elle, pntre dapprhension dun prtendu monde. Si llaboration proprement scientifique, linterrogation des sens de la vue, voire de loue, nous dmontrent quelque chose, cest que rien, sinon quelque chose que nous devons recevoir tel quil est, avec exactement, le coefficient de facticit sous lequel il se prsente. Que parmi les vibrations lumineuses, il y ait un ultraviolet dont nous nayons aucune perception et pourquoi nen aurions-nous pas ? - lautre bout, linfrarouge, cest la mme chose, et quil en est de mme pour loreille : quil y a des sons que nous cessons dentendre, et quon ne voit pas beaucoup pourquoi cela sarrte l plutt que plus loin. Et qu la vrit, rien dautre nest saisissable prcisment dtre clair dune certaine faon, que ceci : quil y a aprs tout des filtres, et quavec ces filtres on se dbrouille. Si on croit que la fonction cre lorgane, cest bien lorgane dont on se sert comme on peut !

6 Henri Piron : La sensation guide de vie, in Aux sources de la connaissance, Paris, Gallimard, Coll. Pliade, 2002.

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Il ny a rien de commun entre ce quelque chose sur quoi a voulu construire et raisonner - quant aux mcanismes de la pense -