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L’ancien royaume du Congo des origines à la fin duXIXe siècle

William Graham Lister Randles

Éditeur : Éditions de l’École des hautesétudes en sciences socialesAnnée d'édition : 2002Date de mise en ligne : 18 avril 2013Collection : Les ré-impressionsISBN électronique : 9782713225659

http://books.openedition.org

Édition impriméeISBN : 9782713213021Nombre de pages : 276

Référence électroniqueRANDLES, William Graham Lister. L’ancien royaume du Congo des origines à la fin du XIXe siècle. Nouvelleédition [en ligne]. Paris : Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2002 (généré le 15février 2017). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/editionsehess/314>. ISBN :9782713225659.

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Voici l'histoire, minutieusement reconstituée, d'un contact et d'une interpénétration limitée

entre deux sociétés, deux cultures, deux civilisations que tout séparait. Avant l'arrivée des

Portugais, à la fin du XVe siècle, l'ancien royaume du Congo, dont la formation territoriale est

succinctement retracée, vivait avec des institutions religieuses, politiques, sociales, économiques,

figées dans une longue tradition. En apportant leurs marchandises et le christianisme, les

premiers Européens lançaient un défi qui se termina par la victoire des colons portugais de

l'Angola en 1665. Mais le succès militaire ne fut pas accompagné d'un succès politico-culturel ;

pire encore, la christianisation limitée à une étroite caste dirigeante fut compensée par une

déstructuration rapide et désastreuse du pays. Secouant l'hégémonie de l'ancienne capitale, les

marges maritimes se détachèrent et se constituèrent en États courtiers, indépendants, tandis

que, de leur enclave angolaise, les Portugais accaparaient les ressources du Congo intérieur. De

cette pénétration, il résulta pour les Congolais une régression technologique importante, qui les

contraignit à acheter aux Européens les articles qu'eux-mêmes avaient si longtemps fabriqués, et

cela avec la plus humiliante des monnaies : les esclaves.

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SOMMAIRE

Erratum

Remerciements

Introduction1. GÉNÉRALITÉS2. SOURCES

Première partie. Les fondements africains originels

Chapitre premier. La Fondation du Royaume ses limites territoriales aux XVe et XVIe siècles

Chapitre II. Les Institutions de la souverainetéI. LA ROYAUTÉ2. LA BEAUTÉ DU ROI3. LA DIVINITÉ DU ROI4. LE ROI : THAUMATURGE ET BOUC ÉMISSAIRE5. LE ROI ÉTANT MORTEL, LE ROYAUME L’EST AUSSI6. L’ÉTERNITÉ DU CLAN ET LA PÉRENNITÉ DE LA ROYAUTÉ7. LES TROIS ASPECTS DE LA ROYAUTÉ SACRALE A DIFFÉRENTS MOMENTS DE L’HISTOIRE DUCONGO8. LE ROI ISOLÉ DE SON PEUPLE NATURE PARTICULIÈRE DE SES LIENS AVEC LUI9. LE DESPOTISME DU ROI

Chapitre III. La caste dirigeante, le conseil d’État, le Corps administratif et la garde royale1. LA CASTE DIRIGEANTE2. LE CONSEIL D’ÉTAT3. LE CORPS ADMINISTRATIF4. LA GARDE ROYALE5. RÔLE POLITIQUE DE LA CASTE DIRIGEANTE, DU CONSEIL D’ÉTAT ET DU CORPSADMINISTRATIF, ENTRE LE ROI ET LE PEUPLE

Chapitre IV. L’économie1. LES PLANTES ALIMENTAIRES2. LES ANIMAUX DOMESTIQUES3. L’AGRICULTURE4. LE TRAITEMENT DES PRODUITS ALIMENTAIRES. LA CUISINE5. LA PROPRIÉTÉ6. LES COMMUNICATIONS7. LE COMMERCE8. L’ARTISANAT

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Chapitre V. La fiscalité

Chapitre VI. Technologie et culture matérielle1. LE FER2. LE CUIVRE3. LE TISSAGE4. LA POTERIE5. LES ARMES6. LES OUTILS7. LES HABITATIONS8. LE MOBILIER9. L’HABILLEMENT10. LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE

Deuxième partie. Le contact avec les Européens (Les faits)

Chapitre VII. L’arrivée des Européens (1483-1506)

Chapitre VIII. Le règne de D. Afonso I « Apôtre du Congo » (1506-1543)

Chapitre IX. Le royaume du Congo et ses rois leurs rapports avec les Européens (1543-1654)

Chapitre X. La crise qui aboutit à la bataille d’Ambuila (1665). L’effondrement du royaume,l’anarchie et l’émiettement politique. L’incorporation finale a la colonie portugaise del’Angola à la fin du XIXe siècle (1649-1900)

Troisième partie. L'influence européenne (Les mutations)

Cartes

Chapitre XI. Les conséquences de l’ouverture de la nouvelle frontière1. MENACE POUR L’ÉQUILIBRE INTÉRIEUR : EFFETS POLITIQUES ET SOCIAUX DU COMMERCEEUROPÉEN2. PROBLÈMES SOULEVÉS PAR LE SYSTÈME ÉCONOMIQUE DE L’« AUTRE »3. LUTTE ENTRE PORTUGAIS ET CONGOLAIS POUR CONTRÔLER LE COMMERCE DU PAYS4. LA VENUE DES EUROPÉENS ET SES INCIDENCES SUR LES RAPPORTS DES CONGOLAIS AVECLEURS VOISINS FRONTALIERS5. LE POIDS DE L’INTERVENTION DES EUROPÉENS RÉSIDANT A SÃO SALVADOR DANS LAPOLITIQUE INTERNE DU PAYS6. LE DÉCLIN DÉMOGRAPHIQUE

Chapitre XII. La christianisation1. LE CHRISTIANISME SOUS LES SIGNES DE SAINT JACQUES ET DE SAINT ANTOINE2. ÉCHEC DE LA FORMATION D’UN CLERGÉ AUTOCHTONE3. DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES DE LA MISE SUR PIED D’UN APPAREIL ECCLÉSIASTIQUE4. ATTITUDE DES CONGOLAIS A L’ÉGARD DES MISSIONNAIRES5. LES DIFFICULTÉS DE LANGAGE6. LE MOUVEMENT MESSIANIQUE DE L’ANTONIANISME7. JUGEMENTS CONTEMPORAINS SUR LA PÉNÉTRATION DU CHRISTIANISME CHEZ LESCONGOLAIS

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Chapitre XIII. La ville de São Salvador1. LES DESCRIPTIONS DE LA VILLE2. LA POPULATION3. PEUT-ON VRAIMENT PARLER DE « VILLE » A PROPOS DE SÃO SALVADOR ?

Chapitre XIV. Les routes commerciales et les produits échangés au Congo et dans les régionsvoisines aux XVIe et XVIIe siècles

1. LES ROUTES COMMERCIALES2. LES ESCLAVES3. L’IVOIRE4. LE CUIVRE5. LES NATTES DE RAPHIA6. LE SEL7. LES PRODUITS EUROPÉENS IMPORTÉS

Chapitre XV. L’acculturation1. LES NOUVEAUX INSIGNES DE SOUVERAINETÉ2. L’ÉCHEC DE LA TENTATIVE DE TRANSFORMATION DES INSTITUTIONS JURIDIQUES3. LES MODIFICATIONS DE L’HABILLEMENT4. LA RÉVOLUTION AGRICOLE5. L’APPARITION DE MARCHANDS NOIRS6. L’ALPHABETISATION7. LES EMPRUNTS TECHNIQUES

Chapitre XVI. La Basse-Guinée aux XVIIIe et XIXe siècles

1. L’ESSOR DES ÉTATS COURTIERS2. LE LOANGO3. LE KAKONGO, L’ANGOÏ, LE SOYO ET LE MUSSUL4. LES ÉTATS COURTIERS MARITIMES ET LE COMMERCE EUROPÉEN

Chapitre XVII. L’expansion portugaise dans l’ancien Angola (1575-1880)

Conclusion

Les rois de l’ancien Congo. (Seuls figurent sur cette liste ceux qui ont régné à São Salvador)

Bibliographie

Index

Tables

Illustrations

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Erratum

1 p. 29, note 1 : lire ‘W.W. Tarn’ et non ‘N.W. Tarn’

2 p. 32, note 5 : lire ‘120 prédécesseurs’ et non ‘20 prédécesseurs’

3 p. 33, note 2 : lire ‘João dos Santos (1586)’ et non ‘João dos Santos (1587)’

4 p. 34, note 6, dernière ligne : lire p. ‘277’ et non ‘227’

5 p. 39 : lire ‘Cavazzi (1654-1677)’ et non ‘Cavazzi 1654-67’

6 p. 42, note 1 : lire ‘João dos Santos (1586)’ et non ‘João dos Santos (1587)’

7 p. 47 : ‘Les hiboux [sic] s’appellent Kariampemba’ supprimer [sic]

8 p. 57 : lire ‘Cavazzi (1677)’ et non ‘Cavazzi (1667)’

9 p. 58 : idem

10 p. 66, § 2, 5e ligne : après ‘bovins’ ajouter ‘et les cochons’

11 p. 66, § 2, 6e ligne : lire ‘introduits du Congo’ et non ‘au Congo’

12 p. 68, § 2 : lire ‘s’ils dépassaient ce nombre, ils seraient tués par envie’ et non ‘s’il

dépassait ce nombre, il serait tué par envie’

13 p. 68, note 9 : lire ‘George M. Foster’ et non ‘George M. Forster’

14 p. 123, ligne 14 : lire ‘Kinsembo (1869-1873)’ et non ‘Kinsembo (1869)’

15 p. 142, note 3 : lire ‘Kingdom of Cassange’ et non ‘Kingdom of Cassage’

16 p. 157, § 6, première ligne : lire ‘XVIIe siècle’ et non ‘XVIIIe siècle’

17 p. 187, ligne 9 : lire ‘l’ancien Congo’ et non ‘l’Ancien Congo’

18 p. 192, note 3 : lire ‘Marítima e Terrestre’ et non ‘Marítima et Terrestre’

19 p. 211, ligne 2 : lire ‘Conférence de Berlin’ et non ‘conférence de Berlin’

20 p. 215 : lire ‘plaine du Lualaba’ et non ‘plaine de Lualaba’

21 p. 219, § 4 : lire ‘de négociants en esclaves’ et non ‘des négociants en esclaves’

22 p. 224, note 1 : lire ‘Lisbonne 1843’ et non ‘Lisbonne 1823’

23 p. 240 : lire ‘Anon., História do Reino do Congo, [1er quart du XVIIe siècle]’ et non ‘Anon.,

História do Reino do Congo, [c. 1655]’

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24 p. 243 : dans la série Anon., lire ‘Relação da [...] C.R. Boxer, Uma relação inédita’ et non

‘relaçãoin edita’

25 p. 245 : dans la référence à Cadornega, lire ‘Gladwyn Murray Child’ et non ‘Gladwyn

Murry Child’

26 p. 247 : dans la référence à DIAS Gastão Sousa, lire ‘Uma viagem a Cassange [...] 1938’ et

non ‘1958’

27 p. 253 : lire ‘BALANDIER Georges, La vie quotidienne au royaume de Kongo’ et non ‘au

royaume de Congo’

28 p. 259 : lire ‘WEEKS, J.H., Among the Primitive Bakongo’

29 p. 263 : dans la référence à ANNAES MARIT1MOS E COLONIAES, après B.N.P. supprimer

‘collection incomplète’

30 p. 263 : dans la référence à ARQUIVO DAS COLONIAS, après ‘B.A.O.M. à partir de 1930’

ajouter ‘Bibl. Nat. Paris, Dept des Cartes et plans, vol. I-1V (1917-1930)

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Remerciements

1 Nous désirons exprimer tout d’abord nos remerciements au professeur Fernand Braudel, président

de la VIe Section de l’École Pratique des Hautes Études pour nous avoir offert la possibilité de

réaliser cette étude dans le cadre de l’École.

2 Au professeur Georges Balandier nous sommes infiniment reconnaissant d’avoir suivi de longue

date avec sympathie nos recherches sur l’Afrique et de nous avoir encouragé à entreprendre sous

sa direction le présent travail.

3 Nous adressons également nos remerciements : au professeur Léon Bourdon qui a consacré

patiemment de longues heures à nous aider à élucider des textes en portugais ancien et qui a bien

voulu traduire pour nous tous ceux qui sont cités au chapitre VII ; au professeur Gabriel Le Bras

qui, en nous donnant l’occasion, dans son séminaire, de faire un exposé sur la christianisation de

l’ancien royaume du Congo, nous a permis de mieux comprendre certains aspects de la sociologie

religieuse du pays ; à M. Rug-giero Romano, qui nous a vivement encouragé à développer les

aspects économiques de notre travail ; au professeur Jan Vansina qui nous a rassuré sur certaines

de nos interprétations ethnologiques.

4 Nous remercions aussi nos collègues J.-J. Hémardinquer, Michael Keul et Henri Moniot qui nous ont

signalé quantité d’ouvrages et d’articles susceptibles de nous être utiles, qui ont bien voulu écouter

et critiquer certaines de nos thèses.

5 Nous n’aurons garde d’oublier l’aide précieuse que nous a apportée Mlle G. Bigot de la Bibliothèque

nationale en recherchant les cotes de nombreux ouvrages aux références obscures ; celles de Mme F.

Petit du Centre d’Études Africaines de l’École Pratique des Hautes Études qui s’est chargée d’obtenir

par le service de prêt d’importants ouvrages de l’étranger et de Mlle Monique Veerkamp du

Laboratoire de Cartographie de l’École Pratique des Hautes Études, qui a dessiné les cartes

accompagnant l’ouvrage.

6 Nous exprimons en outre notre profonde gratitude à Mme S. Biberfeld, qui a revu le français du

manuscrit avec une attention minutieuse et qui a traduit en français toutes les citations en

portugais, anglais et allemand à l’exception de celles du chapitre VII.

7 Pour terminer, nous voudrions remercier très simplement notre vieil ami Jean Bachelot qui, par ses

conseils opportuns, imprima à cet ouvrage sa forme actuelle et enfin la compagne qui en a suivi pas

à pas, avec un dévouement patient, la lente réalisation.

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Introduction

1. GÉNÉRALITÉS

1 Depuis un demi-siècle environ, pour des raisons qui tiennent à l’évolution particulière de

la sensibilité intellectuelle européenne, l’ethnologie et l’anthropologie sociale se sont

surtout intéressées aux sociétés archaïques les moins développées matériellement et

socialement, celles qui se trouvent « au ras du sol », les sociétés dites « sauvages » de

l’Océanie, de l’Amérique du Sud et de l’Afrique « primitive ».

2 On s’est beaucoup moins passionné (si l’on excepte les empires Inca et Aztèque) pour les

États archaïques – « barbares », diraient certains –, tels que les anciens États asiatiques en

bordure de l’océan Indien, les états du Soudan médiéval et, en Afrique sub-équatoriale

pré-coloniale, le Monomotapa et le Congo, pour n’en citer que quelques-uns.

3 Naguère étudiée sous le signe du merveilleux oriental ou de l’exotisme littéraire,

l’histoire de ces États archaïques offre de nos jours un intérêt tout nouveau. Elle débouche

sur l’étude comparée du développement historique d’organisations bureaucratiques et

économiques, telle que l’ont envisagée Max Weber, avec ses concepts de Herrschaft et de

« rationalité », et Karl Polanyi, avec ceux du Port of Trade et de « redistribution ».

4 Une connaissance de la structure, de l’organisation et des rapports avec l’extérieur de ces

États situés, dirons-nous, à mi-chemin entre les sociétés « sauvages » et les États

occidentaux pré-industriels, ne pourrait-elle pas mieux éclairer les causes et les modalités

de ce défaut de compréhension, ainsi que cette prépondérance dominatrice dont

témoigne l’Europe à l’égard du reste du monde, surtout depuis le début des temps

modernes ?

5 Les destins de ces États face à l’Europe figurent invariablement un déclin consécutif à

toute communication avec celle-ci. Pour mesurer et expliquer ce déclin, il est

indispensable de reconstruire une image de la société avant le premier contact avec les

Européens. Entreprise difficile : la plupart de ces États ignorent l’écriture ou en font peu

usage, et là où elle est pratiquée, elle se révèle une source pauvre en renseignements,

d’interprétation délicate. La tradition orale ne donne, en général, que la succession des

rois ; quant à l’archéologie, là où des fouilles ont été faites, elle ne laisse presque rien

deviner de l’organisation sociale. Que de fois l’unique recours ne demeure-t-il pas le

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témoignage des premiers Européens, ceux-là même qui transformèrent par leur seule

présence ce qu’ils décrivaient, habituellement amenés par un réflexe protecteur à

présenter comme haïssables les ressorts les plus essentiels et les motivations les plus

intimes de la société rencontrée, trop différents des leurs !

6 En vertu de quels critères déceler la réalité derrière ces dénonciations de non-

conformité ? Pourquoi pas par l’étonnement et le scandale que suscite en des esprits

chrétiens le spectacle de mœurs inouïes ? Car le constat de scandale n’est-il pas le plus sûr

indice que de vieilles manières d’être perdurent, malgré les mutations opérées par les

protagonistes de « la voie européenne » ? Les motifs d’étonnement, en Afrique, ne

sensibilisent pas seulement Portugais, Italiens, Anglais et Allemands, mais aussi Arabes et

Grecs de l’Antiquité. Aussi nous sommes-nous cru autorisé à essayer de recréer le système

de pensée religieux et social proprement africain, celui auquel adhéraient jadis les

sociétés de l’Afrique sub-saharienne ainsi que le royaume du Congo avant la

christianisation proposée par les Portugais. Mais nous avons écarté toute tentation de

suggérer, par une analyse comparée des plus anciens témoignages, le foyer qui pourrait

être à l’origine de ce système de pensée, ou les voies éventuelles de sa diffusion à travers

le continent africain.

7 L’histoire du royaume du Congo a le privilège, rare en Afrique Noire, de bénéficier d’une

documentation écrite remontant à plus de quatre siècles, encore que, comme nous l’avons

fait remarquer, elle n’éclaire que du dehors. Paradoxalement, ce sont les tout premiers

textes qui sont les plus riches car si, successivement, apparaissent en Afrique

l’explorateur, le commerçant, le missionnaire, l’administrateur, enfin l’ethnographe, plus

on voit croître, par leurs préoccupations respectives, la rigueur et la précision de leur

observation, plus l’objet de leur curiosité se dérobe à leur regard, soit par un

émoussement progressif de la sensibilité des Européens à l’insolite autour d’eux, soit par

le souci des Africains de dissimuler aux Blancs les aspects intimes de leur société, qu’ils

savent blâmés par eux.

8 L’abondance de la documentation sur le royaume du Congo, si fourmillante de menus

détails, mais souvent par contre muette sur des questions cruciales, tend à induire

l’historien à trop s’attarder sur l’enchaînement de faits mineurs sans grande portée, au

lieu de tenter de saisir simplement les réalités essentielles du destin de ce pays. Si nous

avons consacré un effort particulier, dans la troisième partie de notre ouvrage, à cette

dernière exigence, nous n’avons pas cru devoir renoncer à retracer succinctement la

succession des événements : au moment du premier contact entre Blancs et Noirs au

Congo, nous les avons même suivis d’aussi près que possible.

9 Le dernier chapitre, sur l’expansion portugaise dans l’ancien Angola, se justifie par le rôle

important des Blancs de cette colonie dans le destin du Congo, lequel se voit enfin

englobé dans une « province » portugaise d’outre-mer.

2. SOURCES

10 Elles peuvent être divisées en trois catégories, selon qu’elles relèvent : de l’archéologie, de

la tradition orale, ou de l’histoire écrite.

11 Alors que dans d’autres régions de l’Afrique – la Rhodésie, la Zambie –, l’archéologie de

l’âge du fer, celle qui, à la différence d’autres branches, est la seule à éclairer l’époque

immédiatement antérieure à l’arrivée des Européens, a fait d’immenses progrès, dans le

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Bas-Congo et en Angola, par contre, tout est à faire. Un premier objectif urgent serait de

fouiller le site de la capitale de l’ancien royaume du Congo, São Salvador.

12 Pour ce qui concerne la tradition orale, J. Cuvelier est le seul à avoir tenté de recueillir

systématiquement les traditions historiques des Bakongo1. Certaines, évoquant la

fondation du royaume, avaient été enregistrées par des auteurs du XVIIe siècle : l’auteur

anonyme de l’História do Reino do Congo (c. 1655)2, Cavazzi (1654-1667)3, et Bernardo da

Gallo (1700)4. Elles ne concordent pas dans le détail, et leur apport est en définitive

décevant.

13 Restent donc les sources écrites exclusivement par les Européens ; leur profusion promet

plus qu’elle ne tient. Ce sont elles qui ont été le plus sollicitées pour cet ouvrage.

14 Nous nous sommes limité à l’examen d’ouvrages imprimés, renonçant délibérément à

envisager des recherches dans les archives portugaises, italiennes ou hollandaises, en

raison des très longs séjours à l’étranger qu’elles eussent nécessités.

15 Parmi les sources écrites, il en est une d’importance primordiale par le nombre de

documents réunis : la collection du P. Brásio, Monumenta Missionária Africana (Africa

Ocidental), Lisbonne, 1952 – en cours de publication, et dont 13 volumes, couvrant la

période 1472-1650, ont été publiés jusqu’à présent. Pour la période postérieure à cette

date, il a été fait appel à la vieille et modeste collection de Paiva Manso, História do Congo

(Documentos), Lisbonne, 1877, couvrant la période 1492-1722.

16 Les Monumenta renferment la remarquable correspondance du roi D. Afonso I (1506-1543)

avec les rois de Portugal, celle aussi du roi D. Garcia II (1641-1661), de nombreux textes

descriptifs dus à des missionnaires et, ce qui intéresse moins l’historien de l’Afrique, une

vaste correspondance administrative de missionnaires et d’ecclésiastiques. Dans le

premier volume sont imprimés des extraits des chroniqueurs du XVIe siècle, Rui de Pina5,

Garcia de Resende6, João de Barros7, relatant les tout premiers contacts entre Portugais et

Congolais. Mais le choix arbitraire de ces extraits, les coupures qui y ont été apportées,

obligent à se reporter aux textes intégraux des chroniques : celle de Rui de Pina dans

l’édition d’Alberto Martins de Carvalho, Coïmbre, 1950, celle de João de Barros dans

l’édition de la première Década par Antonio Baião, Coïmbre, 1932. Les passages sur le

Congo dans la chronique de Garcia de Resende n’étant que repris du texte de Rui de Pina,

leur intérêt nous paraît assez mince. Aucune de ces chroniques n’a été traduite en

français.

17 Parallèlement aux Monumenta, mais de moindre envergure, se situe le volume de

documents missionnaires de J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives

romaines8. Surtout constitué de pièces intéressant la missiologie, sa valeur réside en deux

importants textes descriptifs : « Histoire du Congo », ms. Vat. Lat. 12516 (fin du XVIe

siècle), pp. 108-160, et « De la situation du royaume du Congo » (1595), pp. 194-207.

18 A ces deux textes descriptifs, il faut en ajouter un plus important, que le P. Brásio n’a pas

cru devoir inclure dans ses Monumenta. Il s’agit de l’« História do Reino do Congo »

(s.l.n.d., ms. 8080 de la B.N.L.), dont A. A. Felner a publié des extraits9. Il en situe la date de

rédaction vers 1620, alors que Brásio la croit plus proche de 165510. La consultation d’un

microfilm du manuscrit prouve en effet que les extraits donnés par Felner en constituent

l’intérêt essentiel.

19 Parmi les principales sources imprimées contemporaines se placent, pour le XVIe siècle,

l’ouvrage de Pigafetta (1587)11, et pour le XVIIe siècle ceux de Jean François de Rome (1648)12, de Cavazzi (1654-1667)13 et de O. Dapper (1668)14 – les dates entre parenthèses sont

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celles de la rédaction. Seuls, les livres de Pigafetta et de Jean François de Rome ont fait

l’objet de traductions françaises en forme d’éditions critiques. Les traductions françaises

contemporaines de Cavazzi par Labat (1732), et de Dapper (1686), doivent être

considérées avec une certaine méfiance. Il convient en outre de rappeler que Pigafetta et

Dapper n’ont fait que recueillir les souvenirs d’autres écrivains (Pigafetta ceux du

Portugais Duarte Lopes), et qu’Alamandini a retouché le texte de Cavazzi afin d’en

améliorer le style.

20 Deux manuscrits portugais inédits, l’un du XVIIe, l’autre du XVIIIe siècle, ont eu des

éditions modernes, mais ils intéressent moins le Congo que l’Angola. Il s’agit de l’História

geral das Guerras angolanas (1680-1681) d’António de Oliveira de Cadornega, publication et

notes de José Matias Delgado et Manuel Alves da Cunha, Lisbonne, 3 volumes, 1940-1942,

et de l’História de Angola (1792) d’Elias Alexandre da Silva Corrêa éditée par Manuel

Murias, Lisbonne, 2 volumes, 1937. La valeur de ces deux textes est grandement limitée

par l’optique méprisante des auteurs pour tout ce qui est africain, et par l’emphase

exaspérante de leur style.

21 De nombreuses sources sur le XIXe siècle se trouvent dans les revues portugaises de

l’époque : Annaes do Consello Ultramarino, Annaes Marítimos e Coloniaes et surtout, à partir de

1876, le Boletim da Sociedade de Geografía de Lisboa.

22 Ce résumé succinct des principales sources écrites auxquelles nous avons le plus

largement recouru ne donne qu’une faible idée du caractère extraordinairement dispersé

et hétéroclite de toutes celles que nous avons consultées. Pensons à la diversité des

langues dans lesquelles les textes sont écrits, à leur éparpillement parcellaire (un

paragraphe ou quelques lignes dans un ouvrage traitant d’une région ou d’un sujet tout

autre), au fait aussi que, lorsqu’il s’agit d’un livre imprimé, on n’est pas toujours sûr de le

trouver dans une grande bibliothèque européenne, enfin à la pluralité des disciplines

impliquées : histoire des explorations, histoire de l’administration coloniale, missiologie

et ethnographie.

NOTES

1. J. Cuvelier, « Traditions Congolaises », in Congo, t. II, n° 2 (1930), pp. 193-208, et n° 4, pp.

469-487.

2. Publiée par Felner, Angola, Coïmbre, 1933, pp. 375-379.

3. Cavazzi, Istorica Descrizione..., Bologne, 1687, lib. II, § 86.

4. In L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bulletin de l’Institut Historique Belge de Rome,

fasc. XXXIII (1961), pp. 468-475.

5. Croniqua del Rey Dom Joham II, composée entre 1501 et 1521 et restée inédite Jusqu’en 1792, cf.

Francisco Leite de Faria, Omo relação de Rui de Pina sobre o Congo escrita em 1492, Agrupamento de

Estudos de Cartografia Antiga, vol. XVIII (Secção de Lisboa), Junta de Investigaçôes do Ultramar,

Lisbonne, 1966, p. 13.

6. Cronica da Vida de D. João II, éd. d’Evora, 1545, Lisbonne, 1554 et 1798.

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7. João de Barros, Décadas da Asia, Déc. I, Lisbonne, 1552 (la seule qui traite du Congo). Les Décadas

de Barros sont une source à utiliser avec précaution en ce qui concerne les événements de ta fin

du XVe siècle, en raison de leur rédaction tardive.

8. Mémoire de l’Institut Royal Colonial Belge, t. XXXVI, fasc. 2, Bruxelles, 1954.

9. Felner, Angola, pp. 375-379.

10. Cf. A. Brásio, « A História do Reino do Congo », in Portugal em Africa, vol. VI (1949), pp. 153-161.

11. Filippo Pigafetta, Relatione del Reame di Congo..., Rome, 1591, traduction française annotée de

Willy Bal, Paris-Louvain, 1963. et 2e éd. corrigée, 1964.

12. Giovanni Francesco Romano (Jean François de Rome), Breve Relatione, Rome, 1648, traduction

française de François Bontinck, Paris-Louvain, 1964.

13. Gio. Antonio Cavazzi da Montecuccolo, Istorica Descrizione de’ tre Regni Congo, Matamba et

Angola..., Bologne, 1687, 2e éd. Milan, 1690.

14. O. Dapper, Naukeurige Beschrijuinge de Afrikaensche gewesten, Amsterdam, 1668.

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Première partie. Les fondementsafricains originels

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Chapitre premier. La Fondation duRoyaume ses limites territorialesaux XVe et XVIe siècles

1 L’archéologie de l’âge du fer étant encore muette sur le passé congolais antérieur à

l’arrivée des Européens, seules demeurent, comme source, les traditions orales qui ne

permettent guère d’établir une chronologie rigoureuse.

2 La fondation du royaume du Congo apparaît, dans ces traditions orales, comme la

conséquence d’une querelle de famille, suivie d’une scission de clan et d’une émigration.

Trois d’entre elles, courantes au XVIIe siècle, font état de l’événement1 :

3 Selon la version recueillie par Cavazzi (1654-1667), Lukéni, fils cadet du roi du minuscule

royaume du Bungu (situé sur la rive septentrionale du Congo, au point où il s’incurve

avant de descendre vers la mer), s’installa avec ses partisans auprès d’un gué important,

protégé par des rochers. Retranché derrière ces fortifications naturelles, il commença à

exiger un péage de ceux qui traversaient le fleuve.

4 Un jour, une dispute s’éleva entre lui et sa tante, qui prétendait être exemptée du péage

en raison de son rang. Lukéni l’éventra sauvagement, crime d’autant plus abominable

qu’elle était enceinte. Craignant l’inévitable colère de son père, mais soutenu par ses

gens, qui approuvaient « son âme belliqueuse », Lukéni quitta avec eux le Bungu et

traversa le fleuve pour s’installer sur l’autre rive2.

5 La version recueillie par Bernardo da Gallo (c. 1700) ne fait aucune allusion au contrôle

exercé par Lukéni sur le gué. C’est entre la mère de Lukéni et un passeur anonyme que

surgit la dispute. Impatiente de traverser, car elle est enceinte, elle est en butte aux

grossièretés du batelier, qui lui demande si elle se prend pour la reine ou la mère du roi.

Elle s’en plaint à son fils et, pour venger l’insulte, celui-ci lui promet qu’elle sera en effet

mère d’un roi, car il sera ce roi, mais non sans royaume. Avec une armée nombreuse il

quitte sa patrie, traverse le Congo et part à la conquête du pays au sud du fleuve3.

6 La version recueillie par l’auteur anonyme de l’História do Reino do Congo (c. 1655) précise

seulement que le père de Lukéni avait beaucoup de fils et que Lukéni était le plus jeune.

Ne voyant aucune possibilité de régner et fort ambitieux, celui-ci réunit autant de

partisans qu’il en put trouver et passa sur l’autre rive du fleuve4.

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7 Les insultes adressées à la tante (ou à la mère) de Lukéni sont sans doute des inventions

étiologiques pour justifier une scission provoquée par des facteurs que nous ignorons. Les

deux versions racontent essentiellement la même histoire, envisagée sous des angles

différents.

8 La tante était vraisemblablement la reine-mère du royaume de Bungu et, de même que la

reine, l’un des volets du triptyque de la souveraineté africaine5. Dans la version de

Cavazzi, un crime consacre la rupture ; dans celle de Bernardo da Gallo, une insulte. La

scission de la communauté est marquée autant par la substitution du chef que par

l’émigration. Les deux femmes sont des reines-mères : l’une du royaume du « passé »,

l’autre de celui de l’ « avenir ».

9 De quand date la révolte de Lukéni ? Les sources se contredisent. Selon l’História do Reino

do Congo (c. 1655), ce serait vers le début du XIVe siècle : « Il y a 350 ans ». L’auteur ajoute

que six rois se succédèrent entre Lukéni et le premier roi chrétien, Nzinga a Nkuwu, mort

en 1506. Un texte de 1624 précise que Nzinga a Nkuwu était le petit-fils du fondateur6.

Enfin, selon Bernardo da Gallo (c. 1700), il n’y eut que deux rois entre Lukéni et Nzinga a

Nkuwu7.

10 Tout ce que nous pouvons dire, c’est que le royaume du Congo a probablement été fondé

entre le début du XIVe siècle et le début du XVe.

11 Le pays de la rive méridionale une fois conquis, Lukéni s’installa sur un mont situé à

quatre lieues de l’actuel São Salvador et appelé Mongo Caila (Mongo wa Kaila), ou « Mont de

la Répartition ». Là, il fit don à ses capitaines des provinces qu’il venait de soumettre8.

Plus tard, il s’installera sur un autre mont appelé Nkumba a Ngudi, qui deviendra Mbanza

Kongo puis, au temps du christianisme : Kongo dia Ngunga, « Congo de la Cloche », et

finalement « São Salvador », nom qu’il porte encore aujourd’hui9. Lukéni prendra alors le

titre de Ntinu mini a Lukéni10.

12 Quelle était donc la population du pays que les Bakongo venaient de conquérir ? Selon

Cadornega (1681) et la tradition moderne recueillie par Cuvelier, ils ont asservi un peuple

bantou autochtone, d’ethnie et de langue différentes : les Ambundu11. Certaines régions

étaient toutefois occupées par les Mbaka (des nains), notamment la région de Makuta,

« C’étaient, disent les Noirs, des petits hommes à grosse tête, ventre proéminent et

jambes courtes. Quand ils tombaient, ils avaient de la peine à se relever. Ils n’avaient pas

d’instruments de fer. Ils recouvraient leurs morts avec des pierres »12. Parlant du Loango,

Dapper (1668) fait également allusion à ces nains à grosse tête, qu’il appelle Bakke Bakke

ou Mimos13. Ce sont les Akka ou Balwa dont parle Torday14.

13 Quoi qu’il en soit, ces Batwa, ou Mbaka Mbaka, ou Akka, sont certainement les mêmes que

les Akkata dont parle Bernardo da Gallo (c. 1700) :

14 « ... il est nécessaire de savoir qu’il y a deux peuples dans ce royaume [le Congo]. Un

arrivé comme immigrant et l’autre vraiment du pays, celui-ci composé de soumis ou

assujettis et l’autre de dominateurs. Les dominateurs sont ceux qui vinrent [...] avec le

premier roi [...] Lukéni et ils s’appellent Essicongo ou nobles congolais habitants de la cité

royale. Les autres, les soumis, sont ceux qui se trouvaient dans le pays et ceux des

provinces du royaume, lesquels s’appellent Akkata, Alumbu ou paysans et ruraux »15.

15 Les traditions orales d’une race pré-bantoue de nains à grosse tête, habitant jadis

l’Afrique orientale ont été enregistrées par J. D. Clark16. Son refoulement progressif par

les Bantous est actuellement l’objet d’études de nombreux archéologues et experts en

anthropologie physique en Afrique anglophone17.

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16 L’absence de travaux archéologiques au Congo rend impossible, pour le moment, toute

tentative de suivre le processus d’assimilation de cette race par les Bakongo envahisseurs,

ou par leurs prédécesseurs les Ambundu. (Les Alumbu sont-ils les mêmes que les

Ambundu ?)

17 Au moment de la conquête, les Ambundu n’étaient pas organisés en un État centralisé. Ils

vivaient répartis en chefferies indépendantes, qui allaient devenir les « provinces » du

royaume du Congo18. Cavazzi déclare qu’un potentat nommé le Mabambòlo Mani Pangalla

gouvernait la région autour de São Salvador19.

18 Mabambòlo, qui est un titre, correspond sans doute à celui du Mbumbulu « le premier des

ngangas (sorciers) célèbres », dont Van Wing rapporte une tradition20.

19 Mais l’História do Reino do Congo donne à ce potentat un autre nom : c’était le Mani-Cabunga,

sorte de « Grand Prêtre » qui vivait à São Salvador lorsque Lukéni y est arrivé21. Il s’agit

d’un « chef de terre », faiseur de pluie et garant de la fécondité agricole. Il déterminait le

moment des semailles et de la récolte. Ses successeurs étaient toujours là au moment où

l’auteur rédigeait son História ; les Bakongo leur manifestaient le plus grand respect22.

20 Lukéni épousa la fille du Mani-Cabunga et ordonna à ses hommes de se marier avec des

femmes du pays, « les nobles avec les nobles et les plébéiens avec les plébéiennes. Tous

s’appelleront désormais Moxicongos [Bakongo] »23.

21 La grande innovation de la conquête bakongo est le groupement de multiples petits

royaumes en un grand État centralisé et gouverné par un monarque suprême résidant

dans une capitale.

22 Les provinces qui formeront le noyau du royaume fondé par Lukéni sont le Mpemba (où

se trouve la capitale), le Soyo, le Mbamba, le Nsundi, le Mpangu et le Mbata, toutes, à

l’exception d’une partie du Nsundi, situées au sud du fleuve24. Sont aussi nommés le

Oembo25 et le Oandu26. Seul, le Mbata reste hors de la domination directe de Lukéni. Son

oncle maternel le conquit et se fit accorder un statut privilégié, équivalent presque à

l’indépendance27. Les gouverneurs des autres provinces n’étaient pas nommés à vie, ils

dépendaient du bon plaisir de Lukéni28. Au XVIe siècle, sous le règne de D. Afonso I

(1506-1543), le Mbata deviendra vraiment une province et aura également un gouverneur

nommé par le roi29.

23 Une tradition affirme que des fils de Lukéni partirent au nord du fleuve fonder les

provinces de Kakongo et Loango30, mais ces dernières recouvrèrent leur indépendance

avant la christianisation du Congo au début du XVIe siècle. Le Loango et le Kakongo

restèrent toujours des royaumes païens, dont les habitants sont d’ailleurs d’ethnie et de

langue bakongo.

24 On ignore jusqu’où alla l’expansion du royaume du Congo, car il semble s’être déjà réduit

lorsque sont écrites les premières relations portugaises, au XVIe siècle. Il a

vraisemblablement atteint, au nord, une ligne joignant la ville de Loango au Stanley Pool,

le long de la vallée du Cuilu-Niari (en gros, le parallèle situé à 4° de lat. nord)31, à l’est le

Cuango, et au sud le Cuanza. Cette aire coïncide avec celle de la langue kikongo, sauf au

sud d’une ligne joignant Luanda à Cahenda, où le kikongo fait place au kimbundu. Fait

singulier, cette frontière linguistique ne s’appuie sur aucun relief naturel32. C’est là que se

trouvent les puissantes chefferies des Dembos. Selon la tradition orale locale, la région

était, avant la conquête bakongo, couverte de forêts et d’une végétation très dense, où des

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tribus cannibales vivaient dans une anarchie constante. Les conquérants Bakongo

(devenus depuis les Dembos) apportèrent l’ordre et la justice33.

25 Tout l’espace occupé par le royaume du Congo constitue une aire de transition

géographique entre la forêt dense (pluviisilva) au nord, et la savane arborisée au sud34. Des

siècles de défrichement par les Bantous agriculteurs ont fait reculer la forêt vers le nord35

.

26 Même à son apogée, le royaume du Congo était essentiellement composé de deux

éléments : le noyau étroitement administré, et les marches périphériques, sur lesquelles

l’autorité du pouvoir central se faisait sentir avec beaucoup moins d’efficacité. En raison

de leur éloignement, ces marches étaient plus ou moins en état de dissidence permanente

et leurs rapports avec l’autorité assez lâches. On mesure bien les limites de la puissance

royale à l’inconsistance des témoignages de soumission que le roi recevait de ce genre de

« vassaux ». L’arrivée des Européens introduira un troisième pôle de référence dans les

rapports bipolaires entre le pouvoir central et les marches, et fera naître dans ces

dernières une tendance à la « désatellisation ».

27 Quelles sont ces marches périphériques ?

28 Il y a d’abord le Loango. On ignore s’il a échappé à l’hégémonie congolaise avant ou après

l’arrivée des Européens. Selon Pigafetta (1587) « ... le roi de Loango est ami du roi du

Congo et l’on dit qu’il fut jadis son vassal »36. Que les Portugais de São Tomé aient

encouragé les peuples au nord du fleuve à revendiquer leur indépendance, cela ressort

clairement d’une lettre écrite en 1549 par Barros de Paiva, gouverneur de cette île37. Le

Loango ne figure plus dans les titres du roi du Congo en 153938. Au début du XVIIe siècle,

son indépendance ne fait aucun doute.

29 Le Kakongo et l’Angoï sont indépendants en 160739, mais rien ne permet de savoir depuis

quand.

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30 Le Bungu, dont on ignore s’il fut jamais effectivement incorporé au royaume du Congo,

n’en faisait en tout cas plus partie en 1625, puisque les Jagas (cannibales nomades)

l’avaient envahi l’année précédente, après avoir vaincu le roi40.

31 Au nord-est du Stanley Pool se trouve la « province » d’Anzica41 (ou d’Anzicana), habitée

par les cannibales Bateke, différents par la langue et l’ethnie des Bakongo. Le nom de ce

pays apparaît dans les titres du roi Dom Afonso en 1535, mais il était déjà en guerre avec

le Congo à la fin du xve et au début du XVIe siècle, et semble avoir obtenu très tôt son

indépendance42. Un texte de la fin du XVIe siècle affirme que le roi des « Anzicos » est

« plus puissant et son royaume plus grand que celui du Congo ou d’Angola »43. Dès avant

1583, l’Anzicana n’était plus connue sous ce nom ; elle est désignée, dans les relations de

l’époque, comme le « Royaume du Mucoco »44, dont la capitale s’appellera Monsol45.

Dapper (1668) dira du Mucoco : « Ce roi passe pour beaucoup plus puissant que celui du

Congo, ayant dix rois pour vassaux »46. Un texte de 1656, où le Mucoco est décrit comme

« ... le plus misérable royaume qu’il soit dans cette région »47, ne nous paraît pas très

digne de foi, car le royaume du Mucoco deviendra au XVIIIe siècle, avec l’empire Lunda,

l’un des principaux viviers d’esclaves de l’intérieur de l’Afrique, et il en sera ainsi jusqu’à

la fin du XIXe siècle lorsque Brazza, en 1880, signera avec le roi le célèbre « traité

Makoko »48.

32 A cheval sur la boucle du Cuango juste avant sa confluence avec le Kasai, se trouve

l’Ocanga, décrit paradoxalement par l’auteur de l’História do Reino do Congo (c. 1655)

comme « la province la plus orientale soumise aux rois [du Congo] et où il y a un roi

indépendant »49. Selon une source de 1595, l’Ocanga paie un tribut au roi du Congo50, et un

texte de 1624 confirme sa condition de vassal du duc de Mbata51. A la différence des autres

marches, qui se libèrent progressivement de l’hégémonie congolaise, l’Ocanga et le Mbata

paraissent s’y inféoder.

33 La province de Congo de Amulaça (Congo dia Nlaza) apparaît dans les titres du roi du

Congo en 158352. Cadornega (1681) la situe, sans grande précision, dans l’intérieur à cent

lieues de l’Ocanga53.

34 Dans ses lettres de 1535 et de 1539, le roi D. Afonso mentionne parmi ses titres la province

de Musuco54. Selon Lamal, elle était située sur la rive gauche du Cuango, entre le Congo de

Amulaça et le Matamba. Vers la fin du XVIe siècle, les Basuku émigrèrent au delà du

Cuango pour s’installer près de la confluence de celui-ci avec la Nganga, avant de se

disperser vers le nord-est et le sud55.

35 Au sud de l’Ocanga, le cours du moyen Cuango forme la frontière orientale du Congo.

Entre le Cuango et le haut Lucala s’étend la province du Matamba, apparemment vassale,

en 1530, du roi du Congo, qui en reçoit un tribut de quelques manilles d’argent [sic !]56. Par

la suite, son « roi » se révolta, mais on ignore à quelle date. Vers 1630, la « reine »

Munongo Matamba sera vaincue par la célèbre reine Jinga (d’Angola), qui s’emparera du

Matamba pour en devenir elle-même la reine57. La province du Oandu constituera alors la

limite frontalière du Congo vers le sud-est jusqu’en 1643, date à laquelle la reine Jinga

l’annexera au Matamba58.

36 Les frontières méridionales du Congo et son hégémonie sur l’ancien royaume d’Angola

constituent un problème compliqué et délicat. La limite extrême de la domination

congolaise vers le sud semble avoir atteint au moins le Cuanza, (peut-être même l’avait-

elle dépassé et englobé la « province » du Quisama, mentionnée parmi les titres du roi du

Congo en 153259). L’Angola (qui est en réalité le titre du roi du Ndongo ou Dongo) n’est, au

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XVIe siècle, qu’un petit territoire entre le Lucala et le Cuanza. Il est également cité parmi

les titres du roi du Congo en 1532 comme « province »60, mais il n’est pas certain qu’il y ait

eu un lien de vassalité à cette époque. Selon Pigafetta (1587), le roi d’Angola avait

coutume de payer tribut au roi du Congo, mais depuis « un certain temps il est devenu

seigneur absolu de son territoire » et se tient pour « ami et non vassal » du roi du Congo,

lui envoyant de temps en temps un cadeau en guise d’hommage »61.

37 Toute la côte atlantique, depuis l’embouchure du Congo jusqu’à l’île de Luanda comprise,

est placée directement sous la souveraineté congolaise. Domingos de Abreu de Brito

(1591) affirme que l’île de Luanda avait été « prise et usurpée » au roi d’Angola, mais sans

indiquer à quelle date62. Au début du XVIe siècle, elle était habitée par des Congolais, et

c’était de là que l’on expédiait vers la capitale de São Salvador les coquillages Zimbu, qui

servaient de monnaie dans le royaume63.

38 De toutes les frontières du Congo, celle de la mer apparaît comme la plus sûre, parce

qu’immuable, fermée et vide... jusqu’à l’arrivée des Européens...

NOTES

1. Cf. « História do Reino do Congo », (c. 1655), in Felner, Angola, pp. 375-377 ; Cavazzi, lib. II, § 86 ;

et Bernardo da Gallo (1700), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst.

Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), pp. 468-469. Pour une analyse de ces traditions, cf. J.

Vansina, « Note sur l’origine du Royaume du Congo », in Journ. of African Hist., vol. IV, n° 1 (1963),

pp. 33-38. La thèse de Vansina est vivement contestée par Kuntz Dittmer, « Zur Geschichte

Afrikas, 3, die ältere Geschichte Süd-und Zentralafrikas », in Saeculum, vol. XVII, n 1-2 (1966), pp.

70-74. Mais les arguments de Dittmer ne nous semblent pas convaincants.

2. Cavazzi, lib. II, § 86.

3. Bernardo da Gallo, in op. cit., p. 468.

4. H.R.C., in Felner, Angola, p. 377.

5. Cf. infra, chap. II.

6. M.M.A., vol. VII, p. 291.

7. In L. Jadin, art. cit., p. 169.

8. H.R.C., in Felner, Angola, pp. 377-378.

9. J. Cuvelier, « Traditions Congolaises », in Congo, t. II, n 4 (1930), p. 487. Le nom de São Salvador

n’est adopté que le 20 mai 1596 (cf. A. Brásio, « Um fragmento precioso », in Portugal em Africa, X

(1953), p. 5).

10. M.M.A., vol. VII, p. 291.

11. M.M.A., vol. V, p. 386 (texte de 1607), (« Amburidos », une mauvaise transcription

d’Ambundos) ; Cadornega (1680), t. III, p. 188, (« ...se asscnhorearâo [les Bakongo] do poderozo

reino do Congo, sendo os naturais delle Ambundos de outra casta ») ; et J. Cuvelier, « Traditions

Congolaises », in op. cit., p. 479.

12. J. Cuvelier, « Traditions Congolaises », in op. cit., p. 479.

13. O. Dapper, Naukeurige Beschrijuinge, p. 540.

14. E. Torday, Descriptive Sociology of African Races, Londres, 1930, p. 1.

15. Bernardo da Gallo, in L. Jadin, op. cit., p. 481.

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16. J. D. Clark, « A note on the pre-Bantu inhabitants of Northern Rhodesia and Nyasa-land », in

S. A. Journ. of Science (1950-1951), vol. XLVII, n° 3, pp. 80-85.

17. D. R. Brothwell, « Evidence of Early Population Change in Central and Southern Africa », in

Man (1963), n° 132.

18. H.R.C., in Felner, Angola, p. 375.

19. Cavazzi, lib. II, § 86.

20. Van Wing, Études Bakongo, Religion et Magie, p. 164. Notons la tradition rapportée par Francisco

Maria Gioia (La Meravigliosa Conversione... della Regina Singa (sic = Jinga). Naples, 1669, p. 136) selon

laquelle le héros-fondateur et premier roi d’Angola s’appelait Bum-bambula.

21. H.R.C., in Felner, Angola, p. 376. Kabunga, en kimbundu signifie « couvre-chef », donc un

insigne de pouvoir (cf. J. D. Cordeiro da Matta, Ensaio de diccionário Kimbundu-Português, Lisbonne,

1893). Un Mani Cabunga « chef de terre » est signalé près de Luanda en 1575 (cf. M.M.A., vol. III, p.

135).

22. Ibid., loc. cit.

23. Ibid., loc. cit.

24. Elles sont décrites par Pigafetta, lib. I, cap. VIII.

25. Cf. P.M., p. 51, doc. de 1526. Le Oembo existait encore en 1845, cf. A. J. Castro, « Roteiro da

Viagem ao Reino do Congo », in Bol. Soc. Geog. Lisbonne, 2e sér., n° 2, 1880, p. 66.

26. Cf. H.R.C., in Felner, Angola, p. 377.

27. Cavazzi, lib. II, § 88 et Pigafetta, lib. I, cap. XII. Le Congo conservera ses territoires au nord du

fleuve (Massinga) au moins jusqu’en 1650, cf. M.M.A., vol. X, p. 486.

28. H.R.C., in Felner, Angola, p. 377.

29. P.M., p. 51 (doc. de 1526).

30. E. G. Ravenstein, « A Sketch of the History of Kongo », in The Strange Adventures of Andrew

Battell, Hakluyt Society, Londres, 1901, p. 104. L’auteur n’indique pas ses sources.

31. Cf. M.M.A., vol. V, p. 384 (texte de 1607) ; les limites méridionales sont poussées exagérément

vers le sud dans ce texte, jusqu’à 13° lat. sud. Sur la géographie de la région entre le Congo et le

Cuilu, considérée dans une perspective historique, cf. J. H. Pirenne, « Les éléments fondamentaux

de l’ancienne structure territoriale et politique du Bas Congo », in Bull. des Séances de l’A.R. des Sc.

d’Outre-Mer, t. V, fasc. 3 (1959), pp. 557-577.

32. Cf. Pigafetta, lib. I, cap. VIII ; Cadornega, t. III, p. 203, et Fr. Bernardo Maria Cannecatim,

Collecção de Observações grammaticaes sobre a lingua bunda, Lisbonne, 1805, p. XI.

33. I. de Cerqueira, Vida Social Indtgena na Colónia de Angola, Lisbonne, 1947, pp. 17-18.

34. Cf. J. Gossweiller et E. A. Mendonça, Caria Fitogeográfica de Angola, Lisbonne, 1939.

35. E. Dupont, Lettres sur le Congo, Paris, 1889, pp. 591-618.

36. Pigafetta, lib. I, cap V.

37. M.M.A., vol. II, pp. 236-237.

38. Ibid., p. 38.

39. M.M.A., vol. V, pp. 241-242. Dapper, en 1668, affirme que le roi du Congo revendique encore la

souveraineté sur ces deux royaumes, mais sans pouvoir imposer son autorité. Cf. O. Dapper,

Naukeurige Beschrijvinge, p. 557.

40. P.M., p. 177.

41. Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis (c. 1508), (p. 171 de l’éd. de l’Acad. Port. de

Hist., Lisbonne, 1954).

42. Id., loc. cit. ; M.M.A., vol. II, pp. 38 et 70 ; Garcia de Resende, Chronica da Vida de D. João II, 3e éd.,

Lisbonne, 1798, cap. CLXI et João de Barros, Décadas da Asia, Lisbonne, 1552, Dec. I, lib. III, cap. ix

(p. 106 de l’éd. de Coïmbre, 1932).

43. In J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 143.

44. M.M.A., vol. IV, pp. 369 et 403. Mucoco semble être une forme de Nkuwu = roi (Duarte Pacheco

Pereira appelle le roi de Anzica : Encuquanzico – Nkuwu a Nzike – roi des Bateke, cf. Id., loc. cit.).

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45. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 591.

46. Id., loc. cit., aussi p. 554 : « Il passe pour le plus puissant prince de toute l’Afrique. »

47. Anon., Osservationi del Regno di Congo dell’anno 1656, ms espagnol, n° 324 (38), f° 150 (V), de la

B.N.P.

48. H. Brunschwig, L’Avènement de l’Afrique Noire, Paris, 1963, p. 147.

49. H.R.C., in Felner, Angola, p. 375.

50. In J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 195.

51. P.M., p. 176.

52. Arch. Vat. Nunz di Spagna, vol. 38, f° 243, cité par J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p.

339.

53. Cadornega, t. III, p. 186. Cavazzi (1654-1677) le tient pour un royaume indépendant, (Cavazzi,

lib. II, § 90).

54. M.M.A., vol. I, pp. 38 et 70.

55. F. Lamal, « Basuku et Bayaka des districts Kwango et Kwilu au Congo », Annales du Musée Royal

de l’Afrique Centrale, Tervuren, 1965, pp. 17-22.

56. M.M.A., vol. I, p. 540.

57. Cavazzi, lib. I, § 17.

58. Doc. cité par David Birmingham, Trade and Conflict in Angola, Oxford, 1966, p. 107.

59. M.M.A., vol. II, p. 38. L’H.R.C. affirme que la souveraineté du Congo s’étend au delà du Cuanza

(in Felner, Angola, p. 375). Pigafetta dit cependant que le Quisama est indépendant (Pigafetta, lib.

I, cap. VIII).

60. Ibid., p. 38.

61. Pigafetta, lib. I, cap. IV.

62. In Felner, Um Inquérito à Vida Administrativa e Económica de Angola e do Brasil, Coïmbre, 1931, p.

45.

63. Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis (c. 1508), éd. cit., pp. 171-172.

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Chapitre II. Les Institutions de lasouveraineté

1 En l’absence de documents écrits antérieurs à la christianisation de la fin du XVe siècle, il

n’est pas aisé de reconstruire l’image de ce que fut le Congo avant de connaître les effets

de l’acculturation. A l’exception de quelques rares textes, tous les récits des Européens

sont postérieurs à la révolution chrétienne de 1506 et tendent donc à refléter une société

plus ou moins modifiée par cet événement.

2 Il nous semble cependant possible, en procédant à une analyse serrée des textes du XVIe et

du XVIIe siècle et à des confrontations avec d’autres États africains, de dégager par rapport

à la civilisation européenne, le fond sur lequel la christianisation s’est opérée. En outre, le

Loango « païen » des XVIe et XVIIe siècles nous paraît fournir une image acceptable de ce

que fut le Congo pré-chrétien, puisque ses habitants sont de langue et d’ethnie analogues.

3 Par maints aspects, la société congolaise pré-chrétienne présente, dans son organisation

politique et dans son type de souveraineté, de surprenantes ressemblances avec plusieurs

autres États africains tels que le Monomotapa, l’empire Lunda, les royaumes

interlacustres, le royaume des Jukun au Nigeria, le royaume de Cush (le Méroë de

l’Antiquité), en somme, avec tous les États situés sur l’arc qui suit la lisière de la forêt

dense1. Si ces derniers révèlent naturellement, les uns par rapport aux autres, des

originalités et des particularismes significatifs, tous obéissent plus ou moins fidèlement,

dans leur système de gouvernement et dans leur vision du monde, à un « code

ordinateur » commun, radicalement différent du code, d’inspiration hellénique et

hébraïque, qui régit les États de l’Europe chrétienne au moment où leurs représentants

découvrent le Congo.

I. LA ROYAUTÉ

4 La monarchie, au Congo, était élective et non héréditaire2. Le successeur d’un roi défunt

était choisi dans la famille royale, mais aucune règle de primogéniture n’était observée3.

Le choix d’un nouveau roi incombait aux « grands » du royaume4, les trois principaux

électeurs étant le Mani Vunda, les gouverneurs des provinces de Mbata et du Soyo5.

L’« élection » ne se déroulait pas toujours dans une atmosphère sereine : ou bien un

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prétendant, aidé de ses partisans réussissait à s’emparer du pouvoir par la force (comme

cela se produisit en 15066, 16367 et 16628), ou bien il s’ensuivait des luttes entre factions

désireuses d’imposer un roi de leur choix (fin du XVIIe siècle)9.

5 L’« élection » d’un roi, investi soit par les « Grands du Royaume », soit par lui-même à la

tête d’une faction, est largement répandue en Afrique depuis une époque très reculée10.

6 Le principe de l’« élection » du roi visait à dégager de la masse une personnalité

susceptible de représenter et d’harmoniser en sa personne les aspirations et les vœux de

tous les éléments de la communauté11. A travers la royauté, dont le roi est le symbole

visible, le peuple se découvre une identité collective et se reconnaît en tant que

communauté solidaire et cohérente. Il se définit ainsi par rapport à ceux qui n’en font pas

partie. Un lien extraordinaire et obscur s’établit entre le microcosme constitué par le roi

et le macrocosme représenté par le peuple12. Leurs destins sont fatalement liés et tout

changement de fortune, de puissance ou de vitalité se répercute de l’un sur l’autre.

7 Chaque roi doit imiter le geste du héros-fondateur et remodeler le monde selon l’exemple

inventé par celui-ci, car dans la pensée africaine nul Principe Créateur n’a imprimé

définitivement au Cosmos un ordre naturel que puissent découvrir les hommes afin de s’y

conformer13. Il appartient à chaque roi de l’imposer de nouveau et de l’assurer pendant la

durée de sa vie contre les forces du mal qui le menacent sans cesse.

8 A la mort du roi s’ouvre une crise : c’est l’anarchie, car le « monde » devient « chaos »14.

Le degré et la durée de cette anarchie formelle s’avèrent plus ou moins graves ou

prolongés selon les moyens dont dispose la société concernée pour parer à ses effets. En

Angoï, selon Proyart (1776) : « Il est passé en usage que ses funérailles [du roi défunt] se

célèbrent par des batailles, et que le pays devienne le théâtre d’une guerre civile : on s’y

attend, on s’y prépare d’avance »15. Pendant toute l’histoire connue du Congo, les

interrègnes sont presque sans exception anarchiques et sanglants.

9 Mais durant sa vie le roi doit représenter la force et la vitalité. Il doit être à la fois un

« dieu » et un « homme », non pas un homme ordinaire, mais un homme d’une perfection

exemplaire sur les plans moral, physique et sexuel.

2. LA BEAUTÉ DU ROI

10 Au Loango, à la fin du XIXe siècle, le roi, le Maluangu, disait à Dennett : « Le roi pressenti

ne devra pas seulement être aimé du peuple, mais aussi être un homme parfait, capable

de procréer, ou en d’autres termes excellent, endurant et bon. De tous points de vue, un

homme noble »16. Aristote disait qu’en Éthiopie17 on choisissait les rois pour leur taille et

leur beauté18. Et Diodore de Sicile, qui visita l’Égypte vers 20 av. J.-C.19, observait que les

Éthiopiens « ... confèrent le royauté [...] aux hommes les plus beaux, dans la croyance que

la royauté et la beauté sont toutes deux des dons de fortune »20. Le roi abyssin Lalibala (fin

XIIe, début XIIIe siècle) est célébré, dans une chronique, pour sa « beauté radieuse, à

laquelle aucune figure humaine ne ressemble, véritablement forme et ressemblance de

Dieu »21.

11 Aucune description du roi D. Afonso I ne nous est parvenue. De D. Alvaro I (1568-1587), les

missionnaires cannes disaient, à la fin du XVIe siècle, qu’il « était un homme de très haute

stature, plus grand de plus d’un palme que les autres ; il était bien formé de corps et

beau »22. De D. Garcia II (1641-1661), Mateo de Anguiano disait : « Toute sa personne

respirait la majesté royale de sorte que, bien qu’il fût noir, il montrait la grandeur d’un

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empereur et aurait pu être bien vu et accueilli même par les grands rois et princes de

l’Europe »23. En 1859, Monteiro décrivait D. Pedro V (1858-1891) comme « un bel homme,

gros, entre deux âges, et avec le visage plus fin qu’il n’était habituel chez les Bakongo »24.

Weeks dit qu’il avait 1,93 m de haut25.

12 L’embonpoint est également considéré en Afrique comme un élément essentiel de la

royauté26. Le roi D. Pedro V est décrit par Bentley, en 1879, comme « un homme énorme,

très corpulent »27 ; par Weeks : « très corpulent, ayant un tour de ventre de 1,52 m »28.

13 Quoiqu’aucun témoignage ne nous soit parvenu concernant le Congo, nous savons

qu’ailleurs en Afrique, à Méroë, selon Diodore de Sicile (c. 20 av. J.-C.) et au Quiteve (une

marche du Monomotapa), selon João dos Santos (1609), tout défaut physique (absence

d’une dent, par exemple, ou claudication) du roi entraînait des conséquences néfastes

pour son royaume... On tentait de parer à cette éventualité, soit par le suicide imposé au

roi (Quiteve), soit par une imitation collective de son infirmité de la part des courtisans

(Méroë). A Méroë, si par hasard le roi boitait, tous le suivaient en boitant, ou encore on se

mutilait à l’image du roi29.

3. LA DIVINITÉ DU ROI

14 Au début du XVIIe siècle, l’anglais Battell disait du roi de Loango : « Le roi est aussi honoré

que s’il était un dieu chez eux, et il est appelé Sambe and Pongo, c’est-à-dire Dieu »30.

L’expression Sambe and Pongo correspond à Nzambi mpungu. Nzambi désigne actuellement

le dieu céleste, l’Être Suprême, depuis les Camerouns jusqu’au Kalahari31, mais il y a lieu

de se demander si la qualification de « dieu céleste » n’est pas une conséquence de

l’influence des missionnaires chrétiens opérant au Congo depuis la fin du XVe siècle.

Mpungu signifie « le plus haut, le plus grand, le plus distingué »32.

15 En 1491, lorsque les Portugais visitent le Congo pour la troisième fois, les Congolais fêtent

leur arrivée en chantant les louanges du roi de Portugal, « qu’ils désignaient par le nom

de Zambem apongo, qui chez eux signifie Seigneur du Monde »33.

16 Il est évident, d’après ce texte, que l’expression Nzambi Mpungu s’appliquait à un être

vivant. Si le roi de Portugal fut considéré comme « un dieu vivant », c’était parce que les

Congolais le plaçaient au-dessus de leur propre roi, qui portait vraisemblablement

auparavant le titre de Nzambi Mpungu, de même que le roi de Loango34.

17 Que désignait au juste le terme Nzambi Mpungu35 ? L’analyse de la tradition orale des Ba-

kuba, tribu qui vit actuellement entre le Kasai et le Sankuru et chez qui l’on rencontre

une expression assimilable à Nzambi Mpungu, en offre une explication séduisante. Des

traditions Ba-kuba, Vansina36 déduit qu’ils vivaient jadis au bord de l’Atlantique,

probablement dans le Mayombé, où ils auraient été en contact avec les Portugais avant

152537. Ils ont donc émigré de l’actuel habitat des Bakongo, et il y a tout lieu de croire

qu’ils ont conservé les institutions que possédaient les Bakongo avant la christianisation38

.

18 Or, selon la tradition orale de ces mêmes Bakuba, rapportée par Torday, le titre du roi est

« Chembe Kunji » (Dieu sur Terre)39. Chembe est une forme de Nzambi et Kunji signifie

« Dieu » dans le nord du Congo actuel40. Toujours selon la tradition Bakuba, leur dieu

créateur s’appelle Bumba, et il accorda à l’un de ses descendants, Loko Yima, le titre de

« Chembe Kunji (Dieu sur la Terre) et chef de tous les hommes »41. L’esprit de Bumba, ajoute

Torday, est incarné dans Chembe Kunji, « le chef du clan, le chef spirituel, le représentant

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vivant du fondateur et de ce fait sacré »42. Tout affaiblissement de la puissance de Chembe

Kunji, toute atteinte portée à sa dignité, se répercute à travers tous et tout ce qui participe

de son esprit, et les précipite vers l’abîme et vers l’anéantissement »43.

19 Chez les Bakongo, Bumba existe également en tant que dieu-créateur chthonique : il prend

la forme d’un serpent. Mais aucun témoignage ne nous est parvenu, établissant un

rapport explicite entre Bumba et Nzambi Mpungu44. Nzambi Mpungu semble en effet

désigner la « royauté » incarnée dans chaque roi, l’esprit éternel de Bumba que tout roi se

doit de faire revivre45. Les premiers missionnaires au Congo n’avaient-ils pas commis une

erreur en adoptant Nzambi Mpungu pour désigner le Dieu des chrétiens ?

4. LE ROI : THAUMATURGE ET BOUC ÉMISSAIRE

20 Le roi doit assurer la prospérité, la fécondité et la pluie à son royaume, il est donc

responsable si elles font défaut. Régulateur de la Nature, il est tenu pour coupable de ses

irrégularités.

21 Battell (1610) dit du roi de Loango : « Et ils croient qu’il peut leur procurer la pluie quand

il veut »46.

22 Du roi du Congo, Dapper (1668) note : « Quand les choses ne vont pas comme ils veulent,

s’il pleut trop ou trop peu, si d’autres malheurs surviennent, la faute en est fatalement au

roi »47.

5. LE ROI ÉTANT MORTEL, LE ROYAUME L’EST AUSSI

23 On a dit que la destinée du royaume était considérée comme liée à celle du roi. Or, dans la

pensée africaine, nature et société se tiennent ; toutes deux sont régies par les rythmes

cosmiques de la vie et de la mort. La fécondation de la femme et l’ensemencement de la

terre sont des phénomènes identiques, de même que la naissance des enfants et la

germination des plantes48. Le fait que le cycle de la vie humaine obéit à une périodicité

plus longue que celle des plantes ne semble pas avoir empêché que l’on crût l’homme

aussi soumis aux rythmes cosmiques que l’est la flore. Les Africains mesurent et prévoient

les cycles de la végétation et de l’année agricole par l’observation des mouvements des

astres : la lune et les étoiles. La lune sert à mesurer les mois (un mois « court », de 28

jours, associé au cycle de la femme)49. Bien que le mois de 28 jours donne une année de 13

mois, les Africains ont tenu à garder une année de 12 mois50, rectifiant le décalage à l’aide

de certaines étoiles, les Pléiades en général51. On fit appel à plusieurs rites religieux pour

« expliquer » le problème du treizième mois et concilier l’année solaire de douze mois

avec l’année lunaire de treize lunes. Au Loango, le treizième mois représente une période

néfaste, vécue avec appréhension, où l’univers apparaît comme déréglé ; elle est marquée

par des rites fétichistes particuliers52. Dans le sud-est africain, c’est le « mois sans nom »,

que l’on fait « disparaître » au moyen de rites spéciaux53.

24 La connaissance des mouvements des astres, pour déterminer la succession des saisons

(restreinte sans doute à certains groupes privilégiés ou particulièrement développés), fut

pour les Africains d’une grande et réelle utilité économique. Ceux qui ne disposaient pas

d’un calendrier agricole en pâtissaient durement. Les missionnaires français au Kakongo

au XVIIe siècle notaient, à propos des Noirs qu’ils y rencontrèrent, qu’« ils font si peu

attention aux mois et aux lunes qui s’écoulent qu’ils attendent quelquefois la saison des

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pluies un mois ou deux avant qu’elles ne viennent, et alors ils manquent presque

entièrement de vivres, dont la provision se fait pendant les pluies »54.

25 L’observation du mouvement des astres a permis en outre aux Africains de prendre

conscience de la durée du temps, mais cette durée mène, chez eux, à un éternel retour et

à un recommencement. Le concept de l’année comme division du temps leur est inconnu.

Ils ne reconnaissent qu’une périodicité : l’alternance des saisons sèches et des saisons des

pluies55. Leur conception du temps est, de ce fait, circulaire et non rectiligne56.

26 Le processus de la vie humaine ou végétale consiste, pour les Africains, à revenir sans

cesse au point de départ pour tout recommencer. Le royaume et son roi sont également

soumis à ce flux et à ce reflux. La vitalité du roi détermine la vitalité du royaume, et

toutes deux sont vouées inexorablement au déclin amené par le vieillissement physique

du roi. Au niveau de l’homme, et partant au niveau du royaume, le temps et la durée sont

perçus comme étant corrupteurs, ils signifient la dégénérescence57.

27 Pour les sociétés africaines, le grand problème était de sauver le royaume avant qu’un roi

vieillissant ne l’entraîne vers l’abîme.

28 La solution adoptée, à différentes époques et dans diverses sociétés, fut celle de la mise à

mort du roi lorsque ses forces commençaient à décliner58.

29 Mais la mise à mort rituelle du roi soulève un problème fatalement insoluble. Si le choix

du moment et l’exécution de l’acte ne doivent pas relever de l’arbitraire, la personne (ou

les personnes) à qui incombe cette tâche « légale » se pose inévitablement en rivale du

roi, en tant que détenteur du pouvoir suprême. Si la mise à mort est une institution, le roi

devient alors l’instrument de tout ou partie de « l’état-major » qui l’entoure, soit des

« anciens » du clan, soit des prêtres.

30 A Méroë, vers 200 av. J.-C, selon Diodore de Sicile, la souveraineté était détenue par les

prêtres, et le roi se voyait entièrement soumis à leur volonté ; c’étaient eux qui

déterminaient le moment de sa mort.

31 « De toute les coutumes, la plus singulière est celle qui se pratique à la mort des rois. A

Méroë, les prêtres chargés du culte divin exercent l’autorité la plus absolue, puisqu’ils

peuvent, si l’idée leur en vient à l’esprit, dépêcher au roi un messager et lui ordonner de

mourir. Ils déclarent alors que telle est la volonté des dieux... »59.

32 Rien, dans le texte de Diodore, n’indique par quels critères on parvenait à fixer cette

échéance. Nous avons toutefois une hypothèse à ce sujet. La ville de Méroë fut détruite

par le roi abyssin Ezana au cours de la première moitié du IVe siècle, ses habitants se

dispersèrent vers le sud et le sud-ouest60. Une tradition moderne, recueillie en 1912 par

Frobenius dans le Kordofan, semble conserver le souvenir d’un État perdu, fondé dans

cette région par les réfugiés de Méroë ou leurs successeurs, et dont les institutions

reprenaient celles de leur ancienne ville. Selon cette tradition, on fixait le moment de la

mort du roi d’après la position de certaines étoiles.

33 « Quatre meleks [rois] régnaient dans le grand empire, le premier en Nubie, le second à

Habech, le troisième à Kordofan, le quatrième à For. Le plus riche d’entre eux était le nap

de Napht en Kordofan, dont la capitale s’élevait dans la direction de Hophrat-an-Nahas61.

Tout l’or et tout le cuivre lui appartenaient [...] Le roi de Napht était l’homme le plus riche

de la terre. Mais sa vie était plus triste et plus courte que celle de tout autre homme. Car

chacun des naps de Napht ne devait régner sur son pays que quelques années. Pendant

son règne, les prêtres célébraient des sacrifices et allumaient des feux. Ils ne manquaient

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point à leurs prières ou à leurs sacrifices, dans la crainte de perdre la trace d’une étoile et

d’être incapables de fixer la date à laquelle le roi devait être mis à mort. Ils observaient

ainsi longtemps. Jour après jour, année après année, les prêtres observaient les étoiles et

reconnaissaient quel jour le roi devait être mis à mort. Cependant le jour de la mort du roi

était revenu. On brisa les cuisses arrière des taureaux [rite de sacrifice]. Tous les feux

furent éteints dans le pays et les femmes enfermées dans les maisons. Les prêtres

allumèrent le feu nouveau. Ils élurent le nouveau roi. Le nouveau roi était le fils de la

sœur du roi qu’on venait de mettre à mort... »62.

34 La suite du récit raconte comment un certain roi nommé Akaf, soutenu par des partisans,

se révolta contre les prêtres et mit fin à la coutume qui exigeait sa mort à une date

prédéterminée. Or, Diodore de Sicile dit que le roi de Méroë, Ergaménès (225-220 av. J.-C.)63, fit exactement de même. Que certains rois se soient révoltés contre le régicide

obligatoire n’a pas empêché ce rite de persister pendant des siècles en Afrique64.

35 Au XVIe siècle, les rois de Quiteve (une marche du Monomotapa) avaient pour coutume

« très ancienne de se suicider en prenant du poison, s’ils souffraient de quelque accident

ou défaut naturel de leur personne, comme par exemple l’impuissance, une maladie

contagieuse, ou si leurs dents tombaient [...]. Mais le roi de Quiteve [qui régnait vers

1586], à qui il arriva de perdre une dent, refusa de se plier à cette coutume : il fit

proclamer dans tout son royaume ce qui lui était arrivé, soulignant que l’on devait

continuer à le reconnaître comme roi »65.

36 Le régicide rituel persista encore au Monomotapa après la révolte du roi de Quiteve. En

1880, les Rozwi de Rhodésie (la tribu dominant l’ancien empire du Monomotapa)

affirmèrent que, jadis, leurs rois étaient mis à mort tous les quatre ans à « une date fixe »66. Le régicide avait lieu au printemps, lorsque ni la lune ni Vénus n’étaient visibles.

37 Dans le sud-est africain, le nombre d’années de règne du roi est fixé à quatre ; dans l’ouest

africain, c’est sept67, mais rien ne permet de déceler l’origine de ces nombres

« magiques ».

38 La fixation définitive de la durée du règne présentait évidemment l’avantage de réduire

au minimum tout arbitraire dans la mise à mort du roi, qui n’était plus imposée par une

volonté humaine intéressée et partisane ; par contre, elle enfermait la société tout entière

dans un déterminisme asphyxiant, d’où le libre arbitre était totalement exclu. Cet état de

choses devait inévitablement provoquer une réaction explosive chez un roi, qui,

s’appuyant sur un soutien librement accordé et suffisant pour faire prévaloir sa volonté,

se montrerait plus attaché à sa propre vie que respectueux de celle de son royaume. Nous

inspirant de Max Weber, nous appellerons ce phénomène la révolte charismatique68.

39 Entre ces deux pôles extrêmes : une souveraineté enchaînée à un cycle inexorable,

déterminé par un nombre mystique, et la révolte charismatique, proclamant la validité

illimitée de l’ordre qu’elle a instauré, l’Afrique semble avoir connu plusieurs stades

intermédiaires, dont nous allons citer quelques exemples connus.

40 Les solutions les plus déterministes semblent avoir été celles adoptées par les Rozwi

(règne de quatre ans), par les habitants du Tekali, au nord-est des montagnes Nuba, dans

le Soudan central (règnes de cinq à six ans)69, par les Jukun, les Yoruba et les Ibo, tous au

Nigeria (règnes de sept ans)70.

41 Puis vient, dans la gamme allant d’un pôle à l’autre, le régicide amené par les premiers

signes de vieillissement ou de défaillance sexuelle. Nous en avons déjà donné un

exemple : les anciens rois du Quiteve (avant la révolte de 1586) et les rois de Sedanda. Ce

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type de régicide existe également chez les Nyakusa (entre les lacs Tanganyika et Nyassa)71

; chez les Maravi, entre l’extrémité méridionale du lac Nyassa et le Zambèze (1648)72 ;

chez les Baluba, au Katanga73 ; chez les Jagas de Cassange74 ; chez les Lovedu au Transvaal

du Nord75 ; dans le royaume d’Ankole, en Uganda76 ; chez les Shilluk et les Dinka77 ; chez

les anciens rois de Katsina, au Nigeria, vers le XIIIe siècle78 ; chez les rois de Mandinga,

dans l’ancien Mali, au XVe siècle79.

42 Un autre type de régicide rituel est la mort imposée au Muataianvo, roi de l’empire

Lunda. Selon le récit de Joaquim Rodrigues Graça (1846), lorsque ses sujets étaient

d’accord pour considérer que le Muataianvo avait épuisé l’État par l’imposition de trop

lourds tributs, opprimé le peuple, et en définitive assez vécu et gouverné, ils l’obligeaient

à entre prendre une guerre contre une tribu rivale, guerre qu’après un simulacre de

combat ils s’efforçaient de perdre, afin de prouver au Muataianvo son inaptitude aux

fonctions de chef. Abandonné des siens, il procédait d’abord à l’exécution de tous les

membres de sa famille, puis attendait impassible qu’un subordonné l’exécutât à son tour80

.

43 A l’heure actuelle, on voit encore persister dans certaines sociétés – chez les Bakuba, par

exemple – l’idée de l’éventuelle nécessité d’un régicide, si les forces du roi déclinent, alors

que la pratique elle-même est tombée en désuétude81.

44 Puis on arrive au stade où la mort naturelle du roi est admise sur le plan institutionnel.

Deux situations peuvent alors se présenter : ou bien un nouveau roi est « élu » par suite

d’une entente entre les « anciens » de la communauté (au Congo et au Buganda)82, ou bien

une lutte s’engage entre factions pour s’emparer du pouvoir (régulièrement dans l’Angoï,

souvent au Congo, au Buganda et chez les Maravi)83. S’il y a entente entre les membres de

l’« état-major » (« anciens » ou prêtres) sur le choix d’un roi, celle-ci peut « apparaître »

comme le résultat d’une consultation du dieu de la société, dont l’avis a été « sollicité »84.

45 Dans certains cas (dans le royaume de Janjero, au sud de l’Éthiopie (1614), chez les Jagas

de Cassange (1850) et chez les Shilluk), lorsque le choix du roi est confié aux « anciens »,

une « lutte » symbolique peut s’engager entre, d’une part, les partisans de l’élu qui

« refuse » le pouvoir et, de l’autre, les partisans des « anciens » qui le lui imposent. Par

suite de la « défaite » de l’élu, « la royauté capture le roi », selon la formule d’Evans-

Pritchard85.

46 C’est lorsque toute tradition ou rituel est renié et bafoué, ou lorsqu’un roi en pleine santé

se voit enlever son pouvoir par la force et contre la volonté des « anciens », que l’on peut

parler de révolte charismatique.

47 Le régicide rituel avait plus de chances de se maintenir, en tant qu’institution stable, dans

une société de petits agriculteurs, où le pouvoir du roi devait surtout s’exercer sur la

nature. Un groupe restreint d’« anciens » pouvait alors facilement contrôler les

problèmes de la succession. Dans les grands empires militaires, fondés sur la conquête et

dominant de plus vastes étendues de terres – le Congo (aux XVIe-XVIIe siècles), le Lunda (

XVIIe-XIXe siècles) et le Monomotapa (XVe siècle) – le pouvoir pesait surtout sur des ethnies

soumises ; l’aspect coercitif de la royauté l’emportait sur l’élément fécondateur et le

politique prenait le pas sur le religieux. Les aléas de la succession, alors plus difficiles à

contrôler par les « anciens » dans une société élargie, tendent à devenir l’obstacle majeur

à la persistance des États. Faute d’avoir l’écriture, jamais l’Afrique n’a pu se libérer de

cette entrave à son développement. D’autre part, si le régicide rituel compromet

gravement la continuité politique des États africains, on peut cependant inscrire à son

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actif qu’il constituait une précieuse garantie contre le despotisme, qui est la tentation du

pouvoir. C’est sans doute l’institution la plus démocratique que l’Afrique ait jamais

connue86.

48 Rien ne permet d’affirmer que les rois congolais pré-chrétiens étaient mis à mort

rituellement, et il en est de même pour le Loango. Il n’en est pas question, en tout cas, au

Congo après la christianisation. Là, cependant, la coutume était encore observée à

l’époque chrétienne au niveau des « chefs de terre », appelés Kitomis, que l’on trouve dans

les diverses provinces.

49 Le Kitomi, selon Cavazzi (1654-1667), est considéré par les Noirs comme « un dieu sur terre

et plénipotentiaire du ciel, et c’est pour cela qu’ils lui offrent les prémices de chaque

récolte »87.

50 Le personnage du Kitomi ressemble, par ses fonctions, au chef religieux, le Mani Cabunga,

que Lukéni trouva à São Salvador. Au Mani Cabunga, « le peuple s’adressait pour remédier

aux disettes et pour bénéficier de la pluie pour les semailles et avec sa permission ils

semaient et récoltaient »88. Or, le Kitomi et sa femme « font croire [...] que leur vertu

communiquée [...] aux champs et aux semences, permettra d’en voir à la prochaine saison

la récolte centuplée »89. Chaque Kitomi a des délégués dans les villages de sa région90.

51 Dans certaines provinces du Congo, « les gens croient que le Kitomi ne peut mourir de

mort naturelle, ils ajoutent que si cela arrivait, le monde périrait et la terre même serait

anéantie. Aussi, pour éviter une si terrible catastrophe, lorsque le Kitomi tombe malade et

que la maladie semble assez dangereuse [...] ils le tuent brutalement. Par sa mort violente,

ils pensent conjurer cette calamité »91.

52 Ni Cavazzi, ni les autres auteurs qui évoquent le Kitomi, ne nous expliquent quelles sont

les personnes chargées de son exécution, quelle place elles occupaient dans la société, ou

comment on fixait le moment de la mise à mort. On ignore également comment on

accédait à cette dignité.

53 L’incompatibilité entre le rôle des Kitomis et la morale chrétienne est apparue aux Noirs.

Selon Mateo de Anguiano (1716), la tante du roi avait sévèrement réprimandé un garçon

de l’école des missionnaires pour leur avoir révélé le rôle des Kitomis. S’il n’y avait pas de

Kitomis, le roi mourrait immédiatement, pensait-on92.

54 A São Salvador, on trouve, même après la christianisation, un personnage analogue au

Kitomi, le Nsaku ne Vunda93, ou Mani Vunda, qui partage avec le chef des missionnaires

européens le droit d’introniser les rois. Selon le P. Cherubino da Savona (1775), « le

personnage le plus estimé et respecté dans tout le royaume, et qui tient le plus de

pouvoirs en cette circonstance [l’intronisation], je ne sais depuis quelle antiquité [...],

s’appelle Cameni Mongo et Mani Vunda, ce qui veut dire : Seigneur de la terre et aïeul du roi.

Le Mani Vunda dit avoir deux couronnes ; lorsqu’il élit le roi, il s’empare d’une couronne et

la place sur la tête de son neveu avec le consentement des électeurs ses collègues »94.

Après la cérémonie du couronnement du roi selon le rite chrétien, « ... alors le Mani Vunda

commence ses cérémonies ridicules [....] Comme je le sais seulement pour l’avoir entendu,

il ne me paraît pas bon de les décrire »95.

55 Le P. Raimondo da Dicomano (1798) ajoute qu’à l’époque où il écrivait, le Mani Vunda avait

« ... plus d’autorité que le roi dans l’administration de la justice. Il ne peut jamais se

trouver en présence du roi après que celui-ci a été couronné, parce que le roi devrait

prendre la bénédiction de ce marquis. C’est lui qui fait le couronnement, jusqu’à faire

asseoir le roi sur le trône, et faire prêter le serment et alors il se retire. C’est lui qui est le

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régent quand le roi meurt. Il ne peut être élu comme roi. Le marquis de Mani Vunda a

également plus ou moins d’autorité, selon qu’il y a plus ou moins de personnes qui le

suivent »96.

56 Nul témoignage ne nous est parvenu sur la mise à mort rituelle du Mani Vunda. Son

autorité religieuse demeure cependant très évidente. Au niveau des provinces, on peut

observer les mêmes rapports entre le séculier et le religieux, d’après le témoignage de

Jerôme da Monte-sarchio (1648-1668) évoquant les rapports rituels entre les gouverneurs

de provinces, nommés par le roi, et les Kitomis.

57 « J’appris en même temps que lorsque le duc de Nsundi venait de Congo [c’est-à-dire

rentrait de São Salvador] pour prendre le gouvernement de la province, il devait, avant

d’entrer dans sa capitale, se rendre à Ngimbo Amburi [endroit voisin], chez ce Kitomi,

qu’on vénérait comme s’il avait été le dieu du pays. Ce Kitomi était aussi estimé que s’il

avait dépendu de lui qu’on reçût puissance et autorité pour tenir la province en

obéissance. Le duc était convaincu que s’il ne faisait pas cette démarche auprès du Kitomi,

il n’aurait aucun pouvoir sur ses gens et qu’on ne lui accorderait ni soumission, ni tribut,

et qu’enfin sa vie en serait abrégée.

58 La visite du duc au Kitomi n’allait pas sans cérémonies. Près du village de celui-ci, il y

avait un ruisseau. D’un côté se tenaient, comme prêts à combattre, le duc et la duchesse

avec tous leurs gens. De l’autre côté ce Kitomi avec les siens et la Kitomessa. Il y avait

simulacre de combat avec leurs arcs et flèches, celles-ci n’étant que des fétus de paille,

entre le Kitomi et le duc, la Kitomessa et la duchesse97.

59 Le duc et sa femme devraient se reconnaître vaincus. Alors le Kitomi donnait sa main au

duc et la Kitomessa à la duchesse, tout le monde traversait le ruisseau. Le duc n’aurait pu

traverser le ruisseau sans cette performance.

60 Le lendemain matin, le duc et la duchesse devaient se coucher par terre devant la porte

du Kitomi. Le Kitomi et la Kitomessa sortaient alors de leur maison, soulevant leurs

vêtements de manière à découvrir ostensiblement leurs parties honteuses et les foulaient

aux pieds. Le Kitomi versait ensuite de l’eau sur le sol de façon à former de la boue. C’est

avec cette boue, comme si c’eût été de la terre bénite, qu’il barbouillait alors le duc et la

duchesse. Le duc devait, après cela, remettre au Kitomi tout ce qu’il portait comme

vêtement, et la duchesse devait en faire autant entre les mains de la Kitomessa. Le Kitomi

donnait au duc des objets superstitieux qui devaient être gardés dans la maison de la

duchesse pour y être vénérés comme des reliques de saints [...] Il lui remettait aussi un

tison embrasé duquel tout le monde devait tirer son feu. Il fallait donc le transporter

jusqu’à Nsundi, c’est-à-dire à six jours de marche. Le tison aussi était conservé dans la

maison de la duchesse comme une sainte et puissante relique »98.

61 Il est évident, d’après ce texte, que le Kitomi revendiquait non seulement une fonction

religieuse, mais encore, jusqu’à un certain point, une autorité politique. Selon Zucchelli

(1712) : « ... C’est une loi générale parmi eux [les Congolais] que lorsque le roi, les ducs et

les princes prennent possession de leurs royaumes et États, et s’y installent, pareillement

lorsque les Mani assument leurs charges dans leurs districts, ils soient obligés de se faire

investir par le chef de terre (Capo della Terra) qui est une sorte de devin. Celui-ci alors les

fait briser (saltare) l’arc et puis les oblige à presser et à battre fortement la terre avec les

pieds et à plusieurs reprises, afin d’obtenir l’obédience et la soumission de ses propres

vassaux »99.

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62 Montesarchio remarque que, du temps du roi D. Garcia II (1641-1661), les rois du Congo

avaient cessé d’observer ces coutumes à l’égard des Kitomis100. Ce fut probablement parce

que l’influence chrétienne était alors plus grande dans la capitale que dans les provinces.

Au XVIIIe siècle, d’après le témoignage de Dicomano (s’il est licite d’identifier le Mani

Vunda au Kitomi quant à leurs fonctions), l’influence chrétienne semble être en recul, à

São Salvador, tandis qu’augmente celle des anciennes pratiques religieuses.

63 Comment expliquer ce dédoublement de la souveraineté congolaise en deux personnages,

l’un politique et l’autre religieux ? Est-ce un phénomène structurel, ou l’aboutissement

d’une situation particulière ? A l’appui du phénomène structurel, on peut citer les cas

analogues des Baganda (la complémentarité du Semanobe et du roi) et des Bakuba (muyum

– roi) 101. Mais les Kitomis ne représenteraient-ils pas la continuité de la tradition

ambundu, que les Congolais avaient tenté d’intégrer et d’assimiler au moment de leur

conquête102 ? En raison de leur origine étrangère au pays et de leur cohérence ethnique

primitive, maintenue avec plus ou moins de succès, il ne semble pas que les Congolais

aient jamais pu vaincre la solidarité des Ambundu au niveau religieux, du fait de leur

situation de premiers occupants de la terre et de la présence de leurs ancêtres, ensevelis

dans cette même terre.

64 Par ailleurs, les Congolais n’ont-ils pas espéré que le christianisme leur serait un

instrument commode pour dominer les autochtones ? Et le christianisme a-t-il failli à ce

dessein du fait de son mutisme à l’égard de la prospérité agricole, souci obsédant de tout

le peuple103 ? Dans l’état actuel de nos connaissances, il ne nous semble guère possible de

répondre à ces questions.

6. L’ÉTERNITÉ DU CLAN ET LA PÉRENNITÉ DE LAROYAUTÉ

65 Si, comme nous venons de le voir, le royaume peut décliner par suite de l’affaiblissement

du roi, le clan, par contre, ne peut jamais diminuer, mais seulement croître, car il se

compose de vivants et de morts. Le style du clan ne doit pas se modifier ; le rôle du roi est

de le conserver conforme au modèle instauré par le héros-fondateur. Le roi apparaît

presque comme un ancêtre vivant, l’incarnation du héros-fondateur. A travers sa

personne, le peuple se reconnaît en tant que groupe de solidarité parentale ; il contemple

en lui l’esprit vivant du héros-fondateur, à qui il est étroitement lié par la chaîne continue

de ses prédécesseurs104. En la personne du roi, vivants et morts sont réunis dans une

communauté qui englobe l’ici-bas et l’au-delà. Dans la pensée africaine, les ancêtres

peuvent, parce qu’ils sont plus âgés, exercer leur influence sur les vivants, de même que,

dans la vie, les aînés sur les plus jeunes. Il est évident que si les ancêtres sont puissants

parce que plus « âgés » que les vivants, la sagesse de la longévité s’en trouve soulignée par

rapport à l’inexpérience de la jeunesse105. Il en résulte que deux sortes de puissances

s’affrontent dans la société africaine : la plénitude vitale humaine (la virilité de l’homme

et la fécondité de la femme) d’une part, l’autorité et le savoir du vieillard et du sage de

l’autre. La situation du roi est ambiguë à l’égard de ces deux sortes de puissance, car il est

censé les incarner toutes deux à la fois.

66 L’influence des ancêtres peut être bénéfique ou néfaste, elle est en tout cas redoutable et

il faut leur rendre un culte propitiatoire106.

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67 La communication avec les ancêtres peut s’établir de diverses manières : par des songes

où apparaît l’ancêtre du dormeur107 ; par l’intermédiaire de médiums qui, en transe,

parlent avec la voix de l’ancêtre108 ; par une simple prière que le chef du clan adresse à la

corbeille des ancêtres109 ; par des « augures », comme le passage inopiné d’une certaine

espèce d’oiseaux en laquelle les âmes des héros sont censées s’incarner110 ; enfin, par une

communication directe avec l’esprit de l’ancêtre fixé dans un arbre111.

68 Du Loango, Pierre Van den Broeck dit (1605) : « Le roi est un grand magicien. Il va souvent

entretenir le Diable proche d’un arbre qui est devant son palais »112. Nous sommes en

droit de traduire « diable » par « ancêtre ». Sur les esprits fixés dans les arbres, Dennett,

parlant du Loango, dit au sujet des baobabs : « Certains de leurs morts [des Noirs]

survivent (éternellement, disent-ils) dans leurs troncs creux »113. Bastian ajoute qu’au

Loango on plante un arbre sacré (insanda – ficus psilopoga Welw.) 114 auprès des tombeaux

des rois115.

69 Quel fut le rôle des arbres sacrés au Congo ? Nous n’en savons presque rien. Seule, une

lettre du roi chrétien D. Afonso I, datée de 1526, nous apprend qu’il avait commencé la

construction d’une église « dans un bois épais où autrefois on enterrait les rois, selon

l’ancienne idolâtrie. Cette forêt, nous l’avons déboisée, ce qui fut très difficile, tant à

cause de l’impénétrabilité du lieu qu’à cause des grands de notre royaume, dont nous

doutions d’obtenir le consentement »116. Il est évident que si jamais un contact s’était

maintenu, au Congo, entre les ancêtres et les vivants au moyen des arbres sacrés, il a été

rompu par la christianisation. Nous verrons dans un autre chapitre comment il arrive au

roi D. Garcia II (1641-1661) de s’adresser au pape, comme unique truchement avec ses

ancêtres dans l’au-delà.

70 En principe, si l’on fait appel aux ancêtres, c’est pour s’assurer que la vie du royaume est

en tout point telle qu’elle fut à l’origine. Leur influence est ainsi régulatrice et

homéostatique, elle empêche le royaume d’avoir une évolution et, partant, une

« histoire ». La crainte d’encourir la désapprobation des ancêtres par quelque initiative

obligeait à une longue réflexion avant toute démarche. Le mécontentement des ancêtres

se manifestait par le malheur, la souffrance et la maladie, tous tenus pour des

malédictions. Pour les écarter, on recourait à des rites de réconciliation, où l’on note

l’emploi fréquent de l’argile blanche, appelée Mpemba, l’argile de l’harmonie, de la paix.

On la trouve utilisée depuis le Loango jusqu’en Zambie117. Selon V. W. Turner, la

blancheur de la Mpemba « ... représente l’ordre moral tout entier, plus les fruits de la

vertu, la santé, la force, la fertilité, le respect de ses semblables et la bénédiction de ses

ancêtres »118. Weeks note qu’au Congo elle est employée dans les transactions

commerciales, mais il n’explique pas comment119. Ceux dont le corps avait été enduit de

cette substance, par un ancien ou un chef de clan, pouvaient se faire publiquement

reconnaître comme exempts des effets néfastes de la colère des ancêtres.

71 On rencontre souvent, dans les écrits des anciens missionnaires au Congo, l’expression

nkadi mpemba, ce qui, dans leur esprit, signifie « le diable ». Selon l’História do Reino do

Congo (c. 1655), les Noirs « révèrent » le nkadi mpemba « qui est l’auteur de tout mal, afin

qu’il ne leur en fasse pas »120. Hyacinthe de Bologne (1747) affirme que « le démon en cette

langue [kikongo] est appelé curiampemba ; le sens étymologique de ce mot est dévoreur,

destructeur »121. Raimondo da Dicomano (1791-1795) parle « d’une case où se réunissent

quelques imposteurs qui trompent les populations ignorantes, disant qu’ils parlent à

Cariampemba, au diable, et que celui-ci leur fait connaître les maladies, les remèdes et les

féticheurs. Cependant, on ne peut jamais savoir clairement ce qui se fait là »122. Pour

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Laman, le sens est le suivant : « maître suprême du séjour des morts » (supreme ruler of the

grave) 123. La véritable signification du mot ne nous paraît pas claire.

72 Si l’on en croit Van Wing, la ndona nkento, la femme-chef (elle devrait correspondre à la

femme du Kitomi, la Kitomessa des anciens textes) a pour principale fonction de donner la

paix, de réconcilier les ennemis : « En signe de paix, elle leur trace sur les tempes et sur le

front une ligne de mpemba, argile blanche, qu’elle garde précieusement dans un petit vase124. Mertens rapporte que c’est le chef couronné lui-même (autrement dit le Kitomi) qui

offre de la terre mpemba à celui qui demande la paix125.

73 Le Mpemba n’est donc pas uniquement le symbole du mal, mais aussi de la délivrance du

mal. Possédant une valeur ambiguë (sans doute même polyvalente), il constitue en outre,

avec les cheveux, les ongles, les bracelets et une phalange du doigt des ancêtres défunts,

un des éléments du contenu de la « corbeille des ancêtres » – lukobi lu bakulu126.

74 A cette corbeille, le chef couronné adresse une prière ainsi conçue :

Dia mpandaKulula mpandaMpemba mvumbiBakulu ku nzoBanuni ku mpanguBadidi mbaBatabwele nkomfiTukolaTusiama

75 que Mertens traduit :

Prononcer une malédiction sur son enfantEnlever cette malédictionTerre blanche qui fait partie de nos sorcelleriesLes bracelets sont dans la caseLes oiseaux occupent l’air libreIls ont mangé des noix de palmeIls ont expectoré les mâchuresQue nous nous portions bienQue nous soyons forts127.

76 Nous proposons toutefois une traduction différente :

Jeter la malédiction sur son enfant [de la partd’un ancêtre mort, ou d’un aîné pour un plus jeune]Effacer cette malédictionTerre blanche [de l’innocence, de la pureté] des mortsLes ancêtres chez eux [sous terre ?]Les oiseaux [ancêtres] de la contrainte [qui nous infligentdes privations, des punitions] 128

Ils ont mangé des noix de palmeIls ont craché les mâchures [blanches ?]Que nous nous portions bienQue nous soyons forts129.

77 Le rapport suggéré, entre la terre blanche et les morts, est encore étayé par le fait que

l’une des croyances des Bakongo veut que les morts changent de couleur et deviennent

blancs comme des albinos130. Bumba, le dieu chthonique et héros-fondateur des Bakuba et

des Bakongo, était « de taille énorme et blanc de couleur »131. Les Bakongo traitaient les

albinos avec un grand respect. On les appelait mfumu zi ndundu, et ils étaient censés

incarner les esprits de grands ancêtres132.

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78 Il se pourrait que, dans la prière citée, l’allusion aux oiseaux fût plus lourde de sens qu’il

n’y paraît. Nous avons vu que les âmes des héros pouvaient s’incarner dans des oiseaux.

Dapper (1668) rapporte que « les hiboux [sic] s’appellent Kariampemba, du même nom que

le diable, aussi n’aime-t-on pas à les voir et leur rencontre est de fort mauvais augure »133.

Kariampemba est ici évidemment l’équivalent de nkadi mpemba.

79 Faute de témoignages anciens (XVIe ou XVIIe siècle), nous n’avons pu obtenir de preuves

directes du contrôle exercé par les ancêtres sur les vivants qu’au niveau des petits chefs

locaux, et encore à une époque récente. Rien ne permet de savoir comment s’articulaient

les rapports entre les ancêtres et les anciens rois du Congo, qu’ils fussent païens ou

« christianisés ». En tout cas, à l’époque chrétienne, le rôle stabilisateur des ancêtres

auprès des vivants semble avoir été nul au niveau des rois. La rupture des liens avec les

ancêtres, conséquence de la christianisation, expliquerait-elle en partie l’anarchie dans

laquelle le royaume sombra progressivement ? Ou au contraire cette anarchie est-elle un

phénomène structurel des États bantous ? Nous reviendrons sur ce problème dans un

autre chapitre.

***

80 La pérennité de la royauté (à la différence de la continuité du pouvoir) était assurée par la

transmission des insignes de souveraineté d’un roi à un autre134. Dans certains cas, la

christianisation a modifié ces insignes et en a ajouté d’autres.

81 A l’époque pré-chrétienne, les insignes de la souveraineté sont les suivants :

Le trône

82 Un texte de la fin du XVIe siècle déclare qu’à l’époque pré-européenne, le siège ou le trône

du roi n’était qu’une « ... estrade d’une demi-canne de haut [environ un mètre], deux de

long et une de large »135 ; mais João de Barros (1552) le décrit comme « ... un siège en

ivoire avec des pièces de bois, très bien sculpté à la mode indigène »136. Ces témoignages

divergents ne permettent pas d’établir avec certitude si le trône proprement dit était en

effet connu des Congolais avant l’arrivée des Européens. Il semble pourtant qu’il s’agisse

d’une institution bien africaine, car il est attesté au Monomotapa dès le XVIe siècle137.

Le couvre-chef mpu

83 Un bonnet en forme de mitre finement tissé de feuilles de palme, placé haut sur la tête138.

Un texte de 1619 affirme que le privilège de porter le mpu n’était pas réservé au roi, que

« les notables avaient également le droit d’en user »139.

Le collier simba

84 Une chaîne de fer fort bien faite, qui a beaucoup de pendentifs également en fer140.

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Le chasse-mouches nsesa

85 Il s’agit d’un chasse-mouche fait d’une queue de buffle141. Déjà, au moment de la première

ambassade portugaise dans la capitale, le roi avait substitué à la queue de buffle « une

queue de cheval garnie d’argent », que lui avait envoyée les Portugais lors de leur

première visite à l’embouchure du Congo142.

Le bracelet nlunga143

86 Ce bracelet se porte au bras gauche. Au moment de la première ambassade, il était, selon

Barros, en cuivre ; en ivoire, dit Rui de Pina144. Un texte de 1624 le décrit en fer, et ajoute

qu’il est censé représenter le royaume tout entier145.

Le sceptre

87 C’est un bâton appelé ngwanda ou muwala, en bois très dur, habituellement orné de

sculptures. Il a deux mètres de long et quatre à six centimètres de diamètre146. Les

relations des missionnaires y font allusion pour la première fois en 1775147.

Le tambour sacré – engoma simbo et busto

88 « Ce tambour n’est jamais montré en public, sinon quand le roi va à la guerre et quand il

meurt, ou lorsqu’il est couronné. Il est garni de peau de léopard avec une queue d’once

[chat sauvage ?] et des dents de ceux qui moururent révoltés en guerre contre le roi »148.

La corbeille des ancêtres – lukobi lu bakulu

89 « La corbeille est circulaire et mesure environ 20 cm de haut pour 15 cm de diamètre. Elle

est finement tissée, mais sans aucun ornement et se ferme par un couvercle. Elle contient

des restes de tous les anciens chefs couronnés [...] Les restes consistent en cheveux,

ongles et une phalange du doigt »149.

90 Est-ce cette corbeille qui est décrite en 1624 comme « le baudrier, sac ou besace », que

l’on met sur l’épaule droite du roi à son couronnement, et qui est, dit-on, « un insigne fort

ancien que ne peuvent porter que le roi, le duc de Mbata et le Mani Vunda »150 ? Un sachet

« d’ingrédients superstitieux » est employé lors de la remise du pouvoir aux principaux

notables dans la province congolaise du Soyo, au début du XVIIIe siècle : « ils [les noirs] en

touchent les parties du corps, disant que par cet attouchement sera conféré force, santé

et prospérité »151.

91 Le problème de la transmission du pouvoir est une des grandes questions que les sociétés

africaines n’ont jamais réussi à résoudre de façon satisfaisante. Malgré des précautions de

toutes sortes, la fin d’un règne déclenchait presque toujours une crise et une lutte des

factions rivales pour le pouvoir. Le fait que la royauté congolaise était élective et non

héréditaire ne pouvait qu’aggraver la difficulté. Pendant toute l’époque chrétienne les

successions se sont toujours déroulées dans un climat de violence. En était-il ainsi avant

l’arrivée des Européens ? Rien ne permet de le savoir.

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7. LES TROIS ASPECTS DE LA ROYAUTÉ SACRALE ADIFFÉRENTS MOMENTS DE L’HISTOIRE DU CONGO

92 On peut, nous semble-t-il, distinguer dans l’histoire du Congo trois aspects de la royauté

sacrale152. Dans le premier, c’est le rôle du roi comme thaumaturge de la prospérité

agricole qui est souligné. Le pouvoir de la royauté s’exerce surtout sur la nature. Cet

aspect est le plus fréquent dans les sociétés réduites, où le pouvoir coercitif du roi est

faible : on peut suggérer comme exemple les Ambundu avant la conquête bakongo. Les

Kitomis en sont les représentants au Congo. Dans le second aspect, le roi est surtout chef

de clan. La royauté, généralement solidaire d’un groupe ethnique de conquérants, exerce

essentiellement son pouvoir sur une ethnie soumise. La puissance personnelle du roi est

de peu de portée, parce que confondue avec celle qu’exerce le petit groupe de ses

partisans sur la masse soumise. Cet aspect ne serait-il pas assez bien illustré par les

débuts de la conquête bakongo du pays ambundu ? Le dernier aspect correspond à la

royauté charismatique, où un roi ayant une forte personnalité entraîne un groupe

restreint, ou est entraîné et soutenu par lui, rompt avec l’ordre régnant, ou avec le passé,

et va fonder par une scission brutale, sur place ou ailleurs, un ordre nouveau. C’est à cet

aspect que se rattacheraient la révolte de Lukéni et sa migration au sud du fleuve.

93 Il est évident qu’il y a risque de friction entre un aspect de la royauté où l’importance du

clan est soulignée, et un autre où l’accent est mis sur l’aspect fécondateur, surtout lorsque

la royauté est d’origine étrangère. L’une postulera une solidarité de parenté avec des

ancêtres dont la sépulture est lointaine ; l’autre avec ceux qui sont enterrés sur place. Ce

sont ceux-ci, beaucoup plus que ceux-là, qui peuvent assurer la prospérité agricole. Au

Congo, aux XVIIe et XVIIIe siècles, on put venir à bout des frictions entre les Kitomis et les

gouverneurs des provinces, et entre le Mani Vunda et le roi, grâce à certains rites conçus

exprès pour les conjurer.

8. LE ROI ISOLÉ DE SON PEUPLE NATUREPARTICULIÈRE DE SES LIENS AVEC LUI

94 Lorsqu’un homme devient roi, il est aussitôt séparé de ses semblables, projeté au sommet

de la société, et quasi hors d’elle. D’abord par un acte d’inceste rituel : il doit épouser sa

propre sœur. Ensemble, ils enfreignent délibérément la plus grave interdiction de la

société, et brisent définitivement tous les liens de parenté entre eux et leur clan153.

Théoriquement, ils ne peuvent plus désormais se trouver mêlés aux rivalités des clans. Il

faut sans doute remonter, pour trouver l’origine archétypale de cette coutume, au couple

divin formé par Osiris et Isis, dieux égyptiens de la fertilité et inventeurs de l’agriculture.

Selon Diodore de Sicile, Isis est « la sœur et femme d’Osiris »154.

95 Un texte de 1619 nous apprend qu’au Congo, par « une ancienne tradition païenne et

hérétique », le roi « a des rapports illicites avec sa sœur aînée »155. Le roi D. Pedro IV

(1694-1718) épousa sa sœur, « mais n’a pas eu de rapports avec elle »156.

96 Avec le roi et sa sœur-femme, se trouve également placée hors de la communauté « la

mère du roi », qui peut d’ailleurs ne pas être sa véritable mère, mais une mère

classificatoire. La royauté était constituée par cette triade157. Un missionnaire au Congo

déclare en 1705 que « la mère du roi », à cette époque, est en fait sa tante et porte le titre

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de Mani-mucaza (Mani = titre honorifique ; mucaza = femme). « Ce titre », ajoute l’auteur du

texte, « est un des plus grands et des plus prestigieux du royaume »158.

97 Divinisé, le roi doit autant que possible se soustraire aux regards du peuple, lequel ne

saurait l’approcher familièrement. Son prestige sacré doit s’en trouver renforcé159.

98 Aux XVIe et XVIIe siècles, à l’apogée de l’époque chrétienne, les rois congolais ne semblent

pas s’être pliés à cette coutume, car les récits des Portugais les décrivent comme donnant

audience en public. Aux XVIIIe et XIXe siècles, lors de la décadence du royaume, l’ancienne

pratique ressuscita. En 1795, Raimondo da Dicomano note « que le roi n’a pas le droit de

sortir de sa case, sans le consentement de ses conseillers, même lorsqu’il veut aller

entendre la messe »160. A l’époque de Dicomano, le roi semble céder le pas au Mani Vunda,

dont l’autorité religieuse prime finalement la sienne qui est politique. Le Mani Vunda ne

peut se trouver en présence du roi, et lors des délibérations sur les affaires d’État, « il doit

rester caché derrière une paroi de paille. Lorsqu’il a parlé [...] le roi lui-même ne peut

répondre et tous battent les mains [en signe de remerciement] »161. A la fin du XIXe siècle,

le missionnaire anglais Weeks, résidant à São Salvador vers 1882, observait « qu’il était

rare que sa Majesté quittât son enceinte, mais lorsque cela arrivait, six de ses conseillers

le portaient dans un hamac, même si la distance n’était que de deux cents mètres »162.

99 Le moyen le plus efficace pour isoler le roi semble avoir été la configuration même

donnée à son palais, construit à dessein en forme de labyrinthe163. Un texte de la fin du

XVIe siècle décrit le palais du roi du Congo comme étant « ... plus grand que les autres

maisons et, avant d’y entrer, il y avait beaucoup de palissades et de sentiers, qui forment

comme un labyrinthe de Crète »164. Le missionnaire anglais W. H. Bentley, qui visita São

Salvador à la fin du XIXe siècle, donne de l’enclos du roi la description suivante :

100 « ... nous sommes entrés dans le lumbu [enceinte, œmpound] du roi. Un couloir étroit entre

deux palissades conduisait vers la gauche ; après environ deux mètres, il se dirigeait dans

l’autre sens, toujours entre des palissades. Une quarantaine de mètres plus loin, il

s’infléchissait brusquement sur la droite, puis revenait sur lui-même. Au bout de ce

dernier lacet, nous étions sortis du labyrinthe, et nous nous trouvâmes dans la cour

devant Sa Majesté Dom Pedro IV, Roi du Congo et des terres attenantes »165.

101 Weeks décrit ainsi son arrivée au lumbu de Dom Pedro IV : « Nous arrivâmes à la première

entrée du lumbu du roi, que nous découvrîmes être un labyrinthe en miniature, car quatre

palissades successives se dressaient avant de parvenir à l’espace central, où se trouvait la

maison du roi »166.

102 Coupé théoriquement de tout contact direct avec son peuple, le roi (ou plutôt la royauté

qu’il représente) communiquait avec ses sujets par des moyens qu’il était seul à pouvoir

utiliser. Dans de nombreuses sociétés africaines, un feu sacré, jamais éteint tant que

durait la vie du roi, était entretenu dans le palais ou à proximité, et l’on en distribuait des

braises aux vassaux dans le royaume167. Au Monomotapa, la coutume avait un caractère

coercitif : chaque année, on obligeait les vassaux à éteindre le feu reçu du roi et à en

accepter un nouveau, sous peine d’être considéré comme rebelles168.

103 Au Loango, on éteignait le feu sacré à la mort du roi et un nouveau était allumé à

l’avènement de son successeur169. Au Congo, c’étaient les Kitomis qui distribuaient le feu

sacré, moyennant paiement170. Van Wing a pu constater que la coutume était toujours en

vigueur au XXe siècle chez les successeurs des Kitomis, les chefs couronnés171. Alors qu’il

était, au Monomotapa, un instrument de contrainte, le feu sacré apparaissait au Congo

comme doué d’un pouvoir revivifiant. Il ne nous est parvenu aucun témoignage, qui

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permette de penser que les rois du Congo entretenaient un feu sacré. Le faisaient-ils

avant la christianisation ?

104 Une autre forme de communication, plus efficace celle-ci, est « la bénédiction » du roi172.

Voici comment Jean François de Rome la décrit en 1648 :

105 « Quand le roi veut sortir de sa maison les courtisans et soldats qui se tiennent dans les

cours intérieures se mettent à genoux et, en faisant rapidement deux ou trois battements

des mains, chacun demande sa bénédiction : le roi tend la main droite, agitant légèrement

les doigts comme s’il jouait un luth. Celui à qui le roi ne tendrait pas ainsi la main

s’estimerait malheureux, car ce serait un indice évident qu’il est tombé en disgrâce. Le roi

met environ une demi-heure à donner ainsi à tous sa bénédiction »173.

106 Selon Cavazzi, « celui à qui le roi refuse sa bénédiction, considérée comme une grâce

prestigieuse, [...] les insultes de la plèbe indiscrète ne lui seront pas épargnées »174.

9. LE DESPOTISME DU ROI

107 En 1668, Dapper dit du roi du Congo : « Ce prince commande absolument à ses sujets, et il

ne faut pas se jouer de lui, car ceux qui l’offensent sont condamnez sans miséricorde à un

esclavage perpétuel »175. Et l’abbé Proyart, en 1776, parle ainsi du Loango :

108 « Toutes les ordonnances des rois sont arbitraires, et portent ordinairement l’empreinte

du despotisme le plus absolu [...]. Par un zèle mal entendu pour l’ordre et la police, des

princes, bien intentionnés d’ailleurs, proscrivent quelquefois pour des abus qui

céderaient à la menace de la plus légère punition [...]. La même raison qu’ils donnent de

cette sévérité à punir certaines fautes légères, comme les plus graves, c’est que plus il est

facile de s’abstenir de la chose défendue, ou de faire celle qui est ordonnée, moins la

désobéissance est excusable ; et plus, par conséquent, elle mérite d’être sévèrement

punie »176.

109 Cette manifestation désordonnée de la puissance du chef, dont la « justice » rétributive

n’apparaît pas comme rationnellement proportionnée à la gravité du délit, nous semble

typique des grands États africains. Les rapports entre le roi et le sujet, entre celui qui

exerce le pouvoir et celui qui y est soumis, ne sont pas fixes et ne suivent aucun code de

lois. Ils ne sont pas déterminés par une justice issue de la confrontation avec un troisième

pôle de référence – surnaturel (la volonté de Dieu) ou naturel (tel les modèles légués par

un Moïse ou un Solon). Le pouvoir et le sujet ne peuvent se mesurer qu’en fonction l’un de

l’autre ; il s’ensuit que leurs rapports ne sont jamais rationnels, mais seulement affectifs.

Le pouvoir se pose comme incontestablement omnipotent et généreux, et le sujet est

nécessairement soumis et acquis. On a d’un côté le pouvoir, énorme, écrasant, démesuré,

source de toute vie ; de l’autre le sujet, insignifiant, dépendant et reconnaissant. Face au

roi-dieu se prosterne la « créature », qui dépend de lui177.

110 Le sujet-créature ne peut qu’attendre les faveurs du roi et lui témoigner sa gratitude

lorsqu’il les reçoit. Il ne lui est reconnu aucun droit, qu’il pourrait être tenté de

revendiquer dans le cadre de la légitimité.

111 Lorsque le roi du Congo confère une faveur, confie un poste, ou nomme un fonctionnaire ;

l’intéressé, avant de se « rapprocher » du roi et de pouvoir par la suite « dominer » les

gens du commun, doit se soumettre publiquement, devant le roi, à un rite de passage

montrant bien son état de « créature ». Après s’être agenouillé devant le roi,

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112 « L’élu ne cesse de faire des battements de mains, de se barbouiller de terre la figure et la

tête, s’humiliant et s’avouant indigne de cet honneur. Se tournant vers toutes les

personnes présentes, le roi leur tient une allocution, dans laquelle il expose la raison de

son choix, il indique ce que doit faire celui qui est élu à de semblables dignités et charges,

la manière de gouverner le peuple, etc. Puis il déclare élu à cette dignité le personnage

qui se trouve devant lui. Alors celui-ci soudainement se fourre sous le tapis du roi

s’étendant jusqu’à ses pieds. Les parents de l’élu, qui se trouvent là, prêts, immédiatement

soulèvent la partie du tapis sous laquelle l’élu se cache ; de leurs mains ils prennent de la

terre et en jettent une bonne quantité sur lui ; bien couvert de terre, l’élu sort de dessous

le tapis, et ainsi tout couvert de terre, il s’en écarte un peu ; il ne cesse de faire des

battements de mains et de se couvrir de terre la face, de sorte qu’il a l’air de vouloir se

transformer en terre. Après cette humiliation, le roi lui remet un bâton comme sceptre,

lui laissant baiser sa main. Subitement les trompes, les tambours et tous les instruments

présents font un bruit assourdissant ; tout le peuple pousse des cris d’allégresse et fait des

battements de mains sans fin. On fait une rumeur si grande que le ciel semble s’écrouler »178.

113 Cette scène nous rappelle beaucoup celle où Abraham supplie timidement le Seigneur

d’épargner les habitants de Sodome : « J’ai eu la hardiesse de m’entretenir avec Toi, moi

qui ne suis que poudre et que cendre »179.

114 Au Congo, au XVIIe siècle, l’humiliation devant l’autorité allait si loin que, destitué par le

roi de ses fonctions, un ex-fonctionnaire se devait d’accueillir sa déchéance avec une

ostensible indifférence. « Il sort le lendemain, vêtu comme le plus pauvre sujet du pays,

mais sans laisser transparaître la moindre émotion, riant et parlant avec tous »180. Les

parents d’un condamné à mort « ne doivent pas manifester de tristesse, mais plutôt de la

joie, afin de prouver leur soumission à la volonté de leur prince »181.

115 Le despotisme du roi ne peut-il alors être que néfaste ? Pas forcément, car si le roi se

montre moins despotique vis-à-vis du peuple, les officiers de la cour et les gouverneurs

des provinces risquent de l’être à sa place182.

116 Parlant du Buganda, Wrigley soutient que « le despotisme royal peut être une force

libératrice, brisant les entraves de la coutume qui pèsent si lourdement sur le sauvage

[sic] »183. Dans le prochain chapitre, nous essaierons de démontrer que le Congo a connu

des époques où il en était bien ainsi.

NOTES

1. Cf. Adolf Friedrich, Afrikanische Priestertümer, Stuttgart, 1939, p. 19 (cf. la carte du Hauptgebiet

der Königkultur ; sur les Jukun, cf. C. K. Meek, A Sudanese Kingdom, Londres, 1931).

2. P.M., p. 174 (texte de 1624) ; О. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 589 ; Juan Garcia Mateo de

Anguiano, La Misión del Congo (1716), p. 27 ; L. Jadin, « Relation sur le Congo du P. Raimondo da

Dicomano (1791-1795) », In Bull. des Séances de l’A.R.S.C, vol. III, fasc. 2 (1957), p. 326.

Vainement le roi du Portugal D. João III essaya, en 1529, de persuader D. Afonso I (1506-1543) de

nommer un successeur, ce n’était pas la coutume du pays (cf. M.M.A., vol. I, pp. 528-529).

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3. Cavazzi, lib. II, § 77.

4. P.M., p. 174 (texte de 1624).

5. Cavazzi, lib. II, g 77. Au Bornou, dans le Soudan, et au Buganda, les électeurs étaient également

au nombre de 3 ; (cf. A. J. Arkell, « History of Darfur », in Sudan Notes and Records, vol. 32 (1951), p.

231, citant Barthe, Travels, II, p. 271 et J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911, p. 189.

6. C’est la « révolution chrétienne ».

7. Cavazzi, lib. II, § 120 (D. Alvaro VI).

8. Ibid., g 77 (D. António I).

9. P.M., 310 (texte de 1691) et Juan Garcia Mateo de Anguiano, Epitome Histórial y Conquista

Espiritual del Imperio Abgssino en Ethiopia la Alta..., Madrid, 1786, pp. 129-135.

10. Elle est attestée déjà dans le royaume de Cush au VIIe siècle av. J.-C. (cf. B. G. Haycock, « The

Kingdom of Cush », in Comparative Studies in History and Society, vol. VII, n° 4 (1965), p. 467. Chez

les Shilluk, cf. E. E. Evans-Pritchard, The Divine Kingdom of the Shilluk, Cambridge, 1948, p. 27 ; au

Buganda, cf. J. Roscoe, The Baganda, p. 189.

11. D’après une inscription sur la stèle d’Aspelta, roi de Cush c. 593-568 av. J.-C, les chefs du pays

s’adressaient ainsi au peuple : « Allons, maintenant choisissons-nous un roi, car nous sommes

comme un troupeau sans gardiens. » Puis, après réflexion, le peuple répondait : « Notre Seigneur

est là, mais nous ignorons qui il est. » (On s’adressait ensuite au Dieu Re – c’est-à-dire aux prêtres

– pour qu’il le désigne.) Cf. B. G. Haycock, art. cit., p. 468.

12. Cf. le cas des Shilluk, « All the Shilluk share in the kingship, however their loyalties may pull

them apart in other matters », cf. E. E. Evans-Pritchard, op. cit., p. 19. Pour les Bantous du sud-est,

cf. I. Schapera, Government and Politics in Tribal Societies, Londres, 1956, pp. 106-107 : « He [the

Chief] becomes the focus of attitudes and values that in the long run contribute to his control of

the tribe as much as does the coercive power that he can exercise. » Sur le problème étudié au

Haut Moyen Age européen, cf. E. Kantorowicz, The King’s Two Bodies, A Study in Medieval Political

Thinking, Princeton, 1957, passim.

13. L’opposition entre ces deux visions du monde est relevée par Tarn chez les Grecs. Il parle de

« the irreconcilable opposition between Stoicism and theory of Kingship, between the belief that

unity and concord existed and that you must get man to see it and the belief that unity and

concord did not exist and that it was the business of the rulers of the earth to try and bring them

to pass » (l’inconciliable opposition entre le Stoïcisme et la théorie de la Royauté, entre la foi en

une unité et une concorde, qu’il faut amener les hommes à admettre, et la certitude qu’elles n’ont

jamais existé et que c’est le devoir des chefs temporels de faire en sorte qu’elles deviennent

réalité). Cf. N. W. Tarn, « Alexander and the Unity of Mankind », in Proceedings of the British

Academy, vol. XIX (1933), p. 137.

14. Lorsque le roi des Shilluk meurt, le peuple dit : piny bugon, « il n’y a plus de terre ». Le monde

s’est anéanti dans le chaos. (Cf. E. E. Evans-Pritchard, op. cit., p. 19.) Les Bemba, à l’occasion de la

mort d’un grand chef, disent : calo cawa – « la terre s’est écroulée ». (Cf. A. I. Richards, Land,

Labour and Diet in Northern Rhodesia Londres, 1939, p. 236.)

15. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 132.

16. R. E. Dennett, At the Back of the Black Man’s Mind, Londres, 1906, p. 135.

17. Il entendait par « Ethiopie » le pays de Cush.

18. Aristote, Politique, IV, chap. III.

19. A. Bertholet, L’Afrique saharienne el soudanaise, Paris, 1927, p. 256.

20. Diodore de Sicile, lib. III, cap. X.

21. A. Caquot, « La Royauté Sacrale en Ethiopie », in Annales d’Éthiopie, t. II (1957), p. 210. A.

Caquot ajoute que « ces descriptions emphatiques de l’éclat et de la beauté surnaturels de la

personne royale ne constituent pas une vaine phraséologie : elles correspondent à des attitudes

réelles ».

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22. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 138 (texte de la fin du XVIe

siècle).

23. Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo, pp. 436-437. L’auteur évoque aussi

« l’ambition et la cruauté » du roi.

24. J. J. Monteiro, Angola and the River Congo, vol. I, p. 217.

25. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 35.

26. Cf. Willy Schilde, « Afrikanischen Hoheitszeichen », in Zeitschrift für Ethnologie, t. 61 (1929), pp.

46-51, (Korpulente Herrscher).

27. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, vol. I, p. 123.

28. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 35.

29. Cf. Diodore de Sicile, lib. III, cap. VI et João dos Santos, Ethiopia Oriental, Evora, 1609, lib. I, cap.

VII (t. I, pp. 60-61 de l’éd. de 1891). Un ethnologue du XXe siècle confirme cette croyance chez les

Rozwi, en Rhodésie (cf. S. S. Dornan, « The Killing of the Divine King in South Africa », in S. A.

Journ. of Science, vol. 15 (1918), p. 397.

30. Andrew Battell, in E. G. Ravenstein, The Strange Adventures..., p. 46. Cf. aussi O. Dapper,

Description de l’Afrique (1668), p. 333. Selon Diodore de Sicile (c. 20 av. J.-C), « ... les prêtres [à

Méroë] choisissent les membres les plus distingués de leur classe, et celui qui est touché par

l’image du dieu, portée en procession solennelle, est aussitôt proclamé roi par le peuple qui

l’adore et le vénère comme un dieu, comme s’il tenait la souveraineté d’une providence divine ».

(Diodore de Sicile, liv. III, cap. V). Strabon observait au même sujet : « indépendamment d’un dieu

immortel cause et principe de toutes choses, ils [les Éthiopiens] reconnaissent un dieu mortel,

mais sans le désigner par un nom particulier et sans définir nettement sa nature » (Strabon,

Géographie, liv. XVII). Par « Éthiopiens », Strabon entendait les habitants du royaume de Cush.

31. W. H. Bentley, Pionneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 247, et J. G. Frazer, The Worship

of Nature, Londres, 1928, pp. 135-153.

32. K. Laman, Dictionnaire Kikongo-Français.

33. Rui de Pina, Croniqua del-Rei D. Joham II, cap. LVIII (éd. Coïmbre, 1950, p. 157). La chronique fut

écrite entre 1501 et 1521, d’après un manuscrit de 1492. Cf. Francisco Leite de Faria, Uma Relação

de Rui de Pina sobre o Congo escrita em 1492, Agrupamento de estudos de Cartografia Antiga, vol.

XIII, Secção de Lisboa, Lisbonne, 1966, p. 13.

34. Dans un autre chapitre, nous examinerons comment la venue des Européens fut ressentie par

les Congolais.

35. Sur le concept de Nzambi, cf. Van Wing, « L’Être Suprême des Bakongo », in Recherches des Sc.

Relig., t. X (1920), pp. 170-181 ; E. Torday, « Nzambi Mpungu, the God of the Bakongo », in Man

(1930), n° 3 ; J. Delaere, « Nzambi-Mweze, Quelques notes sur la croyance des Bapende en l’Être

Suprême », in Anthropos, t. 37-40 (1942-1945), pp. 620-628 ; W. Hirschberg, « Der Gottesname

Nyambi », in Zeitschrift für Ethnologie, t. 88, (1963), pp. 163-179 ; Paul Schebesta, « Der Gottesname

Nyambi », in Anthropos, t. 59 (1964), pp. 267-269, et Charles Estermann, « Ergänzende Bemerkung

zum Gottesnamen Nzambi, Ndyambi », in Anthropos, t. 59 (1964), pp. 932-935. Tous ces auteurs

ignorent le texte de Rui de Pina.

36. J. Vansina, « Becording the Oral History of the Bakuba », in Journ. of Afr. Hist., vol. I, n° 2

(1960), p. 259.

37. Les conclusions de Vansina sont vivement contestées par Kunz Dittmer, « Zur Geschichte

Afrikas, 3, Die ältere Geschichte Süd- und Zentralafrikas », in Saeculum, vol. XVII, nos 1-2 (1966),

p. 80. Les arguments de Dittmer ne nous semblent pas assez forts pour invalider la thèse de

Vansina.

38. Cf. J. Vansina, Les Tribus Ba-kuba et les peuplades apparentées, Tervuren, 1954, p. 7. Selon une

légende Ba-kuba, leur roi serait apparenté aux rois du Congo.

39. Emil Torday, On the Trail of the Bushongo, Londres, 1925, p. 113.

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40. H. Baumann, Schöpfung und Urzeit des Menschen im Mythus der Afrikanischen Völker, Berlin, 1936,

pp. 118-119.

41. E. Torday et T. A. Joyce, Notes ethnographiques sur les peuples communément appelés Bakuba ; ainsi

que sur les peuplades apparentées les Bushongo, Bruxelles, 1911, p. 20.

42. E. Torday, On the Trail of the Bushongo, p. 117.

43. Ibid., p. 118. « 20 prédécesseurs [du roi que rencontra Torday] remontent à Bumba, le

fondateur. L’esprit de Bumba se manifeste dans chacun ; son esprit représente la vie des vivants,

la souvenance des morts, l’espoir des générations à venir. C’est son esprit qui fait croître et

diminuer la lune, qui fait briller le soleil. C’est son esprit qui, sous forme de la pluie, apaise la soif

de la terre [...] fait germer les semences et préside à la reproduction de tout ce qui vit ». Pour le

royaume de Cush, cf. la stèle d’Aspelta, roi de Cush c. 593-568 av. J.-C. : « ... le roi est l’image de Re

[le dieu] parmi les mortels et il est placé par Re dans ce pays pour qu’il [le pays] reste ferme »,

cité par B. G. Haycock, « The Kingdom of Cush », in Comparative Studies in History and Society, vol.

VII, n° 4 (1965), p. 468.

44. H. Baumann, Schöpfung und Urzeit, pp. 96-115. Cf. aussi Léo Bittremieux, La Société secrète des

Bakimba au Mayombé, p. 25 : « Mbumba Loango est un serpent gigantesque qui sort de l’eau,

grimpe sur les arbres et s’élance dans les airs pour aller se baigner plus loin, dans une autre

eau » ; R. E. Dennett, At the Back of the Black Man’s Mind, p. 140 : « Mbumba is a very big snake

found in wells » ; Van Wing, Etudes Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 151 : « Les Noirs disent avant

de manger : E Mbumba nsi... O Mbumba de la terre, mange sous terre et que moi je mange sous le

ciel » ; Cavazzi, lib. I, § 236 : « ... alcuni Piante altissime ne’rami delle quali asseriscono comparire

il Demonio in figure de serpente. » Au Buganda : cf. le roi-serpent, Bemba (J. Roscoe, The Baganda,

p. 321, et Charles E. S. Kabuga, « The Genealogy of Kanaka Kintu... », in Uganda Journal, vol. 27, n° 2

(1963), pp. 205-216).

45. Nzambi Mpungu correspond peut-être à Nyikang chez les Shilluk. Nyikang est le truchement

entre leur dieu Juok et le reth, qui est l’« homme » ; celui qui devient roi prend la qualité de

Nyikang. (Cf. E. E. Evans-Pritchard, The Divine Kingship of the Shilluk, p. 19 ; cf. également A. E.

Jensen, Myth and Cult among primitive peoples, Chicago, 1951, chap. xv, mais aussi Michael W.

Young, « The Divine Kingship of the Jukun, A re-evaluation of some theories », in Africa, vol.

XXXVI, n° 2 (1966), p. 159, dont les interprétations sont légèrement différentes.

46. Andrew Battell, in E. G. Ravenstein, The Strange Adventures..., p. 46. Au XVIIIe siècle, le roi de

Loango se déchargeait sur un de ses ministres du rôle de faiseur de pluie (cf. l’abbé Proyart,

Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes de l’Afrique, Paris, 1776, p. 120). Cette dégradation des

pouvoirs serait-elle due au contact des Européens, qui fréquentent le Loango depuis le début du

XVIIe siècle ?

47. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 355 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 583). Au Soudan, entre le

Kordofan et le Tchad, l’historien arabe Yakut (c. 1200), citant Al Muhallabi (903-963), disait des

habitants : « ... leur religion est l’adoration de leurs rois et ils croient que ce sont eux qui leur

donnent la vie et la mort, la maladie et la santé » (cf. A. J. Arkell, « History of Darfur », in Sudan

Notes and Records, vol. 32 (1951), p. 225). Des sujets du roi de Quiteve, marche de l’empire du

Monomotapa, João dos Santos (1587) disait : « Quand ils sont dans le besoin ou souffrent de

famine, ils demandent secours au roi, fermement persuadés que ce dernier est assez puissant

pour leur donner tout ce qu’ils désireront ou dont ils auront besoin et qu’il peut tout obtenir de

ses ancêtres défunts, avec lesquels, selon eux, il parle. Voilà pourquoi c’est au roi qu’ils

demandent de faire pleuvoir quand manque la pluie [...] et lorsqu’ils vont lui demander des

choses de ce genre, ils lui apportent un présent important ». (Cf. João dos Santos, Ethiopia Oriental,

Evora, 1609, lib. I, cap. viii, (vol. I, p. 69 de l’éd. de Lisbonne, 1891).

48. Germaine Dieterlen, « Systèmes de Connaissance », in M. Fortes et G. Dieterlen, African

Systems of Thought, Londres, 1965, p. 39.

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49. Andrew Battell (c. 1610), in E. G. Ravenstein, The Strange Advenlures..., p. 74 ; aussi J. Cuvelier,

Relations sur le Congo de Laurent de Lucques (1710-1717), p. 144 et Karl Laman, The Kongo, vol. III, p.

64. Au Monomotapa, cf. António Bocarro (1635), Déc. 13, cap. 123, in G. M. Theal, Records of South

East Africa, vol. III, p. 270.

50. Cavazzi, üb. I, i 4 (Congo) ; Jacqueline Roumeguère-Eberhardt, Pensée et Société africaines, Paris,

1963, p. 54 (Afrique du sud-est).

51. Cf. E. Pechuel-Loesch, Volkskunde von Loango, Stuttgart, 1907, p. 138 (Sirius en l’occurrence) ; J.

H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, Londres, 1914, p. 294 (les Pléiades) ; Jacqueline

Roumeguère-Eberhardt, Pensée et Société africaines, p. 56, (les Pléiades dans le Sud-Est africain) ;

pour l’ensemble de l’Afrique, cf. W. Hirschberg, « Die Plejaden in Afrika und ihre Beziehung zum

Bodenbau », in Zeitschrift für Ethnologie, t. 61 (1929), pp. 321-337 ; et plus récemment encore J. H.

Chaplin, « Vernacular month names from Zambia », in African Studies, vol. 26, n° 3 (1967), pp.

145-169 (les Pléiades chez les Nyanja, les Lozi, les Ila, les Venda, les Xhosa, les Tsonga).

52. E. Pechuel-Loesch, op. cit., pp. 138-139.

53. Jacqueline Roumeguère-Eberhardt, op. cit., p. 54.

54. J. Cuvelier, Documents sur une Mission Française au Kakongo (1766-1776), p. 54.

55. Cf. à ce sujet J. Cuvelier, Documents sur une Mission Française au Kakongo (1766-1776), p. 54 ; E.

Pechuel-Loesch, Volkskunde von Loango, p. 139 ; et W. Hirschberg, « Die Plejaden... », p. 334.

56. Il en est de même pour l’Orient, cf. Roger Caillois, « Temps Circulaire et Temps Rectiligne », in

Diogène, n » 42 (1963), pp. 3-14.

57. En Europe, ce ne fut qu’au moment du mouvement averroïste, au début du Moyen Age, que le

temps cessa d’être symbole de caducité, de mort. Pour les Averroïstes, il devint un élément

vivifiant, un symbole de la durée infinie de la vie. Cf. E. Kantorowicz, The King’s Two Bodies, p. 227.

58. Pour une analyse des travaux récents sur ce problème, cf. V. Van Bulck, « La Place du Roi

Divin dans les Cercles Culturels de l’Afrique Noire », in The Sacral Kingship, Studies in the History of

Religion, Supplements to Numen, IV, Leyde, 1959, pp. 98-134.

59. Diodore de Sicile, liv. III, chap. VI.

60. Cf. A. J. Arkell, History of the Sudan to A. D. 1821, Londres, 1955, pp. 174-177, et L. P. Kirwan,

« The Decline and Fall of Meroë », in Kush, vol. VIII, 1960, pp. 163-173.

61. Il existe aujourd’hui encore des traces d’anciennes mines de cuivre à cet endroit.

62. Leo Frobenius, Atlantis, Munich, 1923, vol. IV, pp. 9-10 (trad. française in L. Frobenius, Histoire

de la Civilisation africaine, s.d. (1953), pp. 229-230.

63. Pour la date, cf. A. J. Arkell, History of the Sudan, p. 157.

64. Au milieu du XIXe siècle, Lepsius apprit d’un informateur local que les Funj de Fazoql (dans la

région du Haut-Nil, au Soudan) pratiquaient encore la mise à mort rituelle du roi ; il en avait été

ainsi pour le roi qui régnait au moment de sa visite. « Lorsqu’un roi n’est plus aimé », dit Lepsius,

« ses parents et ministres se réunissent autour de lui et lui annoncent qu’il ne plaît plus aux

hommes, aux femmes du pays, aux bœufs, aux ânes, à la basse-cour, etc., mais qu’il est détesté de

tous, et il est mieux qu’il meure » (cf. Lepsius, Letters, éd. angl., Londres, 1853, p. 202 – 1re éd.

allemande, 1852).

65. João dos Santos, Ethiopia Oriental, Lisbonne, 1609, lib. I, cap. VII (t. I, pp. 60-61 de l’éd. de

Lisbonne de 1891). Le roi de Sedanda, autre marche orientale du Monomotapa, voisine du

Quiteve, observa bien la coutume traditionnelle et, ayant contracté une maladie contagieuse, se

suicida en prenant du poison.

66. H. A. Wieschoff, The Zimbabwe-Monomotapa Culture, Menasha, Wisconsin, 1941, pp. 96-97. (Il est

aussi question de deux et de cinq ans).

67. Cf. C. K. Meek, Sudanese Kingdom, Londres, 1931, p. 164.

68. Sur le concept weberien du charisme, cf. Max Weber, The Theory of Social and Economic

Organisation, trad. angl. de Talcott Parsons, Glencoe, 1964, pp. 358-363 ; et aussi H. H. Gerth et C.

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Wright Mills, From Max Weber, New York, 1958, pp. 245-254, et surtout Reinhard Bendix, Max

Weber, an Intellectual Portrait, New York, 1962, pp. 298-328.

69. Cf. Leo Frobenius, Atlantis, IV, pp. 6-7.

70. Cf. C. K. Meek, Sudanese Kingdom, Londres, 1931, p. 164. Certains Jukun affirmaient que jadis la

période était de deux ans. Cf. aussi Michael W. Young, « The Divine Kingship of the Jukun. A Re-

evaluation of some theories », in Africa, vol. XXXVI, n° 2 (1966), pp. 135-152.

71. Cf. Monica Wilson, Divine Kings and the Breath of Men, Cambridge, 1959, p. 19.

72. Cf. « Viagem que fez António Gomes », in Studia, n° 3 (1959), p. 203 (vieillesse ou maladie).

73. Cf. Brohez, « Ethnographie Katangaise », in Bull. Soc. Roy. Belge Géog., vol. 29 (1905), p. 463

(« Les chefs ne peuvent mourir de mort naturelle, dès qu’ils sont très malades et que leur

guérison est jugée impossible, tantôt on les précipite dans une gorge avec plusieurs de leurs

femmes, tantôt on leur coupe l’artère carotide »).

74. Francisco de Salles Ferreira, « Memória sobre o sertão de Cassange, 20 abril 1853 », in Annaes

do Conselho Ultramarino (parte näo oficial), série I (1854), p. 28 (maladie).

75. Cf. E. G. Krige et J. D. Krige, The Realm of the Rain Queen, Londres, 1943, pp. 165-167 (« Les reines

prenaient du poison lorsqu’elles subissaient des revers dans la vie, ou se voyaient diminuées

physiquement »).

76. J. Roscoe, The Banyankole, Cambridge, 1923, pp. 50-51, (vieillesse ou maladie).

77. Cf. Stefano Santandrea et Luigi Giorgi, « Morte Violente per i Re Divini Scilluk e Dinka =

Sudan », in Africa, Rome (1965), n° 1, pp. 15-32 et n » 2, pp. 163-187 (vieillesse ou maladie).

78. Cf. Richard Palmer, Sudanese Memoirs, vol. III, p. 82.

79. Cf. Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis, c. 1508, éd. Acad. Port. Hist., Lisbonne,

1954, p. 107 (vieillesse ou maladie).

80. Joaquim Rodrigues Graça, « Expedição ao Muatayanvua », in Bol. Soc. Geog. de Lisbonne, 9e

série, n° 1 (1890), p. 433.

81. J. Vansina, Le Royaume Kuba, Tervuren, Belgique, 1964, p. 100.

82. Pour le Congo, cf. supra ; pour le Buganda, cf. J. Roscoe, The Baganda, p. 189.

83. Pour l’Angoï, cf. l’abbé Proyart, Histoire de Loango..., Paris, 1776, p. 132 ; pour le Congo, cf. la

lutte entre païens et chrétiens en 1506 et les interrègnes sanglants tout au long de l’histoire du

pays ; pour le Buganda, cf. Roscoe, pp. 103 et 190 (« A wild state of disorder ensued, anarchy

reigned ») ; pour les Maravi, cf. A.C.P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1854, p. 52.

84. Dans le royaume de Cush (Méroë), selon l’inscription sur la stèle d’Aspelta (c. 593-568 av. J.-C),

le peuple s’écriait : « Que le choix [du roi] soit entre ses mains [du dieu Amen-Re] [...] Qu’il nous

guide. Il lui appartient de faire les rois de Cush, ses fils bien-aimés ». (Cf. B. G. Haycock, « The

Kingdom of Cush », in Comparative Studies in History and Society, vol. VII, n° 4 (1965), p. 468. Chez

les Korekore, tribu issue de l’ancien empire du Monomotapa, les anciens demandent au Swikiro

(prêtre médium) d’interroger les ancêtres, afin qu’ils désignent un successeur au roi défunt. Le

Swikiro joue son rôle en fin diplomate. Cf. G. Kingsley-Garbett, « Religious Aspects of Political

Succession among the Valley Korekore (N. Shona) », in E. Stokes and R. Brown (eds.). The

Zambesian Past, Londres, 1966, pp. 137-170.

85. Pour le Janjero, cf. C. F. Beckingham et G. W. B. Huntingford, Some Records of Ethiopia, Hakluyt

Society, Londres, 1954, p. 159 ; pour les Jagas, cf. António Rodrigues Neves, Memória da Expedição a

Cassange em 1850, Lisbonne, 1854, p. 113 ; pour les Shilluk, cf. E. E. Evans-Pritchard, The Divine

Kingship of the Shilluk of the Nilotic Sudan, Cambridge, 1948, p. 27.

86. Meek dit des Jukun du Nigeria : « Il est évident [...] qu’un système de gouvernement fondé sur

le concept de la royauté divine est susceptible de devenir une tyrannie de la pire espèce. » Mais

les Jukun, « comme d’autres peuples qui croient en la divinité des rois, se protégeaient de

diverses manières. On jugeait le roi sur les résultats. Si les récoltes étaient bonnes, on acceptait

un certain degré de tyrannie, mais si celle-ci passait les bornes, elle suscitait un mouvement

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réclamant la mise à mort du roi, que les récoltes fussent bonnes ou mauvaises. » Cf. Meek, A

Sudanese Kingdom, Londres, 1931, p. 333.

87. Cavazzi, lib. I, § 175.

88. H.R.C., in Felner, Angola, p. 376.

89. Cavazzi, lib. I, § 175.

90. Cavazzi, loc. cit.

91. Cavazzi, lib. I, § 180. Le Kitomi est aussi évoqué par Jérôme de Montesarchio (1648-1668), p.

83 ; par Zucchelli (1702), p. 173 ; par Merolla (1692), dans le Soyo, p. 116 ; par Mateo de Anguiano

(1716), p. 437 ; par Bernardo da Gallo (1710), p. 468 ; et par Laurent de Lucques (1705), p. 146.

92. Cf. Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo, p. 437.

93. Cf. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 252 (l’auteur fait état de la tradition orale

moderne).

94. Cf. « Rite de l’élection du roi du Congo décrit par le P. Cherubino da Savona, 1775 », ta L.

Jadin ; « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bulletin de l’Institut Historique Belge de Rome,

fasc. XXXV (1963), pp. 405-407.

95. Ibid., loc. cit.

96. Cf. L. Jadin, « Informations sur le royaume du Congo par le P. Raimondo da Dicomano

(1791-1798) », ta Bulletin de l’A.R.S.C, nouv. série, t. III, fasc. 2 (1957), pp. 328-329.

97. Cf. Le combat feint que livra, au Buganda, le Semanobe au roi nouveau. Le Semanobe et ses gens

étaient armés de tiges de canne à sucre et de « boucliers » en feuilles de bananier. (J. Roscoe, The

Baganda, p. 113).

98. O. de Bouveignes et J. Cuvelier, Jérôme da Montesarchio, Apôtre du Vieux Congo, Namur, 1951, pp.

97-99.

99. Antonio Zucchelli da Gradesca, Relazioni, Venise, 1712, p. 185. La cérémonie par laquelle le

nouveau roi doit briser l’arc de son prédécesseur, manifestant ainsi symboliquement la rupture

avec l’ordre révolu, est évoquée par Luc de Heusch, Le Pouvoir et le Sacre, Bruxelles, 1962, p. 19. La

coutume est attestée dans le royaume de Quiteve (marche de l’empire du Monomotapa) par João

dos Santos (1587), Ethiopia Oriental, Lisbonne, 1609, lib. I, cap. VII (t. I, p. 60 de l’édition de

Lisbonne, 1891).

100. O. de Bouveignes et J. Cuvelier, op. cit., loc. cit.

101. Cf. J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911, p. 193 ; et J. Vansina, Le Royaume Kuba, Tervuren,

1964, pp. 105-106 et 115.

102. On peut alors se demander si le Mani Vunda relaie ou non la lignée ancestrale des Ambundu.

Sur le plan de l’apparentement philologique, son identification avec le Mani Cabunga semble à

tout le moins aléatoire. Nous nous avouons incapable de résoudre le problème des rapports

précis entre le Mani Cabunga, les Kitomis et le Mani Vunda, bien que tous trois paraissent exercer

des fonctions identiques.

103. Selon Manuel Baptista (1619), les Noirs « demandent du soleil et de la pluie aux prêtres et

aux pères, comme ils le demandent à leurs sorciers, et ils se plaignent de ce qu’ils ne les leur

donnent pas, comme si c’était en leur pouvoir... » (cf. M.M.A., vol. VI, p. 383).

104. Nul témoignage ne nous est parvenu dans ce sens en ce qui concerne le Congo, mais les

traditions rapportées par Torday prouvent qu’il en était ainsi pour les Bakuba (cf. E. Torday, On

the Trail of the Bushongo, p. 118).

105. Voir à ce sujet l’auteur de La Pratique Missionnaire (1747) : « En tous ces pays [Congo, Angola]

le respect pour les anciens est inexplicable [...] Dans toute réunion de personnes, ne parle que le

vieux, et personne n’osera interrompre son discours, ni personne ne parlera sans la permission

de cet ancien, battant d’abord les mains, ce qui est signe de soumission, au moyen duquel ils

entendent lui demander sa permission et sa bénédiction avant de parler. » (Cf. [Hyacinthe de

Bologne], La Pratique Missionnaire, 1747, p. 85.)

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106. Cf. M. Fortes, « Ancestor Worship », in M. Fortes et G. Dieterlen, African Systems of Thought,

Londres, 1965, pp. 16-20.

107. Aucun texte, à notre connaissance, ne parle de l’importance des songes chez les Congolais.

Des Baganda, Roscoe dit : « On considérait les songes comme importants et un moyen de

communication entre les vivants et les morts » (cf. J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911, p. 18).

Les sujets du Cazembe croyaient que les rois défunts communiquaient avec les vivants – cf. A. C.

P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1857, p. 357.

108. Au Congo, cf. Cavazzi, lib. I, § 181. Cavazzi dit que le Nganga Ngombo invoque le « diable », ce

qu’il est licite de traduire par « ancêtre ». Au Quiteve (marche du Monomotapa), João dos Santos

(1587) décrit comment le « diable » entre dans un Noir « disant qu’il est l’âme du roi défunt » (cf.

João dos Santos, Ethiopia Oriental, Lisbonne, 1609, lib. I, cap. viii (t. I, p. 65 de l’éd. de Lisbonne,

1891). Au Buganda, cf. J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911, p. 111 : (Bientôt l’esprit du roi

prenait possession d’un homme, qui était envoyé au temple pour jouer le rôle de médium ; et à

partir de ce moment, on pouvait s’entretenir avec le roi défunt).

109. La corbeille des ancêtres contient des restes des rois défunts : cheveux, ongles, et une

phalange de doigt, cf. Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 143 ; et aussi J. Mertens,

Les chefs couronnés chez les Bakongo orientaux, Mémoire I.R.C.B., t. IX, fasc. I (1942), pp. 111-112.

110. Cf. Cavazzi, lib. I, § 232 (« ... Lorsque passe un vol de corbeaux [sic], ils [les Noirs] imaginent

qu’il s’agit des âmes des héros, lesquelles donnent présage de mauvaise fortune, à tel point que

toute intercession sera vaine »).

111. Sur les arbres sacrés des ancêtres en Afrique en général, cf. H. Baumann, Schöpfung und

Urzeit, pp. 198-199 ; et aussi Sture Lagercrantz, Contribution to the Ethnography of Africa, Lund, 1950,

pp. 375-380.

112. Pierre Van Den Broeck, Voyages de Vandenbroeck au Cap Vert, Angola et aux Indes Orientales en

1605, Amsterdam, 1705, p. 341.

113. R. E. Dennett, At the Back of the Black Man’s Mind, p. 133.

114. Cf. J. Gossweiler : « Nomes indigenas de plantas de Angola », in Agronomia Angolana, Luanda

(1953), n° 7, pp. 459-460.

115. A. Bastian, Die Deutsche Expedition an der Loango Küste, Iéna, 1874, vol. I, p. 164.

116. M.M.A., vol. I, p. 479. Les bois dans lesquels on enterrait les rois congolais s’appelaient mfinda.

Ils n’étaient pas plantés à dessein, mais laissés intacts au cours du défrichement (cf. H.R.C., in

Felner, Angola, p. 376). Sur l’inhumation des défunts de haut rang dans des bois sacrés, cf. A.

Friedrich, Afrikanische Priestertümer, Stuttgart, 1939, pp. 36-56, et la carte des Königsahnen-Haine.

117. L’argile blanche apparaît souvent liée avec le bois de teinture, tacula (pterocarpus tinctorius),

de couleur rouge. Le blanc est la couleur des hommes, le rouge celle des femmes (cf. K. Laman,

The Kongo, vol. III, p. 105). On retrouve la même répartition sexuelle de ces couleurs au Fezzan (cf.

Viviana Pâques, L’Arbre Cosmique dans la pensée populaire et dans la vie quotidienne du Nord-Est

africain, Paris, 1964, p. 39.

118. V. W. Turner, « Ritual Symbolism among the Ndembu », in M. Fortes et G. Dieterlen, African

Systems of Thought, Londres, 1965, p. 90.

119. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, Londres, 1914, p. 98.

120. H.R.C., in Felner, Angola, p. 376. A l’auteur, les Noirs disaient que Cariampemba (nkadi mpemba)

signifiait « homme mort de la province de Mpemba ».

121. [Hyacinthe de Bologne], La Pratique Missionnaire, p. 117.

122. L. Jadin, « Relation sur le Royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano (1791-1795) », in

Bulletin des Séances de l’A.R.S.C, nouv. sér., vol. III, n° 2 (1957), p. 335.

123. K. Laman, The Kongo, vol. III, p. 60.

124. Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 145.

125. J. Mertens, Les Chefs couronnés chez les Bakongo orientaux, p. 113. En 1791-1795, Raimondo da

Dicomano note que « chaque seigneur de banza et libata [villages] possède un macota [vieux

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conseiller] ou vieux, appelé Manipemba ou justicier major. Lorsqu’il a quelque difficulté dans son

peuple, c’est lui qui examine la cause et met les deux parties d’accord ». (Cf. L. Jadin, « Relation

sur le Congo du P. Raimondo da Dicomano (1791-1795) », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, nouv. sér.,

t. III, fasc. 2 (1957), p. 330. Les gouverneurs d’Angola n’avaient-ils pas tenté, au XVIIe siècle,

d’« européaniser » le caractère sacré du Mpemba en y substituant de la farine de manioc pour

« sacrer » les chefs, leurs « vassaux », par la cérémonie dite undamento ? (cf. Felner, Angola, p.

471).

126. J. Mertens, op. cit., p. 20, et Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 143.

127. J. Mertens, op. cit., p. 112.

128. Notons que mpangu est un mot obscur, à plusieurs sens. Il peut signifier « restriction ou

tabou alimentaire », cf. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, vol. II, p. 263. Ou encore « travail,

zèle, activité, piège, embûche ou stratagème » ; mpangu bakulu = les vieux au commencement de

la création (cf. K. Laman, Dictionnaire Kikongo-Français).

129. Nous ne saurions expliquer les lignes 7 et 8. Nous remercions M. P. Alexandre, ainsi que M.

François Loumouamou de leurs conseils pour la traduction de ce texte, mais nous assumons

entièrement la responsabilité de la traduction que nous proposons.

130. Cf. K. Laman, The Kongo, vol. III, p. 15, et Manuel Alfredo Moraes Martins, Contactai de Cultura

no Congo Português, Lisbonne, 1958, pp. 71 et 112.

131. Cf. E. Torday et T. A. Joyce, Notes ethnographiques sur les peuples communément appelés Bakuba...,

Bruxelles, 1911, p. 20.

132. Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 147. Battell y fait allusion à propos de la

cour du roi de Loango, cf. E. G. Ravenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, p. 48.

133. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 347 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 570).

134. Sur les insignes du pouvoir en Afrique en général, cf. Willy Schilde, « Afrikanische

Hoheitszeichen », in Zeitschrift für Ethnologie, t. 61 (1929), pp. 46-152.

135. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 132.

136. João de Barros, Décadas da Asia, Déc. I, lib. III, cap. IX.

137. P. Monclaros (1569), in G. M. Theal, Records of South Eastern Africa, Cape Town, 1899, vol. III, p.

179, « ... un quite qui a la forme d’un petit trépied... ». Le quite est attesté également chez les

Maravi (cf. A. C. P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1854, p. 70, « ... fait de bois d’une seule

pièce et très travaillé... » Sur le trône en Afrique comme insigne du pouvoir, cf. A. Friedrich,

Afrikanische Priestertümer, Stuttgart, 1939 pp. 28-33.

138. Rui de Pina, Croniqua del Rei D. Joham II, cap. LX. Lorsque la première ambassade portugaise

visita la capitale, ses représentants trouvèrent le roi coiffé « d’un bonnet de palme tissée, brodé

et très haut ». Cf. aussi João de Barros, Déc. I, lib. III, cap. ix : « un bonnet très haut, comme une

mitre, fait d’un fin tissu de palme et rebrodé en relief, un peu comme est tissé chez nous le

brocart. »

139. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 399.

140. « Rite et cérémonial de l’élection des rois du Congo (1624) », in L. Jadin, « Aperçu de la

situation du Congo en 1775 », in Bull. de l’Institut Historique Belge de Rome, fasc. XXXV (1963), p. 403.

Un autre texte contemporain affirme que la chaîne est en or. Il faudrait donc admettre ici une

influence du contact avec les Européens (cf. M.M.A., vol. VII, p. 382, texte de 1625).

141. J. Mertens, Les chefs couronnés chez les Bakongo orientaux, p. 78.

142. Rui de Pina, op. cit., loc. cit.

143. Cf. Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 27.

144. João de Barros, Déc. I, lib. III, cap. ix ; Rui de Pina, op. cit., loc. cit.

145. « Rite et cérémonial de l’élection des rois du Congo » (1624) in L. Jadin, art. cit., p. 403.

146. Van Wing, Éludes Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 28.

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147. « Rite de l’élection du roi du Congo décrit par le P. Cherubino da Savona... » (1775), in L.

Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull de l’Institut Historique Belge de Rome,

fasc. XXXV (1963), p. 405.

148. « Rite et cérémonial de l’élection des rois du Congo » (1624), in L. Jadin, « Aperçu... », art. cit.,

p. 401. A l’époque chrétienne, on montrait le tambour le samedi saint... Sur le tambour sacré en

Afrique du sud-est, cf. E. Mudau, « Ngoma-lungundu and the early invaders of Venda », in N. J.

Van Warmelo, The Copper Miners of Musina and the early history of the Zoutpansberg, Pretoria, 1940,

pp. 10-32 ; et aussi H. von Sicard, Ngoma-Lungundu, eine afrikanische Bun-deslade, Upsala, 1952.

149. Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 143.

150. Cf. « Rite et cérémonial de l’élection des rois du Congo » (1624), in L. Jadin, op. cit., p. 403.

151. Cf. J. Cuvelier, Relations sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), Mémoire I.R.C.B., t.

XXXII, fasc. I, Bruxelles (1953), p. 125.

152. Cf. A. Allwohn, « Der religionspsychologische Aspekt des sakralen Königstunis », In The

Sacral Kingship, Studies in the History of Religions, Supplements to Numen, TV, Leide, 1959, pp. 37-47.

L’auteur distingue : 1) Fruchtbarkeitaspekt, 2) Vateraspekt, et 3) Heldenaspekt.

153. Dans le cas des Bakuba, cf. J. Vansina, Le Royaume Kuba, Tervuren, 1964, p. 110.

154. Diodore de Sicile, lib. I, chap. XIII et XXI. Cf. aussi Anna Hohenwart-Gerlachstein, « Zur

Geschwisterehe in alten Ägypten und Afrika », in Wiener Beiträge zur Kulturgeschichte und

Linguistik, IX, Vienne, 1952, pp. 234-243. Le rite est également attesté au Monomotapa au début du

XVIIe siècle, cf. João dos Santos, Ethiopia Oriental, Evora, 1609, lib. II, cap. xv (t. I, p. 222 de l’éd. de

Lisbonne, 1891 ; cf. également, pour le Buganda, J. Roscoe, The Baganda, p. 84 (une demi-sœur).

155. In Feiner, Angola, p. 473. L’auteur ajoute qu’il en est de même avec d’autres de ses sœurs. Au

Monomotapa, António Bocarro (1635) affirmait que « les neuf femmes principales du roi étaient

ses sœurs ou proches parentes », in G. M. Theal, Records of South East Africa, vol. III, p. 358.

156. Cf. Bernardo da Gallo (1701-1709), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull.

de l’Institut Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), pp. 492-493.

157. L’institution de la reine-mère est constatée à Méroë, au début de notre ère, par Walter

Hirschberg, « Kultureinfluss Meroes und Napatas auf Negerafrika », in Wiener völkerkundliche

Mitteilungen, III, n° 1, Vienne, 1955, p. 95 ; elle a persisté en Nubie, même à l’époque chrétienne,

comme en témoigne une fresque (fin Xe-début XIe siècle), cf. P. L. et M. Shinnie, « New Light on

Medieval Nubia », in Journal of African History, vol. VI, n° 3 (1965), p. 270.

158. Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo (1716), p. 135. Battell et Dapper en disent

autant pour le Loango (cf. E. G. Bavenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, p. 50, et O.

Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 535.

159. Sur l’impossibilité de voir le roi, en Afrique, avec une carte des cas attestés, cf. Sture

Lagercrantz, Contribution to the Ethnography of Africa, Lund, 1950, pp. 334-345. Déjà Strabon (mort

vers 20 ap. J.-C), parlant des « Éthiopiens » de Méroë, disait : « Tous révèrent à l’égal des dieux la

personne de leurs rois, lesquels vivent enfermés et comme invisibles au fond de leurs palais » (cf.

Strabon, Géographie, liv. XVII, chap. 2). Au Loango, Dapper (1668) dit que « Le roi ne sort point de

son palais qu’en des jours de fête solennelle ou pour quelque affaire de grande importance », cf.

O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 330. Selon Qalqashandi (mort en 1418), parlant des sultans de

Darfur et de Bornu, « Personne ne le voit [le roi] sauf pendant les deux fêtes [de l’année] le matin

et le soir. Le reste de l’année, personne ne lui parle sans qu’un écran soit interposé » (cf. A. J.

Arkell, « History of Darfur, 1200-1700 », in Sudan Notes and Records, vol. 32 (1951), p. 234. Au

Monomotapa, un auteur de 1518 environ écrit que le roi peut voir ses sujets, mais qu’eux ne

peuvent le voir. Ils s’adressent à lui par une fenêtre et entendent seulement ses paroles (cf.

Duarte Barbosa, Livra em que dá relação do que viu e ouviu no Oriente (c. 1518), éd. Augusto Reis

Machado, Lisbonne, 1946, p. 20 ; cf. aussi João dos Santos, Ethiopia Oriental, Evora, 1609, lib. I, cap.

v (Un rideau de toile sépare le roi de ses sujets). Le Kazembe, que visita Lacerda en 1798, se

montrait rarement en public, afin de » mieux préserver le respect de son peuple ». Il recevait les

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nobles assis derrière un rideau (cf. R. F. Burton, The Lands of Kazembe, Londres, 1872, pp. 42-43) ;

Le Muataianvo ne pouvait pas sortir de sa maison (cf. António Gil, Consideraçöes sobre... a moral

religiosa, dos pretos..., Lisbonne, 1854, in Boletim LIV. Etnografia e Lingua Tupi-Guarani, n° 8,

Universidade de São Paulo, Brésil, 1945, p. 29.

160. Cf. L. Jadin, « Relation sur le royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire

de 1791 à 1795 », in Bull. des Séances de l’A.R.S.C, nouv. sér., t. III, fasc. 2 (1957), pp. 328-330.

161. Ibid., loc. cit.

162. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 40 (chez les Jukin du Nigeria, le roi ne doit pas

toucher le sol de ses pieds, cf. C. K. Meek, A Sudanese Kingdom, Londres, 1931, p. 126).

163. La forme des ruines de Zimbabwe rappelle un labyrinthe, cf. J. T. Bent, The Buined Cities of

Mashonaland, Londres, 1893, pp. 122-132. Voir aussi le plan des ruines dans R. Summers et K. R.

Robinson, Zimbabwe Excavations, 1958, Occasional Papers of the National Museums of Southern

Rhodesia, vol. 3, n° 23A, Bulawayo, 1962. La comparaison du plan de Zimbabwe avec les enceintes

entourant le palais des sultans de Darfur est très significative (cf. H. G. Balfour-Paul, « Sultans

Palaces in Darfur and Wadai, in Kush, vol. II (1954), p. 6.

164. In J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 120.

165. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 123.

166. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 34.

167. Cf. au Kordofan le texte de Frobenius déjà cité ; au Darfur, cf. W. M. Brown, Travels in Africa,

Egypt and Syria from the Year 1792 to 1798, Londres, 1799, p. 306 ; au Buganda, cf. J. Roscoe, The

Baganda, p. 304 ; en Angola, cf. I. de Cerqueira, Vida Social Indigena na Colónia de Angola (Usos e

Costumes), Lisbonne, 1947, p. 57 ; au Transvaal, cf. W. Eiselen, The Sacred Fire of the Bapedi,

Johannesburg, 1927.

168. Cf. Duarte Barbosa, Livro em que dd relação do que viu e ouviu no oriente (c. 1518), éd. Augusto

Machado, Lisbonne, 1945, p. 20. Dans le sud du Mozambique, le chef Gungunyana observait

encore la coutume au XIXe siècle, avec cette seule différence : il obligeait ses vassaux à payer un

impôt pour le feu nouveau (cf. Junod, The Life of a South African Tribe, Neuchâtel, 1913, t. II, p. 33.

169. E. Pechuel-Loesch, Die Loango Expedition, t. III, Pt. II, Stuttgart, 1907, pp. 168-173, cité par J. G.

Frazer, The Native Races of Africa and Madagascar, Londres, 1938, p. 149 (Le feu était allumé par un

Jeune garçon et une Jeune fille, qui s’unissaient ensuite en public avant d’être enterrés vivants).

170. Cavazzi, lib. I, j 177.

171. Cf. Van Wing, Études Bakongo. Histoire et Sociologie, p. 146.

172. Cette coutume nous semble d’origine païenne.

173. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 125.

174. Cavazzi, lib. II, § 79.

175. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 352 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 578). Gamito écrivait du

Muata Cazembe : « La volonté et le bon plaisir du Muata sont la loi suprême ; aussi dispose-t-il à

son gré de la vie et des biens de ses vassaux, qu’il domine et gouverne comme des esclaves. Il

n’est pas question de discuter le moindre caprice, on ne peut qu’obéir aveuglément » (cf. A. C. P.

Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1854, p. 350).

176. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 137.

177. Sur ce sentiment que la « créature » avait de son état, cf. Rudolf Otto, Le Sacré, trad. franç.

Paris, 1949, p. 25.

178. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), pp. 128-129.

179. Genèse, XVIII, 27.

180. M.M.A., vol. IV, p. 406 (texte de la fin du XVIe siècle).

181. G. Simonetti, « Giacinto Brugiotti da Vetralla & la sua missione al Congo, 1651-1657 », in Boi.

Soc. Geog. Ital., série IV, vol. VIII (1907), p. 376.

182. Voir infra, chap. III.

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183. C. C. Wrigley, « The Christian Revolution in Buganda », in Comparative Studies in History and

Society, vol. II, n » 1 (1959), p. 47.

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Chapitre III. La caste dirigeante, leconseil d’État, le Corps administratifet la garde royale

1. LA CASTE DIRIGEANTE1

1 La société congolaise était constituée, d’une part, d’un petit groupe de conquérants

dominateurs d’origine étrangère (les Bakongo, arrivés avec Lukéni) et, de l’autre, d’un

groupe plus nombreux formant la masse de la population paysanne autochtone.

2 Citons encore une fois ce texte capital de Bernardo da Gallo, qui écrivait au début du XVIIIe

siècle :

3 « ... il est nécessaire de savoir qu’il y a deux peuples dans ce royaume, un arrivé comme

immigrant et l’autre vraiment du pays, celui-ci composé de soumis ou assujettis et l’autre

de dominateurs. Les dominateurs sont ceux qui vinrent [...] avec le premier roi [...] Lukéni

et ils s’appellent Essicongo [Bakongo] ou nobles congolais, habitants de la cité royale. Les

autres, les soumis, sont ceux qui se trouvent dans le pays et ceux des provinces du

royaume, lesquels s’appellent Akkata, Alumbu ou paysans et ruraux »2.

4 Cavazzi (1654-1667) établit également une distinction entre Munesi-conghi [Bakongo],

habitants des villes, et Mobati, habitants de la campagne3.

5 Bien que l’auteur de l’História do Reino do Congo assure que Lukéni avait ordonné à ses

capitaines de se marier avec les filles des autochtones, « les nobles avec les nobles et les

plébéiens avec les plébéiennes, tous portant l’ancien nom de Moxicongos »4, de nombreux

témoignages tendent à prouver que l’élite bakongo avait su rester assez fermée5 par le

maintien de liens de parenté avec la famille royale.

6 Les capitales des provinces, avec chacune un gouverneur et un noyau de population

bakongo, constituaient un quadrillage couvrant le pays et assurant la domination des

conquérants sur les premiers occupants.

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7 Comme nous l’avons vu au premier chapitre, la population autochtone se composait en

partie d’une race pygmoïde devenue aujourd’hui très rare, les Batwa, en partie d’une

population bantoue, les Ambundu.

8 Plusieurs témoins soulignent l’oppression exercée par les conquérants bakongo sur les

populations soumises. Jean François de Rome (1648) note que :

9 « ... lorsqu’un personnage noble passe par un village, ces pauvres villageois doivent lui

donner à manger à leurs frais, même quand il est accompagné de beaucoup de serviteurs.

De fait, ils lui procureraient de la nourriture, mais ses serviteurs sont si insolents qu’ils

n’attendent pas qu’on leur donne ce qu’ils demandent : avec grande brutalité ils se

répandent dans les champs ; les uns les parcourent ici, d’autres là, ils dérobent des

racines, des grains, des poules, des porcs et tout ce qui leur tombe sous la main. Ces

pauvres gens en ressentent une extrême peine et douleur, mais ils n’osent s’y opposer, car

ces larrons sont les esclaves d’un noble ; tout ce qu’ils peuvent faire c’est pleurer et

pousser des cris au ciel. Cette coutume si mauvaise cause la destruction du royaume, car

les gens, voyant leurs biens volés de cette façon, s’abstiennent de semer abondamment et

d’élever de nombreux animaux domestiques ; ils préfèrent souffrir de la pénurie que de

travailler pour les autres »6.

10 L’esclavage existait-il au Congo avant l’arrivée des Européens ? Nul témoignage ne

l’affirme explicitement7, mais celui de Du Jarric (1610) au sujet de l’Angola permet de le

penser. Du Jarric distingue chez les Noirs d’Angola deux sortes d’esclaves : les uns, les

quigicos, esclaves domestiques des gens libres et biens patrimoniaux de la murinda ou

village, les autres, les mobicas, « acquis par droit de guerre, par achat, ou d’autre façon.

Cette espèce aussi est fort ancienne parmi eux, dont même ils se servaient avant que les

Portugais allassent trafiquer en ce pays-là »8.

11 Selon Cavazzi (1654-1667), les Munesi-conghi ou Bakongo passaient leur journée à fumer du

tabac et ne se livraient à aucun travail productif, dépendant entièrement de leurs

esclaves domestiques pour tous leurs besoins9.

2. LE CONSEIL D’ÉTAT

12 Dans une lettre de 1535, D. Afonso I (1506-1543) fait allusion à son « conseil »10, formé,

d’après ce qu’il laisse entendre dans une autre lettre de 1539, de douze membres11. F.

Cappelle (1642) et Dapper (1668) diront qu’ils sont « dix ou douze »12.

13 Il s’agit, semble-t-il, d’un conseil bien plus constitutionnel que représentatif. Il joue un

rôle important dans le choix du nouveau roi au moment des successions13 ; si ses membres

sont chargés de l’exécution des ordres du roi14 (ce qui signifie qu’ils peuvent

simultanément appartenir au corps administratif), ils se réservent un droit de regard sur

ses actions, comme en témoigne F. Cappelle en 1642 :

14 « Le roi de Congo, de même que tous les autres grands chefs du pays, ne gouverne que

selon les avis d’un conseil comprenant dix ou douze Noirs, membres choisis parmi les plus

anciens de la ville de Congo, de sorte que la guerre ne peut être déclarée, des nobles

nommés ou déposés, ni des chemins ouverts ou fermés, sans le consentement de ce

conseil »15.

15 Ces maigres données sont tout ce que nous avons pu découvrir concernant le conseil

d’État.

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3. LE CORPS ADMINISTRATIF

16 Dans tous les grands États bantous, la royauté est flanquée d’un corps administratif de

fonctionnaires, portant des titres honorifiques16.

17 Ce corps administratif comprend les gouverneurs des provinces, les fonctionnaires de la

cour et des prêtres chargés du culte des ancêtres17. Puis, à des échelons inférieurs, on

trouve, sous l’autorité des gouverneurs de provinces (Mani), les chefs de village (Nkuluntu) 18 ; enfin, les neveux des « nobles » et des gouverneurs servent à la cour, comme pages19.

18 Au Congo, les gouverneurs et les fonctionnaires de la cour n’étaient pas nommés à vie : ils

dépendaient du roi, qui pouvait (théoriquement) les révoquer à tout moment20. Lors de la

conquête de Lukéni, il existait une seule exception à cette règle : le gouverneur de Mbata21

. Mais au XVIe siècle, il recevait, lui aussi, sa charge du roi22.

19 Aux XVIe et XVIIe siècles, les fonctionnaires titrés de la cour étaient : a) le Mani-lumbu (Mani

= Mwene, titre honorifique ; lumbu, enceinte, clos, demeure du chef), le majordome du roi,

« le premier personnage après le roi »23 ; b) le Vangu Vangu ou Bangu Bangu ou

Kibangubangu, qui exerçait la fonction de justicier suprême du roi24 ; c) le Mani-bembo,

receveur d’impôts25 ; d) les Mani-pampas ou Mani-bampas, trésoriers26 ; e) le Mani-ssaba,

sorte de « chef de police » (meirinho-mor en portugais) ; f) le Mani-punzo, dont on ignore les

fonctions27. Il y en avait sans doute d’autres, mais leurs noms ne nous sont pas parvenus.

20 A la fin du XIXe siècle, le missionnaire anglais Weeks mentionne le Nemfilantu (mfila-ntu)28,

sorte de premier ministre, dont le nom signifie : « celui qui se meut autour de la tête du

roi » ou « celui sur les genoux duquel le roi peut poser sa tête »29.

21 Toujours selon Weeks, le Nempangu (Mpangu) était l’émissaire du roi auprès des

gouverneurs des provinces. Pour prouver qu’il était porteur des ordres du roi, il

emportait le mpangu, ou sceptre, d’où son titre de Nempangu30. Le Nembila avait pour

fonction de convoquer les chefs devant le roi31. Quant au Nejinguzioka, c’était également

un messager32.

22 Rien ne permet de savoir si ces fonctionnaires, dont les titres sont énumérés par Weeks,

existaient déjà aux XVIe et XVIIe siècles ; en tout cas, on peut certainement admettre que

les messagers royaux sont une institution ancienne.

4. LA GARDE ROYALE

23 Pour assurer sa propre protection et l’exécution de ses décisions, le roi du Congo avait

une garde formée d’esclaves d’ethnies étrangères.

24 « Il [le roi] a une garde », dit Pigafetta (1587), « composée d’Anziques [Bateke] et

d’hommes d’autres nations, qui se tient autour de son palais »33.

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5. RÔLE POLITIQUE DE LA CASTE DIRIGEANTE, DUCONSEIL D’ÉTAT ET DU CORPS ADMINISTRATIF,ENTRE LE ROI ET LE PEUPLE

25 En conséquence de leurs rapports de dominés à dominants, un inévitable esprit de

contestation tend à opposer perpétuellement la caste dirigeante et le conseil d’État au roi,

le peuple à la caste dirigeante et au conseil d’État.

26 Si le roi a peu de personnalité, n’a guère d’envergure politique, il peut devenir

l’instrument du conseil d’État, exprimant la volonté de la caste dirigeante, qui tient alors

réellement les rênes du pouvoir. Si, par contre, le roi réussit à obtenir l’adhésion du

peuple, il peut se sentir assez fort pour passer outre à une éventuelle opposition de la

caste dirigeante et du conseil d’État. Les membres du corps administratif auront, dans ce

cas, à choisir entre le roi et le conseil d’État, et s’ils optent pour celui-ci, ils risquent d’être

chassés par celui-là qui les remplacera par des fonctionnaires recrutés ailleurs que dans le

conseil d’État ; sans même puiser dans la caste dirigeante, il peut accorder charges et

titres à de simples esclaves34.

27 Au cours du premier tiers du XVIIe siècle, l’autorité personnelle du roi s’accroît dans la

capitale, tandis que celle du conseil d’État et de la caste dirigeante va en déclinant. En

1632, l’entourage du roi Alvaro IV (1631-1636) est composé d’esclaves, car « il n’a plus

confiance dans les nobles ni dans les conseillers qui ne le sont que de nom »35.

28 Il est probable que ce fut la présence, au service du roi, d’Européens avec leurs armes à

feu qui lui permit de s’imposer de plus en plus. C’est « chose tellement importante pour

lui », déclare un témoin de 1607, « qu’on sait qu’il aurait déjà été battu, si ses ennemis

n’avaient pas une si grande crainte de ces Portugais »36.

29 A la fin du XVIIIe siècle, alors que la grandeur du royaume du Congo n’est plus qu’un

souvenir, la situation du roi est bien différente de ce qu’elle était presque deux siècles

auparavant.

30 « Son autorité », dit Raimondo da Dicomano (1795), « existe seulement dans son

imagination et dans celle de ses conseillers [...]. Le roi n’a pas le droit de sortir hors de sa

case sans le consentement de ses conseillers... »37.

31 Au milieu du XIXe siècle, la situation est sensiblement la même. En 1845, selon A. J. Castro,

les provinces sont gouvernées par les parents du roi, « et chacun gouverne son État avec

une indépendance absolue ». La seule prérogative du roi est de ratifier les condamnations

à mort38.

*

32 Dans de nombreuses sociétés africaines, à la mort du souverain, les membres du corps

administratif et un certain nombre de femmes, les siennes ou d’autres, sont enterrés avec

lui, pour l’accompagner et le servir dans l’autre monde39.

33 Dapper affirme que cette coutume existait dans le Congo pré-chrétien mais, selon lui, il

s’agissait uniquement de l’enterrement de femmes :

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34 « C’était anciennement la coutume que douze jeunes vierges s’enterrassent avec lui [le

roi] toutes vives, pour aller le servir dans l’autre monde. On se battait pour être de ce

nombre [...]. On est obligé au Christianisme de l’abolition d’une si cruelle coutume »40.

35 Abolie durant l’époque de ferveur chrétienne, aux XVIe et XVIIe siècles, la coutume

ressuscita lors de la décadence du royaume, comme en témoigne Winwood Reade au

milieu du XIXe siècle41.

36 Parlant du Congo pré-chrétien, un auteur italien du début du XVIe siècle déclare que l’on

enterre avec le roi des membres du corps administratif : « Ses ministres les plus chers

suivent le roi défunt et se donnent eux-mêmes la mort, estimant qu’ils font cela par

amour pour lui et pour continuer à le servir »42. Bien que le fait soit vraisemblable, la

valeur de ce texte n’en est pas moins fragile, car il ressemble trop étroitement par le style

au texte de Diodore déjà cité ; compte tenu du climat intellectuel de l’époque, il n’est pas

impossible qu’il ait été simplement emprunté à l’auteur grec.

37 On notera que, dans certains cas, ceux qui accompagnent le roi le font de leur plein gré,

alors que dans d’autres on les contraint à le suivre. Dans les premiers, il semble que la

position religieuse du roi soit prépondérante, dans les seconds c’est le despotisme

(représenté par le successeur du roi défunt) qui domine.

NOTES

1. Nous croyons qu’il est licite d’employer le terme « caste », d’après la définition qu’en donne

Max Weber (cf. H. H. Gerth et C. Wright Mills, From Max Weber, New York, 1958, pp. 188-190 et

396-415).

2. Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst.

Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 481.

3. Cavazzi, lib. I, § 159. Cavazzi donne au mot une forme plurielle italienne. Ce sont les Mobatta,

dont parle Jérôme de Montesarchio (1650) : « gli Mobatta che é la gente della terre » (cf. O. de

Bouveignes et J. Cuvelier, Jérôme de Montesarchio, Namur, 1951, p. 81). Mobatta est de toute

évidence un mot singulier, le pluriel serait-il Akkata ?

4. H.R.C., in Felner, Angola, p. 377 (texte de c. 1655).

5. Cf. Felner, Angola, pp. 473-476 (texte de 1619) ; P.M., pp. 174-179 (texte de 1624) ; P.M., pp.

350-355 (texte de 1710) ; M.M.A., vol. X, pp. 124 et 484 (texte de 1650) ; O. de Bouveignes et J.

Cuvelier, Jérôme de Montesarchio, Namur, 1951 ; A. J. Castro, « Roteiro da Viagem ao Congo »

(1845), in Bol. Soc. Geog. Lisboa, 2e sér., n° 2 (1880), p. 66 (les provinces sont gouvernées par les

parents du roi).

6. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 116. Le pape Alexandre VII écrivit au roi D.

Garcia II (1641-1661) pour l’exhorter à mettre fin « aux vexations et oppressions de la noblesse

envers les pauvres et les humbles », cf. P.M., p. 238. Naturellement, rien n’y fit.

7. J. Cuvelier et L. Jadin (L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 65) affirment, sans en

donner la référence, que des esclaves furent offerts par le roi D. João I aux Portugais lors de leurs

premières visites. Nous ne connaissons personnellement aucun texte faisant allusion à un tel

geste.

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8. Du Jarric, De l’Histoire des choses les plus mémorables... (seconde partie), Bordeaux, 1610, vol. II, p.

79, et M.M.A., vol. III, p. 228 ; aussi Cavazzi, lib. I, $ 330.

9. Cavazzi, lib. I, § 159.

10. M.M.A., vol. II, p. 39 (« meu cõselho »).

11. Ibid., p. 73 (« Dom Manuel... dos doze da nosa corte »).

12. F. Cappelle, in L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull. de

l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 228, et O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, pp. 576

et 582.

13. Dapper, op. cit., p. 582.

14. Ibid., op. cit., p. 576.

15. F. Cappelle, in L. Jadin, art. cit., loc. cit. L’Unde, chef des Maravi se trouvait entouré d’un conseil

analogue (cf. A. C. P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1854, p. 53).

16. On le constate chez les Bakuba (cf. J. Vansina, Le Royaume Kuba, Tervuren, 1964, pp. 122-134) ;

en Angola (1680), cf. A. de Oliveira de Cadornega, História Geral das Guerras Ango-lanas (1680). t. I,

pp. 28-29) ; au Buganda, (cf. J. Roscoe, The Baganda, chap. VIII, pp 232-270) et au Monomotapa (cf.

A. Bocarro (1635), in G. M. Theal, Records of South Eastern Africa, vol. III, pp. 260-268).

17. Le rôle social des prêtres au Congo est inconnu ; rien ne permet de savoir quels furent leurs

rapports avec le pouvoir. Lors de la christianisation, les rois rompirent, en principe, avec le

religieux païen. Si, comme c’est probable, ils ont continué par la suite à observer les anciennes

pratiques, nul écho ne nous en est parvenu dans les écrits des missionnaires, à qui, d’ailleurs, on

aurait essayé de le cacher. Chez les Bakuba, le conseil – bangwoom incyaam – semble constituer

une sorte de clergé officiel (cf. J. Vansina, Le Royaume Kuba, Tervuren, 1964, p. 99). Dans l’Angola

moderne, le Nganga ou devin intervient dans les assemblées des anciens de la tribu pour trancher

les différends en invoquant les esprits des ancêtres, mais on ignore la nature exacte de son rôle

(cf. I, de Cerqueira, Vida Social Indigena na Colónia de Angola, Lisbonne, 1946, p. 11). Le rôle politico-

religieux du Swikiro, ou médium-prêtre, chez les Shona de Rhodésie est plus clairement connu (cf.

G. K. Garbett, « Religious Aspects of Politicai Succession among the valley Korekore, (N. Shona) »,

in E. Stokes and R. Brown, The Zambesian Past, Manchester University Press, 1965, pp. 137-170).

18. Les Nkuluntu sont mentionnés par Cavazzi, lib. IV, § 3 (« Colunti ò gouvernatori deUe

Libatte... ») ; par Dionigi de Carli da Piacenza et Michel Angelo de Guattini da Reggio, Viaggio... nel

regno del Congo (1666-1667), p. 111, (« ... il Sig. di quella Libatta, che in loro lingua chiamano

Macolonto... ») ; et par Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo (1716), p. 73 (« ... En la

cuidades y villas tienen sus gobernadores, a quien llaman Coluntos, estos corren con los negocios

civiles y criminales... »). Le nkuluntu correspondrait au Kubol chez les Bakuba (cf. J. Vansina, Le

Royaume Kuba, Tervuren, 1964, pp. 87-90).

19. On les envoyait apprendre l’étiquette de la cour ; ils étaient directement au service du roi et

portaient des messages. Leurs oncles versaient une pension au roi pendant la durée de leur séjour

à la cour (cf. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 41). Nul témoignage ne signale cette

pratique au Congo aux XVIe et XVIIe siècles, mais on sait qu’elle est ancienne et très répandue en

Afrique. On la constate au Buganda (cf. J. Roscoe, The Baganda, p. 205) et au Monomotapa au XVIIe

siècle (cf. A. Bocarro (1635), in G. M. Theal, Records of South East Africa, vol. III, p. 267).

20. H.R.C., (c. 1655), in Felner, Angola, p. 377. H en est de même au Ruanda, cf. M. de Hertefelt, et

al., Les Anciens Royaumes de la zone interlacustre méridionale, Ruanda, Burundi, Buha, Tervuren, 1962,

p. 63.

21. Cavazzi, lib. II, § 88.

22. P.M., p. 51 (lettre de D. Alonso I, de 1525).

23. M.M.A., vol. VII, p. 382 (texte de 1625). Selon Weeks (1892), il ne devait jamais quitter

l’enceinte royale (cf. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 42).

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24. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, pp. 131 et 134 (texte de la

fin du XVIe siècle). Ses fonctions correspondent à celles du « Président du Conseil Royal en

Espagne ».

25. Id., p. 526, note 3. A la fin du XIXe siècle, il s’appelle Mfutila (cf. J. H. Weeks, op. cit., p. 43),

26. M.M.A., vol. V, pp. 115 et 284 (textes de 1604 et de 1607).

27. M.M.A., vol. I, p. 440 (texte de 1526).

28. Cf. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 306.

29. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 43.

30. Id., p. 42.

31. Id., loc. cit.

32. Id., loc. cit.

33. Pigafetta, lib. II, cap. vii. Le roi de Quiteve (marche du Monomotapa) avait une garde de 200 à

300 hommes, appelée infices (cf. João dos Santos, Ethiopia Oriental, Evora, 1609 ; lib. I, cap. X, (t. I, p.

72 de l’éd. de Lisbonne, de 1891). Le roi du Dahomey avait une garde personnelle de 80 femmes

(les célèbres Amazones), cf. Clado Ribeiro de Lessa, Viagem de Africa em o Reino de Dahomé escrita

pelo Padre Vicente Ferreira Pires, no ano 1800, Biblioteca Pedagógica Brasileira, vol. 287, São Paulo,

1957, p. 74.

34. La tendance des rois à choisir des esclaves pour exécutants de leurs volontés est

fréquemment attestée en Afrique. La notant au sujet de l’Angola, Cadornega (1680) remarque

que, du fait de sa condition d’esclave, l’élu n’avait pas de vassaux (entendons ici « clients »), avec

qui il pourrai ! conspirer contre le roi (cf. A. de Oliveira de Cadornega, História Geral das Guerras

Angolanas, t. III, p. 253). Le premier roi de Cazembe (marche orientale de l’empire Lunda) était

« un fils d’esclave » du Mutaianvo, le roi des Lundas. Il avait été nommé par celui-ci intendant des

salines dans une région de l’empire, avant de revendiquer son indépendance (cf. Pedro João

Baptista, « Lembrança da partida do Muata Yanvo para terra do Cazembe Caquinhata, [1810], in

Annaes Maritimos e Coloniaes (1843), p. 437.

35. Cf. O Gouerno de Fernão de Sousa, cod. 51-VIII-30 fis. 25 à 27 (v) (doc. de 1631). Ms. de la

Bibliothèque d’Ajuda, Lisbonne, cité par Maria Adélia Victor de Mendonça, O Governo de Fernão de

Sousa em Angola, 1624-1630, thèse dactylographiée, Coïmbre, 1963, p. 327. Nous sommes

reconnaissant à Monsieur Alfredo Margarido de nous avoir permis de consulter l’exemplaire en

sa possession.

36. M.M.A., vol. V, p. 386, « Relação da Costa da Guiné » (1607).

37. Cf. L. Jadin, « Relation sur le royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano (1791-1795) »,

in Bulletin des Séances de l’A.R.S.C, nouv. sér., vol. III, n° 2 (1957), p. 328.

38. A. J. Castro, « Roteiro da Viagem ao Reino do Congo em Junho 1845 », in Bol. Soc. Geog. de

Lisbonne, 2e sér., n° 2 (1880), p. 66.

39. A Méroë, selon Diodore de Sicile (c. 60 av. J.-C), « ... il est d’usage qu’à la mort du roi tous ses

amis se laissent mourir volontairement ; ils croient par là donner des témoignages glorieux de

leur affection sincère ». (Cf. Diodore de Sicile, liv. III, chap. vu). L’archéologie confirme Diodore :

pendant le « Middle Kingdom » (2150-1770 av. J.-C), les rois de Cush étaient accompagnés dans la

mort par des centaines de serviteurs, enterrés avec eux (cf. G. A. Reisner, in Harvard African

Studies, vol. V (1923), pp. 67 et sq. Au Quiteve (1609), chez les Jagas de Cassange (1659), au Janjero

(1615) au sud de l’Éthiopie et au Buganda (fin du XIXe siècle), les serviteurs destinés à servir le roi

défunt dans son autre vie ne se suicidaient pas, ils étaient mis à mort par le successeur (cf. João

dos Santos, Ethiopia Oriental, Evora, 1609, lib. I, cap. vu, t. I, p. 60 de l’éd. de Lisbonne, 1891 ;

Cavazzi, lib. VII, § 42 ; G. W. B. Huntingford, Some Records of Ethiopia, Hakluyt Society, Londres,

1954, p. 160 ; J. Roscoe, The Baganda, p. 106). Sur la même coutume chez d’autres peuples en

Afrique, cf. P. Hadfield, Traits of Divine Kingship in Africa, chap. VI, et chez les Bantous du sud-est,

Olof Petterson, Chiefs and Gods, Lund, 1953, pp. 301-303.

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40. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 353 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 580). La même coutume

est attestée chez les Bateke au XVIIe siècle (cf. M.M.A., vol. IV, p. 369).

41. Winwood Reade, Savage Africa, Londres, 1864, p. 358 (enterrement de femmes).

42. Raffaello Maffei da Volterra, Commentariorum Urbanorum, libri XXXVIII, Rome, 1506, f° 138 (r°).

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Chapitre IV. L’économie

1. LES PLANTES ALIMENTAIRES

1 Longtemps avant l’arrivée de Lukéni, les habitants du Congo connaissaient déjà

l’agriculture, mais rien ne nous permet de déterminer à partir de quelle époque.

2 Quand vinrent les Européens, les Congolais cultivaient trois sortes de céréales : le

Massambala ou sorgho, le Massango ou millet à chandelle (pennisetum) et le Luco, (eleusine

coracana) 1.

3 Mais, selon un texte de la fin du XVIe siècle, « leur nourriture quotidienne était l’igname »2

.

4 Ils cultivaient aussi des bananes, dont deux espèces sont mentionnées par les auteurs

anciens, le maiongio3, ou mankonda4, ou dihonjo5, la banane plantain (musa paradisiaca), et le

niceffo, la banane telle qu’elle est connue en Europe aujourd’hui (musa sapientum) 6. Toutes

deux ont été introduites à travers le continent, depuis l’océan Indien, à une époque

inconnue7.

5 Des légumineuses8, la canne à sucre9, les palmiers donnant de l’huile et le vin appelé

malafo10, le safutier11 et de nombreuses espèces de cucurbi-tacées figuraient également au

régime alimentaire congolais.

2. LES ANIMAUX DOMESTIQUES

6 On sait que les Congolais possédaient des animaux domestiques : le chien12, le bœuf, le

mouton, la chèvre13 et la poule14 ; mais on ignore à partir de quelle époque. Au XVIe siècle,

ils avaient « une multitude innombrable » de bœufs et de moutons15. Seuls le roi et les

« nobles » avaient droit au gros bétail16. D’ailleurs, les bovins ne prospéraient pas au

Loango ; ceux qui étaient introduits au Congo par les Portugais mouraient17, sans doute à

cause de la mouche tsé-tsé. Par contre, il y avait des chèvres et « une abondance de

poules ». Au Mayombe, même les poules manquaient18. H. H. Johnstone et A. Barroso

soutiennent que le cochon19 existait en Afrique bantoue avant l’arrivée des Européens20.

7 Les Congolais ignoraient la traction animale. Leurs moutons ne donnaient pas de laine21.

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3. L’AGRICULTURE

8 Tous les travaux agricoles étaient effectués par les femmes. Selon Cavazzi, « les hommes

refusent absolument d’y prêter la main »22. Cela est vrai pour les semailles, mais c’étaient

tout de même des hommes (des gens du commun et non pas de la caste dirigeante) qui

préparaient le sol, abattant et brûlant les arbres et la végétation23. La charrue était

inconnue, ainsi que les principes de l’irrigation et de la fumure24.

9 Pour travailler les champs, on se servait de la houe. « Ils grattent un peu la terre, assez

pour recouvrir la semence. Moyennant cette légère fatigue, ils font des récoltes

abondantes à condition que les pluies ne fassent pas défaut. Si le temps reste au sec, tout

se dessèche et les gens sont réduits à une grande pénurie de vivres, car ils n’amassent pas

de réserves pour l’avenir et ne sèment que le nécessaire »25. Parfois, une invasion de

sauterelles anéantissait tout espoir de récolte26.

10 Si la terre donnait deux récoltes par an (sauf pour le sorgho et le millet, une fois l’an) 27, le

bas peuple était obligé de se nourrir en partie de la cueillette, surtout juste avant la

récolte de l’année28.

11 Malgré leurs « excellentes terres », écrit un témoin en 1619, souvent les Congolais

« mouraient de faim parce que trop indolents pour les cultiver »29. Ils ne conservaient

jamais la récolte d’une année à l’autre30.

4. LE TRAITEMENT DES PRODUITS ALIMENTAIRES.LA CUISINE

12 Pour transformer leurs céréales en farine, les Congolais se servaient de mortiers en bois.

Après avoir pilonné le grain dans le mortier, ils l’écrasent sur des pierres creuses jusqu’à

le « réduire presque en farine »31. Pour préparer leur nourriture, « ils mettent une

marmite d’eau sur le feu, et tandis que l’eau bout, ils y versent de la farine qu’ils

retournent continuellement avec un bâtonnet ; ils en mettent jusqu’à ce que l’eau soit

absorbée ; il en résulte une sorte de masse pâteuse, ou disons une sorte de polenta. On

l’extrait de la marmite et on la laisse quelque temps couverte d’étoffes pour qu’elle

durcisse un peu [...]. Elle ne se conserve pas plus de trois jours, car après elle se corrompt,

devient aigre et n’est plus bonne à être mangée. Cette sorte de pain, ils l’appellent dans

leur langue mfundi »32.

13 On ignore dans quelle mesure les Congolais consommaient de la viande, mais ce devait

être très peu.

14 Par ailleurs, on sait que les Africains tentaient de palier la monotonie de leur régime

alimentaire par la consommation de légumes verts33. Dapper (1668) parle de l’usage « des

herbes potagères insansi, imboa et insua » au Loango34.

5. LA PROPRIÉTÉ

15 La terre congolaise appartenait au roi, ou plutôt au royaume ; on la considérait comme

inaliénable, même par le roi. A la mort d’un Congolais, ses biens immobiliers (maisons et

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terres) revenaient au roi ou aux chefs qui en disposaient à leur gré35. Cette règle excluait

toute possibilité d’accumulation de capital par une famille à travers les générations.

16 Un testateur pouvait certes léguer ses biens meubles à un héritier, qui jouirait de

l’usufruit, mais seulement avec l’assentiment du roi ou du chef36. Cavazzi évoque un

testament qu’il a rédigé pour un Congolais : celui-ci léguait à ses deux fils deux pagnes,

une petite houe et quelques calebasses et pots ; à sa femme un seul pagne et un petit pot37.

Une pratique interdisait, selon Cavazzi, à un seul individu de posséder plus de vingt

chèvres, cochons ou moutons, et jamais plus d’une seule espèce à la fois ; s’il dépassait ce

nombre, « il serait tué par envie »38.

17 Giacinto Brugiotti da Vetralla, qui corrobore Cavazzi sur ce point, affirme que ces

coutumes expliquent pourquoi les Congolais ne cherchaient pas à accumuler des richesses39. « La politique du roi », écrit-il ailleurs, « tend à les maintenir dans la pauvreté »40. Si

l’on en croit George M. Forster, cette attitude des Congolais serait typique de toute société

paysanne, où beaucoup d’observateurs constatent une « mentalité de méfiance

réciproque » (mentality of mutual distrust). A la différence de la nôtre, de telles sociétés

restent attachées à la croyance que la somme des biens, dans l’univers, est immuable et

qu’un individu ne peut s’enrichir qu’aux dépens de quelqu’un. Leur vision du monde

semble fondée sur la notion de la rareté et non de l’infinité des biens que peut offrir la

vie. Une personne ordinaire enrichie constitue une menace pour la communauté, d’où la

mise en œuvre de mécanismes sociaux pour empêcher d’éventuels déséquilibres41.

18 Il y a certes des différences, des riches et des pauvres, mais c’est le pouvoir qui en décide.

Ces inégalités entrent donc dans le cadre de la hiérarchie sociale et soulignent la

gradation : menu peuple, grands du royaume, roi, ancêtres, héros-fondateur. Comme

toute société traditionnelle, la société congolaise avait horreur du self-made man42.

6. LES COMMUNICATIONS

19 Les Congolais n’ayant ni bêtes de somme, ni véhicules, il n’y avait pas de routes, à

proprement parler, au Congo. Les sentiers (« pas plus larges que le quart d’une canne »43 –

c’est-à-dire entre 50 et 60 cm) étaient vite envahis par les broussailles. Lors du passage

d’un personnage important, les chefs donnaient l’ordre de nettoyer et de dégager les

chemins44.

20 Il n’y avait pas non plus de vrais ponts. Il arrivait toutefois aux Congolais de tendre, d’une

rive à l’autre d’un fleuve, des cordages faits de branches et de racines d’arbres

entrelacées : ils traversaient à la nage, le corps à demi immergé, en s’y accrochant45.

21 Sur les fleuves, les Congolais se servaient de pirogues (lungu) pouvant transporter selon

Pigafetta jusqu’à 200 personnes46. Quant à la mer, il ne semble pas qu’ils se soient

aventurés plus loin que le trajet de Mombales à Kakongo, c’est-à-dire, pratiquement, d’un

côté de l’embouchure du Congo à l’autre47.

7. LE COMMERCE

22 Il se divisait en deux types : les marchés locaux et les échanges à longue distance. On est

en droit de penser que les Congolais les pratiquaient tous deux avant l’arrivée des

Européens48.

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23 Dès 1582-1583, un témoin en Angola rapportait : « Outre les marchés particuliers que

chaque chef organise sur ses terres, il y en a d’autres, généraux, à certaines époques, où

l’on vient de partout »49.

24 Bien plus tard, en 1747, Hyacinthe de Bologne écrivait : « Parmi toute population un peu

dense, on rencontre, comme en Europe, la coutume et l’usage des marchés »50. Les

échanges s’y faisaient sans que les « prix » varient. « ... Et jamais, dit le même auteur, ne

naissent ou encore moins ne s’étendent entre eux [les Noirs] des contestations, car le prix

ou le troc de chaque chose est tellement bien déterminé et entendu, que jamais ne se

produit ou ne se découvre une tromperie ou une fraude. Chose qui doit faire rougir les

chrétiens »51.

25 Le roi de Loango, selon Proyart (1776), « fixe le prix des denrées »52. « Jamais [dans les

marchés] on n’y marchande »53.

26 Ainsi, sur de longues périodes, les prix des objets de production et de consommation

locales ne variaient pas, ou à peine. Le libre jeu du marché est inconnu dans l’Afrique

traditionnelle. Grâce à deux documents de la seconde moitié du XVIe siècle et un du début

du xxe, nous pouvons nous faire une idée des rapports de valeur entre différents objets

échangés sur les marchés.

27 Selon un document de 1563 :

1 « pierre » de sel = 3 chapons3 « pierres » de sel = 1 chèvre ou 1 mouton14 ou 15 « pierres » de sel = 1 bœuf ou 1 vache54.

28 Selon un document de 1582-1583 :

2 poules = 1 chapon2 chapons = 1 « pierre » de sel2 « pierres » de sel = 1 mouton5 moutons = 1 esclave ou 1 bœuf55.

29 Au début du XXe siècle, chez les Ba-Huana, qui habitent les bords du Kwilu, les

équivalences sont les suivantes :

20 mitako (barre de cuivre de 16,5 cmde long et 3 mm de diamètre) = 1 poule100 mitako = 1 « sel » (1 à 1,5 kg)2 « sels » = 1 bouc4 « sels » = 1 grande chèvre10 à 20 « sels » = 1 esclave (femme)20 « sels » = 1 esclave (homme)56

30 Il est évident, d’après ces exemples, que les « prix » sont demeurés relativement stables

pendant quatre siècles, cela parce que les conditions de l’offre et de la demande sur le

marché n’avaient pas d’influence sur la production57. Même si le milieu écologique l’avait

permis (le stockage de produits agricoles d’une saison à l’autre était inconnu), un individu

plus entreprenant et songeant à faire jouer à son profit d’éventuels décalages entre l’offre

et la demande eût été honni de tous. « L’avancement et la bonne fortune d’autrui », dit

Cavazzi, « les piquent à vif ; ils éclatent en mille méchancetés, recourent aux insultes et

persécutions, inventent des impostures, des calomnies, des violences et des perfidies pour

s’opposer aux desseins d’un rival et pour les faire échouer, jusqu’à ce que celui-ci tombe

en disgrâce auprès du roi ou des autorités, et qu’ils aient la certitude qu’il ne relèvera plus

la tête »58.

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31 Plus de deux siècles plus tard, il en était encore ainsi au Congo. Andrade Corvo observait à

propos des Congolais, en 1883, que « si un noir, par son habileté ou son activité

commerciale, amassait une petite fortune supérieure à la moyenne des autres, il était

aussitôt accusé de sorcellerie et ses biens répartis entre tous »59. Ces sanctions sévères,

prises contre « l’esprit d’entreprise » sont peut-être en fait la preuve même de

l’apparition de ce phénomène au contact des Européens. Nous verrons dans un autre

chapitre comment la découverte du commerce à l’européenne transformera en véritables

crises, au début du XVIe siècle, ces tensions remarquées par Cavazzi et Andrade Corvo.

32 Le commerce à longue distance était contrôlé soit par le roi, soit par les gouverneurs des

provinces. Le degré de monopole dont pouvait jouir le roi dépendait de son autorité sur

les provinces ; il varie à travers l’histoire du royaume. Il s’agit, dans ce cas, d’échanges

entre des régions d’écologie différente, n’ayant pas les mêmes produits. Ainsi le sel,

provenant des salines et des mines de sel de la côte, transite vers l’intérieur60. Des régions

de la forêt dense dans l’intérieur, notamment autour de Stanley Pool, des nattes de raphia

partent vers la côte61. Un témoin de 1563 note que l’Angola étant plus riche que le Congo

en gros bétail, on en exportait vers le nord en échange de marchandises portugaises62. Il

est probable, mais non certain, que ce commerce de bovins existait avant la période

européenne. Il est en tout cas impossible de savoir comment il était organisé, les

Européens en ayant modifié les structures dès les premières années.

33 Un certain type de coquillage, appelé zimbu (olivancillaria nana)63 pêché dans l’île de

Luanda par les Congolais64, était acheminé par terre vers la capitale de São Salvador65 où,

selon Duarte Pacheco Pereira (c. 1508), ils avaient cours de monnaie66. En 1491, lors de la

première visite des Portugais dans la capitale, le roi leur offrit « plusieurs milliers de

zimbu », mais rien ne prouve explicitement qu’à cette époque le zimbu y servait à acheter

des vivres, car il offrit également des moutons, du sorgho, des poules, du miel, du vin de

palme et des fruits67. Il se peut qu’à l’époque pré-européenne, le zimbu n’ait servi, dans

l’intérieur, que pour le commerce à longue distance.

34 Aux XVIe et XVIIe siècles, la présence de coquillages marins est attestée jusque chez les

Bateke68.

35 On ignore si l’encaissement, le contrôle et la distribution de cette monnaie étaient

organisés de manière systématique. On peut en douter. Duarte Pacheco Pereira (c. 1508)

écrivait que « ... lorsque le Mani-Congo [le roi du Congo] veut faire une grâce à certains de

ses gentilshommes [fidalgos], ou récompenser d’un service qu’on lui a rendu, il ordonne de

leur donner un certain nombre de zimbu... » 69. L’importance de ces dons devait dépendre

de l’humeur du roi, plutôt que répondre à une tarification fixe.

36 D’autre part, on peut se demander comment le pouvoir, établi à São Salvador, parvenait à

contrôler à distance la production de zimbu à Luanda. Pourtant, ce contrôle semble avoir

été efficace, et s’être maintenu même après l’installation des Portugais à Luanda en 1575.

Domingos de Abreu de Brito écrivait en 1591 que l’île de Luanda se trouvait sous l’autorité

de trois gouverneurs : le Mani-Loanda, le Mani-Bamba et le Mani-Poso, assistés d’un Noir

lettré70. « Les dits gouverneurs et agents ont reçu ordre du roi du Congo [...] de s’abstenir

le plus possible de toute forme de communication avec les Portugais, ou avec leurs

esclaves, afin de maintenir ceci [la production du zimbu] sous le couvert du secret, et de

parer au danger qu’ils [les Portugais] en prennent connaissance »71.

37 En dehors de la capitale, le zimbu n’a cours que dans les provinces du Soyo, du Mpemba,

de Mbamba, de Oembo, et de Oandu. Plus à l’est dans les provinces de Mbata, Mpangu,

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Nsundi, Ocanga, ainsi que dans les régions de Sanga et Mazinga, ce sont les nattes de

raphia qui servent de monnaie72. Le Congo ne possédait donc pas une monnaie unique.

8. L’ARTISANAT

38 Existait-il, chez les Bakongo des artisans vivant uniquement de leur métier73 ? Il semble

bien que non. Les métiers de forgeron et de tisserand (des nattes de raphia) étaient

exercés par la noblesse : les Munesi-Conghi (Bakongo), classe privilégiée, servie par ailleurs

par des esclaves74. Selon Cavazzi, les Munesi-Conghi n’avaient un métier que pour meubler

leur oisiveté75. C’est sans doute aller un peu loin. Il est certain, cependant, que si les

Munesi-Conghi n’avaient pas besoin d’assurer leur subsistance par leur travail, celui-ci

pouvait néanmoins garantir leur prestige et affermir leur position sociale, objectif

éminemment souhaitable. Ce qu’il importe de souligner, c’est que le statut social

privilégié est bien la condition, et non pas la conséquence de l’exercice d’un métier.

NOTES

1. Pigafetta (1587), lib. II, cap. i ; voir aussi História do Reino do Congo (c. 1655), ms. anon. n° 8080 de

la Bibliothèque Nationale de Lisbonne, cap. 12, f° 13 (r°). (Le passage relatif aux plantes

alimentaires n’est pas reproduit parmi les extraits de ce manuscrit publiés par Felner, Angola, pp.

375-379) ; voir également Gavazzi, lib. I, § 51. L’auteur de l’História do Reino do Congo établit une

distinction entre Massambala et Massamantira, le premier étant de couleur blanche et le second

rouge. Cavazzi affirme que Massamanlira est le nom Kimbundu pour Massambala. Le mot

Massamantira ne figure pas dans la liste des céréales africaines que donne R. Portères : « Les

appellations des céréales en Afrique », in Journal d’Agriculture tropicale et de Botanique appliquée,

Paris, vol. V (1958), nos 1 à 11 et vol. VI (1959), n° s 1 à 7 ; ni dans celle de John Gossweiller,

« Nomes Indígenas de Plantas de Angola », in Agronomia Angolana, Luanda, n° 7 (1953) pp. 1-587.

2. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 117.

3. Cavazzi, lib. I, § 73.

4. W. H Bentley, Pioneering on the Congo, vol. I, p. 121.

5. J. Gossweiller, art. cit., p. 471.

6. Pigafetta, lib. II, cap. I ; Jean François de Rome, Brève Relation (1648), (pp. 18 et 94 de l’éd. de

François Bontinck). Cavazzi, lib. I, g 83, et John Gossweiller, art. cit., p. 471.

7. Cf. D. N. McMaster, « Speculations on the coming of the banana to Uganda », in Uganda Journal,

vol. 27, n° 2 (1963), p. 175.

8. Cf. Jean François de Rome, Brève Relation (1648) ; pp. 95-96, et Cavazzi (1654-1667) ; lib. I, § 51. Il

s’agit du pois souterrain (Voanzeia subterranea), le pois d’Angola (Cajanus indica), le Wandu, dit pois

du Congo (Cajanus cajan).

9. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 117 (texte de la fin du XVI

e siècle). Il semble prouvé que cette plante ne fut pas introduite par les Européens, du fait que sa

présence est attestée 23 lieues au sud du cap Lopez, vers 1508, par Duarte Pacheco Pereira (cf. id.,

Esmeraldo de Situ Orbis, éd. Acad. Port. de Hist., Lisbonne, 1954, p. 163.

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10. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 91, et Cavazzi (1654-1677), lib. I, § 66, 69 et 70.

Il s’agit de elaeis guineensis, raphia vinifera, raphia gentili et raphia laurentii. Homero de Liz Abreu

Velho et Joaquim Lopes Xabregas ont publié une carte de la distribution de elaeis guineensis en

Angola dans Agronomia Angolana, n° 3 (1950), p. 134.

11. Cf. K. Laman, The Kongo, t. I, p. 50. Aucun témoignage ancien n’en parle.

12. Aucune source ancienne ne parle du chien, mais comme il s’agit du plus commun des

animaux domesUques, que même les Hottentots et les Bochimans en possédaient, il y a tout lieu

de supposer que les Congolais l’avaient aussi. Sur les animaux domestiques en Afrique, voir G. R.

Boettger, Die Haustiere Afrikas, léna, 1958, et H. Kroll, « Die Haustiere der Bantu », in Zeitschrift für

Ethnologie, t. 60 (1928), pp. 177-290.

13. Cf. História do Reino do Congo (c. 1655), ms. déjà cité.

14. M.M.A., vol. VI, p. 378 (texte de 1619).

15. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 117 (texte de 1595).

16. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 98.

17. Andrew BatteU (c. 1610), in E. G. Ravenstein, The Strange Adventures.... p. 63.

18. Id., in op. cit., p. 53.

19. Mentionné dans un texte de 1595 (cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives

romaines, p. 198).

20. H H. Johnstone, « On the races of the Congo and the Portuguese Colonies in Western Africa »,

in Journal of the Anthropological Institute, vol. 13 (1883), p. 475 ; António Barroso, « O Congo, seu

passado, presente e futuro » (1889), in A. Brásio, D. António Barroso, Missionário, Cientista, Missiólogo,

p. 114.

21. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 198.

22. Cavazzi, lib. I, § 52.

23. Ibid., lib. I, § 159.

24. La fumure et l’irrigation étaient toujours inconnues en 1918 (cf. José de Oliveira Ferreira

Diniz, Populações Indigenas de Angola, Coimbre, 1918, p. 73.

25. Jean François de Rome, Brève Relation (1648, p. 89).

26. Cavazzi, lib. I, § 52.

27. História do Reino do Congo (c. 1655), ms. cité, f ° 13 (r°), et Cavazzi, lib. I, § 51 ; cf. aussi Juan

Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo (1716), p. 67.

28. Cavazzi, lib. I, § 52 et § 287.

29. M.M.A., vol. VI, p. 378.

30. Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo (1716), p. 67. Les peuples de la vallée du

Zambèze par contre, ne voyaient jamais le fond de leurs greniers (quitûras) ; une récolte ne

s’épuisant pas avant ia suivante (cf. António Gomes, « Viagem que fez... » (1648), in Studia, n° 3

(1959), p. 220).

31. Cavazzi, lib. I, § 285.

32. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), pp. 89-90.

33. R. Howman, « The Native Labourer and his food », in NADA, Salisbury (Rhodésie), n° 19 (1942),

pp. 3-24.

34. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 522.

35. Giuseppe Simonetti, « Giacinto Brugiotti da Vetralla e la sua Missione al Congo (1651-1657) »,

in Boll. Soc. Geog. Ital., vol. VIII (1907), n » 5, p. 374. Un texte de 1619 précise que les rois sont « les

héritiers universels de tous leurs vassaux ». Mais ils redistribuaient généreusement les biens des

défunts à qui les sollicitait (cf. M.M.A., vol. VI, p. 382).

36. Giuseppe Simonetti, art. cit., loc. cit.

37. Cavazzi, lib. I, § 327. Écrivant au début du XIXe siècle, José Oliveira de Ferreira Diniz affirme

que l’usage de testaments est inconnu au Congo (cf. id., Populações Indígenas de Angola, Coïmbre,

1918, p. 88.

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38. Ibid., lib. I, § 327. Cette règle ne s’appliquait pas au roi, ni à sa famille ou aux gouverneurs des

provinces.

39. Giuseppe Simonetti, art. cit., loc. cit.

40. Cité par J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 204, note.

41. George M. Forster, « Peasant Society and the Image of the Limited Good », in American

Anthropologist, vol. 67, n » 2 (1965), pp. 293-315.

42. Nous verrons plus loin comment le commerce de biens européens échangés contre des

esclaves va modifier cette situation, au grand préjudice de l’équilibre social.

43. M.M.A., vol. IV, p. 410 (texte de 1584). Au Buganda, les routes principales avaient 60 mètres de

large, les autres 8 mètres seulement, cf. J. Roscoe, The Baganda, p. 259.

44. Ibid., loc. cit. ; Pigafetta, lib. II, cap. ii, et Cavazzi, lib. V, § 28.

45. Cavazzi, lib. I, § 308.

46. Pigafetta, lib. I, cap. IV.

47. Andrew Battell (c. 1610), in E. G. Ravenstein, The Strange Adventures..., p. 42.

48. Le commerce à longue distance existe en Afrique Centrale depuis le XIIe siècle au moins. Cf. J.

Hiernaux, « Des fouilles à Katoto » (Katanga), in Actes du VIe Congrès panafricain de Préhistoire et de

l’Étude du Quaternaire, Dakar, 1967 (sous presse).

49. M.M.A., vol. III, p. 227.

50. La Pratique Missionnaire, pp. 138-139. 10. Ibid., p. 139.

51. Ibid., p. 139.

52. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres Royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 139.

53. Id., p. 160. Un témoin de 1594 affirme bien qu’en Angola « ... les Noirs aiment beaucoup les

marchés (feiras) et aucune nation ne rivalisera avec eux pour acheter bon marché et vendre

cher ». Mais il s’agit ici de commerce avec les Européens, et non entre Noirs (cf. M.M.A., vol. IV, p.

560.

54. M.M.A., vol. II, p. 511.

55. M.M.A., vol. III, p. 227. Au Loango, en 1776, la valeur d’un esclave varie entre 5 et 6 moutons

(cf. J. Cuvelier, Documents sur une Mission française au Kakongo, 1766-1776, p. 27 ; cf. aussi D.

Rinchon, Pierre Ignace Van Alstein, Capitaine négrier, I.F.A.N., Dakar, 1954, p. 172).

56. E. Torday et T. A. Joyce, « Notes on the Ethnography of the Ba-Huana », in Journal of the Roy.

Anthropological Institute, vol. 36 (1906), p. 283. (Si l’on fait appel au crédit, on ignore l’usure ; aux

Européens, on demande dix fois le prix attendu.) A titre de comparaison voici les rapports de

valeur en vigueur au Buganda au tournant du siècle : 1 vache = 2 500 cauris ; 1 esclave mâle = 1

vache ; 1 esclave femelle = 4 ou 5 vaches ; 5 chèvres = 1 vache ; 1 chèvre = 20 poules ; 1 chèvre = 10

chapons. L’étalon des échanges est la vache (cf. J. Hoscoe, The Baganda, p. 456).

57. Cf. à ce sujet, George Dalton, « Traditional Production in Primitive African Economies », in

Quarterly Journal of Economics, vol. 76 (1962), p. 374.

58. Cavazzi, lib. I, § 163. Le P. Mondaros (1569) a pu observer le même comportement au

Monomotapa : « ... et s’il arrive que l’un d’entre eux soit plus diligent et plus économe et arrive

ainsi à réunir une plus grande fortune ou plus de vivres, on s’empresse de le diffamer pour

pouvoir les lui prendre ; on se demande comment il se fait que celui-là a plus de sorgho (milho)

qu’un autre, et on ne pense pas à l’attribuer à son habileté ou à son travail ; souvent même on va

jusqu’à le tuer pour tout prendre, et il en va de même du bétail... » ( cf. G. M. Theal, Records of

South Eastern Africa, Cape Town, 1899, vol. III, p. 182).

59. João de Andrade Corvo, Estudos sobre as Provincias Ultramarinas, Lisbonne, 1883, p. 130.

60. Une des principales sources de sel est constituée par les mines de sel gemme de Ndemba,

situées à 70 km environ de l’embouchure du Cuanza, en Angola (cf. M.M.A., vol. IV, p. 550, texte de

1594).

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61. Pigafetta, lib. I, cap. vi ; et aussi M.M.A., vol. VI, p. 104. Les palmiers à raphia se trouvent

principalement dans les zones de forêt dense (cf. J. Gossweiler, « Nomes Indígenas de Plantas de

Angola in Agronomia Angolana, n° 7 (1953), pp. 499-502.

62. M.M.A., vol. II, p. 502 (texte de 1563).

63. E. Dartevelle, Les N’Zimbu, monnaie du royaume du Congo, Bruxelles, 1953, p. 81.

64. La première référence est de Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis (c. 1508) (éd. de

l’Acad. Port. de Hist., Lisbonne, 1954, p. 172). Une poule valait 50 zimbu, une chèvre 300. La pêche

au zimbu était faite exclusivement par des femmes, et avec beaucoup de peine, car l’eau était très

froide (cf. Cadornega (1680), t. II, p. 270 et t. III, p. 41 note).

65. M.M.A., vol. VI, p. 53 (doc. de 1611). De Luanda, on portait les charges de zimbu au Mani-

Bamba, le gouverneur de la province de Mbamba, d’où elles étaient expédiées au roi.

66. Duarte Pacheco Pereira, op. cit., loc. cit.

67. Rui de Pina, Croniqua d’el Rey D. Joham II, cap. LIX.

68. Pigafetta, lib. I, cap. V, et Marcellin de Atri, « Relation sur le Royaume du Congo, 1690-1700 »,

in Cahiers Ngonge, n° 5 (1960), p. 60. Ces auteurs ne précisent pas s’il s’agit de zimbu ou d’une autre

espèce de coquillage.

69. Duarte Pacheco Pereira, op. cit., loc. cit.

70. On aimerait savoir si l’on faisait appel aux talents de ce dernier pour maintenir une liaison

bureaucratique entre São Salvador et Luanda et contrôler le transport du zimbu.

Malheureusement, les documents du temps ne permettent pas de conclure quoi que ce soit à ce

sujet.

71. Domingos de Abreu de Brito, « Sumário e Descrição do Reino de Angola... », in Felner, Um

Inquérito à Vida Administrativa e Económica de Angola e do Brasil do século XVI, Coïmbre, 1931, p. 48 ; cf.

aussi Pigafetta, lib. I, cap. IV. L'Ile de Luanda restera nominalement sous contrôle congolais

Jusqu'en 1649, année où le dernier gouverneur sera expulsé par les Portugais de Luanda (cf.

M.M.A., vol. X, p. 358). Il semble pourtant que les rois du Congo en ont perdu le contrôle effectif

avant cette date — vers 1604 (cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L'Ancien Congo d'après les archives romaines,

p. 264, texte de 1604).

72. História do Reino do Congo (c. 1655), in Felner, Angola, p. 377.

73. Ce critère fut, pour Gordon Childe, une des conditions de la « révolution urbaine » (cf. Gordon

Childe, « The Urban Revolution », in Town Planning Review, Liverpool, vol. XXI (1950), pp. 13-17).

74. J. Cuvelier et L. Jadin, Relation sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), p. 140, et

Cavazzi, lib. I, § 159. Selon Cavazzi (lib. I, § 338), un des premiers rois du Congo était forgeron. Le

travail domestique, et en particulier la nourriture, était assuré, pour les artisans Bakongo, par les

femmes.

75. A. C. P. Gamitto notait, à propos des Maraves, en 1831-1832, que les artisans (tisserands,

forgerons et vanniers) « s’y adonnent [à leur métier] plus pour se distraire que pour gagner leur

vie (...) Ils ne travaillent pas exclusivement à leurs métiers respectifs, mais s’occupent

simultanément de l’agriculture » (cf. A. C. P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1854, pp. 52 et

74).

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Chapitre V. La fiscalité

1 Il s’agit là d’une notion assez vague au Congo, mais il faut bien aborder le thème, car c’est

au fait qu’un tribut lui est versé, à la régularité des versements et à la façon plus ou moins

rationnelle dont la perception en est organisée, que l’on peut évaluer le niveau de

développement de l’État, l’emprise réelle du pouvoir central sur le territoire qu’il se

targue de posséder.

2 Les Congolais payaient un tribut à leur chef de village, celui-ci le faisait parvenir au

gouverneur de la province, qui, à son tour, le remettait au roi. A chaque échelon, le

responsable gardait pour lui un certain pourcentage.

3 Au niveau du village, lors de la récolte, les femmes « ... assemblaient en un tas toutes les

favéoles, en un autre le bled turc [maïs] et ainsi de reste, puis donnant au Macolonte

[Nkuluntu] pour sa subsistance, et séparant ce qu’on destine à semer ; le reste est partagé

par cabane, selon la quantité de gens qu’il y a »1.

4 Au niveau de la province, voici ce qu’en dit un témoin de 1607 : « ... [le Mani-Soyo] est un

grand seigneur, avec beaucoup de vassaux, et qui a sous son autorité d’autres seigneurs

qui lui paient tribut ; et lui en paie un au roi du Congo »2.

5 Le tribut était payé tous les trois ans3 (une fois l’an après la révolution chrétienne de

1506, à la fête de saint Jacques, le 25 juillet)4. Il consistait en nattes de raphia, coquillages

de Zimbu5, sorgho, bétail, chèvres, fruits, vin de palme6, ivoire, peaux d’animaux sauvages

et esclaves7.

6 Il ne semble nullement avoir servi à payer des services, ou le travail pour

l’accomplissement de tâches spécifiques d’utilité publique. Le versement paraît avoir

surtout une valeur symbolique, il souligne l’état de dépendance envers le roi de ceux qui

le paient. Il n’est pas certain qu’il ait été employé à nourrir régulièrement les gens de la

cour, et rien n’indique qu’il ait été considéré comme un fonds d’assistance auquel

pouvaient faire appel ceux qui étaient dans le besoin (« insurance fund from which the needy

may draw »)8.

7 Un texte de 1656 explique que « tout ce qu’apportent les vassaux, ils [le roi et les nobles]

le répartissent dans les jours qui suivent parmi les mêmes vassaux, qui viennent le leur

demander ; [c’est] comme s’ils s’estimaient honorés de s’être vus imposés (tributati) »9. Les

nobles sont flattés d’être ainsi sollicités, car « c’est une honte parmi eux de refuser

quelque chose qu’on vous demande, si on l’a chez soi »10.

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8 L’objet de l’imposition du tribut est donc d’abord d’affirmer l’autorité du roi et des

« nobles » sur les gens du commun, et de leur permettre aussi de se montrer munificents

envers ces derniers. Il n’apparaît guère que comme un système de prestations

symboliques garantissant le maintien des structures sociales11.

9 La perception du tribut se faisait d’une manière qui n’était ni systématique, ni continue,

ni ordonnée, cela faute de moyens appropriés : « ... il n’est pas fixe quant à la quantité »,

notaient les missionnaires carmélites à la fin du XVIe siècle, « ... ils [les Noirs] apportent le

plus qu’ils peuvent. Si le gouverneur [de la province] ne fait pas mieux, le roi lui fait une

réprimande et lui enlève ses fonctions »12.

10 « Pour percevoir le tribut », dit Cavazzi, « il faut presque toujours faire appel à la

violence ; beaucoup de temps et une application considérable sont nécessaires. Pour

percevoir ses droits sur les provinces les plus lointaines, le roi lui-même est obligé

d’envoyer quelques cadeaux européens aux gouverneurs ; ces derniers en font autant à

leur inférieurs. Si les agents chargés de la perception n’allaient pas munis de ces cadeaux,

ils risqueraient leur vie. Toutefois ils agissent avec rigueur vis-à-vis des Mobati [le menu

peuple], [...] et ceux-ci, opprimés par les vexations, se révoltent de temps à autre et leur

donnent beaucoup de mal »13.

11 Les missionnaires carmélites avaient noté, à la fin du XVIe siècle, que les Congolais

construisaient leurs villages « à une certaine distance des chemins publics, de crainte que

les voyageurs ne leur mangent ce qu’ils ont, en particulier les serviteurs du roi, qui

partout où ils passent se considèrent possesseurs de toute chose »14.

12 Après la christianisation, au début du XVIe siècle, le roi de Portugal D. João III avait

suggéré (c. 1529) au roi D. Afonso I l’introduction de livres de comptes, pour systématiser

la fiscalité, et pour que « votre tribut soit recueilli avec moins d’oppression »15. Cette

suggestion n’eut pas de suite.

13 La perception du tribut, note Cavazzi, est plus aléatoire sur les confins du royaume, « là

où ne parvient pas le bras de la justice ». Dans certaines provinces, « la répugnance des

sujets à admettre l’autorité des agents bakongo (mociconghi) envoyés chez eux est telle,

qu’il s’avère finalement nécessaire de réduire leur orgueil par les armes... »16.

14 Voilà qui dénonce un état de tension constante, à la limite de la crise, entre gouvernants

et gouvernés. L’administration se rapproche singulièrement de l’oppression, la liberté

n’est qu’anarchie.

15 Les missionnaires français confirment cette situation en ce qui concerne le Loango en

1770, où d’ailleurs le poids du pouvoir paraît plus docilement supporté. Le roi « n’a point

d’impôts déterminés par rapport aux habitants du pays ; ils sont persuadés que tous leurs

biens appartiennent au roy, à qui ils en font souvent des présents, qui ne sont cependant

pas tout à fait gratuits, car s’ils négligeoient d’en envoyer au roy, il feroit enlever luy

même tout ce qu’il jugeroit à propos de s’approprier. Il arrive même souvent que les

officiers ou les enfants du roy vont à son insu enlever dans les villages les fruits, les

volailles, etc. sans qu’on ose leur résister, ce qui entretient l’indolence de ces peuples. Ils

ne cultivent que leur pur nécessaire, parce qu’ils savent que s’ils avoient quelque chose de

plus, il leur serait enlevé »17.

16 L’abbé Proyart, qui reproduit cette observation, la commente avec son esprit de

rationaliste du XVIIIe siècle : « Cette forme d’administration, comme on l’imagine

aisément étouffe jusqu’au germe de l’émulation : les arts ne se perfectionnent point, tout

languit. En supposant même le Roi unique propriétaire de tout le royaume, si ses Sujets,

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en lui payant une taxe fixe, à raison des terres qu’ils cultivoient, pouvoient se permettre,

comme les fermiers de nos seigneurs, de recueillir en paix le fruit de leurs travaux et de

leur industrie, de riches plaines qui sont abandonnées seraient bientôt cultivées avec

soin, ou couvertes de bestiaux : le Prince en serait plus riche et les peuples jouiraient »18.

Proyart, il faut le dire, n’est jamais allé en Afrique.

17 Ce défaut de régularité dans la fiscalité congolaise, les prestations n’étant du reste

nullement calculées en fonction des moyens des contribuables, semble être dû surtout au

faible niveau de rationalité atteint par le pouvoir dans l’administration du pays. Le

Dahomey ancien, de la première moitié du XIXe siècle, avait su développer un appareil

fiscal autrement rationnel : on y utilisait un système de notation au moyen de petits

cailloux et on procédait à un recensement des ressources agricoles du royaume, tout cela

sans disposer de l’écriture19.

18 Nul témoignage, à notre connaissance, n’atteste l’existence au Congo d’un système de

notation ayant pour objet l’enregistrement des tributs, même lorsque l’alphabétisation

eut commencé à se développer20.

19 Les Congolais possédaient-ils des mesures ? Dapper affirme que seuls les Portugais se

servaient de poids et de mesures21. Ce n’est pas tout à fait vrai, mais on ignorait la

référence à un étalon fixe, établi par le pouvoir. La mesure des céréales était la mu-tete, un

panier porté sur la tête22. Une autre est l’ingallo, mais on ignore ce qu’elle représente23. Le

zimbu est mesuré en fundas, lifucos et cofos, chacun étant un multiple de l’autre, mais les

diverses sources qui en font état se contredisent sur le nombre de zimbus contenu dans

chaque mesure24. Et le système fiscal ne semble d’ailleurs en tenir aucun compte.

20 Soulignons, une fois de plus, que le tribut, fixé et perçu de façon assez peu rationnelle, est

moins un impôt qu’un « hommage », en quelque sorte, un témoignage d’allégeance plus

ou moins librement consenti, à l’égard du gouverneur ou du roi et de l’autorité qu’ils

représentent.

NOTES

1. Dionigi de Carli da Piacenza et Michel Angelo de Guattini da Reggio, Relation Curieuse et Nouvelle

d’un Voyage de Congo... (1666-1667), Lyon, 1680, p. 125.

2. M.M.A., vol. V, p. 385.

3. M.M.A., vol. I, p. 530 (texte de c. 1529) et Cavazzi, lib. II. § 73.

4. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 575, et P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, pp.

207-209. Une source de la fin du XVIe siècle parle de deux lois par an (cf. J. Cuvelier et L. Jadin,

L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 135).

5. História do Reino do Congo (c. 1655), in Felner, Angola, p. 377.

6. O. Dapper, op. cit., loc. cit.

7. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 199 (texte de 1595).

8. Peter C. Lloyd, « The Politicai Structure of African Kingdoms », in ASA Monographs 2, Political

Systems and the Distribution of Power, Londres, 1965, p. 78.

9. Osservationi del Regno di Congo dall’anno 1656, ms. anon. espagnol, 324, (38), f° 151 (r°), B.N.P.

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10. Id., loc. cit.

11. Cf. J. Vansina, « A Comparison of African Kingdoms », in Africa, vol. XXXII, n° 4 (1962), pp.

326-330 ; cf. aussi les observations perspicaces de George Dalton sur la « redistribution » dans les

sociétés traditionnelles : George Dalton, « Traditional Production in Primitive African

Economies », in Quarterly Journal of Economics, vol. 76 (1962), pp. 360-378.

Au Monomotapa, au milieu du XVIe siècle, le paiement d’un tribut n’est pas attesté, mais « tous les

membres de sa cour [du roi] et les capitaines des guerriers, chacun avec tous les siens, étaient

tenus de lui donner sept jours sur trente de travail dans ses champs ou ailleurs. [...] Dans les

foires également les marchands prélèvent en sa faveur une petite partie de leurs marchandises,

mais sans que celui qui ne s’acquitte pas de ce paiement se voie infliger d’autre peine que

l’interdiction de se présenter devant lui, Monomotapa, ce qu’ils considèrent comme un grand

malheur ». (Cf. João de Barros, Décadas da Asia, Lisbonne, 1552, Déc. I, liv. X, cap. I).

Les sujets de la reine Jinga, en Angola (vers 1660) étaient astreints à trois jours de corvée par

semaine pour cultiver les terres royales (cf. Cavazzi, lib. VI, § 91).

12. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 133.

13. Cavazzi, lib. II, § 75.

14. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 120 (texte de la fin du XVIe

siècle).

15. M.M.A., vol. I, p. 530.

16. Cavazzi, lib. II, g 75.

17. J. Cuvelier, Documents sur une Mission Française au Kakongo, 1766-1776, pp. 49-50.

18. L’abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 121.

19. Cf. Melville Herskovits, Dahomey, An Ancien West African Kingdom, New York, 1938, vol. I, chap.

vii ; cf. aussi, au sujet de l’Inde pré-coloniale, Walter C. Neale, « Reciprocity and Redistribution in

an Indian Village », in K. Polanyi, et al., Trade and Market in the Early Empires New York, 1965, pp.

218-235.

20. A propos de la notation, un seul fait nous est rapporté : lorsque les premiers missionnaires

tentaient, à la fin du XVe siècle, d’expliquer les principes du christianisme à la reine Dona Leonor,

femme du roi Nzinga Nkuwu, elle les fixait en sa mémoire à l’aide « de petits cailloux qu’elle

disposait sur l’estrade, ce qui est leur procédé mnémotechnique » (a sua arte memorativa), (cf. Rui

de Pina, Croniqua, cap. LXIII).

21. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 575.

22. Cf. Cadornega (1680-1681), in P.M., p. 286 ; R. E. Dennett, At the Back of the Black Man’s Mind, p.

73 ; J. Van Wing et C. Penders, Le plus Ancien Dictionnaire Bantou (1652), Bruxelles, 1928.

23. Cf. L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc.

XXXIII, Bruxelles, 1961, p. 572.

24. Selon Luis de Sousa (História de São Domingos, Pt. II, Lisbonne, 1662, liv. VI, cap. XII, p. 249), un

cofo contient 10 000 zimbus. (Ce texte se rapporte probablement au début du XVIe siècle). Selon

Marcellin d’Atri (1690-1700) c’est au lifuco que correspond ce nombre (cf. Id., « Relation sur le

Royaume de Congo, 1690-1700 », in Cahiers Ngonge, n 5 (1960), p. 13.)

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Chapitre VI. Technologie et culturematérielle

1. LE FER

1 On ignore à quelle époque le Bas-Congo a connu le fer, mais il est probable que ce fut dans

les 500 premières années de notre ère. Dans la région de Dundo, dans le nord-est de

l’Angola actuel, le carbone 14 a permis de situer le début de l’age du fer au premier siècle

ap. J.-C.1.

2 Il n’est guère vraisemblable que ce fut, comme certains l’ont prétendu, Lukéni et la

conquête bakongo qui introduisirent le fer au sud du fleuve. La tradition orale de la

généalogie des rois d’Angola, recueillie par Francesco Maria Gioia, rapporte que le

fondateur de la dynastie était forgeron2. On est donc en droit de supposer que les

Ambundu connaissaient le fer avant la conquête bakongo3.

3 Peu de renseignements nous sont parvenus sur les méthodes employées par les Congolais

pour réduire le minerai. Cavazzi (1654-1677) affirme qu’ils mettaient simplement la terre

ferrugineuse « sur des braises »4. Mais on avait dit à Jeannest (1868) qu’à Bembe on se

servait :

4 « d’une longue cheminée en terre dans laquelle on empile le charbon de bois et du

[minerai de] fer. Au bas se trouvent quatre orifices perpendiculaires, deux à deux,

auxquels sont adaptés des soufflets en peau de chèvre. Entre ces quatre soufflets sont

percés quatre autres trous par lesquels on recueille le fer en fusion »5.

5 Pour travailler le fer, le forgeron congolais utilisait en guise de marteau,

6 « un fer massif et gros de façon à remplir la main. Sa forme ressemblait presque à celle

d’un clou ; l’enclume est une pièce de fer d’environ dix livres, placée à terre comme un

morceau de bois. Sur cela, ils forgent ce qu’ils fabriquent. Le soufflet de forge est formé de

certains morceaux de bois creux sur lesquels on a étendu une peau6. Ils soulèvent et

abaissent cette peau avec la main et donnent ainsi du vent au feu ; cela leur réussit très

bien et sans peine. Avec ces trois instruments ils font tout »7.

7 Les Congolais semblent avoir ignoré la trempe8.

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2. LE CUIVRE

8 La métallurgie du cuivre est attestée au Congo dès c. 15089, mais on ignore à quelle

époque fut introduit l’art de travailler ce métal.

9 Selon R. Wannyn, les Congolais connaissaient la technique dite « de la cire perdue » pour

couler des objets en cuivre10.

10 On trouve des mines de cuivre indigènes à deux endroits dans l’ancien Congo : sur la rive

droite du fleuve, à Mindouli (envron 100 km à l’ouest de Brazzaville), et sur la rive gauche

à Bembe (quelque 70 km au sud de São Salvador). On vendait le cuivre de Mindouli aux

Européens (Portugais et Hollandais) à Loango dès le début du XVIIe siècle11.

11 Voici comment Dapper (1668) décrit ce commerce :

12 « Au mois de Septembre, une troupe de forgerons part pour Sundi [la province de Nsundi]

et étant arrivez vers les montagnes où sont les mines de cuivre, y font travailler leurs

esclaves. Ils fondent et purifient ce cuivre sur les lieux ; mais comme ils n’ont pas

l’adresse de séparer les différents métaux, qui se mêlent quelquefois dans les entrailles de

la terre, cela est cause que ce cuivre n’est pas fort pur [...] Ces forgerons retournent au

mois de mai, apportant outre le cuivre quelques dents d’éléphant »12.

13 Dès 1536, on parle des mines de Bembe, encore qu’elles ne soient pas localisées avec

précision par l’auteur du texte13. Elles feront l’objet de la convoitise des Européens de

Luanda, qui tenteront à plusieurs reprises de s’en assurer l’exploitation, mais seront

obstinément repoussés par les Congolais. Les litiges qu’elles suscitèrent devaient

finalement conduire à la guerre et à l’écrasement du royaume du Congo par les

Conquistadores de l’Angola. Les Européens ne réussiront toutefois à exploiter les mines que

jusqu’en 185714.

3. LE TISSAGE

14 Le métier à tisser congolais ne comportait ni ensouple, ni peigne, ni navette (discono). Le

tisserand plantait en terre deux montants parallèles réunis par une traverse. Avec ce

simple appareil, il tissait « des petits pagnes [de raphia] »15. Ils étaient si fins « qu’ils n’ont

rien à envier à la soie », dit Laurent de Lucques (1700-1717) 16.

15 Le tissage du coton, s’il était moins répandu au Congo qu’en Angola, semble avoir été

connu avant l’arrivée des Européens17. Un témoin de 1583 affirme que les Ambundu

d’Angola savaient si bien tisser le coton « que cela paraissait tissu de Portugal »18. Un

autre, de la fin du XVIe siècle, parlant du Congo, affirme qu’« il y a des arbres qui

produisent le coton. On ne l’emploie que très peu »19. En 1780, le missionnaire Castello de

Vide a vu le coton filé à Mussul, à la frontière entre le Congo et l’Angola, près de Launda20.

Et vers 1878, Weeks rapporte que les Noirs de São Salvador tissent et filent le coton21.

4. LA POTERIE

16 Le tour et le four étaient inconnus du potier congolais du XVIIe siècle22. Pour la cuisson, il

entourait ses pots de paille, et y mettait le feu23. De nos jours, l’emploi du tour et du four

est bien attesté au Congo, mais il n’est pas courant24.

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5. LES ARMES

17 Comme armes, les Congolais employaient des arcs, des flèches, des lances, des sagaies, des

haches et des couteaux (coltelli)25. Leur arc avait 5 ou 6 empans de long (1,14 à 1,37 m) et

une corde de cuir de bêtes sauvages ou de boyaux. Le manche de la lance était de bois ou

de canne lourde, la pointe en fer et empoisonnée. Les couteaux (réservés aux « nobles »)

avaient 3 empans (68 cm) de long et étaient également empoisonnés. Quant à la sagaie,

Cavazzi la compare à la pertuisane (partiggiana). La hache était en forme de demi-lune

pointue, le manche étant adapté au milieu26. Un grand boucher, de peau très dure,

protégeait tout le corps27.

6. LES OUTILS

18 Les Congolais ne connaissaient, en fait d’outils, que la houe et une sorte d’herminette

pour couper le bois28.

7. LES HABITATIONS

19 Les maisons congolaises étaient, selon Cavazzi, de forme carrée (circulaire en Angola) 29 ;

les Noirs « les construisaient facilement avec des pieux et des herbes »30. La toiture était

soit en chaume31, soit en feuilles de palmier32. Elles étaient ornées de nattes peintes à

l’intérieur, « avaient belle apparence » et se révélaient « relativement confortables »33.

8. LE MOBILIER

20 Le lit congolais était « fait de pieux et de branches entrelacées, placé à une palme et

demie du sol ; sur ce lit, on mettait une natte si finement tissée qu’elle semblait non pas

une natte mais un tapis »34. Il n’y avait guère d’autres meubles : « une paire de calebasses

pour le vin de palme, un vase pour cuire les aliments et un pot de terre [...] façonné et

orné de dessins »35. Le roi était à peine mieux loti, son mobilier n’était « pas beaucoup

plus important que celui des autres noirs »36.

9. L’HABILLEMENT

21 Pigafetta (1587) décrit très minutieusement l’habillement des Congolais avant l’apparition

des tissus européens :

22 « Anciennement, le roi et ses courtisans s’habillaient d’étoffes faites de palmes, [...] ils

s’en couvraient le bas du corps en les retenant par une ceinture tissée de la même

manière et finement travaillée ; par devant, comme ornements, leur pendaient à la façon

d’un tablier des peaux de petits tigres37, de civettes, de zibelines, de martres et d’animaux

semblables, auxquelles on laissait la forme de la tête. Pour un faste plus grand, ils jetaient,

sur la chair nue des épaules, une sorte de rochet de forme ronde, [...] qui descendait plus

bas que les genoux et qui était, à la façon d’un filet, de fins tissus de palme ; les mailles en

étaient bordées de houppes effrangées d’un effet très gracieux. Ils rejetaient ce rochet sur

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l’épaule, ils portaient une queue de zèbre attachée à une manche pour la beauté et selon

une très ancienne coutume de ces régions.

23 Ils se coiffaient d’un petit bonnet, carré par le haut, de couleur rouge et jaune, qui leur

couvrait le sommet de la tête et qui était un ornement plutôt qu’une défense contre l’air

et le soleil. La plupart allaient nu-pieds, mais le roi et quelques grands portaient des

chaussures à l’antique, comme on en voit aux statues romaines, et qui étaient faites de la

même matière tirée des palmes.

24 Les pauvres et les gens du commun s’habillaient, depuis la ceinture, de la façon décrite,

mais au moyen d’étoffes plus grossières, le haut du corps restant nu.

25 Les femmes se couvrent le bas du corps de trois bandes d’étoffe, l’une longue, descendant

jusqu’aux talons, la seconde plus courte et la troisième plus courte encore et bordée de

franges, chacune d’elles étant drapée en largeur et s’ouvrant à l’avant. Elles se couvrent la

poitrine d’un corsage qui descend jusqu’à la ceinture. Ces vêtements sont faits des mêmes

tissus de palme, ainsi que la cape qu’elles portent sur les épaules. Elles circulent le visage

découvert et coiffées d’un bonnet semblable à celui des hommes. Les femmes de condition

moyenne s’habillent aussi de cette façon, mais emploient des étoffes plus grossières.

Quant aux esclaves et aux femmes du bas peuple, elles se couvrent seulement le bas du

corps, le reste étant nu »38.

10. LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE

26 Comme instruments de musique, les Congolais avaient des tambours, des trompettes en

bois et en ivoire, des cordophones, des clochettes et des xylophones39.

27 Les clochettes étaient appelées longa et on les frappait avec un bâtonnet de bois40 ; leur

fabrication exigeait du sang humain41. On fait souvent allusion à ces instruments en

Angola42, où l’on en trouvait, selon Franco, en cuivre43. Une variante de la clochette est le

double gong, décrit par un missionnaire en Angola en 157544, et par Laurent de Lucques au

Congo en 1700-1717 (en bois) 45.

28 La clochette serait-elle d’origine indonésienne, comme le pense J. Kunst46 ? Bien que le roi

de Portugal ait envoyé en cadeau au roi du Congo, en 1491, « de grandes clochettes »47,

nous ne pensons pas que le double gong ou la clochette aient été introduits par les

Européens. Toutefois, les preuves qu’avance J. Kunst à l’appui de sa thèse nous paraissent

trop ténues pour être acceptées sans réticences.

29 Quant au xylophone48, on a voulu lui attribuer une origine indonésienne49, mais la

question fait toujours l’objet de controverses50.

NOTES

1. Cf. J. D. Clark, Prehistoric Cultures of North East Angola and their significance in Tropical Africa,

Subsidios para a História, Arqueologia e Etnografia dos Povos da Lunda, Publicações Culturais n° 2 da

Companhia de Diamantes de Angola, Lisbonne, 1963, p. 18a.

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2. Francesco Maria Gioia, La Meravigliosa Conversione della regina Singa [sic], Naples, 1669, p. 136.

3. Les dates proposées par G. A. Wainwright pour l’introduction du fer dans le Bas-Congo sont

fondées sur des interprétations erronées de traditions orales rapportées par Cavazzi (cf. G. A.

Wainwright, « The Coming of Iron to some African peoples », in Man, n° 61, 1942).

4. Cavazzi, lib. I, § 338.

5. Charles Jeannest, Quatre Années au Congo, Paris, 1883, p. 154. La description de Jeannest ne

permet pas de savoir si le fourneau bakongo avait la forme d’un tronc de femme, comme ceux du

Haut-Zambèze (Angola) et de Rhodésie ; (cf. J. Redinha, Campanha Etnográfica ao Alto Tschiboco (Alto

Tschicapa), Publicações Culturais da Companhia de Diamantes de Angola, n° 19, Lisbonne, 1953, p.

140 (gravure), et Th. Bent, The Ruined Cities of Mashonaland, Londres, 1893, p. 308 (gravure).

6. Sur les formes des soufflets et des fourneaux en Afrique (avec illustrations), cf. J. Bacellar

Bebiano, Notas sobre a siderurgia dos indigenas de Angola et de outras regiões africanas, Publicações

Culturais da Companhia de Diamantes de Angola, n° 50, Lisbonne, 1960.

7. Cf. J. Cuvelier, Relations sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), p. 140 ; et aussi Gavazzi,

lib. I, § 338. Selon lui, l’enclume était une simple pierre.

8. Cf. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 116 ; Cavazzi, lib. I, g 338 et António Barroso

(1889), in A. Brasio, António Barroso, Missionário, Cientista, Missiólogo, Lisbonne, 1961, p. 122. Les

Baganda aussi, cf. J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911, p. 383.

9. Cf. Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis (c. 1508), éd. de l’Acad. Hist. Port., Lisbonne,

1954, p. 171 (« Il y a pas mal de cuivre excellent »).

10. R. L. Wannyn, L’Art ancien du Métal au Bas-Congo, Champles (Belgique), 1961, p. 48 ; cf. aussi K.

Laman, The Kongo, t. I, p. 124. Au lieu de la cire, un morceau de plantain.

11. Cf. Andrew Battell, in E. G Ravenstein, The Strange Adventures..., pp. 43-50 ; et aussi M.M.A., vol.

VIII, p. 93 (texte de 1631).

12. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 328 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 532).

13. P.M., p. 68 (texte de 1526).

14. Sur les mines de cuivre de Bembe, cf. Fernando Mouta, « As Minas de Cobre do Congo », in

Actividade Económica, n° 3, Ano I (1936), pp. 9-15. Il existe d’autres gisements de cuivre dans la

sierra de Canda et à Qulbocolo, entre Bembe et Maquela do Zombo.

15. Cavazzi, lib. I, § 340.

16. J. Cuvelier, Relation sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), p. 56. Sur le tissage de

raphia au Congo, cf. Hélène Loir, Le Tissage de raphia au Congo Belge, Tervuren, 1935.

17. Il est d’ailleurs attesté sur le plateau rhodésien vers 1514-1516 (cf. E. Axelson, South East

Africa, 1488-1530, Londres, 1940, p. 278).

18. M.M.A., vol. III, p. 248.

19. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’oprès les archives romaines, p. 117.

20. Fr. Raphael Castello de Vide, « Relação da Viagem que fizeram os padres missionários...

(1780) », in Annaes do Conselho Ultramarino (parte não oficial), série II, Lisbonne, 1859-1861, p. 65.

21. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, Londres, 1914, p. 92.

22. Cavazzi, lib. I, § 341.

23. Id., loc. cit. Un texte de la fin du XVIe siècle affirme que « les ustensiles en terre ont été cuits au

soleil, et qu’ils sont résistants comme les nôtres cuits au feu ». Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien

Congo d’après les archives romaines, p. 120.

24. Cf. Annales du Musée du Congo, Bruxelles (1907), t. II, fasc. I, p. 49.

25. Cavazzi, lib. I, § 319. Les épées et les machettes (scimittare), mentionnées par Cavazzi, sont

d’introduction européenne, cf. R. L. Wannyn, L’Art ancien du métal au Bas-Congo, pp. 60-63, et Jean

François de Rome, Brève Relation (1648), p. 116.

26. Ces haches sont décrites par Cavazzi, lib. I, § 338. On a trouvé des haches crescenti-formes

analogues dans les fouilles de Haoulti (Éthiopie), datées entre le IIIe siècle av. J.-C. et le 1er siècle

ap. J.-C. (cf. H. de Contenson, « Les fouilles à Haoulti en 1959 », in Annales d’Éthiopie, t. V (1963),

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pl. L et LII) ; ainsi que dans les ruines de Khami (XVIIe siècle), Rhodésie (cf. K. R. Robinson, Khami

Ruins, Cambridge, 1959, p. 119 et pl. XV et XXVIII).

27. Cavazzi, lib. I, § 319. Sur les armes des Congolais, cf. aussi M.M.A., vol. VI, p. 378 (texte de

1619).

28. Ibid., lib. I. § 294, et lib. I, § 339. Cavazzi décrit ainsi l’herminette : « un pezzo di ferro in modo di

Scarpello ».

29. Ibid., lib. I. § 275.

30. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 120 (texte de la fin du XVIe

siècle).

31. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 114.

32. Cavazzi, lib. I, § 275.

33. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, op. cit., loc. cit.

34. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 114. Cavazzi dit qu’on dormait simplement sur

des nattes (cf. Cavazzi, lib. I, § 294). Winwood Reade affirme en 1864 que les lits, au Congo, sont

frappés d’un impôt (cf. Winwood Reade, Savage Africa, Londres, 1964, p. 358).

35. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 120 (texte de la fin du XVIe

siècle).

36. Ibid., p. 132.

37. Il s’agit du serval ou du guépard, ou peut-être du chat doré, felis auratus (note de Willy Bal).

38. Pigafetta, lib. II, cap. vii (pp. 118-119 de la trad. franç. de Willy Bal, 2e éd. revue, 1965).

39. Cavazzi, lib. I, g 332 ; L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull. de l’Inst. Hist.

Belge de Rome, fasc. XXXV, p. 401 (texte de 1624) ; Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p.

124 (cordophones) ; M.M.A., vol. III, p. 139, texte de 1575, (cordophones) ; cf. aussi, sur les

tambours, Olga Boone, « Les tambours du Congo Belge et du Ruanda Urundi », Annales du Musée

Royal du Congo Belge, Tervuren, 1951. Sur les cordophones, cf. J. S. Laurenty, « Les Cordophones du

Congo Belge et du Ruanda Urundl », in id., 1960.

40. Cavazzi, lib. I, § 332.

41. Ibid., loc. cit.

42. M.M.A., vol. II, p. 528.

43. Antonio Franco, Imagem da Virtude..., Evora, 1719, t. II, pp. 465-468.

44. Garcia Simões, in M.M.A., vol. II, p. 139.

45. Cf. J. Cuvelier, Relation..., p. 133. Illustré par R. L. Wannyn, L’Art ancien du métal au Bas-Congo, pl.

XXXI. On en a trouvé en fer dans les fouilles à Zimbabwe en Rhodésie (cf. Th. Bent, The Ruined

Cities of Mashonaland, Londres, 1893, p. 212. Il n’est pas certain qu’ils soient de fabrication locale.

46. J. Kunst, « The Origin of the Kemanak », in Bijdragen tot de Taal-Land-en Volken-kunde (1960),

vol. 116, 2e afl., pp. 263-269.

47. Rui de Pina, Croniqua del Rey Dom Joham II, cap. LX.

48. Cf. Olga Boone, « Les Xylophones du Congo Belge », in Annales du Musée Royal du Congo Belge,

Tervuren, 1936.

49. Rev. A. M. Jones, Africa and Indonesia, the evidence of the Xylophone and other Musical and Cultural

Factors, Leiden, 1964.

50. Cf. les comptes rendus du livre de Jones par Mantle Hood dans Man (1965) et par E. L. Heins,

« Indonesian Colonisation of West and Central Africa ? », in Bijdragen tot de Taal-Land-en

Volkenkunde, vol. 122 (1966), pp. 274-282.

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Deuxième partie. Le contact avec lesEuropéens (Les faits)

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Chapitre VII. L’arrivée desEuropéens (1483-1506)

1 En 1483, le navigateur portugais Diogo Cão, en quête d’un passage reliant l’Atlantique à

l’océan Indien, suit au prix de « bien des difficultés et des périls » la côte occidentale de

l’Afrique1, pénétre dans l’hémisphère austral et découvre l’embouchure du Congo. En

raison de sa largeur, il semble avoir été amené à le confondre avec le détroit qu’il

cherchait, et qui devait lui permettre d’accéder au royaume chrétien du Prêtre Jean, but

principal de son entreprise2. Lors d’un second voyage, en 1485, il remonte le fleuve sur

une distance de 140 km, jusqu’aux chutes de Yelala. Ne pouvant aller plus loin, il laisse sur

les rochers du rivage une inscription que l’on peut encore voir aujourd’hui3. C’est ainsi

que, sans l’avoir délibérément cherché, Diogo Cão découvrit le royaume du Congo, et que

l’homme blanc fit sa première apparition dans l’univers des Congolais.

2 Quel effet leur produisit l’arrivée de ces hommes sortis de la mer ? Un missionnaire

italien en recueillit le souvenir à la fin du XVIIe siècle : « Les noirs du Soyo, voyant la

nouveauté des navires, sans savoir quelle chose cela était, commencèrent à crier avec des

signes d’admiration, amindelle, amindelle, c’est-à-dire des choses comme des baleines que

l’on voit en mer. Ntelle veut dire baleine, muntelle une chose comme une baleine, amintelle

des choses comme des baleines »4. En réalité « baleine » signifie tout simplement « être

sorti de la mer ». Aujourd’hui Mundele a, en Kikongo, le sens d’« homme blanc »5.

3 Lorsque les Portugais apparurent pour la première fois à Luanda, les Noirs, selon une

tradition orale recueillie au XXe siècle, les prirent pour des cadavres vivants, des vumbi (cf.

le Zombi haïtien) :

4 « Nos pères vivaient confortablement dans la plaine de Luabala6. Ils avaient des vaches et

des cultures ; ils avaient des marais de sel et des bananiers. Tout à coup, ils virent sur la

grande mer surgir un grand bateau. Ce bateau avait des ailes toutes blanches, étincelantes

comme des couteaux. Des hommes blancs sortirent de l’eau et dirent des paroles qu’on ne

comprenait pas. Nos ancêtres prirent peur, ils dirent que c’étaient des Vumbi, des esprits

revenants »7.

5 Pour bien comprendre l’effet psychologique de l’apparition des Blancs, il importe de

savoir ce qu’était la mer pour les Congolais. Or nous n’avons que peu de renseignements

sur ce point. A la fin du XIXe siècle W. H. Bentley, missionnaire à São Salvador, avait

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envoyé son collègue Comber à Banane, sur la côte, près de l’embouchure du Congo. Le

retour de Comber se faisant attendre, le roi D. Pedro V, impatient, parla de son « long

séjour à Bilungi (les enfers) ». Dans son esprit ce terme désignait la côte8.

6 Sans doute l’océan était-il un peu pour les Congolais tel qu’il apparaissait aux peuples de

la Haute Antiquité9 et de l’Europe médiévale10 : un domaine « hors du monde », assimilé

au « non-monde », au « chaos », enfin une voie d’accès pour l’« autre monde ». Selon

Bentley, les Noirs de la côte « croient que les morts sont achetés par les Blancs, et que les

esprits vont travailler pour les Blancs sous la mer ; là ils tissent des pagnes et fabriquent

les divers objets vendus en échange des produits indigènes »11.

7 Dans la cosmogonie congolaise, le séjour des défunts se situe sous l’eau. Après la mort, les

esprits wenda ku maza – « vont sous l’eau »12. Les esprits des ancêtres (bakulu) sont censés

s’incarner dans l’autre monde dans des corps blancs, comme des albinos13. Selon Pigafetta

(1587), les Portugais étaient révérés presque comme « des dieux sur terre, venus du ciel

dans ces régions »14. Le mot « ciel » est peut-être ici une façon européenne de traduire

l’idée de l’autre monde congolais, en réalité sous l’eau. Que les Noirs aient pris les

premiers Blancs pour des revenants, cela semble prouvé par le témoignage de Battell

(1610) au Loango. On y saluait les Blancs ainsi : Baliani Ampembe muenyeye ke zinga – « mon

compagnon au visage blanc est sorti de sous la terre et ne vivra pas longtemps » –,

prophétie qui n’était souvent que trop vraie, à cause du climat15. A la fin du XIXe siècle, H.

H. Johnstone notait que les Noirs du Bas-Congo croyaient que tous les Blancs sortaient de

sous la mer (came up out of the sea), et que leurs vêtements étaient faits de peaux

d’animaux marins16. Les explorateurs européens du XIXe siècle furent souvent pris pour

des esprits17.

8 L’apparition des Portugais dans l’univers des Congolais peut être considérée comme un

événement traumatisant. Du fait qu’ils « sortaient » de la mer, ils appartenaient au

domaine du sacré. La tradition orale, recueillie au XVIIe siècle par Bernardo da Gallo, parle

bien de la crainte qu’ils éprouvèrent18. Pour les Congolais, tout ce qui venait de par delà les

mers venait de Mputu, mot que nombre de commentateurs européens ont pris pour une

déformation du mot « Portugal ». Or il n’en est rien : Mputu signifie « eau agitée », terme

appliqué à l’origine aux rapides du Congo, puis par extension à la mer. Mwene Putu ne

voulait aucunement dire « roi du Portugal », mais « roi de la mer », « chef de tous les

Blancs »19.

9 Rien ne prouve que les Congolais aient pris les Portugais pour les descendants de leur

héros-fondateur, comme ce fut le cas des Aztèques qui crurent que Cortez était

Quetzalcoatl20, ou des Tupinamba du Brésil, qui prirent les premiers missionnaires français

pour les descendants de Maire Monan21. Mais notons au passage que les Bakongo ont en

commun avec les Bakuba la tradition d’un même héros-fondateur : Bumba, et que dans la

tradition bakuba, celui-ci passe pour être blanc22.

10 Lorsqu’ils arrivèrent à l’embouchure du fleuve, en 1483, les Portugais eurent l’impression

que le Congo était très peuplé23. Le roi s’appelait Nzinga Nkuwu24. Diogo Cão lui envoya,

par des marins portugais, un message de « paix et d’amitié » et un « riche cadeau » jusque

dans sa capitale, à 50 lieues dans l’intérieur – un voyage de 23 jours25. Mais, l’ambassade

portugaise tardant à revenir, on crut ses membres retenus de force ou morts, et Diogo Cão

décida de partir sans plus attendre. Il « emporta », en guise d’otages, plusieurs Noirs,

chefs locaux de la province congolaise du Soyo, qui avaient pris l’habitude de visiter le

bateau sans méfiance26. A ceux qui restaient à terre, il promit de revenir dans 15 lunes27.

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11 Ce fut en réalité deux ans plus tard (1485) 28 que Diogo Cão revint avec les otages,

enthousiasmés par la civilisation européenne et tout disposés à s’en faire les

propagandistes auprès des leurs. Il apportait des cadeaux de grande valeur pour le roi du

Congo, à qui il devait proposer d’embrasser la religion chrétienne,

12 « ... l’y invitant par de très saintes admonestations et raisons (...) lui recommandant de

renier les idoles et les pratiques de sorcellerie (...) de n’y plus croire et de ne pas tolérer

qu’aucun de ses sujets y crût (...) et tout cela dit avec tant de douceur qu’il ne s’en

scandalisa pas, en dépit de la barbarie et de l’idolâtrie où il vivait »29.

13 Le retour des otages provoqua la plus vive émotion chez les Congolais, « comme si on les

avait ressuscités de sous la terre »30.

14 A la vue de ses sujets « richement habillés, revenus en paix, santé et sécurité », le roi

Nzinga Nkuwu s’estimait « si fortuné qu’il ne se connaissait plus ». Il convoqua les grands

du royaume et ses vassaux, pour leur faire entendre à maintes reprises tout ce qu’on

rapportait concernant le Portugal.

15 « Et les premières paroles et admonestations qu’il reçut en son cœur au sujet de la foi en

Jésus-Christ Notre Seigneur (...) firent, grâce à Dieu, une si grande impression sur son âme

que, mû par le plaisir qu’il en éprouvait et soupirant déjà après son salut, il ne laissait pas

partir l’ambassadeur de Portugal ni les gens de sa flotte, afin de pouvoir continuer à les

écouter »31.

16 Mais Diogo Cão repartit tout de même, emmenant un ambassadeur du roi et des cadeaux

« d’ivoire et de nattes de raphia finement tissées ». A l’adresse du roi de Portugal, il était

porteur du message suivant :

17 que Nzinga Nkuwu « lui baisait les mains pour la bienveillance qu’il avait eue, non

seulement d’honorer son corps pendant sa vie, mais aussi de lui procurer par ses conseils

le moyen de sauver son âme après sa mort ; qu’il tenait le roi de Portugal pour un homme

si favorisé par la fortune et si doté de cœur et de savoir qu’il se considérait comme très

heureux de se conduire selon ses lois et de se sauver selon sa foi, car cette foi, et non une

autre, devait être la véritable, parce que c’est en elle et pour elle que Dieu l’avait créé, et

qu’il ne se pouvait que le Créateur eût créé un être aussi grand, aussi bon et aussi parfait

que lui pour le condamner ; que, par conséquent, non seulement il voulait par raison

adopter cette foi, mais qu’il y aspirait de tout son désir ; et c’est pourquoi il lui demandait

en grâce et il le requérait au nom de Dieu de lui accorder sans délai ce à quoi il l’avait

invité avec tant d’amour et de dévotion, c’est-à-dire l’Eau Sainte du baptême »32.

18 Il sollicitait aussi l’envoi de « maîtres charpentiers et de maçons, pour édifier des églises

et autres maisons de prière comme il y en avait en ce royaume ; et qu’il lui envoie aussi

des paysans pour domestiquer des bœufs et lui enseigner à cultiver la terre et à en tirer

profit. Et qu’il lui envoie encore quelques femmes pour apprendre à celles de son

royaume à pétrir la farine »33. Enfin, il envoya au Portugal de jeunes Congolais, pour

devenir chrétiens, apprendre à lire et à écrire34.

19 Qu’avait donc, en fait, compris Nzinga Nkuwu de la religion chrétienne ? Avait-il vraiment

saisi que l’eau du baptême assurerait la vie éternelle à son âme, ou imaginait-il qu’il

s’agissait d’un rite magique qui revitaliserait son corps, lui garantissant une longévité

exceptionnelle ? Son enthousiasme pour le christianisme n’est pas un sentiment sans

mélange, car à sa reconnaissance de la puissance « divine » du roi de Portugal, s’ajoute

son admiration pour la supériorité des méthodes de travail européennes. Le fait qu’avec

le baptême il sollicitait une aide technique semble bien le prouver.

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20 La « supplique » de Nzinga Nkuwu ne resta pas sans écho. On décida aussitôt de lui

envoyer une mission de franciscains pour procéder à sa conversion et à celle de son

royaume. Tout fut préparé avec un soin minutieux. Le roi de Portugal « tint conseil avec

des théologiens et des canonistes et avec les Frères eux-mêmes, pour savoir quelle

méthode ils suivraient pour la conversion dudit roi et des gens de son royaume, et quels

principes ils leur donneraient d’abord de notre foi, afin que tout se passe avec beaucoup

de modération ; et on rédigea à ce propos de très longues, dévotes et catholiques

instructions, qui furent remises aux dits Frères »35.

21 La mission partit en 1491 et vint mouiller dans l’embouchure du

22 Congo, face aux terres de la province du Soyo. Le Mani Soyo, gouverneur de la province,

se montra très heureux de l’accueillir. Il ordonna que « sous peine de mort » tous les siens

se réunissent pour une fête en l’honneur du roi de Portugal. Au cours des danses, on

devait chanter les louanges de ce dernier en lui donnant le titre de Zambem apongo, « ce

qui chez eux signifie Seigneur du Monde »36.

23 Zambem apongo (Nzambi Mpungu) signifie « Dieu » en kikongo moderne mais, comme nous

l’avons déjà noté, son sens primitif semble avoir été « roi divin ». Le roi de Portugal était

donc devenu aux yeux des Congolais un dieu vivant, supérieur à leur propre roi parce que

vivant dans un autre monde, par delà les eaux.

24 La mission portugaise désirait se rendre le plus vite possible auprès du roi du Congo, mais

le Mani Soyo voulait être baptisé tout de suite, car il était vieux et craignait de mourir

avant le retour des Portugais37. On céda donc à ses instances ; une église en forme de case

fut hâtivement aménagée. Le Mani Soyo réunit alors tous les siens et leur adressa les

paroles suivantes :

25 « Amis, je tiens pour certain qu’il n’est pas au monde d’hommes plus favorisés par la

fortune ni plus dotés de savoir que les Blancs, et vous le verrez par la perfection des

choses qu’ils possèdent. Et Us ont tout cela parce que, de même qu’ils croient au vrai Dieu,

de même celui-ci rend leurs choses parfaites. Voilà pourquoi je vous fais savoir que dès

demain je veux me faire chrétien, et peu m’importe que vous m’en vouliez du mal ou du

bien. » A quoi tous répondirent : « Seigneur, nous ne vous en voudrons pas de mal, mais

au contraire plus de bien encore, puisque vous faites ce que vous devez. Et puisque vous

voulez être chrétien, soyez assez bon pour consentir à ce que nous aussi nous le soyons

avec vous »38.

26 Mais le Mani Soyo leur opposa un refus, car il jugeait imprudent de permettre à trop de

gens de rang inférieur de partager le privilège du baptême, avant que le roi du Congo ne

fût lui-même baptisé.

27 Le jour de la cérémonie venu, il entre seul dans l’église ; les personnages de sa suite

doivent rester à l’extérieur. Ils tournent autour de la case, inquiets de ce qu’on fait à leur

seigneur. Finalement, le Mani Soyo sort, le visage « rayonnant d’allégresse et de

sérénité », il leur dit :

28 « Amis, quels que soient les signes de plaisir et de bonheur que vous m’avez vu montrer à

l’occasion de telles ou telles de nos fêtes ou de telles ou telles victoires que j’ai remportées

sur mes ennemis – et ce plaisir dépasse tous les autres – je vous affirme que jamais je n’ai

éprouvé de bonheur qui me remplisse de plus de joie et qui me rajeunisse autant que celui

que je ressens à cette heure... »39.

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29 Son entourage se met à regarder les autels et les ornements de l’église, mais le Mani Soyo

leur lance :

30 « Sortez d’ici, parce que tant que vous n’êtes pas chrétiens, vous ne méritez pas de voir de

si saintes choses. Et tous disaient d’une seule voix ; Seigneur, souviens-toi de nous.

Puisque ce bien que tu as reçu est tel qu’il rajeunit les hommes par le plaisir qu’il leur

procure, ainsi que tu le dis, fais-nous en bénéficier. A quoi il répondait : Je vous ai déjà dit

que je ne le peux pas maintenant, et qu’il n’est pas raisonnable de le faire »40.

31 D’après ces paroles, rapportées mot pour mot par Rui de Pina, qui a dû se servir d’un

texte écrit par un témoin, peut-on parler d’un véritable baptême ? Le Mani Soyo ne

semble-t-il pas penser plutôt qu’il s’agissait d’un rite procurant le rajeunissement de

l’être, soutenant les forces vitales du corps, et non d’une grâce surnaturelle41 ? Cette joie

triomphante devant un rite sacré, normalement accompagné d’un humble recueillement,

est-elle conciliable avec une réelle compréhension de son sens et de sa portée42 ? Peut-on,

en somme, parler d’une conversion ? Nous ne le pensons pas.

32 Après la cérémonie du baptême, les religieux portugais « l’invitèrent surtout [le Mani

Soyo] à ne pas adorer les idoles et à ne pas consentir qu’elles fussent plus longtemps

adorées dans son pays, et cela en lui en donnant de bonnes et catholiques raisons,

auxquelles il se rendit, de telle sorte qu’il les fit brûler avec la plus grande rigueur et le

plus grand mépris »43.

33 Ce détail permet d’évaluer ce qu’était, à cette aurore de la christianisation, la force

contraignante de la religion nouvelle.

34 La mission portugaise partit enfin pour la capitale avec deux cents porteurs, et suivie de

beaucoup d’autres Noirs44. A son arrivée, elle fut accueillie par une multitude

innombrable, dans une pompe bruyante et joyeuse. Le roi le reçut dans l’enceinte royale,

sur une estrade, le torse nu et portant les insignes de la souveraineté.

35 « Le capitaine portugais s’approcha de lui et lui baisa la main [...]. Et en signe de

remerciement, le roi prit de la terre dans ses mains et il en frotta d’abord la poitrine du

capitaine, puis la sienne propre, ce qui est le plus grand hommage qu’il puisse rendre,

étant donné son rang et la coutume. Sur ce, tous les gens de sa cour se livrèrent à de

grandes démonstrations, tous levant les bras dans la direction de la mer comme s’ils

montraient le Portugal, et ils disaient en poussant de grands cris : Vive le roi et Seigneur

du Monde, et que Dieu accroisse sa puissance, puisqu’il est si bon et si ami de notre bien-

aimé roi et seigneur »45.

36 Si, dans cette phrase, l’expression « Seigneur du Monde » traduit Nzambi Mpungu, comme

c’est le cas plus haut, quel était donc le mot employé pour Dieu ? Rien ne nous autorise à

suggérer que c’était Bumba, le dieu créateur des Bakongo. Nous retenons cependant cette

hypothèse, tout en reconnaissant sa fragilité.

37 Le roi reçut des Portugais tout ce qu’il avait demandé : les charpentiers, les maçons, et les

femmes chrétiennes pour enseigner à faire le pain, tous munis de leurs outils ; il eut droit

en outre à un cheval sellé et harnaché46 et à une grande quantité de riches tissus. Étonné

de la magnificence et de la nouveauté des tissus, le roi s’exclama :

38 « Je ne puis recevoir d’un tel roi chose dont je ne mérite pas qu’elle pénètre à l’intérieur

de mes yeux et de mon cœur, et à plus forte raison qu’elle couvre mon corps, dont je

pense qu’il a toujours été mort jusqu’à présent »47.

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39 Loin de constituer une preuve d’humilité, cette réticence à l’égard des tissus étrangers

exprime plutôt une crainte typique de l’idéologie africaine ; le risque, pour la royauté

sacrale, de s’exposer aux sortilèges maléfiques que peut renfermer un pagne

préalablement « traité » par un ennemi. Si les rois du Congo et du Loango surmontèrent

rapidement ce tabou, les rois du Kakongo refusaient encore au XVIIe siècle tout contact

avec des tissus étrangers48.

40 Après la remise des cadeaux, le roi s’adresse ainsi à ses « nobles » :

41 « Il est certain que le roi [de Portugal], en qui sont tant de bonté et tant de vertu, est le

seul seigneur du monde, et qu’il mérite de l’être, et ces choses commencent à vous le faire

voir. A moi, qui suis roi de terres si lointaines, à moi dont il n’a nul besoin, et uniquement

parce qu’une seule fois il s’est déclaré mon ami, sans que je l’aie mérité ni ne puisse

jamais le mériter, il a envoyé des secours et m’a fait parvenir tout ce que je lui ai

demandé, et tout aussi complètement que vous le voyez. Que ne fera-t-il donc pas pour

d’autres, qui le servent ou pourraient le servir davantage ? Et les nobles lui disaient :

Certes, Seigneur, tu lui dois beaucoup, et ses réalisations que nous avons devant les yeux

le montrent, et elles t’obligent, et non seulement toi, mais nous tous, les sujets de ton

royaume, qui t’aimons et t’honorons »49.

42 Jamais, apparemment, un roi ne s’est mis aussi délibérément sous la dépendance d’un

autre. C’est précisément cette « capitulation », qui semble prouver que le monarque

portugais apparaissait comme étant de nature divine.

43 Soucieux de présenter les Congolais sous le jour d’une humble innocence, propre à

recevoir la lumière de l’Évangile, Rui de Pina omet un détail significatif, rapporté dans

l’ouvrage d’un Italien, publié à Rome en 1506. D’après cet auteur, le roi du Congo fit

cadeau aux Portugais de sept hommes, qui se suicidèrent sur-le-champ. Les Portugais

ayant refusé, écœurés, de manger leurs têtes rôties, on les donna au peuple50. Ce texte

démontre que les Congolais furent jadis cannibales, ce que l’auteur de l’História do Reino do

Congo (c. 1655) dément catégoriquement51.

44 On entreprit aussitôt la construction d’une église pour le baptême royal. Mille Noirs

commencèrent à réunir les pierres nécessaires, « tout en chantant de joie »52. Mais le roi

demanda à recevoir le baptême avant qu’elle ne fût achevée, car une révolte des tribus

Bateke, à la frontière nord-est, l’obligeait à partir pour la guerre53. On le baptisa donc, en

compagnie de six des principaux nobles, le 3 mai 1491, et il prit le nom de João I.

45 Aussitôt, un grand nombre de nobles, qui n’avaient pas été admis au baptême, se

présentèrent devant le roi, réclamant le même privilège. Il leur répondit en substance que

leur jour viendrait. Mais Duarte Pacheco Pereira (c. 1508), parlant de la christianisation

du royaume en général, affirme que le roi « ne voulait point que qui que ce soit d’autre

[que les six nobles admis au baptême] devînt chrétien, disant que chose si sainte et si

bonne ne pouvait être donnée à aucun vilain »54. Ce curieux désir de limiter les bienfaits

de la nouvelle religion aux dirigeants du royaume fait encore davantage croire à

l’existence d’un malentendu fondamental quant à sa véritable signification.

46 Avant son départ pour la guerre, le roi reçut des Portugais une bannière portant la croix,

et ils lui firent comprendre que s’il croyait en elle il serait toujours victorieux55. C’était

donc un fétiche d’un genre nouveau. Les Portugais participèrent à l’expédition punitive,

après avoir fait venir des renforts de bateaux à l’embouchure du fleuve. Ce fut la première

intervention de Blancs dans les différends entre Africains. On ignore d’ailleurs si les

Portugais firent usage d’armes à feu, mais c’est probable.

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47 Une fois la guerre terminée victorieusement, la mission portugaise repartit pour le

Portugal, laissant quatre moines pour continuer l’évangélisation, un Noir lettré pour

enseigner les enfants du roi et des nobles, et quelques Portugais, qui devaient découvrir la

route des terres du Prêtre Jean56.

48 L’ardeur et l’enthousiasme manifestés par les Congolais pour la nouvelle religion ne

durèrent pas longtemps. Deux ou trois ans après son baptême, le roi apostasia, en raison

surtout de l’incompatibilité radicale entre la polygamie africaine, fondement essentiel de

l’économie agricole des Congolais, et la morale chrétienne57.

49 Un missionnaire contemporain raconte que ce fut pour Nzinga Nkuwu « ... un tourment

mortel que de vivre dans les limites de la loi évangélique, et il se souvenait avec nostalgie

de la liberté païenne ». Pour les nobles, renoncer à la polygamie, c’était « ... leur arracher

les tripes », et les femmes du roi « ... se voyant repoussées brûlaient de rage et de fureur »58.

50 Avec quelques partisans, le fils aîné du roi, Mbemba Nzinga, baptisé Afonso, demeura

fidèle au christianisme, et pour l’en punir, le roi l’exila dans la province de Nsundi59.

NOTES

1. Rui de Pina, Croniqua del-Rei D. Joham II, cap. LVII (« com assaz perygo e dificuldade »).

2. Ibid., cap. LXVIII (« tudo a fim d’aver conhecimento do Preste Joham que lhe dezíam ser

Christão »). Pendant quelques décennies encore après la découverte du fleuve, on pensera

pouvoir atteindre le Prêtre Jean en remontant le Congo vers l’Ethiopie. En 1520, le roi de Portugal

enverra au Congo Gregório da Quadra, avec mission de remonter le fleuve et d’ouvrir la route

vers l’Ethiopie. Il échouera, bien entendu (cf. Damião de Gois, Chronica do Rei D. Manuel, Pt. IV, cap.

LVI ; Lisbonne, 1556-1557, et Jerónimo Osório, De Rebus Emmanuelis, lib. XII, Lisbonne, 1571, (t. III,

p. 300 de la trad. port. de Filinto, Lisbonne, 1804).

3. Cf. A. Fontoura da Costa, Ás Portas da India em 1484, Lisbonne, 1936, pp. 27-28.

4. Bernardo da Gallo, in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst. Hist. Belge

de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 469.

5. Jean Barbot, qui visita le Cabinda en 1700, donne déjà à Mondelle le sens d’« un Blanc » (cf. Jean

Barbot, in Churchill, A Collection of Voyages and Travels, Londres, 1732, vol. V, p. 512.

6. Rivière non identifiée.

7. Texte in G. L. Haveaux, » La tradition historique des Bapende orientaux », in Mémoires de

l’I.R.C.B., Sect. Sc. Mor. et Pol., t. XXXVII, fasc. I (1954), p. 54.

8. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, vol. I, p. 252. Selon Delaere, le terme Kalunga (à

rapprocher de Bilungi ?) désigne, chez les Bapende du Cuango, « l’immensité, l’océan, l’au-delà, le

lieu très vague où l’on se rend après la mort, la terre [au-delà de l’océan] », cf. J. Delaere,

« Nzambi-Maweze. Quelques notes sur la croyance des Bapende en l’Être Suprême », in Anthropos,

37-40 (1942-1945), p. 621 ; cf. aussi Cavazzi, lib. II, § 64, « Tempo fà i Rè di Angola adorauano vn

certo Calunga che significa Mare, ouero Signor grande... » Notons qu’une coutume interdisait aux

rois des royaumes de l’Afrique occidentale de voir la mer. Cf. António de Almeida, « Mais

subsídios para a história dos reis do Congo », in Congresso do Mundo Portugués, Lisbonne, 1940, vol

VIII, p. 661 (Congo) ; António Gil, Considerações sodre (...) a moral religiosa (...) dos pretos (...)

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Lisbonne, 1854, in Boletim LIV, Etnografia e Lingua Tupi-Guarani, n° 8, Univ. de São Paulo, Brésil,

1945, p. 39 (Congo) ; Georg Tams, Visit to the Portuguese Possessions in South Western Africa, Londres,

1843, p. 182 (Ambriz) ; Pechuel-Loesch, Die Deutsche Expedition an die Loango Küste, t. 3, seconde

partie, Stuttgart, 1907, p. 162 (Loango) ; cf. aussi Sture Lagercrantz, Contribution to the Ethnography

of Africa, Lund, 1950, pp. 331-332 (Afrique en général).

9. Cf. Otto Kaiser, Die mythische Bedeutung des Meeres in Ägypten, Ugarit und Israel, Berlin, 1959.

10. Notre étude « La signification cosmographique du passage du Cap Bojador », in Studia,

Lisbonne, n° 8 (1961), pp. 221-256.

11. W. H. Bentley, op. cit., vol. I, p. 252.

12. Manuel Alfredo, de Morais Martins, Contactos de Cultura no Congo Português, Lisbonne, 1958,

pp. 66 et 112. Ceci est vrai pour les populations habitant près de la côte. Dans l’intérieur, les

défunts sont censés habiter les forêts (mfinda), cf. W. H. Bentley, op. cit., vol. I, p. 252.

13. Manuel Alfredo de Morais Martins, op. cit., pp. 71 et 112 ; cf. aussi K. Laman, The Kongo, t. III, p.

15. Selon Van Wing, les albinos – les mfumu zi Ndundu – sont censés être des esprits de grands

ancêtres réincarnés (cf. Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 147).

14. Pigafetta, lib. II, cap. II.

15. Cf. E. G. Ravenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, p. 48.

16. H. H. Johnstone, The River Congo, Londres, 1884, p. 148, note.

17. Cf. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, vol. II, p. 115. Grenfell, voyageant sur le Juapa en

1885, fut accueilli aux cris de Bedimo – » esprits ». Un Anglais, qui accompagna Wolf et von

Wissmann dans leur expédition au Kasai, fut pris pour la réincarnation du chef Chienvu, mort

quelque temps auparavant (cf. C. S. L. Bateman, The First Ascent of the Kasai, Londres, 1869, p. 159).

18. Bernardo da Gallo, in op. cit., p. 468.

19. H. H. Johnstone, The River Congo, p. 148, note. A Joaquim Rodrigues Graça, premier Blanc à

visiter l’empire Lunda en 1845, on raconta que le défunt Muataianvo, Quinauezi, avait dit juste

avant sa mort : « Je ne meurs pas, je me transforme en mort pour aller visiter Muene Putu, mon

frère », Joaquim Rodrigues Graça, « Expediçâo ao Muataianvo », in Bol. Soc. Geog. de Lisbonne, 9e

sér. n° 1 (1890), p. 432.

20. Charles S. Braden, Religious Aspects of the Conquest of Mexico, Duke Univ. Press, 1930, pp. 34-36.

21. André Thevet, Cosmographie Universelle, Paris, 1575, fos 913-920 (v°) ; et aussi Alfred Métraux,

La Religion des Tupinamba, Paris, 1928, p. 227.

22. E. Torday et T. A. Joyce, Notes ethnographiques sur les peuples communément appelés Bakuba, ainsi

que sur les peuplades apparentées, les Bushongo, Bruxelles, 1911, p. 118 ; et H. Baumann, Schöpfung

und Urzeit des Menschen im Mythen der afrikanischen Völker, Berlin, 1936, pp. 96-115.

23. Rui de Pina, Croniqua del Rei D. Joham II, cap.LVII (... as gentes (...) acharam sem conto).

24. P.M., p. 175 (Nginga ancu) ; Bernardo da Gallo l’appelle Ne Muzinga e Ngu (cf. L. Jadin, « Le

Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst. Hist. Belge, fasc. XXXIII (1961), p. 469) ; Rui de

Pina l’appelle Monymoctyanymy (Mwene ntinu a nimi) (cf. M.M.A., vol. I, p. 27 ; l’auteur de l’« História

do Reino do Congo » l’appelle Mozingaeva Motinu (Nzinga Ntinu) (cf. ms. 8080 de la B.N.L., f° 17 (r°). Le

terme Ntinu signifie « roi » (cf. Cavazzi, lib. II, g 86) ; Nimi est un nom de clan (cf. J. Cuvelier,

L’Ancien Royaume du Congo, p. 252. Mwene et Nkuwu sont des titres.

25. Rui de Pina, Croniqua, caps. LVII et LIX. La distance actuelle est de 200 km.

26. João de Barros, Déc. I, lib. III, cap. III.

27. Rui de Pina, Croniqua, cap. LVII.

28. Sur les vraies dates des voyages de Diogo Cão (celles de Rui de Pina sont erronées), cf. A.

Fontoura da Costa, op. cit., p. 14, et E. G. Ravenstein, « The Voyages of Diogo Cão and Bartolomeu

Dias », in Geographical Journal, Déc. 1900, pp. 625-655.

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29. Rui de Pina, Cróniqua, cap. LVII. Toutes les traductions de Rui de Pina, dans ce chapitre, sont

l’œuvre du professeur L. Bourdon, à qui nous tenons à exprimer notre très vive reconnaissance

pour l’attention et la patience qu’il a bien voulu manifester à notre égard.

30. Ibid., cap. LVIII.

31. Rui de Pina, Croniqua, cap. LVIII.

32. Ibid., loc. cit.

33. Ibid., loc. cit.

34. Ibid., loc. cit.

35. Ibid., loc. cit.

36. Rui de Pina, Croniqua, cap. LVIII.

37. Ibid., loc. cit.

38. Ibid., loc. cit.

39. Ibid., loc. cit.

40. Ibid., loc. cit.

41. Notons l’existence, chez plusieurs peuples africains, de certains procédés destinés à

prolonger la vie du roi. Au Buganda, on tuait un jeune homme et on faisait, avec les muscles

enlevés de son dos, des bracelets de cheville pour le roi (cf. J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911,

p. 210). Chez les Jagas de Cassange, le sang de la victime devait jaillir sur la poitrine du Jaga (cf. F.

T. Valdez, Six Years of a traveller’s Life in Western Africa, Londres, 1861, vol. II, p. 159). Rappelons

enfin la célèbre histoire de l’huile capillaire, que le roi zoulou, Chaka, envoya acheter au Cap,

moyennant quatre-vingt-six défenses d’éléphants, et dont il était persuadé qu’elle prolongerait

sa vie (cf. The Diary of Henry Francis Fynn, éd. James Stuart & D. McMalcolm, Pietermaritzburg,

1950, pp. 142-143 et 269. Chaka était convaincu que nul autre que le roi d’Angleterre n’osait

l’employer.

42. Autre exemple de cette allégresse dans un texte de 1584, relatant le baptême d’un chef de la

province de Mbata : « Après avoir été baptisé, il ne se tenait plus de joie, et il est rentré dans son

pays rayonnant d’un immense bonheur, disant que maintenant il appartenait à Dieu. » (Cf.

M.M.A., vol. IV, p. 405.)

43. Rui de Pina, Croniqua, cap. LVIII.

44. Ibid., cap. LIX.

45. Ibid., cap. LX.

46. Ibid., loc. cit. La mouche tsé-tsé abrégea la vie de cet animal.

47. Ibid., loc. cit.

48. Cf. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 340. Cf. aussi l’abbé Proyart, Histoire de Loango, etc.,

Paris, 1776, p. 145. Au Monomotapa, au XVIe siècle, le roi ne porte que des cotonnades fabriquées

dans le pays, alors que les nobles s’habillent avec des tissus importés de l’Inde (cf. João de Barras,

Décadas, Déc. I, lib. X, cap. I.

49. Rui de Pina, Croniqua, cap. LX.

50. Raffaello Maffei da Volterra, Commentartorum Urbanorum, Rome, 1506, f° 138 (v°).

51. Cf. Felner, Angola, p. 376.

52. Rui de Pina, Cróniqua, cap. LXI.

53. Ibid., op. cit., loc. cit. ; João de Barros, Décadas, Déc. I, lib. III, cap. IX ; Garcia de Resende, Chronica

da Vida de D. João II, Lisbonne, 1798, cap. CLXI ; Pigafetta, lib. II, cap. II.

54. Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis, (c. 1508) (éd. de l’Ac. Hist. Port., Lisbonne,

1954, p. 170).

55. Quarante ans plus tard, dans une lettre adressée à son successeur, D. Afonso I, le roi du

Portugal D. João III s’étonnera de savoir toujours en usage, en guise de bannière de guerre, « les

peaux et les choses du temps passé » (cf. M.M.A., vol. I, p. 528).

56. Rui de Pina, Croniqua, cap. LXIII.

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57. Raimondo da Dicomano devait traiter très explicitement ce problème, lorsqu’il écrira en

1795 : « Parce qu’un homme qui n’a qu’une seule femme est toujours pauvre. Il n’a pas à manger

et n’est pas considéré. Parmi eux, les seules qui travaillent et qui donnent à manger aux hommes

sont les femmes. Or une femme ne peut seule donner à manger à son mari, manger elle-même et

ses enfants... Au contraire, si un homme a dix, vingt et plus de femmes, il est tenu

immédiatement pour un grand seigneur, parce que les femmes divisent entre elles l’année pour

donner à manger au mari. » (Cf. L. Jadin, « Relation sur le Congo du P. Raimondo da Dicomano,

missionnaire de 1791 à 1795 », in Bull. des Séances de l’Acad. Roy. des Sc. Col., t. III, fasc. 2 (1957), pp.

321-322.)

58. Frei Luis de Sousa, História de São Domingos, Pt. II, Lisbonne, 1662, lib. VI, cap. X, p. 244.

59. M.M.A., vol. I, p. 261 ; Pigafetta, lib. II, cap. II.

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Chapitre VIII. Le règne de D. AfonsoI « Apôtre du Congo » (1506-1543)

1 Après la mort, en 1506, du roi D. João I, les grands du royaume avaient élu comme

successeur un fils « bâtard », Mpanzu Nzinga1. Arguant d’un droit fictif de primogéniture2

, D. Afonso, le fils aîné, contesta ce choix et tenta de s’imposer avec des partisans

chrétiens3.

2 Un affrontement épique devait avoir lieu entre chrétiens et païens : d’un côté Mpanzu

Nzinga, avec « un nombre infini de gens », de l’autre Afonso avec trente-six compagnons

chrétiens4. A grands cris, les chrétiens invoquaient les noms du Christ et de saint Jacques,

et « aussitôt les adversaires fuyaient ». Interrogés plus tard sur les raisons de cette fuite

précipitée, ils répondirent qu’ils avaient « vu dans l’air une croix blanche et le

bienheureux apôtre saint Jacques, avec de nombreux cavaliers armés et vêtus de blanc,

les combattre et les tuer »5.

3 La tradition orale du début du XVIIIe siècle ramène cet événement à des proportions plus

modestes : « ... au cours de la bataille comparut parmi les autres, dans l’armée chrétienne,

un homme blanc pris pour saint Jacques »6. Il s’agissait sans doute d’un Portugais, monté

sur un des rares chevaux qui avaient résisté à la mouche tsé-tsé. Quelques Portugais, on le

sait, apportèrent leur aide au parti chrétien7, et leur seule présence semble avoir été

décisive.

4 Dans la bataille, Mpanzu Nzinga trouva la mort et le capitaine de l’armée païenne, « qui

s’appelait Manibunda » (le Mani Vunda, selon toute probabilité), eut droit à la clémence de

D. Afonso, qui lui infligea toutefois un châtiment, étendu à ses descendants : balayer

l’église et la maintenir propre.

5 Après la victoire, D. Afonso réunit le peuple sur la grande place de la ville et fit un

discours, qu’il rapporte textuellement au roi de Portugal dans une lettre écrite par son

secrétaire noir, le 5 octobre 15148 :

6 « Alors, mes frères, vous savez que pour ce qui est de la foi en laquelle nous avons cru

jusqu’à présent, tout n’est qu’illusion et vent, parce que la vraie foi est celle de notre

Seigneur Dieu, créateur du ciel et de la terre. Car il fit notre père Adam, et Eve, et les mit

dans le paradis terrestre, et leur interdit de manger un fruit qui s’y trouvait. Par la

séduction du diable, notre mère Ève alla le manger, enfreignant le commandement de

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Dieu. Elle pécha, puis fit pécher notre père Adam. C’est pourquoi nous sommes tous

condamnés. Et puisqu’il leur suffit d’enfreindre un seul commandement pour se perdre,

nous [le risquons] plus encore, qui en avons dix. Mais pour que vous sachiez combien Dieu

est miséricordieux : voyant que notre perdition avait été causée par une femme, il a voulu

que nous fussions sauvés par une autre, qui est la Vierge glorieuse, Notre Dame. C’est

dans son précieux ventre qu’il voulut donner forme humaine à son saint fils, qui devait

nous racheter et nous sauver. Celui-ci subit la passion et la mort pour notre salut, et laissa

douze apôtres pour aller prêcher dans le monde entier et y enseigner sa Sainte Foi ; et

[dire] que quiconque y croirait serait sauvé et accéderait à son Saint Royaume. Jusqu’ici,

nous n’avions aucun moyen de connaître celui-ci ; maintenant qu’il [le Christ] nous a

ouvert la voie du salut, réjouissez-vous tous d’être chrétiens, apprenez les choses de sa foi

et suivez l’exemple de ceux qui sont ses serviteurs, qui observent une grande chasteté et

vivent dans l’austérité et le jeûne, et mènent une très sainte vie. Quant aux pierres et aux

morceaux de bois que vous adorez, [sachez que] notre Seigneur nous a donné les pierres

pour faire des maisons et le bois pour le brûler.

Alors des hommes et des femmes, en nombre infini, se convertirent et devinrent

chrétiens »9.

7 Que faut-il penser de ce curieux texte, apparemment de rédaction purement africaine,

auquel nulle main européenne n’aurait prêté son concours ? Contrairement à certaines

lettres, écrites par les rois du Congo au XIXe siècle, et dont la syntaxe est très aléatoire10,

celle de D. Afonso (ou de son secrétaire) ne semble pas très différente des lettres

officielles portugaises de l’époque. Dans l’exposé de la religion chrétienne, on notera

toutefois des antithèses stylisées (« ... un seul commandement... dix [commandements] –

« ... perdition causée par une femme... sauvés par une autre... »), qui rappellent

étrangement un catéchisme appris mécaniquement. On peut en dire autant des allusions

aux pierres et aux morceaux de bois.

8 Qu’avait, en fait, compris D. Afonso de cette nouvelle religion, qu’il venait de faire

triompher, et que se passa-t-il en réalité lors de cette conversion en masse, qui survint

sur la grande place, où il flétrit l’ancienne religion, disant que ce n’était que « vent et

illusion » ?

9 Il est malaisé de savoir comment, et en combien de temps, cette « révolution chrétienne »

atteignit le peuple. Selon une tradition orale moderne, recueillie par Cuvelier en 1946,

c’est le discours de D. Afonso qui inaugure, au Congo, la période connue sous le nom de

Tandukia Nkangi, « la Période du Sauveur », « du Crucifix »11. Cette même tradition donne

une autre version de la scène sur la grande place :

10 D. Afonso convoqua tous les chefs du royaume. Il leur dit : « Cessez d’honorer les fétiches,

de croire aux amulettes, maintenant que nous avons vu la croix du fils de Dieu. Quiconque

les honore sera condamné à mort ». Les chefs acceptèrent cette loi12. Cependant une

parente maternelle du roi n’en tint aucun compte et continua à porter au cou des

amulettes13. Son exécution fut ordonnée par D. Afonso. Indignés, quelques chefs

coururent prendre leur arcs et leurs flèches. D. Afonso sortit de son enceinte, tenant une

croix entre ses mains. Il alla s’asseoir sur la grande place, les yeux au ciel. Les chefs

tirèrent sur lui de nombreuses flèches, mais aucune ne l’atteignit. Stupéfaits, ils cessèrent

de tirer. Alors le roi leur dit : « Vous voyez que Dieu l’emporte. J’ai condamné cette

femme au nom de la religion souveraine. » Tous les chefs dirent alors qu’ils croyaient en

Dieu et au Christ. D. Afonso leur remit des crucifix14.

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11 Qui était cette « parente maternelle » ? De nombreuses sources affirment qu’il s’agissait

de la propre mère de D. Afonso15. Pour M. Georges Balandier, il ne saurait en être ainsi, la

tradition en question se rapportant vraisemblablement à « un rituel à implications

magiques associé à l’établissement de tout nouveau règne »16. La description que donne

Pigafetta du soutien apporté par la mère de D. Afonso à son fils, après qu’il eut été exilé

par son père, semble lui donner raison : elle était, écrit-il, « toujours restée ferme dans la

foi catholique »17. Était-ce la reine-mère, dont nous avons vu plus haut le rôle important

dans la royauté africaine ? On pouvait en effet s’attendre à voir se rallier autour d’elle les

adeptes des pratiques religieuses traditionnelles.

12 La soumission des Congolais à la nouvelle religion sera justifiée rétrospectivement,

comme le démontre une tradition courante au début du XVIIIe siècle, concernant le roi

Nzinga Nkuwu (futur D. João I) avant l’arrivée des Européens :

13 « ... étant vieux et décrépit, il n’avait plus le goût de sacrifier aux idoles, accablé déjà par

la multitude des années et peut-être mû par des lumières surnaturelles [...] Les Congolais

l’importunaient pour qu’il se levât et sacrifiât aux idoles, comme de coutume. « Laissez-

moi tranquille, répondait le pauvre vieux ennuyé, laissez-moi tranquille, parce que ces

choses que nous faisons sont de pures folies. De là viendra – et il désigna de sa main la

direction de la mer occidentale – de là viendra le vrai sacrifice et la connaissance du vrai

Dieu, et peut-être aurai-je le bonheur de le voir de mon temps. » Les Noirs croyaient qu’il

divaguait comme un homme âgé, et ensuite ils virent que tout ce qu’il avait dit arriva.

Les Portugais arrivaient en effet peu de temps après dans la mer du Soyo »18.

14 Ainsi, par un consentement prophétique, inséré a posteriori dans la tradition historique se

rapportant au temps pré-chrétien, la révolution chrétienne se trouve en quelque sorte

justifiée.

15 Après la victoire sur son frère païen, D. Afonso I, l’« Apôtre du Congo » va régner pendant

trente-cinq ans19.

16 L’historien contemporain João de Barros dit de lui qu’il « ... fit preuve non seulement des

vertus d’un prince chrétien, mais joua le rôle d’un apôtre, évangélisant et convertissant

lui-même une grande partie de son peuple [...] Et pour mieux exercer cet office de

prédicateur, il apprit à lire notre langue ; et il étudiait la vie du Christ et ses Évangiles, les

vies des saints et autres doctrines catholiques qu’il pouvait apprendre avec l’aide de nos

prêtres, et il expliquait tout cela à ce peuple barbare. Il envoya aussi au Portugal ses fils,

ses petits-fils, ses neveux et quelques jeunes nobles, pour y apprendre à lire et écrire non

seulement le portugais, mais aussi le latin et les textes sacrés »20.

17 Comment ce « prince chrétien » avait-il résolu le problème de la polygamie, sur lequel

avait achoppé son père ? Demeurait-il monogame ? Cuvelier, invoquant un texte de João

de Barros, est de cet avis21. Quant à Barros lui-même, qui fait allusion au renvoi d’une

concubine, il se réfère alors non pas à D. Afonso, mais à son père D. João I22. Nul

témoignage ne nous est parvenu, qui permette de définir avec certitude la position de D.

Afonso sur ce point ; le fait qu’il ait eu plus de trois cents petits-fils et arrière-petits-fils

pourrait faire douter qu’il fût monogame, mais n’est pas une preuve23.

18 Quel fut son comportement à l’égard de la coutume de l’inceste royal ? On l’ignore

également, mais on sait que l’un de ses successeurs, D. Diogo (1545-1561), demandait à

l’Église d’entériner par une dispense son mariage avec une parente proche24. Nous savons,

par ailleurs, que l’inceste royal était toujours pratiqué au Congo au XVIIe siècle25. Sur ce

point, la christianisation semble n’avoir rien changé.

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19 Nul document ne nous est parvenu pour nous expliquer comment D. Afonso « évangélisait

et convertissait » son peuple, comme l’indique João de Barros. Dans une lettre datée du 5

octobre 1514, D. Afonso souhaite qu’on lui envoie « quelques bombardes et des fusils »

pour pouvoir brûler « une grande maison d’idoles [fétiches]... car si on la brûlait sans

l’aide des chrétiens [portugais] » il y aurait une révolte où il pourrait risquer sa vie.

Comme les armes n’étaient pas arrivées, il dut brûler les idoles « le plus secrètement

possible »26. C’est une preuve que le courant traditionaliste hostile à la nouvelle religion

était encore loin d’être endigué.

20 Son programme d’enseignement consistait à faire construire une grande enceinte de

pieux et d’épines, où il enfermait 400 jeunes gens, enfants de la cour et des nobles, pour

éviter qu’ils « ne sautent dehors et prennent la fuite ». Leur instruction est confiée à des

prêtres portugais, logés dans une enceinte contiguë ; mais les quatre prêtres ne restèrent

que « trois ou quatre jours », et deux demandèrent à rentrer aussitôt en métropole27.

Serait-ce parce qu’ils ne parvenaient pas à imposer une discipline ?

21 Au Portugal, l’éducation des Congolais ne va pas non plus sans mal. Le 27 mai 1517, D.

Afonso écrit au roi de Portugal pour répondre à une lettre de ce dernier, où il lui faisait

savoir que les jeunes parents qu’il avait envoyés se faire instruire ne faisaient aucun

progrès et qu’il ne fallait pas en envoyer d’autres. D. Afonso se déclare très peiné et

recommande qu’ils soient « sévèrement châtiés ». Ce serait pour lui « une très grande

honte » qu’ils n’aient plus la possibilité d’aller s’instruire au Portugal. Il répète « qu’ils

doivent être châtiés et corrigés, car c’est par le travail qu’on atteint le royaume des

cieux ». Il demande qu’ils soient dispersés à travers le Portugal, pour qu’ils ne restent pas

ensemble28. La cour de Lisbonne semble s’être laissée quelque peu fléchir par cette

plaidoirie, car le roi D. João III écrira en 1529 qu’il acceptera jusqu’à douze jeunes

Congolais, dont il assurera l’instruction29. L’historien contemporain Damião de Gois

rapporte que les étudiants congolais finirent par donner des preuves d’assiduité, car

« beaucoup sortirent lettrés [des couvents et des maisons de personnes savantes et

pieuses chargées de leur instruction] et tels que, par la suite, ils firent un travail très

fructueux dans leur pays, y prêchant la foi catholique »30. Cela est vrai au moins de l’un

d’entre eux, Henrique, un des fils de D. Afonso, qui fut sacré évêque à Rome en 151831. Un

autre fils resta à Lisbonne et devint professeur d’humanités32.

22 Au Congo même, l’enthousiasme pour l’instruction ne faisait pas défaut. Le roi portugais

D. Manuel écrira à D. Afonso, vers 1529, qu’on « lui vantait beaucoup la manière dont on

enseignait dans les écoles, de nuit et de jour », mais il recommande des classes moins

nombreuses, pour que l’enseignement soit meilleur33. Que sait-on au juste de ces écoles au

Congo ? Assez peu de choses en fait. Selon Rui de Aguiar (1516), « de nombreux Congolais

christianisés s’étaient répandus à travers le royaume pour y fonder des écoles, où ils

enseignaient la sainte foi au peuple » ; une des sœurs de D. Afonso, une femme d’une

soixantaine d’années et « qui sait très bien lire », était professeur dans une école de

jeunes filles34.

23 Jusqu’à quel point D. Afonso était-il vraiment lettré ? On sait qu’il lut les instructions

données en 1512 à l’ambassadeur Simão da Silva (qui mourut en arrivant au Congo)35. Par

les soins de cet ambassadeur, il reçut du roi de Portugal le code des lois portugaises

(Ordenações Manuelinas) en cinq volumes, qu’il avait demandé36. Damião de Gois raconte

qu’il a su par un Portugais, Balthasar de Castro, rentrant du Congo, que D. Afonso « les

avait tous lus »37. Castro rapporta même une boutade du roi qui, ayant trouvé ces lois

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beaucoup trop complexes pour être appliquées au Congo, lui avait demandé : « Castro,

quelle peine inflige-t-on, au Portugal, à celui qui pose les pieds par terre ? »38.

24 L’érudition de D. Afonso est évoquée, sans doute avec trop de lyrisme, par Rui d’Aguiar

dans une lettre du 25 mai 1516 au roi de Portugal, D. Manuel :

25 « Quant à ses qualités de chrétien, sachez qu’il me semble, d’après la façon dont il parle,

que ce n’est pas un homme, mais plutôt un ange, que le Seigneur a envoyé dans ce

royaume [le Congo] pour le convertir ; car je vous assure que c’est lui qui nous instruit, et

qu’il connaît mieux que nous autres les Prophètes, et l’Évangile de Notre-Seigneur Jésus-

Christ, et toutes les vies des Saints et toutes les choses de notre Sainte Mère l’Église [...]

car il ne fait rien d’autre qu’étudier, et il lui arrive maintes fois de s’endormir sur ses

livres, et souvent il oublie de manger et de boire pour parler des choses de Notre-

Seigneur »39.

26 Sous l’influence des Portugais40, la cour de São Salvador devint une imitation de la cour

royale portugaise. Les membres du corps administratif prirent des titres comme mordomo

(majordome)41, trinchante (écuyer chargé de découper les viandes)42, copeiro (échanson)43,

camareiro (chambellan) 44 ; quant à la caste dirigeante, elle s’adjugera les titres de

« comte », de « duc » et de « marquis », les provinces deviendront « comtés » et

« marquisats »45.

27 En 1513, encouragé par le roi de Portugal, D. Afonso prête serment d’obédience au pape,

en qualité de prince chrétien46. Cet acte, qui établissait un lien direct entre São Salvador

et le Saint Siège, vaudra au Congo, comme nous le verrons plus loin, une protection

précieuse lorsque les conquistadores portugais, installés à Luanda en Angola chercheront, à

partir de 1571, à étendre leur hégémonie à ce royaume.

28 Outre l’envoi de missionnaires, D. Afonso sollicite des rois de Portugal, dans ses lettres,

une aide technique : un conseiller juridique, qui l’aiderait à introduire chez lui le système

portugais de l’administration de la justice47, des médecins, des pharmaciens et des

médicaments48 (qu’il obtiendra)49, enfin des artisans pour construire une école50. On lui

avait déjà envoyé du Portugal (1512)51 des maçons, pour lui construire une demeure en

pierre, un tuilier et un cordonnier, mais il se plaint qu’aucun d’eux n’ait jamais rien fait :

les maçons s’étaient mis à acheter des esclaves, le tuilier « n’avait jamais voulu fabriquer

de tuiles ni de briques », et le cordonnier, à qui il avait donné vingt peaux de chèvres,

vingt de moutons et vingt d’autres bêtes, n’avait pas su ou voulu les utiliser52. De

l’équipage d’un bateau français, capturé par les Portugais jaloux de leur monopole du

commerce dans ces parages, D. Afonso avait pu récupérer un charpentier et un pilote

« bon grammairien, qui pourrait instruire les membres de sa famille »53. L’incompétence

des artisans portugais n’est pas expliquée, on ne peut guère l’attribuer qu’aux difficultés

auxquelles se heurtait l’exercice d’un métier spécialisé dans un milieu social étranger.

29 Les lettres de D. Afonso révèlent les déceptions d’un homme, qui avait donné toute son

adhésion à la civilisation européenne, qui croyait encore à la bonne foi et à la générosité

de son « frère » – c’est le mot qu’il emploie pour s’adresser au roi de Portugal –, mais qui

se trouvait profondément surpris et peiné par le comportement intéressé, désinvolte,

voire insolent, des Portugais résidant au Congo.

30 La célèbre image d’une entente idyllique entre les deux royaumes, le Portugal et le Congo,

dont parlent certains auteurs, n’a jamais existé, en fait, que dans le pieux projet du roi de

Portugal D. João II (1495-1521), qui voulait se targuer devant le pape d’avoir fait rentrer

dans la bergerie chrétienne un troupeau égaré54. Les notions confuses de la géographie de

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l’Afrique, qui avaient cours à la fin du XVe siècle en Europe, induisaient les Portugais à

considérer le Congo comme une marche distante du royaume du Prêtre Jean. Si les

Congolais semblaient ignorer le nom du Christ, c’était sans doute parce que l’Evangile

avait été oublié par certains peuples très éloignés des foyers de la civilisation. Lorsque

plus tard (au XVIe siècle) on s’aperçut que le christianisme ne s’était jamais diffusé nulle

part en Afrique bantoue (ni d’ailleurs en Amérique) les Congolais, bien qu’officiellement

« convertis », furent relégués par les Portugais (mais non pas par Rome), avec tous les

autres Noirs, dans la catégorie de gentios (païens), terme qui sera à tel point opposé à

l’idée de civilisation européenne que la phrase des Chansons de Geste « Chrétiens unt dreit

e païens unt tort » retrouvera tout son sens, les chrétiens étant en l’occurrence

uniquement les Portugais de Luanda55.

31 A travers le XVIe siècle, l’image des Congolais présentés comme « des âmes élevées dans

l’innocence de leurs premiers parents [Adam et Ève] qui, par la Foi et le Baptême mettent

avec douceur et obéissance leur nuque sous le joug évangélique »56, fera place à celle que

donnent des Noirs les jésuites : « ... bien que dociles, ils ont besoin de se soumettre à une

autorité pour être bien convertis, car sans sujétion, ni eux, ni aucun autre peuple barbare,

pour si bien disposé qu’il soit, ne pourra garder la foi : on le voit bien au Congo, où le

christianisme a si mal tourné »57.

32 D. Afonso se rendit compte qu’à Lisbonne on l’avait oublié, et qu’à la cour ses affaires

étaient « en sommeil » (em calmaria)58.

33 Quelques semaines plus tard, il écrira que certains Portugais résidant dans le pays avaient

tenté de l’assassiner dans l’église, alors qu’il entendait la messe, « ... uniquement pour que

je meure et qu’ils puissent imposer un roi de leur choix »59. A l’automne de sa vie, D.

Afonso vit s’installer la méfiance entre les Portugais de son royaume et lui-même, sans

perdre pour autant ni sa foi chrétienne, ni sa confiance en son « frère » de Lisbonne. Il

faisait retenir la correspondance portugaise destinée à la métropole, afin d’éviter toute

chaîne parallèle au courrier royal60. Ses ennemis, de leur côté, s’employaient à empêcher

ses lettres de parvenir à Lisbonne61.

34 D. Afonso mourra en 1543, et il ne semble pas que les textes de l’époque aient mentionné

l’événement, du moins n’y trouve-t-on pas la moindre allusion62.

NOTES

1. P.M., p. 175 (document de 1624) ; João de Burros l’appelle Panso Aquitima (Mpanzu a Kitima), (cf.

João de Barros, Décadas, Déc. I, lib. III, cap. X).

2. M.M.A., vol. I, p. 267 (lettre de D. Afonso aux grands du royaume, 1512).

3. Nous écartons la version de Pigafetta (lib. II, cap. III), qui nous semble suspecte. Selon lui, D.

Afonso, usant de son « droit » de primogéniture, serait monté sur le trône normalement, et ce ne

fut que par la suite que son frère païen contesta ce droit.

4. M.M.A., vol. I, p. 262 (doc. de 1512). D’autres documents parlent de 37 (cf. M.M.A., vol. I, p. 267 ;

P.M., p. 175 ; João de Barros, Déc. I, lib. III, cap. X).

5. M.M.A., vol. I, pp. 263 et 268 (documents de 1512).

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6. Cf. Bernardo da Gallo (1717), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst.

Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 472.

7. Pigafetta, lib. II, cap. III.

8. « Et nous écrivons ceci avec [l’aide d’]un de nos Jeunes hommes de l’école, parce que nous

n’osons faire appel à aucun des hommes [blancs ?] qui sont ici, car aucun des plus instruits n’est

sans reproche » (cf. M.M.A., vol. I, p. 322).

9. M.M.A., vol. I, pp. 298-299, lettre de D. Afonso au roi D. Manuel, 5 octobre 1514. La dernière

phrase s’enchaîne aux autres sans aucune ponctuation.

10. Cf. infra, chap. XV, g 6.

11. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 201.

12. Tout ceci est confirmé par Pigafetta, lib. II, cap. III.

13. J. Cuvelier, op. cit., p. 120, reprenant une tradition orale.

14. J. Ibid., op. cit., pp. 120-121.

15. Cf. Giuseppe Monari da Modena (1711-1721), in Evaristo Gatti, Sulle Terre e sui Mari, Parme,

1931, p. 130 ; Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Anto-niens », in Bull,

de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 471 ; P. Cherubino da Savona (1775), in L. Jadin,

« Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV (1963),

p. 460 ; Le roi du Congo, Garcia V, lettre du 26-11-1813, in L. Jadin, « Recherches sur les archives

d’Angola », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, t. II, fasc. 6 (1956), pp. 961-968.

16. G. Balandier, La Vie quotidienne au Royaume du Congo du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, 1965, p. 271,

note 14.

17. Pigafetta, lib. II, cap. II.

18. Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst.

Hist. Belge, fasc. XXXIII (1961), p. 469.

19. Cf. Biographie coloniale belge, t. II, à « Afonso I ».

20. João de Barros, Décadas, Déc. I, LIb. III, cap. X.

21. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 315, note 55.

22. João de Barros, Déc. I, lib. III, cap. X.

23. M.M.A., vol. I, p. 533 (lettre de D. João III de Portugal, de c. 1529).

24. M.M.A., vol. II, p. 326 (texte de 1553).

25. M.M.A., vol. VI, p. 375 (lettre de Manuel Baptista, du 7-4-1619).

26. M.M.A., vol. I, pp. 296-298.

27. Ibid., vol. I, p. 300 (lettre du 5-10-1514).

28. Ibid., vol. I, p. 356 (lettre de 1516).

29. Ibid., vol. I, p. 533.

30. Damião de Gois, Chronica do Felicissimo Rei Don Manuel, Pt. I, chap. LXXVI, Lisbonne, 1556 (trad.

franç, de Willy Bal, Le Royaume du Congo aux XV et XVIe siècles, Bruxelles, 1963, p. 56.

31. Il retourna au Congo en 1521, mais mourut probablement avant 1534 (cf. Biographie Coloniale

Belge, t. II, à « Henrique »).

32. Cf., ibid.

33. M.M.A., vol. I, p. 533.

34. Ibid., vol. I, p. 362 (lettre de Rui d’Aguiar au roi D. Manuel, du 25-5-1516).

35. Ibid., vol. I, p. 310 (lettre de D. Afonso, du 5-10-1516). Les autres Portugais tentèrent sans

succès de l’en empêcher, craignant qu’il n’en fût fâché.

36. Ibid., vol. I, p. 356 (lettre du 4-3-1516).

37. Damião de Gois (1556), in M.M.A., vol. I, p. 374.

38. Ibid., loc. cit.

39. M.M.A., vol. I, p. 361 (lettre de Rui d’Aguiar, au roi D. Manuel, du 25 mai 1516).

40. M.M.A., vol. I, p. 235. Instructions à Simão da Silva (1512).

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41. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 302.

42. Ibid., p. 303.

43. Ibid., loc. cit.

44. Ibid., p. 304.

45. M.M.A., vol. I, pp. 244-246. Les titres de duc, comte, etc., ne deviendront d’usage courant que

vers la fin du XVIe siècle (cf. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, pp. 186 et 195).

46. Ibid., vol. I, pp. 270-271.

47. Ibid., vol. I, pp. 233-234 (Regimento de Simão da Silva). Il en recevra un.

48. Ibid., vol. I, p. 523. Un chirurgien, un médecin et des médicaments lui avaient déjà été envoyés

en 1512 (cf. M.M.A., vol. I, p. 253).

49. Ibid., vol. I, p. 523. Un chirurgien, un médecin et des médicaments lui avaient déjà été envoyés

en 1512 (cf. M.M.A., vol. I, p. 253).

50. Ibid., vol. I, p. 338 (lettre du 31-5-1515).

51. Ibid., vol. I, pp. 233-234 (Regimento de Simão da Silva, 1512). On ignore ce qu’étaient devenus

les artisans envoyés à son père D. João I.

52. Ibid., vol. I, pp. 306-316 (lettre du 5-10-1514).

53. Ibid., vol. I, pp. 476-477 (lettre du 25-8-1526).

54. Cf. la lettre de D. Afonso au pape, de 1512 (cf. M.M.A., vol. I, p. 272), où les ternies employés

pour faire l’éloge des monarques portugais font douter de la spontanéité de l’inspiration de

l’auteur. Il y est question des « grosses dépenses, des efforts et des peines pour envoyer des

religieux au Congo ».

55. L’historien de l’Angola, António de Oliveira de Cadornega, est un bel exemple de cette

mentalité (1680).

56. João de Barros, Déc. I, lib. III, cap. XII.

57. M.M.A., vol. II, p. 518 (texte de 1563).

58. Ibid., vol. II, p. 101 (lettre du 4-12-1540).

59. Ibid., vol. II, p. 105 (lettre du 17-12-1540).

60. Ibid., vol. II, pp. 76-77.

61. Ibid., vol. II, p. 104.

62. Pour la date de la mort de D. Afonso, cf. la lettre de D. Manuel à son frère, M.M.A., vol. II, pp.

120-124 (1543).

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Chapitre IX. Le royaume du Congoet ses rois leurs rapports avec lesEuropéens (1543-1654)

1 A la mort de D. Afonso, le royaume est plongé dans l’anarchie caractéristique des

interrègnes en Afrique. Elle durera deux ans : les Portugais tenteront sans succès

d’imposer un roi de leur choix, D. Pedro I (1543-1544 ?) ; le règne de D. Francisco I, qui lui

succéda, fut également bref.

2 Une période de relative stabilité politique suivra, avec D. Diogo I (1545-1561). Ce roi sut se

montrer le maître de son pays, fit de son mieux pour contrôler, dans l’intérêt de ce

dernier, l’activité des marchands portugais1, et surtout mit un frein à la trop grande

ingerance des jésuites dans la vie traditionnelle congolaise.

3 Installés à São Salvador depuis 1548, les missionnaires de la Compagnie de Jésus

s’appliquaient à discipliner le christianisme confus des Congolais. En 1555, D. Diogo,

excédé par leurs reproches trop sévères à propos de sa vie licencieuse (de nouveau le

problème de la polygamie), les expulsa de son royaume, avec de nombreux autres

Européens2. On tolérera toujours certains Blancs et des membres du clergé régulier, plus

accommodants à l’égard des mœurs du pays.

4 Une nouvelle période de troubles s’ouvre à la mort de D. Diogo, en 1561 ; elle ne se

terminera qu’en 1572.

5 D. Afonso II, placé sur le trône par les Portugais, sera aussitôt assassiné avec ceux qui l’ont

soutenu, car les Congolais n’admettent point que soit bafouée leur coutume d’élire les rois3.

6 Deux autres rois suivront : D. Bernardo I (1561-1567) et D. Henrique I (1567-1568). Tous

deux mourront dans des guerres de frontières contre les Bateke et les Jagas4.

7 De 1561 à 1572, le Congo va en effet subir une longue série d’assauts de ses adversaires

africains. L’année de l’avènement de D. Álvaro I (1568-1587), le pays est envahi et dévasté

par les Jagas, tribu cannibale, organisée en bandes nomades et originaire d’outre-Cuango.

São Salvador et ses églises sont détruits, le roi et sa cour contraints de se réfugier sur une

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île du Congo. Là, poussés par la famine, ils iront jusqu’à vendre les membres de la famille

royale aux négriers de São Tomé5.

8 Une force expéditionnaire de 600 soldats blancs, envoyée par Lisbonne en 1571, chassera

les Jagas et rétablira le malheureux D. Alvaro I sur son trône après deux ans d’efforts6.

Reconnaissant de cette aide, il « ... offroit (sic) de se rendre vassal de la couronne

portugaise et de lui payer un tribut annuel en esclaves ; mais le roi D. Sébastien refusera

généreusement... »7.

9 Les conquistadores portugais de l’Angola, installés à partir de 1575 à Luanda dans leur

nouvelle colonie, tenteront, pour justifier leur désir de conquérir le Congo, de mettre en

doute la réalité de ce « refus généreux »8mais on en a une preuve concrète : une lettre du

chanoine Bras Corrêa, qui déclare avoir vu et lu la lettre de D. Sébastien à D. Álvaro I9.

10 Des 600 soldats venus seconder D. Álvaro I, un certain nombre restera à São Salvador. Le

soutien qu’apportent ces mercenaires et leurs successeurs à la monarchie10 en renforcera

le pouvoir autocratique, et rendra plus tendus ses rapports avec la caste dirigeante.

Pendant les quarante premières années du XVIIe siècle, São Salvador demeurera, grâce à

l’appui de ces Européens, le centre dominant du royaume, malgré une constante

instabilité politique11 et des révoltes sporadiques dans les provinces12.

11 Les interrègnes chaotiques se répètent à la mort de chaque roi. D. Álvaro I sera suivi de D.

Álvaro II (1587-1614) ; D. Bernardo II (1614-1615) ; D. Álvaro III (1615-1622) ; D. Pedro II

(1622-1624) ; D. Garcia I (1624-1626) ; D. Ambrósio I (1626-1631) ; D. Álvaro IV (1631-1636) ;

D. Álvaro V (1636) et D. Álvaro VI (1636-1641) 13.

12 D. Álvaro VI, premier roi de la dynastie des Nlaza14, pour mieux asseoir son pouvoir

« usurpé »15, « envoya demander la couronne au souverain pontife, ce qui lui fut accordé

avec une paternelle bonté », mais il mourut avant de recevoir la réponse de Rome, et ce

fut son successeur, son frère D. Garcia II (1641-1661), qui profita de cette légitimité

douteuse16. C’est sans doute de cette époque que date la sanglante rivalité entre les clans

Mpanzu et Nlaza, qui va déchirer le Congo à la fin du XVIIe siècle17.

13 En 1636, forte de ses rapports directs avec les Européens, la province du Soyo conquiert

son indépendance. Son gouverneur, qui s’arroge le titre de « comte de Soyo », se

réservera toutefois le droit de participer à l’élection des rois du Congo18. Ce sera le plus

grand coup porté à l’intégrité territoriale du Congo depuis l’indépendance des provinces

du Loango, du Kakongo et de l’Angoï. Du fait de sa situation maritime, lui permettant de

contrôler le commerce vers l’intérieur, le Soyo va devenir puissant au point de rivaliser

avec le Congo lui-même19.

14 A partir de 1602, des marchands hollandais commencent à fréquenter le grand fleuve20 et

à concurrencer sérieusement les Portugais. Bien que ceux-ci les dénoncent comme

hérétiques, les Congolais ne verront aucun inconvénient à commercer avec eux21.

Politiquement, ils étaient parfaitement en droit d’essayer de profiter de cette rivalité, et

ils y réussiront pendant un temps. Mais c’est bien dans cette compétition commerciale

entre nations européennes qu’il faut chercher les causes du désastre qui frappera le

Congo en 1665, car contre le défi économique, les Portugais n’auront d’autre arme que la

guerre.

15 Excédés par cette prétention à l’indépendance, et surtout inquiets de voir les Congolais en

rapports avec d’autres Européens, les conquistadores de Luanda vont lentement mettre sur

pied un projet d’intervention militaire, pour placer le Congo sous leur hégémonie22. A ce

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but, il s’en ajoute un autre : posséder les mines de cuivre exploitées par les Congolais à

Bembe23.

16 En 1641, aidés de guerriers Jagas, les conquistadores sont sur le point d’envahir le Congo24,

mais les Hollandais occupent Luanda, réduisent à néant la puissance portugaise sur toute

la côte, et pendant sept ans tiennent en état de siège ses représentants dans l’intérieur de

l’Angola25.

CARTE PARTICULIERE DU ROYAUME DU CONGO PAR ANVILLE, PARIS, 1731, B.N. Paris, Ge DD 2987 (8259).

17 Cela constituera un sursis pour le Congo, et lui permettra de conserver pour un quart de

siècle encore sa liberté et son indépendance. Cette même année voit monter sur le trône

le plus grand de tous les monarques congolais après D. Afonso I : D. Garcia II (1641-1661),

surnommé le Quimpaco (sorcier). Pendant son long règne, cet homme, qu’un

contemporain décrira comme « rusé, politique, astucieux et finaud »26, tentera de résister

par des manœuvres diplomatiques aux ingérences des Blancs dans les affaires de son

royaume. Plus obéi à l’intérieur que ses prédécesseurs, il aura surtout des problèmes dans

ses rapports avec les Européens.

18 A sa cour, trois groupes rivaux, composés de Hollandais, de jésuites portugais, de capucins

espagnols et italiens27, solliciteront tour à tour sa « coopération ». Chacun lui inspirera de

grandes espérances, toujours suivies de violentes déceptions. Toute sa politique sera

caractérisée par une haine viscérale pour les Portugais, en exceptant toutefois les jésuites

de cette nationalité.

19 Après leur victoire, les Hollandais lui font des ouvertures de paix et de bonne entente. Il

répond avec enthousiasme, manifestant son accord pour un front commun contre « leurs

ennemis », c’est-à-dire les Portugais. Mais il interdit prudemment aux Hollandais de

construire des forts sur ses terres, et il refuse d’avoir à sa cour un ambassadeur ou un

pasteur, « car, dit-il, je professe la vraie foi catholique et je me soumets à l’autorité du

Saint Père, vicaire de Dieu. La méchanceté des Portugais, fondée sur leurs ambitions, ne

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suffit pas pour que j’abandonne la foi catholique, ni que j’expulse de mes terres et du

royaume d’Angola [sic] les personnes spirituelles [les missionnaires] »28.

20 En 1643, se rappelant que les jésuites, en Angola, avaient publiquement fustigé les

conquistadores de Luanda29 pour le massacre de l’armée congolaise à Bumbe, près de la

frontière, en 1623, lors d’une de leurs razzias périodiques30, D. Garcia II écrit de sa propre

main au Recteur du collège des jésuites de Luanda, pour solliciter l’envoi de missionnaires

« pour cultiver la vigne de Dieu ». Les jésuites, déclare-t-il, ont toujours été « favorables

aux affaires de mon royaume ». « Ils ont été arrêtés et déportés pour avoir prêché la

vérité aux hommes de Luanda, lesquels ne les écoutaient pas, jusqu’au moment où arriva

le châtiment de Dieu »31, « Rien, enchaîne D. Garcia II, ne fait tant de tort aux hommes que

l’ambition et l’orgueil. Celui-ci régnait à Luanda. C’est pourquoi il ne put jamais y avoir de

paix avec notre royaume, car au lieu d’or, d’argent et autres choses qui servent de

monnaie dans d’autres contrées, le matériel d’échange et la monnaie sont des esclaves,

qui ne sont ni or ni tissu, mais des êtres humains. Notre malheur et celui de nos ancêtres

est que notre naïveté a permis l’apparition de tant de maux dans nos royaumes [...]

L’inégalité des armes nous a tout fait perdre, car devant la force il n’y a pas de droit qui

tienne ». Il termine sa lettre en affirmant : « ma seule volonté est que mes terres soient

indépendantes. C’est ma ferme intention, et même si je dois être foudroyé, je mourrai

pour libérer ce qui m’appartient »32.

21 Cet enthousiasme pour les jésuites ne serait-il pas le fruit d’une subtile campagne, menée

par les missionnaires de cet ordre, de retour à São Salvador depuis 1619, en faveur de

leurs confrères souffrant en Angola sous l’occupant hollandais33 ?

22 Toujours en cette même année 1643, la querelle entre le Soyo et le Congo incite chaque

parti à essayer de rallier les Hollandais à sa cause. Le Soyo enverra des ambassadeurs

noirs au Brésil et en Europe pour demander aux Hollandais de ne pas soutenir le Congo,

mais la Compagnie des Indes Orientales refusera de prendre parti34. On sait que D. Garcia

II envoya également des ambassadeurs en Europe chercher des appuis, mais on ignore

comment ils furent reçus35.

23 Est-ce par l’impartialité décevante des Hollandais dans ce différend, ou par les

exhortations antiprotestantes des jésuites et des missionnaires capucins italiens et

espagnols, que D. Garcia II fut amené à se détourner des Hollandais ? On l’ignore.

24 Toujours est-il que D. Garcia II devint très hispanophile. Il écrivit (la lettre est écrite par

Angelo de Valencia, capucin espagnol) 36 au roi d’Espagne Philippe IV, déplorant la

restauration de l’indépendance portugaise (1640) et l’avènement de D. João IV de

Portugal, qu’il appelle « le roi intrus »37. « Les Hollandais », observe-t-il, « pour autant

qu’ils se prétendent nos amis, nous font le plus grand tort [...], car ils empêchent l’entrée

de religieux catholiques ». « Pour éviter ces inconvénients », il serait reconnaissant à

Philippe IV de bien vouloir faciliter le transport au Congo des capucins38. Annexée à cette

lettre, et portant la même date, se trouve une « pétition » invitant tout simplement

Philippe IV à « envoyer à Luanda une grande flotte suffisante (I) pour l’occuper39. Ainsi,

semble-t-on espérer, les Hollandais hérétiques se verraient évincés de l’Angola et des

parages du royaume du Congo. Comme appât, il suggérait l’envoi de « deux ou trois

mineurs pour découvrir les mines d’or et d’argent [sic] qui existent dans le royaume »40. A

ce « pieux » projet, Philippe IV ne répondra qu’en 1649, et par une dérobade41 ; les

Hollandais hérétiques sont d’ailleurs à cette date déjà expulsés de l’Angola par les

Portugais. L’idée de se servir des mines de cuivre comme arme diplomatique remonte au

règne de D. Álvaro II (1587-1614), qui les proposait au pape en échange de missionnaires42.

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25 La menace d’un recours à l’aide espagnole ou d’une invasion du Congo par ce pays

deviendra, dans les années qui suivent, une arme que Portugais, Espagnols et Congolais

vont employer à plusieurs reprises les uns contre les autres. C’est, à l’origine, une idée

portugaise43.

26 Le Portugal ayant recouvré son indépendance en 1640, les tuteurs espagnols de D. Garcia

II voudraient retourner la menace espagnole contre les Portugais. Capucins espagnols et

Congolais semblent avoir réellement nourri l’espoir de voir se matérialiser une

intervention espagnole et anti-portugaise au Congo44.

27 Dans ces démarches diplomatiques, il est impossible de savoir clairement jusqu’à quel

point D. Garcia II resta maître de son jeu, ou fut au contraire manœuvré malgré lui par les

Européens. Bien que les documents sur cette époque soient relativement abondants, rien

ne permet de bien dégager l’aspect congolais du climat d’intrigues qui régnait alors à São

Salvador.

28 L’arrivée des capucins marquera le début d’un nouvel élan de ferveur chrétienne chez les

Congolais, élan qui sera suivi, comme naguère, de désillusion de part et d’autre.

29 Un premier mouvement d’enthousiasme pour les capucins amènera D. Garcia II à en

envoyer deux à Rome solliciter du pape un bref transformant la royauté élective en

monarchie héréditaire45. Ainsi pensait-il mettre fin aux interrègnes anarchiques. Ne

s’estimant pas habilité à accorder un tel bref, le Saint-Siège décidera d’envoyer à D. Garcia

II, en compensation, une magnifique couronne bénie par le pape lui-même. Par économie,

elle était d’argent doré et non d’or pur46. Malgré maintes péripéties, cette couronne se

trouvait encore à São Salvador en 194047.

30 Le retour des capucins sans le bref espéré enflamma contre toute la mission la colère du

roi déçu. D. Garcia II se détourna de la foi, et donna libre cours aux pratiques fétichistes.

Les Portugais, toujours envieux des Italiens et des Espagnols, qu’ils considéraient comme

des intrus, font répandre le bruit qu’il ne s’agit pas de religieux, mais de soldats déguisés,

que leurs bagages contiennent des armes, et qu’ils vont s’emparer du royaume sous les

yeux du monarque. Même une inspection des dits bagages, qui ne recèlent que des

cadeaux pour le roi, ne désarme pas les calomniateurs. Sous leur influence, D. Garcia II se

sert, encore une fois de « l’épouvantail espagnol » : il écrit à Luanda, alors libéré des

Hollandais, deux lettres pleines d’accusations contre les capucins48. Seul, un incendie qui

détruit le palais royal, mais laisse « miraculeusement » intactes les possessions de ces

derniers, convaincra enfin le roi que les missionnaires sont vraiment les hommes de Dieu.

Ils auront désormais toutes les facilités qu’ils désirent pour opérer49.

31 En 1648, dans une proclamation solennelle, sans doute inspirée par eux, le roi les

recommande à ses sujets, « ... car ils ne cherchent dans ces terres, ni dans le monde, ni or,

ni argent, ni zimbu, ni esclaves, ni autres intérêts temporels ». Et il insiste : « Montrez-

vous généreux avec eux ; donnez-leur l’aumône pour qu’ils puissent vivre et travailler

dans notre royaume. Abandonnez vos concubinages, les fétiches, les engangas engombos50

[devins ou sorciers], les vols, les vexations, les haines, et cherchez à vivre

chrétiennement »51. Un mois plus tard, le duc de Mbamba accuse réception de ce

document, dont est muni chaque missionnaire capucin52.

32 Il est certain que, dans leur mission au Congo, les capucins firent d’extraordinaires

sacrifices pour la cause chrétienne. Pendant deux siècles, ils gagneront peu à peu la

confiance des Congolais ; ils se feront réellement aimer et respecter, surtout de la caste

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dirigeante, laquelle est d’ailleurs parfaitement consciente des avantages politiques qu’elle

peut trouver à les opposer aux sorciers traditionnels.

33 Lorsqu’en 1653 le capucin flamand Georges de Geel est assassiné, dans la province de

Mbata, pour avoir essayé de mettre fin intempestivement à une cérémonie fétichiste, D.

Garcia II ne veut rien de moins que faire brûler le village et mettre à mort tous les

habitants, mais dissuadé d’exécuter ce dessein par les pères miséricordieux, il se contente

de les faire vendre comme esclaves et embarquer pour Pernambouc53.

34 Il publie une nouvelle proclamation, avertissant ses sujets qu’ils ne doivent aucunement

gêner les capucins dans leur travail. Il autorise ceux-ci à « ... détruire les idoles n’importe

où qu’elles se trouvent, à poursuivre les faux prêtres et sorciers, et à extirper toutes les

coutumes païennes et les cérémonies diaboliques... »54.

35 Pendant l’année suivante (1654), la sympathie de D. Garcia II pour les capucins devait se

refroidir : il trouvait importunes leurs admonestations concernant la licence de sa vie

privée. Quant à eux, ils se plaignaient de « ... persécutions et de mauvais traitements »

pour avoir essayé de corriger « sa vie scandaleuse » (c’est toujours la vieille querelle sur la

polygamie africaine), et pour lui avoir reproché de permettre les pratiques fétichistes

dans de nombreuses villes de son royaume. Par ailleurs, il était assailli de nouveau par ses

anciens soupçons : après tout, les capucins ne s’efforçaient-ils pas de livrer son royaume à

l’Espagne55 ? Les créoles portugais résidant à São Salvador semblent l’avoir

soigneusement entretenu dans cette pensée, afin d’en tirer parti dans leurs intrigues

particulières56.

36 Privés de l’appui du roi, les capucins se trouveront de plus en plus gênés dans leur

mission. Ils n’abandonneront pas São Salvador, mais leurs efforts porteront désormais

plutôt sur la conversion de la reine Jinga en Angola. Avec des hauts et des bas, la mission

continuera à travailler dans la capitale jusqu’en 177557. La présence d’un missionnaire

capucin est encore signalée au Congo en 187758.

NOTES

1. M.M.A., vol. II, p. 301.

2. Ibid., vol. II, pp. 374-375. On reproche à D. Diogo de ne pas aller à la messe et de passer ses nuits

chez un mulâtre, Luiz Pirez, où il « s’amuse et fait bombance » (cf. M.M.A., vol. II, p. 229). Certains

témoignages laissent entendre que les jésuites se disposaient à renverser D. Diogo (cf. M.M.A., vol.

II, pp. 275 et 377). Ils ne reviendront à São Salvador qu’en 1619.

3. Cavazzi, lib. II, § 107 ; cf. aussi M.M.A., vol. II, pp. 474-475 et 533.

4. M.M.A., vol. VI, p. 296 (Bernardo – les Jagas) ; Cavazzi, lib. II, § 108 (Henrique – les Anzicani) ;

Pigafetta, lib. II, cap. iv (Henrique – les Anzicani).

5. Cf. E. G. Ravenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, pp. 119-120 ; Pigafetta, lib. II, cap. V

; et J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 125.

6. Ibid., op. cit., pp. 119-120 et M.M.A., vol. III, p. 122.

7. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 358, (Naukeurige Beschrijvinge p. 588).

8. M.M.A., vol. VI, p. 438.

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9. Cf. Felner, Angola, p. 234, qui renvoie à un manuscrit inédit de la Bibliothèque d’Ajuda,

Lisbonne. Il s’agit du Codice 51-VIII-31, fos 19-29, du t. II, document de 1628 ou 1629.

10. M.M.A., vol. V, p. 386, « Relação da Costa da Guiné (1607) ». A ces Portugais, il faut ajouter

quelques aventuriers privés et des déserteurs de l’armée des conquistadores en Angola. « ... On sait

qu’il [le roi] aurait déjà été battu, si ses ennemis n’avaient une grande crainte de ces Portugais... »

11. M.M.A., vol. III, p. 375 (D. Alvaro II guerroyait avec ses oncles). Cf. Felner, Angola, p. 376.

12. M.M.A., vol. IV, pp. 407, 437, et vol. VII, pp. 432-433, 461-462, 648-649 ; J. Cuvelier et L. Jadin,

L’Ancien Congo d’après les archives romaines, pp. 361-363 ; cf. aussi A. Franco, Synopsis Annalium Soc.

Jesus, Augsbourg, 1726, pp. 241-248.

13. Biographie coloniale belge, t. II.

14. La dynastie des Nlaza s’opposait à celle des Mpanzu, mais toutes deux descendaient de D.

Afonso I (cf. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de

Rome, fasc. XXXV (1963), p. 351.

15. Cavazzi, lib. II, § 120.

16. Cf. Bernardo da Gallo (1701-1709), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de

l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 474.

17. P.M., p. 310 (doc. de 1691).

18. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, 1668, p. 584. Il y eut, en 1636, en 1637 et en 1645, des

guerres entre le Congo et le Soyo, d’où ce dernier sortit vainqueur. Le long conflit se poursuivra

jusqu’en 1648, le roi du Congo prétendant encore avoir le droit de « nommer » le comte, tandis

que celui-ci ne lui reconnaissait que le droit de « confirmer » son titre (cf. M.M.A., vol. X, p. 115,

document de 1648).

19. L’historien hollandais Barlaeus dira : « Inter Congenses potentissimus est Songensis », (cf.

Caspar Barlaeus, Rerum per Octennium in Brasilia, Amsterdam, 1647, p. 246.

20. L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge

de Rome, fasc. XXXVI (1966), p. 138. Les Hollandais ne pratiquent vraiment la traite qu’à partir de

1637 (cf. C. Vrijman, « Quelques notices sur l’histoire de la traite négrière des Hollandais », in

Bull, de la Sect. de Géographie, t. LI (1936), p. 110.

21. Notons pourtant qu’en 1700, le prince du Soyo refusera de vendre des esclaves au Français

Barbot, sous prétexte que lui et ses compagnons n’étaient pas des « chrétiens », cf. Churchill, A

Collection of Voyages and Travels, Londres, 1732, vol. V, p. 505.

22. Déjà, en 1591, Domingos de Abreu de Brito avait préconisé qu’un gouverneur blanc résidât au

Congo (cf. Felner, Um Inquérito..., pp. 21-22.

23. Également citées comme étant de Pemba ou de Oembo dans les documents de l’époque. Sur

l’histoire de ces mines, au sujet desquelles nous reviendrons d’ailleurs, cf. Fernando Mouta, « As

Minas de Cobre do Congo », in Actividade Economica, n° 3 (1936), pp. 9-15. L’intérêt que portaient

les Portugais à ces mines remonte à 1536 au moins, comme en témoigne un document de cette

date, cf. M.M.A., vol. II, p. 59.

24. M.M.A., vol. IX, p. 29 (texte de 1643) et P.M., pp. 202-203 (texte de 1649).

25. Sur la période de l’occupation hollandaise, cf. la thèse inédite de J. Mevis, De Hollandse Invloed

in Angola en het Oud-Koninkrijk Kongo, 1641-1648, thèse de licence, Louvain, 1957, que nous n’avons

pas pu consulter. Le livre de K. Ratelband, De Nederlanders in Angola, Congo en São Tomé van

1600-1650, promis depuis 1955 à la Linschotenvereeniging n’a toujours pas paru.

26. Cf. De Jonghe et Simar, « Archives Congolaises », in Revue congolaise, Bruxelles, 1912, p. 435.

27. Ils sont envoyés de Rome en 1646.

28. M.M.A., vol. VIII, p. 585 (lettre de 1642). Les tentatives des Hollandais pour introduire le

protestantisme n’eurent, semble-t-il, aucun succès au Congo. « Personne ne voulait les écouter »,

dira un missionnaire capucin en 1645 (cf. M.M.A., vol. IX, p. 287). Les Hollandais offrirent à D.

Garcia II un livre en portugais « plein d’hérésies de Calvin et de Luther ». Le roi « se le fit lire par

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un confident » et, après qu’il eut compris ce qu’il y avait dedans le fit brûler en public (cf. Jean

François de Rome, Brève Relation (1648), (p. 112 de l’édition de François Bontinck).

29. Cette réprobation leur valut d’être persécutés par le gouverneur de l’Angola, Jo&o Correia de

Sousa, qui fit exiler au Brésil certains d’entre eux (cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après

les archives romaines, pp. 454 et 459 ; cf. aussi A. Franco, Synopsis Annalium Soc. Jesus, pp. 235-236.

30. M.M.A., vol. VII, pp. 177-178.

31. L’occupation hollandaise.

32. M.M.A., vol. IX, pp. 17-18, lettre autographe de D. Garcia II, du 23-2-1643.

33. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 58.

34. Cf. Joan Nieuhof, Memoravel Viagem Maritima e Terrestre ao Brasil, 1er édition hollandaise,

Amsterdam, 1682, trad. brés., São Paulo, 1942, p. 93, et Caspar Barlaeus, Rerum per Octennium in

Brasilia..., Amsterdam, 1647, p. 244.

35. Cadornega, História Geral das Guerras Angolanas (1680-1681), t. III, p. 298, et M.M.A., vol. X, p. 95

(texte de 1648).

36. M.M.A., vol. X, p. 333.

37. Rappelons que le Portugal resta sous la souveraineté espagnole de 1580 à 1640.

38. Lettre de D. Garcia II, du 5-10-1646, in M.M.A., vol. IX, pp. 450-451.

39. M.M.A., vol. IX, pp. 452-453.

40. Ibid., loc. cit. D. Garcia II avait déjà fait, semble-t-il, une proposition analogue aux Hollandais,

(cf. Cadornega, op. cit., t. III, p. 298).

41. M.M.A., vol. X, p. 431 (lettre de D. Garcia II, du 20-11-1649).

42. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 273.

43. Elle date de l’époque (1580-1640) où le Portugal se trouvait sous la souveraineté espagnole ;

elle ne reflète que les ambitions des conquistadores de Luanda de voirréduire le Congo à la

condition de colonie, comme l’Angola. En 1613, D. Alvaro II écrit qu’il a été « informé que les

Portugais [au Congo] cherchent à provoquer la division entre lui et le roi d’Espagne, pour que

celui-ci soit excité à faire la conquête du royaume du Congo. Quant à lui [D. Alvaro II], il a

toujours témoigné de l’amitié pour ce roi et il a favorisé ses sujets » (cf. J. Cuvelier et L. Jadin,

L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 331). Malgré la puissance du lobby des

conquistadores de Luanda à Madrid, la cour a plutôt écouté les recommandations de Rome en

faveur de la cause congolaise (cf. J. Cuvelier et L. Jadin, op. cit., p. 359).

44. En 1649, le jésuite António de Couto parlera des « vaines espérances dans lesquelles vit D.

Garcia II de voir venir une armada espagnole », cf. M.M.A., vol. X, p. 368.

45. M.M.A., vol. X, p. 137 (doc. de 1648). Il demandait également que soit excommunié quiconque

tenterait de réintroduire la royauté élective.

46. Cf. P.M., p. 200 et P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, p. 107.

47. António de Almeida, « Subsidios para a História dos reis do Congo », in Congresso do Mundo

Português, vol. VIII, Lisbonne, 1940, p. 491.

48. Le gouverneur de Luanda ne prit pas ces lettres au sérieux.

49. Cavazzi, lib. V, § 13-21.

50. Sur les Ngombos, cf. Cavazzi, lib. I, § 181.

51. P.M., pp. 197-198.

52. P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, p. 232.

53. Ibid., pp. 335-338.

54. Ibid., loc. cit.

55. Cf. Francisco Maria Gioia, La Meravigliosa Conversione della Regina Singa [sic], Naples, 1669, p. 54 ;

et aussi Cavazzi, lib. V, § 36 et 101.

56. Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo, p. 148.

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57. La mission des capucins à São Salvador « sera pratiquement abandonnée vers 1775 », cf. L.

Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII

(1961), p. 449.

58. Cf. L. Jadin, « Relation de Boaventura dos Santos (1877) », in Bull, des Séances de l’Acad. Roy. des

Sc. Col, t. II, fasc. 6 (1956), pp. 981-990.

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Chapitre X. La crise qui aboutit à labataille d’Ambuila (1665).L’effondrement du royaume,l’anarchie et l’émiettementpolitique. L’incorporation finale a lacolonie portugaise de l’Angola à lafin du XIXe siècle (1649-1900)

1 La paix entre les Pays-Bas et le Portugal, en 1649, suivie du départ des Hollandais

d’Angola et de la résurrection confiante du pouvoir portugais sur toute la côte,

encouragera les Conquistadores de Luanda à reprendre le vieux projet de « satellisation »

du Congo.

2 Les nuages menaçants ne feront nullement fléchir D. Garcia II dans sa détermination de

conserver son indépendance, et même ses relations amicales avec les Hollandais. Il

envoya des ambassadeurs à Luanda proposer les conditions de paix suivantes1 : l’évêque

du Congo devrait résider à São Salvador et non à Luanda (comme c’était le cas depuis le

début du XVIIe siècle) ; toute l’administration ecclésiastique serait à nouveau centralisée à

São Salvador (comme au XVIe siècle) ; les missionnaires capucins auraient libre accès à son

royaume ; l’intégrité territoriale du royaume serait respectée ; les Conquistadores de

Luanda s’abstiendraient d’actes hostiles à l’égard du Congo, ou envers les sujets et

vassaux du roi du Congo ; de justes prix seraient pratiqués dans les transactions

commerciales avec les négociants de Luanda ; on cesserait d’inonder le Congo de zimbu

importé de l’extérieur (Benguela et Brésil en l’occurrence) ; « des juges désintéressés »

seraient établis en divers points du Congo pour examiner les esclaves vendus, afin de

s’assurer s’ils étaient libres, volés ou réellement esclaves2.

3 A Luanda, ce projet de traité fut jugé impertinent, et on lui en substitua un autre, que D.

Garcia refusa. Aussitôt, une armée fut envoyée pour mettre son royaume « à feu et à

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sang »3. Le roi s’empressa d’expédier une ambassade à Luanda pour capituler. Les termes

du nouveau traité de paix étaient durs pour le Congo et, dans une version définitive, le roi

de Portugal les atténua quelque peu4.

CARTE DE L’ÉTHIOPIE OCCIDENTALE PAR J. H. VILLE, Paris, 1732. B.N. Paris, Ge DD 2987 (8251).

4 Voici les principaux articles de ce traité (que le Congo ne ratifiera qu’en 1656) : le Soba

d’Ambuila, un Dembo jusqu’alors (en principe) vassal du roi du Congo, dépendrait

désormais de Luanda5 ; aucun Européen n’entrerait au Congo sans passer par le port de

Luanda (ce qui excluait Hollandais et Espagnols) 6 ; le commerce à l’intérieur du Congo

sera libre pour les Portugais, les tissus, le sel, et les esclaves, devront circuler sans être

frappés de péages ; des droits d’entrée pourront être perçus uniquement à la frontière

avec l’Angola ; les salaires des porteurs seraient fixés au montant qu’ils atteignaient

autrefois, leurs charges seraient limitées à un poids convenu et ils ne devraient pas les

abandonner à mi-chemin ; enfin, le Congo devait céder ses droits sur les terres situées au

sud du fleuve Dande, c’est-à-dire celles qui confinaient à l’Angola. Elles comprenaient l’île

de Luanda, d’où le Congo tirait sa monnaie, le zimbu. On proposait toutefois de laisser à D.

Garcia II les dites terres et l’île, s’il acceptait de dévoiler aux Portugais l’emplacement de

ses mines de cuivre et leur permettait de les exploiter. Dans l’un ou l’autre terme de

l’alternative, il perdait une partie de sa souveraineté.

5 Le roi optera pour le premier, sans pour autant renoncer définitivement à l’espoir de

récupérer un jour ses possessions méridionales (espoir d’ailleurs parfaitement vain). Il

préférait perdre l’île de Luanda et sa source de zimbu plutôt que de voir les Portugais

s’implanter chez lui.

6 Malgré le choix de D. Garcia II, les hommes de Luanda ne renonceront pas, de leur côté, à

la perspective alléchante de s’emparer des mines congolaises, fût-ce par la violence. A

cette convoitise viendront s’ajouter d’autres soucis, et la menace d’une offensive générale

se précisera. L’insoumission des sobas vassaux, à l’intérieur de l’Angola, entraîne une

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pénurie d’esclaves, seule source de revenus des habitants de Luanda. En 1653, les

Luandais demandent au roi de Portugal l’autorisation de faire la guerre au Congo et à la

reine Jinga. La réponse est hésitante mais non négative7.

7 La crise entre Luanda et São Salvador continue à se développer pendant une décennie

avant l’explosion finale8. En 1664, le successeur de D. Garcia II, D. António I, réclame

toujours au gouverneur de l’Angola les terres perdues et l’île de Luanda9. On lui répond

qu’il doit d’abord céder ses mines, à quoi il réplique que « ces mines n’existent pas, et que

même si elles existaient il ne les devrait à personne »10.

8 En 1665, le ton de la querelle monte brusquement, les chanoines métis de São Salvador

s’entremettent pour défendre la cause congolaise, et lorsqu’à Luanda on ordonne la

mobilisation de l’armée afin d’intimider D. António I, ils protestent vigoureusement11.

9 La guerre paraissant imminente, D. António I lance, le 13 juin 1665, une proclamation

appelant ses sujets aux armes. Il enjoint :

10 « ... toute personne de quelque qualité qu’elle soit, noble ou artisan, pauvre ou riche,

capable de porter des armes offensives, dans toutes les villes, villages et hameaux de mes

royaumes, provinces et seigneuries, d’aller dans les dix prochains jours [...] s’enrôler

auprès de ses capitaines, gouverneurs, ducs, comtes, marquis, etc. [...] [pour] partir

défendre nos terres, propriétés, enfants et femmes, nos propres vies et nos libertés, dont

la nation portugaise veut s’emparer pour les dominer »12.

11 Entre-temps, à Luanda, le gouverneur rédige tranquillement, à l’intention du

commandant de l’armée, des instructions détaillées pour l’exploitation des mines13.

12 Le 29 octobre 166514, à Ulanga près d’Ambuila, les deux armées s’affrontent. Du côté

portugais : 360 Portugais et 6 à 7 000 Noirs15 ; du côté congolais : 100 000 guerriers16, 190

métis armés de mousquets et une compagnie de 29 hommes blancs résidant à São

Salvador17.

13 La bataille est furieuse et dure six heures (huit même selon d’autres témoins), mais les

Portugais ont l’avantage de posséder deux pièces d’artillerie18 et remportent la victoire. D.

António I, 400 nobles (dont 98 membres du corps administratif) 19 et 5 000 de ses sujets

perdent la vie20. Les Portugais recueillent un butin considérable, entre autres la couronne

que le pape Innocent X avait offerte à D. Garcia II en 164821. La tête de D. António I est

ramenée à Luanda en « grand apparat funèbre »22, et enterrée dans la chapelle de Nossa

Senhora da Nazaré, que le gouverneur André Vidal de Negreiros a fait ériger près de la

ville pour commémorer la bataille23.

14 Parvenue au Congo, la nouvelle de la catastrophe provoqua une vague de colère contre

tous les Européens24. Au Portugal, la victoire des Conquistadores fut mal accueillie. « Je

sais », écrit Bernardo da Gallo (1700), « que le roi de Portugal fit tuer ceux qui avaient tué

le roi D. António I et déposa le gouverneur d’Angola pour ne pas avoir empêché la chose »25.

15 C’est peut-être à cause de toute cette réprobation que les vainqueurs n’ont pas cherché à

occuper le pays ; ils se contentèrent de réduire à l’état de vassal le duc d’Oandu, seigneur

des mines26. Curieusement, dans les années qui suivent, il ne sera plus question de ce

pactole dont on avait tant attendu. Ce n’est que près de deux siècles plus tard, en 1856,

que les Portugais réussiront effectivement à exploiter le cuivre de Bembe27, et encore

pour quelques années seulement28.

16 En 1667, Luanda signera une paix générale avec le Congo29.

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17 La célèbre bataille d’Ambuíla marque la fin du royaume du Congo tel qu’il avait existé

jusqu’alors. A partir de 1667, le pays va connaître trente ans d’anarchie et d’interminables

guerres civiles30. Une grande partie de la « noblesse » étant disparue à Ambuíla, le pays se

trouvait décapité de sa caste dirigeante. Il n’y avait plus d’État, mais uniquement un

espace géographique habité par des populations inorganisées. Par suite de l’émiettement

de l’autorité, le pays passait de six provinces au XVIe siècle à vingt-deux au milieu du xviiie

31.

18 « Beaucoup [de successeurs de D. António I] se soulevèrent pour régner. Ils se détruisirent

l’un l’autre dans des guerres civiles. Elles furent si cruelles et implacables qu’en cinquante

ans environ, plus de trente rois furent massacrés, [...] les provinces du royaume se

soulevèrent également les unes contre les autres. Ne reconnaissant pas de chef suprême,

on se faisait duc, marquis, comte, et ensuite, d’ordinaire, cela se terminait avec la tête aux

pieds »32.

19 Trois rois revendiquaient simultanément la souveraineté, chacun installé dans une région

différente : un à São Salvador, un à Kibango et le troisième à Bula, sans parler du Soyo,

devenu depuis longtemps indépendant. Seul, le comte du Soyo, resté à l’écart de la

bataille d’Ambuíla, conservait à son pays un semblant de cohésion et de puissance, grâce à

ses relations commerciales avec les Hollandais, qui lui fournissaient des armes33. En 1711,

il possédait cinquante pièces d’artillerie34.

20 Fort de ces armes, le comte conteste, en 1670, l’élection d’un nouveau roi à São Salvador ;

son armée envahit la ville et s’y livre au pillage, surtout dans les établissements religieux.

D. Raphaël, le roi pressenti, s’enfuit chercher asile à Luanda, où les Portugais consentent à

le soutenir avec leur armée contre le comte. Ils sont victorieux et le comte est tué dans la

bataille, mais, trop confiants et exaltés par leur succès, ils relâchent leur surveillance et

sont anéantis par l’armée vaincue, revenue à l’attaque. D. Raphaël parvient à s’échapper

et regagne São Salvador, où il s’installe sans être inquiété par les gens du Soyo35. Vers

1676, par reconnaissance pour les Portugais, il signe avec eux un accord leur cédant le

« comté » du Soyo, avec le port de Pinda36. Les Portugais ne semblent pas avoir tenu

compte de cette cession, car en 1690 ils signent une paix avec le Soyo. Il y est seulement

prévu que le nouveau comte s’abstiendra de tenter par la force d’influencer les élections

des rois du Congo37.

21 En 1708, le Soyo est balayé à son tour par le vent de l’anarchie. Le peuple se soulève

contre les chefs et le comte est assassiné38.

22 L’effondrement de l’autorité monarchique congolaise à la fin du XVIIe siècle s’explique en

grande partie par la rivalité entre deux des principaux clans royaux : les Quimpanzos (Ki-

mpanzu) et les Quimulazos (Ki-mulaza). La tradition ancienne accordait à ces deux familles

le droit d’intervenir dans l’élection des nouveaux rois. La plus importante, celle que sa

généalogie rendait la plus légitime, était celle des Quimpanzos. Les Quimulazos, de lignée

abâtardie, s’étaient imposés par la violence, au détriment des Quimpanzos. Bien que liés à

ces derniers par des mariages, ils demeuraient toujours leurs adversaires39.

23 En 1678, le roi D. Daniel, résidant à São Salvador et de la famille des Quimpanzos, déclare

la guerre au roi D. Garcia III, qui vivait à Kibango. Le hasard veut qu’en chemin il

rencontre le roi de Bula, D. João. Son armée est battue et lui-même tué. São Salvador est

incendié, ses églises, le palais royal et le collège des jésuites détruits, la ville est

abandonnée par ses habitants jusqu’en 170340. Elle ne se relèvera jamais. Raimondo da

Dicomano écrira en 1775 :

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24 « ... que Votre Excellence ne croie pas que ce soit une cité comme celles d’Europe. Il n’y a

pas de doute qu’autrefois il y eut quelque chose, on le voit par les ruines qui y existent

jusqu’aujourd’hui. On peut voir les ruines du palais de l’évêque, des palais du roi, de la

reine et du prince, tous très grands en pierre et en chaux. Mais maintenant tout est

brousse [...] Toutes les cabanes qui existent à São Salvador ne sont pas plus que 22, toute

la population ne monte pas à plus de cent personnes »41.

25 A trois reprises, en 1690, 1691 et 1693, le roi de Portugal ordonne que le gouverneur de

Luanda intervienne pour trouver une solution aux querelles des clans congolais42, mais il

est peu probable qu’à Luanda ont ait pu ou voulu prendre une initiative dans ce sens.

26 Enfin, en 1694, D. Pedro IV d’Agoa Rosada (descendant par la ligne maternelle des Ki-

mpanzu et par la paternelle des Ki-mulaza) est proclamé roi à Kibango. En 1696, il occupe

de nouveau São Salvador, mais s’en retire peu après, par crainte d’un rival. En 1701, un

missionnaire, le P. Francisco da Pavia, réussit à persuader les grands du royaume de lui

jurer obéissance. En 1709, il reprend São Salvador, qu’il occupera définitivement, et en

1715 le roi de Bula fera sa soumission43.

27 Cette fragile cohésion recouvrée représente au fond peu de chose. Des témoins parlent de

« l’état de ruine de ce royaume » (1710) 44 ; « ... il n’est pas la moitié de ce qu’il a été »,

déclare Francisco da Pavia en 170545. En 1760, Rosario del Parco écrit que « le roi est fort

pauvre et ses vassaux ne lui obéissent que peu ou pas du tout. Tous se conduisent comme

des seigneurs absolus »46.

28 Encore que quelques capucins aient continué à y opérer, le Congo deviendra, dans la

seconde moitié du XVIIIe siècle et jusqu’au milieu du XIXe, une contrée oubliée et peu

visitée par les Européens. La haine des Congolais pour les Portugais reste très vive. A São

Salvador (1760), on « ne peut admettre aucun Blanc à demeure », et au Soyo des Noirs

« ne veulent pas admettre d’autre prêtre [portugais] que le missionnaire [capucin] et

refusent l’entrée aux Blancs portugais »47.

29 A la fin du XVIIIe siècle (1798), la situation du pays est toujours la même : « ... le roi [D.

Henrique] n’a pas d’autorité parce qu’il n’a pas de soldats ni d’armes ». Il n’a « pas plus de

20 à 30 fusils », et « le duc de Bamba, le prince de Soyo, le duc de Lundo [Nsundi], le duc

de Quina et le marquis de Mussulo », qui lui payaient anciennement l’impôt, se sont tous

rebellés et « plus aucun ne paie encore quelque chose »48.

30 Après 1798, il faut attendre un demi-siècle et l’expédition de A. J. Castro à São Salvador

pour se faire une idée un peu claire de l’état du pays. Parti de Luanda, Castro remarque

qu’à part les capucins, aucun habitant de cette ville n’ose s’aventurer au Congo pour y

faire du commerce. Les diverses provinces (il ne spécifie pas lesquelles) sont gouvernées

par des parents du roi, mais chacun gouverne de façon indépendante et absolue, sauf

pour les cas encourant la peine de mort, qui sont renvoyés à São Salvador. L’anarchie des

années passées continue, car de temps en temps les chefs se révoltent et font la guerre au

roi49.

31 Un quart de siècle après le voyage de Castro, le témoignage d’un Français, Charles

Jeannest, gérant d’une factorerie à Kinsembo (1869) 50, laisse entendre que le vieux

royaume du Congo n’est pas encore mort, car à cet endroit de la côte, à plus de 200 km de

São Salvador, l’autorité du roi se fait encore sentir, d’une manière peu efficace il est vrai,

mais qui, à tout prendre, ne doit guère différer de ce qu’on pouvait constater à la

périphérie du pays au milieu du XVIIe siècle.

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32 « Le Mani-Congo51 est le grand roi de l’intérieur ; son autorité s’étend depuis le Congo [le

fleuve] jusqu’au pays des Noirs de Mossouls [Mussul], entre Ambriz et Luanda, et fort loin

dans l’intérieur [...]. Tous les rois et princes52 que nous voyons ne sont guère que des

gouverneurs de province, à peu près émancipés. Nommés par leurs serfs sur la

proposition des anciens, ils paient, dit-on, un tribut au Mani-Congo, moyennant quoi ils

sont à peu près libres. Ce gouvernement serait une sorte de vaste système féodal. Les rois

sont suzerains des princes de leurs tribus, qui leur servent de conseillers. Toute cette

espèce de noblesse craint beaucoup le Mani-Congo que la plupart n’ont jamais vu, mais

dont les soldats viennent, en certains cas, rares cependant, brûler les villages »53.

33 A un moment donné, pendant le séjour de Jeannest, les caravanes d’ivoire ayant cessé

d’arriver à la côte, il en demande aux Noirs la raison. Impossible d’obtenir des détails. Il

apprend seulement que le Mani-Congo avait envoyé des ordres interdisant aux

marchands de se rendre sur la côte avec leurs fétiches et leurs gris-gris. Privés de cette

protection, plus aucun n’ose s’aventurer hors de chez lui. « Cette influence du roi de São

Salvador », remarque Jeannest, « de cette espèce de demi-dieu invisible, se fait sentir

jusqu’ici. Il n’y a pas encore bien longtemps, ses muleks54 étaient venus brûler les villages

parce qu’on lui refusait le tribut, et les Noirs de la côte, épouvantés s’enfuyaient sans

opposer de résistance. J’ai été témoin de ce fait »55.

34 En 1856, les Portugais avaient occupé Ambriz, tout près de Kinsembo, dans une nouvelle

tentative pour atteindre les fameuses mines de cuivre de Bembe. Un certain D. Pedro

Elelo, marquis de Katende, prétendant au trône congolais devenu vacant en 1858 par la

mort du roi D. Henrique Lunga (1842-1858), parvint à persuader les Portugais d’Ambriz de

soutenir sa cause. Ils le firent si bien, qu’ayant occupé militairement São Salvador en

1860, ils y demeurèrent jusqu’en 1866 et ne s’en retirèrent alors, que faute de soutien de

la part des autorités de Luanda56.

35 En 1878, une mission protestante de baptistes anglais vient s’installer à São Salvador, ce

qui incite les Portugais – très inquiets déjà de la course qui s’était amorcée entre les

autres nations européennes en vue du partage de l’Afrique – à y envoyer leur propre

mission catholique.

36 Le chef de cette mission, le P. António Barroso, se souciera au moins autant des affaires

politiques que du salut des âmes congolaises. En effet, selon les instructions

confidentielles qui lui avaient été remises par le gouverneur de l’Angola, il devait

« s’efforcer, par des moyens persuasifs et appropriés, de maintenir l’influence de la

couronne portugaise dans ces régions et dans l’esprit du roi »57. On peut douter qu’il ait

vraiment usé de moyens « appropriés » : le 17 février 1881, le roi du Congo envoie au roi

de Portugal une lettre l’assurant de sa condition de « fidèle vassal et ami des Portugais et

de leur roi »58. Si l’on en croit le missionnaire anglais Weeks, l’auteur de cette lettre (qui

ne savait ni lire ni écrire) y aurait apposé sa signature en toute ignorance de sa teneur,

pensant qu’il s’agissait d’un message de remerciement pour des cadeaux offerts par les

autorités portugaises59.

37 La mission anglaise se retira peu après, mais pour d’autres raisons que l’hostilité

portugaise.

38 En 1884, les puissances coloniales, réunies à la Conférence de Berlin, traceront avec une

complaisance tout arbitraire et une indifférence totale pour l’homogénéité ethnique des

Bakongo, des frontières découpant l’ancien royaume du Congo en trois morceaux, placés

chacun sous la tutelle de nations de culture différente. Par un traité du 14 février 1885, on

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décida que la frontière entre l’État Libre du Congo et l’Angola suivrait le parallèle

joignant Noqui au Cuango60. São Salvador se trouvait donc désormais à l’intérieur de

l’« Angola ».

39 Même forts de cette attribution juridique, les Portugais ne parviendront pas à occuper la

ville avant 1888, faute de moyens. Le nouveau « district du Congo portugais », créé en

1885 avec un résident à Cabinda, sera occupé lentement et ne sera « pacifié » par

l’administration coloniale portugaise que vers 1918. Des rois continueront à « régner » à

São Salvador, mais de façon purement symbolique61.

NOTES

1. Cette liste de conditions a-t-elle été inspirée par un capucin espagnol, comme le pense le P. A.

Brásio ? (cf. M.M.A., vol. X, p. 328).

2. M.M.A., vol. X, pp. 326-328 (document du 19-2-1649).

3. Gastão Sousa Dias, A Batalha de Ambitila, Lisbonne, 1042, p. 94 (doc. n° II, texte de 1665).

4. Ibid., p. 20, note 2. La première version est imprimée dans P.M., p. 200 ; la seconde (définitive)

par Gastão Sousa Dias, op. cit., p. 84-95.

5. Selon Cadornega, op. cit., t.I, pp. 53-61, un capitão-mor portugais et un chapelain iront s’installer

à Ambuila entre 1649 et 1681.

6. Cet article restera lettre morte en ce qui concerne le port de Pinda, dans le Soyo (à

l’embouchure du Congo), car le comte du Soyo ne reconnaissait plus la souveraineté de São

Salvador. Il continuera à accueillir à Pinda quiconque voudra y faire du commerce (cf. P. Hilde-

brand, Le martyr Georges de Geel, p. 211).

7. Doc. I (1653), in Gastão Sousa Dias, A Batalha de Ambulla, p. 77.

8. En 1655, le gouverneur envoie une armée contre le Congo, sous prétexte de violation du traité

de paix de 1649. Aucun combat n’a lieu, car le Congo donne satisfaction aux exigences

portugaises (cf. Elias Alexandre da Silva Corrêa, História de Angola, t. I, pp. 271-272).

9. Gastão Sousa Dias, op. cit., p. 75 (texte de 1664).

10. Ibid., p. 76 (texte de 1664).

11. Ibid., pp. 78-83 (texte de 1665). Du côté portugais, on fait état d’un prétendu projet espagnol

d’« envahir » incessamment le Congo, et également de l’attitude agressivement anti-portugaise

des Congolais acharnés à « la ruine totale de la nation portugaise » (cf. C. R. Boxer, « Uma relação

inédita e contemporânea da Batalha de Ambuila em 1665 », in Boi. Cult, do Museu de Angola,

Luanda, n° 2 (1960), p. 66 ; et aussi Cavazzi, lib. II, g 23).

12. « Manifesto da Guerra de D. António I, ... » (13-1-1665), in P.M., pp. 244-245.

13. Gastão Sousa Dias, A Batalha de Ambuila, p. 157 (document de 1666).

14. Ibid., loc. cit.

15. Ibid., p. 49 (texte de 1666).

16. C. R. Boxer, art. cit., pp. 65-73. Ce chiffre de 100 000 serait-il exagéré ? Il est également cité

dans un autre texte de 1666, reproduit par Gastão Sousa Dias, op. cit., pp. 151-153. Cavazzi (lib. II,

g 123) parle de 100 000, et un chroniqueur des Archives de la Propagande (Rome) de 500 000, ce

qui dépasse sûrement de beaucoup la réalité (cf. De Jonghe et Simar, « Archives Congolaises », in

Revue Congolaise (1914), n° 4, p. 207).

17. Ibid., art. cit.

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18. Girolamo Merolla da Sorrento, Breve e Succinta Relatione, Naples, 1692, p. 328.

19. Cf. Mercúrio Português com as novas do mês de Julho do ano 1666, B.N.L., Res. 110 v„ reproduit in

Diogo Cão, IIIe série, n° 6, Lisbonne, 1936, p. 170.

20. Gastão Sousa Dias, op. cit., p. 152 (texte de 1666).

21. P.M., p. 200. Cette couronne aurait été par la suite rendue aux Congolais et, selon António de

Almeida (1940), elle se trouve à São Salvador (cf. António de Almeida, « Subsidios para a História

dos Reis do Congo », in Congresso do Mundo Português, Lisbonne, 1940, vol. VIII, p. 491).

22. Gastão Sousa Dias, op. cit., p. 141 (texte de 1665).

23. Cadornega, op. cit., t. I, p. 124, et J. C. Feo Cardozo, Memórias, p. 196.

24. O. de Bouveignes et J. Cuvelier, Jérôme de Montesarchio, apôtre du Vieux Congo, p. 174.

25. Cf. L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc.

XXXIII (1961), p. 479.

26. Gastão Sousa Dias, op. cit., p. 157 (texte de 1666).

27. Cf. Francisco Travassos Valdez, Six Years of a Traveller’s Life in Western Africa, Londres, 1861, vol.

II, pp. 82 et 111 ; cf. aussi Fernando Mouta, « As Minas de Cobre do Congo », in Actividade

Económica, n° 3 (1936), pp. 9-15.

28. A. Galvão, qui visita le site en 1915, trouva la mine abandonnée et les puits bouchés (cf. A.

Galvão, « Relatório da minha viagem ao Congo », in Bol. Soc. Geog. de Lisboa, sér. 36, nos 4-6 (1918),

p. 140.

29. Gastão Sousa Dias, op. cit., p. 59.

30. J. J. Lopes de Lima, « Sucessos do Reino do Congo no século XVII », in Annaes Maritimos e

Coloniaes, Lisbonne, 1845, p. 198.

31. Cf. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome,

fasc. XXXV (1963), p. 390.

32. Bernardo da Gallo (1700), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst.

Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 475.

33. P.M., pp. 254-255 (texte de 1672).

34. Cf. Giuseppe Monari da Modena, in Evaristo Gatti, Sulle terre e sui mari, Parme, 1931, p. 126.

35. P.M., pp. 254-255, et Cadornega, op. cit., t. II, pp. 262-284.

36. Cadornega, op. cit., t. II, p. 361.

37. P.M., pp. 287-309 (texte de 1690).

38. Cf. J. Cuvelier, Relations sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), pp. 287-288 ; et

Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst. Hist.

Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 531.

39. P.M., p. 310 (texte de 1691).

40. P.M., pp. 350-351 (texte de 1710) ; cf. aussi L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in

Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 424.

41. L. Jadin, « Relation sur le Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de 1791 à 1795 »,

in Bull, des Séances de l’Acad. Roy. des Sc. Col, t. III, fasc. I (1957), p. 320.

42. J. J. Lopes de Lima, « Sucessos do Reino do Congo no século XVII », in Annaes maritimos e

coloniaes, Lisbonne, 1845, p. 198.

43. P.M., pp. 350-355 ; et aussi L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », pp. 424-427.

44. P.M., p. 355.

45. In Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo, p. 461.

46. Cf. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo... », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc.

XXXV (1963), p. 370.

47. Ibid.

48. Cf. L. Jadin, « Relation sur le Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de 1791 à

1795 », in Bull, des Séances de l’Acad. Roy. des Sc. Col, t. III, fasc. 2 (1957), pp. 328-329.

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49. A. J. Castro, « Roteiro da viagem ao reino do Congo por A. J. Castro, major da provincia de

Angola, em Junho 1845 », in Bol. Soc. Geog. de Lisboa, sér. 2, n° 2 (1880), pp. 53-67.

50. Kinsembo se trouvait à quatre heures de hamac au nordd’Ambriz (cf. Charles Jeannest, Quatre

années au Congo, Paris, 1883, p. 45).

51. Il s’agit de D. Pedro IV (1859-1891).

52. Probablement des mots portugais, employés abusivement par les Noirs, qui en ignorent le

sens réel.

53. Charles Jeannest, op. cit., pp. 36-37.

54. Terme portugais d’origine africaine signifiant serviteur.

55. Charles Jeannest, op. cit., p. 69.

56. F. T. Valdez, Six Years of a Traveller’s Life in Western Africa, Londres, 1861, vol. II, pp. 81 et 111 ;

R. F. Burton, Two Trips to Gorilla Land and the Cataracts of the Congo, Londres, 1876, vol. IL p. 45 ; W.

H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, pp. 141-142 ; J. H. Weeks, Among the

Primitive Bakongo, Londres, 1914, p. 37 ; António de Almeida, « Subsidios para a História dos reis

do Congo », in Congresso do Mando Português, Lisbonne, 1940, vol. VIII, pp. 485-511 ; et Hélio A.

Esteves Felgas, História do Congo Português, Carmona (Angola), 1958, p. 112.

57. « Instruções confidenciais do Governo-Geral ao Padre António Barroso, 19-1-1881 », in A.

Brásio, António Barroso, missionário, cientista, missiólogo, Lisbonne, 1961, p. 352.

58. « Carta do Rei do Congo a D. Luis I, 17-2-1881 », in op. cit., p. 356.

59. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, Londres 1914, p. 58. Nous pensons que la lettre dont

parle Weeks est celle du 17-2-1881 ; il pourrait également s’agir d’une autre lettre, de la même

teneur mais ne portant pas la même date. Weeks affirme que celle dont il prit connaissance avait

été imprimée dans la revue belge Le Mouvement Géographique, au cours de l’année 1884. Nous

avons parcouru les numéros de cette année-là, sans trouver trace de la lettre en question.

60. E. Hertslet, A Map of Africa by Treaty, 3e éd., Londres, 1909, vol. II, pp. 591-592. Le traité fut

légèrement modifié par la Convention du 25 mai 1891 (cf. ibid., pp. 594-596), toujours en vigueur.

(Cf. aussi J. C. Keltie, The Partition of Africa, Londres, 1893, p. 212.)

61. Hélio A. Esteves Felgas, História do Congo Português, Carmona (Angola), 1958, pp. 139-148.

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Troisième partie. L'influenceeuropéenne (Les mutations)

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Cartes

1. Vue de la ville de São Salvador, gravure extraite de O. Dapper, Description de l’Afrique, Amsterdam,1686

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2 Vue de la ville de Loango, gravure extraite de 0. Dapper. Description de l’Afrique, Amsterdam, 1686

3. Le roi du Congo, D. Alvaro VI (1636-1641), reçoit une ambassade hollandaise, gravure extraite de 0.Dapper, ibidem

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4. Couronnement du roi du Congo : trône et insignes du pouvoir, gravure extraite de O. Dapper, ibidem

5. Le comte du Soyo, gravure extraite de 0. Dapper, ibidem

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6. Le roi du Loango tient audience, gravure extraite de 0. Dapper, ibidem

7. Prosternation du peuple devant le roi du Loango. Nul ne peut le regarder lorsqu’il boit, gravureextraite de 0. Dapper, ibidem

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8. Les Jagas cannibales, gravure extraite de 0. Dapper, ibidem

9. Forgerons congolais, gravure extraite de Cavazzi, Istorica descrizione..., Bologne, 1687

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10. Le roi du Congo, D. Garcia II (1641-1661) accueille les missionnaires capucins (1648), gravureextraite de Cavazzi, ibidem

11. Femme pilant du maïs dans un mortier et homme faisant du feu, gravure extraite de GirolamoMerolla da Sorrento, Breve e succinta relatione.... Naples, 1692

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12. Instruments de musique des Congolais, gravure extraite de Girolamo Merolla da Sorrento, ibidem

13. Nobles congolais et enceinte avec cases de nobles, gravure extraite de Girolamo Merolla daSorrento, ibidem

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14. Plant de manioc, grenier et travaux agricoles des Congolais, gravure extraite de Girolamo Merollada Sorrento, ibidem

15. Scène de la traite des esclaves, gravure extraite de L. Degrandpré, Voyage à la Côte occidentaled’Afrique. Paris, 1801

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16. Pseudo-portrait de la reine de Matamba, Dona Anna Jinga (1623-1663) par A. Deveria, Paris (c.1830), Cabinet des Estampes, В. N. Paris

17. Christ en cuivre jaune, longueur 150 mm. Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, Belgique

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18. Christ en cuivre jaune, longueur 170 mm. Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, Belgique

19. Christ en cuivre jaune, longueur 195 mm. Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, Belgique

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20. Statuette de saint Antoine en cuivre jaune, " Toni Malau ", hau 115 mm. Musée royal de l’Afriquecentrale, Tervuren, Belgique

21. Vue des ruines de la cathédrale de São Salvador

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Chapitre XI. Les conséquences del’ouverture de la nouvelle frontière

1. MENACE POUR L’ÉQUILIBRE INTÉRIEUR : EFFETSPOLITIQUES ET SOCIAUX DU COMMERCE EUROPÉEN

1 Jusqu’à l’arrivée des Européens, la frontière de la mer avait représenté pour les Congolais

une protection, car ils pensaient que nul adversaire ne pouvait en surgir. L’arrivée des

Blancs, confondue au premier abord avec le retour salutaire des ancêtres, revêtira

rapidement une signification ambiguë lorsque les Congolais comprendront qu’il s’agit

d’hommes et non de dieux, et que la générosité des Européens qui apportent l’Évangile du

Christ et de somptueux cadeaux au roi n’est pas dénuée d’arrière-pensée. En échange du

don de la Bonne Nouvelle, les Blancs s’attendent à une transformation radicale de la vie

traditionnelle africaine, ce qui impliquera des contraintes de toutes sortes.

2 Les premiers échanges matériels entre Congolais et Européens prirent la forme de

cadeaux du roi de Portugal (surtout des tissus luxueux) auxquels le roi du Congo

répondait à son tour par des présents (nattes de raphia et ivoire)1. Conformément à leur

coutume, les rois du Congo s’attendaient à voir ce « commerce » se poursuivre ainsi entre

souverains, chacun restant le maître de ses sujets ; et à en juger par les instructions

données à ses agents, la cour de Lisbonne semble avoir voulu agir d’abord dans ce sens2.

3 Pour les rois du Congo, le contrôle direct du commerce européen était une nécessité

vitale, car, la possession d’objets européens conférant un surcroît de prestige et donc un

certain pouvoir, il importait que la distribution en fût réglée conformément à la

hiérarchie sociale. Autrement, tout l’édifice de la société risquait de s’écrouler.

4 Malheureusement le Congo ne possédait aucun système centralisé de douanes, et la

capitale se trouvait loin de la côte – source de biens européens.

5 Si la cour de Lisbonne acceptait de respecter la structure sociale et la coutume locale en

ne commerçant qu’avec le roi et ses agents, il n’en allait pas de même en ce qui concernait

les marchands de l’île de São Tomé, qui bafouaient les usages africains avec une

désinvolture délibérée : ils n’admettaient que le libre jeu du marché, dépouillé de toute

considération politique ou hiérarchique.

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6 Le rôle de l’île de São Tomé dans le destin du Congo n’étant pas négligeable, examinons

un instant son histoire.

7 Des colons portugais s’y implantent à partir de 14853 et très rapidement y développent la

culture de la canne à sucre. Dans la première moitié du XVIe siècle, São Tomé deviendra

une riche colonie industrielle4et aura, de ce fait, des besoins croissants en main-d’œuvre

pour les plantations. Dès 1500, les habitants reçoivent du roi de Portugal le privilège de

commercer sur toute la côte, depuis le golfe de Guinée jusqu’au royaume du Congo5. Ils

sont les premiers à organiser au Congo la traite, qui ne commence d’ailleurs vraiment

qu’après 1510. Vers 1508, Duarte Pacheco Pereira écrit encore que « l’on n’obtient que

peu d’esclaves de cette terre » 6. Non content de faire des affaires à Pinda, à l’embouchure

du grand fleuve, le donataire de l’île, Fernão de Melo, traite également avec les

Panzalungos7 (Mpanzalungu), « ennemis infidèles » de D. Afonso I, installés sur la rive

droite du Bas-Congo8, et avec qui le roi est en guerre. Celui-ci s’en plaint en 1516 au roi de

Portugal, se disant « scandalisé » d’un tel procédé9. Fernão de Melo, écrit D. Afonso I, lui

dérobe les cadeaux envoyés de Lisbonne et le traite de « chien infidèle »10.

8 Bien qu’aucun document ne nous soit parvenu à ce sujet, c’est probablement vers cette

époque que les São-Toméens commencent à visiter également le Loango et l’Angola11. Au

cours de la première moitié du XVIe siècle, ils ont un commerce régulier avec l’Angola, et

amènent le roi du Dongo, officiellement vassal du roi du Congo, à rapprocher sa capitale

du port de Luanda, afin de mieux profiter de ce commerce12.

9 La mobilité des Européens sur mer leur permet de commercer directement avec les

vassaux de D. Afonso I vivant à la périphérie du royaume, ceux-là mêmes qui sont les plus

susceptibles de se révolter contre l’autorité centrale, parce qu’ils en sont plus éloignés.

Conscient de son infériorité, du fait qu’il est lié au continent, D. Afonso I écrit au roi D.

Manuel en 1517, pour lui proposer naïvement « d’acheter un navire ». Ainsi libéré des

tracasseries des São-Toméens, il éviterait en outre de payer des droits sur les esclaves

exportés de son royaume13. Ce n’est qu’en 1529 qu’il recevra une réponse du successeur de

D. Manuel, D. João III, qui se déclare « très surpris » par cette proposition puisque, ajoute-

t-il perfidement, « les miens [navires] sont à vous »14 !

10 Afin de freiner les abus des gens de São Tomé et de faire revivre le monopole royal, un

décret portugais de 1519 limite aux navires du roi le droit de commercer avec le Congo15.

Il ne sera pas respecté. En 1547, par l’intermédiaire d’un ambassadeur créole, Cornélio

Gomes, un arrangement est conclu entre D. Diogo du Congo et D. João III de Portugal : ce

dernier interdit à ses sujets de l’île de São Tomé tout commerce avec les tribus non

soumises à São Salvador. De son côté, le roi du Congo s’engage à accorder la libre entrée

dans ses ports et ses villes aux marchands portugais, qui viennent pacifiquement s’y

livrer à leur commerce16. Un document de 1548 fait état de l’impunité avec laquelle les

São-Toméens enfreignent les dispositions royales17. En 1553, le roi de Portugal publie un

nouveau décret, où il rappelle avoir interdit, du vivant de D. Afonso I, tout commerce

direct avec l’Angola. Il reconnaît que ce monarque lui avait demandé qu’il n’y eût de

contact avec l’Angola que par terre (...fosse por terra...), à partir de São Salvador, note que

cette interdiction n’a pas été observée et la renouvelle18.

11 Malgré les interventions loyales de Lisbonne en faveur du Congo, le commerce entre São

Tomé et Luanda continuera et permettra au roi du Dongo (Angola) de se libérer

complètement, vers le premier quart du XVIe siècle, de ses liens d’allégeance envers le

Congo19.

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12 Son exemple amorce une tendance qui va se généraliser tout au long des XVIe et XVIIe

siècles : grâce au commerce européen, les populations périphériques et maritimes du

royaume du Congo se libéreront peu à peu de la domination de l’empire de l’intérieur. Les

anciens vassaux se feront courtiers, et tireront du commerce européen et de leur

situation sur la côte une puissance qui leur permettra de rivaliser avec l’ancienne

autorité, à laquelle ils refusent désormais de se soumettre20. Pendant la première moitié

du XVIIe siècle, le Loango et le Soyo suivront l’exemple de l’Angola.

13 Tout ceci ne fera qu’affaiblir le Congo, mais l’affranchissement des vassaux n’est pas le

pire des effets du commerce européen : il y a la traite...

14 Dans une lettre du 6 juillet 1526, D. Afonso I se plaint à D. João III que son royaume est en

train de se désagréger : des marchands portugais « ... se répandent dans nos royaumes et

seigneuries, en si grand nombre que beaucoup de vassaux que nous tenions sous notre

autorité se soulèvent, car ils ont plus que nous de ces choses [les marchandises

européennes], dont nous leur donnions auparavant assez pour les satisfaire et les garder

soumis à notre suzeraineté et à notre juridiction. Il en est résulté un grand préjudice, tant

pour le service de Dieu que pour la sécurité et l’ordre de notre royaume »21.

15 II y a plus encore : parmi les esclaves qu’exportent les négociants portugais, s’il y a bien

des prisonniers de guerre, des hommes déjà esclaves, il se trouve aussi, écrit D. Afonso I,

des « enfants de notre pays » (filhos da terra) et des « fils de nos nobles et de nos vassaux »

(filhos de nossos fidalgos e vassallos) ainsi que « nos parents ». Des « voleurs et des hommes

sans conscience les enlèvent, poussés par le désir d’avoir des choses et des marchandises

de Portugal, dont ils sont avides ». Voyant la structure même de son État menacée par le

commerce européen, D. Afonso I déclare n’avoir « besoin que de religieux et de quelques

personnes pour enseigner dans les écoles », et ne plus vouloir « de négociants ni de

marchandises, seulement du vin et de la farine pour le Saint Sacrement [...], car notre

volonté est que, dans nos royaumes, il n’y ait plus de traite ni d’exportation d’esclaves »22.

16 Dans une lettre du 18 octobre 1526, il parlera de la « convoitise démesurée » de ses sujets

pour les marchandises européennes, qui les amène à enlever des nobles et des fils de

nobles « la nuit, afin d’éviter d’être découverts »23. Pour parer à « ce grand mal » (et

revenant sur l’intransigeance manifestée auparavant), il ordonne que tout esclave acheté

par un Blanc soit inspecté par trois « gentilshommes et fonctionnaires de notre cour »,

pour s’assurer qu’il s’agit bien « d’un captif et non d’un homme libre »24.

17 D. João III, qui ne répondra aux lettres de D. Afonso I qu’en 152925, traite alors de tous ces

griefs avec une patience paternelle, mais non sans hypocrisie. D. Afonso I ne veut donc

plus de traite, puisqu’elle dépeuple son royaume ? Si tel est son désir, qu’il en soit ainsi,

mais « ... ce ne serait un honneur ni pour lui ni pour son royaume [...] que l’on dise qu’au

Congo il n’y a pas de commerce et qu’il n’y va qu’un seul navire par an » (ce qui arrivera si

le courant d’esclaves se tarit). Quelle gloire, au contraire, pour lui qu’une exportation

annuelle de 10 000 esclaves, 10 000 manilles de cuivre et autant de défenses d’éléphants 1

Voilà qui veut dire : pas de marchandises sans fourniture d’esclaves, car c’est surtout

d’esclaves qu’il s’agit. Ne pas vouloir de marchandises, écrit D. João III, serait pourtant

contraire à la coutume de tous les pays, et « si l’un de vos grands pouvait se révolter

contre vous, riche des marchandises de Portugal, qu’adviendrait-il de votre puissance et

de votre grandeur ? »26. L’Europe chrétienne ne pouvait se montrer plus magistralement

commerçante.

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18 Pour que la traite ne dépeuple pas le pays, D. João III suggère que l’on envoie acheter des

esclaves dans les Pumbos (marchés de la frontière nord-est, près de ce que l’on appellera

plus tard le Stanley Pool, et où sont vendus des Bateke) 27.

19 Au XVIIe siècle, en effet, les Congolais ne représenteront qu’une assez faible part dans le

total des esclaves exportés. En 1620, Garcia Mendes de Castello Branco dira que les

esclaves viennent surtout d’Ibare et de Bocanga (= Ocanga ?), et qu’en dehors de quelques

malfaiteurs, le royaume du Congo ne fournit que des pagnes de raphia28. En 1668, Dapper

remarquera que peu d’esclaves sortent des provinces congolaises du Soyo et de Mbamba.

« Ce sont », dit-il, « des gens qui, étant accoutumez de vivre à leur aise, ne peuvent

souffrir le travail et meurent dès qu’on les transporte en païs étranger ». Pour avoir de

bons esclaves, il faut les chercher dans les terres de l’Angola, à Ambuíla (chez les

Dembos), chez la reine Jinga et chez les Jagas29.

20 Malgré cette faiblesse physique, qui protège apparemment les Congolais, un texte de 1656

est formel : « Avant d’être découvert, ce royaume [le Congo] était très peuplé, mais depuis

l’introduction de la traite [...] par les Espagnols et les Portugais [...] il s’est dépeuplé [...].

On obtient des esclaves le plus souvent en les capturant par la guerre, et il en résulte

qu’on provoque fréquemment des guerres, plutôt pour capturer des esclaves et se

procurer ainsi des marchandises européennes que pour des raisons de politique ou de

protection de l’État »30. C’est ce qui arrivera entre 1636 et 1645 : le roi du Congo, le comte

du Soyo et le duc de Mbamba « se sont fait la guerre », rapporte Pieter Zegers Ouman

(1643), « ce qui, en la plupart des cas, eut lieu à l’instigation des Portugais, qui en tirent

bénéfice en achetant les captifs »31. Cavazzi notera que pour un collier de corail ou un peu

de vin, il arrivait aux Congolais de vendre leurs propres parents, leurs enfants, leurs

sœurs et leurs frères, jurant en même temps aux acheteurs qu’il s’agissait d’esclaves

domestiques32. Le trafic instauré par les Européens devient une cause directe de guerres

entre les Noirs et d’instabilité sociale. Plus on parvenait à capturer de prisonniers, plus le

pouvoir d’achat augmentait, car dans l’économie africaine l’homme était le principal

élément du commerce avec les Européens33.

2. PROBLÈMES SOULEVÉS PAR LE SYSTÈMEÉCONOMIQUE DE L’« AUTRE »

21 Si le contact européen, sous forme d’échange de cadeaux entre les monarques portugais

et congolais pouvait être inoffensif tant qu’il s’agissait de gestes symboliques et

occasionnels, il se révéla beaucoup moins aisé d’instaurer un commerce régulier, et très

difficile d’ajouter à l’échange d’objets matériels la rétribution des services rendus par les

Européens.

22 D’abord, il n’y avait pas de monnaie commune entre les deux civilisations. Le zimbu,

monnaie congolaise, ne semble pas, en 1491 du moins, avoir cours hors de la capitale.

Lorsque, cette année-là, l’ambassade portugaise partit de la côte pour São Salvador, « un

noble vint à sa rencontre de la part du roi [...] pour ordonner dans tout son royaume de

donner gratuitement aux chrétiens [les Européens, en l’occurrence], sous peine de mort,

tout ce qu’ils voudraient ; et ainsi fut fait, car il est, dans ces régions, le roi le plus craint

et par là même le plus aimé et le plus obéi. Forts de cet ordre, les Noirs qui

accompagnaient l’ambassade firent beaucoup de mal à ceux des régions où ils passaient,

leur prenant bien trop de choses, pourtant il ne se trouva presque personne pour s’en

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offenser ou seulement faire mauvaise figure »34. Ainsi, hors de la capitale, l’autorité royale

se procurait par la force les ressources qui lui manquaient.

23 Une fois arrivés à São Salvador, les Portugais sont accueillis par un autre « noble » du roi,

qui leur offre « des milliers de zimbu ». Il est significatif, cependant, qu’il leur fait aussi

porter « de nombreux moutons, chèvres, poules, du sorgho, du miel, du vin de palme et

des fruits »35.

24 Toutes ces largesses ne représentent dans l’esprit du roi qu’un geste isolé et sentimental.

Il ne prévoit pas qu’il va falloir le renouveler à échéances régulières, car autrement

comment vivraient les religieux et les artisans qu’il avait si ardemment sollicités ? En

effet, chacun des Européens ne possédera pas, comme les Noirs, un petit jardin et

plusieurs femmes pour cultiver celui-ci.

25 Le successeur de D. João I, D. Afonso I, se trouve devant le même problème : le concept de

salaire est inconnu au Congo36. Dans une lettre au roi de Portugal, écrite en 1514, il se

plaint que les religieux viennent « tous les jours l’importuner et demander de l’argent

[sic] »37. Quant aux artisans envoyés de Lisbonne, D. Afonso donnait au tuilier « tous les

jours de l’argent », sans le voir faire quoi que ce soit38. Les maçons aussi demandaient

constamment de l’argent : « pour chaque pierre [posée] nous leur donnons un ou deux

lufucos [de zimbu] »39.

26 La rétribution de services au moyen de cadeaux irréguliers entraîne rapidement des

tensions et des jalousies parmi les Européens, ballottés entre l’incertitude et l’espérance

quant aux intentions du roi, aux possibilités et aux limites de sa générosité.

27 Très bientôt, la cour de Lisbonne a essayé de mettre de l’ordre dans cette situation. Les

instructions données à l’ambassade de Simão da Silva (1512) stipulent que, si le roi du

Congo veut donner quelque chose aux membres de la mission, son chef, Simão da Silva

« ne doit pas permettre que ces cadeaux soient plus importants que ce que nous [le roi de

Portugal] versons à chacun par an »40.

28 Il doit aussi empêcher ses hommes d’importuner ou d’« ennuyer » le roi en quémandant,

et dire à celui-ci de « ne pas être gêné de repousser leurs demandes, car l’un des

principaux buts de votre mission est de lui éviter les ennuis que nous savons très bien que

lui causent ceux d’ici [les Portugais] par leurs sollicitations »41. « Nous sommes sûr »,

ajoute le roi, « qu’ils l’importunent avec beaucoup de désinvolture »42.

29 Le problème réside moins dans le manque de moyens dont dispose le roi du Congo pour

satisfaire ces quémandeurs, que dans sa trop grande générosité, comme il se doit chez un

monarque africain : ses largesses inespérées et octroyées par à-coups ne font qu’exciter

des convoitises inextinguibles chez les Européens, ecclésiastiques et autres. Les

recommandations prévoyantes de la cour de Lisbonne ne suffiront pas, comme en

témoigne la lettre de D. João III à D. Afonso I en 1529 – à y porter remède.

30 Les chapelains devront se présenter tous ensemble, avec leur vicaire, et le roi distribuera

collectivement logements et vivres, la répartition étant faite ensuite par le vicaire. « Vous

m’obligerez », écrit D. João III à D. Afonso I, « en ne donnant rien à personne

individuellement, mais seulement à tous ensemble. Qu’ils soient bien approvisionnés,

surtout en vivres, car pour le reste je sais bien qu’ils n’auront pas à se plaindre, vous avez

coutume de faire toujours des cadeaux »43.

31 La première référence à un « salaire » au Congo (et là encore il s’agit uniquement

d’Européens) se trouve, semble-t-il, dans Cadornega (1680-1681). A certains Portugais

résidant à São Salvador, le roi payait une pension (moradia) constituée par un certain

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nombre de nattes de raphia44, connues sous le nom d’empusos ou lepussos. « On appelait ces

Portugais gentilshommes à tant de lepussos, et plus ils en avaient plus leur position sociale

était élevée »45. Encore qu’on emploie ici le mot « pension », rien ne permet de savoir si

celle-ci était versée avec une régularité systématique. On sait que D. Garcia II payait les

chanoines de la cathédrale de São Salvador « tous les trois mois », mais « souvent avec du

retard ». Les chanoines fermaient alors les églises pour obtenir satisfaction46.

32 Les rares particuliers qui ont essayé de vivre dans cette Afrique des XVIe, XVIIe et XVIIIe

siècles, en achetant chaque jour leur nourriture se plaignaient amèrement du prix élevé

de la vie47. De l’Angola, Pyrard de Laval dira en 1615 : « Il y fait fort cher vivre [...] Ce qui

coûte dix sols en France en coûtera quarante au Brésil, mais cent sols là... »48. Les

missionnaires français au Loango, en 1766, trouvent que « tout est extrêmement cher ici »49.

3. LUTTE ENTRE PORTUGAIS ET CONGOLAIS POURCONTRÔLER LE COMMERCE DU PAYS

33 Les Portugais ont toujours intérêt à ce que le commerce demeure régi, au Congo, par le

libre jeu du marché, et qu’on ait le droit d’y circuler sans entraves et sans péages. La

liberté de mouvement dans le royaume est considérée par eux comme un droit naturel50.

Une des conditions de la paix imposée aux Congolais par les conquistadores de Luanda, en

1649, fut la liberté de commerce, sans obligation de payer des péages51.

34 Pour conserver leur autorité sur le royaume, les rois congolais auraient dû restreindre le

libre jeu du marché, contrôler le commerce européen et veiller à ce que les bénéfices n’en

reviennent pas exclusivement aux Portugais. En cela, ils ont moins bien réussi que les rois

du Dahomey, du Loango, de Cassange, ou les chefs des cités situées sur la moitié sud du

plateau rhodésien : Zimbabwe, Khami et Dhlo Dhlo.

35 Nous avons vu, dans un autre chapitre, comment les rois congolais contrôlaient

étroitement la production de leur monnaie, le zimbu, sur l’île de Luanda. Or dès avant 1529

les Européens commencent à injecter dans le circuit économique congolais une monnaie

analogue, importée du Bénin52. Au début du XVIIe siècle, ils en importaient du Benguela53,

du Brésil54 et de l’Inde55. De ce fait, et malgré une interdiction royale (congolaise) frappant

cette importation, « sa monnaie [du roi du Congo] est tellement dévalorisée qu’il perd les

deux tiers de ses revenus », écrit l’évêque Manuel Baptista en 1619, et il ajoute que ces

importations entraînent « le royaume à sa perte »56.

36 Si les rois du Congo perdirent la bataille de la monnaie-coquillage, ils n’obtiendront que

de piètres victoires dans leurs tentatives de contrôle des marchands européens.

37 En 1549, D. Diogo I (1545-1561) est accusé par le capitaine de São Tomé de fermer les

marchés où l’on achète de bons esclaves, et d’en ouvrir d’autres en des endroits moins

propices. En outre, le roi attribue aux mesures des tissus « plus de longueur qu’elles n’en

représentent habituellement au Portugal et dans les possessions portugaises, et qu’il

n’était admis jusqu’alors au Congo ». Il majore les prix et fait payer les esclaves plus cher

qu’avant57.

38 En 1553, le même roi interdit provisoirement les marchés et ferme tout accès aux

marchands blancs, ce qui les rend furieux58.

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39 En 1620, D. Alvaro III (1615-1622) est également accusé de couper les chemins aux

marchands blancs quand bon lui semble. « Et s’ils ne lui donnent pas de cadeaux, il ne les

laisse pas passer, et ils sont retenus de longs jours, dépensant en partie ce qu’ils

transportent, jusqu’à ce qu’il s’estime satisfait »59. Il impose de « lourdes taxes et exige

des pots de vin qui augmentent chaque jour [...] Il en résulte de graves ennuis, des

plaintes et des pertes »60.

40 Enfin, D. Garcia II (1641-1661) fait payer aux négociants blancs de nombreux xicavos ou

péages aux gués des fleuves61.

41 Malheureusement, ces tentatives pour encadrer et contrôler le commerce européen ne

sont, en général, ni assez systématiques, ni assez régulières, ni assez rationnelles pour

servir l’intérêt général du royaume. Ainsi, par réaction contre les tentatives de l’évêque

Manuel Baptista, en visite à São Salvador en 1619, pour corriger les mœurs relâchées des

Congolais, le roi et sa cour lui crient « qu’ils vont tuer tous les Blancs, qu’ils se moquent

du baptême, de l’Église et du clergé, et veulent vivre en liberté ». Aux excommunications

de l’Église, ils répondent par des « excommunications du pays », interdisant aux Blancs

« eau, feu, bois de chauffage et fermant tous les marchés. Ils continuent ainsi pendant

quelques jours, avec des hurlements, des clameurs, des cris de guerre jour et nuit, pour

effrayer et laisser croire que tout est fini [...] et quand ceci leur passe, comme si de rien

n’était, ils deviennent amicaux, quémandant du vin et d’autres choses, demandant pardon

[...] et craignant les excommunications de l’Église »62.

42 Devant ce comportement imprévisible, issu du dilemme que crée d’une part la peur de la

religion des Blancs et, de l’autre, le désir d’affirmer l’autorité royale minée par le

commerce européen, les marchands portugais, soucieux de leur seul intérêt, ne savent

plus à quoi s’en tenir. Il leur devient difficile de conjecturer l’avenir, chose essentielle

pour la réussite de leurs affaires.

43 Dès 1612, la perception des péages semble avoir échappé au contrôle centralisé des rois.

Selon un texte portant cette date, les marchands portugais sont obligés de payer des

péages non seulement au roi du Congo, mais aussi au Mani-Bamba et au Mani-Soyo.

« Pour passer une rivière (même des plus insignifiantes), ils paient des droits en fonction

des charges portées par leurs esclaves »63.

44 Le dernier roi dont l’autorité se soit fait sentir sur tout le territoire du royaume, jusqu’à

l’embouchure du Congo, semble avoir été D. Diogo I, dont un texte de 1550 dit qu’il

contrôle tous les « ports et voies de communication »64. Avant lui, D. Afonso I avait aussi

dominé son pays jusqu’à la mer. En 1539, un témoin déclare qu’il avait installé « des

gardes à tous les ports et gués » entre São Salvador et le Soyo pour intercepter la

correspondance des marchands portugais résidant dans la capitale65.

45 Ce sont, en somme, les rois aux personnalités fortes – D. Afonso I (1506-1543), D. Diogo I

(1545-1561) et D. Garcia II (1641-1661) – qui réussissent (et encore partiellement) à faire

face aux problèmes posés par le commerce européen. Après la bataille d’Ambuíla (1665),

et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle encore, l’imposition de péages est la prérogative de chaque

gouverneur de province, de chaque chef local66 ; l’autorité des rois ne s’étend guère en

dehors de la capitale.

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4. LA VENUE DES EUROPÉENS ET SES INCIDENCESSUR LES RAPPORTS DES CONGOLAIS AVEC LEURSVOISINS FRONTALIERS

46 Du fait du malentendu fondamental concernant la nature du christianisme (dont nous

avons déjà parlé), les Congolais en attendaient non pas un salut ultramondain, mais une

augmentation de force temporelle. Aussi leur importait-il énormément que cette nouvelle

puissance sacrée ne soit pas donnée à leurs adversaires déclarés ou éventuels.

47 D. Afonso I essaiera d’empêcher que le roi d’Angola ne devienne chrétien, afin qu’il ne

s’oppose pas à lui en rival67. Et un de ses successeurs interdira, en 1583, aux missionnaires

carmélites de se rendre au royaume de Mucoco (chez les Bateke), pour les mêmes raisons68.

48 Puissance sacrée et technique matérielle ne se distinguant guère pour eux, les Congolais

n’ont pas tardé à solliciter l’aide de leurs prestigieux amis de la mer, avec leurs armes

européennes, contre les populations de la frontière orientale, d’ethnie différente. La

venue des Européens va tendre à conférer aux Congolais un rang plus élevé que celui de

leurs voisins noirs.

49 Dès 1491, les Portugais participent à une guerre contre les Bateke en aval du Stanley Pool

(Nsanga et Mazinga)69 ; en 1536, Manuel Pacheco écrit que depuis cinq ans il aide D.

Afonso I dans ses guerres70 ; en 1587, le roi du Congo et le duc de Mbata (la province

orientale) ont à leur service des arquebusiers portugais71 ; un texte de 1607 laisse

clairement entendre que l’autorité du roi n’est fondée que sur la présence de Portugais

(avec leurs armes à feu) résidant dans la capitale72.

50 Si les deux grandes nouveautés dans la vie des Congolais vont être désormais le

christianisme et la traite, tous deux introduits par les Européens, il apparaîtra très vite

aux négociants portugais que l’adhésion au premier compromet la bonne marche de la

seconde, et voici pourquoi :

51 Puisque les principales sources d’esclaves sont soit des captifs pris au cours de guerres

entre ethnies, soit des condamnés pour délits réels ou prétendus contre le pouvoir73, les

acheteurs ne peuvent qu’encourager les frictions intertribales ou le despotisme

tyrannique ; le cannibalisme guerrier leur offre aussi une source de choix, car les

excédents de consommation alimentaire ou sacrificielle sont facilement vendus contre

des tissus ou des objets de luxe.

52 Le cannibalisme existait-il chez les Congolais ? L’auteur de l’História do Reino do Congo (c.

1655) est formel : « Jamais chez eux [les Congolais] on ne mangeait de la chair humaine,

pas même de ceux qu’ils tuaient en guerre, comme c’est la coutume générale en Angola,

Matamba, Soyo, Loango, Anzicana et dans bien d’autres [royaumes] »74. Pourtant,

Raffaello Maffei avait décrit comment, à l’arrivée des premiers Européens, le roi Nzinga

Nkuwu avait invité les Portugais écœurés à manger les têtes rôties de sept hommes, qui

s’étaient suicidés en leur honneur75.

53 Cet incident prouve qu’à cette époque le comportement despotique des rois congolais ne

différait pas de celui de leurs voisins.

54 L’adhésion des Congolais aux valeurs de la religion chrétienne avait-elle eu pour

conséquence d’atténuer chez eux le despotisme tyrannique typique des États africains, et

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d’éliminer le cannibalisme ? Les missionnaires ont certainement fait tout leur possible

pour qu’il en soit ainsi. En substituant à leur notion du sacré celle des Européens, D.

Afonso I et ses successeurs s’étaient-ils confiés à la puissance de leur Dieu, dont les armes

à feu attestaient la supériorité ? Persuadés de l’efficacité de cette nouvelle garantie,

avaient-ils accepté de renoncer aux traditionnelles exécutions gratuites, destinées à

assurer le respect du pouvoir ? Deux sources déclarent, en effet, qu’au XVIe siècle la peine

de mort est devenue rare au Congo76.

55 Après avoir été très actifs à l’intérieur du pays dans le premier quart du XVIe siècle, les

organisateurs de la traite opéreront, après 1530, surtout aux frontières, chez les Bateke et

en Angola, où le despotisme traditionnel reste encore en vigueur et par conséquent

l’approvisionnement en esclaves mieux assuré77.

56 En 1576, les Portugais exportent de Luanda 12 000 esclaves par an : des délinquants que le

roi d’Angola « vend pour ne pas les exécuter »78. Des délits infimes sont prétexte à

condamnation. Selon Du Jarric, « ... quiconque toucherait à certaines courges, qu’il [le

chef] tient pendues à ses palmes pour recueillir le vin qui en découle, est puni en se

voyant rendu esclave avec tous les siens »79.

57 En 1620, les marchands portugais portent la traite loin dans l’intérieur, chez les Bateke et

jusque dans la boucle du Cuango80. L’activité des trafiquants d’esclaves se concentrera

dans les régions périphériques du royaume du Congo ; celui-ci tendra à rester une enclave

de relative tranquillité81 au milieu d’une contrée où régneront fièvreusement le

despotisme arbitraire et l’agression permanente82.

58 Pour autant que les Congolais aient adouci leurs mœurs en acceptant le christianisme, ils

ne recevront hélas point des Européens le soutien escompté : les barbares « païens »

continueront leurs pressions sur la frontière orientale, et les armes à feu des mercenaires

blancs ne suffiront pas à les contenir.

59 Entre 1561 et 1568, deux rois meurent dans des guerres contre les Bateke83. En cette

dernière année, c’est l’invasion ravageuse des Jagas cannibales nomades venus de l’est.

60 Le phénomène des Jagas – la « barbarie » déferlant contre la « civilisation »84 – est-il

proprement africain, ou une répercussion de l’arrivée des Européens ? L’invasion des

Jagas fut-elle la conséquence des perturbations sociales engendrées par les esclavagistes

dans les régions frontalières ? Les peuplades de l’extérieur enrageaient-elles de se voir

exclues des pouvoirs conférés par le nouveau Dieu des Blancs, ainsi que le voulaient les

Congolais ? S’agissait-il tout simplement d’une des multiples migrations comme en

connaît l’Afrique depuis des siècles ? Ces hypothèses sont toutes aussi difficiles à prouver

qu’à réfuter.

61 En Angola, l’apparition des Jagas fera bien l’affaire des conquistadores, qui les prendront

comme alliés85. Luis Mendes de Vasconcellos, gouverneur d’Angola de 1617 à 1621,

dénonce son prédécesseur, qui les avait employés « [...] comme des chiens de chasse, pour

se procurer indûment des esclaves »86. Au lieu de les expulser ce même Luis Mendes de

Vasconcellos, écrit l’évêque Manuel Baptista, « ... a partie liée avec eux, et depuis plus de

deux ans les mène à la guerre, leur faisant tuer et capturer d’innombrables innocents,

non seulement contre les lois divine et naturelle, mais encore contre les instructions

formelles de Votre Majesté »87.

62 Mais qui sont ces Jagas, et d’où viennent-ils ? Culturellement, ils présentent des affinités

avec les peuples Lunda et Luba88. Aujourd’hui, ils sont devenus les Bayaka du Cuango89, les

Bangâla90 de Cassange 91 et les Gangala, petit groupe situé autour de Mindouli (entre

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Brazzaville et Pointe Noire) 92. Cavazzi assimile d’ailleurs les Jagas aux Bayaka (Aiaccki) et

aux Bangálas (Chimbangali) 93. Il note également qu’ils s’appelaient Nsidi ou Ngindi94.

Battell observe « qu’ils [les Jagas] nous ont dit qu’ils étaient Gages ou Gindes »95. Domingos

de Abreu de Brito (1591) fait allusion au roi des Guindas, qui s’était joint aux rois de

Matamba, d’Angola et des Yaguas (Jagas) contre les Portugais en Angola96. Les Ngindi,

Gindes et Guindas, ne sont-ils autres que les Jingas de Matamba, population qui habite

aujourd’hui le district de Duque de Bragança ? Nous ignorons ce que peuvent représenter

les Nsidi, mentionnés par Cavazzi, de même que les Giakasi ou les Engangiaghi qui seraient,

selon le même auteur, les anciens noms des Jagas97.

63 A l’époque des invasions, les Jagas ne pratiquaient ni l’agriculture ni l’élevage, ils vivaient

principalement de pillage et mangeaient leurs prisonniers98. L’infanticide est

institutionnalisé, afin d’empêcher toute tendance à la sédentarité, et pour donner à la

bande un maximum de mobilité. Une série de tabous très stricts, appelés Quixilles, sont

observés99, ils semblent procurer à la bande la solidarité et la cohésion normalement

assurées par les rapports de parenté. Les groupes de Jagas sont composés en grande partie

de captifs ou de recrues d’autres tribus100. Battell notait qu’il n’y avait que douze Jagas

authentiques dans la bande qu’il accompagnait101.

64 « ... lorsqu’ils ont gagné une victoire », dit Dapper, « ils choisissent les plus jeunes et les

mieux faits d’entre les prisonniers, et les mettent à l’épreuve en tirant contre eux comme

contre un but, en sorte pourtant que les flèches passent dessus ou autour de leur tête. Ils

tuent et mangent ceux qui témoignent de la peur, mais pour ceux qui font paraître de

l’intrépidité, ils leur percent le nez et les oreilles, leur arrachent les deux dents de devant

de la mâchoire de dessus et les accoutument si fort à la barbarie, qu’ils surpassent bientôt

leurs maîtres en cruauté »102.

65 Une tradition invraisemblable, courante au XVIIe siècle, veut que les Jagas soient

originaires de la Sierra Leone103. Or plusieurs descriptions de ce pays à la fin du XVe et au

début du XVIIe siècle parlent d’une invasion de « barbares » cannibales, les Sumbas, qui

massacrent et mangent les autochtones « civilisés », les Sapes.

66 « Deux races de Noirs habitent cette province [Sierra Leone] une ancienne appelée Sapes,

lesquels ont plus d’intelligence et de bon sens que tous ceux de la Guinée [...] L’autre race

[...] est formée de Noirs très barbares et inhumains appelés Sumbas, ce qui veut dire

mangeurs d’hommes [. :.] Ils ont détruit et conquis la plus grande partie [de la Sierra

Leone] expulsant les anciens habitants, les Sapes. Ils mangeaient ceux qu’ils capturaient,

les rois et la noblesse, laissant les jeunes pour en faire des soldats [dans leur armée]. Ils

vendaient ceux qui restaient aux Portugais... »104.

67 La même opposition entre « barbares » et « civilisés » se retrouve chez un autre auteur au

sujet d’une tribu de Guinée, les Bijagós, très belliqueux, habitant des îles dans le Rio

Grande, et qui attaquent les Biafres, « faisant chez eux de grandes destructions et

capturant beaucoup de gens »105. Du point de vue portugais, les Biafres sont les

« civilisés », car les Portugais s’étaient établis dans leur capitale, Bijubá106.

68 Est-ce dans le mot Bijagós qu’il faut voir l’origine du mot « Jaga », synonyme de

« barbares », cannibales, envahisseurs ? Martin Fernandes Enciso, parlant de la Guinée en

1519, mentionne « la ville de Jaga », située dans le Rio Grande, mais il n’en dit pas

davantage107. « Jaga » serait-il une forme primitivement employée par les Portugais au

début du XVIe siècle pour désigner les Bijagós ?

136

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69 Quoi qu’il en soit, et quelle que soit la vraie raison qui pousse les « Jagas » à envahir le

Congo, les Congolais se trouvent dans une situation très difficile, pris entre deux

adversaires dotés d’une plus grande mobilité qu’eux, l’un à l’ouest, avec ses voiliers

rapides, qui « raccourcissent » la partie maritime de la périphérie du royaume, l’autre à

l’est, libéré par le cannibalisme guerrier d’une sédentarité qui rend vulnérable.

70 A partir de 1575, les hommes de la mer, jusqu’alors enracinés dans un autre monde,

viendront s’implanter définitivement dans l’univers des Congolais, sur leur frontière

méridionale. Ils leur poseront, au bout du compte, le même problème que les Jagas108.

71 En 1571, la cour de Lisbonne autorisera Paulo Dias de Novais à conquérir pour lui-même

et pour ses héritiers 35 lieues de côte au sud du Cuanza, et « aussi loin vers l’intérieur

qu’il pourra pénétrer »109. Déjà, lors d’une première visite de Novais dans la capitale du roi

d’Angola en 1562, le roi du Congo avait tenté, par des démarches faites à Lisbonne,

d’empêcher ce contact direct entre les Blancs et ceux qu’il considérait comme ses vassaux110. En 1575, le Congo essaiera sans succès de provoquer une rupture entre les Noirs

d’Angola et les Portugais, installés à Luanda cette même année111. En 1580, cette rupture

se produira sans que la diplomatie congolaise y soit pour rien. En effet, un « mauvais »

Portugais, un traître, avertit le roi d’Angola des vraies intentions de Novais, qui ne sont

pas uniquement d’ordre commercial, car il vise à s’emparer des richesses du sous-sol

angolais, en l’occurrence les chimériques mines d’argent de Cambambe112.

72 La guerre qui s’ensuit est d’abord favorable aux conquistadores, qui lâchent sur la région

du Dongo une vague de fureur meurtrière113. Mais en 1590 une coalition des rois d’Angola

et de Matamba, avec l’appui du roi du Congo, inflige au successeur de Novais, Luis Serrão,

une cuisante défaite114.

73 Ce n’est qu’un échec temporaire ; la conquista de l’Angola continuera ; la déception à

propos des mines d’argent sera compensée par les profits de la traite et, pendant la

première moitié du XVIIe siècle, les Congolais regarderont avec une inquiétude croissante

l’expansion militaire de leurs voisins blancs. La guerre luso-hollandaise n’apportera qu’un

court répit de sept ans dans ce processus inexorable, qui aboutira à la bataille d’Ambuíla

(1665), et qui n’aura d’autre frein que les difficultés des Portugais à mener des opérations

militaires à de trop grandes distances de leurs bases autour de Luanda.

74 Avec l’implantation européenne en Angola, amorcée dans le dernier quart du XVIe siècle,

deux sociétés blanches sensiblement différentes s’établiront dans l’univers des Congolais :

d’une part, les Européens de Luanda, convaincus d’être les seuls représentants de la

civilisation au milieu d’une barbarie indifférenciée, où Congolais, Jagas et autres tribus,

ne se distinguent guère115 ; de l’autre, à São Salvador, une société originale de Blancs

vivant en symbiose avec les Noirs, où ceux-ci admettent la tutelle des Européens dans les

domaines de la religion et de l’éducation, et où les Blancs acceptent de vivre sous la

souveraineté des rois congolais116. A la fin du XVIe siècle, il y a là « 100 marchands

portugais et plus de 1 000 autres natifs du Portugal »117 ; au milieu du XVIIe siècle, ils

seront, selon Cavazzi, 4 000118. Certains de ces Portugais sont d’anciens membres de

l’expédition de Francisco de Gouveia, restés dans le pays, d’autres sont venus à titre privé,

d’autres encore sont des déserteurs de l’armée des conquistadores d’Angola119.

137

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5. LE POIDS DE L’INTERVENTION DES EUROPÉENSRÉSIDANT A SÃO SALVADOR DANS LA POLITIQUEINTERNE DU PAYS

75 Si les Portugais résidant à São Salvador n’ont pas hésité, à de nombreuses reprises, à

s’immiscer dans la politique interne du Congo, leur ingérence ne donna lieu à aucune

modification durable de la structure des institutions du royaume.

76 Nous avons déjà vu qu’ils avaient tenté d’assassiner D. Afonso I (1506-1543)120. Après avoir

essayé sans succès d’imposer un roi de leur choix, D. Pedro I (1543-1544 ?), ils

s’efforcèrent par deux fois de faire déposer D. Diogo I (1545-1561)121. Son successeur, D.

Bernardo I (1561-1567), fut considéré par les Portugais comme plus malléable que D.

Diogo I : « Il est jeune et très tolérant, et il n’est pas jaloux de ses prérogatives comme ses

ancêtres »122.

77 Pendant les premières décennies du XVIIe siècle, c’est de la seule présence des Portugais

résidant à São Salvador que les rois tirent leur autorité. Un témoin de 1607 affirme que :

78 « ... le roi apprécie grandement la présence de ces Portugais dans sa capitale, aussi bien

parce qu’ils apprennent à ses sujets à vivre en société, que parce qu’il s’appuie sur eux

contre ses ennemis. Et c’est si important pour lui, qu’on sait qu’il aurait déjà été battu, si

ses ennemis ne craignaient tant ces Portugais »123.

79 Pourtant, cette apparente dépendance, où se trouvaient les rois à l’égard des Portugais,

ne s’institutionnalisera pas. De 1568 à 1641, année au cours de laquelle l’invasion

hollandaise mettra fin provisoirement à la prépondérance des Portugais dans cette partie

de l’Afrique, les rois congolais se montrent tantôt dociles, tantôt rebelles.

80 D. Alvaro I fut si reconnaissant de l’aide contre les Jagas que, selon Garcia Mendes de

Castello Branco, il se montrait « déférent et humble » au point de trembler devant le nom

des Portugais. Mais après la grande défaite de ceux-ci en Angola en 1590, contre les rois

d’Angola et de Matamba, « il reprit de l’audace »124.

81 D. Alvaro III (1615-1622) fut considéré par les Portugais comme un « tyran », parce qu’il

empêchait la libre circulation des Pombeiros à leur service125.

82 Quant à D. Garcia II (1641-1661), nous avons vu qu’il fit preuve d’une hostilité féroce à

l’égard des Portugais. Après la bataille d’Ambuíla (1665), les résidants européens

abandonnèrent São Salvador, et les Portugais cesseront jusqu’au milieu du XIXe siècle de

s’occuper de la politique intérieure du Congo.

6. LE DÉCLIN DÉMOGRAPHIQUE

83 Pour le XVIe siècle et toute la période qui précède, les témoignages sur la population du

Congo sont très fragmentaires. Le pays où abordèrent les Portugais à la fin du XVe siècle

leur parut « très peuplé »126. Mais, avec une étonnante rapidité, les effets de la traite se

font sentir : dans une lettre de 1526 au roi de Portugal, D. Afonso I se plaint de la saignée

en hommes qui en résulte127.

84 A la fin du XVIe siècle (1588), le Portugais Duarte Lopes déclare au pape Sixte Quint « qu’il

y a au delà de deux millions de chrétiens baptisés » dans le royaume du Congo128. La

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population totale devait donc dépasser de beaucoup ce chiffre, mais peut-on y ajouter

foi ?

85 Les témoignages sont plus nombreux au milieu du XVIIe siècle ; d’après eux, la traite n’est

pas le seul facteur de dépeuplement.

86 Si, en 1645, Bonaventura d’Alessano déclare le Congo regionem populatissimam129, Jean

François de Rome fait état en 1648 d’une « dépopulation causée par les multiples guerres

civiles qui se sont succédé dans le royaume et qui l’ont en grande partie détruit »130.

87 En 1655-1656 une épidémie sévit (la variole, sans doute), et en deux ans la population

diminue de plus de moitié131. Il faut y ajouter les effets de la traite132. En 1659, une

nouvelle épidémie se déclare133.

88 Giuseppe Maria da Busseto estime, en 1675, la population du Congo à deux millions et

demi d’habitants134. Si les non-chrétiens sont compris dans ce nombre, il accuserait une

baisse considérable par rapport à l’estimation de Lopes en 1588.

89 Un siècle plus tard (1775), la population du Congo serait, selon Cherubino da Savona qui

présente des chiffres pour 21 provinces, de cinq millions135. C’est peut-être un peu

exagéré, mais il n’est pas impossible qu’il y ait eu, comme le pense le chanoine Jadin, une

certaine « poussée démographique »136. Vansina estime qu’elle est due à une

généralisation de la culture des nouvelles plantes vivrières américaines : le maïs et le

manioc137.

90 En admettant que cet accroissement démographique ait eu lieu, le XIXe siècle semble

l’avoir définitivement coupé. La variole, introduite de nouveau à Ambrizette en 1864 par

un navire de passage, fait de terribles ravages138. Elle apparaît encore en 1873, décimant la

population de São Salvador139.

91 Au nord du fleuve, selon Degrandpré (1786-1787), « la traite continuelle ne cesse, malgré

la polygamie et la fécondité des femmes, de dépeupler ces contrées »140.

92 Depuis l’abolition de la traite (effective à partir de 1860 environ) et l’ordre imposé par la

pacification coloniale à la fin du XIXe siècle, l’espace couvrant l’ancien royaume du Congo

(sauf la partie située au nord du fleuve) demeure aujourd’hui une région de sous-

peuplement, la population se situant entre 300 000 et 400 000 individus141 seulement142.

93 La densité moyenne de peuplement au sud du fleuve est de 4,9 habitants au kilomètre

carré143, et celle du Soyo – la région que les Portugais avaient jugée très peuplée à la fin du

XVe siècle – n’est que de 3,02 144. Le littoral et les rives du Congo sont très faiblement

habités, les densités les plus élevées se trouvant dans l’intérieur du pays145. Au nord du

fleuve, la densité moyenne est sensiblement supérieure (27 habitants au km2), mais avec

une répartition analogue : plus on s’en éloigne (jusqu’au Tshiloango), plus les densités

augmentent, elles passent de 8 habitants au km à 21, puis à 48146. Les concentrations les

plus fortes apparaissent en plusieurs noyaux périphériques147.

94 Il serait intéressant de connaître les effets relatifs de la traite et des épidémies sur cet

affaiblissement graduel de la démographie, mais les éléments dont on dispose sont trop

fragmentaires pour qu’on puisse en tirer des conclusions.

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NOTES

1. Rui de Pina, Croniqua, cap. LVIII.

2. Cf. Instructions données à Simão da Silva, in M.M.A., vol. I, p. 239 (1512).

3. M.M.A., vol. I, p. 50.

4. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, une maladie frappera la canne à sucre, et la concurrence

des plantations du Brésil réduira considérablement l’importance de l’ile dans l’économie

atlantique (cf. Serge Sauvageot, « Navigation de Lisbonne à l’Ile de São Tomé par un pilote

portugais anonyme (vers 1545) », in Garcia de Orta, vol. 9, n° 1 (1961), pp. 123-138). Il y a aussi des

révoltes d’esclaves (cf. F. Mauro, Le Portugal et l’Atlantique, Paris, 1957, p. 191). Dès la première

moitié du XVIe siècle, les habitants de l’Ile avaient un commerce de cabotage le long des côtes du

golfe de Guinée, vendant dans un port les esclaves achetés dans un autre (cf. M.M.A., vol. iv, p. 131

(texte de 1519) et p. 145 (texte de 1529).

5. M.M.A., vol. I, p. 183.

6. Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis (c. 1508), éd. de l’Acad. Hist. Port., Lisbonne,

1954, p. 171.

7. M.M.A., vol. I, p. 320 (lettre de D. Afonso I, du 5-10-1514), et p. 359 (lettre de D. Afonso I, du

5-3-1516).

8. Cavazzi, lib. II, § 90.

9. M.M.A., vol. I, p. 359.

10. Ibid., p. 311 (lettre de 1514).

11. Un document de 1546 préconise un commerce plus actif avec les populations au nord du

fleuve et même avec le Bateke (cf. M.M.A., vol. II, p. 237. Sur l’Angola, cf. aussi Pigafetta, 11b. II,

cap. VII, et M.M.A., vol. V, pp. 387-388 (texte de 1602).

12. Cavazzi, 11b. II, § 131.

13. M.M.A., vol. I, p. 404.

14. Ibid., p. 527.

15. Ibid., p. 429.

16. P. Baesten, « Les Jésuites au Congo », in Précis historiques, t. 42 (1893), p. 108, et Orlandini,

História Societatis Jesu, Cologne, 1615, lib. XIII, n° 62.

17. M.M.A., vol. II, p.197.

18. Ibid., p. 323. Selon un document de 1551, l’arrendamento de la traite à partir de São Tomé, pour

les six années précédentes, avait été octroyé à condition qu’aucun navire ne fût envoyé en

Angola, sauf si le Congo cessait de fournir des esclaves. Les rois du Congo se voyaient donc

obligés de livrer leurs sujets pour que leur souveraineté soit respectée ! (cf. M.M.A., vol. II, p. 268).

19. Pigafetta, lib. I, cap. IV et VII ; et aussi J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives

romaines, p. 157 (texte de la fin du XVIe siècle).

20. L’inverse semble s’être produit dans le cas du Dahomey : en 1727, la capitale Abomey

conquiert le port de Whydah, situé sur la côte, après une tentative de ce dernier pour empêcher

les Dahoméens d’avoir accès au commerce européen. Abomey est situé à 240 km de la côte, alors

que São Salvador se trouve à 200 km seulement (cf. Rosemary Arnold, « A Port of Trade, Whydah

on the Guinea Coast », in K. Polanyi, Trade and Market in the Early Empires, Free Press, Glencoe,

1957, pp. 156-175).

21. M.M.A., vol. I, p. 470.

22. Ibid., loc. cit.

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23. En 1554, Garcia de Resende écrit des Noirs du Congo :

Uns aos outros se vendem

& hd muitos merdadores

que nisso somente entendem

& hos enganam & prendem

& trazem aos tratadores.

Garcia de Resende, Miscellãnea, Evora, 1554 (p. 23 de l’édition de Coïmbre, 1914).

(« Ils se vendent les uns les autres /et il y a beaucoup de marchands /dont c’est la spécialité/qui

les trompent, les capturent/et les amènent aux négriers. »)

24. M.M.A., vol. I, pp. 489-490.

25. Cette réponse est peut-être la meilleure garantie de l’authenticité de la correspondance de D.

Afonso I. Les deux lettres que nous venons de citer, du 6-7-1526 et du 18-10-1526, sont écrites par

son secrétaire noir, .João Teixeira. Cf. aussi la lettre de D. Afonso du 5-10-1514, écrite également

par Teixeira. In M.M.A., vol. I, pp. 321-322.

26. M.M.A., vol. I, pp. 525-527.

27. Selon J. Vansina, (« Long Distance Trade Routes in Central Africa », in Journ. of Afr. Hist., vol.

III, n° 3 (1962), p. 378, note 14), le mot Pumbo vient du mot kikongo désignant Stanley Pool. Cf.

aussi Willy Bal, « Portugais Pombeiro, commerçant ambulant du sertão », in Annali dell’Instituto

Universitario Orientale (Sezione romanza), Naples, vol. VII, 2 (1965), pp. 123-161 ; cf. aussi Van Wing,

Éludes Bakongo. Histoire et Sociologie, p. 102. Van Wing précise que les Bakongo appellent les régions

du Stanley Pool Mpumbu.

28. Garcia Mendes de Castello Branco (1620), in M.M.A., vol. VI, p. 438. On ignore ce que peut être

l’Ibare, également mentionné par l’auteur de l’H.R.C. (cf. Felner, Angola, p. 375). Vansina (id., loc.

cit.) note qu’Ibare est un mot qui s’applique à tout grand fleuve. Le même auteur identifie le

Bocanga (qu’il a trouvé écrit Bozanga) avec le royaume de Nsese la Bosanga à l’est du lac Léopold II

(Vansina, id., loc. cit.). Bocanga n’est autre, à notre avis, que le royaume Ocanga, près de la

confluence du Cuango avec le Congo (cf. aussi M.M.A., vol. VI, p. 104, où Ibare et Ocanga sont cités

ensemble).

29. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 350 (Naukeurige Beschrijvinge), p. 575.

30. Osservationi del Regno di Congo dell’anno 1656, ms. espagnol 324 (38), I » 150 (v°), B.N.P

31. L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge

de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 240.

32. Cavazzi, lib. I, § 164. F. Cappelle (1642) récuse ce sombre réquisitoire de Cavazzi : « Il y en a

qui prétendent que les habitants d’Angola [où Cappelle englobe le Congo] sont brutaux au point

que les parents vendraient leurs enfants, le mari sa femme, le frère sa sœur. Cela est faux et

mensonger... » Cf. L. Jadin, « Les rivalités luso-néerlandaises au Soyo, Congo, 1600-1675 », in Bull,

de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 226. Cappelle était un négociant d’esclaves qui

resta peu de temps au Congo, tandis que Cavazzi y séjourna assez longuement.

33. Il y avait aussi, il est vrai, l’ivoire et le cuivre, mais ils n’ont jamais occupé, sur la côte

occidentale, une place aussi prépondérante que l’esclave.

34. Rui de Pina, Croniqua, cap. LIX.

35. Ibid.

36. Vers la fin du XVIe siècle, les missionnaires carmélites notaient que le roi avait « beaucoup de

serviteurs, mais à aucun il ne donne un salaire » : « ...personnene veut être le serviteur d’un autre

pour un salaire. Les esclaves seuls travaillent et servent ». (Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien

Congo d’après les archives romaines, pp. 132 et 135.

37. M.M.A., vol. I, p. 300 (lettre du 5-10-1514).

38. Ibid., p. 316.

39. Ibid., p. 306. Le lufuco est une mesure de zimbu, mais les sources se contredisent quant au

nombre de zimbu qu’il contient.

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40. Instructions à Simão da Silva (1512), in M.M.A., vol. I, p. 239.

41. Ibid., pp. 238-239.

42. Ibid., loc. cit.

43. M.M.A., vol. I, p. 522 (lettre de D. João III à D. Afonso I, en 1529).

44. A cette date, les nattes de raphia s’étaient substituées au zimbu pour des raisons que nous

exposerons plus loin. Le zimbu aura pourtant encore cours en 1775 (cf. L. Jadin, « Relation sur le

royaume du Congo de Raimondo da Dicomano (1791-1795) », in Bull, de l’Acad. Roy. des Sc. Col., t. III,

fasc. 2 (1957), p. 331).

45. P.M., pp. 270-271 (chamava fidalgos de tantos lepussos, e quem mais tinha, era mais aventajado).

46. L. Jadin, « Le Clergé séculier et les capucins du Congo et d’Angola aux XVIIe et XVIIIe siècles »,

in Bull, de l’Inst. Belge de Rome, t. XXXVI, fasc. 2 (1964), p. 218.

47. C’était tout le contraire au XIXe siècle, dans le Dahomey où il existait une organisation

économique exceptionnelle et une monnaie universelle permettant l’achat de vivres en petite

quantité. Cf. K. Polanyi, Dahomey and the Slave Trade, Univ. of Washington Press, 1966, p. 91.

48. François Pyrard de Laval, Voyages, seconde partie, Paris, 1615, pp. 379-380.

49. J. Cuvelier, Documents sur une Mission française au Kakongo (1766-1776), p. 27.

50. Cf. M.M.A., vol. VI, p. 488 (texte de 1620). ... o comercio dos portugueses que hé do direito das

gentes...

51. Cf. Gastão Sousa Dias, A Batalha de Ambuíla, pp. 84-95.

52. M.M.A., vol. I, p. 528 (lettre de D. João III, de 1529), et Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ

Orbis (c. 1508), éd. de l’Acad. Port, de Hist.., Lisbonne, 1954, p. 172. Il s’agit des igos (cauris).

53. M.M.A., vol. VI, p. 72 (texte de 1622).

54. Ibid., p. 108 (texte de 1612).

55. Ibid., p. 471 (texte de 1620).

56. Ibid., p. 383.

57. M.M.A., vol. II, p. 234.

58. Ibid., pp. 301-302.

59. M.M.A., vol. VI, p. 437 (texte de 1620).

60. Ibid., p. 383 (texte de 1619) ; cf. aussi M.M.A., vol. VI, p. 488 (texte de 1620).

61. P.M., p. 274 (Cadornega).

62. M.M.A., vol. VI, p. 377 (texte de 1619).

63. Ibid., p. 107 (texte de 1612).

64. M.M.A., vol. II, p. 258.

65. Ibid., pp. 76-77. Il convient de noter que les rois congolais conservèrent jusqu’en 1604 leur

contrôle sur l’île de Luanda et ses pêcheries de zimbu (cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo

d’après les archives romaines, p. 264 (texte de 1604).

66. Cf. Elias Alexandre da Silva Corrêa, História de Angola (1792), t. II, p. 177.

67. M.M.A., vol. I, p. 532 (lettre de D. João III, de 1529).

68. M.M.A., vol. IV, p. 369.

69. Rui de Pina, Croniqua, cap. LXIII ; et aussi J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, pp. 227-279, qui

donne des extraits de tous les textes sur le sujet.

70. M.M.A., vol. II, p. 59.

71. Pigafetta, lib. I, cap. XII.

72. M.M.A., vol. V, p. 386, « Relação da Costa da Guinée » (1607).

73. Les exécutions arbitraires, nombreuses, quotidiennes, sont une des caractéristiques des

anciens États non chrétiens en Afrique. Dapper (1668) dit que chez le roi du Mucoco (Bateke) « ...

on tue tous les jours, dans son palais, 200 esclaves, dont les uns sont des criminels et les autres

ont été livrés en tribut. On apprête la chair de ces malheureux pour le dîner du roi et de ses

courtisans [...] C’est pour eux un raffinement barbare de délicatesse, car on n’y manque ni de

bêtes ni de provisions » (cf. O Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 592). Vers 1656, la reine Jinga

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(cannibale) de Matamba sacrifie « souvent 50 ou 60 victimes pour apaiser l’esprit de son frère »

(cf. Cavazzi, lib. V, § 108). En 1563, António Mendes a vu le roi d’Angola ordonner l’exécution de

11 sorciers qui n’avaient pas su faire la pluie (cf. M.M.A., vol. II, p. 509). Chez le Muataianvo, roi

des Lunda et encore grand exportateur d’esclaves en 1845, « il ne se passe pas un jour sans que

des têtes tombent pour des fautes bien légères » (cf. Joaquim Rodrigues Grava, « Expedição ao

Muataianvua », in Bol. Soc. Geog. Lisboa, 9e sér., n° 1 (1890), p. 453). Le premier jour de sa visite chez

le roi zoulou, Chaka, en 1824, Fynn a vu 10 hommes exécutés sur un simple signe du doigt royal.

Un autre jour, il a vu mourir 60 garçons de 12 ans « avant que le roi n’ait pris son petit déjeuner »

(cf. The Diary of Henry Francis Fynn, éd. James Stuart et D. Mc Malcolm, Pietermaritzburg, 1950, pp.

28 et 78).

74. H.R.C, in Felner, Angola, p. 376.

75. Raffaello Maffei da Volterra, Commentariorum Urbanorum, Rome, 1506, f° 138 (v°). Pigafetta

laisse entendre que les Bateke observaient encore des coutumes analogues au XVIe siècle « [les

Bateke] sont sincères, loyaux et simples au point de s’offrir à la mort pour la gloire du monde

[visible], et pour plaire à leurs seigneurs ils leur donnent leur propre chair à manger ». (Cf.

Pigafetta, lib. I, cap. V, p. 35 de la traduction française de Willy Bal).

76. Pigafetta, lib. II, cap. VII ; M.M.A., vol. IV, p. 372 (texte de 1583).

77. M.M.A., vol. I, p. 526 (doc. de 1529), et vol. II, p. 237 (doc. de 1549).

78. M.M.A., vol. III, p. 146 (texte de 1576).

79. Du Jarric, De l’Histoire des choses les plus mémorables..., Bordeaux, 1610, vol. II, p. 80.

80. M.M.A., vol. VI, p. 438.

81. Sauf à l’occasion de guerres entre provinces.

82. Manuel Correia de Leitão, qui voyagea sur les rives du Cuango en 1775, affirme que lors des

guerres entre tribus pour capturer des esclaves, on ne vend même pas le dixième du nombre de

ceux qui sont tués (não se vende nem o dizimo dos que morrerão) – cf. Gastão Sousa Dias, « Uma

Viagem a Cassange nos meados do século XVIII », in Bol. da Soc. de Geog. de Lisboa, sér. 56, nos 1-2

(1938), pp. 19-20.

83. Pigafetta, lib. II, cap. IV.

84. Les auteurs des XVIe et XVIIe siècles n’ont pas manqué d’établir un parallèle avec les invasions

des barbares dans l’antiquité (cf. Pigafetta, lib. II, cap. V, et Cavazzi, lib. II, § 1).

85. Sur les Jagas en Angola et leur chef Kinguri, cf. J. Vansina, « The Foundation of the Kingdom

of Cassange », in Journal of African History, vol. IV, n° 3 (1963), pp. 355-374.

86. M.M.A., vol. VI, p. 283 (texte de 1617).

87. Ibid., p. 368 (texte de 1619).

88. Sur les Jagas, cf. l’étude d’un ethnologue (fondée en grande partie sur des sources modernes),

Hartmann C. Decker, « Die Jagazüge und das Königtum im mittleren Bantugebiet », in Zeitschrift

für Ethnologie, t. 71 (1939), pp. 229-293, et J. Vansina, « More on the Invasions of Kongo and Angola

by the Jaga and the Lunda », in Journal of African History, vol. VII, n° 3 (1966), pp. 421-429.

89. Cf. M. Plancquaert, Les Jagas et les Bayakas du Kwango, Mémoire I.R.C.B., t. III, fasc. 1 (1932), pp.

53-54.

90. Il s’agit des Bangála et non des Bângala. Cette dernière forme provient d’une prononciation

portugaise déformatrice (cf. H. Dias de Carvalho, Expedição Portugueza ao Muataianvua, Etnografía e

História Tradicional dos Povos da Lunda, Lisbonne, 1890, p. 85).

91. Andrew Battell qui, entre 1601 et 1603, accompagna pendant un certain temps une bande de

Jagas, les appelle Imbangolas (cf. E. G. Ravenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, p. 84

(They are called Iagges by the Portugals, by themselves Imbangolas) ; voir aussi J. Vansina, « The

Foundation of the Kingdom of Cassage », in Journ. of Afr. Hist., vol. IV, n° 3 (1963), p. 373).

92. Cf. la carte dans Marcel Soret, Les Kongo Nord-Occidentaux, Paris, 1959. En 1650, Jérôme de

Montesarchio fait allusion à un pays contigu à celui du chef congolais le Mani-Masinga, au nord

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du fleuve, pays della ferocissima gente che mangia carn’humana chiamata Giagas (M.M.A, vol. X, p.

486). Notons que Cavazzi appelle le pays des Jagas de Cassange le t peUt Ganghella » (Cavazzi, lib.

II, § 4, et lib. VII, § 31). Bangála et Gangala se confondent-ils ? Sur la Carte Ethnique de l’Afrique

Équaloriale Française, feuille n° 1 (1955), l’auteur, Marcel Soret, désigne les Gangala par le nom de

Bahangala.

93. Cavazzi, lib. II, § 2.

94. Id., loc. cit. (La terminaison en « i » provient du pluriel italien).

95. Ravenstein, op. cit., p. 19.

96. Domingos de Abreu de Brito, « Sumario e Descripção do Reino de Angola... (1591) », in Feiner,

Um Inquérito à Vida Administrativa e Económica de Angola et do Brasil em fins do século XVI, Coïmbre,

1931, p. 41.

97. Cavazzi, lib. II, § 2.

98. E. G. Ravenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, pp. 30-33, 84 et 149-153 ; cf. aussi

Feiner, Angola, p. 453 (texte de 1619).

99. Cavazzi, lib. II, § 7 à 10.

100. Ibid., § 12.

101. Cf. E. G. Ravenstein, op. cit., p. 33.

102. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 339 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 555).

103. Andrew Battell (1610), in E. G. Ravenstein, The Strange Adventures..., pp. 19-20 ; O. Dapper,

Description de l’Afrique, p. 339 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 555) ; et Cavazzi, lib. II, § 2.

104. Fernão Guerreiro, Relagóes Annuais, Lisbonne, 1605, t. II, f° 135 (r°).

105. André Alvares de Almada, Tratado Breve dos Rios de Guiné (1594), éd. Luis Silveira, Lisbonne,

1946, chap. X.

106. Balthezar Telles, Chronica da Companhia de Jesu, Pt II, Lisbonne, 1647, p. 641.

107. Martin Fernandes Enciso, Suma de Geografia, Séville, 1519, f° (fiiij), « ... la ciudad de Jaga q es

grã pueblo e de mucha gête... ». Notons que nul texte ne nous est parvenu sur la Guinée pour la

période entre 1519 (Enciso) et 1594 (Almada). Valentim Fernandes (1506-1510) |fait de Jaga la

capitale de Mandimansa, roi de Mandinga, autrement dit l’ancien Mali (cf. Th. Monod, R. Mauny

et A. Teixeira da Mota, Description de la côte occidentale d’Afrique (Sénégal au Cap de Mont, Archipels)

par Valentim Fernandes, 1506-1510, Bissau (Guinée portugaise), 1951, p. 37).

108. Les Jagas et les conquistadores de Luanda vont s’allier à plusieurs reprises contre les

Congolais. En 1622 (cf. M.M.A., vol. VII, p. 17, p. 178 et p. 294) ; en 1665 à la bataille d’Ambuíla, et

en 1672 contre le Soyo (cf. L. Jadin, « Le Congo et la |secte des Antoniens » in Bull, de l’Inst. Hist.

Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 473.

109. M.M.A., vol. III, pp. 36-51.

110. Felner, Angola, pp. 105-106, et M.M.A., vol. II, pp. 459-461 ; et aussi Felner, op. cit., pp. 79, 107

et 396-397 ; M.M.A., vol. II, pp. 465 et 496.

111. M.M.A., vol. II, p. 141, et J. C. Feo Cardozo, Memórias..., p. 129.

112. M.M.A., vol. IV, pp. 558 et 572 (texte de 1594).

113. Les combats sont menés, la plupart du temps, par une « guerra preta » – des guerriers noirs à

la solde des Portugais. « Ils forment l’avant-garde et les Blancs restent à l’arrière, et ainsi les

hommes blancs, qui sont peu nombreux, gagnent beaucoup de victoires » (cf. Domingos de Abreu

de Brito, « Sumario e Descripção do Reino de Angola », in Felner, Um Inquérito..., p. 23).

114. M.M.A., vol. IV, pp. 574-575 ; et aussi Domingos de Abreu de Brito, in Felner, op. cit., p. 41.

115. Les Portugais les appellent tous gentios (païens).

116. Cela ne durera pas, bien entendu, après la bataille d’Ambuíla.

117. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 137.

118. Cavazzi, lib. II, §. 83. A Luanda en 1650, il n’y en avait que 2 000 (ct. P. Hildebrand, Le martyr

Georges de Geel, p. 143).

119. M.M.A., vol. V, p. 386 (texte de 1607).

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120. M.M.A., vol. II, p. 105 (lettre de D. Afonso I, de 1540).

121. Ibid., p. 275 (doc. du 18-7-1552) et p. 377 (doc. du 5-9-1553).

122. Ibid., p. 543 (doc. de 1566) – « ... que este Rej dom Bernardo que agora Regna em Congo hé mãsebo e

mugto largo e não hé syozo como os seus êtrepassados »).

123. M.M.A., vol. V, p. 386, « Relação da Costa da Guiné » (1607).

124. Ibid., p. 439 (« e estava tão sojeito a nos e tão humilde até o tempo em que Matamba nos matou

aquella gente que tremia de nosso nome... com que se animou).

125. M.M.A., vol. I, p. 437 (doc. de 1620).

126. Rui de Pina, Croniqua, cap. LVII – ... as gentes do dicto reino, que acharam sem conto.

127. M.M.A., vol. I, p. 470, ... a nosa terra se despoua loda.

128. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 166.

129. M.M.A., vol. IX, p. 433.

130. Jean François de Rome, Brève Relation (1648) (p. 85 de l’édition de François Bontinck). L’effet

des guerres civiles est également mentionné par l’auteur de l’História do Reino do Congo (c. 1655), in

Felner, Angola, p. 375. Cf. aussi J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p.

166, note 2 (texte de 1657).

131. Osservationi del Regno di Congo dell’anno 16S6, B.N.P., ms. espagnol 324 (38), f° 150 (V°). Cf. aussi

Cavazzi, lib. I, § 245, et J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 166,

note 2.

132. Osservationi..., f° 151 (r°) : Prima di esser stato discoperto quel Regno era abondantissima di gente,

ma essendouisi introdotto il contrato continuati di Schiaui di Spagnuoli e Portughesi por conduirli

all’America (...) sono venuti a mancare all’Ingrosso...

133. Cavazzi, lib. I, § 245.

134. L. Jadin, « Le Clergé séculier et les capucins du Congo et d’Angola aux XVIIe et XVIIIe siècles »,

in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVI (1964), p. 235.

135. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc.

XXXV (1963), pp. 389-390. Nous ne savons pas comment le chanoine Jadin arrive au chiffre de six

millions, cf. ibid., p. 355.

136. Ibid., p. 355.

137. Communication personnelle.

138. Douglas Wheeler, « A Note on Smallpox in Angola », in Studia, nos 13-14 (1964), p. 356.

139. W. G. Grandy, « Report of the Progress of the Livingstone Congo Expédition », in Rogai Geog.

Soc. Proceedings, vol. 19 (1874-1875), pp. 78-105.

140. L. Degrandpré, Voyages, Paris, 1801, t. I, p. 184.

141. Nuno Alves Morgado, Aspectos da Evolução Demográfica da População da Antiga Provincia do

Congo, 1949-1956, Lisbonne, 1959, pp. 12-13. Cf. aussi, John T. Tucker, Angola, the Land of the

Blacksmith Prince, Londres-Toronto, 1933, p. 154 (355 000 kikongophones), et Hélio A. Esteves

Felgas, As Populações Nativas do Congo Português, Luanda, 1960, p. 126.

142. Rappelons les épidémies de maladie du sommeil, qui ravagèrent la région du bas-fleuve, et

même jusqu’à Ambriz, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle (cf. J. J. Monteiro, Angola and the

River Congo, Londres, 1875, vol. I, p. 143 et Guy Fortems, La Densité de la Population dans le Bas-Fleuve

et la Mayombe, Mém. de l’Acad. Roy. des Sc. d’Outre-Mer, Classe des Sc. Nat. et Méd., t. XI, fasc. 4

(1960), p. 75).

143. Hélio Esteves Felgas, op. cit., p. 126.

144. Ibid., loc. cit. En 1615, on estime la population chrétienne du Soyo à plus de 60 000 individus

(cf. M.M.A., vol. VI, p. 247, texte de 1615). Elle n’en comprend aujourd’hui que 18 000.

145. Ibid., op. cit.

146. Guy Fortems, op. cit., p. 6.

147. Communication personnelle du professeur G. Sautter.

145

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Chapitre XII. La christianisation

1. LE CHRISTIANISME SOUS LES SIGNES DE SAINTJACQUES ET DE SAINT ANTOINE

1 La christianisation du Congo s’est déroulée en deux phases successives, éclairées d’un jour

sensiblement différent : une première à la fin du XVe siècle et au début du XVIe sous le

signe de saint Jacques, une seconde au milieu du XVIIe siècle sous le signe de saint Antoine.

2 Ce premier christianisme, agressif et intransigeant, apporté par les Portugais et auquel

préside « saint Jacques Matamore »1, est la projection malencontreuse en Afrique de la

lutte multiséculaire des peuples de la péninsule Ibérique contre l’Islam2.

3 La seconde christianisation par les capucins (italiens et espagnols pour la plupart), à

partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, apparaît comme moins brutalement imposée,

plus suavement éducative ; l’obstacle majeur de la polygamie semble être abordé de

manière plus circonspecte et plus réfléchie3. Les capucins font converger autour du

personnage de saint Antoine les valeurs chrétiennes proposées aux Congolais : saint

Antoine apparaît comme le médiateur dont on attend le salut dans l’infortune et dans la

maladie. Une prière, qui lui est adressée, et dont il existe de nombreuses traductions

portugaises dans la tradition folklorique brésilienne, montre bien ce qu’il représentait

naguère. En voici le texte :

Si quaeris miracula,Mors, error, calamitas,Daemon, lepra fugiunt,Aegri surgunt sani.Cedunt mare, vincula ;Membra resque perditas,Petunt, et accipiuntJuvenes et cani.Pereunt pericula,Cessat et necessitas :Narrent hi, qui sentiunt,Dicant Paduani4.

4 (Si tu cherches les miracles / La mort, l’erreur, les calamités, / Le diable, la lèpre

disparaissent, / Les malades se relèvent guéris. / La mer recule, les chaînes se brisent ; /

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Quant aux membres et à ce qui était perdu, / Jeunes et vieux / Le demandent et le

récupèrent. / Les dangers s’écartent et la misère cesse / Que ceux qui savent le racontent

/ Que le disent les Padouans. /)

5 Dans la tradition populaire, on invoque saint Antoine dans l’espoir de goûter grâce à lui

les plaisirs du mariage :

Meu Santo Antônio querido,Eu vos peço, por quem sois ;Dai-me o primeiro marido,Que o outro arranjo depois.Meu Santo Antônio queridoMeu santo de carne e osso,Se tu não me dá maridoNão tiro você do poço5.

6 (Mon Saint Antoine chéri / Je vous prie très ardemment / De me donner mon premier

mari. / Le suivant je le trouverai toute seule. – Mon Saint Antoine chéri / Mon saint en

chair et en os, / Si tu ne me donnes pas de mari / Je te laisserai dans le puits.)

7 Connaissant ces textes, s’étonnera-t-on de voir saint Antoine devenir chez les Congolais

l’objet d’un culte particulier, dont la preuve nous est parvenue sous la forme de

statuettes-fétiches en laiton ou en ivoire, appelées Toni Malau (Toni = Antoine ; Malau =

chance, bonne fortune, succès, réussite)6.

8 Les missionnaires du XVIIIe siècle se sont-ils rendu compte que les pouvoirs attribués à

saint Antoine dans les croyances populaires portugaises, risquaient de se confondre

malencontreusement avec le fétichisme africain, au préjudice du vrai christianisme ?

Peut-être aussi ont-ils été obligés d’assouplir la rigueur réprobatrice de l’Église à l’égard

du traditionnel souci africain de fécondité de la terre et de la femme, et d’essayer même

de lui faire jouer un rôle positif en ce domaine ? Il serait intéressant d’étudier à fond cette

question, mais la rareté des sources est un obstacle majeur à la réalisation d’une telle

étude.

2. ÉCHEC DE LA FORMATION D’UN CLERGÉAUTOCHTONE

9 L’entrave la plus sérieuse à la christianisation du Congo fut sans nul doute l’attitude

réticente des autorités ecclésiastiques à l’idée de créer un clergé autochtone7.

10 Pourtant, dès 1518, un fils de D. Afonso I, D. Henrique, fut sacré évêque, mais rentré au

Congo en 1521, il devait mourir peu après, peut-être en 15268. Bien que D. Afonso I ait

sollicité le même titre pour deux de ses neveux9, D. Henrique resta le premier et le seul

évêque noir de l’ancien Congo.

11 Dès la fin du XVIe siècle et à travers tout le XVIIe, il a été constamment question de fonder

des séminaires en Afrique pour former un clergé noir, mais il n’en est rien résulté de

concret10.

12 Seuls les Jésuites ont maintenu à São Salvador, du premier quart du XVIIe siècle jusqu’en

1669 où ils l’ont abandonné, un collège où ils « formaient des clercs attachés à la

cathédrale, avec des cours de conscience et de morale »11. Ce n’était pas à proprement

parler un séminaire.

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13 Les sources anciennes font allusion à des prêtres noirs à São Salvador dès le XVIe siècle,

mais ils ne représentent que de rares exceptions et il en sera toujours ainsi12.

3. DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES DE LA MISE SUR PIEDD’UN APPAREIL ECCLÉSIASTIQUE

14 Le fait que les agents de la nouvelle religion n’étaient pas issus de la masse de la

population, mais appartenaient à une autre civilisation, posait le problème du

financement de leur présence et des assises économiques de l’Église au Congo. C’étaient là

des charges que les rois de Portugal (et d’Espagne) paraissaient peu disposés à assumer13.

D. Afonso I semble avoir compris ce problème, puisqu’un témoin de 1516 affirme qu’il

avait ordonné que « tous ses sujets paient la dîme »14. Son initiative a sans doute donné

des résultats, du moins pendant un temps, car un texte de 1595 nous apprend que « ... les

émoluments reçus par les prêtres sont très élevés. Le roi fait verser pour eux la dîme

chaque année, dans ce pays, et lui-même donne de ses revenus personnels »15. Ce n’est

évidemment pas l’Église qui percevait cette dîme, mais le pouvoir séculier.

15 En 1607-1610, pourtant, c’est le roi d’Espagne16 qui nomme les membres du clergé régulier

à São Salvador et qui les paie ; seuls, les curés de campagne dans les provinces (il y en a

très peu) sont à la charge du roi du Congo17. Celui-ci avait bien exprimé le désir de

nommer lui-même son clergé, mais on lui avait répliqué qu’il devait alors en assumer

entièrement le financement18.

16 La situation économique du bas clergé n’était certainement pas aisée à cette époque, et

l’efficacité de son ministère en pâtissait. L’évêque Manuel Baptista déclarait en 1619 que

lorsque les prêtres faisaient la tournée de leur district, c’était plus pour recevoir des

offrandes que pour enseigner la parole de Dieu19. On ignore si ces offrandes étaient

constituées par des zimbu, mais certains ecclésiastiques dépendaient de la dîme payée en

cette monnaie, et comme les importations massives faites par les Portugais en avaient fait

effondrer le cours, leur vie était devenue très précaire20.

17 Avec l’occupation de l’Angola par les Hollandais (1641), la cour de Lisbonne semble avoir

cessé de subventionner le clergé de São Salvador21. Parmi les propositions de paix

qu’envoya D. Garcia II au gouverneur de Luanda en 1649 figurait la suivante : « Que soit

donné le subside que les rois de Portugal avaient coutume de donner à l’Église du Congo »22. On ne trouve rien à ce sujet dans la version définitive du traité de 1649, et il n’en est

plus question dans les années qui suivent.

18 De 1534 à 1596, São Salvador dépendait de l’évêché de São Tomé, où siégeait l’évêque.

L’indépendance obtenue par les Congolais, lors de la création en 1596 de l’évêché du

Congo, devint vite illusoire, du fait que les évêques refusaient d’habiter São Salvador,

préférant la compagnie de leurs compatriotes à Luanda. Ils se rendaient de temps à autre

à São Salvador pour proférer des excommunications destinées à corriger les mœurs

relâchées des Congolais23.

19 En 1604, le roi D. Alvaro II (1574-1614), désireux d’échapper aux reproches des évêques,

envoie un ambassadeur noir, António Manuel Ne Vunda, à Rome demander au pape que

son confesseur soit élevé au rang de protonotaire24. C’est ce qu’il pouvait espérer de

mieux, faute d’avoir un évêque chez lui. Après avoir insisté25, il voit enfin, en 1613, le

Saint-Siège accéder à son désir, mais ce sera son successeur, D. Alvaro III (1615-1622), qui

fêtera l’arrivée des brefs, en 1618, avec « de la musique et des danses publiques »26.

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20 Devant le peu d’empressement des Portugais à envisager la promotion de l’Église du

Congo27 et les démarches instantes des rois congolais auprès du pape pour obtenir des

missionnaires, le Saint-Siège décidera en 1640 l’envoi de capucins italiens et espagnols.

21 L’austérité et la pauvreté, dans lesquelles les membres de cet ordre acceptent de vivre,

auraient dû, semble-t-il, aider à surmonter les obstacles économiques de l’évangélisation

du Congo. Subsistant d’aumônes, ils devaient mieux réussir que le clergé régulier à vivre

dans une économie d’auto-subsistance. Et il en fut bien ainsi. Après 1645, la

christianisation du Congo sera surtout l’œuvre des capucins. Ils maintiendront le lien

entre São Salvador et Rome, et rappelleront aux Congolais l’existence d’autres Européens

que les conquistadores de Luanda.

4. ATTITUDE DES CONGOLAIS A L’ÉGARD DESMISSIONNAIRES

22 A leur arrivée, en 164528, les capucins furent salués par les cris de « Enganga anchissi

hambian pungu Roma a Santo Padre29, ce qu’on peut traduire par « Féticheur de l’Être

Suprême envoyé de Rome par le Saint Père »30.

23 Au milieu du XVIIe siècle, ils sont encore considérés plutôt comme des thaumaturges que

comme des éducateurs. Étonnés de voir l’empressement des Noirs à se confesser, les

missionnaires les interrogent et apprennent que « beaucoup parmi ceux qui se

confessaient souffraient d’un mal quelconque, dont ils étaient guéris aussitôt après »31.

24 Encore fidèles à leur Weltanschauung ancestrale, les Congolais estiment que le salut doit

concerner tout de suite le corps ici-bas, et non pas seulement l’âme dans l’autre monde32.

25 C’est ce que pense le roi D. Garcia II, persuadé en 1645 que les ravages d’une invasion de

sauterelles sont le châtiment de Dieu pour « les péchés non encore expiés de ses ancêtres

ou de tout le royaume »33. Il expédie donc à Rome un capucin chargé « d’obtenir une

réconciliation »34, et le plus extraordinaire est que le Saint-Siège répond par un bref

donnant « l’absolution et la bénédiction » à tout le royaume (Personas, A gros, Possessiones,

Territoria). Ce même bref fait expressément allusion aux sauterelles et leur lance une

malédiction. Si l’on en croit Cavazzi, les sauterelles succombèrent à cet anathème35.

26 La méconnaissance, de la part des Congolais, du rôle sacerdotal des missionnaires ainsi

que de la portée matérielle du rite de l’excommunication, devait provoquer nombre

d’équivoques malencontreuses. En 1674, le comte du Soyo accusa les capucins d’avoir

empêché la pluie :

27 « Il leur dit qu’il les avait appelés chez lui pour leur exposer deux choses : la première

était que, dans les régions païennes, il y avait abondance de vivres parce qu’il pleuvait,

tandis qu’au Soyo, pays peuplé de chrétiens si pieux, il ne pleuvait pas et on y mourait de

faim. Les pères étaient la cause d’une si grande stérilité à la suite des nombreuses

excommunications lancées contre le peuple. Pour cette raison, il voulait qu’on l’en

absolve »36.

28 L’épisode finit tragiquement : les pères ne voulant pas céder, le comte en expulsa deux

après les avoir odieusement maltraités.

29 Pourtant, en général, les missionnaires ont été l’objet d’un très grand respect de la part

des Congolais, surtout de la « noblesse ».

30 En 1710, le capucin Bernardo da Gallo décrit l’attitude des Congolais à leur égard :

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31 « Ils sont fort respectueux de l’Église et de ses prêtres, qu’ils appellent indifféremment

leurs pères spirituels. Cependant parlant de nous, missionnaires, non seulement ils les

respectent, mais les aiment et les craignent beaucoup, avec une crainte filiale. Ils

estiment comme un grand honneur de fréquenter ou de converser avec nous, le roi lui-

même également, et ils reçoivent humblement nos reproches et en secret et en public. Je

forçai une fois ce point de vue, en prêchant dans l’église du Saint-Sauveur à Sundi, en

présence du duc. Avec l’élite de son duché et les autres fils royaux, il était venu écouter la

Sainte Messe. Les paysans qui se trouvaient, là estimaient, par mon sermon fervent contre

les vices et les abus, que j’étais en colère. Ils crurent que mon audace était grande, ainsi

que ma puissance, en voyant que je parlais fort bien à mon aise, et que le duc et les autres,

au heu de me répondre quelque parole ou de s’excuser, m’écoutaient au contraire dans le

plus grand silence, attention et respect. Ils furent donc émerveillés et donc pour cela

m’en demandèrent la raison. « Ne vous étonnez pas », répondit un certain Dom Domingo

de Castro, qui est maintenant duc de Sundi. « Celui-ci est notre père spirituel et, comme

tel, a la liberté et le pouvoir de dire ce qu’il veut et de nous reprendre à sa façon. Parce

qu’il fait tout pour notre utilité et notre bien. Nous ensuite, parce que nous sommes ses

fils spirituels, nous l’écoutons volontiers avec toute humilité et révérence, bien plus, nous

voulons qu’il fasse ainsi, pour qu’il nous mette sur le chemin du salut »37.

32 Sans trop mettre en doute la sincérité du bon religieux, ne pourrait-on soupçonner ici la

caste dirigeante de se servir, en quelque sorte, du christianisme et des missionnaires

blancs pour « tenir » les populations soumises ?

33 Pourtant, trente ans plus tard (1740), les missionnaires sont encore l’objet d’une

considération qui paraît sans arrière-pensée :

34 « Ils ont une grande estime pour le missionnaire. Ils font de grandes fêtes lorsqu’un

missionnaire passe dans le pays. Ils ont un grand désir d’avoir un missionnaire pour

pouvoir se confesser et se marier »38.

35 Jugé indispensable dans les rites du couronnement du roi, leur office fait partie des

institutions de l’État, ainsi qu’en témoigne une lettre du roi D. Garcia V (1803-1830) au roi

du Portugal, du 26 novembre 1813 :

36 « Votre Altesse connaît en toute vérité comment est constitué le trône royal du roi de

Portugal, il faut connaître comment est établi le trône du roi du Congo. Il est électif par

tous les conseillers royaux et tout le peuple du Congo. Ce sont eux qui ont coutume de

choisir le prince qui ensuite peut régner sur le trône du Congo, cependant les RR. PP. sont

les premiers conseillers dans toutes les questions concernant ce royaume, cela est

l’ancienne coutume, parce que le royaume sans prêtre est la même chose pour ainsi dire

que rien, rien et rien... Faites-moi cette antique faveur en m’envoyant des prêtres, des

clercs et des religieux, ainsi que de nombreux artisans39, spécialement en m’envoyant un

évêque parce qu’anciennement ce dit prélat avait le pouvoir de couronner ma personne

royale, et s’il manquait, le vicaire général... »40.

37 Cet appel resta sans écho : le Portugal, dont la fortune avait considérablement décliné,

avait des soucis plus pressants.

5. LES DIFFICULTÉS DE LANGAGE

38 Rares sont les missionnaires qui savent le kikongo. La plupart se servent d’interprètes

appelés Maestros, dont on trouve mention dès 158341. « Pendant la messe, après l’Évangile,

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le célébrant ou un autre prêtre prend place sur un siège près de l’autel ; l’interprète

s’assied près de lui sur la marche du même autel. Le sermon se divise en trois points.

Après avoir exposé le premier, le prêtre le fait répéter par l’interprète. Lorsque celui-ci a

fini, le prêtre passe au deuxième point, et ainsi la doctrine est passée de main en main »42.

39 La confession se fait également par l’intermédiaire d’un interprète. Au milieu du XVIIe

siècle, les capucins s’aperçoivent que ceux-ci ne traduisent pas fidèlement et trempent

dans des affaires de simonie43.

40 Certains missionnaires firent de sérieux efforts pour apprendre le kikongo. Les résultats

de leur labeur nous sont parvenus sous forme de livres de catéchisme en kikongo, de

grammaires et de dictionnaires. En 1624, le jésuite Mateus Cardoso édite un livre de

doctrine chrétienne en langue kikongo. Il est réédité à Rome en 1650. Le premier

dictionnaire, réalisé en 1652 par le capucin flamand Georges de Geel, est trilingue :

kikongo – latin – espagnol. Il ne fut malheureusement pas imprimé à cette époque. Selon

le P. António Barroso, écrivant en 1886, son étude révèle que le kikongo a connu des

changements significatifs depuis le XVIIe siècle44. En 1659 apparaît la première grammaire

kikongo, en latin, de Giacinto Brugiotti da Vetralla, publiée à Rome45. Il est douteux que

ces travaux aient eu un grand rayonnement au Congo, ou que leur influence ait été

marquante. C’est le portugais surtout, et non le kikongo qui sert de véhicule au

christianisme. Si, en définitive, peu de missionnaires apprennent le kikongo, nombreux

sont les membres de la caste dirigeante qui parlent le portugais.

6. LE MOUVEMENT MESSIANIQUE DEL’ANTONIANISME

41 Lorsqu’à la fin du XVIIIe siècle, le Congo se trouve plongé dans le chaos et l’anarchie, São

Salvador abandonné et trois rois se disputant le pouvoir dans trois régions différentes, on

voit se manifester dans le peuple un ardent désir de voir restaurer le royaume sous un

seul roi, qui habiterait la capitale repeuplée46.

42 Bien qu’encouragé par ses conseillers, le roi D. Pedro IV, installé sur le mont Kibango,

n’osait pas rentrer à São Salvador, sans doute par crainte de voir ses rivaux contester sa

prétention de régner seul.

43 Le capucin Bernardo da Gallo, que le Mani Vunda avait invité à se mettre à la tête du

peuple pour le conduire jusqu’à la capitale, refusa, sa qualité de missionnaire lui

interdisant de jouer un rôle politique47.

44 Devant l’immobilisme de ses leaders temporels et spirituels, le peuple se lance dans un

étrange mouvement politico-religieux, qui se cristallise autour de la personne d’une jeune

Noire âgée de 22 ans48, du nom de Chimpa Vita, baptisée Béatrice49. Elle prétend être

morte, puis ressuscitée avec « à la place de son âme, saint Antoine [...] entré dans sa tête »50.

45 Se déplaçant à travers le Congo, elle fait des miracles, prêche la restauration du royaume,

parle contre les missionnaires, contre le pape, contre les sacrements de l’Église,

transforme le Salve Regina en Salve Antoniana « tourné en folies superstitieuses, hérétiques,

idolâtres et blasphématoires ». Son influence sur le peuple s’accroît, inquiète les

missionnaires ; elle brûle les fétiches, mais les croix aussi – « parce qu’elle [la croix] a été

l’instrument de la passion de Notre Seigneur »51.

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46 Elle enseigne que « Jésus-Christ est né à São Salvador, qui était Bethléem, qu’il avait été

baptisé à Nsundi, qui était Nazareth, et que Jésus-Christ avec la Madone et saint François

étaient originaires du Congo et de la race des Noirs »52.

47 Cette naturalisation de la religion chrétienne, avec transposition géographique du drame

chrétien, semble être accompagnée d’une valorisation des Noirs par rapport aux Blancs :

« Elle [Béatrice] enseigne que les hommes blancs avaient pour origine une certaine pierre

tendre appelée fama. C’est pour cela qu’ils sont blancs. Les Noirs viennent d’un arbre

appelé musenda »53. La fama est une pierre argileuse54, le musenda (Sande en kikongo

moderne) le ficus psilopoga Welw. ex ficalho55. Mais que symbolisaient-ils ? Selon

Gossweiller, le musenda produit une sève laiteuse, ce n’est pas un arbre résistant, bien au

contraire. La période de croissance est courte. Les indigènes le plantent habituellement

près de leurs habitations, le botaniste doute qu’il se propage sans l’intervention de

l’homme56. Au Loango, le musenda est planté auprès des tombeaux des rois57. Ces maigres

indications ne permettent malheureusement pas de préciser la valeur attribuée aux deux

substances, et par conséquent la portée de cette affirmation. Mais, de toute évidence, le

mouvement dont Béatrice est l’inspiratrice entend conserver certaines valeurs du

christianisme, tout en rejetant la civilisation qui l’avait introduit.

48 Béatrice s’installa finalement à São Salvador, et il en résulta que la capitale,

49 « ... fut rapidement peuplée, parce que les uns y allaient pour vénérer la prétendue sainte,

d’autres pour voir la patrie renouvelée, certains pour saluer des amis, d’autres amenés

par le désir de récupérer miraculeusement la santé, d’autres enfin dans l’espoir de régner

et d’être les premiers à occuper l’endroit. De cette façon, la fausse sainte fut faite

restauratrice, dominatrice et seigneur du Congo »58.

50 On admettra aisément qu’il était assez naturel qu’un mouvement de reconstruction

sociale, qui avait pour centre l’ancienne capitale de São Salvador, ville chrétienne où

s’élevaient douze églises, se réclamât de valeurs chrétiennes, mais on peut se demander

comment il se fait que ce mouvement tourne autour de saint Antoine.

51 « Saint Antoine », disait Béatrice, « est notre remède, saint Antoine est le restaurateur du

royaume du Congo, saint Antoine est le consolateur du royaume du Ciel. Saint Antoine

tient les clefs du Ciel. Saint Antoine est au-dessus des Anges et de la Vierge Marie. Saint

Antoine est lui, le second Dieu ».59

52 Celle qui prétend incarner le saint accuse les missionnaires de ne pas vouloir que les Noirs

aient des saints à eux, mais elle les « encourage, ils peuvent être contents, car ils ont eux

aussi des saints »60.

53 Ne devait-elle pas, en fait, incarner D. António I, tué par les Portugais à la bataille

d’Ambuíla, et dernier roi avant la chute du royaume dans l’anarchie ? La mort de Béatrice

et sa résurrection n’apparaissent-elles pas conformes aux pratiques traditionnelles

africaines des médiums-prêtres, permettant la communication entre les ancêtres défunts

et les vivants ? Ce n’est qu’une hypothèse impossible à prouver.

54 Elle avait, dit Bernardo da Gallo,

55 « ... entendu lire quelque sermon de saint Antoine en portugais, qui était entre les mains

de quelque noir de peu d’importance qui savait lire. Pour se faire grande et être crue, elle

commença à louer saint Antoine, avec beaucoup de propos stupides et superstitieux, le

comparant à saint Alexis, qui laissa son épouse pour le service de Dieu, donnant donc à

saint Antoine la primauté dans la vertu et dans la fortune, lors des conversations qu’il

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avait avec son compagnon saint Alexis. Ces propos stupides qu’elle disait au sujet de ces

deux saints, je ne peux les redire, car ceux qui me les racontaient ne savaient pas bien les

réciter, ni ne les comprenaient, et ils avaient honte ou peur de parler »61.

56 Le sermon dont elle avait eu connaissance serait-il celui que précha le père António Vieira

en 1638 à São Salvador de Bahia, au Brésil, après que les Hollandais eurent levé le siège de

la ville ? Vieira avait pris pour thème le passage II Rois, XIX, 34 : « Je protégerai cette ville

et la sauverai à cause de moi et de mon serviteur David ». Dans un jeu de symboles

providentialistes et obscurantistes, le célèbre jésuite assimile la Jérusalem évoquée dans

le texte à São Salvador de Bahia, et David à saint Antoine62. Bahia est la ville du Sauveur

(São Salvador), et c’est aussi la Bahia de Todos os Santos (Baie de tous les Saints), et « sa

défense appartient à saint Antoine parce que saint Antoine est à lui seul tous les saints »63.

Pour la défense victorieuse de la ville, Dieu a « délégué ses pouvoirs à saint Antoine »64.

57 Serait-ce aller trop loin d’imaginer que les Congolais aient vu, dans la délivrance

providentielle de São Salvador de Bahia des mains des Hollandais, un exemple permettant

d’espérer pour São Salvador du Congo une délivrance analogue de l’anarchie résultant de

la défaite d’Ambuíla, saint Antoine présidant toujours aux destins des deux villes ?

58 Quel fut, en réalité, le poids politique de ce mouvement dans les luttes des deux clans, les

Kimpanzu et les Kimulaza, qui déchiraient alors le Congo ? Bien que Béatrice ait enfin pris

parti pour les Kimpanzu65, ce fut le roi D. Pedro IV qui triompha, appuyé par les Kimulaza,

encouragé par les missionnaires et finalement rallié, après maintes hésitations, à

l’orthodoxie chrétienne66. Le but poursuivi par l’antonianisme (la restauration du

royaume) fut atteint, mais sans que le mouvement pût s’en attribuer la gloire.

59 Déjà, avant l’assaut final qu’en 1709 D. Pedro IV lança contre São Salvador, encore occupé

par les hérétiques rebelles, la carrière de Béatrice était brisée. Il lui arriva « un malheur »67 : après avoir prêché la chasteté, elle mit au monde un fils. Cette « faute » facilita aux

capucins leur tâche purificatrice. Ils obtinrent de D. Pedro IV sa condamnation au bûcher,

en compagnie de son amant, « saint Jean ». Le 2 juillet 1706, à Kibango, sous les yeux des

missionnaires, on les livra ensemble aux flammes68.

60 Mais l’« hérésie » ne devait s’éteindre que trois ans plus tard avec la conquête finale de

São Salvador par D. Pedro IV69.

7. JUGEMENTS CONTEMPORAINS SUR LAPÉNÉTRATION DU CHRISTIANISME CHEZ LESCONGOLAIS

61 En 1548, les jésuites arrivent pleins d’illusions, puis aussitôt après déclarent le pays

ruinata nello spirituelle70 : les Noirs se « persuadent de très grandes erreurs : certains

croient qu’ils n’auront jamais à mourir71 [...] Et la plus grande injure que l’on puisse faire à

un Noir, c’est de lui dire : ton père est mort ou ta mère est morte. Lorsque quelqu’un

meurt, ils disent qu’on l’a emporté »72. La croyance en l’immortalité ne serait-elle que la

promesse chrétienne d’une vie éternelle, saisie selon une optique africaine, comme le

prolongement de la vie corporelle73 ? Et l’hypersensibilité des Noirs pour tout ce qui

touche à la « mort » de leurs ancêtres ne serait-elle pas due aux allusions trop directe des

jésuites, qui les représentaient comme exclus du salut, parce que morts avant l’arrivée

des Européens porteurs de l’Évangile74 ?

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62 La notion chrétienne de péché est étrangère aux Noirs : « Lorsqu’on leur explique

comment ils doivent se repentir de leurs péchés, ils disent qu’ils n’en ont pas »75.

63 Au XVIIe siècle, les jésuites tenteront de leur inculquer le sentiment du péché par leurs

« cours de cas de conscience et de morale », auxquels nous avons déjà fait allusion76.

64 En 1603, un missionnaire déclare que le Congo est « totalement ruiné sur le plan des

bonnes mœurs et n’est chrétien que de nom »77.

65 L’évêque Manuel Baptista, célèbre pour ses excommunications, notait en 1619 à propos

des Congolais :

66 « Le christianisme parmi eux est si imparfait que le roi lui-même a des concubines

publiques. Parmi cette multitude de gens, il n’y en a que très peu qui regardent comme

péchés les vices des sens. Beaucoup parmi eux prennent le nom de défenseur de la foi du

Christ, envoient des ambassadeurs à la cour de Rome et à celle du roi catholique. Ils font

cela plutôt par vanité que par un sentiment de zèle pour la religion »78.

67 Le Hollandais protestant, Dapper, écrivant au milieu du XVIIe siècle, est plus sévère

encore :

68 « Mais quoique la plupart de ces Nègres fassent profession extérieure du Christianisme, le

plus grand nombre est encore tout idolâtre dans le cœur ; et adore secrètement ses faux

Dieux [...] Ce sont de francs hypocrites, qui ne sont Chrétiens qu’en présence des

Européens et qui portent plus de respect à leur Roi qu’au vrai Dieu »79.

69 Telle qu’elle est, la christianisation se concentre autour de São Salvador et dans le Soyo.

« Le royaume n’est pas entièrement catholique », écrit Jean François de Rome en 1648,

« car dans les régions périphériques il y a des païens ; pourtant la majorité de la

population professe notre sainte foi »80.

70 A ceci font écho les propos de Bernardo da Gallo, écrivant au début du XIIIe siècle :

71 « Il est vrai que les Congolais, et beaucoup plus ceux qui étaient à São Salvador,

embrassèrent entièrement et avec amour la sainte foi. Ils en eurent une vraie

connaissance et devinrent bons chrétiens. Cependant dans les provinces, les paysans

furent ensuite baptisés toujours en plus grand nombre, mais n’eurent jamais la vraie

connaissance de la foi. Jamais non plus ils n’abandonnèrent leurs coutumes païennes [...]

Tout cela posé, je dis que la chrétienté du Congo est présentement une vraie chrétienté

catholique romaine, mais fort affaiblie par l’ignorance, par les guerres et par les

superstitions [...] Les paysans et ruraux de la province se font baptiser volontiers et

arrivent en grande foule même dans les chemins où passe le prêtre. Ils portent sur les

bras et au cou de petites chaînes bénites, en signe d’esclavage envers la Madone, et

portent le scapulaire du Carmel fait de notre habit, ou du moins d’une autre étoffe avec

quelque petit morceau de notre habit et ensuite béni par le missionnaire, et cela ils le

veulent presque de force. Je voulais laisser tomber semblables dévotions »81.

72 Le missionnaire avait raison d’exprimer ces réserves. L’attachement de cette « chrétienté

catholique romaine » à ses pratiques fétichistes traditionnelles est aussi inquiétant que

naturel. Mais Bernardo da Gallo continue :

73 « Parmi eux [les paysans et les ruraux], il y a très peu de mariages et on ne peut entendre

que très peu de confessions. Les vrais Congolais sont fort ignorants, très affectés par les

misères et usent de superstitions. Parmi eux, il ne manque pas de bons chrétiens, chastes

dans les mariages, fidèles et fréquents à se confesser. Il y en a qui, à cause des larmes et

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des sanglots, ne peuvent qu’à peine accuser leurs fautes. Ils apprennent entre eux les

prières chrétiennes, le symbole de la foi et les mystères comme ils peuvent »82.

74 Rosario del Parco propose une image analogue un demi-siècle plus tard :

75 « ... le roi et la plupart des Noirs de sa cour sont mariés selon les lois de la Sainte Église,

ainsi que beaucoup de ses vassaux et princes sous sa domination. Leur nombre pourrait

atteindre 6 000. Tous les autres vivent en concubinage, à cause de la grande distance pour

aller trouver un missionnaire »83.

76 Dans le dernier quart du XVIIIe siècle, lorsqu’il n’y a presque plus de missionnaires au

Congo et que le pays est en plein déclin, l’abbé Proyart nous offre cette image émouvante

de ce qu’était devenu le christianisme au Soyo :

77 « Depuis longtemps les enfants n’y sont point baptisés, et les adultes sont privés des

Sacrements et de tous les secours de la Religion. Ces pauvres peuples néanmoins restent

attachés au Christianisme, et ils en font profession publique. Ils conservent le souvenir de

la plupart de nos Mystères, et les commandements de Dieu qu’ils apprennent

soigneusement à leurs enfants. Ils ont horreur de l’idolâtrie. N’ayant point de pasteurs qui

les dirigent, ils tâchent de se conduire eux-mêmes de leur mieux : ils s’assemblent

régulièrement les dimanches pour chanter des Hymnes et des Cantiques en l’honneur du

vrai Dieu. Quelquefois, le Chef ou l’un des plus anciens du village fait une exhortation au

Peuple pour l’engager à vivre chrétiennement, et de manière à mériter que Dieu leur

envoie des Pasteurs et des Guides éclairés dans les voies du salut. Généralement parlant,

la foi de ce bon peuple est grande, et on a droit d’espérer de la miséricorde du Souverain

Pasteur des Ames, qu’il leur en tiendra compte »84.

78 L’abbé Proyart reprend ici les relations de missionnaires français au Kakongo (1766-1776),

surpris de découvrir quand ce ne serait que des souvenirs du christianisme dans ces

parages85.

79 Quelques décennies plus tard, le témoignage de Raimondo da Dicomano (1798) est moins

naïf, plus inquiétant :

80 « La religion actuellement au Congo n’est plus qu’une simple apparence, on y découvre

seulement quelques restes de christianisme et de religion [...] Ils [les Congolais] estiment

et désirent être chrétiens et se disent honorés de ce qu’on n’ose pas les appeler par

mépris païens [...] Cependant, si le Père les invite avec charité ou demande de leur

enseigner le catéchisme et de les instruire dans les saints mystères, pour qu’ils sachent ce

qu’ils ont à croire et ce qu’ils ont à faire, ils ne veulent pas venir et ne veulent pas

entendre, et si pour cela le Père refuse de les baptiser, ils entrent en fureur et on se

tourne avec férocité contre le Père et ses porteurs et on se trouve en danger de perdre la

vie. Ils pensent que le Père fait peu de cas d’eux en ne les baptisant pas, et ils se jugent

déshonorés [...] Ils demandent la communion sans être confessés, si le Père la leur refuse,

ils s’estiment offensés. Dans ces cas, pour se venger, ils donneraient au missionnaire un

fétiche »86.

81 Le fétiche, fait « d’herbes, de racines et d’animaux venimeux », avait rendu le

missionnaire malade pendant plus d’un mois.

82 Voici donc les rites chrétiens vidés de leur contenu et ramenés au rang de sortilèges

parmi d’autres. Toute idée de salut et de sacrifice est méconnue ; à la religion des Blancs,

on ne demande que l’« honneur » temporel qu’elle peut conférer.

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83 Pour tous ces témoignages, il convient de tenir compte des circonstances dans lesquelles

ils furent écrits, ainsi que de la personnalité du témoin. La sévérité de l’évêque Manuel

Baptista tient à son désir de ramener le mythe d’un royaume chrétien à ses justes

proportions, celle de Dapper à son mépris de protestant pour l’œuvre de missionnaires

catholiques, alors que l’émerveillement attendri de Proyart provient d’une ignorance des

siècles précédents d’évangélisation. Raimondo da Dicomano touche-t-il de plus près la

vérité ?

84 C’est après 1830 que l’on verra s’effriter presque complètement les derniers souvenirs du

christianisme au Congo. En 1858, l’Allemand Bastian découvrira à São Salvador trois

statues en bois sculpté, presque de la taille d’un homme, et représentant des

missionnaires capucins vêtus de leur habit. Les jours de fête indiqués par les sages du roi,

le peuple les promenait parmi les ruines des églises de la ville, accompagnant cette

procession de danses et de chants. On lisait ces jours-là des extraits des livres saints, mais

en un sabir incompréhensible87. Le missionnaire protestant Bentley rapporte qu’en 1879

on portait les statues des capucins en procession autour de la ville lorsque les pluies

étaient jugées insuffisantes88. Le dernier capucin à visiter le Congo au XIXe siècle,

Boaventura dos Santos, écrivait en 1877 : « Tous m’appelèrent grand féticheur, Zamba

ampungo, parce que j’avais vaincu les fétiches selon eux. Ils disaient que je faisais venir la

pluie »89.

85 Voilà où l’on en était quatre siècles après D. Afonso I !

NOTES

1. Nous avons étudié au chapitre VIII la légende de l’apparition de saint Jacques, au moment de la

bataille entre chrétiens et païens en 1506.

2. Les Congolais adoptèrent le cri de guerre des Portugais : Santiago I Lors de la bataille de Bumbe,

en 1622, entre Congolais et Conquistadores de Luanda, de chaque côté on lance des Santiago I Mais,

comme le note sardoniquement Cadornega : Santiago branco pode mais que Santiago preto (le saint

Jacques blanc est plus fort que le saint Jacques noir). Cf. Cadornega (1680-1681), t. I, p. 105.

3. Il n’en est pas moins vrai, cependant, que les missionnaires se verront accuser d’avoir

introduit la monogamie et la continence afin de freiner la natalité, de réduire la population et de

permettre aux Blancs de soumettre plus facilement le pays (cf. Cavazzi, 1654-1677, lib. III, § 132).

4. Luis Câmara Cascudo, Dicionário do Folclore Brasileiro, 2e éd., Rio de Janeiro, 1962, t. I, p. 52.

On en a une traduction portugaise ancienne, transmise oralement dans la famille de Cascudo :

Quem milagres quer achar / Contra os males et o demónio/Busque logo a Sant’Antônio / Que só há de

encontrar. – Aplaca a fúria do mar/Tira os presos da prisão/O doente torna são/O perdido faz achar ; – E

sem respeitar os anos/Socorre a qualquer idade / Abonan esta verdade/Os cidadãos paduanos.

5. Luis Câmara Cascudo, op. cit., p. 54. Frazer note qu’« En divers endroits de France, il a été

d’usage de plonger l’image d’un saint dans l’eau, comme moyen d’extorquer la pluie » (cf. James

Georges Frazer, Le Rameau d’Or, édition abrégée, traduction de Lady Frazer, Paris, 1923, p. 71).

6. R. L. Wannyn, L’art ancien du métal au Bas-Congo, p. 42.

7. « Si la souplesse de la discipline canonique avait à ce moment permis d’ordonner prêtres les

meilleurs d’entre eux [les jeunes nobles congolais], on aurait sans doute », écrit le chanoine Jadin,

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« assisté à une meilleure résistance de cette pauvre chrétienté ». (Cf. L. Jadin, « Le clergé séculier

et les capucins du Congo et d’Angola aux XVIIe et XVIIIe siècles », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome,

fasc. XXXVI (1964), p. 187.

8. J. Cuvelier, L’Ancien Rogaume du Congo, pp. 315-322.

9. M.M.A., vol. IV, p. 141 (doc. de 1526 ?).

10. L. Jadin, art. cit., pp. 186-205 et 222-223.

11. L. Jadin, art. cit., p. 200 et L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo... en 1775 », in Bull, de

l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV (1963), p. 359, note.

12. M.M.A., vol. IV, pp. 369-379, et P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, p. 224.

13. Cf. la lettre du roi de Portugal D. João III à D. Afonso I (1529), in M.M.A., vol. I, p. 522, et Maria

Adélia Victor de Mendonça, О Governo de Fernão de Sousa em Angola (1624-1630), thèse

dactylographiée, Coïmbre, 1963, p. 326 (doc. de 1632). « Et dans différentes lettres Votre Majesté

a écrit aux rois du Congo qu’ils devaient faire payer entièrement les dîmes dues aux Évêques et

au chapitre à qui elles revenaient de droit, rappelant que les rois chrétiens ne peuvent pas les

entretenir, et ceux que votre Majesté entretenait dans les terres d’Outre-Mer, c’était par

autorisation particulière du Saint Siège ».

14. M.M.A., vol. I, p. 361.

15. Doc. in J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 205.

16. Le Portugal resta sous la domination espagnole de 1580 à 1640.

17. M.M.A., vol. V, pp. 386-387 (doc. de 1607) et 611 (doc. de 1610).

18. Ibid., p. 387.

19. M.M.A., vol. VI, p. 381 (texte de 1619).

20. Ibid., p. 383 (texte de 1619).

21. Les subsides à l’évêque et au clergé régulier étaient encore versés en 1640 (cf. J. Cuvelier et L.

Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 505).

22. M.M.A., vol. X, p. 326.

23. Après 1624, ils cessent complètement d’y aller. Au XVIIIe siècle, l’évêque de Luanda se bornera

à envoyer à São Salvador un prêtre mulâtre portant le titre de vicaire général (cf. L. Jadin,

« Aperçu de la situation du Congo... en 1775 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV

(1963), p. 370).

24. M.M.A., vol. V, pp. 112-118 (texte de 1604).

25. M.M.A., vol. VI, p. 126.

26. Ibid., p. 407.

27. Il en va à peu près de même en ce qui concerne l’Angola. Manuel Severim de Faria écrivait en

1665 : « En Angola, après l’année 1575, où a commencé la conquista, ce ne fut que guerre. De la

conversion des indigènes, on ne s’est guère occupé, bien qu’il existe à Luanda un collège de

Jésuites et un couvent de tertiaires [...] Les Noirs de Luanda et de Massangano exceptés, il n’y a

d’autres chrétiens que les esclaves qui partent de Luanda vers l’Europe et le Nouveau Monde. On

les baptise sans les catéchiser, de sorte que certains meurent sur les bateaux comme des bêtes.

Les autres habitants de cette grande province sont comme ils étaient lorsque nous sommes

arrivés, et plutôt effarouchés par nos armes qu’édifiés par notre doctrine » (cf. Manuel Severim

de Faria, Noticias de Portugal, Lisbonne, 1655, p. 226).

28. La guerre luso-hollandaise et les jalousies portugaises – les Portugais considéraient comme

leur droit exclusif (Padroado) l’évangélisation des terres nouvelles – entravent pendant cinq ans le

départ des capucins.

29. M.M.A., vol. IX, p. 311.

30. Enganga = Nganga ; anchissi = nkisi (« Nkisi signifie l’esprit d’un mort », cf. K. Laman The Kongo, t.

III, p. 67) ; hambian pungu = Nzambi Mpungu, expression devenue l’équivalent d’« Être Suprême »

(cf. aussi le Dictionnaire kikongo-français de K. I.aman).

31. M.M.A., vol. IV, pp. 402-412.

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32. Dans un chapitre précédent, nous avons noté que les Congolais attendent des missionnaires

qu’ils contrôlent en leur faveur les phénomènes météorologiques (cf. M.M.A., vol. VI, p. 3S3, texte

de 1619) : « ils demandent du soleil et de la pluie aux prélats et aux pères, comme Us le

demandent à leurs sorciers, et ils se plaignent de ce qu’ils ne les leur donnent pas, comme si

c’était en leur pouvoir... »

33. Cavazzi, lib. III, § 83. Comment ne pas entrevoir derrière ces « explications chrétiennes » la

véritable raison : la colère des ancêtres ?

34. Le pape n’apparaît-il pas ici aux yeux des Congolais comme le seul interlocuteur valable pour

représenter le monde surnaturel ?

35. Cavazzi, lib. V, § 24.

36. « Relation de Crisostomo da Genova, 2 juin 1674 », in L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises

au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), pp. 296 et

306.

37. Bernardo da Gallo, in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst. Hist.

Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), pp. 483-484.

38. Texte de 1740 au sujet du Soyo, in L. Jadin, « Aperçu de la situation au Congo », in Bull, de

l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV (1963), p. 375.

39. C’est toujours le même appel, inlassablement répété depuis que D. Alonso I l’avait lancé trois

siècles auparavant.

40. In L. Jadin, « Recherches dans les Archives et Bibliothèques d’Italie et du Portugal sur l’Ancien

Congo », in Bull, des Séances de l’Acad. Roy. des Sc. Col., t. II, fasc. 6 (1956), p. 962.

41. M.M.A., vol IV, p. 364.

42. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 43.

43. Cavazzi, lib. IV, § 1.

44. António Brásio, António Barroso, Missionário, Cientista, Missiólogo, Lisbonne, 1961. p. 66.

45. Nous renvoyons le lecteur à la bibliographie linguistique pour les titres complets de ces

ouvrages.

46. Cf. Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst.

Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 492.

47. Ibid., pp. 493-494 (« Il convenait, comme père, que je reste indifférent entre les partis », p.

513).

48. Ibid., p. 545.

49. Ibid., p. 514.

50. Ibid., p. 501.

51. Ibid., pp. 497, 507, 515 et 534.

52. Ibid., p. 517.

53. Ibid., p. 517.

54. Ibid., loc. cit., note de L. Jadin.

55. J. Gossweiller, « Nomes Indígenas de Plantas de Angola », in Agronomia Angolana, Luanda, n° 7

(1953), pp. 459-460.

56. Ibid., loc. eil.

57. A. Bastian, Die deutsche Expedition an der Loango-Küste, Iéna, 1874, p. 164.

58. Bernardo da Gallo, in art. cit., pp. 506-507.

59. Ibid., p. 516.

60. Ibid., p. 515.

61. Ibid., p. 515.

62. António Vieira, Obras Escolhidas, éd. Sá da Costa, Lisbonne, 1954, vol. X, Sermoes I, pp. 1-41

(« O David desia Sião é Santo António », p. 8) ; saint Antoine est « un second David », p. 9.

63. Ibid., p. 9.

64. Ibid., p. 13.

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65. Bernardo da Gallo, in L. Jadin, art. cit., p. 516.

66. Bernardo da Gallo, in L. Jadin, art. cit., p. 531.

67. Ibid., p. 520.

68. Ibid., pp. 525-526.

69. Ibid., p. 532.

70. M.M.A., vol. II, p. 179.

71. Ibid., p. 181.

72. Ibid., p. 187.

73. Cf. le comportement du Mani-Soyo lors de son baptême.

74. Au sujet des Indiens américains dans le même cas, le « libertin érudit », La Mothe Le Vayer,

s’indignait en 1642 « qu’un pauvre Américain qui n’avait jamais ouï parler de la vraye religion il y

a deus cens ans, peust deslors en nulle façon esviter les peines éternelles, encore qu’il vécust

moralement bien » (cf. La Mothe Le Vayer, De la Vertu des Païens, Paris, 1642, p. 42). En 1504, Diogo

Ortiz affirmait explicitement que les « peines éternelles » attendaient bel et bien ceux qui

n’avaient pu entendre l’Évangile (cf. Diogo Ortiz, Cathecismo Pequeno, Lisbonne, 1504, f° X (r°)

75. M.M.A., vol. II, p. 188 (texte de 1548).

76. Les Noirs auront l’impression que la confession n’est qu’une sorte d’espionnage, permettant

aux missionnaires d’obtenir des renseignements sur les affaires temporelles. Les Congolais

pensaient que les religieux étaient de connivence avec les Portugais, qui cherchaient à s’emparer

de leur pays (cf. J. Cuvelier, Relations sur le Congo du P. Laurent de Lucques, (1700-1717), p. 125).

77. M.M.A., vol. V, p. 82.

78. In J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 400.

79. O. Dapper, Description de l’Afrique (1668), p. 357 (Naukeurige Beschrijoinge, p. 588).

80. Jean François de Rome, Brève Relation, p. 111. Le nord et le nord-est du pays sont très peu

touchés par le christianisme ; en 1650, Jérôme de Montesarchio, visitant les régions de Masinga et

Sevo (Essevo) rapporte qu’aucun prêtre n’y était passé depuis les règnes de quatre rois (cf. M.M.A.,

vol. X, p. 484).

81. Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst.

Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), pp. 481-483.

82. Ibid., loc. cit.

83. Rosario del Parco (1760), in L. Jadin, » Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de

l’Inst. Hist. Belge de Rome, XXXV (1963), p. 371. En Angola, par contre, on assiste à une acculturation

à rebours : « Dès qu’une esclave a reçu le baptême, ils [les Blancs] la prennent comme concubine

et la poussent à invoquer le démon. Eux-mêmes y assistent pour deviner si leur négoce doit être

prospère [...] Ainsi, à Luanda, même, où vit l’évêque, on invoque le démon par les esclaves, sans

aucune honte, presque toutes les nuits, dans les maisons des Blancs, et les maîtres y assistent

comme à un triomphe de leur méchanceté » (cf. ibid., p. 363). En 1721 déjà, Giuseppe Monari da

Modena disait que les Blancs de l’intérieur de l’Angola « étaient plus adonnés au fétichisme que

les Noirs eux-mêmes » (cf. Evaristo Gatti, Sulle Terre e sui Mari, Parme, 1931, p. 244). En 1834,

António Gil pouvait écrire, après un séjour à Luanda, qu’il n’avait « jamais vu un Noir converti

aux idées et façons de penser des Blancs, mais qu’il avait bien vu beaucoup de Blancs convertis

aux croyances et pratiques des Noirs, principalement les femmes ». (Cf. António Gil,

« Considerações sobre alguns pontos mais importantes da moral religiosa e systema de

jurisprudência dos pretos do continente da Africa occidental... », Lisboa, 1854. Beproduit in

Boletim LIV da Uniaersidade de São Paulo, Etnografia e Lingua Tupi-Guarani, n° 8, Sfio Paulo (Brésil),

1945, p. 35. (Cette revue nous a été aimablement prêtée par M. R. Bastide).

84. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 317.

85. Malgré les efforts de ces missionnaires, le christianisme ne s’est jamais implanté au nord du

fleuve (cf. J. Cuvelier, Documents sur une Mission française au Kakongo (1766-1776), Mémoire I.R.C.B., t.

XXX, fasc. 1 (1953).

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86. In L. Jadin, « Relation sur le royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de

1790 à 1795 », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, t. III, fasc. 2 (1957), pp. 319-320.

87. A. Bastian, Ein Besuch in San Salvador, Brème, 1859, p. 162.

88. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 35.

89. Cf. L. Jadin, « Recherches dans les Archives et Bibliothèques d’Italie et du Portugal sur

l’Ancien Congo – Relation de Boaventura dos Santos (1877) », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, t. II,

fasc. 6 (1956), p. 98.

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Chapitre XIII. La ville de SãoSalvador

1. LES DESCRIPTIONS DE LA VILLE

1 La première est de Pigafetta (1587). Voici comment il vit la capitale, située au sommet

d’un mont :

2 « La ville est bâtie dans un coin ou angle de ce sommet, exposée au sud. C’est Dom Afonso,

le premier roi chrétien, qui la ceignit de murs1. Il réserva aux Portugais un emplacement

séparé, également entouré de murs. Il fit enclore de même son palais et les maisons

royales, laissant au milieu de ces deux enceintes un grand espace libre, où est construite

l’église principale ; devant celle-ci est aménagée une place. Les portes, tant des

habitations seigneuriales que des maisons portugaises, donnent sur les côtés de l’église. A

l’entrée de la place, quelques grands seigneurs de la cour ont leurs demeures. Derrière

l’église, la place s’achève en une rue étroite et munie d’une porte. Sortant par celle-ci, on

trouve beaucoup de maisons du côté de l’est. Hors des murailles qui entourent les

habitations royales et la ville portugaise, nombreuses sont les constructions appartenant

à divers seigneurs, chacun occupant sans ordre l’emplacement qui lui plaît, de façon à

habiter à proximité de la cour. Aussi ne peut-on déterminer la superficie de cette ville en

dehors des deux enceintes, toute la campagne étant remplie de maisons rurales et de

palais. Chaque seigneur, dans ses habitations, enclôt comme un village. Le pourtour de la

ville portugaise mesure environ un mille, celui du quartier royal autant. Les murs sont

très épais. La nuit, les portes ne sont pas fermées, ni même gardées »2.

3 La description de Pigafetta est confirmée par un auteur de 16073 : la ville, ainsi que les

emplacements réservés aux Portugais et à la cour, sont entourés de murailles de pierre.

Au milieu du XVIIe siècle, le mur entourant le quartier de la cour est tombé en ruines et

remplacé par une palissade en paille4. Anciennement, observe Cavazzi (1654-1667), « ... le

palais royal [...] était entouré de murs faits de pierre et de chaux, mais le temps et la

négligenee les ont livrés à la ruine, comme d’autres des édifices principaux »5.

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4 S’il se manifeste une certaine ségrégation résidentielle entre les deux races, le style des

constructions européennes est copié avec timidité par les Congolais. Jean François de

Rome le constate en 1648 :

5 « Dans la ville de São Salvador, où il y a eu et où il y a des Portugais, on trouve beaucoup

de maisons construites par eux. Ces maisons, fabriquées au moyen de longs et gros pieux,

reliés par des branches et couverts de terre, possèdent des chambres très grandes et

spacieuses. Les murs sont blanchis d’une craie blanche qu’on trouve dans le pays ; les

chambres sont bien garnies de petites tables, chaises et draperies selon la mode

européenne ; ainsi ces maisons ressemblent à celles de nos contrées, avec cette différence

qu’elles n’ont pas d’étage. Suivant cet exemple, certains nobles congolais construisent de

la même façon ; mais ceux qui construisent ainsi sont peu nombreux, car les gens sont

peu portés à faire des édifices selon l’usage européen. Le roi possède de nombreuses

maisons situées à l’intérieur d’un enclos de plus d’un mille et demi de tour. Ses maisons

sont construites à la manière du pays et sont habitées par la reine, les dames et

demoiselles d’honneur et ses servantes. Le roi habite une maison en bois avec un étage ;

dans tout le Congo, il n’y a donc que le roi à posséder une maison à étage »6.

6 Les emprunts au style de construction européen ne sont jamais allés très loin. Au milieu

du XVIIe siècle, les maisons du duc de Bamba et du comte du Soyo possédaient de petites

fenêtres7, et au début du XVIIIe le comte fit construire une maison en bois de deux étages8.

Cette dernière innovation ne fut pas du goût du peuple du Soyo, qui se souleva et tua son

chef « comme prévaricateur de la coutume des ancêtres »9.

7 La grande muraille extérieure demeurait-elle encore intacte au milieu du XVIIe siècle ?

8 Selon Dapper (1668) « Il n’y a point de murailles autour de cette ville, si ce n’est d’un côté

de devers le Midi, que le premier Roi Chrétien donna aux Portugais pour les mettre à

couvert des insultes (pour qu’ils soient mieux protégés) »10. Est-ce l’invasion des Jagas ou

le défaut d’entretien qui entraîna un délabrement graduel ? Pourtant, tout n’était pas

encore détruit vers la fin du XIXe siècle, car en 1879 Bentley découvre encore trois pans

debout. La muraille avait de 15 à 20 pieds de haut (4,57 à 6,09 m) et une épaisseur de 2

pieds 6 pouces à 3 pieds (76 à 91 cm). Elle était construite en « grands morceaux

d’hématite avec de la chaux et de gros blocs de calcaire pour servir d’armature »11.

9 De même que Pigafetta, Dapper donne l’image d’une série d’habitations très dispersées.

Bien qu’il soit question de rues il est douteux que le terme soit exact. Il devait s’agir

plutôt de chemins.

10 « Il [D. Afonso] fit aussi fermer de murailles son Palais, et toutes les maisons Royales qui

sont aux environs, laissant une place vuide où l’on bâtit ensuite un Palais [hooft-kerk =

cathédrale, dans le texte hollandais] et un cimetière. La cime de la montagne est occupée

par des maisons bâties fort près l’une de l’autre : les personnes de qualité en possèdent la

plus grand partie, et font des enceintes de bâtiments qui ressemblent à une petite ville.

Les habitations des personnes du commun sont rangées de file, en diverses rues, elles sont

assez grandes, mais les murailles ne sont que de paille ; excepté quelques-unes que les

Portugais ont faites, dont les murs sont de brique [gestampie aerde = terre battue, dans le

texte hollandais] et le toit de chaume. Le palais du Roi est aussi grand qu’une ville

ordinaire, il est fermé de quatre murailles, celle qui regarde sur le cartier des Portugais

est de chaux et de pierre, les autres ne sont que de paille, mais travaillée fort proprement.

Les murailles des sales et des chambres sont ornées de tapisseries de paille nattées avec

beaucoup d’art. Dans l’enceinte intérieure du Palais, il y a des jardins et des vergers

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embellis de berceaux et de pavillons fort beaux pour le païs, quoiqu’au fond ce ne soit pas

grand chose. Il y a dix ou douze églises, la Cathédrale, sept chappelles dans la ville et trois

églises dans le château du Prince [= le roi]. Il y a aussi un couvent de jésuites, où trois ou

quatre de ces pères font tous les jours le Cathéchisme au peuple, et des écoles où l’on

enseigne le Latin et le Portugais. Il y a deux fontaines l’une dans la rue de Saint-Jacques et

l’autre dans une cour du Palais, qui fournissent abondance d’eau fraîche, sans qu’on se

donne la peine de refaire les aqueducs [sic !] ou de les entretenir »12.

11 Nulle autre source ne parle d’aqueducs à São Salvador, et il est impossible de savoir à

quelle époque ils auraient pu être construits. D’ailleurs, le mot employé dans le texte

hollandais est slaet, il devait s’agir de conduits à ciel ouvert.

12 En 1607, le Conseil de Philippe III, roi d’Espagne, examinant une demande du roi D. Alvaro

III du Congo (1574-1614) désireux de recevoir des maçons et des forgerons, expliquait

« qu’il ne convenait pas qu’il ait dans son royaume quelqu’un qui sache faire des travaux

avec de la pierre et de la chaux, ni avec le fer, parce que ce serait l’occasion de quelque

désobéissance ». En marge, de la main de Philippe III : « C’est bon »13.

13 Cette précaution mesquine ne semble pas avoir gêné la construction d’ouvrages en pierre

et en chaux dans la capitale. Dès 1526, D. Afonso I écrivait à Lisbonne qu’« en ce qui

concerne les chaufourniers ou des hommes pour faire de la chaux, nous n’en avons pas

besoin, car nous avons beaucoup d’hommes du pays [des Noirs] qui savent bien la faire »14

. Peut-être y avait-il là un peu d’outrecuidance.

14 Jean François de Rome (1648) donne une excellente image des villes congolaises au milieu

du XVIIe siècle. Il décrit avec une précision relative la disposition des maisons par rapport

aux « chemins », ainsi que la forme labyrinthique des habitations :

15 « Dans les villes, les gens habitent des maisons qui ne sont pas alignées le long des rues.

Leurs maisons se trouvent tellement retirées des rues que, dans celles-ci, on ne voit que

les passants. Les gens construisent une sorte de mur, fait de paille et de pieux, semblable

à une haute haie, entourant leur enclos dans sa longueur et sa largeur ; cette clôture est

reliée à celle de leur voisin de sorte que les habitants, joignant leur enclos à celui de leur

voisin, délimitent les deux côtés de la rue. Dans ces murs de clôture, ils aménagent une

petite porte, par laquelle on entre dans une petite cour, entourée de toute part de murs

de cette paille ; de cette cour on se rend dans une autre, par une porte si basse qu’en se

baissant jusqu’à terre on peut à peine y passer. Cette porte est aménagée dans un coin de

la cour, non pas vis-à-vis de l’autre porte, mais à l’écart ; de cette cour on pénètre de la

même manière dans une autre et ainsi, pour arriver à l’habitation, on doit traverser

successivement cinq ou six cours ; leur nombre étant plus ou moins élevé selon la

condition de l’habitant. Ils font ces cours pour le cas où quelqu’un voudrait porter

atteinte à leurs biens ou à leur personne. Voulant fuir, le malfaiteur ne trouvera pas si

facilement par où sortir dans la rue, de façon que le propriétaire pourra l’attraper

aisément »15.

16 A titre de comparaison, voici la description que donnera, en 1776, l’abbé Proyart de la

ville de Buali, capitale du Loango. Encore que moins flatteuse, cette description est très

proche de celle de São Salvador par Jean François de Rome.

17 « Cette capitale, qui n’est pas comparable pour les édifices à nos plus pauvres villages, est

d’une vaste étendue, et paraît assez peuplée ; elle est divisée en autant de petits hameaux

qu’elle renferme de familles ; et chaque famille a auprès de son hameau une portion de

terre qu’elle cultive pour sa subsistance. Les rues ou plutôt les sentiers de la ville sont

163

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multipliés à l’infini et si étroits que l’on ne saurait y passer deux de front. Il y croît une

espèce d’herbe si haute qu’elle empêche en plusieurs endroits d’apercevoir les maisons.

De loin, la ville ressemble à une forêt : on voit dans l’enceinte et aux environs quantité de

plans de palmiers et de bananiers »16.

18 Cette agglomération de constructions éparses qu’est la ville africaine pré-coloniale est

composée d’une série de compounds, pour employer le terme anglais17 (lumbu en kikongo)18

. Seul le témoignage de Proyart donne à entendre explicitement que les champs cultivés

se trouvent intégrés aux compounds. En allait-il ainsi à São Salvador ? Nous croyons être

en droit de l’affirmer. Dapper dit en effet qu’à l’intérieur du compound royal il y avait « des

jardins et des vergers » ; il note aussi que, la nuit, on enfermait les animaux domestiques

« dans des parcs [heiningen = enclos, dans le texte hollandais] qui sont dans la ville près

des maisons »19. Un texte de 1607 précise que la vallée au pied de la colline était « bien

cultivée », mais son auteur ne spécifie pas si les champs appartenaient aux habitants du

sommet20.

2. LA POPULATION

19 Plusieurs auteurs donnent des estimations de la population de São Salvador aux XVIe et

XVIIe siècles :

20 Raffaello Maffei da Volterra (1506) 100 00021

21 Pigafetta (1587) 100 00022

22 Texte anonyme (1595) 10 000 feux23

23 Dapper (1668) 40 00024

24 Cavazzi (1654-1667) 60 00025.

25 Si l’on tient compte de la tendance naturelle des auteurs à l’exagération, on peut

admettre que la population devait être, vers le milieu du XVIIe siècle, de 20 à 30 000

habitants.

26 Pour donner un point de comparaison voici quelques chiffres concernant la population de

la capitale du Buganda : 77 000 habitants en 1900 ; 60 000 en 1906 ; 77 000 en 1910. Et

pourtant les recensements de 1911 et de 1948 ne donnent que 32 441 et 34 337 habitants,

respectivement, ce qui tendrait à démontrer la fragilité des estimations26. M. Roger

Summers conservateur du Musée National de Bulawayo (Rhodésie), pense que la

population de Zimbabwe avant les invasions Nguni, vers 1830, ne devait guère dépasser

10 000 habitants27.

27 Après la défaite d’Ambuíla et l’abandon temporaire de São Salvador à la fin du XVIIe siècle,

les chiffres qui nous sont parvenus sont très variables : 35 000 habitants en 176028, mais

100 personnes et 22 cabanes seulement en 179529. En 1845, A. J. Castro compta plus de

3 000 huttes et estima la population à 18 000 habitants30. En 1873, une épidémie de variole

la fit tomber brutalement31, et Bentley, en 1879, ne trouva que 200 cabanes et 50 autres

dans un faubourg appelé Lilongo32. Lorsque le père António Barroso arrivera dans la

capitale, le 13 février 1881, il n’y dénombrera qu’environ 600 âmes « pauvres et abattues »33. Vers 1889, la présence des missionnaires fera remonter le nombre des habitants à 3 50034.

28 Il nous paraît utile d’ajouter ici les quelques rares estimations parvenues au sujet de la

population des villes de province. Selon Dicomano (1795), les grands villages ou capitales

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de provinces (Banzas) comptaient 200 cabanes et plus ; il y en avait environ une

cinquantaine dans les petits villages (Libatas)35.

29 En 1711, la population de la ville du Soyo fut estimée à 12 000 habitants36, celle de Loango

en 1787 à 15 00037. L’essor de cette dernière contraste nettement avec la décadence de la

capitale du Congo à la même époque.

3. PEUT-ON VRAIMENT PARLER DE « VILLE » APROPOS DE SÃO SALVADOR ?

30 Les Congolais avaient-ils réalisé à São Salvador, au XVIIe siècle, ce que V. Gordon Childe

appelle la « révolution urbaine »38 ? Voici la définition d’une ville selon Childe : « Une

communauté, dont une part importante est composée d’administrateurs de métier, de

fonctionnaires, de prêtres, d’artisans et de commerçants qui ne capturent ni ne cultivent

leur propre nourriture, mais vivent du surplus de la production d’agriculteurs ou de

pêcheurs vivant soit à l’intérieur de la ville, soit dans des villages en dehors des murs »39.

Childe pensait au Proche-Orient de la Haute Antiquité, et il est douteux que l’exemple de

l’Afrique lui soit jamais venu à l’esprit. La notion du « surplus », condition sine qua non,

selon Childe, de l’existence de professions exercées « à plein temps » et, partant, de

classes sociales, se révèle d’une grande complexité. Délicate et périlleuse à manier, elle

est devenue le sujet d’âpres controverses40.

31 Dans la société africaine, où l’on assiste à une spécialisation du travail selon le sexe – les

travaux agricoles incombant aux femmes et l’artisanat étant pratiqué par les hommes –,

le concept « childien » de « surplus » se trouve placé dans un contexte que cet auteur

ignorait vraisemblablement.

32 Si l’on ne peut adopter comme critère du stade de l’« urbanisation » l’existence d’un

« surplus », peut-on toujours considérer São Salvador comme une véritable ville ? Deux

auteurs britanniques, qui se sont posé la même question au sujet de Zimbabwe, arrivent à

des conclusions opposées. Pour J. D. Clark, l’Afrique méridionale traditionnelle n’est

jamais parvenue au stade de « pleine urbanisation », Zimbabwe n’est qu’un « premier

pas » vers ce stade41. Pour R. Summers, archéologue ayant beaucoup travaillé sur les lieux

même et mûrement réfléchi à ce problème, Zimbabwe était « virtuellement une ville »42.

Devant ces divergences, si subtilement nuancées, que dire ?

33 Que São Salvador ait, oui ou non, mérité le nom de ville au stade pré-chrétien (seules des

fouilles archéologiques permettront d’en décider), peut-on le lui refuser au XVIIe siècle

alors que l’on y trouvait au moins douze églises, construites pour la plupart en pierre43 ?

L’une d’elles était la cathédrale, fondée entre 1517 et 152644, et dont les ruines existent

encore aujourd’hui45. En 1798, Raimondo da Dicomano décrit ainsi les ruines qu’il avait

vues – tout ce qui restait de la ville après les guerres civiles du XVIIIe siècle – :

34 « On voit en effet les murs de la cathédrale, qui était grande et bien faite. On peut voir les

ruines du palais de l’évêque, des palais du roi, de la reine et du prince, tous très grands en

pierre et chaux. On voit les ruines des maisons des Pères de la Compagnie de Jésus et une

église46, notre hospice47 et neuf autre églises, toutes très grandes, de pierre et de chaux.

Mais maintenant tout est brousse. Actuellement le palais du roi n’est pas plus qu’une

petite cabane de paille, comme celle des autres Noirs »48.

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35 Dans les provinces, on n’a retrouvé, en fait d’édifices en pierre, que les restes de l’église

de Ngonga Mbata, découverts en 1937. Il s’agit d’une enceinte de pierres apportées du lit

des rivières voisines et de terre battue. Sa mise à jour révélait un travail de construction

qui « avait exigé l’aide de techniciens européens ». La partie dégagée avait 25,50 m de

long, sur 10 m de large. L’église servait encore de sépulture au XVIIIe siècle49.

36 Au Soyo, en 1605, il y avait « 4 ou 5 églises », d’après Pierre van den Broecke, mais il ne

spécifie pas si elles étaient en pierre50.

NOTES

1. En 1529, le roi de Portugal D. João III écrivait à D. Afonso I : « On me dit que vous avez des

murailles en pierre très bien faites et à l’intérieur de nombreuses bonnes maisons en pierre et

chaux ; je vous en prie, s’il est possible, ordonnez que ces murailles soient terminées tout autour

le plus tôt possible. » (Cf. M.M.A., vol. I, p. 529-530).

2. Pigafetta, lib. II, cap. I (trad. fr. de W. Bal, p. 75).

3. M.M.A., vol. V, p. 385.

4. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 562.

5. Cavazzi, lib. I, § 276.

6. Jean François de Rome, Brève Relation, pp. 114-115.

7. Cavazzi, lib. I, § 294.

8. J. Cuvelier, Relations sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), p. 55.

9. [Hyacinthe de Bologne) La Pratique Missionnaire (1747), p. 147.

10. O. Dapper, Description de l’Afrique, pp. 342-343 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 562).

11. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 141.

12. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 343 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 562).

13. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 527.

14. M.M.A., vol. I, p. 480 (lettre de D. Afonso I, du 25-8-1526).

15. Jean François de Rome, Brève Relation, trad. F. Bontinck, p. 113.

16. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 218.

L’auteur dit ailleurs dans son ouvrage (p. 54) que « les villes ne sont a proprement parler que de

grands villages ».

17. Cf. Pigafetta : « Chaque seigneur dans ses habitations enclot comme un village » ; Dapper : « ...

des enceintes de bâtiments qui ressemblent à une petite ville » ; Proyart : « ... elle [la ville] est

divisée en autant de petits hameaux qu’elle renferme de familles ».

18. Cf. la description de São Salvador par Weeks (fin du XIXe siècle) : « A São Salvador et dans les

grandes villes des environs, [...] il y a une ébauche de rues régulières ou de ruelles entre les

compounds, lumbu, pl. tumbu [...] Dans les villes plus petites et dans les villages, [...] on n’élève pas

de clôture autour des maisons des chefs, ni autour des groupes de maisons appartenant aux

notables » (cf. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 94).

19. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 343 (Naukeurige Beschrijvinge, pp. 562-563). São Salvador

était-il au fond si différent des villes européennes au Moyen Age ? D’après R. Romano et J. Le Goff,

« Les jardins dans les villes ne représentent pas seulement – jusqu’aux XVIe/XVIIe siècles– des

lieux d’agrément : la campagne est encore dans la ville et le paysan vit à l’intérieur de celle-ci et,

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parfois, les « villes » du Moyen Age doivent être considérées, dans une certaine mesure, comme

des agglomérations de paysans qui sortent travailler » (cf. R. Romano et J. Le Goff, « Paysages et

Peuplement rural en Europe après le XIe siècle », in Études Rurales, 17 (1965), p. 10).

20. M.M.A., vol. V, p. 385.

21. Raffaello Maffei da Volterra, Commentariorum Urbanorum, Rome, 1506, f° 138 (v°).

22. Pigafetta, lib. II, cap. I (la ville mesure dix milles – italiens – de périmètre).

23. M.M.A., vol. III, pp. 500-504.

24. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 575.

25. Cavazzi, lib. I, g 154 (en temps de paix).

26. Peter C. W. Gutkind, The Royal Capital of Buganda, Mouton et Cie, La Haye, 1963, p. 15.

27. Lettre du 7 mars 1966. Notons au passage que la ville de Shoshong, capitale des Mangwato du

Bechuanaland, aurait eu jusqu’en 1874 une population de 30 000 habitants selon diverses

estimations de voyageurs blancs (cf. E. C. Tabler, The Far Interior, Cape Town, 1955, p. 19).

28. Cherubino da Savona, cité par L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de

l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV (1963), p. 378.

29. L. Jadin, « Relation sur le royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de

1791 à 1795 », in Bull, des Séances de rA.R.S.C, vol. III, fasc. 2 (1957), p. 320.

30. « Roteiro da Viagem ao Reino do Congo por A. J. Castro » (1845), in Bol. Soc. Geog. Lisboa, 2e sér.,

n° 2 (1880), p. 63.

31. W. G. Grandy, « Report of the Progress of the Livingstone Congo Expedition », in R. Geog. Soc.

Proceedings, vol. 19 (1874-1875), p. 102.

32. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 139.

33. A. Brásio, D. António Barroso, Missionário, Cientista, Missiólogo, Lisbonne, 1961, p. 104.

34. Ibid., loc. cit.

35. L. Jadin, « Relation sur le royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de

1791 à 1795 », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, vol. III, n° 2 (1957), p. 319.

36. L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de L’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII

(1961), p. 557 (Source : Laurent de Lucques).

37. L. Degrandpré, Voyage à la côte occidentale d’Afrique..., Paris, 1801, t. I, p. 68. Dapper disait en

1668 qu’elle était de la taille d’Amsterdam « avant sa dernière expansion » (Naukeurige

Beschrijvinge, p. 519).

38. Cf. V. Gordon Childe, « The Urban Revolution », in Town Planning Review, Liverpool, vol. XXI

(1950), pp. 3-17. Voir aussi, du même auteur, La Naissance de la Civilisation, Paris, 1964, trad, franc,

de Man makes Himself, chap, VII, « La révolution urbaine ».

39. V. Gordon Childe, « Civilisations, Cities, Towns », in Antiquity, vol. XXXI (1957), p. 37.

40. Cf. Harry Pearson, « The Economy has no Surplus », in K. Polanyi et al., Trade and Market in the

Early Empires, Glencoe, 1957 ; Marvin Harris, « The Economy has no Surplus ? », American

Anthropologist, vol. 61, n° 2 (1959), pp. 185-199 ; Robert L. Carneiro, in Johannes Wilbert (ed.), The

Evolution of Native Horticultural Systems in South America, Causes and Consequences, a Symposium,

Caracas, 1961. Pour une approche originale de ce problème, cf. Ester Boserup, The Conditions of

Agricultural Growth, Londres, 1965.

41. J. D. Clark, « Africa South of the Sahara », in R. J. Braidwood et G. R. Willey, Courses toward

Urban Life, Edinbourgh, s.d. (1962), p. 29.

42. R. Summers, « Was Zimbabwe Civilized ? », in Conference on the Historg of the Central African

Peoples, Lusaka, 1963, p. 5 (ronéotypé – sans pagination continue. A la Bibliothèque des Études

Africaines, Sorbonne).

43. Cf. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 562 (dix ou onze) ; L’évêque Francisco de Soveral en

énumère 9 en 1640 (cf. M.M.A., vol. VIII, p. 443) ; Jean François de Rome 6 en 1648 (cf. Brève

Relation, éd. F. Bontinck, pp. 109-111), A. J. Castro les ruines de 12 en 1845 (cf. A. J. Castro,

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« Roteiro da Viagem ao reino do Congo em 1845 », in Bol. Soc. Geog. Lisboa, 2e sér., n° 2 (1880), p.

63).

44. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 326.

45. Le P. António Barroso en donnait les dimensions suivantes d’après les ruines qu’il a vues en

1881 : 35,61 m de long et 12,61 m de large (cf. António Brásio, António Barroso, Missionário,

Cientista, Missiólogo, Lisbonne, 1961, p. 7. En 1619, l’évêque Manuel Baptista l’avait décrite comme

étant « de grandeur moyenne, très pauvrement construite, avec un toit en chaume, sans chœur

ni sacristie et ayant un clocher inachevé » (cf. M.M.A., vol. VI, p. 415).

46. Le collège des jésuites fut construit en 1619-1625 (cf. L. Jadin, « Le Clergé séculier et les

capucins du Congo et d’Angola aux XVIIe et XVIIIe siècles », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc.

XXXVI (1964), p. 200).

47. Il s’agit de la Misericordia des capucins, construite entre 1654 et 1677 (cf. Cavazzi, lib. I, § 276).

48. L. Jadin, « Relation sur le Royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de

1791 à 1795 », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, vol. III, fasc. 2 (1957), p. 320. En 1845, lors de la visite

de A. j. Castro, le roi habite encore une paillote : « ... il a en cours la construction d’une autre

maison en bois, mais comme il n’y a que deux charpentiers qui y travaillent, je ne crois pas

qu’elle soit prête de son vivant, car il a plus de soixante-dix ans » (cf. A. J. Castro, art. cit., p. 63).

En 1863, lorsque les Portugais occupèrent São Salvador, ils construisirent pour le roi de l’époque

une maison européenne (cf. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 141).

49. L. Jadin, « L’Église de Ngonga Mbata », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, t. I, fasc. 4 (1955), pp.

1000-1005.

50. Pierre van den Broecke, Voyages, Amsterdam, 1705, p. 315.

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Chapitre XIV. Les routescommerciales et les produitséchangés au Congo et dans lesrégions voisines aux XVIe et XVIIe

siècles

1. LES ROUTES COMMERCIALES

1 La première route commerciale due au contact européen est celle qui relie la côte à São

Salvador. Après 1530, elle sera prolongée jusqu’aux environs du Stanley Pool et aux

abords du royaume Bateke1, qui va devenir l’un des principaux viviers de la traite pour

toute la côte depuis le Loango jusqu’à Luanda.

2 Cette dernière ville commencera à jouer un rôle en tant que port d’exportation d’esclaves

dès 1548, sinon avant, comme en témoigne l’enquête ordonnée cette année-là par le roi

du Congo sur la chute (d’ailleurs temporaire) du nombre d’esclaves partis de

l’embouchure du fleuve2.

3 Vers la fin du XVIe siècle, deux nouvelles routes vont sérieusement concurrencer celle qui

longe le cours du Congo : l’une reliera le Stanley Pool directement à Luanda, l’autre à

Loango.

4 La route Luanda-Stanley Pool sera utilisée jusqu’en 1649 (fin de l’occupation hollandaise)3.

Le commerce était aux mains des Blancs installés à Luanda, qui confiaient des

marchandises à des pombeiros, marchands itinérants noirs ou métis. Selon un témoin de c.

1611, les bénéfices ne sont pas alors très élevés, car les pombeiros disparaissent souvent

avec les marchandises4. Mais Cadornega (1680-1681), parlant de la période antérieure à

l’occupation hollandaise (1641-1649), évoque les bénéfices énormes que les négociants

portugais, faisant eux-mêmes le voyage, parvenaient à réaliser, et cela malgré les

innombrables péages et impôts que percevaient les Congolais5. Les Portugais vendaient

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des bassines et des manilles de cuivre, des tambours (européens), des clochettes et des

couteaux6, et achetaient des esclaves, des nattes de raphia et de l’ivoire7.

5 La route qui relie le Stanley Pool à Loango est décrite par Dapper en 1668, mais on ignore

depuis quand elle existait – probablement pas avant le début du XVIIe siècle. Outre les

esclaves, les Noirs de Loango vendaient aux factoreries européennes (portugaises et

hollandaises)8 du cuivre (des mines de Mindouli), de l’ivoire, du plomb, de l’étain ( ?), du

fer9 et des poils de queue d’éléphant. Ils remportent en sens inverse du sel, de l’huile de

palme, des coutelas, des lits de plume de Silésie (édredons ?), des miroirs et des coussins10.

Ce commerce, ajoute Dapper, serait bien plus florissant si une tribu de Jagas ne rendait la

route dangereuse11.

6 Une des innovations les plus importantes des Européens est le commerce de cabotage, et

en particulier celui que pratiquaient les Portugais entre Luanda et Loango : les bénéfices

pouvaient aller, assure un témoin de c. 1612, jusqu’à 1 000 à 1 200 pour cent12. De Loango,

on importait des nattes de raphia, de l’ivoire, des poils de queue d’éléphant, le bois de

teinture appelé tacula (pterocarpus tinctorius Welw.)13 et du cuivre14. On payait ces produits

avec de la verroterie, des tissus du Portugal et de l’Inde, des clochettes15.

7 Après la fin de l’occupation hollandaise de l’Angola, en 1649, d’autres routes se

substitueront à la route Luanda-Stanley Pool : Luanda-Ambuíla (1649)16, Luanda-Matamba

(1660)17 et surtout Luanda-Cassange (1658). Cette dernière deviendra rapidement la plus

importante18 et le restera jusqu’au dernier quart du XIXe siècle19.

2. LES ESCLAVES

8 Le seul véritable produit d’exportation de la côte occidentale d’Afrique est l’homme.

L’ivoire et le cuivre représentent peu de chose à côté de l’immense trafic de la traite. C’est

l’esclave qui est aussi la véritable monnaie entre le monde africain et le monde extérieur :

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9 « ... De même qu’en Europe la monnaie courante est d’or et d’argent frappée, et de même

qu’au Brésil c’est le sucre, de même en Angola et dans les royaumes voisins ce sont les

esclaves »20.

10 Puisque l’esclave est employé comme monnaie, il importe de pouvoir se référer à un

étalon aux caractéristiques universellement admises. Ce sera le peça de Indias21, auquel

correspondent deux définitions : l’une concernant la stature, l’autre l’âge de l’individu.

11 Selon la première formule, le peça de Indias doit avoir sept quartas de vara de haut22.

Combien mesurait la vara ?– 1,10 m affirme un auteur de 181523, ce qui donnerait un peça

de 1,92 m. D’autres auteurs sont plus réalistes et parlent de : 1,82 m (Rinchon24), 1,75 m

(Lùcio de Azevedo25 et Correia Lopes 26) et 1,62 m (Vrijman27). Malheureusement, ces

quatre derniers auteurs n’indiquent pas leurs sources. Il est vraisemblable que, lors de

l’introduction du système métrique au Portugal, la vara avait été « ajustée » pour donner

un rapport « arrondi » avec le mètre, alors qu’en fait elle correspondait à un peu moins de

1,10 m. D’ailleurs, rien ne permet d’affirmer que les mesures portugaises d’avant

l’introduction du système métrique n’aient pas connu des variations à travers le temps.

12 La seconde définition du peça de Indias est donnée par le Français Jean Barbot, au début du

XVIIIe siècle : « Un peça de Indias représente un Noir de 15 à 25 ans. S’ils avaient entre 8 et

15 ans, ou entre 25 et 35, 3 comptaient pour 2 ; quant aux moins de 8 ans et ceux entre 35

et 45 ans, 2 comptaient pour 1. Les enfants à la mamelle ne comptaient pas. Les malades

et les plus de 45 ans étaient évalués par des arbitres »28.

13 Au XVIIIe siècle, le peça de Indias cessera de représenter un esclave : ce ne sera plus que la

« pièce », étalon fictif, dégagé de toute référence à l’homme. Il faudra jusqu’à dix

« pièces » pour un esclave29.

14 Combien coûtait donc un esclave au XVIIe siècle ? En 1622, dans l’intérieur de l’Angola,

10 000 reis. Au marchand sur la côte il est vendu 22 000 reis, s’il est un peça de Indias30. Le

même auteur note qu’un mouton vaut 8 000 reis, une vache 16 000, un chou entre 600 et

400, et 3 ou 4 œufs 20031. « Mais d’ordinaire, les Blancs entretiennent des troupes de

guerriers noirs qui combattent pour eux, et tout ce qu’ils prennent est pour leur maître,

ainsi les esclaves ne leur coûtent rien »32 – ce qui ne peut pas être tout à fait exact. En fait,

le commerce joue un plus grand rôle que la guerre dans l’acquisition d’esclaves. Un

jésuite contemporain note que « le nombre d’esclaves capturés à la guerre n’est rien en

comparaison du nombre d’esclaves achetés sur les marchés »33. En 1642, le Hollandais F.

Cappelle achetait au Congo (sur la côte) l’esclave à 15 000 reis34 ; la pièce d’Inde y coûtait

au début du XVIIIe siècle, selon Savary, 20 000 reis35.

15 Quel pouvait être le volume annuel des exportations d’esclaves du Congo et des régions

avoisinantes, et comment évoluait-il ? Nous disposons bien de données éparses sur ce

sujet, mais elles ne permettent malheureusement pas d’apporter des réponses très

satisfaisantes36.

16 Les exportations se faisaient par trois points principaux : du Congo, par le port de Pinda à

l’embouchure du fleuve ; de la région au nord du fleuve, par Loango et les ports voisins de

Malemba et de Cabinda ; de l’Angola, par Luanda.

17 Nous n’avons aucune statistique pour la région au nord du fleuve, où toutes les nations

européennes pouvaient commercer librement. Quelques rares chiffres nous sont

parvenus pour le Congo aux XVIe et XVIIe siècles, mais aucun pour le XVIIIe et le XIXe siècle.

On en a davantage concernant l’Angola.

171

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18 Voici les chiffres que nous avons pu réunir pour le XVIe et le XVIIe siècle :

XVIe siècle

XVIIe siècle

19 Note 3737

20 Note 3838

21 Note 3939

22 Note 4040

23 Note 4141

24 Note 4242

25 Note 4343

26 Note 4444

27 Note 4545

28 Note 4646

29 Note 4747

30 Note 4848

31 Note 4949

32 Tout ce qu’on peut conclure de ces maigres données, c’est que le nombre d’esclaves

exportés a évolué de façon assez régulière. On assiste, au Congo, pendant la première

moitié du XVIe siècle, à une montée suivie d’un plafonnement au XVIIe. En Angola, après

une montée spectaculaire à la fin du XVIe siècle, il y a un fléchissement au début du XVIIe,

puis une lente progression jusqu’à la seconde moitié du XVIIe siècle, où un recul s’amorce50

.

172

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3. L’IVOIRE

33 Il provenait surtout du Loango, du pays des Bateke51 et de la province de Mbamba52.

4. LE CUIVRE

34 Dès 1514, 2 300 manilles de cuivre sont exportées de l’embouchure du Congo53 ; en 1526,

un bateau français cherche à en acheter54. Ce cuivre provient des fameuses mines de

Bembe qui deviendront, dès le début du XVIIe siècle, l’objet de la convoitise des Portugais

de Luanda, et l’une des principales causes de la guerre qui se termina par la défaite des

Congolais à la bataille d’Ambuíla, en 1655.

35 En 1631, le gouverneur de l’Angola, Fernão de Sousa, commence à importer du Kakongo à

Luanda le cuivre des mines de Mindouli55. Mais avec l’occupation de l’Angola par les

Hollandais, les Portugais se verront évincés des ports au nord de l’embouchure du Congo,

parce qu’incapables de résister à la forte concurrence des Hollandais et des Français. Nous

ignorons toutefois les quantités achetées par ces derniers, nulle donnée ne nous étant

parvenue à ce sujet.

36 Dans le premier quart du XIXe siècle, on verra le cuivre du Katanga arriver jusqu’à Luanda

par le Cassange et à travers l’empire Lunda, mais on ne sait en quelles quantités56.

5. LES NATTES DE RAPHIA

37 Elles sont importées en Angola (Luanda) de Loango par mer57, et du Stanley Pool par terre58. En Angola, elles servent de monnaie, tant dans la communauté blanche que chez les

Noirs. Les soldes des soldats portugais sont payées en cette matière jusqu’en 1694, date à

laquelle on les remplace par une monnaie de cuivre59.

6. LE SEL

38 Le sel est exporté de la côte vers l’intérieur, en sens inverse des nattes de raphia. En

Angola, il vient principalement des mines de sel gemme de Demba (ou Ndemba), à

environ 70 km de l’embouchure du Cuanza60. Les « pierres » de sel sont carrées (55 cm de

côté) et aussi épaisses que la largeur de la main61. Le prix de l’unité était, en 1618, de 200

reis62.

39 Selon Pigafetta (1587) et un témoin de 1656, le roi du Congo envoyait du sel au royaume

du Mucoco (l’Anzicana), chez les Bateke dans la région du Stanley Pool, mais on en ignore

la provenance63. Serait-ce des salines dont parle Barbot (1700), situées près de

l’embouchure du Congo, en un endroit où la préparation du sel pour l’envoyer vers

l’intérieur constituait la principale activité des habitants64 ?

7. LES PRODUITS EUROPÉENS IMPORTÉS

40 Les Européens importent des tissus européens et indiens65, de la verroterie66, des

clochettes67, du vin des Canaries, de Madère et de Malaga68, du fer69 et des coquillages de

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l’Inde70 et du Brésil 71. En Angola, les bénéfices sur le commerce du vin s’élevaient, au

début du XVIIe siècle, à 500 % et les intéressés n’étaient pas tenus de payer des droits

d’entrée72. Au milieu du siècle, on expédiera du vin à Cassange73 et jusque dans la région

du Stanley Pool74. Le prix d’un barile de vin des Canaries est d’un esclave75. Au XVIIIe siècle,

le vin sera remplacé par le geribita, eau-de-vie fabriquée avec de la canne à sucre76.

41 Voici ce qu’écrivait Dapper au milieu du XVIIe siècle :

42 « La ville de S. Salvador est le centre commercial et le point de rencontre des marchands

portugais dans ces régions, mais ils habitent tous en dehors de la ville. Les principales

marchandises, celles que convoitent les habitants, sont les tissus persans, ou des tapis de

table peints, appelés Kapes de Verdura, de petites poteries bleues, Birames ou Surats, des

bassins de cuivre, des draps d’Angleterre, de grands Simbos de Lovando [zimbus de

Luanda], des Boesjes [cauris], ainsi que quelque bimbeloterie, des bagues, des perles de

verre, etc. »77.

43 Vers 1625, on envoyait au marché d’Ambuila : 6,62 m de tissu de fabrication portugaise,

4,62 m de tissu anglais, 6,60 m de quatreno (tissu portugais probablement), 6 serviettes

allemandes, 12 manteaux a capuchon de tissu grossier, 3,96 m de tissu teint à la

cochenille, 3,96 m de velours et 5,96 m de damas, le tout accompagné des malafos (vin de

palme) de rigueur78. Le malafo servait à sceller la transaction.

44 Selon F. Cappelle, négociant hollandais, les marchandises les plus demandées et vendues

pour la traite, en 1642, à l’embouchure du Congo, étaient les suivantes :

1. Du tissu épais (vier loden) probablement pour pagnes de toutes couleurs, mais la plus grande

partie en noir et en bleu.

2. Ditto, en tissu de laine, avec des franges et des lignes (rapynen).

3. Des camisoles de laine et coton, noires et bleues.

4. De fins coraux ronds et longs pour colliers.

5. Des sabres et poignards dorés de façon ordinaire ou argentés.

6. De fins draps rouges à 10 florins l’aune, en grande quantité.

7. Du drap bleu à six florins l’aune.

8. Des perles de Venise, petites ou noires.

9. Des chapeaux ordinaires.

10. Des étoffes de soie.

11. Gly potysen (des tamis ?).

12. Du linge de Silésie.

13. Des casiers à bouteilles ordinaires (fles kelders).

14. Des couteaux.

15. Des miroirs dorés n° 4 (avec cadre doré).

16. Des tissus de lin renforcé, de très bonne qualité.

17. Des chaînes en cuivre.

18. Des couvertures blanches et rouges.

19. Des vêtements, dits de São Tomé.

20. Des fermetures de malles ou espèces de cadenas de coffres.

21. Karsayen, tissus de laine avec des lignes vertes, rouges et noires, de bonne qualité79.

45 En 1700, Jean Barbot vendait à Cabinda des annebases, des chaudrons de cuivre, des

mousquets, de la poudre, des baftas noirs, des tapsels, des pintados, des étoffes de Guinée,

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du papier de Silésie, des nicanés, des couteaux, du drap écarlate, du corail, des liqueurs

fortes, des bèges noirs, des perles de verre noires, des bassins d’étain et des cuillers du

même métal80.

46 Les baftas, les tapsels, les pintados, les étoffes de Guinée et les nicanés sont des imitations

de tissus indiens, faites en Hollande81. Les annebases sont des tissus également fabriqués

en Hollande.

47 A quelques exceptions près, les objets que vendent aux Noirs les Européens ne sont que

des versions mieux travaillées de matériaux dont ils connaissaient déjà l’usage. Ainsi, les

tissus concurrencent les nattes de raphia et les cotonnades indigènes ; les bassins de

cuivre, le cuivre brut ; le vin des Canaries, le vin de palme ; la ferraille européenne, le fer

indigène ; la vaisselle européenne, la poterie indigène ; les machettes et les épées

d’Europe, les haches africaines82. Les seules introductions nouvelles sont les fusils83 et

quelques outils : la scie, la tarière84, de gros loquets pour fermer les portes des églises et

des maisons85, des aiguilles, des hameçons et des épingles86.

NOTES

1. Cf. Pigafetta, lib. I, cap. V.

2. M.M.A., vol. II, pp. 157-205.

3. Cadornega, op. cit., t. III, p. 275.

4. M.M.A., vol. VI, p. 105.

5. Cadornega, op. cit., t. III, p. 275.

6. Ibid., loc. cit.

7. M.M.A., vol. VI, p. 53 (texte de 1612), et Pigafetta, lib. I, cap. VI.

8. Les deux nations ont des factoreries à Loango en 1620 (cf. M.M.A., vol. VI, p. 473).

9. Pigafetta (lib. I, cap. IX) avait pourtant écrit (1587) des Noirs de Loango que « pour n’importe

quel clou de fer, on donne une défense d’éléphant ». Cette inversion du commerce du fer est

intéressante : elle résulte de l’extension du commerce à longue distance. Ce fer, dit Dapper, vient

de « mines fort éloignées » (cf. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 532). Les allusions au plomb

et à l’étain nous paraissent suspectes.

10. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 533.

11. Ibid., p. 533.

12. M.M.A., vol. VI, p. 104 (texte de c. 1612).

13. Ibid., loc. cit. Réduit en poudre et malaxé avec de l’huile de palme, le tacula donne le fard Nkula

utilisé dans les cérémonies fétichistes des Noirs.

14. M.M.A., vol. VIII, p. 93 (texte de 1631).

15. M.M.A., vol. VI, p. 479.

16. Cadornega, op. cit., t. II, pp. 53-61.

17. Cavazzi, lib. IV, g 248 et lib. VI, § 74.

18. Gastão Sousa Dias, A Batalha de Ambulla, Lisbonne, 1942, p. 105.

19. H. Capello et R. Ivens, De Benguella as Terras de Iácca, Lisbonne, 1881, vol. I, p. 290.

20. Texte de 1594, cité par Francisco Rodrigues, S. J., História da Companhia de Jesus na Assistência de

Portugal, Porto, 1939, t. II, vol. II, p. 560.

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21. Le premier texte à y faire allusion, à notre connaissance, date de 1622 (cf. M.M.A., vol. VII, p.

67). Le mot peça, appliqué à un esclave, apparaît dès 1499 (cf. M.M.A., vol. I, p. 174). Les Indias sont

les Indias de Castella – les possessions espagnoles dans le Nouveau Monde. On parle également de

peça do Brasil (cf. Edmundo Correia Lopes, A escravatura, Lisbonne, 1943, p. 87, note 2).

22. Cf. José Ferreira Borges de Castro, Colecção dos Tratados, Convenções, Contratos..., Lisbonne, 1856,

t. II, p. 48 (traité entre le Portugal et l’Espagne sur l’introduction des esclaves en Amérique

espagnole, daté de 1696, ... pieças de Indias de la medida regular de 7 quartas no siendo viejos, ni con

deffectos).

23. Sebastião Mendo Trigozo, « Memória sobre os pesos e medidas Portugueses e sobre a

Introdução do Systema Metro-Decimal », in Memórias Económicas da Academia Real das Sciencias de

Lisboa, Lisbonne, 1815, p. 383. Cf. aussi José Ferreira Borges de Castro, op. cit., t. IV, p. 158,

« Colecção dos Tratados... desde 1640 até ao presente », texte qui confirme Trigozo.

24. P. Dieudonné Rinchon, La Traite et l’Esclavage des Congolais par les Européens, Wetteren, 1929, p.

82.

25. Lúcio de Azevedo, Épocas de Portugal Económico, Lisbonne, 1929, p. 77.

26. Edmundo Correia Lopes, A Escravatura, Lisbonne, 1943, p. 13.

27. C. Vrijman, « Quelques notices sur l’histoire de la traite négrière des Hollandais », in Bulletin

de la Section de Géographie, t. 51 (1936), p. 107.

28. Jean Barbot, in Churchill, A Collection of Voyages and Travels, Londres, 1735, vol. V, p. 571. Cf.

aussi Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce, Paris, 1723-1730, t. I, art.

« pièce d’Inde ».

29. Jacques Savary des Bruslons, op. cit., t. I, art. « pièce ».

30. M.M.A., vol. VII, p. 67.

31. Ibid., loc. cit.

32. Ibid., loc. cit.

33. M.M.A., vol. IV, pp. 560-561 (texte de 1594).

34. F. Cappelle (1642), in L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Soyo, Congo, 1600-1675 », in

Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 223.

35. Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce, t. I, p. 1067.

36. Nous n’avons guère pu aller plus loin dans cette recherche que les auteurs de deux ouvrages

classiques : Dieudonné Rinchon, La traite et l’esclavage des Congolais par les Européens, Wetteren,

1929, et Edmundo Correia Lopes, A Escravatura, subsidios para a sua História, Lisbonne, 1944.

37. M.M.A., vol. II, p. 58.

38. Ibid., p. 200.

39. M.M.A., vol. III, p. 146.

40. Doc. anon. in Documentação Ultramarina Portuguesa, Lisbonne, 1962, vol. II, p. 201.

41. Domingos de Abreu de Brito (1591), in Feiner, Um Inquérito à Vida Administrativa e Económica de

Angola e do Brasil, em fins do século XVI, Coïmbre, 1931, p. 30. Le chiffre de Abreu de Brito est officiel,

celui de l’auteur anonyme qui le précède correspond à l’estimation d’un particulier. Le chiffre

officiel ne tient forcément pas compte des exportations clandestines, qui échappaient au fisc ; il

est donc normal qu’il soit inférieur.

42. André Velho da Fonseca (1611), in Archivos de Angola, sér. I, vol. III, pp. 71-90.

43. António Franco, Synopsis Annalium Societatis Jesu, Augsbourg, 1726, p. 260.

44. « A Little Foraine News... » (pièce d’actualité de l’époque), cité par C. R. Boxer, Salvador de Sd

and the Struggle for Brazil and Angola, Londres, 1952, p. 225, et O. Dapper, Naukeurige Beschrijuinge, p.

609.

45. F. Cappelle, in L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull, de

l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 229. Le chanoine Jadin juge ce chiffre très exagéré.

46. Pieter Zegers Ouman, 1643, in ibid., p. 243.

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47. Anon., Osservationi del Regno di Congo dell’anno 1656, ms. espagnol, B.N.P., 324 (38), f° 150 (r°).

L’auteur ajoute que le chiffre était naguère plus grand.

48. Cavazzi, lib. I, § 154. Ce chiffre ne se rapporte, en apparence, qu’au Congo, mais il englobe

vraisemblablement aussi l’Angola, à moins qu’il ne concerne simplement l’exportation par

Luanda.

49. António de Oliveira Cadornega, op. cit., t. I, p. 254.

50. Ce recul est confirmé par un document de 7-11-1684 (cf. David Birmingham, Trade and Conflict

in Angola, Oxford, 1966, p. 134.

51. Pigafetta, lib. I, cap. V.

52. F. Cappelle (1642), in L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in

Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 226.

53. M.M.A., vol. I, pp. 303-305.

54. Ibid., p. 476.

55. M.M.A., vol. VIII, p. 93.

56. Cf. E. Bowditch, An Account of the Discoveries of the Portuguese in the Interior of Angola and

Mozambique, Londres, 1825, p. 20.

57. M.M.A., vol. VI, p. 104 (texte de 1612).

58. Pigafetta (1587), lib. I, cap. V, et M.M.A., vol. VI, p. 53 (texte de c. 1611).

59. Cadornega, op. cit., t. II, pp. 484 et 534-540. En 1649, Lisbonne avait opposé son veto à

l’introduction de la monnaie de cuivre.

60. M.M.A., vol. VI, p. 335 (texte de 1618).

61. M.M.A., vol. IV, p. 550 (texte de 1594).

62. M.M.A., vol. VI, p. 335 (texte de 1618), É o melhor dinheiro daquelle reino (Angola).

63. Pigafetta, lib. I, cap. V, et Osservationi del Regno di Congo dell’anno 1656, B.N.P., ms. anon.

espagnol n° 324 (38), f° 150 (v°).

64. Jean Barbot, « A Voyage to Congo River », in Churchill, A Collection of Voyages and Travels,

Londres, 1732, vol. V, p. 509. On sait que des salines existaient le long de la côte, au nord de

Luanda. Cf. M.M.A., vol. VI, p. 55 (texte de 1611).

65. M.M.A., vol. VI, p. 479 (texte de 1620). Il s’agit du Loango, mais on peut admettre qu’il en est de

même en Angola. Des tissus indiens parvenaient déjà au Congo en 1512 (cf. M.M.A., vol. I, p. 249).

66. Ibid., p. 479 (texte de 1620). Celle qu’on importe en Angola est d’origine vénitienne (cf.

Pigafetta, lib. I, cap. VII).

67. Ibid., p. 479 (texte de 1620).

68. Ibid., p. 105 (texte de c. 1612) et Jean Barbot, « A Voyage to Congo River », in Churchill, A

Collection of Voyages and Travels, Londres, 1732, vol. V, p. 514.

69. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 114 (texte de la fin du XVIe

siècle) (« du vieux fer et des clous »).

70. M.M.A., vol. VI, p. 471 (texte de 1620).

71. Ibid., p. 108 (texte de c. 1612).

72. Ibid., p. 105 (texte de 1612).

73. Cadornega, op. cit., t. III, p. 217.

74. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 593.

75. Francesco Maria Gioia, La Meravigliosa Conversione della Regina Singa (sic), Naples, 1669, p. 175.

76. Elias Alexandre da Silva Correia, História de Angola, vol. I, pp. 39-40.

77. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 575.

78. Doc. anon. reproduit par Felner, Angola, pp. 519-520. Nous considérons le covado (coudée),

mesure utilisée dans le texte, représentant 0,66 m, conformément à l’indication donnée par A.

Brásio, M.M.A., vol. VIII, p. 75, note.

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79. L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull. de l’Inst. Hist. Belge

de Rome, fasc. XXXVII (1966), pp. 228-229.

80. Jean Barbot, « A Voyage to Congo River », in Churchill, A Collection of Voyages and Traoels,

Londres, 1732, p. 511.

81. Ibid., loc. cit.

82. Les épées sont importées en grande quantité par les Portugais et les Hollandais (cf. Jean

François de Rome, Brève Relation (1648), p. 116).

83. Les arquebuses sont utilisées par le duc de Mbata en 1587 (cf. Pigafetta, lib. I, cap. XII). Jean

François de Rome constate l’usage de mousquets « introduits depuis un certain temps » (cf. Jean

François de Rome, Brève Relation (1648), p. 131). En 1656, on apprend qu’ils se font rares, faute de

poudre et de gens sachant les manier (cf. Osservationi del Regno di Congo dell’anno 1656, t° 150 r°).

84. J. Cuvelier, Relation sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), p. 115.

85. Jean François de Rome, op. cit., p. 116.

86. Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce, Paris 1723, t. I, p. 1067.

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Chapitre XV. L’acculturation

1. LES NOUVEAUX INSIGNES DE SOUVERAINETÉ

1 Comme nous l’avons vu dans un précédent chapitre, les articles de fabrication

européenne, que les Portugais introduisaient chez les Congolais en même temps que le

christianisme, leur paraissaient tout aussi chargés de puissance sacrée que les paroles des

missionnaires.

2 Afin de rehausser l’éclat de leur majesté, les rois congolais n’ont pas hésité à choisir

certains de ces objets comme insignes de souveraineté et même, parfois, à les substituer à

des insignes traditionnels.

3 Voici comment, dans le premier quart du XVIIe siècle, le roi se présentait à la vue de ses

sujets :

4 Il donnait audience « assis sur une chaise à dossier, de tissu cramoisi à clous dorés, posée

sur un très beau tapis, le bas du corps somptueusement revêtu d’un riche tissu jaune du

pays ; au cou, il avait de nombreuses chaînes d’or et des colliers de corail à même la peau ;

il portait un manteau de damas jaune rayé de velours ; sur la tête, il avait une coiffure

toute brodée d’or et la couronne royale ; aux doigts, beaucoup de beaux anneaux d’or. A

sa droite, se tenait le Manilumbo, son favori le plus intime, qui est le premier dignitaire

après le roi, avec un sceptre dans la main droite, et tenant de la gauche une queue de

cheval, avec laquelle il chassait de temps à autre les mouches autour du roi »1.

5 La chaise remplace l’estrade ou le trône de l’époque pré-européenne, le tapis, la natte en

fibres de palmiers2. Le roi porte toujours une étoffe indigène à même le corps et non un

tissu européen, de crainte qu’un matériau étranger n’altère le caractère sacré de sa

personne. Cette attitude typique se rencontre chez d’autres souverains d’Afrique3. Le

chapeau du roi remplace le mpu, couvre-chef traditionnel tissé de feuilles de palme4. La

couronne, évidemment d’origine européenne, n’est pas celle d’argent doré offerte plus

tard, en 1648, par le pape Innocent X au roi D. Garcia II5, et emportée par les Portugais

après la bataille d’Ambuíla. Notons au passage qu’à la fin du XIXe siècle le roi aura pour

toute coiffure un vieux casque colonial6.

6 Le chasse-mouche nsesa, que tenait le Mani-Lumbu debout à côté du roi, était

traditionnellement une queue de buffle ; dès le XVe siècle, c’est une queue de cheval7. Au

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XVIIe siècle, des quantités de queues de cheval seront importées de La Plata et vendues

aux petits chefs au Congo et en Angola. Chaque queue valait deux esclaves8.

7 Les Portugais firent cadeau au roi D. Afonso I d’un « étendard du Christ », lui assurant

qu’il lui donnerait toujours la victoire sur ses ennemis9. Cet objet fait partie des insignes

de souveraineté en 1624, mais il n’est pas mentionné après cette date. Voici comment le

décrit un témoin d’alors :

8 « Avec l’aigle royal aux armes du Congo [...] il comportait cinq mains avec cinq épées,

dans un écusson armé d’une croix et habit du Christ, en mémoire des mains que ce saint

(sic) [D. Afonso I] vit lors de la bataille miraculeuse qu’il livra contre son frère »10.

9 Si D. Afonso I croyait en la puissance de ce « fétiche » chrétien, il ne semble pas avoir pour

autant renoncé à emmener, dans ses guerres, « en guise de bannières », « les peaux et les

choses d’autrefois ». Le roi de Portugal le note dans une lettre qu’il lui adresse en 1529, et

s’en dit « fort étonné »11.

2. L’ÉCHEC DE LA TENTATIVE DE TRANSFORMATIONDES INSTITUTIONS JURIDIQUES

10 De même que dans de nombreuses autres sociétés africaines, on recourait à l’ordalie, chez

les Congolais, pour désigner le coupable en cas de litige12.

11 L’ordalie traditionnelle consistait à obliger l’accusé à boire un breuvage contenant de

l’écorce de l’arbre Nkaza (erythrophloeum Le-Testu (A. Chev.)13. Innocent, il devait résister

au poison, coupable il succombait14.

12 Malgré les tentatives des missionnaires pour l’extirper – à son couronnement, le roi

devait promettre au père officiant d’y renoncer –, l’ordalie ne fut jamais abandonnée15.

13 En 1700, Bernardo da Gallo écrivait que « les nobles, les mariés et ceux qui communient

habituellement ne prennent pas l’ingassa (Nkaza), mais se font remplacer, lorsqu’ils y sont

obligés. D’autres ne veulent le prendre en aucune manière, sachant que c’est une chose

païenne, diabolique, contre Dieu »16.

14 A la fin du XVIIIe siècle, l’usage en est redevenu général17.

15 D. Afonso I, nous l’avons vu dans un chapitre précédent, avait voulu instaurer dans son

royaume une justice à la portugaise18, mais il dut reconnaître que le code manuélin19 était

trop compliqué pour servir de modèle20. Les Portugais désiraient introduire l’audition de

témoins21, et Cuvelier prétend que cette innovation fut adoptée ; il en donne comme

preuve une maxime recueillie par lui : Nkanu ye mbangi Kinkwika (sans témoins, il n’y a pas

de procès)22. Pourtant, comme l’audition de témoins est attestée au Monomotapa par João

de Barros (1552), il ne semble pas que cette pratique, au Congo, soit due à une influence

portugaise23.

16 Dans le domaine juridique, l’influence européenne n’aurait donc conduit à aucune

mutation durable.

3. LES MODIFICATIONS DE L’HABILLEMENT

17 C’est surtout dans l’apparence extérieure que l’influence des Européens se fit sentir, et

cela très rapidement.

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18 « Après que ce royaume eut reçu la foi chrétienne », dit Pigafetta (1587), « les grands de la

cour commencèrent à s’habiller selon les usages des Portugais ; ils revêtirent des

manteaux, des capes, des paletots d’écarlate et de soie, chacun selon ses moyens ; ils se

mirent à se coiffer de chapeaux et de bonnets, à se chausser de sandales de velours et de

cuir, de bottines à la mode portugaise [...] Les femmes aussi se vêtent à la portugaise, sauf

qu’elles ne portent pas de manteau, mais elles se couvrent la tête d’un voile et posent par-

dessus un bonnet de velours noir orné de joyaux et plusieurs chaînes d’or au cou »24.

19 Tout ce luxe est limité aux membres de la caste dirigeante. « Les hommes du peuple

gardent l’ancien usage », c’est-à-dire qu’ils se vêtent d’« étoffes faites de palmes ».

« Seules les dames de la cour s’ornent de la façon qu’on vient de décrire »25. « Les pauvres

vont nu-pieds »26.

20 Nul doute que les tissus européens contribuèrent à rendre plus prononcé et plus

matériellement évident un clivage social, auparavant moins fondé sur des facteurs

économiques que politiques. « Par ostentation de richesse ou pour rehausser l’autorité

royale, le roi change souvent d’habillement », note un témoin en 159527. « C’est par la

diversité des habits qu’on distingue la qualité des gens », observe Cavazzi28.

21 Curieusement, l’usage de ces tissus n’a pas fait apparaître la profession de tailleur, pas

même au XXe siècle29.

4. LA RÉVOLUTION AGRICOLE

22 Peu après avoir découvert le Congo, les Européens y apportèrent deux plantes

alimentaires venues d’Amérique, qui seront universellement adoptées par les Congolais :

le maïs et le manioc.

23 Le maïs est mentionné pour la première fois par Pigafetta (1587), qui en parle comme de

« la plus vile » des céréales et celle que l’on donne aux porcs30. ; il n’était alors cultivé,

semble-t-il, que par les Européens. Ce n’est qu’au milieu du XVIIe siècle qu’il deviendra la

céréale « la plus commune »31, dont les Congolais « possèdent toujours une grande

quantité »32. Mateo de Anguiano note en 1716 qu’ils en ont « en abondance »33. Il est

cependant peu cultivé au nord du fleuve, où le climat est très humide ; en 1770, les Noirs

de Kakongo en sèment « très peu »34.

24 Le maïs a-t-il réellement opéré une révolution dans l’agriculture africaine ? Roland

Portères le croit et l’appelle « briseur de famine et de disette »35 ; mais Pierre Gourou

affirme que l’Afrique du XVe siècle ne mourait pas de faim... qu’elle « avait de bonnes

céréales »36. Cette opinion de Gourou est démentie par le témoignage de Cavazzi : « Les

lamentations sans fin des paysans affamés attendriraient un cœur de pierre. Toute la

journée, ils ne cessent de répéter cette douloureuse chanson, Imcafuanzale, Imcafuanzale, je

meurs de faim, je meurs de faim »37. Il ne semble pas, comme l’affirme Gourou, que « les

apports amérindiens ont été acceptés avec beaucoup d’entrain »38. Il fallut près d’un siècle

pour que la culture du maïs se généralise dans l’Ancien Congo, et pourtant le maïs permet

deux récoltes par an, ce qui n’était pas possible avec les céréales traditionnelles.

25 Plus profondément que le maïs, c’est le manioc qui, sans doute, révolutionna l’agriculture

africaine. Jean François de Rome en a vu à São Salvador en 164839. Dans la seconde moitié

du XVIIe siècle, il devient, selon Cavazzi, « universellement utilisé en diverses façons tant

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par la noblesse que par le peuple » 40, mais il semble qu’il ne s’agisse, ici encore, que des

populations habitant près de la côte41.

26 En 1889, le missionnaire António Barroso écrivait qu’à São Salvador il formait « la base de

l’alimentation indigène et qu’on le préférait au maïs » 42. Au nord du fleuve, à Cabinda et à

Malemba, le manioc est abondamment cultivé à la fin du XVIIIe siècle43. Dans la seconde

moitié du XIXe (1886), les céréales traditionnelles – sorgho, millet, pennisetum et éleusine

– auront presque complètement disparu de l’économie congolaise44.

27 L’introduction du manioc fut-elle un bienfait pour les Congolais ? S’adaptant facilement à

des sols et à des climats différents, inaccessible aux oiseaux déprédateurs, il présente

néanmoins de graves inconvénients : très pauvre en protéines et en vitamines, il fait

apparaître des maladies de malnutrition, telles que le kwashiorkor45. L’introduction

parallèle, au XVIIe siècle, dont parle Cavazzi 46, de l’arachide (arachis hypogoea) riche en

protéines a sans doute pallié ces inconvénients, mais jusqu’à quel point ? Faute de

données scientifiques, nous ne sommes pas en mesure de le déterminer.

28 Les Européens introduisirent encore d’autres plantes alimentaires : les haricots

américains (phaseolus vulgaris et phaseolus lunatus)47, la patate douce48, l’ananas49, le goyave50, le cocotier51 et les agrumes52.

29 Le tabac53 et la vigne 54 sont également introduits au milieu du XVIIe siècle, mais

l’abondance de vin est telle, que les Portugais font arracher les ceps pour mieux vendre

leur vin de la métropole et des Canaries en échange des esclaves55. En 1619, l’évêque

Manuel Baptista pensait que les excès de vin mèneraient les Congolais à leur perdition56,

et au milieu du siècle Giacinto Brugiotti da Vetralla parlait de leur « passion de fumer ; ils

supporteraient plutôt la faim et la soif que d’être privés de fumer »57. Pourtant António

Barroso notait, en 1886, que le Congolais prise plus qu’il ne fume58.

30 Parmi les animaux domestiques introduits de l’extérieur, on compte le chat59, le canard de

Barbarie60, la dinde, l’oie et le pigeon61. A la fin du XIXe siècle (1883), pour des raisons que

l’on ignore (la tsé-tsé peut-être ?), le bœuf a disparu de São Salvador ; le mouton et la

chèvre y sont rares62.

31 Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’abolition de la traite oblige les Congolais à une

reconversion de leur commerce traditionnel : ils doivent se tourner vers l’exportation de

produits végétaux. Vers 1870, l’huile de palme devient l’une des principales exportations

au nord du fleuve, l’arachide au sud63.

5. L’APPARITION DE MARCHANDS NOIRS

32 Dans l’Afrique traditionnelle, un individu n’avait aucune possibilité d’établir à titre privé

des échanges avec des contrées éloignées. Tout commerce à longue distance était l’affaire

du pouvoir, et son organisation faisait partie du domaine politique et non de

l’économique64.

33 Au Congo, le contact européen a vite fait apparaître le Pombeiro65. Ce peut être un Blanc ou

un Noir, le plus souvent c’est un Métis ; travaillant pour le compte de négociants

portugais de São Salvador ou de Luanda, il voyage dans l’intérieur pour y échanger des

tissus et autres objets contre des esclaves et de l’ivoire. Nous laisserons de côté le

Pombeiro, lié au monde européen. Ce qui nous intéresse ici, c’est de déceler l’évolution de

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marchands noirs, distincts des agents du roi africain chargés de l’exécution d’opérations

commerciales pour le compte de ce dernier.

34 En 1526, une lettre du roi D. Afonso I fait état de l’existence d’individus qui, mus « par

l’envie immodérée qu’ils ont de posséder des marchandises de Portugal [...] et afin de

satisfaire leur appétit démesuré, enlèvent de nombreux sujets libres [...] et les vendent

aux négociants blancs »66. Plutôt que d’une ébauche de commerce privé, il s’agirait là d’un

banditisme occasionnel.

35 Vers la fin du XVIe siècle, on voit poindre chez certains membres de la caste dirigeante

congolaise une tendance à opérer des échanges à distance, par l’intermédiaire de leurs

esclaves :

36 « Ceux qui sont puissants ont un grand nombre d’esclaves qu’ils ont capturés à la guerre

ou qu’ils ont achetés. Par ces esclaves, ils trafiquent en les envoyant aux marchés, où ils

achètent ou vendent selon que l’ordonne leur maître »67.

37 Ces « puissants » ne sont pas à proprement parler des commerçants : il s’agit en fait d’une

organisation bureaucratique. Seuls ceux qui sont au sommet de la société peuvent se

livrer au commerce ; nul autre ne peut y accéder, ni s’enrichir par ce moyen.

38 Au milieu du XVIIe siècle, le marchand proprement dit n’a pas encore apparu dans le

royaume du Congo :

39 [Les gens du Congo] « sont fort étrangers au commerce et au trafic de marchandises. Il

s’ensuit qu’ils n’accumulent pas d’argent [...] Les riches et les nobles, qui ont beaucoup

d’esclaves et de possessions, font un peu de commerce... »68.

40 C’est au nord du fleuve que l’on voit s’esquisser une classe de marchands. Il s’agit des

Mubires ou Mubiris, sans doute les Bavili, dont Pierre van den Broecke parle dès 1611,

comme de sujets du roi d’Angoï69. Cavazzi (1654-1667) les assimile aux porteurs70 ;

Cadornega (1680-1681) évoque les Pombeiros et les Mubiris, qui sont « comme des gitans »71.

41 Déjà, en 1642, F. Cappelle avait noté que les Noirs de Loango « ... s’en vont en groupes de

quarante à cinquante hommes vers le Pombo [Pumbo – Bateke] et d’autres lieux, même au

Congo et à Luanda, pour pratiquer le commerce »72.

42 Mais le témoignage de Cappelle ne permet pas de savoir avec certitude si ces groupes sont

effectivement des Mubires, ni si leur initiative est d’ordre privé ou politique. Il faut attendre

la fin du XVIIe siècle pour avoir des preuves plus solides de l’existence de marchands ;

mais il s’agira alors toujours de groupes et jamais d’individus isolés73.

43 Voilà qu’en 1683 les Portugais de Luanda se plaignent que les Mubires (que dans le

document de l’époque on appelle Mubins) viennent jusque dans le Matamba concurrencer

efficacement leurs Pombeiros, en vendant des fusils et de la poudre qu’ils achètent aux

négociants hollandais et français au Loango74. A la fin du XVIIIe siècle, les Mubires agissent

en tant qu’intermédiaires dans la traite entre les régions de Nsundi, d’une part, le Soyo et

le Cabinda de l’autre75. Ils traversent ainsi une grande partie de l’espace occupé par

l’ancien royaume du Congo.

44 Jusqu’à quel point ces marchands pratiquaient-ils le commerce pour s’enrichir ? Était-ce

en effet pour eux une vocation ? Les remarques de Vansina au sujet des Bakuba

d’aujourd’hui aident à situer le problème :

45 « ... les marchands n’y sont pas des professionnels, mais des hommes qui, devant un

besoin urgent de richesses, ont entrepris le commerce dans un esprit de spéculation

occasionnel. Une fois acquise la somme qu’ils convoitent, ils abandonnent le commerce. Il

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est frappant de voir que, dans un pays où le commerce est si florissant et où l’on peut

s’enrichir en peu de temps, il n’y ait pas de marchands professionnels. La raison en est

qu’une fois une certaine limite de richesse atteinte, l’accumulation de plus de capitaux n’a

pas de raison d’être dans leur système de valeurs »76.

46 Malheureusement, pour intéressant qu’il eût été de le connaître, nous ne savons rien du

« système de valeurs » des marchands du Congo ancien, même à la fin du XIXe siècle.

Toutefois, au tournant de ce siècle, une lettre du roi du Congo D. Henrique V (1896-1901),

datée du 8 février 1901, prouve que les marchands congolais se trouvaient à tel point pris

dans une économie à prix variables, qu’ils étaient conscients de la gêne que pouvait leur

imposer la loi du marché. Les quatre destinataires de cette lettre s’étaient rendus à

Luanda, pour se plaindre du fait que les négociants européens ne payaient plus les prix de

naguère pour les denrées et matières premières d’origine congolaise. Bien que cette crise

fût due à la conjoncture en Europe, on s’en était débarrassé, à Luanda, en leur expliquant

– ce qui était faux, mais parfaitement vraisemblable pour un Africain de mentalité

traditionnelle – que c’était le roi du Congo qui fixait les prix77. Ils s’étaient donc ensuite

adressés à D. Henrique V, qui commence, dans sa réponse, par attirer leur attention sur

« la crise contre laquelle nous luttons ». Il parle de la « baisse des denrées, dont le prix

n’est plus celui auquel on les achetait auparavant ».

47 « ... ce n’est nullement ma faute, parce que le commerce est libre [...]. Bien que roi, je n’ai

rien à voir avec ce que font les négociants [européens] et le gouvernement de Luanda [...]

Je vous affirme donc que le commerce est libre et que les négociants portugais reçoivent

des ordres de leurs patrons, conformément au prix du marché (conforme o cambio), et non

pas du roi, ni de moi, ni du gouvernement [de Luanda]. La même chose nous arrive ici

(café, maïs, cocnote78, ne valent presque rien), et c’est pourquoi tout le monde se consacre

au commerce du caoutchouc. Et vous, pourquoi n’en faites-vous pas autant ? »79.

48 Il semble assez curieux, et comme une ironie du sort, que le roi lui-même, personnage

traditionnellement opposé à toute évolution vers une économie de marché, soit ainsi

amené à la justifier auprès de ses sujets après l’avoir admise.

6. L’ALPHABETISATION

49 Commencée au temps de D. Afonso I, l’alphabétisation ne semble pas avoir donné de

résultats tangibles avant la fin du XVIe siècle. Même alors, l’enseignement que

dispensaient les missionnaires n’était suivi que par une petite minorité appartenant à la

caste dirigeante. Jamais les Congolais ne parvinrent à organiser eux-mêmes l’instruction

publique80.

50 Les données sur le degré d’alphabétisation et sur sa diffusion sont rares et dispersées, et il

est difficile d’en donner une image précise.

51 Parlant de São Salvador, un témoin de la fin du XVIe siècle note qu’« à présent ils [les

Congolais] commencent à tenir école et à enseigner à lire et à écrire, à quoi ils sont fort

affectionnés »81. Cet enseignement fut certainement encadré par les missionnaires.

52 En 1619, l’évêque Manuel Baptista observait que « beaucoup de Congolais d’un certain

rang savaient lire »82. Dans le Soyo, en 1610, Pierre van den Broecke a vu « huit ou dix

écoles comme au Portugal. Tous les enfants apprennent le portugais et reçoivent

l’instruction de cette langue »83. L’existence d’une école est attestée au Soyo, en 1660 et

encore en 168984. En 1643, des ambassadeurs du Soyo, reçus par les Hollandais au Brésil,

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« comprenaient parfaitement le latin et firent divers discours érudits en cette langue »85.

Le secrétaire du prince du Soyo sait lire et écrire le portugais en 170086 ; en 1775, c’est le

prince lui-même qui est lettré87.

53 Cette alphabétisation était, reconnaissons-le, limitée à São Salvador et aux capitales des

provinces. L’écriture est néanmoins partout accueillie avec grand enthousiasme.

« Beaucoup », dit Cavazzi, « après avoir appris à écrire les caractères européens [...] s’y

habituent de façon stupéfiante. Ils posent leur planchette par terre, ou sur un genou et,

dans cette posture, qui serait sans doute peu confortable pour nous, ils peuvent, car ils en

ont l’habitude, rester immobiles plusieurs heures sans se fatiguer et sans sentir la

moindre gêne »88. Était-ce le prestige « magique » de l’écriture, ou son utilité pratique, qui

suscitait cet engouement89 ?

54 Les Congolais étaient si avides de s’instruire, qu’ils étaient capables de « vendre tout ce

qu’ils avaient pour acheter un livre ou un manuscrit »90, qui pouvait leur coûter fort cher.

Au milieu du XVIIe siècle, une feuille de papier valait l’équivalent d’une poule, aussi

préférait-on se servir de feuilles de bananier, excellent substitut. Une grammaire ne

coûtait pas moins de 10 écus, et le prix d’un missel était aussi élevé que celui d’un esclave91.

55 Mais bientôt le pouvoir, craignant de voir se créer une intelligentzia rebelle, s’efforcera de

freiner l’alphabétisation. « Aussitôt qu’ils sont arrivés à bien copier la grammaire, ou

qu’ils ont appris à lire et à écrire le portugais, le roi leur fait cesser leurs études et les

affecte à d’autres occupations »92.

56 Au XVIIIe siècle, l’ardeur des Congolais à s’instruire diminue ; Bernardo da Gallo notait en

1710 qu’ils « apprennent à lire et à écrire, mais ceux-là sont peu nombreux et étudient

peu »93.

57 Fait significatif, il ne semble pas que les Congolais se soient jamais servis de l’écriture à

des fins bureaucratiques. Elle n’avait, à leurs yeux, d’autre but que de leur communiquer

le christianisme et le savoir des Européens.

58 Au XIXe siècle, la connaissance de l’écriture ne s’est pas perdue, mais elle demeure

restreinte à l’entourage du roi. L. Jadin a publié en traduction française les lettres

autographes du roi D. Garcia V au roi de Portugal, entre 1813 et 181594. António de

Almeida a publié, de son côté, une série de lettres écrites en 1863 par D. Alvaro XIII. Ce roi

régnait à São Salvador de 1858 à 1859, année où il fut chassé du trône par D. Pedro V

(1859-1891) avec l’aide des Portugais. Il se réfugia à Nkunga, d’où il écrivait aux chefs des

Dembos, se proclamant toujours roi du Congo, et les appelant à la révolte contre

l’établissement des Portugais à Ambriz, qu’ils avaient occupé en 1856 : il voulait amener

les Dembos à refuser de leur payer l’impôt et d’employer une monnaie de cuivre qu’ils

avaient mise en circulation.

59 La langue écrite du secrétaire de D. Alvaro XIII est un portugais très approximatif, très

pénible à déchiffrer. Voici d’abord le portugais original, puis une tentative d’adaptation

en portugais correct, et enfin une traduction française de sa lettre du 29 janvier 1863 :

60 29 de janeiro de 1863 / Ao Dembo Fuqueaquitupa D. Gde por muitos anu...

61 Mandamento Saudamento mandamento dea [mor]

62 Como vos e meu Dembo por que Pasado mui[o] Tempo não escrevere me atem agolla empo[rtanto]

Ev Rei do Congo mando Co Frimo não dara o Dízimo do Rei de Portugal por que o Rei de Portugal Fa

[zeré] couza novo o que não faz[ere]Nosos atempasado emportante vos Fazere Cogouegal De todos

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Dembos para Fazere guerra Foi no A Collo para quebera Fortareza Na Briz [...] Tambem vos Fazere

Caria Foi Napereza Na Briz aCollo elle guerezo Sim Sim não quero Quebra Fortareza vos pormeteo os

Seos povo n[ão] Não Fazere mais Negosio de maquata ev Fiqui porisso. Quando chegaramos mes

deSetebro Fazere guerra.

63 Subri No Reino do Congo tambem mando secreto para [...] Chegara aquim tambem Dembos Cada

quai Dembo Cade anno 30 Siada por ev Rei de Congo o meu Secretario 15 Siadas com jelle deosa.

64 Por Sua mildemente ev tambem não Farta Pelles deosa e Sima de 30 Siadas não Farta [Pelles] deosa

Hoie 29 de Janeiro de 1863 ann.

65 Do Rei do Congo D. Alvaro 1395.

66 Adaptation en portugais moderne :

67 Ao Dembo Fuquiaquitupa D. Gde por muitos anns...

68 Mandamento saudamento mandamento de amor.

69 Como vós sois meu dembo, porque desde hâ tante tempo até agora, me não escreveis ?

70 Portanto, eu Rei do Congo mando e confirmo que vos não déis o dlzimo ao Rei de Portugal porque

êsse soberano mandou fazer coisas novas que nunca foram feitas no tempo dos nossos

antepassados.

71 Portanto, tenciono congregar todos os dembos a-fim-de fazer a guerra e ir ao Icolo para quebrar a

fortaleza do Ambriz.

72 Guerreio, sim ; porque não quero a fortaleza, prometo-vos e aos vossos povos que a destruirei.

73 Não fareis mais negôcio de maquata ; eu fico convencido disso. Quando chegar o mes de Setembro

declararei a guerra.

74 Saberei que no reino do Congo também eu mando. Aqui chegarão também todos os dembos, cada

um deles, e em cada ano, trará 30 enxadas para mim, e 15 enxadas e uma pele de onça para o meu

secretdrio.

75 Peço humildemente que me não faltem também com as peles de onças ou de linces et com as 30

enxadas ; não faltem com as peles de onças.

76 [N Kunga] Hoje 29 de Janeiro de 1863/Do Rei do Congo Alvaro 13. (La lettre porte le sceau royal du

Congo, en papier)96.

77 Traduction en français :

78 « Salut et amitié.

79 Vous qui êtes mon Dembo, pourquoi y a-t-il si longtemps que vous ne m’avez écrit ?

80 Or donc, en tant que Roi du Congo, je vous ordonne et j’insiste sur ce point, de ne pas

verser la dîme au Roi de Portugal, car ce souverain a fait faire des choses qui n’ont jamais

été faites du temps de nos ancêtres.

81 Aussi ai-je l’intention de réunir tous les Dembos, afin de faire la guerre et d’aller vers

l’Icolo pour détruire la forteresse d’Ambriz.

82 Effectivement, je fais la guerre parce que je ne veux pas de cette forteresse, et je vous

promets, à vous et à vos peuples, que je la détruirai.

83 Je suis convaincu que vous n’emploierez plus de maquata97 pour le commerce. Quand

viendra le mois de septembre, je déclarerai la guerre.

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84 Sachez que dans le Royaume du Congo je suis le Maître, moi aussi. Tous les dembos

viendront ici. Tous les ans, chacun d’eux m’apportera 30 houes pour moi, 15 houes et une

peau de panthère [léopard ?] pour mon secrétaire.

85 Je vous prie humblement de ne pas manquer de m’apporter les peaux de panthère ou de

lynx et les 30 houes ; ne manquez pas de fournir les peaux de panthères »98.

86 En 1879, Bentley observait que le secrétaire du roi D. Pedro V, D. Garcia, parlait et écrivait

bien le portugais99. Mais on peut douter de la compétence du missionnaire anglais pour

juger un texte portugais.

7. LES EMPRUNTS TECHNIQUES

87 Si l’introduction des plantes américaines eut, en fait, une large répercussion sur

l’agriculture au Congo, en revanche nulle introduction d’animal domestique n’y

déclencha (comme celle du cheval en Amérique, par exemple) de révolution dans le mode

de transports. Quatre siècles après l’arrivée des Européens, les Congolais ignorent

toujours l’animal de bât, la traction animale, la charrue et la roue. La raison en est peut-

être que la mouche tsé-tsé freine l’élevage et exclut la présence du cheval.

88 Très vite, l’extraction du fer déclina près de la côte, les forgerons congolais préférant

acheter de la ferraille européenne100. Si dans l’intérieur, à Bembe notamment, on s’y

livrait encore au milieu du XIXe siècle, comme en témoigne Jeannest 101, la métallurgie

indigène est aujourd’hui « une industrie complètement morte » ; partout, les forgerons se

bornent à utiliser la ferraille européenne102. « L’art du forgeron est en décadence depuis le

XVIIe siècle à tout le moins », écrit Rob Wannyn103.

89 L’apparition des tissus européens ne semble pas, du moins pas encore à la fin du XVIe

siècle, avoir porté un coup mortel à la filature et au tissage du coton local104, mais les

techniques employées demeurent rudimentaires et n’accusent aucune influence

européenne.

90 Au milieu du XVIIe siècle, les Congolais fabriquent eux-mêmes des clous 105, mais ils

achètent aux Européens de « gros loquets » (maelslot)106, « des fermetures de malles ou

espèces de cadenas de coffres »107, des scies et des tarières108. A São Salvador, on fabrique

des bougies avec de la cire – « il y en a plus que je n’aurais pensé », dit Jean François de

Rome109.

91 Si l’on considère les différents points évoqués, il ne semble pas que l’acculturation ait été

bien profonde. Au moment du premier contact, l’écart entre les deux niveaux de

connaissances techniques (européen et congolais) était déjà trop grand pour qu’une

osmose puisse avoir lieu. La technique européenne apparaissait aux Congolais non comme

telle, mais comme un pouvoir magique qu’il eût été vain de vouloir assimiler de façon

rationnelle. Au lieu de l’apprendre, ils ont donc dû choisir d’acheter avec la plus

humiliante des monnaies – des hommes – les biens qu’elle procurait. Ainsi l’évolution

technique qui se dessinait chez eux (ils étaient parvenus à un stade assez proche de celui

de l’Europe médiévale) s’est trouvée stoppée, puis on a assisté à une régression.

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NOTES

1. M.M.A., vol. VII, p. 382 (doc. de 1625).

2. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 132 (texte de la fin du XVI

e siècle), et João de Barros, Décadas da Asia, déc. I, liv. III, cap. IX.

3. D’après Proyart, « Les rois de Kakongo ne peuvent posséder ni même toucher, des différentes

marchandises qui viennent d’Europe, que les métaux, les armes et les ouvrages en bois et en

yvoire. Les Européens et les Nègres qui sont vêtus d’étoffes d’Europe ne sont pas admis dans leur

Palais » (cf. abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p.

145). Le roi du Monomotapa, au XVIe siècle, ne porte que des cotonnades fabriquées dans le pays ;

ses nobles s’habillent de tissus importés d’Inde (cf. João de Barros, Décadas da Asia, déc. I, liv. X,

cap. I).

4. Rui de Pina, Croniqua de el-Rey Dom Joham II, cap. LX.

5. P.M., p. 200 et P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, p. 107.

6. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 123.

7. Rui de Pina, Croniqua, cap. LX, et M.M.A., vol. VII, p. 382 (texte de 1625).

8. Cf. Andrew Battell, in E.G. Ravenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, p. 75 (« Le bétail

européen, chevaux et vaches, s’est tellement développé dans le nouveau monde [l’Amérique du

Sud] qu’on n’y hésite pas à tuer des bêtes, les unes pour leur peau, les autres pour leur queue »).

9. Il remplaça la « bannière du Christ, offerte par les Portugais au roi D. João I en 1491 (cf. Rui de

Pina, Croniqua, cap. LXIII).

10. Cf. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV

(1963), pp. 400 et 404.

11. M.M.A., vol. I, p. 528.

12. João de Barros y fait allusion au Monomotapa (cf. João de Barros, Décadas da Asia, Lisbonne,

1552, déc. I, liv. III, cap. X) ; J. Roscoe au Buganda (cf. J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911, p. 341).

13. Cf. J. Gossweiller, « Nomes Indigenas de Plantas de Angola », in Agronomia Angolana, Luanda, n

° 7 (1953), p. 224.

14. Une description impressionnante d’une ordalie au Congo est donnée par Charles Jean-nest,

Quatre Années au Congo, Paris, 1883, pp. 223-227. Pour la place de l’ordalie dans la rationalisation

progressive du droit à travers l’histoire, cf. Max Weber on law in Economy and Society, trad. angl.

d’Ed. Shils et de Max Rheinstein, Harvard Univ. Press, 1954, pp. 86-97.

15. Cf. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo », in Bull de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV

(1963), p. 400.

16. Cf. L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc.

XXXIII (1961), p. 463.

17. Cf. L. Jadin, « Relation sur le Royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire

de 1791 à 1795 », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, vol. III, fasc. 2 (1957), p. 331.

18. Instructions à Simão da Silva (1512), in M.M.A., vol. I, pp. 233-234.

19. Livro das Ordenações Manuelinas, Lisbonne, éds. de 1512 ou 1513, 1514 et 1521.

20. M.M.A., vol. I, p. 374.

21. Ibid., pp. 233-234 (texte de 1512).

22. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 202.

23. João de Barros, Décadas da Asia, déc. I, liv. III, cap. X.

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24. Pigafetta, 11b. II, cap. VII (p. 119 de la traduction française de Willy Bal). Un texte de la fin du

XVIe siècle donne une image analogue de l’habillement des Congolais : « Les nobles sont vêtus de

soie ou d’autres étoffes fines et, sur la tête, ils portent des bonnets rouges, d’autres de velours,

quelques-uns portent des chapeaux. Les femmes sont couvertes de la tête jusqu’aux pieds. Celles

qui le peuvent portent un bandeau autour de la tête, ont le visage découvert et portent des

chaussures » (cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, pp. 142-143.

25. Ibid., p. 119 de l’édition citée.

26. J. Cuvelier et L. Jadin, op. cit., loc. cit.

27. Ibid., op. cit., p. 201.

28. Cavazzi, lib. I, § 343.

29. José de Oliveira Ferreira Diniz, Popufapões Indígenas de Angola, Coïmbre, 1918, p. 41.

30. Pigafetta, lib. II, cap. I.

31. Cavazzi, lib. I, g 51.

32. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 89.

33. Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo, p. 68.

34. J. Cuvelier, Documents sur une Mission Française au Kakongo, 1766-1776, in Mémoire I.R.C.B., t.

XXX, fasc. 1 (1953), p. 50.

35. R. Portères, « Berceaux agricoles primaires sur le continent africain », in Journal of African

History, vol. III, n° 2 (1962), p. 195.

36. Pierre Gourou, « Les Plantes alimentaires américaines en Afrique tropicale, Remarques

Géographiques », in Actas do III Colóquio Internacional de Estudos Luso-Brasileiros, Lisbonne, 1959, vol.

I, p. 52.

37. Cavazzi, lib. I, § 52.

38. Pierre Gourou, art. cit., loc. cit.

39. Jean François de Rome, Brève Relation, éd. Bontinck, p. 90.

40. Cavazzi, lib. I, § 87.

41. Ibid., 286 (Gli habitatori delle spiagge cotidianamente se ne seruono in vece di pane).

42. António Barroso, in A. Brásio, António Barroso, Missionário, Cientista, Missiólogo, Lisbonne, 1961,

p. 118.

43. Elias Alexandre da Silva Corrêa, História de Angola (1792), vol. I, p. 139 (« La côte de Cabinda et

de Molemba est couverte de plantations de cette racine, qui est rare en Angola »).

44. António Barroso, in A. Brásio, op. cit., p. 65.

45. Cf. Pierre Gourou, art. cit., pp. 57-58.

46. Cavazzi, lib. I, § 51 (cf. aussi António Barroso (1886), in A. Bràsio, op. cit., p. 58).

47. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 96. Cf. aussi W. R. Stanton, Grain Legumes in

Africa, F.A.O., Rome, 1966, pp. 106-113.

48. Jean François de Rome, op. cit., p. 96.

49. Ibid., p. 94.

50. Cavazzi, lib. I, § 79.

51. Pigafetta, lib. II, cap. I, et Cadornega, op. cit., t. III, p. 370.

52. Pigafetta, loc. cit.

53. Cavazzi, lib. II, § 83.

54. Jean François de Rome, Brève Relation, p. 91.

55. Ibid., p. 91.

56. M.M.A., vol. VI, pp. 375-377.

57. Cf. G. Simonetti, « P. Giacinto Brugiotti da Vetralla e la sua missione al Congo », in Bol. soc.

geog. ital. (1907), vol. VIII, p. 321.

58. António Barroso, in A. Brásio, António Barroso..., p. 66.

59. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 99.

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60. H. H. Johnstone, « On the Races of the Congo and the Portuguese Colonies in Western Africa »,

in Journal of the Roy. Anthrop. Inst., vol. 13 (1883), p. 475, et J. K. Tuckey, Narrative to Explore the River

Zaire (1816), Londres, 1818, p. 121.

61. Cadornega (1680-1681), t. III, p. 352.

62. António Barroso, in A. Brásio, António Barroso..., pp. 113-114.

63. Cf. Charles Jeannest, Quatre Années au Congo [1869-1873], Paris, 1883, pp. 266-267. Aucun de ces

deux produits ne figure parmi les exportations en 1845 (cf. E. Bouët-Willaumez, Commerce et Traite

des Noirs aux côtes occidentales d’Afrique, Paris 1845, p. 166.

64. Dans l’empire Luanda, le monopole royal du commerce est toujours en vigueur au milieu du

XIXe siècle, malgré le développement considérable des échanges avec l’Angola et le Mozambique

(cf. Joaquim Rodrigues Graça, « Expedição ao Muatayanvua (1843-1845) », in Bol. Soc. Geog. Lisboa, 9e sér., n° 1 (1890), p. 446), et A.C.P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1854, p. 360 : « Le Muata a

fait du commerce son propre monopole, qu’il s’agisse des échanges avec les marchands qui

viennent sur son territoire, ou d’expédier ses produits à l’exté-rieur pour les vendre là où il sait

qu’ils trouveront preneur »). Sur la problématique générale de la question, cf. George Dalton,

« Traditional Production in Primitive African Economies », in Quarterly Journal of Economics, vol. 76

(1962), pp. 360-378.

65. Sur le mot Pombeiro, cf. l’étude très fouillée de Willy Bal, « Portugais Pombeiro, commerçant

ambulant du sertão », in Annali dell’Instituto Universitario Orientale (sezione romanza), Naples, t. VII,

n° 2 (1965), pp. 123-161.

66. M.M.A., vol. I, pp. 489-490.

67. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 135 (texte de la fin du

XVIe siècle).

68. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 115.

69. Cf. J. Cuvelier, « L’Ancien Royaume du Congo d’après Pierre van den Broecke », in Bull. des

Séances de l’A.R.S.C, t. I, fasc. 2 (1955), p. 408.

70. Cavazzi, lib. IV, § 80.

71. Cadornega, t. II, p. 271. Ceux que Burton rencontra au XIXe siècle près de Calumbo, non loin de

Luanda, étaient « des forgerons qui, comme les gitans, s’éclipsent lorsqu’il est question de payer

des impôts. On ne les méprise pas, mais ils appartiennent à une caste séparée ». (Cf. R. F. Burton,

Two Trips to Gorillaland and the Cataracts of the Congo, Londres, 1876, Pt II, p. 37.

72. Cf. L. Jadin, « Les Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull-de l’inst.

Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 230.

73. A notre connaissance, la première référence à des marchands agissant seuls date de la fin du

XIXe siècle. Il s’agit des Bangála de Cassange : « La plus grande ambition d’un Mungála est de

posséder une banza (compound), entouré d’esclaves. 11 travaille à cette fin durant des années,

obtenant une pièce de tissu aujourd’hui, un esclave demain, jusqu’à ce que, les ayant réunis en

quantité suffisante, il s’établisse définitivement afin d’envoyer ses esclaves trafiquer pour lui ».

Cf. H. Capello et R. Ivens, De Benguella as Terras de Iácca, Lisbonne, 1881, vol. I, p. 295.

74. Ralph Delgado, História de Angola, vol. IV, p. 73.

75. L. Jadin, « Relation sur le Royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de

1791 à 1795 », in Bull, des Séances de l’Acad. Roy. des Sc. Col., t. III, fasc. 2 (1957), p. 334.

76. J. Vansina, Le Royaume Kuba, Tervuren, 1964, p. 22.

77. Cf. António de Almeida, « Mais subsidios para a história dos reis do Congo », in Congresso do

Mundo Português, Lisbonne, 1940, vol. VIII, pp. 643-696.

78. L’amande du fruit du palmier à huile.

79. António de Almeida, art. cit. Almeida croit à l’intervention de personnes « civilisées » (sic)

dans la composition de cette lettre.

80. Notons qu’au XIXe siècle les Noirs d’Ambaca, en Angola, avaient leurs propres écoles. Cf. W. H.

Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 170.

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81. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 135.

82. M.M.A., vol. VI, p. 377.

83. J. Cuvelier, « L’Ancien Congo d’après Pierre van den Broecke (1608-1612) », in Bull, des Séances

de l’A.R.S.C, t. I, fasc. 2 (1955), p. 183.

84. L. Jadin, « Le clergé séculier et les capucins du Congo et d’Angola aux XVIe et XVIIe siècles », in

Bull. de l’Inst. Hist. Belge de Rome, p. 223 et p. 247.

85. Joan Nieuhof, Memorável Viagem Marítima et Terrestre ao Brasil..., 1re éd. hollandaise,

Amsterdam, 1682, trad. brés. São Paulo, 1942, p. 94.

86. Jean Barbot, « A Voyage to Congo River », in Churchill, A Collection of Voyages and Travels,

Londres, 1732, vol. V, p. 503.

87. Cf. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome,

fasc. XXXV (1963), p. 380.

88. Cavazzi, lib. II, § 81.

89. Cf. à ce sujet, Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, Paris, 1955, chap. VIII ; et aussi Claude-

Hélène Perrot, « Premières années de l’implantation du christianisme au Lesotho, 1833-1847 », in

Cahiers d’Études Africaines, vol. IV, n » 1 (1963), pp. 110-122.

90. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 131 (texte de la fin du XVIe

siècle).

91. G. Simonetti, « Giacinto Brugiotti da Vetralla e la sua missione al Congo », in Bol. Soc. Geog.

Ital., série IV (1907), vol. VIII, n° 5, p. 377.

92. Giacinto Brugiotti da Vetralla, in Violante Sugliano, « Il P. Giacinto e la sue missione al

Congo », in L’Italia Francescana, IV, Rome (1929), p. 538 (texte du milieu du XVIIe siècle).

93. Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst.

Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 483.

94. L. Jadin, « Recherches dans les archives et bibliothèques d’Italie et du Portugal sur l’Ancien

Congo – II. Lettres de D. Garcia V, 1813-1815 », in Bull. des Séances de l’A.R.S.C, t. II, fasc. 6 (1952),

pp. 961-968.

95. António de Almeida, « Subsidios para a História dos reis do Congo », in Congresso do Mundo

Português, Lisbonne, 1940, vol. VIII, p. 508.

96. António de Almeida, art. cit., p. 509.

97. Pièces de monnaie portugaises en cuivre – cf. A. Bastian, Ein Besuch in San Salvador, Brême,

1859, p. 191.

98. Traduction de Mme S. Biberfeld.

99. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres 1900, vol. I, p. 169.

100. J. Cuvelier et L Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 114 (texte de la fin du XVIe

siècle) ; António Barroso, « O Congo, seu passado, presente e futuro » (1889), in A Bràsio, António

Barroso..., p. 123.

101. Charles Jeannest, Quatre Années au Congo [1869-1873], Paris, 1883, p. 154.

102. Manuel Alfredo de Moraes Martins, Contactos de Cultura no Congo Português, Lisbonne, 1958, p.

34.

103. Rob L. Wannyn, L’Art Ancien du Métal au Bas-Congo, Champles (Belgique), 1961, p. 60.

104. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, Londres, 1914, p. 92.

105. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 116.

106. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 519.

107. F. Cappelle (1642), in L. Jadin, « Bivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in

Bull. de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 229.

108. J. Cuvelier, Relation sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), p. 115. 10. Jean François de

Rome, Brève Relation (1648), p. 96.

109. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 96.

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Chapitre XVI. La Basse-Guinée aux XVIIIe et XIXe siècles

1. L’ESSOR DES ÉTATS COURTIERS

1 La disparition, à la fin du XVIIe siècle, du royaume du Congo, sombrant dans l’anarchie qui

suivit la bataille d’Ambuíla (1665), entraînera l’usage, de plus en plus répandu au siècle

suivant, de l’expression « Basse-Guinée » pour désigner la côte occidentale, depuis le cap

Lopez jusqu’à Luanda. Elle concerne plus particulièrement les anciens vassaux maritimes

du grand empire de l’intérieur, transformés en États courtiers par ce processus de

« désatellisation », dont nous avons relevé les premiers signes au XVIe siècle.

2 Les États courtiers formeront un écran entre les négociants européens (qui s’éloignent

rarement de leurs bateaux au delà de la plage) et les deux nouveaux grands empires de

l’intérieur, dont l’essor commence alors que le Congo est à son déclin : le royaume Bateke

du Mucoco1 et l’empire Lunda du Muataianvo2.

3 Du fait de leur fonction d’écluses réglant le commerce entre l’hinterland et la côte,

l’organisation politique de ces États courtiers tiendra à des facteurs plus directement

mercantiles que militaires ou charismatiques.

4 Ce sont : le Loango, le Kakongo, l’Angoï, le Soyo, le Mussul, le Matamba et le Cassange3.

Ces deux derniers se trouvent repoussés dans l’intérieur, sur la frontière orientale de la

colonie portugaise de l’Angola.

2. LE LOANGO

5 Les origines du royaume de Loango sont obscures. Avant de passer sous la domination

congolaise4, ses habitants, cannibales selon une tradition rapportée par Dapper, vivaient

en petites chefferies perpétuellement en guerre les unes contre les autres5. Le Loango est

indépendant en 15876, sans doute depuis longtemps déjà. Malgré la perte, dans le premier

quart du XVIIe siècle, de son hégémonie sur ses deux voisins, le Kakongo et l’Angoï 7, il

demeurera néanmoins tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles le plus puissant des trois

royaumes situés entre le cap Lopez et le fleuve Congo8.

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6 Proyart (1776) indique, comme limites du Loango, le « quatrième degré cinq minutes » de

lat. sud, jusqu’à la rivière Luango Luisa9, l’actuelle Massabe (5° 1’de lat. sud) 10. En 1883, le

lieutenant Cordier donne au royaume ancien des limites différentes : il s’étendait jadis,

selon lui, de la rivière Longebonde au nord, jusqu’au Chiloango au sud. Mais du temps de

Cordier, la souveraineté du roi ne s’exerçait que sur la partie de la côte située entre le

Cuilu et Pointe Noire11. Au nord du Loango ancien se trouvait autrefois le royaume de

Mayombe, à l’est le royaume Bateke et un autre royaume Mayombe12.

7 Les institutions politiques ressemblent à celles du Congo, sauf en ce qui concerne une

coutume originale : la succession (matrilinéaire) passe en principe, par rotation, de l’un à

l’autre des gouverneurs des quatre provinces, tous fils des sœurs du roi. Ces provinces

sont : le Caya, le Mbuku, le Selanganga et le Kibanga13. Selon Proyart, la sœur et la mère

du roi n’habitent pas la capitale, mais d’autres villes du pays. La capitale, nommée Buali,

est située à un mille (hollandais) dans l’intérieur et elle est, selon Dapper (1668), de la

grandeur d’Amsterdam « avant sa dernière extension »14. Le roi est entouré d’un Conseil

d’État composé, toujours selon Dapper, de ministres portant les titres suivants : le Mani-

Bomme, le Mani-Mambo, le Mani-Beloor ou Mani-Belullo, le Mani-Kinga, le Mani-Matta, etc.

Chacun est gouverneur de province et en même temps chargé de fonctions

administratives. Le principal, le Mani-Bomme est chargé des affaires de la mer, c’est-à-dire

du commerce avec les Blancs. Le Mani-Beloor est une sorte de commissaire de police,

chargé d’instruire les cas de sorcellerie et de soumettre les coupables à l’ordalie ; le Mani-

Malta commande l’armée15. Proyart (1776), traduisant sans doute une évolution au cours

du siècle qui sépare les deux témoignages, donne une liste différente : le Ma-Ngovo, le Ma-

Npoutou, le Ma-Kaka, le Ma-Fouka et le Ma-Kimba. Le Ma-Ngovo est « ministre des Affaires

étrangères et introducteur des étrangers à la cour » ; le Ma-Npoutou est « associé au

département du Ma-Ngovo » ; le Ma-Kaka est « ministre de la Guerre et en même temps

généralissime des armées » ; le Ma-Fouka, que « les François appellent Mafouque est le

ministre du Commerce, il est aussi chargé de la police générale des marchés ». Le Ma-

Kimba est « le grand-maître des eaux et forêts ; c’est lui qui a l’inspection sur tous les

bateliers, les pêcheurs et les chasseurs et c’est à lui qu’on adresse le poisson et le gibier

qu’on destine au Roi. On compte encore au nombre des ministres un Mani-Banza, un Mani-

Belé et quelques autres dont on ignore les fonctions »16.

8 Les Portugais vont commercer au Loango dès 1575 environ, les Hollandais à partir du

début du XVIIe siècle17. Ceux-ci sont les premiers à y pratiquer la traite, à partir de 163718.

9 En 1663, le roi accepte de se faire baptiser par un capucin, le P. Bernardo Unghero19, mais

cette tentative de christianisation, suivie d’une autre entre 1766 et 1776 par des

missionnaires français, ne mena à aucun résultat durable20.

10 Vers la fin du XVIIIe siècle, le Loango connaît une décadence, dont profitent ses deux

voisins, le Kakongo et l’Angoï. « La traite », écrit Degrandpré (1787), « se concentre à

Malemba [port du Kakongo], Loango est le plus petit des trois royaumes »21.

11 La fin de la traite, aux environs de 1860, lui portera le coup mortel ; en 1883, l’autorité du

roi n’est guère admise qu’à Loango même, le port du pays. Par le « traité de Protectorat »

proposé en cette même année par le lieutenant Cordier et signé par le roi, la France

occupe toute la côte autrefois dominée par les rois de Buali22.

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3. LE KAKONGO, L’ANGOÏ, LE SOYO ET LE MUSSUL

12 Le Kakongo et l’Angoï apparaissent encore dans les titres du roi du Congo en 1539,

apparemment comme vassaux, mais rien ne prouve qu’ils n’aient pas été déjà

indépendants à cette date23. On sait avec certitude qu’ils l’étaient en 160724. Les ports des

royaumes de Kakongo et d’Angoï sont respectivement Malemba et Cabinda. Pendant tout

le XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe, la traite y sera florissante, et à Cabinda

encore en 184525.

13 Le Soyo obtint son indépendance du Congo par une série de guerres qui durèrent de 1636

à 164826. Son essor se situera dans la seconde moitié du XVIIe siècle, il est dû surtout au

commerce des Hollandais dans le port de Pinda. Rares sont les renseignements sur le Soyo

au XVIIIe siècle ; les habitants sont réputés lusophobes27, et même xénophobes, exception

faite des missionnaires capucins italiens.

14 Dans le Kakongo, l’Angoï et le Soyo, les principaux personnages qui composent

l’entourage du roi portent des titres identiques. Le Mafouque est ministre du Commerce et

chargé de la police générale des marchés au Kakongo28, arbitre des différends entre Noirs

et Blancs en Angoï (1702-1706)29, chargé de l’accueil des Blancs au Soyo (1700)30. Le

Mangofo est ministre des Affaires étrangères et introducteur des étrangers à la cour au

Kakongo (1776)31, ce titre est simplement cité en Angoï (1766)32, nulle source n’en parle au

Soyo. Le Machingue est mentionné dans les trois royaumes, mais ses fonctions ne sont pas

spécifiées33. Quant au Mambouck et au Manibelle, ils n’apparaissent qu’au Kakongo et en

Angoï34.

15 Le Mussul, petite chefferie de la province de Mbamba au XVIe siècle 35, se voit appelé

« marquisat » à la fin du XVIIe siècle, comme vassal du duc de Mbamba36. En dépit de sa

proximité périlleuse de Luanda, il acquerra au milieu du XVIIIe siècle indépendance37 et

puissance grâce au commerce des Anglais, qui fréquentent le port d’Ambriz à partir de

1760 environ38. En 1790-1791, voulant freiner cette concurrence étrangère et

préjudiciable à leur propre commerce, les Portugais firent la guerre au Mussul39. Le

marquis fut contraint de se déclarer pour un temps vassal de Luanda40, mais il devait

bientôt reprendre son indépendance. En 1888, le « roi » de l’époque, D. Garcia, dut faire

comme son prédécesseur41. Ce n’est pourtant que dix ans plus tard, en 1898, que les

Portugais purent incorporer définitivement le Mussul à l’Angola42.

4. LES ÉTATS COURTIERS MARITIMES ET LECOMMERCE EUROPÉEN

16 Dapper (1668) est le premier à faire allusion au personnage du courtier (makelaer)43, dont

le rôle est décrit plus explicitement par un témoin anonyme de 1702-1706 :

17 « ... [Les courtiers] viennent trouver le Chef du Comptoir auquel ils disent qu’ils ont

trouvé un Marchand qui a, par exemple, deux esclaves à vendre : ils conviennent avec lui

qu’il en donne quatorze pièces de chacun. Le marché ainsi fait, ils y mettent une

condition et disent au Chef : vous vous êtes engagé de me donner quatorze pièces de

chacun des deux Noirs que je dois vous amener mais, si vous voulez que je vous en fasse

venir d’autres, il faut, quand le Marchand auquel ils appartiennent viendra pour vous les

vendre, que vous lui disiez que vous n’en voulez donner que sept pièces : je ferai en

194

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quelque sorte qu’il vous les laisse à ce prix et vous me remettrez les sept autres. Le

Directeur est obligé de passer par là »44.

18 Ne confondons pas le courtier avec le marchand itinérant, le Mubiri ; le courtier, lui, ne

voyage pas. Il peut s’agir d’un simple particulier, mais dans ce cas il n’osera pratiquer sa

profession qu’assuré de la complaisance du pouvoir à son égard, et seulement après que le

roi et les « grands » auront terminé leur propre commerce avec les Blancs de la manière

la plus avantageuse. L’atout principal du courtier, par rapport au marchand de l’intérieur,

est sa connaissance des habitudes européennes et de la langue portugaise,

universellement utilisée par les négriers européens. Mais le courtier ignore l’écriture et la

comptabilité écrite ; « ... on a beau faire, écrit Degrandpré, on ne les trompe jamais

longtemps, excepté sur ce qui demande trop de mémoire, car ne sachant point écrire, ils

ne peuvent tenir compte de rien »45.

19 D’ordinaire, les esclaves vendus aux Européens, dans les ports des États courtiers,

proviennent d’autres ethnies dans l’intérieur. « Tout esclave né dans le Royaume est sous

la protection de Mafouque et peut la réclamer contre son maître qui voudrait le vendre

aux Européens, à moins qu’il ne lui en ait donné le droit par son inconduite... » 46.

20 A l’arrivée d’un bateau européen, le préalable à toute transaction est la remise par son

capitaine des « coutumes », consistant en une série de cadeaux au roi et aux membres de

son entourage. L’importance de ces cadeaux varie en fonction du rang occupé dans la

hiérarchie politique par celui qui les reçoit. La tarification des coutumes devient, en effet,

un indice de la structuration politique de l’État courtier.

21 A Loango, en 1703, où la monnaie est la macoutte (natte de raphia), la reine (il n’y a pas de

roi) en reçoit 1 100 ; les fidalgues (notables de la cour) 750 chacun ; la mère et le fils du roi

280 pour tous deux ; le Manabaza, « capitaine de la côte » (sans doute le Mani-Bomme de

Dapper), 140 ; l’interprète 30047.

22 En 1703-1714, à Molemba, port du Kakongo, le Mafouque, le Mangofo et le Mambouck

reçoivent chacun moitié moins de « coutumes » que le roi ; le Manibelle, le « secrétaire »

ou interprète, ne reçoit que deux pièces de tissu48.

23 En 1700, à Cabinda, port de l’Angoï, le roi reçoit pour les « coutumes » 47 pièces, le

Mafouque 31 1/2, le Machingue, le Mambouck et le Manibelle 17 chacun49, mais en 1703-1714

le Mambouck en reçoit autant que le roi, le Mafouque la moitié, le Manibelle un quart50.

24 Après la remise des « coutumes », le roi et le capitaine s’entendent sur le prix en

« pièces »51 à verser pour les esclaves52, et sur les mesures anglaises, portugaises ou autres

à employer pour la longueur des tissus.

25 A Loango, en 1703, on se sert du раu (en portugais = bâton), mais il y a un pau de la reine,

de 28 pouces, celui des fidalgues n’a que 24 pouces et celui des particuliers 16 pouces 1/253.

26 Au Soyo, en 1700, Barbot parle du fathom du prince, de 6 pieds 2 pouces, et du fathom du

peuple de 5 pieds54.

27 L’« ajustage » des mesures, afin d’avantager les « grands » par rapport au peuple dans les

transactions commerciales, traduit une volonté des cadres politiques traditionnels de se

défendre contre les effets désagrégeants et égalisateurs du commerce européen. Nous

avons vu plus haut que le roi du Congo D. Diogo Ier avait déjà recouru à ce même

expédient55. Les négociants européens se voient également obligés de consentir aux

personnages politiques des prix inférieurs56.

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28 Sur la côte, entre le Loango et le Soyo, on assiste à travers tout le XVIIIe siècle à une hausse

constante du prix en « pièces » des esclaves :

29 Note 5757

30 Note 5858

31 Note 5959

32 Note 6060

33 Note 6161

34 Note 6262

35 Note 6363

36 A ces chiffres, il faut encore ajouter les frais de courtage, de l’ordre de 20 % en moyenne.

37 Le négrier gantois Van Alstein note une hausse de 50 % du prix des esclaves entre 1763 et

176664. Même l’Angola, pourtant soumis au monopole portugais, n’échappe pas au

mouvement, entraîné par la conjoncture extérieure. Elias Alexandre da Silva Corrêa

écrivait vers 1792 que le prix des esclaves avait monté « ces derniers temps » de 30 ou 35

jusqu’à 55 mille reis65.

38 Cette hausse était-elle due à une augmentation de la demande ou à une diminution de

l’offre ? Les éléments qui permettent de répondre à cette question sont extrêmement

fragiles, mais il semble bien que l’on assiste à un accroissement de la demande, qui

dépasse largement les possibilités qu’ont les États courtiers de la satisfaire.

39 A Loango en 1769, le marché est si peu fourni que les courtiers renoncent volontairement

à une partie des « coutumes »66. La pénurie se fait également sentir en 1774 à Malemba, où

les esclaves se vendent très chers67.

40 D’autres raisons sont avancées à l’époque pour expliquer la hausse du prix des esclaves :

la première est l’abaissement du prix des marchandises, consenti par certaines nations

européennes, l’autre est l’âpre concurrence entre les capitaines des négriers. Voici ce

qu’en dit Proyart (1776) :

41 « Les esclaves sont actuellement beaucoup plus chers qu’autrefois, au moins pour les

François ; car ils peuvent être chers relativement à une nation, et ne l’être pas pour une

autre : les François, les Anglois et les Hollandois font également leurs échanges avec des

marchandises, mais ces marchandises sont différentes ; en sorte que la chèreté des

esclaves, pour une nation, dépend du prix qu’elle met elle-même aux marchandises

qu’elle porte aux Nègres ; et ce prix, comme on l’imagine, doit varier à raison du plus ou

moins d’intelligence qui règne entre les particuliers qui font le même commerce. Il leur

seroit facile de ne payer les esclaves que leur juste valeur, et même au-dessous, s’il était

plus permis d’exercer le monopole, et d’être injuste envers le Barbare et l’Étranger, qu’au

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préjudice du citoyen ; mais par la mésintelligence des Capitaines, tout le contraire arrive :

les esclaves s’achètent comme à l’enchère, et plus que leur valeur. On fixe néanmoins

quelquefois un prix raisonnable, qu’on convient de ne point excéder dans les achats, mais

alors même chacun de son côté, désirant faire promptement sa traite, rend cette

convention illusoire, par un accord tacite qu’il fait avec les Courtiers, de leur payer en

secret un prix supérieur à celui dont ils seront convenus publiquement pour sauver les

apparences. La chose en est aujourd’hui au point que les Nègres craignent eux-mêmes que

les François ne prennent enfin le parti de renoncer à un commerce qui leur devient de

jour en jour plus dispendieux »68.

42 Quelle était, en ce dernier tiers du XVIIIe siècle, la compétitivité des manufactures

françaises sur cette côte, par rapport à celle des autres nations ? Les sources se

contredisent : Proyart laisse entendre que les commerçants français sont désavantagés

parce que leurs « prix de départ » sont trop élevés. Labarthe, parlant de la côte d’Angole69

en 1788, paraît le confirmer : « ... ils [les commerçants] apportent des objets de luxe qui

ne procurent pas de débouché à nos denrées et à nos manufactures »70. Mais voici

Degrandpré (1786-1787), qui déclare : « Les Français se sont emparés exclusivement du

commerce d’Angola, parce que leurs manufactures leur fournissent les objets de traite à si

bon marché, qu’ils pouvaient élever l’achat des esclaves à un prix qui ne permet pas aux

autres nations d’entrer en concurrence »71. D’une enquête globale sur la traite

internationale à travers l’Atlantique au XVIIIe siècle se dégagera la vérité que ces

contradictions ne permettent pas d’établir. D’après un auteur anglais de ce XVIIIe siècle

finissant, la rivalité commerciale sur la côte d’« Angole » se jouait surtout entre Français

et Hollandais, les Anglais menant leurs affaires plus au nord72.

43 Tant Proyart que Labarthe déplorent les conséquences naturelles de la loi du marché –

« la mésintelligence des Capitaines »73, « ils enchérissent les uns sur les autres »74. Proyart

va jusqu’à déplorer l’absence de solidarité raciale entre les différentes nations

européennes, car elle seule pourrait empêcher la loi du marché de jouer en faveur des

États courtiers.

44 Si l’ordre de prépondérance des nations européennes dans le commerce au nord du fleuve

Congo au XVIIIe siècle reste encore à établir, au XIXe, par contre, le rôle dominant de

l’Angleterre ne fait aucun doute. Le commerce britannique avec les régions autour de

l’embouchure du Congo passera d’un chiffre négligeable en 1807 jusqu’à atteindre la

somme de 2 millions de livres en 188475. Vers cette date, un rapport français note qu’il

avait triplé entre 1876 et 1883. Près de la moitié des exportations sont des cotonnades.

Selon le même rapport : « Toutes les étoffes vendues au Congo viennent on le voit

d’Angleterre. Les cotonnades de Manchester, de qualité très inférieure, mais d’un bon

marché extraordinaire, rendent toute lutte impossible à la fabrique de Rouen. Il en est

ainsi dans toute l’Afrique »76.

45 Théoriquement, la libre concurrence des nations européennes n’aurait dû jouer qu’au

profit des États courtiers, y stimulant le développement social et économique davantage

que dans l’Angola, soumis au monopole portugais77. Que se passait-il en réalité ?

46 « Le commerce qui s’exerce sur les côtes avec les étrangers n’intéresse », dit Proyart

(1776), « [...] qu’un très petit nombre de Particuliers, qu’on peut regarder comme les

riches et les puissants du Pays. Quant au peuple, ne connaissant de nécessité que celle de

se nourrir et de se vêtir, et de la manière la plus grossière et la plus simple, il borne son

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commerce à bien peu de choses... » [suit une description des marchés traditionnels

d’aliments locaux]78.

47 Le commerce européen du temps de la traite n’a donc nulle influence directe sur la masse

de la population et, exception faite de l’introduction des plantes alimentaires

américaines, ne change en rien le niveau de vie de celle-ci. Son principal effet est d’ordre

somptuaire et demeure restreint à quelques privilégiés. Il procure à ces rares

bénéficiaires des plaisirs éphémères, satisfait leur désir de parader avec des babioles et

des habits voyants, ou leur donne le goût des alcools forts et nocifs.

48 L’abolition progressive de la traite, effective seulement aux environs de 1860, obligera les

États courtiers à une reconversion salutaire de leur commerce traditionnel. Au lieu

d’êtres humains, ils exporteront des produits végétaux : l’huile de palme, l’arachide, le

sésame, l’orseille79, la gomme copal, le cocnot, la noix palmiste, le coton, le tabac, le café,

le bois de construction et de teinture et, vers la fin du siècle (1884 environ), le caoutchouc80.

49 Contrairement à ce que l’on pouvait attendre, et bien qu’il intéresse une plus grande

partie de la population qu’auparavant, ce commerce nouveau ne fera qu’accélérer le

déclin politique des États courtiers. Dans le troisième quart du XIXe siècle, leur

organisation sociale apparaîtra comme totalement dissoute dans l’anarchie81. Pourtant, le

volume des échanges avec les Européens ne fait qu’augmenter tout au long du XIXe siècle.

50 Assisterait-on en fait à une déstructuration sociale, accompagnée d’une intensification

progressive des échanges commerciaux et d’une mobilisation croissante des ressources

humaines et agricoles ? On serait mieux en droit de souscrire à ce paradoxe, s’il était

possible de l’étayer par des témoignages sur la vie dans l’intérieur pendant le dernier

tiers du XIXe siècle. Malheureusement, à notre connaissance, aucune constatation

n’éclaire directement le problème.

51 Bastian (1857) nous offre cependant un précieux témoignage, qui explique comment

certains marchands noirs réussissaient à passer en toute sécurité à travers des régions où

le morcellement de l’organisation politique était poussé à l’extrême :

52 « Chaque peuple, en Afrique, s’est assuré le monopole du commerce à l’intérieur de ses

frontières. Il reçoit les marchandises à sa frontière et les transporte jusqu’à celle du voisin

suivant, moyennant une taxe de transit, à payer par le propriétaire. [...] En plusieurs

points de ma route, on me signala que j’étais tenu par la loi de renvoyer mes gens et

d’engager comme porteurs des habitants du pays. Ce n’est que récemment que quelques

modifications sont intervenues, en raison de la nécessité de communications régulières

avec la côte, pour le commerce avec les européens. Quelques tribus ont su acquérir une

sorte d’impunité [...] soit par le paiement d’un tribut, soit par la crainte des maléfices de

leurs sorciers ; c’est ainsi que pour certains articles précieux, comme l’ivoire par exemple,

ils peuvent former une caravane qu’on laisse passer à travers les différents territoires.

Bien entendu, il n’y a aucun espoir d’obtenir d’eux le moindre renseignement, car toute

leur politique tend à entourer ce commerce du plus grand mystère »82.

53 Les mêmes forces surnaturelles, qui avaient autrefois servi de support à l’organisation

politique des États noirs, réapparaissent ici sous forme de sorcellerie, unissant et

protégeant un corps de métier83.

54 Au lieu de diriger leur commerce de leurs bateaux ancrés en rade, selon la coutume du

XVIIIe siècle, les négociants européens du siècle suivant installeront des comptoirs à terre.

Vers 1884, deux maisons françaises, quatre hollandaises, une belge, quatre anglaises et

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une portugaise tiennent des comptoirs en une vingtaine de points entre Loango et Ambriz84.

55 L’implantation des Européens sur le continent conduira inévitablement à des frictions

avec les Noirs et, pour défendre leurs droits, les Européens appelleront à l’aide des

bâtiments de guerre de leurs pays respectifs, croisant dans les eaux de l’Atlantique. C’est

ainsi qu’il y aura, entre 1845 et 1884, toute une série d’expéditions punitives contre des

chefs noirs de la côte, accusés de violences envers les gérants des comptoirs. En 1849,

1861, 1869 et 1875, les Anglais interviennent à l’embouchure du Congo. En 1849, ce sont

les Portugais, au même endroit. Les Français débarquent à Landana en 187685.

56 Cette situation anarchique, issue de l’émiettement et de la désagrégation de

l’organisation politique indigène, demeure dangereusement ambiguë en termes de droit

international. Elle ne se stabilisera que lorsque, à la suite de la Conférence de Berlin, les

puissances européennes occuperont et « pacifieront » les régions qui leur seront

assignées.

57 La Conférence, convoquée en 1884 par Bismarck, eut pour origine immédiate le

revirement soudain de la politique de l’Angleterre à l’égard d’une revendication

portugaise, lancée dès 1855 et concernant la côte entre Ambriz et le 5e degré 12’de

latitude sud86. Après l’avoir longtemps repoussée, en commun avec la France87, le ministre

britannique des Affaires étrangères, Lord Granville, signa brusquement avec le Portugal,

le 26 février 1884, un traité reconnaissant la souveraineté portugaise entre 5° 12’et 8° de

latitude sud88. Bien que non ratifié par le Parlement britannique, cet acte suscita une

tempête de protestations de toutes les autres puissances89 et précipita la convocation de

la Conférence.

58 Dès avant la signature, on pensait généralement que l’Angleterre, craignant de voir

l’embouchure du Congo passer sous le contrôle de l’Association internationale, ou de la

France, s’était décidée à se l’assurer à elle-même, mais par pays interposé – le Portugal, en

l’occurrence90.

59 L’ambassadeur de France à Lisbonne écrivait à Paris le 14 février 1883 :

60 « Les exigences du Gouvernement anglais [...] ont pour objet de lui assurer une sorte de

suzeraineté sur un territoire que le Portugal ne serait admis à occuper qu’à titre de

vassal »91.

61 Dans son rapport à Paris le 18 mai 1883, le ministre de la République française à Bruxelles,

le comte de Montebello, affirmait :

62 « Je sais en effet de source assez autorisée, par une personne qui, faisant partie de

l’Association Internationale Africaine, et ayant beaucoup vécu en Angleterre, a conservé

dans le pays des relations sérieuses, que Lord Granville n’a pas encore abandonné tout

espoir de conclure avec un État aussi secondaire que le Portugal une convention, qui livre

à sa discrétion un allié dont il est disposé à soutenir les vastes prétentions sur le sol

africain, et dont il pourra user à sa guise »92.

63 A Londres, l’ambassadeur de France estimait que l’Angleterre allait tout simplement se

substituer au Portugal dans les parages en question :

64 « L’impression de la plupart de mes collègues est que l’Angleterre ne soutient les

prétentions du Portugal que pour faire échec à nos projets d’établissement sur la rive

droite du Congo, et quelques-uns d’entre eux vont jusqu’à supposer que le Cabinet de

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Londres pourrait bien avoir l’arrière-pensée de substituer plus tard son action, dans des

circonstances données, à celle du Gouvernement de S.M.T.F. [le roi de Portugal] »93.

65 Les rapports des trois ambassadeurs ne font pas état d’un fait significatif : l’Angleterre,

tout en se montrant disposée à reconnaître la souveraineté portugaise sur le Congo,

entendait assortir cette reconnaissance d’une exigence destinée à faire apparaître son

initiative comme inspirée de sentiments d’équité et de justice envers d’autres nations : le

Portugal serait tenu d’assurer à toutes les nations la liberté d’accès et de commerce dans les

régions acquises par lui, sans y imposer de droits de douane94.

66 C’était là pour l’Angleterre une générosité peu coûteuse, car ses produits manufacturés,

aux prix hautement compétitifs n’avaient rien à craindre de ceux d’autres pays, moins

industrialisés.

67 La Conférence de Berlin, ayant mis en échec la politique libre-échangiste de l’Angleterre,

en conserva néanmoins le principe, mais en confia l’application, dans l’embouchure du

Congo à l’Etat indépendant. Celui-ci devint propriétaire de tout le bassin congolais, à

condition de n’élever aucune barrière douanière à rencontre d’autres pays95.

68 En 1892, l’État indépendant parvint à arracher aux États signataires de l’Acte de Berlin,

« après de multiples réticences » et « comme de guerre lasse », l’autorisation d’établir des

droits d’entrée. Par un protocole, signé le 8 avril 1892, les trois puissances ayant des

possessions dans la zone occidentale du bassin conventionnel – France, Portugal, État

indépendant – décidèrent d’unifier leur régime douanier. Les droits de douane furent

fixés à 6 % ad valorem sauf pour les armes, les munitions et la poudre, taxés à 10 %.

L’exportation d’ivoire et de caoutchouc se vit frappée de 10 % ad valorem, celle de

l’arachide, du café, du copal rouge, du copal blanc, de l’huile de palme, des noix palmistes

et du sésame à 50 %96.

69 Ce fut ainsi que la côte de l’ancienne Basse-Guinée passa de l’ère de la traite à celle de la

colonisation.

NOTES

1. Sur l’histoire des Bateke, nous attendons la parution très prochaine de l’étude de Jan Vansina.

2. M. Alfredo Margarido prépare actuellement une thèse sur l’histoire économique de l’empire

Lunda.

3. Nous parlerons du Matamba et du Cassange au chapitre suivant.

4. Cf. E. G. Ravenstein, « A Sketch of the History of Kongo », in The Strange Adventures of Andrew

Battel, p. 104. L’auteur ne donne pas ses sources.

5. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 518.

6. Pigafetta, lib. I, cap. V.

7. L’auteur d’un document de 1607 (cf. M.M.A., vol. V, pp. 241-242) affirme que le Kakongo et

l’Angoï sont indépendants à cette date. Battell (1610) parle de l’Angoï comme de « la première

province de Loango » (cf. E. G. Ravenstein, op. cit., p. 42). D’après ces deux témoignages, on peut

situer l’indépendance de ces deux États vers le premier quart du XVIIe siècle.

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8. L’abbé Proyart (1776) notera que « cette étendue de pays est divisée en plusieurs Royaumes,

dont le plus remarquable est celui de Loango ». Cf. abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et

autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 7.

9. Abbé Proyart, op. cit., loc. cit.

10. Cf. E. G. Ravenstein, op. cit., p. 42, note 6.

11. Archives de la Marine, Paris, série BB 4 1942. Le lieutenant Cordier à M. le Ministre, n° 7,

Loango, 14 mars 1883, annexe D. « Situation politique du royaume de Loango et influence des

Portugais sur cette côte ».

12. Abbé Proyart, op. cit., p. 8.

13. Andrew Battell (1610), in E. G. Ravenstein, op. cit. Dapper affirme qu’il s’agit des frères du roi

(cf. Naukeurige Beschrijvinge, p. 329).

14. O. Dapper, op. cit., p. 519.

15. O. Dapper, op. cit., pp. 533-534.

16. Abbé Proyart, op. cit., pp. 124-125.

17. Cf. M.M.A., vol. VI, p. 480, et Pierre van den Broecke, Voyages (1605), Amsterdam, 1705, p. 344.

18. Cf. C. Vrijman, « Quelques notices sur l’histoire de la traite négrière des Hollandais », in

Bulletin de la Section de Géographie, t. 51 (1936), p. 110.

19. Cavazzi, lib. V, § 54-58.

20. Cf. J. Cuvelier, Documents sur une Mission française au Kakongo (1766-1776), Mémoire I.R.C.B., t.

XXX, fasc. I (1953).

21. L. Degrandpré, Voyage à la côte occidentale d’Afrique fait dans les années 1786 et 1787, Paris, 1801, t.

I, p. XXVI.

22. Cf. Document des Archives de la Marine cité ci-dessus.

23. M.M.A., vol. II, p. 38.

24. M.M.A., vol. V, pp. 241-242.

25. Cf. E. Bouët-Willaumez, Commerce et Traite des Noirs aux côtes occidentales d’Afrique, Paris, 1845,

p. 164.

26. M.M.A., vol. X, p. 115.

27. Rosario del Parco (1760), in L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo et rite d’élection des

rois en 1775 », in Bull. de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV (1963), p. 375. Les habitants

« refusent l’entrée aux Blancs portugais ».

28. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1775, p. 124.

29. Anon., Journal d’un Voyage sur les côtes d’Afrique et aux Indes d’Espagne..., Rouen, 1723, p. 218.

30. Jean Barbot, « A Voyage to Congo River or the Zaire in the year 1700 », in Churchill, A

Collection of Voyages and Travels, Londres, 1732, vol. V, p. 503.

31. Abbé Proyart, op. cit., p. 124.

32. D. Rinchon, Pierre-Ignace-Liévin van Alstein, capitaine négrier, Mém. I.F.A.N., n° 71, Dakar, 1964,

p. 162.

33. Cf. J. Cuvelier, Documents sur une Mission française au Kakongo, 1766-1776, Mém. I.R.C.B., t. XXX,

fasc. I (1963), p. 48 (Kakongo) ; Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce,

Paris, 1723-1730, p. 1071 (Angoï) ; Jean Barbot, in Churchill, op. cit., p. 503 (Soyo).

34. Jacques Savary des Bruslons, op. cit., p. 1071.

35. Cf. Pigafetta (1587), lib. I, cap. viii (Pigafetta écrit « Motolo » ; Dapper (1688) l’appelle « un

village », cf. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 578).

36. Cadornega (1680-1681), in P.M., p. 270.

37. Rosario del Parco (1760), in L. Jadin, « Aperçu... », art. cit., p. 384.

38. Gastão Sousa Dias, Os Portugueses em Angola, p. 221.

39. Ibid., op. cit., p. 294.

40. Marquis de Sá da Bandeira, Faits et Considérations relatifs aux droits du Portugal sur les territoires

de Molembo, Cabinda et d’Ambriz, Lisbonne, 1885, pp. 36-40.

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41. Hélio A. Esteves Felgas, História do Congo Português, Carmona, 1958, p. 103.

42. António Almeida, « Relações com os Dembos... », in I Congresso da História da Expansão

Portuguesa no Mundo, Lisbonne, 1938, 4a Secção, vol. III, p. 71.

43. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 533.

44. Anon., Journal d’un Vogage sur les côtes d’Afrique et aux Indes d’Espagne..., Rouen, 1723, p. 117

(voyage de 1702-1706).

45. L. Degrandpré, Vogage à la côte occidentale d’Afrique, Paris, 1801, t. II, p. 58.

46. Abbé Proyart, op. cit., p. 158.

47. Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce, Paris, 1723, p. 1070.

48. Ibid., p. 1071.

49. Jean Barbot, in Churchill, Voyages, vol. V, p. 510.

50. Jacques Savary des Bruslons, op. cit., p. 1071.

51. « Pièce – c’est aussi une sorte de monnaie de compte, ou plutôt de manière de compter, en

usage parmi les Nègres de la côte d’Angola en Afrique, particulièrement à Malembe et à

Cabinda », cf. Jacques Savary des Bruslons, op. cit., art. « pièce ».

52. Jean Barbot, in Churchill, Voyages, vol. V, p. 504 (Soyo-1700) ; Jacques Savary des Bruslons, op.

cit., p. 1069 (Loango-début XVIIIe siècle).

53. Jacques Savary des Bruslons, op. cit., p. 1069.

54. Jean Barbot, in Churchill, Voyages, vol. V, p. 504.

55. M.M.A., vol. II, p. 234.

56. Jacques Savary des Bruslons, op. cit., p. 1069.

57. Jean Barbot, in Churchill, Voyages, vol. V, p. 504.

58. Anon., Journal d’un Voyage sur les côtes d’Afrique et aux Indes... commencé en 1702 et fini en 1706,

Bouen, 1723, p. 139, et Jacques Savary des Bruslons, op. cit., pp. 1069-1070.

59. D. Rinchon, Pierre-Ignace-Lievin Van Alstein, p. 109.

60. Ibid., p. 172.

61. Ibid., p. 253.

62. Ibid., p. 310.

63. Ibid., P. Labarthe, Voyage à la côte de Guinée..., Paris, 1803, pp. 291-293.

64. D. Rinchon, op. cit., p. 256.

65. Elias Alexandre da Silva Corrêa, História de Angola, vol. I, p. 54, note 2.

66. D. Rinchon, op. cit., p. 256.

67. Ibid., p. 308.

68. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 155.

69. Le terme « Angole » ou « Angola » est employé par les Français, à l’époque, pour désigner non

l’Angola portugais, mais la côte entre le Loango et Ambriz.

70. P. Labarthe, Voyage à la côte de Guinée, Paris, 1803, p. 198.

71. L. Degrandpré, Voyage à la côte occidentale d’Afrique fait en 1786 et 1787, Paris, 1801, t. I, pp. XXII-

XXIII.

72. Bryan Edwards, The History Civil and Commercial of the British Colonies in the West Indies, Dublin,

1793, vol. II, p. 50 (« Je pense que, du cap Lopez au fleuve Congo, le commerce est surtout

accaparé par les Hollandais et les Français. Au sud du fleuve, les Européens ne font guère de

commerce, sauf les Portugais »).

73. Abbé Proyart, op. cit., p. 155.

74. P. Labarthe, op. cit., p. 198.

75. Cf. R. T. Anstey, Britain and the Congo in the 19th Century, Oxford, 1962, pp. 19-20.

76. Archives des Affaires étrangères, Gabon, Congo, vol. 89. Doc. s.d.n.l.

77. Nous expliciterons davantage au chapitre suivant cette comparaison avec l’Angola.

78. Abbé Proyart, op. cit., p. 159.

79. Espèce de mousse de lichen utilisée pour la teinture.

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80. E. Bouët-Willaumez, Commerce et Traite des Noirs aux côtes occidentales d’Afrique, Paris, 1845, pp.

163-171. Charles Jeannest, Quatre années au Congo [1869-1873], Paris, 1883, pp. 266-267, et Archives

des Affaires étrangères, Gabon. Congo, vol. 89, « Richesse de la Vallée du Congo. Importance du

Commerce », s.d.n.l. (vers 1884).

81. Cf. le cas du Loango décrit par le lieutenant Cordier, Archives de la Marine, série BB, 1942,

Loango, 15 mars 1883 (« ... le roi Manimacosso ne représente plus qu’une autorité purement

nominale, dépendant absolument de ses prétendus sujets... »).

82. Adolf Bastian, Ein Besuch in San Salvador, Brème, 1859, pp. 129-130.

83. Des exemples analogues de l’immunité des commerçants africains en territoire étranger,

assurée par la sorcellerie, se trouvent ailleurs en Afrique, dans le sud de l’Angola et au Nigéria –

cf. Ingeborg Schonberg-Lothholz, « Die Karawanenreisen der Tjaka um 1900 », in Estudos

Etnográficos 1, Memorias e Trabaihos do Instituto de Investigação Ciêntifica de Angola, 2, Luanda, 1960,

pp. 109-128 ; et Simon Ottenberg, « Ibo Oracles and Intergroup Relations », in South-western

Journal of Anthropologg, vol. 14, n° 3 (1958), pp. 295-317.

84. Archives des Affaires étrangères, Gabon. Congo. vol. 89, « Richesse de la vallée du Congo.

Importance du Commerce », s.d.n.l.

85. Cf. notre travail, « Pesquisa sobre a presença européia na bacia do Congo realizada em

arquivos de Paris » [1850-1884], in Boletim da Filmoteca Porluguesa, n° 20, Lisbonne, 1962, pp. 44, 46

et 47-56 ; cf. aussi R. T. Anstey, Britain and the Congo in the 19th Century, Oxford, 1962, pp. 16-17.

86. R. T. Ansley, Britain and the Congo in the 19th century, p. 46.

87. Cf. J. Scott Keltie, The Partition of Africa, Londres 1893, pp. 140-141. L’attitude de la France

apparaît dans les pièces conservées dans les archives de la Marine française, cf. notre travail

« Pesquisa sobre a présença européia... », in revue citée, pp. 31-118.

88. Cf. texte du traité, in R. T. Anstey, Britain and the Congo..., pp. 241-246.

89. Des mouvements hostiles au traité se manifestèrent au Portugal et en Angleterre, mais pour

des motifs diamétralement opposés.

90. On peut déjà reconnaître ce projet, sous une forme embryonnaire, dans un memorandum

interdépartemental, daté du 28 avril 1858, du fonctionnaire du Foreign Office W. H. Wylde, cf. R.

T. Anstey, Britain and the Congo..., pp. 51-52.

91. Archives de la Marine, série BB4 1943, M. de Laboulaye à M. Challemel-Lacour, 14 février 1883.

92. Ibid., M. le comte de Montebello à Challemel-Lacour, 18 mai 1883.

93. Ibid., M. Tissot à M. Fallières, Président du Conseil, 16 février 1883.

94. Cf. texte du traité in R. T. Anstey, Britain and the Congo..., p. 241.

95. S. E. Crowe, The Berlin West African Conference, Londres, 1942. pp. 148-149.

96. Alain Stenmans, La Reprise du Congo par la Belgique, Bruxelles, 1949, pp. 132-133.

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Chapitre XVII. L’expansionportugaise dans l’ancien Angola(1575-1880)

1 Le vaste territoire qui constitue aujourd’hui l’Angola est le fait du partage convenu par les

grandes puissances à la conférence de Berlin en 1884-1885. Possesseurs en droit dès cette

date, les Portugais n’ont pu imposer partout leur autorité qu’au terme des deux premières

décennies du XXe siècle. Jusque vers 1880, le territoire sur lequel on peut dire qu’ils

avaient maintenu depuis le XVIe siècle une administration effective et ininterrompue,

l’Angola d’alors, était limité à l’étroite langue de terre située entre le Bengo et le Cuanza,

et s’étendant sur environ 300 km vers l’intérieur1.

2 Le Benguela, englobé dans le nouvel Angola de la fin du XIXe siècle, était auparavant un

territoire séparé, au sud, avec lequel les Blancs de l’Angola ne communiquèrent que par

mer jusqu’au milieu du XIXe siècle.

3 Le fait que le Cuanza est navigable pour de petites embarcations jusqu’à 200 km dans

l’intérieur2 a sans doute été déterminant dans le choix que firent les Portugais de

s’implanter dans la région de son embouchure.

4 En 1575, à l’instar de précédents pratiqués au Brésil, la couronne portugaise accorde à

Paulo Dias de Novais, petit-fils de l’explorateur Bartolomeu Dias, une charte l’autorisant à

conquérir, pour lui-même et ses héritiers, 35 lieues (environ 200 km)3 de côte au sud du

Cuanza, et « aussi loin vers l’intérieur qu’il pourra pénétrer, en territoire déjà conquis

[par les Portugais] »4. Elle lui octroie en outre la partie de la côte entre le Dande et le

Cuanza, se réservant cependant de la reprendre après la mort de Novais. C’est dans cette

dernière région seulement que les Portugais réussiront à s’implanter dans les siècles

suivants. De la première, il ne sera pas question avant le XIXe siècle.

5 Selon les termes de cette charte, l’intéressé était tenu de faire cultiver et mettre en valeur

les terres conquises et de construire, dans les dix premières années, trois châteaux forts

entre le Bengo et le Cuanza. Rien, dans le texte, ne laisse transparaître le véritable objectif

en vue : les célèbres et chimériques « mines d’argent » de Cambambe5, dont la rumeur

publique parlait depuis 15206.

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6 Ce n’est que le 20 février 1575 que Dias de Novais débarque à Luanda. Le pays ne lui est

pas inconnu : il y a fait une première reconnaissance, qui lui a valu un séjour forcé à la

cour du roi d’Angola (1562-1565)7. 700 hommes, tous « sujets d’élite » et bien armés

l’accompagnent, selon une source8 ; 350 seulement selon une autre, plus sûre d’ailleurs –

des trafiquants, des cordonniers et des tailleurs9.

7 Pendant trois ans10, il vit en paix avec le roi d’Angola et n’engage aucune action militaire,

se contentant d’acheter et d’exporter comme esclaves, à la cadence de 12 000 par an, des

délinquants que le roi d’Angola « vend pour ne pas les exécuter »11. Les missionnaires

jésuites, qui accompagnent l’expédition, sont impatients de voir commencer la conquête

car, selon leur nouvelle doctrine, l’évangélisation ne peut commencer qu’après la sujétion12. Ils reprochent à Novais d’être « trop mou et trop lent »13. En fait, ses hésitations sont

dues à des difficultés financières, malgré l’aide fournie de Lisbonne par Jorge da Silva et

Jerónimo Castanho. En lui octroyant la charte, la couronne s’était déclarée dégagée de

toute responsabilité à cet égard, mais il n’en reçoit pas moins, entre 1578 et 1587, cinq

apports nouveaux en hommes et en matériel, provenant soit de la couronne soit de

particuliers14, ce qui prouve que le démarrage de son entreprise ne fut pas facile.

8 L’année 1580 marque la fin de la période de coexistence pacifique avec le pouvoir

indigène. Averti par un « mauvais Portugais » des véritables intentions de Novais15, le roi

d’Angola fait tuer à sa cour 30 Portugais et saisit leurs marchandises, valant 20 000

cruzados16. Cet acte, « motivé par la convoitise »17, décide Novais « ... à renoncer à

s’emparer des mines pacifiquement, parce que les Noirs sont de mauvaise foi, aussi bien le

roi que les autres, et à les passer tous au fil de l’épée »18.

9 Dès lors s’abat sur l’Angola l’impitoyable furie destructrice de ces nouveaux

Conquistadores. Un missionnaire écrit en 1583 :

10 « ... cette année, les Portugais ont conquis la moitié du royaume d’Angola et battu quatre

armées du roi. Des milliers de [ses] vassaux ont été tués et on s’est emparé des mines de

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sel, ce qui est le plus grave pour eux, car le sel leur sert de monnaie. D’innombrables

esclaves ont été capturés [...] D’une armée, on a rapporté 619 nez des têtes coupées, et

dans une autre il y a eu tant de victimes que les cadavres jonchaient le sol [...] Il n’est pas

de guerre d’où les Portugais ne sortent enrichis, parce qu’ils s’emparent des esclaves, des

boeufs, des moutons, du sel, de l’huile de palme, des porcs, des nattes de raphia qui

servent de lits, et des pots »19.

11 Le principe de la colonisation systématique prévue par la charte est donc oublié : la

guerre et le pillage se révèlent plus rentables que l’agriculture et le labeur pour assurer

les moyens de subsistance. Ce ne sera pas avant 1625 que l’on verra les Blancs cultiver un

peu de manioc. Pour d’autres cultures, il faut attendre le XIXe siècle20.

12 Parvenus à Cambambe, les Portugais s’aperçoivent bien que les fameuses « mines »

n’étaient qu’un mythe, comme l’avait dit Balthasar de Castro en 152621 ; mais on ne

cessera pas d’y croire pour autant22.

13 Après la mort de Novais, en 1589, la couronne reprend l’Angola et y nomme des

gouverneurs. Pour administrer la conquista, on adopte le système d’encomiendas, appliqué

par les Espagnols au Nouveau Monde. Chaque soba (chef indigène) est placé sous la tutelle

d’un amo, sorte de « protecteur », qui est soit un missionnaire jésuite, soit un soldat blanc23. Le système engendre tant d’abus (l’amo extorquant à son soba des tributs excessifs)

qu’il fait l’objet d’une vive polémique, qui sera portée jusque devant le roi, à Madrid24. En

1601, Philippe III d’Espagne en ordonne la suppression, les tributs (esclaves, nattes de

raphia et vivres) devant désormais être versés directement au trésor du roi, c’est-à-dire

au gouverneur.

14 Convaincu de l’inexistence des mines d’argent, le roi fait arrêter la conquête, « ... afin que

continue pacifiquement l’achat d’esclaves et de tout ce que la terre peut donner »25. Sa

tentative pour « figer » et « moraliser » la conquista restera sans effet pendant près d’un

quart de siècle, car de 1603 à 1623 ce sont les gouverneurs eux-mêmes qui perpétuent les

abus. Ils entreprennent des guerres contre les Noirs sans la moindre provocation, dans le

seul but de capturer des esclaves26.

15 Une bande de Jagas cannibales nomades, errant dans le pays, est embauchée comme

« chiens de chasse » pour les y aider27. Au cours du premier quart du XVIIe siècle, ces Jagas

fonderont dans l’est du pays le petit royaume de Cassange, qui durera jusqu’à la seconde

moitié du XIXe siècle. Pendant tout le XVIIIe siècle, leur principale occupation de courtiers

d’esclaves entre les Portugais et les populations de l’intérieur leur vaudra une notoriété

sans rapport avec les dimensions réduites de leur État.

16 Les habitants du Dongo, par contre, fuiront leur patrie. Certains se retireront jusqu’au

delà du Cuango, pour finir par s’installer, entre 1700 et 1730, sur le sixième parallèle entre

le 18e et le 21e degré de longitude est. Une de leurs traditions raconte ainsi leurs premiers

contacts avec les Portugais :

17 « Nos pères vivaient confortablement dans la plaine de Luabala28. Ils avaient des vaches et

des cultures ; ils avaient des marais de sel et des bananiers.

18 Tout à coup, ils virent sur la grande mer surgir un grand bateau. Ce bateau avait des ailes

toutes blanches, étincelantes comme des couteaux.

Des hommes blancs sortirent de l’eau et dirent des paroles qu’on ne comprenait pas.

19 Nos ancêtres prirent peur, ils dirent que c’étaient des Vumbis, des esprits revenants.

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20 On les repoussa à la mer par des volées de flèches. Mais les Vumbis crachèrent du feu avec

un bruit de tonnerre. Beaucoup d’hommes furent tués. Nos ancêtres s’enfuirent.

21 Les notables et les devins dirent que ces Vumbis étaient les anciens possesseurs de la

terre.

22 Nos pères quittèrent la plaine de Luabala, craignant le retour du bateau Ulungu.

23 Ils se retirèrent sur la rivière Lucala. D’autres étaient restés près de la grande mer.

24 Le bateau revint et des hommes blancs réapparurent. Ils demandaient des poules et des

œufs ; ils donnaient des tissus et des perles.

25 Les Blancs revinrent encore. Ils apportèrent du maïs et du manioc, des couteaux et des

houes, des arachides et du tabac.

26 De ce temps-là à nos jours, les Blancs ne nous apportèrent plus rien, sinon des guerres et

des misères.

C’est à Luanda qu’ils nous apportèrent les arachides, le maïs et le manioc et la manière de

cultiver »29.

27 Le pouvoir indigène démantelé en Angola, le pays devenu « un désert »30 et abandonné de

ses habitants31, les Portugais s’aperçoivent que la guerre n’a pas seulement des avantages,

car les marchés d’esclaves ont cessé32, leur prix a augmenté et il faut les chercher de plus

en plus loin33. Sans un ordre indigène « en face », il ne peut y avoir de commerce et celui-

ci se révèle désormais plus rentable que la guerre34. On essaie donc de faire la paix.

28 Dans le premier quart du XVIIe siècle, le cycle initial des razzias s’achève et l’on voit se

dessiner une politique de commerce « pacifique », qui va permettre à certains Portugais

d’amasser de très grosses fortunes, comme l’affirme un témoin anonyme de 1643, qui

« était absolument certain que ce royaume [l’Angola] permet à certains hommes de

s’enrichir plus que l’Inde Orientale »35.

29 Ce commerce « pacifique » n’hésitera cependant pas à faire appel à des moyens de

coercition. Nous n’en voulons pour preuve que cette liste d’abus pratiqués par les

délégués du gouverneur, chargés de l’administration dans l’intérieur, abus auxquels celui-

ci tente de mettre fin vers 1625-1630. D’origine africaine, ces usages avaient été faussés

par les Blancs à leur avantage. Ils employaient volontiers la violence pour transformer la

structure sociale indigène, fondée sur la réciprocité, en un système d’exploitation

économique. Voici donc les coutumes, qui donnaient lieu à des abus :

30 D’abord le futa : c’est une sorte de tribut versé par un inférieur à un supérieur, en

témoignage de soumission. Aucun soba n’abordait un délégué du gouverneur sans lui

apporter un futa. Les délégués en abusaient et convoquaient les sobas sous des prétextes

fantaisistes. De même, lorsque les délégués partaient en tournée auprès des sobas, ils les

obligeaient par « force et violence » à donner le futa.

31 Il y avait aussi le vestir (littéralement « habiller »). Les gouverneurs, ainsi que leurs

délégués, envoyaient auprès des sobas un Macunze, « sorte d’ambassadeur » noir. Les

candidats étaient nombreux pour cette mission lucrative. Le Macunze se rendait

somptueusement vêtu auprès des sobas, s’asseyait sur un siège à dossier (cadeira de

espaldas) et jouait le rôle du gouverneur ou du délégué. Il se disait venu pour recevoir la

loanda (tribut) et, au moyen de milongas (accusations gratuites de fautes passibles d’une

amende), exigeait du soba « au moins dix esclaves, et s’il n’était pas riche cinq », sans

compter ceux qu’il fallait lui donner en plus, pour son compte personnel. Le soba était

souvent obligé de céder ses propres femmes et ses esclaves.

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32 L’ocamba était une sorte de vente forcée. Le délégué du gouverneur envoyait aux sobas de

sa juridiction un cadeau (vin, pagnes ou autres marchandises) sous couleur « d’amitié et

de bonnes relations (boa correspondência) » et même si le soba refusait, il le poussait à

accepter par de bonnes paroles, laissant le cadeau dans sa case. Mais si, au bout d’un

certain temps, celui-ci oubliait de payer, « on exigeait de lui des esclaves dont la valeur

était trois ou quatre fois plus grande que celle du cadeau ».

33 L’infuca est analogue à l’ocamba : on imposait au soba des marchandises à crédit puis, passé

un certain délai, la créance était réclamée. S’il ne payait pas, le débiteur se voyait enlever

ses femmes, ses enfants et ses vassaux comme esclaves. L’affaire se soldait par un bénéfice

considérable pour le délégué du gouverneur36.

34 On ne se contenta pas de dénoncer ces abus. Afin de limiter les frictions entre Noirs et

Blancs, on tenta d’interdire les marchés de l’intérieur (sertão) aux commerçants blancs.

Seuls les pombeiros, noirs ou métis, pourraient les fréquenter37.

35 Ces louables résolutions resteront en grande partie sans effet, et les abus continueront

jusqu’au XIXe siècle. « Les délégués du gouverneur, et en général tous ceux qui vivent dans

l’intérieur (sertão) », écrit le gouverneur D. Miguel António de Melo en 1802, « et y

remplissent des fonctions publiques, volent énormément et oppriment cruellement les

populations indigènes... »38.

36 Malgré la politique de commerce pacifique, voulue par la métropole, les guerres n’en

continuent pas moins, mais elles prendront désormais la forme soit de soulèvements des

Noirs, soit d’expéditions punitives.

37 Dès le premier tiers du XVIIe siècle, la domination portugaise en Angola s’appuie sur

quatre forts situés dans l’intérieur, chacun ayant sa garnison de troupes portugaises :

Massangano, fondé en 1583 (le fort-clé) ; Muxima, fondé en 1599 ; Cambambe, fondé en

1604, et Ambaca, fondé en 1611. Ces forts étaient entourés d’une région tenue par des

sobas vassaux du pouvoir de Luanda, lesquels étaient contraints, outre le paiement d’un

tribut en esclaves, en nattes de raphia et en vivres39, de faire acte d’obéissance au cours

d’une cérémonie appelée undamento : le soba se prosterne devant le gouverneur, qui jette

sur lui un peu de « farine » de manioc, dont il se frotte la poitrine et les bras40.

38 Au delà des territoires vassaux « fidèles » se trouvent les marchés où se rendent les

pombeiros : Ambuíla, inauguré c. 1625 ; Dondo, c. 1625 ; Beja, c. 1625 ; Aco, c. 1627 ; et

Pungo Andongo c. 162741.

39 A Pungo Andongo règne un roi fantoche, choisi par les Portugais. Le véritable pouvoir

indigène est représenté par la reine Jinga, repliée dans le Matamba, devenu son royaume

à la place de l’Angola perdu42.

40 Cette étonnante figure, qui parle d’ailleurs le portugais à la perfection43, domine toute

l’histoire de l’Angola au XVIIe siècle. Pendant près de trente ans, elle oppose aux Portugais

une inflexible hostilité. Adoptant les coutumes des Jagas, elle fait régner dans son

Quilombo une atmosphère continuelle d’horreur et de terreur. Le cannibalisme et

l’infanticide sont institutionnalisés. Imitant la fondatrice des rites Jaga, Tembandumba,

elle pilonne un bébé dans un mortier pour en faire l’onguent magique conférant le

courage guerrier44. Elle arrache le cœur d’enfants qu’on lui apporte et le dévore, ou bien,

sans attendre qu’ils soient nés, éventre leur mère pour s’en emparer45. A tout propos,

pour satisfaire ses caprices, elle fait exécuter des quantités de malheureux individus, puis

oblige ses valets à nettoyer la place sous ses yeux en léchant le sang répandu46.

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41 Un Français, de Massiac, de passage à Luanda vers 1663, nous a laissé la description

suivante de ses goûts insolites :

42 « C’était une princesse fort guerrière et aymant grandement ses plesirs pour lesquels elle

avoit toujours quantité de jeunes Noirs les mieux faits qu’elle pouvoit treuver, elle les

faisoit ordinèrement habiller en femme et elle s’habiller en homme. Une de ses fantaisies

estoit de vouloir qu’ils couchassent avec des jeunes Noires sans qu’ils s’en prévalussent en

aucune manière, disant qu’elle vouloit qu’ils luy feussent fidèles dans le péril et dans

l’occasion même »47.

43 La littérature française lui doit le sujet du roman de M. L. Castilhon, Zingha, reine d’Angola,

Histoire africaine en deux parties, Paris, 176948.

44 L’occupation hollandaise de Luanda en 1641 immobilisera pendant sept ans les Portugais,

tenus en état de siège dans l’intérieur. Enhardie, la reine Jinga s’allie aux Hollandais,

revient sur ses terres perdues et harcèle les Portugais, réduits à la dernière extrémité49.

45 Après le départ des Hollandais en 1648, elle se replie de nouveau dans le Matamba,

craignant la vengeance des nouveaux maîtres de Luanda. Mais ceux-ci adoptent envers

elle une attitude conciliatrice : on cherche à la persuader d’abandonner ses coutumes

inhumaines et d’accepter de recevoir des missionnaires. Selon Cavazzi, ce « désir de

s’accommoder avec les barbares » serait moins motivé par un « zèle chrétien que par la

nécessité »50 : il importait d’assurer l’approvisionnement en esclaves.

46 En 1657, d’un commun accord, le fleuve Lucala est accepté comme frontière entre

l’Angola et le Matamba51.

47 A partir de 1655, la reine Jinga abandonne par étapes successives ses rites barbares et,

cédant à la persuasion des missionnaires capucins italiens, se laisse convertir au

christianisme52. Elle fait construire une église en pierre, Santa-Maria-de-Matamba,

terminée en 166353. Son Qui-lombo devient un modèle de piété54 ; de peur que l’oisiveté ne

conduise les dames de sa cour au libertinage, elle fait venir de Luanda des femmes

portugaises pour leur apprendre la broderie55. Lorsqu’elle reçoit des Blancs, elle fait

préparer une table à l’européenne, avec de l’argenterie56.

48 Cette situation édifiante durera onze ans : en 1663 elle mourait en odeur de sainteté à

l’âge de 81 ans57. Alors le cannibalisme renaît, les missionnaires sont chassés, le

christianisme oublié et la ville de Matamba détruite58. Désormais, ses habitants

sombreront dans la plate routine des négociants en esclaves.

49 Au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle, les Portugais n’étendront leur domination

vers l’intérieur qu’une seule fois : grâce à la prise de Pungo Andongo en 167159. A cette

seule exception près, ils se soucieront davantage de promouvoir le commerce pacifique

sur les rives du Lucala et du Cuanza que d’engager des opérations militaires.

50 Un agent officiel du gouvernement de Luanda (capitão-mor) sera installé auprès des

pouvoirs indigènes pour arbitrer, en collaboration avec eux, les différends survenus entre

les Pombeiros et leurs clients, et pour veiller à la stabilité des prix. On les verra à Cassange

(1678)60, à Matamba (1660)61 et à Ambuíla vers 164962. En 1658, le Cassange est considéré

comme le principal marché de tout l’intérieur63.

51 Luanda connaît à cette époque son âge d’or : sa population (Noirs et Blancs) double entre

1641 et 1680, pour atteindre 40 000 habitants64. Celle de l’intérieur, par contre, décline

gravement à cause, dit le Jésuite Manuel Fernandes (1670), des guerres intestines, des

razzias pour capturer des esclaves, et des effets de la variole65.

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52 Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, et pendant tout le XVIIIe, le principal souci des

Portugais sera le Congo, bientôt la « Basse Guinée », demeurée ouverte au commerce non

portugais. Bien qu’évincés de Luanda, les Hollandais n’en continuent pas moins à

fréquenter impunément l’embouchure du grand fleuve, où ils sont bien accueillis par les

Congolais, en dépit des promesses faites aux Portugais de chasser ces protestants

hérétiques.

53 Est-ce la concurrence étrangère si redoutée, plutôt que la convoitise des mines de cuivre

de Bembe, qui est réellement à l’origine de la tension que les hommes de Luanda font

monter pendant plus d’une décennie (1653-1665) contre les Congolais ? Les deux guerres

qu’ils entreprennent contre le Congo (1665) et le Soyo (1670), malgré la défaite subie au

cours de la dernière, font bien sombrer les pouvoirs noirs dans l’anarchie, mais ne

résolvent pas le problème de la concurrence étrangère, qui ira en augmentant.

54 Le XVIIIe siècle verra les Français se joindre aux Hollandais. Les « nations du nord »,

comme les appellent les Portugais, oseront fréquenter toute la côte, depuis Loango

jusqu’à Ambriz même66. Leur commerce concurrence victorieusement celui des Portugais

sur deux points : d’une part, n’ayant pas de frontière terrestre à défendre, comme c’est le

cas pour l’Angola, ces « intrus » n’hésiteront pas à vendre aux Noirs de la poudre et des

armes à feu, ce qui est défendu aux négociants portugais afin de ne pas encourager de

guerres entre Noirs ou contre les Blancs ; d’autre part, les agents des « nations du nord »

achètent l’ivoire au prix du « marché », alors que ce commerce est en Angola un

monopole royal et le prix, fixé par la couronne portugaise, inférieur à celui qu’acceptent

de payer les « étrangers »67.

55 Vers le milieu du XVIIIe siècle, la concurrence étrangère deviendra telle que le courant

traditionnel d’esclaves des « provinces du nord », c’est-à-dire des régions au nord de

Luanda, cessera de parvenir en Angola, parce qu’entièrement dévié vers les ports

fréquentés par les « étrangers ». Pis encore, les marchandises de ces concurrents, « d’une

qualité supérieure à la portugaise » et à des « prix accessibles », pénétreront de proche en

proche jusqu’à Luanda même68. Pour tenter d’endiguer ce flux, les Portugais construiront

en 1759 le fort de S. José d’Encoge, non loin d’Ambuíla69, dont l’efficacité ne durera que

sept ans, jusqu’en 176670. Plus tard, en 1783, ils tenteront de nouveau de parer à la

concurrence étrangère en fondant un fort à Cabinda71, mais la marine française les

forcera à se retirer, au nom de la liberté de commerce, égale pour toutes les nations72.

56 L’analyse du nombre d’esclaves exportés annuellement de l’Angola révèle deux graves

crises, l’une au début du XVIIIe siècle, l’autre à la fin. La première, apparente dès 168473,

persiste jusqu’en 171774. Elle a deux causes, très probablement liées : l’une, les exigences

du Cassange et du Matamba, désireux de tirer plus de profit des échanges avec les

Portugais75 ; l’autre, la concurrence étrangère dans les ports du nord. C’est à cette époque

que les Mubiris commencent à concurrencer les Pombeiros dans la zone d’influence

commerciale des Portugais76. La seconde crise, brutale, se situe entre 1766 et 176977, elle

n’aura son dénouement qu’après le début du XIXe siècle. Parmi les causes, il y a certes

toujours la concurrence étrangère, mais aussi un phénomène nouveau et significatif : le

Cassange et le Matamba, surtout chasseurs d’esclaves pendant la seconde moitié du XVIIe

siècle, se transforment, au cours de la première moitié du XVIIIe en États-courtiers, leur

rôle devenant celui d’écluses par lesquelles passent les courants d’esclaves en provenance

de l’empire Lunda. L’exportation d’esclaves par le Muataianvo, potentat suprême des

Lundas, semble bien survenir au XVIIIe siècle, et non avant, puisque Cadornega (1681), le

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premier à faire allusion aux Lundas, affirme qu’à cette date leur commerce avec le

Cassange se limitait au sel, qu’ils échangeaient contre des nattes de raphia. Leur situation

par rapport au Cassange semble être alors assez subalterne, car les Jagas n’hésitent pas à

retenir certains de leurs émissaires pour les manger78.

57 Au milieu du XVIIIe siècle, les Lundas exportent des esclaves en quantité ; Manuel Correia

Leitão en témoigne lors de sa visite au Cassange en 175579. Le contrôle rigoureux et

profitable qu’exerce le Cassange sur le commerce à travers le Cuango est décrit par le

gouverneur d’Angola en 1754 : « Ce Jaga [de Cassange] est puissant et ne permet à aucun

Blanc d’approcher les rives du Cuango, ni d’entrer en contact avec les habitants de l’autre

partie du fleuve. Il ne leur permet pas non plus de pénétrer sur son territoire, mais il fait

du commerce avec eux et leur achète les Noirs au tiers du prix pour lequel il nous les

vend »80.

58 Les Lundas manifestent une impatience croissante à l’égard des deux États-courtiers (le

Matamba et le Cassange) et trouvent de plus en plus contestable ce rôle d’écluse (leur

permettant non seulement de contrôler, mais aussi de rançonner le trafic d’esclaves),

qu’ils s’étaient attribué et entendaient préserver, au point de vouloir interdire aux autres

tout contact direct avec les Blancs. Déjà, en 1755, Correia Leitão fait état de l’hostilité des

Lundas à l’égard du Cassange, « lequel aurait déjà été vaincu, sans les armes à feu et la

poudre que lui fournissent les Portugais »81.

59 Entre 1761 et 1765, les Lundas exercent une pression militaire sur les populations

habitant les rives du Cuango, et provoquent une invasion du territoire soumis aux

Portugais par les Hungos et les Sossos82, ethnies qui finiront par s’établir dans les terres

méridionales de l’ancien royaume du Congo – les districts actuels d’Uige et de Negage

(Bahungos), de Damba et Pombo (Sossos), où ils se trouvent encore aujourd’hui83.

60 En 1767, les Lundas attaquent le Cassange et le Matamba, qui demandent en vain des

secours aux Portugais84.

61 Un ressentiment, mêlé de jalousie et d’humiliation, à l’égard des États-courtiers jugés

inférieurs et indûment soutenus par le « sacré technologique » des Blancs, avait sans

doute incité les Lundas à cette riposte, qui visait à crever l’écran courtier afin d’accéder à

ce nouveau pactole, que leur paraissait être le commerce européen. Leur geste n’est pas

sans analogie avec celui des Jagas envahissant le Congo au XVIe siècle. Dans une certaine

mesure, ils atteignirent leur but : selon Birmingham, ils auraient établi un contact à

travers le Congo avec les ports du nord, en contournant le Cassange et le Matamba, ainsi

que le fort portugais d’Encoge85. On trouve un reflet de cette poussée des Lundas vers

l’ouest dans les traditions orales des Bayakas et des Lundas du Muataianvo, relatant

l’émigration et l’installation du chef Lunda, Mwene Putu Kasongo, sur la rive droite du

Cuango, près de sa confluence avec le Nganga, vers 6° 30’de latitude sud86.

62 Cela expliquerait la longue crise des exportations d’esclaves du port de Luanda. La

moyenne exportée au cours du XVIIIe siècle n’est que de l’ordre de 8 000 individus87, donc

très inférieure à celle du milieu du siècle précédent, qui était d’environ 15 00088.

63 On mesure mieux encore le déclin de la fortune des Portugais en Angola au XVIIIe siècle à

leur abandon progressif de Luanda : de 5 000 en 171189, leur nombre tombe à 500 en 176090

. Ils étaient déjà 2 000 en 164191.

64 En 1789, Elias Alexandre da Silva Corrêa dresse un bilan pessimiste de la situation des

Blancs : les esclaves coûtent plus cher, les affaires vont mal, Luanda est en décadence, et

lorsque les maisons tombent en ruine, on ne les reconstruit plus92. Du côté africain, la

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saignée démographique continue toujours. Selon un document officiel, la région

d’Ambaca avait perdu en 1782 les deux tiers de ses habitants par suite des razzias pour

capturer des esclaves93.

65 Ce n’est qu’après le début du XIXe siècle que les choses iront mieux, mais pour les Blancs

seulement. Pendant la première moitié du XIXe siècle, la traite connaît un essor sans

précédent : la moyenne annuelle de 8 000 esclaves exportés passera à 13 000 voire à 14 000

pour le premier tiers du XIXe siècle94. Encore s’agit-il là de chiffres officiels qui ignorent la

fraude. L’ancien gouverneur d’Angola, Alves Roçadas, exagère-t-il en avançant, comme

montant global des exportations de l’Afrique portugaise occidentale, l’énorme nombre de

190 000 esclaves par an entre 1807 et 1819, puis 100 000 pour la période 1819-184795 ? Ce

second nombre est répété par J. J. Monteiro pour la première moitié du XIXe siècle96. Après

s’être prudemment renseigné, Buxton estima en 1839 que plus de 150 000 esclaves

traversaient l’Atlantique chaque année, le Brésil en important environ 100 000 et Cuba

dans les 60 00097. Lloyd estime ainsi les exportations totales de l’Afrique occidentale :

66 1788 100 000

67 1810 85 000

68 1830 25 000

69 1840 35 00098

70 Seules des estimations des exportations provenant d’Afrique occidentale au nord de

l’équateur permettraient de savoir si les chiffres de Roçadas et de Monteiro sont

démesurément gonflés. Celui de 190 000 l’est presque certainement. Les thèses que

préparent actuellement Mme Susan Herlin Broadhead et M lle Phyllis Wright éclairciront

sans doute ce problème.

71 Vers la fin du siècle, les Portugais réussissent à contourner le Cassange, comme les

Luandas l’avaient fait quelques décennies plus tôt. Honorato da Costa, agent du

gouverneur à Cassange, s’y emploie depuis 1797. Deux de ses pombeiros métis parviennent,

entre 1802 et 1811 à traverser l’empire Lunda et atteignent le Mozambique99. En 1807, des

émissaires du Muataianvo arrivent à Luanda, où ils sont reçus en grande pompe par le

gouverneur100. L’essor de la traite dans la première moitié du XIXe siècle est sans doute en

partie la conséquence de cette suppression (d’ailleurs provisoire) de la barrière courtière.

72 A partir de 1840, la campagne internationale contre l’esclavage, et la surveillance

préventive des eaux de l’Atlantique par la marine britannique101, étoufferont

progressivement ce qui était depuis trois siècles la principale activité des Blancs en

Angola. De son côté, le Portugal légifère dans ce sens : un décret de la métropole, de 1836,

interdit le transport d’esclaves par mer ; un autre, de 1854, interdit leur entrée dans la

colonie par voie de terre, c’est-à-dire venant de l’empire Lunda102. L’esclavage n’est

officiellement aboli dans la colonie qu’en 1878103.

73 Première conséquence de cette abolition : la population noire augmente dans l’intérieur.

Voici le nombre d’habitants dans les principales circonscriptions soumises à l’autorité

portugaise en 1819, 1845 et 1861 :

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74 Note 104104

75 Note 105105

76 Note 106106

77 En revanche, la population blanche décroît : Luanda a 1 601 habitants européens en 1845107, ils ne sont plus que 830 en 1851108. La ville paraîtra à Monteiro en 1858 « délabrée et

abandonnée »109, et au lieutenant Cantaloub en 1875 « bien déchue de son ancienne

splendeur »110. D’après un témoin français de 1881, sa population totale est tombée en 10

ans de 18 000 à 13 000 habitants111.

78 De même que les États-courtiers du nord devant l’abolition de la traite, l’Angola

parviendra petit à petit à effectuer sa reconversion économique. Celle-ci est ardemment

prônée, dès 1839, par António de Saldanha da Gama, gouverneur de la colonie de 1807 à

1810.

79 « Comme l’abolition de la traite est une affaire, où l’Angleterre pense employer toute son

influence politique [...] les Portugais devront très bientôt cesser de se livrer à ce trafic. Il

n’est pas moins certain que, si le Gouvernement Portugais ne s’applique pas dès

maintenant à opérer une reconversion du système économique propre à ses colonies,

pour remplacer surtout le revenu du commerce des Noirs, celles-ci ne tarderont pas à

être ruinées, et même peut-être tout à fait perdues pour le Portugal »112.

80 Mais il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour discerner les premiers signes

d’une mutation. En 1869, le contre-amiral d’Auriac constate que Luanda « paraît s’animer

un peu et entrer dans la voie du progrès commercial ». La cire, le gingembre, l’huile de

palme, le café, l’ivoire, l’orseille, la gomme copal et l’arachide, sont exportés en grande

quantité113. L’essor du caoutchouc commencera entre 1870 et 1883114.

81 La renaissance progressive de la présence portugaise en Angola, au cours des deux

premiers tiers du XIXe siècle, se manifestera sur deux plans, l’un diplomatique, l’autre

militaire.

82 Nous nous occuperons d’abord de ce dernier : en 1838, les Portugais étendent leur

domination jusqu’à englober dans l’Angola une partie du Matamba, le Quiloange

Quiassama, dont ils font le nouveau district de Duque de Bragança115.

83 Entre 1850 et 1861, ils lancent des opérations militaires contre le Cassange, afin de lui ôter

définitivement le monopole du commerce avec les pays d’outre-Cuango116. L’entreprise se

solde par un demi-échec117. Le Cassange est d’ailleurs déjà en décadence118. Voici comment

apparaissait à A. R. Neves en 1850 ce qui avait été, au XVIIIe siècle, le plus important centre

commercial de l’intérieur :

84 « J’ai été assez surpris par l’étendue de la foire de Cassange, en même temps que j’avais le

cœur serré par l’état lamentable où il se trouvait : abandonné au début de la saison des

pluies, les herbes [capim] avaient poussé si haut que les maisons y étaient à moitié

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enfouies : les rues plus ou moins droites, bordées de bananiers et d’autres arbres, tout se

confondait : ici une porte défoncée, là d’autres grandes ouvertes, les maisons servant

d’abri aux bêtes sauvages. Tout n’était que dévastation. Tel est le tableau qu’offrait la

foire de Cassange »119.

85 De 1867 à 1883, le Cassange reste entièrement livré à lui-même, et jusqu’à la fin du siècle

aucune autorité portugaise ne parvient à s’y imposer. Les difficultés des Portugais

tiennent surtout aux faibles moyens dont ils disposent à de si grandes distances de

Luanda120.

86 En 1856, ils occupent Ambriz pour prévenir la réalisation d’un projet anglais visant à

s’emparer des mines de cuivre de Bembe et à les exploiter121, mais en 1858 ils se voient

obligés de céder les droits d’exploitation à la Western Africa Copper Company. Ils occupent

militairement la capitale du Congo, São Salvador, toute proche, de 1860 à 1866, se retirant

cette année-là, lorsque l’exploitation des mines, décidément non rentable, est

abandonnée122.

87 L’offensive diplomatique que mènent les Portugais à partir de 1855 sera plus fructueuse

que leurs opérations militaires. Comme nous l’avons déjà noté, c’est dès cette année-là

que le Portugal revendique la partie de la côte s’étendant jusqu’à 5° 12’de latitude sud,

c’est-à-dire juste au nord de Landana, englobant sous sa souveraineté l’embouchure du

Congo123. En 1863, une carte officielle, dont les auteurs sont Sá de Bandeira et Fernando da

Costa Leal, indique la frontière revendiquée comme acquise. La publication de cette carte

(suivie de rééditions) suscite des commentaires inquiets de la part des autorités françaises124.

88 Un cartouche porte en français les « observations » suivantes :

89 « La province d’Angola a pour limites maritimes le Rio Cacongo et le Cap Frio, ou plus

exactement le 5e degré 12 minutes et le 18 e degré de latitude méridionale. Voyez

convention entre Portugal et la Grande-Bretagne du 19 février 1810. Convention entre ces

mêmes puissances du 28 juillet 1817. Charte constitutionnelle de la Monarchie Portugaise

du 29 avril 1826.

90 …………………………………………………………………………………………

91 En 1570 le roi du Congo a fait cession au roi de Portugal de toute la côte maritime

comprise entre le Zaïre et l’île de Loanda »125.

92 Les limites données à la colonie par les auteurs de la carte dépassent de loin celles

admises par J. A. Carvalho e Menezes en 1834 :

93 « Sa frontière [de l’Angola] se trouve au nord du Fleuve Dande, dont l’embouchure est à 8°

29’, et s’étend jusqu’au Cabo Negro, à 15° 41’. Il touche au nord les terres du Marquis de

Mossul et d’autres tributaires du roi du Congo, à l’est les Moluas et autres indigènes, et au

sud les déserts... »126.

94 Quant à Loango, Cabinda, Molembo, Ambriz, l’auteur ajoute : « Nous n’y avons pas de

Colonies ni, comme il le faudrait sans doute, sur le grand fleuve Zaïre ou Congo »127.

95 Les termes de la Convention entre le Portugal et la France, du 30 janvier 1786 sont, en fait,

plus imprécis que ne le font croire les auteurs de la carte :

96 La France « ne s’arroge pas le droit de contester ni de reconnaître les titres qu’expose la

Cour de Portugal à la propriété, souveraineté et commerce de la côte d’Angola depuis le

cap Padron [rive méridionale de l’embouchure du Congo] vers le sud exclusivement aux

autres nations, mais consent que le commerce de ses sujets [de la France] sur ladite côte

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ne s’étende pas au sud du fleuve Zayre [le Congo] au delà du dit cap Padron, à condition

que les autres nations n’étendent point le leur au delà du dit Cap »128.

97 Le traité entre le Portugal et la Grande-Bretagne, du 19 février 1810, appuie la

revendication portugaise concernant les territoires au nord du grand fleuve, que la

France avait rejetée, mais ne donne aucune précision quant à la côte entre l’embouchure

du Congo et Luanda :

98 « Il faut toutefois qu’il soit bien entendu que les stipulations du présent article ne seront

pas considérées comme invalidant ou affectant en aucune façon les droits de la Couronne

Portugaise sur les territoires de Cabinda et Molembo, lesquels ont été autrefois contestés

par le Gouvernement Français... »129.

99 Par le traité du 28 juillet 1817, entre la Grande-Bretagne et le Portugal, la possession du

territoire s’étendant entre le 18e et le 8e degré de latitude fut reconnue à ce dernier.

Quant aux territoires de Molembo et de Cabinda, situés entre 5° 12’et 8° de latitude sud, le

Portugal déclarait pour sa part qu’il voulait uniquement réserver ses droits130. La charte

constitutionnelle de la monarchie portugaise (29 avril 1826) affirmait unilatéralement

que l’Angola, le Cabinda et le Molembo faisaient partie des possessions portugaises131.

100 Il n’existe, à notre connaissance, nul document contemporain faisant état d’une

prétendue cession par le roi du Congo au roi du Portugal, en 1570, de la côte entre

l’embouchure du Congo et l’île de Luanda. Comme nous l’avons vu plus haut, le roi D.

Sebastião « refusa généreusement » une « proposition » de D. Âlvaro I de devenir son

vassal132.

101 Les puissances réunies au congrès de Berlin en 1884-1885 devaient finalement repousser

la revendication portugaise de souveraineté jusqu’au 5e degré 12’de latitude sud, mais

l’inlassable obstination du Portugal à reculer la frontière septentrionale de l’Angola

devait néanmoins porter ses fruits, permettant un accroissement territorial considérable.

Par l’acte de Berlin, il s’est vu attribuer la majeure partie de l’Ancien Royaume du Congo,

territoire sur lequel il ne parviendra d’ailleurs à exercer une autorité effective que près

de trois décennies plus tard.

102 Tandis que le Portugal semblait réussir jusqu’à un certain point sa campagne

diplomatique, son emprise réelle sur les populations de l’intérieur devait se relâcher au

cours du dernier tiers du XIXe siècle.

103 Le Cassange ayant déjà échappé à son contrôle, voici qu’en 1872 la région des Dembos, aux

portes même de Luanda, se soulève133. La révolte, attisée par l’ex-roi du Congo D. Álvaro

XIII, éclate sur un refus de payer l’impôt aux autorités portugaises134. Les Portugais ne

parviendront à soumettre les Dembos qu’en 1919135, et cela grâce à une invention dont on

néglige trop l’importance pour la pacification coloniale, la mitrailleuse136.

104 Lorsqu’en 1907 João de Almeida fit une reconnaissance de cette région, dont les habitants

jouissaient depuis un quart de siècle d’une indépendance totale, il fut stupéfait d’y

rencontrer une organisation et un mode de vie pénétrés d’influence européenne. Le pays

était divisé en Concelhos, divisés à leur tour en Divisões. Les chefs avaient sous leurs ordres

des soldats commandés par des capitães et cabos (capitaines et caporaux) qui, outre leurs

fonctions militaires, surveillaient et dirigeaient les travaux agricoles ainsi que l’entretien

des chemins. La région exportait du café vers Luanda ; les méthodes d’agriculture

reflétaient celles en usage au Portugal ; la majeure partie de la population savait lire et

écrire le portugais et le parlait couramment. Les hommes s’habillaient à l’européenne et

les femmes se couvraient la poitrine. Les maisons possédaient des portes et des fenêtres

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et on y découvrait des chaises, des tables, des bancs, des armoires avec des tiroirs et des

lits, dont certains à dosserets137.

105 Un chef Dembo, chez qui Almeida fut hébergé, lui rendit visite le soir de son arrivée, un

livre sous le bras. « Eh bien ! » lui dit-il de but en blanc, « quels sont les principaux

événements du règne de D. João II [roi de Portugal de 1482 à 1495] ? » Très surpris,

Almeida lui en cita quelques-uns. « Il y a encore celui-ci, et celui-là, et encore celui-là »,

répliqua son interlocuteur, énumérant ceux qu’il avait omis138.

Seules les surfaces en blanc à l’intérieur des frontières indiquent l’occupation effective.

106 Longtemps soumis aux pires souffrances et aux vexations de l’époque de la traite, en

même temps qu’à une administration portugaise injuste et oppressive, les Dembos en

sortirent, malgré tout, de loin plus évolués matériellement que les populations des États-

courtiers.

NOTES

1. Voir à ce sujet les limites de la colonie de l’Angola, indiquées par le gouverneur dans son

rapport pour l’année 1861 (cf. Sebastião Lopes de Calheiros e Menezes, Relatório do Gover-nador

Geral da Provincia..., Lisbonne, 1867, pp. 5-6). Le fort d’Encoge, construit en 1759 dans les terres

méridionales de l’ancien royaume du Congo, ne devait représenter après 1853 qu’un élément

symbolique de la présence portugaise. Cette année-là, les soldats de la garnison, qui n’avaient pas

reçu de solde depuis trois ans, se révoltèrent et furent rappelés à Luanda. Francisco de Salles

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Ferreira, qui visita Encoge en 1854, n’y trouva que 14 soldats noirs encadrés par deux Blancs. La

végétation avait tout envahi, mais les murailles du fort demeuraient intactes (cf. Francisco de

Salles Ferreira, « Diario da Viagem para S. José de Encoge, feita em Dezembro de 1854 », in Annaes

do Conselho Ultramarino (parte não oficial), Lisbonne, série II (1859), pp. 53-54.

2. Gastão Sousa Dias, Os Portugueses em Angola, Lisbonne, 1959, p. 31.

3. La lieue portugaise est de 5,92 km, cf. F. Mauro, Le Portugal et l’Atlantique au XVIIe siècle, Paris

1957, p. LVII.

4. M.M.A., vol. III, pp. 36-51, texte de la donation du 19-9-1571.

5. Cf. la lettre de Dias de Novais du 3-1-1578, in M.M.A., vol. IV, p. 294, et d’autres dans le même

volume.

6. M.M.A., vol. I, p. 432 (doc. de 1520), et aussi M.M.A., vol. I, p. 540 (doc. de 1530).

7. M.M.A., vol. II, p. 489 (doc. de 1562), et M.M.A., vol. II, p. 530 (doc. de 1565).

8. Cf. J. C. Feo Cardoso, Memória contendo... a História dos Governadores... de Angola, Paris, 1825, p.

129.

9. Domingos de Abren de Brito, « Sumario e Descripção do Reino de Angola... (1591) », in Felner,

Um Inquérito..., p. 23.

10. 5 ou 6 selon un doc. de 1594, cf. M.M.A., vol. IV, p. 557.

11. M.M.A., vol. III, p. 146 (doc. de 1576).

12. M.M.A., vol. II, p. 518.

13. M.M.A., vol. III, p. 145 (doc. de 1576).

14. 400 soldats, des munitions et des articles de commerce en 1578 ; 200 soldats et 22 000

cruzados en 1579-1580 ; 200 soldats en 1584 ; 90 soldats en 1586 et 150 en 1587 (cf. M.M.A., vol. IV,

pp. 564-565). Un document anonyme de c. 1600 affirme qu’un million g medio de oro de la Hacienda

Real fut dépensé pour la conquête de l’Angola, in Documentação Ultramarina Portuguesa, Centro de

Estudos Históricos Ultramarinos, Lisbonne, 1962, vol. II, p. 204.

15. M.M.A., vol. IV, pp. 558 et 572 (doc. de 1594).

16. M.M.A., vol. III, p. 190 (doc. de 1580).

17. Ibid., loc. cit.

18. Ibid., loc. cit.

19. M.M.A., vol. III, p. 248 (doc. de 1583).

20. Cf. Cadornega, op. cit., t. I, pp. 124-127.

21. M.M.A., vol. I, pp. 485-487 (doc. de 1526).

22. On peut se demander d’où venait l’argent envoyé d’Angola au cardinal D. Henrique

(1578-1580), et dont on a tait des calices (cf. Balthasar Telles, Chronica da Companhia de Jesus na

Provincia de Portugal, 2e partie, Lisbonne 1647, liv. VI, cap. XXVII, pp. 621-622). Vraisemblablement

de Potosi, clandestinement via Buenos Aires, port qui importait de nombreux esclaves d’Angola.

« ... tout l’argent qui est au Brésil et en Angola vient de là », écrit Pyrard de Laval, Voyage

(seconde partie), Paris, 1615, pp. 383-386.

23. Fernão Guerreiro, Relações Annuais, vol. II, Evora, 1605, f° 125 r°, (t. I, p. 395, de l’éd. de

Coïmbre, 1930) ; et aussi M.M.A., vol. IV, pp. 353-354 (doc. de 1583).

24. Cf. Fernão Guerreiro, op. cit., loc. cit., ainsi que M.M.A., vol. IV, pp. 442-452, et Francisco

Rodrigues, História da Companhia de Jesus na Assistência de Portugal, t. II, vol. II, pp. 535-548. Le

Portugal est sous la souveraineté espagnole de 1580 à 1640.

25. M.M.A., vol. V, p. 389 (doc. de 1607), et M.M.A., vol. V, p. 265 (doc. de 1607).

26. 2. M.M.A., vol. VI, p. 368 (doc. de 1619).

27. Cf. Jan Vansina, « The Foundation of the Kingdom of Kasanje », in Journal of African History,

vol. IV, n° 3 (1963), pp. 355-374 ; et aussi M.M.A., vol. VI, p. 283 (doc. de 1617), et M.M.A., vol. VI, p.

368 (doc. de 1619).

28. Rivière non identifiée.

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29. Tradition orale fournie par Makunzu et recueillie par G. L. Haveaux, La tradition historique des

Bapende orientaux. Mémoire I.R.C.B., t. XXXVII, fasc. 1 (1954), pp. 47-48.

30. M.M.A., vol. VII, p. 78 (doc. de 1622-1623).

31. M.M.A., vol. VIII, p. 242-243 (doc. de 1633).

32. M.M.A., vol. VI, p. 370 (doc. de 1619).

33. M.M.A., vol. VIII, p. 243 (doc. de 1633).

34. Ibid., vol. VIII, p. 362 (doc. de 1625).

35. Cité par Edmundo Correia Lopes, A Escravatura, Lisbonne, 1944, p. 99.

36. Cf. Felner, Angola, pp. 471-472 (doc. de c. 1625).

37. Ibid., pp. 520-521.

38. D. Miguel António de Mello, « Relatório do Governo... » (Angola no começo do século XIX) », in

Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa, 5a série (1885), p. 553.

39. Felner, Angola, p. 233.

40. Ibid., p. 471.

41. Ibid., p. 471.

42. Cavazzi, lib. V, § 112.

43. Cavazzi, lib. IV, § 22.

44. Cavazzi, lib. V, § 107, et lib. II, § 6.

45. Ibid., lib. V, § 109.

46. Ibid., lib. V, § 109.

47. P. Salmon, « Mémoire de la relation de voyage de M. de Massiac à Angola et à Buenos Aires »,

in Bulletin des Séances de l’Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer, t. VI, fasc. 4 (1960), p. 594 ; et

aussi Cadornega, t. I, p. 416.

48. Sa principale source est l’ouvrage de Francesco Maria Gioia, La Meravigliosa conversione della

Regina Singa [sic], Naples, 1669, cf. O. de Bouveignes, « Sur la source d’un roman africain de 1769 »,

in Zaire, vol. II, n° 7 (1948), pp. 797-800.

49. Cf. David Birmingham, Trade and Conflict in Angola, Oxford, 1966, p. 108.

50. Cavazzi, lib. VI, § 2.

51. Cadornega, t. III, p. 208.

52. Cavazzi, lib. VI, § 4, § 22.

53. Ibid., lib. VI, § 51 et 101. L’édifice avait 32,25 m de long, 10,50 m de large et 7,75 m de haut.

54. Ibid., lib. VI, § 46.

55. Ibid., lib. VI, § 80, et Cadornega, t. II, p. 224. Cadornega dit qu’elle envoyait des Noires à

Luanda apprendre cet art.

56. Ibid., VI, § 86.

57. Ibid., lib. VI, § 109.

58. Ibid., lib. VI, § 134.

59. Cadornega, t. II, pp. 314-329 et p. 546 note 80a.

60. Ibid., t. II, p. 375 et t. III, p. 217.

61. Cavazzi, lib. VI, § 74, et Cadornega, t. II, p. 257.

62. Cadornega, t. II, pp. 53-61.

63. Gastão Sousa Dias, A Batalha de Ambuíla, Lisbonne, 1942, p. 105.

64. P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, p. 143.

65. Ms. cité par C. R. Boxer, The Golden Age of Brazil, Los Angeles, 1962, p. 4.

66. Les négriers de la Compagnie Française de l’Assiente fréquentent le Loango, le Kakongo, le

Cabinda, à partir de 1703 (cf. Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce,

Paris, 1723-1730, pp. 1069-1070). Les Anglais fréquentent le Mussul à partir de 1758-1764, cf.

Gastão Sousa Dias, Os Portugueses em Angola, Lisbonne, 1959, p. 221.

67. David Birmingham, Trade and Conflict in Angola, pp. 138-139.

68. Elias Alexandre da Silva Corrêa, História de Angola (1792), vol. II, 15-16.

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69. Ibid., loc. cit.

70. David Birmingham, op. cit., p. 154.

71. Elias Alexandre da Silva Corrêa, op. cit., vol. II, p. 80, et P. Labarthe, Voyage à la côte de Guinée,

Paris 1803, pp. 187-188.

72. Elias Alexandre da Silva Correa, op. cit., vol. II, p. 105.

73. David Birmingham, Trade and Conflict in Angola, p. 134.

74. Ibid., p. 137.

75. Ibid., p. 134-135.

76. Ibid., p. 137.

77. Ibid., p. 154 ; Gastão Sousa Dias, sans donner de détails, attribue cette phase aiguë aux

« irrégularités et abus » du contratador à qui avait été affermé le droit d’exporter des esclaves (cl.

Gastão Sousa Dias, Os Portugueses em Angola, p. 203).

78. Cf. Cadornega, op. cit., t. II, p. 219, qui les appelle Mozuas, « vassaux d’un seigneur très

puissant ». Mozua est une forme de Molua, terme par lequel seront couramment désignés les

Lundas aux XVIIIe et XIXe siècles. Manuel Correia Leitão (1755) fait allusion au « Grand Seigneur

des Moluas... le Muataianvo », cf. Gastão Sousa Dias, « Uma viagem a Cassange nos meados do

século XVIII », in Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa, série 56, n° 1-2 (1938), p. 25.

79. Gastão Sousa Dias, art. cit., loc. cit.

80. Ibid., art. cit., p. 4.

81. Ibid., art. cit., p. 16. Correla Leitão parle ici de la nation Malando, puis fait allusion au « Grand

Seigneur des Moluas, le Muataianvo », donnant à entendre qu’il s’agit d’ethnies différentes. Il

nous semble licite de les assimiler, car A. C. P. Gamitto, lors de sa visite au roi Cazembe en 1832,

appeUe ses sujets Lundas, Marundas, ou Arundas, ajoutant que l’héritier du roi devrait être fils

d’une femme originaire des terres du Muataianvo, cf. A. C. P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne,

1854, pp. 243 et 350.

82. David Birmingham, Trade and Conflict in Angola, p. 150.

83. Cf. Hélio A. Esteves Felgas, As Populações Nativas do Congo Portuguis, Luanda, 1960, pp. 26-27.

84. David Birmingham, Trade and Conflict in Angola, p. 152.

85. Ibid., p. 154.

86. M. Plancquaert, Les Jagas et les Bayakas du Kwango, Mémoire I.R.C.B., t. II, fasc. I (1932), pp.

84-86.

87. Elias Alexandre da Silva Correa, História de Angola, vol. I, p. 61. La série de chiffres que donne

Burningham tend à confirmer Corrêa, cf. Trade and Conflict in Angola, pp. 137, 141, et 154-155.

88. Cf. chap. XIV du présent ouvrage.

89. Giuseppe Monari da Modena, in Evaristo Gatti, Sulle Terre e sui Mari, Parme, 1931, p. 111.

90. Rosario del Parco, in L. Jadin, « Aperçu de la situation du royaume du Congo... », in Bulletin de

l’Ins(. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV (1963), p. 359. Il se peut que l’écart entre ces deux chiffres

soit excessif, car selon des recensements de 1777 et 1778 la population blanche de l’ensemble de

l’Angola se montait respectivement à 1 581 et 1 700 individus, cf. Oscar Soares Barata, « Aspectos

das Condições demográficas de Angola », in Angola, Curso de Extensão Universitaria, Ano Lectivo

1963-1964, Lisbonne, s.d., p. 123. Il est certain que plus de la moitié des Blancs habitaient la

capitale.

91. P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, p. 143.

92. Elias Alexandre da Silva Corrêa, História de Angola, vol. I, p. 30.

93. Afonso Taunay, « Subsidios para a História do Tráfico Africano », in Anais do Museu Paulista, t.

X (1941), p. 212.

94. Cette estimation pour le port de Luanda correspond aux chiffres d’Edmundo Correla Lopes, A

Escravatura, pp. 102-103. Pour l’Angola et le Benguela ensemble, la moyenne entre 1759 et 1803

était de 14 à 15 000 (cf. José Nicolau da Costa, Memórias clos rendimentos da real fazenda do reino de

Angola e Capitania de Benguela até ao anno 1803, Lisbonne, 1804, cité par le marquis de Sá da

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Bandeira, O Trabalho rural africano, Lisbonne, 1873, p. 18), et de 22 000 pour la période 1816-1819

(cf. J. C. Feo Cardoso, Memórias..., Paris, 1825, p. 336).

95. Alves J. A. Roçadas, La main-d’œuvre indigène en Angola, Lisbonne, 1914, p. 10 (IIIe Congrès

International d’Agriculture Tropicale, Londres, 1914). Les bénéfices réalisés par les trafiquants

passaient de 30 % pendant la période de crise jusqu’à 200 et 300 %.

96. J. J. Monteiro, Angola and the River Congo, Londres, 1875, vol. II, p. 67.

97. Thomas Fowell Buxton, The African Slave Trade, Londres, 1839, pp. 1, 4 et 26.

98. Christopher Lloyd, The Navy and the Slave Trade, Londres, 1949, p. 275.

99. Cf. le récit [de Pedro Joào Baptista] « Viagem de Angola para os Rios de Senna », in Annaes

Marítimos e Coloniaes, Lisbonne, 1823, n 5, pp. 162-190 ; n° 6, pp. 223-240 ; n° 7, pp. 278-297 ; n° 9,

pp. 423-439 ; n° 10, pp. 493-506 ; n 11, pp. 538-552.

100. Cf. J. C. Feo Cardozo, Memórias..., Paris, 1825, p. 300, et Arquivos de Angola, 2e série, vol. II, n°

9-10 (1945), p. 220 ; cf. la lettre du gouverneur au Muataianvo, du 22 janvier 1808, in ibid., vol. cit.,

pp. 223-224.

101. R. T. Anstey, Britain and the Congo in the 19th Century, p. 19.

102. H. Capello et R. Ivens, De Angola a Contra Costa, Lisbonne, 1886, vol. I, p. 76.

103. Alves J. A. Roçadas, La main-d’œuvre indigène en Angola, p. 12.

104. J. C. Feo Cardoso, Memórias..., Paris, 1825, pp. 348-357.

105. J. J. Lopes de Lima, Ensaios, Lisbonne, 1846, vol. III, p. 4.

106. Sebastião Lopes de Calheiros e Menezes, Relatório do Governador Geral da Provincia de Angola

referido ao anno de 1861, Lisbonne, 1867, pp. 10-11.

107. J. J. Lopes de Lima, op. cit., loc. cit.

108. Charles Vogel, Le Portugal et ses Colonies, Paris, 1860, p. 556.

109. J. J. Monteiro, Angola and the River Congo, vol. II, p. 23.

110. Lieutenant Cantaloub à l’amiral Ribourt, Montevideo, 20 oct. 1875, Archives de la Marine,

série BB4 985.

111. Le commandant de la Pallas à M. le Ministre, Bahia, 18-8-1881, Archives de la Marine, série

BB4 1132.

112. António de Saldanha da Gama, Memórias sobre as Colónias de Portugal situadas na Costa Ocidental

da Africa, Paris, 1839, p. 55.

113. Contre-amiral d’Auriac à M. le Ministre, Saint-Paul de Luanda, 1869, Archives de la Marine,

série BB4 889.

114. Cf. F. Clément Egerton, Angola in Perspective, Londres, 1957, p. 84.

115. J. J. Lopes de Lima, Ensaios, vol. III, Lisbonne, 1846, pp. XXXVIII, 4 et 131 ; cf. aussi F. T. Valdez,

Six Years of a Traveller’s Life in Western Africa, Londres, 1861, vol. II, p. 293, et surtout Henrique Dias

de Carvalho, O Jagado de Cassange, Lisbonne, 1898, p. 112.

116. Henrique Dias de Carvalho, O Jagado de Cassange, pp. 131-217.

117. Commandant Didelot au Ministre de la Marine, Gabon, 4-12-1862, Archives de la Marine,

série BB4 802 (« L’opération pour reprendre Cassange a tout à fait échoué »).

118. H. Capello et R. Ivens, De Benguela às Terras de Iacca, Lisbonne, 1881, vol. I, p. 290 (« Les luttes

contre les Portugais en 1860 ont marqué le début de cette phase de décadence, qui s’est peu à peu

aggravée avec les nombreuses querelles et les petites guerres entre les Jagas avides de pouvoir »).

119. António Rodrigues Neves, Memória da Expedição a Cassange comandada pelo Major Salles Fereira

em 1850, Lisbonne, 1854, pp. 3, 35.

120. Henrique Dias de Carvalho, O Jagado de Cassange, pp. 406-407.

121. R. T. Anstey, Britain and the Congo in the 19lh Century, p. 23.

122. A. Galvão, « Relatório da minha viagem ao Congo », in Bol. Soc. Geog. de Lisboa, série 36, nos 4-6

(1918), p. 140.

123. R. T. Anstey, op. cit., p. 46.

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124. Cf. C. A. Bourgeois à M. le Ministre, 20 août 1870, Archives de la Marine, série BB 4 889 ;

contre-amiral Ribourt a M. le Ministre, Vénus, en mer, 26 août 1876 ; Note sur une carte portugaise

de l’Angola par le marquis de Sâ de Bandeira et Fernando da Costa Leal, 3e éd. Lisbonne, 1870, avec

la carte annexe par A. Conrad, capitaine de vaisseau, Vénus, 25 août 1876. Archives de la Marine,

série BB4 1060 ; lettre du R. P. Duparquet à M. le contre-amiral Ribourt, Landana, 28 déc. 1876,

Archives de la Marine, série BB4 1073.

125. Angola, Mappa coordinado pelo Visconde de Sá de Bandeira e Fernando da Costa Leal, Lisbonne,

1863, B.N., Dépt. des Cartes et Plans, Fonds du Service Hydrographique, Portefeuille 114, Division

4, pièce 25.

126. J. A. Carvalho e Menezes, Memôria Geográfica e Politica das Possessões Portuguesas n’Africa

occidental, Lisbonne, 1834, p. 1.

127. Ibid., p. 4.

128. Cf. José Ferreira Borges de Castro, Colecção dos Tratados, Convençôes, Contratos..., Lisbonne,

1856, t. III, pp. 417-419.

129. José Ferreira Borges de Castro, op. cit., t. IV, p. 409.

130. Ibid., t. V, p. 329.

131. Cf. Carta Constitucional da Monarchia Portugueza decretada e dada pelo Rei de Portugal et Algarves

D. Pedro, Imperador do Brasil aos 29 de Abril 1826, Londres, 1828, p. 3.

132. Cf. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 358. Naukeurige Beschrijvinge p. 588. Feiner cite un

document de 1628 du chanoine Bras Corrêa, où celui-ci déclare avoir vu et lu la lettre de D.

Sebastião au roi Alvaro I (cf. Felner, Angola, p. 234). Il s’agit du Códice 51-VIII-31 de la

Bibliothèque d’Ajuda, Lisbonne, t. II, fos 19-29, doc. de 1628-1629.

133. Cf. António de Almeida, « Relaçòes com os Dembos », in Primeiro Congresso da História da

Expansão Portuguesa no Mundo, Lisbonne, 1938, 4a secção, vol. III, pp. 59-70.

134. Cf. supra chap. XV, § 6.

135. António de Almeida, art. cit., p. 81.

136. Ibid., p. 73. L’arme est utilisée contre les Dembos dès 1907.

137. Henrique Galvão, História do nosso Tempo, Lisbonne, 1931. pp. 121-123 et 135.

138. João de Almeida, Journal, cité par Henrique Galvão, op. cit., p. 143.

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Conclusion

1 L’idéologie du régicide institutionnel, que nous avons tenté de définir dans le second

chapitre, connut ses premières formulations voici plus d’un demi-siècle1.

2 André Malraux raconte, dans ses Antimémoires2, que son père assista vers 1913 à un

colloque, qui avait pour thème : « La permanence de l’homme à travers les civilisations ».

3 Il fut surtout impressionné par l’intervention d’un savant allemand, le professeur

Möllberg qui, très enthousiaste, esquissa à grands traits le fatalisme inexorable, la beauté

même de la mort prédestinée du roi en Afrique.

4 Nulle allusion à une révolte pour secouer la tyrannie du ciel.

5 Möllberg voyait l’Africain pris dans « une grande structure mentale », qui tenait « pour

absolue, inattaquable, une évidence particulière qui ordonne la vie ; et sans laquelle

l’homme ne pourrait ni penser, ni agir ».

6 « Elle saisit et possède l’homme, lui ne la possède jamais tout entière ».

7 On protesta. L’homme n’avait-il pas en lui « quelque chose d’éternel sa part divine, son

aptitude à mettre le monde en question... ? »

8 Réplique de Möllberg : « Sisyphe aussi est éternel ».

9 A cette vision ténébreuse d’un déterminisme fataliste et satisfait, l’Afrique n’avait-elle pas

su opposer ses Ergaménès, Heilbringer de la liberté, encore que ce fût souvent dans un bain

de sang ?

10 En abordant notre recherche, nous avions pensé, après d’autres, que la coupure majeure

dans l’histoire du Congo était le passage du temps « païen » au temps chrétien. Au terme

de notre enquête, nous en sommes moins persuadés.

11 Certes, le « sacré » des Blancs agit sur le système politico-religieux des Congolais, avec la

même virulence qu’à la même époque les virus européens sur les populations du Nouveau

Monde. Mais après avoir d’abord capitulé, les Congolais commencèrent à biaiser, à

opposer une sourde résistance au christianisme. Cette fatale incapacité de choisir

clairement l’une des deux idéologies en rejetant catégoriquement l’autre fut, pour

l’Ancien Congo, une source de faiblesse, sa tragédie même. Comme le Mexique, sur un

autre plan, il s’est engagé (le roi D. Garcia II surtout) dans le « labyrinthe de la solitude »3.

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12 A la différence de l’islamisme, diffusé en Afrique par voie de terre, le christianisme y est

(sauf en Éthiopie) parvenu par mer. Cette provenance thalassienne donna naissance, dans

l’esprit des Congolais, à une étrange équivoque concernant son message.

13 Finalement, la révolution chrétienne a laissé davantage de traces dans la tradition orale

que dans le style de vie des Congolais. Son empreinte demeura faible et s’accompagna

d’un phénomène de double adhésion, pratiques chrétiennes et « païennes » coexistant

sans qu’il y ait une prise de conscience de leur mutuelle incompatibilité.

14 L’arrivée des Européens a bien amorcé le processus de désagrégation du royaume, la

« désatellisation » des vassaux, leur transformation en États-courtiers, mais le véritable

tournant, le commerce noir – non pas celui des Pombeiros portugais – intensif et

largement diffusé, n’apparaît que bien plus tard, après l’effondrement du pouvoir central,

en 1665.

15 La coupure de 1665 – déstructuration politique suivie de l’implantation d’un réseau

économique d’échanges – est-elle plus marquante que la « révolution » chrétienne de

1506 et l’ouverture d’une nouvelle frontière ? Nous sommes tenté de le croire.

16 Pour que des groupes de commerçants noirs, partis de la côte, pussent faire passer leurs

caravanes par l’intérieur, il fallait que le territoire traversé fût dépourvu d’un pouvoir

fort et centralisé.

17 Après l’abolition de la traite, l’extension des réseaux commerciaux, pendant longtemps

consacrés au trafic d’hommes, ouvrit la voie à la production et au ramassage des produits

végétaux, phénomène déjà rare dans l’Afrique pré-coloniale.

18 Reste à savoir si le bien-être des populations était mieux servi par la cohérence politique,

ou par une activité économique accrue. C’est là une question que nous ne tenterons pas

de résoudre ici4.

19 L’intégration politique de l’ancien royaume avait certes garanti à ses habitants une

sécurité étendue à une aire très vaste, mais au prix d’un despotisme rigoureux dont la

masse congolaise eut sans doute à subir l’oppression politique sans toutefois avoir à en

supporter l’exploitation économique : il n’existait en effet ni organisation adéquate ni

propriété privée faute de quoi ce régime ne disposait d’aucun moyen de coercition

rationalisée sur le peuple5.

20 A l’actif des influences européennes, on ne peut inscrire que l’introduction des plantes

américaines. Pour le reste – métallurgie et tissage – il y eut régression.

21 Sur la grande question que nous pose cette région d’Afrique, son histoire démographique,

nous n’avons pu apporter que des réponses partielles et bien fragiles : nul indice de la

densité de population avant l’arrivée des Européens, et nulle preuve satisfaisante d’une

remontée du chiffre de la population due à l’introduction des plantes américaines ; nulle

statistique sur la traite au nord du fleuve, et les chiffres concernant le port de Luanda ne

tiennent pas compte de la fraude. C’est surtout sur cette vaste question d’histoire

démographique, que devraient s’orienter de futures recherches.

22 Autre problème à approfondir par une étude comparée sur l’ensemble de l’Afrique : le

rôle économique des États-courtiers, rôle que nous oserons assimiler à celui des Ports of

Trade de Karl Polanyi6. On trouve d’ordinaire ces populations qui rançonnent en jouant le

rôle d’écluses au bord de la mer. L’implantation des Portugais en Angola les a tout

simplement rejetées dans l’intérieur. Elles existent toujours. Leur action médiatrice

semble nécessaire à tout contact entre civilisations différentes.

223

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23 Pourquoi le royaume du Congo n’a-t-il pu se constituer lui-même en État-courtier entre

les Européens, d’une part, et les empires Bateke et Lunda de l’autre ? Il se pourrait bien

que l’une des conditions d’existence de l’État-courtier soit un territoire de dimensions

limitées. Les moyens dont disposait l’Afrique traditionnelle pour administrer une aire

aussi vaste que celle de l’ancien royaume du Congo n’étaient pas suffisants pour que, de la

capitale, on puisse espérer tenir à l’écart les uns des autres, Européens et ethnies

étrangères.

24 Au début de cette recherche, nous avions nourri l’espoir de voir se former, à partir de

l’énorme somme de documentation portugaise et italienne sur le sujet, une image claire

du passé congolais. Il nous apparaît toujours indispensable de la dépouiller

attentivement, mais nous avons acquis la conviction que seule l’archéologie est

susceptible de faire surgir la réalité essentielle de ce passé. Les seuls grands tournants de

l’histoire du continent noir ne sont-ils pas, en effet, l’apparition de l’agriculture et la

connaissance du fer ?

NOTES

1. Cf. Leo Frobenius (au génie quelque peu délirant), lui-même inspiré de Sir James Frazer. De

Frobenius, voir surtout son dernier ouvrage, Erythräa, Berlin, 1932.

2. André Malraux, Antimémoires, Paris, 1967, pp. 41-46.

3. Cf. le livre célèbre d’Octavio Paz, El Laberinto de la Soledad, Mexico, 1950, trad. franc. Paris, 1959.

4. Ce glissement ne représenterait-il pas assez bien le passage de la Gemeinschaft à la Gesellschaft,

selon la thèse célèbre de Ferdinand Tönnies ? Cf. traduction anglaise de Charles P. Loomis,

Community and Association, International Library of Sociology and Social Reconstruction, Londres,

1955.

5. On nous objectera l’existence d’esclaves, mais ni leur statut avant l’époque de la traite, ni la

façon de les « exploiter », ne peuvent se comparer à ce qui se passait avec les Noirs dans le

Nouveau Monde.

6. Karl Polanyi et al., Trade and Market in the Early Empires, Glencoe, Illinois, 1957 ; id., « Ports of

Trade in Early Societies », in Journal of Economic History, vol. XXIII, n° 1 (1963), pp. 30-45 ; et

Anthony Leeds, « The Port of Trade in Pre-European India as an Ecological and Evolutionary

Type », in Viola E. Garfield (éd.), Proceedings of the 1961 Annual Spring Meeting of the American

Ethnological Society, University of Washington Press, Seattle, 1961, pp. 26-43.

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Les rois de l’ancien Congo. (Seulsfigurent sur cette liste ceux qui ontrégné à São Salvador)

1 1. Ntinu nimi a Lukeni

2 2. Nanga kia ntinu

3 3. (inconnu)

4 4. D. João I, Nzinga a Nkuwu, mort en 1506

5 5. D. Afonso I (1506-1543)

6 6. D. Pedro I (1543-1544 ?)

7 7. D. Francisco I (1544)

8 8. D. Diogo I (1545-1561)

9 9. D. Bernardo I (1561-1567)

10 10. D. Henrique I (1567-1568)

11 11. D. Álvaro I (1568-1587)

12 12. D. Álvaro II (1587-1614)

13 13. D. Bernardo II (1614-1615)

14 14. D. Álvaro III (1615-1622)

15 15. D. Pedro II (1622-1624)

16 16. D. Garcia I (1624-1626)

17 17. D. Ambrósio I (1626-1631)

18 18. D. Álvaro IV (1631-1636)

19 19. D. Álvaro V (1636)

20 20. D. Álvaro VI (1636-1641)

21 21. D. Garcia II (1641-1661)

22 22. D. António I (1661-1665)

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23 23. D. Álvaro VII (1665-1666)

24 24. D. Álvaro VIII (1666-1669)

25 25. D. Raphael I (1669) (expulsé)

26 26. D. Álvaro IX (1669-1672)

27 27. D. Raphael I (1672-1674) (revenu au pouvoir)

28 28. D. Daniel I (1674-1678)

29 São Salvador est abandonné de 1678 à 1703

30 29. D. Pedro IV (1703-1718)

31 30. D. Manuel II (1718-1730)

32 31. D. Sebastião I (1730-1743)

33 32. D. Garcia IV (1743-1752)

34 33. D. Nicolas I (1752-1733)

35 34. D. Pedro V (1763-1780)

36 35. D. Álvaro XI (1764-1778) (rival de D. Pedro V)

37 36. D. José I (1781-1785)

38 37. D. Afonso V (1785-1788)

39 38. D. Aleixo (? ?)

40 39. D. Joaquim (? ?)

41 40. D. Henrique I (1793-1802)

42 41. D. Garcia V (1802-1830)

43 42. (inconnu)

44 43. D. André II (18??-1842)

45 44. D. Henrique IV (1842-1858)

46 45. D. Álvaro XIII (1858-1859)

47 46. D. Pedro V – Pedro Elelo (1859-1891)

48 47. D. Álvaro XIII (XIV) (1891-1896)

49 48. D. Henrique V (1896-1901)

50 49. D. Pedro VI (1901-1910)

51 50. D. Manuel III (1910-1914)

52 51. D. Álvaro Nzinga (1914-1923)

53 52. D. Pedro VII (1923-1953)

54 53. D. Garcia VI (1953-1958)

55 Certaines dates de règnes n’ont pu être établies avec la précision que nous eussions

souhaitée, notamment pour le XVIIIe siècle.

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BIBLIOGRAPHIE

SOURCES

Nous avons utilisé comme sources :

J. CUVELIER, « Traditions Congolaises », in Congo, t. II, n° 2 (1931), pp. 196-198.

E. G. RAVENSTEIN, « List of the Kings of Kongo », in The Strange Adventures of Andrew Battell (E. G.

Ravenstein ed., Hakluyt Society, Londres, 1901, pp. 136-138).

Biographie Coloniale Belge, Bruxelles t. II, 1951.

L. JADIN, « Le Congo et la secte des Antoniens (1694-1718), » in Bulletin de l’Institut Historique Belge

de Rome, fasc. XXXIII (1961), pp. 411-615.

– « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in ibid., fasc. XXXV (1963), pp. 346-419.

– Communication personnelle.

António de ALMEIDA, « Subsidio para a História dos reis do Congo », in Congresso do Mundo

Português, Lisbonne, 1940, vol. VIII, pp. 485-511.

– « Mais subsidios para a História dos reis do Congo », in ibid., vol. VIII, pp. 643-696.

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Bibliographie

ABRÉVIATIONS ET INDICATIONS GÉNÉRALES

Sigles désignant les Bibliothèques où se trouvent les ouvrages mentionnés :

B.N.P. = Bibliothèque Nationale de Paris.

B.M. = British Museum.

B.N.L. = Bibliothèque Nationale de Lisbonne.

B.A.O.M. = Bibliothèque d’Afrique et d’Outre-Mer, Paris.

Abréviations d’ouvrages et revues cités à de nombreuses reprises :

M.M.A. = António Brásio, Monumenta Missionária Africana, 10 vol., Lisbonne, 1952-1960.

P.M. = Visconde de Paiva Manso, História do Congo, (Documentos), Lisbonne, 1877.

I.R.C.B. = Institut Royal Colonial Belge (Bruxelles).

A.R.S.C. = Académie Royale des Sciences Coloniales (Bruxelles).

A.R.S.O. = Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer (Bruxelles).

Dans ces trois derniers cas, il s’agit toujours, sauf indication contraire, de la Classe des Sciences

Morales et Politiques.

Les auteurs italiens figurent, dans l’ordre alphabétique, à leur nom patronymique et non à celui

de leur lieu de naissance. Ainsi, Giacinto Brugiotti da Vetralla se trouve à BRUGIOTTI, Giacinto (da

Vetralla).

Pour les auteurs portugais, nous avons tenu compte du dernier de leurs noms. Ainsi, Duarte

Pacheco Pereira se trouve à PEREIRA, Duarte Pacheco.

Quant aux auteurs belges, nous avons incorporé la particule au nom patronymique. Ainsi, Luc de

Heusch se trouve à DE HEUSCH, LUC, et Van Wing à VAN WING.

I. — GUIDES D’ARCHIVES

CUVELIER, J., « Note sur la Documentation de l’Histoire du Congo », in Bulletin des Séances de

l’I.R.C.B., t. XXIV, fasc. 2, Bruxelles (1953), pp. 443-470.

DE JONGHE et SIMAR, « Archives Congolaises », in Revue Congolaise, Bruxelles (1912), pp. 419 sq.

Coup d’œil sur les documents aux Archives de la Propagande de Rome, relatifs au Congo.

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DIAS, Luís Fernando de Carvalho, Noticia dos documentos da Secção dos Reservados, Fundo Geral

da Biblioteca Nacional de Lisboa, respeitantes às provincias ultramarinas de Angola, Cabo Verde,

Guiné, Macau, Moçambique, S. Tomé e Timor, in Garcia de Orta, Lisbonne, vol. 5, no s 2 et 3 (1957).

JADIN, L., « L’Ancien Congo et les Archives de l’Oud West Indisch Compagnie conservées à La Haye

(1641-1648) », in Bulletin des Séances de l’A.R.S.C, t. I, fasc. 3, Bruxelles (1955), pp. 447-451.

— « Rapport sur les recherches aux archives d’Angola, du 4 juillet au 7 septembre 1952 », in

Bulletin des Séances de l’I.R.C.B., t. XXIV, fasc. 1, Bruxelles (1953), pp. 157-169.

— « Recherches dans les Archives et Bibliothèques d’Italie et du Portugal sur l’Ancien Congo : I.

Missions des Capucins, XVIIIe et XIXe siècles ; II. Lettres de Garcia V (1813-1815) — Relation de

Boaventura dos Santos, 1877 », in Bulletin des Séances de l’A.R.S.C, Bruxelles, t. II, fasc. 6 (1956), pp.

951-990.

— « Importance des acquisitions nouvelles des Archives historiques de l’Angola à Loanda pour

l’histoire de l’Afrique centrale 1726-1915 », in Bulletin des Séances de l’A.R.S.O. (1966), n° 6, pp.

892-903.

RANDLES, W. G. L., « Pesquisas sobre a presença européia na bacia do Congo, realizada em arquivos

de Paris » [Archives Nationales et Archives de la Marine], in Boletim da Filmoteca Ultramarina

Portuguesa, n° 20, Lisbonne, 1962, pp. 31-118.

Analyse sommaire des rapports des commandants de la Marine française de la Division navale de

l’Atlantique Sud, pour la période 1850-1884).

II. — MANUSCRITS

ANON., História do Reino do Congo, [c. 1655], ms 8080 de la B.N.L., extraits publiés par A. Albuquerque

Felner, Angola, Coïmbre, 1933, pp. 375-379.

Source capitale sur la fondation du royaume du Congo. Sur le texte et la date probable de la

composition, cf. A. Brásio, « A História do Reino do Congo », in Portugal em Africa, vol. VI (1949),

pp. 153-161. Bràsio nie à tort la valeur historique du texte.

— Osservationidel Regno di Congo dell’anno 1656, B.N.P., ms espagnol 324 (38), fos 149 r° 151 V°.

Observations précieuses sur la vie matérielle des Congolais. Nous remercions notre collègue J.-J.

Hémardinquer de nous avoir signalé ce manuscrit.

BRUGIOTTI, Giacinto (da Vetralla), Infelicità felice o vero Mondo alla rooersa del R.P.F. Giacinto da

Vetralla, Predicatore Capuccino (sic) e Profetto della Missione nel Regno del Congo. Delle Qualità Costumi e

Maniere di Vivere dell’Habitatori del Regno del Congo e Paesi Vicini. / Nelle quali scorgendosi un’estrema

miseria da loro non conosciutò, con une totale contraietà al vivere morale e politico dell’Europa, ben si puo

chamare il loro Emisphero un Mondo alla Roversa e una Infelicità felice. Ms s.d.n.l. (milieu du XVIIe

siècle), 207 fos (non consulté).

Ce manuscrit est une source capitale pour la sociologie et la culture matérielle des Congolais. Il

est analysé par Giuseppe Simonetti (qui en donne des extraits), « P. Giacinto Brugiotti da Vetralla

et la sua Missione al Congo (1651-1657) », in Bolletino della società geographica italiana, série IV, vol.

VIII, n° 4 (1907), pp. 305-322, et n° 5 (1907), pp. 369-381 ; le chanoine L. Jadin en possède une copie

et a l’intention d’en publier une traduction.

— Alcuni appuntamenti notabili circa la Missione di Congo, appuntati da me P. Giacinto da Vetralla, Capno ;

e Prefetto di detta Missione. Ms Africa 6, Congo, vol. 250, fos 192 sq. (milieu du XVIIe siècle), in

Archives de la Propagande, Rome (non consulté).

Voir Streit et Dindinger, Bibliotheca Missionum, t. XVI, n° 3766.

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FARIA, Manuel Severim de, Historia portuguesa e de outras provincias do occidente desde o anno 1610 até

o de 1640. Escrita em 31 relaçõespor Manuel Severim de Faria, chantre da Sé de Evora, B.N.L. Ms n° 241,

378 fos (non consulté).

Voir notes de José Matias Delgado, in António de Oliveira de Cadornega, História Geral das Guerras

Angolanas, Lisbonne, 1940-1942, t. I, p. 63.

PAVIA, Andrea da, Viario apostolico alle missione dell’Africa, 1702, Bibliothèque de Madrid. Ms n°

3165, fos 68-132 v°.

Traduction de J. Cuvelier, inédite, résumée par L. Jadin, « Le clergé séculier et les capucins du

Congo et d’Angola aux XVIIe et XVIIIe siècles », in Bulletin de l’Institut Historique de Rome, fasc. XXXVI

(1964), pp. 246-249, n. 2.

SANTIAGO, Père Juan de, Breve Relacion / Delo succedido a doce Religos Capp°s que la Santa Sede

Apostolica enbio Por missonarios— Apostolicos al Reyno de Congo [1649-1650].

Ms 772 de la Bibliotheca del Palacio Nacional, Madrid (non consulté).

Voir Buenaventura de Carrocera, « Dos relaciones ineditas sobre la misiõn Capuchina del

Congo », in Collectanea Francescana, vol. XVI (1946), pp. 102-124 ; aussi Francisco Leite de Faria,

« Fr. João de Santiago e a sua Relação sobre os Capuchinos no Congo », in Portugal em Africa, vol. X

(1953), pp. 316-333.

SOUSA, Fernão de, Governo de Angola de Fernâo de Sousa. Codices 51-8-30 et 51-8-31 de la

Bibliothèque d’Ajuda, Lisbonne (non consulté).

La correspondance de Fernâo de Sousa, gouverneur de l’Angola (1624-1630). Des extraits ont été

transcrits par Maria Adélia Victor de Mendonça, O Governo de Fernâo de Sousa em Angola 1624-1630,

thèse dactylographiée, Coïmbre, 1963.

TERUEL, Père António de, Descripcion narrativa de la mission serafica delos Capuchinos, y sus Progressos

en el Reyno de Congo [1663-1664]. Ms 3533 et 3574 de la Biblioteca Nacional de Madrid (non

consulté).

Voir Buenaventura de Carrocera « Dos relaciones inéditas sobre la mision Capuchina del Congo »,

in Collectanea Franciscana, vol. XVI (1964), pp. 102-124.

III. — BIBLIOGRAPHIES

ALENÇON, Édouard d’, « Essai de Bibliographie Capucino-Congolaise », in Neerlandia Franciscana,

Iseghem, 1914-1919 (au couvent des capucins, 26 rue Boissonnade, Paris-XIVe).

ANON., Biographie Coloniale Belge, Bruxelles, 5 vol. (1948-1956). B.N.P., 4° G 2582 (1-5).

On y trouve des biographies sommaires des plus importants des anciens rois du Congo.

— Catalogus der Bibliotheek, Nederlandsch Historisch Museum, Amsterdam, 1960, 2 vol. (B.N.P.,

département des Cartes et Plans).

— Lexicon Capuccinum Promptuarium Historico-Bibliographicum] Ordinis Fratrum Minorum

Capuccinorum, 1525-1950, Romae, 1951, 1867 p. B.N.P.

BORCHARDT, Paul, Bibliographie de l’Angola 1500-1910.

Monographies bibliographiques, n° 11, Institut Solvay, Bruxelles, 1912, 61 p.

Cette bibliographie, introuvable dans les bibliothèques de Paris, est décevante ; fondée

principalement sur l’ouvrage de Paulitschke.

CUVELIER, J., « Note sur la documentation de l’histoire du Congo », in Bulletin des Séances de l’I.R.C.B.,

t. XXIV, fasc. 2, Bruxelles, 1953, pp. 443-470. Très utile.

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PAULITSCHKE, Philipp, Die Afrika Literatur in der Zeit von 1500 bis 1150 n. Chr. Ein Beitrag zur

geographischen Quellenkunde, Vienne, 1882.

Peu soigné dans la composition. Très faible sur les sources portugaises. Utile sur les ressources

des bibliothèques allemandes et des archives hollandaises.

STREIT, Robert et DINDINGER, Johannes, Bibliotheca Missionum, Freiburg, 1951-1952 (surtout t. XV

(1053-1599), XVI (1600-1699) et XVII (1700-1879) ). Essentiel pour tout travail de recherche.

IV. — RECUEILS DE DOCUMENTS ET DE TEXTES

BAL, Willy (éd.), Le Royaume du Congo aux XVe et XVIe siècles, Documents d’Histoire, I.N.E.P.,

Léopoldville. Les Amis de Présence Africaine, Bruxelles, 1963, 124 p. D’utilité très restreinte.

BRÁSIO, António, Monumenta Missionária Africana (Africa Ocidental), Lisbonne, Agência-Geral do

Ultramar (en cours de publication).

Première Série :

Vol. I, 1472-1531 (1952).

Vol. II, 1531-1569 (1953).

Vol. III, 1570-1599 (1953).

Vol. IV, 1469-1599 (1954).

Vol. V, 1600-1610 (1955).

Vol. VI, 1611-1621 (1955).

Vol. VII, 1622-1630 (1956).

Vol. VIII, 1631-1642 (1960).

Vol. IX, 1643-1646 (1960).

Vol. X, 1647-1650 (1965).

Seconde Série :

Vol. I, 1342-1499 (1958).

Vol. II, 1500-1569 (1963).

Vol. III, 1570-1600 (1964).

Le premier souci de l’auteur étant la missiologie, le lecteur n’est pas toujours assuré d’y trouver

des textes intéressant la culture matérielle et la sociologie de la région concernée. Cette œuvre

n’en reste pas moins une source capitale et indispensable. Il suffit de la compléter par l’ouvrage

de Cuvelier et Jadin, où d’ailleurs de nombreux documents sont répétés.

CUVELIER, J. et JADIN, L., L’Ancien Congo d’après les archives romaines, Mémoire I.R.C.B., t. XXXVI, fasc.

2, Bruxelles, 1954, 600 p. (Bibl. Musée de l’Homme et Musée d’Hist. Nat.).

Contient « Histoire du Congo », Ms Vat. Lat. 12516 [fin XVIe siècle], fos 103- 125 (pp. 108-160) et

« De la situation du royaume du Congo » (1595), (pp. 194- 207).

Utile surtout pour l’histoire ecclésiastique du Congo. A l’exception des deux textes indiqués ci-

dessus, peu de sources sur la culture autochtone.

FELNER, Alfredo de Albuquerque, Angola. Apontamentos sobre a ocupaçãoe inicio do estabelecimento dos

Portugueses no Congo, Angola e Benguela, Coïmbre, 1933, 593 p.

Dont 210 consacrées à la reproduction de documents inédits, relatifs à l’histoire du Congo et de

l’Angola jusqu’au premier quart du XVIe siècle. Ouvrage sérieux et réfléchi.

MANSO, Visconde de Paiva, História do Congo (Documentos), Lisbonne, 1877, 369 p.

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Couvre la période 1492-1722. Utile pour les époques non encore couvertes par les volumes d’A.

Brásio.

V. — OUVRAGES ET SOURCES PUBLIÉS OU COMPOSÉSAVANT 1880

ALMADA, André Alvares de, Tratado Breve dos Rios de Guiné (1594), réédité par Luís Silveira,

Lisbonne, 1946.

Pour le problème des Jagas.

ANDRADE, José Baptista de, « Apontamentos de uma viagem do Bembe a Encoge. 6 Julho 1858 », in

Annaes do Conselho Ultramarino (parte não oficial), série I, Lisbonne (1858), pp. 511-518.

ANGUIANO, Juan Garcia Mateo de, Epitome Histórial g Conquista Espiritual del Imperio Abyssino en

Etiopia la Alta..., Madrid, 1706, 204 p. (B.N.P.), pp. 121-140 sur le Congo ; pp. 129-135 sur les luttes

intestines au Congo.

— Misiones Capuchinas en Africa : I. La Misión del Congo. II. Misiones al Reino de la Zinga, Benin, Arda,

Guinea g Sierra Leone, Introdución y Notas del Padre Buenaventura de Carrocera, O.F.M. cap.,

Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Instituto Santo Toribio de Mongrovejo, Madrid,

vol. I (1950) ; vol. II (1957) (B.N.P.).

Le premier volume couvre la période 1645-1705 ; il fut terminé en 1716.

ANON., « Acto de Obediencia, sujeiçâo e vassalagem que ao muito alto e poderoso rei fidelissimo D.

José o I, nosso senhor e seus reaes successores faz nas mãos do illustrissimo e excellentissimo

senhor D. Francisco Innocencio de Sousa Cou-tinho governador e capitão General d’estes reinos e

suas conquistas o potentado Holo Marimba Goge por seus embaixadores D. Thomas Planga-Ria-

Temo, Holo-Ria-Quibalacace e Quienda » [Luanda, 8 de Julho 1765], in Annaes do Conselho

Ultramarino (parte nao oficial), Lisbonne, série I, 1858, pp. 523-524.

— « Apontamentos para a História das Missões religiosas do Congo e Angola, extraídos dos livros

manuscritos do extincto Conselho Ultramarino existentes na Biblioteca Nacional de Lisboa », in

Missões de Angola e Congo, vol. XIII, Braga, 1933 [doc. de 1692-1695].

Non consulté, manque à la B.N.P.

— « Exploraçôes dos Portugueses no interior da Africa meridional », in Annaes Marítimos e

Coloniaes, Lisbonne, 1843, pp. 162-190 ; 223-240 ; 278-297 ; 423-439 ; 493-506 et 538-582.

Doc. et récits du voyage des deux Pombeiros de Cassange au Mozambique en 1802-1811.

— Journal d’un Voyage sur les Costes d’Afrique et aux Indes d’Espagne avec une description particulière de

la rivière de la Plata, Buenosayres et autres lieux : commencé en 1702 et fini en 1106, Amsterdam, chez

Paul Marret, 1723. Rouen, 1723. B.N.P. (G. 24960).

Quelques renseignements sur le commerce en Angoï.

— « Memória das Couzas antigas acontecidas neste reino do Congo » [Ms. du milieu du XIXe

siècle], in Boletim Oficial do Governo Geral da Provincia de Angola, nos 642 et 643, Lisbonne, 1858.

Non consulté ; manque à la B.N.P. D’après Francisco Leite de Faria (Uma Relaçãode Rui de Pina sobre

o Congo escrita em 1492, Agrupamento de Estudos de Cartografia Antiga, vol. XVIII, Secçâo de

Lisboa, Lisbonne, 1966, p. 26), il s’agit de la tradition orale recueillie au XVIIIe siècle.

— « Notícias do Paiz de Quissama e do Exercito que foi a castigar os gentios daquella provincia,

pelos insultos por elles commettidos, de furtos e mortes feitos aos vassallos de Sua Magestidade

Fidelissima moradores na Cidade de S. Paulo Reino de Angola e nos das margens do rio Quanza »

[1798], in Annaes Marítimos e Coloniaes, 6a Série, n° 4, Lisbonne (1846), pp. 119-127.

232

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— « Ritos gentílicos e superstições que observão os negros do gentio do Reyno de Angola desde o

seu nascimento a the a morte », Cod.xvi/2-15 № 17 [Sécu-lo XVIII] (Bibliothèque d’Evora), in

Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa, 5 » série, n° 6 (1885), pp. 371-374.

— Mercurio Portuguêscom as novas do mês do Julho do ano de 1666, (B.N.L. Secçâo dos Reservados 110

v.) (Récit de la bataille d’Ambuíla, le 29 octobre 1665).

Reproduit in Diogo Cão, IIIe série, n° 6 (1936), pp. 164-172.

— « Relacão da... Victoria que alcançarão as armas de ElRey Dom Afonso 6° contra el Rey do

Congo (1665) », publié par C. R. Boxer, « Uma Relaçãoin édita e contemporánea da Batalha de

Ambufla en 1665 », in Boletim Cultural do Museu de Angola, Luanda, n° 2, (1960), pp. 65-73.

ATRI, Marcellin d’, Relation sur le royaume du Congo 1690-1700, in « Cahiers Ngonge », n° 5 (1960),

Léopoldville, 115 p.

Récit d’une visite au Stanley Pool.

BANDEIRA, Sá da, Faits et Considérations relatifs aux droits du Portugal sur les territoires de Molembo

Cabinda et d’Ambriz, Lisbonne, 1855, 71 p.

— O Trabalho Rural Africano e a Administração colonial, Lisbonne, 1873.

BAPTISTA, Pedro João, voir : Anon., « Explorações dos Portugueses... ».

BARBOT, Jean, « A Description of Lower Ethiopia », in John Churchill, A Collection of Voyages and

Travels, vol. V, Londres, 1732, pp. 467-496.

Renseignements utiles sur le commerce des États-courtiers au nord du fleuve Congo.

— « Voyage to Congo River or the Zaire in the Year 1700 », in John Churchill, A Collection of

Voyages and Travels, vol. V, Londres, 1732, pp. 497-522.

Renseignements importants sur le commerce des États-courtiers au nord du fleuve Congo.

BARLAEUS, Caspar, Rerum per Octennium in Brasilia..., Amsterdam, 1647, 2 e éd. 1660. Trad. allemande

1659, pp. 244-246.

Sur les conflits entre le Soyo et le Congo.

BARBOS, João de, Décadas da Ásia, Década I, Lisbonne 1552, éd. de António Baião, Coïmbre, 1932.

Seule la première Décade intéresse l’Afrique. Le Congo est traité au livre III, chap. IX, X et XII. Sur

ce grand historien portugais, cf. C. R. Boxer, Three Portuguese Histórians, Barros, Couto and Bocarro,

brochure publiée par la Imprensa Nacional, Macau, 1948 ; I. S. Revah, « João de Barros », in Revista

do Livro, São Paulo, n° 9 (1958), pp. 61-71 ; et António José Saraiva, « A Concepção Planetária da

História em João de Barros », in Para a História da Cultura em Portugal, Lisbonne, 1961, vol. II, pp.

329-355.

BASTIAN, Adolf, Ein Besuch in San Salvador, Brême, 1859.

La première description ethnographique du Congo.

— Die Deutsche Expedition an die Loango Käste, Iéna, 1874, 2 vol.

BATTELL, Andrew, voir RAVENSTEIN, E. G.

[BOLOGNE, Hyacinthe de], La Pratique Missionnaire des PP. Capucins italiens dans le royaume de Congo,

Angola et contrées adjacentes, brièvement exposée pour éclairer et guider les missionnaires destinés à ces

saintes missions... [1747] éd. J. Nothomb (S. J.), Louvain, éditions de l’Aucam, n° 2, 1931, 188 p. (Au

Couvent des Franciscains, 26 rue Boissonnade, Paris).

Éclaire indirectement le comportement religieux des Noirs.

BOUËT-WILLAUMEZ, E., Commerce et Traite des Noirs aux côtes occidentales d’Afrique, Paris, 1845.

BOWDITCH, T. E., An Account of the Discoveries of the Portuguese in the interior of Angola and

Mozambique..., Londres, 1824.

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Page 236: L’ancien royaume du Congo des origines à la fin du XIXe siècle · 2019-02-21 · Voici l'histoire, minutieusement reconstituée, d'un contact et d'une interpénétration limitée

Petit livre qui résume très utilement les explorations contemporaines des Portugais.

BOXER, C. R., « Uma Relação inédita e contemporânea da Batalha de Ambuíla em 1665 », in Boletim

Cultural do Museu de Angola, Luanda, n° 2 (1960), pp. 65-73.

BRAUN, Samuel, Schiffarten, Bâle, 1624. Trad. lat. : Samuelis Brunonis, « Appendix Regni Congo »,

in éd. lat. de Filippo Pigafetta, Regnum Congo, Francfort, 1625. Réédition du texte allemand par

L’Honoré Naber, vol. VI de la Linschoten Vereeniging ‘s Gravenhage, 1913.

L’auteur est un Bâlois qui avait servi comme barbier-chirurgien sur des bâtiments hollandais

commerçant à Loango et au Soyo en 1611-1613. Cf. L. Gue-bel, « Le séjour de Samuel Braun à Soyo

en 1612 », in Bulletin des Séances de l’A.R.S.C, t. I, fasc. 3, Bruxelles (1955), pp. 429-446. P.9 de l’éd.

latine citée : des remarques sur le rôle de la femme dans l’agriculture africaine.

BRITO, Domingos de Abreu de, « Sumário e descripção do reino de Angola e do desco-brimento da

Ulhade Loanda e da grãdeza das capitanias do estado do Brasil, 1591 », édité par Alfredo de

Albuquerque Feiner, Um Inquérito à Vida Adminis-trativa de Angola e do Brasil em fins do século XVI,

Coïmbre, 1931. Texte très important.

BRUGIOTTI, Giacinto (da Vetralla), « Epistola P. Hyacinthi a Foro Cassii Missionarii Cap. in Regno

Congi anno 1652 » (texte en italien), in Analecta Ordinis Minorum Capuccinorum, t. 13, Rome, 1897,

pp. 89-96.

Reproduit une lettre du roi D. Garcia II à ses vassaux, à l’occasion de son jubilé, les exhortant à

adhérer au christianisme.

BURTON, R. F., Two Trips to Gorilla Land and the Cataracts of the Congo, 2 vol., Londres, 1876.

Vol. II sur les Portugais en Angola.

BUXTON, Thomas Fowell, The African Slave Trade, Londres, 1839.

Utile pour les estimations statistiques de l’ampleur de la traite.

CADORNEGA, António de Oliveira de, História Geral das Guerras Angolanas (1680- 1681), éd. annotée et

corrigée par José Matias Delgado et Manuel Alves da Cunha, Lisbonne, 3 vol., 1940-1942.

Épopée exubérante des guerres des Portugais dans l’intérieur de l’Angola. Les notes de J. M.

Delgado sont abondantes et utiles, elles reposent souvent sur des sources inédites. Le troisième

volume donne un tableau géographique et sociologique de l’Angola de l’époque. Cf. Gladwyn

Murry Childe, « The Peoples of Angola in the seventeenth century according to Cadornega », in

Journal of African History, vol. I, n° 2 (1960), pp. 271-279, article d’ailleurs décevant. Cf. aussi С. R.

Boxer, « A « História » de Cadornega no Museo Británico [ms. écrit entre 1720 et 1745 à

Luanda] », in Revista Portuguesa de História, t. VIII (1959), pp. 291-298.

CALTANISSETA, P. da, « Relation sur le royaume de Congo 1690-1700 », in Cahiers Ngonge, n° 6,

Léopoldville (1960). Récit d’un voyage au Stanley Pool.

CARDOZO, J. C. Feo, Memórias contendo... a História dos governadores e capitaens generaes de Angola,

desde 1575 até 1825 e a Descripção Geográfica e Política dos Reinos de Angola e de Benguella..., Paris, 1825,

382 p. B.N.P. (Oz 110).

Source à n’utiliser qu’avec prudence ; il est préférable de faire appel aux documents de première

main dans M.M.A.

CARLI, Dionigi de (da Piacenza) et GUATTINI, Michel Angelo (da Reggio), Viaggio del... nel regno del

Congo, Reggio, 1671 et 1672, Bologne, 1674, 274 p. B.N.P. (О3 о 4), Bologne, 1678 et 1679 ; Venise,

1679 et 1753.

Trad. franç. : Relation curieuse et nouvelle d’un voyage au Congo fait ès années 1666 et 1667, Lyon, 1680,

296 p. B.N.P. (O3 о 5), également dans J. B. Labat, Relation historique de l’Éthiopie occidentale, Paris,

1732, t. V, pp. 93-268.

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Trad. angl. dans John Churchill, A Collection of Voyages and Travels, Londres, 1704, t. I, pp. 553-589.

Trad. allemande, Reisen der Missionaren in Congo, etc., Leipzig, 1749.

Les deux missionnaires ont travaillé dans le Mbamba et le Mpemba. Leur récit apporte de

nombreux détails importants sur la vie des Congolais et sur leur culture matérielle.

CASTILHON, M. L., Zingha, Reine d’Angola, Histoire Africaine en deux parties, Paris, 1769. B.N.P. (Y2

6946-47), 2e éd., Rotterdam, 1775.

Histoire de style romancé, fondée sur l’ouvrage de Gioia. Cf. O. de Bouvei-gnes, « Sur la source

d’un roman africain de 1769 », in Zaïre, vol. II, n° 7 (1948), pp. 797-800.

CASTRO, A. J., « Roteiro da Viagem ao reino do Congo por A. J. Castro major da província de

Angola. Em Junho de 1845 », in Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa, 2a série, n° 2 (1880), pp.

53-67. Description de São Salvador à cette date.

CASTRO, José Ferreira Borges de, Collecçãodos Tratados, Convenções,Contratos..., 30 tomes, Lisbonne,

1856-1879.

GAVAZZI, Gio. Antonio (da Montecuccolo), Istorica Descrizione de’tre Regni Congo, Matamba, et Angola

sitvati nell’Ethiopia inferiore occidentale e delle Missioni Apostoliche Esercitateui da Religiosi Capuccini

Accuratamente compilata dal P. Gio Antonio Gavazzi Da Montecucculo Sacerdote Capvccino Il Qval Vi Fu’

Prefetto E nel presente stile ridotta dal P. Fortunato Alamandini da Bologna predicatore dell’istesse Ordine.

All’illustrissimo Signor Conte Giacomo Isolani, Bologne, 1687, 2 e éd., Milan, 1690, 786 p. (Nous nous

sommes servi de la 2 e éd. de Milan).

Trad. franç. libre et résumée de J. B. Labat, Relation historique de l’Éthiopie Occidentale, Paris, 1732, 5

tomes.

Trad. allemande : Munich, 1694 (plus sûre que celle de Labat en français).

Trad. portugaise du P. Graciano Maria de Leguzzano O. M. Cap., Junta de Investigaçôes do

Ultramar, 2 vol., Lisbonne. 1965. C’est la seule édition critique et annotée.

L’ouvrage de Cavazzi, composé entre 1654 et 1667, est une source capitale sur la sociologie et la

culture matérielle des Congolais. On ne doit pas oublier que le texte de Cavazzi a été retouché par

Fortunato Alamandini. Il convient d’utiliser avec prudence la « traduction » de Labat. Cavazzi a

séjourné en Angola à deux reprises, de 1654 à 1667 et de 1673 à 1677. Voir la critique pénétrante

de son ouvrage par J. Cuvelier, « Notes sur Cavazzi », in Zaïre, vol. III, n° 2 (1949), pp. 175-184 ; et

l’introduction sur la vie et l’oeuvre de Cavazzi par le P. F. Leite de Faria, dans la traduction

portugaise du P. Graciano Maria de Leguzzano.

CESINALE, Rocco da, Storia delle Missioni dei Capuccini, Rome, 1873. N’existe pas à la B.N.P.

T. II, chap. xi, pp. 517-673 : résumé des écrits inédits sur le Congo au XVIIe siècle.

CORREA, Elias Alexandre da Silva, História de Angola [1792], Lisbonne, 1937, 2 vol.

Ouvrage écrit dans un style « xviiie » dont la grandiloquence est souvent comique ; ce Brésilien

donne cependant des renseignements utiles sur la vie des Blancs à Luanda et sur le commerce

extérieur du pays. On ne peut guère lui faire confiance que pour la période où il a vécu en Angola.

Il en est parti en 1789.

COSTA, José Nicolau da, Memórias dos rendimentos da real fazenda do reino de Angola e capitania de

Benguella até ao anno 1803, Lisbonne, 1804. N’existe pas à la B.N.P.

Éléments statistiques sur la traite. Non consulté.

CRUS, Luis Felix. 0 Manifesto das ostilidades que a gente que serve a companhia de Olanda obrou contra os

portugueses, Lisbonne, 1651. Rééd. Edgar Prestage, Coïmbre, 1919. N’existe pas à la B.N.P. Non

consulté.

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CUVELIER J., « L’Ancien Congo d’après Pierre van den Broecke (1608-1612) », in Bulletin des Séances

de l’A.R.S.C, t. I, fasc. 2 (1955), pp. 168-192. Voir aussi à RATELBAND, K. et à VAN DEN BROECKE, Pieter.

— Documents sur une Mission française au Kakongo, 1766-1776, Mémoire I.R.C.B., t. XXX, fasc. 1,

Bruxelles (1953), 132 p.

Documents extraits des Archives de la Propagande et des Archives des Missions étrangères à

Paris.

— Relations sur le Congo du Père Laurent de Lucques (1700-1717), Mémoire I.R.C.B., t. XXXII, fasc. 2

(1953), 357 p.

Bien qu’il ne s’agisse que du Soyo, ces relations apportent des éléments intéressants sur

l’organisation politique des Congolais.

— « Le Vénérable André de Burgos et la situation religieuse au Congo et dans l’Angola au temps

de son apostolat, 1745-1761 », in Collectanea Franciscana, t. XXXII, Rome, 1962, pp. 86 et sq.

DAPPER, Olfert, Naukeurige Beschrijvinge der Afrikaensche gewesten van Egypten, Barbaryen, Lybien...

Guinea, Ethiopien, Abyssinie..., Amsterdam, 1668, 2e éd. 1676. Trad. franç. Description de l’Afrique,

Amsterdam, 1686. Trad. allemande, Amsterdam, 1670.

Seule la traduction allemande est sûre, la française doit être constamment confrontée au texte

flamand. Dapper est un compilateur. Il n’est pas allé lui-même en Afrique. Les passages sur le

Congo et le Loango n’en restent pas moins des sources capitales pour l’histoire et les institutions

des deux royaumes.

DEGRANDPRÉ, L., Voyage à la côte occidentale d’Afrique fait dans les années 1786 et 1787, Paris, 1801, 2 vol.

Renseignements importants sur Loango, Molemba et Cabinda.

DIAS, Gastao Sousa, A Batalha de Ambuíla, Lisbonne, 1942, 159 p., dont 42 de documents inédits sur

la défaite de l’armée du Congo aux mains des Blancs de Luanda.

— « Uma Viagem a Cassange nos meados do século XVIII », in Boletim da Sociedade de Geografia de

Lisboa, série 56, n° 1-2 (1958), pp. 3-30.

Le récit [de Manuel Correia Leitâo] « Viagem que eu, sargento-mór dos moradores do distrito do

Dande fiz às remotas partes de Cassange e Olos, no ano 1755 até o seguinte de 1756 ».

DOUVILLE, J. B., Voyage au Congo et dans l’intérieur de l’Afrique équinoziale fait dans les années 1828, 1829

et 1830 par J. B. Douville, Paris, 1832.

L’auteur prétend être allé au delà du Cassange et avoir visité le Muataianvo, roi des Lundas, mais

son récit est communément tenu pour un faux. R. F. Burton (Two Trips to Gorilla Land and the

Cataracts of the Congo, Londres, 1876, vol. II, pp. 78-80) l’accuse d’être un imposteur.

DU JARRIC, Pierre (S. J.), De l’Histoire des Choses les plus mémorables advenues tant ez Indes Orientales que

autres pais de la découverte des Portugais... (seconde partie), Bordeaux, 3 vol., 1608-1613 ; B.N.P. (4° O2 k 260).

Livre III : importantes remarques sur l’Angola au XVIe siècle, qui ne se trouvent pas dans les

documents de l’époque, imprimés dans M.M.A.

DUPARQUET, R. P., « Voyage au Zaïre », in Bulletin de la Société de Géographie de Paris, vol. XII (1876),

pp. 412-426.

Surtout une description du paysage.

EDWARDS, Bryan, The History Civil and Commercial of the British Colonies in the West Indies, Dublin,

1793 ; 2 e éd. Londres, 1819, vol. II, p. 50.

Le commerce des Français et celui des Portugais du point de vue de leurs incidences respectives

sur la traite, le long des côtes du Congo.

236

Page 239: L’ancien royaume du Congo des origines à la fin du XIXe siècle · 2019-02-21 · Voici l'histoire, minutieusement reconstituée, d'un contact et d'une interpénétration limitée

ENCISO, Martins Fernandes de, Suma de Geografia, Séville, 1519 ; B.N.P., Rés. G. 98. Pour le problème

des Jagas.

FARIA, Manuel Severim de, Noticias de Portugal, Evora, 1655, Lisbonne, 1791, pp. 225- 227 et 235-236

de la 1re éd.

Remarques intéressantes sur l’échec de la christianisation de l’Angola.

FELNER, Alfredo de Albuquerque, voir BRITO, Domingos de Abreu de.

FERREIRA, Francisco de Salles, « Diário da Viagem para S. José de Encoge feita em Dezembro de

1854 », in Annaes do Conselho Ultramarino, (parte não oficial), Lisbonne, série II (1859), pp. 51-54.

— « Memória sobre o presídio de Pungo-Andongo » (s.d.), in Annaes Marítimos e Coloniaes (parte

não oficial), Lisbonne, 6a série, n° 4 (1846), pp. 105-119 (carte).

— « Memória sobre o sertão de Cassange. 20 Abril 1853 », in Annaes do Conselho Ultramarino (parte

não oficial), Lisbonne, série I (1854), pp. 26-28. p. 4 : sur l’élection du Jaga ; p. 28 : mort et

enterrement du Jaga.

FONSECA, Sebastiâo de Almeida Saldanha da, « Relação de uma jornada de Loanda ao Presídio de

Pungo-Andongo, provincia de Angola, no anno de 1847 », in Annaes do Conselho Ultramarino (parte

nâo oficial), Lisbonne, série I (1858), pp. 475-478 (gravure).

FRANCINA, Manuel Alves de Castro, « Itinerário de uma jornada de Loanda ao Distrito de Ambaca

na província de Angola [1846] », in Annaes do Conselho Ultramarino (parte nâo oficial), Lisbonne,

série I (1854), pp. 3-15.

FRANCO, António (S. J.), Imagem da Virtude em o noviciado da Companhia de Jesu na Corte de Lisboa,

Lisbonne, 1717, B.N.P. (Fol. Oy 23), Evora, 1719, B.N.P. (Fol. Oy 23a).

T. II de l’éd. d’Evora : éléments sur l’implantation des Portugais en Angola.

— Synopsis Annalium Societatis Jesu in Lusitania ab Anno 1540 usque ad Annus 1725, Augsburg, 1726,

B.N.P. (H. 1767).

Éléments sur l’histoire du Congo que l’on ne trouvera pas dans M.M.A.

GAMA, António de Saldanha da, Memórias sobre as Colónias de Portugal situadas na Costa Ocidental

d’Africa... em 1814, Paris, 1839, 112 p., B.N.P. (8° Oy 107).

GATTI, Evaristo, voir MONARI, Giuseppe (da Modena).

GIL, António Considerações sobre alguns pontos mais importantes da moral religiosa e sistema de

jurisprudência dos pretos do continente da Africa occidental portuguesa..., Lisbonne, 1854 ; Reproduit in

Boletim LIV da Universidade de São Paulo, Etnografia e Lingua Tupi-Guarani, n° 8, São Paulo,

Brésil, 1945, 53 p.

Témoignage d’un ethnographe observateur, à une époque où l’ethnographie en était encore à ses

débuts.

GIOIA, Francesco Maria (da Napoli), La Meravigliosa Conversione alla santa fede di Christo delle Regina

Singa [sic] e del suo Regno di Matamba nell’ Africa meridionale... cavata de una Relatione di la mandata dal

P. F. António da Gaeta..., Naples 1669, B.N.P. (4° O3 o 3).

Complète utilement, sur certains points, l’ouvrage de Cavazzi.

GODINHO, P. André do Couto, voir : VIDE, Fr. Raphael Castello de.

GRANDY, W. G., « Report of the proceedings of the Livingstone Congo Expedition », in Proceedings of

the Royal Geographical Society, vol. 19 (1874-1875), pp. 78-105. Description d’un voyage à São

Salvador.

GUATTINI, Michel Angelo (da Reggio), voir : CARLI, Dionigi de (da Piacenza).

GUERREIRO, Fernâo, RelaçõesAnnuais, 4 vol., Evora, 1603-1611 ; réédition Coïmbre, 3 vol. 1930-1942.

237

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Éléments sur l’Angola : vol. II (1605).

JADIN, L., « Aperçu de la situation du Congo et rite d’élection des rois en 1775, d’après le P.

Cherubino da Savona, missionnaire au Congo de 1759 à 1774 », in Bulletin de l’Institut Historique

Belge de Rome, fasc.XXXV, Bruxelles (1963), pp. 343-419.

— « Le Clergé séculier et les Capucins du Congo et d’Angola aux XVIe et XVIIe siècles [sic] [= XVIIe et

XVIIIe], Conflits de Juridiction, 1700-1726 », in Bulletin de l’Institut Historique Belge de Rome, fasc.

XXXVI, Bruxelles (1964), pp. 185- 483 (textes et doc).

— « Le Congo et la secte des Antoniens. Restauration du Royaume sous Pedro IV et la « Saint-

Antoine » congolaise (1694-1718) », in Bulletin de l’Institut Historique Belge de Rome, fasc. XXXIII

(1961), Bruxelles, pp. 411-615 ; doc. inédits pp. 449-601.

— « Recherches dans les Archives et Bibliothèques d’Italie et du Portugal sur l’Ancien Congo, I :

Missions des Capucins (XVIIe-XIXe siècles) ; II : Lettres de Garcia V (1813-1815) ; III : Relation de

Boaventura dos Santos (1877) », in Bulletin des Séances A.R.S.C., t. II, fasc. 6 (1956), pp. 951-980.

— « Relations sur le Royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de 1791 à

1798 », in Bulletin des Séances A.R.S.C., t. III, fasc. 2 (1957), pp. 307-337.

Éléments sur l’état du royaume du Congo dans sa période de décadence.

— « Rivalités luso-néerlandaises au Soyo, Congo, 1600-1675 », in Bulletin de l’Institut Historique

Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), pp. 137-359.

Renferme deux documents importants, traduits du flamand, sur le Congo.

LABARTHE, P., Voyage à la côte de Guinée ou Description des côtes d’Afrique depuis le Cap Tagrin jusqu’au

Cap Lopez Gonzalvez ; contenant des instructions relatives à la traite des Noirs, Paris, 1803.

L’ouvrage concerne l’année 1788. Éléments sur les États-courtiers au nord du fleuve Congo.

LACERDA, Paulo Martins Pinheiro de, « Noticia da campanha e paiz do Mosul, que conquistou o

Sargento Mór Paulo Martins Pinheiro de Lacerda, no anno de 1790 até principio do anno 1791 »,

in Annaes Marítimos e Coloniaes, 6a série, n° 4, Lisbonne (1846), pp. 127-133.

LAVAL, François Pyrard de, voir : PYRARD DE LAVAL, François.

LEITÃO, Manuel Correia, voir : DIAS, Gastão Sousa.

LIMA, J. J. Lopes de, « Descobrimento, Posse e Conquista do Reino do Congo pelos Portugueses no

século xvi », in Annaes Marítimos e Coloniaes, Lisbonne (1845), pp. 93-108.

— Ensaio sobre a estatlstica das PossessõesPortuguesas. Vol. III : Ensaio sobre a estattstica d’Angola e

Benguella, Lisbonne, 1846.

— « Successos do Reino do Congo no século xvii », in Annaes Marítimos e Coloniaes, Lisbonne (1845),

pp. 194-199.

Éléments utiles sur le Congo après la défaite d’Ambuíla.

LUCQUES, Laurent de, voir CUVELIER, J.

MAFFEI, Raffaello (da Volterra), Commentariorum Urbanorum, Libri XXXVIII, Rome, 1506, B.N.P. : (Z

585).

F° 138 v° : court passage sur la découverte du Congo. Éléments que ne reproduit aucun

chroniqueur portugais contemporain.

MELLO, D. Miguel António de, « Relatório do governo de... », in « Angola no começo do século

XIX » (25 août 1802), in Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa, 5a série (1885), pp. 548-564.

[MELLO, D. Miguel António de, et autres], « Angola no fim do século XVIII, Documentos », in

Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa, 6a série (1886), pp. 274-304.

238

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MENEZES, J. A. Carvalho e, Demonstraçâo geographicae politica do Território Portuguez na Guiné inferior

que abrange o Reino de Angola, Benguela e suas dependencias, Causas de sua decadênciae atrasamento,

suas conhecidas producçõese os meios que se podem aplicar para o seu melhoramento e utilidade geral da

naçâo, Rio de Janeiro, 1848.

N’existe pas à la B.N.P. Non consulté.

— Memõria Geográfica e Política das Possessôes Portuguezas n’Africa occidental, Lisbonne, 1834, 41 p., in

Nederlandisch Historisch Scheepvaart Museum, Amsterdam.

Brève dénonciation de la décadence de l’Angola.

MENEZES, Sebastião Lopes de Calheiros e, Relatório do Governador Geral da Província de Angola referido

ao anno de 1861, Lisbonne, 1867, 448 p. ; Bibliothèque portugaise, Fondation Gulbenkian, 51 avenue

d’Ièna, Paris-XVIe.

Données importantes sur l’étendue de la domination portugaise en Angola à cette époque.

MERCADO, Fray Tomás de, Tratados g Contratados de mercadores g tratantes discididos y determinados

por el Padre Presentado Fray Tomás de Mercado, de la orden de los Predicadores, Salamanque, 1569,

B.N.P. Rés. (V. 1867), chap. xv, fos 63 v°- 68 v° : « Del trato de los Negros de Cabo Verde ». Parle

aussi de l’Angola ; considérations sur la moralité de l’esclavage.

MEROLLA, Girolamo (da Sorrento), Breve e Succinta Relatione del Viaggio nel regno di Congo nell’Africa

meridionale fatto dal P. Gir. Merolla da Sorrento [1684-1688], Naples, 1692 ; au Couvent des

Franciscains, Paris, trad. franç., in abbé Prévost, Histoire Générale des Voyages, t. IV, chap. iii, pp.

528-571 et t. V, chap. viii, pp. 70 sq.

Trad. angl., in J. Churchill, A Collection of Voyages and Travels, Londres, 1704, t. I, pp. 655-754.

Éléments sur la vie et les coutumes des Congolais.

MIRANDA, Fr. João Gualberto de, « Relaçâo da Jornada que Fr. João Gualberto de Miranda fez pelos

sertões do Congo, em trabalhos de missionaçâo nos anos 1780-1781 », in Luis Silveira (éd.), Um

Missionário Portugais no Congo nos fins do século XVIII, Lisbonne, 1943 (Colecção « Pelo Império », n°

92).

Reproduit partiellement une lettre de João Gualberto de Miranda, datée de São Salvador, 28 sept.

1782. Cette lettre fait état de l’anarchie continuelle dans laquelle se trouve encore le royaume du

Congo. Il ne faut pas confondre ce texte avec celui qui a été publié dans les Annaes do Conselho

Ultramarino (parte nâo oficial) série II, Lisbonne, 1859-1861, pp. 62-80, et que nous avons attribué

à Fr. Raphael Castello de Vide.

Voir également : VIDE, Fr. Raphael Castello de.

MONARI, Giuseppe (da Modena), Viaggio al Congo [1711-1721], résumé in Evaristo Gatti » Sulle Terre e

Sui Mari, Parme, 1931.

N’existe pas à la B.N.P. Selon J. Cuvelier, « ... beaucoup de passages sont empruntés au Père

Laurent de Lucques ». Ce n’est pas vrai en ce qui concerne l’Angola.

MONTEIRO, J. J., Angola and the River Congo, Londres, 1875, 2 vol.

Témoignage important sur le Congo et l’Angola dans la seconde moitié du XIXe siècle.

MONTESARCHIO, Girolamo da, Viaggio del Ghongo [sic = Congo] cioe è Relatione scritta da un nostro

missionario Capuccino. Ms. au couvent de Montughi, Florence, 166 p., publié par O. de Bouveignes

et J. Cuvelier, Jérôme de Montesarchio, Apôtre du Vieux Congo, collection Lavigerie, Grands Lacs,

Namur(1951), 215 p., carte.

Manque à la B.N.P. ; Musée de l’Afrique Centrale, Tervuren. Montesarchio a travaillé au Congo de

1648 à 1668. Il est mort en 1669. Son témoignage est une source capitale pour l’histoire du Congo.

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NEVES, António Rodrigues, Memória da Expedição à Cassange commandada pelo Major Salles Ferreira em

1850, Lisbonne, 1854, 129 p.

En photo fac-similé à la Bibliothèque portugaise, Fondation Gulbenkian, 51 av. d’Iéna, Paris XVIe.

NEVES, José Accursio das, Considerações Políticas e Commerciaes sobre os Descobri-mentos e Possessôes

dos Portugueses na Africa e na Asia, Lisbonne, 1830, 420 p.

Bibl. Inst. Et. Port. Sorbonne. Ce petit livre contient de nombreux renseignements utiles.

NIEUHOF, Joan, Memorável Viagem Marítima e Terrestre ao Brasil, 1re éd. hollandaise, Amsterdam,

1682.

Trad. brés. São Paulo, 1942, Bibl. Inst. Ét. Port. Sorbonne. pp. 93-94 sur l’ambassade du Soyo au

Brésil.

OMBONI, Tito, Viaggi nell’Africa Occidentale, Milan, 1846, 416 p., 10 pl. en couleurs. Soc. de Géog.

Dépt. des Cartes et Plans, B.N.P. Sombre tableau de la vie quotidienne à Luanda.

ORLANDINI, Nicolas, Historia Societatis Jesu, Cologne, 1615. Lib. XV, n° 113, et lib. XIII, n° 62 sur le

Congo.

OWEN, W. F. W., Narrative of Voyages to Explore the Shores of Africa, Arabia and Madagascar, Londres.

1833, 2 vol.

Vol. II, p. 279, l’auteur affirme que le nombre d’esclaves exportés de Luanda était en général de 18

à 20 000, mais avait baissé récemment.

PEREIRA, Duarte Pacheco, Esmeraldo de Situ Orbis (c. 1505-1508), Academia Portu-guesa de Históri a,

Lisbonne, 1954, 238 p.

Trad. angl. de G. H. T. Kimble, Hakluyt Society, Londres, 1937.

L’auteur fait de brèves mais significatives allusions au Congo, dans le chap. 2 du livre III.

PIGAFETTA, Filippo de, Relatione del Reame di Congo et delle Circonvicine Contrade Tratta dalli Scritti e

ragionamenti di Odoardo Lopez Portoghese, Rome, 1591.

Éd. fac-similé et traduction portugaise (peu sûre) de Rosa Capeans, Agência Geral das Colónias,

Lisbonne, vol. I, 1949 ; vol. II, 1951.

Trad. franç, de Willy Bal avec notes critiques, publications de l’Université Lovanium de

Léopoldville, Louvain-Paris, 1963, 2e éd. corrigée, 1964.

Source capitale sur l’histoire du Congo. Mais il ne faut pas oublier que Pigafetta n’a fait que

rassembler les souvenirs du voyageur portugais Duarte Lopes.

PINA, Rui de, Croniqua del Rey Dom Joham II, éd. Alberto Martins de Carvalho, Coïmbre, 1950.

Cette chronique fut écrite entre 1501 et 1521 et resta inédite jusqu’en 1792 (cf. Francisco Leite de

Faria, Uma Relaçâo de Rui de Pina sobre o Congo escrita em 1492, Agrupamento de Estudos de

Cartografia Antiga, vol. XVIII (Secçâo de Lisboa), Lisbonne, 1966, p. 13).

PROYART, Abbé, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776.

Source utile sur les États-courtiers au nord du fleuve Congo. Proyart a utilisé les relations des

missionnaires français, cf. J. Cuvelier, Documents sur une Mission Française au Kakongo, 1766-1776,

Mémoire I.R.C.B., t. XXX, fasc. 1, Bruxelles, 1953.

PYRARD DE LAVAL, François, Voyage de François Pyrard (de Laval), seconde partie, Paris, 1625, chap.

xvi, pp. 374-391 : « Du Trafic au Brésil, Rivière de la Piata, Angola, Congo, S. Thomas, Mina et des

Esclaves d’Afrique ».

RATELBAND, K., Reizen naar West Africa van Pieter van den Broecke, 1605-1614, Linschoten Vereeniging,

‘s Gravenhage, 1950, vol. 52. Cf. aussi CUVELIER, J. et VAN DEN BROECK, Pieter.

— De Westafrikanische reis van Piet Heyn (1624-1625), Linschoten Vereeniging, s’ Gravenhage, vol. 61.

240

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Il y est question du Congo et de l’Angola, mais il n’y a rien sur les Noirs.

RAVENSTEIN, E. G., The Strange Adventures of Andrew Baiteli of Leigh, Hakluyt Society, Londres, 1901.

Récit d’un marin anglais égaré en Angola, chez les Jagas. Il visita aussi le Loango (1608-1610). Son

séjour sur la côte occidentale d’Afrique dura de 1590 à 1610.

Source de premier ordre sur les Jagas et sur le Loango.

READE, Winwood, Savage Africa, Londres, 2 e éd., 1864.

Quelques remarques sur le Congo et l’Angola.

REBELLO, P. Amador, Capitulos tirados das cartas que vieram este anno 1588 dos Padres da Comp. de Jesus

que andam nas partes da India, China, Japâo e reino de Angola, Lisbonne,1588.

N’existe pas à la B.N.P. On trouve également ces lettres, plus accessibles, dans M.M.A.

ROMANO, Giovanni Francesco (Jean François de Rome), Breve Relatione del Successo della Missione de

Frati Minori Capuccini del Serafico Padre San Francisco al Regno del Congo e delle qualità, costumi, e

maniere di vivere di quel Regno, e suoi habitatori, Rome, 1648, 1649, Naples, 1648, Parme, 1649, Milan,

1649, 1651.

Des exemplaires des deux éditions de Rome sont conservés au couvent des Capucins, 26 rue

Boissonnade, Paris.

Trad. franç., Lyon, 1649.

Trad. allemande, Constance, 1664.

Nouvelle trad. franç. de François Bontinck, Brève Relation de la Fondation de la Mission des Frères

Mineurs Capucins... au royaume de Congo, et des Particularités, Coutumes et Façons de Vivre des Habitants

de ce Royaume... traduite et annotée par Fr. Bontinck... Publications de l’Université Lovanium de

Léopoldville [sic = Kinshasa]. Éditions Nauwelaerts, Louvain-Paris, 1964, 152 p.

Excellente image du Congo dans la première moitié du XVIIe siècle.

SALMON, P., « Mémoires de la relation de voyage de M. de Massiac à Angola et à Buenos Aires

(1663-1666) », in Bulletin des Séances A.R.S.O., t. VI, fasc. 4 (1960), pp. 586-604.

Description vivante de l’Angola et de la reine Jinga.

SANDOVAL, Alonso de, Naturaleza, Polícia Sagrada i profana, costumbres i ritos, disciplina i catechismo

evangelico de todos Etiopes, Séville, 1627.

B.N.P. (4o O3 o 6). pp. 65-68 : critique acerbe de la moralité de la traite en Angola.

SAVARY DES BRUSLONS, Jacques, Dictionnaire Universel de Commerce, 3 vol., Paris, 1723-1730.

T. I, pp. 1066-1074, sur le commerce dans les États-courtiers au nord du fleuve Congo.

SILVEIRA, Luís, voir MIRANDA, João Gualberto de.

SOUSA, Frei Luis de, História de São Domingos, Pt. II, Lisbonne, 1662.

B.N.P. (H. 1705). Chap. x, pp. 242-243 : passage sur les débuts de l’évangé-lisation du Congo.

TAMS, Georg, Die portugiesischen Besitzungen in Süd-West-Afrika, Hambourg, 1845.

Trad. angl., A Visit to the Portuguese Possessions in South West Africa, Londres, 1845.

B.N.P., 8° Oy 109. Petit livre décevant.

TELLES, Balthezar, Chronica da Companhia de Iesu, Pt. II, Lisbonne, 1647.

Liv. VI, cap. xxvii, f° 622 r° : sur les débuts des Portugais en Angola et sur la chronologie des

règnes des rois d’Angola.

TOVAR, Ioseph Pellicer de (également connu sous le nom de José Pellicer de Ossau y Tovar), Mision

Evangelica al Regno de Congo, Madrid, 1649, 74 folios.

241

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La partie qui décrit la vie et les moeurs des Congolais est tirée de l’ouvrage de Giovanni Francesco

Romano. Voir ROMANO, Giovanni Francesco.

TUCKEY, J. K., Narrative of an Expedition to Explore the River Zaïre, Londres, 1818.

Cette expédition fut un échec. Elle ne pénétra pas au delà de la région des cataractes.

VALDEZ, Francisco Travassos, Six Years of a Traveller’sLife in Western Africa, Londres, 1861, 2 vol.

Observations intéressantes sur l’Angola et le Congo.

VAN DEN BROECKE, Pieter, Korte historael ende journaelsche aenteyckeninghe, van al ‘tgheen

merckwaerdich voorgevallen is, in de langhdeurighe regsen, soo nae Cabo Verde, Angola, &c. als

insonderhegdt van Oost-Indien... (1605-1614), Haarlem- 1614.

N’existe pas à la B.N.P. ; B.M. (566. b. 9.)

Amsterdam, 1634. N’existe pas à la B.N.P. ; B.M. (10095 aaa 49).

Éd. moderne de K. Ratelband, Reizen naar West Africa van Pieter van den Broecke 1605-1614,

Linschoten Vereeniging, s’ Gravenhage, vol. 61.

Trad. franç. : Vogages de Vandenbroeck au Cap Vert, à Angola et aux Indes Orientales en 1605, etc.,

Amsterdam, 1705. B.N.P. (8° G 1423).

Autre trad. franç. in R. A. C. de Renneville, Recueil de Vogages, Amsterdam, 1706, 5 tomes.

Des extraits concernant le Soyo, mais non le Loango, ont été traduits et publiés par J. Cuvelier,

« L’Ancien Congo d’après Pierre van den Broecke (1608- 1612) », in Bulletin des Séances A.R.S.C., t. I,

fasc. 2 (1955), pp. 168-192.

VIDE, Fr. Raphael Castello de, GODINHO, André de Couto, et MIRANDA, Fr. Joäo Gualberto de,

« Relação da Viagem que flzeram os padres missionários desde a cidade de Luanda d’onde

sahiram a 2 de Agosto de 1780, até a presença do rei do Congo, onde chegaram a 30 de Junho de

1781 », in Annaes do Conselho Ultramarino (parte não oficiai), série II, Lisbonne, 1859-1861, pp.

62-80. Bibl. de la Soc. de Géog., Département des Cartes et Plans, B.N.P. (S. G. Per. 4° 08).

Ne pas confondre ce récit avec celui, décevant, du même voyage, écrit par João Gualberto de

Miranda et publié par Luís Silveira, Um Missionário Português no Congo nos fins do século XVIII,

Colecção « Pelo Império », n° 92, Lisbonne, 1943.

VOGEL, Charles, Le Portugal et ses Colonies, Paris, 1860. Renferme de nombreuses statistiques.

VOLTERRANUS, Raphael, voir MAFFEI, Raphael (da Volterra).

WALCKNAER, C. A., Histoire Générale des Voyages ou Nouvelle Collection des Relations de Voyages par mer

et par terre, Paris, 1828, XXI vol.

Les volumes XIII, XIV et XV contiennent des abrégés des relations des auteurs suivants :

Pigafetta, Battell, Braun, Michel Angelo Guattini da Reggio et Dionigi de Carli da Piacenza,

Cavazzi, Merrolla, Zucchelli, Barbot, Labat, Proyart, Descouvrières et Joli, Degrandpré, Tuckey,

Saldanha da Gama, Castello de Vide, Gualberto de Miranda et André Godinho, et Feo Cardozo.

ZUCCHELLI, António (da Gradesca), Relazione del Viaggio e Missione di Congo nell’ Etiopia Inferiore

Occidentale, Venise, 1712, 438 p. ; B.N.P. (4° O3 o 7). Traduction allemande, Francfort, 1715 et 1729.

Zucchelli travailla dans le Soyo et le Loango de 1700 à 1702.

VI. — OUVRAGES ET SOURCES PUBLIÉS OU COMPOSÉSAPRÈS 1880

ALMEIDA, António de, « Relações com os Dembos (das Cartas do Dembado Kakulu Kahenda) », in 1°

Congresso da História da Expansão Portuguesa no Mundo, Lisbonne, 1938, 4a Secção, t. III, pp. 3-98.

242

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— « Subsídios para a História dos Reis do Congo », in Congresso do Mundo Português, Lisbonne,

1940, vol. VIII, pp. 485-511.

— « Mais Subsidios para a História dos Reis do Congo », in Congresso do Mundo Português, Lisbonne,

1940, pp. 643-696.

ANSTEY, R. T., Britain and the Congo in the 19th Century, Oxford, 1962.

ASSUMPÇÃO, Lino d’, « Exploração à Africa nos inéditos da Biblioteca de Evora », in Boletim da

Sociedade de Geografia de Lisboa, 5a série, n° 6 (1885), pp. 350-376.

AVELOT, R., « Les Grands mouvements de peuples en Afrique : Jaga et Zimba », in Bulletin de

Géographie Historique et Descriptive, Paris, 1912, t. XXVII, pp. 75- 216.

Grand déploiement de sources, pas toujours intelligemment utilisées. Surtout intéressant pour la

Bibliographie.

— « Voyage de Herder au Kwango », in La Géographie, t. XXVI, Paris, 1912, pp. 319-328.

Fondé sur Dapper.

AZEVEDO, J. Lúcio de, Épocas de Portugal Económico,Lisbonne, 1929. Éléments sur la traite.

BAESTEN, P. (S. J.), « Les Jésuites au Congo », in Précis Historiques, t. 41 (1892), 42 (1893), 44 (1895), et

45 (1896). Couvre la période 1556-1672.

BAL, Willy, « Portugais Pombeiro, commerçant ambulant du ‘sertão’ », in Annali dell’Instituto

Universitario Orientale (sezione romanza), Naples (1965), vol. VII, n » 2, pp. 123-161.

BALANDIER, Georges, « Le Royaume de Kongo et l’acculturation ratée », in XIIe Congrès des Sciences

Historiques, Vienne, 1965, rapports I, pp. 95-102.

— La Vie Quotidienne au Royaume du Congo du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, 1965, 286 p., carte.

BARATA, Oscar Soares, « Aspectos das Condições Demográficas de Angola », in Angola, Curso de

Extensão Universitária, Ano Lectivo de 1963-1964, Lisbonne, 1964. pp. 115-132.

BARROSO, António, voir BRÁSIO, António.

BENTLEY, W. Holman, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, 2 vol.

BIRMINGHAM, David, « The Date and Significance of the Imbangala invasion of Angola », in Journal

of African History, vol. VI, n° 2 (1965), pp. 143-152.

— The Portuguese Conquest of Angola, Institute of Race Relations, Oxford Univ. Press, Londres, 1965,

50 p., 2 cartes.

— Trade and Conflict in Angola, (The Mbundu and their Neighbours under the influence of the Portuguese

1483-1700), Oxford, 1966, 178 p., 2 cartes.

BITTREMIEUX, Léo, La Société Secrète des Bakhimba au Mayombe, Mémoire I.R.C.B., t. V, fasc. 3 (1936),

327 p.

BOONE, Olga, Les Tambours du Congo Belge et du Ruanda Urundi, Annales du Musée Royal du Congo

Belge, Tervuren, 1951.

— Les Xylophones du Congo Belge, Annales du Musée Royal du Congo Belge, Tervuren, 1936.

BOUVEIGNES, O. de, « Jérôme da Montesarchio et la découverte du Stanley Pool », in Zaïre, vol. II, n°

9 (1948), pp. 989-1013.

Reproduit la lettre de Montesarchio, du 13 oct. 1653, Archives de la Propagande, Lettere Antiche,

vol. 249, fol. 270.

BOXER, C. R., Race Relations in the Portuguese Empire, Oxford, 1963, 136 p.

— Salvador de Sá e Benevides and the Struggle for Brazil and Angola, 1601-1686. Londres, 1952, 444 p.

Concerne surtout la guerre luso-hollandaise.

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BRÁSIO, António, D. António Barroso, Missionàrio, Cientista e Missiólogo ; Selecção e Notas por António

Brasio ; Centro de Estudos Históricos Ultramarinos, Lisbonne, 1961, 683 p.

Collection des écrits de Barroso couvrant la période 1880-1900. Fournit d’importants

renseignements sur São Salvador à la fin du XIXe siècle.

BRASIO, António, « A História do Reino do Congo », in Portugal em Africa, vol. VI (1949), pp. 153-161.

Refuse à ce texte la valeur historique qui lui avait été reconnue par J. Cuve-lier et A. A. Felner,

mais avec des arguments peu probants. Situe sa composition c. 1655.

BRUNSCHWIG, Henri, L’Avènement de l’Afrique Noire, Paris, 1963.

CAPELLO, H. et IVENS, R., De Benguella às Terras de Iácca, Lisbonne, 1881, 2 vol.

CARDOSO, J. M. da Silva, No Congo Porjuguês. Viagem. ao Bembe e Damba, Lisbonne, 1913, Non

consulté.

CARDOSO, Manuel da Costa Lobo, São Paulo da Assumpçâo de Luanda (Apontamentos para a sua

História), Museo de Angola, Luanda, 1950, 69 p.

— Subsidios para a História de Luanda, Museo de Angola, Luanda, 1954, 63 p.

CARROCERA, P. Buenaventura de, « Dos Relaciones inéditas sobre la Misión Capuchina del Congo »,

in Collectanea Franciscana, t. XVI (1946), pp. 102-124.

Révèle l’existence de deux manuscrits inédits du P. Juan de Santiago [1649- 1650] et du P. António

de Teruel [1663-1664] concernant le Congo.

CARVALHO, Henrique Dias de, O Jagado de Cassange na Província de Angola, Lisbonne, 1898, 442 p.

CERQUEIRA, I. de, Vida Social Indigena na Colónia de Angola (Usos e Costumes), Lisbonne, 1947, 93 p.

CORVO, João de Andrade, Estudos sobre as Provincias Ultramarinas Lisbonne, 1883, 3 vol.

COSTA, A. Fontoura da, Ás Portas da India em 1484, Lisbonne, 1936, 124 p. CROWE, S. E., The Berlin

West African Conference, Londres, 1942.

CRUZ, J. Ribeiro da, Geografia de Angola, Lisbonne, 1940. N’existe pas à la B.N.P. Non consulté.

CUVELIER, J., L’Ancien Royaume du Congo, Bruxelles, 1946, 367 p., carte.

N’est guère qu’une hagiographie du roi D. Afonso, traite uniquement de son règne. Si le texte est

écrit dans un style trop exalté, les notes, qui constituent presque la moitié de l’ouvrage, sont

excellentes et très détaillées.

— « Contribution à l’étude du Bas-Congo », in Bulletin des Séances I.R.C.B., t. XIX, fasc. 11 (1948), pp.

895-921.

Concerne surtout la fin du XVIIe siècle.

— « Notes sur Cavazzi », in Zaïre, vol. III, n° 2 (1949), pp. 175-184.

— « Traditions Congolaises », in Congo, t. II, n° 2 (1930), pp. 193-208, et n° 4, pp. 469-487.

CUVELIER, J. et BOONE, Jozef, Koningen Nzinga van Matamba, Missiologische Mono-graflen, n° 6,

Bruges, 1957, 234 p.

Ouvrage de vulgarisation fondé sur Cavazzi, sans appareil référentiel ; c. r. sévère de J. Stengers

in Zaïre, vol. XV (1957), pp. 1059-1060.

DARTEVELLE, E., « Les N’zimbu, monnaie du royaume du Congo », Société Royale Belge d’Archéologie et

Préhistoire, t. LXIV, n° 1, Bruxelles, 1953. Décevant.

DECKER, Hartmann C, « Die Jagazüge und das Königtum im mittleren Bantugebiet », in Zeitschrift

für Ethnologie, t. 71 (1939), pp. 229-293.

DELAERE, J., « Nzambi-Maweze — Quelques notes sur la croyance des Bapende en l’Être Suprême »,

in Anthropos, t. 37-40 (1942-1945), pp. 620-628.

244

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DELGADO, Ralph, História de Angola, Benguela et Lobito, 4 tomes, 1948-1955. Bibliothèque

portugaise, Fondation Gulbenkian, 51 avenue d’Iéna, Paris.

Couvre la période 1482-1736., 2e éd., Lobito, 1961, vol. I (1482-1607), seul volume publié à ce jour.

Ouvrage plein de bonnes intentions, mais extraordinairement bavard et décousu. Appareil

référentiel insuffisant. Très sujet à caution sur certains points de détail.

DENIS, J., Les Yaka du Kwango, Annales du Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren, 1964, 107 p.

DENIS, L. (S. J.), « La Supputation du temps et le calendrier chez les Bakongo », in Congo, t. II, n° 5

(1938), pp. 481-489.

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— Uma Relação de Rui de Pina sobre o Congo escrita em 1492, Agrupamento de Estudos de Cartografia

Antiga, vol. XVIII (Secção de Lisboa), Junta de Inves-tigações do Ultramar, Lisbonne, 1966.

FELGAS, Hélio A. Esteves, História do Congo Português,Carmona (Angola), 1958, 215 p. B.N.P.

Petit livre modeste, utile sur les dernières décennies du XIXe siècle.

— A OcupaçãoMilitar do Congo Português, Lisbonne, 1958 (tiré à part de la Re

vista Militar, fasc. 11, nov. 1958),

Bibliothèque Portugaise, Fondation Gulbenkian, 51 Av. de Iéna, Paris, xvie.

— As Populações nativas do Congo Português, Luanda, 1960, 136 p.

Petit livre utile.

FELNER, Alfredo Albuquerque, Angola, Apontamentos sobre a ocupação e inicio do estabelecimento dos

Portugueses no Congo, Angola e Benguela, Coïmbre, 1933. Va jusqu’au premier quart du XVIIe siècle.

Un livre essentiel.

FORTEMS, Guy, La densité de la population dans le Bas Fleuve et dans le Magombe, Mémoire A.R.S.C.

(Classe des Sciences Naturelles et Médicales), t. XI, fasc. 4, Bruxelles, 1960, 114 p., 4 cartes.

GALVÂO, A., « Relatório da minha viagem ao Congo », in Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa,

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GALVÂO, Henrique, História do Nosso Tempo, Lisbonne, 1931, 409 p.

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GOSSWEILLER J. et MENDONÇA, F. A., Carta Fitogeográficade Angola, Ministério das Colónias, Lisbonne,

1939.

— « Flora Exótica de Angola », in Agronomia Angolana, nos 1, 2, 3, 4, Luanda (1948-1950).

— « Nomes Indígenas de Plantas de Angola », in Agronomia Angolana, n° 7, Luanda, 1953.

HAVEAUX, G. L., La Tradition historique des Bapende Orientaux, Mémoire I.R.C.B., t. XXXVII, fasc. 1

(1954), 56 p., cartes.

Traditions orales sur l’arrivée des Européens en Angola.

HERTSLET, E., A Map of Africa by Treaty, 3e éd., Londres, 1909, 4 vol.

HILDEBRAND, Père, Le Martyr Georges de Geel et les débuts de la Mission du Congo (1645-1652), Anvers,

Archives des Capucins 1940. N’existe pas à la B.N.P.

Malgré un style hagiographique exaspérant, l’ouvrage est utile car il renferme d’abondantes

références, de précieux éléments inédits extraits d’archives et 32 pages de documents reproduits

à la fin.

HIRSCHBERQ, W., « Der Gottesname Nyambi », in Zeitschrift für Ethnologie, t. 88 (1963), pp. 163-179.

IHLE, Alexander, Das alte Königreich Kongo, Leipzig, 1929.

Remarquable étude, systématique et approfondie sur l’histoire culturelle du Congo. A peut-être

un peu vieilli, en raison des nombreuses sources publiées depuis.

JADIN, L., « L’Église de Ngonga Mbata », in Bulletin des Séances A.R.S.C, t. I, fasc. 4 (1955), pp.

1000-1005.

— et Jadin, L. J. « L’Intervention de la Marine Française au Congo de 1869 à 1875 », in Acias do

Congresso Internacional de História dos Descobrimentos, Lisbonne, 1961, vol. VI, pp. 185-202.

JEANNEST, Charles, Quatre années au Congo, [1869-1873] Paris 1883.

Souvenirs d’un gérant de factorerie à Quinsembo, près d’Ambriz.

JOHNSTONE, H. H., « On the Races of the Congo and the Portuguese Colonies in Western Africa », in

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— The River Congo, Londres, 1884.

KELTIE, J. Scott, The Partition of Africa, Londres, 1893.

LAMAL, F., Basuku et Bayaka des Districts Kwango et Kwilu au Congo, Annales du Musée Royal de

l’Afrique Centrale, Tervuren, 1965, 323 p.

LAMAN, K. E., The Kongo, Studia Ethnographica Upsalensia XII, Stockholm, 3 vol., 1953-1962.

LAUBENTY, J. S., Les Cordophones du Congo Belge et du Ruanda Urundi, Annales du Musée Royal du

Congo Belge, Tervuren, 1960.

LOIR, Hélène, Le Tissage de Raphia au Congo Belge, Tervuren, 1935.

LOPES, Edmundo Correia, A Escravatura, Subsídios para a sua História, Agência Geral das Colónias,

Lisbonne, 1944.

MARTINS, Joaquim, « As Causas da Emigração dos povos de São Salvador do Congo segundo a

tradição indígena », in Mensário Administrativa, n° 6 (1946), pp. 41-44.

Quelques traditions orales, mais rien qui touche aux conséquences de la défaite d’Ambuíla.

MARTINS, Manuel Alfredo Morais, Contactos de Cultura no Congo Português, Junta de Investigações do

Ultramar, Estudos de Ciências Políticas e Sociais, n° 11, Lisbonne, 1958, 166 p.

Petit livre modeste et intelligent.

MATOS, Luís de, « A Fixação das Fronteiras de Angola », in Angola, Curso de Extensão Universitária,

Ano Lectivo 1963-1964, Lisbonne, 1964, pp. 61-88. Abondante bibliographie.

246

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MENDONÇA, Maria Adélia Victor de, O Governo de Fernão de Sousa em Angola (1624- 1630), thèse

dactylographiée, Coïmbre, 1963. Reproduction de nombreux documents.

MERTENS, J., Les Chefs couronnés chez les Bakongo Orientaux (Étude de régime successoral), Mémoire

I.R.C.B., t. XI, fasc. 1, Bruxelles, 1942, 455 p.

MORGADO, Nuno Alves, Aspectos da Evolução Demográfica da População da Antiga Provincia do Congo

(1949-1956), Junta de Investigações do Ultramar, Centro de Estudos Políticos e Sociais, Estudos

Políticos e Sociais, n° 24, Lisbonne, 1959, 63 p.

MOTA, Avelino Teixeira da, A Cartografia antiga da Africa Central e a travessia entre Angola e

Moçambique, 1500-1860, Sociedade de Estudos de Moçambique, Lourenço Marques, 1964, 255 p., 32

reproductions de cartes. Une édition en anglais a été imprimée simultanément.

— « D. Luís da Cunha e a Carta da Africa Merídional de Bourguignon d’Anville », in Revista

Portuguesa de História, t. X (1962), pp. 399-410 (4 reproductions de cartes).

MOUTA, Fernando, « As Minas de Cobre do Congo », in Actividade Económica, n° 3 (1936), pp. 9-15

(carte).

PECHUEL-LOESCH, Eduard, Kongoland, Iéna, 1887, 590 p.

— Die Loango Expedition ausgesandt von der deutschen Gesellschaft zur Aequatorial- Afrika 1873-1876, 3

vol., Leipzig, 1879-1882.

— Volkskunde von Loango, Stuttgart, 1907, 472 p.

PERY, Gerardo A., Geografia e estatística geral de Portugal e colónias com um atlas, Lisbonne, 1875.

PIRENNE, J.-H., « Les éléments fondamentaux de l’ancienne structure territoriale et politique du

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PXANCQUAERT, M., Les Jaga et les Bayaka du Kwango, Mémoire I.R.G.B., t. III, fasc. 1, Bruxelles (1932).

RAVENSTEIN, E. G., The Strange Adventures of Andrew Baiteli of Leigh, Hakluyt Society, 1901, 210 p.,

cartes.

Outre le récit de ce marin anglais, deux excellents appendices : « A Sketch of the History of Kongo

to the end of the XVIIth century », pp. 102-138, et « A Sketch of the History of Angola to the end

of the XVIIth century », pp. 139-190.

— « The Voyages of Diogo Cão and Bartolomeu Dias », in Geographical Journal (1900), pp. 625-655.

Étude fondamentale et pas encore dépassée.

REGO, António da Silva, A Dupla Restauração de Angola (1641-1648), Lisbonne, 1948.

N’existe ni à la B.N.P. ni à l’Inst. Et. Port. Sorbonne. Non consulté. Concerne surtout la guerre

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13-14 (1957), pp. 49-54.

RINCHON, D., Pierre-Ignace-Lievin Van Alstein, Capitaine Négrier, Gand 1733 — Nantes 1793, Mémoire

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Source importante sur la traite dans les États-courtiers au nord du fleuve Congo.

— La Traite et l’Esclavage des Congolais, Wetteren (Belgique), 1929.

ROÇADAS, Alves J. A., La Main-d’OEuvre indigène à Angola, Lisbonne, 1914.

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T. II, vol. II, on trouve : pp. 505-573, sur les missions jésuites en Angola ; pp. 535-537, des

reproductions d’extraits des archives S. J. Lus, 79, fos 69-70 : « Apontamentos que fez о P.

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Balthasar Barreira [...] em favor dos conquistadores do dito Reino [de Angola] » (s.d.n.l.) ; pp.

537-538 : réponse du gouverneur Francisco de Almeida à Barreira (le gouverneur fut excommunié

par la suite).

SCHEBESTA, Paul, « Der Gottesname Nyambi », in Anthropos, t. 59 (1954), pp. 267-269

SILVA, J. E. Santos e, Esboço Histórico do Congo e Loango nos Tempos Modernos contendo uma resenha dos

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Étude soigneuse et approfondie.

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Étude très importante sur la vie et l’organisation sociale des Congolais.

SoRET, Marcel, Les Kongo Nord-Occidentaux, in Monographies Africaines, Paris, 1956.

SUGLIANO, Violante, « Il P. Giacinto e la sua missione al Congo », in L’Italia Francescana, t. IV, Rome

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Au Couvent des Capucins, 26 rue Boissonnade, Paris-14e. Concerne Giacinto Brugiotti da Vetralla.

STENMANS, Alain, La Reprise du Congo par la Belgique, Bruxelles, 1949, 492 p.

TAUNAY, Alfonso de E., « Subsídios para a História do Tráfico Africano no Brasil », in Anais do

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Coutumes recueillies à travers la tradition orale.

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Trad. franc. : Les Anciens Royaumes de la Savane, Institut de Recherches Économiques et Sociales,

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l’édition en anglais.

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— Le Royaume Kuba, Musée Royal de l’Afrique Centrale, Annales, série in-8°, Sciences humaines, n°

49, Tervuren, 1964, 196 p.

VAN WING, J., « L’Être Suprême des Bakongo », in Recherches des Sciences Religieuses, mars-août 1920,

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— Études Bakongo, vol. I : Histoire et Sociologie, Bibliothèque Congo, n° III, Bruxelles, 1921, 319 p. ;

vol. II : Religion et Magie, Mémoire I.R.C.B., t. IX, fasc. 1, Bruxelles, 1938, 301 p.

Le premier volume est un survol par trop rapide, le second décevant et superficiel.

VRIJMAN, C, « Quelques Notices sur l’Histoire de la Traite Négrière des Hollandais », in Bulletin de la

Section de Géographie, t. 51 (1936), pp. 107-126.

VRIJMAN, L. C, Slavenhalers en Slavenhandel, Amsterdam, 1943, 160 p. Rien de précis sur le Congo, le

Loango ou l’Angola.

WANNEN, R. L., L’Art Ancien du Métal au Bas Congo, Champles par Wavre (Belgique), 1961, 96 p., 39

photographies d’objets métalliques indigènes.

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WIESCHOFF, H. A., The Zimbabwe-Monomotapa Culture in South-east Africa, Menasha, Wisconsin,

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N’existe pas dans les bibliothèques de Paris.

VIII. — TRAVAUX SUR LA LINGUISTIQUE

ALMEIDA, José de Gouveia de, Doutrina christãa accrescenlada com alguns documentos, Lisbonne, 1715.

En kimbundu et en portugais. N’existe pas à la B.N.P.

BENTLEY, W. H., Dictionary and Grammar of the Kongo language as spoken at San Salvador, Londres,

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250

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Trad. port. de D. Anthonio Thomaz da Silva Leitão e Castro, Regras para a mais fácil intelligencia do

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Trad. angl. (du latin) de H. Gratton Guinness, Grammar of the Congo language as spoken two hundred

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— Grammaire Congolaise, De Meester, Roulers (Belgique), 1910, 90 p.

CANNECATIM, Fr. Bernardo Maria, Collecção de Observações grammaticaes sobre a língua bunda ou

angolense, compostas por Fr. Bernardo Maria de Cannecatim, Lisbonne, 1805, iv-218 p., B.N.P. (X 3046).

— Diccionário da língua bunda ou angolense, explicada na portugueza e latina, composto por Fr. Bernardo

Maria de Cannecatim, capuchinho italiano da província de Palermo missionário apostólico e prefeito das

Missões de Angola e Congo, Lisbonne, 1804.

B.N.P. (X 3045).

CARDOSO, Matheus, Doutrina christãa composta pelo P. Marcos Iorge da Companhia de IESU Doutor em

Theologia... De novo traduzido na lingua do Reyno do Congo por ordem do P. Mattheus Cardoso Theologo...,

Lisbonne, 1624. B.N.L., Rés. 269 v. Non consulté.

Nouvelle édition en kikongo, latin, portugais et italien, Rome [1650]. Non consulté.

— Oraciones Traduzidas En Lengua del Reyno De Angola Por Ordem del P. Mateo Cardozo, 2e éd., Lima,

1629.

Selon Van Wing (Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 48), la première édition, dont on ne

connaît aucun exemplaire existant, aurait été en portugais.

CASTRO, D. Anthonio Thomaz da Silva Leitão e, voir BRUQIOTTI, Giacinto (da Vetralla),

CHATELAIN, Heli, Grammáticaelementar de Kimbundo ou lingua de Angola, Genève. 1888-1889. Non

consulté.

CONCEIÇAO, Gaspar, Cartilha da Doutrina Christã em lingua do Congo, Evora, 1554.

Cf. G. Van Bulck, « L’Ancien Congo d’après les archives romaines », in Zaire, vol. IX, n° 5 (1955),

pp. 559-573. Aucun exemplaire de cet ouvrage, qui serait le premier imprimé en kikongo, ne

semble être parvenu jusqu’à nous. Il est mentionné par Leon Pinelo, Epitome de la Biblioteca

Oriental i Occidental, Madrid, 1737, col. 513.

COUTO, António de, Gentiode Angola sufficientemente instruido nos misterios de nossa santa Fé. Obra

postuma composta pelo Padre Francisco Pacconio da Companhia de Jesus. Reduzida a methodo mais breve e

accomodado à capacidade dos sujeitos que se instruem, pelo P. António Couto da mesma companhia,

Lisbonne, 1643, 103 ff., B.N.L., Rés., 277 p.

2e éd., Gentilis Angolae in fidei Mysteriis Eruditus Opusculum, Rome, 1661. B.N.P., 2 ex. (D 3519 (14)) et

(D 5148).

3e éd. en latin, kimbundu et portugais, Lisbonne, 1784 (titre : Gentilis Angolae in fldei Mysterio

eruditis...) Inst. Et. Port. Sorb.

4e éd. par Salles Ferreira, ExplicaçSes de Doutrina Christâa em Portuguez e Angolense, Lisbonne, 1855.

DIAZ, Pedro (S. J.), Arte da Lingua de Angola Lisbonne, 1697, viii-48 p. Non consulté.

DOKE, C. M., « The Age of Brusciotto [sic] », in Bantu Studies, vol. IX (1935), pp. 87- 114.

FERREIRA, Salles, voir COUTO, António de.

251

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GEEL, Georges de, Vocabularium Latinum / Hispanicum et Congense / ad Usum Missio-nariorum

Transmuten- / dorum ad Regni Congi Missiones [1652]. Fondi Minori 1896, ms. Varia 274,

Bibliothèque Nationale, Rome. Non consulté.

Cf. J. Van Wing et C. Penders, Le plus ancien Dictionnaire Bantu, Bibliothèque Congo, tome 27,

Bruxelles, 1928, xxxvi-368 p., Société de Géog., Département des Cartes et Plans, B.N.P. (U. 243

(27)).

Du texte latin-espagnol-congolais, on peut regretter que les auteurs aient fait un dictionnaire

congolais-français-flamand. Cf. P. Hildebrand, critique sévère de l’éd. de Van Wing et Penders in

Études Franciscaines, t. XLII (1930), pp. 76-81 ; et du même, Le Martyr Georges de Geel et les débuts de la

Mission du Congo, Anvers, 1940, pp. 266-269. Voir aussi Buenaventura de Carrocera, « Los

Capuchinos españoles en el Congo y el primer Diccionário congolés », in Missionália Hispánica, Ano

II, n° 5 (1945), pp. 209-230, et du même : « O Primeiro Diccionario Congués », in Portugal em Africa,

vol. 3 (1946), pp. 337-351.

GUINNES, H. Gratton, voir BRUGIOTTI, Giacinto (da Vetralla).

LAMAN, K. E., Dictionnaire Kikongo-Français, Mémoire I.R.C.B., t. II, Bruxelles, 1936. B.N.P. (4° R 6571

(2)).

MATTA, J. D. Cordeiro da, Cartilha Racional, Lisbonne, 1892. Non consulté.

« A Kimbundu primer on the João de Deus plan » (J. T. Tucker, Angola the land of the Blacksmith

Prince, p. 150).

— Ensaio de Diccionário Kimbundu-Portuguez, Lisbonne, 1893. Bibliothèque, School of Oriental and

African Studies, Londres. Non consulté. « Le meilleur vocabulaire Kimbúndu jamais publié » (J. T.

Tucker, Angola, the land of the Blacksmith Prince, p. 150).

VAN BULCK, G., Recherches Linguistiques au Congo Belge, Mémoire I.R.C.B., tome XVI, Bruxelles, 1948.

Ouvrage essentiel.

VAN WING, J. et PENDERS, C, voir GEEL, Georges de.

IX. — ÉTUDES DE MÉDECINE TROPICALE

ABREU, Alexis de, Tratado de las Siete Enfermidades, Lisbonne, 1623. L’auteur a visité Luanda en 1594.

Non consulté.

AZEREDO, José Pinto de, Ensaios sobre algumas enfermidades de Angola Lisbonne, 1799. Non consulté.

MIRANDA, João Cardoso, Relação cirurgica e medica, na qual se trata e declara especialmente hum novo

methodo para curar a infecçãoescorbutica, ou mal de Loanda, e todos os seus productos, etc., Lisbonne,

1741.

Bibliothèque de la Faculté de Médecine de Porto. Non consulté.

OLIVEIRA, Luiz António de, « Discurso Académico ao Programma — Determinar com todos os seus

symtomas as Doenças agudas e chronicas que mais frequentemente accometem os pretos recem-

tirados da Africa... », in Memórias Económicas da Academia Real das Sciências de Lisboa, t. IV (1812),

pp. 1-64.

POMBO, Ruela, « Medicina Tropical em Angola », in Diogo Cão, t. I, (1931-1932), pp. 21-26.

WHEELER, Douglas, « A Note on Smallpox in Angola », in Studia, nos 13-14, Lisbonne, 1964, pp.

351-362.

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X. — REVUES ET COLLECTIONS

AEQUATORIA, Coquilatville (trimestrielle). — Mus. Homme. Collection incomplète : XVIIe année, n°

3 (1954) → XXVe année, n° 4 (1962).

AGRONOMIA ANGOLANA, Luanda (trimestrielle). — Mus. Hist. Nat. Collection incomplète : n° 5 (1951)

→ n° 16 (1962). — B.A.O.M. (1949)

ANNAES MARÍTIMOS E COLONIAES, Lisbonne. — B.N.P. Collection incomplète (1840) → (1846). — Soc.

Géog. Dépt. Cartes et Plans, B.N.P. (1840-1841) → (1846).

ANNAES DO CONSELHO ULTRAMARINO (Parte não oficial), Lisbonne. — Soc. Géog. Dépt. des Cartes et

Plans, B.N.P. : vol. I (1854-1858) → VIII (1866- 1867).

ANAIS DO CLUB MILITAR NAVAL, Lisbonne. — Soc. Géog. Dépt. des Cartes et Plans, B.N.P. Collection

incomplète : t. LXIV (1934), puis t. LXVII (1939) → t. LXIX (1939). — Institut d’Ét. portugaises,

Sorbonne. Collection incomplète : t. LXXXVI (1956) → t. XCVII (1967).

ANAIS DO MUSEO PAULISTA, São Paulo, Brésil. — Institut de l’Amérique Latine. Collection incomplète :

t. III (1927) -> t. XIX (1965).

ARQUIVO DAS COLONIAS, Lisbonne. Fondé en 1917. — B.A.O.M. à partir de 1930.

ARQUIVOS DE ANGOLA, Luanda. Irrég. Fondé en 1933. — B.N.P. (4° 03 1739). Collection incomplète :

2a série, vol. III, nos 13-14 (1946) ; vol. V, nos 19-22 ; vol. VI, nos 22-26 (1949) ; vol. VII, n » 30 (1950) ;

vol. VIII, nos 31-34 (1951) ; vol. XI, nos 43-44 (1954) ; vol. XI, nos 45-46 (1954). — Institut Portugais

Sorbonne. Collection incomplète : 2a série, vol. X, n° 39 (1953) ; vol. XII, n° 50 (1955) ; lacune

jusqu’au vol. XVI, nos 66-67 (1959). — B.A.O.M. Collection incomplète : 2a série, vol. I, n° 1

(1943-1944) vol. XII, nos 47-50 (1955) ; puis vol. XVI, nos 66-67 (1959). — Mus. Homme. Collection

incomplète : 2a série, nos 9, 10 (1945) ; nos 11, 12 (1946) ; nos 13, 14 (1946) ; nos 18, 19 (1947) ; nos 27-

29 (1950) ; nos 59-62 (1958).

BOLETIM CULTURAL DO MUSEU DE ANGOLA, Luanda. — Mus. Homme (1960) nos 1-2. — Inst. Portugais

Sorbonne (1960), nos 1-2.

BOLETIM DA SOCIEDADE DE GEOGRAFIA DE LISBOA, Lisbonne. Fondé en 1876. — B.N.P., Dépt. des Cartes

et Plans. Collection complète.

BOLETIM DO INSTITUTO DE ANGOLA, Luanda. — Institut Portugais, Sorbonne. Collection incomplète : n

° 1 (1953) ; il manque les nos 8, 9, 11, 12.

BOLETIM GERAL DO ULTRAMAR, Lisbonne. — Mus. Homme. — B.A.O.M.

BOLLETTINO DELLE (REALE) S0C1ETÁ GEOGRAFICA ITALIANA, Rome.

— B.N.P., Dépt. des Cartes et Plans (Ge FF 42). Collection incomplète (1878- 1916 seulement).

BULLETIN DE L’INSTITUT D’ÉTUDES CENTRAFRICAINES, Brazzaville. Fondé en 1922. — Mus. Homme.

BULLETIN DE L’INSTITUT HISTORIQUE BELGE DE ROME, BruxeUes. — B.N.P. —Sorbonne.

BULLETIN DES SÉANCES DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES COLONIALES puis D’OUTRE-MER,

Bruxelles. — Mus. Hist. Nat. Collection complète. — Mus. Homme. — Sorbonne. — B.N.P. Collections

incomplètes.

CAHIERS NGONGE, Léopoldville. — B.A.O.M. Collection incomplète.

CONGO, Bruxelles. — B.N.P. Collection complète.

DIOGO CÂO, Lisbonne. — Introuvable dans les bibliothèques de Paris.

GARCIA DE ORTA. — Inst. Port, Sorbonne.

ITALIA FRANSCESCANA, Rome. — Couvent des Franciscains, 26 rue Boissonnade, Paris-14e.

JOURNAL OF AFRICAN HISTORY, Cambridge, Angleterre. Fondé en 1960.

253

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— Centre d’Études Africaines, Sorbonne.

MÉMOIRES DE L’INSTITUT ROYAL COLONIAL BELGE, devenue en 1954.

MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES COLONIALES, et devenue en 1960, MÉMOIRES DE

L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES D’OUTRE-MER, Bruxelles. Irrégulier. Il existe trois classes :

Sciences Morales et Politiques ; Sciences Médicales et Naturelles ; Sciences Techniques. Sauf indication

contraire, c’est toujours de la première qu’il est question dans notre ouvrage.

— Mus. Hist. Nat. Collection complète des trois classes. — Mus. Homme. — B.N.P. Collections

incomplètes de la première seulement.

MEMORIAS ECONÓMICAS DA ACADEMIA REAL DAS SCIENCIAS DE LISBOA, Lisbonne. — Bibliothèque

Portugaise de la Fondation Gulbenkian, 51 avenue d’Iéna, 5 vol. 1789-1815.

MENSÁRIO ADMINISTRATIVO, Luanda. Mensuel. — Mus. Homme. Collection incomplète : nos 61-62

(1952) → nos 101-102 (1956). — Inst. Port. Sorbonne. Collection incomplète : nos 61-62 (1952) -s- nos

107-108 (1956).

PORTUGAL EM ZFRICA, Lisbonne. — Mus. Homme. Collection incomplète : vol. 7 (1950) → vol. 21

(1963), puis vol. 23 (1965). — Inst. Port. Sorbonne. Collection incomplète ; à partir de 1944

seulement.

REVUE CONGOLAISE, Bruxelles, 1910 → mai 1914 (fin de publication). — B.N.P. Collection

incomplète.

STUDIA, Lisbonne. Revue semestrielle, fondée en 1955. — Inst. Port. Sorbonne. Collection complète.

— Bibliothèque Portugaise de la Fondation Gulbenkian. Collection complète.

ZAIRE, Bruxelles. Publication mensuelle, fondée en 1947. — Mus. Homme. Collection complète.

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Index

Administration : 77.

AFONSO I : 11, 20, 23, 24, 44, 97-104, 130-133, 135, 136, 138-140, 145, 151, 152, 165, 167, 184,

185.

Agriculture : 66-67.

Aiaccki : 142.

Akka : 19.

Akkata : 19, 57.

Albinos : 46, 47, 89.

Alumbu : 19, 57.

ÁLVARO I : 30, 106, 146.

ÁLVARO II : 106, 153.

ALVARO III : 106, 137, 146, 153, 167.

ÀLVARO IV : 62, 106.

ÂLVARO V : 106.

ÀLVARO VI : 106.

ÀLVARO XIII : 193, 228.

AMBACA : 217.

AMBRIZ : 123, 124.

AMBRÓSIO I : 106.

AMBUÍLA : 118-120, 180, 218, 219.

Ambundu : 19, 42, 50, 58.

Amindelle : 87.

Amintelle : 87.

Ancêtres : 43-47.

Anglais : 203, 204, 207.

ANGLETERRE : 205, 207, 208.

ANGOÏ : 23, 29, 38.

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ANGOLA (Roi de) : 24, 131, 140, 212.

Animaux domestiques : 66.

Antonianisme : 157.

ANTÓNIO I : 188-120, 158.

ANZIÇA : 23.

ANZICANA : 23, 179.

Anzicos : 23.

Anziques : 61.

Arachide : 187, 205, 216, 225.

Arbres (des ancêtres) : 44.

Archéologie : 11, 17.

Argent : 24, 212, 214 n. 8, 215.

Armes : 82.

Arquebuses : 182.

Arquebusiers : 139.

Artillerie : 119, 121.

Artisanat : 73.

Arundas : 222 n. 1.

Bahungos : 222.

Bakke Bakke : 19.

Bakongo : 19, 21, 23, 57, 58, 73, 78, 124.

Bakuba : 31, 38, 50 n. 1, 59 n. 8, n. 9, 60 n. 1, 89.

Bakulu : 88.

Baluba : 37.

Bangála : 142.

Bangu Bangu : 60.

Banza : 18, 45 n. 8, 170.

BARROS, JOÂO DE : 11, 12.

BARROSO, P. ANTÓNIO : 124.

Basuku : 24.

Bateke : 23, 61, 63 n. 1, 72, 95, 105, 133, 139, 140, 141, 173, 179, 190, 197, 198.

Batwa : 19, 58.

Bayaka : 142, 222.

BÉATRICE : 157-159.

Bembe : 80, 81 n. 1, 107, 120, 124, 220, 226.

Bénédiction (du roi) : 53.

BERNARDO I : 105, 145.

BERNARDO II : 106.

Biafres : 143.

Bijagos : 143.

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Bilungi : 88.

Boesjes : 180.

Bougies : 195.

BRÀSIO, P. : 11.

BUALI : 168, 198.

BUGANDA : 28 n. 9, 32 n. 6, 38, 43 n. 4 n. 5, 51 n. 1, 53 n. 2, 59 n. 8, 60 n. 2, 62 n. 5, 70 n. 5, 80

n. 3, 93 n. 2, 169.

BULA : 121.

BUMBA : 32, 46, 89, 94.

BUMBE : 110.

BUNGU : 17, 18, 23.

CABINDA : 125, 200, 202, 220.

CADORNEGA, ANTÓNIO DE OLIVEIRA DE : 12.

CAHENDA : 21.

Calendrier : 34.

CAMBAMBE : 212, 214, 217.

Cannibales : 95, 197, 215.

Cannibalisme : 140, 218, 219.

CÃO, DIOGO : 87, 90, 91.

Caoutchouc : 205, 225.

Capital (accumulation de) : 68.

Capitão-mor : 219.

Capucins : 110-114, 149, 153, 219.

CASSANGE : 215, 219, 221, 222, 224-226, 228.

Caste dirigeante : 57-59.

CASTILHON, M. L. : 218.

CASTRO, A. J. : 123.

CAVAZZI : 11, 12.

CAZEMBE : 43 n. 4, 51 n. 6, 54 n. 1, 61 n. 5.

CHAKA : 139 n. 7. Chef de Terre : 20, 39-42.

CHEMBE KUNJE : 32.

Chemins : 69.

Chimbangali : 142.

Clous : 195.

Cofo : 78.

Commerce : 69-73.

Commerce à longue distance : 71.

Communications : 69.

Conférence de Berlin : 124, 207, 208.

Confession : 154, 156.

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CONGO DE AMULAÇA : 23, 24.

CONGO DIA NLAZA : 23.

Conseil d'État : 59.

Coquillages : 71-72. Corail : 181, 183.

Corbeille des Ancêtres : 43, 45, 49.

CORDIER, Lt. : 198, 199.

Corps administratif : 59-61, 119.

CORRÊA, ELIAS ALEXANDRE DA SILVA : 12.

Courtiers : 201.

CUILU-NIARI : 21.

Cuisine : 67-68.

Cuivre : 80, 107, 112, 118, 120, 124, 133, 174, 179, 220, 226.

Culture matérielle : 79-84.

Curiampemba : 44.

CUVELIER, J. : 11.

CUVELIER J. & JADIN, L. : 12.

DAHOMEY : 61, 78 n. 4, 131 n. 8, 136 n. 5, 137.

DANIEL I : 121.

DAPPER, O. : 12.

DEMBA : 179.

Dembos : 21, 118, 193, 194, 228.

Despotisme : 54-55, 140.

Dîme : 152.

DIOGO I : 131, 137, 138, 145.

DONGO : 24, 215.

DONGO (Roi de) : 131.

DUQUE DE BRAGANÇA (district de) : 225.

Écoles : 191, 192.

Empussos : 136.

ENCOGE : 211 n. 1, 220, 222.

Encomienda : 214.

Enganga engombo : 113.

Engoma simbo (tambour) : 49.

Enterrement de femmes vives avec roi défunt : 62-63.

ERGAMENES : 63, 231.

Esclaves : 58, 118, 130-134, 174-178, 203-205, 212, 221-223.

Espagnols : 111, 112.

Esprit d'entreprise : 71.

Essicongo : 19, 57.

État Libre du Congo : 124.

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Étendard : 184.

Étoiles : 33.

Fer : 79-80, 180, 195.

Feu sacré : 53.

Fiscalité : 75-78.

Forgeron : 73, 79, 80.

Fourneau : 79.

Français : 204, 220.

Funda : 78.

Fusils : 182.

Futa : 216.

Gages : 142.

GALLO, BERNARDO DA : 11.

Gangala : 142.

GARCIA I : 106.

GARCIA II : 11, 30, 42, 44, 110-115, 118, 119, 136-138, 146, 152, 154.

GARCIA III : 121. GARCIA V : 155, 193.

Garde royale : 61.

GEEL, GEORGES DE : 113.

Gentio : 104.

Geribita : 180.

Gindes : 142.

GOMES, CORNELIO : 131.

Greniers : 67 n. 8.

Guerres civiles : 120. Guindas : 142.

Habillement : 83, 185, 186.

Haricots : 187.

HENRIQUE I : 105, 122.

HENRIQUE V : 190, 191.

HENRIQUE LUNGA : 124.

HENRIQUE (évêque) : 151.

Héritage (règles de) : 68.

História do Reino do Congo : 11.

Hollandais : 110-113, 115, 118, 121, 152, 159, 192, 199, 200, 203, 204, 218, 220.

Huile de palme : 205, 225.

Hungos : 222.

Igos : 137 n. 1.

ILE DE LUANDA : 24, 25, 72, 118, 119.

Impôts : 77.

Incest royal : 50-51.

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Infuca : 217.

Ingallo : 78.

Insanda : 44.

Insignes de souveraineté : 47-49. Instruments de musique : 84. Ivoire : 178.

JAGA : 143.

Jagas : 23, 37, 38, 62 n. 5, 93, 105, 106, 141-144, 215.

JANJERO : 38, 62 n. 5.

JEANNEST, CHARLES : 123.

Jésuites : 105, 110, 111, 151, 160, 212.

JINGA (Reine) : 24, 74 n. 4, 118, 139 n. 7, 218, 219.

Jingas : 142.

JOÂO I : 95, 97, 100.

JOÀO III (Roi de Portugal) : 131, 132, 133, 135.

JOÂO (Roi de BULA) : 121.

KAKONGO : 20, 23, 34, 94, 199-200.

Kalunga : 88 n. 3.

Kariampemba : 47.

KIBANGO : 121, 159.

Kibangubangu : 60.

Kikongo : 21.

Kimbundu : 21.

Ki-mpanzu : 121, 122, 159.

Ki-mulaza : 121, 122, 159.

KINSEMBO : 123.

Kitomessa : 41, 45.

Kitomis : 39-42, 39 n. 6, 42 n. 4, 45, 50, 53.

KONGO DIA NGUNGA : 18.

KORDOFAN : 35.

Kwashiorkor : 187.

Labyrinthe : 52.

LANDANA : 207.

Lepussos : 136.

Libata : 45 n. 8, 60 n. 1, 170.

Lifuco : 78 (voir aussi Lufuco).

Lits : 82.

Livres de comptes : 77.

Loanda : 217.

LOANGO : 20, 21, 26, 29, 30, 33, 34, 54, 77, 170, 197-199, 202, 203.

Longa : 84.

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Lufuco : 135 (voir aussi Lifuco).

LUKENI : 17-20, 50, 57, 60.

Lukobi lu bakulu : 45, 49.

Lumbu : 52, 169.

Lundas : 37, 39, 221, 222.

Lune : 33.

Lungu : 69.

Mabambólo Mani Pangalla : 19.

Macota : 45 n. 8.

Macoutte : 202.

Macunze : 216, 217.

Maestros : 156.

Mafouque : 199, 200, 201, 202.

MAIRE MONAN : 89.

Maïs : 186, 187, 216.

Maisons : 82.

Makoko : 23.

Maladie du sommeil : 147 n. 11.

MALEMBA : 199, 202, 203.

Mani (gouverneurs de provinces) : 60.

Mani-bampas : 60.

Mani-bembo : 60.

Mani-Cabunga : 20, 39.

Mani-lumbu : 60, 183.

Mani-mucaza : 51.

Mani-pampas : 60.

Mani-pemba : 45 n. 8.

Mani-punzo : 60.

MANI-SOYO : 92, 93.

Mani-ssaba : 60.

Manioc : 187, 216.

Mani-Vunda : 28, 42, 49, 50, 52, 97, 157.

MANSO, PAIVA : 11.

MANUEL (Roi de Portugal) : 131.

Maraves : 73 n. 4.

Maravi : 37, 38, 59 n. 7.

Marchés : 69, 70.

Marundas : 222 n. 1.

Masinga : 139.

Massangano : 217.

261

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MATAMBA : 24, 218, 219, 221, 222.

Mbaka : 19.

Mbaka Mbaka : 19.

MBAMBA : 20.

MBANZA KONGO : 18.

MBATA : 20, 23, 28, 49, 60.

MBEMBA NZINGA : 96.

Mbila : 61.

Mbumbulu : 19.

MELO, FERNÃO DE : 130.

Mer (interdiction aux rois de la voir) : 83 n. 3.

MÉROË : 30, 35, 51 n. 4, 62 n. 5.

Messagers royaux : 61.

Messianisme : 157-159.

Mesures : 78.

Métiers : 73, 79-81.

Mfila-ntu : 60.

Mfumu zi ndundu : 47.

Mfundi : 67.

Mfutila : 60 n. 8.

Milongas : 217.

Mimos : 19.

MINDOULI : 80, 142, 174.

Mobati : 57, 76.

Mobicas : 58.

Mobilier : 82.

Moluas : 221 n. 6, 222 n. 1.

MONGO CAILA : 18.

MONGO WA KAILA : 18.

Monnaie : 72-73, 134-136, 152, 174, 176, 179, 193, 202.

MONOMOTAPA : 30, 33 n. 2, 36, 38 n. 5, 39, 42 n. 1, 43 n. 5, 51 n. 6, 59 n. 8,

61 n. 4. 71 n. 1, 76 n. 4, 94 n. 4, 183 n. 3, 185.

MONSOL : 23.

Moradia : 136.

Mousquets : 181, 182.

Moxicongo : 20, 57.

Mozuas : 221 n. 6.

Mpanzalungu : 130.

Mpangu : 20, 46 n. 2, 60, 61.

262

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Mpanzu (dynastie de) : 106.

MPANZU NZINGA : 97.

Mpemba : 44-47.

MPEMBA : 20.

Mpu : 48, 184.

Mputu : 89.

MUATAIANVO : 37, 38, 51 n. 6, 139 n. 7,

188 n. 17, 197, 221, 222, 224.

Mubiri : 189, 190, 221.

Mucoco : 23, 139, 179, 197.

Mulek : 123.

Mundelle : 87.

Munesiconghi : 57, 58, 73.

Muntelle : 87.

Murinda : 58.

Musenda : 157, 158.

MUSSUL : 122, 123, 200.

Musuco : 24.

Mu-tete : 78.

MUXIMA : 217.

Mvala : : 48.

Mwene 60.

Mwene Putu : 89.

MWENE PUTU KASONGO : 222.

NDEMBA : 71 n. 3, 179.

Ndona nkento : 45.

NDONGO : 24.

Nejinguzioka : 61.

Nembila : 61.

Nemfilantu : 60.

Nempangu : 60, 61.

Nganga : 20.

NGANGA : 24.

Nganga Ngombo : 43 n. 5, 113.

NGIMBO AMBURI : 41.

Ngindi : 142.

Ngoma (tambour) : 49.

NGONGA MBATA : 172.

Ngwanda : 48.

263

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Nkadi Mpemba : 45, 47.

Nkaza : 185.

Nkuluntu (chef de village) : 60, 75.

NKUMBA A NGUDI : 18.

NKUNGA : 193.

Nlaza (dynastie de) : 106.

Nlunga (bracelet) : 48.

Notation (système de) : 78.

NOVAIS, PAULO DIAS DE : 211, 212, 214.

NSANGA : 139.

Nsesa (chasse mouches) : 48, 184. Nsidi : 142.

NSUNDI : 20.

Ntelle : 87.

Ntinu : 19.

NZAMBI MPUNGU : 31, 92, 94, 164.

NZINGA A NKUWU : 18, 90, 91, 96, 140.

Nzinga zi oka : 61.

OANDU : 20, 24, 120.

Ocamba : 217.

OCANGA : 23, 24, 133.

OEMBO : 20.

Oiseaux (dans lesquels s'incarnent les âmes des héros) : 43, 47. Or : 183.

Ordalie : 184-185.

Ordenações Manuelinas : 102, 185.

Outils : 82, 182.

Pages (à la cour royale) : 60.

Panzalungos : 130.

Patate douce : 188.

Péages : 136, 137, 138.

Peça de Indias : 176, 177.

Peça do Brasil : 176.

PEDRO I : 105, 145.

PEDRO II : 106.

PEDRO IV : 51, 122, 157, 159.

PEDRO V : 30, 88.

PEDRO ELELO : 124.

Pension : 136.

PIGAFETTA : 12.

PINA, RUI DE : 11, 12.

264

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PINDA : 121, 200.

Pirogues : 69.

Plantes Alimentaires : 65, 66.

Pléiades : 33.

Polygamie : 96, 114, 147, 149.

Pombeiros : 173, 189, 217-219, 224.

Ponts : 69.

Population de Luanda : 219, 222, 224, 225.

Population de São Salvador : 169.

Population de São Salvador (blanche) : 145.

Population du Congo : 146-148. Potier : 81.

PRÊTRE JEAN : 87, 96.

Prix : 69, 70, 115, 191, 202, 203, 216, 219.

Propriété : 68.

Pumbos : 133.

PUNGO ANDONGO : 218, 219.

QUETZALCOATL : 89.

Queues de cheval : 48, 183, 184.

Quigicos : 58.

QUILOANGE QUIASSAMA : 225.

Quilombo : 218, 219.

Quimpanzos : 121.

Quimulazos : 121.

QUISAMA : 24.

Quite : 48 n. 1.

QUITEVE : 30, 33 n. 2, 36, 42 n. 1, 43 n. 5, 61 n. 4, 62 n. 5.

Quixilles : 142.

RAPHAËL I : 121.

Raphia (nattes de) : 71, 73, 75, 179.

Rationalité : 78.

Régicide institutionnel : 34-40, 231.

Reine-mère : 51.

RESENDE, GARCIA DE : 11, 12.

ROME, JEAN FRANCOIS DE : 12.

Routes : 69.

SAINT ANTOINE : 149, 150, 151, 157, 158, 159.

SAINT JACQUES : 97, 149.

Salaire : 136.

Sande : 157.

SANTA-MARIA-DE-MATAMBA : 219.

265

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SÃO SALVADOR : 18-20, 72, 106, 122, 157-159, 165-172, 180.

SÂO TOMÉ : 21, 106, 130, 131, 137.

Sapes : 143.Sceptre : 48.

SÉBASTIEN (Roi de Portugal) : 106.

Sel : 70, 71, 118, 179, 221.

Shilluk : 28 n. 9 n. 11, 29 n. 2, 32 n. 7, 38.

Simba (collier) : 48.

Soba : 214, 217.

Sossos : 222.

Soufflet : 80.

Sovo : 20, 28, 90, 107, 111, 121, 147, 170, 192, 200, 202.

STANLEY POOL : 21, 133, 139, 173, 179, 180.

Sumbas : 143.

Surplus : 171.

Tabac : 188.

Tacula : 174.

Tambours sacrés : 49.

Technologie : 79-84.

TEMBANDUMBA : 218.

Testaments : 68.

Tissage : 81.

Tisserands : 73, 81.

Tissus : 118, 180, 181, 185, 186, 205, 216.

Toni Malau : 151.

Traditions orales : 11, 17, 19, 87, 88.

Traite : 132-134, 139, 140, 146, 147, 174-178, 205, 220-223, 224.

Traite (abolition de) : 224-225.

Traité de paix : 115-118, 120, 121, 153.

Trempe : 80.

Tribut : 75-78, 215-217.

Trône : 47-48.

ULANGA : 119.

Undamento : 45 n. 8, 217.

UNGHERO, BERNARDO : 199.

Vumbi : 88, 215.

Xicacos : 137.

Vangu Vangu : 60.

Variole : 146, 147, 219.

Vénus : 36.

Vestir : 216.

266

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Vigne : 188.

Vin des Canaries : 180, 181, 188.

Yaguas : 142.

Yelala : 87.

ZIMBABWE : 137, 170, 171.

Zimbu : 25, 71-72, 75, 78, 115, 118, 134, 136 n. 2, 137, 152, 180. 270

267

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Tables

TABLES DES ILLUSTRATIONS (pages 128-129 et144-145)

1 1. Vue de la ville de São Salvador, gravure extraite de O. Dapper, Description de l'Afrique,

Amsterdam, 1686. (Photo B.N.)

2 2. Vue de la ville de Loango, gravure extraite de O. Dapper, Description de l'Afrique,

Amsterdam, 1686. (Photo B.N.)

3 3. Le roi du Congo, D. Alvaro VI (1634-1641), reçoit une ambassade hollandaise, gravure

extraite de O. Dapper, ibidem. (Photo B.N.)

4 4. Couronnement du roi du Congo : trône et insignes du pouvoir, gravure extraite de O.

Dapper, ibidem. (Photo B.N.)

5 5. Le comte du Soyo, gravure extraite de O. Dapper, ibidem. (Photo B.N.)

6 6. Le roi du Loango tient audience, gravure extraite de O. Dapper, ibidem. (Photo B.N.)

7 7. Prosternation du peuple devant le roi du Loango. Nul ne peut le regarder lorsqu'il boit,

gravure extraite de O. Dapper, ibidem. (Photo B.N.)

8 8. Les Jagas cannibales, gravure extraite de O. Dapper, ibidem. (Photo B.N.)

9 9. Forgerons congolais, gravure extraite de Cavazzi, Istorica descrizione de' tre Regni Congo,

Matamba, et Angola sitvati nell'Ethiopia inferiore occidentale, Bologne, 1687.

10 10. Le roi du Congo, D. Garcia II (1641-1661), accueille les missionnaires capucins (1648),

gravure extraite de Cavazzi, ibidem.

11 11. Femme pilant du maïs dans un mortier et homme faisant du feu, gravure extraite de

Girolamo Merolla da Sorrento, Breve e succinta relatione del viaggio nel regno di Congo

nell'Africa Meridionale, Naples, 1692.

12 12. Instruments de musique des Congolais, gravure extraite de Girolamo Merolla da

Sorrento, ibidem.

13 13. Nobles congolais et enceinte avec cases de nobles, gravure extraite de Girolamo

Merolla da Sorrento, ibidem.

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14 14. Plant de manioc, grenier et travaux agricoles des Congolais, gravure extraite de

Girolamo Merolla da Sorrento, ibidem.

15 15. Scène de la traite des esclaves, gravure extraite de L. Degrandpré, Voyage à la Côte

occidentale d'Afrique, Paris, 1801. (Photo B.N.)

16 16. Pseudo-portrait de la reine de Matamba, Dona Anna Jinga (1623-1663), par A. Deveria,

Paris (c. 1830), Cabinet des Estampes, B.N. Paris. (Photo B.N.)

17 17. Christ en cuivre jaune, longueur 150 mm. Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren,

Belgique. (Photo du Musée.)

18 18. Christ en cuivre jaune, longueur 170 mm. Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren,

Belgique. (Photo du Musée.)

19 19. Christ en cuivre jaune, longueur 195 mm. Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren,

Belgique. (Photo du Musée.)

20 20. Statuette de saint Antoine en cuivre jaune, « Toni Malau », hauteur 115 mm. Musée

royal de l'Afrique centrale, Tervuren, Belgique. (Photo du Musée.)

21 21. Vue des ruines de la cathédrale de São Salvador. (Photo R. P. Brásio.)

22 Illustrations de la couverture :

23 Au premier plat : « Femme congolaise travaillant son champ », gravure extraite de

Cavazzi, Istorica descrizione..., Bologne, 1687.

24 Au second plat : « Exploitation d'un palmier à huile », gravure extraite de Girolamo

Merolla da Sorrento, Breve e succinta relatione..., Naples, 1692.

TABLES DES CARTES

25 L'ancien royaume du Congo (Provinces et régions adjacentes, XVIe-XVIIe siècles) 22

26 Carte particulière du royaume du Congo, par J. B. d'Anville, 1731 108-109

27 Carte de l'Éthiopie occidentale, par J. B. d Anville, 1732 116-117

28 Itinéraires commerciaux aux XVIe et XVIIe siècles 175

29 Expansion de la colonie portugaise d'Angola de 1575 à 1880 213

30 État de l'occupation portugaise de l'Angola en 1906, d'après Henrique

31 Galvão, História do nosso Tempo, Lisbonne, 1931, p. 16 229

CARTES HORS TEXTE EN DÉPLIANT

32 Africa (moitié sud de la carte), par J. Arrowsmith, Londres, 1834 (Photo B.N. Paris).

33 Carte de l'Angola (moitié nord de la carte), par Visconde de Sá de Bandeira et Fernando da

Costa Leal, Lisbonne, 1863 (Photo B.N. Paris).

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Illustrations

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