L’ancien royaume du Congo des origines à la fin du XIXe siècle · 2019-02-21 · Voici...
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L’ancien royaume du Congo des origines à la fin duXIXe siècle
William Graham Lister Randles
Éditeur : Éditions de l’École des hautesétudes en sciences socialesAnnée d'édition : 2002Date de mise en ligne : 18 avril 2013Collection : Les ré-impressionsISBN électronique : 9782713225659
http://books.openedition.org
Édition impriméeISBN : 9782713213021Nombre de pages : 276
Référence électroniqueRANDLES, William Graham Lister. L’ancien royaume du Congo des origines à la fin du XIXe siècle. Nouvelleédition [en ligne]. Paris : Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2002 (généré le 15février 2017). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/editionsehess/314>. ISBN :9782713225659.
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© Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2002Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540
Voici l'histoire, minutieusement reconstituée, d'un contact et d'une interpénétration limitée
entre deux sociétés, deux cultures, deux civilisations que tout séparait. Avant l'arrivée des
Portugais, à la fin du XVe siècle, l'ancien royaume du Congo, dont la formation territoriale est
succinctement retracée, vivait avec des institutions religieuses, politiques, sociales, économiques,
figées dans une longue tradition. En apportant leurs marchandises et le christianisme, les
premiers Européens lançaient un défi qui se termina par la victoire des colons portugais de
l'Angola en 1665. Mais le succès militaire ne fut pas accompagné d'un succès politico-culturel ;
pire encore, la christianisation limitée à une étroite caste dirigeante fut compensée par une
déstructuration rapide et désastreuse du pays. Secouant l'hégémonie de l'ancienne capitale, les
marges maritimes se détachèrent et se constituèrent en États courtiers, indépendants, tandis
que, de leur enclave angolaise, les Portugais accaparaient les ressources du Congo intérieur. De
cette pénétration, il résulta pour les Congolais une régression technologique importante, qui les
contraignit à acheter aux Européens les articles qu'eux-mêmes avaient si longtemps fabriqués, et
cela avec la plus humiliante des monnaies : les esclaves.
1
SOMMAIRE
Erratum
Remerciements
Introduction1. GÉNÉRALITÉS2. SOURCES
Première partie. Les fondements africains originels
Chapitre premier. La Fondation du Royaume ses limites territoriales aux XVe et XVIe siècles
Chapitre II. Les Institutions de la souverainetéI. LA ROYAUTÉ2. LA BEAUTÉ DU ROI3. LA DIVINITÉ DU ROI4. LE ROI : THAUMATURGE ET BOUC ÉMISSAIRE5. LE ROI ÉTANT MORTEL, LE ROYAUME L’EST AUSSI6. L’ÉTERNITÉ DU CLAN ET LA PÉRENNITÉ DE LA ROYAUTÉ7. LES TROIS ASPECTS DE LA ROYAUTÉ SACRALE A DIFFÉRENTS MOMENTS DE L’HISTOIRE DUCONGO8. LE ROI ISOLÉ DE SON PEUPLE NATURE PARTICULIÈRE DE SES LIENS AVEC LUI9. LE DESPOTISME DU ROI
Chapitre III. La caste dirigeante, le conseil d’État, le Corps administratif et la garde royale1. LA CASTE DIRIGEANTE2. LE CONSEIL D’ÉTAT3. LE CORPS ADMINISTRATIF4. LA GARDE ROYALE5. RÔLE POLITIQUE DE LA CASTE DIRIGEANTE, DU CONSEIL D’ÉTAT ET DU CORPSADMINISTRATIF, ENTRE LE ROI ET LE PEUPLE
Chapitre IV. L’économie1. LES PLANTES ALIMENTAIRES2. LES ANIMAUX DOMESTIQUES3. L’AGRICULTURE4. LE TRAITEMENT DES PRODUITS ALIMENTAIRES. LA CUISINE5. LA PROPRIÉTÉ6. LES COMMUNICATIONS7. LE COMMERCE8. L’ARTISANAT
2
Chapitre V. La fiscalité
Chapitre VI. Technologie et culture matérielle1. LE FER2. LE CUIVRE3. LE TISSAGE4. LA POTERIE5. LES ARMES6. LES OUTILS7. LES HABITATIONS8. LE MOBILIER9. L’HABILLEMENT10. LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE
Deuxième partie. Le contact avec les Européens (Les faits)
Chapitre VII. L’arrivée des Européens (1483-1506)
Chapitre VIII. Le règne de D. Afonso I « Apôtre du Congo » (1506-1543)
Chapitre IX. Le royaume du Congo et ses rois leurs rapports avec les Européens (1543-1654)
Chapitre X. La crise qui aboutit à la bataille d’Ambuila (1665). L’effondrement du royaume,l’anarchie et l’émiettement politique. L’incorporation finale a la colonie portugaise del’Angola à la fin du XIXe siècle (1649-1900)
Troisième partie. L'influence européenne (Les mutations)
Cartes
Chapitre XI. Les conséquences de l’ouverture de la nouvelle frontière1. MENACE POUR L’ÉQUILIBRE INTÉRIEUR : EFFETS POLITIQUES ET SOCIAUX DU COMMERCEEUROPÉEN2. PROBLÈMES SOULEVÉS PAR LE SYSTÈME ÉCONOMIQUE DE L’« AUTRE »3. LUTTE ENTRE PORTUGAIS ET CONGOLAIS POUR CONTRÔLER LE COMMERCE DU PAYS4. LA VENUE DES EUROPÉENS ET SES INCIDENCES SUR LES RAPPORTS DES CONGOLAIS AVECLEURS VOISINS FRONTALIERS5. LE POIDS DE L’INTERVENTION DES EUROPÉENS RÉSIDANT A SÃO SALVADOR DANS LAPOLITIQUE INTERNE DU PAYS6. LE DÉCLIN DÉMOGRAPHIQUE
Chapitre XII. La christianisation1. LE CHRISTIANISME SOUS LES SIGNES DE SAINT JACQUES ET DE SAINT ANTOINE2. ÉCHEC DE LA FORMATION D’UN CLERGÉ AUTOCHTONE3. DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES DE LA MISE SUR PIED D’UN APPAREIL ECCLÉSIASTIQUE4. ATTITUDE DES CONGOLAIS A L’ÉGARD DES MISSIONNAIRES5. LES DIFFICULTÉS DE LANGAGE6. LE MOUVEMENT MESSIANIQUE DE L’ANTONIANISME7. JUGEMENTS CONTEMPORAINS SUR LA PÉNÉTRATION DU CHRISTIANISME CHEZ LESCONGOLAIS
3
Chapitre XIII. La ville de São Salvador1. LES DESCRIPTIONS DE LA VILLE2. LA POPULATION3. PEUT-ON VRAIMENT PARLER DE « VILLE » A PROPOS DE SÃO SALVADOR ?
Chapitre XIV. Les routes commerciales et les produits échangés au Congo et dans les régionsvoisines aux XVIe et XVIIe siècles
1. LES ROUTES COMMERCIALES2. LES ESCLAVES3. L’IVOIRE4. LE CUIVRE5. LES NATTES DE RAPHIA6. LE SEL7. LES PRODUITS EUROPÉENS IMPORTÉS
Chapitre XV. L’acculturation1. LES NOUVEAUX INSIGNES DE SOUVERAINETÉ2. L’ÉCHEC DE LA TENTATIVE DE TRANSFORMATION DES INSTITUTIONS JURIDIQUES3. LES MODIFICATIONS DE L’HABILLEMENT4. LA RÉVOLUTION AGRICOLE5. L’APPARITION DE MARCHANDS NOIRS6. L’ALPHABETISATION7. LES EMPRUNTS TECHNIQUES
Chapitre XVI. La Basse-Guinée aux XVIIIe et XIXe siècles
1. L’ESSOR DES ÉTATS COURTIERS2. LE LOANGO3. LE KAKONGO, L’ANGOÏ, LE SOYO ET LE MUSSUL4. LES ÉTATS COURTIERS MARITIMES ET LE COMMERCE EUROPÉEN
Chapitre XVII. L’expansion portugaise dans l’ancien Angola (1575-1880)
Conclusion
Les rois de l’ancien Congo. (Seuls figurent sur cette liste ceux qui ont régné à São Salvador)
Bibliographie
Index
Tables
Illustrations
4
Erratum
1 p. 29, note 1 : lire ‘W.W. Tarn’ et non ‘N.W. Tarn’
2 p. 32, note 5 : lire ‘120 prédécesseurs’ et non ‘20 prédécesseurs’
3 p. 33, note 2 : lire ‘João dos Santos (1586)’ et non ‘João dos Santos (1587)’
4 p. 34, note 6, dernière ligne : lire p. ‘277’ et non ‘227’
5 p. 39 : lire ‘Cavazzi (1654-1677)’ et non ‘Cavazzi 1654-67’
6 p. 42, note 1 : lire ‘João dos Santos (1586)’ et non ‘João dos Santos (1587)’
7 p. 47 : ‘Les hiboux [sic] s’appellent Kariampemba’ supprimer [sic]
8 p. 57 : lire ‘Cavazzi (1677)’ et non ‘Cavazzi (1667)’
9 p. 58 : idem
10 p. 66, § 2, 5e ligne : après ‘bovins’ ajouter ‘et les cochons’
11 p. 66, § 2, 6e ligne : lire ‘introduits du Congo’ et non ‘au Congo’
12 p. 68, § 2 : lire ‘s’ils dépassaient ce nombre, ils seraient tués par envie’ et non ‘s’il
dépassait ce nombre, il serait tué par envie’
13 p. 68, note 9 : lire ‘George M. Foster’ et non ‘George M. Forster’
14 p. 123, ligne 14 : lire ‘Kinsembo (1869-1873)’ et non ‘Kinsembo (1869)’
15 p. 142, note 3 : lire ‘Kingdom of Cassange’ et non ‘Kingdom of Cassage’
16 p. 157, § 6, première ligne : lire ‘XVIIe siècle’ et non ‘XVIIIe siècle’
17 p. 187, ligne 9 : lire ‘l’ancien Congo’ et non ‘l’Ancien Congo’
18 p. 192, note 3 : lire ‘Marítima e Terrestre’ et non ‘Marítima et Terrestre’
19 p. 211, ligne 2 : lire ‘Conférence de Berlin’ et non ‘conférence de Berlin’
20 p. 215 : lire ‘plaine du Lualaba’ et non ‘plaine de Lualaba’
21 p. 219, § 4 : lire ‘de négociants en esclaves’ et non ‘des négociants en esclaves’
22 p. 224, note 1 : lire ‘Lisbonne 1843’ et non ‘Lisbonne 1823’
23 p. 240 : lire ‘Anon., História do Reino do Congo, [1er quart du XVIIe siècle]’ et non ‘Anon.,
História do Reino do Congo, [c. 1655]’
5
24 p. 243 : dans la série Anon., lire ‘Relação da [...] C.R. Boxer, Uma relação inédita’ et non
‘relaçãoin edita’
25 p. 245 : dans la référence à Cadornega, lire ‘Gladwyn Murray Child’ et non ‘Gladwyn
Murry Child’
26 p. 247 : dans la référence à DIAS Gastão Sousa, lire ‘Uma viagem a Cassange [...] 1938’ et
non ‘1958’
27 p. 253 : lire ‘BALANDIER Georges, La vie quotidienne au royaume de Kongo’ et non ‘au
royaume de Congo’
28 p. 259 : lire ‘WEEKS, J.H., Among the Primitive Bakongo’
29 p. 263 : dans la référence à ANNAES MARIT1MOS E COLONIAES, après B.N.P. supprimer
‘collection incomplète’
30 p. 263 : dans la référence à ARQUIVO DAS COLONIAS, après ‘B.A.O.M. à partir de 1930’
ajouter ‘Bibl. Nat. Paris, Dept des Cartes et plans, vol. I-1V (1917-1930)
6
Remerciements
1 Nous désirons exprimer tout d’abord nos remerciements au professeur Fernand Braudel, président
de la VIe Section de l’École Pratique des Hautes Études pour nous avoir offert la possibilité de
réaliser cette étude dans le cadre de l’École.
2 Au professeur Georges Balandier nous sommes infiniment reconnaissant d’avoir suivi de longue
date avec sympathie nos recherches sur l’Afrique et de nous avoir encouragé à entreprendre sous
sa direction le présent travail.
3 Nous adressons également nos remerciements : au professeur Léon Bourdon qui a consacré
patiemment de longues heures à nous aider à élucider des textes en portugais ancien et qui a bien
voulu traduire pour nous tous ceux qui sont cités au chapitre VII ; au professeur Gabriel Le Bras
qui, en nous donnant l’occasion, dans son séminaire, de faire un exposé sur la christianisation de
l’ancien royaume du Congo, nous a permis de mieux comprendre certains aspects de la sociologie
religieuse du pays ; à M. Rug-giero Romano, qui nous a vivement encouragé à développer les
aspects économiques de notre travail ; au professeur Jan Vansina qui nous a rassuré sur certaines
de nos interprétations ethnologiques.
4 Nous remercions aussi nos collègues J.-J. Hémardinquer, Michael Keul et Henri Moniot qui nous ont
signalé quantité d’ouvrages et d’articles susceptibles de nous être utiles, qui ont bien voulu écouter
et critiquer certaines de nos thèses.
5 Nous n’aurons garde d’oublier l’aide précieuse que nous a apportée Mlle G. Bigot de la Bibliothèque
nationale en recherchant les cotes de nombreux ouvrages aux références obscures ; celles de Mme F.
Petit du Centre d’Études Africaines de l’École Pratique des Hautes Études qui s’est chargée d’obtenir
par le service de prêt d’importants ouvrages de l’étranger et de Mlle Monique Veerkamp du
Laboratoire de Cartographie de l’École Pratique des Hautes Études, qui a dessiné les cartes
accompagnant l’ouvrage.
6 Nous exprimons en outre notre profonde gratitude à Mme S. Biberfeld, qui a revu le français du
manuscrit avec une attention minutieuse et qui a traduit en français toutes les citations en
portugais, anglais et allemand à l’exception de celles du chapitre VII.
7 Pour terminer, nous voudrions remercier très simplement notre vieil ami Jean Bachelot qui, par ses
conseils opportuns, imprima à cet ouvrage sa forme actuelle et enfin la compagne qui en a suivi pas
à pas, avec un dévouement patient, la lente réalisation.
7
Introduction
1. GÉNÉRALITÉS
1 Depuis un demi-siècle environ, pour des raisons qui tiennent à l’évolution particulière de
la sensibilité intellectuelle européenne, l’ethnologie et l’anthropologie sociale se sont
surtout intéressées aux sociétés archaïques les moins développées matériellement et
socialement, celles qui se trouvent « au ras du sol », les sociétés dites « sauvages » de
l’Océanie, de l’Amérique du Sud et de l’Afrique « primitive ».
2 On s’est beaucoup moins passionné (si l’on excepte les empires Inca et Aztèque) pour les
États archaïques – « barbares », diraient certains –, tels que les anciens États asiatiques en
bordure de l’océan Indien, les états du Soudan médiéval et, en Afrique sub-équatoriale
pré-coloniale, le Monomotapa et le Congo, pour n’en citer que quelques-uns.
3 Naguère étudiée sous le signe du merveilleux oriental ou de l’exotisme littéraire,
l’histoire de ces États archaïques offre de nos jours un intérêt tout nouveau. Elle débouche
sur l’étude comparée du développement historique d’organisations bureaucratiques et
économiques, telle que l’ont envisagée Max Weber, avec ses concepts de Herrschaft et de
« rationalité », et Karl Polanyi, avec ceux du Port of Trade et de « redistribution ».
4 Une connaissance de la structure, de l’organisation et des rapports avec l’extérieur de ces
États situés, dirons-nous, à mi-chemin entre les sociétés « sauvages » et les États
occidentaux pré-industriels, ne pourrait-elle pas mieux éclairer les causes et les modalités
de ce défaut de compréhension, ainsi que cette prépondérance dominatrice dont
témoigne l’Europe à l’égard du reste du monde, surtout depuis le début des temps
modernes ?
5 Les destins de ces États face à l’Europe figurent invariablement un déclin consécutif à
toute communication avec celle-ci. Pour mesurer et expliquer ce déclin, il est
indispensable de reconstruire une image de la société avant le premier contact avec les
Européens. Entreprise difficile : la plupart de ces États ignorent l’écriture ou en font peu
usage, et là où elle est pratiquée, elle se révèle une source pauvre en renseignements,
d’interprétation délicate. La tradition orale ne donne, en général, que la succession des
rois ; quant à l’archéologie, là où des fouilles ont été faites, elle ne laisse presque rien
deviner de l’organisation sociale. Que de fois l’unique recours ne demeure-t-il pas le
8
témoignage des premiers Européens, ceux-là même qui transformèrent par leur seule
présence ce qu’ils décrivaient, habituellement amenés par un réflexe protecteur à
présenter comme haïssables les ressorts les plus essentiels et les motivations les plus
intimes de la société rencontrée, trop différents des leurs !
6 En vertu de quels critères déceler la réalité derrière ces dénonciations de non-
conformité ? Pourquoi pas par l’étonnement et le scandale que suscite en des esprits
chrétiens le spectacle de mœurs inouïes ? Car le constat de scandale n’est-il pas le plus sûr
indice que de vieilles manières d’être perdurent, malgré les mutations opérées par les
protagonistes de « la voie européenne » ? Les motifs d’étonnement, en Afrique, ne
sensibilisent pas seulement Portugais, Italiens, Anglais et Allemands, mais aussi Arabes et
Grecs de l’Antiquité. Aussi nous sommes-nous cru autorisé à essayer de recréer le système
de pensée religieux et social proprement africain, celui auquel adhéraient jadis les
sociétés de l’Afrique sub-saharienne ainsi que le royaume du Congo avant la
christianisation proposée par les Portugais. Mais nous avons écarté toute tentation de
suggérer, par une analyse comparée des plus anciens témoignages, le foyer qui pourrait
être à l’origine de ce système de pensée, ou les voies éventuelles de sa diffusion à travers
le continent africain.
7 L’histoire du royaume du Congo a le privilège, rare en Afrique Noire, de bénéficier d’une
documentation écrite remontant à plus de quatre siècles, encore que, comme nous l’avons
fait remarquer, elle n’éclaire que du dehors. Paradoxalement, ce sont les tout premiers
textes qui sont les plus riches car si, successivement, apparaissent en Afrique
l’explorateur, le commerçant, le missionnaire, l’administrateur, enfin l’ethnographe, plus
on voit croître, par leurs préoccupations respectives, la rigueur et la précision de leur
observation, plus l’objet de leur curiosité se dérobe à leur regard, soit par un
émoussement progressif de la sensibilité des Européens à l’insolite autour d’eux, soit par
le souci des Africains de dissimuler aux Blancs les aspects intimes de leur société, qu’ils
savent blâmés par eux.
8 L’abondance de la documentation sur le royaume du Congo, si fourmillante de menus
détails, mais souvent par contre muette sur des questions cruciales, tend à induire
l’historien à trop s’attarder sur l’enchaînement de faits mineurs sans grande portée, au
lieu de tenter de saisir simplement les réalités essentielles du destin de ce pays. Si nous
avons consacré un effort particulier, dans la troisième partie de notre ouvrage, à cette
dernière exigence, nous n’avons pas cru devoir renoncer à retracer succinctement la
succession des événements : au moment du premier contact entre Blancs et Noirs au
Congo, nous les avons même suivis d’aussi près que possible.
9 Le dernier chapitre, sur l’expansion portugaise dans l’ancien Angola, se justifie par le rôle
important des Blancs de cette colonie dans le destin du Congo, lequel se voit enfin
englobé dans une « province » portugaise d’outre-mer.
2. SOURCES
10 Elles peuvent être divisées en trois catégories, selon qu’elles relèvent : de l’archéologie, de
la tradition orale, ou de l’histoire écrite.
11 Alors que dans d’autres régions de l’Afrique – la Rhodésie, la Zambie –, l’archéologie de
l’âge du fer, celle qui, à la différence d’autres branches, est la seule à éclairer l’époque
immédiatement antérieure à l’arrivée des Européens, a fait d’immenses progrès, dans le
9
Bas-Congo et en Angola, par contre, tout est à faire. Un premier objectif urgent serait de
fouiller le site de la capitale de l’ancien royaume du Congo, São Salvador.
12 Pour ce qui concerne la tradition orale, J. Cuvelier est le seul à avoir tenté de recueillir
systématiquement les traditions historiques des Bakongo1. Certaines, évoquant la
fondation du royaume, avaient été enregistrées par des auteurs du XVIIe siècle : l’auteur
anonyme de l’História do Reino do Congo (c. 1655)2, Cavazzi (1654-1667)3, et Bernardo da
Gallo (1700)4. Elles ne concordent pas dans le détail, et leur apport est en définitive
décevant.
13 Restent donc les sources écrites exclusivement par les Européens ; leur profusion promet
plus qu’elle ne tient. Ce sont elles qui ont été le plus sollicitées pour cet ouvrage.
14 Nous nous sommes limité à l’examen d’ouvrages imprimés, renonçant délibérément à
envisager des recherches dans les archives portugaises, italiennes ou hollandaises, en
raison des très longs séjours à l’étranger qu’elles eussent nécessités.
15 Parmi les sources écrites, il en est une d’importance primordiale par le nombre de
documents réunis : la collection du P. Brásio, Monumenta Missionária Africana (Africa
Ocidental), Lisbonne, 1952 – en cours de publication, et dont 13 volumes, couvrant la
période 1472-1650, ont été publiés jusqu’à présent. Pour la période postérieure à cette
date, il a été fait appel à la vieille et modeste collection de Paiva Manso, História do Congo
(Documentos), Lisbonne, 1877, couvrant la période 1492-1722.
16 Les Monumenta renferment la remarquable correspondance du roi D. Afonso I (1506-1543)
avec les rois de Portugal, celle aussi du roi D. Garcia II (1641-1661), de nombreux textes
descriptifs dus à des missionnaires et, ce qui intéresse moins l’historien de l’Afrique, une
vaste correspondance administrative de missionnaires et d’ecclésiastiques. Dans le
premier volume sont imprimés des extraits des chroniqueurs du XVIe siècle, Rui de Pina5,
Garcia de Resende6, João de Barros7, relatant les tout premiers contacts entre Portugais et
Congolais. Mais le choix arbitraire de ces extraits, les coupures qui y ont été apportées,
obligent à se reporter aux textes intégraux des chroniques : celle de Rui de Pina dans
l’édition d’Alberto Martins de Carvalho, Coïmbre, 1950, celle de João de Barros dans
l’édition de la première Década par Antonio Baião, Coïmbre, 1932. Les passages sur le
Congo dans la chronique de Garcia de Resende n’étant que repris du texte de Rui de Pina,
leur intérêt nous paraît assez mince. Aucune de ces chroniques n’a été traduite en
français.
17 Parallèlement aux Monumenta, mais de moindre envergure, se situe le volume de
documents missionnaires de J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives
romaines8. Surtout constitué de pièces intéressant la missiologie, sa valeur réside en deux
importants textes descriptifs : « Histoire du Congo », ms. Vat. Lat. 12516 (fin du XVIe
siècle), pp. 108-160, et « De la situation du royaume du Congo » (1595), pp. 194-207.
18 A ces deux textes descriptifs, il faut en ajouter un plus important, que le P. Brásio n’a pas
cru devoir inclure dans ses Monumenta. Il s’agit de l’« História do Reino do Congo »
(s.l.n.d., ms. 8080 de la B.N.L.), dont A. A. Felner a publié des extraits9. Il en situe la date de
rédaction vers 1620, alors que Brásio la croit plus proche de 165510. La consultation d’un
microfilm du manuscrit prouve en effet que les extraits donnés par Felner en constituent
l’intérêt essentiel.
19 Parmi les principales sources imprimées contemporaines se placent, pour le XVIe siècle,
l’ouvrage de Pigafetta (1587)11, et pour le XVIIe siècle ceux de Jean François de Rome (1648)12, de Cavazzi (1654-1667)13 et de O. Dapper (1668)14 – les dates entre parenthèses sont
10
celles de la rédaction. Seuls, les livres de Pigafetta et de Jean François de Rome ont fait
l’objet de traductions françaises en forme d’éditions critiques. Les traductions françaises
contemporaines de Cavazzi par Labat (1732), et de Dapper (1686), doivent être
considérées avec une certaine méfiance. Il convient en outre de rappeler que Pigafetta et
Dapper n’ont fait que recueillir les souvenirs d’autres écrivains (Pigafetta ceux du
Portugais Duarte Lopes), et qu’Alamandini a retouché le texte de Cavazzi afin d’en
améliorer le style.
20 Deux manuscrits portugais inédits, l’un du XVIIe, l’autre du XVIIIe siècle, ont eu des
éditions modernes, mais ils intéressent moins le Congo que l’Angola. Il s’agit de l’História
geral das Guerras angolanas (1680-1681) d’António de Oliveira de Cadornega, publication et
notes de José Matias Delgado et Manuel Alves da Cunha, Lisbonne, 3 volumes, 1940-1942,
et de l’História de Angola (1792) d’Elias Alexandre da Silva Corrêa éditée par Manuel
Murias, Lisbonne, 2 volumes, 1937. La valeur de ces deux textes est grandement limitée
par l’optique méprisante des auteurs pour tout ce qui est africain, et par l’emphase
exaspérante de leur style.
21 De nombreuses sources sur le XIXe siècle se trouvent dans les revues portugaises de
l’époque : Annaes do Consello Ultramarino, Annaes Marítimos e Coloniaes et surtout, à partir de
1876, le Boletim da Sociedade de Geografía de Lisboa.
22 Ce résumé succinct des principales sources écrites auxquelles nous avons le plus
largement recouru ne donne qu’une faible idée du caractère extraordinairement dispersé
et hétéroclite de toutes celles que nous avons consultées. Pensons à la diversité des
langues dans lesquelles les textes sont écrits, à leur éparpillement parcellaire (un
paragraphe ou quelques lignes dans un ouvrage traitant d’une région ou d’un sujet tout
autre), au fait aussi que, lorsqu’il s’agit d’un livre imprimé, on n’est pas toujours sûr de le
trouver dans une grande bibliothèque européenne, enfin à la pluralité des disciplines
impliquées : histoire des explorations, histoire de l’administration coloniale, missiologie
et ethnographie.
NOTES
1. J. Cuvelier, « Traditions Congolaises », in Congo, t. II, n° 2 (1930), pp. 193-208, et n° 4, pp.
469-487.
2. Publiée par Felner, Angola, Coïmbre, 1933, pp. 375-379.
3. Cavazzi, Istorica Descrizione..., Bologne, 1687, lib. II, § 86.
4. In L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bulletin de l’Institut Historique Belge de Rome,
fasc. XXXIII (1961), pp. 468-475.
5. Croniqua del Rey Dom Joham II, composée entre 1501 et 1521 et restée inédite Jusqu’en 1792, cf.
Francisco Leite de Faria, Omo relação de Rui de Pina sobre o Congo escrita em 1492, Agrupamento de
Estudos de Cartografia Antiga, vol. XVIII (Secção de Lisboa), Junta de Investigaçôes do Ultramar,
Lisbonne, 1966, p. 13.
6. Cronica da Vida de D. João II, éd. d’Evora, 1545, Lisbonne, 1554 et 1798.
11
7. João de Barros, Décadas da Asia, Déc. I, Lisbonne, 1552 (la seule qui traite du Congo). Les Décadas
de Barros sont une source à utiliser avec précaution en ce qui concerne les événements de ta fin
du XVe siècle, en raison de leur rédaction tardive.
8. Mémoire de l’Institut Royal Colonial Belge, t. XXXVI, fasc. 2, Bruxelles, 1954.
9. Felner, Angola, pp. 375-379.
10. Cf. A. Brásio, « A História do Reino do Congo », in Portugal em Africa, vol. VI (1949), pp. 153-161.
11. Filippo Pigafetta, Relatione del Reame di Congo..., Rome, 1591, traduction française annotée de
Willy Bal, Paris-Louvain, 1963. et 2e éd. corrigée, 1964.
12. Giovanni Francesco Romano (Jean François de Rome), Breve Relatione, Rome, 1648, traduction
française de François Bontinck, Paris-Louvain, 1964.
13. Gio. Antonio Cavazzi da Montecuccolo, Istorica Descrizione de’ tre Regni Congo, Matamba et
Angola..., Bologne, 1687, 2e éd. Milan, 1690.
14. O. Dapper, Naukeurige Beschrijuinge de Afrikaensche gewesten, Amsterdam, 1668.
12
Première partie. Les fondementsafricains originels
13
Chapitre premier. La Fondation duRoyaume ses limites territorialesaux XVe et XVIe siècles
1 L’archéologie de l’âge du fer étant encore muette sur le passé congolais antérieur à
l’arrivée des Européens, seules demeurent, comme source, les traditions orales qui ne
permettent guère d’établir une chronologie rigoureuse.
2 La fondation du royaume du Congo apparaît, dans ces traditions orales, comme la
conséquence d’une querelle de famille, suivie d’une scission de clan et d’une émigration.
Trois d’entre elles, courantes au XVIIe siècle, font état de l’événement1 :
3 Selon la version recueillie par Cavazzi (1654-1667), Lukéni, fils cadet du roi du minuscule
royaume du Bungu (situé sur la rive septentrionale du Congo, au point où il s’incurve
avant de descendre vers la mer), s’installa avec ses partisans auprès d’un gué important,
protégé par des rochers. Retranché derrière ces fortifications naturelles, il commença à
exiger un péage de ceux qui traversaient le fleuve.
4 Un jour, une dispute s’éleva entre lui et sa tante, qui prétendait être exemptée du péage
en raison de son rang. Lukéni l’éventra sauvagement, crime d’autant plus abominable
qu’elle était enceinte. Craignant l’inévitable colère de son père, mais soutenu par ses
gens, qui approuvaient « son âme belliqueuse », Lukéni quitta avec eux le Bungu et
traversa le fleuve pour s’installer sur l’autre rive2.
5 La version recueillie par Bernardo da Gallo (c. 1700) ne fait aucune allusion au contrôle
exercé par Lukéni sur le gué. C’est entre la mère de Lukéni et un passeur anonyme que
surgit la dispute. Impatiente de traverser, car elle est enceinte, elle est en butte aux
grossièretés du batelier, qui lui demande si elle se prend pour la reine ou la mère du roi.
Elle s’en plaint à son fils et, pour venger l’insulte, celui-ci lui promet qu’elle sera en effet
mère d’un roi, car il sera ce roi, mais non sans royaume. Avec une armée nombreuse il
quitte sa patrie, traverse le Congo et part à la conquête du pays au sud du fleuve3.
6 La version recueillie par l’auteur anonyme de l’História do Reino do Congo (c. 1655) précise
seulement que le père de Lukéni avait beaucoup de fils et que Lukéni était le plus jeune.
Ne voyant aucune possibilité de régner et fort ambitieux, celui-ci réunit autant de
partisans qu’il en put trouver et passa sur l’autre rive du fleuve4.
14
7 Les insultes adressées à la tante (ou à la mère) de Lukéni sont sans doute des inventions
étiologiques pour justifier une scission provoquée par des facteurs que nous ignorons. Les
deux versions racontent essentiellement la même histoire, envisagée sous des angles
différents.
8 La tante était vraisemblablement la reine-mère du royaume de Bungu et, de même que la
reine, l’un des volets du triptyque de la souveraineté africaine5. Dans la version de
Cavazzi, un crime consacre la rupture ; dans celle de Bernardo da Gallo, une insulte. La
scission de la communauté est marquée autant par la substitution du chef que par
l’émigration. Les deux femmes sont des reines-mères : l’une du royaume du « passé »,
l’autre de celui de l’ « avenir ».
9 De quand date la révolte de Lukéni ? Les sources se contredisent. Selon l’História do Reino
do Congo (c. 1655), ce serait vers le début du XIVe siècle : « Il y a 350 ans ». L’auteur ajoute
que six rois se succédèrent entre Lukéni et le premier roi chrétien, Nzinga a Nkuwu, mort
en 1506. Un texte de 1624 précise que Nzinga a Nkuwu était le petit-fils du fondateur6.
Enfin, selon Bernardo da Gallo (c. 1700), il n’y eut que deux rois entre Lukéni et Nzinga a
Nkuwu7.
10 Tout ce que nous pouvons dire, c’est que le royaume du Congo a probablement été fondé
entre le début du XIVe siècle et le début du XVe.
11 Le pays de la rive méridionale une fois conquis, Lukéni s’installa sur un mont situé à
quatre lieues de l’actuel São Salvador et appelé Mongo Caila (Mongo wa Kaila), ou « Mont de
la Répartition ». Là, il fit don à ses capitaines des provinces qu’il venait de soumettre8.
Plus tard, il s’installera sur un autre mont appelé Nkumba a Ngudi, qui deviendra Mbanza
Kongo puis, au temps du christianisme : Kongo dia Ngunga, « Congo de la Cloche », et
finalement « São Salvador », nom qu’il porte encore aujourd’hui9. Lukéni prendra alors le
titre de Ntinu mini a Lukéni10.
12 Quelle était donc la population du pays que les Bakongo venaient de conquérir ? Selon
Cadornega (1681) et la tradition moderne recueillie par Cuvelier, ils ont asservi un peuple
bantou autochtone, d’ethnie et de langue différentes : les Ambundu11. Certaines régions
étaient toutefois occupées par les Mbaka (des nains), notamment la région de Makuta,
« C’étaient, disent les Noirs, des petits hommes à grosse tête, ventre proéminent et
jambes courtes. Quand ils tombaient, ils avaient de la peine à se relever. Ils n’avaient pas
d’instruments de fer. Ils recouvraient leurs morts avec des pierres »12. Parlant du Loango,
Dapper (1668) fait également allusion à ces nains à grosse tête, qu’il appelle Bakke Bakke
ou Mimos13. Ce sont les Akka ou Balwa dont parle Torday14.
13 Quoi qu’il en soit, ces Batwa, ou Mbaka Mbaka, ou Akka, sont certainement les mêmes que
les Akkata dont parle Bernardo da Gallo (c. 1700) :
14 « ... il est nécessaire de savoir qu’il y a deux peuples dans ce royaume [le Congo]. Un
arrivé comme immigrant et l’autre vraiment du pays, celui-ci composé de soumis ou
assujettis et l’autre de dominateurs. Les dominateurs sont ceux qui vinrent [...] avec le
premier roi [...] Lukéni et ils s’appellent Essicongo ou nobles congolais habitants de la cité
royale. Les autres, les soumis, sont ceux qui se trouvaient dans le pays et ceux des
provinces du royaume, lesquels s’appellent Akkata, Alumbu ou paysans et ruraux »15.
15 Les traditions orales d’une race pré-bantoue de nains à grosse tête, habitant jadis
l’Afrique orientale ont été enregistrées par J. D. Clark16. Son refoulement progressif par
les Bantous est actuellement l’objet d’études de nombreux archéologues et experts en
anthropologie physique en Afrique anglophone17.
15
16 L’absence de travaux archéologiques au Congo rend impossible, pour le moment, toute
tentative de suivre le processus d’assimilation de cette race par les Bakongo envahisseurs,
ou par leurs prédécesseurs les Ambundu. (Les Alumbu sont-ils les mêmes que les
Ambundu ?)
17 Au moment de la conquête, les Ambundu n’étaient pas organisés en un État centralisé. Ils
vivaient répartis en chefferies indépendantes, qui allaient devenir les « provinces » du
royaume du Congo18. Cavazzi déclare qu’un potentat nommé le Mabambòlo Mani Pangalla
gouvernait la région autour de São Salvador19.
18 Mabambòlo, qui est un titre, correspond sans doute à celui du Mbumbulu « le premier des
ngangas (sorciers) célèbres », dont Van Wing rapporte une tradition20.
19 Mais l’História do Reino do Congo donne à ce potentat un autre nom : c’était le Mani-Cabunga,
sorte de « Grand Prêtre » qui vivait à São Salvador lorsque Lukéni y est arrivé21. Il s’agit
d’un « chef de terre », faiseur de pluie et garant de la fécondité agricole. Il déterminait le
moment des semailles et de la récolte. Ses successeurs étaient toujours là au moment où
l’auteur rédigeait son História ; les Bakongo leur manifestaient le plus grand respect22.
20 Lukéni épousa la fille du Mani-Cabunga et ordonna à ses hommes de se marier avec des
femmes du pays, « les nobles avec les nobles et les plébéiens avec les plébéiennes. Tous
s’appelleront désormais Moxicongos [Bakongo] »23.
21 La grande innovation de la conquête bakongo est le groupement de multiples petits
royaumes en un grand État centralisé et gouverné par un monarque suprême résidant
dans une capitale.
22 Les provinces qui formeront le noyau du royaume fondé par Lukéni sont le Mpemba (où
se trouve la capitale), le Soyo, le Mbamba, le Nsundi, le Mpangu et le Mbata, toutes, à
l’exception d’une partie du Nsundi, situées au sud du fleuve24. Sont aussi nommés le
Oembo25 et le Oandu26. Seul, le Mbata reste hors de la domination directe de Lukéni. Son
oncle maternel le conquit et se fit accorder un statut privilégié, équivalent presque à
l’indépendance27. Les gouverneurs des autres provinces n’étaient pas nommés à vie, ils
dépendaient du bon plaisir de Lukéni28. Au XVIe siècle, sous le règne de D. Afonso I
(1506-1543), le Mbata deviendra vraiment une province et aura également un gouverneur
nommé par le roi29.
23 Une tradition affirme que des fils de Lukéni partirent au nord du fleuve fonder les
provinces de Kakongo et Loango30, mais ces dernières recouvrèrent leur indépendance
avant la christianisation du Congo au début du XVIe siècle. Le Loango et le Kakongo
restèrent toujours des royaumes païens, dont les habitants sont d’ailleurs d’ethnie et de
langue bakongo.
24 On ignore jusqu’où alla l’expansion du royaume du Congo, car il semble s’être déjà réduit
lorsque sont écrites les premières relations portugaises, au XVIe siècle. Il a
vraisemblablement atteint, au nord, une ligne joignant la ville de Loango au Stanley Pool,
le long de la vallée du Cuilu-Niari (en gros, le parallèle situé à 4° de lat. nord)31, à l’est le
Cuango, et au sud le Cuanza. Cette aire coïncide avec celle de la langue kikongo, sauf au
sud d’une ligne joignant Luanda à Cahenda, où le kikongo fait place au kimbundu. Fait
singulier, cette frontière linguistique ne s’appuie sur aucun relief naturel32. C’est là que se
trouvent les puissantes chefferies des Dembos. Selon la tradition orale locale, la région
était, avant la conquête bakongo, couverte de forêts et d’une végétation très dense, où des
16
tribus cannibales vivaient dans une anarchie constante. Les conquérants Bakongo
(devenus depuis les Dembos) apportèrent l’ordre et la justice33.
25 Tout l’espace occupé par le royaume du Congo constitue une aire de transition
géographique entre la forêt dense (pluviisilva) au nord, et la savane arborisée au sud34. Des
siècles de défrichement par les Bantous agriculteurs ont fait reculer la forêt vers le nord35
.
26 Même à son apogée, le royaume du Congo était essentiellement composé de deux
éléments : le noyau étroitement administré, et les marches périphériques, sur lesquelles
l’autorité du pouvoir central se faisait sentir avec beaucoup moins d’efficacité. En raison
de leur éloignement, ces marches étaient plus ou moins en état de dissidence permanente
et leurs rapports avec l’autorité assez lâches. On mesure bien les limites de la puissance
royale à l’inconsistance des témoignages de soumission que le roi recevait de ce genre de
« vassaux ». L’arrivée des Européens introduira un troisième pôle de référence dans les
rapports bipolaires entre le pouvoir central et les marches, et fera naître dans ces
dernières une tendance à la « désatellisation ».
27 Quelles sont ces marches périphériques ?
28 Il y a d’abord le Loango. On ignore s’il a échappé à l’hégémonie congolaise avant ou après
l’arrivée des Européens. Selon Pigafetta (1587) « ... le roi de Loango est ami du roi du
Congo et l’on dit qu’il fut jadis son vassal »36. Que les Portugais de São Tomé aient
encouragé les peuples au nord du fleuve à revendiquer leur indépendance, cela ressort
clairement d’une lettre écrite en 1549 par Barros de Paiva, gouverneur de cette île37. Le
Loango ne figure plus dans les titres du roi du Congo en 153938. Au début du XVIIe siècle,
son indépendance ne fait aucun doute.
29 Le Kakongo et l’Angoï sont indépendants en 160739, mais rien ne permet de savoir depuis
quand.
17
30 Le Bungu, dont on ignore s’il fut jamais effectivement incorporé au royaume du Congo,
n’en faisait en tout cas plus partie en 1625, puisque les Jagas (cannibales nomades)
l’avaient envahi l’année précédente, après avoir vaincu le roi40.
31 Au nord-est du Stanley Pool se trouve la « province » d’Anzica41 (ou d’Anzicana), habitée
par les cannibales Bateke, différents par la langue et l’ethnie des Bakongo. Le nom de ce
pays apparaît dans les titres du roi Dom Afonso en 1535, mais il était déjà en guerre avec
le Congo à la fin du xve et au début du XVIe siècle, et semble avoir obtenu très tôt son
indépendance42. Un texte de la fin du XVIe siècle affirme que le roi des « Anzicos » est
« plus puissant et son royaume plus grand que celui du Congo ou d’Angola »43. Dès avant
1583, l’Anzicana n’était plus connue sous ce nom ; elle est désignée, dans les relations de
l’époque, comme le « Royaume du Mucoco »44, dont la capitale s’appellera Monsol45.
Dapper (1668) dira du Mucoco : « Ce roi passe pour beaucoup plus puissant que celui du
Congo, ayant dix rois pour vassaux »46. Un texte de 1656, où le Mucoco est décrit comme
« ... le plus misérable royaume qu’il soit dans cette région »47, ne nous paraît pas très
digne de foi, car le royaume du Mucoco deviendra au XVIIIe siècle, avec l’empire Lunda,
l’un des principaux viviers d’esclaves de l’intérieur de l’Afrique, et il en sera ainsi jusqu’à
la fin du XIXe siècle lorsque Brazza, en 1880, signera avec le roi le célèbre « traité
Makoko »48.
32 A cheval sur la boucle du Cuango juste avant sa confluence avec le Kasai, se trouve
l’Ocanga, décrit paradoxalement par l’auteur de l’História do Reino do Congo (c. 1655)
comme « la province la plus orientale soumise aux rois [du Congo] et où il y a un roi
indépendant »49. Selon une source de 1595, l’Ocanga paie un tribut au roi du Congo50, et un
texte de 1624 confirme sa condition de vassal du duc de Mbata51. A la différence des autres
marches, qui se libèrent progressivement de l’hégémonie congolaise, l’Ocanga et le Mbata
paraissent s’y inféoder.
33 La province de Congo de Amulaça (Congo dia Nlaza) apparaît dans les titres du roi du
Congo en 158352. Cadornega (1681) la situe, sans grande précision, dans l’intérieur à cent
lieues de l’Ocanga53.
34 Dans ses lettres de 1535 et de 1539, le roi D. Afonso mentionne parmi ses titres la province
de Musuco54. Selon Lamal, elle était située sur la rive gauche du Cuango, entre le Congo de
Amulaça et le Matamba. Vers la fin du XVIe siècle, les Basuku émigrèrent au delà du
Cuango pour s’installer près de la confluence de celui-ci avec la Nganga, avant de se
disperser vers le nord-est et le sud55.
35 Au sud de l’Ocanga, le cours du moyen Cuango forme la frontière orientale du Congo.
Entre le Cuango et le haut Lucala s’étend la province du Matamba, apparemment vassale,
en 1530, du roi du Congo, qui en reçoit un tribut de quelques manilles d’argent [sic !]56. Par
la suite, son « roi » se révolta, mais on ignore à quelle date. Vers 1630, la « reine »
Munongo Matamba sera vaincue par la célèbre reine Jinga (d’Angola), qui s’emparera du
Matamba pour en devenir elle-même la reine57. La province du Oandu constituera alors la
limite frontalière du Congo vers le sud-est jusqu’en 1643, date à laquelle la reine Jinga
l’annexera au Matamba58.
36 Les frontières méridionales du Congo et son hégémonie sur l’ancien royaume d’Angola
constituent un problème compliqué et délicat. La limite extrême de la domination
congolaise vers le sud semble avoir atteint au moins le Cuanza, (peut-être même l’avait-
elle dépassé et englobé la « province » du Quisama, mentionnée parmi les titres du roi du
Congo en 153259). L’Angola (qui est en réalité le titre du roi du Ndongo ou Dongo) n’est, au
18
XVIe siècle, qu’un petit territoire entre le Lucala et le Cuanza. Il est également cité parmi
les titres du roi du Congo en 1532 comme « province »60, mais il n’est pas certain qu’il y ait
eu un lien de vassalité à cette époque. Selon Pigafetta (1587), le roi d’Angola avait
coutume de payer tribut au roi du Congo, mais depuis « un certain temps il est devenu
seigneur absolu de son territoire » et se tient pour « ami et non vassal » du roi du Congo,
lui envoyant de temps en temps un cadeau en guise d’hommage »61.
37 Toute la côte atlantique, depuis l’embouchure du Congo jusqu’à l’île de Luanda comprise,
est placée directement sous la souveraineté congolaise. Domingos de Abreu de Brito
(1591) affirme que l’île de Luanda avait été « prise et usurpée » au roi d’Angola, mais sans
indiquer à quelle date62. Au début du XVIe siècle, elle était habitée par des Congolais, et
c’était de là que l’on expédiait vers la capitale de São Salvador les coquillages Zimbu, qui
servaient de monnaie dans le royaume63.
38 De toutes les frontières du Congo, celle de la mer apparaît comme la plus sûre, parce
qu’immuable, fermée et vide... jusqu’à l’arrivée des Européens...
NOTES
1. Cf. « História do Reino do Congo », (c. 1655), in Felner, Angola, pp. 375-377 ; Cavazzi, lib. II, § 86 ;
et Bernardo da Gallo (1700), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst.
Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), pp. 468-469. Pour une analyse de ces traditions, cf. J.
Vansina, « Note sur l’origine du Royaume du Congo », in Journ. of African Hist., vol. IV, n° 1 (1963),
pp. 33-38. La thèse de Vansina est vivement contestée par Kuntz Dittmer, « Zur Geschichte
Afrikas, 3, die ältere Geschichte Süd-und Zentralafrikas », in Saeculum, vol. XVII, n 1-2 (1966), pp.
70-74. Mais les arguments de Dittmer ne nous semblent pas convaincants.
2. Cavazzi, lib. II, § 86.
3. Bernardo da Gallo, in op. cit., p. 468.
4. H.R.C., in Felner, Angola, p. 377.
5. Cf. infra, chap. II.
6. M.M.A., vol. VII, p. 291.
7. In L. Jadin, art. cit., p. 169.
8. H.R.C., in Felner, Angola, pp. 377-378.
9. J. Cuvelier, « Traditions Congolaises », in Congo, t. II, n 4 (1930), p. 487. Le nom de São Salvador
n’est adopté que le 20 mai 1596 (cf. A. Brásio, « Um fragmento precioso », in Portugal em Africa, X
(1953), p. 5).
10. M.M.A., vol. VII, p. 291.
11. M.M.A., vol. V, p. 386 (texte de 1607), (« Amburidos », une mauvaise transcription
d’Ambundos) ; Cadornega (1680), t. III, p. 188, (« ...se asscnhorearâo [les Bakongo] do poderozo
reino do Congo, sendo os naturais delle Ambundos de outra casta ») ; et J. Cuvelier, « Traditions
Congolaises », in op. cit., p. 479.
12. J. Cuvelier, « Traditions Congolaises », in op. cit., p. 479.
13. O. Dapper, Naukeurige Beschrijuinge, p. 540.
14. E. Torday, Descriptive Sociology of African Races, Londres, 1930, p. 1.
15. Bernardo da Gallo, in L. Jadin, op. cit., p. 481.
19
16. J. D. Clark, « A note on the pre-Bantu inhabitants of Northern Rhodesia and Nyasa-land », in
S. A. Journ. of Science (1950-1951), vol. XLVII, n° 3, pp. 80-85.
17. D. R. Brothwell, « Evidence of Early Population Change in Central and Southern Africa », in
Man (1963), n° 132.
18. H.R.C., in Felner, Angola, p. 375.
19. Cavazzi, lib. II, § 86.
20. Van Wing, Études Bakongo, Religion et Magie, p. 164. Notons la tradition rapportée par Francisco
Maria Gioia (La Meravigliosa Conversione... della Regina Singa (sic = Jinga). Naples, 1669, p. 136) selon
laquelle le héros-fondateur et premier roi d’Angola s’appelait Bum-bambula.
21. H.R.C., in Felner, Angola, p. 376. Kabunga, en kimbundu signifie « couvre-chef », donc un
insigne de pouvoir (cf. J. D. Cordeiro da Matta, Ensaio de diccionário Kimbundu-Português, Lisbonne,
1893). Un Mani Cabunga « chef de terre » est signalé près de Luanda en 1575 (cf. M.M.A., vol. III, p.
135).
22. Ibid., loc. cit.
23. Ibid., loc. cit.
24. Elles sont décrites par Pigafetta, lib. I, cap. VIII.
25. Cf. P.M., p. 51, doc. de 1526. Le Oembo existait encore en 1845, cf. A. J. Castro, « Roteiro da
Viagem ao Reino do Congo », in Bol. Soc. Geog. Lisbonne, 2e sér., n° 2, 1880, p. 66.
26. Cf. H.R.C., in Felner, Angola, p. 377.
27. Cavazzi, lib. II, § 88 et Pigafetta, lib. I, cap. XII. Le Congo conservera ses territoires au nord du
fleuve (Massinga) au moins jusqu’en 1650, cf. M.M.A., vol. X, p. 486.
28. H.R.C., in Felner, Angola, p. 377.
29. P.M., p. 51 (doc. de 1526).
30. E. G. Ravenstein, « A Sketch of the History of Kongo », in The Strange Adventures of Andrew
Battell, Hakluyt Society, Londres, 1901, p. 104. L’auteur n’indique pas ses sources.
31. Cf. M.M.A., vol. V, p. 384 (texte de 1607) ; les limites méridionales sont poussées exagérément
vers le sud dans ce texte, jusqu’à 13° lat. sud. Sur la géographie de la région entre le Congo et le
Cuilu, considérée dans une perspective historique, cf. J. H. Pirenne, « Les éléments fondamentaux
de l’ancienne structure territoriale et politique du Bas Congo », in Bull. des Séances de l’A.R. des Sc.
d’Outre-Mer, t. V, fasc. 3 (1959), pp. 557-577.
32. Cf. Pigafetta, lib. I, cap. VIII ; Cadornega, t. III, p. 203, et Fr. Bernardo Maria Cannecatim,
Collecção de Observações grammaticaes sobre a lingua bunda, Lisbonne, 1805, p. XI.
33. I. de Cerqueira, Vida Social Indtgena na Colónia de Angola, Lisbonne, 1947, pp. 17-18.
34. Cf. J. Gossweiller et E. A. Mendonça, Caria Fitogeográfica de Angola, Lisbonne, 1939.
35. E. Dupont, Lettres sur le Congo, Paris, 1889, pp. 591-618.
36. Pigafetta, lib. I, cap V.
37. M.M.A., vol. II, pp. 236-237.
38. Ibid., p. 38.
39. M.M.A., vol. V, pp. 241-242. Dapper, en 1668, affirme que le roi du Congo revendique encore la
souveraineté sur ces deux royaumes, mais sans pouvoir imposer son autorité. Cf. O. Dapper,
Naukeurige Beschrijvinge, p. 557.
40. P.M., p. 177.
41. Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis (c. 1508), (p. 171 de l’éd. de l’Acad. Port. de
Hist., Lisbonne, 1954).
42. Id., loc. cit. ; M.M.A., vol. II, pp. 38 et 70 ; Garcia de Resende, Chronica da Vida de D. João II, 3e éd.,
Lisbonne, 1798, cap. CLXI et João de Barros, Décadas da Asia, Lisbonne, 1552, Dec. I, lib. III, cap. ix
(p. 106 de l’éd. de Coïmbre, 1932).
43. In J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 143.
44. M.M.A., vol. IV, pp. 369 et 403. Mucoco semble être une forme de Nkuwu = roi (Duarte Pacheco
Pereira appelle le roi de Anzica : Encuquanzico – Nkuwu a Nzike – roi des Bateke, cf. Id., loc. cit.).
20
45. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 591.
46. Id., loc. cit., aussi p. 554 : « Il passe pour le plus puissant prince de toute l’Afrique. »
47. Anon., Osservationi del Regno di Congo dell’anno 1656, ms espagnol, n° 324 (38), f° 150 (V), de la
B.N.P.
48. H. Brunschwig, L’Avènement de l’Afrique Noire, Paris, 1963, p. 147.
49. H.R.C., in Felner, Angola, p. 375.
50. In J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 195.
51. P.M., p. 176.
52. Arch. Vat. Nunz di Spagna, vol. 38, f° 243, cité par J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p.
339.
53. Cadornega, t. III, p. 186. Cavazzi (1654-1677) le tient pour un royaume indépendant, (Cavazzi,
lib. II, § 90).
54. M.M.A., vol. I, pp. 38 et 70.
55. F. Lamal, « Basuku et Bayaka des districts Kwango et Kwilu au Congo », Annales du Musée Royal
de l’Afrique Centrale, Tervuren, 1965, pp. 17-22.
56. M.M.A., vol. I, p. 540.
57. Cavazzi, lib. I, § 17.
58. Doc. cité par David Birmingham, Trade and Conflict in Angola, Oxford, 1966, p. 107.
59. M.M.A., vol. II, p. 38. L’H.R.C. affirme que la souveraineté du Congo s’étend au delà du Cuanza
(in Felner, Angola, p. 375). Pigafetta dit cependant que le Quisama est indépendant (Pigafetta, lib.
I, cap. VIII).
60. Ibid., p. 38.
61. Pigafetta, lib. I, cap. IV.
62. In Felner, Um Inquérito à Vida Administrativa e Económica de Angola e do Brasil, Coïmbre, 1931, p.
45.
63. Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis (c. 1508), éd. cit., pp. 171-172.
21
Chapitre II. Les Institutions de lasouveraineté
1 En l’absence de documents écrits antérieurs à la christianisation de la fin du XVe siècle, il
n’est pas aisé de reconstruire l’image de ce que fut le Congo avant de connaître les effets
de l’acculturation. A l’exception de quelques rares textes, tous les récits des Européens
sont postérieurs à la révolution chrétienne de 1506 et tendent donc à refléter une société
plus ou moins modifiée par cet événement.
2 Il nous semble cependant possible, en procédant à une analyse serrée des textes du XVIe et
du XVIIe siècle et à des confrontations avec d’autres États africains, de dégager par rapport
à la civilisation européenne, le fond sur lequel la christianisation s’est opérée. En outre, le
Loango « païen » des XVIe et XVIIe siècles nous paraît fournir une image acceptable de ce
que fut le Congo pré-chrétien, puisque ses habitants sont de langue et d’ethnie analogues.
3 Par maints aspects, la société congolaise pré-chrétienne présente, dans son organisation
politique et dans son type de souveraineté, de surprenantes ressemblances avec plusieurs
autres États africains tels que le Monomotapa, l’empire Lunda, les royaumes
interlacustres, le royaume des Jukun au Nigeria, le royaume de Cush (le Méroë de
l’Antiquité), en somme, avec tous les États situés sur l’arc qui suit la lisière de la forêt
dense1. Si ces derniers révèlent naturellement, les uns par rapport aux autres, des
originalités et des particularismes significatifs, tous obéissent plus ou moins fidèlement,
dans leur système de gouvernement et dans leur vision du monde, à un « code
ordinateur » commun, radicalement différent du code, d’inspiration hellénique et
hébraïque, qui régit les États de l’Europe chrétienne au moment où leurs représentants
découvrent le Congo.
I. LA ROYAUTÉ
4 La monarchie, au Congo, était élective et non héréditaire2. Le successeur d’un roi défunt
était choisi dans la famille royale, mais aucune règle de primogéniture n’était observée3.
Le choix d’un nouveau roi incombait aux « grands » du royaume4, les trois principaux
électeurs étant le Mani Vunda, les gouverneurs des provinces de Mbata et du Soyo5.
L’« élection » ne se déroulait pas toujours dans une atmosphère sereine : ou bien un
22
prétendant, aidé de ses partisans réussissait à s’emparer du pouvoir par la force (comme
cela se produisit en 15066, 16367 et 16628), ou bien il s’ensuivait des luttes entre factions
désireuses d’imposer un roi de leur choix (fin du XVIIe siècle)9.
5 L’« élection » d’un roi, investi soit par les « Grands du Royaume », soit par lui-même à la
tête d’une faction, est largement répandue en Afrique depuis une époque très reculée10.
6 Le principe de l’« élection » du roi visait à dégager de la masse une personnalité
susceptible de représenter et d’harmoniser en sa personne les aspirations et les vœux de
tous les éléments de la communauté11. A travers la royauté, dont le roi est le symbole
visible, le peuple se découvre une identité collective et se reconnaît en tant que
communauté solidaire et cohérente. Il se définit ainsi par rapport à ceux qui n’en font pas
partie. Un lien extraordinaire et obscur s’établit entre le microcosme constitué par le roi
et le macrocosme représenté par le peuple12. Leurs destins sont fatalement liés et tout
changement de fortune, de puissance ou de vitalité se répercute de l’un sur l’autre.
7 Chaque roi doit imiter le geste du héros-fondateur et remodeler le monde selon l’exemple
inventé par celui-ci, car dans la pensée africaine nul Principe Créateur n’a imprimé
définitivement au Cosmos un ordre naturel que puissent découvrir les hommes afin de s’y
conformer13. Il appartient à chaque roi de l’imposer de nouveau et de l’assurer pendant la
durée de sa vie contre les forces du mal qui le menacent sans cesse.
8 A la mort du roi s’ouvre une crise : c’est l’anarchie, car le « monde » devient « chaos »14.
Le degré et la durée de cette anarchie formelle s’avèrent plus ou moins graves ou
prolongés selon les moyens dont dispose la société concernée pour parer à ses effets. En
Angoï, selon Proyart (1776) : « Il est passé en usage que ses funérailles [du roi défunt] se
célèbrent par des batailles, et que le pays devienne le théâtre d’une guerre civile : on s’y
attend, on s’y prépare d’avance »15. Pendant toute l’histoire connue du Congo, les
interrègnes sont presque sans exception anarchiques et sanglants.
9 Mais durant sa vie le roi doit représenter la force et la vitalité. Il doit être à la fois un
« dieu » et un « homme », non pas un homme ordinaire, mais un homme d’une perfection
exemplaire sur les plans moral, physique et sexuel.
2. LA BEAUTÉ DU ROI
10 Au Loango, à la fin du XIXe siècle, le roi, le Maluangu, disait à Dennett : « Le roi pressenti
ne devra pas seulement être aimé du peuple, mais aussi être un homme parfait, capable
de procréer, ou en d’autres termes excellent, endurant et bon. De tous points de vue, un
homme noble »16. Aristote disait qu’en Éthiopie17 on choisissait les rois pour leur taille et
leur beauté18. Et Diodore de Sicile, qui visita l’Égypte vers 20 av. J.-C.19, observait que les
Éthiopiens « ... confèrent le royauté [...] aux hommes les plus beaux, dans la croyance que
la royauté et la beauté sont toutes deux des dons de fortune »20. Le roi abyssin Lalibala (fin
XIIe, début XIIIe siècle) est célébré, dans une chronique, pour sa « beauté radieuse, à
laquelle aucune figure humaine ne ressemble, véritablement forme et ressemblance de
Dieu »21.
11 Aucune description du roi D. Afonso I ne nous est parvenue. De D. Alvaro I (1568-1587), les
missionnaires cannes disaient, à la fin du XVIe siècle, qu’il « était un homme de très haute
stature, plus grand de plus d’un palme que les autres ; il était bien formé de corps et
beau »22. De D. Garcia II (1641-1661), Mateo de Anguiano disait : « Toute sa personne
respirait la majesté royale de sorte que, bien qu’il fût noir, il montrait la grandeur d’un
23
empereur et aurait pu être bien vu et accueilli même par les grands rois et princes de
l’Europe »23. En 1859, Monteiro décrivait D. Pedro V (1858-1891) comme « un bel homme,
gros, entre deux âges, et avec le visage plus fin qu’il n’était habituel chez les Bakongo »24.
Weeks dit qu’il avait 1,93 m de haut25.
12 L’embonpoint est également considéré en Afrique comme un élément essentiel de la
royauté26. Le roi D. Pedro V est décrit par Bentley, en 1879, comme « un homme énorme,
très corpulent »27 ; par Weeks : « très corpulent, ayant un tour de ventre de 1,52 m »28.
13 Quoiqu’aucun témoignage ne nous soit parvenu concernant le Congo, nous savons
qu’ailleurs en Afrique, à Méroë, selon Diodore de Sicile (c. 20 av. J.-C.) et au Quiteve (une
marche du Monomotapa), selon João dos Santos (1609), tout défaut physique (absence
d’une dent, par exemple, ou claudication) du roi entraînait des conséquences néfastes
pour son royaume... On tentait de parer à cette éventualité, soit par le suicide imposé au
roi (Quiteve), soit par une imitation collective de son infirmité de la part des courtisans
(Méroë). A Méroë, si par hasard le roi boitait, tous le suivaient en boitant, ou encore on se
mutilait à l’image du roi29.
3. LA DIVINITÉ DU ROI
14 Au début du XVIIe siècle, l’anglais Battell disait du roi de Loango : « Le roi est aussi honoré
que s’il était un dieu chez eux, et il est appelé Sambe and Pongo, c’est-à-dire Dieu »30.
L’expression Sambe and Pongo correspond à Nzambi mpungu. Nzambi désigne actuellement
le dieu céleste, l’Être Suprême, depuis les Camerouns jusqu’au Kalahari31, mais il y a lieu
de se demander si la qualification de « dieu céleste » n’est pas une conséquence de
l’influence des missionnaires chrétiens opérant au Congo depuis la fin du XVe siècle.
Mpungu signifie « le plus haut, le plus grand, le plus distingué »32.
15 En 1491, lorsque les Portugais visitent le Congo pour la troisième fois, les Congolais fêtent
leur arrivée en chantant les louanges du roi de Portugal, « qu’ils désignaient par le nom
de Zambem apongo, qui chez eux signifie Seigneur du Monde »33.
16 Il est évident, d’après ce texte, que l’expression Nzambi Mpungu s’appliquait à un être
vivant. Si le roi de Portugal fut considéré comme « un dieu vivant », c’était parce que les
Congolais le plaçaient au-dessus de leur propre roi, qui portait vraisemblablement
auparavant le titre de Nzambi Mpungu, de même que le roi de Loango34.
17 Que désignait au juste le terme Nzambi Mpungu35 ? L’analyse de la tradition orale des Ba-
kuba, tribu qui vit actuellement entre le Kasai et le Sankuru et chez qui l’on rencontre
une expression assimilable à Nzambi Mpungu, en offre une explication séduisante. Des
traditions Ba-kuba, Vansina36 déduit qu’ils vivaient jadis au bord de l’Atlantique,
probablement dans le Mayombé, où ils auraient été en contact avec les Portugais avant
152537. Ils ont donc émigré de l’actuel habitat des Bakongo, et il y a tout lieu de croire
qu’ils ont conservé les institutions que possédaient les Bakongo avant la christianisation38
.
18 Or, selon la tradition orale de ces mêmes Bakuba, rapportée par Torday, le titre du roi est
« Chembe Kunji » (Dieu sur Terre)39. Chembe est une forme de Nzambi et Kunji signifie
« Dieu » dans le nord du Congo actuel40. Toujours selon la tradition Bakuba, leur dieu
créateur s’appelle Bumba, et il accorda à l’un de ses descendants, Loko Yima, le titre de
« Chembe Kunji (Dieu sur la Terre) et chef de tous les hommes »41. L’esprit de Bumba, ajoute
Torday, est incarné dans Chembe Kunji, « le chef du clan, le chef spirituel, le représentant
24
vivant du fondateur et de ce fait sacré »42. Tout affaiblissement de la puissance de Chembe
Kunji, toute atteinte portée à sa dignité, se répercute à travers tous et tout ce qui participe
de son esprit, et les précipite vers l’abîme et vers l’anéantissement »43.
19 Chez les Bakongo, Bumba existe également en tant que dieu-créateur chthonique : il prend
la forme d’un serpent. Mais aucun témoignage ne nous est parvenu, établissant un
rapport explicite entre Bumba et Nzambi Mpungu44. Nzambi Mpungu semble en effet
désigner la « royauté » incarnée dans chaque roi, l’esprit éternel de Bumba que tout roi se
doit de faire revivre45. Les premiers missionnaires au Congo n’avaient-ils pas commis une
erreur en adoptant Nzambi Mpungu pour désigner le Dieu des chrétiens ?
4. LE ROI : THAUMATURGE ET BOUC ÉMISSAIRE
20 Le roi doit assurer la prospérité, la fécondité et la pluie à son royaume, il est donc
responsable si elles font défaut. Régulateur de la Nature, il est tenu pour coupable de ses
irrégularités.
21 Battell (1610) dit du roi de Loango : « Et ils croient qu’il peut leur procurer la pluie quand
il veut »46.
22 Du roi du Congo, Dapper (1668) note : « Quand les choses ne vont pas comme ils veulent,
s’il pleut trop ou trop peu, si d’autres malheurs surviennent, la faute en est fatalement au
roi »47.
5. LE ROI ÉTANT MORTEL, LE ROYAUME L’EST AUSSI
23 On a dit que la destinée du royaume était considérée comme liée à celle du roi. Or, dans la
pensée africaine, nature et société se tiennent ; toutes deux sont régies par les rythmes
cosmiques de la vie et de la mort. La fécondation de la femme et l’ensemencement de la
terre sont des phénomènes identiques, de même que la naissance des enfants et la
germination des plantes48. Le fait que le cycle de la vie humaine obéit à une périodicité
plus longue que celle des plantes ne semble pas avoir empêché que l’on crût l’homme
aussi soumis aux rythmes cosmiques que l’est la flore. Les Africains mesurent et prévoient
les cycles de la végétation et de l’année agricole par l’observation des mouvements des
astres : la lune et les étoiles. La lune sert à mesurer les mois (un mois « court », de 28
jours, associé au cycle de la femme)49. Bien que le mois de 28 jours donne une année de 13
mois, les Africains ont tenu à garder une année de 12 mois50, rectifiant le décalage à l’aide
de certaines étoiles, les Pléiades en général51. On fit appel à plusieurs rites religieux pour
« expliquer » le problème du treizième mois et concilier l’année solaire de douze mois
avec l’année lunaire de treize lunes. Au Loango, le treizième mois représente une période
néfaste, vécue avec appréhension, où l’univers apparaît comme déréglé ; elle est marquée
par des rites fétichistes particuliers52. Dans le sud-est africain, c’est le « mois sans nom »,
que l’on fait « disparaître » au moyen de rites spéciaux53.
24 La connaissance des mouvements des astres, pour déterminer la succession des saisons
(restreinte sans doute à certains groupes privilégiés ou particulièrement développés), fut
pour les Africains d’une grande et réelle utilité économique. Ceux qui ne disposaient pas
d’un calendrier agricole en pâtissaient durement. Les missionnaires français au Kakongo
au XVIIe siècle notaient, à propos des Noirs qu’ils y rencontrèrent, qu’« ils font si peu
attention aux mois et aux lunes qui s’écoulent qu’ils attendent quelquefois la saison des
25
pluies un mois ou deux avant qu’elles ne viennent, et alors ils manquent presque
entièrement de vivres, dont la provision se fait pendant les pluies »54.
25 L’observation du mouvement des astres a permis en outre aux Africains de prendre
conscience de la durée du temps, mais cette durée mène, chez eux, à un éternel retour et
à un recommencement. Le concept de l’année comme division du temps leur est inconnu.
Ils ne reconnaissent qu’une périodicité : l’alternance des saisons sèches et des saisons des
pluies55. Leur conception du temps est, de ce fait, circulaire et non rectiligne56.
26 Le processus de la vie humaine ou végétale consiste, pour les Africains, à revenir sans
cesse au point de départ pour tout recommencer. Le royaume et son roi sont également
soumis à ce flux et à ce reflux. La vitalité du roi détermine la vitalité du royaume, et
toutes deux sont vouées inexorablement au déclin amené par le vieillissement physique
du roi. Au niveau de l’homme, et partant au niveau du royaume, le temps et la durée sont
perçus comme étant corrupteurs, ils signifient la dégénérescence57.
27 Pour les sociétés africaines, le grand problème était de sauver le royaume avant qu’un roi
vieillissant ne l’entraîne vers l’abîme.
28 La solution adoptée, à différentes époques et dans diverses sociétés, fut celle de la mise à
mort du roi lorsque ses forces commençaient à décliner58.
29 Mais la mise à mort rituelle du roi soulève un problème fatalement insoluble. Si le choix
du moment et l’exécution de l’acte ne doivent pas relever de l’arbitraire, la personne (ou
les personnes) à qui incombe cette tâche « légale » se pose inévitablement en rivale du
roi, en tant que détenteur du pouvoir suprême. Si la mise à mort est une institution, le roi
devient alors l’instrument de tout ou partie de « l’état-major » qui l’entoure, soit des
« anciens » du clan, soit des prêtres.
30 A Méroë, vers 200 av. J.-C, selon Diodore de Sicile, la souveraineté était détenue par les
prêtres, et le roi se voyait entièrement soumis à leur volonté ; c’étaient eux qui
déterminaient le moment de sa mort.
31 « De toute les coutumes, la plus singulière est celle qui se pratique à la mort des rois. A
Méroë, les prêtres chargés du culte divin exercent l’autorité la plus absolue, puisqu’ils
peuvent, si l’idée leur en vient à l’esprit, dépêcher au roi un messager et lui ordonner de
mourir. Ils déclarent alors que telle est la volonté des dieux... »59.
32 Rien, dans le texte de Diodore, n’indique par quels critères on parvenait à fixer cette
échéance. Nous avons toutefois une hypothèse à ce sujet. La ville de Méroë fut détruite
par le roi abyssin Ezana au cours de la première moitié du IVe siècle, ses habitants se
dispersèrent vers le sud et le sud-ouest60. Une tradition moderne, recueillie en 1912 par
Frobenius dans le Kordofan, semble conserver le souvenir d’un État perdu, fondé dans
cette région par les réfugiés de Méroë ou leurs successeurs, et dont les institutions
reprenaient celles de leur ancienne ville. Selon cette tradition, on fixait le moment de la
mort du roi d’après la position de certaines étoiles.
33 « Quatre meleks [rois] régnaient dans le grand empire, le premier en Nubie, le second à
Habech, le troisième à Kordofan, le quatrième à For. Le plus riche d’entre eux était le nap
de Napht en Kordofan, dont la capitale s’élevait dans la direction de Hophrat-an-Nahas61.
Tout l’or et tout le cuivre lui appartenaient [...] Le roi de Napht était l’homme le plus riche
de la terre. Mais sa vie était plus triste et plus courte que celle de tout autre homme. Car
chacun des naps de Napht ne devait régner sur son pays que quelques années. Pendant
son règne, les prêtres célébraient des sacrifices et allumaient des feux. Ils ne manquaient
26
point à leurs prières ou à leurs sacrifices, dans la crainte de perdre la trace d’une étoile et
d’être incapables de fixer la date à laquelle le roi devait être mis à mort. Ils observaient
ainsi longtemps. Jour après jour, année après année, les prêtres observaient les étoiles et
reconnaissaient quel jour le roi devait être mis à mort. Cependant le jour de la mort du roi
était revenu. On brisa les cuisses arrière des taureaux [rite de sacrifice]. Tous les feux
furent éteints dans le pays et les femmes enfermées dans les maisons. Les prêtres
allumèrent le feu nouveau. Ils élurent le nouveau roi. Le nouveau roi était le fils de la
sœur du roi qu’on venait de mettre à mort... »62.
34 La suite du récit raconte comment un certain roi nommé Akaf, soutenu par des partisans,
se révolta contre les prêtres et mit fin à la coutume qui exigeait sa mort à une date
prédéterminée. Or, Diodore de Sicile dit que le roi de Méroë, Ergaménès (225-220 av. J.-C.)63, fit exactement de même. Que certains rois se soient révoltés contre le régicide
obligatoire n’a pas empêché ce rite de persister pendant des siècles en Afrique64.
35 Au XVIe siècle, les rois de Quiteve (une marche du Monomotapa) avaient pour coutume
« très ancienne de se suicider en prenant du poison, s’ils souffraient de quelque accident
ou défaut naturel de leur personne, comme par exemple l’impuissance, une maladie
contagieuse, ou si leurs dents tombaient [...]. Mais le roi de Quiteve [qui régnait vers
1586], à qui il arriva de perdre une dent, refusa de se plier à cette coutume : il fit
proclamer dans tout son royaume ce qui lui était arrivé, soulignant que l’on devait
continuer à le reconnaître comme roi »65.
36 Le régicide rituel persista encore au Monomotapa après la révolte du roi de Quiteve. En
1880, les Rozwi de Rhodésie (la tribu dominant l’ancien empire du Monomotapa)
affirmèrent que, jadis, leurs rois étaient mis à mort tous les quatre ans à « une date fixe »66. Le régicide avait lieu au printemps, lorsque ni la lune ni Vénus n’étaient visibles.
37 Dans le sud-est africain, le nombre d’années de règne du roi est fixé à quatre ; dans l’ouest
africain, c’est sept67, mais rien ne permet de déceler l’origine de ces nombres
« magiques ».
38 La fixation définitive de la durée du règne présentait évidemment l’avantage de réduire
au minimum tout arbitraire dans la mise à mort du roi, qui n’était plus imposée par une
volonté humaine intéressée et partisane ; par contre, elle enfermait la société tout entière
dans un déterminisme asphyxiant, d’où le libre arbitre était totalement exclu. Cet état de
choses devait inévitablement provoquer une réaction explosive chez un roi, qui,
s’appuyant sur un soutien librement accordé et suffisant pour faire prévaloir sa volonté,
se montrerait plus attaché à sa propre vie que respectueux de celle de son royaume. Nous
inspirant de Max Weber, nous appellerons ce phénomène la révolte charismatique68.
39 Entre ces deux pôles extrêmes : une souveraineté enchaînée à un cycle inexorable,
déterminé par un nombre mystique, et la révolte charismatique, proclamant la validité
illimitée de l’ordre qu’elle a instauré, l’Afrique semble avoir connu plusieurs stades
intermédiaires, dont nous allons citer quelques exemples connus.
40 Les solutions les plus déterministes semblent avoir été celles adoptées par les Rozwi
(règne de quatre ans), par les habitants du Tekali, au nord-est des montagnes Nuba, dans
le Soudan central (règnes de cinq à six ans)69, par les Jukun, les Yoruba et les Ibo, tous au
Nigeria (règnes de sept ans)70.
41 Puis vient, dans la gamme allant d’un pôle à l’autre, le régicide amené par les premiers
signes de vieillissement ou de défaillance sexuelle. Nous en avons déjà donné un
exemple : les anciens rois du Quiteve (avant la révolte de 1586) et les rois de Sedanda. Ce
27
type de régicide existe également chez les Nyakusa (entre les lacs Tanganyika et Nyassa)71
; chez les Maravi, entre l’extrémité méridionale du lac Nyassa et le Zambèze (1648)72 ;
chez les Baluba, au Katanga73 ; chez les Jagas de Cassange74 ; chez les Lovedu au Transvaal
du Nord75 ; dans le royaume d’Ankole, en Uganda76 ; chez les Shilluk et les Dinka77 ; chez
les anciens rois de Katsina, au Nigeria, vers le XIIIe siècle78 ; chez les rois de Mandinga,
dans l’ancien Mali, au XVe siècle79.
42 Un autre type de régicide rituel est la mort imposée au Muataianvo, roi de l’empire
Lunda. Selon le récit de Joaquim Rodrigues Graça (1846), lorsque ses sujets étaient
d’accord pour considérer que le Muataianvo avait épuisé l’État par l’imposition de trop
lourds tributs, opprimé le peuple, et en définitive assez vécu et gouverné, ils l’obligeaient
à entre prendre une guerre contre une tribu rivale, guerre qu’après un simulacre de
combat ils s’efforçaient de perdre, afin de prouver au Muataianvo son inaptitude aux
fonctions de chef. Abandonné des siens, il procédait d’abord à l’exécution de tous les
membres de sa famille, puis attendait impassible qu’un subordonné l’exécutât à son tour80
.
43 A l’heure actuelle, on voit encore persister dans certaines sociétés – chez les Bakuba, par
exemple – l’idée de l’éventuelle nécessité d’un régicide, si les forces du roi déclinent, alors
que la pratique elle-même est tombée en désuétude81.
44 Puis on arrive au stade où la mort naturelle du roi est admise sur le plan institutionnel.
Deux situations peuvent alors se présenter : ou bien un nouveau roi est « élu » par suite
d’une entente entre les « anciens » de la communauté (au Congo et au Buganda)82, ou bien
une lutte s’engage entre factions pour s’emparer du pouvoir (régulièrement dans l’Angoï,
souvent au Congo, au Buganda et chez les Maravi)83. S’il y a entente entre les membres de
l’« état-major » (« anciens » ou prêtres) sur le choix d’un roi, celle-ci peut « apparaître »
comme le résultat d’une consultation du dieu de la société, dont l’avis a été « sollicité »84.
45 Dans certains cas (dans le royaume de Janjero, au sud de l’Éthiopie (1614), chez les Jagas
de Cassange (1850) et chez les Shilluk), lorsque le choix du roi est confié aux « anciens »,
une « lutte » symbolique peut s’engager entre, d’une part, les partisans de l’élu qui
« refuse » le pouvoir et, de l’autre, les partisans des « anciens » qui le lui imposent. Par
suite de la « défaite » de l’élu, « la royauté capture le roi », selon la formule d’Evans-
Pritchard85.
46 C’est lorsque toute tradition ou rituel est renié et bafoué, ou lorsqu’un roi en pleine santé
se voit enlever son pouvoir par la force et contre la volonté des « anciens », que l’on peut
parler de révolte charismatique.
47 Le régicide rituel avait plus de chances de se maintenir, en tant qu’institution stable, dans
une société de petits agriculteurs, où le pouvoir du roi devait surtout s’exercer sur la
nature. Un groupe restreint d’« anciens » pouvait alors facilement contrôler les
problèmes de la succession. Dans les grands empires militaires, fondés sur la conquête et
dominant de plus vastes étendues de terres – le Congo (aux XVIe-XVIIe siècles), le Lunda (
XVIIe-XIXe siècles) et le Monomotapa (XVe siècle) – le pouvoir pesait surtout sur des ethnies
soumises ; l’aspect coercitif de la royauté l’emportait sur l’élément fécondateur et le
politique prenait le pas sur le religieux. Les aléas de la succession, alors plus difficiles à
contrôler par les « anciens » dans une société élargie, tendent à devenir l’obstacle majeur
à la persistance des États. Faute d’avoir l’écriture, jamais l’Afrique n’a pu se libérer de
cette entrave à son développement. D’autre part, si le régicide rituel compromet
gravement la continuité politique des États africains, on peut cependant inscrire à son
28
actif qu’il constituait une précieuse garantie contre le despotisme, qui est la tentation du
pouvoir. C’est sans doute l’institution la plus démocratique que l’Afrique ait jamais
connue86.
48 Rien ne permet d’affirmer que les rois congolais pré-chrétiens étaient mis à mort
rituellement, et il en est de même pour le Loango. Il n’en est pas question, en tout cas, au
Congo après la christianisation. Là, cependant, la coutume était encore observée à
l’époque chrétienne au niveau des « chefs de terre », appelés Kitomis, que l’on trouve dans
les diverses provinces.
49 Le Kitomi, selon Cavazzi (1654-1667), est considéré par les Noirs comme « un dieu sur terre
et plénipotentiaire du ciel, et c’est pour cela qu’ils lui offrent les prémices de chaque
récolte »87.
50 Le personnage du Kitomi ressemble, par ses fonctions, au chef religieux, le Mani Cabunga,
que Lukéni trouva à São Salvador. Au Mani Cabunga, « le peuple s’adressait pour remédier
aux disettes et pour bénéficier de la pluie pour les semailles et avec sa permission ils
semaient et récoltaient »88. Or, le Kitomi et sa femme « font croire [...] que leur vertu
communiquée [...] aux champs et aux semences, permettra d’en voir à la prochaine saison
la récolte centuplée »89. Chaque Kitomi a des délégués dans les villages de sa région90.
51 Dans certaines provinces du Congo, « les gens croient que le Kitomi ne peut mourir de
mort naturelle, ils ajoutent que si cela arrivait, le monde périrait et la terre même serait
anéantie. Aussi, pour éviter une si terrible catastrophe, lorsque le Kitomi tombe malade et
que la maladie semble assez dangereuse [...] ils le tuent brutalement. Par sa mort violente,
ils pensent conjurer cette calamité »91.
52 Ni Cavazzi, ni les autres auteurs qui évoquent le Kitomi, ne nous expliquent quelles sont
les personnes chargées de son exécution, quelle place elles occupaient dans la société, ou
comment on fixait le moment de la mise à mort. On ignore également comment on
accédait à cette dignité.
53 L’incompatibilité entre le rôle des Kitomis et la morale chrétienne est apparue aux Noirs.
Selon Mateo de Anguiano (1716), la tante du roi avait sévèrement réprimandé un garçon
de l’école des missionnaires pour leur avoir révélé le rôle des Kitomis. S’il n’y avait pas de
Kitomis, le roi mourrait immédiatement, pensait-on92.
54 A São Salvador, on trouve, même après la christianisation, un personnage analogue au
Kitomi, le Nsaku ne Vunda93, ou Mani Vunda, qui partage avec le chef des missionnaires
européens le droit d’introniser les rois. Selon le P. Cherubino da Savona (1775), « le
personnage le plus estimé et respecté dans tout le royaume, et qui tient le plus de
pouvoirs en cette circonstance [l’intronisation], je ne sais depuis quelle antiquité [...],
s’appelle Cameni Mongo et Mani Vunda, ce qui veut dire : Seigneur de la terre et aïeul du roi.
Le Mani Vunda dit avoir deux couronnes ; lorsqu’il élit le roi, il s’empare d’une couronne et
la place sur la tête de son neveu avec le consentement des électeurs ses collègues »94.
Après la cérémonie du couronnement du roi selon le rite chrétien, « ... alors le Mani Vunda
commence ses cérémonies ridicules [....] Comme je le sais seulement pour l’avoir entendu,
il ne me paraît pas bon de les décrire »95.
55 Le P. Raimondo da Dicomano (1798) ajoute qu’à l’époque où il écrivait, le Mani Vunda avait
« ... plus d’autorité que le roi dans l’administration de la justice. Il ne peut jamais se
trouver en présence du roi après que celui-ci a été couronné, parce que le roi devrait
prendre la bénédiction de ce marquis. C’est lui qui fait le couronnement, jusqu’à faire
asseoir le roi sur le trône, et faire prêter le serment et alors il se retire. C’est lui qui est le
29
régent quand le roi meurt. Il ne peut être élu comme roi. Le marquis de Mani Vunda a
également plus ou moins d’autorité, selon qu’il y a plus ou moins de personnes qui le
suivent »96.
56 Nul témoignage ne nous est parvenu sur la mise à mort rituelle du Mani Vunda. Son
autorité religieuse demeure cependant très évidente. Au niveau des provinces, on peut
observer les mêmes rapports entre le séculier et le religieux, d’après le témoignage de
Jerôme da Monte-sarchio (1648-1668) évoquant les rapports rituels entre les gouverneurs
de provinces, nommés par le roi, et les Kitomis.
57 « J’appris en même temps que lorsque le duc de Nsundi venait de Congo [c’est-à-dire
rentrait de São Salvador] pour prendre le gouvernement de la province, il devait, avant
d’entrer dans sa capitale, se rendre à Ngimbo Amburi [endroit voisin], chez ce Kitomi,
qu’on vénérait comme s’il avait été le dieu du pays. Ce Kitomi était aussi estimé que s’il
avait dépendu de lui qu’on reçût puissance et autorité pour tenir la province en
obéissance. Le duc était convaincu que s’il ne faisait pas cette démarche auprès du Kitomi,
il n’aurait aucun pouvoir sur ses gens et qu’on ne lui accorderait ni soumission, ni tribut,
et qu’enfin sa vie en serait abrégée.
58 La visite du duc au Kitomi n’allait pas sans cérémonies. Près du village de celui-ci, il y
avait un ruisseau. D’un côté se tenaient, comme prêts à combattre, le duc et la duchesse
avec tous leurs gens. De l’autre côté ce Kitomi avec les siens et la Kitomessa. Il y avait
simulacre de combat avec leurs arcs et flèches, celles-ci n’étant que des fétus de paille,
entre le Kitomi et le duc, la Kitomessa et la duchesse97.
59 Le duc et sa femme devraient se reconnaître vaincus. Alors le Kitomi donnait sa main au
duc et la Kitomessa à la duchesse, tout le monde traversait le ruisseau. Le duc n’aurait pu
traverser le ruisseau sans cette performance.
60 Le lendemain matin, le duc et la duchesse devaient se coucher par terre devant la porte
du Kitomi. Le Kitomi et la Kitomessa sortaient alors de leur maison, soulevant leurs
vêtements de manière à découvrir ostensiblement leurs parties honteuses et les foulaient
aux pieds. Le Kitomi versait ensuite de l’eau sur le sol de façon à former de la boue. C’est
avec cette boue, comme si c’eût été de la terre bénite, qu’il barbouillait alors le duc et la
duchesse. Le duc devait, après cela, remettre au Kitomi tout ce qu’il portait comme
vêtement, et la duchesse devait en faire autant entre les mains de la Kitomessa. Le Kitomi
donnait au duc des objets superstitieux qui devaient être gardés dans la maison de la
duchesse pour y être vénérés comme des reliques de saints [...] Il lui remettait aussi un
tison embrasé duquel tout le monde devait tirer son feu. Il fallait donc le transporter
jusqu’à Nsundi, c’est-à-dire à six jours de marche. Le tison aussi était conservé dans la
maison de la duchesse comme une sainte et puissante relique »98.
61 Il est évident, d’après ce texte, que le Kitomi revendiquait non seulement une fonction
religieuse, mais encore, jusqu’à un certain point, une autorité politique. Selon Zucchelli
(1712) : « ... C’est une loi générale parmi eux [les Congolais] que lorsque le roi, les ducs et
les princes prennent possession de leurs royaumes et États, et s’y installent, pareillement
lorsque les Mani assument leurs charges dans leurs districts, ils soient obligés de se faire
investir par le chef de terre (Capo della Terra) qui est une sorte de devin. Celui-ci alors les
fait briser (saltare) l’arc et puis les oblige à presser et à battre fortement la terre avec les
pieds et à plusieurs reprises, afin d’obtenir l’obédience et la soumission de ses propres
vassaux »99.
30
62 Montesarchio remarque que, du temps du roi D. Garcia II (1641-1661), les rois du Congo
avaient cessé d’observer ces coutumes à l’égard des Kitomis100. Ce fut probablement parce
que l’influence chrétienne était alors plus grande dans la capitale que dans les provinces.
Au XVIIIe siècle, d’après le témoignage de Dicomano (s’il est licite d’identifier le Mani
Vunda au Kitomi quant à leurs fonctions), l’influence chrétienne semble être en recul, à
São Salvador, tandis qu’augmente celle des anciennes pratiques religieuses.
63 Comment expliquer ce dédoublement de la souveraineté congolaise en deux personnages,
l’un politique et l’autre religieux ? Est-ce un phénomène structurel, ou l’aboutissement
d’une situation particulière ? A l’appui du phénomène structurel, on peut citer les cas
analogues des Baganda (la complémentarité du Semanobe et du roi) et des Bakuba (muyum
– roi) 101. Mais les Kitomis ne représenteraient-ils pas la continuité de la tradition
ambundu, que les Congolais avaient tenté d’intégrer et d’assimiler au moment de leur
conquête102 ? En raison de leur origine étrangère au pays et de leur cohérence ethnique
primitive, maintenue avec plus ou moins de succès, il ne semble pas que les Congolais
aient jamais pu vaincre la solidarité des Ambundu au niveau religieux, du fait de leur
situation de premiers occupants de la terre et de la présence de leurs ancêtres, ensevelis
dans cette même terre.
64 Par ailleurs, les Congolais n’ont-ils pas espéré que le christianisme leur serait un
instrument commode pour dominer les autochtones ? Et le christianisme a-t-il failli à ce
dessein du fait de son mutisme à l’égard de la prospérité agricole, souci obsédant de tout
le peuple103 ? Dans l’état actuel de nos connaissances, il ne nous semble guère possible de
répondre à ces questions.
6. L’ÉTERNITÉ DU CLAN ET LA PÉRENNITÉ DE LAROYAUTÉ
65 Si, comme nous venons de le voir, le royaume peut décliner par suite de l’affaiblissement
du roi, le clan, par contre, ne peut jamais diminuer, mais seulement croître, car il se
compose de vivants et de morts. Le style du clan ne doit pas se modifier ; le rôle du roi est
de le conserver conforme au modèle instauré par le héros-fondateur. Le roi apparaît
presque comme un ancêtre vivant, l’incarnation du héros-fondateur. A travers sa
personne, le peuple se reconnaît en tant que groupe de solidarité parentale ; il contemple
en lui l’esprit vivant du héros-fondateur, à qui il est étroitement lié par la chaîne continue
de ses prédécesseurs104. En la personne du roi, vivants et morts sont réunis dans une
communauté qui englobe l’ici-bas et l’au-delà. Dans la pensée africaine, les ancêtres
peuvent, parce qu’ils sont plus âgés, exercer leur influence sur les vivants, de même que,
dans la vie, les aînés sur les plus jeunes. Il est évident que si les ancêtres sont puissants
parce que plus « âgés » que les vivants, la sagesse de la longévité s’en trouve soulignée par
rapport à l’inexpérience de la jeunesse105. Il en résulte que deux sortes de puissances
s’affrontent dans la société africaine : la plénitude vitale humaine (la virilité de l’homme
et la fécondité de la femme) d’une part, l’autorité et le savoir du vieillard et du sage de
l’autre. La situation du roi est ambiguë à l’égard de ces deux sortes de puissance, car il est
censé les incarner toutes deux à la fois.
66 L’influence des ancêtres peut être bénéfique ou néfaste, elle est en tout cas redoutable et
il faut leur rendre un culte propitiatoire106.
31
67 La communication avec les ancêtres peut s’établir de diverses manières : par des songes
où apparaît l’ancêtre du dormeur107 ; par l’intermédiaire de médiums qui, en transe,
parlent avec la voix de l’ancêtre108 ; par une simple prière que le chef du clan adresse à la
corbeille des ancêtres109 ; par des « augures », comme le passage inopiné d’une certaine
espèce d’oiseaux en laquelle les âmes des héros sont censées s’incarner110 ; enfin, par une
communication directe avec l’esprit de l’ancêtre fixé dans un arbre111.
68 Du Loango, Pierre Van den Broeck dit (1605) : « Le roi est un grand magicien. Il va souvent
entretenir le Diable proche d’un arbre qui est devant son palais »112. Nous sommes en
droit de traduire « diable » par « ancêtre ». Sur les esprits fixés dans les arbres, Dennett,
parlant du Loango, dit au sujet des baobabs : « Certains de leurs morts [des Noirs]
survivent (éternellement, disent-ils) dans leurs troncs creux »113. Bastian ajoute qu’au
Loango on plante un arbre sacré (insanda – ficus psilopoga Welw.) 114 auprès des tombeaux
des rois115.
69 Quel fut le rôle des arbres sacrés au Congo ? Nous n’en savons presque rien. Seule, une
lettre du roi chrétien D. Afonso I, datée de 1526, nous apprend qu’il avait commencé la
construction d’une église « dans un bois épais où autrefois on enterrait les rois, selon
l’ancienne idolâtrie. Cette forêt, nous l’avons déboisée, ce qui fut très difficile, tant à
cause de l’impénétrabilité du lieu qu’à cause des grands de notre royaume, dont nous
doutions d’obtenir le consentement »116. Il est évident que si jamais un contact s’était
maintenu, au Congo, entre les ancêtres et les vivants au moyen des arbres sacrés, il a été
rompu par la christianisation. Nous verrons dans un autre chapitre comment il arrive au
roi D. Garcia II (1641-1661) de s’adresser au pape, comme unique truchement avec ses
ancêtres dans l’au-delà.
70 En principe, si l’on fait appel aux ancêtres, c’est pour s’assurer que la vie du royaume est
en tout point telle qu’elle fut à l’origine. Leur influence est ainsi régulatrice et
homéostatique, elle empêche le royaume d’avoir une évolution et, partant, une
« histoire ». La crainte d’encourir la désapprobation des ancêtres par quelque initiative
obligeait à une longue réflexion avant toute démarche. Le mécontentement des ancêtres
se manifestait par le malheur, la souffrance et la maladie, tous tenus pour des
malédictions. Pour les écarter, on recourait à des rites de réconciliation, où l’on note
l’emploi fréquent de l’argile blanche, appelée Mpemba, l’argile de l’harmonie, de la paix.
On la trouve utilisée depuis le Loango jusqu’en Zambie117. Selon V. W. Turner, la
blancheur de la Mpemba « ... représente l’ordre moral tout entier, plus les fruits de la
vertu, la santé, la force, la fertilité, le respect de ses semblables et la bénédiction de ses
ancêtres »118. Weeks note qu’au Congo elle est employée dans les transactions
commerciales, mais il n’explique pas comment119. Ceux dont le corps avait été enduit de
cette substance, par un ancien ou un chef de clan, pouvaient se faire publiquement
reconnaître comme exempts des effets néfastes de la colère des ancêtres.
71 On rencontre souvent, dans les écrits des anciens missionnaires au Congo, l’expression
nkadi mpemba, ce qui, dans leur esprit, signifie « le diable ». Selon l’História do Reino do
Congo (c. 1655), les Noirs « révèrent » le nkadi mpemba « qui est l’auteur de tout mal, afin
qu’il ne leur en fasse pas »120. Hyacinthe de Bologne (1747) affirme que « le démon en cette
langue [kikongo] est appelé curiampemba ; le sens étymologique de ce mot est dévoreur,
destructeur »121. Raimondo da Dicomano (1791-1795) parle « d’une case où se réunissent
quelques imposteurs qui trompent les populations ignorantes, disant qu’ils parlent à
Cariampemba, au diable, et que celui-ci leur fait connaître les maladies, les remèdes et les
féticheurs. Cependant, on ne peut jamais savoir clairement ce qui se fait là »122. Pour
32
Laman, le sens est le suivant : « maître suprême du séjour des morts » (supreme ruler of the
grave) 123. La véritable signification du mot ne nous paraît pas claire.
72 Si l’on en croit Van Wing, la ndona nkento, la femme-chef (elle devrait correspondre à la
femme du Kitomi, la Kitomessa des anciens textes) a pour principale fonction de donner la
paix, de réconcilier les ennemis : « En signe de paix, elle leur trace sur les tempes et sur le
front une ligne de mpemba, argile blanche, qu’elle garde précieusement dans un petit vase124. Mertens rapporte que c’est le chef couronné lui-même (autrement dit le Kitomi) qui
offre de la terre mpemba à celui qui demande la paix125.
73 Le Mpemba n’est donc pas uniquement le symbole du mal, mais aussi de la délivrance du
mal. Possédant une valeur ambiguë (sans doute même polyvalente), il constitue en outre,
avec les cheveux, les ongles, les bracelets et une phalange du doigt des ancêtres défunts,
un des éléments du contenu de la « corbeille des ancêtres » – lukobi lu bakulu126.
74 A cette corbeille, le chef couronné adresse une prière ainsi conçue :
Dia mpandaKulula mpandaMpemba mvumbiBakulu ku nzoBanuni ku mpanguBadidi mbaBatabwele nkomfiTukolaTusiama
75 que Mertens traduit :
Prononcer une malédiction sur son enfantEnlever cette malédictionTerre blanche qui fait partie de nos sorcelleriesLes bracelets sont dans la caseLes oiseaux occupent l’air libreIls ont mangé des noix de palmeIls ont expectoré les mâchuresQue nous nous portions bienQue nous soyons forts127.
76 Nous proposons toutefois une traduction différente :
Jeter la malédiction sur son enfant [de la partd’un ancêtre mort, ou d’un aîné pour un plus jeune]Effacer cette malédictionTerre blanche [de l’innocence, de la pureté] des mortsLes ancêtres chez eux [sous terre ?]Les oiseaux [ancêtres] de la contrainte [qui nous infligentdes privations, des punitions] 128
Ils ont mangé des noix de palmeIls ont craché les mâchures [blanches ?]Que nous nous portions bienQue nous soyons forts129.
77 Le rapport suggéré, entre la terre blanche et les morts, est encore étayé par le fait que
l’une des croyances des Bakongo veut que les morts changent de couleur et deviennent
blancs comme des albinos130. Bumba, le dieu chthonique et héros-fondateur des Bakuba et
des Bakongo, était « de taille énorme et blanc de couleur »131. Les Bakongo traitaient les
albinos avec un grand respect. On les appelait mfumu zi ndundu, et ils étaient censés
incarner les esprits de grands ancêtres132.
33
78 Il se pourrait que, dans la prière citée, l’allusion aux oiseaux fût plus lourde de sens qu’il
n’y paraît. Nous avons vu que les âmes des héros pouvaient s’incarner dans des oiseaux.
Dapper (1668) rapporte que « les hiboux [sic] s’appellent Kariampemba, du même nom que
le diable, aussi n’aime-t-on pas à les voir et leur rencontre est de fort mauvais augure »133.
Kariampemba est ici évidemment l’équivalent de nkadi mpemba.
79 Faute de témoignages anciens (XVIe ou XVIIe siècle), nous n’avons pu obtenir de preuves
directes du contrôle exercé par les ancêtres sur les vivants qu’au niveau des petits chefs
locaux, et encore à une époque récente. Rien ne permet de savoir comment s’articulaient
les rapports entre les ancêtres et les anciens rois du Congo, qu’ils fussent païens ou
« christianisés ». En tout cas, à l’époque chrétienne, le rôle stabilisateur des ancêtres
auprès des vivants semble avoir été nul au niveau des rois. La rupture des liens avec les
ancêtres, conséquence de la christianisation, expliquerait-elle en partie l’anarchie dans
laquelle le royaume sombra progressivement ? Ou au contraire cette anarchie est-elle un
phénomène structurel des États bantous ? Nous reviendrons sur ce problème dans un
autre chapitre.
***
80 La pérennité de la royauté (à la différence de la continuité du pouvoir) était assurée par la
transmission des insignes de souveraineté d’un roi à un autre134. Dans certains cas, la
christianisation a modifié ces insignes et en a ajouté d’autres.
81 A l’époque pré-chrétienne, les insignes de la souveraineté sont les suivants :
Le trône
82 Un texte de la fin du XVIe siècle déclare qu’à l’époque pré-européenne, le siège ou le trône
du roi n’était qu’une « ... estrade d’une demi-canne de haut [environ un mètre], deux de
long et une de large »135 ; mais João de Barros (1552) le décrit comme « ... un siège en
ivoire avec des pièces de bois, très bien sculpté à la mode indigène »136. Ces témoignages
divergents ne permettent pas d’établir avec certitude si le trône proprement dit était en
effet connu des Congolais avant l’arrivée des Européens. Il semble pourtant qu’il s’agisse
d’une institution bien africaine, car il est attesté au Monomotapa dès le XVIe siècle137.
Le couvre-chef mpu
83 Un bonnet en forme de mitre finement tissé de feuilles de palme, placé haut sur la tête138.
Un texte de 1619 affirme que le privilège de porter le mpu n’était pas réservé au roi, que
« les notables avaient également le droit d’en user »139.
Le collier simba
84 Une chaîne de fer fort bien faite, qui a beaucoup de pendentifs également en fer140.
34
Le chasse-mouches nsesa
85 Il s’agit d’un chasse-mouche fait d’une queue de buffle141. Déjà, au moment de la première
ambassade portugaise dans la capitale, le roi avait substitué à la queue de buffle « une
queue de cheval garnie d’argent », que lui avait envoyée les Portugais lors de leur
première visite à l’embouchure du Congo142.
Le bracelet nlunga143
86 Ce bracelet se porte au bras gauche. Au moment de la première ambassade, il était, selon
Barros, en cuivre ; en ivoire, dit Rui de Pina144. Un texte de 1624 le décrit en fer, et ajoute
qu’il est censé représenter le royaume tout entier145.
Le sceptre
87 C’est un bâton appelé ngwanda ou muwala, en bois très dur, habituellement orné de
sculptures. Il a deux mètres de long et quatre à six centimètres de diamètre146. Les
relations des missionnaires y font allusion pour la première fois en 1775147.
Le tambour sacré – engoma simbo et busto
88 « Ce tambour n’est jamais montré en public, sinon quand le roi va à la guerre et quand il
meurt, ou lorsqu’il est couronné. Il est garni de peau de léopard avec une queue d’once
[chat sauvage ?] et des dents de ceux qui moururent révoltés en guerre contre le roi »148.
La corbeille des ancêtres – lukobi lu bakulu
89 « La corbeille est circulaire et mesure environ 20 cm de haut pour 15 cm de diamètre. Elle
est finement tissée, mais sans aucun ornement et se ferme par un couvercle. Elle contient
des restes de tous les anciens chefs couronnés [...] Les restes consistent en cheveux,
ongles et une phalange du doigt »149.
90 Est-ce cette corbeille qui est décrite en 1624 comme « le baudrier, sac ou besace », que
l’on met sur l’épaule droite du roi à son couronnement, et qui est, dit-on, « un insigne fort
ancien que ne peuvent porter que le roi, le duc de Mbata et le Mani Vunda »150 ? Un sachet
« d’ingrédients superstitieux » est employé lors de la remise du pouvoir aux principaux
notables dans la province congolaise du Soyo, au début du XVIIIe siècle : « ils [les noirs] en
touchent les parties du corps, disant que par cet attouchement sera conféré force, santé
et prospérité »151.
91 Le problème de la transmission du pouvoir est une des grandes questions que les sociétés
africaines n’ont jamais réussi à résoudre de façon satisfaisante. Malgré des précautions de
toutes sortes, la fin d’un règne déclenchait presque toujours une crise et une lutte des
factions rivales pour le pouvoir. Le fait que la royauté congolaise était élective et non
héréditaire ne pouvait qu’aggraver la difficulté. Pendant toute l’époque chrétienne les
successions se sont toujours déroulées dans un climat de violence. En était-il ainsi avant
l’arrivée des Européens ? Rien ne permet de le savoir.
35
7. LES TROIS ASPECTS DE LA ROYAUTÉ SACRALE ADIFFÉRENTS MOMENTS DE L’HISTOIRE DU CONGO
92 On peut, nous semble-t-il, distinguer dans l’histoire du Congo trois aspects de la royauté
sacrale152. Dans le premier, c’est le rôle du roi comme thaumaturge de la prospérité
agricole qui est souligné. Le pouvoir de la royauté s’exerce surtout sur la nature. Cet
aspect est le plus fréquent dans les sociétés réduites, où le pouvoir coercitif du roi est
faible : on peut suggérer comme exemple les Ambundu avant la conquête bakongo. Les
Kitomis en sont les représentants au Congo. Dans le second aspect, le roi est surtout chef
de clan. La royauté, généralement solidaire d’un groupe ethnique de conquérants, exerce
essentiellement son pouvoir sur une ethnie soumise. La puissance personnelle du roi est
de peu de portée, parce que confondue avec celle qu’exerce le petit groupe de ses
partisans sur la masse soumise. Cet aspect ne serait-il pas assez bien illustré par les
débuts de la conquête bakongo du pays ambundu ? Le dernier aspect correspond à la
royauté charismatique, où un roi ayant une forte personnalité entraîne un groupe
restreint, ou est entraîné et soutenu par lui, rompt avec l’ordre régnant, ou avec le passé,
et va fonder par une scission brutale, sur place ou ailleurs, un ordre nouveau. C’est à cet
aspect que se rattacheraient la révolte de Lukéni et sa migration au sud du fleuve.
93 Il est évident qu’il y a risque de friction entre un aspect de la royauté où l’importance du
clan est soulignée, et un autre où l’accent est mis sur l’aspect fécondateur, surtout lorsque
la royauté est d’origine étrangère. L’une postulera une solidarité de parenté avec des
ancêtres dont la sépulture est lointaine ; l’autre avec ceux qui sont enterrés sur place. Ce
sont ceux-ci, beaucoup plus que ceux-là, qui peuvent assurer la prospérité agricole. Au
Congo, aux XVIIe et XVIIIe siècles, on put venir à bout des frictions entre les Kitomis et les
gouverneurs des provinces, et entre le Mani Vunda et le roi, grâce à certains rites conçus
exprès pour les conjurer.
8. LE ROI ISOLÉ DE SON PEUPLE NATUREPARTICULIÈRE DE SES LIENS AVEC LUI
94 Lorsqu’un homme devient roi, il est aussitôt séparé de ses semblables, projeté au sommet
de la société, et quasi hors d’elle. D’abord par un acte d’inceste rituel : il doit épouser sa
propre sœur. Ensemble, ils enfreignent délibérément la plus grave interdiction de la
société, et brisent définitivement tous les liens de parenté entre eux et leur clan153.
Théoriquement, ils ne peuvent plus désormais se trouver mêlés aux rivalités des clans. Il
faut sans doute remonter, pour trouver l’origine archétypale de cette coutume, au couple
divin formé par Osiris et Isis, dieux égyptiens de la fertilité et inventeurs de l’agriculture.
Selon Diodore de Sicile, Isis est « la sœur et femme d’Osiris »154.
95 Un texte de 1619 nous apprend qu’au Congo, par « une ancienne tradition païenne et
hérétique », le roi « a des rapports illicites avec sa sœur aînée »155. Le roi D. Pedro IV
(1694-1718) épousa sa sœur, « mais n’a pas eu de rapports avec elle »156.
96 Avec le roi et sa sœur-femme, se trouve également placée hors de la communauté « la
mère du roi », qui peut d’ailleurs ne pas être sa véritable mère, mais une mère
classificatoire. La royauté était constituée par cette triade157. Un missionnaire au Congo
déclare en 1705 que « la mère du roi », à cette époque, est en fait sa tante et porte le titre
36
de Mani-mucaza (Mani = titre honorifique ; mucaza = femme). « Ce titre », ajoute l’auteur du
texte, « est un des plus grands et des plus prestigieux du royaume »158.
97 Divinisé, le roi doit autant que possible se soustraire aux regards du peuple, lequel ne
saurait l’approcher familièrement. Son prestige sacré doit s’en trouver renforcé159.
98 Aux XVIe et XVIIe siècles, à l’apogée de l’époque chrétienne, les rois congolais ne semblent
pas s’être pliés à cette coutume, car les récits des Portugais les décrivent comme donnant
audience en public. Aux XVIIIe et XIXe siècles, lors de la décadence du royaume, l’ancienne
pratique ressuscita. En 1795, Raimondo da Dicomano note « que le roi n’a pas le droit de
sortir de sa case, sans le consentement de ses conseillers, même lorsqu’il veut aller
entendre la messe »160. A l’époque de Dicomano, le roi semble céder le pas au Mani Vunda,
dont l’autorité religieuse prime finalement la sienne qui est politique. Le Mani Vunda ne
peut se trouver en présence du roi, et lors des délibérations sur les affaires d’État, « il doit
rester caché derrière une paroi de paille. Lorsqu’il a parlé [...] le roi lui-même ne peut
répondre et tous battent les mains [en signe de remerciement] »161. A la fin du XIXe siècle,
le missionnaire anglais Weeks, résidant à São Salvador vers 1882, observait « qu’il était
rare que sa Majesté quittât son enceinte, mais lorsque cela arrivait, six de ses conseillers
le portaient dans un hamac, même si la distance n’était que de deux cents mètres »162.
99 Le moyen le plus efficace pour isoler le roi semble avoir été la configuration même
donnée à son palais, construit à dessein en forme de labyrinthe163. Un texte de la fin du
XVIe siècle décrit le palais du roi du Congo comme étant « ... plus grand que les autres
maisons et, avant d’y entrer, il y avait beaucoup de palissades et de sentiers, qui forment
comme un labyrinthe de Crète »164. Le missionnaire anglais W. H. Bentley, qui visita São
Salvador à la fin du XIXe siècle, donne de l’enclos du roi la description suivante :
100 « ... nous sommes entrés dans le lumbu [enceinte, œmpound] du roi. Un couloir étroit entre
deux palissades conduisait vers la gauche ; après environ deux mètres, il se dirigeait dans
l’autre sens, toujours entre des palissades. Une quarantaine de mètres plus loin, il
s’infléchissait brusquement sur la droite, puis revenait sur lui-même. Au bout de ce
dernier lacet, nous étions sortis du labyrinthe, et nous nous trouvâmes dans la cour
devant Sa Majesté Dom Pedro IV, Roi du Congo et des terres attenantes »165.
101 Weeks décrit ainsi son arrivée au lumbu de Dom Pedro IV : « Nous arrivâmes à la première
entrée du lumbu du roi, que nous découvrîmes être un labyrinthe en miniature, car quatre
palissades successives se dressaient avant de parvenir à l’espace central, où se trouvait la
maison du roi »166.
102 Coupé théoriquement de tout contact direct avec son peuple, le roi (ou plutôt la royauté
qu’il représente) communiquait avec ses sujets par des moyens qu’il était seul à pouvoir
utiliser. Dans de nombreuses sociétés africaines, un feu sacré, jamais éteint tant que
durait la vie du roi, était entretenu dans le palais ou à proximité, et l’on en distribuait des
braises aux vassaux dans le royaume167. Au Monomotapa, la coutume avait un caractère
coercitif : chaque année, on obligeait les vassaux à éteindre le feu reçu du roi et à en
accepter un nouveau, sous peine d’être considéré comme rebelles168.
103 Au Loango, on éteignait le feu sacré à la mort du roi et un nouveau était allumé à
l’avènement de son successeur169. Au Congo, c’étaient les Kitomis qui distribuaient le feu
sacré, moyennant paiement170. Van Wing a pu constater que la coutume était toujours en
vigueur au XXe siècle chez les successeurs des Kitomis, les chefs couronnés171. Alors qu’il
était, au Monomotapa, un instrument de contrainte, le feu sacré apparaissait au Congo
comme doué d’un pouvoir revivifiant. Il ne nous est parvenu aucun témoignage, qui
37
permette de penser que les rois du Congo entretenaient un feu sacré. Le faisaient-ils
avant la christianisation ?
104 Une autre forme de communication, plus efficace celle-ci, est « la bénédiction » du roi172.
Voici comment Jean François de Rome la décrit en 1648 :
105 « Quand le roi veut sortir de sa maison les courtisans et soldats qui se tiennent dans les
cours intérieures se mettent à genoux et, en faisant rapidement deux ou trois battements
des mains, chacun demande sa bénédiction : le roi tend la main droite, agitant légèrement
les doigts comme s’il jouait un luth. Celui à qui le roi ne tendrait pas ainsi la main
s’estimerait malheureux, car ce serait un indice évident qu’il est tombé en disgrâce. Le roi
met environ une demi-heure à donner ainsi à tous sa bénédiction »173.
106 Selon Cavazzi, « celui à qui le roi refuse sa bénédiction, considérée comme une grâce
prestigieuse, [...] les insultes de la plèbe indiscrète ne lui seront pas épargnées »174.
9. LE DESPOTISME DU ROI
107 En 1668, Dapper dit du roi du Congo : « Ce prince commande absolument à ses sujets, et il
ne faut pas se jouer de lui, car ceux qui l’offensent sont condamnez sans miséricorde à un
esclavage perpétuel »175. Et l’abbé Proyart, en 1776, parle ainsi du Loango :
108 « Toutes les ordonnances des rois sont arbitraires, et portent ordinairement l’empreinte
du despotisme le plus absolu [...]. Par un zèle mal entendu pour l’ordre et la police, des
princes, bien intentionnés d’ailleurs, proscrivent quelquefois pour des abus qui
céderaient à la menace de la plus légère punition [...]. La même raison qu’ils donnent de
cette sévérité à punir certaines fautes légères, comme les plus graves, c’est que plus il est
facile de s’abstenir de la chose défendue, ou de faire celle qui est ordonnée, moins la
désobéissance est excusable ; et plus, par conséquent, elle mérite d’être sévèrement
punie »176.
109 Cette manifestation désordonnée de la puissance du chef, dont la « justice » rétributive
n’apparaît pas comme rationnellement proportionnée à la gravité du délit, nous semble
typique des grands États africains. Les rapports entre le roi et le sujet, entre celui qui
exerce le pouvoir et celui qui y est soumis, ne sont pas fixes et ne suivent aucun code de
lois. Ils ne sont pas déterminés par une justice issue de la confrontation avec un troisième
pôle de référence – surnaturel (la volonté de Dieu) ou naturel (tel les modèles légués par
un Moïse ou un Solon). Le pouvoir et le sujet ne peuvent se mesurer qu’en fonction l’un de
l’autre ; il s’ensuit que leurs rapports ne sont jamais rationnels, mais seulement affectifs.
Le pouvoir se pose comme incontestablement omnipotent et généreux, et le sujet est
nécessairement soumis et acquis. On a d’un côté le pouvoir, énorme, écrasant, démesuré,
source de toute vie ; de l’autre le sujet, insignifiant, dépendant et reconnaissant. Face au
roi-dieu se prosterne la « créature », qui dépend de lui177.
110 Le sujet-créature ne peut qu’attendre les faveurs du roi et lui témoigner sa gratitude
lorsqu’il les reçoit. Il ne lui est reconnu aucun droit, qu’il pourrait être tenté de
revendiquer dans le cadre de la légitimité.
111 Lorsque le roi du Congo confère une faveur, confie un poste, ou nomme un fonctionnaire ;
l’intéressé, avant de se « rapprocher » du roi et de pouvoir par la suite « dominer » les
gens du commun, doit se soumettre publiquement, devant le roi, à un rite de passage
montrant bien son état de « créature ». Après s’être agenouillé devant le roi,
38
112 « L’élu ne cesse de faire des battements de mains, de se barbouiller de terre la figure et la
tête, s’humiliant et s’avouant indigne de cet honneur. Se tournant vers toutes les
personnes présentes, le roi leur tient une allocution, dans laquelle il expose la raison de
son choix, il indique ce que doit faire celui qui est élu à de semblables dignités et charges,
la manière de gouverner le peuple, etc. Puis il déclare élu à cette dignité le personnage
qui se trouve devant lui. Alors celui-ci soudainement se fourre sous le tapis du roi
s’étendant jusqu’à ses pieds. Les parents de l’élu, qui se trouvent là, prêts, immédiatement
soulèvent la partie du tapis sous laquelle l’élu se cache ; de leurs mains ils prennent de la
terre et en jettent une bonne quantité sur lui ; bien couvert de terre, l’élu sort de dessous
le tapis, et ainsi tout couvert de terre, il s’en écarte un peu ; il ne cesse de faire des
battements de mains et de se couvrir de terre la face, de sorte qu’il a l’air de vouloir se
transformer en terre. Après cette humiliation, le roi lui remet un bâton comme sceptre,
lui laissant baiser sa main. Subitement les trompes, les tambours et tous les instruments
présents font un bruit assourdissant ; tout le peuple pousse des cris d’allégresse et fait des
battements de mains sans fin. On fait une rumeur si grande que le ciel semble s’écrouler »178.
113 Cette scène nous rappelle beaucoup celle où Abraham supplie timidement le Seigneur
d’épargner les habitants de Sodome : « J’ai eu la hardiesse de m’entretenir avec Toi, moi
qui ne suis que poudre et que cendre »179.
114 Au Congo, au XVIIe siècle, l’humiliation devant l’autorité allait si loin que, destitué par le
roi de ses fonctions, un ex-fonctionnaire se devait d’accueillir sa déchéance avec une
ostensible indifférence. « Il sort le lendemain, vêtu comme le plus pauvre sujet du pays,
mais sans laisser transparaître la moindre émotion, riant et parlant avec tous »180. Les
parents d’un condamné à mort « ne doivent pas manifester de tristesse, mais plutôt de la
joie, afin de prouver leur soumission à la volonté de leur prince »181.
115 Le despotisme du roi ne peut-il alors être que néfaste ? Pas forcément, car si le roi se
montre moins despotique vis-à-vis du peuple, les officiers de la cour et les gouverneurs
des provinces risquent de l’être à sa place182.
116 Parlant du Buganda, Wrigley soutient que « le despotisme royal peut être une force
libératrice, brisant les entraves de la coutume qui pèsent si lourdement sur le sauvage
[sic] »183. Dans le prochain chapitre, nous essaierons de démontrer que le Congo a connu
des époques où il en était bien ainsi.
NOTES
1. Cf. Adolf Friedrich, Afrikanische Priestertümer, Stuttgart, 1939, p. 19 (cf. la carte du Hauptgebiet
der Königkultur ; sur les Jukun, cf. C. K. Meek, A Sudanese Kingdom, Londres, 1931).
2. P.M., p. 174 (texte de 1624) ; О. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 589 ; Juan Garcia Mateo de
Anguiano, La Misión del Congo (1716), p. 27 ; L. Jadin, « Relation sur le Congo du P. Raimondo da
Dicomano (1791-1795) », In Bull. des Séances de l’A.R.S.C, vol. III, fasc. 2 (1957), p. 326.
Vainement le roi du Portugal D. João III essaya, en 1529, de persuader D. Afonso I (1506-1543) de
nommer un successeur, ce n’était pas la coutume du pays (cf. M.M.A., vol. I, pp. 528-529).
39
3. Cavazzi, lib. II, § 77.
4. P.M., p. 174 (texte de 1624).
5. Cavazzi, lib. II, g 77. Au Bornou, dans le Soudan, et au Buganda, les électeurs étaient également
au nombre de 3 ; (cf. A. J. Arkell, « History of Darfur », in Sudan Notes and Records, vol. 32 (1951), p.
231, citant Barthe, Travels, II, p. 271 et J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911, p. 189.
6. C’est la « révolution chrétienne ».
7. Cavazzi, lib. II, § 120 (D. Alvaro VI).
8. Ibid., g 77 (D. António I).
9. P.M., 310 (texte de 1691) et Juan Garcia Mateo de Anguiano, Epitome Histórial y Conquista
Espiritual del Imperio Abgssino en Ethiopia la Alta..., Madrid, 1786, pp. 129-135.
10. Elle est attestée déjà dans le royaume de Cush au VIIe siècle av. J.-C. (cf. B. G. Haycock, « The
Kingdom of Cush », in Comparative Studies in History and Society, vol. VII, n° 4 (1965), p. 467. Chez
les Shilluk, cf. E. E. Evans-Pritchard, The Divine Kingdom of the Shilluk, Cambridge, 1948, p. 27 ; au
Buganda, cf. J. Roscoe, The Baganda, p. 189.
11. D’après une inscription sur la stèle d’Aspelta, roi de Cush c. 593-568 av. J.-C, les chefs du pays
s’adressaient ainsi au peuple : « Allons, maintenant choisissons-nous un roi, car nous sommes
comme un troupeau sans gardiens. » Puis, après réflexion, le peuple répondait : « Notre Seigneur
est là, mais nous ignorons qui il est. » (On s’adressait ensuite au Dieu Re – c’est-à-dire aux prêtres
– pour qu’il le désigne.) Cf. B. G. Haycock, art. cit., p. 468.
12. Cf. le cas des Shilluk, « All the Shilluk share in the kingship, however their loyalties may pull
them apart in other matters », cf. E. E. Evans-Pritchard, op. cit., p. 19. Pour les Bantous du sud-est,
cf. I. Schapera, Government and Politics in Tribal Societies, Londres, 1956, pp. 106-107 : « He [the
Chief] becomes the focus of attitudes and values that in the long run contribute to his control of
the tribe as much as does the coercive power that he can exercise. » Sur le problème étudié au
Haut Moyen Age européen, cf. E. Kantorowicz, The King’s Two Bodies, A Study in Medieval Political
Thinking, Princeton, 1957, passim.
13. L’opposition entre ces deux visions du monde est relevée par Tarn chez les Grecs. Il parle de
« the irreconcilable opposition between Stoicism and theory of Kingship, between the belief that
unity and concord existed and that you must get man to see it and the belief that unity and
concord did not exist and that it was the business of the rulers of the earth to try and bring them
to pass » (l’inconciliable opposition entre le Stoïcisme et la théorie de la Royauté, entre la foi en
une unité et une concorde, qu’il faut amener les hommes à admettre, et la certitude qu’elles n’ont
jamais existé et que c’est le devoir des chefs temporels de faire en sorte qu’elles deviennent
réalité). Cf. N. W. Tarn, « Alexander and the Unity of Mankind », in Proceedings of the British
Academy, vol. XIX (1933), p. 137.
14. Lorsque le roi des Shilluk meurt, le peuple dit : piny bugon, « il n’y a plus de terre ». Le monde
s’est anéanti dans le chaos. (Cf. E. E. Evans-Pritchard, op. cit., p. 19.) Les Bemba, à l’occasion de la
mort d’un grand chef, disent : calo cawa – « la terre s’est écroulée ». (Cf. A. I. Richards, Land,
Labour and Diet in Northern Rhodesia Londres, 1939, p. 236.)
15. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 132.
16. R. E. Dennett, At the Back of the Black Man’s Mind, Londres, 1906, p. 135.
17. Il entendait par « Ethiopie » le pays de Cush.
18. Aristote, Politique, IV, chap. III.
19. A. Bertholet, L’Afrique saharienne el soudanaise, Paris, 1927, p. 256.
20. Diodore de Sicile, lib. III, cap. X.
21. A. Caquot, « La Royauté Sacrale en Ethiopie », in Annales d’Éthiopie, t. II (1957), p. 210. A.
Caquot ajoute que « ces descriptions emphatiques de l’éclat et de la beauté surnaturels de la
personne royale ne constituent pas une vaine phraséologie : elles correspondent à des attitudes
réelles ».
40
22. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 138 (texte de la fin du XVIe
siècle).
23. Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo, pp. 436-437. L’auteur évoque aussi
« l’ambition et la cruauté » du roi.
24. J. J. Monteiro, Angola and the River Congo, vol. I, p. 217.
25. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 35.
26. Cf. Willy Schilde, « Afrikanischen Hoheitszeichen », in Zeitschrift für Ethnologie, t. 61 (1929), pp.
46-51, (Korpulente Herrscher).
27. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, vol. I, p. 123.
28. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 35.
29. Cf. Diodore de Sicile, lib. III, cap. VI et João dos Santos, Ethiopia Oriental, Evora, 1609, lib. I, cap.
VII (t. I, pp. 60-61 de l’éd. de 1891). Un ethnologue du XXe siècle confirme cette croyance chez les
Rozwi, en Rhodésie (cf. S. S. Dornan, « The Killing of the Divine King in South Africa », in S. A.
Journ. of Science, vol. 15 (1918), p. 397.
30. Andrew Battell, in E. G. Ravenstein, The Strange Adventures..., p. 46. Cf. aussi O. Dapper,
Description de l’Afrique (1668), p. 333. Selon Diodore de Sicile (c. 20 av. J.-C), « ... les prêtres [à
Méroë] choisissent les membres les plus distingués de leur classe, et celui qui est touché par
l’image du dieu, portée en procession solennelle, est aussitôt proclamé roi par le peuple qui
l’adore et le vénère comme un dieu, comme s’il tenait la souveraineté d’une providence divine ».
(Diodore de Sicile, liv. III, cap. V). Strabon observait au même sujet : « indépendamment d’un dieu
immortel cause et principe de toutes choses, ils [les Éthiopiens] reconnaissent un dieu mortel,
mais sans le désigner par un nom particulier et sans définir nettement sa nature » (Strabon,
Géographie, liv. XVII). Par « Éthiopiens », Strabon entendait les habitants du royaume de Cush.
31. W. H. Bentley, Pionneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 247, et J. G. Frazer, The Worship
of Nature, Londres, 1928, pp. 135-153.
32. K. Laman, Dictionnaire Kikongo-Français.
33. Rui de Pina, Croniqua del-Rei D. Joham II, cap. LVIII (éd. Coïmbre, 1950, p. 157). La chronique fut
écrite entre 1501 et 1521, d’après un manuscrit de 1492. Cf. Francisco Leite de Faria, Uma Relação
de Rui de Pina sobre o Congo escrita em 1492, Agrupamento de estudos de Cartografia Antiga, vol.
XIII, Secção de Lisboa, Lisbonne, 1966, p. 13.
34. Dans un autre chapitre, nous examinerons comment la venue des Européens fut ressentie par
les Congolais.
35. Sur le concept de Nzambi, cf. Van Wing, « L’Être Suprême des Bakongo », in Recherches des Sc.
Relig., t. X (1920), pp. 170-181 ; E. Torday, « Nzambi Mpungu, the God of the Bakongo », in Man
(1930), n° 3 ; J. Delaere, « Nzambi-Mweze, Quelques notes sur la croyance des Bapende en l’Être
Suprême », in Anthropos, t. 37-40 (1942-1945), pp. 620-628 ; W. Hirschberg, « Der Gottesname
Nyambi », in Zeitschrift für Ethnologie, t. 88, (1963), pp. 163-179 ; Paul Schebesta, « Der Gottesname
Nyambi », in Anthropos, t. 59 (1964), pp. 267-269, et Charles Estermann, « Ergänzende Bemerkung
zum Gottesnamen Nzambi, Ndyambi », in Anthropos, t. 59 (1964), pp. 932-935. Tous ces auteurs
ignorent le texte de Rui de Pina.
36. J. Vansina, « Becording the Oral History of the Bakuba », in Journ. of Afr. Hist., vol. I, n° 2
(1960), p. 259.
37. Les conclusions de Vansina sont vivement contestées par Kunz Dittmer, « Zur Geschichte
Afrikas, 3, Die ältere Geschichte Süd- und Zentralafrikas », in Saeculum, vol. XVII, nos 1-2 (1966),
p. 80. Les arguments de Dittmer ne nous semblent pas assez forts pour invalider la thèse de
Vansina.
38. Cf. J. Vansina, Les Tribus Ba-kuba et les peuplades apparentées, Tervuren, 1954, p. 7. Selon une
légende Ba-kuba, leur roi serait apparenté aux rois du Congo.
39. Emil Torday, On the Trail of the Bushongo, Londres, 1925, p. 113.
41
40. H. Baumann, Schöpfung und Urzeit des Menschen im Mythus der Afrikanischen Völker, Berlin, 1936,
pp. 118-119.
41. E. Torday et T. A. Joyce, Notes ethnographiques sur les peuples communément appelés Bakuba ; ainsi
que sur les peuplades apparentées les Bushongo, Bruxelles, 1911, p. 20.
42. E. Torday, On the Trail of the Bushongo, p. 117.
43. Ibid., p. 118. « 20 prédécesseurs [du roi que rencontra Torday] remontent à Bumba, le
fondateur. L’esprit de Bumba se manifeste dans chacun ; son esprit représente la vie des vivants,
la souvenance des morts, l’espoir des générations à venir. C’est son esprit qui fait croître et
diminuer la lune, qui fait briller le soleil. C’est son esprit qui, sous forme de la pluie, apaise la soif
de la terre [...] fait germer les semences et préside à la reproduction de tout ce qui vit ». Pour le
royaume de Cush, cf. la stèle d’Aspelta, roi de Cush c. 593-568 av. J.-C. : « ... le roi est l’image de Re
[le dieu] parmi les mortels et il est placé par Re dans ce pays pour qu’il [le pays] reste ferme »,
cité par B. G. Haycock, « The Kingdom of Cush », in Comparative Studies in History and Society, vol.
VII, n° 4 (1965), p. 468.
44. H. Baumann, Schöpfung und Urzeit, pp. 96-115. Cf. aussi Léo Bittremieux, La Société secrète des
Bakimba au Mayombé, p. 25 : « Mbumba Loango est un serpent gigantesque qui sort de l’eau,
grimpe sur les arbres et s’élance dans les airs pour aller se baigner plus loin, dans une autre
eau » ; R. E. Dennett, At the Back of the Black Man’s Mind, p. 140 : « Mbumba is a very big snake
found in wells » ; Van Wing, Etudes Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 151 : « Les Noirs disent avant
de manger : E Mbumba nsi... O Mbumba de la terre, mange sous terre et que moi je mange sous le
ciel » ; Cavazzi, lib. I, § 236 : « ... alcuni Piante altissime ne’rami delle quali asseriscono comparire
il Demonio in figure de serpente. » Au Buganda : cf. le roi-serpent, Bemba (J. Roscoe, The Baganda,
p. 321, et Charles E. S. Kabuga, « The Genealogy of Kanaka Kintu... », in Uganda Journal, vol. 27, n° 2
(1963), pp. 205-216).
45. Nzambi Mpungu correspond peut-être à Nyikang chez les Shilluk. Nyikang est le truchement
entre leur dieu Juok et le reth, qui est l’« homme » ; celui qui devient roi prend la qualité de
Nyikang. (Cf. E. E. Evans-Pritchard, The Divine Kingship of the Shilluk, p. 19 ; cf. également A. E.
Jensen, Myth and Cult among primitive peoples, Chicago, 1951, chap. xv, mais aussi Michael W.
Young, « The Divine Kingship of the Jukun, A re-evaluation of some theories », in Africa, vol.
XXXVI, n° 2 (1966), p. 159, dont les interprétations sont légèrement différentes.
46. Andrew Battell, in E. G. Ravenstein, The Strange Adventures..., p. 46. Au XVIIIe siècle, le roi de
Loango se déchargeait sur un de ses ministres du rôle de faiseur de pluie (cf. l’abbé Proyart,
Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes de l’Afrique, Paris, 1776, p. 120). Cette dégradation des
pouvoirs serait-elle due au contact des Européens, qui fréquentent le Loango depuis le début du
XVIIe siècle ?
47. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 355 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 583). Au Soudan, entre le
Kordofan et le Tchad, l’historien arabe Yakut (c. 1200), citant Al Muhallabi (903-963), disait des
habitants : « ... leur religion est l’adoration de leurs rois et ils croient que ce sont eux qui leur
donnent la vie et la mort, la maladie et la santé » (cf. A. J. Arkell, « History of Darfur », in Sudan
Notes and Records, vol. 32 (1951), p. 225). Des sujets du roi de Quiteve, marche de l’empire du
Monomotapa, João dos Santos (1587) disait : « Quand ils sont dans le besoin ou souffrent de
famine, ils demandent secours au roi, fermement persuadés que ce dernier est assez puissant
pour leur donner tout ce qu’ils désireront ou dont ils auront besoin et qu’il peut tout obtenir de
ses ancêtres défunts, avec lesquels, selon eux, il parle. Voilà pourquoi c’est au roi qu’ils
demandent de faire pleuvoir quand manque la pluie [...] et lorsqu’ils vont lui demander des
choses de ce genre, ils lui apportent un présent important ». (Cf. João dos Santos, Ethiopia Oriental,
Evora, 1609, lib. I, cap. viii, (vol. I, p. 69 de l’éd. de Lisbonne, 1891).
48. Germaine Dieterlen, « Systèmes de Connaissance », in M. Fortes et G. Dieterlen, African
Systems of Thought, Londres, 1965, p. 39.
42
49. Andrew Battell (c. 1610), in E. G. Ravenstein, The Strange Advenlures..., p. 74 ; aussi J. Cuvelier,
Relations sur le Congo de Laurent de Lucques (1710-1717), p. 144 et Karl Laman, The Kongo, vol. III, p.
64. Au Monomotapa, cf. António Bocarro (1635), Déc. 13, cap. 123, in G. M. Theal, Records of South
East Africa, vol. III, p. 270.
50. Cavazzi, üb. I, i 4 (Congo) ; Jacqueline Roumeguère-Eberhardt, Pensée et Société africaines, Paris,
1963, p. 54 (Afrique du sud-est).
51. Cf. E. Pechuel-Loesch, Volkskunde von Loango, Stuttgart, 1907, p. 138 (Sirius en l’occurrence) ; J.
H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, Londres, 1914, p. 294 (les Pléiades) ; Jacqueline
Roumeguère-Eberhardt, Pensée et Société africaines, p. 56, (les Pléiades dans le Sud-Est africain) ;
pour l’ensemble de l’Afrique, cf. W. Hirschberg, « Die Plejaden in Afrika und ihre Beziehung zum
Bodenbau », in Zeitschrift für Ethnologie, t. 61 (1929), pp. 321-337 ; et plus récemment encore J. H.
Chaplin, « Vernacular month names from Zambia », in African Studies, vol. 26, n° 3 (1967), pp.
145-169 (les Pléiades chez les Nyanja, les Lozi, les Ila, les Venda, les Xhosa, les Tsonga).
52. E. Pechuel-Loesch, op. cit., pp. 138-139.
53. Jacqueline Roumeguère-Eberhardt, op. cit., p. 54.
54. J. Cuvelier, Documents sur une Mission Française au Kakongo (1766-1776), p. 54.
55. Cf. à ce sujet J. Cuvelier, Documents sur une Mission Française au Kakongo (1766-1776), p. 54 ; E.
Pechuel-Loesch, Volkskunde von Loango, p. 139 ; et W. Hirschberg, « Die Plejaden... », p. 334.
56. Il en est de même pour l’Orient, cf. Roger Caillois, « Temps Circulaire et Temps Rectiligne », in
Diogène, n » 42 (1963), pp. 3-14.
57. En Europe, ce ne fut qu’au moment du mouvement averroïste, au début du Moyen Age, que le
temps cessa d’être symbole de caducité, de mort. Pour les Averroïstes, il devint un élément
vivifiant, un symbole de la durée infinie de la vie. Cf. E. Kantorowicz, The King’s Two Bodies, p. 227.
58. Pour une analyse des travaux récents sur ce problème, cf. V. Van Bulck, « La Place du Roi
Divin dans les Cercles Culturels de l’Afrique Noire », in The Sacral Kingship, Studies in the History of
Religion, Supplements to Numen, IV, Leyde, 1959, pp. 98-134.
59. Diodore de Sicile, liv. III, chap. VI.
60. Cf. A. J. Arkell, History of the Sudan to A. D. 1821, Londres, 1955, pp. 174-177, et L. P. Kirwan,
« The Decline and Fall of Meroë », in Kush, vol. VIII, 1960, pp. 163-173.
61. Il existe aujourd’hui encore des traces d’anciennes mines de cuivre à cet endroit.
62. Leo Frobenius, Atlantis, Munich, 1923, vol. IV, pp. 9-10 (trad. française in L. Frobenius, Histoire
de la Civilisation africaine, s.d. (1953), pp. 229-230.
63. Pour la date, cf. A. J. Arkell, History of the Sudan, p. 157.
64. Au milieu du XIXe siècle, Lepsius apprit d’un informateur local que les Funj de Fazoql (dans la
région du Haut-Nil, au Soudan) pratiquaient encore la mise à mort rituelle du roi ; il en avait été
ainsi pour le roi qui régnait au moment de sa visite. « Lorsqu’un roi n’est plus aimé », dit Lepsius,
« ses parents et ministres se réunissent autour de lui et lui annoncent qu’il ne plaît plus aux
hommes, aux femmes du pays, aux bœufs, aux ânes, à la basse-cour, etc., mais qu’il est détesté de
tous, et il est mieux qu’il meure » (cf. Lepsius, Letters, éd. angl., Londres, 1853, p. 202 – 1re éd.
allemande, 1852).
65. João dos Santos, Ethiopia Oriental, Lisbonne, 1609, lib. I, cap. VII (t. I, pp. 60-61 de l’éd. de
Lisbonne de 1891). Le roi de Sedanda, autre marche orientale du Monomotapa, voisine du
Quiteve, observa bien la coutume traditionnelle et, ayant contracté une maladie contagieuse, se
suicida en prenant du poison.
66. H. A. Wieschoff, The Zimbabwe-Monomotapa Culture, Menasha, Wisconsin, 1941, pp. 96-97. (Il est
aussi question de deux et de cinq ans).
67. Cf. C. K. Meek, Sudanese Kingdom, Londres, 1931, p. 164.
68. Sur le concept weberien du charisme, cf. Max Weber, The Theory of Social and Economic
Organisation, trad. angl. de Talcott Parsons, Glencoe, 1964, pp. 358-363 ; et aussi H. H. Gerth et C.
43
Wright Mills, From Max Weber, New York, 1958, pp. 245-254, et surtout Reinhard Bendix, Max
Weber, an Intellectual Portrait, New York, 1962, pp. 298-328.
69. Cf. Leo Frobenius, Atlantis, IV, pp. 6-7.
70. Cf. C. K. Meek, Sudanese Kingdom, Londres, 1931, p. 164. Certains Jukun affirmaient que jadis la
période était de deux ans. Cf. aussi Michael W. Young, « The Divine Kingship of the Jukun. A Re-
evaluation of some theories », in Africa, vol. XXXVI, n° 2 (1966), pp. 135-152.
71. Cf. Monica Wilson, Divine Kings and the Breath of Men, Cambridge, 1959, p. 19.
72. Cf. « Viagem que fez António Gomes », in Studia, n° 3 (1959), p. 203 (vieillesse ou maladie).
73. Cf. Brohez, « Ethnographie Katangaise », in Bull. Soc. Roy. Belge Géog., vol. 29 (1905), p. 463
(« Les chefs ne peuvent mourir de mort naturelle, dès qu’ils sont très malades et que leur
guérison est jugée impossible, tantôt on les précipite dans une gorge avec plusieurs de leurs
femmes, tantôt on leur coupe l’artère carotide »).
74. Francisco de Salles Ferreira, « Memória sobre o sertão de Cassange, 20 abril 1853 », in Annaes
do Conselho Ultramarino (parte näo oficial), série I (1854), p. 28 (maladie).
75. Cf. E. G. Krige et J. D. Krige, The Realm of the Rain Queen, Londres, 1943, pp. 165-167 (« Les reines
prenaient du poison lorsqu’elles subissaient des revers dans la vie, ou se voyaient diminuées
physiquement »).
76. J. Roscoe, The Banyankole, Cambridge, 1923, pp. 50-51, (vieillesse ou maladie).
77. Cf. Stefano Santandrea et Luigi Giorgi, « Morte Violente per i Re Divini Scilluk e Dinka =
Sudan », in Africa, Rome (1965), n° 1, pp. 15-32 et n » 2, pp. 163-187 (vieillesse ou maladie).
78. Cf. Richard Palmer, Sudanese Memoirs, vol. III, p. 82.
79. Cf. Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis, c. 1508, éd. Acad. Port. Hist., Lisbonne,
1954, p. 107 (vieillesse ou maladie).
80. Joaquim Rodrigues Graça, « Expedição ao Muatayanvua », in Bol. Soc. Geog. de Lisbonne, 9e
série, n° 1 (1890), p. 433.
81. J. Vansina, Le Royaume Kuba, Tervuren, Belgique, 1964, p. 100.
82. Pour le Congo, cf. supra ; pour le Buganda, cf. J. Roscoe, The Baganda, p. 189.
83. Pour l’Angoï, cf. l’abbé Proyart, Histoire de Loango..., Paris, 1776, p. 132 ; pour le Congo, cf. la
lutte entre païens et chrétiens en 1506 et les interrègnes sanglants tout au long de l’histoire du
pays ; pour le Buganda, cf. Roscoe, pp. 103 et 190 (« A wild state of disorder ensued, anarchy
reigned ») ; pour les Maravi, cf. A.C.P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1854, p. 52.
84. Dans le royaume de Cush (Méroë), selon l’inscription sur la stèle d’Aspelta (c. 593-568 av. J.-C),
le peuple s’écriait : « Que le choix [du roi] soit entre ses mains [du dieu Amen-Re] [...] Qu’il nous
guide. Il lui appartient de faire les rois de Cush, ses fils bien-aimés ». (Cf. B. G. Haycock, « The
Kingdom of Cush », in Comparative Studies in History and Society, vol. VII, n° 4 (1965), p. 468. Chez
les Korekore, tribu issue de l’ancien empire du Monomotapa, les anciens demandent au Swikiro
(prêtre médium) d’interroger les ancêtres, afin qu’ils désignent un successeur au roi défunt. Le
Swikiro joue son rôle en fin diplomate. Cf. G. Kingsley-Garbett, « Religious Aspects of Political
Succession among the Valley Korekore (N. Shona) », in E. Stokes and R. Brown (eds.). The
Zambesian Past, Londres, 1966, pp. 137-170.
85. Pour le Janjero, cf. C. F. Beckingham et G. W. B. Huntingford, Some Records of Ethiopia, Hakluyt
Society, Londres, 1954, p. 159 ; pour les Jagas, cf. António Rodrigues Neves, Memória da Expedição a
Cassange em 1850, Lisbonne, 1854, p. 113 ; pour les Shilluk, cf. E. E. Evans-Pritchard, The Divine
Kingship of the Shilluk of the Nilotic Sudan, Cambridge, 1948, p. 27.
86. Meek dit des Jukun du Nigeria : « Il est évident [...] qu’un système de gouvernement fondé sur
le concept de la royauté divine est susceptible de devenir une tyrannie de la pire espèce. » Mais
les Jukun, « comme d’autres peuples qui croient en la divinité des rois, se protégeaient de
diverses manières. On jugeait le roi sur les résultats. Si les récoltes étaient bonnes, on acceptait
un certain degré de tyrannie, mais si celle-ci passait les bornes, elle suscitait un mouvement
44
réclamant la mise à mort du roi, que les récoltes fussent bonnes ou mauvaises. » Cf. Meek, A
Sudanese Kingdom, Londres, 1931, p. 333.
87. Cavazzi, lib. I, § 175.
88. H.R.C., in Felner, Angola, p. 376.
89. Cavazzi, lib. I, § 175.
90. Cavazzi, loc. cit.
91. Cavazzi, lib. I, § 180. Le Kitomi est aussi évoqué par Jérôme de Montesarchio (1648-1668), p.
83 ; par Zucchelli (1702), p. 173 ; par Merolla (1692), dans le Soyo, p. 116 ; par Mateo de Anguiano
(1716), p. 437 ; par Bernardo da Gallo (1710), p. 468 ; et par Laurent de Lucques (1705), p. 146.
92. Cf. Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo, p. 437.
93. Cf. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 252 (l’auteur fait état de la tradition orale
moderne).
94. Cf. « Rite de l’élection du roi du Congo décrit par le P. Cherubino da Savona, 1775 », ta L.
Jadin ; « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bulletin de l’Institut Historique Belge de Rome,
fasc. XXXV (1963), pp. 405-407.
95. Ibid., loc. cit.
96. Cf. L. Jadin, « Informations sur le royaume du Congo par le P. Raimondo da Dicomano
(1791-1798) », ta Bulletin de l’A.R.S.C, nouv. série, t. III, fasc. 2 (1957), pp. 328-329.
97. Cf. Le combat feint que livra, au Buganda, le Semanobe au roi nouveau. Le Semanobe et ses gens
étaient armés de tiges de canne à sucre et de « boucliers » en feuilles de bananier. (J. Roscoe, The
Baganda, p. 113).
98. O. de Bouveignes et J. Cuvelier, Jérôme da Montesarchio, Apôtre du Vieux Congo, Namur, 1951, pp.
97-99.
99. Antonio Zucchelli da Gradesca, Relazioni, Venise, 1712, p. 185. La cérémonie par laquelle le
nouveau roi doit briser l’arc de son prédécesseur, manifestant ainsi symboliquement la rupture
avec l’ordre révolu, est évoquée par Luc de Heusch, Le Pouvoir et le Sacre, Bruxelles, 1962, p. 19. La
coutume est attestée dans le royaume de Quiteve (marche de l’empire du Monomotapa) par João
dos Santos (1587), Ethiopia Oriental, Lisbonne, 1609, lib. I, cap. VII (t. I, p. 60 de l’édition de
Lisbonne, 1891).
100. O. de Bouveignes et J. Cuvelier, op. cit., loc. cit.
101. Cf. J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911, p. 193 ; et J. Vansina, Le Royaume Kuba, Tervuren,
1964, pp. 105-106 et 115.
102. On peut alors se demander si le Mani Vunda relaie ou non la lignée ancestrale des Ambundu.
Sur le plan de l’apparentement philologique, son identification avec le Mani Cabunga semble à
tout le moins aléatoire. Nous nous avouons incapable de résoudre le problème des rapports
précis entre le Mani Cabunga, les Kitomis et le Mani Vunda, bien que tous trois paraissent exercer
des fonctions identiques.
103. Selon Manuel Baptista (1619), les Noirs « demandent du soleil et de la pluie aux prêtres et
aux pères, comme ils le demandent à leurs sorciers, et ils se plaignent de ce qu’ils ne les leur
donnent pas, comme si c’était en leur pouvoir... » (cf. M.M.A., vol. VI, p. 383).
104. Nul témoignage ne nous est parvenu dans ce sens en ce qui concerne le Congo, mais les
traditions rapportées par Torday prouvent qu’il en était ainsi pour les Bakuba (cf. E. Torday, On
the Trail of the Bushongo, p. 118).
105. Voir à ce sujet l’auteur de La Pratique Missionnaire (1747) : « En tous ces pays [Congo, Angola]
le respect pour les anciens est inexplicable [...] Dans toute réunion de personnes, ne parle que le
vieux, et personne n’osera interrompre son discours, ni personne ne parlera sans la permission
de cet ancien, battant d’abord les mains, ce qui est signe de soumission, au moyen duquel ils
entendent lui demander sa permission et sa bénédiction avant de parler. » (Cf. [Hyacinthe de
Bologne], La Pratique Missionnaire, 1747, p. 85.)
45
106. Cf. M. Fortes, « Ancestor Worship », in M. Fortes et G. Dieterlen, African Systems of Thought,
Londres, 1965, pp. 16-20.
107. Aucun texte, à notre connaissance, ne parle de l’importance des songes chez les Congolais.
Des Baganda, Roscoe dit : « On considérait les songes comme importants et un moyen de
communication entre les vivants et les morts » (cf. J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911, p. 18).
Les sujets du Cazembe croyaient que les rois défunts communiquaient avec les vivants – cf. A. C.
P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1857, p. 357.
108. Au Congo, cf. Cavazzi, lib. I, § 181. Cavazzi dit que le Nganga Ngombo invoque le « diable », ce
qu’il est licite de traduire par « ancêtre ». Au Quiteve (marche du Monomotapa), João dos Santos
(1587) décrit comment le « diable » entre dans un Noir « disant qu’il est l’âme du roi défunt » (cf.
João dos Santos, Ethiopia Oriental, Lisbonne, 1609, lib. I, cap. viii (t. I, p. 65 de l’éd. de Lisbonne,
1891). Au Buganda, cf. J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911, p. 111 : (Bientôt l’esprit du roi
prenait possession d’un homme, qui était envoyé au temple pour jouer le rôle de médium ; et à
partir de ce moment, on pouvait s’entretenir avec le roi défunt).
109. La corbeille des ancêtres contient des restes des rois défunts : cheveux, ongles, et une
phalange de doigt, cf. Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 143 ; et aussi J. Mertens,
Les chefs couronnés chez les Bakongo orientaux, Mémoire I.R.C.B., t. IX, fasc. I (1942), pp. 111-112.
110. Cf. Cavazzi, lib. I, § 232 (« ... Lorsque passe un vol de corbeaux [sic], ils [les Noirs] imaginent
qu’il s’agit des âmes des héros, lesquelles donnent présage de mauvaise fortune, à tel point que
toute intercession sera vaine »).
111. Sur les arbres sacrés des ancêtres en Afrique en général, cf. H. Baumann, Schöpfung und
Urzeit, pp. 198-199 ; et aussi Sture Lagercrantz, Contribution to the Ethnography of Africa, Lund, 1950,
pp. 375-380.
112. Pierre Van Den Broeck, Voyages de Vandenbroeck au Cap Vert, Angola et aux Indes Orientales en
1605, Amsterdam, 1705, p. 341.
113. R. E. Dennett, At the Back of the Black Man’s Mind, p. 133.
114. Cf. J. Gossweiler : « Nomes indigenas de plantas de Angola », in Agronomia Angolana, Luanda
(1953), n° 7, pp. 459-460.
115. A. Bastian, Die Deutsche Expedition an der Loango Küste, Iéna, 1874, vol. I, p. 164.
116. M.M.A., vol. I, p. 479. Les bois dans lesquels on enterrait les rois congolais s’appelaient mfinda.
Ils n’étaient pas plantés à dessein, mais laissés intacts au cours du défrichement (cf. H.R.C., in
Felner, Angola, p. 376). Sur l’inhumation des défunts de haut rang dans des bois sacrés, cf. A.
Friedrich, Afrikanische Priestertümer, Stuttgart, 1939, pp. 36-56, et la carte des Königsahnen-Haine.
117. L’argile blanche apparaît souvent liée avec le bois de teinture, tacula (pterocarpus tinctorius),
de couleur rouge. Le blanc est la couleur des hommes, le rouge celle des femmes (cf. K. Laman,
The Kongo, vol. III, p. 105). On retrouve la même répartition sexuelle de ces couleurs au Fezzan (cf.
Viviana Pâques, L’Arbre Cosmique dans la pensée populaire et dans la vie quotidienne du Nord-Est
africain, Paris, 1964, p. 39.
118. V. W. Turner, « Ritual Symbolism among the Ndembu », in M. Fortes et G. Dieterlen, African
Systems of Thought, Londres, 1965, p. 90.
119. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, Londres, 1914, p. 98.
120. H.R.C., in Felner, Angola, p. 376. A l’auteur, les Noirs disaient que Cariampemba (nkadi mpemba)
signifiait « homme mort de la province de Mpemba ».
121. [Hyacinthe de Bologne], La Pratique Missionnaire, p. 117.
122. L. Jadin, « Relation sur le Royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano (1791-1795) », in
Bulletin des Séances de l’A.R.S.C, nouv. sér., vol. III, n° 2 (1957), p. 335.
123. K. Laman, The Kongo, vol. III, p. 60.
124. Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 145.
125. J. Mertens, Les Chefs couronnés chez les Bakongo orientaux, p. 113. En 1791-1795, Raimondo da
Dicomano note que « chaque seigneur de banza et libata [villages] possède un macota [vieux
46
conseiller] ou vieux, appelé Manipemba ou justicier major. Lorsqu’il a quelque difficulté dans son
peuple, c’est lui qui examine la cause et met les deux parties d’accord ». (Cf. L. Jadin, « Relation
sur le Congo du P. Raimondo da Dicomano (1791-1795) », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, nouv. sér.,
t. III, fasc. 2 (1957), p. 330. Les gouverneurs d’Angola n’avaient-ils pas tenté, au XVIIe siècle,
d’« européaniser » le caractère sacré du Mpemba en y substituant de la farine de manioc pour
« sacrer » les chefs, leurs « vassaux », par la cérémonie dite undamento ? (cf. Felner, Angola, p.
471).
126. J. Mertens, op. cit., p. 20, et Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 143.
127. J. Mertens, op. cit., p. 112.
128. Notons que mpangu est un mot obscur, à plusieurs sens. Il peut signifier « restriction ou
tabou alimentaire », cf. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, vol. II, p. 263. Ou encore « travail,
zèle, activité, piège, embûche ou stratagème » ; mpangu bakulu = les vieux au commencement de
la création (cf. K. Laman, Dictionnaire Kikongo-Français).
129. Nous ne saurions expliquer les lignes 7 et 8. Nous remercions M. P. Alexandre, ainsi que M.
François Loumouamou de leurs conseils pour la traduction de ce texte, mais nous assumons
entièrement la responsabilité de la traduction que nous proposons.
130. Cf. K. Laman, The Kongo, vol. III, p. 15, et Manuel Alfredo Moraes Martins, Contactai de Cultura
no Congo Português, Lisbonne, 1958, pp. 71 et 112.
131. Cf. E. Torday et T. A. Joyce, Notes ethnographiques sur les peuples communément appelés Bakuba...,
Bruxelles, 1911, p. 20.
132. Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 147. Battell y fait allusion à propos de la
cour du roi de Loango, cf. E. G. Ravenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, p. 48.
133. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 347 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 570).
134. Sur les insignes du pouvoir en Afrique en général, cf. Willy Schilde, « Afrikanische
Hoheitszeichen », in Zeitschrift für Ethnologie, t. 61 (1929), pp. 46-152.
135. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 132.
136. João de Barros, Décadas da Asia, Déc. I, lib. III, cap. IX.
137. P. Monclaros (1569), in G. M. Theal, Records of South Eastern Africa, Cape Town, 1899, vol. III, p.
179, « ... un quite qui a la forme d’un petit trépied... ». Le quite est attesté également chez les
Maravi (cf. A. C. P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1854, p. 70, « ... fait de bois d’une seule
pièce et très travaillé... » Sur le trône en Afrique comme insigne du pouvoir, cf. A. Friedrich,
Afrikanische Priestertümer, Stuttgart, 1939 pp. 28-33.
138. Rui de Pina, Croniqua del Rei D. Joham II, cap. LX. Lorsque la première ambassade portugaise
visita la capitale, ses représentants trouvèrent le roi coiffé « d’un bonnet de palme tissée, brodé
et très haut ». Cf. aussi João de Barros, Déc. I, lib. III, cap. ix : « un bonnet très haut, comme une
mitre, fait d’un fin tissu de palme et rebrodé en relief, un peu comme est tissé chez nous le
brocart. »
139. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 399.
140. « Rite et cérémonial de l’élection des rois du Congo (1624) », in L. Jadin, « Aperçu de la
situation du Congo en 1775 », in Bull. de l’Institut Historique Belge de Rome, fasc. XXXV (1963), p. 403.
Un autre texte contemporain affirme que la chaîne est en or. Il faudrait donc admettre ici une
influence du contact avec les Européens (cf. M.M.A., vol. VII, p. 382, texte de 1625).
141. J. Mertens, Les chefs couronnés chez les Bakongo orientaux, p. 78.
142. Rui de Pina, op. cit., loc. cit.
143. Cf. Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 27.
144. João de Barros, Déc. I, lib. III, cap. ix ; Rui de Pina, op. cit., loc. cit.
145. « Rite et cérémonial de l’élection des rois du Congo » (1624) in L. Jadin, art. cit., p. 403.
146. Van Wing, Éludes Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 28.
47
147. « Rite de l’élection du roi du Congo décrit par le P. Cherubino da Savona... » (1775), in L.
Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull de l’Institut Historique Belge de Rome,
fasc. XXXV (1963), p. 405.
148. « Rite et cérémonial de l’élection des rois du Congo » (1624), in L. Jadin, « Aperçu... », art. cit.,
p. 401. A l’époque chrétienne, on montrait le tambour le samedi saint... Sur le tambour sacré en
Afrique du sud-est, cf. E. Mudau, « Ngoma-lungundu and the early invaders of Venda », in N. J.
Van Warmelo, The Copper Miners of Musina and the early history of the Zoutpansberg, Pretoria, 1940,
pp. 10-32 ; et aussi H. von Sicard, Ngoma-Lungundu, eine afrikanische Bun-deslade, Upsala, 1952.
149. Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 143.
150. Cf. « Rite et cérémonial de l’élection des rois du Congo » (1624), in L. Jadin, op. cit., p. 403.
151. Cf. J. Cuvelier, Relations sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), Mémoire I.R.C.B., t.
XXXII, fasc. I, Bruxelles (1953), p. 125.
152. Cf. A. Allwohn, « Der religionspsychologische Aspekt des sakralen Königstunis », In The
Sacral Kingship, Studies in the History of Religions, Supplements to Numen, TV, Leide, 1959, pp. 37-47.
L’auteur distingue : 1) Fruchtbarkeitaspekt, 2) Vateraspekt, et 3) Heldenaspekt.
153. Dans le cas des Bakuba, cf. J. Vansina, Le Royaume Kuba, Tervuren, 1964, p. 110.
154. Diodore de Sicile, lib. I, chap. XIII et XXI. Cf. aussi Anna Hohenwart-Gerlachstein, « Zur
Geschwisterehe in alten Ägypten und Afrika », in Wiener Beiträge zur Kulturgeschichte und
Linguistik, IX, Vienne, 1952, pp. 234-243. Le rite est également attesté au Monomotapa au début du
XVIIe siècle, cf. João dos Santos, Ethiopia Oriental, Evora, 1609, lib. II, cap. xv (t. I, p. 222 de l’éd. de
Lisbonne, 1891 ; cf. également, pour le Buganda, J. Roscoe, The Baganda, p. 84 (une demi-sœur).
155. In Feiner, Angola, p. 473. L’auteur ajoute qu’il en est de même avec d’autres de ses sœurs. Au
Monomotapa, António Bocarro (1635) affirmait que « les neuf femmes principales du roi étaient
ses sœurs ou proches parentes », in G. M. Theal, Records of South East Africa, vol. III, p. 358.
156. Cf. Bernardo da Gallo (1701-1709), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull.
de l’Institut Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), pp. 492-493.
157. L’institution de la reine-mère est constatée à Méroë, au début de notre ère, par Walter
Hirschberg, « Kultureinfluss Meroes und Napatas auf Negerafrika », in Wiener völkerkundliche
Mitteilungen, III, n° 1, Vienne, 1955, p. 95 ; elle a persisté en Nubie, même à l’époque chrétienne,
comme en témoigne une fresque (fin Xe-début XIe siècle), cf. P. L. et M. Shinnie, « New Light on
Medieval Nubia », in Journal of African History, vol. VI, n° 3 (1965), p. 270.
158. Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo (1716), p. 135. Battell et Dapper en disent
autant pour le Loango (cf. E. G. Bavenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, p. 50, et O.
Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 535.
159. Sur l’impossibilité de voir le roi, en Afrique, avec une carte des cas attestés, cf. Sture
Lagercrantz, Contribution to the Ethnography of Africa, Lund, 1950, pp. 334-345. Déjà Strabon (mort
vers 20 ap. J.-C), parlant des « Éthiopiens » de Méroë, disait : « Tous révèrent à l’égal des dieux la
personne de leurs rois, lesquels vivent enfermés et comme invisibles au fond de leurs palais » (cf.
Strabon, Géographie, liv. XVII, chap. 2). Au Loango, Dapper (1668) dit que « Le roi ne sort point de
son palais qu’en des jours de fête solennelle ou pour quelque affaire de grande importance », cf.
O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 330. Selon Qalqashandi (mort en 1418), parlant des sultans de
Darfur et de Bornu, « Personne ne le voit [le roi] sauf pendant les deux fêtes [de l’année] le matin
et le soir. Le reste de l’année, personne ne lui parle sans qu’un écran soit interposé » (cf. A. J.
Arkell, « History of Darfur, 1200-1700 », in Sudan Notes and Records, vol. 32 (1951), p. 234. Au
Monomotapa, un auteur de 1518 environ écrit que le roi peut voir ses sujets, mais qu’eux ne
peuvent le voir. Ils s’adressent à lui par une fenêtre et entendent seulement ses paroles (cf.
Duarte Barbosa, Livra em que dá relação do que viu e ouviu no Oriente (c. 1518), éd. Augusto Reis
Machado, Lisbonne, 1946, p. 20 ; cf. aussi João dos Santos, Ethiopia Oriental, Evora, 1609, lib. I, cap.
v (Un rideau de toile sépare le roi de ses sujets). Le Kazembe, que visita Lacerda en 1798, se
montrait rarement en public, afin de » mieux préserver le respect de son peuple ». Il recevait les
48
nobles assis derrière un rideau (cf. R. F. Burton, The Lands of Kazembe, Londres, 1872, pp. 42-43) ;
Le Muataianvo ne pouvait pas sortir de sa maison (cf. António Gil, Consideraçöes sobre... a moral
religiosa, dos pretos..., Lisbonne, 1854, in Boletim LIV. Etnografia e Lingua Tupi-Guarani, n° 8,
Universidade de São Paulo, Brésil, 1945, p. 29.
160. Cf. L. Jadin, « Relation sur le royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire
de 1791 à 1795 », in Bull. des Séances de l’A.R.S.C, nouv. sér., t. III, fasc. 2 (1957), pp. 328-330.
161. Ibid., loc. cit.
162. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 40 (chez les Jukin du Nigeria, le roi ne doit pas
toucher le sol de ses pieds, cf. C. K. Meek, A Sudanese Kingdom, Londres, 1931, p. 126).
163. La forme des ruines de Zimbabwe rappelle un labyrinthe, cf. J. T. Bent, The Buined Cities of
Mashonaland, Londres, 1893, pp. 122-132. Voir aussi le plan des ruines dans R. Summers et K. R.
Robinson, Zimbabwe Excavations, 1958, Occasional Papers of the National Museums of Southern
Rhodesia, vol. 3, n° 23A, Bulawayo, 1962. La comparaison du plan de Zimbabwe avec les enceintes
entourant le palais des sultans de Darfur est très significative (cf. H. G. Balfour-Paul, « Sultans
Palaces in Darfur and Wadai, in Kush, vol. II (1954), p. 6.
164. In J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 120.
165. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 123.
166. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 34.
167. Cf. au Kordofan le texte de Frobenius déjà cité ; au Darfur, cf. W. M. Brown, Travels in Africa,
Egypt and Syria from the Year 1792 to 1798, Londres, 1799, p. 306 ; au Buganda, cf. J. Roscoe, The
Baganda, p. 304 ; en Angola, cf. I. de Cerqueira, Vida Social Indigena na Colónia de Angola (Usos e
Costumes), Lisbonne, 1947, p. 57 ; au Transvaal, cf. W. Eiselen, The Sacred Fire of the Bapedi,
Johannesburg, 1927.
168. Cf. Duarte Barbosa, Livro em que dd relação do que viu e ouviu no oriente (c. 1518), éd. Augusto
Machado, Lisbonne, 1945, p. 20. Dans le sud du Mozambique, le chef Gungunyana observait
encore la coutume au XIXe siècle, avec cette seule différence : il obligeait ses vassaux à payer un
impôt pour le feu nouveau (cf. Junod, The Life of a South African Tribe, Neuchâtel, 1913, t. II, p. 33.
169. E. Pechuel-Loesch, Die Loango Expedition, t. III, Pt. II, Stuttgart, 1907, pp. 168-173, cité par J. G.
Frazer, The Native Races of Africa and Madagascar, Londres, 1938, p. 149 (Le feu était allumé par un
Jeune garçon et une Jeune fille, qui s’unissaient ensuite en public avant d’être enterrés vivants).
170. Cavazzi, lib. I, j 177.
171. Cf. Van Wing, Études Bakongo. Histoire et Sociologie, p. 146.
172. Cette coutume nous semble d’origine païenne.
173. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 125.
174. Cavazzi, lib. II, § 79.
175. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 352 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 578). Gamito écrivait du
Muata Cazembe : « La volonté et le bon plaisir du Muata sont la loi suprême ; aussi dispose-t-il à
son gré de la vie et des biens de ses vassaux, qu’il domine et gouverne comme des esclaves. Il
n’est pas question de discuter le moindre caprice, on ne peut qu’obéir aveuglément » (cf. A. C. P.
Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1854, p. 350).
176. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 137.
177. Sur ce sentiment que la « créature » avait de son état, cf. Rudolf Otto, Le Sacré, trad. franç.
Paris, 1949, p. 25.
178. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), pp. 128-129.
179. Genèse, XVIII, 27.
180. M.M.A., vol. IV, p. 406 (texte de la fin du XVIe siècle).
181. G. Simonetti, « Giacinto Brugiotti da Vetralla & la sua missione al Congo, 1651-1657 », in Boi.
Soc. Geog. Ital., série IV, vol. VIII (1907), p. 376.
182. Voir infra, chap. III.
49
183. C. C. Wrigley, « The Christian Revolution in Buganda », in Comparative Studies in History and
Society, vol. II, n » 1 (1959), p. 47.
50
Chapitre III. La caste dirigeante, leconseil d’État, le Corps administratifet la garde royale
1. LA CASTE DIRIGEANTE1
1 La société congolaise était constituée, d’une part, d’un petit groupe de conquérants
dominateurs d’origine étrangère (les Bakongo, arrivés avec Lukéni) et, de l’autre, d’un
groupe plus nombreux formant la masse de la population paysanne autochtone.
2 Citons encore une fois ce texte capital de Bernardo da Gallo, qui écrivait au début du XVIIIe
siècle :
3 « ... il est nécessaire de savoir qu’il y a deux peuples dans ce royaume, un arrivé comme
immigrant et l’autre vraiment du pays, celui-ci composé de soumis ou assujettis et l’autre
de dominateurs. Les dominateurs sont ceux qui vinrent [...] avec le premier roi [...] Lukéni
et ils s’appellent Essicongo [Bakongo] ou nobles congolais, habitants de la cité royale. Les
autres, les soumis, sont ceux qui se trouvent dans le pays et ceux des provinces du
royaume, lesquels s’appellent Akkata, Alumbu ou paysans et ruraux »2.
4 Cavazzi (1654-1667) établit également une distinction entre Munesi-conghi [Bakongo],
habitants des villes, et Mobati, habitants de la campagne3.
5 Bien que l’auteur de l’História do Reino do Congo assure que Lukéni avait ordonné à ses
capitaines de se marier avec les filles des autochtones, « les nobles avec les nobles et les
plébéiens avec les plébéiennes, tous portant l’ancien nom de Moxicongos »4, de nombreux
témoignages tendent à prouver que l’élite bakongo avait su rester assez fermée5 par le
maintien de liens de parenté avec la famille royale.
6 Les capitales des provinces, avec chacune un gouverneur et un noyau de population
bakongo, constituaient un quadrillage couvrant le pays et assurant la domination des
conquérants sur les premiers occupants.
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7 Comme nous l’avons vu au premier chapitre, la population autochtone se composait en
partie d’une race pygmoïde devenue aujourd’hui très rare, les Batwa, en partie d’une
population bantoue, les Ambundu.
8 Plusieurs témoins soulignent l’oppression exercée par les conquérants bakongo sur les
populations soumises. Jean François de Rome (1648) note que :
9 « ... lorsqu’un personnage noble passe par un village, ces pauvres villageois doivent lui
donner à manger à leurs frais, même quand il est accompagné de beaucoup de serviteurs.
De fait, ils lui procureraient de la nourriture, mais ses serviteurs sont si insolents qu’ils
n’attendent pas qu’on leur donne ce qu’ils demandent : avec grande brutalité ils se
répandent dans les champs ; les uns les parcourent ici, d’autres là, ils dérobent des
racines, des grains, des poules, des porcs et tout ce qui leur tombe sous la main. Ces
pauvres gens en ressentent une extrême peine et douleur, mais ils n’osent s’y opposer, car
ces larrons sont les esclaves d’un noble ; tout ce qu’ils peuvent faire c’est pleurer et
pousser des cris au ciel. Cette coutume si mauvaise cause la destruction du royaume, car
les gens, voyant leurs biens volés de cette façon, s’abstiennent de semer abondamment et
d’élever de nombreux animaux domestiques ; ils préfèrent souffrir de la pénurie que de
travailler pour les autres »6.
10 L’esclavage existait-il au Congo avant l’arrivée des Européens ? Nul témoignage ne
l’affirme explicitement7, mais celui de Du Jarric (1610) au sujet de l’Angola permet de le
penser. Du Jarric distingue chez les Noirs d’Angola deux sortes d’esclaves : les uns, les
quigicos, esclaves domestiques des gens libres et biens patrimoniaux de la murinda ou
village, les autres, les mobicas, « acquis par droit de guerre, par achat, ou d’autre façon.
Cette espèce aussi est fort ancienne parmi eux, dont même ils se servaient avant que les
Portugais allassent trafiquer en ce pays-là »8.
11 Selon Cavazzi (1654-1667), les Munesi-conghi ou Bakongo passaient leur journée à fumer du
tabac et ne se livraient à aucun travail productif, dépendant entièrement de leurs
esclaves domestiques pour tous leurs besoins9.
2. LE CONSEIL D’ÉTAT
12 Dans une lettre de 1535, D. Afonso I (1506-1543) fait allusion à son « conseil »10, formé,
d’après ce qu’il laisse entendre dans une autre lettre de 1539, de douze membres11. F.
Cappelle (1642) et Dapper (1668) diront qu’ils sont « dix ou douze »12.
13 Il s’agit, semble-t-il, d’un conseil bien plus constitutionnel que représentatif. Il joue un
rôle important dans le choix du nouveau roi au moment des successions13 ; si ses membres
sont chargés de l’exécution des ordres du roi14 (ce qui signifie qu’ils peuvent
simultanément appartenir au corps administratif), ils se réservent un droit de regard sur
ses actions, comme en témoigne F. Cappelle en 1642 :
14 « Le roi de Congo, de même que tous les autres grands chefs du pays, ne gouverne que
selon les avis d’un conseil comprenant dix ou douze Noirs, membres choisis parmi les plus
anciens de la ville de Congo, de sorte que la guerre ne peut être déclarée, des nobles
nommés ou déposés, ni des chemins ouverts ou fermés, sans le consentement de ce
conseil »15.
15 Ces maigres données sont tout ce que nous avons pu découvrir concernant le conseil
d’État.
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3. LE CORPS ADMINISTRATIF
16 Dans tous les grands États bantous, la royauté est flanquée d’un corps administratif de
fonctionnaires, portant des titres honorifiques16.
17 Ce corps administratif comprend les gouverneurs des provinces, les fonctionnaires de la
cour et des prêtres chargés du culte des ancêtres17. Puis, à des échelons inférieurs, on
trouve, sous l’autorité des gouverneurs de provinces (Mani), les chefs de village (Nkuluntu) 18 ; enfin, les neveux des « nobles » et des gouverneurs servent à la cour, comme pages19.
18 Au Congo, les gouverneurs et les fonctionnaires de la cour n’étaient pas nommés à vie : ils
dépendaient du roi, qui pouvait (théoriquement) les révoquer à tout moment20. Lors de la
conquête de Lukéni, il existait une seule exception à cette règle : le gouverneur de Mbata21
. Mais au XVIe siècle, il recevait, lui aussi, sa charge du roi22.
19 Aux XVIe et XVIIe siècles, les fonctionnaires titrés de la cour étaient : a) le Mani-lumbu (Mani
= Mwene, titre honorifique ; lumbu, enceinte, clos, demeure du chef), le majordome du roi,
« le premier personnage après le roi »23 ; b) le Vangu Vangu ou Bangu Bangu ou
Kibangubangu, qui exerçait la fonction de justicier suprême du roi24 ; c) le Mani-bembo,
receveur d’impôts25 ; d) les Mani-pampas ou Mani-bampas, trésoriers26 ; e) le Mani-ssaba,
sorte de « chef de police » (meirinho-mor en portugais) ; f) le Mani-punzo, dont on ignore les
fonctions27. Il y en avait sans doute d’autres, mais leurs noms ne nous sont pas parvenus.
20 A la fin du XIXe siècle, le missionnaire anglais Weeks mentionne le Nemfilantu (mfila-ntu)28,
sorte de premier ministre, dont le nom signifie : « celui qui se meut autour de la tête du
roi » ou « celui sur les genoux duquel le roi peut poser sa tête »29.
21 Toujours selon Weeks, le Nempangu (Mpangu) était l’émissaire du roi auprès des
gouverneurs des provinces. Pour prouver qu’il était porteur des ordres du roi, il
emportait le mpangu, ou sceptre, d’où son titre de Nempangu30. Le Nembila avait pour
fonction de convoquer les chefs devant le roi31. Quant au Nejinguzioka, c’était également
un messager32.
22 Rien ne permet de savoir si ces fonctionnaires, dont les titres sont énumérés par Weeks,
existaient déjà aux XVIe et XVIIe siècles ; en tout cas, on peut certainement admettre que
les messagers royaux sont une institution ancienne.
4. LA GARDE ROYALE
23 Pour assurer sa propre protection et l’exécution de ses décisions, le roi du Congo avait
une garde formée d’esclaves d’ethnies étrangères.
24 « Il [le roi] a une garde », dit Pigafetta (1587), « composée d’Anziques [Bateke] et
d’hommes d’autres nations, qui se tient autour de son palais »33.
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5. RÔLE POLITIQUE DE LA CASTE DIRIGEANTE, DUCONSEIL D’ÉTAT ET DU CORPS ADMINISTRATIF,ENTRE LE ROI ET LE PEUPLE
25 En conséquence de leurs rapports de dominés à dominants, un inévitable esprit de
contestation tend à opposer perpétuellement la caste dirigeante et le conseil d’État au roi,
le peuple à la caste dirigeante et au conseil d’État.
26 Si le roi a peu de personnalité, n’a guère d’envergure politique, il peut devenir
l’instrument du conseil d’État, exprimant la volonté de la caste dirigeante, qui tient alors
réellement les rênes du pouvoir. Si, par contre, le roi réussit à obtenir l’adhésion du
peuple, il peut se sentir assez fort pour passer outre à une éventuelle opposition de la
caste dirigeante et du conseil d’État. Les membres du corps administratif auront, dans ce
cas, à choisir entre le roi et le conseil d’État, et s’ils optent pour celui-ci, ils risquent d’être
chassés par celui-là qui les remplacera par des fonctionnaires recrutés ailleurs que dans le
conseil d’État ; sans même puiser dans la caste dirigeante, il peut accorder charges et
titres à de simples esclaves34.
27 Au cours du premier tiers du XVIIe siècle, l’autorité personnelle du roi s’accroît dans la
capitale, tandis que celle du conseil d’État et de la caste dirigeante va en déclinant. En
1632, l’entourage du roi Alvaro IV (1631-1636) est composé d’esclaves, car « il n’a plus
confiance dans les nobles ni dans les conseillers qui ne le sont que de nom »35.
28 Il est probable que ce fut la présence, au service du roi, d’Européens avec leurs armes à
feu qui lui permit de s’imposer de plus en plus. C’est « chose tellement importante pour
lui », déclare un témoin de 1607, « qu’on sait qu’il aurait déjà été battu, si ses ennemis
n’avaient pas une si grande crainte de ces Portugais »36.
29 A la fin du XVIIIe siècle, alors que la grandeur du royaume du Congo n’est plus qu’un
souvenir, la situation du roi est bien différente de ce qu’elle était presque deux siècles
auparavant.
30 « Son autorité », dit Raimondo da Dicomano (1795), « existe seulement dans son
imagination et dans celle de ses conseillers [...]. Le roi n’a pas le droit de sortir hors de sa
case sans le consentement de ses conseillers... »37.
31 Au milieu du XIXe siècle, la situation est sensiblement la même. En 1845, selon A. J. Castro,
les provinces sont gouvernées par les parents du roi, « et chacun gouverne son État avec
une indépendance absolue ». La seule prérogative du roi est de ratifier les condamnations
à mort38.
*
32 Dans de nombreuses sociétés africaines, à la mort du souverain, les membres du corps
administratif et un certain nombre de femmes, les siennes ou d’autres, sont enterrés avec
lui, pour l’accompagner et le servir dans l’autre monde39.
33 Dapper affirme que cette coutume existait dans le Congo pré-chrétien mais, selon lui, il
s’agissait uniquement de l’enterrement de femmes :
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34 « C’était anciennement la coutume que douze jeunes vierges s’enterrassent avec lui [le
roi] toutes vives, pour aller le servir dans l’autre monde. On se battait pour être de ce
nombre [...]. On est obligé au Christianisme de l’abolition d’une si cruelle coutume »40.
35 Abolie durant l’époque de ferveur chrétienne, aux XVIe et XVIIe siècles, la coutume
ressuscita lors de la décadence du royaume, comme en témoigne Winwood Reade au
milieu du XIXe siècle41.
36 Parlant du Congo pré-chrétien, un auteur italien du début du XVIe siècle déclare que l’on
enterre avec le roi des membres du corps administratif : « Ses ministres les plus chers
suivent le roi défunt et se donnent eux-mêmes la mort, estimant qu’ils font cela par
amour pour lui et pour continuer à le servir »42. Bien que le fait soit vraisemblable, la
valeur de ce texte n’en est pas moins fragile, car il ressemble trop étroitement par le style
au texte de Diodore déjà cité ; compte tenu du climat intellectuel de l’époque, il n’est pas
impossible qu’il ait été simplement emprunté à l’auteur grec.
37 On notera que, dans certains cas, ceux qui accompagnent le roi le font de leur plein gré,
alors que dans d’autres on les contraint à le suivre. Dans les premiers, il semble que la
position religieuse du roi soit prépondérante, dans les seconds c’est le despotisme
(représenté par le successeur du roi défunt) qui domine.
NOTES
1. Nous croyons qu’il est licite d’employer le terme « caste », d’après la définition qu’en donne
Max Weber (cf. H. H. Gerth et C. Wright Mills, From Max Weber, New York, 1958, pp. 188-190 et
396-415).
2. Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst.
Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 481.
3. Cavazzi, lib. I, § 159. Cavazzi donne au mot une forme plurielle italienne. Ce sont les Mobatta,
dont parle Jérôme de Montesarchio (1650) : « gli Mobatta che é la gente della terre » (cf. O. de
Bouveignes et J. Cuvelier, Jérôme de Montesarchio, Namur, 1951, p. 81). Mobatta est de toute
évidence un mot singulier, le pluriel serait-il Akkata ?
4. H.R.C., in Felner, Angola, p. 377 (texte de c. 1655).
5. Cf. Felner, Angola, pp. 473-476 (texte de 1619) ; P.M., pp. 174-179 (texte de 1624) ; P.M., pp.
350-355 (texte de 1710) ; M.M.A., vol. X, pp. 124 et 484 (texte de 1650) ; O. de Bouveignes et J.
Cuvelier, Jérôme de Montesarchio, Namur, 1951 ; A. J. Castro, « Roteiro da Viagem ao Congo »
(1845), in Bol. Soc. Geog. Lisboa, 2e sér., n° 2 (1880), p. 66 (les provinces sont gouvernées par les
parents du roi).
6. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 116. Le pape Alexandre VII écrivit au roi D.
Garcia II (1641-1661) pour l’exhorter à mettre fin « aux vexations et oppressions de la noblesse
envers les pauvres et les humbles », cf. P.M., p. 238. Naturellement, rien n’y fit.
7. J. Cuvelier et L. Jadin (L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 65) affirment, sans en
donner la référence, que des esclaves furent offerts par le roi D. João I aux Portugais lors de leurs
premières visites. Nous ne connaissons personnellement aucun texte faisant allusion à un tel
geste.
55
8. Du Jarric, De l’Histoire des choses les plus mémorables... (seconde partie), Bordeaux, 1610, vol. II, p.
79, et M.M.A., vol. III, p. 228 ; aussi Cavazzi, lib. I, $ 330.
9. Cavazzi, lib. I, § 159.
10. M.M.A., vol. II, p. 39 (« meu cõselho »).
11. Ibid., p. 73 (« Dom Manuel... dos doze da nosa corte »).
12. F. Cappelle, in L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull. de
l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 228, et O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, pp. 576
et 582.
13. Dapper, op. cit., p. 582.
14. Ibid., op. cit., p. 576.
15. F. Cappelle, in L. Jadin, art. cit., loc. cit. L’Unde, chef des Maravi se trouvait entouré d’un conseil
analogue (cf. A. C. P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1854, p. 53).
16. On le constate chez les Bakuba (cf. J. Vansina, Le Royaume Kuba, Tervuren, 1964, pp. 122-134) ;
en Angola (1680), cf. A. de Oliveira de Cadornega, História Geral das Guerras Ango-lanas (1680). t. I,
pp. 28-29) ; au Buganda, (cf. J. Roscoe, The Baganda, chap. VIII, pp 232-270) et au Monomotapa (cf.
A. Bocarro (1635), in G. M. Theal, Records of South Eastern Africa, vol. III, pp. 260-268).
17. Le rôle social des prêtres au Congo est inconnu ; rien ne permet de savoir quels furent leurs
rapports avec le pouvoir. Lors de la christianisation, les rois rompirent, en principe, avec le
religieux païen. Si, comme c’est probable, ils ont continué par la suite à observer les anciennes
pratiques, nul écho ne nous en est parvenu dans les écrits des missionnaires, à qui, d’ailleurs, on
aurait essayé de le cacher. Chez les Bakuba, le conseil – bangwoom incyaam – semble constituer
une sorte de clergé officiel (cf. J. Vansina, Le Royaume Kuba, Tervuren, 1964, p. 99). Dans l’Angola
moderne, le Nganga ou devin intervient dans les assemblées des anciens de la tribu pour trancher
les différends en invoquant les esprits des ancêtres, mais on ignore la nature exacte de son rôle
(cf. I, de Cerqueira, Vida Social Indigena na Colónia de Angola, Lisbonne, 1946, p. 11). Le rôle politico-
religieux du Swikiro, ou médium-prêtre, chez les Shona de Rhodésie est plus clairement connu (cf.
G. K. Garbett, « Religious Aspects of Politicai Succession among the valley Korekore, (N. Shona) »,
in E. Stokes and R. Brown, The Zambesian Past, Manchester University Press, 1965, pp. 137-170).
18. Les Nkuluntu sont mentionnés par Cavazzi, lib. IV, § 3 (« Colunti ò gouvernatori deUe
Libatte... ») ; par Dionigi de Carli da Piacenza et Michel Angelo de Guattini da Reggio, Viaggio... nel
regno del Congo (1666-1667), p. 111, (« ... il Sig. di quella Libatta, che in loro lingua chiamano
Macolonto... ») ; et par Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo (1716), p. 73 (« ... En la
cuidades y villas tienen sus gobernadores, a quien llaman Coluntos, estos corren con los negocios
civiles y criminales... »). Le nkuluntu correspondrait au Kubol chez les Bakuba (cf. J. Vansina, Le
Royaume Kuba, Tervuren, 1964, pp. 87-90).
19. On les envoyait apprendre l’étiquette de la cour ; ils étaient directement au service du roi et
portaient des messages. Leurs oncles versaient une pension au roi pendant la durée de leur séjour
à la cour (cf. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 41). Nul témoignage ne signale cette
pratique au Congo aux XVIe et XVIIe siècles, mais on sait qu’elle est ancienne et très répandue en
Afrique. On la constate au Buganda (cf. J. Roscoe, The Baganda, p. 205) et au Monomotapa au XVIIe
siècle (cf. A. Bocarro (1635), in G. M. Theal, Records of South East Africa, vol. III, p. 267).
20. H.R.C., (c. 1655), in Felner, Angola, p. 377. H en est de même au Ruanda, cf. M. de Hertefelt, et
al., Les Anciens Royaumes de la zone interlacustre méridionale, Ruanda, Burundi, Buha, Tervuren, 1962,
p. 63.
21. Cavazzi, lib. II, § 88.
22. P.M., p. 51 (lettre de D. Alonso I, de 1525).
23. M.M.A., vol. VII, p. 382 (texte de 1625). Selon Weeks (1892), il ne devait jamais quitter
l’enceinte royale (cf. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 42).
56
24. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, pp. 131 et 134 (texte de la
fin du XVIe siècle). Ses fonctions correspondent à celles du « Président du Conseil Royal en
Espagne ».
25. Id., p. 526, note 3. A la fin du XIXe siècle, il s’appelle Mfutila (cf. J. H. Weeks, op. cit., p. 43),
26. M.M.A., vol. V, pp. 115 et 284 (textes de 1604 et de 1607).
27. M.M.A., vol. I, p. 440 (texte de 1526).
28. Cf. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 306.
29. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 43.
30. Id., p. 42.
31. Id., loc. cit.
32. Id., loc. cit.
33. Pigafetta, lib. II, cap. vii. Le roi de Quiteve (marche du Monomotapa) avait une garde de 200 à
300 hommes, appelée infices (cf. João dos Santos, Ethiopia Oriental, Evora, 1609 ; lib. I, cap. X, (t. I, p.
72 de l’éd. de Lisbonne, de 1891). Le roi du Dahomey avait une garde personnelle de 80 femmes
(les célèbres Amazones), cf. Clado Ribeiro de Lessa, Viagem de Africa em o Reino de Dahomé escrita
pelo Padre Vicente Ferreira Pires, no ano 1800, Biblioteca Pedagógica Brasileira, vol. 287, São Paulo,
1957, p. 74.
34. La tendance des rois à choisir des esclaves pour exécutants de leurs volontés est
fréquemment attestée en Afrique. La notant au sujet de l’Angola, Cadornega (1680) remarque
que, du fait de sa condition d’esclave, l’élu n’avait pas de vassaux (entendons ici « clients »), avec
qui il pourrai ! conspirer contre le roi (cf. A. de Oliveira de Cadornega, História Geral das Guerras
Angolanas, t. III, p. 253). Le premier roi de Cazembe (marche orientale de l’empire Lunda) était
« un fils d’esclave » du Mutaianvo, le roi des Lundas. Il avait été nommé par celui-ci intendant des
salines dans une région de l’empire, avant de revendiquer son indépendance (cf. Pedro João
Baptista, « Lembrança da partida do Muata Yanvo para terra do Cazembe Caquinhata, [1810], in
Annaes Maritimos e Coloniaes (1843), p. 437.
35. Cf. O Gouerno de Fernão de Sousa, cod. 51-VIII-30 fis. 25 à 27 (v) (doc. de 1631). Ms. de la
Bibliothèque d’Ajuda, Lisbonne, cité par Maria Adélia Victor de Mendonça, O Governo de Fernão de
Sousa em Angola, 1624-1630, thèse dactylographiée, Coïmbre, 1963, p. 327. Nous sommes
reconnaissant à Monsieur Alfredo Margarido de nous avoir permis de consulter l’exemplaire en
sa possession.
36. M.M.A., vol. V, p. 386, « Relação da Costa da Guiné » (1607).
37. Cf. L. Jadin, « Relation sur le royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano (1791-1795) »,
in Bulletin des Séances de l’A.R.S.C, nouv. sér., vol. III, n° 2 (1957), p. 328.
38. A. J. Castro, « Roteiro da Viagem ao Reino do Congo em Junho 1845 », in Bol. Soc. Geog. de
Lisbonne, 2e sér., n° 2 (1880), p. 66.
39. A Méroë, selon Diodore de Sicile (c. 60 av. J.-C), « ... il est d’usage qu’à la mort du roi tous ses
amis se laissent mourir volontairement ; ils croient par là donner des témoignages glorieux de
leur affection sincère ». (Cf. Diodore de Sicile, liv. III, chap. vu). L’archéologie confirme Diodore :
pendant le « Middle Kingdom » (2150-1770 av. J.-C), les rois de Cush étaient accompagnés dans la
mort par des centaines de serviteurs, enterrés avec eux (cf. G. A. Reisner, in Harvard African
Studies, vol. V (1923), pp. 67 et sq. Au Quiteve (1609), chez les Jagas de Cassange (1659), au Janjero
(1615) au sud de l’Éthiopie et au Buganda (fin du XIXe siècle), les serviteurs destinés à servir le roi
défunt dans son autre vie ne se suicidaient pas, ils étaient mis à mort par le successeur (cf. João
dos Santos, Ethiopia Oriental, Evora, 1609, lib. I, cap. vu, t. I, p. 60 de l’éd. de Lisbonne, 1891 ;
Cavazzi, lib. VII, § 42 ; G. W. B. Huntingford, Some Records of Ethiopia, Hakluyt Society, Londres,
1954, p. 160 ; J. Roscoe, The Baganda, p. 106). Sur la même coutume chez d’autres peuples en
Afrique, cf. P. Hadfield, Traits of Divine Kingship in Africa, chap. VI, et chez les Bantous du sud-est,
Olof Petterson, Chiefs and Gods, Lund, 1953, pp. 301-303.
57
40. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 353 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 580). La même coutume
est attestée chez les Bateke au XVIIe siècle (cf. M.M.A., vol. IV, p. 369).
41. Winwood Reade, Savage Africa, Londres, 1864, p. 358 (enterrement de femmes).
42. Raffaello Maffei da Volterra, Commentariorum Urbanorum, libri XXXVIII, Rome, 1506, f° 138 (r°).
58
Chapitre IV. L’économie
1. LES PLANTES ALIMENTAIRES
1 Longtemps avant l’arrivée de Lukéni, les habitants du Congo connaissaient déjà
l’agriculture, mais rien ne nous permet de déterminer à partir de quelle époque.
2 Quand vinrent les Européens, les Congolais cultivaient trois sortes de céréales : le
Massambala ou sorgho, le Massango ou millet à chandelle (pennisetum) et le Luco, (eleusine
coracana) 1.
3 Mais, selon un texte de la fin du XVIe siècle, « leur nourriture quotidienne était l’igname »2
.
4 Ils cultivaient aussi des bananes, dont deux espèces sont mentionnées par les auteurs
anciens, le maiongio3, ou mankonda4, ou dihonjo5, la banane plantain (musa paradisiaca), et le
niceffo, la banane telle qu’elle est connue en Europe aujourd’hui (musa sapientum) 6. Toutes
deux ont été introduites à travers le continent, depuis l’océan Indien, à une époque
inconnue7.
5 Des légumineuses8, la canne à sucre9, les palmiers donnant de l’huile et le vin appelé
malafo10, le safutier11 et de nombreuses espèces de cucurbi-tacées figuraient également au
régime alimentaire congolais.
2. LES ANIMAUX DOMESTIQUES
6 On sait que les Congolais possédaient des animaux domestiques : le chien12, le bœuf, le
mouton, la chèvre13 et la poule14 ; mais on ignore à partir de quelle époque. Au XVIe siècle,
ils avaient « une multitude innombrable » de bœufs et de moutons15. Seuls le roi et les
« nobles » avaient droit au gros bétail16. D’ailleurs, les bovins ne prospéraient pas au
Loango ; ceux qui étaient introduits au Congo par les Portugais mouraient17, sans doute à
cause de la mouche tsé-tsé. Par contre, il y avait des chèvres et « une abondance de
poules ». Au Mayombe, même les poules manquaient18. H. H. Johnstone et A. Barroso
soutiennent que le cochon19 existait en Afrique bantoue avant l’arrivée des Européens20.
7 Les Congolais ignoraient la traction animale. Leurs moutons ne donnaient pas de laine21.
59
3. L’AGRICULTURE
8 Tous les travaux agricoles étaient effectués par les femmes. Selon Cavazzi, « les hommes
refusent absolument d’y prêter la main »22. Cela est vrai pour les semailles, mais c’étaient
tout de même des hommes (des gens du commun et non pas de la caste dirigeante) qui
préparaient le sol, abattant et brûlant les arbres et la végétation23. La charrue était
inconnue, ainsi que les principes de l’irrigation et de la fumure24.
9 Pour travailler les champs, on se servait de la houe. « Ils grattent un peu la terre, assez
pour recouvrir la semence. Moyennant cette légère fatigue, ils font des récoltes
abondantes à condition que les pluies ne fassent pas défaut. Si le temps reste au sec, tout
se dessèche et les gens sont réduits à une grande pénurie de vivres, car ils n’amassent pas
de réserves pour l’avenir et ne sèment que le nécessaire »25. Parfois, une invasion de
sauterelles anéantissait tout espoir de récolte26.
10 Si la terre donnait deux récoltes par an (sauf pour le sorgho et le millet, une fois l’an) 27, le
bas peuple était obligé de se nourrir en partie de la cueillette, surtout juste avant la
récolte de l’année28.
11 Malgré leurs « excellentes terres », écrit un témoin en 1619, souvent les Congolais
« mouraient de faim parce que trop indolents pour les cultiver »29. Ils ne conservaient
jamais la récolte d’une année à l’autre30.
4. LE TRAITEMENT DES PRODUITS ALIMENTAIRES.LA CUISINE
12 Pour transformer leurs céréales en farine, les Congolais se servaient de mortiers en bois.
Après avoir pilonné le grain dans le mortier, ils l’écrasent sur des pierres creuses jusqu’à
le « réduire presque en farine »31. Pour préparer leur nourriture, « ils mettent une
marmite d’eau sur le feu, et tandis que l’eau bout, ils y versent de la farine qu’ils
retournent continuellement avec un bâtonnet ; ils en mettent jusqu’à ce que l’eau soit
absorbée ; il en résulte une sorte de masse pâteuse, ou disons une sorte de polenta. On
l’extrait de la marmite et on la laisse quelque temps couverte d’étoffes pour qu’elle
durcisse un peu [...]. Elle ne se conserve pas plus de trois jours, car après elle se corrompt,
devient aigre et n’est plus bonne à être mangée. Cette sorte de pain, ils l’appellent dans
leur langue mfundi »32.
13 On ignore dans quelle mesure les Congolais consommaient de la viande, mais ce devait
être très peu.
14 Par ailleurs, on sait que les Africains tentaient de palier la monotonie de leur régime
alimentaire par la consommation de légumes verts33. Dapper (1668) parle de l’usage « des
herbes potagères insansi, imboa et insua » au Loango34.
5. LA PROPRIÉTÉ
15 La terre congolaise appartenait au roi, ou plutôt au royaume ; on la considérait comme
inaliénable, même par le roi. A la mort d’un Congolais, ses biens immobiliers (maisons et
60
terres) revenaient au roi ou aux chefs qui en disposaient à leur gré35. Cette règle excluait
toute possibilité d’accumulation de capital par une famille à travers les générations.
16 Un testateur pouvait certes léguer ses biens meubles à un héritier, qui jouirait de
l’usufruit, mais seulement avec l’assentiment du roi ou du chef36. Cavazzi évoque un
testament qu’il a rédigé pour un Congolais : celui-ci léguait à ses deux fils deux pagnes,
une petite houe et quelques calebasses et pots ; à sa femme un seul pagne et un petit pot37.
Une pratique interdisait, selon Cavazzi, à un seul individu de posséder plus de vingt
chèvres, cochons ou moutons, et jamais plus d’une seule espèce à la fois ; s’il dépassait ce
nombre, « il serait tué par envie »38.
17 Giacinto Brugiotti da Vetralla, qui corrobore Cavazzi sur ce point, affirme que ces
coutumes expliquent pourquoi les Congolais ne cherchaient pas à accumuler des richesses39. « La politique du roi », écrit-il ailleurs, « tend à les maintenir dans la pauvreté »40. Si
l’on en croit George M. Forster, cette attitude des Congolais serait typique de toute société
paysanne, où beaucoup d’observateurs constatent une « mentalité de méfiance
réciproque » (mentality of mutual distrust). A la différence de la nôtre, de telles sociétés
restent attachées à la croyance que la somme des biens, dans l’univers, est immuable et
qu’un individu ne peut s’enrichir qu’aux dépens de quelqu’un. Leur vision du monde
semble fondée sur la notion de la rareté et non de l’infinité des biens que peut offrir la
vie. Une personne ordinaire enrichie constitue une menace pour la communauté, d’où la
mise en œuvre de mécanismes sociaux pour empêcher d’éventuels déséquilibres41.
18 Il y a certes des différences, des riches et des pauvres, mais c’est le pouvoir qui en décide.
Ces inégalités entrent donc dans le cadre de la hiérarchie sociale et soulignent la
gradation : menu peuple, grands du royaume, roi, ancêtres, héros-fondateur. Comme
toute société traditionnelle, la société congolaise avait horreur du self-made man42.
6. LES COMMUNICATIONS
19 Les Congolais n’ayant ni bêtes de somme, ni véhicules, il n’y avait pas de routes, à
proprement parler, au Congo. Les sentiers (« pas plus larges que le quart d’une canne »43 –
c’est-à-dire entre 50 et 60 cm) étaient vite envahis par les broussailles. Lors du passage
d’un personnage important, les chefs donnaient l’ordre de nettoyer et de dégager les
chemins44.
20 Il n’y avait pas non plus de vrais ponts. Il arrivait toutefois aux Congolais de tendre, d’une
rive à l’autre d’un fleuve, des cordages faits de branches et de racines d’arbres
entrelacées : ils traversaient à la nage, le corps à demi immergé, en s’y accrochant45.
21 Sur les fleuves, les Congolais se servaient de pirogues (lungu) pouvant transporter selon
Pigafetta jusqu’à 200 personnes46. Quant à la mer, il ne semble pas qu’ils se soient
aventurés plus loin que le trajet de Mombales à Kakongo, c’est-à-dire, pratiquement, d’un
côté de l’embouchure du Congo à l’autre47.
7. LE COMMERCE
22 Il se divisait en deux types : les marchés locaux et les échanges à longue distance. On est
en droit de penser que les Congolais les pratiquaient tous deux avant l’arrivée des
Européens48.
61
23 Dès 1582-1583, un témoin en Angola rapportait : « Outre les marchés particuliers que
chaque chef organise sur ses terres, il y en a d’autres, généraux, à certaines époques, où
l’on vient de partout »49.
24 Bien plus tard, en 1747, Hyacinthe de Bologne écrivait : « Parmi toute population un peu
dense, on rencontre, comme en Europe, la coutume et l’usage des marchés »50. Les
échanges s’y faisaient sans que les « prix » varient. « ... Et jamais, dit le même auteur, ne
naissent ou encore moins ne s’étendent entre eux [les Noirs] des contestations, car le prix
ou le troc de chaque chose est tellement bien déterminé et entendu, que jamais ne se
produit ou ne se découvre une tromperie ou une fraude. Chose qui doit faire rougir les
chrétiens »51.
25 Le roi de Loango, selon Proyart (1776), « fixe le prix des denrées »52. « Jamais [dans les
marchés] on n’y marchande »53.
26 Ainsi, sur de longues périodes, les prix des objets de production et de consommation
locales ne variaient pas, ou à peine. Le libre jeu du marché est inconnu dans l’Afrique
traditionnelle. Grâce à deux documents de la seconde moitié du XVIe siècle et un du début
du xxe, nous pouvons nous faire une idée des rapports de valeur entre différents objets
échangés sur les marchés.
27 Selon un document de 1563 :
1 « pierre » de sel = 3 chapons3 « pierres » de sel = 1 chèvre ou 1 mouton14 ou 15 « pierres » de sel = 1 bœuf ou 1 vache54.
28 Selon un document de 1582-1583 :
2 poules = 1 chapon2 chapons = 1 « pierre » de sel2 « pierres » de sel = 1 mouton5 moutons = 1 esclave ou 1 bœuf55.
29 Au début du XXe siècle, chez les Ba-Huana, qui habitent les bords du Kwilu, les
équivalences sont les suivantes :
20 mitako (barre de cuivre de 16,5 cmde long et 3 mm de diamètre) = 1 poule100 mitako = 1 « sel » (1 à 1,5 kg)2 « sels » = 1 bouc4 « sels » = 1 grande chèvre10 à 20 « sels » = 1 esclave (femme)20 « sels » = 1 esclave (homme)56
30 Il est évident, d’après ces exemples, que les « prix » sont demeurés relativement stables
pendant quatre siècles, cela parce que les conditions de l’offre et de la demande sur le
marché n’avaient pas d’influence sur la production57. Même si le milieu écologique l’avait
permis (le stockage de produits agricoles d’une saison à l’autre était inconnu), un individu
plus entreprenant et songeant à faire jouer à son profit d’éventuels décalages entre l’offre
et la demande eût été honni de tous. « L’avancement et la bonne fortune d’autrui », dit
Cavazzi, « les piquent à vif ; ils éclatent en mille méchancetés, recourent aux insultes et
persécutions, inventent des impostures, des calomnies, des violences et des perfidies pour
s’opposer aux desseins d’un rival et pour les faire échouer, jusqu’à ce que celui-ci tombe
en disgrâce auprès du roi ou des autorités, et qu’ils aient la certitude qu’il ne relèvera plus
la tête »58.
62
31 Plus de deux siècles plus tard, il en était encore ainsi au Congo. Andrade Corvo observait à
propos des Congolais, en 1883, que « si un noir, par son habileté ou son activité
commerciale, amassait une petite fortune supérieure à la moyenne des autres, il était
aussitôt accusé de sorcellerie et ses biens répartis entre tous »59. Ces sanctions sévères,
prises contre « l’esprit d’entreprise » sont peut-être en fait la preuve même de
l’apparition de ce phénomène au contact des Européens. Nous verrons dans un autre
chapitre comment la découverte du commerce à l’européenne transformera en véritables
crises, au début du XVIe siècle, ces tensions remarquées par Cavazzi et Andrade Corvo.
32 Le commerce à longue distance était contrôlé soit par le roi, soit par les gouverneurs des
provinces. Le degré de monopole dont pouvait jouir le roi dépendait de son autorité sur
les provinces ; il varie à travers l’histoire du royaume. Il s’agit, dans ce cas, d’échanges
entre des régions d’écologie différente, n’ayant pas les mêmes produits. Ainsi le sel,
provenant des salines et des mines de sel de la côte, transite vers l’intérieur60. Des régions
de la forêt dense dans l’intérieur, notamment autour de Stanley Pool, des nattes de raphia
partent vers la côte61. Un témoin de 1563 note que l’Angola étant plus riche que le Congo
en gros bétail, on en exportait vers le nord en échange de marchandises portugaises62. Il
est probable, mais non certain, que ce commerce de bovins existait avant la période
européenne. Il est en tout cas impossible de savoir comment il était organisé, les
Européens en ayant modifié les structures dès les premières années.
33 Un certain type de coquillage, appelé zimbu (olivancillaria nana)63 pêché dans l’île de
Luanda par les Congolais64, était acheminé par terre vers la capitale de São Salvador65 où,
selon Duarte Pacheco Pereira (c. 1508), ils avaient cours de monnaie66. En 1491, lors de la
première visite des Portugais dans la capitale, le roi leur offrit « plusieurs milliers de
zimbu », mais rien ne prouve explicitement qu’à cette époque le zimbu y servait à acheter
des vivres, car il offrit également des moutons, du sorgho, des poules, du miel, du vin de
palme et des fruits67. Il se peut qu’à l’époque pré-européenne, le zimbu n’ait servi, dans
l’intérieur, que pour le commerce à longue distance.
34 Aux XVIe et XVIIe siècles, la présence de coquillages marins est attestée jusque chez les
Bateke68.
35 On ignore si l’encaissement, le contrôle et la distribution de cette monnaie étaient
organisés de manière systématique. On peut en douter. Duarte Pacheco Pereira (c. 1508)
écrivait que « ... lorsque le Mani-Congo [le roi du Congo] veut faire une grâce à certains de
ses gentilshommes [fidalgos], ou récompenser d’un service qu’on lui a rendu, il ordonne de
leur donner un certain nombre de zimbu... » 69. L’importance de ces dons devait dépendre
de l’humeur du roi, plutôt que répondre à une tarification fixe.
36 D’autre part, on peut se demander comment le pouvoir, établi à São Salvador, parvenait à
contrôler à distance la production de zimbu à Luanda. Pourtant, ce contrôle semble avoir
été efficace, et s’être maintenu même après l’installation des Portugais à Luanda en 1575.
Domingos de Abreu de Brito écrivait en 1591 que l’île de Luanda se trouvait sous l’autorité
de trois gouverneurs : le Mani-Loanda, le Mani-Bamba et le Mani-Poso, assistés d’un Noir
lettré70. « Les dits gouverneurs et agents ont reçu ordre du roi du Congo [...] de s’abstenir
le plus possible de toute forme de communication avec les Portugais, ou avec leurs
esclaves, afin de maintenir ceci [la production du zimbu] sous le couvert du secret, et de
parer au danger qu’ils [les Portugais] en prennent connaissance »71.
37 En dehors de la capitale, le zimbu n’a cours que dans les provinces du Soyo, du Mpemba,
de Mbamba, de Oembo, et de Oandu. Plus à l’est dans les provinces de Mbata, Mpangu,
63
Nsundi, Ocanga, ainsi que dans les régions de Sanga et Mazinga, ce sont les nattes de
raphia qui servent de monnaie72. Le Congo ne possédait donc pas une monnaie unique.
8. L’ARTISANAT
38 Existait-il, chez les Bakongo des artisans vivant uniquement de leur métier73 ? Il semble
bien que non. Les métiers de forgeron et de tisserand (des nattes de raphia) étaient
exercés par la noblesse : les Munesi-Conghi (Bakongo), classe privilégiée, servie par ailleurs
par des esclaves74. Selon Cavazzi, les Munesi-Conghi n’avaient un métier que pour meubler
leur oisiveté75. C’est sans doute aller un peu loin. Il est certain, cependant, que si les
Munesi-Conghi n’avaient pas besoin d’assurer leur subsistance par leur travail, celui-ci
pouvait néanmoins garantir leur prestige et affermir leur position sociale, objectif
éminemment souhaitable. Ce qu’il importe de souligner, c’est que le statut social
privilégié est bien la condition, et non pas la conséquence de l’exercice d’un métier.
NOTES
1. Pigafetta (1587), lib. II, cap. i ; voir aussi História do Reino do Congo (c. 1655), ms. anon. n° 8080 de
la Bibliothèque Nationale de Lisbonne, cap. 12, f° 13 (r°). (Le passage relatif aux plantes
alimentaires n’est pas reproduit parmi les extraits de ce manuscrit publiés par Felner, Angola, pp.
375-379) ; voir également Gavazzi, lib. I, § 51. L’auteur de l’História do Reino do Congo établit une
distinction entre Massambala et Massamantira, le premier étant de couleur blanche et le second
rouge. Cavazzi affirme que Massamanlira est le nom Kimbundu pour Massambala. Le mot
Massamantira ne figure pas dans la liste des céréales africaines que donne R. Portères : « Les
appellations des céréales en Afrique », in Journal d’Agriculture tropicale et de Botanique appliquée,
Paris, vol. V (1958), nos 1 à 11 et vol. VI (1959), n° s 1 à 7 ; ni dans celle de John Gossweiller,
« Nomes Indígenas de Plantas de Angola », in Agronomia Angolana, Luanda, n° 7 (1953) pp. 1-587.
2. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 117.
3. Cavazzi, lib. I, § 73.
4. W. H Bentley, Pioneering on the Congo, vol. I, p. 121.
5. J. Gossweiller, art. cit., p. 471.
6. Pigafetta, lib. II, cap. I ; Jean François de Rome, Brève Relation (1648), (pp. 18 et 94 de l’éd. de
François Bontinck). Cavazzi, lib. I, g 83, et John Gossweiller, art. cit., p. 471.
7. Cf. D. N. McMaster, « Speculations on the coming of the banana to Uganda », in Uganda Journal,
vol. 27, n° 2 (1963), p. 175.
8. Cf. Jean François de Rome, Brève Relation (1648) ; pp. 95-96, et Cavazzi (1654-1667) ; lib. I, § 51. Il
s’agit du pois souterrain (Voanzeia subterranea), le pois d’Angola (Cajanus indica), le Wandu, dit pois
du Congo (Cajanus cajan).
9. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 117 (texte de la fin du XVI
e siècle). Il semble prouvé que cette plante ne fut pas introduite par les Européens, du fait que sa
présence est attestée 23 lieues au sud du cap Lopez, vers 1508, par Duarte Pacheco Pereira (cf. id.,
Esmeraldo de Situ Orbis, éd. Acad. Port. de Hist., Lisbonne, 1954, p. 163.
64
10. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 91, et Cavazzi (1654-1677), lib. I, § 66, 69 et 70.
Il s’agit de elaeis guineensis, raphia vinifera, raphia gentili et raphia laurentii. Homero de Liz Abreu
Velho et Joaquim Lopes Xabregas ont publié une carte de la distribution de elaeis guineensis en
Angola dans Agronomia Angolana, n° 3 (1950), p. 134.
11. Cf. K. Laman, The Kongo, t. I, p. 50. Aucun témoignage ancien n’en parle.
12. Aucune source ancienne ne parle du chien, mais comme il s’agit du plus commun des
animaux domesUques, que même les Hottentots et les Bochimans en possédaient, il y a tout lieu
de supposer que les Congolais l’avaient aussi. Sur les animaux domestiques en Afrique, voir G. R.
Boettger, Die Haustiere Afrikas, léna, 1958, et H. Kroll, « Die Haustiere der Bantu », in Zeitschrift für
Ethnologie, t. 60 (1928), pp. 177-290.
13. Cf. História do Reino do Congo (c. 1655), ms. déjà cité.
14. M.M.A., vol. VI, p. 378 (texte de 1619).
15. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 117 (texte de 1595).
16. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 98.
17. Andrew BatteU (c. 1610), in E. G. Ravenstein, The Strange Adventures.... p. 63.
18. Id., in op. cit., p. 53.
19. Mentionné dans un texte de 1595 (cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives
romaines, p. 198).
20. H H. Johnstone, « On the races of the Congo and the Portuguese Colonies in Western Africa »,
in Journal of the Anthropological Institute, vol. 13 (1883), p. 475 ; António Barroso, « O Congo, seu
passado, presente e futuro » (1889), in A. Brásio, D. António Barroso, Missionário, Cientista, Missiólogo,
p. 114.
21. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 198.
22. Cavazzi, lib. I, § 52.
23. Ibid., lib. I, § 159.
24. La fumure et l’irrigation étaient toujours inconnues en 1918 (cf. José de Oliveira Ferreira
Diniz, Populações Indigenas de Angola, Coimbre, 1918, p. 73.
25. Jean François de Rome, Brève Relation (1648, p. 89).
26. Cavazzi, lib. I, § 52.
27. História do Reino do Congo (c. 1655), ms. cité, f ° 13 (r°), et Cavazzi, lib. I, § 51 ; cf. aussi Juan
Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo (1716), p. 67.
28. Cavazzi, lib. I, § 52 et § 287.
29. M.M.A., vol. VI, p. 378.
30. Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo (1716), p. 67. Les peuples de la vallée du
Zambèze par contre, ne voyaient jamais le fond de leurs greniers (quitûras) ; une récolte ne
s’épuisant pas avant ia suivante (cf. António Gomes, « Viagem que fez... » (1648), in Studia, n° 3
(1959), p. 220).
31. Cavazzi, lib. I, § 285.
32. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), pp. 89-90.
33. R. Howman, « The Native Labourer and his food », in NADA, Salisbury (Rhodésie), n° 19 (1942),
pp. 3-24.
34. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 522.
35. Giuseppe Simonetti, « Giacinto Brugiotti da Vetralla e la sua Missione al Congo (1651-1657) »,
in Boll. Soc. Geog. Ital., vol. VIII (1907), n » 5, p. 374. Un texte de 1619 précise que les rois sont « les
héritiers universels de tous leurs vassaux ». Mais ils redistribuaient généreusement les biens des
défunts à qui les sollicitait (cf. M.M.A., vol. VI, p. 382).
36. Giuseppe Simonetti, art. cit., loc. cit.
37. Cavazzi, lib. I, § 327. Écrivant au début du XIXe siècle, José Oliveira de Ferreira Diniz affirme
que l’usage de testaments est inconnu au Congo (cf. id., Populações Indígenas de Angola, Coïmbre,
1918, p. 88.
65
38. Ibid., lib. I, § 327. Cette règle ne s’appliquait pas au roi, ni à sa famille ou aux gouverneurs des
provinces.
39. Giuseppe Simonetti, art. cit., loc. cit.
40. Cité par J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 204, note.
41. George M. Forster, « Peasant Society and the Image of the Limited Good », in American
Anthropologist, vol. 67, n » 2 (1965), pp. 293-315.
42. Nous verrons plus loin comment le commerce de biens européens échangés contre des
esclaves va modifier cette situation, au grand préjudice de l’équilibre social.
43. M.M.A., vol. IV, p. 410 (texte de 1584). Au Buganda, les routes principales avaient 60 mètres de
large, les autres 8 mètres seulement, cf. J. Roscoe, The Baganda, p. 259.
44. Ibid., loc. cit. ; Pigafetta, lib. II, cap. ii, et Cavazzi, lib. V, § 28.
45. Cavazzi, lib. I, § 308.
46. Pigafetta, lib. I, cap. IV.
47. Andrew Battell (c. 1610), in E. G. Ravenstein, The Strange Adventures..., p. 42.
48. Le commerce à longue distance existe en Afrique Centrale depuis le XIIe siècle au moins. Cf. J.
Hiernaux, « Des fouilles à Katoto » (Katanga), in Actes du VIe Congrès panafricain de Préhistoire et de
l’Étude du Quaternaire, Dakar, 1967 (sous presse).
49. M.M.A., vol. III, p. 227.
50. La Pratique Missionnaire, pp. 138-139. 10. Ibid., p. 139.
51. Ibid., p. 139.
52. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres Royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 139.
53. Id., p. 160. Un témoin de 1594 affirme bien qu’en Angola « ... les Noirs aiment beaucoup les
marchés (feiras) et aucune nation ne rivalisera avec eux pour acheter bon marché et vendre
cher ». Mais il s’agit ici de commerce avec les Européens, et non entre Noirs (cf. M.M.A., vol. IV, p.
560.
54. M.M.A., vol. II, p. 511.
55. M.M.A., vol. III, p. 227. Au Loango, en 1776, la valeur d’un esclave varie entre 5 et 6 moutons
(cf. J. Cuvelier, Documents sur une Mission française au Kakongo, 1766-1776, p. 27 ; cf. aussi D.
Rinchon, Pierre Ignace Van Alstein, Capitaine négrier, I.F.A.N., Dakar, 1954, p. 172).
56. E. Torday et T. A. Joyce, « Notes on the Ethnography of the Ba-Huana », in Journal of the Roy.
Anthropological Institute, vol. 36 (1906), p. 283. (Si l’on fait appel au crédit, on ignore l’usure ; aux
Européens, on demande dix fois le prix attendu.) A titre de comparaison voici les rapports de
valeur en vigueur au Buganda au tournant du siècle : 1 vache = 2 500 cauris ; 1 esclave mâle = 1
vache ; 1 esclave femelle = 4 ou 5 vaches ; 5 chèvres = 1 vache ; 1 chèvre = 20 poules ; 1 chèvre = 10
chapons. L’étalon des échanges est la vache (cf. J. Hoscoe, The Baganda, p. 456).
57. Cf. à ce sujet, George Dalton, « Traditional Production in Primitive African Economies », in
Quarterly Journal of Economics, vol. 76 (1962), p. 374.
58. Cavazzi, lib. I, § 163. Le P. Mondaros (1569) a pu observer le même comportement au
Monomotapa : « ... et s’il arrive que l’un d’entre eux soit plus diligent et plus économe et arrive
ainsi à réunir une plus grande fortune ou plus de vivres, on s’empresse de le diffamer pour
pouvoir les lui prendre ; on se demande comment il se fait que celui-là a plus de sorgho (milho)
qu’un autre, et on ne pense pas à l’attribuer à son habileté ou à son travail ; souvent même on va
jusqu’à le tuer pour tout prendre, et il en va de même du bétail... » ( cf. G. M. Theal, Records of
South Eastern Africa, Cape Town, 1899, vol. III, p. 182).
59. João de Andrade Corvo, Estudos sobre as Provincias Ultramarinas, Lisbonne, 1883, p. 130.
60. Une des principales sources de sel est constituée par les mines de sel gemme de Ndemba,
situées à 70 km environ de l’embouchure du Cuanza, en Angola (cf. M.M.A., vol. IV, p. 550, texte de
1594).
66
61. Pigafetta, lib. I, cap. vi ; et aussi M.M.A., vol. VI, p. 104. Les palmiers à raphia se trouvent
principalement dans les zones de forêt dense (cf. J. Gossweiler, « Nomes Indígenas de Plantas de
Angola in Agronomia Angolana, n° 7 (1953), pp. 499-502.
62. M.M.A., vol. II, p. 502 (texte de 1563).
63. E. Dartevelle, Les N’Zimbu, monnaie du royaume du Congo, Bruxelles, 1953, p. 81.
64. La première référence est de Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis (c. 1508) (éd. de
l’Acad. Port. de Hist., Lisbonne, 1954, p. 172). Une poule valait 50 zimbu, une chèvre 300. La pêche
au zimbu était faite exclusivement par des femmes, et avec beaucoup de peine, car l’eau était très
froide (cf. Cadornega (1680), t. II, p. 270 et t. III, p. 41 note).
65. M.M.A., vol. VI, p. 53 (doc. de 1611). De Luanda, on portait les charges de zimbu au Mani-
Bamba, le gouverneur de la province de Mbamba, d’où elles étaient expédiées au roi.
66. Duarte Pacheco Pereira, op. cit., loc. cit.
67. Rui de Pina, Croniqua d’el Rey D. Joham II, cap. LIX.
68. Pigafetta, lib. I, cap. V, et Marcellin de Atri, « Relation sur le Royaume du Congo, 1690-1700 »,
in Cahiers Ngonge, n° 5 (1960), p. 60. Ces auteurs ne précisent pas s’il s’agit de zimbu ou d’une autre
espèce de coquillage.
69. Duarte Pacheco Pereira, op. cit., loc. cit.
70. On aimerait savoir si l’on faisait appel aux talents de ce dernier pour maintenir une liaison
bureaucratique entre São Salvador et Luanda et contrôler le transport du zimbu.
Malheureusement, les documents du temps ne permettent pas de conclure quoi que ce soit à ce
sujet.
71. Domingos de Abreu de Brito, « Sumário e Descrição do Reino de Angola... », in Felner, Um
Inquérito à Vida Administrativa e Económica de Angola e do Brasil do século XVI, Coïmbre, 1931, p. 48 ; cf.
aussi Pigafetta, lib. I, cap. IV. L'Ile de Luanda restera nominalement sous contrôle congolais
Jusqu'en 1649, année où le dernier gouverneur sera expulsé par les Portugais de Luanda (cf.
M.M.A., vol. X, p. 358). Il semble pourtant que les rois du Congo en ont perdu le contrôle effectif
avant cette date — vers 1604 (cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L'Ancien Congo d'après les archives romaines,
p. 264, texte de 1604).
72. História do Reino do Congo (c. 1655), in Felner, Angola, p. 377.
73. Ce critère fut, pour Gordon Childe, une des conditions de la « révolution urbaine » (cf. Gordon
Childe, « The Urban Revolution », in Town Planning Review, Liverpool, vol. XXI (1950), pp. 13-17).
74. J. Cuvelier et L. Jadin, Relation sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), p. 140, et
Cavazzi, lib. I, § 159. Selon Cavazzi (lib. I, § 338), un des premiers rois du Congo était forgeron. Le
travail domestique, et en particulier la nourriture, était assuré, pour les artisans Bakongo, par les
femmes.
75. A. C. P. Gamitto notait, à propos des Maraves, en 1831-1832, que les artisans (tisserands,
forgerons et vanniers) « s’y adonnent [à leur métier] plus pour se distraire que pour gagner leur
vie (...) Ils ne travaillent pas exclusivement à leurs métiers respectifs, mais s’occupent
simultanément de l’agriculture » (cf. A. C. P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1854, pp. 52 et
74).
67
Chapitre V. La fiscalité
1 Il s’agit là d’une notion assez vague au Congo, mais il faut bien aborder le thème, car c’est
au fait qu’un tribut lui est versé, à la régularité des versements et à la façon plus ou moins
rationnelle dont la perception en est organisée, que l’on peut évaluer le niveau de
développement de l’État, l’emprise réelle du pouvoir central sur le territoire qu’il se
targue de posséder.
2 Les Congolais payaient un tribut à leur chef de village, celui-ci le faisait parvenir au
gouverneur de la province, qui, à son tour, le remettait au roi. A chaque échelon, le
responsable gardait pour lui un certain pourcentage.
3 Au niveau du village, lors de la récolte, les femmes « ... assemblaient en un tas toutes les
favéoles, en un autre le bled turc [maïs] et ainsi de reste, puis donnant au Macolonte
[Nkuluntu] pour sa subsistance, et séparant ce qu’on destine à semer ; le reste est partagé
par cabane, selon la quantité de gens qu’il y a »1.
4 Au niveau de la province, voici ce qu’en dit un témoin de 1607 : « ... [le Mani-Soyo] est un
grand seigneur, avec beaucoup de vassaux, et qui a sous son autorité d’autres seigneurs
qui lui paient tribut ; et lui en paie un au roi du Congo »2.
5 Le tribut était payé tous les trois ans3 (une fois l’an après la révolution chrétienne de
1506, à la fête de saint Jacques, le 25 juillet)4. Il consistait en nattes de raphia, coquillages
de Zimbu5, sorgho, bétail, chèvres, fruits, vin de palme6, ivoire, peaux d’animaux sauvages
et esclaves7.
6 Il ne semble nullement avoir servi à payer des services, ou le travail pour
l’accomplissement de tâches spécifiques d’utilité publique. Le versement paraît avoir
surtout une valeur symbolique, il souligne l’état de dépendance envers le roi de ceux qui
le paient. Il n’est pas certain qu’il ait été employé à nourrir régulièrement les gens de la
cour, et rien n’indique qu’il ait été considéré comme un fonds d’assistance auquel
pouvaient faire appel ceux qui étaient dans le besoin (« insurance fund from which the needy
may draw »)8.
7 Un texte de 1656 explique que « tout ce qu’apportent les vassaux, ils [le roi et les nobles]
le répartissent dans les jours qui suivent parmi les mêmes vassaux, qui viennent le leur
demander ; [c’est] comme s’ils s’estimaient honorés de s’être vus imposés (tributati) »9. Les
nobles sont flattés d’être ainsi sollicités, car « c’est une honte parmi eux de refuser
quelque chose qu’on vous demande, si on l’a chez soi »10.
68
8 L’objet de l’imposition du tribut est donc d’abord d’affirmer l’autorité du roi et des
« nobles » sur les gens du commun, et de leur permettre aussi de se montrer munificents
envers ces derniers. Il n’apparaît guère que comme un système de prestations
symboliques garantissant le maintien des structures sociales11.
9 La perception du tribut se faisait d’une manière qui n’était ni systématique, ni continue,
ni ordonnée, cela faute de moyens appropriés : « ... il n’est pas fixe quant à la quantité »,
notaient les missionnaires carmélites à la fin du XVIe siècle, « ... ils [les Noirs] apportent le
plus qu’ils peuvent. Si le gouverneur [de la province] ne fait pas mieux, le roi lui fait une
réprimande et lui enlève ses fonctions »12.
10 « Pour percevoir le tribut », dit Cavazzi, « il faut presque toujours faire appel à la
violence ; beaucoup de temps et une application considérable sont nécessaires. Pour
percevoir ses droits sur les provinces les plus lointaines, le roi lui-même est obligé
d’envoyer quelques cadeaux européens aux gouverneurs ; ces derniers en font autant à
leur inférieurs. Si les agents chargés de la perception n’allaient pas munis de ces cadeaux,
ils risqueraient leur vie. Toutefois ils agissent avec rigueur vis-à-vis des Mobati [le menu
peuple], [...] et ceux-ci, opprimés par les vexations, se révoltent de temps à autre et leur
donnent beaucoup de mal »13.
11 Les missionnaires carmélites avaient noté, à la fin du XVIe siècle, que les Congolais
construisaient leurs villages « à une certaine distance des chemins publics, de crainte que
les voyageurs ne leur mangent ce qu’ils ont, en particulier les serviteurs du roi, qui
partout où ils passent se considèrent possesseurs de toute chose »14.
12 Après la christianisation, au début du XVIe siècle, le roi de Portugal D. João III avait
suggéré (c. 1529) au roi D. Afonso I l’introduction de livres de comptes, pour systématiser
la fiscalité, et pour que « votre tribut soit recueilli avec moins d’oppression »15. Cette
suggestion n’eut pas de suite.
13 La perception du tribut, note Cavazzi, est plus aléatoire sur les confins du royaume, « là
où ne parvient pas le bras de la justice ». Dans certaines provinces, « la répugnance des
sujets à admettre l’autorité des agents bakongo (mociconghi) envoyés chez eux est telle,
qu’il s’avère finalement nécessaire de réduire leur orgueil par les armes... »16.
14 Voilà qui dénonce un état de tension constante, à la limite de la crise, entre gouvernants
et gouvernés. L’administration se rapproche singulièrement de l’oppression, la liberté
n’est qu’anarchie.
15 Les missionnaires français confirment cette situation en ce qui concerne le Loango en
1770, où d’ailleurs le poids du pouvoir paraît plus docilement supporté. Le roi « n’a point
d’impôts déterminés par rapport aux habitants du pays ; ils sont persuadés que tous leurs
biens appartiennent au roy, à qui ils en font souvent des présents, qui ne sont cependant
pas tout à fait gratuits, car s’ils négligeoient d’en envoyer au roy, il feroit enlever luy
même tout ce qu’il jugeroit à propos de s’approprier. Il arrive même souvent que les
officiers ou les enfants du roy vont à son insu enlever dans les villages les fruits, les
volailles, etc. sans qu’on ose leur résister, ce qui entretient l’indolence de ces peuples. Ils
ne cultivent que leur pur nécessaire, parce qu’ils savent que s’ils avoient quelque chose de
plus, il leur serait enlevé »17.
16 L’abbé Proyart, qui reproduit cette observation, la commente avec son esprit de
rationaliste du XVIIIe siècle : « Cette forme d’administration, comme on l’imagine
aisément étouffe jusqu’au germe de l’émulation : les arts ne se perfectionnent point, tout
languit. En supposant même le Roi unique propriétaire de tout le royaume, si ses Sujets,
69
en lui payant une taxe fixe, à raison des terres qu’ils cultivoient, pouvoient se permettre,
comme les fermiers de nos seigneurs, de recueillir en paix le fruit de leurs travaux et de
leur industrie, de riches plaines qui sont abandonnées seraient bientôt cultivées avec
soin, ou couvertes de bestiaux : le Prince en serait plus riche et les peuples jouiraient »18.
Proyart, il faut le dire, n’est jamais allé en Afrique.
17 Ce défaut de régularité dans la fiscalité congolaise, les prestations n’étant du reste
nullement calculées en fonction des moyens des contribuables, semble être dû surtout au
faible niveau de rationalité atteint par le pouvoir dans l’administration du pays. Le
Dahomey ancien, de la première moitié du XIXe siècle, avait su développer un appareil
fiscal autrement rationnel : on y utilisait un système de notation au moyen de petits
cailloux et on procédait à un recensement des ressources agricoles du royaume, tout cela
sans disposer de l’écriture19.
18 Nul témoignage, à notre connaissance, n’atteste l’existence au Congo d’un système de
notation ayant pour objet l’enregistrement des tributs, même lorsque l’alphabétisation
eut commencé à se développer20.
19 Les Congolais possédaient-ils des mesures ? Dapper affirme que seuls les Portugais se
servaient de poids et de mesures21. Ce n’est pas tout à fait vrai, mais on ignorait la
référence à un étalon fixe, établi par le pouvoir. La mesure des céréales était la mu-tete, un
panier porté sur la tête22. Une autre est l’ingallo, mais on ignore ce qu’elle représente23. Le
zimbu est mesuré en fundas, lifucos et cofos, chacun étant un multiple de l’autre, mais les
diverses sources qui en font état se contredisent sur le nombre de zimbus contenu dans
chaque mesure24. Et le système fiscal ne semble d’ailleurs en tenir aucun compte.
20 Soulignons, une fois de plus, que le tribut, fixé et perçu de façon assez peu rationnelle, est
moins un impôt qu’un « hommage », en quelque sorte, un témoignage d’allégeance plus
ou moins librement consenti, à l’égard du gouverneur ou du roi et de l’autorité qu’ils
représentent.
NOTES
1. Dionigi de Carli da Piacenza et Michel Angelo de Guattini da Reggio, Relation Curieuse et Nouvelle
d’un Voyage de Congo... (1666-1667), Lyon, 1680, p. 125.
2. M.M.A., vol. V, p. 385.
3. M.M.A., vol. I, p. 530 (texte de c. 1529) et Cavazzi, lib. II. § 73.
4. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 575, et P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, pp.
207-209. Une source de la fin du XVIe siècle parle de deux lois par an (cf. J. Cuvelier et L. Jadin,
L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 135).
5. História do Reino do Congo (c. 1655), in Felner, Angola, p. 377.
6. O. Dapper, op. cit., loc. cit.
7. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 199 (texte de 1595).
8. Peter C. Lloyd, « The Politicai Structure of African Kingdoms », in ASA Monographs 2, Political
Systems and the Distribution of Power, Londres, 1965, p. 78.
9. Osservationi del Regno di Congo dall’anno 1656, ms. anon. espagnol, 324, (38), f° 151 (r°), B.N.P.
70
10. Id., loc. cit.
11. Cf. J. Vansina, « A Comparison of African Kingdoms », in Africa, vol. XXXII, n° 4 (1962), pp.
326-330 ; cf. aussi les observations perspicaces de George Dalton sur la « redistribution » dans les
sociétés traditionnelles : George Dalton, « Traditional Production in Primitive African
Economies », in Quarterly Journal of Economics, vol. 76 (1962), pp. 360-378.
Au Monomotapa, au milieu du XVIe siècle, le paiement d’un tribut n’est pas attesté, mais « tous les
membres de sa cour [du roi] et les capitaines des guerriers, chacun avec tous les siens, étaient
tenus de lui donner sept jours sur trente de travail dans ses champs ou ailleurs. [...] Dans les
foires également les marchands prélèvent en sa faveur une petite partie de leurs marchandises,
mais sans que celui qui ne s’acquitte pas de ce paiement se voie infliger d’autre peine que
l’interdiction de se présenter devant lui, Monomotapa, ce qu’ils considèrent comme un grand
malheur ». (Cf. João de Barros, Décadas da Asia, Lisbonne, 1552, Déc. I, liv. X, cap. I).
Les sujets de la reine Jinga, en Angola (vers 1660) étaient astreints à trois jours de corvée par
semaine pour cultiver les terres royales (cf. Cavazzi, lib. VI, § 91).
12. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 133.
13. Cavazzi, lib. II, § 75.
14. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 120 (texte de la fin du XVIe
siècle).
15. M.M.A., vol. I, p. 530.
16. Cavazzi, lib. II, g 75.
17. J. Cuvelier, Documents sur une Mission Française au Kakongo, 1766-1776, pp. 49-50.
18. L’abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 121.
19. Cf. Melville Herskovits, Dahomey, An Ancien West African Kingdom, New York, 1938, vol. I, chap.
vii ; cf. aussi, au sujet de l’Inde pré-coloniale, Walter C. Neale, « Reciprocity and Redistribution in
an Indian Village », in K. Polanyi, et al., Trade and Market in the Early Empires New York, 1965, pp.
218-235.
20. A propos de la notation, un seul fait nous est rapporté : lorsque les premiers missionnaires
tentaient, à la fin du XVe siècle, d’expliquer les principes du christianisme à la reine Dona Leonor,
femme du roi Nzinga Nkuwu, elle les fixait en sa mémoire à l’aide « de petits cailloux qu’elle
disposait sur l’estrade, ce qui est leur procédé mnémotechnique » (a sua arte memorativa), (cf. Rui
de Pina, Croniqua, cap. LXIII).
21. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 575.
22. Cf. Cadornega (1680-1681), in P.M., p. 286 ; R. E. Dennett, At the Back of the Black Man’s Mind, p.
73 ; J. Van Wing et C. Penders, Le plus Ancien Dictionnaire Bantou (1652), Bruxelles, 1928.
23. Cf. L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc.
XXXIII, Bruxelles, 1961, p. 572.
24. Selon Luis de Sousa (História de São Domingos, Pt. II, Lisbonne, 1662, liv. VI, cap. XII, p. 249), un
cofo contient 10 000 zimbus. (Ce texte se rapporte probablement au début du XVIe siècle). Selon
Marcellin d’Atri (1690-1700) c’est au lifuco que correspond ce nombre (cf. Id., « Relation sur le
Royaume de Congo, 1690-1700 », in Cahiers Ngonge, n 5 (1960), p. 13.)
71
Chapitre VI. Technologie et culturematérielle
1. LE FER
1 On ignore à quelle époque le Bas-Congo a connu le fer, mais il est probable que ce fut dans
les 500 premières années de notre ère. Dans la région de Dundo, dans le nord-est de
l’Angola actuel, le carbone 14 a permis de situer le début de l’age du fer au premier siècle
ap. J.-C.1.
2 Il n’est guère vraisemblable que ce fut, comme certains l’ont prétendu, Lukéni et la
conquête bakongo qui introduisirent le fer au sud du fleuve. La tradition orale de la
généalogie des rois d’Angola, recueillie par Francesco Maria Gioia, rapporte que le
fondateur de la dynastie était forgeron2. On est donc en droit de supposer que les
Ambundu connaissaient le fer avant la conquête bakongo3.
3 Peu de renseignements nous sont parvenus sur les méthodes employées par les Congolais
pour réduire le minerai. Cavazzi (1654-1677) affirme qu’ils mettaient simplement la terre
ferrugineuse « sur des braises »4. Mais on avait dit à Jeannest (1868) qu’à Bembe on se
servait :
4 « d’une longue cheminée en terre dans laquelle on empile le charbon de bois et du
[minerai de] fer. Au bas se trouvent quatre orifices perpendiculaires, deux à deux,
auxquels sont adaptés des soufflets en peau de chèvre. Entre ces quatre soufflets sont
percés quatre autres trous par lesquels on recueille le fer en fusion »5.
5 Pour travailler le fer, le forgeron congolais utilisait en guise de marteau,
6 « un fer massif et gros de façon à remplir la main. Sa forme ressemblait presque à celle
d’un clou ; l’enclume est une pièce de fer d’environ dix livres, placée à terre comme un
morceau de bois. Sur cela, ils forgent ce qu’ils fabriquent. Le soufflet de forge est formé de
certains morceaux de bois creux sur lesquels on a étendu une peau6. Ils soulèvent et
abaissent cette peau avec la main et donnent ainsi du vent au feu ; cela leur réussit très
bien et sans peine. Avec ces trois instruments ils font tout »7.
7 Les Congolais semblent avoir ignoré la trempe8.
72
2. LE CUIVRE
8 La métallurgie du cuivre est attestée au Congo dès c. 15089, mais on ignore à quelle
époque fut introduit l’art de travailler ce métal.
9 Selon R. Wannyn, les Congolais connaissaient la technique dite « de la cire perdue » pour
couler des objets en cuivre10.
10 On trouve des mines de cuivre indigènes à deux endroits dans l’ancien Congo : sur la rive
droite du fleuve, à Mindouli (envron 100 km à l’ouest de Brazzaville), et sur la rive gauche
à Bembe (quelque 70 km au sud de São Salvador). On vendait le cuivre de Mindouli aux
Européens (Portugais et Hollandais) à Loango dès le début du XVIIe siècle11.
11 Voici comment Dapper (1668) décrit ce commerce :
12 « Au mois de Septembre, une troupe de forgerons part pour Sundi [la province de Nsundi]
et étant arrivez vers les montagnes où sont les mines de cuivre, y font travailler leurs
esclaves. Ils fondent et purifient ce cuivre sur les lieux ; mais comme ils n’ont pas
l’adresse de séparer les différents métaux, qui se mêlent quelquefois dans les entrailles de
la terre, cela est cause que ce cuivre n’est pas fort pur [...] Ces forgerons retournent au
mois de mai, apportant outre le cuivre quelques dents d’éléphant »12.
13 Dès 1536, on parle des mines de Bembe, encore qu’elles ne soient pas localisées avec
précision par l’auteur du texte13. Elles feront l’objet de la convoitise des Européens de
Luanda, qui tenteront à plusieurs reprises de s’en assurer l’exploitation, mais seront
obstinément repoussés par les Congolais. Les litiges qu’elles suscitèrent devaient
finalement conduire à la guerre et à l’écrasement du royaume du Congo par les
Conquistadores de l’Angola. Les Européens ne réussiront toutefois à exploiter les mines que
jusqu’en 185714.
3. LE TISSAGE
14 Le métier à tisser congolais ne comportait ni ensouple, ni peigne, ni navette (discono). Le
tisserand plantait en terre deux montants parallèles réunis par une traverse. Avec ce
simple appareil, il tissait « des petits pagnes [de raphia] »15. Ils étaient si fins « qu’ils n’ont
rien à envier à la soie », dit Laurent de Lucques (1700-1717) 16.
15 Le tissage du coton, s’il était moins répandu au Congo qu’en Angola, semble avoir été
connu avant l’arrivée des Européens17. Un témoin de 1583 affirme que les Ambundu
d’Angola savaient si bien tisser le coton « que cela paraissait tissu de Portugal »18. Un
autre, de la fin du XVIe siècle, parlant du Congo, affirme qu’« il y a des arbres qui
produisent le coton. On ne l’emploie que très peu »19. En 1780, le missionnaire Castello de
Vide a vu le coton filé à Mussul, à la frontière entre le Congo et l’Angola, près de Launda20.
Et vers 1878, Weeks rapporte que les Noirs de São Salvador tissent et filent le coton21.
4. LA POTERIE
16 Le tour et le four étaient inconnus du potier congolais du XVIIe siècle22. Pour la cuisson, il
entourait ses pots de paille, et y mettait le feu23. De nos jours, l’emploi du tour et du four
est bien attesté au Congo, mais il n’est pas courant24.
73
5. LES ARMES
17 Comme armes, les Congolais employaient des arcs, des flèches, des lances, des sagaies, des
haches et des couteaux (coltelli)25. Leur arc avait 5 ou 6 empans de long (1,14 à 1,37 m) et
une corde de cuir de bêtes sauvages ou de boyaux. Le manche de la lance était de bois ou
de canne lourde, la pointe en fer et empoisonnée. Les couteaux (réservés aux « nobles »)
avaient 3 empans (68 cm) de long et étaient également empoisonnés. Quant à la sagaie,
Cavazzi la compare à la pertuisane (partiggiana). La hache était en forme de demi-lune
pointue, le manche étant adapté au milieu26. Un grand boucher, de peau très dure,
protégeait tout le corps27.
6. LES OUTILS
18 Les Congolais ne connaissaient, en fait d’outils, que la houe et une sorte d’herminette
pour couper le bois28.
7. LES HABITATIONS
19 Les maisons congolaises étaient, selon Cavazzi, de forme carrée (circulaire en Angola) 29 ;
les Noirs « les construisaient facilement avec des pieux et des herbes »30. La toiture était
soit en chaume31, soit en feuilles de palmier32. Elles étaient ornées de nattes peintes à
l’intérieur, « avaient belle apparence » et se révélaient « relativement confortables »33.
8. LE MOBILIER
20 Le lit congolais était « fait de pieux et de branches entrelacées, placé à une palme et
demie du sol ; sur ce lit, on mettait une natte si finement tissée qu’elle semblait non pas
une natte mais un tapis »34. Il n’y avait guère d’autres meubles : « une paire de calebasses
pour le vin de palme, un vase pour cuire les aliments et un pot de terre [...] façonné et
orné de dessins »35. Le roi était à peine mieux loti, son mobilier n’était « pas beaucoup
plus important que celui des autres noirs »36.
9. L’HABILLEMENT
21 Pigafetta (1587) décrit très minutieusement l’habillement des Congolais avant l’apparition
des tissus européens :
22 « Anciennement, le roi et ses courtisans s’habillaient d’étoffes faites de palmes, [...] ils
s’en couvraient le bas du corps en les retenant par une ceinture tissée de la même
manière et finement travaillée ; par devant, comme ornements, leur pendaient à la façon
d’un tablier des peaux de petits tigres37, de civettes, de zibelines, de martres et d’animaux
semblables, auxquelles on laissait la forme de la tête. Pour un faste plus grand, ils jetaient,
sur la chair nue des épaules, une sorte de rochet de forme ronde, [...] qui descendait plus
bas que les genoux et qui était, à la façon d’un filet, de fins tissus de palme ; les mailles en
étaient bordées de houppes effrangées d’un effet très gracieux. Ils rejetaient ce rochet sur
74
l’épaule, ils portaient une queue de zèbre attachée à une manche pour la beauté et selon
une très ancienne coutume de ces régions.
23 Ils se coiffaient d’un petit bonnet, carré par le haut, de couleur rouge et jaune, qui leur
couvrait le sommet de la tête et qui était un ornement plutôt qu’une défense contre l’air
et le soleil. La plupart allaient nu-pieds, mais le roi et quelques grands portaient des
chaussures à l’antique, comme on en voit aux statues romaines, et qui étaient faites de la
même matière tirée des palmes.
24 Les pauvres et les gens du commun s’habillaient, depuis la ceinture, de la façon décrite,
mais au moyen d’étoffes plus grossières, le haut du corps restant nu.
25 Les femmes se couvrent le bas du corps de trois bandes d’étoffe, l’une longue, descendant
jusqu’aux talons, la seconde plus courte et la troisième plus courte encore et bordée de
franges, chacune d’elles étant drapée en largeur et s’ouvrant à l’avant. Elles se couvrent la
poitrine d’un corsage qui descend jusqu’à la ceinture. Ces vêtements sont faits des mêmes
tissus de palme, ainsi que la cape qu’elles portent sur les épaules. Elles circulent le visage
découvert et coiffées d’un bonnet semblable à celui des hommes. Les femmes de condition
moyenne s’habillent aussi de cette façon, mais emploient des étoffes plus grossières.
Quant aux esclaves et aux femmes du bas peuple, elles se couvrent seulement le bas du
corps, le reste étant nu »38.
10. LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE
26 Comme instruments de musique, les Congolais avaient des tambours, des trompettes en
bois et en ivoire, des cordophones, des clochettes et des xylophones39.
27 Les clochettes étaient appelées longa et on les frappait avec un bâtonnet de bois40 ; leur
fabrication exigeait du sang humain41. On fait souvent allusion à ces instruments en
Angola42, où l’on en trouvait, selon Franco, en cuivre43. Une variante de la clochette est le
double gong, décrit par un missionnaire en Angola en 157544, et par Laurent de Lucques au
Congo en 1700-1717 (en bois) 45.
28 La clochette serait-elle d’origine indonésienne, comme le pense J. Kunst46 ? Bien que le roi
de Portugal ait envoyé en cadeau au roi du Congo, en 1491, « de grandes clochettes »47,
nous ne pensons pas que le double gong ou la clochette aient été introduits par les
Européens. Toutefois, les preuves qu’avance J. Kunst à l’appui de sa thèse nous paraissent
trop ténues pour être acceptées sans réticences.
29 Quant au xylophone48, on a voulu lui attribuer une origine indonésienne49, mais la
question fait toujours l’objet de controverses50.
NOTES
1. Cf. J. D. Clark, Prehistoric Cultures of North East Angola and their significance in Tropical Africa,
Subsidios para a História, Arqueologia e Etnografia dos Povos da Lunda, Publicações Culturais n° 2 da
Companhia de Diamantes de Angola, Lisbonne, 1963, p. 18a.
75
2. Francesco Maria Gioia, La Meravigliosa Conversione della regina Singa [sic], Naples, 1669, p. 136.
3. Les dates proposées par G. A. Wainwright pour l’introduction du fer dans le Bas-Congo sont
fondées sur des interprétations erronées de traditions orales rapportées par Cavazzi (cf. G. A.
Wainwright, « The Coming of Iron to some African peoples », in Man, n° 61, 1942).
4. Cavazzi, lib. I, § 338.
5. Charles Jeannest, Quatre Années au Congo, Paris, 1883, p. 154. La description de Jeannest ne
permet pas de savoir si le fourneau bakongo avait la forme d’un tronc de femme, comme ceux du
Haut-Zambèze (Angola) et de Rhodésie ; (cf. J. Redinha, Campanha Etnográfica ao Alto Tschiboco (Alto
Tschicapa), Publicações Culturais da Companhia de Diamantes de Angola, n° 19, Lisbonne, 1953, p.
140 (gravure), et Th. Bent, The Ruined Cities of Mashonaland, Londres, 1893, p. 308 (gravure).
6. Sur les formes des soufflets et des fourneaux en Afrique (avec illustrations), cf. J. Bacellar
Bebiano, Notas sobre a siderurgia dos indigenas de Angola et de outras regiões africanas, Publicações
Culturais da Companhia de Diamantes de Angola, n° 50, Lisbonne, 1960.
7. Cf. J. Cuvelier, Relations sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), p. 140 ; et aussi Gavazzi,
lib. I, § 338. Selon lui, l’enclume était une simple pierre.
8. Cf. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 116 ; Cavazzi, lib. I, g 338 et António Barroso
(1889), in A. Brasio, António Barroso, Missionário, Cientista, Missiólogo, Lisbonne, 1961, p. 122. Les
Baganda aussi, cf. J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911, p. 383.
9. Cf. Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis (c. 1508), éd. de l’Acad. Hist. Port., Lisbonne,
1954, p. 171 (« Il y a pas mal de cuivre excellent »).
10. R. L. Wannyn, L’Art ancien du Métal au Bas-Congo, Champles (Belgique), 1961, p. 48 ; cf. aussi K.
Laman, The Kongo, t. I, p. 124. Au lieu de la cire, un morceau de plantain.
11. Cf. Andrew Battell, in E. G Ravenstein, The Strange Adventures..., pp. 43-50 ; et aussi M.M.A., vol.
VIII, p. 93 (texte de 1631).
12. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 328 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 532).
13. P.M., p. 68 (texte de 1526).
14. Sur les mines de cuivre de Bembe, cf. Fernando Mouta, « As Minas de Cobre do Congo », in
Actividade Económica, n° 3, Ano I (1936), pp. 9-15. Il existe d’autres gisements de cuivre dans la
sierra de Canda et à Qulbocolo, entre Bembe et Maquela do Zombo.
15. Cavazzi, lib. I, § 340.
16. J. Cuvelier, Relation sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), p. 56. Sur le tissage de
raphia au Congo, cf. Hélène Loir, Le Tissage de raphia au Congo Belge, Tervuren, 1935.
17. Il est d’ailleurs attesté sur le plateau rhodésien vers 1514-1516 (cf. E. Axelson, South East
Africa, 1488-1530, Londres, 1940, p. 278).
18. M.M.A., vol. III, p. 248.
19. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’oprès les archives romaines, p. 117.
20. Fr. Raphael Castello de Vide, « Relação da Viagem que fizeram os padres missionários...
(1780) », in Annaes do Conselho Ultramarino (parte não oficial), série II, Lisbonne, 1859-1861, p. 65.
21. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, Londres, 1914, p. 92.
22. Cavazzi, lib. I, § 341.
23. Id., loc. cit. Un texte de la fin du XVIe siècle affirme que « les ustensiles en terre ont été cuits au
soleil, et qu’ils sont résistants comme les nôtres cuits au feu ». Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien
Congo d’après les archives romaines, p. 120.
24. Cf. Annales du Musée du Congo, Bruxelles (1907), t. II, fasc. I, p. 49.
25. Cavazzi, lib. I, § 319. Les épées et les machettes (scimittare), mentionnées par Cavazzi, sont
d’introduction européenne, cf. R. L. Wannyn, L’Art ancien du métal au Bas-Congo, pp. 60-63, et Jean
François de Rome, Brève Relation (1648), p. 116.
26. Ces haches sont décrites par Cavazzi, lib. I, § 338. On a trouvé des haches crescenti-formes
analogues dans les fouilles de Haoulti (Éthiopie), datées entre le IIIe siècle av. J.-C. et le 1er siècle
ap. J.-C. (cf. H. de Contenson, « Les fouilles à Haoulti en 1959 », in Annales d’Éthiopie, t. V (1963),
76
pl. L et LII) ; ainsi que dans les ruines de Khami (XVIIe siècle), Rhodésie (cf. K. R. Robinson, Khami
Ruins, Cambridge, 1959, p. 119 et pl. XV et XXVIII).
27. Cavazzi, lib. I, § 319. Sur les armes des Congolais, cf. aussi M.M.A., vol. VI, p. 378 (texte de
1619).
28. Ibid., lib. I. § 294, et lib. I, § 339. Cavazzi décrit ainsi l’herminette : « un pezzo di ferro in modo di
Scarpello ».
29. Ibid., lib. I. § 275.
30. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 120 (texte de la fin du XVIe
siècle).
31. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 114.
32. Cavazzi, lib. I, § 275.
33. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, op. cit., loc. cit.
34. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 114. Cavazzi dit qu’on dormait simplement sur
des nattes (cf. Cavazzi, lib. I, § 294). Winwood Reade affirme en 1864 que les lits, au Congo, sont
frappés d’un impôt (cf. Winwood Reade, Savage Africa, Londres, 1964, p. 358).
35. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 120 (texte de la fin du XVIe
siècle).
36. Ibid., p. 132.
37. Il s’agit du serval ou du guépard, ou peut-être du chat doré, felis auratus (note de Willy Bal).
38. Pigafetta, lib. II, cap. vii (pp. 118-119 de la trad. franç. de Willy Bal, 2e éd. revue, 1965).
39. Cavazzi, lib. I, g 332 ; L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull. de l’Inst. Hist.
Belge de Rome, fasc. XXXV, p. 401 (texte de 1624) ; Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p.
124 (cordophones) ; M.M.A., vol. III, p. 139, texte de 1575, (cordophones) ; cf. aussi, sur les
tambours, Olga Boone, « Les tambours du Congo Belge et du Ruanda Urundi », Annales du Musée
Royal du Congo Belge, Tervuren, 1951. Sur les cordophones, cf. J. S. Laurenty, « Les Cordophones du
Congo Belge et du Ruanda Urundl », in id., 1960.
40. Cavazzi, lib. I, § 332.
41. Ibid., loc. cit.
42. M.M.A., vol. II, p. 528.
43. Antonio Franco, Imagem da Virtude..., Evora, 1719, t. II, pp. 465-468.
44. Garcia Simões, in M.M.A., vol. II, p. 139.
45. Cf. J. Cuvelier, Relation..., p. 133. Illustré par R. L. Wannyn, L’Art ancien du métal au Bas-Congo, pl.
XXXI. On en a trouvé en fer dans les fouilles à Zimbabwe en Rhodésie (cf. Th. Bent, The Ruined
Cities of Mashonaland, Londres, 1893, p. 212. Il n’est pas certain qu’ils soient de fabrication locale.
46. J. Kunst, « The Origin of the Kemanak », in Bijdragen tot de Taal-Land-en Volken-kunde (1960),
vol. 116, 2e afl., pp. 263-269.
47. Rui de Pina, Croniqua del Rey Dom Joham II, cap. LX.
48. Cf. Olga Boone, « Les Xylophones du Congo Belge », in Annales du Musée Royal du Congo Belge,
Tervuren, 1936.
49. Rev. A. M. Jones, Africa and Indonesia, the evidence of the Xylophone and other Musical and Cultural
Factors, Leiden, 1964.
50. Cf. les comptes rendus du livre de Jones par Mantle Hood dans Man (1965) et par E. L. Heins,
« Indonesian Colonisation of West and Central Africa ? », in Bijdragen tot de Taal-Land-en
Volkenkunde, vol. 122 (1966), pp. 274-282.
77
Deuxième partie. Le contact avec lesEuropéens (Les faits)
78
Chapitre VII. L’arrivée desEuropéens (1483-1506)
1 En 1483, le navigateur portugais Diogo Cão, en quête d’un passage reliant l’Atlantique à
l’océan Indien, suit au prix de « bien des difficultés et des périls » la côte occidentale de
l’Afrique1, pénétre dans l’hémisphère austral et découvre l’embouchure du Congo. En
raison de sa largeur, il semble avoir été amené à le confondre avec le détroit qu’il
cherchait, et qui devait lui permettre d’accéder au royaume chrétien du Prêtre Jean, but
principal de son entreprise2. Lors d’un second voyage, en 1485, il remonte le fleuve sur
une distance de 140 km, jusqu’aux chutes de Yelala. Ne pouvant aller plus loin, il laisse sur
les rochers du rivage une inscription que l’on peut encore voir aujourd’hui3. C’est ainsi
que, sans l’avoir délibérément cherché, Diogo Cão découvrit le royaume du Congo, et que
l’homme blanc fit sa première apparition dans l’univers des Congolais.
2 Quel effet leur produisit l’arrivée de ces hommes sortis de la mer ? Un missionnaire
italien en recueillit le souvenir à la fin du XVIIe siècle : « Les noirs du Soyo, voyant la
nouveauté des navires, sans savoir quelle chose cela était, commencèrent à crier avec des
signes d’admiration, amindelle, amindelle, c’est-à-dire des choses comme des baleines que
l’on voit en mer. Ntelle veut dire baleine, muntelle une chose comme une baleine, amintelle
des choses comme des baleines »4. En réalité « baleine » signifie tout simplement « être
sorti de la mer ». Aujourd’hui Mundele a, en Kikongo, le sens d’« homme blanc »5.
3 Lorsque les Portugais apparurent pour la première fois à Luanda, les Noirs, selon une
tradition orale recueillie au XXe siècle, les prirent pour des cadavres vivants, des vumbi (cf.
le Zombi haïtien) :
4 « Nos pères vivaient confortablement dans la plaine de Luabala6. Ils avaient des vaches et
des cultures ; ils avaient des marais de sel et des bananiers. Tout à coup, ils virent sur la
grande mer surgir un grand bateau. Ce bateau avait des ailes toutes blanches, étincelantes
comme des couteaux. Des hommes blancs sortirent de l’eau et dirent des paroles qu’on ne
comprenait pas. Nos ancêtres prirent peur, ils dirent que c’étaient des Vumbi, des esprits
revenants »7.
5 Pour bien comprendre l’effet psychologique de l’apparition des Blancs, il importe de
savoir ce qu’était la mer pour les Congolais. Or nous n’avons que peu de renseignements
sur ce point. A la fin du XIXe siècle W. H. Bentley, missionnaire à São Salvador, avait
79
envoyé son collègue Comber à Banane, sur la côte, près de l’embouchure du Congo. Le
retour de Comber se faisant attendre, le roi D. Pedro V, impatient, parla de son « long
séjour à Bilungi (les enfers) ». Dans son esprit ce terme désignait la côte8.
6 Sans doute l’océan était-il un peu pour les Congolais tel qu’il apparaissait aux peuples de
la Haute Antiquité9 et de l’Europe médiévale10 : un domaine « hors du monde », assimilé
au « non-monde », au « chaos », enfin une voie d’accès pour l’« autre monde ». Selon
Bentley, les Noirs de la côte « croient que les morts sont achetés par les Blancs, et que les
esprits vont travailler pour les Blancs sous la mer ; là ils tissent des pagnes et fabriquent
les divers objets vendus en échange des produits indigènes »11.
7 Dans la cosmogonie congolaise, le séjour des défunts se situe sous l’eau. Après la mort, les
esprits wenda ku maza – « vont sous l’eau »12. Les esprits des ancêtres (bakulu) sont censés
s’incarner dans l’autre monde dans des corps blancs, comme des albinos13. Selon Pigafetta
(1587), les Portugais étaient révérés presque comme « des dieux sur terre, venus du ciel
dans ces régions »14. Le mot « ciel » est peut-être ici une façon européenne de traduire
l’idée de l’autre monde congolais, en réalité sous l’eau. Que les Noirs aient pris les
premiers Blancs pour des revenants, cela semble prouvé par le témoignage de Battell
(1610) au Loango. On y saluait les Blancs ainsi : Baliani Ampembe muenyeye ke zinga – « mon
compagnon au visage blanc est sorti de sous la terre et ne vivra pas longtemps » –,
prophétie qui n’était souvent que trop vraie, à cause du climat15. A la fin du XIXe siècle, H.
H. Johnstone notait que les Noirs du Bas-Congo croyaient que tous les Blancs sortaient de
sous la mer (came up out of the sea), et que leurs vêtements étaient faits de peaux
d’animaux marins16. Les explorateurs européens du XIXe siècle furent souvent pris pour
des esprits17.
8 L’apparition des Portugais dans l’univers des Congolais peut être considérée comme un
événement traumatisant. Du fait qu’ils « sortaient » de la mer, ils appartenaient au
domaine du sacré. La tradition orale, recueillie au XVIIe siècle par Bernardo da Gallo, parle
bien de la crainte qu’ils éprouvèrent18. Pour les Congolais, tout ce qui venait de par delà les
mers venait de Mputu, mot que nombre de commentateurs européens ont pris pour une
déformation du mot « Portugal ». Or il n’en est rien : Mputu signifie « eau agitée », terme
appliqué à l’origine aux rapides du Congo, puis par extension à la mer. Mwene Putu ne
voulait aucunement dire « roi du Portugal », mais « roi de la mer », « chef de tous les
Blancs »19.
9 Rien ne prouve que les Congolais aient pris les Portugais pour les descendants de leur
héros-fondateur, comme ce fut le cas des Aztèques qui crurent que Cortez était
Quetzalcoatl20, ou des Tupinamba du Brésil, qui prirent les premiers missionnaires français
pour les descendants de Maire Monan21. Mais notons au passage que les Bakongo ont en
commun avec les Bakuba la tradition d’un même héros-fondateur : Bumba, et que dans la
tradition bakuba, celui-ci passe pour être blanc22.
10 Lorsqu’ils arrivèrent à l’embouchure du fleuve, en 1483, les Portugais eurent l’impression
que le Congo était très peuplé23. Le roi s’appelait Nzinga Nkuwu24. Diogo Cão lui envoya,
par des marins portugais, un message de « paix et d’amitié » et un « riche cadeau » jusque
dans sa capitale, à 50 lieues dans l’intérieur – un voyage de 23 jours25. Mais, l’ambassade
portugaise tardant à revenir, on crut ses membres retenus de force ou morts, et Diogo Cão
décida de partir sans plus attendre. Il « emporta », en guise d’otages, plusieurs Noirs,
chefs locaux de la province congolaise du Soyo, qui avaient pris l’habitude de visiter le
bateau sans méfiance26. A ceux qui restaient à terre, il promit de revenir dans 15 lunes27.
80
11 Ce fut en réalité deux ans plus tard (1485) 28 que Diogo Cão revint avec les otages,
enthousiasmés par la civilisation européenne et tout disposés à s’en faire les
propagandistes auprès des leurs. Il apportait des cadeaux de grande valeur pour le roi du
Congo, à qui il devait proposer d’embrasser la religion chrétienne,
12 « ... l’y invitant par de très saintes admonestations et raisons (...) lui recommandant de
renier les idoles et les pratiques de sorcellerie (...) de n’y plus croire et de ne pas tolérer
qu’aucun de ses sujets y crût (...) et tout cela dit avec tant de douceur qu’il ne s’en
scandalisa pas, en dépit de la barbarie et de l’idolâtrie où il vivait »29.
13 Le retour des otages provoqua la plus vive émotion chez les Congolais, « comme si on les
avait ressuscités de sous la terre »30.
14 A la vue de ses sujets « richement habillés, revenus en paix, santé et sécurité », le roi
Nzinga Nkuwu s’estimait « si fortuné qu’il ne se connaissait plus ». Il convoqua les grands
du royaume et ses vassaux, pour leur faire entendre à maintes reprises tout ce qu’on
rapportait concernant le Portugal.
15 « Et les premières paroles et admonestations qu’il reçut en son cœur au sujet de la foi en
Jésus-Christ Notre Seigneur (...) firent, grâce à Dieu, une si grande impression sur son âme
que, mû par le plaisir qu’il en éprouvait et soupirant déjà après son salut, il ne laissait pas
partir l’ambassadeur de Portugal ni les gens de sa flotte, afin de pouvoir continuer à les
écouter »31.
16 Mais Diogo Cão repartit tout de même, emmenant un ambassadeur du roi et des cadeaux
« d’ivoire et de nattes de raphia finement tissées ». A l’adresse du roi de Portugal, il était
porteur du message suivant :
17 que Nzinga Nkuwu « lui baisait les mains pour la bienveillance qu’il avait eue, non
seulement d’honorer son corps pendant sa vie, mais aussi de lui procurer par ses conseils
le moyen de sauver son âme après sa mort ; qu’il tenait le roi de Portugal pour un homme
si favorisé par la fortune et si doté de cœur et de savoir qu’il se considérait comme très
heureux de se conduire selon ses lois et de se sauver selon sa foi, car cette foi, et non une
autre, devait être la véritable, parce que c’est en elle et pour elle que Dieu l’avait créé, et
qu’il ne se pouvait que le Créateur eût créé un être aussi grand, aussi bon et aussi parfait
que lui pour le condamner ; que, par conséquent, non seulement il voulait par raison
adopter cette foi, mais qu’il y aspirait de tout son désir ; et c’est pourquoi il lui demandait
en grâce et il le requérait au nom de Dieu de lui accorder sans délai ce à quoi il l’avait
invité avec tant d’amour et de dévotion, c’est-à-dire l’Eau Sainte du baptême »32.
18 Il sollicitait aussi l’envoi de « maîtres charpentiers et de maçons, pour édifier des églises
et autres maisons de prière comme il y en avait en ce royaume ; et qu’il lui envoie aussi
des paysans pour domestiquer des bœufs et lui enseigner à cultiver la terre et à en tirer
profit. Et qu’il lui envoie encore quelques femmes pour apprendre à celles de son
royaume à pétrir la farine »33. Enfin, il envoya au Portugal de jeunes Congolais, pour
devenir chrétiens, apprendre à lire et à écrire34.
19 Qu’avait donc, en fait, compris Nzinga Nkuwu de la religion chrétienne ? Avait-il vraiment
saisi que l’eau du baptême assurerait la vie éternelle à son âme, ou imaginait-il qu’il
s’agissait d’un rite magique qui revitaliserait son corps, lui garantissant une longévité
exceptionnelle ? Son enthousiasme pour le christianisme n’est pas un sentiment sans
mélange, car à sa reconnaissance de la puissance « divine » du roi de Portugal, s’ajoute
son admiration pour la supériorité des méthodes de travail européennes. Le fait qu’avec
le baptême il sollicitait une aide technique semble bien le prouver.
81
20 La « supplique » de Nzinga Nkuwu ne resta pas sans écho. On décida aussitôt de lui
envoyer une mission de franciscains pour procéder à sa conversion et à celle de son
royaume. Tout fut préparé avec un soin minutieux. Le roi de Portugal « tint conseil avec
des théologiens et des canonistes et avec les Frères eux-mêmes, pour savoir quelle
méthode ils suivraient pour la conversion dudit roi et des gens de son royaume, et quels
principes ils leur donneraient d’abord de notre foi, afin que tout se passe avec beaucoup
de modération ; et on rédigea à ce propos de très longues, dévotes et catholiques
instructions, qui furent remises aux dits Frères »35.
21 La mission partit en 1491 et vint mouiller dans l’embouchure du
22 Congo, face aux terres de la province du Soyo. Le Mani Soyo, gouverneur de la province,
se montra très heureux de l’accueillir. Il ordonna que « sous peine de mort » tous les siens
se réunissent pour une fête en l’honneur du roi de Portugal. Au cours des danses, on
devait chanter les louanges de ce dernier en lui donnant le titre de Zambem apongo, « ce
qui chez eux signifie Seigneur du Monde »36.
23 Zambem apongo (Nzambi Mpungu) signifie « Dieu » en kikongo moderne mais, comme nous
l’avons déjà noté, son sens primitif semble avoir été « roi divin ». Le roi de Portugal était
donc devenu aux yeux des Congolais un dieu vivant, supérieur à leur propre roi parce que
vivant dans un autre monde, par delà les eaux.
24 La mission portugaise désirait se rendre le plus vite possible auprès du roi du Congo, mais
le Mani Soyo voulait être baptisé tout de suite, car il était vieux et craignait de mourir
avant le retour des Portugais37. On céda donc à ses instances ; une église en forme de case
fut hâtivement aménagée. Le Mani Soyo réunit alors tous les siens et leur adressa les
paroles suivantes :
25 « Amis, je tiens pour certain qu’il n’est pas au monde d’hommes plus favorisés par la
fortune ni plus dotés de savoir que les Blancs, et vous le verrez par la perfection des
choses qu’ils possèdent. Et Us ont tout cela parce que, de même qu’ils croient au vrai Dieu,
de même celui-ci rend leurs choses parfaites. Voilà pourquoi je vous fais savoir que dès
demain je veux me faire chrétien, et peu m’importe que vous m’en vouliez du mal ou du
bien. » A quoi tous répondirent : « Seigneur, nous ne vous en voudrons pas de mal, mais
au contraire plus de bien encore, puisque vous faites ce que vous devez. Et puisque vous
voulez être chrétien, soyez assez bon pour consentir à ce que nous aussi nous le soyons
avec vous »38.
26 Mais le Mani Soyo leur opposa un refus, car il jugeait imprudent de permettre à trop de
gens de rang inférieur de partager le privilège du baptême, avant que le roi du Congo ne
fût lui-même baptisé.
27 Le jour de la cérémonie venu, il entre seul dans l’église ; les personnages de sa suite
doivent rester à l’extérieur. Ils tournent autour de la case, inquiets de ce qu’on fait à leur
seigneur. Finalement, le Mani Soyo sort, le visage « rayonnant d’allégresse et de
sérénité », il leur dit :
28 « Amis, quels que soient les signes de plaisir et de bonheur que vous m’avez vu montrer à
l’occasion de telles ou telles de nos fêtes ou de telles ou telles victoires que j’ai remportées
sur mes ennemis – et ce plaisir dépasse tous les autres – je vous affirme que jamais je n’ai
éprouvé de bonheur qui me remplisse de plus de joie et qui me rajeunisse autant que celui
que je ressens à cette heure... »39.
82
29 Son entourage se met à regarder les autels et les ornements de l’église, mais le Mani Soyo
leur lance :
30 « Sortez d’ici, parce que tant que vous n’êtes pas chrétiens, vous ne méritez pas de voir de
si saintes choses. Et tous disaient d’une seule voix ; Seigneur, souviens-toi de nous.
Puisque ce bien que tu as reçu est tel qu’il rajeunit les hommes par le plaisir qu’il leur
procure, ainsi que tu le dis, fais-nous en bénéficier. A quoi il répondait : Je vous ai déjà dit
que je ne le peux pas maintenant, et qu’il n’est pas raisonnable de le faire »40.
31 D’après ces paroles, rapportées mot pour mot par Rui de Pina, qui a dû se servir d’un
texte écrit par un témoin, peut-on parler d’un véritable baptême ? Le Mani Soyo ne
semble-t-il pas penser plutôt qu’il s’agissait d’un rite procurant le rajeunissement de
l’être, soutenant les forces vitales du corps, et non d’une grâce surnaturelle41 ? Cette joie
triomphante devant un rite sacré, normalement accompagné d’un humble recueillement,
est-elle conciliable avec une réelle compréhension de son sens et de sa portée42 ? Peut-on,
en somme, parler d’une conversion ? Nous ne le pensons pas.
32 Après la cérémonie du baptême, les religieux portugais « l’invitèrent surtout [le Mani
Soyo] à ne pas adorer les idoles et à ne pas consentir qu’elles fussent plus longtemps
adorées dans son pays, et cela en lui en donnant de bonnes et catholiques raisons,
auxquelles il se rendit, de telle sorte qu’il les fit brûler avec la plus grande rigueur et le
plus grand mépris »43.
33 Ce détail permet d’évaluer ce qu’était, à cette aurore de la christianisation, la force
contraignante de la religion nouvelle.
34 La mission portugaise partit enfin pour la capitale avec deux cents porteurs, et suivie de
beaucoup d’autres Noirs44. A son arrivée, elle fut accueillie par une multitude
innombrable, dans une pompe bruyante et joyeuse. Le roi le reçut dans l’enceinte royale,
sur une estrade, le torse nu et portant les insignes de la souveraineté.
35 « Le capitaine portugais s’approcha de lui et lui baisa la main [...]. Et en signe de
remerciement, le roi prit de la terre dans ses mains et il en frotta d’abord la poitrine du
capitaine, puis la sienne propre, ce qui est le plus grand hommage qu’il puisse rendre,
étant donné son rang et la coutume. Sur ce, tous les gens de sa cour se livrèrent à de
grandes démonstrations, tous levant les bras dans la direction de la mer comme s’ils
montraient le Portugal, et ils disaient en poussant de grands cris : Vive le roi et Seigneur
du Monde, et que Dieu accroisse sa puissance, puisqu’il est si bon et si ami de notre bien-
aimé roi et seigneur »45.
36 Si, dans cette phrase, l’expression « Seigneur du Monde » traduit Nzambi Mpungu, comme
c’est le cas plus haut, quel était donc le mot employé pour Dieu ? Rien ne nous autorise à
suggérer que c’était Bumba, le dieu créateur des Bakongo. Nous retenons cependant cette
hypothèse, tout en reconnaissant sa fragilité.
37 Le roi reçut des Portugais tout ce qu’il avait demandé : les charpentiers, les maçons, et les
femmes chrétiennes pour enseigner à faire le pain, tous munis de leurs outils ; il eut droit
en outre à un cheval sellé et harnaché46 et à une grande quantité de riches tissus. Étonné
de la magnificence et de la nouveauté des tissus, le roi s’exclama :
38 « Je ne puis recevoir d’un tel roi chose dont je ne mérite pas qu’elle pénètre à l’intérieur
de mes yeux et de mon cœur, et à plus forte raison qu’elle couvre mon corps, dont je
pense qu’il a toujours été mort jusqu’à présent »47.
83
39 Loin de constituer une preuve d’humilité, cette réticence à l’égard des tissus étrangers
exprime plutôt une crainte typique de l’idéologie africaine ; le risque, pour la royauté
sacrale, de s’exposer aux sortilèges maléfiques que peut renfermer un pagne
préalablement « traité » par un ennemi. Si les rois du Congo et du Loango surmontèrent
rapidement ce tabou, les rois du Kakongo refusaient encore au XVIIe siècle tout contact
avec des tissus étrangers48.
40 Après la remise des cadeaux, le roi s’adresse ainsi à ses « nobles » :
41 « Il est certain que le roi [de Portugal], en qui sont tant de bonté et tant de vertu, est le
seul seigneur du monde, et qu’il mérite de l’être, et ces choses commencent à vous le faire
voir. A moi, qui suis roi de terres si lointaines, à moi dont il n’a nul besoin, et uniquement
parce qu’une seule fois il s’est déclaré mon ami, sans que je l’aie mérité ni ne puisse
jamais le mériter, il a envoyé des secours et m’a fait parvenir tout ce que je lui ai
demandé, et tout aussi complètement que vous le voyez. Que ne fera-t-il donc pas pour
d’autres, qui le servent ou pourraient le servir davantage ? Et les nobles lui disaient :
Certes, Seigneur, tu lui dois beaucoup, et ses réalisations que nous avons devant les yeux
le montrent, et elles t’obligent, et non seulement toi, mais nous tous, les sujets de ton
royaume, qui t’aimons et t’honorons »49.
42 Jamais, apparemment, un roi ne s’est mis aussi délibérément sous la dépendance d’un
autre. C’est précisément cette « capitulation », qui semble prouver que le monarque
portugais apparaissait comme étant de nature divine.
43 Soucieux de présenter les Congolais sous le jour d’une humble innocence, propre à
recevoir la lumière de l’Évangile, Rui de Pina omet un détail significatif, rapporté dans
l’ouvrage d’un Italien, publié à Rome en 1506. D’après cet auteur, le roi du Congo fit
cadeau aux Portugais de sept hommes, qui se suicidèrent sur-le-champ. Les Portugais
ayant refusé, écœurés, de manger leurs têtes rôties, on les donna au peuple50. Ce texte
démontre que les Congolais furent jadis cannibales, ce que l’auteur de l’História do Reino do
Congo (c. 1655) dément catégoriquement51.
44 On entreprit aussitôt la construction d’une église pour le baptême royal. Mille Noirs
commencèrent à réunir les pierres nécessaires, « tout en chantant de joie »52. Mais le roi
demanda à recevoir le baptême avant qu’elle ne fût achevée, car une révolte des tribus
Bateke, à la frontière nord-est, l’obligeait à partir pour la guerre53. On le baptisa donc, en
compagnie de six des principaux nobles, le 3 mai 1491, et il prit le nom de João I.
45 Aussitôt, un grand nombre de nobles, qui n’avaient pas été admis au baptême, se
présentèrent devant le roi, réclamant le même privilège. Il leur répondit en substance que
leur jour viendrait. Mais Duarte Pacheco Pereira (c. 1508), parlant de la christianisation
du royaume en général, affirme que le roi « ne voulait point que qui que ce soit d’autre
[que les six nobles admis au baptême] devînt chrétien, disant que chose si sainte et si
bonne ne pouvait être donnée à aucun vilain »54. Ce curieux désir de limiter les bienfaits
de la nouvelle religion aux dirigeants du royaume fait encore davantage croire à
l’existence d’un malentendu fondamental quant à sa véritable signification.
46 Avant son départ pour la guerre, le roi reçut des Portugais une bannière portant la croix,
et ils lui firent comprendre que s’il croyait en elle il serait toujours victorieux55. C’était
donc un fétiche d’un genre nouveau. Les Portugais participèrent à l’expédition punitive,
après avoir fait venir des renforts de bateaux à l’embouchure du fleuve. Ce fut la première
intervention de Blancs dans les différends entre Africains. On ignore d’ailleurs si les
Portugais firent usage d’armes à feu, mais c’est probable.
84
47 Une fois la guerre terminée victorieusement, la mission portugaise repartit pour le
Portugal, laissant quatre moines pour continuer l’évangélisation, un Noir lettré pour
enseigner les enfants du roi et des nobles, et quelques Portugais, qui devaient découvrir la
route des terres du Prêtre Jean56.
48 L’ardeur et l’enthousiasme manifestés par les Congolais pour la nouvelle religion ne
durèrent pas longtemps. Deux ou trois ans après son baptême, le roi apostasia, en raison
surtout de l’incompatibilité radicale entre la polygamie africaine, fondement essentiel de
l’économie agricole des Congolais, et la morale chrétienne57.
49 Un missionnaire contemporain raconte que ce fut pour Nzinga Nkuwu « ... un tourment
mortel que de vivre dans les limites de la loi évangélique, et il se souvenait avec nostalgie
de la liberté païenne ». Pour les nobles, renoncer à la polygamie, c’était « ... leur arracher
les tripes », et les femmes du roi « ... se voyant repoussées brûlaient de rage et de fureur »58.
50 Avec quelques partisans, le fils aîné du roi, Mbemba Nzinga, baptisé Afonso, demeura
fidèle au christianisme, et pour l’en punir, le roi l’exila dans la province de Nsundi59.
NOTES
1. Rui de Pina, Croniqua del-Rei D. Joham II, cap. LVII (« com assaz perygo e dificuldade »).
2. Ibid., cap. LXVIII (« tudo a fim d’aver conhecimento do Preste Joham que lhe dezíam ser
Christão »). Pendant quelques décennies encore après la découverte du fleuve, on pensera
pouvoir atteindre le Prêtre Jean en remontant le Congo vers l’Ethiopie. En 1520, le roi de Portugal
enverra au Congo Gregório da Quadra, avec mission de remonter le fleuve et d’ouvrir la route
vers l’Ethiopie. Il échouera, bien entendu (cf. Damião de Gois, Chronica do Rei D. Manuel, Pt. IV, cap.
LVI ; Lisbonne, 1556-1557, et Jerónimo Osório, De Rebus Emmanuelis, lib. XII, Lisbonne, 1571, (t. III,
p. 300 de la trad. port. de Filinto, Lisbonne, 1804).
3. Cf. A. Fontoura da Costa, Ás Portas da India em 1484, Lisbonne, 1936, pp. 27-28.
4. Bernardo da Gallo, in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst. Hist. Belge
de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 469.
5. Jean Barbot, qui visita le Cabinda en 1700, donne déjà à Mondelle le sens d’« un Blanc » (cf. Jean
Barbot, in Churchill, A Collection of Voyages and Travels, Londres, 1732, vol. V, p. 512.
6. Rivière non identifiée.
7. Texte in G. L. Haveaux, » La tradition historique des Bapende orientaux », in Mémoires de
l’I.R.C.B., Sect. Sc. Mor. et Pol., t. XXXVII, fasc. I (1954), p. 54.
8. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, vol. I, p. 252. Selon Delaere, le terme Kalunga (à
rapprocher de Bilungi ?) désigne, chez les Bapende du Cuango, « l’immensité, l’océan, l’au-delà, le
lieu très vague où l’on se rend après la mort, la terre [au-delà de l’océan] », cf. J. Delaere,
« Nzambi-Maweze. Quelques notes sur la croyance des Bapende en l’Être Suprême », in Anthropos,
37-40 (1942-1945), p. 621 ; cf. aussi Cavazzi, lib. II, § 64, « Tempo fà i Rè di Angola adorauano vn
certo Calunga che significa Mare, ouero Signor grande... » Notons qu’une coutume interdisait aux
rois des royaumes de l’Afrique occidentale de voir la mer. Cf. António de Almeida, « Mais
subsídios para a história dos reis do Congo », in Congresso do Mundo Portugués, Lisbonne, 1940, vol
VIII, p. 661 (Congo) ; António Gil, Considerações sodre (...) a moral religiosa (...) dos pretos (...)
85
Lisbonne, 1854, in Boletim LIV, Etnografia e Lingua Tupi-Guarani, n° 8, Univ. de São Paulo, Brésil,
1945, p. 39 (Congo) ; Georg Tams, Visit to the Portuguese Possessions in South Western Africa, Londres,
1843, p. 182 (Ambriz) ; Pechuel-Loesch, Die Deutsche Expedition an die Loango Küste, t. 3, seconde
partie, Stuttgart, 1907, p. 162 (Loango) ; cf. aussi Sture Lagercrantz, Contribution to the Ethnography
of Africa, Lund, 1950, pp. 331-332 (Afrique en général).
9. Cf. Otto Kaiser, Die mythische Bedeutung des Meeres in Ägypten, Ugarit und Israel, Berlin, 1959.
10. Notre étude « La signification cosmographique du passage du Cap Bojador », in Studia,
Lisbonne, n° 8 (1961), pp. 221-256.
11. W. H. Bentley, op. cit., vol. I, p. 252.
12. Manuel Alfredo, de Morais Martins, Contactos de Cultura no Congo Português, Lisbonne, 1958,
pp. 66 et 112. Ceci est vrai pour les populations habitant près de la côte. Dans l’intérieur, les
défunts sont censés habiter les forêts (mfinda), cf. W. H. Bentley, op. cit., vol. I, p. 252.
13. Manuel Alfredo de Morais Martins, op. cit., pp. 71 et 112 ; cf. aussi K. Laman, The Kongo, t. III, p.
15. Selon Van Wing, les albinos – les mfumu zi Ndundu – sont censés être des esprits de grands
ancêtres réincarnés (cf. Van Wing, Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 147).
14. Pigafetta, lib. II, cap. II.
15. Cf. E. G. Ravenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, p. 48.
16. H. H. Johnstone, The River Congo, Londres, 1884, p. 148, note.
17. Cf. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, vol. II, p. 115. Grenfell, voyageant sur le Juapa en
1885, fut accueilli aux cris de Bedimo – » esprits ». Un Anglais, qui accompagna Wolf et von
Wissmann dans leur expédition au Kasai, fut pris pour la réincarnation du chef Chienvu, mort
quelque temps auparavant (cf. C. S. L. Bateman, The First Ascent of the Kasai, Londres, 1869, p. 159).
18. Bernardo da Gallo, in op. cit., p. 468.
19. H. H. Johnstone, The River Congo, p. 148, note. A Joaquim Rodrigues Graça, premier Blanc à
visiter l’empire Lunda en 1845, on raconta que le défunt Muataianvo, Quinauezi, avait dit juste
avant sa mort : « Je ne meurs pas, je me transforme en mort pour aller visiter Muene Putu, mon
frère », Joaquim Rodrigues Graça, « Expediçâo ao Muataianvo », in Bol. Soc. Geog. de Lisbonne, 9e
sér. n° 1 (1890), p. 432.
20. Charles S. Braden, Religious Aspects of the Conquest of Mexico, Duke Univ. Press, 1930, pp. 34-36.
21. André Thevet, Cosmographie Universelle, Paris, 1575, fos 913-920 (v°) ; et aussi Alfred Métraux,
La Religion des Tupinamba, Paris, 1928, p. 227.
22. E. Torday et T. A. Joyce, Notes ethnographiques sur les peuples communément appelés Bakuba, ainsi
que sur les peuplades apparentées, les Bushongo, Bruxelles, 1911, p. 118 ; et H. Baumann, Schöpfung
und Urzeit des Menschen im Mythen der afrikanischen Völker, Berlin, 1936, pp. 96-115.
23. Rui de Pina, Croniqua del Rei D. Joham II, cap.LVII (... as gentes (...) acharam sem conto).
24. P.M., p. 175 (Nginga ancu) ; Bernardo da Gallo l’appelle Ne Muzinga e Ngu (cf. L. Jadin, « Le
Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst. Hist. Belge, fasc. XXXIII (1961), p. 469) ; Rui de
Pina l’appelle Monymoctyanymy (Mwene ntinu a nimi) (cf. M.M.A., vol. I, p. 27 ; l’auteur de l’« História
do Reino do Congo » l’appelle Mozingaeva Motinu (Nzinga Ntinu) (cf. ms. 8080 de la B.N.L., f° 17 (r°). Le
terme Ntinu signifie « roi » (cf. Cavazzi, lib. II, g 86) ; Nimi est un nom de clan (cf. J. Cuvelier,
L’Ancien Royaume du Congo, p. 252. Mwene et Nkuwu sont des titres.
25. Rui de Pina, Croniqua, caps. LVII et LIX. La distance actuelle est de 200 km.
26. João de Barros, Déc. I, lib. III, cap. III.
27. Rui de Pina, Croniqua, cap. LVII.
28. Sur les vraies dates des voyages de Diogo Cão (celles de Rui de Pina sont erronées), cf. A.
Fontoura da Costa, op. cit., p. 14, et E. G. Ravenstein, « The Voyages of Diogo Cão and Bartolomeu
Dias », in Geographical Journal, Déc. 1900, pp. 625-655.
86
29. Rui de Pina, Cróniqua, cap. LVII. Toutes les traductions de Rui de Pina, dans ce chapitre, sont
l’œuvre du professeur L. Bourdon, à qui nous tenons à exprimer notre très vive reconnaissance
pour l’attention et la patience qu’il a bien voulu manifester à notre égard.
30. Ibid., cap. LVIII.
31. Rui de Pina, Croniqua, cap. LVIII.
32. Ibid., loc. cit.
33. Ibid., loc. cit.
34. Ibid., loc. cit.
35. Ibid., loc. cit.
36. Rui de Pina, Croniqua, cap. LVIII.
37. Ibid., loc. cit.
38. Ibid., loc. cit.
39. Ibid., loc. cit.
40. Ibid., loc. cit.
41. Notons l’existence, chez plusieurs peuples africains, de certains procédés destinés à
prolonger la vie du roi. Au Buganda, on tuait un jeune homme et on faisait, avec les muscles
enlevés de son dos, des bracelets de cheville pour le roi (cf. J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911,
p. 210). Chez les Jagas de Cassange, le sang de la victime devait jaillir sur la poitrine du Jaga (cf. F.
T. Valdez, Six Years of a traveller’s Life in Western Africa, Londres, 1861, vol. II, p. 159). Rappelons
enfin la célèbre histoire de l’huile capillaire, que le roi zoulou, Chaka, envoya acheter au Cap,
moyennant quatre-vingt-six défenses d’éléphants, et dont il était persuadé qu’elle prolongerait
sa vie (cf. The Diary of Henry Francis Fynn, éd. James Stuart & D. McMalcolm, Pietermaritzburg,
1950, pp. 142-143 et 269. Chaka était convaincu que nul autre que le roi d’Angleterre n’osait
l’employer.
42. Autre exemple de cette allégresse dans un texte de 1584, relatant le baptême d’un chef de la
province de Mbata : « Après avoir été baptisé, il ne se tenait plus de joie, et il est rentré dans son
pays rayonnant d’un immense bonheur, disant que maintenant il appartenait à Dieu. » (Cf.
M.M.A., vol. IV, p. 405.)
43. Rui de Pina, Croniqua, cap. LVIII.
44. Ibid., cap. LIX.
45. Ibid., cap. LX.
46. Ibid., loc. cit. La mouche tsé-tsé abrégea la vie de cet animal.
47. Ibid., loc. cit.
48. Cf. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 340. Cf. aussi l’abbé Proyart, Histoire de Loango, etc.,
Paris, 1776, p. 145. Au Monomotapa, au XVIe siècle, le roi ne porte que des cotonnades fabriquées
dans le pays, alors que les nobles s’habillent avec des tissus importés de l’Inde (cf. João de Barras,
Décadas, Déc. I, lib. X, cap. I.
49. Rui de Pina, Croniqua, cap. LX.
50. Raffaello Maffei da Volterra, Commentartorum Urbanorum, Rome, 1506, f° 138 (v°).
51. Cf. Felner, Angola, p. 376.
52. Rui de Pina, Cróniqua, cap. LXI.
53. Ibid., op. cit., loc. cit. ; João de Barros, Décadas, Déc. I, lib. III, cap. IX ; Garcia de Resende, Chronica
da Vida de D. João II, Lisbonne, 1798, cap. CLXI ; Pigafetta, lib. II, cap. II.
54. Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis, (c. 1508) (éd. de l’Ac. Hist. Port., Lisbonne,
1954, p. 170).
55. Quarante ans plus tard, dans une lettre adressée à son successeur, D. Afonso I, le roi du
Portugal D. João III s’étonnera de savoir toujours en usage, en guise de bannière de guerre, « les
peaux et les choses du temps passé » (cf. M.M.A., vol. I, p. 528).
56. Rui de Pina, Croniqua, cap. LXIII.
87
57. Raimondo da Dicomano devait traiter très explicitement ce problème, lorsqu’il écrira en
1795 : « Parce qu’un homme qui n’a qu’une seule femme est toujours pauvre. Il n’a pas à manger
et n’est pas considéré. Parmi eux, les seules qui travaillent et qui donnent à manger aux hommes
sont les femmes. Or une femme ne peut seule donner à manger à son mari, manger elle-même et
ses enfants... Au contraire, si un homme a dix, vingt et plus de femmes, il est tenu
immédiatement pour un grand seigneur, parce que les femmes divisent entre elles l’année pour
donner à manger au mari. » (Cf. L. Jadin, « Relation sur le Congo du P. Raimondo da Dicomano,
missionnaire de 1791 à 1795 », in Bull. des Séances de l’Acad. Roy. des Sc. Col., t. III, fasc. 2 (1957), pp.
321-322.)
58. Frei Luis de Sousa, História de São Domingos, Pt. II, Lisbonne, 1662, lib. VI, cap. X, p. 244.
59. M.M.A., vol. I, p. 261 ; Pigafetta, lib. II, cap. II.
88
Chapitre VIII. Le règne de D. AfonsoI « Apôtre du Congo » (1506-1543)
1 Après la mort, en 1506, du roi D. João I, les grands du royaume avaient élu comme
successeur un fils « bâtard », Mpanzu Nzinga1. Arguant d’un droit fictif de primogéniture2
, D. Afonso, le fils aîné, contesta ce choix et tenta de s’imposer avec des partisans
chrétiens3.
2 Un affrontement épique devait avoir lieu entre chrétiens et païens : d’un côté Mpanzu
Nzinga, avec « un nombre infini de gens », de l’autre Afonso avec trente-six compagnons
chrétiens4. A grands cris, les chrétiens invoquaient les noms du Christ et de saint Jacques,
et « aussitôt les adversaires fuyaient ». Interrogés plus tard sur les raisons de cette fuite
précipitée, ils répondirent qu’ils avaient « vu dans l’air une croix blanche et le
bienheureux apôtre saint Jacques, avec de nombreux cavaliers armés et vêtus de blanc,
les combattre et les tuer »5.
3 La tradition orale du début du XVIIIe siècle ramène cet événement à des proportions plus
modestes : « ... au cours de la bataille comparut parmi les autres, dans l’armée chrétienne,
un homme blanc pris pour saint Jacques »6. Il s’agissait sans doute d’un Portugais, monté
sur un des rares chevaux qui avaient résisté à la mouche tsé-tsé. Quelques Portugais, on le
sait, apportèrent leur aide au parti chrétien7, et leur seule présence semble avoir été
décisive.
4 Dans la bataille, Mpanzu Nzinga trouva la mort et le capitaine de l’armée païenne, « qui
s’appelait Manibunda » (le Mani Vunda, selon toute probabilité), eut droit à la clémence de
D. Afonso, qui lui infligea toutefois un châtiment, étendu à ses descendants : balayer
l’église et la maintenir propre.
5 Après la victoire, D. Afonso réunit le peuple sur la grande place de la ville et fit un
discours, qu’il rapporte textuellement au roi de Portugal dans une lettre écrite par son
secrétaire noir, le 5 octobre 15148 :
6 « Alors, mes frères, vous savez que pour ce qui est de la foi en laquelle nous avons cru
jusqu’à présent, tout n’est qu’illusion et vent, parce que la vraie foi est celle de notre
Seigneur Dieu, créateur du ciel et de la terre. Car il fit notre père Adam, et Eve, et les mit
dans le paradis terrestre, et leur interdit de manger un fruit qui s’y trouvait. Par la
séduction du diable, notre mère Ève alla le manger, enfreignant le commandement de
89
Dieu. Elle pécha, puis fit pécher notre père Adam. C’est pourquoi nous sommes tous
condamnés. Et puisqu’il leur suffit d’enfreindre un seul commandement pour se perdre,
nous [le risquons] plus encore, qui en avons dix. Mais pour que vous sachiez combien Dieu
est miséricordieux : voyant que notre perdition avait été causée par une femme, il a voulu
que nous fussions sauvés par une autre, qui est la Vierge glorieuse, Notre Dame. C’est
dans son précieux ventre qu’il voulut donner forme humaine à son saint fils, qui devait
nous racheter et nous sauver. Celui-ci subit la passion et la mort pour notre salut, et laissa
douze apôtres pour aller prêcher dans le monde entier et y enseigner sa Sainte Foi ; et
[dire] que quiconque y croirait serait sauvé et accéderait à son Saint Royaume. Jusqu’ici,
nous n’avions aucun moyen de connaître celui-ci ; maintenant qu’il [le Christ] nous a
ouvert la voie du salut, réjouissez-vous tous d’être chrétiens, apprenez les choses de sa foi
et suivez l’exemple de ceux qui sont ses serviteurs, qui observent une grande chasteté et
vivent dans l’austérité et le jeûne, et mènent une très sainte vie. Quant aux pierres et aux
morceaux de bois que vous adorez, [sachez que] notre Seigneur nous a donné les pierres
pour faire des maisons et le bois pour le brûler.
Alors des hommes et des femmes, en nombre infini, se convertirent et devinrent
chrétiens »9.
7 Que faut-il penser de ce curieux texte, apparemment de rédaction purement africaine,
auquel nulle main européenne n’aurait prêté son concours ? Contrairement à certaines
lettres, écrites par les rois du Congo au XIXe siècle, et dont la syntaxe est très aléatoire10,
celle de D. Afonso (ou de son secrétaire) ne semble pas très différente des lettres
officielles portugaises de l’époque. Dans l’exposé de la religion chrétienne, on notera
toutefois des antithèses stylisées (« ... un seul commandement... dix [commandements] –
« ... perdition causée par une femme... sauvés par une autre... »), qui rappellent
étrangement un catéchisme appris mécaniquement. On peut en dire autant des allusions
aux pierres et aux morceaux de bois.
8 Qu’avait, en fait, compris D. Afonso de cette nouvelle religion, qu’il venait de faire
triompher, et que se passa-t-il en réalité lors de cette conversion en masse, qui survint
sur la grande place, où il flétrit l’ancienne religion, disant que ce n’était que « vent et
illusion » ?
9 Il est malaisé de savoir comment, et en combien de temps, cette « révolution chrétienne »
atteignit le peuple. Selon une tradition orale moderne, recueillie par Cuvelier en 1946,
c’est le discours de D. Afonso qui inaugure, au Congo, la période connue sous le nom de
Tandukia Nkangi, « la Période du Sauveur », « du Crucifix »11. Cette même tradition donne
une autre version de la scène sur la grande place :
10 D. Afonso convoqua tous les chefs du royaume. Il leur dit : « Cessez d’honorer les fétiches,
de croire aux amulettes, maintenant que nous avons vu la croix du fils de Dieu. Quiconque
les honore sera condamné à mort ». Les chefs acceptèrent cette loi12. Cependant une
parente maternelle du roi n’en tint aucun compte et continua à porter au cou des
amulettes13. Son exécution fut ordonnée par D. Afonso. Indignés, quelques chefs
coururent prendre leur arcs et leurs flèches. D. Afonso sortit de son enceinte, tenant une
croix entre ses mains. Il alla s’asseoir sur la grande place, les yeux au ciel. Les chefs
tirèrent sur lui de nombreuses flèches, mais aucune ne l’atteignit. Stupéfaits, ils cessèrent
de tirer. Alors le roi leur dit : « Vous voyez que Dieu l’emporte. J’ai condamné cette
femme au nom de la religion souveraine. » Tous les chefs dirent alors qu’ils croyaient en
Dieu et au Christ. D. Afonso leur remit des crucifix14.
90
11 Qui était cette « parente maternelle » ? De nombreuses sources affirment qu’il s’agissait
de la propre mère de D. Afonso15. Pour M. Georges Balandier, il ne saurait en être ainsi, la
tradition en question se rapportant vraisemblablement à « un rituel à implications
magiques associé à l’établissement de tout nouveau règne »16. La description que donne
Pigafetta du soutien apporté par la mère de D. Afonso à son fils, après qu’il eut été exilé
par son père, semble lui donner raison : elle était, écrit-il, « toujours restée ferme dans la
foi catholique »17. Était-ce la reine-mère, dont nous avons vu plus haut le rôle important
dans la royauté africaine ? On pouvait en effet s’attendre à voir se rallier autour d’elle les
adeptes des pratiques religieuses traditionnelles.
12 La soumission des Congolais à la nouvelle religion sera justifiée rétrospectivement,
comme le démontre une tradition courante au début du XVIIIe siècle, concernant le roi
Nzinga Nkuwu (futur D. João I) avant l’arrivée des Européens :
13 « ... étant vieux et décrépit, il n’avait plus le goût de sacrifier aux idoles, accablé déjà par
la multitude des années et peut-être mû par des lumières surnaturelles [...] Les Congolais
l’importunaient pour qu’il se levât et sacrifiât aux idoles, comme de coutume. « Laissez-
moi tranquille, répondait le pauvre vieux ennuyé, laissez-moi tranquille, parce que ces
choses que nous faisons sont de pures folies. De là viendra – et il désigna de sa main la
direction de la mer occidentale – de là viendra le vrai sacrifice et la connaissance du vrai
Dieu, et peut-être aurai-je le bonheur de le voir de mon temps. » Les Noirs croyaient qu’il
divaguait comme un homme âgé, et ensuite ils virent que tout ce qu’il avait dit arriva.
Les Portugais arrivaient en effet peu de temps après dans la mer du Soyo »18.
14 Ainsi, par un consentement prophétique, inséré a posteriori dans la tradition historique se
rapportant au temps pré-chrétien, la révolution chrétienne se trouve en quelque sorte
justifiée.
15 Après la victoire sur son frère païen, D. Afonso I, l’« Apôtre du Congo » va régner pendant
trente-cinq ans19.
16 L’historien contemporain João de Barros dit de lui qu’il « ... fit preuve non seulement des
vertus d’un prince chrétien, mais joua le rôle d’un apôtre, évangélisant et convertissant
lui-même une grande partie de son peuple [...] Et pour mieux exercer cet office de
prédicateur, il apprit à lire notre langue ; et il étudiait la vie du Christ et ses Évangiles, les
vies des saints et autres doctrines catholiques qu’il pouvait apprendre avec l’aide de nos
prêtres, et il expliquait tout cela à ce peuple barbare. Il envoya aussi au Portugal ses fils,
ses petits-fils, ses neveux et quelques jeunes nobles, pour y apprendre à lire et écrire non
seulement le portugais, mais aussi le latin et les textes sacrés »20.
17 Comment ce « prince chrétien » avait-il résolu le problème de la polygamie, sur lequel
avait achoppé son père ? Demeurait-il monogame ? Cuvelier, invoquant un texte de João
de Barros, est de cet avis21. Quant à Barros lui-même, qui fait allusion au renvoi d’une
concubine, il se réfère alors non pas à D. Afonso, mais à son père D. João I22. Nul
témoignage ne nous est parvenu, qui permette de définir avec certitude la position de D.
Afonso sur ce point ; le fait qu’il ait eu plus de trois cents petits-fils et arrière-petits-fils
pourrait faire douter qu’il fût monogame, mais n’est pas une preuve23.
18 Quel fut son comportement à l’égard de la coutume de l’inceste royal ? On l’ignore
également, mais on sait que l’un de ses successeurs, D. Diogo (1545-1561), demandait à
l’Église d’entériner par une dispense son mariage avec une parente proche24. Nous savons,
par ailleurs, que l’inceste royal était toujours pratiqué au Congo au XVIIe siècle25. Sur ce
point, la christianisation semble n’avoir rien changé.
91
19 Nul document ne nous est parvenu pour nous expliquer comment D. Afonso « évangélisait
et convertissait » son peuple, comme l’indique João de Barros. Dans une lettre datée du 5
octobre 1514, D. Afonso souhaite qu’on lui envoie « quelques bombardes et des fusils »
pour pouvoir brûler « une grande maison d’idoles [fétiches]... car si on la brûlait sans
l’aide des chrétiens [portugais] » il y aurait une révolte où il pourrait risquer sa vie.
Comme les armes n’étaient pas arrivées, il dut brûler les idoles « le plus secrètement
possible »26. C’est une preuve que le courant traditionaliste hostile à la nouvelle religion
était encore loin d’être endigué.
20 Son programme d’enseignement consistait à faire construire une grande enceinte de
pieux et d’épines, où il enfermait 400 jeunes gens, enfants de la cour et des nobles, pour
éviter qu’ils « ne sautent dehors et prennent la fuite ». Leur instruction est confiée à des
prêtres portugais, logés dans une enceinte contiguë ; mais les quatre prêtres ne restèrent
que « trois ou quatre jours », et deux demandèrent à rentrer aussitôt en métropole27.
Serait-ce parce qu’ils ne parvenaient pas à imposer une discipline ?
21 Au Portugal, l’éducation des Congolais ne va pas non plus sans mal. Le 27 mai 1517, D.
Afonso écrit au roi de Portugal pour répondre à une lettre de ce dernier, où il lui faisait
savoir que les jeunes parents qu’il avait envoyés se faire instruire ne faisaient aucun
progrès et qu’il ne fallait pas en envoyer d’autres. D. Afonso se déclare très peiné et
recommande qu’ils soient « sévèrement châtiés ». Ce serait pour lui « une très grande
honte » qu’ils n’aient plus la possibilité d’aller s’instruire au Portugal. Il répète « qu’ils
doivent être châtiés et corrigés, car c’est par le travail qu’on atteint le royaume des
cieux ». Il demande qu’ils soient dispersés à travers le Portugal, pour qu’ils ne restent pas
ensemble28. La cour de Lisbonne semble s’être laissée quelque peu fléchir par cette
plaidoirie, car le roi D. João III écrira en 1529 qu’il acceptera jusqu’à douze jeunes
Congolais, dont il assurera l’instruction29. L’historien contemporain Damião de Gois
rapporte que les étudiants congolais finirent par donner des preuves d’assiduité, car
« beaucoup sortirent lettrés [des couvents et des maisons de personnes savantes et
pieuses chargées de leur instruction] et tels que, par la suite, ils firent un travail très
fructueux dans leur pays, y prêchant la foi catholique »30. Cela est vrai au moins de l’un
d’entre eux, Henrique, un des fils de D. Afonso, qui fut sacré évêque à Rome en 151831. Un
autre fils resta à Lisbonne et devint professeur d’humanités32.
22 Au Congo même, l’enthousiasme pour l’instruction ne faisait pas défaut. Le roi portugais
D. Manuel écrira à D. Afonso, vers 1529, qu’on « lui vantait beaucoup la manière dont on
enseignait dans les écoles, de nuit et de jour », mais il recommande des classes moins
nombreuses, pour que l’enseignement soit meilleur33. Que sait-on au juste de ces écoles au
Congo ? Assez peu de choses en fait. Selon Rui de Aguiar (1516), « de nombreux Congolais
christianisés s’étaient répandus à travers le royaume pour y fonder des écoles, où ils
enseignaient la sainte foi au peuple » ; une des sœurs de D. Afonso, une femme d’une
soixantaine d’années et « qui sait très bien lire », était professeur dans une école de
jeunes filles34.
23 Jusqu’à quel point D. Afonso était-il vraiment lettré ? On sait qu’il lut les instructions
données en 1512 à l’ambassadeur Simão da Silva (qui mourut en arrivant au Congo)35. Par
les soins de cet ambassadeur, il reçut du roi de Portugal le code des lois portugaises
(Ordenações Manuelinas) en cinq volumes, qu’il avait demandé36. Damião de Gois raconte
qu’il a su par un Portugais, Balthasar de Castro, rentrant du Congo, que D. Afonso « les
avait tous lus »37. Castro rapporta même une boutade du roi qui, ayant trouvé ces lois
92
beaucoup trop complexes pour être appliquées au Congo, lui avait demandé : « Castro,
quelle peine inflige-t-on, au Portugal, à celui qui pose les pieds par terre ? »38.
24 L’érudition de D. Afonso est évoquée, sans doute avec trop de lyrisme, par Rui d’Aguiar
dans une lettre du 25 mai 1516 au roi de Portugal, D. Manuel :
25 « Quant à ses qualités de chrétien, sachez qu’il me semble, d’après la façon dont il parle,
que ce n’est pas un homme, mais plutôt un ange, que le Seigneur a envoyé dans ce
royaume [le Congo] pour le convertir ; car je vous assure que c’est lui qui nous instruit, et
qu’il connaît mieux que nous autres les Prophètes, et l’Évangile de Notre-Seigneur Jésus-
Christ, et toutes les vies des Saints et toutes les choses de notre Sainte Mère l’Église [...]
car il ne fait rien d’autre qu’étudier, et il lui arrive maintes fois de s’endormir sur ses
livres, et souvent il oublie de manger et de boire pour parler des choses de Notre-
Seigneur »39.
26 Sous l’influence des Portugais40, la cour de São Salvador devint une imitation de la cour
royale portugaise. Les membres du corps administratif prirent des titres comme mordomo
(majordome)41, trinchante (écuyer chargé de découper les viandes)42, copeiro (échanson)43,
camareiro (chambellan) 44 ; quant à la caste dirigeante, elle s’adjugera les titres de
« comte », de « duc » et de « marquis », les provinces deviendront « comtés » et
« marquisats »45.
27 En 1513, encouragé par le roi de Portugal, D. Afonso prête serment d’obédience au pape,
en qualité de prince chrétien46. Cet acte, qui établissait un lien direct entre São Salvador
et le Saint Siège, vaudra au Congo, comme nous le verrons plus loin, une protection
précieuse lorsque les conquistadores portugais, installés à Luanda en Angola chercheront, à
partir de 1571, à étendre leur hégémonie à ce royaume.
28 Outre l’envoi de missionnaires, D. Afonso sollicite des rois de Portugal, dans ses lettres,
une aide technique : un conseiller juridique, qui l’aiderait à introduire chez lui le système
portugais de l’administration de la justice47, des médecins, des pharmaciens et des
médicaments48 (qu’il obtiendra)49, enfin des artisans pour construire une école50. On lui
avait déjà envoyé du Portugal (1512)51 des maçons, pour lui construire une demeure en
pierre, un tuilier et un cordonnier, mais il se plaint qu’aucun d’eux n’ait jamais rien fait :
les maçons s’étaient mis à acheter des esclaves, le tuilier « n’avait jamais voulu fabriquer
de tuiles ni de briques », et le cordonnier, à qui il avait donné vingt peaux de chèvres,
vingt de moutons et vingt d’autres bêtes, n’avait pas su ou voulu les utiliser52. De
l’équipage d’un bateau français, capturé par les Portugais jaloux de leur monopole du
commerce dans ces parages, D. Afonso avait pu récupérer un charpentier et un pilote
« bon grammairien, qui pourrait instruire les membres de sa famille »53. L’incompétence
des artisans portugais n’est pas expliquée, on ne peut guère l’attribuer qu’aux difficultés
auxquelles se heurtait l’exercice d’un métier spécialisé dans un milieu social étranger.
29 Les lettres de D. Afonso révèlent les déceptions d’un homme, qui avait donné toute son
adhésion à la civilisation européenne, qui croyait encore à la bonne foi et à la générosité
de son « frère » – c’est le mot qu’il emploie pour s’adresser au roi de Portugal –, mais qui
se trouvait profondément surpris et peiné par le comportement intéressé, désinvolte,
voire insolent, des Portugais résidant au Congo.
30 La célèbre image d’une entente idyllique entre les deux royaumes, le Portugal et le Congo,
dont parlent certains auteurs, n’a jamais existé, en fait, que dans le pieux projet du roi de
Portugal D. João II (1495-1521), qui voulait se targuer devant le pape d’avoir fait rentrer
dans la bergerie chrétienne un troupeau égaré54. Les notions confuses de la géographie de
93
l’Afrique, qui avaient cours à la fin du XVe siècle en Europe, induisaient les Portugais à
considérer le Congo comme une marche distante du royaume du Prêtre Jean. Si les
Congolais semblaient ignorer le nom du Christ, c’était sans doute parce que l’Evangile
avait été oublié par certains peuples très éloignés des foyers de la civilisation. Lorsque
plus tard (au XVIe siècle) on s’aperçut que le christianisme ne s’était jamais diffusé nulle
part en Afrique bantoue (ni d’ailleurs en Amérique) les Congolais, bien qu’officiellement
« convertis », furent relégués par les Portugais (mais non pas par Rome), avec tous les
autres Noirs, dans la catégorie de gentios (païens), terme qui sera à tel point opposé à
l’idée de civilisation européenne que la phrase des Chansons de Geste « Chrétiens unt dreit
e païens unt tort » retrouvera tout son sens, les chrétiens étant en l’occurrence
uniquement les Portugais de Luanda55.
31 A travers le XVIe siècle, l’image des Congolais présentés comme « des âmes élevées dans
l’innocence de leurs premiers parents [Adam et Ève] qui, par la Foi et le Baptême mettent
avec douceur et obéissance leur nuque sous le joug évangélique »56, fera place à celle que
donnent des Noirs les jésuites : « ... bien que dociles, ils ont besoin de se soumettre à une
autorité pour être bien convertis, car sans sujétion, ni eux, ni aucun autre peuple barbare,
pour si bien disposé qu’il soit, ne pourra garder la foi : on le voit bien au Congo, où le
christianisme a si mal tourné »57.
32 D. Afonso se rendit compte qu’à Lisbonne on l’avait oublié, et qu’à la cour ses affaires
étaient « en sommeil » (em calmaria)58.
33 Quelques semaines plus tard, il écrira que certains Portugais résidant dans le pays avaient
tenté de l’assassiner dans l’église, alors qu’il entendait la messe, « ... uniquement pour que
je meure et qu’ils puissent imposer un roi de leur choix »59. A l’automne de sa vie, D.
Afonso vit s’installer la méfiance entre les Portugais de son royaume et lui-même, sans
perdre pour autant ni sa foi chrétienne, ni sa confiance en son « frère » de Lisbonne. Il
faisait retenir la correspondance portugaise destinée à la métropole, afin d’éviter toute
chaîne parallèle au courrier royal60. Ses ennemis, de leur côté, s’employaient à empêcher
ses lettres de parvenir à Lisbonne61.
34 D. Afonso mourra en 1543, et il ne semble pas que les textes de l’époque aient mentionné
l’événement, du moins n’y trouve-t-on pas la moindre allusion62.
NOTES
1. P.M., p. 175 (document de 1624) ; João de Burros l’appelle Panso Aquitima (Mpanzu a Kitima), (cf.
João de Barros, Décadas, Déc. I, lib. III, cap. X).
2. M.M.A., vol. I, p. 267 (lettre de D. Afonso aux grands du royaume, 1512).
3. Nous écartons la version de Pigafetta (lib. II, cap. III), qui nous semble suspecte. Selon lui, D.
Afonso, usant de son « droit » de primogéniture, serait monté sur le trône normalement, et ce ne
fut que par la suite que son frère païen contesta ce droit.
4. M.M.A., vol. I, p. 262 (doc. de 1512). D’autres documents parlent de 37 (cf. M.M.A., vol. I, p. 267 ;
P.M., p. 175 ; João de Barros, Déc. I, lib. III, cap. X).
5. M.M.A., vol. I, pp. 263 et 268 (documents de 1512).
94
6. Cf. Bernardo da Gallo (1717), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst.
Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 472.
7. Pigafetta, lib. II, cap. III.
8. « Et nous écrivons ceci avec [l’aide d’]un de nos Jeunes hommes de l’école, parce que nous
n’osons faire appel à aucun des hommes [blancs ?] qui sont ici, car aucun des plus instruits n’est
sans reproche » (cf. M.M.A., vol. I, p. 322).
9. M.M.A., vol. I, pp. 298-299, lettre de D. Afonso au roi D. Manuel, 5 octobre 1514. La dernière
phrase s’enchaîne aux autres sans aucune ponctuation.
10. Cf. infra, chap. XV, g 6.
11. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 201.
12. Tout ceci est confirmé par Pigafetta, lib. II, cap. III.
13. J. Cuvelier, op. cit., p. 120, reprenant une tradition orale.
14. J. Ibid., op. cit., pp. 120-121.
15. Cf. Giuseppe Monari da Modena (1711-1721), in Evaristo Gatti, Sulle Terre e sui Mari, Parme,
1931, p. 130 ; Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Anto-niens », in Bull,
de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 471 ; P. Cherubino da Savona (1775), in L. Jadin,
« Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV (1963),
p. 460 ; Le roi du Congo, Garcia V, lettre du 26-11-1813, in L. Jadin, « Recherches sur les archives
d’Angola », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, t. II, fasc. 6 (1956), pp. 961-968.
16. G. Balandier, La Vie quotidienne au Royaume du Congo du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, 1965, p. 271,
note 14.
17. Pigafetta, lib. II, cap. II.
18. Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst.
Hist. Belge, fasc. XXXIII (1961), p. 469.
19. Cf. Biographie coloniale belge, t. II, à « Afonso I ».
20. João de Barros, Décadas, Déc. I, LIb. III, cap. X.
21. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 315, note 55.
22. João de Barros, Déc. I, lib. III, cap. X.
23. M.M.A., vol. I, p. 533 (lettre de D. João III de Portugal, de c. 1529).
24. M.M.A., vol. II, p. 326 (texte de 1553).
25. M.M.A., vol. VI, p. 375 (lettre de Manuel Baptista, du 7-4-1619).
26. M.M.A., vol. I, pp. 296-298.
27. Ibid., vol. I, p. 300 (lettre du 5-10-1514).
28. Ibid., vol. I, p. 356 (lettre de 1516).
29. Ibid., vol. I, p. 533.
30. Damião de Gois, Chronica do Felicissimo Rei Don Manuel, Pt. I, chap. LXXVI, Lisbonne, 1556 (trad.
franç, de Willy Bal, Le Royaume du Congo aux XV et XVIe siècles, Bruxelles, 1963, p. 56.
31. Il retourna au Congo en 1521, mais mourut probablement avant 1534 (cf. Biographie Coloniale
Belge, t. II, à « Henrique »).
32. Cf., ibid.
33. M.M.A., vol. I, p. 533.
34. Ibid., vol. I, p. 362 (lettre de Rui d’Aguiar au roi D. Manuel, du 25-5-1516).
35. Ibid., vol. I, p. 310 (lettre de D. Afonso, du 5-10-1516). Les autres Portugais tentèrent sans
succès de l’en empêcher, craignant qu’il n’en fût fâché.
36. Ibid., vol. I, p. 356 (lettre du 4-3-1516).
37. Damião de Gois (1556), in M.M.A., vol. I, p. 374.
38. Ibid., loc. cit.
39. M.M.A., vol. I, p. 361 (lettre de Rui d’Aguiar, au roi D. Manuel, du 25 mai 1516).
40. M.M.A., vol. I, p. 235. Instructions à Simão da Silva (1512).
95
41. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 302.
42. Ibid., p. 303.
43. Ibid., loc. cit.
44. Ibid., p. 304.
45. M.M.A., vol. I, pp. 244-246. Les titres de duc, comte, etc., ne deviendront d’usage courant que
vers la fin du XVIe siècle (cf. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, pp. 186 et 195).
46. Ibid., vol. I, pp. 270-271.
47. Ibid., vol. I, pp. 233-234 (Regimento de Simão da Silva). Il en recevra un.
48. Ibid., vol. I, p. 523. Un chirurgien, un médecin et des médicaments lui avaient déjà été envoyés
en 1512 (cf. M.M.A., vol. I, p. 253).
49. Ibid., vol. I, p. 523. Un chirurgien, un médecin et des médicaments lui avaient déjà été envoyés
en 1512 (cf. M.M.A., vol. I, p. 253).
50. Ibid., vol. I, p. 338 (lettre du 31-5-1515).
51. Ibid., vol. I, pp. 233-234 (Regimento de Simão da Silva, 1512). On ignore ce qu’étaient devenus
les artisans envoyés à son père D. João I.
52. Ibid., vol. I, pp. 306-316 (lettre du 5-10-1514).
53. Ibid., vol. I, pp. 476-477 (lettre du 25-8-1526).
54. Cf. la lettre de D. Afonso au pape, de 1512 (cf. M.M.A., vol. I, p. 272), où les ternies employés
pour faire l’éloge des monarques portugais font douter de la spontanéité de l’inspiration de
l’auteur. Il y est question des « grosses dépenses, des efforts et des peines pour envoyer des
religieux au Congo ».
55. L’historien de l’Angola, António de Oliveira de Cadornega, est un bel exemple de cette
mentalité (1680).
56. João de Barros, Déc. I, lib. III, cap. XII.
57. M.M.A., vol. II, p. 518 (texte de 1563).
58. Ibid., vol. II, p. 101 (lettre du 4-12-1540).
59. Ibid., vol. II, p. 105 (lettre du 17-12-1540).
60. Ibid., vol. II, pp. 76-77.
61. Ibid., vol. II, p. 104.
62. Pour la date de la mort de D. Afonso, cf. la lettre de D. Manuel à son frère, M.M.A., vol. II, pp.
120-124 (1543).
96
Chapitre IX. Le royaume du Congoet ses rois leurs rapports avec lesEuropéens (1543-1654)
1 A la mort de D. Afonso, le royaume est plongé dans l’anarchie caractéristique des
interrègnes en Afrique. Elle durera deux ans : les Portugais tenteront sans succès
d’imposer un roi de leur choix, D. Pedro I (1543-1544 ?) ; le règne de D. Francisco I, qui lui
succéda, fut également bref.
2 Une période de relative stabilité politique suivra, avec D. Diogo I (1545-1561). Ce roi sut se
montrer le maître de son pays, fit de son mieux pour contrôler, dans l’intérêt de ce
dernier, l’activité des marchands portugais1, et surtout mit un frein à la trop grande
ingerance des jésuites dans la vie traditionnelle congolaise.
3 Installés à São Salvador depuis 1548, les missionnaires de la Compagnie de Jésus
s’appliquaient à discipliner le christianisme confus des Congolais. En 1555, D. Diogo,
excédé par leurs reproches trop sévères à propos de sa vie licencieuse (de nouveau le
problème de la polygamie), les expulsa de son royaume, avec de nombreux autres
Européens2. On tolérera toujours certains Blancs et des membres du clergé régulier, plus
accommodants à l’égard des mœurs du pays.
4 Une nouvelle période de troubles s’ouvre à la mort de D. Diogo, en 1561 ; elle ne se
terminera qu’en 1572.
5 D. Afonso II, placé sur le trône par les Portugais, sera aussitôt assassiné avec ceux qui l’ont
soutenu, car les Congolais n’admettent point que soit bafouée leur coutume d’élire les rois3.
6 Deux autres rois suivront : D. Bernardo I (1561-1567) et D. Henrique I (1567-1568). Tous
deux mourront dans des guerres de frontières contre les Bateke et les Jagas4.
7 De 1561 à 1572, le Congo va en effet subir une longue série d’assauts de ses adversaires
africains. L’année de l’avènement de D. Álvaro I (1568-1587), le pays est envahi et dévasté
par les Jagas, tribu cannibale, organisée en bandes nomades et originaire d’outre-Cuango.
São Salvador et ses églises sont détruits, le roi et sa cour contraints de se réfugier sur une
97
île du Congo. Là, poussés par la famine, ils iront jusqu’à vendre les membres de la famille
royale aux négriers de São Tomé5.
8 Une force expéditionnaire de 600 soldats blancs, envoyée par Lisbonne en 1571, chassera
les Jagas et rétablira le malheureux D. Alvaro I sur son trône après deux ans d’efforts6.
Reconnaissant de cette aide, il « ... offroit (sic) de se rendre vassal de la couronne
portugaise et de lui payer un tribut annuel en esclaves ; mais le roi D. Sébastien refusera
généreusement... »7.
9 Les conquistadores portugais de l’Angola, installés à partir de 1575 à Luanda dans leur
nouvelle colonie, tenteront, pour justifier leur désir de conquérir le Congo, de mettre en
doute la réalité de ce « refus généreux »8mais on en a une preuve concrète : une lettre du
chanoine Bras Corrêa, qui déclare avoir vu et lu la lettre de D. Sébastien à D. Álvaro I9.
10 Des 600 soldats venus seconder D. Álvaro I, un certain nombre restera à São Salvador. Le
soutien qu’apportent ces mercenaires et leurs successeurs à la monarchie10 en renforcera
le pouvoir autocratique, et rendra plus tendus ses rapports avec la caste dirigeante.
Pendant les quarante premières années du XVIIe siècle, São Salvador demeurera, grâce à
l’appui de ces Européens, le centre dominant du royaume, malgré une constante
instabilité politique11 et des révoltes sporadiques dans les provinces12.
11 Les interrègnes chaotiques se répètent à la mort de chaque roi. D. Álvaro I sera suivi de D.
Álvaro II (1587-1614) ; D. Bernardo II (1614-1615) ; D. Álvaro III (1615-1622) ; D. Pedro II
(1622-1624) ; D. Garcia I (1624-1626) ; D. Ambrósio I (1626-1631) ; D. Álvaro IV (1631-1636) ;
D. Álvaro V (1636) et D. Álvaro VI (1636-1641) 13.
12 D. Álvaro VI, premier roi de la dynastie des Nlaza14, pour mieux asseoir son pouvoir
« usurpé »15, « envoya demander la couronne au souverain pontife, ce qui lui fut accordé
avec une paternelle bonté », mais il mourut avant de recevoir la réponse de Rome, et ce
fut son successeur, son frère D. Garcia II (1641-1661), qui profita de cette légitimité
douteuse16. C’est sans doute de cette époque que date la sanglante rivalité entre les clans
Mpanzu et Nlaza, qui va déchirer le Congo à la fin du XVIIe siècle17.
13 En 1636, forte de ses rapports directs avec les Européens, la province du Soyo conquiert
son indépendance. Son gouverneur, qui s’arroge le titre de « comte de Soyo », se
réservera toutefois le droit de participer à l’élection des rois du Congo18. Ce sera le plus
grand coup porté à l’intégrité territoriale du Congo depuis l’indépendance des provinces
du Loango, du Kakongo et de l’Angoï. Du fait de sa situation maritime, lui permettant de
contrôler le commerce vers l’intérieur, le Soyo va devenir puissant au point de rivaliser
avec le Congo lui-même19.
14 A partir de 1602, des marchands hollandais commencent à fréquenter le grand fleuve20 et
à concurrencer sérieusement les Portugais. Bien que ceux-ci les dénoncent comme
hérétiques, les Congolais ne verront aucun inconvénient à commercer avec eux21.
Politiquement, ils étaient parfaitement en droit d’essayer de profiter de cette rivalité, et
ils y réussiront pendant un temps. Mais c’est bien dans cette compétition commerciale
entre nations européennes qu’il faut chercher les causes du désastre qui frappera le
Congo en 1665, car contre le défi économique, les Portugais n’auront d’autre arme que la
guerre.
15 Excédés par cette prétention à l’indépendance, et surtout inquiets de voir les Congolais en
rapports avec d’autres Européens, les conquistadores de Luanda vont lentement mettre sur
pied un projet d’intervention militaire, pour placer le Congo sous leur hégémonie22. A ce
98
but, il s’en ajoute un autre : posséder les mines de cuivre exploitées par les Congolais à
Bembe23.
16 En 1641, aidés de guerriers Jagas, les conquistadores sont sur le point d’envahir le Congo24,
mais les Hollandais occupent Luanda, réduisent à néant la puissance portugaise sur toute
la côte, et pendant sept ans tiennent en état de siège ses représentants dans l’intérieur de
l’Angola25.
CARTE PARTICULIERE DU ROYAUME DU CONGO PAR ANVILLE, PARIS, 1731, B.N. Paris, Ge DD 2987 (8259).
17 Cela constituera un sursis pour le Congo, et lui permettra de conserver pour un quart de
siècle encore sa liberté et son indépendance. Cette même année voit monter sur le trône
le plus grand de tous les monarques congolais après D. Afonso I : D. Garcia II (1641-1661),
surnommé le Quimpaco (sorcier). Pendant son long règne, cet homme, qu’un
contemporain décrira comme « rusé, politique, astucieux et finaud »26, tentera de résister
par des manœuvres diplomatiques aux ingérences des Blancs dans les affaires de son
royaume. Plus obéi à l’intérieur que ses prédécesseurs, il aura surtout des problèmes dans
ses rapports avec les Européens.
18 A sa cour, trois groupes rivaux, composés de Hollandais, de jésuites portugais, de capucins
espagnols et italiens27, solliciteront tour à tour sa « coopération ». Chacun lui inspirera de
grandes espérances, toujours suivies de violentes déceptions. Toute sa politique sera
caractérisée par une haine viscérale pour les Portugais, en exceptant toutefois les jésuites
de cette nationalité.
19 Après leur victoire, les Hollandais lui font des ouvertures de paix et de bonne entente. Il
répond avec enthousiasme, manifestant son accord pour un front commun contre « leurs
ennemis », c’est-à-dire les Portugais. Mais il interdit prudemment aux Hollandais de
construire des forts sur ses terres, et il refuse d’avoir à sa cour un ambassadeur ou un
pasteur, « car, dit-il, je professe la vraie foi catholique et je me soumets à l’autorité du
Saint Père, vicaire de Dieu. La méchanceté des Portugais, fondée sur leurs ambitions, ne
99
suffit pas pour que j’abandonne la foi catholique, ni que j’expulse de mes terres et du
royaume d’Angola [sic] les personnes spirituelles [les missionnaires] »28.
20 En 1643, se rappelant que les jésuites, en Angola, avaient publiquement fustigé les
conquistadores de Luanda29 pour le massacre de l’armée congolaise à Bumbe, près de la
frontière, en 1623, lors d’une de leurs razzias périodiques30, D. Garcia II écrit de sa propre
main au Recteur du collège des jésuites de Luanda, pour solliciter l’envoi de missionnaires
« pour cultiver la vigne de Dieu ». Les jésuites, déclare-t-il, ont toujours été « favorables
aux affaires de mon royaume ». « Ils ont été arrêtés et déportés pour avoir prêché la
vérité aux hommes de Luanda, lesquels ne les écoutaient pas, jusqu’au moment où arriva
le châtiment de Dieu »31, « Rien, enchaîne D. Garcia II, ne fait tant de tort aux hommes que
l’ambition et l’orgueil. Celui-ci régnait à Luanda. C’est pourquoi il ne put jamais y avoir de
paix avec notre royaume, car au lieu d’or, d’argent et autres choses qui servent de
monnaie dans d’autres contrées, le matériel d’échange et la monnaie sont des esclaves,
qui ne sont ni or ni tissu, mais des êtres humains. Notre malheur et celui de nos ancêtres
est que notre naïveté a permis l’apparition de tant de maux dans nos royaumes [...]
L’inégalité des armes nous a tout fait perdre, car devant la force il n’y a pas de droit qui
tienne ». Il termine sa lettre en affirmant : « ma seule volonté est que mes terres soient
indépendantes. C’est ma ferme intention, et même si je dois être foudroyé, je mourrai
pour libérer ce qui m’appartient »32.
21 Cet enthousiasme pour les jésuites ne serait-il pas le fruit d’une subtile campagne, menée
par les missionnaires de cet ordre, de retour à São Salvador depuis 1619, en faveur de
leurs confrères souffrant en Angola sous l’occupant hollandais33 ?
22 Toujours en cette même année 1643, la querelle entre le Soyo et le Congo incite chaque
parti à essayer de rallier les Hollandais à sa cause. Le Soyo enverra des ambassadeurs
noirs au Brésil et en Europe pour demander aux Hollandais de ne pas soutenir le Congo,
mais la Compagnie des Indes Orientales refusera de prendre parti34. On sait que D. Garcia
II envoya également des ambassadeurs en Europe chercher des appuis, mais on ignore
comment ils furent reçus35.
23 Est-ce par l’impartialité décevante des Hollandais dans ce différend, ou par les
exhortations antiprotestantes des jésuites et des missionnaires capucins italiens et
espagnols, que D. Garcia II fut amené à se détourner des Hollandais ? On l’ignore.
24 Toujours est-il que D. Garcia II devint très hispanophile. Il écrivit (la lettre est écrite par
Angelo de Valencia, capucin espagnol) 36 au roi d’Espagne Philippe IV, déplorant la
restauration de l’indépendance portugaise (1640) et l’avènement de D. João IV de
Portugal, qu’il appelle « le roi intrus »37. « Les Hollandais », observe-t-il, « pour autant
qu’ils se prétendent nos amis, nous font le plus grand tort [...], car ils empêchent l’entrée
de religieux catholiques ». « Pour éviter ces inconvénients », il serait reconnaissant à
Philippe IV de bien vouloir faciliter le transport au Congo des capucins38. Annexée à cette
lettre, et portant la même date, se trouve une « pétition » invitant tout simplement
Philippe IV à « envoyer à Luanda une grande flotte suffisante (I) pour l’occuper39. Ainsi,
semble-t-on espérer, les Hollandais hérétiques se verraient évincés de l’Angola et des
parages du royaume du Congo. Comme appât, il suggérait l’envoi de « deux ou trois
mineurs pour découvrir les mines d’or et d’argent [sic] qui existent dans le royaume »40. A
ce « pieux » projet, Philippe IV ne répondra qu’en 1649, et par une dérobade41 ; les
Hollandais hérétiques sont d’ailleurs à cette date déjà expulsés de l’Angola par les
Portugais. L’idée de se servir des mines de cuivre comme arme diplomatique remonte au
règne de D. Álvaro II (1587-1614), qui les proposait au pape en échange de missionnaires42.
100
25 La menace d’un recours à l’aide espagnole ou d’une invasion du Congo par ce pays
deviendra, dans les années qui suivent, une arme que Portugais, Espagnols et Congolais
vont employer à plusieurs reprises les uns contre les autres. C’est, à l’origine, une idée
portugaise43.
26 Le Portugal ayant recouvré son indépendance en 1640, les tuteurs espagnols de D. Garcia
II voudraient retourner la menace espagnole contre les Portugais. Capucins espagnols et
Congolais semblent avoir réellement nourri l’espoir de voir se matérialiser une
intervention espagnole et anti-portugaise au Congo44.
27 Dans ces démarches diplomatiques, il est impossible de savoir clairement jusqu’à quel
point D. Garcia II resta maître de son jeu, ou fut au contraire manœuvré malgré lui par les
Européens. Bien que les documents sur cette époque soient relativement abondants, rien
ne permet de bien dégager l’aspect congolais du climat d’intrigues qui régnait alors à São
Salvador.
28 L’arrivée des capucins marquera le début d’un nouvel élan de ferveur chrétienne chez les
Congolais, élan qui sera suivi, comme naguère, de désillusion de part et d’autre.
29 Un premier mouvement d’enthousiasme pour les capucins amènera D. Garcia II à en
envoyer deux à Rome solliciter du pape un bref transformant la royauté élective en
monarchie héréditaire45. Ainsi pensait-il mettre fin aux interrègnes anarchiques. Ne
s’estimant pas habilité à accorder un tel bref, le Saint-Siège décidera d’envoyer à D. Garcia
II, en compensation, une magnifique couronne bénie par le pape lui-même. Par économie,
elle était d’argent doré et non d’or pur46. Malgré maintes péripéties, cette couronne se
trouvait encore à São Salvador en 194047.
30 Le retour des capucins sans le bref espéré enflamma contre toute la mission la colère du
roi déçu. D. Garcia II se détourna de la foi, et donna libre cours aux pratiques fétichistes.
Les Portugais, toujours envieux des Italiens et des Espagnols, qu’ils considéraient comme
des intrus, font répandre le bruit qu’il ne s’agit pas de religieux, mais de soldats déguisés,
que leurs bagages contiennent des armes, et qu’ils vont s’emparer du royaume sous les
yeux du monarque. Même une inspection des dits bagages, qui ne recèlent que des
cadeaux pour le roi, ne désarme pas les calomniateurs. Sous leur influence, D. Garcia II se
sert, encore une fois de « l’épouvantail espagnol » : il écrit à Luanda, alors libéré des
Hollandais, deux lettres pleines d’accusations contre les capucins48. Seul, un incendie qui
détruit le palais royal, mais laisse « miraculeusement » intactes les possessions de ces
derniers, convaincra enfin le roi que les missionnaires sont vraiment les hommes de Dieu.
Ils auront désormais toutes les facilités qu’ils désirent pour opérer49.
31 En 1648, dans une proclamation solennelle, sans doute inspirée par eux, le roi les
recommande à ses sujets, « ... car ils ne cherchent dans ces terres, ni dans le monde, ni or,
ni argent, ni zimbu, ni esclaves, ni autres intérêts temporels ». Et il insiste : « Montrez-
vous généreux avec eux ; donnez-leur l’aumône pour qu’ils puissent vivre et travailler
dans notre royaume. Abandonnez vos concubinages, les fétiches, les engangas engombos50
[devins ou sorciers], les vols, les vexations, les haines, et cherchez à vivre
chrétiennement »51. Un mois plus tard, le duc de Mbamba accuse réception de ce
document, dont est muni chaque missionnaire capucin52.
32 Il est certain que, dans leur mission au Congo, les capucins firent d’extraordinaires
sacrifices pour la cause chrétienne. Pendant deux siècles, ils gagneront peu à peu la
confiance des Congolais ; ils se feront réellement aimer et respecter, surtout de la caste
101
dirigeante, laquelle est d’ailleurs parfaitement consciente des avantages politiques qu’elle
peut trouver à les opposer aux sorciers traditionnels.
33 Lorsqu’en 1653 le capucin flamand Georges de Geel est assassiné, dans la province de
Mbata, pour avoir essayé de mettre fin intempestivement à une cérémonie fétichiste, D.
Garcia II ne veut rien de moins que faire brûler le village et mettre à mort tous les
habitants, mais dissuadé d’exécuter ce dessein par les pères miséricordieux, il se contente
de les faire vendre comme esclaves et embarquer pour Pernambouc53.
34 Il publie une nouvelle proclamation, avertissant ses sujets qu’ils ne doivent aucunement
gêner les capucins dans leur travail. Il autorise ceux-ci à « ... détruire les idoles n’importe
où qu’elles se trouvent, à poursuivre les faux prêtres et sorciers, et à extirper toutes les
coutumes païennes et les cérémonies diaboliques... »54.
35 Pendant l’année suivante (1654), la sympathie de D. Garcia II pour les capucins devait se
refroidir : il trouvait importunes leurs admonestations concernant la licence de sa vie
privée. Quant à eux, ils se plaignaient de « ... persécutions et de mauvais traitements »
pour avoir essayé de corriger « sa vie scandaleuse » (c’est toujours la vieille querelle sur la
polygamie africaine), et pour lui avoir reproché de permettre les pratiques fétichistes
dans de nombreuses villes de son royaume. Par ailleurs, il était assailli de nouveau par ses
anciens soupçons : après tout, les capucins ne s’efforçaient-ils pas de livrer son royaume à
l’Espagne55 ? Les créoles portugais résidant à São Salvador semblent l’avoir
soigneusement entretenu dans cette pensée, afin d’en tirer parti dans leurs intrigues
particulières56.
36 Privés de l’appui du roi, les capucins se trouveront de plus en plus gênés dans leur
mission. Ils n’abandonneront pas São Salvador, mais leurs efforts porteront désormais
plutôt sur la conversion de la reine Jinga en Angola. Avec des hauts et des bas, la mission
continuera à travailler dans la capitale jusqu’en 177557. La présence d’un missionnaire
capucin est encore signalée au Congo en 187758.
NOTES
1. M.M.A., vol. II, p. 301.
2. Ibid., vol. II, pp. 374-375. On reproche à D. Diogo de ne pas aller à la messe et de passer ses nuits
chez un mulâtre, Luiz Pirez, où il « s’amuse et fait bombance » (cf. M.M.A., vol. II, p. 229). Certains
témoignages laissent entendre que les jésuites se disposaient à renverser D. Diogo (cf. M.M.A., vol.
II, pp. 275 et 377). Ils ne reviendront à São Salvador qu’en 1619.
3. Cavazzi, lib. II, § 107 ; cf. aussi M.M.A., vol. II, pp. 474-475 et 533.
4. M.M.A., vol. VI, p. 296 (Bernardo – les Jagas) ; Cavazzi, lib. II, § 108 (Henrique – les Anzicani) ;
Pigafetta, lib. II, cap. iv (Henrique – les Anzicani).
5. Cf. E. G. Ravenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, pp. 119-120 ; Pigafetta, lib. II, cap. V
; et J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 125.
6. Ibid., op. cit., pp. 119-120 et M.M.A., vol. III, p. 122.
7. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 358, (Naukeurige Beschrijvinge p. 588).
8. M.M.A., vol. VI, p. 438.
102
9. Cf. Felner, Angola, p. 234, qui renvoie à un manuscrit inédit de la Bibliothèque d’Ajuda,
Lisbonne. Il s’agit du Codice 51-VIII-31, fos 19-29, du t. II, document de 1628 ou 1629.
10. M.M.A., vol. V, p. 386, « Relação da Costa da Guiné (1607) ». A ces Portugais, il faut ajouter
quelques aventuriers privés et des déserteurs de l’armée des conquistadores en Angola. « ... On sait
qu’il [le roi] aurait déjà été battu, si ses ennemis n’avaient une grande crainte de ces Portugais... »
11. M.M.A., vol. III, p. 375 (D. Alvaro II guerroyait avec ses oncles). Cf. Felner, Angola, p. 376.
12. M.M.A., vol. IV, pp. 407, 437, et vol. VII, pp. 432-433, 461-462, 648-649 ; J. Cuvelier et L. Jadin,
L’Ancien Congo d’après les archives romaines, pp. 361-363 ; cf. aussi A. Franco, Synopsis Annalium Soc.
Jesus, Augsbourg, 1726, pp. 241-248.
13. Biographie coloniale belge, t. II.
14. La dynastie des Nlaza s’opposait à celle des Mpanzu, mais toutes deux descendaient de D.
Afonso I (cf. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de
Rome, fasc. XXXV (1963), p. 351.
15. Cavazzi, lib. II, § 120.
16. Cf. Bernardo da Gallo (1701-1709), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de
l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 474.
17. P.M., p. 310 (doc. de 1691).
18. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, 1668, p. 584. Il y eut, en 1636, en 1637 et en 1645, des
guerres entre le Congo et le Soyo, d’où ce dernier sortit vainqueur. Le long conflit se poursuivra
jusqu’en 1648, le roi du Congo prétendant encore avoir le droit de « nommer » le comte, tandis
que celui-ci ne lui reconnaissait que le droit de « confirmer » son titre (cf. M.M.A., vol. X, p. 115,
document de 1648).
19. L’historien hollandais Barlaeus dira : « Inter Congenses potentissimus est Songensis », (cf.
Caspar Barlaeus, Rerum per Octennium in Brasilia, Amsterdam, 1647, p. 246.
20. L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge
de Rome, fasc. XXXVI (1966), p. 138. Les Hollandais ne pratiquent vraiment la traite qu’à partir de
1637 (cf. C. Vrijman, « Quelques notices sur l’histoire de la traite négrière des Hollandais », in
Bull, de la Sect. de Géographie, t. LI (1936), p. 110.
21. Notons pourtant qu’en 1700, le prince du Soyo refusera de vendre des esclaves au Français
Barbot, sous prétexte que lui et ses compagnons n’étaient pas des « chrétiens », cf. Churchill, A
Collection of Voyages and Travels, Londres, 1732, vol. V, p. 505.
22. Déjà, en 1591, Domingos de Abreu de Brito avait préconisé qu’un gouverneur blanc résidât au
Congo (cf. Felner, Um Inquérito..., pp. 21-22.
23. Également citées comme étant de Pemba ou de Oembo dans les documents de l’époque. Sur
l’histoire de ces mines, au sujet desquelles nous reviendrons d’ailleurs, cf. Fernando Mouta, « As
Minas de Cobre do Congo », in Actividade Economica, n° 3 (1936), pp. 9-15. L’intérêt que portaient
les Portugais à ces mines remonte à 1536 au moins, comme en témoigne un document de cette
date, cf. M.M.A., vol. II, p. 59.
24. M.M.A., vol. IX, p. 29 (texte de 1643) et P.M., pp. 202-203 (texte de 1649).
25. Sur la période de l’occupation hollandaise, cf. la thèse inédite de J. Mevis, De Hollandse Invloed
in Angola en het Oud-Koninkrijk Kongo, 1641-1648, thèse de licence, Louvain, 1957, que nous n’avons
pas pu consulter. Le livre de K. Ratelband, De Nederlanders in Angola, Congo en São Tomé van
1600-1650, promis depuis 1955 à la Linschotenvereeniging n’a toujours pas paru.
26. Cf. De Jonghe et Simar, « Archives Congolaises », in Revue congolaise, Bruxelles, 1912, p. 435.
27. Ils sont envoyés de Rome en 1646.
28. M.M.A., vol. VIII, p. 585 (lettre de 1642). Les tentatives des Hollandais pour introduire le
protestantisme n’eurent, semble-t-il, aucun succès au Congo. « Personne ne voulait les écouter »,
dira un missionnaire capucin en 1645 (cf. M.M.A., vol. IX, p. 287). Les Hollandais offrirent à D.
Garcia II un livre en portugais « plein d’hérésies de Calvin et de Luther ». Le roi « se le fit lire par
103
un confident » et, après qu’il eut compris ce qu’il y avait dedans le fit brûler en public (cf. Jean
François de Rome, Brève Relation (1648), (p. 112 de l’édition de François Bontinck).
29. Cette réprobation leur valut d’être persécutés par le gouverneur de l’Angola, Jo&o Correia de
Sousa, qui fit exiler au Brésil certains d’entre eux (cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après
les archives romaines, pp. 454 et 459 ; cf. aussi A. Franco, Synopsis Annalium Soc. Jesus, pp. 235-236.
30. M.M.A., vol. VII, pp. 177-178.
31. L’occupation hollandaise.
32. M.M.A., vol. IX, pp. 17-18, lettre autographe de D. Garcia II, du 23-2-1643.
33. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 58.
34. Cf. Joan Nieuhof, Memoravel Viagem Maritima e Terrestre ao Brasil, 1er édition hollandaise,
Amsterdam, 1682, trad. brés., São Paulo, 1942, p. 93, et Caspar Barlaeus, Rerum per Octennium in
Brasilia..., Amsterdam, 1647, p. 244.
35. Cadornega, História Geral das Guerras Angolanas (1680-1681), t. III, p. 298, et M.M.A., vol. X, p. 95
(texte de 1648).
36. M.M.A., vol. X, p. 333.
37. Rappelons que le Portugal resta sous la souveraineté espagnole de 1580 à 1640.
38. Lettre de D. Garcia II, du 5-10-1646, in M.M.A., vol. IX, pp. 450-451.
39. M.M.A., vol. IX, pp. 452-453.
40. Ibid., loc. cit. D. Garcia II avait déjà fait, semble-t-il, une proposition analogue aux Hollandais,
(cf. Cadornega, op. cit., t. III, p. 298).
41. M.M.A., vol. X, p. 431 (lettre de D. Garcia II, du 20-11-1649).
42. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 273.
43. Elle date de l’époque (1580-1640) où le Portugal se trouvait sous la souveraineté espagnole ;
elle ne reflète que les ambitions des conquistadores de Luanda de voirréduire le Congo à la
condition de colonie, comme l’Angola. En 1613, D. Alvaro II écrit qu’il a été « informé que les
Portugais [au Congo] cherchent à provoquer la division entre lui et le roi d’Espagne, pour que
celui-ci soit excité à faire la conquête du royaume du Congo. Quant à lui [D. Alvaro II], il a
toujours témoigné de l’amitié pour ce roi et il a favorisé ses sujets » (cf. J. Cuvelier et L. Jadin,
L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 331). Malgré la puissance du lobby des
conquistadores de Luanda à Madrid, la cour a plutôt écouté les recommandations de Rome en
faveur de la cause congolaise (cf. J. Cuvelier et L. Jadin, op. cit., p. 359).
44. En 1649, le jésuite António de Couto parlera des « vaines espérances dans lesquelles vit D.
Garcia II de voir venir une armada espagnole », cf. M.M.A., vol. X, p. 368.
45. M.M.A., vol. X, p. 137 (doc. de 1648). Il demandait également que soit excommunié quiconque
tenterait de réintroduire la royauté élective.
46. Cf. P.M., p. 200 et P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, p. 107.
47. António de Almeida, « Subsidios para a História dos reis do Congo », in Congresso do Mundo
Português, vol. VIII, Lisbonne, 1940, p. 491.
48. Le gouverneur de Luanda ne prit pas ces lettres au sérieux.
49. Cavazzi, lib. V, § 13-21.
50. Sur les Ngombos, cf. Cavazzi, lib. I, § 181.
51. P.M., pp. 197-198.
52. P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, p. 232.
53. Ibid., pp. 335-338.
54. Ibid., loc. cit.
55. Cf. Francisco Maria Gioia, La Meravigliosa Conversione della Regina Singa [sic], Naples, 1669, p. 54 ;
et aussi Cavazzi, lib. V, § 36 et 101.
56. Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo, p. 148.
104
57. La mission des capucins à São Salvador « sera pratiquement abandonnée vers 1775 », cf. L.
Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII
(1961), p. 449.
58. Cf. L. Jadin, « Relation de Boaventura dos Santos (1877) », in Bull, des Séances de l’Acad. Roy. des
Sc. Col, t. II, fasc. 6 (1956), pp. 981-990.
105
Chapitre X. La crise qui aboutit à labataille d’Ambuila (1665).L’effondrement du royaume,l’anarchie et l’émiettementpolitique. L’incorporation finale a lacolonie portugaise de l’Angola à lafin du XIXe siècle (1649-1900)
1 La paix entre les Pays-Bas et le Portugal, en 1649, suivie du départ des Hollandais
d’Angola et de la résurrection confiante du pouvoir portugais sur toute la côte,
encouragera les Conquistadores de Luanda à reprendre le vieux projet de « satellisation »
du Congo.
2 Les nuages menaçants ne feront nullement fléchir D. Garcia II dans sa détermination de
conserver son indépendance, et même ses relations amicales avec les Hollandais. Il
envoya des ambassadeurs à Luanda proposer les conditions de paix suivantes1 : l’évêque
du Congo devrait résider à São Salvador et non à Luanda (comme c’était le cas depuis le
début du XVIIe siècle) ; toute l’administration ecclésiastique serait à nouveau centralisée à
São Salvador (comme au XVIe siècle) ; les missionnaires capucins auraient libre accès à son
royaume ; l’intégrité territoriale du royaume serait respectée ; les Conquistadores de
Luanda s’abstiendraient d’actes hostiles à l’égard du Congo, ou envers les sujets et
vassaux du roi du Congo ; de justes prix seraient pratiqués dans les transactions
commerciales avec les négociants de Luanda ; on cesserait d’inonder le Congo de zimbu
importé de l’extérieur (Benguela et Brésil en l’occurrence) ; « des juges désintéressés »
seraient établis en divers points du Congo pour examiner les esclaves vendus, afin de
s’assurer s’ils étaient libres, volés ou réellement esclaves2.
3 A Luanda, ce projet de traité fut jugé impertinent, et on lui en substitua un autre, que D.
Garcia refusa. Aussitôt, une armée fut envoyée pour mettre son royaume « à feu et à
106
sang »3. Le roi s’empressa d’expédier une ambassade à Luanda pour capituler. Les termes
du nouveau traité de paix étaient durs pour le Congo et, dans une version définitive, le roi
de Portugal les atténua quelque peu4.
CARTE DE L’ÉTHIOPIE OCCIDENTALE PAR J. H. VILLE, Paris, 1732. B.N. Paris, Ge DD 2987 (8251).
4 Voici les principaux articles de ce traité (que le Congo ne ratifiera qu’en 1656) : le Soba
d’Ambuila, un Dembo jusqu’alors (en principe) vassal du roi du Congo, dépendrait
désormais de Luanda5 ; aucun Européen n’entrerait au Congo sans passer par le port de
Luanda (ce qui excluait Hollandais et Espagnols) 6 ; le commerce à l’intérieur du Congo
sera libre pour les Portugais, les tissus, le sel, et les esclaves, devront circuler sans être
frappés de péages ; des droits d’entrée pourront être perçus uniquement à la frontière
avec l’Angola ; les salaires des porteurs seraient fixés au montant qu’ils atteignaient
autrefois, leurs charges seraient limitées à un poids convenu et ils ne devraient pas les
abandonner à mi-chemin ; enfin, le Congo devait céder ses droits sur les terres situées au
sud du fleuve Dande, c’est-à-dire celles qui confinaient à l’Angola. Elles comprenaient l’île
de Luanda, d’où le Congo tirait sa monnaie, le zimbu. On proposait toutefois de laisser à D.
Garcia II les dites terres et l’île, s’il acceptait de dévoiler aux Portugais l’emplacement de
ses mines de cuivre et leur permettait de les exploiter. Dans l’un ou l’autre terme de
l’alternative, il perdait une partie de sa souveraineté.
5 Le roi optera pour le premier, sans pour autant renoncer définitivement à l’espoir de
récupérer un jour ses possessions méridionales (espoir d’ailleurs parfaitement vain). Il
préférait perdre l’île de Luanda et sa source de zimbu plutôt que de voir les Portugais
s’implanter chez lui.
6 Malgré le choix de D. Garcia II, les hommes de Luanda ne renonceront pas, de leur côté, à
la perspective alléchante de s’emparer des mines congolaises, fût-ce par la violence. A
cette convoitise viendront s’ajouter d’autres soucis, et la menace d’une offensive générale
se précisera. L’insoumission des sobas vassaux, à l’intérieur de l’Angola, entraîne une
107
pénurie d’esclaves, seule source de revenus des habitants de Luanda. En 1653, les
Luandais demandent au roi de Portugal l’autorisation de faire la guerre au Congo et à la
reine Jinga. La réponse est hésitante mais non négative7.
7 La crise entre Luanda et São Salvador continue à se développer pendant une décennie
avant l’explosion finale8. En 1664, le successeur de D. Garcia II, D. António I, réclame
toujours au gouverneur de l’Angola les terres perdues et l’île de Luanda9. On lui répond
qu’il doit d’abord céder ses mines, à quoi il réplique que « ces mines n’existent pas, et que
même si elles existaient il ne les devrait à personne »10.
8 En 1665, le ton de la querelle monte brusquement, les chanoines métis de São Salvador
s’entremettent pour défendre la cause congolaise, et lorsqu’à Luanda on ordonne la
mobilisation de l’armée afin d’intimider D. António I, ils protestent vigoureusement11.
9 La guerre paraissant imminente, D. António I lance, le 13 juin 1665, une proclamation
appelant ses sujets aux armes. Il enjoint :
10 « ... toute personne de quelque qualité qu’elle soit, noble ou artisan, pauvre ou riche,
capable de porter des armes offensives, dans toutes les villes, villages et hameaux de mes
royaumes, provinces et seigneuries, d’aller dans les dix prochains jours [...] s’enrôler
auprès de ses capitaines, gouverneurs, ducs, comtes, marquis, etc. [...] [pour] partir
défendre nos terres, propriétés, enfants et femmes, nos propres vies et nos libertés, dont
la nation portugaise veut s’emparer pour les dominer »12.
11 Entre-temps, à Luanda, le gouverneur rédige tranquillement, à l’intention du
commandant de l’armée, des instructions détaillées pour l’exploitation des mines13.
12 Le 29 octobre 166514, à Ulanga près d’Ambuila, les deux armées s’affrontent. Du côté
portugais : 360 Portugais et 6 à 7 000 Noirs15 ; du côté congolais : 100 000 guerriers16, 190
métis armés de mousquets et une compagnie de 29 hommes blancs résidant à São
Salvador17.
13 La bataille est furieuse et dure six heures (huit même selon d’autres témoins), mais les
Portugais ont l’avantage de posséder deux pièces d’artillerie18 et remportent la victoire. D.
António I, 400 nobles (dont 98 membres du corps administratif) 19 et 5 000 de ses sujets
perdent la vie20. Les Portugais recueillent un butin considérable, entre autres la couronne
que le pape Innocent X avait offerte à D. Garcia II en 164821. La tête de D. António I est
ramenée à Luanda en « grand apparat funèbre »22, et enterrée dans la chapelle de Nossa
Senhora da Nazaré, que le gouverneur André Vidal de Negreiros a fait ériger près de la
ville pour commémorer la bataille23.
14 Parvenue au Congo, la nouvelle de la catastrophe provoqua une vague de colère contre
tous les Européens24. Au Portugal, la victoire des Conquistadores fut mal accueillie. « Je
sais », écrit Bernardo da Gallo (1700), « que le roi de Portugal fit tuer ceux qui avaient tué
le roi D. António I et déposa le gouverneur d’Angola pour ne pas avoir empêché la chose »25.
15 C’est peut-être à cause de toute cette réprobation que les vainqueurs n’ont pas cherché à
occuper le pays ; ils se contentèrent de réduire à l’état de vassal le duc d’Oandu, seigneur
des mines26. Curieusement, dans les années qui suivent, il ne sera plus question de ce
pactole dont on avait tant attendu. Ce n’est que près de deux siècles plus tard, en 1856,
que les Portugais réussiront effectivement à exploiter le cuivre de Bembe27, et encore
pour quelques années seulement28.
16 En 1667, Luanda signera une paix générale avec le Congo29.
108
17 La célèbre bataille d’Ambuíla marque la fin du royaume du Congo tel qu’il avait existé
jusqu’alors. A partir de 1667, le pays va connaître trente ans d’anarchie et d’interminables
guerres civiles30. Une grande partie de la « noblesse » étant disparue à Ambuíla, le pays se
trouvait décapité de sa caste dirigeante. Il n’y avait plus d’État, mais uniquement un
espace géographique habité par des populations inorganisées. Par suite de l’émiettement
de l’autorité, le pays passait de six provinces au XVIe siècle à vingt-deux au milieu du xviiie
31.
18 « Beaucoup [de successeurs de D. António I] se soulevèrent pour régner. Ils se détruisirent
l’un l’autre dans des guerres civiles. Elles furent si cruelles et implacables qu’en cinquante
ans environ, plus de trente rois furent massacrés, [...] les provinces du royaume se
soulevèrent également les unes contre les autres. Ne reconnaissant pas de chef suprême,
on se faisait duc, marquis, comte, et ensuite, d’ordinaire, cela se terminait avec la tête aux
pieds »32.
19 Trois rois revendiquaient simultanément la souveraineté, chacun installé dans une région
différente : un à São Salvador, un à Kibango et le troisième à Bula, sans parler du Soyo,
devenu depuis longtemps indépendant. Seul, le comte du Soyo, resté à l’écart de la
bataille d’Ambuíla, conservait à son pays un semblant de cohésion et de puissance, grâce à
ses relations commerciales avec les Hollandais, qui lui fournissaient des armes33. En 1711,
il possédait cinquante pièces d’artillerie34.
20 Fort de ces armes, le comte conteste, en 1670, l’élection d’un nouveau roi à São Salvador ;
son armée envahit la ville et s’y livre au pillage, surtout dans les établissements religieux.
D. Raphaël, le roi pressenti, s’enfuit chercher asile à Luanda, où les Portugais consentent à
le soutenir avec leur armée contre le comte. Ils sont victorieux et le comte est tué dans la
bataille, mais, trop confiants et exaltés par leur succès, ils relâchent leur surveillance et
sont anéantis par l’armée vaincue, revenue à l’attaque. D. Raphaël parvient à s’échapper
et regagne São Salvador, où il s’installe sans être inquiété par les gens du Soyo35. Vers
1676, par reconnaissance pour les Portugais, il signe avec eux un accord leur cédant le
« comté » du Soyo, avec le port de Pinda36. Les Portugais ne semblent pas avoir tenu
compte de cette cession, car en 1690 ils signent une paix avec le Soyo. Il y est seulement
prévu que le nouveau comte s’abstiendra de tenter par la force d’influencer les élections
des rois du Congo37.
21 En 1708, le Soyo est balayé à son tour par le vent de l’anarchie. Le peuple se soulève
contre les chefs et le comte est assassiné38.
22 L’effondrement de l’autorité monarchique congolaise à la fin du XVIIe siècle s’explique en
grande partie par la rivalité entre deux des principaux clans royaux : les Quimpanzos (Ki-
mpanzu) et les Quimulazos (Ki-mulaza). La tradition ancienne accordait à ces deux familles
le droit d’intervenir dans l’élection des nouveaux rois. La plus importante, celle que sa
généalogie rendait la plus légitime, était celle des Quimpanzos. Les Quimulazos, de lignée
abâtardie, s’étaient imposés par la violence, au détriment des Quimpanzos. Bien que liés à
ces derniers par des mariages, ils demeuraient toujours leurs adversaires39.
23 En 1678, le roi D. Daniel, résidant à São Salvador et de la famille des Quimpanzos, déclare
la guerre au roi D. Garcia III, qui vivait à Kibango. Le hasard veut qu’en chemin il
rencontre le roi de Bula, D. João. Son armée est battue et lui-même tué. São Salvador est
incendié, ses églises, le palais royal et le collège des jésuites détruits, la ville est
abandonnée par ses habitants jusqu’en 170340. Elle ne se relèvera jamais. Raimondo da
Dicomano écrira en 1775 :
109
24 « ... que Votre Excellence ne croie pas que ce soit une cité comme celles d’Europe. Il n’y a
pas de doute qu’autrefois il y eut quelque chose, on le voit par les ruines qui y existent
jusqu’aujourd’hui. On peut voir les ruines du palais de l’évêque, des palais du roi, de la
reine et du prince, tous très grands en pierre et en chaux. Mais maintenant tout est
brousse [...] Toutes les cabanes qui existent à São Salvador ne sont pas plus que 22, toute
la population ne monte pas à plus de cent personnes »41.
25 A trois reprises, en 1690, 1691 et 1693, le roi de Portugal ordonne que le gouverneur de
Luanda intervienne pour trouver une solution aux querelles des clans congolais42, mais il
est peu probable qu’à Luanda ont ait pu ou voulu prendre une initiative dans ce sens.
26 Enfin, en 1694, D. Pedro IV d’Agoa Rosada (descendant par la ligne maternelle des Ki-
mpanzu et par la paternelle des Ki-mulaza) est proclamé roi à Kibango. En 1696, il occupe
de nouveau São Salvador, mais s’en retire peu après, par crainte d’un rival. En 1701, un
missionnaire, le P. Francisco da Pavia, réussit à persuader les grands du royaume de lui
jurer obéissance. En 1709, il reprend São Salvador, qu’il occupera définitivement, et en
1715 le roi de Bula fera sa soumission43.
27 Cette fragile cohésion recouvrée représente au fond peu de chose. Des témoins parlent de
« l’état de ruine de ce royaume » (1710) 44 ; « ... il n’est pas la moitié de ce qu’il a été »,
déclare Francisco da Pavia en 170545. En 1760, Rosario del Parco écrit que « le roi est fort
pauvre et ses vassaux ne lui obéissent que peu ou pas du tout. Tous se conduisent comme
des seigneurs absolus »46.
28 Encore que quelques capucins aient continué à y opérer, le Congo deviendra, dans la
seconde moitié du XVIIIe siècle et jusqu’au milieu du XIXe, une contrée oubliée et peu
visitée par les Européens. La haine des Congolais pour les Portugais reste très vive. A São
Salvador (1760), on « ne peut admettre aucun Blanc à demeure », et au Soyo des Noirs
« ne veulent pas admettre d’autre prêtre [portugais] que le missionnaire [capucin] et
refusent l’entrée aux Blancs portugais »47.
29 A la fin du XVIIIe siècle (1798), la situation du pays est toujours la même : « ... le roi [D.
Henrique] n’a pas d’autorité parce qu’il n’a pas de soldats ni d’armes ». Il n’a « pas plus de
20 à 30 fusils », et « le duc de Bamba, le prince de Soyo, le duc de Lundo [Nsundi], le duc
de Quina et le marquis de Mussulo », qui lui payaient anciennement l’impôt, se sont tous
rebellés et « plus aucun ne paie encore quelque chose »48.
30 Après 1798, il faut attendre un demi-siècle et l’expédition de A. J. Castro à São Salvador
pour se faire une idée un peu claire de l’état du pays. Parti de Luanda, Castro remarque
qu’à part les capucins, aucun habitant de cette ville n’ose s’aventurer au Congo pour y
faire du commerce. Les diverses provinces (il ne spécifie pas lesquelles) sont gouvernées
par des parents du roi, mais chacun gouverne de façon indépendante et absolue, sauf
pour les cas encourant la peine de mort, qui sont renvoyés à São Salvador. L’anarchie des
années passées continue, car de temps en temps les chefs se révoltent et font la guerre au
roi49.
31 Un quart de siècle après le voyage de Castro, le témoignage d’un Français, Charles
Jeannest, gérant d’une factorerie à Kinsembo (1869) 50, laisse entendre que le vieux
royaume du Congo n’est pas encore mort, car à cet endroit de la côte, à plus de 200 km de
São Salvador, l’autorité du roi se fait encore sentir, d’une manière peu efficace il est vrai,
mais qui, à tout prendre, ne doit guère différer de ce qu’on pouvait constater à la
périphérie du pays au milieu du XVIIe siècle.
110
32 « Le Mani-Congo51 est le grand roi de l’intérieur ; son autorité s’étend depuis le Congo [le
fleuve] jusqu’au pays des Noirs de Mossouls [Mussul], entre Ambriz et Luanda, et fort loin
dans l’intérieur [...]. Tous les rois et princes52 que nous voyons ne sont guère que des
gouverneurs de province, à peu près émancipés. Nommés par leurs serfs sur la
proposition des anciens, ils paient, dit-on, un tribut au Mani-Congo, moyennant quoi ils
sont à peu près libres. Ce gouvernement serait une sorte de vaste système féodal. Les rois
sont suzerains des princes de leurs tribus, qui leur servent de conseillers. Toute cette
espèce de noblesse craint beaucoup le Mani-Congo que la plupart n’ont jamais vu, mais
dont les soldats viennent, en certains cas, rares cependant, brûler les villages »53.
33 A un moment donné, pendant le séjour de Jeannest, les caravanes d’ivoire ayant cessé
d’arriver à la côte, il en demande aux Noirs la raison. Impossible d’obtenir des détails. Il
apprend seulement que le Mani-Congo avait envoyé des ordres interdisant aux
marchands de se rendre sur la côte avec leurs fétiches et leurs gris-gris. Privés de cette
protection, plus aucun n’ose s’aventurer hors de chez lui. « Cette influence du roi de São
Salvador », remarque Jeannest, « de cette espèce de demi-dieu invisible, se fait sentir
jusqu’ici. Il n’y a pas encore bien longtemps, ses muleks54 étaient venus brûler les villages
parce qu’on lui refusait le tribut, et les Noirs de la côte, épouvantés s’enfuyaient sans
opposer de résistance. J’ai été témoin de ce fait »55.
34 En 1856, les Portugais avaient occupé Ambriz, tout près de Kinsembo, dans une nouvelle
tentative pour atteindre les fameuses mines de cuivre de Bembe. Un certain D. Pedro
Elelo, marquis de Katende, prétendant au trône congolais devenu vacant en 1858 par la
mort du roi D. Henrique Lunga (1842-1858), parvint à persuader les Portugais d’Ambriz de
soutenir sa cause. Ils le firent si bien, qu’ayant occupé militairement São Salvador en
1860, ils y demeurèrent jusqu’en 1866 et ne s’en retirèrent alors, que faute de soutien de
la part des autorités de Luanda56.
35 En 1878, une mission protestante de baptistes anglais vient s’installer à São Salvador, ce
qui incite les Portugais – très inquiets déjà de la course qui s’était amorcée entre les
autres nations européennes en vue du partage de l’Afrique – à y envoyer leur propre
mission catholique.
36 Le chef de cette mission, le P. António Barroso, se souciera au moins autant des affaires
politiques que du salut des âmes congolaises. En effet, selon les instructions
confidentielles qui lui avaient été remises par le gouverneur de l’Angola, il devait
« s’efforcer, par des moyens persuasifs et appropriés, de maintenir l’influence de la
couronne portugaise dans ces régions et dans l’esprit du roi »57. On peut douter qu’il ait
vraiment usé de moyens « appropriés » : le 17 février 1881, le roi du Congo envoie au roi
de Portugal une lettre l’assurant de sa condition de « fidèle vassal et ami des Portugais et
de leur roi »58. Si l’on en croit le missionnaire anglais Weeks, l’auteur de cette lettre (qui
ne savait ni lire ni écrire) y aurait apposé sa signature en toute ignorance de sa teneur,
pensant qu’il s’agissait d’un message de remerciement pour des cadeaux offerts par les
autorités portugaises59.
37 La mission anglaise se retira peu après, mais pour d’autres raisons que l’hostilité
portugaise.
38 En 1884, les puissances coloniales, réunies à la Conférence de Berlin, traceront avec une
complaisance tout arbitraire et une indifférence totale pour l’homogénéité ethnique des
Bakongo, des frontières découpant l’ancien royaume du Congo en trois morceaux, placés
chacun sous la tutelle de nations de culture différente. Par un traité du 14 février 1885, on
111
décida que la frontière entre l’État Libre du Congo et l’Angola suivrait le parallèle
joignant Noqui au Cuango60. São Salvador se trouvait donc désormais à l’intérieur de
l’« Angola ».
39 Même forts de cette attribution juridique, les Portugais ne parviendront pas à occuper la
ville avant 1888, faute de moyens. Le nouveau « district du Congo portugais », créé en
1885 avec un résident à Cabinda, sera occupé lentement et ne sera « pacifié » par
l’administration coloniale portugaise que vers 1918. Des rois continueront à « régner » à
São Salvador, mais de façon purement symbolique61.
NOTES
1. Cette liste de conditions a-t-elle été inspirée par un capucin espagnol, comme le pense le P. A.
Brásio ? (cf. M.M.A., vol. X, p. 328).
2. M.M.A., vol. X, pp. 326-328 (document du 19-2-1649).
3. Gastão Sousa Dias, A Batalha de Ambitila, Lisbonne, 1042, p. 94 (doc. n° II, texte de 1665).
4. Ibid., p. 20, note 2. La première version est imprimée dans P.M., p. 200 ; la seconde (définitive)
par Gastão Sousa Dias, op. cit., p. 84-95.
5. Selon Cadornega, op. cit., t.I, pp. 53-61, un capitão-mor portugais et un chapelain iront s’installer
à Ambuila entre 1649 et 1681.
6. Cet article restera lettre morte en ce qui concerne le port de Pinda, dans le Soyo (à
l’embouchure du Congo), car le comte du Soyo ne reconnaissait plus la souveraineté de São
Salvador. Il continuera à accueillir à Pinda quiconque voudra y faire du commerce (cf. P. Hilde-
brand, Le martyr Georges de Geel, p. 211).
7. Doc. I (1653), in Gastão Sousa Dias, A Batalha de Ambulla, p. 77.
8. En 1655, le gouverneur envoie une armée contre le Congo, sous prétexte de violation du traité
de paix de 1649. Aucun combat n’a lieu, car le Congo donne satisfaction aux exigences
portugaises (cf. Elias Alexandre da Silva Corrêa, História de Angola, t. I, pp. 271-272).
9. Gastão Sousa Dias, op. cit., p. 75 (texte de 1664).
10. Ibid., p. 76 (texte de 1664).
11. Ibid., pp. 78-83 (texte de 1665). Du côté portugais, on fait état d’un prétendu projet espagnol
d’« envahir » incessamment le Congo, et également de l’attitude agressivement anti-portugaise
des Congolais acharnés à « la ruine totale de la nation portugaise » (cf. C. R. Boxer, « Uma relação
inédita e contemporânea da Batalha de Ambuila em 1665 », in Boi. Cult, do Museu de Angola,
Luanda, n° 2 (1960), p. 66 ; et aussi Cavazzi, lib. II, g 23).
12. « Manifesto da Guerra de D. António I, ... » (13-1-1665), in P.M., pp. 244-245.
13. Gastão Sousa Dias, A Batalha de Ambuila, p. 157 (document de 1666).
14. Ibid., loc. cit.
15. Ibid., p. 49 (texte de 1666).
16. C. R. Boxer, art. cit., pp. 65-73. Ce chiffre de 100 000 serait-il exagéré ? Il est également cité
dans un autre texte de 1666, reproduit par Gastão Sousa Dias, op. cit., pp. 151-153. Cavazzi (lib. II,
g 123) parle de 100 000, et un chroniqueur des Archives de la Propagande (Rome) de 500 000, ce
qui dépasse sûrement de beaucoup la réalité (cf. De Jonghe et Simar, « Archives Congolaises », in
Revue Congolaise (1914), n° 4, p. 207).
17. Ibid., art. cit.
112
18. Girolamo Merolla da Sorrento, Breve e Succinta Relatione, Naples, 1692, p. 328.
19. Cf. Mercúrio Português com as novas do mês de Julho do ano 1666, B.N.L., Res. 110 v„ reproduit in
Diogo Cão, IIIe série, n° 6, Lisbonne, 1936, p. 170.
20. Gastão Sousa Dias, op. cit., p. 152 (texte de 1666).
21. P.M., p. 200. Cette couronne aurait été par la suite rendue aux Congolais et, selon António de
Almeida (1940), elle se trouve à São Salvador (cf. António de Almeida, « Subsidios para a História
dos Reis do Congo », in Congresso do Mundo Português, Lisbonne, 1940, vol. VIII, p. 491).
22. Gastão Sousa Dias, op. cit., p. 141 (texte de 1665).
23. Cadornega, op. cit., t. I, p. 124, et J. C. Feo Cardozo, Memórias, p. 196.
24. O. de Bouveignes et J. Cuvelier, Jérôme de Montesarchio, apôtre du Vieux Congo, p. 174.
25. Cf. L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc.
XXXIII (1961), p. 479.
26. Gastão Sousa Dias, op. cit., p. 157 (texte de 1666).
27. Cf. Francisco Travassos Valdez, Six Years of a Traveller’s Life in Western Africa, Londres, 1861, vol.
II, pp. 82 et 111 ; cf. aussi Fernando Mouta, « As Minas de Cobre do Congo », in Actividade
Económica, n° 3 (1936), pp. 9-15.
28. A. Galvão, qui visita le site en 1915, trouva la mine abandonnée et les puits bouchés (cf. A.
Galvão, « Relatório da minha viagem ao Congo », in Bol. Soc. Geog. de Lisboa, sér. 36, nos 4-6 (1918),
p. 140.
29. Gastão Sousa Dias, op. cit., p. 59.
30. J. J. Lopes de Lima, « Sucessos do Reino do Congo no século XVII », in Annaes Maritimos e
Coloniaes, Lisbonne, 1845, p. 198.
31. Cf. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome,
fasc. XXXV (1963), p. 390.
32. Bernardo da Gallo (1700), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst.
Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 475.
33. P.M., pp. 254-255 (texte de 1672).
34. Cf. Giuseppe Monari da Modena, in Evaristo Gatti, Sulle terre e sui mari, Parme, 1931, p. 126.
35. P.M., pp. 254-255, et Cadornega, op. cit., t. II, pp. 262-284.
36. Cadornega, op. cit., t. II, p. 361.
37. P.M., pp. 287-309 (texte de 1690).
38. Cf. J. Cuvelier, Relations sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), pp. 287-288 ; et
Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst. Hist.
Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 531.
39. P.M., p. 310 (texte de 1691).
40. P.M., pp. 350-351 (texte de 1710) ; cf. aussi L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in
Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 424.
41. L. Jadin, « Relation sur le Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de 1791 à 1795 »,
in Bull, des Séances de l’Acad. Roy. des Sc. Col, t. III, fasc. I (1957), p. 320.
42. J. J. Lopes de Lima, « Sucessos do Reino do Congo no século XVII », in Annaes maritimos e
coloniaes, Lisbonne, 1845, p. 198.
43. P.M., pp. 350-355 ; et aussi L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », pp. 424-427.
44. P.M., p. 355.
45. In Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo, p. 461.
46. Cf. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo... », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc.
XXXV (1963), p. 370.
47. Ibid.
48. Cf. L. Jadin, « Relation sur le Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de 1791 à
1795 », in Bull, des Séances de l’Acad. Roy. des Sc. Col, t. III, fasc. 2 (1957), pp. 328-329.
113
49. A. J. Castro, « Roteiro da viagem ao reino do Congo por A. J. Castro, major da provincia de
Angola, em Junho 1845 », in Bol. Soc. Geog. de Lisboa, sér. 2, n° 2 (1880), pp. 53-67.
50. Kinsembo se trouvait à quatre heures de hamac au nordd’Ambriz (cf. Charles Jeannest, Quatre
années au Congo, Paris, 1883, p. 45).
51. Il s’agit de D. Pedro IV (1859-1891).
52. Probablement des mots portugais, employés abusivement par les Noirs, qui en ignorent le
sens réel.
53. Charles Jeannest, op. cit., pp. 36-37.
54. Terme portugais d’origine africaine signifiant serviteur.
55. Charles Jeannest, op. cit., p. 69.
56. F. T. Valdez, Six Years of a Traveller’s Life in Western Africa, Londres, 1861, vol. II, pp. 81 et 111 ;
R. F. Burton, Two Trips to Gorilla Land and the Cataracts of the Congo, Londres, 1876, vol. IL p. 45 ; W.
H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, pp. 141-142 ; J. H. Weeks, Among the
Primitive Bakongo, Londres, 1914, p. 37 ; António de Almeida, « Subsidios para a História dos reis
do Congo », in Congresso do Mando Português, Lisbonne, 1940, vol. VIII, pp. 485-511 ; et Hélio A.
Esteves Felgas, História do Congo Português, Carmona (Angola), 1958, p. 112.
57. « Instruções confidenciais do Governo-Geral ao Padre António Barroso, 19-1-1881 », in A.
Brásio, António Barroso, missionário, cientista, missiólogo, Lisbonne, 1961, p. 352.
58. « Carta do Rei do Congo a D. Luis I, 17-2-1881 », in op. cit., p. 356.
59. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, Londres 1914, p. 58. Nous pensons que la lettre dont
parle Weeks est celle du 17-2-1881 ; il pourrait également s’agir d’une autre lettre, de la même
teneur mais ne portant pas la même date. Weeks affirme que celle dont il prit connaissance avait
été imprimée dans la revue belge Le Mouvement Géographique, au cours de l’année 1884. Nous
avons parcouru les numéros de cette année-là, sans trouver trace de la lettre en question.
60. E. Hertslet, A Map of Africa by Treaty, 3e éd., Londres, 1909, vol. II, pp. 591-592. Le traité fut
légèrement modifié par la Convention du 25 mai 1891 (cf. ibid., pp. 594-596), toujours en vigueur.
(Cf. aussi J. C. Keltie, The Partition of Africa, Londres, 1893, p. 212.)
61. Hélio A. Esteves Felgas, História do Congo Português, Carmona (Angola), 1958, pp. 139-148.
114
Troisième partie. L'influenceeuropéenne (Les mutations)
115
Cartes
1. Vue de la ville de São Salvador, gravure extraite de O. Dapper, Description de l’Afrique, Amsterdam,1686
116
2 Vue de la ville de Loango, gravure extraite de 0. Dapper. Description de l’Afrique, Amsterdam, 1686
3. Le roi du Congo, D. Alvaro VI (1636-1641), reçoit une ambassade hollandaise, gravure extraite de 0.Dapper, ibidem
117
4. Couronnement du roi du Congo : trône et insignes du pouvoir, gravure extraite de O. Dapper, ibidem
5. Le comte du Soyo, gravure extraite de 0. Dapper, ibidem
118
6. Le roi du Loango tient audience, gravure extraite de 0. Dapper, ibidem
7. Prosternation du peuple devant le roi du Loango. Nul ne peut le regarder lorsqu’il boit, gravureextraite de 0. Dapper, ibidem
119
8. Les Jagas cannibales, gravure extraite de 0. Dapper, ibidem
9. Forgerons congolais, gravure extraite de Cavazzi, Istorica descrizione..., Bologne, 1687
120
10. Le roi du Congo, D. Garcia II (1641-1661) accueille les missionnaires capucins (1648), gravureextraite de Cavazzi, ibidem
11. Femme pilant du maïs dans un mortier et homme faisant du feu, gravure extraite de GirolamoMerolla da Sorrento, Breve e succinta relatione.... Naples, 1692
121
12. Instruments de musique des Congolais, gravure extraite de Girolamo Merolla da Sorrento, ibidem
13. Nobles congolais et enceinte avec cases de nobles, gravure extraite de Girolamo Merolla daSorrento, ibidem
122
14. Plant de manioc, grenier et travaux agricoles des Congolais, gravure extraite de Girolamo Merollada Sorrento, ibidem
15. Scène de la traite des esclaves, gravure extraite de L. Degrandpré, Voyage à la Côte occidentaled’Afrique. Paris, 1801
123
16. Pseudo-portrait de la reine de Matamba, Dona Anna Jinga (1623-1663) par A. Deveria, Paris (c.1830), Cabinet des Estampes, В. N. Paris
17. Christ en cuivre jaune, longueur 150 mm. Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, Belgique
124
18. Christ en cuivre jaune, longueur 170 mm. Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, Belgique
19. Christ en cuivre jaune, longueur 195 mm. Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, Belgique
125
20. Statuette de saint Antoine en cuivre jaune, " Toni Malau ", hau 115 mm. Musée royal de l’Afriquecentrale, Tervuren, Belgique
21. Vue des ruines de la cathédrale de São Salvador
126
Chapitre XI. Les conséquences del’ouverture de la nouvelle frontière
1. MENACE POUR L’ÉQUILIBRE INTÉRIEUR : EFFETSPOLITIQUES ET SOCIAUX DU COMMERCE EUROPÉEN
1 Jusqu’à l’arrivée des Européens, la frontière de la mer avait représenté pour les Congolais
une protection, car ils pensaient que nul adversaire ne pouvait en surgir. L’arrivée des
Blancs, confondue au premier abord avec le retour salutaire des ancêtres, revêtira
rapidement une signification ambiguë lorsque les Congolais comprendront qu’il s’agit
d’hommes et non de dieux, et que la générosité des Européens qui apportent l’Évangile du
Christ et de somptueux cadeaux au roi n’est pas dénuée d’arrière-pensée. En échange du
don de la Bonne Nouvelle, les Blancs s’attendent à une transformation radicale de la vie
traditionnelle africaine, ce qui impliquera des contraintes de toutes sortes.
2 Les premiers échanges matériels entre Congolais et Européens prirent la forme de
cadeaux du roi de Portugal (surtout des tissus luxueux) auxquels le roi du Congo
répondait à son tour par des présents (nattes de raphia et ivoire)1. Conformément à leur
coutume, les rois du Congo s’attendaient à voir ce « commerce » se poursuivre ainsi entre
souverains, chacun restant le maître de ses sujets ; et à en juger par les instructions
données à ses agents, la cour de Lisbonne semble avoir voulu agir d’abord dans ce sens2.
3 Pour les rois du Congo, le contrôle direct du commerce européen était une nécessité
vitale, car, la possession d’objets européens conférant un surcroît de prestige et donc un
certain pouvoir, il importait que la distribution en fût réglée conformément à la
hiérarchie sociale. Autrement, tout l’édifice de la société risquait de s’écrouler.
4 Malheureusement le Congo ne possédait aucun système centralisé de douanes, et la
capitale se trouvait loin de la côte – source de biens européens.
5 Si la cour de Lisbonne acceptait de respecter la structure sociale et la coutume locale en
ne commerçant qu’avec le roi et ses agents, il n’en allait pas de même en ce qui concernait
les marchands de l’île de São Tomé, qui bafouaient les usages africains avec une
désinvolture délibérée : ils n’admettaient que le libre jeu du marché, dépouillé de toute
considération politique ou hiérarchique.
127
6 Le rôle de l’île de São Tomé dans le destin du Congo n’étant pas négligeable, examinons
un instant son histoire.
7 Des colons portugais s’y implantent à partir de 14853 et très rapidement y développent la
culture de la canne à sucre. Dans la première moitié du XVIe siècle, São Tomé deviendra
une riche colonie industrielle4et aura, de ce fait, des besoins croissants en main-d’œuvre
pour les plantations. Dès 1500, les habitants reçoivent du roi de Portugal le privilège de
commercer sur toute la côte, depuis le golfe de Guinée jusqu’au royaume du Congo5. Ils
sont les premiers à organiser au Congo la traite, qui ne commence d’ailleurs vraiment
qu’après 1510. Vers 1508, Duarte Pacheco Pereira écrit encore que « l’on n’obtient que
peu d’esclaves de cette terre » 6. Non content de faire des affaires à Pinda, à l’embouchure
du grand fleuve, le donataire de l’île, Fernão de Melo, traite également avec les
Panzalungos7 (Mpanzalungu), « ennemis infidèles » de D. Afonso I, installés sur la rive
droite du Bas-Congo8, et avec qui le roi est en guerre. Celui-ci s’en plaint en 1516 au roi de
Portugal, se disant « scandalisé » d’un tel procédé9. Fernão de Melo, écrit D. Afonso I, lui
dérobe les cadeaux envoyés de Lisbonne et le traite de « chien infidèle »10.
8 Bien qu’aucun document ne nous soit parvenu à ce sujet, c’est probablement vers cette
époque que les São-Toméens commencent à visiter également le Loango et l’Angola11. Au
cours de la première moitié du XVIe siècle, ils ont un commerce régulier avec l’Angola, et
amènent le roi du Dongo, officiellement vassal du roi du Congo, à rapprocher sa capitale
du port de Luanda, afin de mieux profiter de ce commerce12.
9 La mobilité des Européens sur mer leur permet de commercer directement avec les
vassaux de D. Afonso I vivant à la périphérie du royaume, ceux-là mêmes qui sont les plus
susceptibles de se révolter contre l’autorité centrale, parce qu’ils en sont plus éloignés.
Conscient de son infériorité, du fait qu’il est lié au continent, D. Afonso I écrit au roi D.
Manuel en 1517, pour lui proposer naïvement « d’acheter un navire ». Ainsi libéré des
tracasseries des São-Toméens, il éviterait en outre de payer des droits sur les esclaves
exportés de son royaume13. Ce n’est qu’en 1529 qu’il recevra une réponse du successeur de
D. Manuel, D. João III, qui se déclare « très surpris » par cette proposition puisque, ajoute-
t-il perfidement, « les miens [navires] sont à vous »14 !
10 Afin de freiner les abus des gens de São Tomé et de faire revivre le monopole royal, un
décret portugais de 1519 limite aux navires du roi le droit de commercer avec le Congo15.
Il ne sera pas respecté. En 1547, par l’intermédiaire d’un ambassadeur créole, Cornélio
Gomes, un arrangement est conclu entre D. Diogo du Congo et D. João III de Portugal : ce
dernier interdit à ses sujets de l’île de São Tomé tout commerce avec les tribus non
soumises à São Salvador. De son côté, le roi du Congo s’engage à accorder la libre entrée
dans ses ports et ses villes aux marchands portugais, qui viennent pacifiquement s’y
livrer à leur commerce16. Un document de 1548 fait état de l’impunité avec laquelle les
São-Toméens enfreignent les dispositions royales17. En 1553, le roi de Portugal publie un
nouveau décret, où il rappelle avoir interdit, du vivant de D. Afonso I, tout commerce
direct avec l’Angola. Il reconnaît que ce monarque lui avait demandé qu’il n’y eût de
contact avec l’Angola que par terre (...fosse por terra...), à partir de São Salvador, note que
cette interdiction n’a pas été observée et la renouvelle18.
11 Malgré les interventions loyales de Lisbonne en faveur du Congo, le commerce entre São
Tomé et Luanda continuera et permettra au roi du Dongo (Angola) de se libérer
complètement, vers le premier quart du XVIe siècle, de ses liens d’allégeance envers le
Congo19.
128
12 Son exemple amorce une tendance qui va se généraliser tout au long des XVIe et XVIIe
siècles : grâce au commerce européen, les populations périphériques et maritimes du
royaume du Congo se libéreront peu à peu de la domination de l’empire de l’intérieur. Les
anciens vassaux se feront courtiers, et tireront du commerce européen et de leur
situation sur la côte une puissance qui leur permettra de rivaliser avec l’ancienne
autorité, à laquelle ils refusent désormais de se soumettre20. Pendant la première moitié
du XVIIe siècle, le Loango et le Soyo suivront l’exemple de l’Angola.
13 Tout ceci ne fera qu’affaiblir le Congo, mais l’affranchissement des vassaux n’est pas le
pire des effets du commerce européen : il y a la traite...
14 Dans une lettre du 6 juillet 1526, D. Afonso I se plaint à D. João III que son royaume est en
train de se désagréger : des marchands portugais « ... se répandent dans nos royaumes et
seigneuries, en si grand nombre que beaucoup de vassaux que nous tenions sous notre
autorité se soulèvent, car ils ont plus que nous de ces choses [les marchandises
européennes], dont nous leur donnions auparavant assez pour les satisfaire et les garder
soumis à notre suzeraineté et à notre juridiction. Il en est résulté un grand préjudice, tant
pour le service de Dieu que pour la sécurité et l’ordre de notre royaume »21.
15 II y a plus encore : parmi les esclaves qu’exportent les négociants portugais, s’il y a bien
des prisonniers de guerre, des hommes déjà esclaves, il se trouve aussi, écrit D. Afonso I,
des « enfants de notre pays » (filhos da terra) et des « fils de nos nobles et de nos vassaux »
(filhos de nossos fidalgos e vassallos) ainsi que « nos parents ». Des « voleurs et des hommes
sans conscience les enlèvent, poussés par le désir d’avoir des choses et des marchandises
de Portugal, dont ils sont avides ». Voyant la structure même de son État menacée par le
commerce européen, D. Afonso I déclare n’avoir « besoin que de religieux et de quelques
personnes pour enseigner dans les écoles », et ne plus vouloir « de négociants ni de
marchandises, seulement du vin et de la farine pour le Saint Sacrement [...], car notre
volonté est que, dans nos royaumes, il n’y ait plus de traite ni d’exportation d’esclaves »22.
16 Dans une lettre du 18 octobre 1526, il parlera de la « convoitise démesurée » de ses sujets
pour les marchandises européennes, qui les amène à enlever des nobles et des fils de
nobles « la nuit, afin d’éviter d’être découverts »23. Pour parer à « ce grand mal » (et
revenant sur l’intransigeance manifestée auparavant), il ordonne que tout esclave acheté
par un Blanc soit inspecté par trois « gentilshommes et fonctionnaires de notre cour »,
pour s’assurer qu’il s’agit bien « d’un captif et non d’un homme libre »24.
17 D. João III, qui ne répondra aux lettres de D. Afonso I qu’en 152925, traite alors de tous ces
griefs avec une patience paternelle, mais non sans hypocrisie. D. Afonso I ne veut donc
plus de traite, puisqu’elle dépeuple son royaume ? Si tel est son désir, qu’il en soit ainsi,
mais « ... ce ne serait un honneur ni pour lui ni pour son royaume [...] que l’on dise qu’au
Congo il n’y a pas de commerce et qu’il n’y va qu’un seul navire par an » (ce qui arrivera si
le courant d’esclaves se tarit). Quelle gloire, au contraire, pour lui qu’une exportation
annuelle de 10 000 esclaves, 10 000 manilles de cuivre et autant de défenses d’éléphants 1
Voilà qui veut dire : pas de marchandises sans fourniture d’esclaves, car c’est surtout
d’esclaves qu’il s’agit. Ne pas vouloir de marchandises, écrit D. João III, serait pourtant
contraire à la coutume de tous les pays, et « si l’un de vos grands pouvait se révolter
contre vous, riche des marchandises de Portugal, qu’adviendrait-il de votre puissance et
de votre grandeur ? »26. L’Europe chrétienne ne pouvait se montrer plus magistralement
commerçante.
129
18 Pour que la traite ne dépeuple pas le pays, D. João III suggère que l’on envoie acheter des
esclaves dans les Pumbos (marchés de la frontière nord-est, près de ce que l’on appellera
plus tard le Stanley Pool, et où sont vendus des Bateke) 27.
19 Au XVIIe siècle, en effet, les Congolais ne représenteront qu’une assez faible part dans le
total des esclaves exportés. En 1620, Garcia Mendes de Castello Branco dira que les
esclaves viennent surtout d’Ibare et de Bocanga (= Ocanga ?), et qu’en dehors de quelques
malfaiteurs, le royaume du Congo ne fournit que des pagnes de raphia28. En 1668, Dapper
remarquera que peu d’esclaves sortent des provinces congolaises du Soyo et de Mbamba.
« Ce sont », dit-il, « des gens qui, étant accoutumez de vivre à leur aise, ne peuvent
souffrir le travail et meurent dès qu’on les transporte en païs étranger ». Pour avoir de
bons esclaves, il faut les chercher dans les terres de l’Angola, à Ambuíla (chez les
Dembos), chez la reine Jinga et chez les Jagas29.
20 Malgré cette faiblesse physique, qui protège apparemment les Congolais, un texte de 1656
est formel : « Avant d’être découvert, ce royaume [le Congo] était très peuplé, mais depuis
l’introduction de la traite [...] par les Espagnols et les Portugais [...] il s’est dépeuplé [...].
On obtient des esclaves le plus souvent en les capturant par la guerre, et il en résulte
qu’on provoque fréquemment des guerres, plutôt pour capturer des esclaves et se
procurer ainsi des marchandises européennes que pour des raisons de politique ou de
protection de l’État »30. C’est ce qui arrivera entre 1636 et 1645 : le roi du Congo, le comte
du Soyo et le duc de Mbamba « se sont fait la guerre », rapporte Pieter Zegers Ouman
(1643), « ce qui, en la plupart des cas, eut lieu à l’instigation des Portugais, qui en tirent
bénéfice en achetant les captifs »31. Cavazzi notera que pour un collier de corail ou un peu
de vin, il arrivait aux Congolais de vendre leurs propres parents, leurs enfants, leurs
sœurs et leurs frères, jurant en même temps aux acheteurs qu’il s’agissait d’esclaves
domestiques32. Le trafic instauré par les Européens devient une cause directe de guerres
entre les Noirs et d’instabilité sociale. Plus on parvenait à capturer de prisonniers, plus le
pouvoir d’achat augmentait, car dans l’économie africaine l’homme était le principal
élément du commerce avec les Européens33.
2. PROBLÈMES SOULEVÉS PAR LE SYSTÈMEÉCONOMIQUE DE L’« AUTRE »
21 Si le contact européen, sous forme d’échange de cadeaux entre les monarques portugais
et congolais pouvait être inoffensif tant qu’il s’agissait de gestes symboliques et
occasionnels, il se révéla beaucoup moins aisé d’instaurer un commerce régulier, et très
difficile d’ajouter à l’échange d’objets matériels la rétribution des services rendus par les
Européens.
22 D’abord, il n’y avait pas de monnaie commune entre les deux civilisations. Le zimbu,
monnaie congolaise, ne semble pas, en 1491 du moins, avoir cours hors de la capitale.
Lorsque, cette année-là, l’ambassade portugaise partit de la côte pour São Salvador, « un
noble vint à sa rencontre de la part du roi [...] pour ordonner dans tout son royaume de
donner gratuitement aux chrétiens [les Européens, en l’occurrence], sous peine de mort,
tout ce qu’ils voudraient ; et ainsi fut fait, car il est, dans ces régions, le roi le plus craint
et par là même le plus aimé et le plus obéi. Forts de cet ordre, les Noirs qui
accompagnaient l’ambassade firent beaucoup de mal à ceux des régions où ils passaient,
leur prenant bien trop de choses, pourtant il ne se trouva presque personne pour s’en
130
offenser ou seulement faire mauvaise figure »34. Ainsi, hors de la capitale, l’autorité royale
se procurait par la force les ressources qui lui manquaient.
23 Une fois arrivés à São Salvador, les Portugais sont accueillis par un autre « noble » du roi,
qui leur offre « des milliers de zimbu ». Il est significatif, cependant, qu’il leur fait aussi
porter « de nombreux moutons, chèvres, poules, du sorgho, du miel, du vin de palme et
des fruits »35.
24 Toutes ces largesses ne représentent dans l’esprit du roi qu’un geste isolé et sentimental.
Il ne prévoit pas qu’il va falloir le renouveler à échéances régulières, car autrement
comment vivraient les religieux et les artisans qu’il avait si ardemment sollicités ? En
effet, chacun des Européens ne possédera pas, comme les Noirs, un petit jardin et
plusieurs femmes pour cultiver celui-ci.
25 Le successeur de D. João I, D. Afonso I, se trouve devant le même problème : le concept de
salaire est inconnu au Congo36. Dans une lettre au roi de Portugal, écrite en 1514, il se
plaint que les religieux viennent « tous les jours l’importuner et demander de l’argent
[sic] »37. Quant aux artisans envoyés de Lisbonne, D. Afonso donnait au tuilier « tous les
jours de l’argent », sans le voir faire quoi que ce soit38. Les maçons aussi demandaient
constamment de l’argent : « pour chaque pierre [posée] nous leur donnons un ou deux
lufucos [de zimbu] »39.
26 La rétribution de services au moyen de cadeaux irréguliers entraîne rapidement des
tensions et des jalousies parmi les Européens, ballottés entre l’incertitude et l’espérance
quant aux intentions du roi, aux possibilités et aux limites de sa générosité.
27 Très bientôt, la cour de Lisbonne a essayé de mettre de l’ordre dans cette situation. Les
instructions données à l’ambassade de Simão da Silva (1512) stipulent que, si le roi du
Congo veut donner quelque chose aux membres de la mission, son chef, Simão da Silva
« ne doit pas permettre que ces cadeaux soient plus importants que ce que nous [le roi de
Portugal] versons à chacun par an »40.
28 Il doit aussi empêcher ses hommes d’importuner ou d’« ennuyer » le roi en quémandant,
et dire à celui-ci de « ne pas être gêné de repousser leurs demandes, car l’un des
principaux buts de votre mission est de lui éviter les ennuis que nous savons très bien que
lui causent ceux d’ici [les Portugais] par leurs sollicitations »41. « Nous sommes sûr »,
ajoute le roi, « qu’ils l’importunent avec beaucoup de désinvolture »42.
29 Le problème réside moins dans le manque de moyens dont dispose le roi du Congo pour
satisfaire ces quémandeurs, que dans sa trop grande générosité, comme il se doit chez un
monarque africain : ses largesses inespérées et octroyées par à-coups ne font qu’exciter
des convoitises inextinguibles chez les Européens, ecclésiastiques et autres. Les
recommandations prévoyantes de la cour de Lisbonne ne suffiront pas, comme en
témoigne la lettre de D. João III à D. Afonso I en 1529 – à y porter remède.
30 Les chapelains devront se présenter tous ensemble, avec leur vicaire, et le roi distribuera
collectivement logements et vivres, la répartition étant faite ensuite par le vicaire. « Vous
m’obligerez », écrit D. João III à D. Afonso I, « en ne donnant rien à personne
individuellement, mais seulement à tous ensemble. Qu’ils soient bien approvisionnés,
surtout en vivres, car pour le reste je sais bien qu’ils n’auront pas à se plaindre, vous avez
coutume de faire toujours des cadeaux »43.
31 La première référence à un « salaire » au Congo (et là encore il s’agit uniquement
d’Européens) se trouve, semble-t-il, dans Cadornega (1680-1681). A certains Portugais
résidant à São Salvador, le roi payait une pension (moradia) constituée par un certain
131
nombre de nattes de raphia44, connues sous le nom d’empusos ou lepussos. « On appelait ces
Portugais gentilshommes à tant de lepussos, et plus ils en avaient plus leur position sociale
était élevée »45. Encore qu’on emploie ici le mot « pension », rien ne permet de savoir si
celle-ci était versée avec une régularité systématique. On sait que D. Garcia II payait les
chanoines de la cathédrale de São Salvador « tous les trois mois », mais « souvent avec du
retard ». Les chanoines fermaient alors les églises pour obtenir satisfaction46.
32 Les rares particuliers qui ont essayé de vivre dans cette Afrique des XVIe, XVIIe et XVIIIe
siècles, en achetant chaque jour leur nourriture se plaignaient amèrement du prix élevé
de la vie47. De l’Angola, Pyrard de Laval dira en 1615 : « Il y fait fort cher vivre [...] Ce qui
coûte dix sols en France en coûtera quarante au Brésil, mais cent sols là... »48. Les
missionnaires français au Loango, en 1766, trouvent que « tout est extrêmement cher ici »49.
3. LUTTE ENTRE PORTUGAIS ET CONGOLAIS POURCONTRÔLER LE COMMERCE DU PAYS
33 Les Portugais ont toujours intérêt à ce que le commerce demeure régi, au Congo, par le
libre jeu du marché, et qu’on ait le droit d’y circuler sans entraves et sans péages. La
liberté de mouvement dans le royaume est considérée par eux comme un droit naturel50.
Une des conditions de la paix imposée aux Congolais par les conquistadores de Luanda, en
1649, fut la liberté de commerce, sans obligation de payer des péages51.
34 Pour conserver leur autorité sur le royaume, les rois congolais auraient dû restreindre le
libre jeu du marché, contrôler le commerce européen et veiller à ce que les bénéfices n’en
reviennent pas exclusivement aux Portugais. En cela, ils ont moins bien réussi que les rois
du Dahomey, du Loango, de Cassange, ou les chefs des cités situées sur la moitié sud du
plateau rhodésien : Zimbabwe, Khami et Dhlo Dhlo.
35 Nous avons vu, dans un autre chapitre, comment les rois congolais contrôlaient
étroitement la production de leur monnaie, le zimbu, sur l’île de Luanda. Or dès avant 1529
les Européens commencent à injecter dans le circuit économique congolais une monnaie
analogue, importée du Bénin52. Au début du XVIIe siècle, ils en importaient du Benguela53,
du Brésil54 et de l’Inde55. De ce fait, et malgré une interdiction royale (congolaise) frappant
cette importation, « sa monnaie [du roi du Congo] est tellement dévalorisée qu’il perd les
deux tiers de ses revenus », écrit l’évêque Manuel Baptista en 1619, et il ajoute que ces
importations entraînent « le royaume à sa perte »56.
36 Si les rois du Congo perdirent la bataille de la monnaie-coquillage, ils n’obtiendront que
de piètres victoires dans leurs tentatives de contrôle des marchands européens.
37 En 1549, D. Diogo I (1545-1561) est accusé par le capitaine de São Tomé de fermer les
marchés où l’on achète de bons esclaves, et d’en ouvrir d’autres en des endroits moins
propices. En outre, le roi attribue aux mesures des tissus « plus de longueur qu’elles n’en
représentent habituellement au Portugal et dans les possessions portugaises, et qu’il
n’était admis jusqu’alors au Congo ». Il majore les prix et fait payer les esclaves plus cher
qu’avant57.
38 En 1553, le même roi interdit provisoirement les marchés et ferme tout accès aux
marchands blancs, ce qui les rend furieux58.
132
39 En 1620, D. Alvaro III (1615-1622) est également accusé de couper les chemins aux
marchands blancs quand bon lui semble. « Et s’ils ne lui donnent pas de cadeaux, il ne les
laisse pas passer, et ils sont retenus de longs jours, dépensant en partie ce qu’ils
transportent, jusqu’à ce qu’il s’estime satisfait »59. Il impose de « lourdes taxes et exige
des pots de vin qui augmentent chaque jour [...] Il en résulte de graves ennuis, des
plaintes et des pertes »60.
40 Enfin, D. Garcia II (1641-1661) fait payer aux négociants blancs de nombreux xicavos ou
péages aux gués des fleuves61.
41 Malheureusement, ces tentatives pour encadrer et contrôler le commerce européen ne
sont, en général, ni assez systématiques, ni assez régulières, ni assez rationnelles pour
servir l’intérêt général du royaume. Ainsi, par réaction contre les tentatives de l’évêque
Manuel Baptista, en visite à São Salvador en 1619, pour corriger les mœurs relâchées des
Congolais, le roi et sa cour lui crient « qu’ils vont tuer tous les Blancs, qu’ils se moquent
du baptême, de l’Église et du clergé, et veulent vivre en liberté ». Aux excommunications
de l’Église, ils répondent par des « excommunications du pays », interdisant aux Blancs
« eau, feu, bois de chauffage et fermant tous les marchés. Ils continuent ainsi pendant
quelques jours, avec des hurlements, des clameurs, des cris de guerre jour et nuit, pour
effrayer et laisser croire que tout est fini [...] et quand ceci leur passe, comme si de rien
n’était, ils deviennent amicaux, quémandant du vin et d’autres choses, demandant pardon
[...] et craignant les excommunications de l’Église »62.
42 Devant ce comportement imprévisible, issu du dilemme que crée d’une part la peur de la
religion des Blancs et, de l’autre, le désir d’affirmer l’autorité royale minée par le
commerce européen, les marchands portugais, soucieux de leur seul intérêt, ne savent
plus à quoi s’en tenir. Il leur devient difficile de conjecturer l’avenir, chose essentielle
pour la réussite de leurs affaires.
43 Dès 1612, la perception des péages semble avoir échappé au contrôle centralisé des rois.
Selon un texte portant cette date, les marchands portugais sont obligés de payer des
péages non seulement au roi du Congo, mais aussi au Mani-Bamba et au Mani-Soyo.
« Pour passer une rivière (même des plus insignifiantes), ils paient des droits en fonction
des charges portées par leurs esclaves »63.
44 Le dernier roi dont l’autorité se soit fait sentir sur tout le territoire du royaume, jusqu’à
l’embouchure du Congo, semble avoir été D. Diogo I, dont un texte de 1550 dit qu’il
contrôle tous les « ports et voies de communication »64. Avant lui, D. Afonso I avait aussi
dominé son pays jusqu’à la mer. En 1539, un témoin déclare qu’il avait installé « des
gardes à tous les ports et gués » entre São Salvador et le Soyo pour intercepter la
correspondance des marchands portugais résidant dans la capitale65.
45 Ce sont, en somme, les rois aux personnalités fortes – D. Afonso I (1506-1543), D. Diogo I
(1545-1561) et D. Garcia II (1641-1661) – qui réussissent (et encore partiellement) à faire
face aux problèmes posés par le commerce européen. Après la bataille d’Ambuíla (1665),
et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle encore, l’imposition de péages est la prérogative de chaque
gouverneur de province, de chaque chef local66 ; l’autorité des rois ne s’étend guère en
dehors de la capitale.
133
4. LA VENUE DES EUROPÉENS ET SES INCIDENCESSUR LES RAPPORTS DES CONGOLAIS AVEC LEURSVOISINS FRONTALIERS
46 Du fait du malentendu fondamental concernant la nature du christianisme (dont nous
avons déjà parlé), les Congolais en attendaient non pas un salut ultramondain, mais une
augmentation de force temporelle. Aussi leur importait-il énormément que cette nouvelle
puissance sacrée ne soit pas donnée à leurs adversaires déclarés ou éventuels.
47 D. Afonso I essaiera d’empêcher que le roi d’Angola ne devienne chrétien, afin qu’il ne
s’oppose pas à lui en rival67. Et un de ses successeurs interdira, en 1583, aux missionnaires
carmélites de se rendre au royaume de Mucoco (chez les Bateke), pour les mêmes raisons68.
48 Puissance sacrée et technique matérielle ne se distinguant guère pour eux, les Congolais
n’ont pas tardé à solliciter l’aide de leurs prestigieux amis de la mer, avec leurs armes
européennes, contre les populations de la frontière orientale, d’ethnie différente. La
venue des Européens va tendre à conférer aux Congolais un rang plus élevé que celui de
leurs voisins noirs.
49 Dès 1491, les Portugais participent à une guerre contre les Bateke en aval du Stanley Pool
(Nsanga et Mazinga)69 ; en 1536, Manuel Pacheco écrit que depuis cinq ans il aide D.
Afonso I dans ses guerres70 ; en 1587, le roi du Congo et le duc de Mbata (la province
orientale) ont à leur service des arquebusiers portugais71 ; un texte de 1607 laisse
clairement entendre que l’autorité du roi n’est fondée que sur la présence de Portugais
(avec leurs armes à feu) résidant dans la capitale72.
50 Si les deux grandes nouveautés dans la vie des Congolais vont être désormais le
christianisme et la traite, tous deux introduits par les Européens, il apparaîtra très vite
aux négociants portugais que l’adhésion au premier compromet la bonne marche de la
seconde, et voici pourquoi :
51 Puisque les principales sources d’esclaves sont soit des captifs pris au cours de guerres
entre ethnies, soit des condamnés pour délits réels ou prétendus contre le pouvoir73, les
acheteurs ne peuvent qu’encourager les frictions intertribales ou le despotisme
tyrannique ; le cannibalisme guerrier leur offre aussi une source de choix, car les
excédents de consommation alimentaire ou sacrificielle sont facilement vendus contre
des tissus ou des objets de luxe.
52 Le cannibalisme existait-il chez les Congolais ? L’auteur de l’História do Reino do Congo (c.
1655) est formel : « Jamais chez eux [les Congolais] on ne mangeait de la chair humaine,
pas même de ceux qu’ils tuaient en guerre, comme c’est la coutume générale en Angola,
Matamba, Soyo, Loango, Anzicana et dans bien d’autres [royaumes] »74. Pourtant,
Raffaello Maffei avait décrit comment, à l’arrivée des premiers Européens, le roi Nzinga
Nkuwu avait invité les Portugais écœurés à manger les têtes rôties de sept hommes, qui
s’étaient suicidés en leur honneur75.
53 Cet incident prouve qu’à cette époque le comportement despotique des rois congolais ne
différait pas de celui de leurs voisins.
54 L’adhésion des Congolais aux valeurs de la religion chrétienne avait-elle eu pour
conséquence d’atténuer chez eux le despotisme tyrannique typique des États africains, et
134
d’éliminer le cannibalisme ? Les missionnaires ont certainement fait tout leur possible
pour qu’il en soit ainsi. En substituant à leur notion du sacré celle des Européens, D.
Afonso I et ses successeurs s’étaient-ils confiés à la puissance de leur Dieu, dont les armes
à feu attestaient la supériorité ? Persuadés de l’efficacité de cette nouvelle garantie,
avaient-ils accepté de renoncer aux traditionnelles exécutions gratuites, destinées à
assurer le respect du pouvoir ? Deux sources déclarent, en effet, qu’au XVIe siècle la peine
de mort est devenue rare au Congo76.
55 Après avoir été très actifs à l’intérieur du pays dans le premier quart du XVIe siècle, les
organisateurs de la traite opéreront, après 1530, surtout aux frontières, chez les Bateke et
en Angola, où le despotisme traditionnel reste encore en vigueur et par conséquent
l’approvisionnement en esclaves mieux assuré77.
56 En 1576, les Portugais exportent de Luanda 12 000 esclaves par an : des délinquants que le
roi d’Angola « vend pour ne pas les exécuter »78. Des délits infimes sont prétexte à
condamnation. Selon Du Jarric, « ... quiconque toucherait à certaines courges, qu’il [le
chef] tient pendues à ses palmes pour recueillir le vin qui en découle, est puni en se
voyant rendu esclave avec tous les siens »79.
57 En 1620, les marchands portugais portent la traite loin dans l’intérieur, chez les Bateke et
jusque dans la boucle du Cuango80. L’activité des trafiquants d’esclaves se concentrera
dans les régions périphériques du royaume du Congo ; celui-ci tendra à rester une enclave
de relative tranquillité81 au milieu d’une contrée où régneront fièvreusement le
despotisme arbitraire et l’agression permanente82.
58 Pour autant que les Congolais aient adouci leurs mœurs en acceptant le christianisme, ils
ne recevront hélas point des Européens le soutien escompté : les barbares « païens »
continueront leurs pressions sur la frontière orientale, et les armes à feu des mercenaires
blancs ne suffiront pas à les contenir.
59 Entre 1561 et 1568, deux rois meurent dans des guerres contre les Bateke83. En cette
dernière année, c’est l’invasion ravageuse des Jagas cannibales nomades venus de l’est.
60 Le phénomène des Jagas – la « barbarie » déferlant contre la « civilisation »84 – est-il
proprement africain, ou une répercussion de l’arrivée des Européens ? L’invasion des
Jagas fut-elle la conséquence des perturbations sociales engendrées par les esclavagistes
dans les régions frontalières ? Les peuplades de l’extérieur enrageaient-elles de se voir
exclues des pouvoirs conférés par le nouveau Dieu des Blancs, ainsi que le voulaient les
Congolais ? S’agissait-il tout simplement d’une des multiples migrations comme en
connaît l’Afrique depuis des siècles ? Ces hypothèses sont toutes aussi difficiles à prouver
qu’à réfuter.
61 En Angola, l’apparition des Jagas fera bien l’affaire des conquistadores, qui les prendront
comme alliés85. Luis Mendes de Vasconcellos, gouverneur d’Angola de 1617 à 1621,
dénonce son prédécesseur, qui les avait employés « [...] comme des chiens de chasse, pour
se procurer indûment des esclaves »86. Au lieu de les expulser ce même Luis Mendes de
Vasconcellos, écrit l’évêque Manuel Baptista, « ... a partie liée avec eux, et depuis plus de
deux ans les mène à la guerre, leur faisant tuer et capturer d’innombrables innocents,
non seulement contre les lois divine et naturelle, mais encore contre les instructions
formelles de Votre Majesté »87.
62 Mais qui sont ces Jagas, et d’où viennent-ils ? Culturellement, ils présentent des affinités
avec les peuples Lunda et Luba88. Aujourd’hui, ils sont devenus les Bayaka du Cuango89, les
Bangâla90 de Cassange 91 et les Gangala, petit groupe situé autour de Mindouli (entre
135
Brazzaville et Pointe Noire) 92. Cavazzi assimile d’ailleurs les Jagas aux Bayaka (Aiaccki) et
aux Bangálas (Chimbangali) 93. Il note également qu’ils s’appelaient Nsidi ou Ngindi94.
Battell observe « qu’ils [les Jagas] nous ont dit qu’ils étaient Gages ou Gindes »95. Domingos
de Abreu de Brito (1591) fait allusion au roi des Guindas, qui s’était joint aux rois de
Matamba, d’Angola et des Yaguas (Jagas) contre les Portugais en Angola96. Les Ngindi,
Gindes et Guindas, ne sont-ils autres que les Jingas de Matamba, population qui habite
aujourd’hui le district de Duque de Bragança ? Nous ignorons ce que peuvent représenter
les Nsidi, mentionnés par Cavazzi, de même que les Giakasi ou les Engangiaghi qui seraient,
selon le même auteur, les anciens noms des Jagas97.
63 A l’époque des invasions, les Jagas ne pratiquaient ni l’agriculture ni l’élevage, ils vivaient
principalement de pillage et mangeaient leurs prisonniers98. L’infanticide est
institutionnalisé, afin d’empêcher toute tendance à la sédentarité, et pour donner à la
bande un maximum de mobilité. Une série de tabous très stricts, appelés Quixilles, sont
observés99, ils semblent procurer à la bande la solidarité et la cohésion normalement
assurées par les rapports de parenté. Les groupes de Jagas sont composés en grande partie
de captifs ou de recrues d’autres tribus100. Battell notait qu’il n’y avait que douze Jagas
authentiques dans la bande qu’il accompagnait101.
64 « ... lorsqu’ils ont gagné une victoire », dit Dapper, « ils choisissent les plus jeunes et les
mieux faits d’entre les prisonniers, et les mettent à l’épreuve en tirant contre eux comme
contre un but, en sorte pourtant que les flèches passent dessus ou autour de leur tête. Ils
tuent et mangent ceux qui témoignent de la peur, mais pour ceux qui font paraître de
l’intrépidité, ils leur percent le nez et les oreilles, leur arrachent les deux dents de devant
de la mâchoire de dessus et les accoutument si fort à la barbarie, qu’ils surpassent bientôt
leurs maîtres en cruauté »102.
65 Une tradition invraisemblable, courante au XVIIe siècle, veut que les Jagas soient
originaires de la Sierra Leone103. Or plusieurs descriptions de ce pays à la fin du XVe et au
début du XVIIe siècle parlent d’une invasion de « barbares » cannibales, les Sumbas, qui
massacrent et mangent les autochtones « civilisés », les Sapes.
66 « Deux races de Noirs habitent cette province [Sierra Leone] une ancienne appelée Sapes,
lesquels ont plus d’intelligence et de bon sens que tous ceux de la Guinée [...] L’autre race
[...] est formée de Noirs très barbares et inhumains appelés Sumbas, ce qui veut dire
mangeurs d’hommes [. :.] Ils ont détruit et conquis la plus grande partie [de la Sierra
Leone] expulsant les anciens habitants, les Sapes. Ils mangeaient ceux qu’ils capturaient,
les rois et la noblesse, laissant les jeunes pour en faire des soldats [dans leur armée]. Ils
vendaient ceux qui restaient aux Portugais... »104.
67 La même opposition entre « barbares » et « civilisés » se retrouve chez un autre auteur au
sujet d’une tribu de Guinée, les Bijagós, très belliqueux, habitant des îles dans le Rio
Grande, et qui attaquent les Biafres, « faisant chez eux de grandes destructions et
capturant beaucoup de gens »105. Du point de vue portugais, les Biafres sont les
« civilisés », car les Portugais s’étaient établis dans leur capitale, Bijubá106.
68 Est-ce dans le mot Bijagós qu’il faut voir l’origine du mot « Jaga », synonyme de
« barbares », cannibales, envahisseurs ? Martin Fernandes Enciso, parlant de la Guinée en
1519, mentionne « la ville de Jaga », située dans le Rio Grande, mais il n’en dit pas
davantage107. « Jaga » serait-il une forme primitivement employée par les Portugais au
début du XVIe siècle pour désigner les Bijagós ?
136
69 Quoi qu’il en soit, et quelle que soit la vraie raison qui pousse les « Jagas » à envahir le
Congo, les Congolais se trouvent dans une situation très difficile, pris entre deux
adversaires dotés d’une plus grande mobilité qu’eux, l’un à l’ouest, avec ses voiliers
rapides, qui « raccourcissent » la partie maritime de la périphérie du royaume, l’autre à
l’est, libéré par le cannibalisme guerrier d’une sédentarité qui rend vulnérable.
70 A partir de 1575, les hommes de la mer, jusqu’alors enracinés dans un autre monde,
viendront s’implanter définitivement dans l’univers des Congolais, sur leur frontière
méridionale. Ils leur poseront, au bout du compte, le même problème que les Jagas108.
71 En 1571, la cour de Lisbonne autorisera Paulo Dias de Novais à conquérir pour lui-même
et pour ses héritiers 35 lieues de côte au sud du Cuanza, et « aussi loin vers l’intérieur
qu’il pourra pénétrer »109. Déjà, lors d’une première visite de Novais dans la capitale du roi
d’Angola en 1562, le roi du Congo avait tenté, par des démarches faites à Lisbonne,
d’empêcher ce contact direct entre les Blancs et ceux qu’il considérait comme ses vassaux110. En 1575, le Congo essaiera sans succès de provoquer une rupture entre les Noirs
d’Angola et les Portugais, installés à Luanda cette même année111. En 1580, cette rupture
se produira sans que la diplomatie congolaise y soit pour rien. En effet, un « mauvais »
Portugais, un traître, avertit le roi d’Angola des vraies intentions de Novais, qui ne sont
pas uniquement d’ordre commercial, car il vise à s’emparer des richesses du sous-sol
angolais, en l’occurrence les chimériques mines d’argent de Cambambe112.
72 La guerre qui s’ensuit est d’abord favorable aux conquistadores, qui lâchent sur la région
du Dongo une vague de fureur meurtrière113. Mais en 1590 une coalition des rois d’Angola
et de Matamba, avec l’appui du roi du Congo, inflige au successeur de Novais, Luis Serrão,
une cuisante défaite114.
73 Ce n’est qu’un échec temporaire ; la conquista de l’Angola continuera ; la déception à
propos des mines d’argent sera compensée par les profits de la traite et, pendant la
première moitié du XVIIe siècle, les Congolais regarderont avec une inquiétude croissante
l’expansion militaire de leurs voisins blancs. La guerre luso-hollandaise n’apportera qu’un
court répit de sept ans dans ce processus inexorable, qui aboutira à la bataille d’Ambuíla
(1665), et qui n’aura d’autre frein que les difficultés des Portugais à mener des opérations
militaires à de trop grandes distances de leurs bases autour de Luanda.
74 Avec l’implantation européenne en Angola, amorcée dans le dernier quart du XVIe siècle,
deux sociétés blanches sensiblement différentes s’établiront dans l’univers des Congolais :
d’une part, les Européens de Luanda, convaincus d’être les seuls représentants de la
civilisation au milieu d’une barbarie indifférenciée, où Congolais, Jagas et autres tribus,
ne se distinguent guère115 ; de l’autre, à São Salvador, une société originale de Blancs
vivant en symbiose avec les Noirs, où ceux-ci admettent la tutelle des Européens dans les
domaines de la religion et de l’éducation, et où les Blancs acceptent de vivre sous la
souveraineté des rois congolais116. A la fin du XVIe siècle, il y a là « 100 marchands
portugais et plus de 1 000 autres natifs du Portugal »117 ; au milieu du XVIIe siècle, ils
seront, selon Cavazzi, 4 000118. Certains de ces Portugais sont d’anciens membres de
l’expédition de Francisco de Gouveia, restés dans le pays, d’autres sont venus à titre privé,
d’autres encore sont des déserteurs de l’armée des conquistadores d’Angola119.
137
5. LE POIDS DE L’INTERVENTION DES EUROPÉENSRÉSIDANT A SÃO SALVADOR DANS LA POLITIQUEINTERNE DU PAYS
75 Si les Portugais résidant à São Salvador n’ont pas hésité, à de nombreuses reprises, à
s’immiscer dans la politique interne du Congo, leur ingérence ne donna lieu à aucune
modification durable de la structure des institutions du royaume.
76 Nous avons déjà vu qu’ils avaient tenté d’assassiner D. Afonso I (1506-1543)120. Après avoir
essayé sans succès d’imposer un roi de leur choix, D. Pedro I (1543-1544 ?), ils
s’efforcèrent par deux fois de faire déposer D. Diogo I (1545-1561)121. Son successeur, D.
Bernardo I (1561-1567), fut considéré par les Portugais comme plus malléable que D.
Diogo I : « Il est jeune et très tolérant, et il n’est pas jaloux de ses prérogatives comme ses
ancêtres »122.
77 Pendant les premières décennies du XVIIe siècle, c’est de la seule présence des Portugais
résidant à São Salvador que les rois tirent leur autorité. Un témoin de 1607 affirme que :
78 « ... le roi apprécie grandement la présence de ces Portugais dans sa capitale, aussi bien
parce qu’ils apprennent à ses sujets à vivre en société, que parce qu’il s’appuie sur eux
contre ses ennemis. Et c’est si important pour lui, qu’on sait qu’il aurait déjà été battu, si
ses ennemis ne craignaient tant ces Portugais »123.
79 Pourtant, cette apparente dépendance, où se trouvaient les rois à l’égard des Portugais,
ne s’institutionnalisera pas. De 1568 à 1641, année au cours de laquelle l’invasion
hollandaise mettra fin provisoirement à la prépondérance des Portugais dans cette partie
de l’Afrique, les rois congolais se montrent tantôt dociles, tantôt rebelles.
80 D. Alvaro I fut si reconnaissant de l’aide contre les Jagas que, selon Garcia Mendes de
Castello Branco, il se montrait « déférent et humble » au point de trembler devant le nom
des Portugais. Mais après la grande défaite de ceux-ci en Angola en 1590, contre les rois
d’Angola et de Matamba, « il reprit de l’audace »124.
81 D. Alvaro III (1615-1622) fut considéré par les Portugais comme un « tyran », parce qu’il
empêchait la libre circulation des Pombeiros à leur service125.
82 Quant à D. Garcia II (1641-1661), nous avons vu qu’il fit preuve d’une hostilité féroce à
l’égard des Portugais. Après la bataille d’Ambuíla (1665), les résidants européens
abandonnèrent São Salvador, et les Portugais cesseront jusqu’au milieu du XIXe siècle de
s’occuper de la politique intérieure du Congo.
6. LE DÉCLIN DÉMOGRAPHIQUE
83 Pour le XVIe siècle et toute la période qui précède, les témoignages sur la population du
Congo sont très fragmentaires. Le pays où abordèrent les Portugais à la fin du XVe siècle
leur parut « très peuplé »126. Mais, avec une étonnante rapidité, les effets de la traite se
font sentir : dans une lettre de 1526 au roi de Portugal, D. Afonso I se plaint de la saignée
en hommes qui en résulte127.
84 A la fin du XVIe siècle (1588), le Portugais Duarte Lopes déclare au pape Sixte Quint « qu’il
y a au delà de deux millions de chrétiens baptisés » dans le royaume du Congo128. La
138
population totale devait donc dépasser de beaucoup ce chiffre, mais peut-on y ajouter
foi ?
85 Les témoignages sont plus nombreux au milieu du XVIIe siècle ; d’après eux, la traite n’est
pas le seul facteur de dépeuplement.
86 Si, en 1645, Bonaventura d’Alessano déclare le Congo regionem populatissimam129, Jean
François de Rome fait état en 1648 d’une « dépopulation causée par les multiples guerres
civiles qui se sont succédé dans le royaume et qui l’ont en grande partie détruit »130.
87 En 1655-1656 une épidémie sévit (la variole, sans doute), et en deux ans la population
diminue de plus de moitié131. Il faut y ajouter les effets de la traite132. En 1659, une
nouvelle épidémie se déclare133.
88 Giuseppe Maria da Busseto estime, en 1675, la population du Congo à deux millions et
demi d’habitants134. Si les non-chrétiens sont compris dans ce nombre, il accuserait une
baisse considérable par rapport à l’estimation de Lopes en 1588.
89 Un siècle plus tard (1775), la population du Congo serait, selon Cherubino da Savona qui
présente des chiffres pour 21 provinces, de cinq millions135. C’est peut-être un peu
exagéré, mais il n’est pas impossible qu’il y ait eu, comme le pense le chanoine Jadin, une
certaine « poussée démographique »136. Vansina estime qu’elle est due à une
généralisation de la culture des nouvelles plantes vivrières américaines : le maïs et le
manioc137.
90 En admettant que cet accroissement démographique ait eu lieu, le XIXe siècle semble
l’avoir définitivement coupé. La variole, introduite de nouveau à Ambrizette en 1864 par
un navire de passage, fait de terribles ravages138. Elle apparaît encore en 1873, décimant la
population de São Salvador139.
91 Au nord du fleuve, selon Degrandpré (1786-1787), « la traite continuelle ne cesse, malgré
la polygamie et la fécondité des femmes, de dépeupler ces contrées »140.
92 Depuis l’abolition de la traite (effective à partir de 1860 environ) et l’ordre imposé par la
pacification coloniale à la fin du XIXe siècle, l’espace couvrant l’ancien royaume du Congo
(sauf la partie située au nord du fleuve) demeure aujourd’hui une région de sous-
peuplement, la population se situant entre 300 000 et 400 000 individus141 seulement142.
93 La densité moyenne de peuplement au sud du fleuve est de 4,9 habitants au kilomètre
carré143, et celle du Soyo – la région que les Portugais avaient jugée très peuplée à la fin du
XVe siècle – n’est que de 3,02 144. Le littoral et les rives du Congo sont très faiblement
habités, les densités les plus élevées se trouvant dans l’intérieur du pays145. Au nord du
fleuve, la densité moyenne est sensiblement supérieure (27 habitants au km2), mais avec
une répartition analogue : plus on s’en éloigne (jusqu’au Tshiloango), plus les densités
augmentent, elles passent de 8 habitants au km à 21, puis à 48146. Les concentrations les
plus fortes apparaissent en plusieurs noyaux périphériques147.
94 Il serait intéressant de connaître les effets relatifs de la traite et des épidémies sur cet
affaiblissement graduel de la démographie, mais les éléments dont on dispose sont trop
fragmentaires pour qu’on puisse en tirer des conclusions.
139
NOTES
1. Rui de Pina, Croniqua, cap. LVIII.
2. Cf. Instructions données à Simão da Silva, in M.M.A., vol. I, p. 239 (1512).
3. M.M.A., vol. I, p. 50.
4. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, une maladie frappera la canne à sucre, et la concurrence
des plantations du Brésil réduira considérablement l’importance de l’ile dans l’économie
atlantique (cf. Serge Sauvageot, « Navigation de Lisbonne à l’Ile de São Tomé par un pilote
portugais anonyme (vers 1545) », in Garcia de Orta, vol. 9, n° 1 (1961), pp. 123-138). Il y a aussi des
révoltes d’esclaves (cf. F. Mauro, Le Portugal et l’Atlantique, Paris, 1957, p. 191). Dès la première
moitié du XVIe siècle, les habitants de l’Ile avaient un commerce de cabotage le long des côtes du
golfe de Guinée, vendant dans un port les esclaves achetés dans un autre (cf. M.M.A., vol. iv, p. 131
(texte de 1519) et p. 145 (texte de 1529).
5. M.M.A., vol. I, p. 183.
6. Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis (c. 1508), éd. de l’Acad. Hist. Port., Lisbonne,
1954, p. 171.
7. M.M.A., vol. I, p. 320 (lettre de D. Afonso I, du 5-10-1514), et p. 359 (lettre de D. Afonso I, du
5-3-1516).
8. Cavazzi, lib. II, § 90.
9. M.M.A., vol. I, p. 359.
10. Ibid., p. 311 (lettre de 1514).
11. Un document de 1546 préconise un commerce plus actif avec les populations au nord du
fleuve et même avec le Bateke (cf. M.M.A., vol. II, p. 237. Sur l’Angola, cf. aussi Pigafetta, 11b. II,
cap. VII, et M.M.A., vol. V, pp. 387-388 (texte de 1602).
12. Cavazzi, 11b. II, § 131.
13. M.M.A., vol. I, p. 404.
14. Ibid., p. 527.
15. Ibid., p. 429.
16. P. Baesten, « Les Jésuites au Congo », in Précis historiques, t. 42 (1893), p. 108, et Orlandini,
História Societatis Jesu, Cologne, 1615, lib. XIII, n° 62.
17. M.M.A., vol. II, p.197.
18. Ibid., p. 323. Selon un document de 1551, l’arrendamento de la traite à partir de São Tomé, pour
les six années précédentes, avait été octroyé à condition qu’aucun navire ne fût envoyé en
Angola, sauf si le Congo cessait de fournir des esclaves. Les rois du Congo se voyaient donc
obligés de livrer leurs sujets pour que leur souveraineté soit respectée ! (cf. M.M.A., vol. II, p. 268).
19. Pigafetta, lib. I, cap. IV et VII ; et aussi J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives
romaines, p. 157 (texte de la fin du XVIe siècle).
20. L’inverse semble s’être produit dans le cas du Dahomey : en 1727, la capitale Abomey
conquiert le port de Whydah, situé sur la côte, après une tentative de ce dernier pour empêcher
les Dahoméens d’avoir accès au commerce européen. Abomey est situé à 240 km de la côte, alors
que São Salvador se trouve à 200 km seulement (cf. Rosemary Arnold, « A Port of Trade, Whydah
on the Guinea Coast », in K. Polanyi, Trade and Market in the Early Empires, Free Press, Glencoe,
1957, pp. 156-175).
21. M.M.A., vol. I, p. 470.
22. Ibid., loc. cit.
140
23. En 1554, Garcia de Resende écrit des Noirs du Congo :
Uns aos outros se vendem
& hd muitos merdadores
que nisso somente entendem
& hos enganam & prendem
& trazem aos tratadores.
Garcia de Resende, Miscellãnea, Evora, 1554 (p. 23 de l’édition de Coïmbre, 1914).
(« Ils se vendent les uns les autres /et il y a beaucoup de marchands /dont c’est la spécialité/qui
les trompent, les capturent/et les amènent aux négriers. »)
24. M.M.A., vol. I, pp. 489-490.
25. Cette réponse est peut-être la meilleure garantie de l’authenticité de la correspondance de D.
Afonso I. Les deux lettres que nous venons de citer, du 6-7-1526 et du 18-10-1526, sont écrites par
son secrétaire noir, .João Teixeira. Cf. aussi la lettre de D. Afonso du 5-10-1514, écrite également
par Teixeira. In M.M.A., vol. I, pp. 321-322.
26. M.M.A., vol. I, pp. 525-527.
27. Selon J. Vansina, (« Long Distance Trade Routes in Central Africa », in Journ. of Afr. Hist., vol.
III, n° 3 (1962), p. 378, note 14), le mot Pumbo vient du mot kikongo désignant Stanley Pool. Cf.
aussi Willy Bal, « Portugais Pombeiro, commerçant ambulant du sertão », in Annali dell’Instituto
Universitario Orientale (Sezione romanza), Naples, vol. VII, 2 (1965), pp. 123-161 ; cf. aussi Van Wing,
Éludes Bakongo. Histoire et Sociologie, p. 102. Van Wing précise que les Bakongo appellent les régions
du Stanley Pool Mpumbu.
28. Garcia Mendes de Castello Branco (1620), in M.M.A., vol. VI, p. 438. On ignore ce que peut être
l’Ibare, également mentionné par l’auteur de l’H.R.C. (cf. Felner, Angola, p. 375). Vansina (id., loc.
cit.) note qu’Ibare est un mot qui s’applique à tout grand fleuve. Le même auteur identifie le
Bocanga (qu’il a trouvé écrit Bozanga) avec le royaume de Nsese la Bosanga à l’est du lac Léopold II
(Vansina, id., loc. cit.). Bocanga n’est autre, à notre avis, que le royaume Ocanga, près de la
confluence du Cuango avec le Congo (cf. aussi M.M.A., vol. VI, p. 104, où Ibare et Ocanga sont cités
ensemble).
29. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 350 (Naukeurige Beschrijvinge), p. 575.
30. Osservationi del Regno di Congo dell’anno 1656, ms. espagnol 324 (38), I » 150 (v°), B.N.P
31. L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge
de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 240.
32. Cavazzi, lib. I, § 164. F. Cappelle (1642) récuse ce sombre réquisitoire de Cavazzi : « Il y en a
qui prétendent que les habitants d’Angola [où Cappelle englobe le Congo] sont brutaux au point
que les parents vendraient leurs enfants, le mari sa femme, le frère sa sœur. Cela est faux et
mensonger... » Cf. L. Jadin, « Les rivalités luso-néerlandaises au Soyo, Congo, 1600-1675 », in Bull,
de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 226. Cappelle était un négociant d’esclaves qui
resta peu de temps au Congo, tandis que Cavazzi y séjourna assez longuement.
33. Il y avait aussi, il est vrai, l’ivoire et le cuivre, mais ils n’ont jamais occupé, sur la côte
occidentale, une place aussi prépondérante que l’esclave.
34. Rui de Pina, Croniqua, cap. LIX.
35. Ibid.
36. Vers la fin du XVIe siècle, les missionnaires carmélites notaient que le roi avait « beaucoup de
serviteurs, mais à aucun il ne donne un salaire » : « ...personnene veut être le serviteur d’un autre
pour un salaire. Les esclaves seuls travaillent et servent ». (Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien
Congo d’après les archives romaines, pp. 132 et 135.
37. M.M.A., vol. I, p. 300 (lettre du 5-10-1514).
38. Ibid., p. 316.
39. Ibid., p. 306. Le lufuco est une mesure de zimbu, mais les sources se contredisent quant au
nombre de zimbu qu’il contient.
141
40. Instructions à Simão da Silva (1512), in M.M.A., vol. I, p. 239.
41. Ibid., pp. 238-239.
42. Ibid., loc. cit.
43. M.M.A., vol. I, p. 522 (lettre de D. João III à D. Afonso I, en 1529).
44. A cette date, les nattes de raphia s’étaient substituées au zimbu pour des raisons que nous
exposerons plus loin. Le zimbu aura pourtant encore cours en 1775 (cf. L. Jadin, « Relation sur le
royaume du Congo de Raimondo da Dicomano (1791-1795) », in Bull, de l’Acad. Roy. des Sc. Col., t. III,
fasc. 2 (1957), p. 331).
45. P.M., pp. 270-271 (chamava fidalgos de tantos lepussos, e quem mais tinha, era mais aventajado).
46. L. Jadin, « Le Clergé séculier et les capucins du Congo et d’Angola aux XVIIe et XVIIIe siècles »,
in Bull, de l’Inst. Belge de Rome, t. XXXVI, fasc. 2 (1964), p. 218.
47. C’était tout le contraire au XIXe siècle, dans le Dahomey où il existait une organisation
économique exceptionnelle et une monnaie universelle permettant l’achat de vivres en petite
quantité. Cf. K. Polanyi, Dahomey and the Slave Trade, Univ. of Washington Press, 1966, p. 91.
48. François Pyrard de Laval, Voyages, seconde partie, Paris, 1615, pp. 379-380.
49. J. Cuvelier, Documents sur une Mission française au Kakongo (1766-1776), p. 27.
50. Cf. M.M.A., vol. VI, p. 488 (texte de 1620). ... o comercio dos portugueses que hé do direito das
gentes...
51. Cf. Gastão Sousa Dias, A Batalha de Ambuíla, pp. 84-95.
52. M.M.A., vol. I, p. 528 (lettre de D. João III, de 1529), et Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ
Orbis (c. 1508), éd. de l’Acad. Port, de Hist.., Lisbonne, 1954, p. 172. Il s’agit des igos (cauris).
53. M.M.A., vol. VI, p. 72 (texte de 1622).
54. Ibid., p. 108 (texte de 1612).
55. Ibid., p. 471 (texte de 1620).
56. Ibid., p. 383.
57. M.M.A., vol. II, p. 234.
58. Ibid., pp. 301-302.
59. M.M.A., vol. VI, p. 437 (texte de 1620).
60. Ibid., p. 383 (texte de 1619) ; cf. aussi M.M.A., vol. VI, p. 488 (texte de 1620).
61. P.M., p. 274 (Cadornega).
62. M.M.A., vol. VI, p. 377 (texte de 1619).
63. Ibid., p. 107 (texte de 1612).
64. M.M.A., vol. II, p. 258.
65. Ibid., pp. 76-77. Il convient de noter que les rois congolais conservèrent jusqu’en 1604 leur
contrôle sur l’île de Luanda et ses pêcheries de zimbu (cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo
d’après les archives romaines, p. 264 (texte de 1604).
66. Cf. Elias Alexandre da Silva Corrêa, História de Angola (1792), t. II, p. 177.
67. M.M.A., vol. I, p. 532 (lettre de D. João III, de 1529).
68. M.M.A., vol. IV, p. 369.
69. Rui de Pina, Croniqua, cap. LXIII ; et aussi J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, pp. 227-279, qui
donne des extraits de tous les textes sur le sujet.
70. M.M.A., vol. II, p. 59.
71. Pigafetta, lib. I, cap. XII.
72. M.M.A., vol. V, p. 386, « Relação da Costa da Guinée » (1607).
73. Les exécutions arbitraires, nombreuses, quotidiennes, sont une des caractéristiques des
anciens États non chrétiens en Afrique. Dapper (1668) dit que chez le roi du Mucoco (Bateke) « ...
on tue tous les jours, dans son palais, 200 esclaves, dont les uns sont des criminels et les autres
ont été livrés en tribut. On apprête la chair de ces malheureux pour le dîner du roi et de ses
courtisans [...] C’est pour eux un raffinement barbare de délicatesse, car on n’y manque ni de
bêtes ni de provisions » (cf. O Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 592). Vers 1656, la reine Jinga
142
(cannibale) de Matamba sacrifie « souvent 50 ou 60 victimes pour apaiser l’esprit de son frère »
(cf. Cavazzi, lib. V, § 108). En 1563, António Mendes a vu le roi d’Angola ordonner l’exécution de
11 sorciers qui n’avaient pas su faire la pluie (cf. M.M.A., vol. II, p. 509). Chez le Muataianvo, roi
des Lunda et encore grand exportateur d’esclaves en 1845, « il ne se passe pas un jour sans que
des têtes tombent pour des fautes bien légères » (cf. Joaquim Rodrigues Grava, « Expedição ao
Muataianvua », in Bol. Soc. Geog. Lisboa, 9e sér., n° 1 (1890), p. 453). Le premier jour de sa visite chez
le roi zoulou, Chaka, en 1824, Fynn a vu 10 hommes exécutés sur un simple signe du doigt royal.
Un autre jour, il a vu mourir 60 garçons de 12 ans « avant que le roi n’ait pris son petit déjeuner »
(cf. The Diary of Henry Francis Fynn, éd. James Stuart et D. Mc Malcolm, Pietermaritzburg, 1950, pp.
28 et 78).
74. H.R.C, in Felner, Angola, p. 376.
75. Raffaello Maffei da Volterra, Commentariorum Urbanorum, Rome, 1506, f° 138 (v°). Pigafetta
laisse entendre que les Bateke observaient encore des coutumes analogues au XVIe siècle « [les
Bateke] sont sincères, loyaux et simples au point de s’offrir à la mort pour la gloire du monde
[visible], et pour plaire à leurs seigneurs ils leur donnent leur propre chair à manger ». (Cf.
Pigafetta, lib. I, cap. V, p. 35 de la traduction française de Willy Bal).
76. Pigafetta, lib. II, cap. VII ; M.M.A., vol. IV, p. 372 (texte de 1583).
77. M.M.A., vol. I, p. 526 (doc. de 1529), et vol. II, p. 237 (doc. de 1549).
78. M.M.A., vol. III, p. 146 (texte de 1576).
79. Du Jarric, De l’Histoire des choses les plus mémorables..., Bordeaux, 1610, vol. II, p. 80.
80. M.M.A., vol. VI, p. 438.
81. Sauf à l’occasion de guerres entre provinces.
82. Manuel Correia de Leitão, qui voyagea sur les rives du Cuango en 1775, affirme que lors des
guerres entre tribus pour capturer des esclaves, on ne vend même pas le dixième du nombre de
ceux qui sont tués (não se vende nem o dizimo dos que morrerão) – cf. Gastão Sousa Dias, « Uma
Viagem a Cassange nos meados do século XVIII », in Bol. da Soc. de Geog. de Lisboa, sér. 56, nos 1-2
(1938), pp. 19-20.
83. Pigafetta, lib. II, cap. IV.
84. Les auteurs des XVIe et XVIIe siècles n’ont pas manqué d’établir un parallèle avec les invasions
des barbares dans l’antiquité (cf. Pigafetta, lib. II, cap. V, et Cavazzi, lib. II, § 1).
85. Sur les Jagas en Angola et leur chef Kinguri, cf. J. Vansina, « The Foundation of the Kingdom
of Cassange », in Journal of African History, vol. IV, n° 3 (1963), pp. 355-374.
86. M.M.A., vol. VI, p. 283 (texte de 1617).
87. Ibid., p. 368 (texte de 1619).
88. Sur les Jagas, cf. l’étude d’un ethnologue (fondée en grande partie sur des sources modernes),
Hartmann C. Decker, « Die Jagazüge und das Königtum im mittleren Bantugebiet », in Zeitschrift
für Ethnologie, t. 71 (1939), pp. 229-293, et J. Vansina, « More on the Invasions of Kongo and Angola
by the Jaga and the Lunda », in Journal of African History, vol. VII, n° 3 (1966), pp. 421-429.
89. Cf. M. Plancquaert, Les Jagas et les Bayakas du Kwango, Mémoire I.R.C.B., t. III, fasc. 1 (1932), pp.
53-54.
90. Il s’agit des Bangála et non des Bângala. Cette dernière forme provient d’une prononciation
portugaise déformatrice (cf. H. Dias de Carvalho, Expedição Portugueza ao Muataianvua, Etnografía e
História Tradicional dos Povos da Lunda, Lisbonne, 1890, p. 85).
91. Andrew Battell qui, entre 1601 et 1603, accompagna pendant un certain temps une bande de
Jagas, les appelle Imbangolas (cf. E. G. Ravenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, p. 84
(They are called Iagges by the Portugals, by themselves Imbangolas) ; voir aussi J. Vansina, « The
Foundation of the Kingdom of Cassage », in Journ. of Afr. Hist., vol. IV, n° 3 (1963), p. 373).
92. Cf. la carte dans Marcel Soret, Les Kongo Nord-Occidentaux, Paris, 1959. En 1650, Jérôme de
Montesarchio fait allusion à un pays contigu à celui du chef congolais le Mani-Masinga, au nord
143
du fleuve, pays della ferocissima gente che mangia carn’humana chiamata Giagas (M.M.A, vol. X, p.
486). Notons que Cavazzi appelle le pays des Jagas de Cassange le t peUt Ganghella » (Cavazzi, lib.
II, § 4, et lib. VII, § 31). Bangála et Gangala se confondent-ils ? Sur la Carte Ethnique de l’Afrique
Équaloriale Française, feuille n° 1 (1955), l’auteur, Marcel Soret, désigne les Gangala par le nom de
Bahangala.
93. Cavazzi, lib. II, § 2.
94. Id., loc. cit. (La terminaison en « i » provient du pluriel italien).
95. Ravenstein, op. cit., p. 19.
96. Domingos de Abreu de Brito, « Sumario e Descripção do Reino de Angola... (1591) », in Feiner,
Um Inquérito à Vida Administrativa e Económica de Angola et do Brasil em fins do século XVI, Coïmbre,
1931, p. 41.
97. Cavazzi, lib. II, § 2.
98. E. G. Ravenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, pp. 30-33, 84 et 149-153 ; cf. aussi
Feiner, Angola, p. 453 (texte de 1619).
99. Cavazzi, lib. II, § 7 à 10.
100. Ibid., § 12.
101. Cf. E. G. Ravenstein, op. cit., p. 33.
102. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 339 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 555).
103. Andrew Battell (1610), in E. G. Ravenstein, The Strange Adventures..., pp. 19-20 ; O. Dapper,
Description de l’Afrique, p. 339 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 555) ; et Cavazzi, lib. II, § 2.
104. Fernão Guerreiro, Relagóes Annuais, Lisbonne, 1605, t. II, f° 135 (r°).
105. André Alvares de Almada, Tratado Breve dos Rios de Guiné (1594), éd. Luis Silveira, Lisbonne,
1946, chap. X.
106. Balthezar Telles, Chronica da Companhia de Jesu, Pt II, Lisbonne, 1647, p. 641.
107. Martin Fernandes Enciso, Suma de Geografia, Séville, 1519, f° (fiiij), « ... la ciudad de Jaga q es
grã pueblo e de mucha gête... ». Notons que nul texte ne nous est parvenu sur la Guinée pour la
période entre 1519 (Enciso) et 1594 (Almada). Valentim Fernandes (1506-1510) |fait de Jaga la
capitale de Mandimansa, roi de Mandinga, autrement dit l’ancien Mali (cf. Th. Monod, R. Mauny
et A. Teixeira da Mota, Description de la côte occidentale d’Afrique (Sénégal au Cap de Mont, Archipels)
par Valentim Fernandes, 1506-1510, Bissau (Guinée portugaise), 1951, p. 37).
108. Les Jagas et les conquistadores de Luanda vont s’allier à plusieurs reprises contre les
Congolais. En 1622 (cf. M.M.A., vol. VII, p. 17, p. 178 et p. 294) ; en 1665 à la bataille d’Ambuíla, et
en 1672 contre le Soyo (cf. L. Jadin, « Le Congo et la |secte des Antoniens » in Bull, de l’Inst. Hist.
Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 473.
109. M.M.A., vol. III, pp. 36-51.
110. Felner, Angola, pp. 105-106, et M.M.A., vol. II, pp. 459-461 ; et aussi Felner, op. cit., pp. 79, 107
et 396-397 ; M.M.A., vol. II, pp. 465 et 496.
111. M.M.A., vol. II, p. 141, et J. C. Feo Cardozo, Memórias..., p. 129.
112. M.M.A., vol. IV, pp. 558 et 572 (texte de 1594).
113. Les combats sont menés, la plupart du temps, par une « guerra preta » – des guerriers noirs à
la solde des Portugais. « Ils forment l’avant-garde et les Blancs restent à l’arrière, et ainsi les
hommes blancs, qui sont peu nombreux, gagnent beaucoup de victoires » (cf. Domingos de Abreu
de Brito, « Sumario e Descripção do Reino de Angola », in Felner, Um Inquérito..., p. 23).
114. M.M.A., vol. IV, pp. 574-575 ; et aussi Domingos de Abreu de Brito, in Felner, op. cit., p. 41.
115. Les Portugais les appellent tous gentios (païens).
116. Cela ne durera pas, bien entendu, après la bataille d’Ambuíla.
117. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 137.
118. Cavazzi, lib. II, §. 83. A Luanda en 1650, il n’y en avait que 2 000 (ct. P. Hildebrand, Le martyr
Georges de Geel, p. 143).
119. M.M.A., vol. V, p. 386 (texte de 1607).
144
120. M.M.A., vol. II, p. 105 (lettre de D. Afonso I, de 1540).
121. Ibid., p. 275 (doc. du 18-7-1552) et p. 377 (doc. du 5-9-1553).
122. Ibid., p. 543 (doc. de 1566) – « ... que este Rej dom Bernardo que agora Regna em Congo hé mãsebo e
mugto largo e não hé syozo como os seus êtrepassados »).
123. M.M.A., vol. V, p. 386, « Relação da Costa da Guiné » (1607).
124. Ibid., p. 439 (« e estava tão sojeito a nos e tão humilde até o tempo em que Matamba nos matou
aquella gente que tremia de nosso nome... com que se animou).
125. M.M.A., vol. I, p. 437 (doc. de 1620).
126. Rui de Pina, Croniqua, cap. LVII – ... as gentes do dicto reino, que acharam sem conto.
127. M.M.A., vol. I, p. 470, ... a nosa terra se despoua loda.
128. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 166.
129. M.M.A., vol. IX, p. 433.
130. Jean François de Rome, Brève Relation (1648) (p. 85 de l’édition de François Bontinck). L’effet
des guerres civiles est également mentionné par l’auteur de l’História do Reino do Congo (c. 1655), in
Felner, Angola, p. 375. Cf. aussi J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p.
166, note 2 (texte de 1657).
131. Osservationi del Regno di Congo dell’anno 16S6, B.N.P., ms. espagnol 324 (38), f° 150 (V°). Cf. aussi
Cavazzi, lib. I, § 245, et J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 166,
note 2.
132. Osservationi..., f° 151 (r°) : Prima di esser stato discoperto quel Regno era abondantissima di gente,
ma essendouisi introdotto il contrato continuati di Schiaui di Spagnuoli e Portughesi por conduirli
all’America (...) sono venuti a mancare all’Ingrosso...
133. Cavazzi, lib. I, § 245.
134. L. Jadin, « Le Clergé séculier et les capucins du Congo et d’Angola aux XVIIe et XVIIIe siècles »,
in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVI (1964), p. 235.
135. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc.
XXXV (1963), pp. 389-390. Nous ne savons pas comment le chanoine Jadin arrive au chiffre de six
millions, cf. ibid., p. 355.
136. Ibid., p. 355.
137. Communication personnelle.
138. Douglas Wheeler, « A Note on Smallpox in Angola », in Studia, nos 13-14 (1964), p. 356.
139. W. G. Grandy, « Report of the Progress of the Livingstone Congo Expédition », in Rogai Geog.
Soc. Proceedings, vol. 19 (1874-1875), pp. 78-105.
140. L. Degrandpré, Voyages, Paris, 1801, t. I, p. 184.
141. Nuno Alves Morgado, Aspectos da Evolução Demográfica da População da Antiga Provincia do
Congo, 1949-1956, Lisbonne, 1959, pp. 12-13. Cf. aussi, John T. Tucker, Angola, the Land of the
Blacksmith Prince, Londres-Toronto, 1933, p. 154 (355 000 kikongophones), et Hélio A. Esteves
Felgas, As Populações Nativas do Congo Português, Luanda, 1960, p. 126.
142. Rappelons les épidémies de maladie du sommeil, qui ravagèrent la région du bas-fleuve, et
même jusqu’à Ambriz, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle (cf. J. J. Monteiro, Angola and the
River Congo, Londres, 1875, vol. I, p. 143 et Guy Fortems, La Densité de la Population dans le Bas-Fleuve
et la Mayombe, Mém. de l’Acad. Roy. des Sc. d’Outre-Mer, Classe des Sc. Nat. et Méd., t. XI, fasc. 4
(1960), p. 75).
143. Hélio Esteves Felgas, op. cit., p. 126.
144. Ibid., loc. cit. En 1615, on estime la population chrétienne du Soyo à plus de 60 000 individus
(cf. M.M.A., vol. VI, p. 247, texte de 1615). Elle n’en comprend aujourd’hui que 18 000.
145. Ibid., op. cit.
146. Guy Fortems, op. cit., p. 6.
147. Communication personnelle du professeur G. Sautter.
145
Chapitre XII. La christianisation
1. LE CHRISTIANISME SOUS LES SIGNES DE SAINTJACQUES ET DE SAINT ANTOINE
1 La christianisation du Congo s’est déroulée en deux phases successives, éclairées d’un jour
sensiblement différent : une première à la fin du XVe siècle et au début du XVIe sous le
signe de saint Jacques, une seconde au milieu du XVIIe siècle sous le signe de saint Antoine.
2 Ce premier christianisme, agressif et intransigeant, apporté par les Portugais et auquel
préside « saint Jacques Matamore »1, est la projection malencontreuse en Afrique de la
lutte multiséculaire des peuples de la péninsule Ibérique contre l’Islam2.
3 La seconde christianisation par les capucins (italiens et espagnols pour la plupart), à
partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, apparaît comme moins brutalement imposée,
plus suavement éducative ; l’obstacle majeur de la polygamie semble être abordé de
manière plus circonspecte et plus réfléchie3. Les capucins font converger autour du
personnage de saint Antoine les valeurs chrétiennes proposées aux Congolais : saint
Antoine apparaît comme le médiateur dont on attend le salut dans l’infortune et dans la
maladie. Une prière, qui lui est adressée, et dont il existe de nombreuses traductions
portugaises dans la tradition folklorique brésilienne, montre bien ce qu’il représentait
naguère. En voici le texte :
Si quaeris miracula,Mors, error, calamitas,Daemon, lepra fugiunt,Aegri surgunt sani.Cedunt mare, vincula ;Membra resque perditas,Petunt, et accipiuntJuvenes et cani.Pereunt pericula,Cessat et necessitas :Narrent hi, qui sentiunt,Dicant Paduani4.
4 (Si tu cherches les miracles / La mort, l’erreur, les calamités, / Le diable, la lèpre
disparaissent, / Les malades se relèvent guéris. / La mer recule, les chaînes se brisent ; /
146
Quant aux membres et à ce qui était perdu, / Jeunes et vieux / Le demandent et le
récupèrent. / Les dangers s’écartent et la misère cesse / Que ceux qui savent le racontent
/ Que le disent les Padouans. /)
5 Dans la tradition populaire, on invoque saint Antoine dans l’espoir de goûter grâce à lui
les plaisirs du mariage :
Meu Santo Antônio querido,Eu vos peço, por quem sois ;Dai-me o primeiro marido,Que o outro arranjo depois.Meu Santo Antônio queridoMeu santo de carne e osso,Se tu não me dá maridoNão tiro você do poço5.
6 (Mon Saint Antoine chéri / Je vous prie très ardemment / De me donner mon premier
mari. / Le suivant je le trouverai toute seule. – Mon Saint Antoine chéri / Mon saint en
chair et en os, / Si tu ne me donnes pas de mari / Je te laisserai dans le puits.)
7 Connaissant ces textes, s’étonnera-t-on de voir saint Antoine devenir chez les Congolais
l’objet d’un culte particulier, dont la preuve nous est parvenue sous la forme de
statuettes-fétiches en laiton ou en ivoire, appelées Toni Malau (Toni = Antoine ; Malau =
chance, bonne fortune, succès, réussite)6.
8 Les missionnaires du XVIIIe siècle se sont-ils rendu compte que les pouvoirs attribués à
saint Antoine dans les croyances populaires portugaises, risquaient de se confondre
malencontreusement avec le fétichisme africain, au préjudice du vrai christianisme ?
Peut-être aussi ont-ils été obligés d’assouplir la rigueur réprobatrice de l’Église à l’égard
du traditionnel souci africain de fécondité de la terre et de la femme, et d’essayer même
de lui faire jouer un rôle positif en ce domaine ? Il serait intéressant d’étudier à fond cette
question, mais la rareté des sources est un obstacle majeur à la réalisation d’une telle
étude.
2. ÉCHEC DE LA FORMATION D’UN CLERGÉAUTOCHTONE
9 L’entrave la plus sérieuse à la christianisation du Congo fut sans nul doute l’attitude
réticente des autorités ecclésiastiques à l’idée de créer un clergé autochtone7.
10 Pourtant, dès 1518, un fils de D. Afonso I, D. Henrique, fut sacré évêque, mais rentré au
Congo en 1521, il devait mourir peu après, peut-être en 15268. Bien que D. Afonso I ait
sollicité le même titre pour deux de ses neveux9, D. Henrique resta le premier et le seul
évêque noir de l’ancien Congo.
11 Dès la fin du XVIe siècle et à travers tout le XVIIe, il a été constamment question de fonder
des séminaires en Afrique pour former un clergé noir, mais il n’en est rien résulté de
concret10.
12 Seuls les Jésuites ont maintenu à São Salvador, du premier quart du XVIIe siècle jusqu’en
1669 où ils l’ont abandonné, un collège où ils « formaient des clercs attachés à la
cathédrale, avec des cours de conscience et de morale »11. Ce n’était pas à proprement
parler un séminaire.
147
13 Les sources anciennes font allusion à des prêtres noirs à São Salvador dès le XVIe siècle,
mais ils ne représentent que de rares exceptions et il en sera toujours ainsi12.
3. DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES DE LA MISE SUR PIEDD’UN APPAREIL ECCLÉSIASTIQUE
14 Le fait que les agents de la nouvelle religion n’étaient pas issus de la masse de la
population, mais appartenaient à une autre civilisation, posait le problème du
financement de leur présence et des assises économiques de l’Église au Congo. C’étaient là
des charges que les rois de Portugal (et d’Espagne) paraissaient peu disposés à assumer13.
D. Afonso I semble avoir compris ce problème, puisqu’un témoin de 1516 affirme qu’il
avait ordonné que « tous ses sujets paient la dîme »14. Son initiative a sans doute donné
des résultats, du moins pendant un temps, car un texte de 1595 nous apprend que « ... les
émoluments reçus par les prêtres sont très élevés. Le roi fait verser pour eux la dîme
chaque année, dans ce pays, et lui-même donne de ses revenus personnels »15. Ce n’est
évidemment pas l’Église qui percevait cette dîme, mais le pouvoir séculier.
15 En 1607-1610, pourtant, c’est le roi d’Espagne16 qui nomme les membres du clergé régulier
à São Salvador et qui les paie ; seuls, les curés de campagne dans les provinces (il y en a
très peu) sont à la charge du roi du Congo17. Celui-ci avait bien exprimé le désir de
nommer lui-même son clergé, mais on lui avait répliqué qu’il devait alors en assumer
entièrement le financement18.
16 La situation économique du bas clergé n’était certainement pas aisée à cette époque, et
l’efficacité de son ministère en pâtissait. L’évêque Manuel Baptista déclarait en 1619 que
lorsque les prêtres faisaient la tournée de leur district, c’était plus pour recevoir des
offrandes que pour enseigner la parole de Dieu19. On ignore si ces offrandes étaient
constituées par des zimbu, mais certains ecclésiastiques dépendaient de la dîme payée en
cette monnaie, et comme les importations massives faites par les Portugais en avaient fait
effondrer le cours, leur vie était devenue très précaire20.
17 Avec l’occupation de l’Angola par les Hollandais (1641), la cour de Lisbonne semble avoir
cessé de subventionner le clergé de São Salvador21. Parmi les propositions de paix
qu’envoya D. Garcia II au gouverneur de Luanda en 1649 figurait la suivante : « Que soit
donné le subside que les rois de Portugal avaient coutume de donner à l’Église du Congo »22. On ne trouve rien à ce sujet dans la version définitive du traité de 1649, et il n’en est
plus question dans les années qui suivent.
18 De 1534 à 1596, São Salvador dépendait de l’évêché de São Tomé, où siégeait l’évêque.
L’indépendance obtenue par les Congolais, lors de la création en 1596 de l’évêché du
Congo, devint vite illusoire, du fait que les évêques refusaient d’habiter São Salvador,
préférant la compagnie de leurs compatriotes à Luanda. Ils se rendaient de temps à autre
à São Salvador pour proférer des excommunications destinées à corriger les mœurs
relâchées des Congolais23.
19 En 1604, le roi D. Alvaro II (1574-1614), désireux d’échapper aux reproches des évêques,
envoie un ambassadeur noir, António Manuel Ne Vunda, à Rome demander au pape que
son confesseur soit élevé au rang de protonotaire24. C’est ce qu’il pouvait espérer de
mieux, faute d’avoir un évêque chez lui. Après avoir insisté25, il voit enfin, en 1613, le
Saint-Siège accéder à son désir, mais ce sera son successeur, D. Alvaro III (1615-1622), qui
fêtera l’arrivée des brefs, en 1618, avec « de la musique et des danses publiques »26.
148
20 Devant le peu d’empressement des Portugais à envisager la promotion de l’Église du
Congo27 et les démarches instantes des rois congolais auprès du pape pour obtenir des
missionnaires, le Saint-Siège décidera en 1640 l’envoi de capucins italiens et espagnols.
21 L’austérité et la pauvreté, dans lesquelles les membres de cet ordre acceptent de vivre,
auraient dû, semble-t-il, aider à surmonter les obstacles économiques de l’évangélisation
du Congo. Subsistant d’aumônes, ils devaient mieux réussir que le clergé régulier à vivre
dans une économie d’auto-subsistance. Et il en fut bien ainsi. Après 1645, la
christianisation du Congo sera surtout l’œuvre des capucins. Ils maintiendront le lien
entre São Salvador et Rome, et rappelleront aux Congolais l’existence d’autres Européens
que les conquistadores de Luanda.
4. ATTITUDE DES CONGOLAIS A L’ÉGARD DESMISSIONNAIRES
22 A leur arrivée, en 164528, les capucins furent salués par les cris de « Enganga anchissi
hambian pungu Roma a Santo Padre29, ce qu’on peut traduire par « Féticheur de l’Être
Suprême envoyé de Rome par le Saint Père »30.
23 Au milieu du XVIIe siècle, ils sont encore considérés plutôt comme des thaumaturges que
comme des éducateurs. Étonnés de voir l’empressement des Noirs à se confesser, les
missionnaires les interrogent et apprennent que « beaucoup parmi ceux qui se
confessaient souffraient d’un mal quelconque, dont ils étaient guéris aussitôt après »31.
24 Encore fidèles à leur Weltanschauung ancestrale, les Congolais estiment que le salut doit
concerner tout de suite le corps ici-bas, et non pas seulement l’âme dans l’autre monde32.
25 C’est ce que pense le roi D. Garcia II, persuadé en 1645 que les ravages d’une invasion de
sauterelles sont le châtiment de Dieu pour « les péchés non encore expiés de ses ancêtres
ou de tout le royaume »33. Il expédie donc à Rome un capucin chargé « d’obtenir une
réconciliation »34, et le plus extraordinaire est que le Saint-Siège répond par un bref
donnant « l’absolution et la bénédiction » à tout le royaume (Personas, A gros, Possessiones,
Territoria). Ce même bref fait expressément allusion aux sauterelles et leur lance une
malédiction. Si l’on en croit Cavazzi, les sauterelles succombèrent à cet anathème35.
26 La méconnaissance, de la part des Congolais, du rôle sacerdotal des missionnaires ainsi
que de la portée matérielle du rite de l’excommunication, devait provoquer nombre
d’équivoques malencontreuses. En 1674, le comte du Soyo accusa les capucins d’avoir
empêché la pluie :
27 « Il leur dit qu’il les avait appelés chez lui pour leur exposer deux choses : la première
était que, dans les régions païennes, il y avait abondance de vivres parce qu’il pleuvait,
tandis qu’au Soyo, pays peuplé de chrétiens si pieux, il ne pleuvait pas et on y mourait de
faim. Les pères étaient la cause d’une si grande stérilité à la suite des nombreuses
excommunications lancées contre le peuple. Pour cette raison, il voulait qu’on l’en
absolve »36.
28 L’épisode finit tragiquement : les pères ne voulant pas céder, le comte en expulsa deux
après les avoir odieusement maltraités.
29 Pourtant, en général, les missionnaires ont été l’objet d’un très grand respect de la part
des Congolais, surtout de la « noblesse ».
30 En 1710, le capucin Bernardo da Gallo décrit l’attitude des Congolais à leur égard :
149
31 « Ils sont fort respectueux de l’Église et de ses prêtres, qu’ils appellent indifféremment
leurs pères spirituels. Cependant parlant de nous, missionnaires, non seulement ils les
respectent, mais les aiment et les craignent beaucoup, avec une crainte filiale. Ils
estiment comme un grand honneur de fréquenter ou de converser avec nous, le roi lui-
même également, et ils reçoivent humblement nos reproches et en secret et en public. Je
forçai une fois ce point de vue, en prêchant dans l’église du Saint-Sauveur à Sundi, en
présence du duc. Avec l’élite de son duché et les autres fils royaux, il était venu écouter la
Sainte Messe. Les paysans qui se trouvaient, là estimaient, par mon sermon fervent contre
les vices et les abus, que j’étais en colère. Ils crurent que mon audace était grande, ainsi
que ma puissance, en voyant que je parlais fort bien à mon aise, et que le duc et les autres,
au heu de me répondre quelque parole ou de s’excuser, m’écoutaient au contraire dans le
plus grand silence, attention et respect. Ils furent donc émerveillés et donc pour cela
m’en demandèrent la raison. « Ne vous étonnez pas », répondit un certain Dom Domingo
de Castro, qui est maintenant duc de Sundi. « Celui-ci est notre père spirituel et, comme
tel, a la liberté et le pouvoir de dire ce qu’il veut et de nous reprendre à sa façon. Parce
qu’il fait tout pour notre utilité et notre bien. Nous ensuite, parce que nous sommes ses
fils spirituels, nous l’écoutons volontiers avec toute humilité et révérence, bien plus, nous
voulons qu’il fasse ainsi, pour qu’il nous mette sur le chemin du salut »37.
32 Sans trop mettre en doute la sincérité du bon religieux, ne pourrait-on soupçonner ici la
caste dirigeante de se servir, en quelque sorte, du christianisme et des missionnaires
blancs pour « tenir » les populations soumises ?
33 Pourtant, trente ans plus tard (1740), les missionnaires sont encore l’objet d’une
considération qui paraît sans arrière-pensée :
34 « Ils ont une grande estime pour le missionnaire. Ils font de grandes fêtes lorsqu’un
missionnaire passe dans le pays. Ils ont un grand désir d’avoir un missionnaire pour
pouvoir se confesser et se marier »38.
35 Jugé indispensable dans les rites du couronnement du roi, leur office fait partie des
institutions de l’État, ainsi qu’en témoigne une lettre du roi D. Garcia V (1803-1830) au roi
du Portugal, du 26 novembre 1813 :
36 « Votre Altesse connaît en toute vérité comment est constitué le trône royal du roi de
Portugal, il faut connaître comment est établi le trône du roi du Congo. Il est électif par
tous les conseillers royaux et tout le peuple du Congo. Ce sont eux qui ont coutume de
choisir le prince qui ensuite peut régner sur le trône du Congo, cependant les RR. PP. sont
les premiers conseillers dans toutes les questions concernant ce royaume, cela est
l’ancienne coutume, parce que le royaume sans prêtre est la même chose pour ainsi dire
que rien, rien et rien... Faites-moi cette antique faveur en m’envoyant des prêtres, des
clercs et des religieux, ainsi que de nombreux artisans39, spécialement en m’envoyant un
évêque parce qu’anciennement ce dit prélat avait le pouvoir de couronner ma personne
royale, et s’il manquait, le vicaire général... »40.
37 Cet appel resta sans écho : le Portugal, dont la fortune avait considérablement décliné,
avait des soucis plus pressants.
5. LES DIFFICULTÉS DE LANGAGE
38 Rares sont les missionnaires qui savent le kikongo. La plupart se servent d’interprètes
appelés Maestros, dont on trouve mention dès 158341. « Pendant la messe, après l’Évangile,
150
le célébrant ou un autre prêtre prend place sur un siège près de l’autel ; l’interprète
s’assied près de lui sur la marche du même autel. Le sermon se divise en trois points.
Après avoir exposé le premier, le prêtre le fait répéter par l’interprète. Lorsque celui-ci a
fini, le prêtre passe au deuxième point, et ainsi la doctrine est passée de main en main »42.
39 La confession se fait également par l’intermédiaire d’un interprète. Au milieu du XVIIe
siècle, les capucins s’aperçoivent que ceux-ci ne traduisent pas fidèlement et trempent
dans des affaires de simonie43.
40 Certains missionnaires firent de sérieux efforts pour apprendre le kikongo. Les résultats
de leur labeur nous sont parvenus sous forme de livres de catéchisme en kikongo, de
grammaires et de dictionnaires. En 1624, le jésuite Mateus Cardoso édite un livre de
doctrine chrétienne en langue kikongo. Il est réédité à Rome en 1650. Le premier
dictionnaire, réalisé en 1652 par le capucin flamand Georges de Geel, est trilingue :
kikongo – latin – espagnol. Il ne fut malheureusement pas imprimé à cette époque. Selon
le P. António Barroso, écrivant en 1886, son étude révèle que le kikongo a connu des
changements significatifs depuis le XVIIe siècle44. En 1659 apparaît la première grammaire
kikongo, en latin, de Giacinto Brugiotti da Vetralla, publiée à Rome45. Il est douteux que
ces travaux aient eu un grand rayonnement au Congo, ou que leur influence ait été
marquante. C’est le portugais surtout, et non le kikongo qui sert de véhicule au
christianisme. Si, en définitive, peu de missionnaires apprennent le kikongo, nombreux
sont les membres de la caste dirigeante qui parlent le portugais.
6. LE MOUVEMENT MESSIANIQUE DEL’ANTONIANISME
41 Lorsqu’à la fin du XVIIIe siècle, le Congo se trouve plongé dans le chaos et l’anarchie, São
Salvador abandonné et trois rois se disputant le pouvoir dans trois régions différentes, on
voit se manifester dans le peuple un ardent désir de voir restaurer le royaume sous un
seul roi, qui habiterait la capitale repeuplée46.
42 Bien qu’encouragé par ses conseillers, le roi D. Pedro IV, installé sur le mont Kibango,
n’osait pas rentrer à São Salvador, sans doute par crainte de voir ses rivaux contester sa
prétention de régner seul.
43 Le capucin Bernardo da Gallo, que le Mani Vunda avait invité à se mettre à la tête du
peuple pour le conduire jusqu’à la capitale, refusa, sa qualité de missionnaire lui
interdisant de jouer un rôle politique47.
44 Devant l’immobilisme de ses leaders temporels et spirituels, le peuple se lance dans un
étrange mouvement politico-religieux, qui se cristallise autour de la personne d’une jeune
Noire âgée de 22 ans48, du nom de Chimpa Vita, baptisée Béatrice49. Elle prétend être
morte, puis ressuscitée avec « à la place de son âme, saint Antoine [...] entré dans sa tête »50.
45 Se déplaçant à travers le Congo, elle fait des miracles, prêche la restauration du royaume,
parle contre les missionnaires, contre le pape, contre les sacrements de l’Église,
transforme le Salve Regina en Salve Antoniana « tourné en folies superstitieuses, hérétiques,
idolâtres et blasphématoires ». Son influence sur le peuple s’accroît, inquiète les
missionnaires ; elle brûle les fétiches, mais les croix aussi – « parce qu’elle [la croix] a été
l’instrument de la passion de Notre Seigneur »51.
151
46 Elle enseigne que « Jésus-Christ est né à São Salvador, qui était Bethléem, qu’il avait été
baptisé à Nsundi, qui était Nazareth, et que Jésus-Christ avec la Madone et saint François
étaient originaires du Congo et de la race des Noirs »52.
47 Cette naturalisation de la religion chrétienne, avec transposition géographique du drame
chrétien, semble être accompagnée d’une valorisation des Noirs par rapport aux Blancs :
« Elle [Béatrice] enseigne que les hommes blancs avaient pour origine une certaine pierre
tendre appelée fama. C’est pour cela qu’ils sont blancs. Les Noirs viennent d’un arbre
appelé musenda »53. La fama est une pierre argileuse54, le musenda (Sande en kikongo
moderne) le ficus psilopoga Welw. ex ficalho55. Mais que symbolisaient-ils ? Selon
Gossweiller, le musenda produit une sève laiteuse, ce n’est pas un arbre résistant, bien au
contraire. La période de croissance est courte. Les indigènes le plantent habituellement
près de leurs habitations, le botaniste doute qu’il se propage sans l’intervention de
l’homme56. Au Loango, le musenda est planté auprès des tombeaux des rois57. Ces maigres
indications ne permettent malheureusement pas de préciser la valeur attribuée aux deux
substances, et par conséquent la portée de cette affirmation. Mais, de toute évidence, le
mouvement dont Béatrice est l’inspiratrice entend conserver certaines valeurs du
christianisme, tout en rejetant la civilisation qui l’avait introduit.
48 Béatrice s’installa finalement à São Salvador, et il en résulta que la capitale,
49 « ... fut rapidement peuplée, parce que les uns y allaient pour vénérer la prétendue sainte,
d’autres pour voir la patrie renouvelée, certains pour saluer des amis, d’autres amenés
par le désir de récupérer miraculeusement la santé, d’autres enfin dans l’espoir de régner
et d’être les premiers à occuper l’endroit. De cette façon, la fausse sainte fut faite
restauratrice, dominatrice et seigneur du Congo »58.
50 On admettra aisément qu’il était assez naturel qu’un mouvement de reconstruction
sociale, qui avait pour centre l’ancienne capitale de São Salvador, ville chrétienne où
s’élevaient douze églises, se réclamât de valeurs chrétiennes, mais on peut se demander
comment il se fait que ce mouvement tourne autour de saint Antoine.
51 « Saint Antoine », disait Béatrice, « est notre remède, saint Antoine est le restaurateur du
royaume du Congo, saint Antoine est le consolateur du royaume du Ciel. Saint Antoine
tient les clefs du Ciel. Saint Antoine est au-dessus des Anges et de la Vierge Marie. Saint
Antoine est lui, le second Dieu ».59
52 Celle qui prétend incarner le saint accuse les missionnaires de ne pas vouloir que les Noirs
aient des saints à eux, mais elle les « encourage, ils peuvent être contents, car ils ont eux
aussi des saints »60.
53 Ne devait-elle pas, en fait, incarner D. António I, tué par les Portugais à la bataille
d’Ambuíla, et dernier roi avant la chute du royaume dans l’anarchie ? La mort de Béatrice
et sa résurrection n’apparaissent-elles pas conformes aux pratiques traditionnelles
africaines des médiums-prêtres, permettant la communication entre les ancêtres défunts
et les vivants ? Ce n’est qu’une hypothèse impossible à prouver.
54 Elle avait, dit Bernardo da Gallo,
55 « ... entendu lire quelque sermon de saint Antoine en portugais, qui était entre les mains
de quelque noir de peu d’importance qui savait lire. Pour se faire grande et être crue, elle
commença à louer saint Antoine, avec beaucoup de propos stupides et superstitieux, le
comparant à saint Alexis, qui laissa son épouse pour le service de Dieu, donnant donc à
saint Antoine la primauté dans la vertu et dans la fortune, lors des conversations qu’il
152
avait avec son compagnon saint Alexis. Ces propos stupides qu’elle disait au sujet de ces
deux saints, je ne peux les redire, car ceux qui me les racontaient ne savaient pas bien les
réciter, ni ne les comprenaient, et ils avaient honte ou peur de parler »61.
56 Le sermon dont elle avait eu connaissance serait-il celui que précha le père António Vieira
en 1638 à São Salvador de Bahia, au Brésil, après que les Hollandais eurent levé le siège de
la ville ? Vieira avait pris pour thème le passage II Rois, XIX, 34 : « Je protégerai cette ville
et la sauverai à cause de moi et de mon serviteur David ». Dans un jeu de symboles
providentialistes et obscurantistes, le célèbre jésuite assimile la Jérusalem évoquée dans
le texte à São Salvador de Bahia, et David à saint Antoine62. Bahia est la ville du Sauveur
(São Salvador), et c’est aussi la Bahia de Todos os Santos (Baie de tous les Saints), et « sa
défense appartient à saint Antoine parce que saint Antoine est à lui seul tous les saints »63.
Pour la défense victorieuse de la ville, Dieu a « délégué ses pouvoirs à saint Antoine »64.
57 Serait-ce aller trop loin d’imaginer que les Congolais aient vu, dans la délivrance
providentielle de São Salvador de Bahia des mains des Hollandais, un exemple permettant
d’espérer pour São Salvador du Congo une délivrance analogue de l’anarchie résultant de
la défaite d’Ambuíla, saint Antoine présidant toujours aux destins des deux villes ?
58 Quel fut, en réalité, le poids politique de ce mouvement dans les luttes des deux clans, les
Kimpanzu et les Kimulaza, qui déchiraient alors le Congo ? Bien que Béatrice ait enfin pris
parti pour les Kimpanzu65, ce fut le roi D. Pedro IV qui triompha, appuyé par les Kimulaza,
encouragé par les missionnaires et finalement rallié, après maintes hésitations, à
l’orthodoxie chrétienne66. Le but poursuivi par l’antonianisme (la restauration du
royaume) fut atteint, mais sans que le mouvement pût s’en attribuer la gloire.
59 Déjà, avant l’assaut final qu’en 1709 D. Pedro IV lança contre São Salvador, encore occupé
par les hérétiques rebelles, la carrière de Béatrice était brisée. Il lui arriva « un malheur »67 : après avoir prêché la chasteté, elle mit au monde un fils. Cette « faute » facilita aux
capucins leur tâche purificatrice. Ils obtinrent de D. Pedro IV sa condamnation au bûcher,
en compagnie de son amant, « saint Jean ». Le 2 juillet 1706, à Kibango, sous les yeux des
missionnaires, on les livra ensemble aux flammes68.
60 Mais l’« hérésie » ne devait s’éteindre que trois ans plus tard avec la conquête finale de
São Salvador par D. Pedro IV69.
7. JUGEMENTS CONTEMPORAINS SUR LAPÉNÉTRATION DU CHRISTIANISME CHEZ LESCONGOLAIS
61 En 1548, les jésuites arrivent pleins d’illusions, puis aussitôt après déclarent le pays
ruinata nello spirituelle70 : les Noirs se « persuadent de très grandes erreurs : certains
croient qu’ils n’auront jamais à mourir71 [...] Et la plus grande injure que l’on puisse faire à
un Noir, c’est de lui dire : ton père est mort ou ta mère est morte. Lorsque quelqu’un
meurt, ils disent qu’on l’a emporté »72. La croyance en l’immortalité ne serait-elle que la
promesse chrétienne d’une vie éternelle, saisie selon une optique africaine, comme le
prolongement de la vie corporelle73 ? Et l’hypersensibilité des Noirs pour tout ce qui
touche à la « mort » de leurs ancêtres ne serait-elle pas due aux allusions trop directe des
jésuites, qui les représentaient comme exclus du salut, parce que morts avant l’arrivée
des Européens porteurs de l’Évangile74 ?
153
62 La notion chrétienne de péché est étrangère aux Noirs : « Lorsqu’on leur explique
comment ils doivent se repentir de leurs péchés, ils disent qu’ils n’en ont pas »75.
63 Au XVIIe siècle, les jésuites tenteront de leur inculquer le sentiment du péché par leurs
« cours de cas de conscience et de morale », auxquels nous avons déjà fait allusion76.
64 En 1603, un missionnaire déclare que le Congo est « totalement ruiné sur le plan des
bonnes mœurs et n’est chrétien que de nom »77.
65 L’évêque Manuel Baptista, célèbre pour ses excommunications, notait en 1619 à propos
des Congolais :
66 « Le christianisme parmi eux est si imparfait que le roi lui-même a des concubines
publiques. Parmi cette multitude de gens, il n’y en a que très peu qui regardent comme
péchés les vices des sens. Beaucoup parmi eux prennent le nom de défenseur de la foi du
Christ, envoient des ambassadeurs à la cour de Rome et à celle du roi catholique. Ils font
cela plutôt par vanité que par un sentiment de zèle pour la religion »78.
67 Le Hollandais protestant, Dapper, écrivant au milieu du XVIIe siècle, est plus sévère
encore :
68 « Mais quoique la plupart de ces Nègres fassent profession extérieure du Christianisme, le
plus grand nombre est encore tout idolâtre dans le cœur ; et adore secrètement ses faux
Dieux [...] Ce sont de francs hypocrites, qui ne sont Chrétiens qu’en présence des
Européens et qui portent plus de respect à leur Roi qu’au vrai Dieu »79.
69 Telle qu’elle est, la christianisation se concentre autour de São Salvador et dans le Soyo.
« Le royaume n’est pas entièrement catholique », écrit Jean François de Rome en 1648,
« car dans les régions périphériques il y a des païens ; pourtant la majorité de la
population professe notre sainte foi »80.
70 A ceci font écho les propos de Bernardo da Gallo, écrivant au début du XIIIe siècle :
71 « Il est vrai que les Congolais, et beaucoup plus ceux qui étaient à São Salvador,
embrassèrent entièrement et avec amour la sainte foi. Ils en eurent une vraie
connaissance et devinrent bons chrétiens. Cependant dans les provinces, les paysans
furent ensuite baptisés toujours en plus grand nombre, mais n’eurent jamais la vraie
connaissance de la foi. Jamais non plus ils n’abandonnèrent leurs coutumes païennes [...]
Tout cela posé, je dis que la chrétienté du Congo est présentement une vraie chrétienté
catholique romaine, mais fort affaiblie par l’ignorance, par les guerres et par les
superstitions [...] Les paysans et ruraux de la province se font baptiser volontiers et
arrivent en grande foule même dans les chemins où passe le prêtre. Ils portent sur les
bras et au cou de petites chaînes bénites, en signe d’esclavage envers la Madone, et
portent le scapulaire du Carmel fait de notre habit, ou du moins d’une autre étoffe avec
quelque petit morceau de notre habit et ensuite béni par le missionnaire, et cela ils le
veulent presque de force. Je voulais laisser tomber semblables dévotions »81.
72 Le missionnaire avait raison d’exprimer ces réserves. L’attachement de cette « chrétienté
catholique romaine » à ses pratiques fétichistes traditionnelles est aussi inquiétant que
naturel. Mais Bernardo da Gallo continue :
73 « Parmi eux [les paysans et les ruraux], il y a très peu de mariages et on ne peut entendre
que très peu de confessions. Les vrais Congolais sont fort ignorants, très affectés par les
misères et usent de superstitions. Parmi eux, il ne manque pas de bons chrétiens, chastes
dans les mariages, fidèles et fréquents à se confesser. Il y en a qui, à cause des larmes et
154
des sanglots, ne peuvent qu’à peine accuser leurs fautes. Ils apprennent entre eux les
prières chrétiennes, le symbole de la foi et les mystères comme ils peuvent »82.
74 Rosario del Parco propose une image analogue un demi-siècle plus tard :
75 « ... le roi et la plupart des Noirs de sa cour sont mariés selon les lois de la Sainte Église,
ainsi que beaucoup de ses vassaux et princes sous sa domination. Leur nombre pourrait
atteindre 6 000. Tous les autres vivent en concubinage, à cause de la grande distance pour
aller trouver un missionnaire »83.
76 Dans le dernier quart du XVIIIe siècle, lorsqu’il n’y a presque plus de missionnaires au
Congo et que le pays est en plein déclin, l’abbé Proyart nous offre cette image émouvante
de ce qu’était devenu le christianisme au Soyo :
77 « Depuis longtemps les enfants n’y sont point baptisés, et les adultes sont privés des
Sacrements et de tous les secours de la Religion. Ces pauvres peuples néanmoins restent
attachés au Christianisme, et ils en font profession publique. Ils conservent le souvenir de
la plupart de nos Mystères, et les commandements de Dieu qu’ils apprennent
soigneusement à leurs enfants. Ils ont horreur de l’idolâtrie. N’ayant point de pasteurs qui
les dirigent, ils tâchent de se conduire eux-mêmes de leur mieux : ils s’assemblent
régulièrement les dimanches pour chanter des Hymnes et des Cantiques en l’honneur du
vrai Dieu. Quelquefois, le Chef ou l’un des plus anciens du village fait une exhortation au
Peuple pour l’engager à vivre chrétiennement, et de manière à mériter que Dieu leur
envoie des Pasteurs et des Guides éclairés dans les voies du salut. Généralement parlant,
la foi de ce bon peuple est grande, et on a droit d’espérer de la miséricorde du Souverain
Pasteur des Ames, qu’il leur en tiendra compte »84.
78 L’abbé Proyart reprend ici les relations de missionnaires français au Kakongo (1766-1776),
surpris de découvrir quand ce ne serait que des souvenirs du christianisme dans ces
parages85.
79 Quelques décennies plus tard, le témoignage de Raimondo da Dicomano (1798) est moins
naïf, plus inquiétant :
80 « La religion actuellement au Congo n’est plus qu’une simple apparence, on y découvre
seulement quelques restes de christianisme et de religion [...] Ils [les Congolais] estiment
et désirent être chrétiens et se disent honorés de ce qu’on n’ose pas les appeler par
mépris païens [...] Cependant, si le Père les invite avec charité ou demande de leur
enseigner le catéchisme et de les instruire dans les saints mystères, pour qu’ils sachent ce
qu’ils ont à croire et ce qu’ils ont à faire, ils ne veulent pas venir et ne veulent pas
entendre, et si pour cela le Père refuse de les baptiser, ils entrent en fureur et on se
tourne avec férocité contre le Père et ses porteurs et on se trouve en danger de perdre la
vie. Ils pensent que le Père fait peu de cas d’eux en ne les baptisant pas, et ils se jugent
déshonorés [...] Ils demandent la communion sans être confessés, si le Père la leur refuse,
ils s’estiment offensés. Dans ces cas, pour se venger, ils donneraient au missionnaire un
fétiche »86.
81 Le fétiche, fait « d’herbes, de racines et d’animaux venimeux », avait rendu le
missionnaire malade pendant plus d’un mois.
82 Voici donc les rites chrétiens vidés de leur contenu et ramenés au rang de sortilèges
parmi d’autres. Toute idée de salut et de sacrifice est méconnue ; à la religion des Blancs,
on ne demande que l’« honneur » temporel qu’elle peut conférer.
155
83 Pour tous ces témoignages, il convient de tenir compte des circonstances dans lesquelles
ils furent écrits, ainsi que de la personnalité du témoin. La sévérité de l’évêque Manuel
Baptista tient à son désir de ramener le mythe d’un royaume chrétien à ses justes
proportions, celle de Dapper à son mépris de protestant pour l’œuvre de missionnaires
catholiques, alors que l’émerveillement attendri de Proyart provient d’une ignorance des
siècles précédents d’évangélisation. Raimondo da Dicomano touche-t-il de plus près la
vérité ?
84 C’est après 1830 que l’on verra s’effriter presque complètement les derniers souvenirs du
christianisme au Congo. En 1858, l’Allemand Bastian découvrira à São Salvador trois
statues en bois sculpté, presque de la taille d’un homme, et représentant des
missionnaires capucins vêtus de leur habit. Les jours de fête indiqués par les sages du roi,
le peuple les promenait parmi les ruines des églises de la ville, accompagnant cette
procession de danses et de chants. On lisait ces jours-là des extraits des livres saints, mais
en un sabir incompréhensible87. Le missionnaire protestant Bentley rapporte qu’en 1879
on portait les statues des capucins en procession autour de la ville lorsque les pluies
étaient jugées insuffisantes88. Le dernier capucin à visiter le Congo au XIXe siècle,
Boaventura dos Santos, écrivait en 1877 : « Tous m’appelèrent grand féticheur, Zamba
ampungo, parce que j’avais vaincu les fétiches selon eux. Ils disaient que je faisais venir la
pluie »89.
85 Voilà où l’on en était quatre siècles après D. Afonso I !
NOTES
1. Nous avons étudié au chapitre VIII la légende de l’apparition de saint Jacques, au moment de la
bataille entre chrétiens et païens en 1506.
2. Les Congolais adoptèrent le cri de guerre des Portugais : Santiago I Lors de la bataille de Bumbe,
en 1622, entre Congolais et Conquistadores de Luanda, de chaque côté on lance des Santiago I Mais,
comme le note sardoniquement Cadornega : Santiago branco pode mais que Santiago preto (le saint
Jacques blanc est plus fort que le saint Jacques noir). Cf. Cadornega (1680-1681), t. I, p. 105.
3. Il n’en est pas moins vrai, cependant, que les missionnaires se verront accuser d’avoir
introduit la monogamie et la continence afin de freiner la natalité, de réduire la population et de
permettre aux Blancs de soumettre plus facilement le pays (cf. Cavazzi, 1654-1677, lib. III, § 132).
4. Luis Câmara Cascudo, Dicionário do Folclore Brasileiro, 2e éd., Rio de Janeiro, 1962, t. I, p. 52.
On en a une traduction portugaise ancienne, transmise oralement dans la famille de Cascudo :
Quem milagres quer achar / Contra os males et o demónio/Busque logo a Sant’Antônio / Que só há de
encontrar. – Aplaca a fúria do mar/Tira os presos da prisão/O doente torna são/O perdido faz achar ; – E
sem respeitar os anos/Socorre a qualquer idade / Abonan esta verdade/Os cidadãos paduanos.
5. Luis Câmara Cascudo, op. cit., p. 54. Frazer note qu’« En divers endroits de France, il a été
d’usage de plonger l’image d’un saint dans l’eau, comme moyen d’extorquer la pluie » (cf. James
Georges Frazer, Le Rameau d’Or, édition abrégée, traduction de Lady Frazer, Paris, 1923, p. 71).
6. R. L. Wannyn, L’art ancien du métal au Bas-Congo, p. 42.
7. « Si la souplesse de la discipline canonique avait à ce moment permis d’ordonner prêtres les
meilleurs d’entre eux [les jeunes nobles congolais], on aurait sans doute », écrit le chanoine Jadin,
156
« assisté à une meilleure résistance de cette pauvre chrétienté ». (Cf. L. Jadin, « Le clergé séculier
et les capucins du Congo et d’Angola aux XVIIe et XVIIIe siècles », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome,
fasc. XXXVI (1964), p. 187.
8. J. Cuvelier, L’Ancien Rogaume du Congo, pp. 315-322.
9. M.M.A., vol. IV, p. 141 (doc. de 1526 ?).
10. L. Jadin, art. cit., pp. 186-205 et 222-223.
11. L. Jadin, art. cit., p. 200 et L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo... en 1775 », in Bull, de
l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV (1963), p. 359, note.
12. M.M.A., vol. IV, pp. 369-379, et P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, p. 224.
13. Cf. la lettre du roi de Portugal D. João III à D. Afonso I (1529), in M.M.A., vol. I, p. 522, et Maria
Adélia Victor de Mendonça, О Governo de Fernão de Sousa em Angola (1624-1630), thèse
dactylographiée, Coïmbre, 1963, p. 326 (doc. de 1632). « Et dans différentes lettres Votre Majesté
a écrit aux rois du Congo qu’ils devaient faire payer entièrement les dîmes dues aux Évêques et
au chapitre à qui elles revenaient de droit, rappelant que les rois chrétiens ne peuvent pas les
entretenir, et ceux que votre Majesté entretenait dans les terres d’Outre-Mer, c’était par
autorisation particulière du Saint Siège ».
14. M.M.A., vol. I, p. 361.
15. Doc. in J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 205.
16. Le Portugal resta sous la domination espagnole de 1580 à 1640.
17. M.M.A., vol. V, pp. 386-387 (doc. de 1607) et 611 (doc. de 1610).
18. Ibid., p. 387.
19. M.M.A., vol. VI, p. 381 (texte de 1619).
20. Ibid., p. 383 (texte de 1619).
21. Les subsides à l’évêque et au clergé régulier étaient encore versés en 1640 (cf. J. Cuvelier et L.
Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 505).
22. M.M.A., vol. X, p. 326.
23. Après 1624, ils cessent complètement d’y aller. Au XVIIIe siècle, l’évêque de Luanda se bornera
à envoyer à São Salvador un prêtre mulâtre portant le titre de vicaire général (cf. L. Jadin,
« Aperçu de la situation du Congo... en 1775 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV
(1963), p. 370).
24. M.M.A., vol. V, pp. 112-118 (texte de 1604).
25. M.M.A., vol. VI, p. 126.
26. Ibid., p. 407.
27. Il en va à peu près de même en ce qui concerne l’Angola. Manuel Severim de Faria écrivait en
1665 : « En Angola, après l’année 1575, où a commencé la conquista, ce ne fut que guerre. De la
conversion des indigènes, on ne s’est guère occupé, bien qu’il existe à Luanda un collège de
Jésuites et un couvent de tertiaires [...] Les Noirs de Luanda et de Massangano exceptés, il n’y a
d’autres chrétiens que les esclaves qui partent de Luanda vers l’Europe et le Nouveau Monde. On
les baptise sans les catéchiser, de sorte que certains meurent sur les bateaux comme des bêtes.
Les autres habitants de cette grande province sont comme ils étaient lorsque nous sommes
arrivés, et plutôt effarouchés par nos armes qu’édifiés par notre doctrine » (cf. Manuel Severim
de Faria, Noticias de Portugal, Lisbonne, 1655, p. 226).
28. La guerre luso-hollandaise et les jalousies portugaises – les Portugais considéraient comme
leur droit exclusif (Padroado) l’évangélisation des terres nouvelles – entravent pendant cinq ans le
départ des capucins.
29. M.M.A., vol. IX, p. 311.
30. Enganga = Nganga ; anchissi = nkisi (« Nkisi signifie l’esprit d’un mort », cf. K. Laman The Kongo, t.
III, p. 67) ; hambian pungu = Nzambi Mpungu, expression devenue l’équivalent d’« Être Suprême »
(cf. aussi le Dictionnaire kikongo-français de K. I.aman).
31. M.M.A., vol. IV, pp. 402-412.
157
32. Dans un chapitre précédent, nous avons noté que les Congolais attendent des missionnaires
qu’ils contrôlent en leur faveur les phénomènes météorologiques (cf. M.M.A., vol. VI, p. 3S3, texte
de 1619) : « ils demandent du soleil et de la pluie aux prélats et aux pères, comme Us le
demandent à leurs sorciers, et ils se plaignent de ce qu’ils ne les leur donnent pas, comme si
c’était en leur pouvoir... »
33. Cavazzi, lib. III, § 83. Comment ne pas entrevoir derrière ces « explications chrétiennes » la
véritable raison : la colère des ancêtres ?
34. Le pape n’apparaît-il pas ici aux yeux des Congolais comme le seul interlocuteur valable pour
représenter le monde surnaturel ?
35. Cavazzi, lib. V, § 24.
36. « Relation de Crisostomo da Genova, 2 juin 1674 », in L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises
au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), pp. 296 et
306.
37. Bernardo da Gallo, in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst. Hist.
Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), pp. 483-484.
38. Texte de 1740 au sujet du Soyo, in L. Jadin, « Aperçu de la situation au Congo », in Bull, de
l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV (1963), p. 375.
39. C’est toujours le même appel, inlassablement répété depuis que D. Alonso I l’avait lancé trois
siècles auparavant.
40. In L. Jadin, « Recherches dans les Archives et Bibliothèques d’Italie et du Portugal sur l’Ancien
Congo », in Bull, des Séances de l’Acad. Roy. des Sc. Col., t. II, fasc. 6 (1956), p. 962.
41. M.M.A., vol IV, p. 364.
42. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 43.
43. Cavazzi, lib. IV, § 1.
44. António Brásio, António Barroso, Missionário, Cientista, Missiólogo, Lisbonne, 1961. p. 66.
45. Nous renvoyons le lecteur à la bibliographie linguistique pour les titres complets de ces
ouvrages.
46. Cf. Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst.
Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 492.
47. Ibid., pp. 493-494 (« Il convenait, comme père, que je reste indifférent entre les partis », p.
513).
48. Ibid., p. 545.
49. Ibid., p. 514.
50. Ibid., p. 501.
51. Ibid., pp. 497, 507, 515 et 534.
52. Ibid., p. 517.
53. Ibid., p. 517.
54. Ibid., loc. cit., note de L. Jadin.
55. J. Gossweiller, « Nomes Indígenas de Plantas de Angola », in Agronomia Angolana, Luanda, n° 7
(1953), pp. 459-460.
56. Ibid., loc. eil.
57. A. Bastian, Die deutsche Expedition an der Loango-Küste, Iéna, 1874, p. 164.
58. Bernardo da Gallo, in art. cit., pp. 506-507.
59. Ibid., p. 516.
60. Ibid., p. 515.
61. Ibid., p. 515.
62. António Vieira, Obras Escolhidas, éd. Sá da Costa, Lisbonne, 1954, vol. X, Sermoes I, pp. 1-41
(« O David desia Sião é Santo António », p. 8) ; saint Antoine est « un second David », p. 9.
63. Ibid., p. 9.
64. Ibid., p. 13.
158
65. Bernardo da Gallo, in L. Jadin, art. cit., p. 516.
66. Bernardo da Gallo, in L. Jadin, art. cit., p. 531.
67. Ibid., p. 520.
68. Ibid., pp. 525-526.
69. Ibid., p. 532.
70. M.M.A., vol. II, p. 179.
71. Ibid., p. 181.
72. Ibid., p. 187.
73. Cf. le comportement du Mani-Soyo lors de son baptême.
74. Au sujet des Indiens américains dans le même cas, le « libertin érudit », La Mothe Le Vayer,
s’indignait en 1642 « qu’un pauvre Américain qui n’avait jamais ouï parler de la vraye religion il y
a deus cens ans, peust deslors en nulle façon esviter les peines éternelles, encore qu’il vécust
moralement bien » (cf. La Mothe Le Vayer, De la Vertu des Païens, Paris, 1642, p. 42). En 1504, Diogo
Ortiz affirmait explicitement que les « peines éternelles » attendaient bel et bien ceux qui
n’avaient pu entendre l’Évangile (cf. Diogo Ortiz, Cathecismo Pequeno, Lisbonne, 1504, f° X (r°)
75. M.M.A., vol. II, p. 188 (texte de 1548).
76. Les Noirs auront l’impression que la confession n’est qu’une sorte d’espionnage, permettant
aux missionnaires d’obtenir des renseignements sur les affaires temporelles. Les Congolais
pensaient que les religieux étaient de connivence avec les Portugais, qui cherchaient à s’emparer
de leur pays (cf. J. Cuvelier, Relations sur le Congo du P. Laurent de Lucques, (1700-1717), p. 125).
77. M.M.A., vol. V, p. 82.
78. In J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 400.
79. O. Dapper, Description de l’Afrique (1668), p. 357 (Naukeurige Beschrijoinge, p. 588).
80. Jean François de Rome, Brève Relation, p. 111. Le nord et le nord-est du pays sont très peu
touchés par le christianisme ; en 1650, Jérôme de Montesarchio, visitant les régions de Masinga et
Sevo (Essevo) rapporte qu’aucun prêtre n’y était passé depuis les règnes de quatre rois (cf. M.M.A.,
vol. X, p. 484).
81. Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst.
Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), pp. 481-483.
82. Ibid., loc. cit.
83. Rosario del Parco (1760), in L. Jadin, » Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de
l’Inst. Hist. Belge de Rome, XXXV (1963), p. 371. En Angola, par contre, on assiste à une acculturation
à rebours : « Dès qu’une esclave a reçu le baptême, ils [les Blancs] la prennent comme concubine
et la poussent à invoquer le démon. Eux-mêmes y assistent pour deviner si leur négoce doit être
prospère [...] Ainsi, à Luanda, même, où vit l’évêque, on invoque le démon par les esclaves, sans
aucune honte, presque toutes les nuits, dans les maisons des Blancs, et les maîtres y assistent
comme à un triomphe de leur méchanceté » (cf. ibid., p. 363). En 1721 déjà, Giuseppe Monari da
Modena disait que les Blancs de l’intérieur de l’Angola « étaient plus adonnés au fétichisme que
les Noirs eux-mêmes » (cf. Evaristo Gatti, Sulle Terre e sui Mari, Parme, 1931, p. 244). En 1834,
António Gil pouvait écrire, après un séjour à Luanda, qu’il n’avait « jamais vu un Noir converti
aux idées et façons de penser des Blancs, mais qu’il avait bien vu beaucoup de Blancs convertis
aux croyances et pratiques des Noirs, principalement les femmes ». (Cf. António Gil,
« Considerações sobre alguns pontos mais importantes da moral religiosa e systema de
jurisprudência dos pretos do continente da Africa occidental... », Lisboa, 1854. Beproduit in
Boletim LIV da Uniaersidade de São Paulo, Etnografia e Lingua Tupi-Guarani, n° 8, Sfio Paulo (Brésil),
1945, p. 35. (Cette revue nous a été aimablement prêtée par M. R. Bastide).
84. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 317.
85. Malgré les efforts de ces missionnaires, le christianisme ne s’est jamais implanté au nord du
fleuve (cf. J. Cuvelier, Documents sur une Mission française au Kakongo (1766-1776), Mémoire I.R.C.B., t.
XXX, fasc. 1 (1953).
159
86. In L. Jadin, « Relation sur le royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de
1790 à 1795 », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, t. III, fasc. 2 (1957), pp. 319-320.
87. A. Bastian, Ein Besuch in San Salvador, Brème, 1859, p. 162.
88. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 35.
89. Cf. L. Jadin, « Recherches dans les Archives et Bibliothèques d’Italie et du Portugal sur
l’Ancien Congo – Relation de Boaventura dos Santos (1877) », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, t. II,
fasc. 6 (1956), p. 98.
160
Chapitre XIII. La ville de SãoSalvador
1. LES DESCRIPTIONS DE LA VILLE
1 La première est de Pigafetta (1587). Voici comment il vit la capitale, située au sommet
d’un mont :
2 « La ville est bâtie dans un coin ou angle de ce sommet, exposée au sud. C’est Dom Afonso,
le premier roi chrétien, qui la ceignit de murs1. Il réserva aux Portugais un emplacement
séparé, également entouré de murs. Il fit enclore de même son palais et les maisons
royales, laissant au milieu de ces deux enceintes un grand espace libre, où est construite
l’église principale ; devant celle-ci est aménagée une place. Les portes, tant des
habitations seigneuriales que des maisons portugaises, donnent sur les côtés de l’église. A
l’entrée de la place, quelques grands seigneurs de la cour ont leurs demeures. Derrière
l’église, la place s’achève en une rue étroite et munie d’une porte. Sortant par celle-ci, on
trouve beaucoup de maisons du côté de l’est. Hors des murailles qui entourent les
habitations royales et la ville portugaise, nombreuses sont les constructions appartenant
à divers seigneurs, chacun occupant sans ordre l’emplacement qui lui plaît, de façon à
habiter à proximité de la cour. Aussi ne peut-on déterminer la superficie de cette ville en
dehors des deux enceintes, toute la campagne étant remplie de maisons rurales et de
palais. Chaque seigneur, dans ses habitations, enclôt comme un village. Le pourtour de la
ville portugaise mesure environ un mille, celui du quartier royal autant. Les murs sont
très épais. La nuit, les portes ne sont pas fermées, ni même gardées »2.
3 La description de Pigafetta est confirmée par un auteur de 16073 : la ville, ainsi que les
emplacements réservés aux Portugais et à la cour, sont entourés de murailles de pierre.
Au milieu du XVIIe siècle, le mur entourant le quartier de la cour est tombé en ruines et
remplacé par une palissade en paille4. Anciennement, observe Cavazzi (1654-1667), « ... le
palais royal [...] était entouré de murs faits de pierre et de chaux, mais le temps et la
négligenee les ont livrés à la ruine, comme d’autres des édifices principaux »5.
161
4 S’il se manifeste une certaine ségrégation résidentielle entre les deux races, le style des
constructions européennes est copié avec timidité par les Congolais. Jean François de
Rome le constate en 1648 :
5 « Dans la ville de São Salvador, où il y a eu et où il y a des Portugais, on trouve beaucoup
de maisons construites par eux. Ces maisons, fabriquées au moyen de longs et gros pieux,
reliés par des branches et couverts de terre, possèdent des chambres très grandes et
spacieuses. Les murs sont blanchis d’une craie blanche qu’on trouve dans le pays ; les
chambres sont bien garnies de petites tables, chaises et draperies selon la mode
européenne ; ainsi ces maisons ressemblent à celles de nos contrées, avec cette différence
qu’elles n’ont pas d’étage. Suivant cet exemple, certains nobles congolais construisent de
la même façon ; mais ceux qui construisent ainsi sont peu nombreux, car les gens sont
peu portés à faire des édifices selon l’usage européen. Le roi possède de nombreuses
maisons situées à l’intérieur d’un enclos de plus d’un mille et demi de tour. Ses maisons
sont construites à la manière du pays et sont habitées par la reine, les dames et
demoiselles d’honneur et ses servantes. Le roi habite une maison en bois avec un étage ;
dans tout le Congo, il n’y a donc que le roi à posséder une maison à étage »6.
6 Les emprunts au style de construction européen ne sont jamais allés très loin. Au milieu
du XVIIe siècle, les maisons du duc de Bamba et du comte du Soyo possédaient de petites
fenêtres7, et au début du XVIIIe le comte fit construire une maison en bois de deux étages8.
Cette dernière innovation ne fut pas du goût du peuple du Soyo, qui se souleva et tua son
chef « comme prévaricateur de la coutume des ancêtres »9.
7 La grande muraille extérieure demeurait-elle encore intacte au milieu du XVIIe siècle ?
8 Selon Dapper (1668) « Il n’y a point de murailles autour de cette ville, si ce n’est d’un côté
de devers le Midi, que le premier Roi Chrétien donna aux Portugais pour les mettre à
couvert des insultes (pour qu’ils soient mieux protégés) »10. Est-ce l’invasion des Jagas ou
le défaut d’entretien qui entraîna un délabrement graduel ? Pourtant, tout n’était pas
encore détruit vers la fin du XIXe siècle, car en 1879 Bentley découvre encore trois pans
debout. La muraille avait de 15 à 20 pieds de haut (4,57 à 6,09 m) et une épaisseur de 2
pieds 6 pouces à 3 pieds (76 à 91 cm). Elle était construite en « grands morceaux
d’hématite avec de la chaux et de gros blocs de calcaire pour servir d’armature »11.
9 De même que Pigafetta, Dapper donne l’image d’une série d’habitations très dispersées.
Bien qu’il soit question de rues il est douteux que le terme soit exact. Il devait s’agir
plutôt de chemins.
10 « Il [D. Afonso] fit aussi fermer de murailles son Palais, et toutes les maisons Royales qui
sont aux environs, laissant une place vuide où l’on bâtit ensuite un Palais [hooft-kerk =
cathédrale, dans le texte hollandais] et un cimetière. La cime de la montagne est occupée
par des maisons bâties fort près l’une de l’autre : les personnes de qualité en possèdent la
plus grand partie, et font des enceintes de bâtiments qui ressemblent à une petite ville.
Les habitations des personnes du commun sont rangées de file, en diverses rues, elles sont
assez grandes, mais les murailles ne sont que de paille ; excepté quelques-unes que les
Portugais ont faites, dont les murs sont de brique [gestampie aerde = terre battue, dans le
texte hollandais] et le toit de chaume. Le palais du Roi est aussi grand qu’une ville
ordinaire, il est fermé de quatre murailles, celle qui regarde sur le cartier des Portugais
est de chaux et de pierre, les autres ne sont que de paille, mais travaillée fort proprement.
Les murailles des sales et des chambres sont ornées de tapisseries de paille nattées avec
beaucoup d’art. Dans l’enceinte intérieure du Palais, il y a des jardins et des vergers
162
embellis de berceaux et de pavillons fort beaux pour le païs, quoiqu’au fond ce ne soit pas
grand chose. Il y a dix ou douze églises, la Cathédrale, sept chappelles dans la ville et trois
églises dans le château du Prince [= le roi]. Il y a aussi un couvent de jésuites, où trois ou
quatre de ces pères font tous les jours le Cathéchisme au peuple, et des écoles où l’on
enseigne le Latin et le Portugais. Il y a deux fontaines l’une dans la rue de Saint-Jacques et
l’autre dans une cour du Palais, qui fournissent abondance d’eau fraîche, sans qu’on se
donne la peine de refaire les aqueducs [sic !] ou de les entretenir »12.
11 Nulle autre source ne parle d’aqueducs à São Salvador, et il est impossible de savoir à
quelle époque ils auraient pu être construits. D’ailleurs, le mot employé dans le texte
hollandais est slaet, il devait s’agir de conduits à ciel ouvert.
12 En 1607, le Conseil de Philippe III, roi d’Espagne, examinant une demande du roi D. Alvaro
III du Congo (1574-1614) désireux de recevoir des maçons et des forgerons, expliquait
« qu’il ne convenait pas qu’il ait dans son royaume quelqu’un qui sache faire des travaux
avec de la pierre et de la chaux, ni avec le fer, parce que ce serait l’occasion de quelque
désobéissance ». En marge, de la main de Philippe III : « C’est bon »13.
13 Cette précaution mesquine ne semble pas avoir gêné la construction d’ouvrages en pierre
et en chaux dans la capitale. Dès 1526, D. Afonso I écrivait à Lisbonne qu’« en ce qui
concerne les chaufourniers ou des hommes pour faire de la chaux, nous n’en avons pas
besoin, car nous avons beaucoup d’hommes du pays [des Noirs] qui savent bien la faire »14
. Peut-être y avait-il là un peu d’outrecuidance.
14 Jean François de Rome (1648) donne une excellente image des villes congolaises au milieu
du XVIIe siècle. Il décrit avec une précision relative la disposition des maisons par rapport
aux « chemins », ainsi que la forme labyrinthique des habitations :
15 « Dans les villes, les gens habitent des maisons qui ne sont pas alignées le long des rues.
Leurs maisons se trouvent tellement retirées des rues que, dans celles-ci, on ne voit que
les passants. Les gens construisent une sorte de mur, fait de paille et de pieux, semblable
à une haute haie, entourant leur enclos dans sa longueur et sa largeur ; cette clôture est
reliée à celle de leur voisin de sorte que les habitants, joignant leur enclos à celui de leur
voisin, délimitent les deux côtés de la rue. Dans ces murs de clôture, ils aménagent une
petite porte, par laquelle on entre dans une petite cour, entourée de toute part de murs
de cette paille ; de cette cour on se rend dans une autre, par une porte si basse qu’en se
baissant jusqu’à terre on peut à peine y passer. Cette porte est aménagée dans un coin de
la cour, non pas vis-à-vis de l’autre porte, mais à l’écart ; de cette cour on pénètre de la
même manière dans une autre et ainsi, pour arriver à l’habitation, on doit traverser
successivement cinq ou six cours ; leur nombre étant plus ou moins élevé selon la
condition de l’habitant. Ils font ces cours pour le cas où quelqu’un voudrait porter
atteinte à leurs biens ou à leur personne. Voulant fuir, le malfaiteur ne trouvera pas si
facilement par où sortir dans la rue, de façon que le propriétaire pourra l’attraper
aisément »15.
16 A titre de comparaison, voici la description que donnera, en 1776, l’abbé Proyart de la
ville de Buali, capitale du Loango. Encore que moins flatteuse, cette description est très
proche de celle de São Salvador par Jean François de Rome.
17 « Cette capitale, qui n’est pas comparable pour les édifices à nos plus pauvres villages, est
d’une vaste étendue, et paraît assez peuplée ; elle est divisée en autant de petits hameaux
qu’elle renferme de familles ; et chaque famille a auprès de son hameau une portion de
terre qu’elle cultive pour sa subsistance. Les rues ou plutôt les sentiers de la ville sont
163
multipliés à l’infini et si étroits que l’on ne saurait y passer deux de front. Il y croît une
espèce d’herbe si haute qu’elle empêche en plusieurs endroits d’apercevoir les maisons.
De loin, la ville ressemble à une forêt : on voit dans l’enceinte et aux environs quantité de
plans de palmiers et de bananiers »16.
18 Cette agglomération de constructions éparses qu’est la ville africaine pré-coloniale est
composée d’une série de compounds, pour employer le terme anglais17 (lumbu en kikongo)18
. Seul le témoignage de Proyart donne à entendre explicitement que les champs cultivés
se trouvent intégrés aux compounds. En allait-il ainsi à São Salvador ? Nous croyons être
en droit de l’affirmer. Dapper dit en effet qu’à l’intérieur du compound royal il y avait « des
jardins et des vergers » ; il note aussi que, la nuit, on enfermait les animaux domestiques
« dans des parcs [heiningen = enclos, dans le texte hollandais] qui sont dans la ville près
des maisons »19. Un texte de 1607 précise que la vallée au pied de la colline était « bien
cultivée », mais son auteur ne spécifie pas si les champs appartenaient aux habitants du
sommet20.
2. LA POPULATION
19 Plusieurs auteurs donnent des estimations de la population de São Salvador aux XVIe et
XVIIe siècles :
20 Raffaello Maffei da Volterra (1506) 100 00021
21 Pigafetta (1587) 100 00022
22 Texte anonyme (1595) 10 000 feux23
23 Dapper (1668) 40 00024
24 Cavazzi (1654-1667) 60 00025.
25 Si l’on tient compte de la tendance naturelle des auteurs à l’exagération, on peut
admettre que la population devait être, vers le milieu du XVIIe siècle, de 20 à 30 000
habitants.
26 Pour donner un point de comparaison voici quelques chiffres concernant la population de
la capitale du Buganda : 77 000 habitants en 1900 ; 60 000 en 1906 ; 77 000 en 1910. Et
pourtant les recensements de 1911 et de 1948 ne donnent que 32 441 et 34 337 habitants,
respectivement, ce qui tendrait à démontrer la fragilité des estimations26. M. Roger
Summers conservateur du Musée National de Bulawayo (Rhodésie), pense que la
population de Zimbabwe avant les invasions Nguni, vers 1830, ne devait guère dépasser
10 000 habitants27.
27 Après la défaite d’Ambuíla et l’abandon temporaire de São Salvador à la fin du XVIIe siècle,
les chiffres qui nous sont parvenus sont très variables : 35 000 habitants en 176028, mais
100 personnes et 22 cabanes seulement en 179529. En 1845, A. J. Castro compta plus de
3 000 huttes et estima la population à 18 000 habitants30. En 1873, une épidémie de variole
la fit tomber brutalement31, et Bentley, en 1879, ne trouva que 200 cabanes et 50 autres
dans un faubourg appelé Lilongo32. Lorsque le père António Barroso arrivera dans la
capitale, le 13 février 1881, il n’y dénombrera qu’environ 600 âmes « pauvres et abattues »33. Vers 1889, la présence des missionnaires fera remonter le nombre des habitants à 3 50034.
28 Il nous paraît utile d’ajouter ici les quelques rares estimations parvenues au sujet de la
population des villes de province. Selon Dicomano (1795), les grands villages ou capitales
164
de provinces (Banzas) comptaient 200 cabanes et plus ; il y en avait environ une
cinquantaine dans les petits villages (Libatas)35.
29 En 1711, la population de la ville du Soyo fut estimée à 12 000 habitants36, celle de Loango
en 1787 à 15 00037. L’essor de cette dernière contraste nettement avec la décadence de la
capitale du Congo à la même époque.
3. PEUT-ON VRAIMENT PARLER DE « VILLE » APROPOS DE SÃO SALVADOR ?
30 Les Congolais avaient-ils réalisé à São Salvador, au XVIIe siècle, ce que V. Gordon Childe
appelle la « révolution urbaine »38 ? Voici la définition d’une ville selon Childe : « Une
communauté, dont une part importante est composée d’administrateurs de métier, de
fonctionnaires, de prêtres, d’artisans et de commerçants qui ne capturent ni ne cultivent
leur propre nourriture, mais vivent du surplus de la production d’agriculteurs ou de
pêcheurs vivant soit à l’intérieur de la ville, soit dans des villages en dehors des murs »39.
Childe pensait au Proche-Orient de la Haute Antiquité, et il est douteux que l’exemple de
l’Afrique lui soit jamais venu à l’esprit. La notion du « surplus », condition sine qua non,
selon Childe, de l’existence de professions exercées « à plein temps » et, partant, de
classes sociales, se révèle d’une grande complexité. Délicate et périlleuse à manier, elle
est devenue le sujet d’âpres controverses40.
31 Dans la société africaine, où l’on assiste à une spécialisation du travail selon le sexe – les
travaux agricoles incombant aux femmes et l’artisanat étant pratiqué par les hommes –,
le concept « childien » de « surplus » se trouve placé dans un contexte que cet auteur
ignorait vraisemblablement.
32 Si l’on ne peut adopter comme critère du stade de l’« urbanisation » l’existence d’un
« surplus », peut-on toujours considérer São Salvador comme une véritable ville ? Deux
auteurs britanniques, qui se sont posé la même question au sujet de Zimbabwe, arrivent à
des conclusions opposées. Pour J. D. Clark, l’Afrique méridionale traditionnelle n’est
jamais parvenue au stade de « pleine urbanisation », Zimbabwe n’est qu’un « premier
pas » vers ce stade41. Pour R. Summers, archéologue ayant beaucoup travaillé sur les lieux
même et mûrement réfléchi à ce problème, Zimbabwe était « virtuellement une ville »42.
Devant ces divergences, si subtilement nuancées, que dire ?
33 Que São Salvador ait, oui ou non, mérité le nom de ville au stade pré-chrétien (seules des
fouilles archéologiques permettront d’en décider), peut-on le lui refuser au XVIIe siècle
alors que l’on y trouvait au moins douze églises, construites pour la plupart en pierre43 ?
L’une d’elles était la cathédrale, fondée entre 1517 et 152644, et dont les ruines existent
encore aujourd’hui45. En 1798, Raimondo da Dicomano décrit ainsi les ruines qu’il avait
vues – tout ce qui restait de la ville après les guerres civiles du XVIIIe siècle – :
34 « On voit en effet les murs de la cathédrale, qui était grande et bien faite. On peut voir les
ruines du palais de l’évêque, des palais du roi, de la reine et du prince, tous très grands en
pierre et chaux. On voit les ruines des maisons des Pères de la Compagnie de Jésus et une
église46, notre hospice47 et neuf autre églises, toutes très grandes, de pierre et de chaux.
Mais maintenant tout est brousse. Actuellement le palais du roi n’est pas plus qu’une
petite cabane de paille, comme celle des autres Noirs »48.
165
35 Dans les provinces, on n’a retrouvé, en fait d’édifices en pierre, que les restes de l’église
de Ngonga Mbata, découverts en 1937. Il s’agit d’une enceinte de pierres apportées du lit
des rivières voisines et de terre battue. Sa mise à jour révélait un travail de construction
qui « avait exigé l’aide de techniciens européens ». La partie dégagée avait 25,50 m de
long, sur 10 m de large. L’église servait encore de sépulture au XVIIIe siècle49.
36 Au Soyo, en 1605, il y avait « 4 ou 5 églises », d’après Pierre van den Broecke, mais il ne
spécifie pas si elles étaient en pierre50.
NOTES
1. En 1529, le roi de Portugal D. João III écrivait à D. Afonso I : « On me dit que vous avez des
murailles en pierre très bien faites et à l’intérieur de nombreuses bonnes maisons en pierre et
chaux ; je vous en prie, s’il est possible, ordonnez que ces murailles soient terminées tout autour
le plus tôt possible. » (Cf. M.M.A., vol. I, p. 529-530).
2. Pigafetta, lib. II, cap. I (trad. fr. de W. Bal, p. 75).
3. M.M.A., vol. V, p. 385.
4. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 562.
5. Cavazzi, lib. I, § 276.
6. Jean François de Rome, Brève Relation, pp. 114-115.
7. Cavazzi, lib. I, § 294.
8. J. Cuvelier, Relations sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), p. 55.
9. [Hyacinthe de Bologne) La Pratique Missionnaire (1747), p. 147.
10. O. Dapper, Description de l’Afrique, pp. 342-343 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 562).
11. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 141.
12. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 343 (Naukeurige Beschrijvinge, p. 562).
13. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 527.
14. M.M.A., vol. I, p. 480 (lettre de D. Afonso I, du 25-8-1526).
15. Jean François de Rome, Brève Relation, trad. F. Bontinck, p. 113.
16. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 218.
L’auteur dit ailleurs dans son ouvrage (p. 54) que « les villes ne sont a proprement parler que de
grands villages ».
17. Cf. Pigafetta : « Chaque seigneur dans ses habitations enclot comme un village » ; Dapper : « ...
des enceintes de bâtiments qui ressemblent à une petite ville » ; Proyart : « ... elle [la ville] est
divisée en autant de petits hameaux qu’elle renferme de familles ».
18. Cf. la description de São Salvador par Weeks (fin du XIXe siècle) : « A São Salvador et dans les
grandes villes des environs, [...] il y a une ébauche de rues régulières ou de ruelles entre les
compounds, lumbu, pl. tumbu [...] Dans les villes plus petites et dans les villages, [...] on n’élève pas
de clôture autour des maisons des chefs, ni autour des groupes de maisons appartenant aux
notables » (cf. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, p. 94).
19. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 343 (Naukeurige Beschrijvinge, pp. 562-563). São Salvador
était-il au fond si différent des villes européennes au Moyen Age ? D’après R. Romano et J. Le Goff,
« Les jardins dans les villes ne représentent pas seulement – jusqu’aux XVIe/XVIIe siècles– des
lieux d’agrément : la campagne est encore dans la ville et le paysan vit à l’intérieur de celle-ci et,
166
parfois, les « villes » du Moyen Age doivent être considérées, dans une certaine mesure, comme
des agglomérations de paysans qui sortent travailler » (cf. R. Romano et J. Le Goff, « Paysages et
Peuplement rural en Europe après le XIe siècle », in Études Rurales, 17 (1965), p. 10).
20. M.M.A., vol. V, p. 385.
21. Raffaello Maffei da Volterra, Commentariorum Urbanorum, Rome, 1506, f° 138 (v°).
22. Pigafetta, lib. II, cap. I (la ville mesure dix milles – italiens – de périmètre).
23. M.M.A., vol. III, pp. 500-504.
24. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 575.
25. Cavazzi, lib. I, g 154 (en temps de paix).
26. Peter C. W. Gutkind, The Royal Capital of Buganda, Mouton et Cie, La Haye, 1963, p. 15.
27. Lettre du 7 mars 1966. Notons au passage que la ville de Shoshong, capitale des Mangwato du
Bechuanaland, aurait eu jusqu’en 1874 une population de 30 000 habitants selon diverses
estimations de voyageurs blancs (cf. E. C. Tabler, The Far Interior, Cape Town, 1955, p. 19).
28. Cherubino da Savona, cité par L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de
l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV (1963), p. 378.
29. L. Jadin, « Relation sur le royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de
1791 à 1795 », in Bull, des Séances de rA.R.S.C, vol. III, fasc. 2 (1957), p. 320.
30. « Roteiro da Viagem ao Reino do Congo por A. J. Castro » (1845), in Bol. Soc. Geog. Lisboa, 2e sér.,
n° 2 (1880), p. 63.
31. W. G. Grandy, « Report of the Progress of the Livingstone Congo Expedition », in R. Geog. Soc.
Proceedings, vol. 19 (1874-1875), p. 102.
32. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 139.
33. A. Brásio, D. António Barroso, Missionário, Cientista, Missiólogo, Lisbonne, 1961, p. 104.
34. Ibid., loc. cit.
35. L. Jadin, « Relation sur le royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de
1791 à 1795 », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, vol. III, n° 2 (1957), p. 319.
36. L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de L’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII
(1961), p. 557 (Source : Laurent de Lucques).
37. L. Degrandpré, Voyage à la côte occidentale d’Afrique..., Paris, 1801, t. I, p. 68. Dapper disait en
1668 qu’elle était de la taille d’Amsterdam « avant sa dernière expansion » (Naukeurige
Beschrijvinge, p. 519).
38. Cf. V. Gordon Childe, « The Urban Revolution », in Town Planning Review, Liverpool, vol. XXI
(1950), pp. 3-17. Voir aussi, du même auteur, La Naissance de la Civilisation, Paris, 1964, trad, franc,
de Man makes Himself, chap, VII, « La révolution urbaine ».
39. V. Gordon Childe, « Civilisations, Cities, Towns », in Antiquity, vol. XXXI (1957), p. 37.
40. Cf. Harry Pearson, « The Economy has no Surplus », in K. Polanyi et al., Trade and Market in the
Early Empires, Glencoe, 1957 ; Marvin Harris, « The Economy has no Surplus ? », American
Anthropologist, vol. 61, n° 2 (1959), pp. 185-199 ; Robert L. Carneiro, in Johannes Wilbert (ed.), The
Evolution of Native Horticultural Systems in South America, Causes and Consequences, a Symposium,
Caracas, 1961. Pour une approche originale de ce problème, cf. Ester Boserup, The Conditions of
Agricultural Growth, Londres, 1965.
41. J. D. Clark, « Africa South of the Sahara », in R. J. Braidwood et G. R. Willey, Courses toward
Urban Life, Edinbourgh, s.d. (1962), p. 29.
42. R. Summers, « Was Zimbabwe Civilized ? », in Conference on the Historg of the Central African
Peoples, Lusaka, 1963, p. 5 (ronéotypé – sans pagination continue. A la Bibliothèque des Études
Africaines, Sorbonne).
43. Cf. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 562 (dix ou onze) ; L’évêque Francisco de Soveral en
énumère 9 en 1640 (cf. M.M.A., vol. VIII, p. 443) ; Jean François de Rome 6 en 1648 (cf. Brève
Relation, éd. F. Bontinck, pp. 109-111), A. J. Castro les ruines de 12 en 1845 (cf. A. J. Castro,
167
« Roteiro da Viagem ao reino do Congo em 1845 », in Bol. Soc. Geog. Lisboa, 2e sér., n° 2 (1880), p.
63).
44. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 326.
45. Le P. António Barroso en donnait les dimensions suivantes d’après les ruines qu’il a vues en
1881 : 35,61 m de long et 12,61 m de large (cf. António Brásio, António Barroso, Missionário,
Cientista, Missiólogo, Lisbonne, 1961, p. 7. En 1619, l’évêque Manuel Baptista l’avait décrite comme
étant « de grandeur moyenne, très pauvrement construite, avec un toit en chaume, sans chœur
ni sacristie et ayant un clocher inachevé » (cf. M.M.A., vol. VI, p. 415).
46. Le collège des jésuites fut construit en 1619-1625 (cf. L. Jadin, « Le Clergé séculier et les
capucins du Congo et d’Angola aux XVIIe et XVIIIe siècles », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc.
XXXVI (1964), p. 200).
47. Il s’agit de la Misericordia des capucins, construite entre 1654 et 1677 (cf. Cavazzi, lib. I, § 276).
48. L. Jadin, « Relation sur le Royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de
1791 à 1795 », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, vol. III, fasc. 2 (1957), p. 320. En 1845, lors de la visite
de A. j. Castro, le roi habite encore une paillote : « ... il a en cours la construction d’une autre
maison en bois, mais comme il n’y a que deux charpentiers qui y travaillent, je ne crois pas
qu’elle soit prête de son vivant, car il a plus de soixante-dix ans » (cf. A. J. Castro, art. cit., p. 63).
En 1863, lorsque les Portugais occupèrent São Salvador, ils construisirent pour le roi de l’époque
une maison européenne (cf. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 141).
49. L. Jadin, « L’Église de Ngonga Mbata », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, t. I, fasc. 4 (1955), pp.
1000-1005.
50. Pierre van den Broecke, Voyages, Amsterdam, 1705, p. 315.
168
Chapitre XIV. Les routescommerciales et les produitséchangés au Congo et dans lesrégions voisines aux XVIe et XVIIe
siècles
1. LES ROUTES COMMERCIALES
1 La première route commerciale due au contact européen est celle qui relie la côte à São
Salvador. Après 1530, elle sera prolongée jusqu’aux environs du Stanley Pool et aux
abords du royaume Bateke1, qui va devenir l’un des principaux viviers de la traite pour
toute la côte depuis le Loango jusqu’à Luanda.
2 Cette dernière ville commencera à jouer un rôle en tant que port d’exportation d’esclaves
dès 1548, sinon avant, comme en témoigne l’enquête ordonnée cette année-là par le roi
du Congo sur la chute (d’ailleurs temporaire) du nombre d’esclaves partis de
l’embouchure du fleuve2.
3 Vers la fin du XVIe siècle, deux nouvelles routes vont sérieusement concurrencer celle qui
longe le cours du Congo : l’une reliera le Stanley Pool directement à Luanda, l’autre à
Loango.
4 La route Luanda-Stanley Pool sera utilisée jusqu’en 1649 (fin de l’occupation hollandaise)3.
Le commerce était aux mains des Blancs installés à Luanda, qui confiaient des
marchandises à des pombeiros, marchands itinérants noirs ou métis. Selon un témoin de c.
1611, les bénéfices ne sont pas alors très élevés, car les pombeiros disparaissent souvent
avec les marchandises4. Mais Cadornega (1680-1681), parlant de la période antérieure à
l’occupation hollandaise (1641-1649), évoque les bénéfices énormes que les négociants
portugais, faisant eux-mêmes le voyage, parvenaient à réaliser, et cela malgré les
innombrables péages et impôts que percevaient les Congolais5. Les Portugais vendaient
169
des bassines et des manilles de cuivre, des tambours (européens), des clochettes et des
couteaux6, et achetaient des esclaves, des nattes de raphia et de l’ivoire7.
5 La route qui relie le Stanley Pool à Loango est décrite par Dapper en 1668, mais on ignore
depuis quand elle existait – probablement pas avant le début du XVIIe siècle. Outre les
esclaves, les Noirs de Loango vendaient aux factoreries européennes (portugaises et
hollandaises)8 du cuivre (des mines de Mindouli), de l’ivoire, du plomb, de l’étain ( ?), du
fer9 et des poils de queue d’éléphant. Ils remportent en sens inverse du sel, de l’huile de
palme, des coutelas, des lits de plume de Silésie (édredons ?), des miroirs et des coussins10.
Ce commerce, ajoute Dapper, serait bien plus florissant si une tribu de Jagas ne rendait la
route dangereuse11.
6 Une des innovations les plus importantes des Européens est le commerce de cabotage, et
en particulier celui que pratiquaient les Portugais entre Luanda et Loango : les bénéfices
pouvaient aller, assure un témoin de c. 1612, jusqu’à 1 000 à 1 200 pour cent12. De Loango,
on importait des nattes de raphia, de l’ivoire, des poils de queue d’éléphant, le bois de
teinture appelé tacula (pterocarpus tinctorius Welw.)13 et du cuivre14. On payait ces produits
avec de la verroterie, des tissus du Portugal et de l’Inde, des clochettes15.
7 Après la fin de l’occupation hollandaise de l’Angola, en 1649, d’autres routes se
substitueront à la route Luanda-Stanley Pool : Luanda-Ambuíla (1649)16, Luanda-Matamba
(1660)17 et surtout Luanda-Cassange (1658). Cette dernière deviendra rapidement la plus
importante18 et le restera jusqu’au dernier quart du XIXe siècle19.
2. LES ESCLAVES
8 Le seul véritable produit d’exportation de la côte occidentale d’Afrique est l’homme.
L’ivoire et le cuivre représentent peu de chose à côté de l’immense trafic de la traite. C’est
l’esclave qui est aussi la véritable monnaie entre le monde africain et le monde extérieur :
170
9 « ... De même qu’en Europe la monnaie courante est d’or et d’argent frappée, et de même
qu’au Brésil c’est le sucre, de même en Angola et dans les royaumes voisins ce sont les
esclaves »20.
10 Puisque l’esclave est employé comme monnaie, il importe de pouvoir se référer à un
étalon aux caractéristiques universellement admises. Ce sera le peça de Indias21, auquel
correspondent deux définitions : l’une concernant la stature, l’autre l’âge de l’individu.
11 Selon la première formule, le peça de Indias doit avoir sept quartas de vara de haut22.
Combien mesurait la vara ?– 1,10 m affirme un auteur de 181523, ce qui donnerait un peça
de 1,92 m. D’autres auteurs sont plus réalistes et parlent de : 1,82 m (Rinchon24), 1,75 m
(Lùcio de Azevedo25 et Correia Lopes 26) et 1,62 m (Vrijman27). Malheureusement, ces
quatre derniers auteurs n’indiquent pas leurs sources. Il est vraisemblable que, lors de
l’introduction du système métrique au Portugal, la vara avait été « ajustée » pour donner
un rapport « arrondi » avec le mètre, alors qu’en fait elle correspondait à un peu moins de
1,10 m. D’ailleurs, rien ne permet d’affirmer que les mesures portugaises d’avant
l’introduction du système métrique n’aient pas connu des variations à travers le temps.
12 La seconde définition du peça de Indias est donnée par le Français Jean Barbot, au début du
XVIIIe siècle : « Un peça de Indias représente un Noir de 15 à 25 ans. S’ils avaient entre 8 et
15 ans, ou entre 25 et 35, 3 comptaient pour 2 ; quant aux moins de 8 ans et ceux entre 35
et 45 ans, 2 comptaient pour 1. Les enfants à la mamelle ne comptaient pas. Les malades
et les plus de 45 ans étaient évalués par des arbitres »28.
13 Au XVIIIe siècle, le peça de Indias cessera de représenter un esclave : ce ne sera plus que la
« pièce », étalon fictif, dégagé de toute référence à l’homme. Il faudra jusqu’à dix
« pièces » pour un esclave29.
14 Combien coûtait donc un esclave au XVIIe siècle ? En 1622, dans l’intérieur de l’Angola,
10 000 reis. Au marchand sur la côte il est vendu 22 000 reis, s’il est un peça de Indias30. Le
même auteur note qu’un mouton vaut 8 000 reis, une vache 16 000, un chou entre 600 et
400, et 3 ou 4 œufs 20031. « Mais d’ordinaire, les Blancs entretiennent des troupes de
guerriers noirs qui combattent pour eux, et tout ce qu’ils prennent est pour leur maître,
ainsi les esclaves ne leur coûtent rien »32 – ce qui ne peut pas être tout à fait exact. En fait,
le commerce joue un plus grand rôle que la guerre dans l’acquisition d’esclaves. Un
jésuite contemporain note que « le nombre d’esclaves capturés à la guerre n’est rien en
comparaison du nombre d’esclaves achetés sur les marchés »33. En 1642, le Hollandais F.
Cappelle achetait au Congo (sur la côte) l’esclave à 15 000 reis34 ; la pièce d’Inde y coûtait
au début du XVIIIe siècle, selon Savary, 20 000 reis35.
15 Quel pouvait être le volume annuel des exportations d’esclaves du Congo et des régions
avoisinantes, et comment évoluait-il ? Nous disposons bien de données éparses sur ce
sujet, mais elles ne permettent malheureusement pas d’apporter des réponses très
satisfaisantes36.
16 Les exportations se faisaient par trois points principaux : du Congo, par le port de Pinda à
l’embouchure du fleuve ; de la région au nord du fleuve, par Loango et les ports voisins de
Malemba et de Cabinda ; de l’Angola, par Luanda.
17 Nous n’avons aucune statistique pour la région au nord du fleuve, où toutes les nations
européennes pouvaient commercer librement. Quelques rares chiffres nous sont
parvenus pour le Congo aux XVIe et XVIIe siècles, mais aucun pour le XVIIIe et le XIXe siècle.
On en a davantage concernant l’Angola.
171
18 Voici les chiffres que nous avons pu réunir pour le XVIe et le XVIIe siècle :
XVIe siècle
XVIIe siècle
19 Note 3737
20 Note 3838
21 Note 3939
22 Note 4040
23 Note 4141
24 Note 4242
25 Note 4343
26 Note 4444
27 Note 4545
28 Note 4646
29 Note 4747
30 Note 4848
31 Note 4949
32 Tout ce qu’on peut conclure de ces maigres données, c’est que le nombre d’esclaves
exportés a évolué de façon assez régulière. On assiste, au Congo, pendant la première
moitié du XVIe siècle, à une montée suivie d’un plafonnement au XVIIe. En Angola, après
une montée spectaculaire à la fin du XVIe siècle, il y a un fléchissement au début du XVIIe,
puis une lente progression jusqu’à la seconde moitié du XVIIe siècle, où un recul s’amorce50
.
172
3. L’IVOIRE
33 Il provenait surtout du Loango, du pays des Bateke51 et de la province de Mbamba52.
4. LE CUIVRE
34 Dès 1514, 2 300 manilles de cuivre sont exportées de l’embouchure du Congo53 ; en 1526,
un bateau français cherche à en acheter54. Ce cuivre provient des fameuses mines de
Bembe qui deviendront, dès le début du XVIIe siècle, l’objet de la convoitise des Portugais
de Luanda, et l’une des principales causes de la guerre qui se termina par la défaite des
Congolais à la bataille d’Ambuíla, en 1655.
35 En 1631, le gouverneur de l’Angola, Fernão de Sousa, commence à importer du Kakongo à
Luanda le cuivre des mines de Mindouli55. Mais avec l’occupation de l’Angola par les
Hollandais, les Portugais se verront évincés des ports au nord de l’embouchure du Congo,
parce qu’incapables de résister à la forte concurrence des Hollandais et des Français. Nous
ignorons toutefois les quantités achetées par ces derniers, nulle donnée ne nous étant
parvenue à ce sujet.
36 Dans le premier quart du XIXe siècle, on verra le cuivre du Katanga arriver jusqu’à Luanda
par le Cassange et à travers l’empire Lunda, mais on ne sait en quelles quantités56.
5. LES NATTES DE RAPHIA
37 Elles sont importées en Angola (Luanda) de Loango par mer57, et du Stanley Pool par terre58. En Angola, elles servent de monnaie, tant dans la communauté blanche que chez les
Noirs. Les soldes des soldats portugais sont payées en cette matière jusqu’en 1694, date à
laquelle on les remplace par une monnaie de cuivre59.
6. LE SEL
38 Le sel est exporté de la côte vers l’intérieur, en sens inverse des nattes de raphia. En
Angola, il vient principalement des mines de sel gemme de Demba (ou Ndemba), à
environ 70 km de l’embouchure du Cuanza60. Les « pierres » de sel sont carrées (55 cm de
côté) et aussi épaisses que la largeur de la main61. Le prix de l’unité était, en 1618, de 200
reis62.
39 Selon Pigafetta (1587) et un témoin de 1656, le roi du Congo envoyait du sel au royaume
du Mucoco (l’Anzicana), chez les Bateke dans la région du Stanley Pool, mais on en ignore
la provenance63. Serait-ce des salines dont parle Barbot (1700), situées près de
l’embouchure du Congo, en un endroit où la préparation du sel pour l’envoyer vers
l’intérieur constituait la principale activité des habitants64 ?
7. LES PRODUITS EUROPÉENS IMPORTÉS
40 Les Européens importent des tissus européens et indiens65, de la verroterie66, des
clochettes67, du vin des Canaries, de Madère et de Malaga68, du fer69 et des coquillages de
173
l’Inde70 et du Brésil 71. En Angola, les bénéfices sur le commerce du vin s’élevaient, au
début du XVIIe siècle, à 500 % et les intéressés n’étaient pas tenus de payer des droits
d’entrée72. Au milieu du siècle, on expédiera du vin à Cassange73 et jusque dans la région
du Stanley Pool74. Le prix d’un barile de vin des Canaries est d’un esclave75. Au XVIIIe siècle,
le vin sera remplacé par le geribita, eau-de-vie fabriquée avec de la canne à sucre76.
41 Voici ce qu’écrivait Dapper au milieu du XVIIe siècle :
42 « La ville de S. Salvador est le centre commercial et le point de rencontre des marchands
portugais dans ces régions, mais ils habitent tous en dehors de la ville. Les principales
marchandises, celles que convoitent les habitants, sont les tissus persans, ou des tapis de
table peints, appelés Kapes de Verdura, de petites poteries bleues, Birames ou Surats, des
bassins de cuivre, des draps d’Angleterre, de grands Simbos de Lovando [zimbus de
Luanda], des Boesjes [cauris], ainsi que quelque bimbeloterie, des bagues, des perles de
verre, etc. »77.
43 Vers 1625, on envoyait au marché d’Ambuila : 6,62 m de tissu de fabrication portugaise,
4,62 m de tissu anglais, 6,60 m de quatreno (tissu portugais probablement), 6 serviettes
allemandes, 12 manteaux a capuchon de tissu grossier, 3,96 m de tissu teint à la
cochenille, 3,96 m de velours et 5,96 m de damas, le tout accompagné des malafos (vin de
palme) de rigueur78. Le malafo servait à sceller la transaction.
44 Selon F. Cappelle, négociant hollandais, les marchandises les plus demandées et vendues
pour la traite, en 1642, à l’embouchure du Congo, étaient les suivantes :
1. Du tissu épais (vier loden) probablement pour pagnes de toutes couleurs, mais la plus grande
partie en noir et en bleu.
2. Ditto, en tissu de laine, avec des franges et des lignes (rapynen).
3. Des camisoles de laine et coton, noires et bleues.
4. De fins coraux ronds et longs pour colliers.
5. Des sabres et poignards dorés de façon ordinaire ou argentés.
6. De fins draps rouges à 10 florins l’aune, en grande quantité.
7. Du drap bleu à six florins l’aune.
8. Des perles de Venise, petites ou noires.
9. Des chapeaux ordinaires.
10. Des étoffes de soie.
11. Gly potysen (des tamis ?).
12. Du linge de Silésie.
13. Des casiers à bouteilles ordinaires (fles kelders).
14. Des couteaux.
15. Des miroirs dorés n° 4 (avec cadre doré).
16. Des tissus de lin renforcé, de très bonne qualité.
17. Des chaînes en cuivre.
18. Des couvertures blanches et rouges.
19. Des vêtements, dits de São Tomé.
20. Des fermetures de malles ou espèces de cadenas de coffres.
21. Karsayen, tissus de laine avec des lignes vertes, rouges et noires, de bonne qualité79.
45 En 1700, Jean Barbot vendait à Cabinda des annebases, des chaudrons de cuivre, des
mousquets, de la poudre, des baftas noirs, des tapsels, des pintados, des étoffes de Guinée,
174
du papier de Silésie, des nicanés, des couteaux, du drap écarlate, du corail, des liqueurs
fortes, des bèges noirs, des perles de verre noires, des bassins d’étain et des cuillers du
même métal80.
46 Les baftas, les tapsels, les pintados, les étoffes de Guinée et les nicanés sont des imitations
de tissus indiens, faites en Hollande81. Les annebases sont des tissus également fabriqués
en Hollande.
47 A quelques exceptions près, les objets que vendent aux Noirs les Européens ne sont que
des versions mieux travaillées de matériaux dont ils connaissaient déjà l’usage. Ainsi, les
tissus concurrencent les nattes de raphia et les cotonnades indigènes ; les bassins de
cuivre, le cuivre brut ; le vin des Canaries, le vin de palme ; la ferraille européenne, le fer
indigène ; la vaisselle européenne, la poterie indigène ; les machettes et les épées
d’Europe, les haches africaines82. Les seules introductions nouvelles sont les fusils83 et
quelques outils : la scie, la tarière84, de gros loquets pour fermer les portes des églises et
des maisons85, des aiguilles, des hameçons et des épingles86.
NOTES
1. Cf. Pigafetta, lib. I, cap. V.
2. M.M.A., vol. II, pp. 157-205.
3. Cadornega, op. cit., t. III, p. 275.
4. M.M.A., vol. VI, p. 105.
5. Cadornega, op. cit., t. III, p. 275.
6. Ibid., loc. cit.
7. M.M.A., vol. VI, p. 53 (texte de 1612), et Pigafetta, lib. I, cap. VI.
8. Les deux nations ont des factoreries à Loango en 1620 (cf. M.M.A., vol. VI, p. 473).
9. Pigafetta (lib. I, cap. IX) avait pourtant écrit (1587) des Noirs de Loango que « pour n’importe
quel clou de fer, on donne une défense d’éléphant ». Cette inversion du commerce du fer est
intéressante : elle résulte de l’extension du commerce à longue distance. Ce fer, dit Dapper, vient
de « mines fort éloignées » (cf. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 532). Les allusions au plomb
et à l’étain nous paraissent suspectes.
10. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 533.
11. Ibid., p. 533.
12. M.M.A., vol. VI, p. 104 (texte de c. 1612).
13. Ibid., loc. cit. Réduit en poudre et malaxé avec de l’huile de palme, le tacula donne le fard Nkula
utilisé dans les cérémonies fétichistes des Noirs.
14. M.M.A., vol. VIII, p. 93 (texte de 1631).
15. M.M.A., vol. VI, p. 479.
16. Cadornega, op. cit., t. II, pp. 53-61.
17. Cavazzi, lib. IV, g 248 et lib. VI, § 74.
18. Gastão Sousa Dias, A Batalha de Ambulla, Lisbonne, 1942, p. 105.
19. H. Capello et R. Ivens, De Benguella as Terras de Iácca, Lisbonne, 1881, vol. I, p. 290.
20. Texte de 1594, cité par Francisco Rodrigues, S. J., História da Companhia de Jesus na Assistência de
Portugal, Porto, 1939, t. II, vol. II, p. 560.
175
21. Le premier texte à y faire allusion, à notre connaissance, date de 1622 (cf. M.M.A., vol. VII, p.
67). Le mot peça, appliqué à un esclave, apparaît dès 1499 (cf. M.M.A., vol. I, p. 174). Les Indias sont
les Indias de Castella – les possessions espagnoles dans le Nouveau Monde. On parle également de
peça do Brasil (cf. Edmundo Correia Lopes, A escravatura, Lisbonne, 1943, p. 87, note 2).
22. Cf. José Ferreira Borges de Castro, Colecção dos Tratados, Convenções, Contratos..., Lisbonne, 1856,
t. II, p. 48 (traité entre le Portugal et l’Espagne sur l’introduction des esclaves en Amérique
espagnole, daté de 1696, ... pieças de Indias de la medida regular de 7 quartas no siendo viejos, ni con
deffectos).
23. Sebastião Mendo Trigozo, « Memória sobre os pesos e medidas Portugueses e sobre a
Introdução do Systema Metro-Decimal », in Memórias Económicas da Academia Real das Sciencias de
Lisboa, Lisbonne, 1815, p. 383. Cf. aussi José Ferreira Borges de Castro, op. cit., t. IV, p. 158,
« Colecção dos Tratados... desde 1640 até ao presente », texte qui confirme Trigozo.
24. P. Dieudonné Rinchon, La Traite et l’Esclavage des Congolais par les Européens, Wetteren, 1929, p.
82.
25. Lúcio de Azevedo, Épocas de Portugal Económico, Lisbonne, 1929, p. 77.
26. Edmundo Correia Lopes, A Escravatura, Lisbonne, 1943, p. 13.
27. C. Vrijman, « Quelques notices sur l’histoire de la traite négrière des Hollandais », in Bulletin
de la Section de Géographie, t. 51 (1936), p. 107.
28. Jean Barbot, in Churchill, A Collection of Voyages and Travels, Londres, 1735, vol. V, p. 571. Cf.
aussi Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce, Paris, 1723-1730, t. I, art.
« pièce d’Inde ».
29. Jacques Savary des Bruslons, op. cit., t. I, art. « pièce ».
30. M.M.A., vol. VII, p. 67.
31. Ibid., loc. cit.
32. Ibid., loc. cit.
33. M.M.A., vol. IV, pp. 560-561 (texte de 1594).
34. F. Cappelle (1642), in L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Soyo, Congo, 1600-1675 », in
Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 223.
35. Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce, t. I, p. 1067.
36. Nous n’avons guère pu aller plus loin dans cette recherche que les auteurs de deux ouvrages
classiques : Dieudonné Rinchon, La traite et l’esclavage des Congolais par les Européens, Wetteren,
1929, et Edmundo Correia Lopes, A Escravatura, subsidios para a sua História, Lisbonne, 1944.
37. M.M.A., vol. II, p. 58.
38. Ibid., p. 200.
39. M.M.A., vol. III, p. 146.
40. Doc. anon. in Documentação Ultramarina Portuguesa, Lisbonne, 1962, vol. II, p. 201.
41. Domingos de Abreu de Brito (1591), in Feiner, Um Inquérito à Vida Administrativa e Económica de
Angola e do Brasil, em fins do século XVI, Coïmbre, 1931, p. 30. Le chiffre de Abreu de Brito est officiel,
celui de l’auteur anonyme qui le précède correspond à l’estimation d’un particulier. Le chiffre
officiel ne tient forcément pas compte des exportations clandestines, qui échappaient au fisc ; il
est donc normal qu’il soit inférieur.
42. André Velho da Fonseca (1611), in Archivos de Angola, sér. I, vol. III, pp. 71-90.
43. António Franco, Synopsis Annalium Societatis Jesu, Augsbourg, 1726, p. 260.
44. « A Little Foraine News... » (pièce d’actualité de l’époque), cité par C. R. Boxer, Salvador de Sd
and the Struggle for Brazil and Angola, Londres, 1952, p. 225, et O. Dapper, Naukeurige Beschrijuinge, p.
609.
45. F. Cappelle, in L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull, de
l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 229. Le chanoine Jadin juge ce chiffre très exagéré.
46. Pieter Zegers Ouman, 1643, in ibid., p. 243.
176
47. Anon., Osservationi del Regno di Congo dell’anno 1656, ms. espagnol, B.N.P., 324 (38), f° 150 (r°).
L’auteur ajoute que le chiffre était naguère plus grand.
48. Cavazzi, lib. I, § 154. Ce chiffre ne se rapporte, en apparence, qu’au Congo, mais il englobe
vraisemblablement aussi l’Angola, à moins qu’il ne concerne simplement l’exportation par
Luanda.
49. António de Oliveira Cadornega, op. cit., t. I, p. 254.
50. Ce recul est confirmé par un document de 7-11-1684 (cf. David Birmingham, Trade and Conflict
in Angola, Oxford, 1966, p. 134.
51. Pigafetta, lib. I, cap. V.
52. F. Cappelle (1642), in L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in
Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 226.
53. M.M.A., vol. I, pp. 303-305.
54. Ibid., p. 476.
55. M.M.A., vol. VIII, p. 93.
56. Cf. E. Bowditch, An Account of the Discoveries of the Portuguese in the Interior of Angola and
Mozambique, Londres, 1825, p. 20.
57. M.M.A., vol. VI, p. 104 (texte de 1612).
58. Pigafetta (1587), lib. I, cap. V, et M.M.A., vol. VI, p. 53 (texte de c. 1611).
59. Cadornega, op. cit., t. II, pp. 484 et 534-540. En 1649, Lisbonne avait opposé son veto à
l’introduction de la monnaie de cuivre.
60. M.M.A., vol. VI, p. 335 (texte de 1618).
61. M.M.A., vol. IV, p. 550 (texte de 1594).
62. M.M.A., vol. VI, p. 335 (texte de 1618), É o melhor dinheiro daquelle reino (Angola).
63. Pigafetta, lib. I, cap. V, et Osservationi del Regno di Congo dell’anno 1656, B.N.P., ms. anon.
espagnol n° 324 (38), f° 150 (v°).
64. Jean Barbot, « A Voyage to Congo River », in Churchill, A Collection of Voyages and Travels,
Londres, 1732, vol. V, p. 509. On sait que des salines existaient le long de la côte, au nord de
Luanda. Cf. M.M.A., vol. VI, p. 55 (texte de 1611).
65. M.M.A., vol. VI, p. 479 (texte de 1620). Il s’agit du Loango, mais on peut admettre qu’il en est de
même en Angola. Des tissus indiens parvenaient déjà au Congo en 1512 (cf. M.M.A., vol. I, p. 249).
66. Ibid., p. 479 (texte de 1620). Celle qu’on importe en Angola est d’origine vénitienne (cf.
Pigafetta, lib. I, cap. VII).
67. Ibid., p. 479 (texte de 1620).
68. Ibid., p. 105 (texte de c. 1612) et Jean Barbot, « A Voyage to Congo River », in Churchill, A
Collection of Voyages and Travels, Londres, 1732, vol. V, p. 514.
69. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 114 (texte de la fin du XVIe
siècle) (« du vieux fer et des clous »).
70. M.M.A., vol. VI, p. 471 (texte de 1620).
71. Ibid., p. 108 (texte de c. 1612).
72. Ibid., p. 105 (texte de 1612).
73. Cadornega, op. cit., t. III, p. 217.
74. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 593.
75. Francesco Maria Gioia, La Meravigliosa Conversione della Regina Singa (sic), Naples, 1669, p. 175.
76. Elias Alexandre da Silva Correia, História de Angola, vol. I, pp. 39-40.
77. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 575.
78. Doc. anon. reproduit par Felner, Angola, pp. 519-520. Nous considérons le covado (coudée),
mesure utilisée dans le texte, représentant 0,66 m, conformément à l’indication donnée par A.
Brásio, M.M.A., vol. VIII, p. 75, note.
177
79. L. Jadin, « Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull. de l’Inst. Hist. Belge
de Rome, fasc. XXXVII (1966), pp. 228-229.
80. Jean Barbot, « A Voyage to Congo River », in Churchill, A Collection of Voyages and Traoels,
Londres, 1732, p. 511.
81. Ibid., loc. cit.
82. Les épées sont importées en grande quantité par les Portugais et les Hollandais (cf. Jean
François de Rome, Brève Relation (1648), p. 116).
83. Les arquebuses sont utilisées par le duc de Mbata en 1587 (cf. Pigafetta, lib. I, cap. XII). Jean
François de Rome constate l’usage de mousquets « introduits depuis un certain temps » (cf. Jean
François de Rome, Brève Relation (1648), p. 131). En 1656, on apprend qu’ils se font rares, faute de
poudre et de gens sachant les manier (cf. Osservationi del Regno di Congo dell’anno 1656, t° 150 r°).
84. J. Cuvelier, Relation sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), p. 115.
85. Jean François de Rome, op. cit., p. 116.
86. Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce, Paris 1723, t. I, p. 1067.
178
Chapitre XV. L’acculturation
1. LES NOUVEAUX INSIGNES DE SOUVERAINETÉ
1 Comme nous l’avons vu dans un précédent chapitre, les articles de fabrication
européenne, que les Portugais introduisaient chez les Congolais en même temps que le
christianisme, leur paraissaient tout aussi chargés de puissance sacrée que les paroles des
missionnaires.
2 Afin de rehausser l’éclat de leur majesté, les rois congolais n’ont pas hésité à choisir
certains de ces objets comme insignes de souveraineté et même, parfois, à les substituer à
des insignes traditionnels.
3 Voici comment, dans le premier quart du XVIIe siècle, le roi se présentait à la vue de ses
sujets :
4 Il donnait audience « assis sur une chaise à dossier, de tissu cramoisi à clous dorés, posée
sur un très beau tapis, le bas du corps somptueusement revêtu d’un riche tissu jaune du
pays ; au cou, il avait de nombreuses chaînes d’or et des colliers de corail à même la peau ;
il portait un manteau de damas jaune rayé de velours ; sur la tête, il avait une coiffure
toute brodée d’or et la couronne royale ; aux doigts, beaucoup de beaux anneaux d’or. A
sa droite, se tenait le Manilumbo, son favori le plus intime, qui est le premier dignitaire
après le roi, avec un sceptre dans la main droite, et tenant de la gauche une queue de
cheval, avec laquelle il chassait de temps à autre les mouches autour du roi »1.
5 La chaise remplace l’estrade ou le trône de l’époque pré-européenne, le tapis, la natte en
fibres de palmiers2. Le roi porte toujours une étoffe indigène à même le corps et non un
tissu européen, de crainte qu’un matériau étranger n’altère le caractère sacré de sa
personne. Cette attitude typique se rencontre chez d’autres souverains d’Afrique3. Le
chapeau du roi remplace le mpu, couvre-chef traditionnel tissé de feuilles de palme4. La
couronne, évidemment d’origine européenne, n’est pas celle d’argent doré offerte plus
tard, en 1648, par le pape Innocent X au roi D. Garcia II5, et emportée par les Portugais
après la bataille d’Ambuíla. Notons au passage qu’à la fin du XIXe siècle le roi aura pour
toute coiffure un vieux casque colonial6.
6 Le chasse-mouche nsesa, que tenait le Mani-Lumbu debout à côté du roi, était
traditionnellement une queue de buffle ; dès le XVe siècle, c’est une queue de cheval7. Au
179
XVIIe siècle, des quantités de queues de cheval seront importées de La Plata et vendues
aux petits chefs au Congo et en Angola. Chaque queue valait deux esclaves8.
7 Les Portugais firent cadeau au roi D. Afonso I d’un « étendard du Christ », lui assurant
qu’il lui donnerait toujours la victoire sur ses ennemis9. Cet objet fait partie des insignes
de souveraineté en 1624, mais il n’est pas mentionné après cette date. Voici comment le
décrit un témoin d’alors :
8 « Avec l’aigle royal aux armes du Congo [...] il comportait cinq mains avec cinq épées,
dans un écusson armé d’une croix et habit du Christ, en mémoire des mains que ce saint
(sic) [D. Afonso I] vit lors de la bataille miraculeuse qu’il livra contre son frère »10.
9 Si D. Afonso I croyait en la puissance de ce « fétiche » chrétien, il ne semble pas avoir pour
autant renoncé à emmener, dans ses guerres, « en guise de bannières », « les peaux et les
choses d’autrefois ». Le roi de Portugal le note dans une lettre qu’il lui adresse en 1529, et
s’en dit « fort étonné »11.
2. L’ÉCHEC DE LA TENTATIVE DE TRANSFORMATIONDES INSTITUTIONS JURIDIQUES
10 De même que dans de nombreuses autres sociétés africaines, on recourait à l’ordalie, chez
les Congolais, pour désigner le coupable en cas de litige12.
11 L’ordalie traditionnelle consistait à obliger l’accusé à boire un breuvage contenant de
l’écorce de l’arbre Nkaza (erythrophloeum Le-Testu (A. Chev.)13. Innocent, il devait résister
au poison, coupable il succombait14.
12 Malgré les tentatives des missionnaires pour l’extirper – à son couronnement, le roi
devait promettre au père officiant d’y renoncer –, l’ordalie ne fut jamais abandonnée15.
13 En 1700, Bernardo da Gallo écrivait que « les nobles, les mariés et ceux qui communient
habituellement ne prennent pas l’ingassa (Nkaza), mais se font remplacer, lorsqu’ils y sont
obligés. D’autres ne veulent le prendre en aucune manière, sachant que c’est une chose
païenne, diabolique, contre Dieu »16.
14 A la fin du XVIIIe siècle, l’usage en est redevenu général17.
15 D. Afonso I, nous l’avons vu dans un chapitre précédent, avait voulu instaurer dans son
royaume une justice à la portugaise18, mais il dut reconnaître que le code manuélin19 était
trop compliqué pour servir de modèle20. Les Portugais désiraient introduire l’audition de
témoins21, et Cuvelier prétend que cette innovation fut adoptée ; il en donne comme
preuve une maxime recueillie par lui : Nkanu ye mbangi Kinkwika (sans témoins, il n’y a pas
de procès)22. Pourtant, comme l’audition de témoins est attestée au Monomotapa par João
de Barros (1552), il ne semble pas que cette pratique, au Congo, soit due à une influence
portugaise23.
16 Dans le domaine juridique, l’influence européenne n’aurait donc conduit à aucune
mutation durable.
3. LES MODIFICATIONS DE L’HABILLEMENT
17 C’est surtout dans l’apparence extérieure que l’influence des Européens se fit sentir, et
cela très rapidement.
180
18 « Après que ce royaume eut reçu la foi chrétienne », dit Pigafetta (1587), « les grands de la
cour commencèrent à s’habiller selon les usages des Portugais ; ils revêtirent des
manteaux, des capes, des paletots d’écarlate et de soie, chacun selon ses moyens ; ils se
mirent à se coiffer de chapeaux et de bonnets, à se chausser de sandales de velours et de
cuir, de bottines à la mode portugaise [...] Les femmes aussi se vêtent à la portugaise, sauf
qu’elles ne portent pas de manteau, mais elles se couvrent la tête d’un voile et posent par-
dessus un bonnet de velours noir orné de joyaux et plusieurs chaînes d’or au cou »24.
19 Tout ce luxe est limité aux membres de la caste dirigeante. « Les hommes du peuple
gardent l’ancien usage », c’est-à-dire qu’ils se vêtent d’« étoffes faites de palmes ».
« Seules les dames de la cour s’ornent de la façon qu’on vient de décrire »25. « Les pauvres
vont nu-pieds »26.
20 Nul doute que les tissus européens contribuèrent à rendre plus prononcé et plus
matériellement évident un clivage social, auparavant moins fondé sur des facteurs
économiques que politiques. « Par ostentation de richesse ou pour rehausser l’autorité
royale, le roi change souvent d’habillement », note un témoin en 159527. « C’est par la
diversité des habits qu’on distingue la qualité des gens », observe Cavazzi28.
21 Curieusement, l’usage de ces tissus n’a pas fait apparaître la profession de tailleur, pas
même au XXe siècle29.
4. LA RÉVOLUTION AGRICOLE
22 Peu après avoir découvert le Congo, les Européens y apportèrent deux plantes
alimentaires venues d’Amérique, qui seront universellement adoptées par les Congolais :
le maïs et le manioc.
23 Le maïs est mentionné pour la première fois par Pigafetta (1587), qui en parle comme de
« la plus vile » des céréales et celle que l’on donne aux porcs30. ; il n’était alors cultivé,
semble-t-il, que par les Européens. Ce n’est qu’au milieu du XVIIe siècle qu’il deviendra la
céréale « la plus commune »31, dont les Congolais « possèdent toujours une grande
quantité »32. Mateo de Anguiano note en 1716 qu’ils en ont « en abondance »33. Il est
cependant peu cultivé au nord du fleuve, où le climat est très humide ; en 1770, les Noirs
de Kakongo en sèment « très peu »34.
24 Le maïs a-t-il réellement opéré une révolution dans l’agriculture africaine ? Roland
Portères le croit et l’appelle « briseur de famine et de disette »35 ; mais Pierre Gourou
affirme que l’Afrique du XVe siècle ne mourait pas de faim... qu’elle « avait de bonnes
céréales »36. Cette opinion de Gourou est démentie par le témoignage de Cavazzi : « Les
lamentations sans fin des paysans affamés attendriraient un cœur de pierre. Toute la
journée, ils ne cessent de répéter cette douloureuse chanson, Imcafuanzale, Imcafuanzale, je
meurs de faim, je meurs de faim »37. Il ne semble pas, comme l’affirme Gourou, que « les
apports amérindiens ont été acceptés avec beaucoup d’entrain »38. Il fallut près d’un siècle
pour que la culture du maïs se généralise dans l’Ancien Congo, et pourtant le maïs permet
deux récoltes par an, ce qui n’était pas possible avec les céréales traditionnelles.
25 Plus profondément que le maïs, c’est le manioc qui, sans doute, révolutionna l’agriculture
africaine. Jean François de Rome en a vu à São Salvador en 164839. Dans la seconde moitié
du XVIIe siècle, il devient, selon Cavazzi, « universellement utilisé en diverses façons tant
181
par la noblesse que par le peuple » 40, mais il semble qu’il ne s’agisse, ici encore, que des
populations habitant près de la côte41.
26 En 1889, le missionnaire António Barroso écrivait qu’à São Salvador il formait « la base de
l’alimentation indigène et qu’on le préférait au maïs » 42. Au nord du fleuve, à Cabinda et à
Malemba, le manioc est abondamment cultivé à la fin du XVIIIe siècle43. Dans la seconde
moitié du XIXe (1886), les céréales traditionnelles – sorgho, millet, pennisetum et éleusine
– auront presque complètement disparu de l’économie congolaise44.
27 L’introduction du manioc fut-elle un bienfait pour les Congolais ? S’adaptant facilement à
des sols et à des climats différents, inaccessible aux oiseaux déprédateurs, il présente
néanmoins de graves inconvénients : très pauvre en protéines et en vitamines, il fait
apparaître des maladies de malnutrition, telles que le kwashiorkor45. L’introduction
parallèle, au XVIIe siècle, dont parle Cavazzi 46, de l’arachide (arachis hypogoea) riche en
protéines a sans doute pallié ces inconvénients, mais jusqu’à quel point ? Faute de
données scientifiques, nous ne sommes pas en mesure de le déterminer.
28 Les Européens introduisirent encore d’autres plantes alimentaires : les haricots
américains (phaseolus vulgaris et phaseolus lunatus)47, la patate douce48, l’ananas49, le goyave50, le cocotier51 et les agrumes52.
29 Le tabac53 et la vigne 54 sont également introduits au milieu du XVIIe siècle, mais
l’abondance de vin est telle, que les Portugais font arracher les ceps pour mieux vendre
leur vin de la métropole et des Canaries en échange des esclaves55. En 1619, l’évêque
Manuel Baptista pensait que les excès de vin mèneraient les Congolais à leur perdition56,
et au milieu du siècle Giacinto Brugiotti da Vetralla parlait de leur « passion de fumer ; ils
supporteraient plutôt la faim et la soif que d’être privés de fumer »57. Pourtant António
Barroso notait, en 1886, que le Congolais prise plus qu’il ne fume58.
30 Parmi les animaux domestiques introduits de l’extérieur, on compte le chat59, le canard de
Barbarie60, la dinde, l’oie et le pigeon61. A la fin du XIXe siècle (1883), pour des raisons que
l’on ignore (la tsé-tsé peut-être ?), le bœuf a disparu de São Salvador ; le mouton et la
chèvre y sont rares62.
31 Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’abolition de la traite oblige les Congolais à une
reconversion de leur commerce traditionnel : ils doivent se tourner vers l’exportation de
produits végétaux. Vers 1870, l’huile de palme devient l’une des principales exportations
au nord du fleuve, l’arachide au sud63.
5. L’APPARITION DE MARCHANDS NOIRS
32 Dans l’Afrique traditionnelle, un individu n’avait aucune possibilité d’établir à titre privé
des échanges avec des contrées éloignées. Tout commerce à longue distance était l’affaire
du pouvoir, et son organisation faisait partie du domaine politique et non de
l’économique64.
33 Au Congo, le contact européen a vite fait apparaître le Pombeiro65. Ce peut être un Blanc ou
un Noir, le plus souvent c’est un Métis ; travaillant pour le compte de négociants
portugais de São Salvador ou de Luanda, il voyage dans l’intérieur pour y échanger des
tissus et autres objets contre des esclaves et de l’ivoire. Nous laisserons de côté le
Pombeiro, lié au monde européen. Ce qui nous intéresse ici, c’est de déceler l’évolution de
182
marchands noirs, distincts des agents du roi africain chargés de l’exécution d’opérations
commerciales pour le compte de ce dernier.
34 En 1526, une lettre du roi D. Afonso I fait état de l’existence d’individus qui, mus « par
l’envie immodérée qu’ils ont de posséder des marchandises de Portugal [...] et afin de
satisfaire leur appétit démesuré, enlèvent de nombreux sujets libres [...] et les vendent
aux négociants blancs »66. Plutôt que d’une ébauche de commerce privé, il s’agirait là d’un
banditisme occasionnel.
35 Vers la fin du XVIe siècle, on voit poindre chez certains membres de la caste dirigeante
congolaise une tendance à opérer des échanges à distance, par l’intermédiaire de leurs
esclaves :
36 « Ceux qui sont puissants ont un grand nombre d’esclaves qu’ils ont capturés à la guerre
ou qu’ils ont achetés. Par ces esclaves, ils trafiquent en les envoyant aux marchés, où ils
achètent ou vendent selon que l’ordonne leur maître »67.
37 Ces « puissants » ne sont pas à proprement parler des commerçants : il s’agit en fait d’une
organisation bureaucratique. Seuls ceux qui sont au sommet de la société peuvent se
livrer au commerce ; nul autre ne peut y accéder, ni s’enrichir par ce moyen.
38 Au milieu du XVIIe siècle, le marchand proprement dit n’a pas encore apparu dans le
royaume du Congo :
39 [Les gens du Congo] « sont fort étrangers au commerce et au trafic de marchandises. Il
s’ensuit qu’ils n’accumulent pas d’argent [...] Les riches et les nobles, qui ont beaucoup
d’esclaves et de possessions, font un peu de commerce... »68.
40 C’est au nord du fleuve que l’on voit s’esquisser une classe de marchands. Il s’agit des
Mubires ou Mubiris, sans doute les Bavili, dont Pierre van den Broecke parle dès 1611,
comme de sujets du roi d’Angoï69. Cavazzi (1654-1667) les assimile aux porteurs70 ;
Cadornega (1680-1681) évoque les Pombeiros et les Mubiris, qui sont « comme des gitans »71.
41 Déjà, en 1642, F. Cappelle avait noté que les Noirs de Loango « ... s’en vont en groupes de
quarante à cinquante hommes vers le Pombo [Pumbo – Bateke] et d’autres lieux, même au
Congo et à Luanda, pour pratiquer le commerce »72.
42 Mais le témoignage de Cappelle ne permet pas de savoir avec certitude si ces groupes sont
effectivement des Mubires, ni si leur initiative est d’ordre privé ou politique. Il faut attendre
la fin du XVIIe siècle pour avoir des preuves plus solides de l’existence de marchands ;
mais il s’agira alors toujours de groupes et jamais d’individus isolés73.
43 Voilà qu’en 1683 les Portugais de Luanda se plaignent que les Mubires (que dans le
document de l’époque on appelle Mubins) viennent jusque dans le Matamba concurrencer
efficacement leurs Pombeiros, en vendant des fusils et de la poudre qu’ils achètent aux
négociants hollandais et français au Loango74. A la fin du XVIIIe siècle, les Mubires agissent
en tant qu’intermédiaires dans la traite entre les régions de Nsundi, d’une part, le Soyo et
le Cabinda de l’autre75. Ils traversent ainsi une grande partie de l’espace occupé par
l’ancien royaume du Congo.
44 Jusqu’à quel point ces marchands pratiquaient-ils le commerce pour s’enrichir ? Était-ce
en effet pour eux une vocation ? Les remarques de Vansina au sujet des Bakuba
d’aujourd’hui aident à situer le problème :
45 « ... les marchands n’y sont pas des professionnels, mais des hommes qui, devant un
besoin urgent de richesses, ont entrepris le commerce dans un esprit de spéculation
occasionnel. Une fois acquise la somme qu’ils convoitent, ils abandonnent le commerce. Il
183
est frappant de voir que, dans un pays où le commerce est si florissant et où l’on peut
s’enrichir en peu de temps, il n’y ait pas de marchands professionnels. La raison en est
qu’une fois une certaine limite de richesse atteinte, l’accumulation de plus de capitaux n’a
pas de raison d’être dans leur système de valeurs »76.
46 Malheureusement, pour intéressant qu’il eût été de le connaître, nous ne savons rien du
« système de valeurs » des marchands du Congo ancien, même à la fin du XIXe siècle.
Toutefois, au tournant de ce siècle, une lettre du roi du Congo D. Henrique V (1896-1901),
datée du 8 février 1901, prouve que les marchands congolais se trouvaient à tel point pris
dans une économie à prix variables, qu’ils étaient conscients de la gêne que pouvait leur
imposer la loi du marché. Les quatre destinataires de cette lettre s’étaient rendus à
Luanda, pour se plaindre du fait que les négociants européens ne payaient plus les prix de
naguère pour les denrées et matières premières d’origine congolaise. Bien que cette crise
fût due à la conjoncture en Europe, on s’en était débarrassé, à Luanda, en leur expliquant
– ce qui était faux, mais parfaitement vraisemblable pour un Africain de mentalité
traditionnelle – que c’était le roi du Congo qui fixait les prix77. Ils s’étaient donc ensuite
adressés à D. Henrique V, qui commence, dans sa réponse, par attirer leur attention sur
« la crise contre laquelle nous luttons ». Il parle de la « baisse des denrées, dont le prix
n’est plus celui auquel on les achetait auparavant ».
47 « ... ce n’est nullement ma faute, parce que le commerce est libre [...]. Bien que roi, je n’ai
rien à voir avec ce que font les négociants [européens] et le gouvernement de Luanda [...]
Je vous affirme donc que le commerce est libre et que les négociants portugais reçoivent
des ordres de leurs patrons, conformément au prix du marché (conforme o cambio), et non
pas du roi, ni de moi, ni du gouvernement [de Luanda]. La même chose nous arrive ici
(café, maïs, cocnote78, ne valent presque rien), et c’est pourquoi tout le monde se consacre
au commerce du caoutchouc. Et vous, pourquoi n’en faites-vous pas autant ? »79.
48 Il semble assez curieux, et comme une ironie du sort, que le roi lui-même, personnage
traditionnellement opposé à toute évolution vers une économie de marché, soit ainsi
amené à la justifier auprès de ses sujets après l’avoir admise.
6. L’ALPHABETISATION
49 Commencée au temps de D. Afonso I, l’alphabétisation ne semble pas avoir donné de
résultats tangibles avant la fin du XVIe siècle. Même alors, l’enseignement que
dispensaient les missionnaires n’était suivi que par une petite minorité appartenant à la
caste dirigeante. Jamais les Congolais ne parvinrent à organiser eux-mêmes l’instruction
publique80.
50 Les données sur le degré d’alphabétisation et sur sa diffusion sont rares et dispersées, et il
est difficile d’en donner une image précise.
51 Parlant de São Salvador, un témoin de la fin du XVIe siècle note qu’« à présent ils [les
Congolais] commencent à tenir école et à enseigner à lire et à écrire, à quoi ils sont fort
affectionnés »81. Cet enseignement fut certainement encadré par les missionnaires.
52 En 1619, l’évêque Manuel Baptista observait que « beaucoup de Congolais d’un certain
rang savaient lire »82. Dans le Soyo, en 1610, Pierre van den Broecke a vu « huit ou dix
écoles comme au Portugal. Tous les enfants apprennent le portugais et reçoivent
l’instruction de cette langue »83. L’existence d’une école est attestée au Soyo, en 1660 et
encore en 168984. En 1643, des ambassadeurs du Soyo, reçus par les Hollandais au Brésil,
184
« comprenaient parfaitement le latin et firent divers discours érudits en cette langue »85.
Le secrétaire du prince du Soyo sait lire et écrire le portugais en 170086 ; en 1775, c’est le
prince lui-même qui est lettré87.
53 Cette alphabétisation était, reconnaissons-le, limitée à São Salvador et aux capitales des
provinces. L’écriture est néanmoins partout accueillie avec grand enthousiasme.
« Beaucoup », dit Cavazzi, « après avoir appris à écrire les caractères européens [...] s’y
habituent de façon stupéfiante. Ils posent leur planchette par terre, ou sur un genou et,
dans cette posture, qui serait sans doute peu confortable pour nous, ils peuvent, car ils en
ont l’habitude, rester immobiles plusieurs heures sans se fatiguer et sans sentir la
moindre gêne »88. Était-ce le prestige « magique » de l’écriture, ou son utilité pratique, qui
suscitait cet engouement89 ?
54 Les Congolais étaient si avides de s’instruire, qu’ils étaient capables de « vendre tout ce
qu’ils avaient pour acheter un livre ou un manuscrit »90, qui pouvait leur coûter fort cher.
Au milieu du XVIIe siècle, une feuille de papier valait l’équivalent d’une poule, aussi
préférait-on se servir de feuilles de bananier, excellent substitut. Une grammaire ne
coûtait pas moins de 10 écus, et le prix d’un missel était aussi élevé que celui d’un esclave91.
55 Mais bientôt le pouvoir, craignant de voir se créer une intelligentzia rebelle, s’efforcera de
freiner l’alphabétisation. « Aussitôt qu’ils sont arrivés à bien copier la grammaire, ou
qu’ils ont appris à lire et à écrire le portugais, le roi leur fait cesser leurs études et les
affecte à d’autres occupations »92.
56 Au XVIIIe siècle, l’ardeur des Congolais à s’instruire diminue ; Bernardo da Gallo notait en
1710 qu’ils « apprennent à lire et à écrire, mais ceux-là sont peu nombreux et étudient
peu »93.
57 Fait significatif, il ne semble pas que les Congolais se soient jamais servis de l’écriture à
des fins bureaucratiques. Elle n’avait, à leurs yeux, d’autre but que de leur communiquer
le christianisme et le savoir des Européens.
58 Au XIXe siècle, la connaissance de l’écriture ne s’est pas perdue, mais elle demeure
restreinte à l’entourage du roi. L. Jadin a publié en traduction française les lettres
autographes du roi D. Garcia V au roi de Portugal, entre 1813 et 181594. António de
Almeida a publié, de son côté, une série de lettres écrites en 1863 par D. Alvaro XIII. Ce roi
régnait à São Salvador de 1858 à 1859, année où il fut chassé du trône par D. Pedro V
(1859-1891) avec l’aide des Portugais. Il se réfugia à Nkunga, d’où il écrivait aux chefs des
Dembos, se proclamant toujours roi du Congo, et les appelant à la révolte contre
l’établissement des Portugais à Ambriz, qu’ils avaient occupé en 1856 : il voulait amener
les Dembos à refuser de leur payer l’impôt et d’employer une monnaie de cuivre qu’ils
avaient mise en circulation.
59 La langue écrite du secrétaire de D. Alvaro XIII est un portugais très approximatif, très
pénible à déchiffrer. Voici d’abord le portugais original, puis une tentative d’adaptation
en portugais correct, et enfin une traduction française de sa lettre du 29 janvier 1863 :
60 29 de janeiro de 1863 / Ao Dembo Fuqueaquitupa D. Gde por muitos anu...
61 Mandamento Saudamento mandamento dea [mor]
62 Como vos e meu Dembo por que Pasado mui[o] Tempo não escrevere me atem agolla empo[rtanto]
Ev Rei do Congo mando Co Frimo não dara o Dízimo do Rei de Portugal por que o Rei de Portugal Fa
[zeré] couza novo o que não faz[ere]Nosos atempasado emportante vos Fazere Cogouegal De todos
185
Dembos para Fazere guerra Foi no A Collo para quebera Fortareza Na Briz [...] Tambem vos Fazere
Caria Foi Napereza Na Briz aCollo elle guerezo Sim Sim não quero Quebra Fortareza vos pormeteo os
Seos povo n[ão] Não Fazere mais Negosio de maquata ev Fiqui porisso. Quando chegaramos mes
deSetebro Fazere guerra.
63 Subri No Reino do Congo tambem mando secreto para [...] Chegara aquim tambem Dembos Cada
quai Dembo Cade anno 30 Siada por ev Rei de Congo o meu Secretario 15 Siadas com jelle deosa.
64 Por Sua mildemente ev tambem não Farta Pelles deosa e Sima de 30 Siadas não Farta [Pelles] deosa
Hoie 29 de Janeiro de 1863 ann.
65 Do Rei do Congo D. Alvaro 1395.
66 Adaptation en portugais moderne :
67 Ao Dembo Fuquiaquitupa D. Gde por muitos anns...
68 Mandamento saudamento mandamento de amor.
69 Como vós sois meu dembo, porque desde hâ tante tempo até agora, me não escreveis ?
70 Portanto, eu Rei do Congo mando e confirmo que vos não déis o dlzimo ao Rei de Portugal porque
êsse soberano mandou fazer coisas novas que nunca foram feitas no tempo dos nossos
antepassados.
71 Portanto, tenciono congregar todos os dembos a-fim-de fazer a guerra e ir ao Icolo para quebrar a
fortaleza do Ambriz.
72 Guerreio, sim ; porque não quero a fortaleza, prometo-vos e aos vossos povos que a destruirei.
73 Não fareis mais negôcio de maquata ; eu fico convencido disso. Quando chegar o mes de Setembro
declararei a guerra.
74 Saberei que no reino do Congo também eu mando. Aqui chegarão também todos os dembos, cada
um deles, e em cada ano, trará 30 enxadas para mim, e 15 enxadas e uma pele de onça para o meu
secretdrio.
75 Peço humildemente que me não faltem também com as peles de onças ou de linces et com as 30
enxadas ; não faltem com as peles de onças.
76 [N Kunga] Hoje 29 de Janeiro de 1863/Do Rei do Congo Alvaro 13. (La lettre porte le sceau royal du
Congo, en papier)96.
77 Traduction en français :
78 « Salut et amitié.
79 Vous qui êtes mon Dembo, pourquoi y a-t-il si longtemps que vous ne m’avez écrit ?
80 Or donc, en tant que Roi du Congo, je vous ordonne et j’insiste sur ce point, de ne pas
verser la dîme au Roi de Portugal, car ce souverain a fait faire des choses qui n’ont jamais
été faites du temps de nos ancêtres.
81 Aussi ai-je l’intention de réunir tous les Dembos, afin de faire la guerre et d’aller vers
l’Icolo pour détruire la forteresse d’Ambriz.
82 Effectivement, je fais la guerre parce que je ne veux pas de cette forteresse, et je vous
promets, à vous et à vos peuples, que je la détruirai.
83 Je suis convaincu que vous n’emploierez plus de maquata97 pour le commerce. Quand
viendra le mois de septembre, je déclarerai la guerre.
186
84 Sachez que dans le Royaume du Congo je suis le Maître, moi aussi. Tous les dembos
viendront ici. Tous les ans, chacun d’eux m’apportera 30 houes pour moi, 15 houes et une
peau de panthère [léopard ?] pour mon secrétaire.
85 Je vous prie humblement de ne pas manquer de m’apporter les peaux de panthère ou de
lynx et les 30 houes ; ne manquez pas de fournir les peaux de panthères »98.
86 En 1879, Bentley observait que le secrétaire du roi D. Pedro V, D. Garcia, parlait et écrivait
bien le portugais99. Mais on peut douter de la compétence du missionnaire anglais pour
juger un texte portugais.
7. LES EMPRUNTS TECHNIQUES
87 Si l’introduction des plantes américaines eut, en fait, une large répercussion sur
l’agriculture au Congo, en revanche nulle introduction d’animal domestique n’y
déclencha (comme celle du cheval en Amérique, par exemple) de révolution dans le mode
de transports. Quatre siècles après l’arrivée des Européens, les Congolais ignorent
toujours l’animal de bât, la traction animale, la charrue et la roue. La raison en est peut-
être que la mouche tsé-tsé freine l’élevage et exclut la présence du cheval.
88 Très vite, l’extraction du fer déclina près de la côte, les forgerons congolais préférant
acheter de la ferraille européenne100. Si dans l’intérieur, à Bembe notamment, on s’y
livrait encore au milieu du XIXe siècle, comme en témoigne Jeannest 101, la métallurgie
indigène est aujourd’hui « une industrie complètement morte » ; partout, les forgerons se
bornent à utiliser la ferraille européenne102. « L’art du forgeron est en décadence depuis le
XVIIe siècle à tout le moins », écrit Rob Wannyn103.
89 L’apparition des tissus européens ne semble pas, du moins pas encore à la fin du XVIe
siècle, avoir porté un coup mortel à la filature et au tissage du coton local104, mais les
techniques employées demeurent rudimentaires et n’accusent aucune influence
européenne.
90 Au milieu du XVIIe siècle, les Congolais fabriquent eux-mêmes des clous 105, mais ils
achètent aux Européens de « gros loquets » (maelslot)106, « des fermetures de malles ou
espèces de cadenas de coffres »107, des scies et des tarières108. A São Salvador, on fabrique
des bougies avec de la cire – « il y en a plus que je n’aurais pensé », dit Jean François de
Rome109.
91 Si l’on considère les différents points évoqués, il ne semble pas que l’acculturation ait été
bien profonde. Au moment du premier contact, l’écart entre les deux niveaux de
connaissances techniques (européen et congolais) était déjà trop grand pour qu’une
osmose puisse avoir lieu. La technique européenne apparaissait aux Congolais non comme
telle, mais comme un pouvoir magique qu’il eût été vain de vouloir assimiler de façon
rationnelle. Au lieu de l’apprendre, ils ont donc dû choisir d’acheter avec la plus
humiliante des monnaies – des hommes – les biens qu’elle procurait. Ainsi l’évolution
technique qui se dessinait chez eux (ils étaient parvenus à un stade assez proche de celui
de l’Europe médiévale) s’est trouvée stoppée, puis on a assisté à une régression.
187
NOTES
1. M.M.A., vol. VII, p. 382 (doc. de 1625).
2. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 132 (texte de la fin du XVI
e siècle), et João de Barros, Décadas da Asia, déc. I, liv. III, cap. IX.
3. D’après Proyart, « Les rois de Kakongo ne peuvent posséder ni même toucher, des différentes
marchandises qui viennent d’Europe, que les métaux, les armes et les ouvrages en bois et en
yvoire. Les Européens et les Nègres qui sont vêtus d’étoffes d’Europe ne sont pas admis dans leur
Palais » (cf. abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p.
145). Le roi du Monomotapa, au XVIe siècle, ne porte que des cotonnades fabriquées dans le pays ;
ses nobles s’habillent de tissus importés d’Inde (cf. João de Barros, Décadas da Asia, déc. I, liv. X,
cap. I).
4. Rui de Pina, Croniqua de el-Rey Dom Joham II, cap. LX.
5. P.M., p. 200 et P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, p. 107.
6. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 123.
7. Rui de Pina, Croniqua, cap. LX, et M.M.A., vol. VII, p. 382 (texte de 1625).
8. Cf. Andrew Battell, in E.G. Ravenstein, The Strange Adventures of Andrew Battell, p. 75 (« Le bétail
européen, chevaux et vaches, s’est tellement développé dans le nouveau monde [l’Amérique du
Sud] qu’on n’y hésite pas à tuer des bêtes, les unes pour leur peau, les autres pour leur queue »).
9. Il remplaça la « bannière du Christ, offerte par les Portugais au roi D. João I en 1491 (cf. Rui de
Pina, Croniqua, cap. LXIII).
10. Cf. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV
(1963), pp. 400 et 404.
11. M.M.A., vol. I, p. 528.
12. João de Barros y fait allusion au Monomotapa (cf. João de Barros, Décadas da Asia, Lisbonne,
1552, déc. I, liv. III, cap. X) ; J. Roscoe au Buganda (cf. J. Roscoe, The Baganda, Londres, 1911, p. 341).
13. Cf. J. Gossweiller, « Nomes Indigenas de Plantas de Angola », in Agronomia Angolana, Luanda, n
° 7 (1953), p. 224.
14. Une description impressionnante d’une ordalie au Congo est donnée par Charles Jean-nest,
Quatre Années au Congo, Paris, 1883, pp. 223-227. Pour la place de l’ordalie dans la rationalisation
progressive du droit à travers l’histoire, cf. Max Weber on law in Economy and Society, trad. angl.
d’Ed. Shils et de Max Rheinstein, Harvard Univ. Press, 1954, pp. 86-97.
15. Cf. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo », in Bull de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV
(1963), p. 400.
16. Cf. L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc.
XXXIII (1961), p. 463.
17. Cf. L. Jadin, « Relation sur le Royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire
de 1791 à 1795 », in Bull, des Séances de l’A.R.S.C, vol. III, fasc. 2 (1957), p. 331.
18. Instructions à Simão da Silva (1512), in M.M.A., vol. I, pp. 233-234.
19. Livro das Ordenações Manuelinas, Lisbonne, éds. de 1512 ou 1513, 1514 et 1521.
20. M.M.A., vol. I, p. 374.
21. Ibid., pp. 233-234 (texte de 1512).
22. J. Cuvelier, L’Ancien Royaume du Congo, p. 202.
23. João de Barros, Décadas da Asia, déc. I, liv. III, cap. X.
188
24. Pigafetta, 11b. II, cap. VII (p. 119 de la traduction française de Willy Bal). Un texte de la fin du
XVIe siècle donne une image analogue de l’habillement des Congolais : « Les nobles sont vêtus de
soie ou d’autres étoffes fines et, sur la tête, ils portent des bonnets rouges, d’autres de velours,
quelques-uns portent des chapeaux. Les femmes sont couvertes de la tête jusqu’aux pieds. Celles
qui le peuvent portent un bandeau autour de la tête, ont le visage découvert et portent des
chaussures » (cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, pp. 142-143.
25. Ibid., p. 119 de l’édition citée.
26. J. Cuvelier et L. Jadin, op. cit., loc. cit.
27. Ibid., op. cit., p. 201.
28. Cavazzi, lib. I, § 343.
29. José de Oliveira Ferreira Diniz, Popufapões Indígenas de Angola, Coïmbre, 1918, p. 41.
30. Pigafetta, lib. II, cap. I.
31. Cavazzi, lib. I, g 51.
32. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 89.
33. Juan Garcia Mateo de Anguiano, La Misión del Congo, p. 68.
34. J. Cuvelier, Documents sur une Mission Française au Kakongo, 1766-1776, in Mémoire I.R.C.B., t.
XXX, fasc. 1 (1953), p. 50.
35. R. Portères, « Berceaux agricoles primaires sur le continent africain », in Journal of African
History, vol. III, n° 2 (1962), p. 195.
36. Pierre Gourou, « Les Plantes alimentaires américaines en Afrique tropicale, Remarques
Géographiques », in Actas do III Colóquio Internacional de Estudos Luso-Brasileiros, Lisbonne, 1959, vol.
I, p. 52.
37. Cavazzi, lib. I, § 52.
38. Pierre Gourou, art. cit., loc. cit.
39. Jean François de Rome, Brève Relation, éd. Bontinck, p. 90.
40. Cavazzi, lib. I, § 87.
41. Ibid., 286 (Gli habitatori delle spiagge cotidianamente se ne seruono in vece di pane).
42. António Barroso, in A. Brásio, António Barroso, Missionário, Cientista, Missiólogo, Lisbonne, 1961,
p. 118.
43. Elias Alexandre da Silva Corrêa, História de Angola (1792), vol. I, p. 139 (« La côte de Cabinda et
de Molemba est couverte de plantations de cette racine, qui est rare en Angola »).
44. António Barroso, in A. Brásio, op. cit., p. 65.
45. Cf. Pierre Gourou, art. cit., pp. 57-58.
46. Cavazzi, lib. I, § 51 (cf. aussi António Barroso (1886), in A. Bràsio, op. cit., p. 58).
47. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 96. Cf. aussi W. R. Stanton, Grain Legumes in
Africa, F.A.O., Rome, 1966, pp. 106-113.
48. Jean François de Rome, op. cit., p. 96.
49. Ibid., p. 94.
50. Cavazzi, lib. I, § 79.
51. Pigafetta, lib. II, cap. I, et Cadornega, op. cit., t. III, p. 370.
52. Pigafetta, loc. cit.
53. Cavazzi, lib. II, § 83.
54. Jean François de Rome, Brève Relation, p. 91.
55. Ibid., p. 91.
56. M.M.A., vol. VI, pp. 375-377.
57. Cf. G. Simonetti, « P. Giacinto Brugiotti da Vetralla e la sua missione al Congo », in Bol. soc.
geog. ital. (1907), vol. VIII, p. 321.
58. António Barroso, in A. Brásio, António Barroso..., p. 66.
59. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 99.
189
60. H. H. Johnstone, « On the Races of the Congo and the Portuguese Colonies in Western Africa »,
in Journal of the Roy. Anthrop. Inst., vol. 13 (1883), p. 475, et J. K. Tuckey, Narrative to Explore the River
Zaire (1816), Londres, 1818, p. 121.
61. Cadornega (1680-1681), t. III, p. 352.
62. António Barroso, in A. Brásio, António Barroso..., pp. 113-114.
63. Cf. Charles Jeannest, Quatre Années au Congo [1869-1873], Paris, 1883, pp. 266-267. Aucun de ces
deux produits ne figure parmi les exportations en 1845 (cf. E. Bouët-Willaumez, Commerce et Traite
des Noirs aux côtes occidentales d’Afrique, Paris 1845, p. 166.
64. Dans l’empire Luanda, le monopole royal du commerce est toujours en vigueur au milieu du
XIXe siècle, malgré le développement considérable des échanges avec l’Angola et le Mozambique
(cf. Joaquim Rodrigues Graça, « Expedição ao Muatayanvua (1843-1845) », in Bol. Soc. Geog. Lisboa, 9e sér., n° 1 (1890), p. 446), et A.C.P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne, 1854, p. 360 : « Le Muata a
fait du commerce son propre monopole, qu’il s’agisse des échanges avec les marchands qui
viennent sur son territoire, ou d’expédier ses produits à l’exté-rieur pour les vendre là où il sait
qu’ils trouveront preneur »). Sur la problématique générale de la question, cf. George Dalton,
« Traditional Production in Primitive African Economies », in Quarterly Journal of Economics, vol. 76
(1962), pp. 360-378.
65. Sur le mot Pombeiro, cf. l’étude très fouillée de Willy Bal, « Portugais Pombeiro, commerçant
ambulant du sertão », in Annali dell’Instituto Universitario Orientale (sezione romanza), Naples, t. VII,
n° 2 (1965), pp. 123-161.
66. M.M.A., vol. I, pp. 489-490.
67. Cf. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 135 (texte de la fin du
XVIe siècle).
68. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 115.
69. Cf. J. Cuvelier, « L’Ancien Royaume du Congo d’après Pierre van den Broecke », in Bull. des
Séances de l’A.R.S.C, t. I, fasc. 2 (1955), p. 408.
70. Cavazzi, lib. IV, § 80.
71. Cadornega, t. II, p. 271. Ceux que Burton rencontra au XIXe siècle près de Calumbo, non loin de
Luanda, étaient « des forgerons qui, comme les gitans, s’éclipsent lorsqu’il est question de payer
des impôts. On ne les méprise pas, mais ils appartiennent à une caste séparée ». (Cf. R. F. Burton,
Two Trips to Gorillaland and the Cataracts of the Congo, Londres, 1876, Pt II, p. 37.
72. Cf. L. Jadin, « Les Rivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in Bull-de l’inst.
Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 230.
73. A notre connaissance, la première référence à des marchands agissant seuls date de la fin du
XIXe siècle. Il s’agit des Bangála de Cassange : « La plus grande ambition d’un Mungála est de
posséder une banza (compound), entouré d’esclaves. 11 travaille à cette fin durant des années,
obtenant une pièce de tissu aujourd’hui, un esclave demain, jusqu’à ce que, les ayant réunis en
quantité suffisante, il s’établisse définitivement afin d’envoyer ses esclaves trafiquer pour lui ».
Cf. H. Capello et R. Ivens, De Benguella as Terras de Iácca, Lisbonne, 1881, vol. I, p. 295.
74. Ralph Delgado, História de Angola, vol. IV, p. 73.
75. L. Jadin, « Relation sur le Royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de
1791 à 1795 », in Bull, des Séances de l’Acad. Roy. des Sc. Col., t. III, fasc. 2 (1957), p. 334.
76. J. Vansina, Le Royaume Kuba, Tervuren, 1964, p. 22.
77. Cf. António de Almeida, « Mais subsidios para a história dos reis do Congo », in Congresso do
Mundo Português, Lisbonne, 1940, vol. VIII, pp. 643-696.
78. L’amande du fruit du palmier à huile.
79. António de Almeida, art. cit. Almeida croit à l’intervention de personnes « civilisées » (sic)
dans la composition de cette lettre.
80. Notons qu’au XIXe siècle les Noirs d’Ambaca, en Angola, avaient leurs propres écoles. Cf. W. H.
Bentley, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, vol. I, p. 170.
190
81. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 135.
82. M.M.A., vol. VI, p. 377.
83. J. Cuvelier, « L’Ancien Congo d’après Pierre van den Broecke (1608-1612) », in Bull, des Séances
de l’A.R.S.C, t. I, fasc. 2 (1955), p. 183.
84. L. Jadin, « Le clergé séculier et les capucins du Congo et d’Angola aux XVIe et XVIIe siècles », in
Bull. de l’Inst. Hist. Belge de Rome, p. 223 et p. 247.
85. Joan Nieuhof, Memorável Viagem Marítima et Terrestre ao Brasil..., 1re éd. hollandaise,
Amsterdam, 1682, trad. brés. São Paulo, 1942, p. 94.
86. Jean Barbot, « A Voyage to Congo River », in Churchill, A Collection of Voyages and Travels,
Londres, 1732, vol. V, p. 503.
87. Cf. L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in Bull, de l’Inst. Hist. Belge de Rome,
fasc. XXXV (1963), p. 380.
88. Cavazzi, lib. II, § 81.
89. Cf. à ce sujet, Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, Paris, 1955, chap. VIII ; et aussi Claude-
Hélène Perrot, « Premières années de l’implantation du christianisme au Lesotho, 1833-1847 », in
Cahiers d’Études Africaines, vol. IV, n » 1 (1963), pp. 110-122.
90. J. Cuvelier et L. Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 131 (texte de la fin du XVIe
siècle).
91. G. Simonetti, « Giacinto Brugiotti da Vetralla e la sua missione al Congo », in Bol. Soc. Geog.
Ital., série IV (1907), vol. VIII, n° 5, p. 377.
92. Giacinto Brugiotti da Vetralla, in Violante Sugliano, « Il P. Giacinto e la sue missione al
Congo », in L’Italia Francescana, IV, Rome (1929), p. 538 (texte du milieu du XVIIe siècle).
93. Bernardo da Gallo (1710), in L. Jadin, « Le Congo et la secte des Antoniens », in Bull. de l’Inst.
Hist. Belge de Rome, fasc. XXXIII (1961), p. 483.
94. L. Jadin, « Recherches dans les archives et bibliothèques d’Italie et du Portugal sur l’Ancien
Congo – II. Lettres de D. Garcia V, 1813-1815 », in Bull. des Séances de l’A.R.S.C, t. II, fasc. 6 (1952),
pp. 961-968.
95. António de Almeida, « Subsidios para a História dos reis do Congo », in Congresso do Mundo
Português, Lisbonne, 1940, vol. VIII, p. 508.
96. António de Almeida, art. cit., p. 509.
97. Pièces de monnaie portugaises en cuivre – cf. A. Bastian, Ein Besuch in San Salvador, Brême,
1859, p. 191.
98. Traduction de Mme S. Biberfeld.
99. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, Londres 1900, vol. I, p. 169.
100. J. Cuvelier et L Jadin, L’Ancien Congo d’après les archives romaines, p. 114 (texte de la fin du XVIe
siècle) ; António Barroso, « O Congo, seu passado, presente e futuro » (1889), in A Bràsio, António
Barroso..., p. 123.
101. Charles Jeannest, Quatre Années au Congo [1869-1873], Paris, 1883, p. 154.
102. Manuel Alfredo de Moraes Martins, Contactos de Cultura no Congo Português, Lisbonne, 1958, p.
34.
103. Rob L. Wannyn, L’Art Ancien du Métal au Bas-Congo, Champles (Belgique), 1961, p. 60.
104. J. H. Weeks, Among the Primitive Bakongo, Londres, 1914, p. 92.
105. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 116.
106. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 519.
107. F. Cappelle (1642), in L. Jadin, « Bivalités luso-néerlandaises au Sohio, Congo, 1600-1675 », in
Bull. de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), p. 229.
108. J. Cuvelier, Relation sur le Congo du P. Laurent de Lucques (1700-1717), p. 115. 10. Jean François de
Rome, Brève Relation (1648), p. 96.
109. Jean François de Rome, Brève Relation (1648), p. 96.
191
Chapitre XVI. La Basse-Guinée aux XVIIIe et XIXe siècles
1. L’ESSOR DES ÉTATS COURTIERS
1 La disparition, à la fin du XVIIe siècle, du royaume du Congo, sombrant dans l’anarchie qui
suivit la bataille d’Ambuíla (1665), entraînera l’usage, de plus en plus répandu au siècle
suivant, de l’expression « Basse-Guinée » pour désigner la côte occidentale, depuis le cap
Lopez jusqu’à Luanda. Elle concerne plus particulièrement les anciens vassaux maritimes
du grand empire de l’intérieur, transformés en États courtiers par ce processus de
« désatellisation », dont nous avons relevé les premiers signes au XVIe siècle.
2 Les États courtiers formeront un écran entre les négociants européens (qui s’éloignent
rarement de leurs bateaux au delà de la plage) et les deux nouveaux grands empires de
l’intérieur, dont l’essor commence alors que le Congo est à son déclin : le royaume Bateke
du Mucoco1 et l’empire Lunda du Muataianvo2.
3 Du fait de leur fonction d’écluses réglant le commerce entre l’hinterland et la côte,
l’organisation politique de ces États courtiers tiendra à des facteurs plus directement
mercantiles que militaires ou charismatiques.
4 Ce sont : le Loango, le Kakongo, l’Angoï, le Soyo, le Mussul, le Matamba et le Cassange3.
Ces deux derniers se trouvent repoussés dans l’intérieur, sur la frontière orientale de la
colonie portugaise de l’Angola.
2. LE LOANGO
5 Les origines du royaume de Loango sont obscures. Avant de passer sous la domination
congolaise4, ses habitants, cannibales selon une tradition rapportée par Dapper, vivaient
en petites chefferies perpétuellement en guerre les unes contre les autres5. Le Loango est
indépendant en 15876, sans doute depuis longtemps déjà. Malgré la perte, dans le premier
quart du XVIIe siècle, de son hégémonie sur ses deux voisins, le Kakongo et l’Angoï 7, il
demeurera néanmoins tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles le plus puissant des trois
royaumes situés entre le cap Lopez et le fleuve Congo8.
192
6 Proyart (1776) indique, comme limites du Loango, le « quatrième degré cinq minutes » de
lat. sud, jusqu’à la rivière Luango Luisa9, l’actuelle Massabe (5° 1’de lat. sud) 10. En 1883, le
lieutenant Cordier donne au royaume ancien des limites différentes : il s’étendait jadis,
selon lui, de la rivière Longebonde au nord, jusqu’au Chiloango au sud. Mais du temps de
Cordier, la souveraineté du roi ne s’exerçait que sur la partie de la côte située entre le
Cuilu et Pointe Noire11. Au nord du Loango ancien se trouvait autrefois le royaume de
Mayombe, à l’est le royaume Bateke et un autre royaume Mayombe12.
7 Les institutions politiques ressemblent à celles du Congo, sauf en ce qui concerne une
coutume originale : la succession (matrilinéaire) passe en principe, par rotation, de l’un à
l’autre des gouverneurs des quatre provinces, tous fils des sœurs du roi. Ces provinces
sont : le Caya, le Mbuku, le Selanganga et le Kibanga13. Selon Proyart, la sœur et la mère
du roi n’habitent pas la capitale, mais d’autres villes du pays. La capitale, nommée Buali,
est située à un mille (hollandais) dans l’intérieur et elle est, selon Dapper (1668), de la
grandeur d’Amsterdam « avant sa dernière extension »14. Le roi est entouré d’un Conseil
d’État composé, toujours selon Dapper, de ministres portant les titres suivants : le Mani-
Bomme, le Mani-Mambo, le Mani-Beloor ou Mani-Belullo, le Mani-Kinga, le Mani-Matta, etc.
Chacun est gouverneur de province et en même temps chargé de fonctions
administratives. Le principal, le Mani-Bomme est chargé des affaires de la mer, c’est-à-dire
du commerce avec les Blancs. Le Mani-Beloor est une sorte de commissaire de police,
chargé d’instruire les cas de sorcellerie et de soumettre les coupables à l’ordalie ; le Mani-
Malta commande l’armée15. Proyart (1776), traduisant sans doute une évolution au cours
du siècle qui sépare les deux témoignages, donne une liste différente : le Ma-Ngovo, le Ma-
Npoutou, le Ma-Kaka, le Ma-Fouka et le Ma-Kimba. Le Ma-Ngovo est « ministre des Affaires
étrangères et introducteur des étrangers à la cour » ; le Ma-Npoutou est « associé au
département du Ma-Ngovo » ; le Ma-Kaka est « ministre de la Guerre et en même temps
généralissime des armées » ; le Ma-Fouka, que « les François appellent Mafouque est le
ministre du Commerce, il est aussi chargé de la police générale des marchés ». Le Ma-
Kimba est « le grand-maître des eaux et forêts ; c’est lui qui a l’inspection sur tous les
bateliers, les pêcheurs et les chasseurs et c’est à lui qu’on adresse le poisson et le gibier
qu’on destine au Roi. On compte encore au nombre des ministres un Mani-Banza, un Mani-
Belé et quelques autres dont on ignore les fonctions »16.
8 Les Portugais vont commercer au Loango dès 1575 environ, les Hollandais à partir du
début du XVIIe siècle17. Ceux-ci sont les premiers à y pratiquer la traite, à partir de 163718.
9 En 1663, le roi accepte de se faire baptiser par un capucin, le P. Bernardo Unghero19, mais
cette tentative de christianisation, suivie d’une autre entre 1766 et 1776 par des
missionnaires français, ne mena à aucun résultat durable20.
10 Vers la fin du XVIIIe siècle, le Loango connaît une décadence, dont profitent ses deux
voisins, le Kakongo et l’Angoï. « La traite », écrit Degrandpré (1787), « se concentre à
Malemba [port du Kakongo], Loango est le plus petit des trois royaumes »21.
11 La fin de la traite, aux environs de 1860, lui portera le coup mortel ; en 1883, l’autorité du
roi n’est guère admise qu’à Loango même, le port du pays. Par le « traité de Protectorat »
proposé en cette même année par le lieutenant Cordier et signé par le roi, la France
occupe toute la côte autrefois dominée par les rois de Buali22.
193
3. LE KAKONGO, L’ANGOÏ, LE SOYO ET LE MUSSUL
12 Le Kakongo et l’Angoï apparaissent encore dans les titres du roi du Congo en 1539,
apparemment comme vassaux, mais rien ne prouve qu’ils n’aient pas été déjà
indépendants à cette date23. On sait avec certitude qu’ils l’étaient en 160724. Les ports des
royaumes de Kakongo et d’Angoï sont respectivement Malemba et Cabinda. Pendant tout
le XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe, la traite y sera florissante, et à Cabinda
encore en 184525.
13 Le Soyo obtint son indépendance du Congo par une série de guerres qui durèrent de 1636
à 164826. Son essor se situera dans la seconde moitié du XVIIe siècle, il est dû surtout au
commerce des Hollandais dans le port de Pinda. Rares sont les renseignements sur le Soyo
au XVIIIe siècle ; les habitants sont réputés lusophobes27, et même xénophobes, exception
faite des missionnaires capucins italiens.
14 Dans le Kakongo, l’Angoï et le Soyo, les principaux personnages qui composent
l’entourage du roi portent des titres identiques. Le Mafouque est ministre du Commerce et
chargé de la police générale des marchés au Kakongo28, arbitre des différends entre Noirs
et Blancs en Angoï (1702-1706)29, chargé de l’accueil des Blancs au Soyo (1700)30. Le
Mangofo est ministre des Affaires étrangères et introducteur des étrangers à la cour au
Kakongo (1776)31, ce titre est simplement cité en Angoï (1766)32, nulle source n’en parle au
Soyo. Le Machingue est mentionné dans les trois royaumes, mais ses fonctions ne sont pas
spécifiées33. Quant au Mambouck et au Manibelle, ils n’apparaissent qu’au Kakongo et en
Angoï34.
15 Le Mussul, petite chefferie de la province de Mbamba au XVIe siècle 35, se voit appelé
« marquisat » à la fin du XVIIe siècle, comme vassal du duc de Mbamba36. En dépit de sa
proximité périlleuse de Luanda, il acquerra au milieu du XVIIIe siècle indépendance37 et
puissance grâce au commerce des Anglais, qui fréquentent le port d’Ambriz à partir de
1760 environ38. En 1790-1791, voulant freiner cette concurrence étrangère et
préjudiciable à leur propre commerce, les Portugais firent la guerre au Mussul39. Le
marquis fut contraint de se déclarer pour un temps vassal de Luanda40, mais il devait
bientôt reprendre son indépendance. En 1888, le « roi » de l’époque, D. Garcia, dut faire
comme son prédécesseur41. Ce n’est pourtant que dix ans plus tard, en 1898, que les
Portugais purent incorporer définitivement le Mussul à l’Angola42.
4. LES ÉTATS COURTIERS MARITIMES ET LECOMMERCE EUROPÉEN
16 Dapper (1668) est le premier à faire allusion au personnage du courtier (makelaer)43, dont
le rôle est décrit plus explicitement par un témoin anonyme de 1702-1706 :
17 « ... [Les courtiers] viennent trouver le Chef du Comptoir auquel ils disent qu’ils ont
trouvé un Marchand qui a, par exemple, deux esclaves à vendre : ils conviennent avec lui
qu’il en donne quatorze pièces de chacun. Le marché ainsi fait, ils y mettent une
condition et disent au Chef : vous vous êtes engagé de me donner quatorze pièces de
chacun des deux Noirs que je dois vous amener mais, si vous voulez que je vous en fasse
venir d’autres, il faut, quand le Marchand auquel ils appartiennent viendra pour vous les
vendre, que vous lui disiez que vous n’en voulez donner que sept pièces : je ferai en
194
quelque sorte qu’il vous les laisse à ce prix et vous me remettrez les sept autres. Le
Directeur est obligé de passer par là »44.
18 Ne confondons pas le courtier avec le marchand itinérant, le Mubiri ; le courtier, lui, ne
voyage pas. Il peut s’agir d’un simple particulier, mais dans ce cas il n’osera pratiquer sa
profession qu’assuré de la complaisance du pouvoir à son égard, et seulement après que le
roi et les « grands » auront terminé leur propre commerce avec les Blancs de la manière
la plus avantageuse. L’atout principal du courtier, par rapport au marchand de l’intérieur,
est sa connaissance des habitudes européennes et de la langue portugaise,
universellement utilisée par les négriers européens. Mais le courtier ignore l’écriture et la
comptabilité écrite ; « ... on a beau faire, écrit Degrandpré, on ne les trompe jamais
longtemps, excepté sur ce qui demande trop de mémoire, car ne sachant point écrire, ils
ne peuvent tenir compte de rien »45.
19 D’ordinaire, les esclaves vendus aux Européens, dans les ports des États courtiers,
proviennent d’autres ethnies dans l’intérieur. « Tout esclave né dans le Royaume est sous
la protection de Mafouque et peut la réclamer contre son maître qui voudrait le vendre
aux Européens, à moins qu’il ne lui en ait donné le droit par son inconduite... » 46.
20 A l’arrivée d’un bateau européen, le préalable à toute transaction est la remise par son
capitaine des « coutumes », consistant en une série de cadeaux au roi et aux membres de
son entourage. L’importance de ces cadeaux varie en fonction du rang occupé dans la
hiérarchie politique par celui qui les reçoit. La tarification des coutumes devient, en effet,
un indice de la structuration politique de l’État courtier.
21 A Loango, en 1703, où la monnaie est la macoutte (natte de raphia), la reine (il n’y a pas de
roi) en reçoit 1 100 ; les fidalgues (notables de la cour) 750 chacun ; la mère et le fils du roi
280 pour tous deux ; le Manabaza, « capitaine de la côte » (sans doute le Mani-Bomme de
Dapper), 140 ; l’interprète 30047.
22 En 1703-1714, à Molemba, port du Kakongo, le Mafouque, le Mangofo et le Mambouck
reçoivent chacun moitié moins de « coutumes » que le roi ; le Manibelle, le « secrétaire »
ou interprète, ne reçoit que deux pièces de tissu48.
23 En 1700, à Cabinda, port de l’Angoï, le roi reçoit pour les « coutumes » 47 pièces, le
Mafouque 31 1/2, le Machingue, le Mambouck et le Manibelle 17 chacun49, mais en 1703-1714
le Mambouck en reçoit autant que le roi, le Mafouque la moitié, le Manibelle un quart50.
24 Après la remise des « coutumes », le roi et le capitaine s’entendent sur le prix en
« pièces »51 à verser pour les esclaves52, et sur les mesures anglaises, portugaises ou autres
à employer pour la longueur des tissus.
25 A Loango, en 1703, on se sert du раu (en portugais = bâton), mais il y a un pau de la reine,
de 28 pouces, celui des fidalgues n’a que 24 pouces et celui des particuliers 16 pouces 1/253.
26 Au Soyo, en 1700, Barbot parle du fathom du prince, de 6 pieds 2 pouces, et du fathom du
peuple de 5 pieds54.
27 L’« ajustage » des mesures, afin d’avantager les « grands » par rapport au peuple dans les
transactions commerciales, traduit une volonté des cadres politiques traditionnels de se
défendre contre les effets désagrégeants et égalisateurs du commerce européen. Nous
avons vu plus haut que le roi du Congo D. Diogo Ier avait déjà recouru à ce même
expédient55. Les négociants européens se voient également obligés de consentir aux
personnages politiques des prix inférieurs56.
195
28 Sur la côte, entre le Loango et le Soyo, on assiste à travers tout le XVIIIe siècle à une hausse
constante du prix en « pièces » des esclaves :
29 Note 5757
30 Note 5858
31 Note 5959
32 Note 6060
33 Note 6161
34 Note 6262
35 Note 6363
36 A ces chiffres, il faut encore ajouter les frais de courtage, de l’ordre de 20 % en moyenne.
37 Le négrier gantois Van Alstein note une hausse de 50 % du prix des esclaves entre 1763 et
176664. Même l’Angola, pourtant soumis au monopole portugais, n’échappe pas au
mouvement, entraîné par la conjoncture extérieure. Elias Alexandre da Silva Corrêa
écrivait vers 1792 que le prix des esclaves avait monté « ces derniers temps » de 30 ou 35
jusqu’à 55 mille reis65.
38 Cette hausse était-elle due à une augmentation de la demande ou à une diminution de
l’offre ? Les éléments qui permettent de répondre à cette question sont extrêmement
fragiles, mais il semble bien que l’on assiste à un accroissement de la demande, qui
dépasse largement les possibilités qu’ont les États courtiers de la satisfaire.
39 A Loango en 1769, le marché est si peu fourni que les courtiers renoncent volontairement
à une partie des « coutumes »66. La pénurie se fait également sentir en 1774 à Malemba, où
les esclaves se vendent très chers67.
40 D’autres raisons sont avancées à l’époque pour expliquer la hausse du prix des esclaves :
la première est l’abaissement du prix des marchandises, consenti par certaines nations
européennes, l’autre est l’âpre concurrence entre les capitaines des négriers. Voici ce
qu’en dit Proyart (1776) :
41 « Les esclaves sont actuellement beaucoup plus chers qu’autrefois, au moins pour les
François ; car ils peuvent être chers relativement à une nation, et ne l’être pas pour une
autre : les François, les Anglois et les Hollandois font également leurs échanges avec des
marchandises, mais ces marchandises sont différentes ; en sorte que la chèreté des
esclaves, pour une nation, dépend du prix qu’elle met elle-même aux marchandises
qu’elle porte aux Nègres ; et ce prix, comme on l’imagine, doit varier à raison du plus ou
moins d’intelligence qui règne entre les particuliers qui font le même commerce. Il leur
seroit facile de ne payer les esclaves que leur juste valeur, et même au-dessous, s’il était
plus permis d’exercer le monopole, et d’être injuste envers le Barbare et l’Étranger, qu’au
196
préjudice du citoyen ; mais par la mésintelligence des Capitaines, tout le contraire arrive :
les esclaves s’achètent comme à l’enchère, et plus que leur valeur. On fixe néanmoins
quelquefois un prix raisonnable, qu’on convient de ne point excéder dans les achats, mais
alors même chacun de son côté, désirant faire promptement sa traite, rend cette
convention illusoire, par un accord tacite qu’il fait avec les Courtiers, de leur payer en
secret un prix supérieur à celui dont ils seront convenus publiquement pour sauver les
apparences. La chose en est aujourd’hui au point que les Nègres craignent eux-mêmes que
les François ne prennent enfin le parti de renoncer à un commerce qui leur devient de
jour en jour plus dispendieux »68.
42 Quelle était, en ce dernier tiers du XVIIIe siècle, la compétitivité des manufactures
françaises sur cette côte, par rapport à celle des autres nations ? Les sources se
contredisent : Proyart laisse entendre que les commerçants français sont désavantagés
parce que leurs « prix de départ » sont trop élevés. Labarthe, parlant de la côte d’Angole69
en 1788, paraît le confirmer : « ... ils [les commerçants] apportent des objets de luxe qui
ne procurent pas de débouché à nos denrées et à nos manufactures »70. Mais voici
Degrandpré (1786-1787), qui déclare : « Les Français se sont emparés exclusivement du
commerce d’Angola, parce que leurs manufactures leur fournissent les objets de traite à si
bon marché, qu’ils pouvaient élever l’achat des esclaves à un prix qui ne permet pas aux
autres nations d’entrer en concurrence »71. D’une enquête globale sur la traite
internationale à travers l’Atlantique au XVIIIe siècle se dégagera la vérité que ces
contradictions ne permettent pas d’établir. D’après un auteur anglais de ce XVIIIe siècle
finissant, la rivalité commerciale sur la côte d’« Angole » se jouait surtout entre Français
et Hollandais, les Anglais menant leurs affaires plus au nord72.
43 Tant Proyart que Labarthe déplorent les conséquences naturelles de la loi du marché –
« la mésintelligence des Capitaines »73, « ils enchérissent les uns sur les autres »74. Proyart
va jusqu’à déplorer l’absence de solidarité raciale entre les différentes nations
européennes, car elle seule pourrait empêcher la loi du marché de jouer en faveur des
États courtiers.
44 Si l’ordre de prépondérance des nations européennes dans le commerce au nord du fleuve
Congo au XVIIIe siècle reste encore à établir, au XIXe, par contre, le rôle dominant de
l’Angleterre ne fait aucun doute. Le commerce britannique avec les régions autour de
l’embouchure du Congo passera d’un chiffre négligeable en 1807 jusqu’à atteindre la
somme de 2 millions de livres en 188475. Vers cette date, un rapport français note qu’il
avait triplé entre 1876 et 1883. Près de la moitié des exportations sont des cotonnades.
Selon le même rapport : « Toutes les étoffes vendues au Congo viennent on le voit
d’Angleterre. Les cotonnades de Manchester, de qualité très inférieure, mais d’un bon
marché extraordinaire, rendent toute lutte impossible à la fabrique de Rouen. Il en est
ainsi dans toute l’Afrique »76.
45 Théoriquement, la libre concurrence des nations européennes n’aurait dû jouer qu’au
profit des États courtiers, y stimulant le développement social et économique davantage
que dans l’Angola, soumis au monopole portugais77. Que se passait-il en réalité ?
46 « Le commerce qui s’exerce sur les côtes avec les étrangers n’intéresse », dit Proyart
(1776), « [...] qu’un très petit nombre de Particuliers, qu’on peut regarder comme les
riches et les puissants du Pays. Quant au peuple, ne connaissant de nécessité que celle de
se nourrir et de se vêtir, et de la manière la plus grossière et la plus simple, il borne son
197
commerce à bien peu de choses... » [suit une description des marchés traditionnels
d’aliments locaux]78.
47 Le commerce européen du temps de la traite n’a donc nulle influence directe sur la masse
de la population et, exception faite de l’introduction des plantes alimentaires
américaines, ne change en rien le niveau de vie de celle-ci. Son principal effet est d’ordre
somptuaire et demeure restreint à quelques privilégiés. Il procure à ces rares
bénéficiaires des plaisirs éphémères, satisfait leur désir de parader avec des babioles et
des habits voyants, ou leur donne le goût des alcools forts et nocifs.
48 L’abolition progressive de la traite, effective seulement aux environs de 1860, obligera les
États courtiers à une reconversion salutaire de leur commerce traditionnel. Au lieu
d’êtres humains, ils exporteront des produits végétaux : l’huile de palme, l’arachide, le
sésame, l’orseille79, la gomme copal, le cocnot, la noix palmiste, le coton, le tabac, le café,
le bois de construction et de teinture et, vers la fin du siècle (1884 environ), le caoutchouc80.
49 Contrairement à ce que l’on pouvait attendre, et bien qu’il intéresse une plus grande
partie de la population qu’auparavant, ce commerce nouveau ne fera qu’accélérer le
déclin politique des États courtiers. Dans le troisième quart du XIXe siècle, leur
organisation sociale apparaîtra comme totalement dissoute dans l’anarchie81. Pourtant, le
volume des échanges avec les Européens ne fait qu’augmenter tout au long du XIXe siècle.
50 Assisterait-on en fait à une déstructuration sociale, accompagnée d’une intensification
progressive des échanges commerciaux et d’une mobilisation croissante des ressources
humaines et agricoles ? On serait mieux en droit de souscrire à ce paradoxe, s’il était
possible de l’étayer par des témoignages sur la vie dans l’intérieur pendant le dernier
tiers du XIXe siècle. Malheureusement, à notre connaissance, aucune constatation
n’éclaire directement le problème.
51 Bastian (1857) nous offre cependant un précieux témoignage, qui explique comment
certains marchands noirs réussissaient à passer en toute sécurité à travers des régions où
le morcellement de l’organisation politique était poussé à l’extrême :
52 « Chaque peuple, en Afrique, s’est assuré le monopole du commerce à l’intérieur de ses
frontières. Il reçoit les marchandises à sa frontière et les transporte jusqu’à celle du voisin
suivant, moyennant une taxe de transit, à payer par le propriétaire. [...] En plusieurs
points de ma route, on me signala que j’étais tenu par la loi de renvoyer mes gens et
d’engager comme porteurs des habitants du pays. Ce n’est que récemment que quelques
modifications sont intervenues, en raison de la nécessité de communications régulières
avec la côte, pour le commerce avec les européens. Quelques tribus ont su acquérir une
sorte d’impunité [...] soit par le paiement d’un tribut, soit par la crainte des maléfices de
leurs sorciers ; c’est ainsi que pour certains articles précieux, comme l’ivoire par exemple,
ils peuvent former une caravane qu’on laisse passer à travers les différents territoires.
Bien entendu, il n’y a aucun espoir d’obtenir d’eux le moindre renseignement, car toute
leur politique tend à entourer ce commerce du plus grand mystère »82.
53 Les mêmes forces surnaturelles, qui avaient autrefois servi de support à l’organisation
politique des États noirs, réapparaissent ici sous forme de sorcellerie, unissant et
protégeant un corps de métier83.
54 Au lieu de diriger leur commerce de leurs bateaux ancrés en rade, selon la coutume du
XVIIIe siècle, les négociants européens du siècle suivant installeront des comptoirs à terre.
Vers 1884, deux maisons françaises, quatre hollandaises, une belge, quatre anglaises et
198
une portugaise tiennent des comptoirs en une vingtaine de points entre Loango et Ambriz84.
55 L’implantation des Européens sur le continent conduira inévitablement à des frictions
avec les Noirs et, pour défendre leurs droits, les Européens appelleront à l’aide des
bâtiments de guerre de leurs pays respectifs, croisant dans les eaux de l’Atlantique. C’est
ainsi qu’il y aura, entre 1845 et 1884, toute une série d’expéditions punitives contre des
chefs noirs de la côte, accusés de violences envers les gérants des comptoirs. En 1849,
1861, 1869 et 1875, les Anglais interviennent à l’embouchure du Congo. En 1849, ce sont
les Portugais, au même endroit. Les Français débarquent à Landana en 187685.
56 Cette situation anarchique, issue de l’émiettement et de la désagrégation de
l’organisation politique indigène, demeure dangereusement ambiguë en termes de droit
international. Elle ne se stabilisera que lorsque, à la suite de la Conférence de Berlin, les
puissances européennes occuperont et « pacifieront » les régions qui leur seront
assignées.
57 La Conférence, convoquée en 1884 par Bismarck, eut pour origine immédiate le
revirement soudain de la politique de l’Angleterre à l’égard d’une revendication
portugaise, lancée dès 1855 et concernant la côte entre Ambriz et le 5e degré 12’de
latitude sud86. Après l’avoir longtemps repoussée, en commun avec la France87, le ministre
britannique des Affaires étrangères, Lord Granville, signa brusquement avec le Portugal,
le 26 février 1884, un traité reconnaissant la souveraineté portugaise entre 5° 12’et 8° de
latitude sud88. Bien que non ratifié par le Parlement britannique, cet acte suscita une
tempête de protestations de toutes les autres puissances89 et précipita la convocation de
la Conférence.
58 Dès avant la signature, on pensait généralement que l’Angleterre, craignant de voir
l’embouchure du Congo passer sous le contrôle de l’Association internationale, ou de la
France, s’était décidée à se l’assurer à elle-même, mais par pays interposé – le Portugal, en
l’occurrence90.
59 L’ambassadeur de France à Lisbonne écrivait à Paris le 14 février 1883 :
60 « Les exigences du Gouvernement anglais [...] ont pour objet de lui assurer une sorte de
suzeraineté sur un territoire que le Portugal ne serait admis à occuper qu’à titre de
vassal »91.
61 Dans son rapport à Paris le 18 mai 1883, le ministre de la République française à Bruxelles,
le comte de Montebello, affirmait :
62 « Je sais en effet de source assez autorisée, par une personne qui, faisant partie de
l’Association Internationale Africaine, et ayant beaucoup vécu en Angleterre, a conservé
dans le pays des relations sérieuses, que Lord Granville n’a pas encore abandonné tout
espoir de conclure avec un État aussi secondaire que le Portugal une convention, qui livre
à sa discrétion un allié dont il est disposé à soutenir les vastes prétentions sur le sol
africain, et dont il pourra user à sa guise »92.
63 A Londres, l’ambassadeur de France estimait que l’Angleterre allait tout simplement se
substituer au Portugal dans les parages en question :
64 « L’impression de la plupart de mes collègues est que l’Angleterre ne soutient les
prétentions du Portugal que pour faire échec à nos projets d’établissement sur la rive
droite du Congo, et quelques-uns d’entre eux vont jusqu’à supposer que le Cabinet de
199
Londres pourrait bien avoir l’arrière-pensée de substituer plus tard son action, dans des
circonstances données, à celle du Gouvernement de S.M.T.F. [le roi de Portugal] »93.
65 Les rapports des trois ambassadeurs ne font pas état d’un fait significatif : l’Angleterre,
tout en se montrant disposée à reconnaître la souveraineté portugaise sur le Congo,
entendait assortir cette reconnaissance d’une exigence destinée à faire apparaître son
initiative comme inspirée de sentiments d’équité et de justice envers d’autres nations : le
Portugal serait tenu d’assurer à toutes les nations la liberté d’accès et de commerce dans les
régions acquises par lui, sans y imposer de droits de douane94.
66 C’était là pour l’Angleterre une générosité peu coûteuse, car ses produits manufacturés,
aux prix hautement compétitifs n’avaient rien à craindre de ceux d’autres pays, moins
industrialisés.
67 La Conférence de Berlin, ayant mis en échec la politique libre-échangiste de l’Angleterre,
en conserva néanmoins le principe, mais en confia l’application, dans l’embouchure du
Congo à l’Etat indépendant. Celui-ci devint propriétaire de tout le bassin congolais, à
condition de n’élever aucune barrière douanière à rencontre d’autres pays95.
68 En 1892, l’État indépendant parvint à arracher aux États signataires de l’Acte de Berlin,
« après de multiples réticences » et « comme de guerre lasse », l’autorisation d’établir des
droits d’entrée. Par un protocole, signé le 8 avril 1892, les trois puissances ayant des
possessions dans la zone occidentale du bassin conventionnel – France, Portugal, État
indépendant – décidèrent d’unifier leur régime douanier. Les droits de douane furent
fixés à 6 % ad valorem sauf pour les armes, les munitions et la poudre, taxés à 10 %.
L’exportation d’ivoire et de caoutchouc se vit frappée de 10 % ad valorem, celle de
l’arachide, du café, du copal rouge, du copal blanc, de l’huile de palme, des noix palmistes
et du sésame à 50 %96.
69 Ce fut ainsi que la côte de l’ancienne Basse-Guinée passa de l’ère de la traite à celle de la
colonisation.
NOTES
1. Sur l’histoire des Bateke, nous attendons la parution très prochaine de l’étude de Jan Vansina.
2. M. Alfredo Margarido prépare actuellement une thèse sur l’histoire économique de l’empire
Lunda.
3. Nous parlerons du Matamba et du Cassange au chapitre suivant.
4. Cf. E. G. Ravenstein, « A Sketch of the History of Kongo », in The Strange Adventures of Andrew
Battel, p. 104. L’auteur ne donne pas ses sources.
5. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 518.
6. Pigafetta, lib. I, cap. V.
7. L’auteur d’un document de 1607 (cf. M.M.A., vol. V, pp. 241-242) affirme que le Kakongo et
l’Angoï sont indépendants à cette date. Battell (1610) parle de l’Angoï comme de « la première
province de Loango » (cf. E. G. Ravenstein, op. cit., p. 42). D’après ces deux témoignages, on peut
situer l’indépendance de ces deux États vers le premier quart du XVIIe siècle.
200
8. L’abbé Proyart (1776) notera que « cette étendue de pays est divisée en plusieurs Royaumes,
dont le plus remarquable est celui de Loango ». Cf. abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et
autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 7.
9. Abbé Proyart, op. cit., loc. cit.
10. Cf. E. G. Ravenstein, op. cit., p. 42, note 6.
11. Archives de la Marine, Paris, série BB 4 1942. Le lieutenant Cordier à M. le Ministre, n° 7,
Loango, 14 mars 1883, annexe D. « Situation politique du royaume de Loango et influence des
Portugais sur cette côte ».
12. Abbé Proyart, op. cit., p. 8.
13. Andrew Battell (1610), in E. G. Ravenstein, op. cit. Dapper affirme qu’il s’agit des frères du roi
(cf. Naukeurige Beschrijvinge, p. 329).
14. O. Dapper, op. cit., p. 519.
15. O. Dapper, op. cit., pp. 533-534.
16. Abbé Proyart, op. cit., pp. 124-125.
17. Cf. M.M.A., vol. VI, p. 480, et Pierre van den Broecke, Voyages (1605), Amsterdam, 1705, p. 344.
18. Cf. C. Vrijman, « Quelques notices sur l’histoire de la traite négrière des Hollandais », in
Bulletin de la Section de Géographie, t. 51 (1936), p. 110.
19. Cavazzi, lib. V, § 54-58.
20. Cf. J. Cuvelier, Documents sur une Mission française au Kakongo (1766-1776), Mémoire I.R.C.B., t.
XXX, fasc. I (1953).
21. L. Degrandpré, Voyage à la côte occidentale d’Afrique fait dans les années 1786 et 1787, Paris, 1801, t.
I, p. XXVI.
22. Cf. Document des Archives de la Marine cité ci-dessus.
23. M.M.A., vol. II, p. 38.
24. M.M.A., vol. V, pp. 241-242.
25. Cf. E. Bouët-Willaumez, Commerce et Traite des Noirs aux côtes occidentales d’Afrique, Paris, 1845,
p. 164.
26. M.M.A., vol. X, p. 115.
27. Rosario del Parco (1760), in L. Jadin, « Aperçu de la situation du Congo et rite d’élection des
rois en 1775 », in Bull. de l’Inst. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV (1963), p. 375. Les habitants
« refusent l’entrée aux Blancs portugais ».
28. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1775, p. 124.
29. Anon., Journal d’un Voyage sur les côtes d’Afrique et aux Indes d’Espagne..., Rouen, 1723, p. 218.
30. Jean Barbot, « A Voyage to Congo River or the Zaire in the year 1700 », in Churchill, A
Collection of Voyages and Travels, Londres, 1732, vol. V, p. 503.
31. Abbé Proyart, op. cit., p. 124.
32. D. Rinchon, Pierre-Ignace-Liévin van Alstein, capitaine négrier, Mém. I.F.A.N., n° 71, Dakar, 1964,
p. 162.
33. Cf. J. Cuvelier, Documents sur une Mission française au Kakongo, 1766-1776, Mém. I.R.C.B., t. XXX,
fasc. I (1963), p. 48 (Kakongo) ; Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce,
Paris, 1723-1730, p. 1071 (Angoï) ; Jean Barbot, in Churchill, op. cit., p. 503 (Soyo).
34. Jacques Savary des Bruslons, op. cit., p. 1071.
35. Cf. Pigafetta (1587), lib. I, cap. viii (Pigafetta écrit « Motolo » ; Dapper (1688) l’appelle « un
village », cf. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 578).
36. Cadornega (1680-1681), in P.M., p. 270.
37. Rosario del Parco (1760), in L. Jadin, « Aperçu... », art. cit., p. 384.
38. Gastão Sousa Dias, Os Portugueses em Angola, p. 221.
39. Ibid., op. cit., p. 294.
40. Marquis de Sá da Bandeira, Faits et Considérations relatifs aux droits du Portugal sur les territoires
de Molembo, Cabinda et d’Ambriz, Lisbonne, 1885, pp. 36-40.
201
41. Hélio A. Esteves Felgas, História do Congo Português, Carmona, 1958, p. 103.
42. António Almeida, « Relações com os Dembos... », in I Congresso da História da Expansão
Portuguesa no Mundo, Lisbonne, 1938, 4a Secção, vol. III, p. 71.
43. O. Dapper, Naukeurige Beschrijvinge, p. 533.
44. Anon., Journal d’un Vogage sur les côtes d’Afrique et aux Indes d’Espagne..., Rouen, 1723, p. 117
(voyage de 1702-1706).
45. L. Degrandpré, Vogage à la côte occidentale d’Afrique, Paris, 1801, t. II, p. 58.
46. Abbé Proyart, op. cit., p. 158.
47. Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce, Paris, 1723, p. 1070.
48. Ibid., p. 1071.
49. Jean Barbot, in Churchill, Voyages, vol. V, p. 510.
50. Jacques Savary des Bruslons, op. cit., p. 1071.
51. « Pièce – c’est aussi une sorte de monnaie de compte, ou plutôt de manière de compter, en
usage parmi les Nègres de la côte d’Angola en Afrique, particulièrement à Malembe et à
Cabinda », cf. Jacques Savary des Bruslons, op. cit., art. « pièce ».
52. Jean Barbot, in Churchill, Voyages, vol. V, p. 504 (Soyo-1700) ; Jacques Savary des Bruslons, op.
cit., p. 1069 (Loango-début XVIIIe siècle).
53. Jacques Savary des Bruslons, op. cit., p. 1069.
54. Jean Barbot, in Churchill, Voyages, vol. V, p. 504.
55. M.M.A., vol. II, p. 234.
56. Jacques Savary des Bruslons, op. cit., p. 1069.
57. Jean Barbot, in Churchill, Voyages, vol. V, p. 504.
58. Anon., Journal d’un Voyage sur les côtes d’Afrique et aux Indes... commencé en 1702 et fini en 1706,
Bouen, 1723, p. 139, et Jacques Savary des Bruslons, op. cit., pp. 1069-1070.
59. D. Rinchon, Pierre-Ignace-Lievin Van Alstein, p. 109.
60. Ibid., p. 172.
61. Ibid., p. 253.
62. Ibid., p. 310.
63. Ibid., P. Labarthe, Voyage à la côte de Guinée..., Paris, 1803, pp. 291-293.
64. D. Rinchon, op. cit., p. 256.
65. Elias Alexandre da Silva Corrêa, História de Angola, vol. I, p. 54, note 2.
66. D. Rinchon, op. cit., p. 256.
67. Ibid., p. 308.
68. Abbé Proyart, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776, p. 155.
69. Le terme « Angole » ou « Angola » est employé par les Français, à l’époque, pour désigner non
l’Angola portugais, mais la côte entre le Loango et Ambriz.
70. P. Labarthe, Voyage à la côte de Guinée, Paris, 1803, p. 198.
71. L. Degrandpré, Voyage à la côte occidentale d’Afrique fait en 1786 et 1787, Paris, 1801, t. I, pp. XXII-
XXIII.
72. Bryan Edwards, The History Civil and Commercial of the British Colonies in the West Indies, Dublin,
1793, vol. II, p. 50 (« Je pense que, du cap Lopez au fleuve Congo, le commerce est surtout
accaparé par les Hollandais et les Français. Au sud du fleuve, les Européens ne font guère de
commerce, sauf les Portugais »).
73. Abbé Proyart, op. cit., p. 155.
74. P. Labarthe, op. cit., p. 198.
75. Cf. R. T. Anstey, Britain and the Congo in the 19th Century, Oxford, 1962, pp. 19-20.
76. Archives des Affaires étrangères, Gabon, Congo, vol. 89. Doc. s.d.n.l.
77. Nous expliciterons davantage au chapitre suivant cette comparaison avec l’Angola.
78. Abbé Proyart, op. cit., p. 159.
79. Espèce de mousse de lichen utilisée pour la teinture.
202
80. E. Bouët-Willaumez, Commerce et Traite des Noirs aux côtes occidentales d’Afrique, Paris, 1845, pp.
163-171. Charles Jeannest, Quatre années au Congo [1869-1873], Paris, 1883, pp. 266-267, et Archives
des Affaires étrangères, Gabon. Congo, vol. 89, « Richesse de la Vallée du Congo. Importance du
Commerce », s.d.n.l. (vers 1884).
81. Cf. le cas du Loango décrit par le lieutenant Cordier, Archives de la Marine, série BB, 1942,
Loango, 15 mars 1883 (« ... le roi Manimacosso ne représente plus qu’une autorité purement
nominale, dépendant absolument de ses prétendus sujets... »).
82. Adolf Bastian, Ein Besuch in San Salvador, Brème, 1859, pp. 129-130.
83. Des exemples analogues de l’immunité des commerçants africains en territoire étranger,
assurée par la sorcellerie, se trouvent ailleurs en Afrique, dans le sud de l’Angola et au Nigéria –
cf. Ingeborg Schonberg-Lothholz, « Die Karawanenreisen der Tjaka um 1900 », in Estudos
Etnográficos 1, Memorias e Trabaihos do Instituto de Investigação Ciêntifica de Angola, 2, Luanda, 1960,
pp. 109-128 ; et Simon Ottenberg, « Ibo Oracles and Intergroup Relations », in South-western
Journal of Anthropologg, vol. 14, n° 3 (1958), pp. 295-317.
84. Archives des Affaires étrangères, Gabon. Congo. vol. 89, « Richesse de la vallée du Congo.
Importance du Commerce », s.d.n.l.
85. Cf. notre travail, « Pesquisa sobre a presença européia na bacia do Congo realizada em
arquivos de Paris » [1850-1884], in Boletim da Filmoteca Porluguesa, n° 20, Lisbonne, 1962, pp. 44, 46
et 47-56 ; cf. aussi R. T. Anstey, Britain and the Congo in the 19th Century, Oxford, 1962, pp. 16-17.
86. R. T. Ansley, Britain and the Congo in the 19th century, p. 46.
87. Cf. J. Scott Keltie, The Partition of Africa, Londres 1893, pp. 140-141. L’attitude de la France
apparaît dans les pièces conservées dans les archives de la Marine française, cf. notre travail
« Pesquisa sobre a présença européia... », in revue citée, pp. 31-118.
88. Cf. texte du traité, in R. T. Anstey, Britain and the Congo..., pp. 241-246.
89. Des mouvements hostiles au traité se manifestèrent au Portugal et en Angleterre, mais pour
des motifs diamétralement opposés.
90. On peut déjà reconnaître ce projet, sous une forme embryonnaire, dans un memorandum
interdépartemental, daté du 28 avril 1858, du fonctionnaire du Foreign Office W. H. Wylde, cf. R.
T. Anstey, Britain and the Congo..., pp. 51-52.
91. Archives de la Marine, série BB4 1943, M. de Laboulaye à M. Challemel-Lacour, 14 février 1883.
92. Ibid., M. le comte de Montebello à Challemel-Lacour, 18 mai 1883.
93. Ibid., M. Tissot à M. Fallières, Président du Conseil, 16 février 1883.
94. Cf. texte du traité in R. T. Anstey, Britain and the Congo..., p. 241.
95. S. E. Crowe, The Berlin West African Conference, Londres, 1942. pp. 148-149.
96. Alain Stenmans, La Reprise du Congo par la Belgique, Bruxelles, 1949, pp. 132-133.
203
Chapitre XVII. L’expansionportugaise dans l’ancien Angola(1575-1880)
1 Le vaste territoire qui constitue aujourd’hui l’Angola est le fait du partage convenu par les
grandes puissances à la conférence de Berlin en 1884-1885. Possesseurs en droit dès cette
date, les Portugais n’ont pu imposer partout leur autorité qu’au terme des deux premières
décennies du XXe siècle. Jusque vers 1880, le territoire sur lequel on peut dire qu’ils
avaient maintenu depuis le XVIe siècle une administration effective et ininterrompue,
l’Angola d’alors, était limité à l’étroite langue de terre située entre le Bengo et le Cuanza,
et s’étendant sur environ 300 km vers l’intérieur1.
2 Le Benguela, englobé dans le nouvel Angola de la fin du XIXe siècle, était auparavant un
territoire séparé, au sud, avec lequel les Blancs de l’Angola ne communiquèrent que par
mer jusqu’au milieu du XIXe siècle.
3 Le fait que le Cuanza est navigable pour de petites embarcations jusqu’à 200 km dans
l’intérieur2 a sans doute été déterminant dans le choix que firent les Portugais de
s’implanter dans la région de son embouchure.
4 En 1575, à l’instar de précédents pratiqués au Brésil, la couronne portugaise accorde à
Paulo Dias de Novais, petit-fils de l’explorateur Bartolomeu Dias, une charte l’autorisant à
conquérir, pour lui-même et ses héritiers, 35 lieues (environ 200 km)3 de côte au sud du
Cuanza, et « aussi loin vers l’intérieur qu’il pourra pénétrer, en territoire déjà conquis
[par les Portugais] »4. Elle lui octroie en outre la partie de la côte entre le Dande et le
Cuanza, se réservant cependant de la reprendre après la mort de Novais. C’est dans cette
dernière région seulement que les Portugais réussiront à s’implanter dans les siècles
suivants. De la première, il ne sera pas question avant le XIXe siècle.
5 Selon les termes de cette charte, l’intéressé était tenu de faire cultiver et mettre en valeur
les terres conquises et de construire, dans les dix premières années, trois châteaux forts
entre le Bengo et le Cuanza. Rien, dans le texte, ne laisse transparaître le véritable objectif
en vue : les célèbres et chimériques « mines d’argent » de Cambambe5, dont la rumeur
publique parlait depuis 15206.
204
6 Ce n’est que le 20 février 1575 que Dias de Novais débarque à Luanda. Le pays ne lui est
pas inconnu : il y a fait une première reconnaissance, qui lui a valu un séjour forcé à la
cour du roi d’Angola (1562-1565)7. 700 hommes, tous « sujets d’élite » et bien armés
l’accompagnent, selon une source8 ; 350 seulement selon une autre, plus sûre d’ailleurs –
des trafiquants, des cordonniers et des tailleurs9.
7 Pendant trois ans10, il vit en paix avec le roi d’Angola et n’engage aucune action militaire,
se contentant d’acheter et d’exporter comme esclaves, à la cadence de 12 000 par an, des
délinquants que le roi d’Angola « vend pour ne pas les exécuter »11. Les missionnaires
jésuites, qui accompagnent l’expédition, sont impatients de voir commencer la conquête
car, selon leur nouvelle doctrine, l’évangélisation ne peut commencer qu’après la sujétion12. Ils reprochent à Novais d’être « trop mou et trop lent »13. En fait, ses hésitations sont
dues à des difficultés financières, malgré l’aide fournie de Lisbonne par Jorge da Silva et
Jerónimo Castanho. En lui octroyant la charte, la couronne s’était déclarée dégagée de
toute responsabilité à cet égard, mais il n’en reçoit pas moins, entre 1578 et 1587, cinq
apports nouveaux en hommes et en matériel, provenant soit de la couronne soit de
particuliers14, ce qui prouve que le démarrage de son entreprise ne fut pas facile.
8 L’année 1580 marque la fin de la période de coexistence pacifique avec le pouvoir
indigène. Averti par un « mauvais Portugais » des véritables intentions de Novais15, le roi
d’Angola fait tuer à sa cour 30 Portugais et saisit leurs marchandises, valant 20 000
cruzados16. Cet acte, « motivé par la convoitise »17, décide Novais « ... à renoncer à
s’emparer des mines pacifiquement, parce que les Noirs sont de mauvaise foi, aussi bien le
roi que les autres, et à les passer tous au fil de l’épée »18.
9 Dès lors s’abat sur l’Angola l’impitoyable furie destructrice de ces nouveaux
Conquistadores. Un missionnaire écrit en 1583 :
10 « ... cette année, les Portugais ont conquis la moitié du royaume d’Angola et battu quatre
armées du roi. Des milliers de [ses] vassaux ont été tués et on s’est emparé des mines de
205
sel, ce qui est le plus grave pour eux, car le sel leur sert de monnaie. D’innombrables
esclaves ont été capturés [...] D’une armée, on a rapporté 619 nez des têtes coupées, et
dans une autre il y a eu tant de victimes que les cadavres jonchaient le sol [...] Il n’est pas
de guerre d’où les Portugais ne sortent enrichis, parce qu’ils s’emparent des esclaves, des
boeufs, des moutons, du sel, de l’huile de palme, des porcs, des nattes de raphia qui
servent de lits, et des pots »19.
11 Le principe de la colonisation systématique prévue par la charte est donc oublié : la
guerre et le pillage se révèlent plus rentables que l’agriculture et le labeur pour assurer
les moyens de subsistance. Ce ne sera pas avant 1625 que l’on verra les Blancs cultiver un
peu de manioc. Pour d’autres cultures, il faut attendre le XIXe siècle20.
12 Parvenus à Cambambe, les Portugais s’aperçoivent bien que les fameuses « mines »
n’étaient qu’un mythe, comme l’avait dit Balthasar de Castro en 152621 ; mais on ne
cessera pas d’y croire pour autant22.
13 Après la mort de Novais, en 1589, la couronne reprend l’Angola et y nomme des
gouverneurs. Pour administrer la conquista, on adopte le système d’encomiendas, appliqué
par les Espagnols au Nouveau Monde. Chaque soba (chef indigène) est placé sous la tutelle
d’un amo, sorte de « protecteur », qui est soit un missionnaire jésuite, soit un soldat blanc23. Le système engendre tant d’abus (l’amo extorquant à son soba des tributs excessifs)
qu’il fait l’objet d’une vive polémique, qui sera portée jusque devant le roi, à Madrid24. En
1601, Philippe III d’Espagne en ordonne la suppression, les tributs (esclaves, nattes de
raphia et vivres) devant désormais être versés directement au trésor du roi, c’est-à-dire
au gouverneur.
14 Convaincu de l’inexistence des mines d’argent, le roi fait arrêter la conquête, « ... afin que
continue pacifiquement l’achat d’esclaves et de tout ce que la terre peut donner »25. Sa
tentative pour « figer » et « moraliser » la conquista restera sans effet pendant près d’un
quart de siècle, car de 1603 à 1623 ce sont les gouverneurs eux-mêmes qui perpétuent les
abus. Ils entreprennent des guerres contre les Noirs sans la moindre provocation, dans le
seul but de capturer des esclaves26.
15 Une bande de Jagas cannibales nomades, errant dans le pays, est embauchée comme
« chiens de chasse » pour les y aider27. Au cours du premier quart du XVIIe siècle, ces Jagas
fonderont dans l’est du pays le petit royaume de Cassange, qui durera jusqu’à la seconde
moitié du XIXe siècle. Pendant tout le XVIIIe siècle, leur principale occupation de courtiers
d’esclaves entre les Portugais et les populations de l’intérieur leur vaudra une notoriété
sans rapport avec les dimensions réduites de leur État.
16 Les habitants du Dongo, par contre, fuiront leur patrie. Certains se retireront jusqu’au
delà du Cuango, pour finir par s’installer, entre 1700 et 1730, sur le sixième parallèle entre
le 18e et le 21e degré de longitude est. Une de leurs traditions raconte ainsi leurs premiers
contacts avec les Portugais :
17 « Nos pères vivaient confortablement dans la plaine de Luabala28. Ils avaient des vaches et
des cultures ; ils avaient des marais de sel et des bananiers.
18 Tout à coup, ils virent sur la grande mer surgir un grand bateau. Ce bateau avait des ailes
toutes blanches, étincelantes comme des couteaux.
Des hommes blancs sortirent de l’eau et dirent des paroles qu’on ne comprenait pas.
19 Nos ancêtres prirent peur, ils dirent que c’étaient des Vumbis, des esprits revenants.
206
20 On les repoussa à la mer par des volées de flèches. Mais les Vumbis crachèrent du feu avec
un bruit de tonnerre. Beaucoup d’hommes furent tués. Nos ancêtres s’enfuirent.
21 Les notables et les devins dirent que ces Vumbis étaient les anciens possesseurs de la
terre.
22 Nos pères quittèrent la plaine de Luabala, craignant le retour du bateau Ulungu.
23 Ils se retirèrent sur la rivière Lucala. D’autres étaient restés près de la grande mer.
24 Le bateau revint et des hommes blancs réapparurent. Ils demandaient des poules et des
œufs ; ils donnaient des tissus et des perles.
25 Les Blancs revinrent encore. Ils apportèrent du maïs et du manioc, des couteaux et des
houes, des arachides et du tabac.
26 De ce temps-là à nos jours, les Blancs ne nous apportèrent plus rien, sinon des guerres et
des misères.
C’est à Luanda qu’ils nous apportèrent les arachides, le maïs et le manioc et la manière de
cultiver »29.
27 Le pouvoir indigène démantelé en Angola, le pays devenu « un désert »30 et abandonné de
ses habitants31, les Portugais s’aperçoivent que la guerre n’a pas seulement des avantages,
car les marchés d’esclaves ont cessé32, leur prix a augmenté et il faut les chercher de plus
en plus loin33. Sans un ordre indigène « en face », il ne peut y avoir de commerce et celui-
ci se révèle désormais plus rentable que la guerre34. On essaie donc de faire la paix.
28 Dans le premier quart du XVIIe siècle, le cycle initial des razzias s’achève et l’on voit se
dessiner une politique de commerce « pacifique », qui va permettre à certains Portugais
d’amasser de très grosses fortunes, comme l’affirme un témoin anonyme de 1643, qui
« était absolument certain que ce royaume [l’Angola] permet à certains hommes de
s’enrichir plus que l’Inde Orientale »35.
29 Ce commerce « pacifique » n’hésitera cependant pas à faire appel à des moyens de
coercition. Nous n’en voulons pour preuve que cette liste d’abus pratiqués par les
délégués du gouverneur, chargés de l’administration dans l’intérieur, abus auxquels celui-
ci tente de mettre fin vers 1625-1630. D’origine africaine, ces usages avaient été faussés
par les Blancs à leur avantage. Ils employaient volontiers la violence pour transformer la
structure sociale indigène, fondée sur la réciprocité, en un système d’exploitation
économique. Voici donc les coutumes, qui donnaient lieu à des abus :
30 D’abord le futa : c’est une sorte de tribut versé par un inférieur à un supérieur, en
témoignage de soumission. Aucun soba n’abordait un délégué du gouverneur sans lui
apporter un futa. Les délégués en abusaient et convoquaient les sobas sous des prétextes
fantaisistes. De même, lorsque les délégués partaient en tournée auprès des sobas, ils les
obligeaient par « force et violence » à donner le futa.
31 Il y avait aussi le vestir (littéralement « habiller »). Les gouverneurs, ainsi que leurs
délégués, envoyaient auprès des sobas un Macunze, « sorte d’ambassadeur » noir. Les
candidats étaient nombreux pour cette mission lucrative. Le Macunze se rendait
somptueusement vêtu auprès des sobas, s’asseyait sur un siège à dossier (cadeira de
espaldas) et jouait le rôle du gouverneur ou du délégué. Il se disait venu pour recevoir la
loanda (tribut) et, au moyen de milongas (accusations gratuites de fautes passibles d’une
amende), exigeait du soba « au moins dix esclaves, et s’il n’était pas riche cinq », sans
compter ceux qu’il fallait lui donner en plus, pour son compte personnel. Le soba était
souvent obligé de céder ses propres femmes et ses esclaves.
207
32 L’ocamba était une sorte de vente forcée. Le délégué du gouverneur envoyait aux sobas de
sa juridiction un cadeau (vin, pagnes ou autres marchandises) sous couleur « d’amitié et
de bonnes relations (boa correspondência) » et même si le soba refusait, il le poussait à
accepter par de bonnes paroles, laissant le cadeau dans sa case. Mais si, au bout d’un
certain temps, celui-ci oubliait de payer, « on exigeait de lui des esclaves dont la valeur
était trois ou quatre fois plus grande que celle du cadeau ».
33 L’infuca est analogue à l’ocamba : on imposait au soba des marchandises à crédit puis, passé
un certain délai, la créance était réclamée. S’il ne payait pas, le débiteur se voyait enlever
ses femmes, ses enfants et ses vassaux comme esclaves. L’affaire se soldait par un bénéfice
considérable pour le délégué du gouverneur36.
34 On ne se contenta pas de dénoncer ces abus. Afin de limiter les frictions entre Noirs et
Blancs, on tenta d’interdire les marchés de l’intérieur (sertão) aux commerçants blancs.
Seuls les pombeiros, noirs ou métis, pourraient les fréquenter37.
35 Ces louables résolutions resteront en grande partie sans effet, et les abus continueront
jusqu’au XIXe siècle. « Les délégués du gouverneur, et en général tous ceux qui vivent dans
l’intérieur (sertão) », écrit le gouverneur D. Miguel António de Melo en 1802, « et y
remplissent des fonctions publiques, volent énormément et oppriment cruellement les
populations indigènes... »38.
36 Malgré la politique de commerce pacifique, voulue par la métropole, les guerres n’en
continuent pas moins, mais elles prendront désormais la forme soit de soulèvements des
Noirs, soit d’expéditions punitives.
37 Dès le premier tiers du XVIIe siècle, la domination portugaise en Angola s’appuie sur
quatre forts situés dans l’intérieur, chacun ayant sa garnison de troupes portugaises :
Massangano, fondé en 1583 (le fort-clé) ; Muxima, fondé en 1599 ; Cambambe, fondé en
1604, et Ambaca, fondé en 1611. Ces forts étaient entourés d’une région tenue par des
sobas vassaux du pouvoir de Luanda, lesquels étaient contraints, outre le paiement d’un
tribut en esclaves, en nattes de raphia et en vivres39, de faire acte d’obéissance au cours
d’une cérémonie appelée undamento : le soba se prosterne devant le gouverneur, qui jette
sur lui un peu de « farine » de manioc, dont il se frotte la poitrine et les bras40.
38 Au delà des territoires vassaux « fidèles » se trouvent les marchés où se rendent les
pombeiros : Ambuíla, inauguré c. 1625 ; Dondo, c. 1625 ; Beja, c. 1625 ; Aco, c. 1627 ; et
Pungo Andongo c. 162741.
39 A Pungo Andongo règne un roi fantoche, choisi par les Portugais. Le véritable pouvoir
indigène est représenté par la reine Jinga, repliée dans le Matamba, devenu son royaume
à la place de l’Angola perdu42.
40 Cette étonnante figure, qui parle d’ailleurs le portugais à la perfection43, domine toute
l’histoire de l’Angola au XVIIe siècle. Pendant près de trente ans, elle oppose aux Portugais
une inflexible hostilité. Adoptant les coutumes des Jagas, elle fait régner dans son
Quilombo une atmosphère continuelle d’horreur et de terreur. Le cannibalisme et
l’infanticide sont institutionnalisés. Imitant la fondatrice des rites Jaga, Tembandumba,
elle pilonne un bébé dans un mortier pour en faire l’onguent magique conférant le
courage guerrier44. Elle arrache le cœur d’enfants qu’on lui apporte et le dévore, ou bien,
sans attendre qu’ils soient nés, éventre leur mère pour s’en emparer45. A tout propos,
pour satisfaire ses caprices, elle fait exécuter des quantités de malheureux individus, puis
oblige ses valets à nettoyer la place sous ses yeux en léchant le sang répandu46.
208
41 Un Français, de Massiac, de passage à Luanda vers 1663, nous a laissé la description
suivante de ses goûts insolites :
42 « C’était une princesse fort guerrière et aymant grandement ses plesirs pour lesquels elle
avoit toujours quantité de jeunes Noirs les mieux faits qu’elle pouvoit treuver, elle les
faisoit ordinèrement habiller en femme et elle s’habiller en homme. Une de ses fantaisies
estoit de vouloir qu’ils couchassent avec des jeunes Noires sans qu’ils s’en prévalussent en
aucune manière, disant qu’elle vouloit qu’ils luy feussent fidèles dans le péril et dans
l’occasion même »47.
43 La littérature française lui doit le sujet du roman de M. L. Castilhon, Zingha, reine d’Angola,
Histoire africaine en deux parties, Paris, 176948.
44 L’occupation hollandaise de Luanda en 1641 immobilisera pendant sept ans les Portugais,
tenus en état de siège dans l’intérieur. Enhardie, la reine Jinga s’allie aux Hollandais,
revient sur ses terres perdues et harcèle les Portugais, réduits à la dernière extrémité49.
45 Après le départ des Hollandais en 1648, elle se replie de nouveau dans le Matamba,
craignant la vengeance des nouveaux maîtres de Luanda. Mais ceux-ci adoptent envers
elle une attitude conciliatrice : on cherche à la persuader d’abandonner ses coutumes
inhumaines et d’accepter de recevoir des missionnaires. Selon Cavazzi, ce « désir de
s’accommoder avec les barbares » serait moins motivé par un « zèle chrétien que par la
nécessité »50 : il importait d’assurer l’approvisionnement en esclaves.
46 En 1657, d’un commun accord, le fleuve Lucala est accepté comme frontière entre
l’Angola et le Matamba51.
47 A partir de 1655, la reine Jinga abandonne par étapes successives ses rites barbares et,
cédant à la persuasion des missionnaires capucins italiens, se laisse convertir au
christianisme52. Elle fait construire une église en pierre, Santa-Maria-de-Matamba,
terminée en 166353. Son Qui-lombo devient un modèle de piété54 ; de peur que l’oisiveté ne
conduise les dames de sa cour au libertinage, elle fait venir de Luanda des femmes
portugaises pour leur apprendre la broderie55. Lorsqu’elle reçoit des Blancs, elle fait
préparer une table à l’européenne, avec de l’argenterie56.
48 Cette situation édifiante durera onze ans : en 1663 elle mourait en odeur de sainteté à
l’âge de 81 ans57. Alors le cannibalisme renaît, les missionnaires sont chassés, le
christianisme oublié et la ville de Matamba détruite58. Désormais, ses habitants
sombreront dans la plate routine des négociants en esclaves.
49 Au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle, les Portugais n’étendront leur domination
vers l’intérieur qu’une seule fois : grâce à la prise de Pungo Andongo en 167159. A cette
seule exception près, ils se soucieront davantage de promouvoir le commerce pacifique
sur les rives du Lucala et du Cuanza que d’engager des opérations militaires.
50 Un agent officiel du gouvernement de Luanda (capitão-mor) sera installé auprès des
pouvoirs indigènes pour arbitrer, en collaboration avec eux, les différends survenus entre
les Pombeiros et leurs clients, et pour veiller à la stabilité des prix. On les verra à Cassange
(1678)60, à Matamba (1660)61 et à Ambuíla vers 164962. En 1658, le Cassange est considéré
comme le principal marché de tout l’intérieur63.
51 Luanda connaît à cette époque son âge d’or : sa population (Noirs et Blancs) double entre
1641 et 1680, pour atteindre 40 000 habitants64. Celle de l’intérieur, par contre, décline
gravement à cause, dit le Jésuite Manuel Fernandes (1670), des guerres intestines, des
razzias pour capturer des esclaves, et des effets de la variole65.
209
52 Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, et pendant tout le XVIIIe, le principal souci des
Portugais sera le Congo, bientôt la « Basse Guinée », demeurée ouverte au commerce non
portugais. Bien qu’évincés de Luanda, les Hollandais n’en continuent pas moins à
fréquenter impunément l’embouchure du grand fleuve, où ils sont bien accueillis par les
Congolais, en dépit des promesses faites aux Portugais de chasser ces protestants
hérétiques.
53 Est-ce la concurrence étrangère si redoutée, plutôt que la convoitise des mines de cuivre
de Bembe, qui est réellement à l’origine de la tension que les hommes de Luanda font
monter pendant plus d’une décennie (1653-1665) contre les Congolais ? Les deux guerres
qu’ils entreprennent contre le Congo (1665) et le Soyo (1670), malgré la défaite subie au
cours de la dernière, font bien sombrer les pouvoirs noirs dans l’anarchie, mais ne
résolvent pas le problème de la concurrence étrangère, qui ira en augmentant.
54 Le XVIIIe siècle verra les Français se joindre aux Hollandais. Les « nations du nord »,
comme les appellent les Portugais, oseront fréquenter toute la côte, depuis Loango
jusqu’à Ambriz même66. Leur commerce concurrence victorieusement celui des Portugais
sur deux points : d’une part, n’ayant pas de frontière terrestre à défendre, comme c’est le
cas pour l’Angola, ces « intrus » n’hésiteront pas à vendre aux Noirs de la poudre et des
armes à feu, ce qui est défendu aux négociants portugais afin de ne pas encourager de
guerres entre Noirs ou contre les Blancs ; d’autre part, les agents des « nations du nord »
achètent l’ivoire au prix du « marché », alors que ce commerce est en Angola un
monopole royal et le prix, fixé par la couronne portugaise, inférieur à celui qu’acceptent
de payer les « étrangers »67.
55 Vers le milieu du XVIIIe siècle, la concurrence étrangère deviendra telle que le courant
traditionnel d’esclaves des « provinces du nord », c’est-à-dire des régions au nord de
Luanda, cessera de parvenir en Angola, parce qu’entièrement dévié vers les ports
fréquentés par les « étrangers ». Pis encore, les marchandises de ces concurrents, « d’une
qualité supérieure à la portugaise » et à des « prix accessibles », pénétreront de proche en
proche jusqu’à Luanda même68. Pour tenter d’endiguer ce flux, les Portugais construiront
en 1759 le fort de S. José d’Encoge, non loin d’Ambuíla69, dont l’efficacité ne durera que
sept ans, jusqu’en 176670. Plus tard, en 1783, ils tenteront de nouveau de parer à la
concurrence étrangère en fondant un fort à Cabinda71, mais la marine française les
forcera à se retirer, au nom de la liberté de commerce, égale pour toutes les nations72.
56 L’analyse du nombre d’esclaves exportés annuellement de l’Angola révèle deux graves
crises, l’une au début du XVIIIe siècle, l’autre à la fin. La première, apparente dès 168473,
persiste jusqu’en 171774. Elle a deux causes, très probablement liées : l’une, les exigences
du Cassange et du Matamba, désireux de tirer plus de profit des échanges avec les
Portugais75 ; l’autre, la concurrence étrangère dans les ports du nord. C’est à cette époque
que les Mubiris commencent à concurrencer les Pombeiros dans la zone d’influence
commerciale des Portugais76. La seconde crise, brutale, se situe entre 1766 et 176977, elle
n’aura son dénouement qu’après le début du XIXe siècle. Parmi les causes, il y a certes
toujours la concurrence étrangère, mais aussi un phénomène nouveau et significatif : le
Cassange et le Matamba, surtout chasseurs d’esclaves pendant la seconde moitié du XVIIe
siècle, se transforment, au cours de la première moitié du XVIIIe en États-courtiers, leur
rôle devenant celui d’écluses par lesquelles passent les courants d’esclaves en provenance
de l’empire Lunda. L’exportation d’esclaves par le Muataianvo, potentat suprême des
Lundas, semble bien survenir au XVIIIe siècle, et non avant, puisque Cadornega (1681), le
210
premier à faire allusion aux Lundas, affirme qu’à cette date leur commerce avec le
Cassange se limitait au sel, qu’ils échangeaient contre des nattes de raphia. Leur situation
par rapport au Cassange semble être alors assez subalterne, car les Jagas n’hésitent pas à
retenir certains de leurs émissaires pour les manger78.
57 Au milieu du XVIIIe siècle, les Lundas exportent des esclaves en quantité ; Manuel Correia
Leitão en témoigne lors de sa visite au Cassange en 175579. Le contrôle rigoureux et
profitable qu’exerce le Cassange sur le commerce à travers le Cuango est décrit par le
gouverneur d’Angola en 1754 : « Ce Jaga [de Cassange] est puissant et ne permet à aucun
Blanc d’approcher les rives du Cuango, ni d’entrer en contact avec les habitants de l’autre
partie du fleuve. Il ne leur permet pas non plus de pénétrer sur son territoire, mais il fait
du commerce avec eux et leur achète les Noirs au tiers du prix pour lequel il nous les
vend »80.
58 Les Lundas manifestent une impatience croissante à l’égard des deux États-courtiers (le
Matamba et le Cassange) et trouvent de plus en plus contestable ce rôle d’écluse (leur
permettant non seulement de contrôler, mais aussi de rançonner le trafic d’esclaves),
qu’ils s’étaient attribué et entendaient préserver, au point de vouloir interdire aux autres
tout contact direct avec les Blancs. Déjà, en 1755, Correia Leitão fait état de l’hostilité des
Lundas à l’égard du Cassange, « lequel aurait déjà été vaincu, sans les armes à feu et la
poudre que lui fournissent les Portugais »81.
59 Entre 1761 et 1765, les Lundas exercent une pression militaire sur les populations
habitant les rives du Cuango, et provoquent une invasion du territoire soumis aux
Portugais par les Hungos et les Sossos82, ethnies qui finiront par s’établir dans les terres
méridionales de l’ancien royaume du Congo – les districts actuels d’Uige et de Negage
(Bahungos), de Damba et Pombo (Sossos), où ils se trouvent encore aujourd’hui83.
60 En 1767, les Lundas attaquent le Cassange et le Matamba, qui demandent en vain des
secours aux Portugais84.
61 Un ressentiment, mêlé de jalousie et d’humiliation, à l’égard des États-courtiers jugés
inférieurs et indûment soutenus par le « sacré technologique » des Blancs, avait sans
doute incité les Lundas à cette riposte, qui visait à crever l’écran courtier afin d’accéder à
ce nouveau pactole, que leur paraissait être le commerce européen. Leur geste n’est pas
sans analogie avec celui des Jagas envahissant le Congo au XVIe siècle. Dans une certaine
mesure, ils atteignirent leur but : selon Birmingham, ils auraient établi un contact à
travers le Congo avec les ports du nord, en contournant le Cassange et le Matamba, ainsi
que le fort portugais d’Encoge85. On trouve un reflet de cette poussée des Lundas vers
l’ouest dans les traditions orales des Bayakas et des Lundas du Muataianvo, relatant
l’émigration et l’installation du chef Lunda, Mwene Putu Kasongo, sur la rive droite du
Cuango, près de sa confluence avec le Nganga, vers 6° 30’de latitude sud86.
62 Cela expliquerait la longue crise des exportations d’esclaves du port de Luanda. La
moyenne exportée au cours du XVIIIe siècle n’est que de l’ordre de 8 000 individus87, donc
très inférieure à celle du milieu du siècle précédent, qui était d’environ 15 00088.
63 On mesure mieux encore le déclin de la fortune des Portugais en Angola au XVIIIe siècle à
leur abandon progressif de Luanda : de 5 000 en 171189, leur nombre tombe à 500 en 176090
. Ils étaient déjà 2 000 en 164191.
64 En 1789, Elias Alexandre da Silva Corrêa dresse un bilan pessimiste de la situation des
Blancs : les esclaves coûtent plus cher, les affaires vont mal, Luanda est en décadence, et
lorsque les maisons tombent en ruine, on ne les reconstruit plus92. Du côté africain, la
211
saignée démographique continue toujours. Selon un document officiel, la région
d’Ambaca avait perdu en 1782 les deux tiers de ses habitants par suite des razzias pour
capturer des esclaves93.
65 Ce n’est qu’après le début du XIXe siècle que les choses iront mieux, mais pour les Blancs
seulement. Pendant la première moitié du XIXe siècle, la traite connaît un essor sans
précédent : la moyenne annuelle de 8 000 esclaves exportés passera à 13 000 voire à 14 000
pour le premier tiers du XIXe siècle94. Encore s’agit-il là de chiffres officiels qui ignorent la
fraude. L’ancien gouverneur d’Angola, Alves Roçadas, exagère-t-il en avançant, comme
montant global des exportations de l’Afrique portugaise occidentale, l’énorme nombre de
190 000 esclaves par an entre 1807 et 1819, puis 100 000 pour la période 1819-184795 ? Ce
second nombre est répété par J. J. Monteiro pour la première moitié du XIXe siècle96. Après
s’être prudemment renseigné, Buxton estima en 1839 que plus de 150 000 esclaves
traversaient l’Atlantique chaque année, le Brésil en important environ 100 000 et Cuba
dans les 60 00097. Lloyd estime ainsi les exportations totales de l’Afrique occidentale :
66 1788 100 000
67 1810 85 000
68 1830 25 000
69 1840 35 00098
70 Seules des estimations des exportations provenant d’Afrique occidentale au nord de
l’équateur permettraient de savoir si les chiffres de Roçadas et de Monteiro sont
démesurément gonflés. Celui de 190 000 l’est presque certainement. Les thèses que
préparent actuellement Mme Susan Herlin Broadhead et M lle Phyllis Wright éclairciront
sans doute ce problème.
71 Vers la fin du siècle, les Portugais réussissent à contourner le Cassange, comme les
Luandas l’avaient fait quelques décennies plus tôt. Honorato da Costa, agent du
gouverneur à Cassange, s’y emploie depuis 1797. Deux de ses pombeiros métis parviennent,
entre 1802 et 1811 à traverser l’empire Lunda et atteignent le Mozambique99. En 1807, des
émissaires du Muataianvo arrivent à Luanda, où ils sont reçus en grande pompe par le
gouverneur100. L’essor de la traite dans la première moitié du XIXe siècle est sans doute en
partie la conséquence de cette suppression (d’ailleurs provisoire) de la barrière courtière.
72 A partir de 1840, la campagne internationale contre l’esclavage, et la surveillance
préventive des eaux de l’Atlantique par la marine britannique101, étoufferont
progressivement ce qui était depuis trois siècles la principale activité des Blancs en
Angola. De son côté, le Portugal légifère dans ce sens : un décret de la métropole, de 1836,
interdit le transport d’esclaves par mer ; un autre, de 1854, interdit leur entrée dans la
colonie par voie de terre, c’est-à-dire venant de l’empire Lunda102. L’esclavage n’est
officiellement aboli dans la colonie qu’en 1878103.
73 Première conséquence de cette abolition : la population noire augmente dans l’intérieur.
Voici le nombre d’habitants dans les principales circonscriptions soumises à l’autorité
portugaise en 1819, 1845 et 1861 :
212
74 Note 104104
75 Note 105105
76 Note 106106
77 En revanche, la population blanche décroît : Luanda a 1 601 habitants européens en 1845107, ils ne sont plus que 830 en 1851108. La ville paraîtra à Monteiro en 1858 « délabrée et
abandonnée »109, et au lieutenant Cantaloub en 1875 « bien déchue de son ancienne
splendeur »110. D’après un témoin français de 1881, sa population totale est tombée en 10
ans de 18 000 à 13 000 habitants111.
78 De même que les États-courtiers du nord devant l’abolition de la traite, l’Angola
parviendra petit à petit à effectuer sa reconversion économique. Celle-ci est ardemment
prônée, dès 1839, par António de Saldanha da Gama, gouverneur de la colonie de 1807 à
1810.
79 « Comme l’abolition de la traite est une affaire, où l’Angleterre pense employer toute son
influence politique [...] les Portugais devront très bientôt cesser de se livrer à ce trafic. Il
n’est pas moins certain que, si le Gouvernement Portugais ne s’applique pas dès
maintenant à opérer une reconversion du système économique propre à ses colonies,
pour remplacer surtout le revenu du commerce des Noirs, celles-ci ne tarderont pas à
être ruinées, et même peut-être tout à fait perdues pour le Portugal »112.
80 Mais il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour discerner les premiers signes
d’une mutation. En 1869, le contre-amiral d’Auriac constate que Luanda « paraît s’animer
un peu et entrer dans la voie du progrès commercial ». La cire, le gingembre, l’huile de
palme, le café, l’ivoire, l’orseille, la gomme copal et l’arachide, sont exportés en grande
quantité113. L’essor du caoutchouc commencera entre 1870 et 1883114.
81 La renaissance progressive de la présence portugaise en Angola, au cours des deux
premiers tiers du XIXe siècle, se manifestera sur deux plans, l’un diplomatique, l’autre
militaire.
82 Nous nous occuperons d’abord de ce dernier : en 1838, les Portugais étendent leur
domination jusqu’à englober dans l’Angola une partie du Matamba, le Quiloange
Quiassama, dont ils font le nouveau district de Duque de Bragança115.
83 Entre 1850 et 1861, ils lancent des opérations militaires contre le Cassange, afin de lui ôter
définitivement le monopole du commerce avec les pays d’outre-Cuango116. L’entreprise se
solde par un demi-échec117. Le Cassange est d’ailleurs déjà en décadence118. Voici comment
apparaissait à A. R. Neves en 1850 ce qui avait été, au XVIIIe siècle, le plus important centre
commercial de l’intérieur :
84 « J’ai été assez surpris par l’étendue de la foire de Cassange, en même temps que j’avais le
cœur serré par l’état lamentable où il se trouvait : abandonné au début de la saison des
pluies, les herbes [capim] avaient poussé si haut que les maisons y étaient à moitié
213
enfouies : les rues plus ou moins droites, bordées de bananiers et d’autres arbres, tout se
confondait : ici une porte défoncée, là d’autres grandes ouvertes, les maisons servant
d’abri aux bêtes sauvages. Tout n’était que dévastation. Tel est le tableau qu’offrait la
foire de Cassange »119.
85 De 1867 à 1883, le Cassange reste entièrement livré à lui-même, et jusqu’à la fin du siècle
aucune autorité portugaise ne parvient à s’y imposer. Les difficultés des Portugais
tiennent surtout aux faibles moyens dont ils disposent à de si grandes distances de
Luanda120.
86 En 1856, ils occupent Ambriz pour prévenir la réalisation d’un projet anglais visant à
s’emparer des mines de cuivre de Bembe et à les exploiter121, mais en 1858 ils se voient
obligés de céder les droits d’exploitation à la Western Africa Copper Company. Ils occupent
militairement la capitale du Congo, São Salvador, toute proche, de 1860 à 1866, se retirant
cette année-là, lorsque l’exploitation des mines, décidément non rentable, est
abandonnée122.
87 L’offensive diplomatique que mènent les Portugais à partir de 1855 sera plus fructueuse
que leurs opérations militaires. Comme nous l’avons déjà noté, c’est dès cette année-là
que le Portugal revendique la partie de la côte s’étendant jusqu’à 5° 12’de latitude sud,
c’est-à-dire juste au nord de Landana, englobant sous sa souveraineté l’embouchure du
Congo123. En 1863, une carte officielle, dont les auteurs sont Sá de Bandeira et Fernando da
Costa Leal, indique la frontière revendiquée comme acquise. La publication de cette carte
(suivie de rééditions) suscite des commentaires inquiets de la part des autorités françaises124.
88 Un cartouche porte en français les « observations » suivantes :
89 « La province d’Angola a pour limites maritimes le Rio Cacongo et le Cap Frio, ou plus
exactement le 5e degré 12 minutes et le 18 e degré de latitude méridionale. Voyez
convention entre Portugal et la Grande-Bretagne du 19 février 1810. Convention entre ces
mêmes puissances du 28 juillet 1817. Charte constitutionnelle de la Monarchie Portugaise
du 29 avril 1826.
90 …………………………………………………………………………………………
91 En 1570 le roi du Congo a fait cession au roi de Portugal de toute la côte maritime
comprise entre le Zaïre et l’île de Loanda »125.
92 Les limites données à la colonie par les auteurs de la carte dépassent de loin celles
admises par J. A. Carvalho e Menezes en 1834 :
93 « Sa frontière [de l’Angola] se trouve au nord du Fleuve Dande, dont l’embouchure est à 8°
29’, et s’étend jusqu’au Cabo Negro, à 15° 41’. Il touche au nord les terres du Marquis de
Mossul et d’autres tributaires du roi du Congo, à l’est les Moluas et autres indigènes, et au
sud les déserts... »126.
94 Quant à Loango, Cabinda, Molembo, Ambriz, l’auteur ajoute : « Nous n’y avons pas de
Colonies ni, comme il le faudrait sans doute, sur le grand fleuve Zaïre ou Congo »127.
95 Les termes de la Convention entre le Portugal et la France, du 30 janvier 1786 sont, en fait,
plus imprécis que ne le font croire les auteurs de la carte :
96 La France « ne s’arroge pas le droit de contester ni de reconnaître les titres qu’expose la
Cour de Portugal à la propriété, souveraineté et commerce de la côte d’Angola depuis le
cap Padron [rive méridionale de l’embouchure du Congo] vers le sud exclusivement aux
autres nations, mais consent que le commerce de ses sujets [de la France] sur ladite côte
214
ne s’étende pas au sud du fleuve Zayre [le Congo] au delà du dit cap Padron, à condition
que les autres nations n’étendent point le leur au delà du dit Cap »128.
97 Le traité entre le Portugal et la Grande-Bretagne, du 19 février 1810, appuie la
revendication portugaise concernant les territoires au nord du grand fleuve, que la
France avait rejetée, mais ne donne aucune précision quant à la côte entre l’embouchure
du Congo et Luanda :
98 « Il faut toutefois qu’il soit bien entendu que les stipulations du présent article ne seront
pas considérées comme invalidant ou affectant en aucune façon les droits de la Couronne
Portugaise sur les territoires de Cabinda et Molembo, lesquels ont été autrefois contestés
par le Gouvernement Français... »129.
99 Par le traité du 28 juillet 1817, entre la Grande-Bretagne et le Portugal, la possession du
territoire s’étendant entre le 18e et le 8e degré de latitude fut reconnue à ce dernier.
Quant aux territoires de Molembo et de Cabinda, situés entre 5° 12’et 8° de latitude sud, le
Portugal déclarait pour sa part qu’il voulait uniquement réserver ses droits130. La charte
constitutionnelle de la monarchie portugaise (29 avril 1826) affirmait unilatéralement
que l’Angola, le Cabinda et le Molembo faisaient partie des possessions portugaises131.
100 Il n’existe, à notre connaissance, nul document contemporain faisant état d’une
prétendue cession par le roi du Congo au roi du Portugal, en 1570, de la côte entre
l’embouchure du Congo et l’île de Luanda. Comme nous l’avons vu plus haut, le roi D.
Sebastião « refusa généreusement » une « proposition » de D. Âlvaro I de devenir son
vassal132.
101 Les puissances réunies au congrès de Berlin en 1884-1885 devaient finalement repousser
la revendication portugaise de souveraineté jusqu’au 5e degré 12’de latitude sud, mais
l’inlassable obstination du Portugal à reculer la frontière septentrionale de l’Angola
devait néanmoins porter ses fruits, permettant un accroissement territorial considérable.
Par l’acte de Berlin, il s’est vu attribuer la majeure partie de l’Ancien Royaume du Congo,
territoire sur lequel il ne parviendra d’ailleurs à exercer une autorité effective que près
de trois décennies plus tard.
102 Tandis que le Portugal semblait réussir jusqu’à un certain point sa campagne
diplomatique, son emprise réelle sur les populations de l’intérieur devait se relâcher au
cours du dernier tiers du XIXe siècle.
103 Le Cassange ayant déjà échappé à son contrôle, voici qu’en 1872 la région des Dembos, aux
portes même de Luanda, se soulève133. La révolte, attisée par l’ex-roi du Congo D. Álvaro
XIII, éclate sur un refus de payer l’impôt aux autorités portugaises134. Les Portugais ne
parviendront à soumettre les Dembos qu’en 1919135, et cela grâce à une invention dont on
néglige trop l’importance pour la pacification coloniale, la mitrailleuse136.
104 Lorsqu’en 1907 João de Almeida fit une reconnaissance de cette région, dont les habitants
jouissaient depuis un quart de siècle d’une indépendance totale, il fut stupéfait d’y
rencontrer une organisation et un mode de vie pénétrés d’influence européenne. Le pays
était divisé en Concelhos, divisés à leur tour en Divisões. Les chefs avaient sous leurs ordres
des soldats commandés par des capitães et cabos (capitaines et caporaux) qui, outre leurs
fonctions militaires, surveillaient et dirigeaient les travaux agricoles ainsi que l’entretien
des chemins. La région exportait du café vers Luanda ; les méthodes d’agriculture
reflétaient celles en usage au Portugal ; la majeure partie de la population savait lire et
écrire le portugais et le parlait couramment. Les hommes s’habillaient à l’européenne et
les femmes se couvraient la poitrine. Les maisons possédaient des portes et des fenêtres
215
et on y découvrait des chaises, des tables, des bancs, des armoires avec des tiroirs et des
lits, dont certains à dosserets137.
105 Un chef Dembo, chez qui Almeida fut hébergé, lui rendit visite le soir de son arrivée, un
livre sous le bras. « Eh bien ! » lui dit-il de but en blanc, « quels sont les principaux
événements du règne de D. João II [roi de Portugal de 1482 à 1495] ? » Très surpris,
Almeida lui en cita quelques-uns. « Il y a encore celui-ci, et celui-là, et encore celui-là »,
répliqua son interlocuteur, énumérant ceux qu’il avait omis138.
Seules les surfaces en blanc à l’intérieur des frontières indiquent l’occupation effective.
106 Longtemps soumis aux pires souffrances et aux vexations de l’époque de la traite, en
même temps qu’à une administration portugaise injuste et oppressive, les Dembos en
sortirent, malgré tout, de loin plus évolués matériellement que les populations des États-
courtiers.
NOTES
1. Voir à ce sujet les limites de la colonie de l’Angola, indiquées par le gouverneur dans son
rapport pour l’année 1861 (cf. Sebastião Lopes de Calheiros e Menezes, Relatório do Gover-nador
Geral da Provincia..., Lisbonne, 1867, pp. 5-6). Le fort d’Encoge, construit en 1759 dans les terres
méridionales de l’ancien royaume du Congo, ne devait représenter après 1853 qu’un élément
symbolique de la présence portugaise. Cette année-là, les soldats de la garnison, qui n’avaient pas
reçu de solde depuis trois ans, se révoltèrent et furent rappelés à Luanda. Francisco de Salles
216
Ferreira, qui visita Encoge en 1854, n’y trouva que 14 soldats noirs encadrés par deux Blancs. La
végétation avait tout envahi, mais les murailles du fort demeuraient intactes (cf. Francisco de
Salles Ferreira, « Diario da Viagem para S. José de Encoge, feita em Dezembro de 1854 », in Annaes
do Conselho Ultramarino (parte não oficial), Lisbonne, série II (1859), pp. 53-54.
2. Gastão Sousa Dias, Os Portugueses em Angola, Lisbonne, 1959, p. 31.
3. La lieue portugaise est de 5,92 km, cf. F. Mauro, Le Portugal et l’Atlantique au XVIIe siècle, Paris
1957, p. LVII.
4. M.M.A., vol. III, pp. 36-51, texte de la donation du 19-9-1571.
5. Cf. la lettre de Dias de Novais du 3-1-1578, in M.M.A., vol. IV, p. 294, et d’autres dans le même
volume.
6. M.M.A., vol. I, p. 432 (doc. de 1520), et aussi M.M.A., vol. I, p. 540 (doc. de 1530).
7. M.M.A., vol. II, p. 489 (doc. de 1562), et M.M.A., vol. II, p. 530 (doc. de 1565).
8. Cf. J. C. Feo Cardoso, Memória contendo... a História dos Governadores... de Angola, Paris, 1825, p.
129.
9. Domingos de Abren de Brito, « Sumario e Descripção do Reino de Angola... (1591) », in Felner,
Um Inquérito..., p. 23.
10. 5 ou 6 selon un doc. de 1594, cf. M.M.A., vol. IV, p. 557.
11. M.M.A., vol. III, p. 146 (doc. de 1576).
12. M.M.A., vol. II, p. 518.
13. M.M.A., vol. III, p. 145 (doc. de 1576).
14. 400 soldats, des munitions et des articles de commerce en 1578 ; 200 soldats et 22 000
cruzados en 1579-1580 ; 200 soldats en 1584 ; 90 soldats en 1586 et 150 en 1587 (cf. M.M.A., vol. IV,
pp. 564-565). Un document anonyme de c. 1600 affirme qu’un million g medio de oro de la Hacienda
Real fut dépensé pour la conquête de l’Angola, in Documentação Ultramarina Portuguesa, Centro de
Estudos Históricos Ultramarinos, Lisbonne, 1962, vol. II, p. 204.
15. M.M.A., vol. IV, pp. 558 et 572 (doc. de 1594).
16. M.M.A., vol. III, p. 190 (doc. de 1580).
17. Ibid., loc. cit.
18. Ibid., loc. cit.
19. M.M.A., vol. III, p. 248 (doc. de 1583).
20. Cf. Cadornega, op. cit., t. I, pp. 124-127.
21. M.M.A., vol. I, pp. 485-487 (doc. de 1526).
22. On peut se demander d’où venait l’argent envoyé d’Angola au cardinal D. Henrique
(1578-1580), et dont on a tait des calices (cf. Balthasar Telles, Chronica da Companhia de Jesus na
Provincia de Portugal, 2e partie, Lisbonne 1647, liv. VI, cap. XXVII, pp. 621-622). Vraisemblablement
de Potosi, clandestinement via Buenos Aires, port qui importait de nombreux esclaves d’Angola.
« ... tout l’argent qui est au Brésil et en Angola vient de là », écrit Pyrard de Laval, Voyage
(seconde partie), Paris, 1615, pp. 383-386.
23. Fernão Guerreiro, Relações Annuais, vol. II, Evora, 1605, f° 125 r°, (t. I, p. 395, de l’éd. de
Coïmbre, 1930) ; et aussi M.M.A., vol. IV, pp. 353-354 (doc. de 1583).
24. Cf. Fernão Guerreiro, op. cit., loc. cit., ainsi que M.M.A., vol. IV, pp. 442-452, et Francisco
Rodrigues, História da Companhia de Jesus na Assistência de Portugal, t. II, vol. II, pp. 535-548. Le
Portugal est sous la souveraineté espagnole de 1580 à 1640.
25. M.M.A., vol. V, p. 389 (doc. de 1607), et M.M.A., vol. V, p. 265 (doc. de 1607).
26. 2. M.M.A., vol. VI, p. 368 (doc. de 1619).
27. Cf. Jan Vansina, « The Foundation of the Kingdom of Kasanje », in Journal of African History,
vol. IV, n° 3 (1963), pp. 355-374 ; et aussi M.M.A., vol. VI, p. 283 (doc. de 1617), et M.M.A., vol. VI, p.
368 (doc. de 1619).
28. Rivière non identifiée.
217
29. Tradition orale fournie par Makunzu et recueillie par G. L. Haveaux, La tradition historique des
Bapende orientaux. Mémoire I.R.C.B., t. XXXVII, fasc. 1 (1954), pp. 47-48.
30. M.M.A., vol. VII, p. 78 (doc. de 1622-1623).
31. M.M.A., vol. VIII, p. 242-243 (doc. de 1633).
32. M.M.A., vol. VI, p. 370 (doc. de 1619).
33. M.M.A., vol. VIII, p. 243 (doc. de 1633).
34. Ibid., vol. VIII, p. 362 (doc. de 1625).
35. Cité par Edmundo Correia Lopes, A Escravatura, Lisbonne, 1944, p. 99.
36. Cf. Felner, Angola, pp. 471-472 (doc. de c. 1625).
37. Ibid., pp. 520-521.
38. D. Miguel António de Mello, « Relatório do Governo... » (Angola no começo do século XIX) », in
Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa, 5a série (1885), p. 553.
39. Felner, Angola, p. 233.
40. Ibid., p. 471.
41. Ibid., p. 471.
42. Cavazzi, lib. V, § 112.
43. Cavazzi, lib. IV, § 22.
44. Cavazzi, lib. V, § 107, et lib. II, § 6.
45. Ibid., lib. V, § 109.
46. Ibid., lib. V, § 109.
47. P. Salmon, « Mémoire de la relation de voyage de M. de Massiac à Angola et à Buenos Aires »,
in Bulletin des Séances de l’Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer, t. VI, fasc. 4 (1960), p. 594 ; et
aussi Cadornega, t. I, p. 416.
48. Sa principale source est l’ouvrage de Francesco Maria Gioia, La Meravigliosa conversione della
Regina Singa [sic], Naples, 1669, cf. O. de Bouveignes, « Sur la source d’un roman africain de 1769 »,
in Zaire, vol. II, n° 7 (1948), pp. 797-800.
49. Cf. David Birmingham, Trade and Conflict in Angola, Oxford, 1966, p. 108.
50. Cavazzi, lib. VI, § 2.
51. Cadornega, t. III, p. 208.
52. Cavazzi, lib. VI, § 4, § 22.
53. Ibid., lib. VI, § 51 et 101. L’édifice avait 32,25 m de long, 10,50 m de large et 7,75 m de haut.
54. Ibid., lib. VI, § 46.
55. Ibid., lib. VI, § 80, et Cadornega, t. II, p. 224. Cadornega dit qu’elle envoyait des Noires à
Luanda apprendre cet art.
56. Ibid., VI, § 86.
57. Ibid., lib. VI, § 109.
58. Ibid., lib. VI, § 134.
59. Cadornega, t. II, pp. 314-329 et p. 546 note 80a.
60. Ibid., t. II, p. 375 et t. III, p. 217.
61. Cavazzi, lib. VI, § 74, et Cadornega, t. II, p. 257.
62. Cadornega, t. II, pp. 53-61.
63. Gastão Sousa Dias, A Batalha de Ambuíla, Lisbonne, 1942, p. 105.
64. P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, p. 143.
65. Ms. cité par C. R. Boxer, The Golden Age of Brazil, Los Angeles, 1962, p. 4.
66. Les négriers de la Compagnie Française de l’Assiente fréquentent le Loango, le Kakongo, le
Cabinda, à partir de 1703 (cf. Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce,
Paris, 1723-1730, pp. 1069-1070). Les Anglais fréquentent le Mussul à partir de 1758-1764, cf.
Gastão Sousa Dias, Os Portugueses em Angola, Lisbonne, 1959, p. 221.
67. David Birmingham, Trade and Conflict in Angola, pp. 138-139.
68. Elias Alexandre da Silva Corrêa, História de Angola (1792), vol. II, 15-16.
218
69. Ibid., loc. cit.
70. David Birmingham, op. cit., p. 154.
71. Elias Alexandre da Silva Corrêa, op. cit., vol. II, p. 80, et P. Labarthe, Voyage à la côte de Guinée,
Paris 1803, pp. 187-188.
72. Elias Alexandre da Silva Correa, op. cit., vol. II, p. 105.
73. David Birmingham, Trade and Conflict in Angola, p. 134.
74. Ibid., p. 137.
75. Ibid., p. 134-135.
76. Ibid., p. 137.
77. Ibid., p. 154 ; Gastão Sousa Dias, sans donner de détails, attribue cette phase aiguë aux
« irrégularités et abus » du contratador à qui avait été affermé le droit d’exporter des esclaves (cl.
Gastão Sousa Dias, Os Portugueses em Angola, p. 203).
78. Cf. Cadornega, op. cit., t. II, p. 219, qui les appelle Mozuas, « vassaux d’un seigneur très
puissant ». Mozua est une forme de Molua, terme par lequel seront couramment désignés les
Lundas aux XVIIIe et XIXe siècles. Manuel Correia Leitão (1755) fait allusion au « Grand Seigneur
des Moluas... le Muataianvo », cf. Gastão Sousa Dias, « Uma viagem a Cassange nos meados do
século XVIII », in Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa, série 56, n° 1-2 (1938), p. 25.
79. Gastão Sousa Dias, art. cit., loc. cit.
80. Ibid., art. cit., p. 4.
81. Ibid., art. cit., p. 16. Correla Leitão parle ici de la nation Malando, puis fait allusion au « Grand
Seigneur des Moluas, le Muataianvo », donnant à entendre qu’il s’agit d’ethnies différentes. Il
nous semble licite de les assimiler, car A. C. P. Gamitto, lors de sa visite au roi Cazembe en 1832,
appeUe ses sujets Lundas, Marundas, ou Arundas, ajoutant que l’héritier du roi devrait être fils
d’une femme originaire des terres du Muataianvo, cf. A. C. P. Gamitto, O Muata Cazembe, Lisbonne,
1854, pp. 243 et 350.
82. David Birmingham, Trade and Conflict in Angola, p. 150.
83. Cf. Hélio A. Esteves Felgas, As Populações Nativas do Congo Portuguis, Luanda, 1960, pp. 26-27.
84. David Birmingham, Trade and Conflict in Angola, p. 152.
85. Ibid., p. 154.
86. M. Plancquaert, Les Jagas et les Bayakas du Kwango, Mémoire I.R.C.B., t. II, fasc. I (1932), pp.
84-86.
87. Elias Alexandre da Silva Correa, História de Angola, vol. I, p. 61. La série de chiffres que donne
Burningham tend à confirmer Corrêa, cf. Trade and Conflict in Angola, pp. 137, 141, et 154-155.
88. Cf. chap. XIV du présent ouvrage.
89. Giuseppe Monari da Modena, in Evaristo Gatti, Sulle Terre e sui Mari, Parme, 1931, p. 111.
90. Rosario del Parco, in L. Jadin, « Aperçu de la situation du royaume du Congo... », in Bulletin de
l’Ins(. Hist. Belge de Rome, fasc. XXXV (1963), p. 359. Il se peut que l’écart entre ces deux chiffres
soit excessif, car selon des recensements de 1777 et 1778 la population blanche de l’ensemble de
l’Angola se montait respectivement à 1 581 et 1 700 individus, cf. Oscar Soares Barata, « Aspectos
das Condições demográficas de Angola », in Angola, Curso de Extensão Universitaria, Ano Lectivo
1963-1964, Lisbonne, s.d., p. 123. Il est certain que plus de la moitié des Blancs habitaient la
capitale.
91. P. Hildebrand, Le martyr Georges de Geel, p. 143.
92. Elias Alexandre da Silva Corrêa, História de Angola, vol. I, p. 30.
93. Afonso Taunay, « Subsidios para a História do Tráfico Africano », in Anais do Museu Paulista, t.
X (1941), p. 212.
94. Cette estimation pour le port de Luanda correspond aux chiffres d’Edmundo Correla Lopes, A
Escravatura, pp. 102-103. Pour l’Angola et le Benguela ensemble, la moyenne entre 1759 et 1803
était de 14 à 15 000 (cf. José Nicolau da Costa, Memórias clos rendimentos da real fazenda do reino de
Angola e Capitania de Benguela até ao anno 1803, Lisbonne, 1804, cité par le marquis de Sá da
219
Bandeira, O Trabalho rural africano, Lisbonne, 1873, p. 18), et de 22 000 pour la période 1816-1819
(cf. J. C. Feo Cardoso, Memórias..., Paris, 1825, p. 336).
95. Alves J. A. Roçadas, La main-d’œuvre indigène en Angola, Lisbonne, 1914, p. 10 (IIIe Congrès
International d’Agriculture Tropicale, Londres, 1914). Les bénéfices réalisés par les trafiquants
passaient de 30 % pendant la période de crise jusqu’à 200 et 300 %.
96. J. J. Monteiro, Angola and the River Congo, Londres, 1875, vol. II, p. 67.
97. Thomas Fowell Buxton, The African Slave Trade, Londres, 1839, pp. 1, 4 et 26.
98. Christopher Lloyd, The Navy and the Slave Trade, Londres, 1949, p. 275.
99. Cf. le récit [de Pedro Joào Baptista] « Viagem de Angola para os Rios de Senna », in Annaes
Marítimos e Coloniaes, Lisbonne, 1823, n 5, pp. 162-190 ; n° 6, pp. 223-240 ; n° 7, pp. 278-297 ; n° 9,
pp. 423-439 ; n° 10, pp. 493-506 ; n 11, pp. 538-552.
100. Cf. J. C. Feo Cardozo, Memórias..., Paris, 1825, p. 300, et Arquivos de Angola, 2e série, vol. II, n°
9-10 (1945), p. 220 ; cf. la lettre du gouverneur au Muataianvo, du 22 janvier 1808, in ibid., vol. cit.,
pp. 223-224.
101. R. T. Anstey, Britain and the Congo in the 19th Century, p. 19.
102. H. Capello et R. Ivens, De Angola a Contra Costa, Lisbonne, 1886, vol. I, p. 76.
103. Alves J. A. Roçadas, La main-d’œuvre indigène en Angola, p. 12.
104. J. C. Feo Cardoso, Memórias..., Paris, 1825, pp. 348-357.
105. J. J. Lopes de Lima, Ensaios, Lisbonne, 1846, vol. III, p. 4.
106. Sebastião Lopes de Calheiros e Menezes, Relatório do Governador Geral da Provincia de Angola
referido ao anno de 1861, Lisbonne, 1867, pp. 10-11.
107. J. J. Lopes de Lima, op. cit., loc. cit.
108. Charles Vogel, Le Portugal et ses Colonies, Paris, 1860, p. 556.
109. J. J. Monteiro, Angola and the River Congo, vol. II, p. 23.
110. Lieutenant Cantaloub à l’amiral Ribourt, Montevideo, 20 oct. 1875, Archives de la Marine,
série BB4 985.
111. Le commandant de la Pallas à M. le Ministre, Bahia, 18-8-1881, Archives de la Marine, série
BB4 1132.
112. António de Saldanha da Gama, Memórias sobre as Colónias de Portugal situadas na Costa Ocidental
da Africa, Paris, 1839, p. 55.
113. Contre-amiral d’Auriac à M. le Ministre, Saint-Paul de Luanda, 1869, Archives de la Marine,
série BB4 889.
114. Cf. F. Clément Egerton, Angola in Perspective, Londres, 1957, p. 84.
115. J. J. Lopes de Lima, Ensaios, vol. III, Lisbonne, 1846, pp. XXXVIII, 4 et 131 ; cf. aussi F. T. Valdez,
Six Years of a Traveller’s Life in Western Africa, Londres, 1861, vol. II, p. 293, et surtout Henrique Dias
de Carvalho, O Jagado de Cassange, Lisbonne, 1898, p. 112.
116. Henrique Dias de Carvalho, O Jagado de Cassange, pp. 131-217.
117. Commandant Didelot au Ministre de la Marine, Gabon, 4-12-1862, Archives de la Marine,
série BB4 802 (« L’opération pour reprendre Cassange a tout à fait échoué »).
118. H. Capello et R. Ivens, De Benguela às Terras de Iacca, Lisbonne, 1881, vol. I, p. 290 (« Les luttes
contre les Portugais en 1860 ont marqué le début de cette phase de décadence, qui s’est peu à peu
aggravée avec les nombreuses querelles et les petites guerres entre les Jagas avides de pouvoir »).
119. António Rodrigues Neves, Memória da Expedição a Cassange comandada pelo Major Salles Fereira
em 1850, Lisbonne, 1854, pp. 3, 35.
120. Henrique Dias de Carvalho, O Jagado de Cassange, pp. 406-407.
121. R. T. Anstey, Britain and the Congo in the 19lh Century, p. 23.
122. A. Galvão, « Relatório da minha viagem ao Congo », in Bol. Soc. Geog. de Lisboa, série 36, nos 4-6
(1918), p. 140.
123. R. T. Anstey, op. cit., p. 46.
220
124. Cf. C. A. Bourgeois à M. le Ministre, 20 août 1870, Archives de la Marine, série BB 4 889 ;
contre-amiral Ribourt a M. le Ministre, Vénus, en mer, 26 août 1876 ; Note sur une carte portugaise
de l’Angola par le marquis de Sâ de Bandeira et Fernando da Costa Leal, 3e éd. Lisbonne, 1870, avec
la carte annexe par A. Conrad, capitaine de vaisseau, Vénus, 25 août 1876. Archives de la Marine,
série BB4 1060 ; lettre du R. P. Duparquet à M. le contre-amiral Ribourt, Landana, 28 déc. 1876,
Archives de la Marine, série BB4 1073.
125. Angola, Mappa coordinado pelo Visconde de Sá de Bandeira e Fernando da Costa Leal, Lisbonne,
1863, B.N., Dépt. des Cartes et Plans, Fonds du Service Hydrographique, Portefeuille 114, Division
4, pièce 25.
126. J. A. Carvalho e Menezes, Memôria Geográfica e Politica das Possessões Portuguesas n’Africa
occidental, Lisbonne, 1834, p. 1.
127. Ibid., p. 4.
128. Cf. José Ferreira Borges de Castro, Colecção dos Tratados, Convençôes, Contratos..., Lisbonne,
1856, t. III, pp. 417-419.
129. José Ferreira Borges de Castro, op. cit., t. IV, p. 409.
130. Ibid., t. V, p. 329.
131. Cf. Carta Constitucional da Monarchia Portugueza decretada e dada pelo Rei de Portugal et Algarves
D. Pedro, Imperador do Brasil aos 29 de Abril 1826, Londres, 1828, p. 3.
132. Cf. O. Dapper, Description de l’Afrique, p. 358. Naukeurige Beschrijvinge p. 588. Feiner cite un
document de 1628 du chanoine Bras Corrêa, où celui-ci déclare avoir vu et lu la lettre de D.
Sebastião au roi Alvaro I (cf. Felner, Angola, p. 234). Il s’agit du Códice 51-VIII-31 de la
Bibliothèque d’Ajuda, Lisbonne, t. II, fos 19-29, doc. de 1628-1629.
133. Cf. António de Almeida, « Relaçòes com os Dembos », in Primeiro Congresso da História da
Expansão Portuguesa no Mundo, Lisbonne, 1938, 4a secção, vol. III, pp. 59-70.
134. Cf. supra chap. XV, § 6.
135. António de Almeida, art. cit., p. 81.
136. Ibid., p. 73. L’arme est utilisée contre les Dembos dès 1907.
137. Henrique Galvão, História do nosso Tempo, Lisbonne, 1931. pp. 121-123 et 135.
138. João de Almeida, Journal, cité par Henrique Galvão, op. cit., p. 143.
221
Conclusion
1 L’idéologie du régicide institutionnel, que nous avons tenté de définir dans le second
chapitre, connut ses premières formulations voici plus d’un demi-siècle1.
2 André Malraux raconte, dans ses Antimémoires2, que son père assista vers 1913 à un
colloque, qui avait pour thème : « La permanence de l’homme à travers les civilisations ».
3 Il fut surtout impressionné par l’intervention d’un savant allemand, le professeur
Möllberg qui, très enthousiaste, esquissa à grands traits le fatalisme inexorable, la beauté
même de la mort prédestinée du roi en Afrique.
4 Nulle allusion à une révolte pour secouer la tyrannie du ciel.
5 Möllberg voyait l’Africain pris dans « une grande structure mentale », qui tenait « pour
absolue, inattaquable, une évidence particulière qui ordonne la vie ; et sans laquelle
l’homme ne pourrait ni penser, ni agir ».
6 « Elle saisit et possède l’homme, lui ne la possède jamais tout entière ».
7 On protesta. L’homme n’avait-il pas en lui « quelque chose d’éternel sa part divine, son
aptitude à mettre le monde en question... ? »
8 Réplique de Möllberg : « Sisyphe aussi est éternel ».
9 A cette vision ténébreuse d’un déterminisme fataliste et satisfait, l’Afrique n’avait-elle pas
su opposer ses Ergaménès, Heilbringer de la liberté, encore que ce fût souvent dans un bain
de sang ?
10 En abordant notre recherche, nous avions pensé, après d’autres, que la coupure majeure
dans l’histoire du Congo était le passage du temps « païen » au temps chrétien. Au terme
de notre enquête, nous en sommes moins persuadés.
11 Certes, le « sacré » des Blancs agit sur le système politico-religieux des Congolais, avec la
même virulence qu’à la même époque les virus européens sur les populations du Nouveau
Monde. Mais après avoir d’abord capitulé, les Congolais commencèrent à biaiser, à
opposer une sourde résistance au christianisme. Cette fatale incapacité de choisir
clairement l’une des deux idéologies en rejetant catégoriquement l’autre fut, pour
l’Ancien Congo, une source de faiblesse, sa tragédie même. Comme le Mexique, sur un
autre plan, il s’est engagé (le roi D. Garcia II surtout) dans le « labyrinthe de la solitude »3.
222
12 A la différence de l’islamisme, diffusé en Afrique par voie de terre, le christianisme y est
(sauf en Éthiopie) parvenu par mer. Cette provenance thalassienne donna naissance, dans
l’esprit des Congolais, à une étrange équivoque concernant son message.
13 Finalement, la révolution chrétienne a laissé davantage de traces dans la tradition orale
que dans le style de vie des Congolais. Son empreinte demeura faible et s’accompagna
d’un phénomène de double adhésion, pratiques chrétiennes et « païennes » coexistant
sans qu’il y ait une prise de conscience de leur mutuelle incompatibilité.
14 L’arrivée des Européens a bien amorcé le processus de désagrégation du royaume, la
« désatellisation » des vassaux, leur transformation en États-courtiers, mais le véritable
tournant, le commerce noir – non pas celui des Pombeiros portugais – intensif et
largement diffusé, n’apparaît que bien plus tard, après l’effondrement du pouvoir central,
en 1665.
15 La coupure de 1665 – déstructuration politique suivie de l’implantation d’un réseau
économique d’échanges – est-elle plus marquante que la « révolution » chrétienne de
1506 et l’ouverture d’une nouvelle frontière ? Nous sommes tenté de le croire.
16 Pour que des groupes de commerçants noirs, partis de la côte, pussent faire passer leurs
caravanes par l’intérieur, il fallait que le territoire traversé fût dépourvu d’un pouvoir
fort et centralisé.
17 Après l’abolition de la traite, l’extension des réseaux commerciaux, pendant longtemps
consacrés au trafic d’hommes, ouvrit la voie à la production et au ramassage des produits
végétaux, phénomène déjà rare dans l’Afrique pré-coloniale.
18 Reste à savoir si le bien-être des populations était mieux servi par la cohérence politique,
ou par une activité économique accrue. C’est là une question que nous ne tenterons pas
de résoudre ici4.
19 L’intégration politique de l’ancien royaume avait certes garanti à ses habitants une
sécurité étendue à une aire très vaste, mais au prix d’un despotisme rigoureux dont la
masse congolaise eut sans doute à subir l’oppression politique sans toutefois avoir à en
supporter l’exploitation économique : il n’existait en effet ni organisation adéquate ni
propriété privée faute de quoi ce régime ne disposait d’aucun moyen de coercition
rationalisée sur le peuple5.
20 A l’actif des influences européennes, on ne peut inscrire que l’introduction des plantes
américaines. Pour le reste – métallurgie et tissage – il y eut régression.
21 Sur la grande question que nous pose cette région d’Afrique, son histoire démographique,
nous n’avons pu apporter que des réponses partielles et bien fragiles : nul indice de la
densité de population avant l’arrivée des Européens, et nulle preuve satisfaisante d’une
remontée du chiffre de la population due à l’introduction des plantes américaines ; nulle
statistique sur la traite au nord du fleuve, et les chiffres concernant le port de Luanda ne
tiennent pas compte de la fraude. C’est surtout sur cette vaste question d’histoire
démographique, que devraient s’orienter de futures recherches.
22 Autre problème à approfondir par une étude comparée sur l’ensemble de l’Afrique : le
rôle économique des États-courtiers, rôle que nous oserons assimiler à celui des Ports of
Trade de Karl Polanyi6. On trouve d’ordinaire ces populations qui rançonnent en jouant le
rôle d’écluses au bord de la mer. L’implantation des Portugais en Angola les a tout
simplement rejetées dans l’intérieur. Elles existent toujours. Leur action médiatrice
semble nécessaire à tout contact entre civilisations différentes.
223
23 Pourquoi le royaume du Congo n’a-t-il pu se constituer lui-même en État-courtier entre
les Européens, d’une part, et les empires Bateke et Lunda de l’autre ? Il se pourrait bien
que l’une des conditions d’existence de l’État-courtier soit un territoire de dimensions
limitées. Les moyens dont disposait l’Afrique traditionnelle pour administrer une aire
aussi vaste que celle de l’ancien royaume du Congo n’étaient pas suffisants pour que, de la
capitale, on puisse espérer tenir à l’écart les uns des autres, Européens et ethnies
étrangères.
24 Au début de cette recherche, nous avions nourri l’espoir de voir se former, à partir de
l’énorme somme de documentation portugaise et italienne sur le sujet, une image claire
du passé congolais. Il nous apparaît toujours indispensable de la dépouiller
attentivement, mais nous avons acquis la conviction que seule l’archéologie est
susceptible de faire surgir la réalité essentielle de ce passé. Les seuls grands tournants de
l’histoire du continent noir ne sont-ils pas, en effet, l’apparition de l’agriculture et la
connaissance du fer ?
NOTES
1. Cf. Leo Frobenius (au génie quelque peu délirant), lui-même inspiré de Sir James Frazer. De
Frobenius, voir surtout son dernier ouvrage, Erythräa, Berlin, 1932.
2. André Malraux, Antimémoires, Paris, 1967, pp. 41-46.
3. Cf. le livre célèbre d’Octavio Paz, El Laberinto de la Soledad, Mexico, 1950, trad. franc. Paris, 1959.
4. Ce glissement ne représenterait-il pas assez bien le passage de la Gemeinschaft à la Gesellschaft,
selon la thèse célèbre de Ferdinand Tönnies ? Cf. traduction anglaise de Charles P. Loomis,
Community and Association, International Library of Sociology and Social Reconstruction, Londres,
1955.
5. On nous objectera l’existence d’esclaves, mais ni leur statut avant l’époque de la traite, ni la
façon de les « exploiter », ne peuvent se comparer à ce qui se passait avec les Noirs dans le
Nouveau Monde.
6. Karl Polanyi et al., Trade and Market in the Early Empires, Glencoe, Illinois, 1957 ; id., « Ports of
Trade in Early Societies », in Journal of Economic History, vol. XXIII, n° 1 (1963), pp. 30-45 ; et
Anthony Leeds, « The Port of Trade in Pre-European India as an Ecological and Evolutionary
Type », in Viola E. Garfield (éd.), Proceedings of the 1961 Annual Spring Meeting of the American
Ethnological Society, University of Washington Press, Seattle, 1961, pp. 26-43.
224
Les rois de l’ancien Congo. (Seulsfigurent sur cette liste ceux qui ontrégné à São Salvador)
1 1. Ntinu nimi a Lukeni
2 2. Nanga kia ntinu
3 3. (inconnu)
4 4. D. João I, Nzinga a Nkuwu, mort en 1506
5 5. D. Afonso I (1506-1543)
6 6. D. Pedro I (1543-1544 ?)
7 7. D. Francisco I (1544)
8 8. D. Diogo I (1545-1561)
9 9. D. Bernardo I (1561-1567)
10 10. D. Henrique I (1567-1568)
11 11. D. Álvaro I (1568-1587)
12 12. D. Álvaro II (1587-1614)
13 13. D. Bernardo II (1614-1615)
14 14. D. Álvaro III (1615-1622)
15 15. D. Pedro II (1622-1624)
16 16. D. Garcia I (1624-1626)
17 17. D. Ambrósio I (1626-1631)
18 18. D. Álvaro IV (1631-1636)
19 19. D. Álvaro V (1636)
20 20. D. Álvaro VI (1636-1641)
21 21. D. Garcia II (1641-1661)
22 22. D. António I (1661-1665)
225
23 23. D. Álvaro VII (1665-1666)
24 24. D. Álvaro VIII (1666-1669)
25 25. D. Raphael I (1669) (expulsé)
26 26. D. Álvaro IX (1669-1672)
27 27. D. Raphael I (1672-1674) (revenu au pouvoir)
28 28. D. Daniel I (1674-1678)
29 São Salvador est abandonné de 1678 à 1703
30 29. D. Pedro IV (1703-1718)
31 30. D. Manuel II (1718-1730)
32 31. D. Sebastião I (1730-1743)
33 32. D. Garcia IV (1743-1752)
34 33. D. Nicolas I (1752-1733)
35 34. D. Pedro V (1763-1780)
36 35. D. Álvaro XI (1764-1778) (rival de D. Pedro V)
37 36. D. José I (1781-1785)
38 37. D. Afonso V (1785-1788)
39 38. D. Aleixo (? ?)
40 39. D. Joaquim (? ?)
41 40. D. Henrique I (1793-1802)
42 41. D. Garcia V (1802-1830)
43 42. (inconnu)
44 43. D. André II (18??-1842)
45 44. D. Henrique IV (1842-1858)
46 45. D. Álvaro XIII (1858-1859)
47 46. D. Pedro V – Pedro Elelo (1859-1891)
48 47. D. Álvaro XIII (XIV) (1891-1896)
49 48. D. Henrique V (1896-1901)
50 49. D. Pedro VI (1901-1910)
51 50. D. Manuel III (1910-1914)
52 51. D. Álvaro Nzinga (1914-1923)
53 52. D. Pedro VII (1923-1953)
54 53. D. Garcia VI (1953-1958)
55 Certaines dates de règnes n’ont pu être établies avec la précision que nous eussions
souhaitée, notamment pour le XVIIIe siècle.
226
BIBLIOGRAPHIE
SOURCES
Nous avons utilisé comme sources :
J. CUVELIER, « Traditions Congolaises », in Congo, t. II, n° 2 (1931), pp. 196-198.
E. G. RAVENSTEIN, « List of the Kings of Kongo », in The Strange Adventures of Andrew Battell (E. G.
Ravenstein ed., Hakluyt Society, Londres, 1901, pp. 136-138).
Biographie Coloniale Belge, Bruxelles t. II, 1951.
L. JADIN, « Le Congo et la secte des Antoniens (1694-1718), » in Bulletin de l’Institut Historique Belge
de Rome, fasc. XXXIII (1961), pp. 411-615.
– « Aperçu de la situation du Congo en 1775 », in ibid., fasc. XXXV (1963), pp. 346-419.
– Communication personnelle.
António de ALMEIDA, « Subsidio para a História dos reis do Congo », in Congresso do Mundo
Português, Lisbonne, 1940, vol. VIII, pp. 485-511.
– « Mais subsidios para a História dos reis do Congo », in ibid., vol. VIII, pp. 643-696.
227
Bibliographie
ABRÉVIATIONS ET INDICATIONS GÉNÉRALES
Sigles désignant les Bibliothèques où se trouvent les ouvrages mentionnés :
B.N.P. = Bibliothèque Nationale de Paris.
B.M. = British Museum.
B.N.L. = Bibliothèque Nationale de Lisbonne.
B.A.O.M. = Bibliothèque d’Afrique et d’Outre-Mer, Paris.
Abréviations d’ouvrages et revues cités à de nombreuses reprises :
M.M.A. = António Brásio, Monumenta Missionária Africana, 10 vol., Lisbonne, 1952-1960.
P.M. = Visconde de Paiva Manso, História do Congo, (Documentos), Lisbonne, 1877.
I.R.C.B. = Institut Royal Colonial Belge (Bruxelles).
A.R.S.C. = Académie Royale des Sciences Coloniales (Bruxelles).
A.R.S.O. = Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer (Bruxelles).
Dans ces trois derniers cas, il s’agit toujours, sauf indication contraire, de la Classe des Sciences
Morales et Politiques.
Les auteurs italiens figurent, dans l’ordre alphabétique, à leur nom patronymique et non à celui
de leur lieu de naissance. Ainsi, Giacinto Brugiotti da Vetralla se trouve à BRUGIOTTI, Giacinto (da
Vetralla).
Pour les auteurs portugais, nous avons tenu compte du dernier de leurs noms. Ainsi, Duarte
Pacheco Pereira se trouve à PEREIRA, Duarte Pacheco.
Quant aux auteurs belges, nous avons incorporé la particule au nom patronymique. Ainsi, Luc de
Heusch se trouve à DE HEUSCH, LUC, et Van Wing à VAN WING.
I. — GUIDES D’ARCHIVES
CUVELIER, J., « Note sur la Documentation de l’Histoire du Congo », in Bulletin des Séances de
l’I.R.C.B., t. XXIV, fasc. 2, Bruxelles (1953), pp. 443-470.
DE JONGHE et SIMAR, « Archives Congolaises », in Revue Congolaise, Bruxelles (1912), pp. 419 sq.
Coup d’œil sur les documents aux Archives de la Propagande de Rome, relatifs au Congo.
228
DIAS, Luís Fernando de Carvalho, Noticia dos documentos da Secção dos Reservados, Fundo Geral
da Biblioteca Nacional de Lisboa, respeitantes às provincias ultramarinas de Angola, Cabo Verde,
Guiné, Macau, Moçambique, S. Tomé e Timor, in Garcia de Orta, Lisbonne, vol. 5, no s 2 et 3 (1957).
JADIN, L., « L’Ancien Congo et les Archives de l’Oud West Indisch Compagnie conservées à La Haye
(1641-1648) », in Bulletin des Séances de l’A.R.S.C, t. I, fasc. 3, Bruxelles (1955), pp. 447-451.
— « Rapport sur les recherches aux archives d’Angola, du 4 juillet au 7 septembre 1952 », in
Bulletin des Séances de l’I.R.C.B., t. XXIV, fasc. 1, Bruxelles (1953), pp. 157-169.
— « Recherches dans les Archives et Bibliothèques d’Italie et du Portugal sur l’Ancien Congo : I.
Missions des Capucins, XVIIIe et XIXe siècles ; II. Lettres de Garcia V (1813-1815) — Relation de
Boaventura dos Santos, 1877 », in Bulletin des Séances de l’A.R.S.C, Bruxelles, t. II, fasc. 6 (1956), pp.
951-990.
— « Importance des acquisitions nouvelles des Archives historiques de l’Angola à Loanda pour
l’histoire de l’Afrique centrale 1726-1915 », in Bulletin des Séances de l’A.R.S.O. (1966), n° 6, pp.
892-903.
RANDLES, W. G. L., « Pesquisas sobre a presença européia na bacia do Congo, realizada em arquivos
de Paris » [Archives Nationales et Archives de la Marine], in Boletim da Filmoteca Ultramarina
Portuguesa, n° 20, Lisbonne, 1962, pp. 31-118.
Analyse sommaire des rapports des commandants de la Marine française de la Division navale de
l’Atlantique Sud, pour la période 1850-1884).
II. — MANUSCRITS
ANON., História do Reino do Congo, [c. 1655], ms 8080 de la B.N.L., extraits publiés par A. Albuquerque
Felner, Angola, Coïmbre, 1933, pp. 375-379.
Source capitale sur la fondation du royaume du Congo. Sur le texte et la date probable de la
composition, cf. A. Brásio, « A História do Reino do Congo », in Portugal em Africa, vol. VI (1949),
pp. 153-161. Bràsio nie à tort la valeur historique du texte.
— Osservationidel Regno di Congo dell’anno 1656, B.N.P., ms espagnol 324 (38), fos 149 r° 151 V°.
Observations précieuses sur la vie matérielle des Congolais. Nous remercions notre collègue J.-J.
Hémardinquer de nous avoir signalé ce manuscrit.
BRUGIOTTI, Giacinto (da Vetralla), Infelicità felice o vero Mondo alla rooersa del R.P.F. Giacinto da
Vetralla, Predicatore Capuccino (sic) e Profetto della Missione nel Regno del Congo. Delle Qualità Costumi e
Maniere di Vivere dell’Habitatori del Regno del Congo e Paesi Vicini. / Nelle quali scorgendosi un’estrema
miseria da loro non conosciutò, con une totale contraietà al vivere morale e politico dell’Europa, ben si puo
chamare il loro Emisphero un Mondo alla Roversa e una Infelicità felice. Ms s.d.n.l. (milieu du XVIIe
siècle), 207 fos (non consulté).
Ce manuscrit est une source capitale pour la sociologie et la culture matérielle des Congolais. Il
est analysé par Giuseppe Simonetti (qui en donne des extraits), « P. Giacinto Brugiotti da Vetralla
et la sua Missione al Congo (1651-1657) », in Bolletino della società geographica italiana, série IV, vol.
VIII, n° 4 (1907), pp. 305-322, et n° 5 (1907), pp. 369-381 ; le chanoine L. Jadin en possède une copie
et a l’intention d’en publier une traduction.
— Alcuni appuntamenti notabili circa la Missione di Congo, appuntati da me P. Giacinto da Vetralla, Capno ;
e Prefetto di detta Missione. Ms Africa 6, Congo, vol. 250, fos 192 sq. (milieu du XVIIe siècle), in
Archives de la Propagande, Rome (non consulté).
Voir Streit et Dindinger, Bibliotheca Missionum, t. XVI, n° 3766.
229
FARIA, Manuel Severim de, Historia portuguesa e de outras provincias do occidente desde o anno 1610 até
o de 1640. Escrita em 31 relaçõespor Manuel Severim de Faria, chantre da Sé de Evora, B.N.L. Ms n° 241,
378 fos (non consulté).
Voir notes de José Matias Delgado, in António de Oliveira de Cadornega, História Geral das Guerras
Angolanas, Lisbonne, 1940-1942, t. I, p. 63.
PAVIA, Andrea da, Viario apostolico alle missione dell’Africa, 1702, Bibliothèque de Madrid. Ms n°
3165, fos 68-132 v°.
Traduction de J. Cuvelier, inédite, résumée par L. Jadin, « Le clergé séculier et les capucins du
Congo et d’Angola aux XVIIe et XVIIIe siècles », in Bulletin de l’Institut Historique de Rome, fasc. XXXVI
(1964), pp. 246-249, n. 2.
SANTIAGO, Père Juan de, Breve Relacion / Delo succedido a doce Religos Capp°s que la Santa Sede
Apostolica enbio Por missonarios— Apostolicos al Reyno de Congo [1649-1650].
Ms 772 de la Bibliotheca del Palacio Nacional, Madrid (non consulté).
Voir Buenaventura de Carrocera, « Dos relaciones ineditas sobre la misiõn Capuchina del
Congo », in Collectanea Francescana, vol. XVI (1946), pp. 102-124 ; aussi Francisco Leite de Faria,
« Fr. João de Santiago e a sua Relação sobre os Capuchinos no Congo », in Portugal em Africa, vol. X
(1953), pp. 316-333.
SOUSA, Fernão de, Governo de Angola de Fernâo de Sousa. Codices 51-8-30 et 51-8-31 de la
Bibliothèque d’Ajuda, Lisbonne (non consulté).
La correspondance de Fernâo de Sousa, gouverneur de l’Angola (1624-1630). Des extraits ont été
transcrits par Maria Adélia Victor de Mendonça, O Governo de Fernâo de Sousa em Angola 1624-1630,
thèse dactylographiée, Coïmbre, 1963.
TERUEL, Père António de, Descripcion narrativa de la mission serafica delos Capuchinos, y sus Progressos
en el Reyno de Congo [1663-1664]. Ms 3533 et 3574 de la Biblioteca Nacional de Madrid (non
consulté).
Voir Buenaventura de Carrocera « Dos relaciones inéditas sobre la mision Capuchina del Congo »,
in Collectanea Franciscana, vol. XVI (1964), pp. 102-124.
III. — BIBLIOGRAPHIES
ALENÇON, Édouard d’, « Essai de Bibliographie Capucino-Congolaise », in Neerlandia Franciscana,
Iseghem, 1914-1919 (au couvent des capucins, 26 rue Boissonnade, Paris-XIVe).
ANON., Biographie Coloniale Belge, Bruxelles, 5 vol. (1948-1956). B.N.P., 4° G 2582 (1-5).
On y trouve des biographies sommaires des plus importants des anciens rois du Congo.
— Catalogus der Bibliotheek, Nederlandsch Historisch Museum, Amsterdam, 1960, 2 vol. (B.N.P.,
département des Cartes et Plans).
— Lexicon Capuccinum Promptuarium Historico-Bibliographicum] Ordinis Fratrum Minorum
Capuccinorum, 1525-1950, Romae, 1951, 1867 p. B.N.P.
BORCHARDT, Paul, Bibliographie de l’Angola 1500-1910.
Monographies bibliographiques, n° 11, Institut Solvay, Bruxelles, 1912, 61 p.
Cette bibliographie, introuvable dans les bibliothèques de Paris, est décevante ; fondée
principalement sur l’ouvrage de Paulitschke.
CUVELIER, J., « Note sur la documentation de l’histoire du Congo », in Bulletin des Séances de l’I.R.C.B.,
t. XXIV, fasc. 2, Bruxelles, 1953, pp. 443-470. Très utile.
230
PAULITSCHKE, Philipp, Die Afrika Literatur in der Zeit von 1500 bis 1150 n. Chr. Ein Beitrag zur
geographischen Quellenkunde, Vienne, 1882.
Peu soigné dans la composition. Très faible sur les sources portugaises. Utile sur les ressources
des bibliothèques allemandes et des archives hollandaises.
STREIT, Robert et DINDINGER, Johannes, Bibliotheca Missionum, Freiburg, 1951-1952 (surtout t. XV
(1053-1599), XVI (1600-1699) et XVII (1700-1879) ). Essentiel pour tout travail de recherche.
IV. — RECUEILS DE DOCUMENTS ET DE TEXTES
BAL, Willy (éd.), Le Royaume du Congo aux XVe et XVIe siècles, Documents d’Histoire, I.N.E.P.,
Léopoldville. Les Amis de Présence Africaine, Bruxelles, 1963, 124 p. D’utilité très restreinte.
BRÁSIO, António, Monumenta Missionária Africana (Africa Ocidental), Lisbonne, Agência-Geral do
Ultramar (en cours de publication).
Première Série :
Vol. I, 1472-1531 (1952).
Vol. II, 1531-1569 (1953).
Vol. III, 1570-1599 (1953).
Vol. IV, 1469-1599 (1954).
Vol. V, 1600-1610 (1955).
Vol. VI, 1611-1621 (1955).
Vol. VII, 1622-1630 (1956).
Vol. VIII, 1631-1642 (1960).
Vol. IX, 1643-1646 (1960).
Vol. X, 1647-1650 (1965).
Seconde Série :
Vol. I, 1342-1499 (1958).
Vol. II, 1500-1569 (1963).
Vol. III, 1570-1600 (1964).
Le premier souci de l’auteur étant la missiologie, le lecteur n’est pas toujours assuré d’y trouver
des textes intéressant la culture matérielle et la sociologie de la région concernée. Cette œuvre
n’en reste pas moins une source capitale et indispensable. Il suffit de la compléter par l’ouvrage
de Cuvelier et Jadin, où d’ailleurs de nombreux documents sont répétés.
CUVELIER, J. et JADIN, L., L’Ancien Congo d’après les archives romaines, Mémoire I.R.C.B., t. XXXVI, fasc.
2, Bruxelles, 1954, 600 p. (Bibl. Musée de l’Homme et Musée d’Hist. Nat.).
Contient « Histoire du Congo », Ms Vat. Lat. 12516 [fin XVIe siècle], fos 103- 125 (pp. 108-160) et
« De la situation du royaume du Congo » (1595), (pp. 194- 207).
Utile surtout pour l’histoire ecclésiastique du Congo. A l’exception des deux textes indiqués ci-
dessus, peu de sources sur la culture autochtone.
FELNER, Alfredo de Albuquerque, Angola. Apontamentos sobre a ocupaçãoe inicio do estabelecimento dos
Portugueses no Congo, Angola e Benguela, Coïmbre, 1933, 593 p.
Dont 210 consacrées à la reproduction de documents inédits, relatifs à l’histoire du Congo et de
l’Angola jusqu’au premier quart du XVIe siècle. Ouvrage sérieux et réfléchi.
MANSO, Visconde de Paiva, História do Congo (Documentos), Lisbonne, 1877, 369 p.
231
Couvre la période 1492-1722. Utile pour les époques non encore couvertes par les volumes d’A.
Brásio.
V. — OUVRAGES ET SOURCES PUBLIÉS OU COMPOSÉSAVANT 1880
ALMADA, André Alvares de, Tratado Breve dos Rios de Guiné (1594), réédité par Luís Silveira,
Lisbonne, 1946.
Pour le problème des Jagas.
ANDRADE, José Baptista de, « Apontamentos de uma viagem do Bembe a Encoge. 6 Julho 1858 », in
Annaes do Conselho Ultramarino (parte não oficial), série I, Lisbonne (1858), pp. 511-518.
ANGUIANO, Juan Garcia Mateo de, Epitome Histórial g Conquista Espiritual del Imperio Abyssino en
Etiopia la Alta..., Madrid, 1706, 204 p. (B.N.P.), pp. 121-140 sur le Congo ; pp. 129-135 sur les luttes
intestines au Congo.
— Misiones Capuchinas en Africa : I. La Misión del Congo. II. Misiones al Reino de la Zinga, Benin, Arda,
Guinea g Sierra Leone, Introdución y Notas del Padre Buenaventura de Carrocera, O.F.M. cap.,
Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Instituto Santo Toribio de Mongrovejo, Madrid,
vol. I (1950) ; vol. II (1957) (B.N.P.).
Le premier volume couvre la période 1645-1705 ; il fut terminé en 1716.
ANON., « Acto de Obediencia, sujeiçâo e vassalagem que ao muito alto e poderoso rei fidelissimo D.
José o I, nosso senhor e seus reaes successores faz nas mãos do illustrissimo e excellentissimo
senhor D. Francisco Innocencio de Sousa Cou-tinho governador e capitão General d’estes reinos e
suas conquistas o potentado Holo Marimba Goge por seus embaixadores D. Thomas Planga-Ria-
Temo, Holo-Ria-Quibalacace e Quienda » [Luanda, 8 de Julho 1765], in Annaes do Conselho
Ultramarino (parte nao oficial), Lisbonne, série I, 1858, pp. 523-524.
— « Apontamentos para a História das Missões religiosas do Congo e Angola, extraídos dos livros
manuscritos do extincto Conselho Ultramarino existentes na Biblioteca Nacional de Lisboa », in
Missões de Angola e Congo, vol. XIII, Braga, 1933 [doc. de 1692-1695].
Non consulté, manque à la B.N.P.
— « Exploraçôes dos Portugueses no interior da Africa meridional », in Annaes Marítimos e
Coloniaes, Lisbonne, 1843, pp. 162-190 ; 223-240 ; 278-297 ; 423-439 ; 493-506 et 538-582.
Doc. et récits du voyage des deux Pombeiros de Cassange au Mozambique en 1802-1811.
— Journal d’un Voyage sur les Costes d’Afrique et aux Indes d’Espagne avec une description particulière de
la rivière de la Plata, Buenosayres et autres lieux : commencé en 1702 et fini en 1106, Amsterdam, chez
Paul Marret, 1723. Rouen, 1723. B.N.P. (G. 24960).
Quelques renseignements sur le commerce en Angoï.
— « Memória das Couzas antigas acontecidas neste reino do Congo » [Ms. du milieu du XIXe
siècle], in Boletim Oficial do Governo Geral da Provincia de Angola, nos 642 et 643, Lisbonne, 1858.
Non consulté ; manque à la B.N.P. D’après Francisco Leite de Faria (Uma Relaçãode Rui de Pina sobre
o Congo escrita em 1492, Agrupamento de Estudos de Cartografia Antiga, vol. XVIII, Secçâo de
Lisboa, Lisbonne, 1966, p. 26), il s’agit de la tradition orale recueillie au XVIIIe siècle.
— « Notícias do Paiz de Quissama e do Exercito que foi a castigar os gentios daquella provincia,
pelos insultos por elles commettidos, de furtos e mortes feitos aos vassallos de Sua Magestidade
Fidelissima moradores na Cidade de S. Paulo Reino de Angola e nos das margens do rio Quanza »
[1798], in Annaes Marítimos e Coloniaes, 6a Série, n° 4, Lisbonne (1846), pp. 119-127.
232
— « Ritos gentílicos e superstições que observão os negros do gentio do Reyno de Angola desde o
seu nascimento a the a morte », Cod.xvi/2-15 № 17 [Sécu-lo XVIII] (Bibliothèque d’Evora), in
Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa, 5 » série, n° 6 (1885), pp. 371-374.
— Mercurio Portuguêscom as novas do mês do Julho do ano de 1666, (B.N.L. Secçâo dos Reservados 110
v.) (Récit de la bataille d’Ambuíla, le 29 octobre 1665).
Reproduit in Diogo Cão, IIIe série, n° 6 (1936), pp. 164-172.
— « Relacão da... Victoria que alcançarão as armas de ElRey Dom Afonso 6° contra el Rey do
Congo (1665) », publié par C. R. Boxer, « Uma Relaçãoin édita e contemporánea da Batalha de
Ambufla en 1665 », in Boletim Cultural do Museu de Angola, Luanda, n° 2, (1960), pp. 65-73.
ATRI, Marcellin d’, Relation sur le royaume du Congo 1690-1700, in « Cahiers Ngonge », n° 5 (1960),
Léopoldville, 115 p.
Récit d’une visite au Stanley Pool.
BANDEIRA, Sá da, Faits et Considérations relatifs aux droits du Portugal sur les territoires de Molembo
Cabinda et d’Ambriz, Lisbonne, 1855, 71 p.
— O Trabalho Rural Africano e a Administração colonial, Lisbonne, 1873.
BAPTISTA, Pedro João, voir : Anon., « Explorações dos Portugueses... ».
BARBOT, Jean, « A Description of Lower Ethiopia », in John Churchill, A Collection of Voyages and
Travels, vol. V, Londres, 1732, pp. 467-496.
Renseignements utiles sur le commerce des États-courtiers au nord du fleuve Congo.
— « Voyage to Congo River or the Zaire in the Year 1700 », in John Churchill, A Collection of
Voyages and Travels, vol. V, Londres, 1732, pp. 497-522.
Renseignements importants sur le commerce des États-courtiers au nord du fleuve Congo.
BARLAEUS, Caspar, Rerum per Octennium in Brasilia..., Amsterdam, 1647, 2 e éd. 1660. Trad. allemande
1659, pp. 244-246.
Sur les conflits entre le Soyo et le Congo.
BARBOS, João de, Décadas da Ásia, Década I, Lisbonne 1552, éd. de António Baião, Coïmbre, 1932.
Seule la première Décade intéresse l’Afrique. Le Congo est traité au livre III, chap. IX, X et XII. Sur
ce grand historien portugais, cf. C. R. Boxer, Three Portuguese Histórians, Barros, Couto and Bocarro,
brochure publiée par la Imprensa Nacional, Macau, 1948 ; I. S. Revah, « João de Barros », in Revista
do Livro, São Paulo, n° 9 (1958), pp. 61-71 ; et António José Saraiva, « A Concepção Planetária da
História em João de Barros », in Para a História da Cultura em Portugal, Lisbonne, 1961, vol. II, pp.
329-355.
BASTIAN, Adolf, Ein Besuch in San Salvador, Brême, 1859.
La première description ethnographique du Congo.
— Die Deutsche Expedition an die Loango Käste, Iéna, 1874, 2 vol.
BATTELL, Andrew, voir RAVENSTEIN, E. G.
[BOLOGNE, Hyacinthe de], La Pratique Missionnaire des PP. Capucins italiens dans le royaume de Congo,
Angola et contrées adjacentes, brièvement exposée pour éclairer et guider les missionnaires destinés à ces
saintes missions... [1747] éd. J. Nothomb (S. J.), Louvain, éditions de l’Aucam, n° 2, 1931, 188 p. (Au
Couvent des Franciscains, 26 rue Boissonnade, Paris).
Éclaire indirectement le comportement religieux des Noirs.
BOUËT-WILLAUMEZ, E., Commerce et Traite des Noirs aux côtes occidentales d’Afrique, Paris, 1845.
BOWDITCH, T. E., An Account of the Discoveries of the Portuguese in the interior of Angola and
Mozambique..., Londres, 1824.
233
Petit livre qui résume très utilement les explorations contemporaines des Portugais.
BOXER, C. R., « Uma Relação inédita e contemporânea da Batalha de Ambuíla em 1665 », in Boletim
Cultural do Museu de Angola, Luanda, n° 2 (1960), pp. 65-73.
BRAUN, Samuel, Schiffarten, Bâle, 1624. Trad. lat. : Samuelis Brunonis, « Appendix Regni Congo »,
in éd. lat. de Filippo Pigafetta, Regnum Congo, Francfort, 1625. Réédition du texte allemand par
L’Honoré Naber, vol. VI de la Linschoten Vereeniging ‘s Gravenhage, 1913.
L’auteur est un Bâlois qui avait servi comme barbier-chirurgien sur des bâtiments hollandais
commerçant à Loango et au Soyo en 1611-1613. Cf. L. Gue-bel, « Le séjour de Samuel Braun à Soyo
en 1612 », in Bulletin des Séances de l’A.R.S.C, t. I, fasc. 3, Bruxelles (1955), pp. 429-446. P.9 de l’éd.
latine citée : des remarques sur le rôle de la femme dans l’agriculture africaine.
BRITO, Domingos de Abreu de, « Sumário e descripção do reino de Angola e do desco-brimento da
Ulhade Loanda e da grãdeza das capitanias do estado do Brasil, 1591 », édité par Alfredo de
Albuquerque Feiner, Um Inquérito à Vida Adminis-trativa de Angola e do Brasil em fins do século XVI,
Coïmbre, 1931. Texte très important.
BRUGIOTTI, Giacinto (da Vetralla), « Epistola P. Hyacinthi a Foro Cassii Missionarii Cap. in Regno
Congi anno 1652 » (texte en italien), in Analecta Ordinis Minorum Capuccinorum, t. 13, Rome, 1897,
pp. 89-96.
Reproduit une lettre du roi D. Garcia II à ses vassaux, à l’occasion de son jubilé, les exhortant à
adhérer au christianisme.
BURTON, R. F., Two Trips to Gorilla Land and the Cataracts of the Congo, 2 vol., Londres, 1876.
Vol. II sur les Portugais en Angola.
BUXTON, Thomas Fowell, The African Slave Trade, Londres, 1839.
Utile pour les estimations statistiques de l’ampleur de la traite.
CADORNEGA, António de Oliveira de, História Geral das Guerras Angolanas (1680- 1681), éd. annotée et
corrigée par José Matias Delgado et Manuel Alves da Cunha, Lisbonne, 3 vol., 1940-1942.
Épopée exubérante des guerres des Portugais dans l’intérieur de l’Angola. Les notes de J. M.
Delgado sont abondantes et utiles, elles reposent souvent sur des sources inédites. Le troisième
volume donne un tableau géographique et sociologique de l’Angola de l’époque. Cf. Gladwyn
Murry Childe, « The Peoples of Angola in the seventeenth century according to Cadornega », in
Journal of African History, vol. I, n° 2 (1960), pp. 271-279, article d’ailleurs décevant. Cf. aussi С. R.
Boxer, « A « História » de Cadornega no Museo Británico [ms. écrit entre 1720 et 1745 à
Luanda] », in Revista Portuguesa de História, t. VIII (1959), pp. 291-298.
CALTANISSETA, P. da, « Relation sur le royaume de Congo 1690-1700 », in Cahiers Ngonge, n° 6,
Léopoldville (1960). Récit d’un voyage au Stanley Pool.
CARDOZO, J. C. Feo, Memórias contendo... a História dos governadores e capitaens generaes de Angola,
desde 1575 até 1825 e a Descripção Geográfica e Política dos Reinos de Angola e de Benguella..., Paris, 1825,
382 p. B.N.P. (Oz 110).
Source à n’utiliser qu’avec prudence ; il est préférable de faire appel aux documents de première
main dans M.M.A.
CARLI, Dionigi de (da Piacenza) et GUATTINI, Michel Angelo (da Reggio), Viaggio del... nel regno del
Congo, Reggio, 1671 et 1672, Bologne, 1674, 274 p. B.N.P. (О3 о 4), Bologne, 1678 et 1679 ; Venise,
1679 et 1753.
Trad. franç. : Relation curieuse et nouvelle d’un voyage au Congo fait ès années 1666 et 1667, Lyon, 1680,
296 p. B.N.P. (O3 о 5), également dans J. B. Labat, Relation historique de l’Éthiopie occidentale, Paris,
1732, t. V, pp. 93-268.
234
Trad. angl. dans John Churchill, A Collection of Voyages and Travels, Londres, 1704, t. I, pp. 553-589.
Trad. allemande, Reisen der Missionaren in Congo, etc., Leipzig, 1749.
Les deux missionnaires ont travaillé dans le Mbamba et le Mpemba. Leur récit apporte de
nombreux détails importants sur la vie des Congolais et sur leur culture matérielle.
CASTILHON, M. L., Zingha, Reine d’Angola, Histoire Africaine en deux parties, Paris, 1769. B.N.P. (Y2
6946-47), 2e éd., Rotterdam, 1775.
Histoire de style romancé, fondée sur l’ouvrage de Gioia. Cf. O. de Bouvei-gnes, « Sur la source
d’un roman africain de 1769 », in Zaïre, vol. II, n° 7 (1948), pp. 797-800.
CASTRO, A. J., « Roteiro da Viagem ao reino do Congo por A. J. Castro major da província de
Angola. Em Junho de 1845 », in Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa, 2a série, n° 2 (1880), pp.
53-67. Description de São Salvador à cette date.
CASTRO, José Ferreira Borges de, Collecçãodos Tratados, Convenções,Contratos..., 30 tomes, Lisbonne,
1856-1879.
GAVAZZI, Gio. Antonio (da Montecuccolo), Istorica Descrizione de’tre Regni Congo, Matamba, et Angola
sitvati nell’Ethiopia inferiore occidentale e delle Missioni Apostoliche Esercitateui da Religiosi Capuccini
Accuratamente compilata dal P. Gio Antonio Gavazzi Da Montecucculo Sacerdote Capvccino Il Qval Vi Fu’
Prefetto E nel presente stile ridotta dal P. Fortunato Alamandini da Bologna predicatore dell’istesse Ordine.
All’illustrissimo Signor Conte Giacomo Isolani, Bologne, 1687, 2 e éd., Milan, 1690, 786 p. (Nous nous
sommes servi de la 2 e éd. de Milan).
Trad. franç. libre et résumée de J. B. Labat, Relation historique de l’Éthiopie Occidentale, Paris, 1732, 5
tomes.
Trad. allemande : Munich, 1694 (plus sûre que celle de Labat en français).
Trad. portugaise du P. Graciano Maria de Leguzzano O. M. Cap., Junta de Investigaçôes do
Ultramar, 2 vol., Lisbonne. 1965. C’est la seule édition critique et annotée.
L’ouvrage de Cavazzi, composé entre 1654 et 1667, est une source capitale sur la sociologie et la
culture matérielle des Congolais. On ne doit pas oublier que le texte de Cavazzi a été retouché par
Fortunato Alamandini. Il convient d’utiliser avec prudence la « traduction » de Labat. Cavazzi a
séjourné en Angola à deux reprises, de 1654 à 1667 et de 1673 à 1677. Voir la critique pénétrante
de son ouvrage par J. Cuvelier, « Notes sur Cavazzi », in Zaïre, vol. III, n° 2 (1949), pp. 175-184 ; et
l’introduction sur la vie et l’oeuvre de Cavazzi par le P. F. Leite de Faria, dans la traduction
portugaise du P. Graciano Maria de Leguzzano.
CESINALE, Rocco da, Storia delle Missioni dei Capuccini, Rome, 1873. N’existe pas à la B.N.P.
T. II, chap. xi, pp. 517-673 : résumé des écrits inédits sur le Congo au XVIIe siècle.
CORREA, Elias Alexandre da Silva, História de Angola [1792], Lisbonne, 1937, 2 vol.
Ouvrage écrit dans un style « xviiie » dont la grandiloquence est souvent comique ; ce Brésilien
donne cependant des renseignements utiles sur la vie des Blancs à Luanda et sur le commerce
extérieur du pays. On ne peut guère lui faire confiance que pour la période où il a vécu en Angola.
Il en est parti en 1789.
COSTA, José Nicolau da, Memórias dos rendimentos da real fazenda do reino de Angola e capitania de
Benguella até ao anno 1803, Lisbonne, 1804. N’existe pas à la B.N.P.
Éléments statistiques sur la traite. Non consulté.
CRUS, Luis Felix. 0 Manifesto das ostilidades que a gente que serve a companhia de Olanda obrou contra os
portugueses, Lisbonne, 1651. Rééd. Edgar Prestage, Coïmbre, 1919. N’existe pas à la B.N.P. Non
consulté.
235
CUVELIER J., « L’Ancien Congo d’après Pierre van den Broecke (1608-1612) », in Bulletin des Séances
de l’A.R.S.C, t. I, fasc. 2 (1955), pp. 168-192. Voir aussi à RATELBAND, K. et à VAN DEN BROECKE, Pieter.
— Documents sur une Mission française au Kakongo, 1766-1776, Mémoire I.R.C.B., t. XXX, fasc. 1,
Bruxelles (1953), 132 p.
Documents extraits des Archives de la Propagande et des Archives des Missions étrangères à
Paris.
— Relations sur le Congo du Père Laurent de Lucques (1700-1717), Mémoire I.R.C.B., t. XXXII, fasc. 2
(1953), 357 p.
Bien qu’il ne s’agisse que du Soyo, ces relations apportent des éléments intéressants sur
l’organisation politique des Congolais.
— « Le Vénérable André de Burgos et la situation religieuse au Congo et dans l’Angola au temps
de son apostolat, 1745-1761 », in Collectanea Franciscana, t. XXXII, Rome, 1962, pp. 86 et sq.
DAPPER, Olfert, Naukeurige Beschrijvinge der Afrikaensche gewesten van Egypten, Barbaryen, Lybien...
Guinea, Ethiopien, Abyssinie..., Amsterdam, 1668, 2e éd. 1676. Trad. franç. Description de l’Afrique,
Amsterdam, 1686. Trad. allemande, Amsterdam, 1670.
Seule la traduction allemande est sûre, la française doit être constamment confrontée au texte
flamand. Dapper est un compilateur. Il n’est pas allé lui-même en Afrique. Les passages sur le
Congo et le Loango n’en restent pas moins des sources capitales pour l’histoire et les institutions
des deux royaumes.
DEGRANDPRÉ, L., Voyage à la côte occidentale d’Afrique fait dans les années 1786 et 1787, Paris, 1801, 2 vol.
Renseignements importants sur Loango, Molemba et Cabinda.
DIAS, Gastao Sousa, A Batalha de Ambuíla, Lisbonne, 1942, 159 p., dont 42 de documents inédits sur
la défaite de l’armée du Congo aux mains des Blancs de Luanda.
— « Uma Viagem a Cassange nos meados do século XVIII », in Boletim da Sociedade de Geografia de
Lisboa, série 56, n° 1-2 (1958), pp. 3-30.
Le récit [de Manuel Correia Leitâo] « Viagem que eu, sargento-mór dos moradores do distrito do
Dande fiz às remotas partes de Cassange e Olos, no ano 1755 até o seguinte de 1756 ».
DOUVILLE, J. B., Voyage au Congo et dans l’intérieur de l’Afrique équinoziale fait dans les années 1828, 1829
et 1830 par J. B. Douville, Paris, 1832.
L’auteur prétend être allé au delà du Cassange et avoir visité le Muataianvo, roi des Lundas, mais
son récit est communément tenu pour un faux. R. F. Burton (Two Trips to Gorilla Land and the
Cataracts of the Congo, Londres, 1876, vol. II, pp. 78-80) l’accuse d’être un imposteur.
DU JARRIC, Pierre (S. J.), De l’Histoire des Choses les plus mémorables advenues tant ez Indes Orientales que
autres pais de la découverte des Portugais... (seconde partie), Bordeaux, 3 vol., 1608-1613 ; B.N.P. (4° O2 k 260).
Livre III : importantes remarques sur l’Angola au XVIe siècle, qui ne se trouvent pas dans les
documents de l’époque, imprimés dans M.M.A.
DUPARQUET, R. P., « Voyage au Zaïre », in Bulletin de la Société de Géographie de Paris, vol. XII (1876),
pp. 412-426.
Surtout une description du paysage.
EDWARDS, Bryan, The History Civil and Commercial of the British Colonies in the West Indies, Dublin,
1793 ; 2 e éd. Londres, 1819, vol. II, p. 50.
Le commerce des Français et celui des Portugais du point de vue de leurs incidences respectives
sur la traite, le long des côtes du Congo.
236
ENCISO, Martins Fernandes de, Suma de Geografia, Séville, 1519 ; B.N.P., Rés. G. 98. Pour le problème
des Jagas.
FARIA, Manuel Severim de, Noticias de Portugal, Evora, 1655, Lisbonne, 1791, pp. 225- 227 et 235-236
de la 1re éd.
Remarques intéressantes sur l’échec de la christianisation de l’Angola.
FELNER, Alfredo de Albuquerque, voir BRITO, Domingos de Abreu de.
FERREIRA, Francisco de Salles, « Diário da Viagem para S. José de Encoge feita em Dezembro de
1854 », in Annaes do Conselho Ultramarino, (parte não oficial), Lisbonne, série II (1859), pp. 51-54.
— « Memória sobre o presídio de Pungo-Andongo » (s.d.), in Annaes Marítimos e Coloniaes (parte
não oficial), Lisbonne, 6a série, n° 4 (1846), pp. 105-119 (carte).
— « Memória sobre o sertão de Cassange. 20 Abril 1853 », in Annaes do Conselho Ultramarino (parte
não oficial), Lisbonne, série I (1854), pp. 26-28. p. 4 : sur l’élection du Jaga ; p. 28 : mort et
enterrement du Jaga.
FONSECA, Sebastiâo de Almeida Saldanha da, « Relação de uma jornada de Loanda ao Presídio de
Pungo-Andongo, provincia de Angola, no anno de 1847 », in Annaes do Conselho Ultramarino (parte
nâo oficial), Lisbonne, série I (1858), pp. 475-478 (gravure).
FRANCINA, Manuel Alves de Castro, « Itinerário de uma jornada de Loanda ao Distrito de Ambaca
na província de Angola [1846] », in Annaes do Conselho Ultramarino (parte nâo oficial), Lisbonne,
série I (1854), pp. 3-15.
FRANCO, António (S. J.), Imagem da Virtude em o noviciado da Companhia de Jesu na Corte de Lisboa,
Lisbonne, 1717, B.N.P. (Fol. Oy 23), Evora, 1719, B.N.P. (Fol. Oy 23a).
T. II de l’éd. d’Evora : éléments sur l’implantation des Portugais en Angola.
— Synopsis Annalium Societatis Jesu in Lusitania ab Anno 1540 usque ad Annus 1725, Augsburg, 1726,
B.N.P. (H. 1767).
Éléments sur l’histoire du Congo que l’on ne trouvera pas dans M.M.A.
GAMA, António de Saldanha da, Memórias sobre as Colónias de Portugal situadas na Costa Ocidental
d’Africa... em 1814, Paris, 1839, 112 p., B.N.P. (8° Oy 107).
GATTI, Evaristo, voir MONARI, Giuseppe (da Modena).
GIL, António Considerações sobre alguns pontos mais importantes da moral religiosa e sistema de
jurisprudência dos pretos do continente da Africa occidental portuguesa..., Lisbonne, 1854 ; Reproduit in
Boletim LIV da Universidade de São Paulo, Etnografia e Lingua Tupi-Guarani, n° 8, São Paulo,
Brésil, 1945, 53 p.
Témoignage d’un ethnographe observateur, à une époque où l’ethnographie en était encore à ses
débuts.
GIOIA, Francesco Maria (da Napoli), La Meravigliosa Conversione alla santa fede di Christo delle Regina
Singa [sic] e del suo Regno di Matamba nell’ Africa meridionale... cavata de una Relatione di la mandata dal
P. F. António da Gaeta..., Naples 1669, B.N.P. (4° O3 o 3).
Complète utilement, sur certains points, l’ouvrage de Cavazzi.
GODINHO, P. André do Couto, voir : VIDE, Fr. Raphael Castello de.
GRANDY, W. G., « Report of the proceedings of the Livingstone Congo Expedition », in Proceedings of
the Royal Geographical Society, vol. 19 (1874-1875), pp. 78-105. Description d’un voyage à São
Salvador.
GUATTINI, Michel Angelo (da Reggio), voir : CARLI, Dionigi de (da Piacenza).
GUERREIRO, Fernâo, RelaçõesAnnuais, 4 vol., Evora, 1603-1611 ; réédition Coïmbre, 3 vol. 1930-1942.
237
Éléments sur l’Angola : vol. II (1605).
JADIN, L., « Aperçu de la situation du Congo et rite d’élection des rois en 1775, d’après le P.
Cherubino da Savona, missionnaire au Congo de 1759 à 1774 », in Bulletin de l’Institut Historique
Belge de Rome, fasc.XXXV, Bruxelles (1963), pp. 343-419.
— « Le Clergé séculier et les Capucins du Congo et d’Angola aux XVIe et XVIIe siècles [sic] [= XVIIe et
XVIIIe], Conflits de Juridiction, 1700-1726 », in Bulletin de l’Institut Historique Belge de Rome, fasc.
XXXVI, Bruxelles (1964), pp. 185- 483 (textes et doc).
— « Le Congo et la secte des Antoniens. Restauration du Royaume sous Pedro IV et la « Saint-
Antoine » congolaise (1694-1718) », in Bulletin de l’Institut Historique Belge de Rome, fasc. XXXIII
(1961), Bruxelles, pp. 411-615 ; doc. inédits pp. 449-601.
— « Recherches dans les Archives et Bibliothèques d’Italie et du Portugal sur l’Ancien Congo, I :
Missions des Capucins (XVIIe-XIXe siècles) ; II : Lettres de Garcia V (1813-1815) ; III : Relation de
Boaventura dos Santos (1877) », in Bulletin des Séances A.R.S.C., t. II, fasc. 6 (1956), pp. 951-980.
— « Relations sur le Royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de 1791 à
1798 », in Bulletin des Séances A.R.S.C., t. III, fasc. 2 (1957), pp. 307-337.
Éléments sur l’état du royaume du Congo dans sa période de décadence.
— « Rivalités luso-néerlandaises au Soyo, Congo, 1600-1675 », in Bulletin de l’Institut Historique
Belge de Rome, fasc. XXXVII (1966), pp. 137-359.
Renferme deux documents importants, traduits du flamand, sur le Congo.
LABARTHE, P., Voyage à la côte de Guinée ou Description des côtes d’Afrique depuis le Cap Tagrin jusqu’au
Cap Lopez Gonzalvez ; contenant des instructions relatives à la traite des Noirs, Paris, 1803.
L’ouvrage concerne l’année 1788. Éléments sur les États-courtiers au nord du fleuve Congo.
LACERDA, Paulo Martins Pinheiro de, « Noticia da campanha e paiz do Mosul, que conquistou o
Sargento Mór Paulo Martins Pinheiro de Lacerda, no anno de 1790 até principio do anno 1791 »,
in Annaes Marítimos e Coloniaes, 6a série, n° 4, Lisbonne (1846), pp. 127-133.
LAVAL, François Pyrard de, voir : PYRARD DE LAVAL, François.
LEITÃO, Manuel Correia, voir : DIAS, Gastão Sousa.
LIMA, J. J. Lopes de, « Descobrimento, Posse e Conquista do Reino do Congo pelos Portugueses no
século xvi », in Annaes Marítimos e Coloniaes, Lisbonne (1845), pp. 93-108.
— Ensaio sobre a estatlstica das PossessõesPortuguesas. Vol. III : Ensaio sobre a estattstica d’Angola e
Benguella, Lisbonne, 1846.
— « Successos do Reino do Congo no século xvii », in Annaes Marítimos e Coloniaes, Lisbonne (1845),
pp. 194-199.
Éléments utiles sur le Congo après la défaite d’Ambuíla.
LUCQUES, Laurent de, voir CUVELIER, J.
MAFFEI, Raffaello (da Volterra), Commentariorum Urbanorum, Libri XXXVIII, Rome, 1506, B.N.P. : (Z
585).
F° 138 v° : court passage sur la découverte du Congo. Éléments que ne reproduit aucun
chroniqueur portugais contemporain.
MELLO, D. Miguel António de, « Relatório do governo de... », in « Angola no começo do século
XIX » (25 août 1802), in Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa, 5a série (1885), pp. 548-564.
[MELLO, D. Miguel António de, et autres], « Angola no fim do século XVIII, Documentos », in
Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa, 6a série (1886), pp. 274-304.
238
MENEZES, J. A. Carvalho e, Demonstraçâo geographicae politica do Território Portuguez na Guiné inferior
que abrange o Reino de Angola, Benguela e suas dependencias, Causas de sua decadênciae atrasamento,
suas conhecidas producçõese os meios que se podem aplicar para o seu melhoramento e utilidade geral da
naçâo, Rio de Janeiro, 1848.
N’existe pas à la B.N.P. Non consulté.
— Memõria Geográfica e Política das Possessôes Portuguezas n’Africa occidental, Lisbonne, 1834, 41 p., in
Nederlandisch Historisch Scheepvaart Museum, Amsterdam.
Brève dénonciation de la décadence de l’Angola.
MENEZES, Sebastião Lopes de Calheiros e, Relatório do Governador Geral da Província de Angola referido
ao anno de 1861, Lisbonne, 1867, 448 p. ; Bibliothèque portugaise, Fondation Gulbenkian, 51 avenue
d’Ièna, Paris-XVIe.
Données importantes sur l’étendue de la domination portugaise en Angola à cette époque.
MERCADO, Fray Tomás de, Tratados g Contratados de mercadores g tratantes discididos y determinados
por el Padre Presentado Fray Tomás de Mercado, de la orden de los Predicadores, Salamanque, 1569,
B.N.P. Rés. (V. 1867), chap. xv, fos 63 v°- 68 v° : « Del trato de los Negros de Cabo Verde ». Parle
aussi de l’Angola ; considérations sur la moralité de l’esclavage.
MEROLLA, Girolamo (da Sorrento), Breve e Succinta Relatione del Viaggio nel regno di Congo nell’Africa
meridionale fatto dal P. Gir. Merolla da Sorrento [1684-1688], Naples, 1692 ; au Couvent des
Franciscains, Paris, trad. franç., in abbé Prévost, Histoire Générale des Voyages, t. IV, chap. iii, pp.
528-571 et t. V, chap. viii, pp. 70 sq.
Trad. angl., in J. Churchill, A Collection of Voyages and Travels, Londres, 1704, t. I, pp. 655-754.
Éléments sur la vie et les coutumes des Congolais.
MIRANDA, Fr. João Gualberto de, « Relaçâo da Jornada que Fr. João Gualberto de Miranda fez pelos
sertões do Congo, em trabalhos de missionaçâo nos anos 1780-1781 », in Luis Silveira (éd.), Um
Missionário Portugais no Congo nos fins do século XVIII, Lisbonne, 1943 (Colecção « Pelo Império », n°
92).
Reproduit partiellement une lettre de João Gualberto de Miranda, datée de São Salvador, 28 sept.
1782. Cette lettre fait état de l’anarchie continuelle dans laquelle se trouve encore le royaume du
Congo. Il ne faut pas confondre ce texte avec celui qui a été publié dans les Annaes do Conselho
Ultramarino (parte nâo oficial) série II, Lisbonne, 1859-1861, pp. 62-80, et que nous avons attribué
à Fr. Raphael Castello de Vide.
Voir également : VIDE, Fr. Raphael Castello de.
MONARI, Giuseppe (da Modena), Viaggio al Congo [1711-1721], résumé in Evaristo Gatti » Sulle Terre e
Sui Mari, Parme, 1931.
N’existe pas à la B.N.P. Selon J. Cuvelier, « ... beaucoup de passages sont empruntés au Père
Laurent de Lucques ». Ce n’est pas vrai en ce qui concerne l’Angola.
MONTEIRO, J. J., Angola and the River Congo, Londres, 1875, 2 vol.
Témoignage important sur le Congo et l’Angola dans la seconde moitié du XIXe siècle.
MONTESARCHIO, Girolamo da, Viaggio del Ghongo [sic = Congo] cioe è Relatione scritta da un nostro
missionario Capuccino. Ms. au couvent de Montughi, Florence, 166 p., publié par O. de Bouveignes
et J. Cuvelier, Jérôme de Montesarchio, Apôtre du Vieux Congo, collection Lavigerie, Grands Lacs,
Namur(1951), 215 p., carte.
Manque à la B.N.P. ; Musée de l’Afrique Centrale, Tervuren. Montesarchio a travaillé au Congo de
1648 à 1668. Il est mort en 1669. Son témoignage est une source capitale pour l’histoire du Congo.
239
NEVES, António Rodrigues, Memória da Expedição à Cassange commandada pelo Major Salles Ferreira em
1850, Lisbonne, 1854, 129 p.
En photo fac-similé à la Bibliothèque portugaise, Fondation Gulbenkian, 51 av. d’Iéna, Paris XVIe.
NEVES, José Accursio das, Considerações Políticas e Commerciaes sobre os Descobri-mentos e Possessôes
dos Portugueses na Africa e na Asia, Lisbonne, 1830, 420 p.
Bibl. Inst. Et. Port. Sorbonne. Ce petit livre contient de nombreux renseignements utiles.
NIEUHOF, Joan, Memorável Viagem Marítima e Terrestre ao Brasil, 1re éd. hollandaise, Amsterdam,
1682.
Trad. brés. São Paulo, 1942, Bibl. Inst. Ét. Port. Sorbonne. pp. 93-94 sur l’ambassade du Soyo au
Brésil.
OMBONI, Tito, Viaggi nell’Africa Occidentale, Milan, 1846, 416 p., 10 pl. en couleurs. Soc. de Géog.
Dépt. des Cartes et Plans, B.N.P. Sombre tableau de la vie quotidienne à Luanda.
ORLANDINI, Nicolas, Historia Societatis Jesu, Cologne, 1615. Lib. XV, n° 113, et lib. XIII, n° 62 sur le
Congo.
OWEN, W. F. W., Narrative of Voyages to Explore the Shores of Africa, Arabia and Madagascar, Londres.
1833, 2 vol.
Vol. II, p. 279, l’auteur affirme que le nombre d’esclaves exportés de Luanda était en général de 18
à 20 000, mais avait baissé récemment.
PEREIRA, Duarte Pacheco, Esmeraldo de Situ Orbis (c. 1505-1508), Academia Portu-guesa de Históri a,
Lisbonne, 1954, 238 p.
Trad. angl. de G. H. T. Kimble, Hakluyt Society, Londres, 1937.
L’auteur fait de brèves mais significatives allusions au Congo, dans le chap. 2 du livre III.
PIGAFETTA, Filippo de, Relatione del Reame di Congo et delle Circonvicine Contrade Tratta dalli Scritti e
ragionamenti di Odoardo Lopez Portoghese, Rome, 1591.
Éd. fac-similé et traduction portugaise (peu sûre) de Rosa Capeans, Agência Geral das Colónias,
Lisbonne, vol. I, 1949 ; vol. II, 1951.
Trad. franç, de Willy Bal avec notes critiques, publications de l’Université Lovanium de
Léopoldville, Louvain-Paris, 1963, 2e éd. corrigée, 1964.
Source capitale sur l’histoire du Congo. Mais il ne faut pas oublier que Pigafetta n’a fait que
rassembler les souvenirs du voyageur portugais Duarte Lopes.
PINA, Rui de, Croniqua del Rey Dom Joham II, éd. Alberto Martins de Carvalho, Coïmbre, 1950.
Cette chronique fut écrite entre 1501 et 1521 et resta inédite jusqu’en 1792 (cf. Francisco Leite de
Faria, Uma Relaçâo de Rui de Pina sobre o Congo escrita em 1492, Agrupamento de Estudos de
Cartografia Antiga, vol. XVIII (Secçâo de Lisboa), Lisbonne, 1966, p. 13).
PROYART, Abbé, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris, 1776.
Source utile sur les États-courtiers au nord du fleuve Congo. Proyart a utilisé les relations des
missionnaires français, cf. J. Cuvelier, Documents sur une Mission Française au Kakongo, 1766-1776,
Mémoire I.R.C.B., t. XXX, fasc. 1, Bruxelles, 1953.
PYRARD DE LAVAL, François, Voyage de François Pyrard (de Laval), seconde partie, Paris, 1625, chap.
xvi, pp. 374-391 : « Du Trafic au Brésil, Rivière de la Piata, Angola, Congo, S. Thomas, Mina et des
Esclaves d’Afrique ».
RATELBAND, K., Reizen naar West Africa van Pieter van den Broecke, 1605-1614, Linschoten Vereeniging,
‘s Gravenhage, 1950, vol. 52. Cf. aussi CUVELIER, J. et VAN DEN BROECK, Pieter.
— De Westafrikanische reis van Piet Heyn (1624-1625), Linschoten Vereeniging, s’ Gravenhage, vol. 61.
240
Il y est question du Congo et de l’Angola, mais il n’y a rien sur les Noirs.
RAVENSTEIN, E. G., The Strange Adventures of Andrew Baiteli of Leigh, Hakluyt Society, Londres, 1901.
Récit d’un marin anglais égaré en Angola, chez les Jagas. Il visita aussi le Loango (1608-1610). Son
séjour sur la côte occidentale d’Afrique dura de 1590 à 1610.
Source de premier ordre sur les Jagas et sur le Loango.
READE, Winwood, Savage Africa, Londres, 2 e éd., 1864.
Quelques remarques sur le Congo et l’Angola.
REBELLO, P. Amador, Capitulos tirados das cartas que vieram este anno 1588 dos Padres da Comp. de Jesus
que andam nas partes da India, China, Japâo e reino de Angola, Lisbonne,1588.
N’existe pas à la B.N.P. On trouve également ces lettres, plus accessibles, dans M.M.A.
ROMANO, Giovanni Francesco (Jean François de Rome), Breve Relatione del Successo della Missione de
Frati Minori Capuccini del Serafico Padre San Francisco al Regno del Congo e delle qualità, costumi, e
maniere di vivere di quel Regno, e suoi habitatori, Rome, 1648, 1649, Naples, 1648, Parme, 1649, Milan,
1649, 1651.
Des exemplaires des deux éditions de Rome sont conservés au couvent des Capucins, 26 rue
Boissonnade, Paris.
Trad. franç., Lyon, 1649.
Trad. allemande, Constance, 1664.
Nouvelle trad. franç. de François Bontinck, Brève Relation de la Fondation de la Mission des Frères
Mineurs Capucins... au royaume de Congo, et des Particularités, Coutumes et Façons de Vivre des Habitants
de ce Royaume... traduite et annotée par Fr. Bontinck... Publications de l’Université Lovanium de
Léopoldville [sic = Kinshasa]. Éditions Nauwelaerts, Louvain-Paris, 1964, 152 p.
Excellente image du Congo dans la première moitié du XVIIe siècle.
SALMON, P., « Mémoires de la relation de voyage de M. de Massiac à Angola et à Buenos Aires
(1663-1666) », in Bulletin des Séances A.R.S.O., t. VI, fasc. 4 (1960), pp. 586-604.
Description vivante de l’Angola et de la reine Jinga.
SANDOVAL, Alonso de, Naturaleza, Polícia Sagrada i profana, costumbres i ritos, disciplina i catechismo
evangelico de todos Etiopes, Séville, 1627.
B.N.P. (4o O3 o 6). pp. 65-68 : critique acerbe de la moralité de la traite en Angola.
SAVARY DES BRUSLONS, Jacques, Dictionnaire Universel de Commerce, 3 vol., Paris, 1723-1730.
T. I, pp. 1066-1074, sur le commerce dans les États-courtiers au nord du fleuve Congo.
SILVEIRA, Luís, voir MIRANDA, João Gualberto de.
SOUSA, Frei Luis de, História de São Domingos, Pt. II, Lisbonne, 1662.
B.N.P. (H. 1705). Chap. x, pp. 242-243 : passage sur les débuts de l’évangé-lisation du Congo.
TAMS, Georg, Die portugiesischen Besitzungen in Süd-West-Afrika, Hambourg, 1845.
Trad. angl., A Visit to the Portuguese Possessions in South West Africa, Londres, 1845.
B.N.P., 8° Oy 109. Petit livre décevant.
TELLES, Balthezar, Chronica da Companhia de Iesu, Pt. II, Lisbonne, 1647.
Liv. VI, cap. xxvii, f° 622 r° : sur les débuts des Portugais en Angola et sur la chronologie des
règnes des rois d’Angola.
TOVAR, Ioseph Pellicer de (également connu sous le nom de José Pellicer de Ossau y Tovar), Mision
Evangelica al Regno de Congo, Madrid, 1649, 74 folios.
241
La partie qui décrit la vie et les moeurs des Congolais est tirée de l’ouvrage de Giovanni Francesco
Romano. Voir ROMANO, Giovanni Francesco.
TUCKEY, J. K., Narrative of an Expedition to Explore the River Zaïre, Londres, 1818.
Cette expédition fut un échec. Elle ne pénétra pas au delà de la région des cataractes.
VALDEZ, Francisco Travassos, Six Years of a Traveller’sLife in Western Africa, Londres, 1861, 2 vol.
Observations intéressantes sur l’Angola et le Congo.
VAN DEN BROECKE, Pieter, Korte historael ende journaelsche aenteyckeninghe, van al ‘tgheen
merckwaerdich voorgevallen is, in de langhdeurighe regsen, soo nae Cabo Verde, Angola, &c. als
insonderhegdt van Oost-Indien... (1605-1614), Haarlem- 1614.
N’existe pas à la B.N.P. ; B.M. (566. b. 9.)
Amsterdam, 1634. N’existe pas à la B.N.P. ; B.M. (10095 aaa 49).
Éd. moderne de K. Ratelband, Reizen naar West Africa van Pieter van den Broecke 1605-1614,
Linschoten Vereeniging, s’ Gravenhage, vol. 61.
Trad. franç. : Vogages de Vandenbroeck au Cap Vert, à Angola et aux Indes Orientales en 1605, etc.,
Amsterdam, 1705. B.N.P. (8° G 1423).
Autre trad. franç. in R. A. C. de Renneville, Recueil de Vogages, Amsterdam, 1706, 5 tomes.
Des extraits concernant le Soyo, mais non le Loango, ont été traduits et publiés par J. Cuvelier,
« L’Ancien Congo d’après Pierre van den Broecke (1608- 1612) », in Bulletin des Séances A.R.S.C., t. I,
fasc. 2 (1955), pp. 168-192.
VIDE, Fr. Raphael Castello de, GODINHO, André de Couto, et MIRANDA, Fr. Joäo Gualberto de,
« Relação da Viagem que flzeram os padres missionários desde a cidade de Luanda d’onde
sahiram a 2 de Agosto de 1780, até a presença do rei do Congo, onde chegaram a 30 de Junho de
1781 », in Annaes do Conselho Ultramarino (parte não oficiai), série II, Lisbonne, 1859-1861, pp.
62-80. Bibl. de la Soc. de Géog., Département des Cartes et Plans, B.N.P. (S. G. Per. 4° 08).
Ne pas confondre ce récit avec celui, décevant, du même voyage, écrit par João Gualberto de
Miranda et publié par Luís Silveira, Um Missionário Português no Congo nos fins do século XVIII,
Colecção « Pelo Império », n° 92, Lisbonne, 1943.
VOGEL, Charles, Le Portugal et ses Colonies, Paris, 1860. Renferme de nombreuses statistiques.
VOLTERRANUS, Raphael, voir MAFFEI, Raphael (da Volterra).
WALCKNAER, C. A., Histoire Générale des Voyages ou Nouvelle Collection des Relations de Voyages par mer
et par terre, Paris, 1828, XXI vol.
Les volumes XIII, XIV et XV contiennent des abrégés des relations des auteurs suivants :
Pigafetta, Battell, Braun, Michel Angelo Guattini da Reggio et Dionigi de Carli da Piacenza,
Cavazzi, Merrolla, Zucchelli, Barbot, Labat, Proyart, Descouvrières et Joli, Degrandpré, Tuckey,
Saldanha da Gama, Castello de Vide, Gualberto de Miranda et André Godinho, et Feo Cardozo.
ZUCCHELLI, António (da Gradesca), Relazione del Viaggio e Missione di Congo nell’ Etiopia Inferiore
Occidentale, Venise, 1712, 438 p. ; B.N.P. (4° O3 o 7). Traduction allemande, Francfort, 1715 et 1729.
Zucchelli travailla dans le Soyo et le Loango de 1700 à 1702.
VI. — OUVRAGES ET SOURCES PUBLIÉS OU COMPOSÉSAPRÈS 1880
ALMEIDA, António de, « Relações com os Dembos (das Cartas do Dembado Kakulu Kahenda) », in 1°
Congresso da História da Expansão Portuguesa no Mundo, Lisbonne, 1938, 4a Secção, t. III, pp. 3-98.
242
— « Subsídios para a História dos Reis do Congo », in Congresso do Mundo Português, Lisbonne,
1940, vol. VIII, pp. 485-511.
— « Mais Subsidios para a História dos Reis do Congo », in Congresso do Mundo Português, Lisbonne,
1940, pp. 643-696.
ANSTEY, R. T., Britain and the Congo in the 19th Century, Oxford, 1962.
ASSUMPÇÃO, Lino d’, « Exploração à Africa nos inéditos da Biblioteca de Evora », in Boletim da
Sociedade de Geografia de Lisboa, 5a série, n° 6 (1885), pp. 350-376.
AVELOT, R., « Les Grands mouvements de peuples en Afrique : Jaga et Zimba », in Bulletin de
Géographie Historique et Descriptive, Paris, 1912, t. XXVII, pp. 75- 216.
Grand déploiement de sources, pas toujours intelligemment utilisées. Surtout intéressant pour la
Bibliographie.
— « Voyage de Herder au Kwango », in La Géographie, t. XXVI, Paris, 1912, pp. 319-328.
Fondé sur Dapper.
AZEVEDO, J. Lúcio de, Épocas de Portugal Económico,Lisbonne, 1929. Éléments sur la traite.
BAESTEN, P. (S. J.), « Les Jésuites au Congo », in Précis Historiques, t. 41 (1892), 42 (1893), 44 (1895), et
45 (1896). Couvre la période 1556-1672.
BAL, Willy, « Portugais Pombeiro, commerçant ambulant du ‘sertão’ », in Annali dell’Instituto
Universitario Orientale (sezione romanza), Naples (1965), vol. VII, n » 2, pp. 123-161.
BALANDIER, Georges, « Le Royaume de Kongo et l’acculturation ratée », in XIIe Congrès des Sciences
Historiques, Vienne, 1965, rapports I, pp. 95-102.
— La Vie Quotidienne au Royaume du Congo du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, 1965, 286 p., carte.
BARATA, Oscar Soares, « Aspectos das Condições Demográficas de Angola », in Angola, Curso de
Extensão Universitária, Ano Lectivo de 1963-1964, Lisbonne, 1964. pp. 115-132.
BARROSO, António, voir BRÁSIO, António.
BENTLEY, W. Holman, Pioneering on the Congo, Londres, 1900, 2 vol.
BIRMINGHAM, David, « The Date and Significance of the Imbangala invasion of Angola », in Journal
of African History, vol. VI, n° 2 (1965), pp. 143-152.
— The Portuguese Conquest of Angola, Institute of Race Relations, Oxford Univ. Press, Londres, 1965,
50 p., 2 cartes.
— Trade and Conflict in Angola, (The Mbundu and their Neighbours under the influence of the Portuguese
1483-1700), Oxford, 1966, 178 p., 2 cartes.
BITTREMIEUX, Léo, La Société Secrète des Bakhimba au Mayombe, Mémoire I.R.C.B., t. V, fasc. 3 (1936),
327 p.
BOONE, Olga, Les Tambours du Congo Belge et du Ruanda Urundi, Annales du Musée Royal du Congo
Belge, Tervuren, 1951.
— Les Xylophones du Congo Belge, Annales du Musée Royal du Congo Belge, Tervuren, 1936.
BOUVEIGNES, O. de, « Jérôme da Montesarchio et la découverte du Stanley Pool », in Zaïre, vol. II, n°
9 (1948), pp. 989-1013.
Reproduit la lettre de Montesarchio, du 13 oct. 1653, Archives de la Propagande, Lettere Antiche,
vol. 249, fol. 270.
BOXER, C. R., Race Relations in the Portuguese Empire, Oxford, 1963, 136 p.
— Salvador de Sá e Benevides and the Struggle for Brazil and Angola, 1601-1686. Londres, 1952, 444 p.
Concerne surtout la guerre luso-hollandaise.
243
BRÁSIO, António, D. António Barroso, Missionàrio, Cientista e Missiólogo ; Selecção e Notas por António
Brasio ; Centro de Estudos Históricos Ultramarinos, Lisbonne, 1961, 683 p.
Collection des écrits de Barroso couvrant la période 1880-1900. Fournit d’importants
renseignements sur São Salvador à la fin du XIXe siècle.
BRASIO, António, « A História do Reino do Congo », in Portugal em Africa, vol. VI (1949), pp. 153-161.
Refuse à ce texte la valeur historique qui lui avait été reconnue par J. Cuve-lier et A. A. Felner,
mais avec des arguments peu probants. Situe sa composition c. 1655.
BRUNSCHWIG, Henri, L’Avènement de l’Afrique Noire, Paris, 1963.
CAPELLO, H. et IVENS, R., De Benguella às Terras de Iácca, Lisbonne, 1881, 2 vol.
CARDOSO, J. M. da Silva, No Congo Porjuguês. Viagem. ao Bembe e Damba, Lisbonne, 1913, Non
consulté.
CARDOSO, Manuel da Costa Lobo, São Paulo da Assumpçâo de Luanda (Apontamentos para a sua
História), Museo de Angola, Luanda, 1950, 69 p.
— Subsidios para a História de Luanda, Museo de Angola, Luanda, 1954, 63 p.
CARROCERA, P. Buenaventura de, « Dos Relaciones inéditas sobre la Misión Capuchina del Congo »,
in Collectanea Franciscana, t. XVI (1946), pp. 102-124.
Révèle l’existence de deux manuscrits inédits du P. Juan de Santiago [1649- 1650] et du P. António
de Teruel [1663-1664] concernant le Congo.
CARVALHO, Henrique Dias de, O Jagado de Cassange na Província de Angola, Lisbonne, 1898, 442 p.
CERQUEIRA, I. de, Vida Social Indigena na Colónia de Angola (Usos e Costumes), Lisbonne, 1947, 93 p.
CORVO, João de Andrade, Estudos sobre as Provincias Ultramarinas Lisbonne, 1883, 3 vol.
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CRUZ, J. Ribeiro da, Geografia de Angola, Lisbonne, 1940. N’existe pas à la B.N.P. Non consulté.
CUVELIER, J., L’Ancien Royaume du Congo, Bruxelles, 1946, 367 p., carte.
N’est guère qu’une hagiographie du roi D. Afonso, traite uniquement de son règne. Si le texte est
écrit dans un style trop exalté, les notes, qui constituent presque la moitié de l’ouvrage, sont
excellentes et très détaillées.
— « Contribution à l’étude du Bas-Congo », in Bulletin des Séances I.R.C.B., t. XIX, fasc. 11 (1948), pp.
895-921.
Concerne surtout la fin du XVIIe siècle.
— « Notes sur Cavazzi », in Zaïre, vol. III, n° 2 (1949), pp. 175-184.
— « Traditions Congolaises », in Congo, t. II, n° 2 (1930), pp. 193-208, et n° 4, pp. 469-487.
CUVELIER, J. et BOONE, Jozef, Koningen Nzinga van Matamba, Missiologische Mono-graflen, n° 6,
Bruges, 1957, 234 p.
Ouvrage de vulgarisation fondé sur Cavazzi, sans appareil référentiel ; c. r. sévère de J. Stengers
in Zaïre, vol. XV (1957), pp. 1059-1060.
DARTEVELLE, E., « Les N’zimbu, monnaie du royaume du Congo », Société Royale Belge d’Archéologie et
Préhistoire, t. LXIV, n° 1, Bruxelles, 1953. Décevant.
DECKER, Hartmann C, « Die Jagazüge und das Königtum im mittleren Bantugebiet », in Zeitschrift
für Ethnologie, t. 71 (1939), pp. 229-293.
DELAERE, J., « Nzambi-Maweze — Quelques notes sur la croyance des Bapende en l’Être Suprême »,
in Anthropos, t. 37-40 (1942-1945), pp. 620-628.
244
DELGADO, Ralph, História de Angola, Benguela et Lobito, 4 tomes, 1948-1955. Bibliothèque
portugaise, Fondation Gulbenkian, 51 avenue d’Iéna, Paris.
Couvre la période 1482-1736., 2e éd., Lobito, 1961, vol. I (1482-1607), seul volume publié à ce jour.
Ouvrage plein de bonnes intentions, mais extraordinairement bavard et décousu. Appareil
référentiel insuffisant. Très sujet à caution sur certains points de détail.
DENIS, J., Les Yaka du Kwango, Annales du Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren, 1964, 107 p.
DENIS, L. (S. J.), « La Supputation du temps et le calendrier chez les Bakongo », in Congo, t. II, n° 5
(1938), pp. 481-489.
DENNETT, R. E., At the Back of the Black Man’s Mind, Londres, 1906, 288 p.
DIAS, Gastão Sousa, Os Portugueses em Angola, Lisbonne, 1959, 329 p.
DINIZ, J. O. Ferreira, Populações Indígenas de Angola, Coïmbre, 1918, 756 p. Systématique, mais sans
génie.
DITTMER, Kunz, « Zur Geschichte Afrikas. 3-Die ältere Geschichte Süd- und Zentral-afrikas », in
Saeculum, vol. XVII, n° 2 (1966), pp. 37-89.
DUFFY, James, Portuguese Africa, Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1959, 389 p., 2 e éd.,
1961.
DUPARQUET, C. L., Documents relatifs à la préfecture apostolique du Congo, Paris, 1881.
DUPONT, E., Lettres sur le Congo, Paris, 1889, 715 p. Observations perspicaces d’un botaniste.
EGERTON, F. Clement, Angola in Perspective, Londres, 1957.
ESTERMANN, Charles, « Ergänzende Bemerkungen zum Gottesnamen Nzambi, Ndambi », in
Anthropos, t. 59 (1964), pp. 932-935.
FARIA, Francisco Leite de, « A Situação de Angola e Congo apreciada em Madrid em 1643 », in
Portugal em Africa, vol. IX (1952). pp. 235-248.
— « A primeira tentativa para os capuchinos missionarem no Congo », in Itinerarium, Braga, n° 8
(1956), pp. 5-29.
— Uma Relação de Rui de Pina sobre o Congo escrita em 1492, Agrupamento de Estudos de Cartografia
Antiga, vol. XVIII (Secção de Lisboa), Junta de Inves-tigações do Ultramar, Lisbonne, 1966.
FELGAS, Hélio A. Esteves, História do Congo Português,Carmona (Angola), 1958, 215 p. B.N.P.
Petit livre modeste, utile sur les dernières décennies du XIXe siècle.
— A OcupaçãoMilitar do Congo Português, Lisbonne, 1958 (tiré à part de la Re
vista Militar, fasc. 11, nov. 1958),
Bibliothèque Portugaise, Fondation Gulbenkian, 51 Av. de Iéna, Paris, xvie.
— As Populações nativas do Congo Português, Luanda, 1960, 136 p.
Petit livre utile.
FELNER, Alfredo Albuquerque, Angola, Apontamentos sobre a ocupação e inicio do estabelecimento dos
Portugueses no Congo, Angola e Benguela, Coïmbre, 1933. Va jusqu’au premier quart du XVIIe siècle.
Un livre essentiel.
FORTEMS, Guy, La densité de la population dans le Bas Fleuve et dans le Magombe, Mémoire A.R.S.C.
(Classe des Sciences Naturelles et Médicales), t. XI, fasc. 4, Bruxelles, 1960, 114 p., 4 cartes.
GALVÂO, A., « Relatório da minha viagem ao Congo », in Boletim da Sociedade de Geografia de Lisboa,
série 36, nos 4-6 (1918), pp. 81-155.
GALVÂO, Henrique, História do Nosso Tempo, Lisbonne, 1931, 409 p.
245
GOSSWEILLER J. et MENDONÇA, F. A., Carta Fitogeográficade Angola, Ministério das Colónias, Lisbonne,
1939.
— « Flora Exótica de Angola », in Agronomia Angolana, nos 1, 2, 3, 4, Luanda (1948-1950).
— « Nomes Indígenas de Plantas de Angola », in Agronomia Angolana, n° 7, Luanda, 1953.
HAVEAUX, G. L., La Tradition historique des Bapende Orientaux, Mémoire I.R.C.B., t. XXXVII, fasc. 1
(1954), 56 p., cartes.
Traditions orales sur l’arrivée des Européens en Angola.
HERTSLET, E., A Map of Africa by Treaty, 3e éd., Londres, 1909, 4 vol.
HILDEBRAND, Père, Le Martyr Georges de Geel et les débuts de la Mission du Congo (1645-1652), Anvers,
Archives des Capucins 1940. N’existe pas à la B.N.P.
Malgré un style hagiographique exaspérant, l’ouvrage est utile car il renferme d’abondantes
références, de précieux éléments inédits extraits d’archives et 32 pages de documents reproduits
à la fin.
HIRSCHBERQ, W., « Der Gottesname Nyambi », in Zeitschrift für Ethnologie, t. 88 (1963), pp. 163-179.
IHLE, Alexander, Das alte Königreich Kongo, Leipzig, 1929.
Remarquable étude, systématique et approfondie sur l’histoire culturelle du Congo. A peut-être
un peu vieilli, en raison des nombreuses sources publiées depuis.
JADIN, L., « L’Église de Ngonga Mbata », in Bulletin des Séances A.R.S.C, t. I, fasc. 4 (1955), pp.
1000-1005.
— et Jadin, L. J. « L’Intervention de la Marine Française au Congo de 1869 à 1875 », in Acias do
Congresso Internacional de História dos Descobrimentos, Lisbonne, 1961, vol. VI, pp. 185-202.
JEANNEST, Charles, Quatre années au Congo, [1869-1873] Paris 1883.
Souvenirs d’un gérant de factorerie à Quinsembo, près d’Ambriz.
JOHNSTONE, H. H., « On the Races of the Congo and the Portuguese Colonies in Western Africa », in
Journal of the Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, vol. 13 (1883), pp. 461-479.
— The River Congo, Londres, 1884.
KELTIE, J. Scott, The Partition of Africa, Londres, 1893.
LAMAL, F., Basuku et Bayaka des Districts Kwango et Kwilu au Congo, Annales du Musée Royal de
l’Afrique Centrale, Tervuren, 1965, 323 p.
LAMAN, K. E., The Kongo, Studia Ethnographica Upsalensia XII, Stockholm, 3 vol., 1953-1962.
LAUBENTY, J. S., Les Cordophones du Congo Belge et du Ruanda Urundi, Annales du Musée Royal du
Congo Belge, Tervuren, 1960.
LOIR, Hélène, Le Tissage de Raphia au Congo Belge, Tervuren, 1935.
LOPES, Edmundo Correia, A Escravatura, Subsídios para a sua História, Agência Geral das Colónias,
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MARTINS, Joaquim, « As Causas da Emigração dos povos de São Salvador do Congo segundo a
tradição indígena », in Mensário Administrativa, n° 6 (1946), pp. 41-44.
Quelques traditions orales, mais rien qui touche aux conséquences de la défaite d’Ambuíla.
MARTINS, Manuel Alfredo Morais, Contactos de Cultura no Congo Português, Junta de Investigações do
Ultramar, Estudos de Ciências Políticas e Sociais, n° 11, Lisbonne, 1958, 166 p.
Petit livre modeste et intelligent.
MATOS, Luís de, « A Fixação das Fronteiras de Angola », in Angola, Curso de Extensão Universitária,
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dactylographiée, Coïmbre, 1963. Reproduction de nombreux documents.
MERTENS, J., Les Chefs couronnés chez les Bakongo Orientaux (Étude de régime successoral), Mémoire
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MORGADO, Nuno Alves, Aspectos da Evolução Demográfica da População da Antiga Provincia do Congo
(1949-1956), Junta de Investigações do Ultramar, Centro de Estudos Políticos e Sociais, Estudos
Políticos e Sociais, n° 24, Lisbonne, 1959, 63 p.
MOTA, Avelino Teixeira da, A Cartografia antiga da Africa Central e a travessia entre Angola e
Moçambique, 1500-1860, Sociedade de Estudos de Moçambique, Lourenço Marques, 1964, 255 p., 32
reproductions de cartes. Une édition en anglais a été imprimée simultanément.
— « D. Luís da Cunha e a Carta da Africa Merídional de Bourguignon d’Anville », in Revista
Portuguesa de História, t. X (1962), pp. 399-410 (4 reproductions de cartes).
MOUTA, Fernando, « As Minas de Cobre do Congo », in Actividade Económica, n° 3 (1936), pp. 9-15
(carte).
PECHUEL-LOESCH, Eduard, Kongoland, Iéna, 1887, 590 p.
— Die Loango Expedition ausgesandt von der deutschen Gesellschaft zur Aequatorial- Afrika 1873-1876, 3
vol., Leipzig, 1879-1882.
— Volkskunde von Loango, Stuttgart, 1907, 472 p.
PERY, Gerardo A., Geografia e estatística geral de Portugal e colónias com um atlas, Lisbonne, 1875.
PIRENNE, J.-H., « Les éléments fondamentaux de l’ancienne structure territoriale et politique du
Bas Congo », in Bulletin des Séances de l’A.R.S.O., t. V, fasc. 3 (1959), pp. 557-577.
PXANCQUAERT, M., Les Jaga et les Bayaka du Kwango, Mémoire I.R.G.B., t. III, fasc. 1, Bruxelles (1932).
RAVENSTEIN, E. G., The Strange Adventures of Andrew Baiteli of Leigh, Hakluyt Society, 1901, 210 p.,
cartes.
Outre le récit de ce marin anglais, deux excellents appendices : « A Sketch of the History of Kongo
to the end of the XVIIth century », pp. 102-138, et « A Sketch of the History of Angola to the end
of the XVIIth century », pp. 139-190.
— « The Voyages of Diogo Cão and Bartolomeu Dias », in Geographical Journal (1900), pp. 625-655.
Étude fondamentale et pas encore dépassée.
REGO, António da Silva, A Dupla Restauração de Angola (1641-1648), Lisbonne, 1948.
N’existe ni à la B.N.P. ni à l’Inst. Et. Port. Sorbonne. Non consulté. Concerne surtout la guerre
luso-hollandaise.
REYNARD, R., « Recherches sur la présence des Portugais au Gabon, XVe-XIXe siècles », in Bulletin de
l’Institut d’Études Centrafricaines, n.s., n° 9 (1955), pp. 15-66.
— « Note sur l’activité économique des côtes du Gabon au début du XVIIe siècle », in ibid., n.s., nos
13-14 (1957), pp. 49-54.
RINCHON, D., Pierre-Ignace-Lievin Van Alstein, Capitaine Négrier, Gand 1733 — Nantes 1793, Mémoire
I.F.A.N., n° 71, Dakar, 1964, 452 p., 15 tables.
Source importante sur la traite dans les États-courtiers au nord du fleuve Congo.
— La Traite et l’Esclavage des Congolais, Wetteren (Belgique), 1929.
ROÇADAS, Alves J. A., La Main-d’OEuvre indigène à Angola, Lisbonne, 1914.
RODRIGUES, Francisco, História da Companhia de Jesus na Assistêndo de Portugal, Porto, 1938.
T. II, vol. II, on trouve : pp. 505-573, sur les missions jésuites en Angola ; pp. 535-537, des
reproductions d’extraits des archives S. J. Lus, 79, fos 69-70 : « Apontamentos que fez о P.
247
Balthasar Barreira [...] em favor dos conquistadores do dito Reino [de Angola] » (s.d.n.l.) ; pp.
537-538 : réponse du gouverneur Francisco de Almeida à Barreira (le gouverneur fut excommunié
par la suite).
SCHEBESTA, Paul, « Der Gottesname Nyambi », in Anthropos, t. 59 (1954), pp. 267-269
SILVA, J. E. Santos e, Esboço Histórico do Congo e Loango nos Tempos Modernos contendo uma resenha dos
Costumes e Vocabulário dos Indígenas de Cabinda, Lisbonne, 1888, 115 p.
SILVA, José Gentil da, « En Afrique Portugaise : l’Angola au XVIIIe siècle », in Annales E.S.C. (1959), n
° 3, pp. 571-580.
— « L’Angola au début du XIXe siècle », in Actas do Congresso Internacional de História dos
Descobrimentos, Lisbonne, 1961, vol. VI, pp. 385-391.
SIMAR, Th., « Le Congo au XVIe siècle d’après la relation de Lopez-Pigafetta », in Revue Congolaise,
1914, pp. 226 sq.
Étude soigneuse et approfondie.
SIMONETTI, Giuseppe, « P. Giacinto Brugiotti da Vetralla e la sua missione al Congo (1651-1657) »,
in Bollettino della Società Geografica Italiana, série IV, vol. VIII, n° 4 (1907), pp. 305-322 et n° 5 (1907),
pp. 369-381.
Étude très importante sur la vie et l’organisation sociale des Congolais.
SoRET, Marcel, Les Kongo Nord-Occidentaux, in Monographies Africaines, Paris, 1956.
SUGLIANO, Violante, « Il P. Giacinto e la sua missione al Congo », in L’Italia Francescana, t. IV, Rome
(1929), pp. 531-539.
Au Couvent des Capucins, 26 rue Boissonnade, Paris-14e. Concerne Giacinto Brugiotti da Vetralla.
STENMANS, Alain, La Reprise du Congo par la Belgique, Bruxelles, 1949, 492 p.
TAUNAY, Alfonso de E., « Subsídios para a História do Tráfico Africano no Brasil », in Anais do
Museo Paulista, t. X (1941), pp. 1-301.
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— « Nzambi Mpungu, the God of the Bakongo », in Man (1930), n° 3.
— On the Trail of the Bushongo, Londres, 1925.
TORDAY, Emil et JOYCE T. A., Notes ethnographiques sur les peuples communément appelés Bakuba, ainsi
que sur les peuplades apparentées, les Bushongo, Bruxelles, 1911.
TROESCH, J., « Le Royaume de Soyo », in Aequatoria (Coquilhatville), XXVe année, n° 3 (1962), pp.
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Coutumes recueillies à travers la tradition orale.
TUCKER, John T., Angola, the Land of the Blacksmith Prince, Londres-Toronto, 1933, 177 p., 2 cartes.
VANSINA, Jan, « The Foundation of the Kingdom of Kasanje », in Journal of African History, vol. IV, n°
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— Kingdoms of the Savanna, University of Wisconsin Press, Madison, Milwaukee et Londres, 1966,
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Trad. franc. : Les Anciens Royaumes de la Savane, Institut de Recherches Économiques et Sociales,
Université de Lovanium, Léopoldville, 1965, 250 p. Il convient de se reporter, si possible, à
l’édition en anglais.
— « Long Distance Trade Routes in Central Africa », in Journal of African History, vol. III, n° 3 (1962),
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248
— « Note sur l’origine du royaume du Congo », in Journal of African History, vol. IV, n° 1 (1963), pp.
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— Le Royaume Kuba, Musée Royal de l’Afrique Centrale, Annales, série in-8°, Sciences humaines, n°
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VAN WING, J., « L’Être Suprême des Bakongo », in Recherches des Sciences Religieuses, mars-août 1920,
pp. 70-81.
— Études Bakongo, vol. I : Histoire et Sociologie, Bibliothèque Congo, n° III, Bruxelles, 1921, 319 p. ;
vol. II : Religion et Magie, Mémoire I.R.C.B., t. IX, fasc. 1, Bruxelles, 1938, 301 p.
Le premier volume est un survol par trop rapide, le second décevant et superficiel.
VRIJMAN, C, « Quelques Notices sur l’Histoire de la Traite Négrière des Hollandais », in Bulletin de la
Section de Géographie, t. 51 (1936), pp. 107-126.
VRIJMAN, L. C, Slavenhalers en Slavenhandel, Amsterdam, 1943, 160 p. Rien de précis sur le Congo, le
Loango ou l’Angola.
WANNEN, R. L., L’Art Ancien du Métal au Bas Congo, Champles par Wavre (Belgique), 1961, 96 p., 39
photographies d’objets métalliques indigènes.
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1936, B.N.P.
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N’existe pas dans les bibliothèques de Paris.
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250
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CANNECATIM, Fr. Bernardo Maria, Collecção de Observações grammaticaes sobre a língua bunda ou
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Maria de Cannecatim, capuchinho italiano da província de Palermo missionário apostólico e prefeito das
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CARDOSO, Matheus, Doutrina christãa composta pelo P. Marcos Iorge da Companhia de IESU Doutor em
Theologia... De novo traduzido na lingua do Reyno do Congo por ordem do P. Mattheus Cardoso Theologo...,
Lisbonne, 1624. B.N.L., Rés. 269 v. Non consulté.
Nouvelle édition en kikongo, latin, portugais et italien, Rome [1650]. Non consulté.
— Oraciones Traduzidas En Lengua del Reyno De Angola Por Ordem del P. Mateo Cardozo, 2e éd., Lima,
1629.
Selon Van Wing (Études Bakongo, Histoire et Sociologie, p. 48), la première édition, dont on ne
connaît aucun exemplaire existant, aurait été en portugais.
CASTRO, D. Anthonio Thomaz da Silva Leitão e, voir BRUQIOTTI, Giacinto (da Vetralla),
CHATELAIN, Heli, Grammáticaelementar de Kimbundo ou lingua de Angola, Genève. 1888-1889. Non
consulté.
CONCEIÇAO, Gaspar, Cartilha da Doutrina Christã em lingua do Congo, Evora, 1554.
Cf. G. Van Bulck, « L’Ancien Congo d’après les archives romaines », in Zaire, vol. IX, n° 5 (1955),
pp. 559-573. Aucun exemplaire de cet ouvrage, qui serait le premier imprimé en kikongo, ne
semble être parvenu jusqu’à nous. Il est mentionné par Leon Pinelo, Epitome de la Biblioteca
Oriental i Occidental, Madrid, 1737, col. 513.
COUTO, António de, Gentiode Angola sufficientemente instruido nos misterios de nossa santa Fé. Obra
postuma composta pelo Padre Francisco Pacconio da Companhia de Jesus. Reduzida a methodo mais breve e
accomodado à capacidade dos sujeitos que se instruem, pelo P. António Couto da mesma companhia,
Lisbonne, 1643, 103 ff., B.N.L., Rés., 277 p.
2e éd., Gentilis Angolae in fidei Mysteriis Eruditus Opusculum, Rome, 1661. B.N.P., 2 ex. (D 3519 (14)) et
(D 5148).
3e éd. en latin, kimbundu et portugais, Lisbonne, 1784 (titre : Gentilis Angolae in fldei Mysterio
eruditis...) Inst. Et. Port. Sorb.
4e éd. par Salles Ferreira, ExplicaçSes de Doutrina Christâa em Portuguez e Angolense, Lisbonne, 1855.
DIAZ, Pedro (S. J.), Arte da Lingua de Angola Lisbonne, 1697, viii-48 p. Non consulté.
DOKE, C. M., « The Age of Brusciotto [sic] », in Bantu Studies, vol. IX (1935), pp. 87- 114.
FERREIRA, Salles, voir COUTO, António de.
251
GEEL, Georges de, Vocabularium Latinum / Hispanicum et Congense / ad Usum Missio-nariorum
Transmuten- / dorum ad Regni Congi Missiones [1652]. Fondi Minori 1896, ms. Varia 274,
Bibliothèque Nationale, Rome. Non consulté.
Cf. J. Van Wing et C. Penders, Le plus ancien Dictionnaire Bantu, Bibliothèque Congo, tome 27,
Bruxelles, 1928, xxxvi-368 p., Société de Géog., Département des Cartes et Plans, B.N.P. (U. 243
(27)).
Du texte latin-espagnol-congolais, on peut regretter que les auteurs aient fait un dictionnaire
congolais-français-flamand. Cf. P. Hildebrand, critique sévère de l’éd. de Van Wing et Penders in
Études Franciscaines, t. XLII (1930), pp. 76-81 ; et du même, Le Martyr Georges de Geel et les débuts de la
Mission du Congo, Anvers, 1940, pp. 266-269. Voir aussi Buenaventura de Carrocera, « Los
Capuchinos españoles en el Congo y el primer Diccionário congolés », in Missionália Hispánica, Ano
II, n° 5 (1945), pp. 209-230, et du même : « O Primeiro Diccionario Congués », in Portugal em Africa,
vol. 3 (1946), pp. 337-351.
GUINNES, H. Gratton, voir BRUGIOTTI, Giacinto (da Vetralla).
LAMAN, K. E., Dictionnaire Kikongo-Français, Mémoire I.R.C.B., t. II, Bruxelles, 1936. B.N.P. (4° R 6571
(2)).
MATTA, J. D. Cordeiro da, Cartilha Racional, Lisbonne, 1892. Non consulté.
« A Kimbundu primer on the João de Deus plan » (J. T. Tucker, Angola the land of the Blacksmith
Prince, p. 150).
— Ensaio de Diccionário Kimbundu-Portuguez, Lisbonne, 1893. Bibliothèque, School of Oriental and
African Studies, Londres. Non consulté. « Le meilleur vocabulaire Kimbúndu jamais publié » (J. T.
Tucker, Angola, the land of the Blacksmith Prince, p. 150).
VAN BULCK, G., Recherches Linguistiques au Congo Belge, Mémoire I.R.C.B., tome XVI, Bruxelles, 1948.
Ouvrage essentiel.
VAN WING, J. et PENDERS, C, voir GEEL, Georges de.
IX. — ÉTUDES DE MÉDECINE TROPICALE
ABREU, Alexis de, Tratado de las Siete Enfermidades, Lisbonne, 1623. L’auteur a visité Luanda en 1594.
Non consulté.
AZEREDO, José Pinto de, Ensaios sobre algumas enfermidades de Angola Lisbonne, 1799. Non consulté.
MIRANDA, João Cardoso, Relação cirurgica e medica, na qual se trata e declara especialmente hum novo
methodo para curar a infecçãoescorbutica, ou mal de Loanda, e todos os seus productos, etc., Lisbonne,
1741.
Bibliothèque de la Faculté de Médecine de Porto. Non consulté.
OLIVEIRA, Luiz António de, « Discurso Académico ao Programma — Determinar com todos os seus
symtomas as Doenças agudas e chronicas que mais frequentemente accometem os pretos recem-
tirados da Africa... », in Memórias Económicas da Academia Real das Sciências de Lisboa, t. IV (1812),
pp. 1-64.
POMBO, Ruela, « Medicina Tropical em Angola », in Diogo Cão, t. I, (1931-1932), pp. 21-26.
WHEELER, Douglas, « A Note on Smallpox in Angola », in Studia, nos 13-14, Lisbonne, 1964, pp.
351-362.
252
X. — REVUES ET COLLECTIONS
AEQUATORIA, Coquilatville (trimestrielle). — Mus. Homme. Collection incomplète : XVIIe année, n°
3 (1954) → XXVe année, n° 4 (1962).
AGRONOMIA ANGOLANA, Luanda (trimestrielle). — Mus. Hist. Nat. Collection incomplète : n° 5 (1951)
→ n° 16 (1962). — B.A.O.M. (1949)
ANNAES MARÍTIMOS E COLONIAES, Lisbonne. — B.N.P. Collection incomplète (1840) → (1846). — Soc.
Géog. Dépt. Cartes et Plans, B.N.P. (1840-1841) → (1846).
ANNAES DO CONSELHO ULTRAMARINO (Parte não oficial), Lisbonne. — Soc. Géog. Dépt. des Cartes et
Plans, B.N.P. : vol. I (1854-1858) → VIII (1866- 1867).
ANAIS DO CLUB MILITAR NAVAL, Lisbonne. — Soc. Géog. Dépt. des Cartes et Plans, B.N.P. Collection
incomplète : t. LXIV (1934), puis t. LXVII (1939) → t. LXIX (1939). — Institut d’Ét. portugaises,
Sorbonne. Collection incomplète : t. LXXXVI (1956) → t. XCVII (1967).
ANAIS DO MUSEO PAULISTA, São Paulo, Brésil. — Institut de l’Amérique Latine. Collection incomplète :
t. III (1927) -> t. XIX (1965).
ARQUIVO DAS COLONIAS, Lisbonne. Fondé en 1917. — B.A.O.M. à partir de 1930.
ARQUIVOS DE ANGOLA, Luanda. Irrég. Fondé en 1933. — B.N.P. (4° 03 1739). Collection incomplète :
2a série, vol. III, nos 13-14 (1946) ; vol. V, nos 19-22 ; vol. VI, nos 22-26 (1949) ; vol. VII, n » 30 (1950) ;
vol. VIII, nos 31-34 (1951) ; vol. XI, nos 43-44 (1954) ; vol. XI, nos 45-46 (1954). — Institut Portugais
Sorbonne. Collection incomplète : 2a série, vol. X, n° 39 (1953) ; vol. XII, n° 50 (1955) ; lacune
jusqu’au vol. XVI, nos 66-67 (1959). — B.A.O.M. Collection incomplète : 2a série, vol. I, n° 1
(1943-1944) vol. XII, nos 47-50 (1955) ; puis vol. XVI, nos 66-67 (1959). — Mus. Homme. Collection
incomplète : 2a série, nos 9, 10 (1945) ; nos 11, 12 (1946) ; nos 13, 14 (1946) ; nos 18, 19 (1947) ; nos 27-
29 (1950) ; nos 59-62 (1958).
BOLETIM CULTURAL DO MUSEU DE ANGOLA, Luanda. — Mus. Homme (1960) nos 1-2. — Inst. Portugais
Sorbonne (1960), nos 1-2.
BOLETIM DA SOCIEDADE DE GEOGRAFIA DE LISBOA, Lisbonne. Fondé en 1876. — B.N.P., Dépt. des Cartes
et Plans. Collection complète.
BOLETIM DO INSTITUTO DE ANGOLA, Luanda. — Institut Portugais, Sorbonne. Collection incomplète : n
° 1 (1953) ; il manque les nos 8, 9, 11, 12.
BOLETIM GERAL DO ULTRAMAR, Lisbonne. — Mus. Homme. — B.A.O.M.
BOLLETTINO DELLE (REALE) S0C1ETÁ GEOGRAFICA ITALIANA, Rome.
— B.N.P., Dépt. des Cartes et Plans (Ge FF 42). Collection incomplète (1878- 1916 seulement).
BULLETIN DE L’INSTITUT D’ÉTUDES CENTRAFRICAINES, Brazzaville. Fondé en 1922. — Mus. Homme.
BULLETIN DE L’INSTITUT HISTORIQUE BELGE DE ROME, BruxeUes. — B.N.P. —Sorbonne.
BULLETIN DES SÉANCES DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES COLONIALES puis D’OUTRE-MER,
Bruxelles. — Mus. Hist. Nat. Collection complète. — Mus. Homme. — Sorbonne. — B.N.P. Collections
incomplètes.
CAHIERS NGONGE, Léopoldville. — B.A.O.M. Collection incomplète.
CONGO, Bruxelles. — B.N.P. Collection complète.
DIOGO CÂO, Lisbonne. — Introuvable dans les bibliothèques de Paris.
GARCIA DE ORTA. — Inst. Port, Sorbonne.
ITALIA FRANSCESCANA, Rome. — Couvent des Franciscains, 26 rue Boissonnade, Paris-14e.
JOURNAL OF AFRICAN HISTORY, Cambridge, Angleterre. Fondé en 1960.
253
— Centre d’Études Africaines, Sorbonne.
MÉMOIRES DE L’INSTITUT ROYAL COLONIAL BELGE, devenue en 1954.
MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES COLONIALES, et devenue en 1960, MÉMOIRES DE
L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES D’OUTRE-MER, Bruxelles. Irrégulier. Il existe trois classes :
Sciences Morales et Politiques ; Sciences Médicales et Naturelles ; Sciences Techniques. Sauf indication
contraire, c’est toujours de la première qu’il est question dans notre ouvrage.
— Mus. Hist. Nat. Collection complète des trois classes. — Mus. Homme. — B.N.P. Collections
incomplètes de la première seulement.
MEMORIAS ECONÓMICAS DA ACADEMIA REAL DAS SCIENCIAS DE LISBOA, Lisbonne. — Bibliothèque
Portugaise de la Fondation Gulbenkian, 51 avenue d’Iéna, 5 vol. 1789-1815.
MENSÁRIO ADMINISTRATIVO, Luanda. Mensuel. — Mus. Homme. Collection incomplète : nos 61-62
(1952) → nos 101-102 (1956). — Inst. Port. Sorbonne. Collection incomplète : nos 61-62 (1952) -s- nos
107-108 (1956).
PORTUGAL EM ZFRICA, Lisbonne. — Mus. Homme. Collection incomplète : vol. 7 (1950) → vol. 21
(1963), puis vol. 23 (1965). — Inst. Port. Sorbonne. Collection incomplète ; à partir de 1944
seulement.
REVUE CONGOLAISE, Bruxelles, 1910 → mai 1914 (fin de publication). — B.N.P. Collection
incomplète.
STUDIA, Lisbonne. Revue semestrielle, fondée en 1955. — Inst. Port. Sorbonne. Collection complète.
— Bibliothèque Portugaise de la Fondation Gulbenkian. Collection complète.
ZAIRE, Bruxelles. Publication mensuelle, fondée en 1947. — Mus. Homme. Collection complète.
254
Index
Administration : 77.
AFONSO I : 11, 20, 23, 24, 44, 97-104, 130-133, 135, 136, 138-140, 145, 151, 152, 165, 167, 184,
185.
Agriculture : 66-67.
Aiaccki : 142.
Akka : 19.
Akkata : 19, 57.
Albinos : 46, 47, 89.
Alumbu : 19, 57.
ÁLVARO I : 30, 106, 146.
ÁLVARO II : 106, 153.
ALVARO III : 106, 137, 146, 153, 167.
ÀLVARO IV : 62, 106.
ÂLVARO V : 106.
ÀLVARO VI : 106.
ÀLVARO XIII : 193, 228.
AMBACA : 217.
AMBRIZ : 123, 124.
AMBRÓSIO I : 106.
AMBUÍLA : 118-120, 180, 218, 219.
Ambundu : 19, 42, 50, 58.
Amindelle : 87.
Amintelle : 87.
Ancêtres : 43-47.
Anglais : 203, 204, 207.
ANGLETERRE : 205, 207, 208.
ANGOÏ : 23, 29, 38.
255
ANGOLA (Roi de) : 24, 131, 140, 212.
Animaux domestiques : 66.
Antonianisme : 157.
ANTÓNIO I : 188-120, 158.
ANZIÇA : 23.
ANZICANA : 23, 179.
Anzicos : 23.
Anziques : 61.
Arachide : 187, 205, 216, 225.
Arbres (des ancêtres) : 44.
Archéologie : 11, 17.
Argent : 24, 212, 214 n. 8, 215.
Armes : 82.
Arquebuses : 182.
Arquebusiers : 139.
Artillerie : 119, 121.
Artisanat : 73.
Arundas : 222 n. 1.
Bahungos : 222.
Bakke Bakke : 19.
Bakongo : 19, 21, 23, 57, 58, 73, 78, 124.
Bakuba : 31, 38, 50 n. 1, 59 n. 8, n. 9, 60 n. 1, 89.
Bakulu : 88.
Baluba : 37.
Bangála : 142.
Bangu Bangu : 60.
Banza : 18, 45 n. 8, 170.
BARROS, JOÂO DE : 11, 12.
BARROSO, P. ANTÓNIO : 124.
Basuku : 24.
Bateke : 23, 61, 63 n. 1, 72, 95, 105, 133, 139, 140, 141, 173, 179, 190, 197, 198.
Batwa : 19, 58.
Bayaka : 142, 222.
BÉATRICE : 157-159.
Bembe : 80, 81 n. 1, 107, 120, 124, 220, 226.
Bénédiction (du roi) : 53.
BERNARDO I : 105, 145.
BERNARDO II : 106.
Biafres : 143.
Bijagos : 143.
256
Bilungi : 88.
Boesjes : 180.
Bougies : 195.
BRÀSIO, P. : 11.
BUALI : 168, 198.
BUGANDA : 28 n. 9, 32 n. 6, 38, 43 n. 4 n. 5, 51 n. 1, 53 n. 2, 59 n. 8, 60 n. 2, 62 n. 5, 70 n. 5, 80
n. 3, 93 n. 2, 169.
BULA : 121.
BUMBA : 32, 46, 89, 94.
BUMBE : 110.
BUNGU : 17, 18, 23.
CABINDA : 125, 200, 202, 220.
CADORNEGA, ANTÓNIO DE OLIVEIRA DE : 12.
CAHENDA : 21.
Calendrier : 34.
CAMBAMBE : 212, 214, 217.
Cannibales : 95, 197, 215.
Cannibalisme : 140, 218, 219.
CÃO, DIOGO : 87, 90, 91.
Caoutchouc : 205, 225.
Capital (accumulation de) : 68.
Capitão-mor : 219.
Capucins : 110-114, 149, 153, 219.
CASSANGE : 215, 219, 221, 222, 224-226, 228.
Caste dirigeante : 57-59.
CASTILHON, M. L. : 218.
CASTRO, A. J. : 123.
CAVAZZI : 11, 12.
CAZEMBE : 43 n. 4, 51 n. 6, 54 n. 1, 61 n. 5.
CHAKA : 139 n. 7. Chef de Terre : 20, 39-42.
CHEMBE KUNJE : 32.
Chemins : 69.
Chimbangali : 142.
Clous : 195.
Cofo : 78.
Commerce : 69-73.
Commerce à longue distance : 71.
Communications : 69.
Conférence de Berlin : 124, 207, 208.
Confession : 154, 156.
257
CONGO DE AMULAÇA : 23, 24.
CONGO DIA NLAZA : 23.
Conseil d'État : 59.
Coquillages : 71-72. Corail : 181, 183.
Corbeille des Ancêtres : 43, 45, 49.
CORDIER, Lt. : 198, 199.
Corps administratif : 59-61, 119.
CORRÊA, ELIAS ALEXANDRE DA SILVA : 12.
Courtiers : 201.
CUILU-NIARI : 21.
Cuisine : 67-68.
Cuivre : 80, 107, 112, 118, 120, 124, 133, 174, 179, 220, 226.
Culture matérielle : 79-84.
Curiampemba : 44.
CUVELIER, J. : 11.
CUVELIER J. & JADIN, L. : 12.
DAHOMEY : 61, 78 n. 4, 131 n. 8, 136 n. 5, 137.
DANIEL I : 121.
DAPPER, O. : 12.
DEMBA : 179.
Dembos : 21, 118, 193, 194, 228.
Despotisme : 54-55, 140.
Dîme : 152.
DIOGO I : 131, 137, 138, 145.
DONGO : 24, 215.
DONGO (Roi de) : 131.
DUQUE DE BRAGANÇA (district de) : 225.
Écoles : 191, 192.
Empussos : 136.
ENCOGE : 211 n. 1, 220, 222.
Encomienda : 214.
Enganga engombo : 113.
Engoma simbo (tambour) : 49.
Enterrement de femmes vives avec roi défunt : 62-63.
ERGAMENES : 63, 231.
Esclaves : 58, 118, 130-134, 174-178, 203-205, 212, 221-223.
Espagnols : 111, 112.
Esprit d'entreprise : 71.
Essicongo : 19, 57.
État Libre du Congo : 124.
258
Étendard : 184.
Étoiles : 33.
Fer : 79-80, 180, 195.
Feu sacré : 53.
Fiscalité : 75-78.
Forgeron : 73, 79, 80.
Fourneau : 79.
Français : 204, 220.
Funda : 78.
Fusils : 182.
Futa : 216.
Gages : 142.
GALLO, BERNARDO DA : 11.
Gangala : 142.
GARCIA I : 106.
GARCIA II : 11, 30, 42, 44, 110-115, 118, 119, 136-138, 146, 152, 154.
GARCIA III : 121. GARCIA V : 155, 193.
Garde royale : 61.
GEEL, GEORGES DE : 113.
Gentio : 104.
Geribita : 180.
Gindes : 142.
GOMES, CORNELIO : 131.
Greniers : 67 n. 8.
Guerres civiles : 120. Guindas : 142.
Habillement : 83, 185, 186.
Haricots : 187.
HENRIQUE I : 105, 122.
HENRIQUE V : 190, 191.
HENRIQUE LUNGA : 124.
HENRIQUE (évêque) : 151.
Héritage (règles de) : 68.
História do Reino do Congo : 11.
Hollandais : 110-113, 115, 118, 121, 152, 159, 192, 199, 200, 203, 204, 218, 220.
Huile de palme : 205, 225.
Hungos : 222.
Igos : 137 n. 1.
ILE DE LUANDA : 24, 25, 72, 118, 119.
Impôts : 77.
Incest royal : 50-51.
259
Infuca : 217.
Ingallo : 78.
Insanda : 44.
Insignes de souveraineté : 47-49. Instruments de musique : 84. Ivoire : 178.
JAGA : 143.
Jagas : 23, 37, 38, 62 n. 5, 93, 105, 106, 141-144, 215.
JANJERO : 38, 62 n. 5.
JEANNEST, CHARLES : 123.
Jésuites : 105, 110, 111, 151, 160, 212.
JINGA (Reine) : 24, 74 n. 4, 118, 139 n. 7, 218, 219.
Jingas : 142.
JOÂO I : 95, 97, 100.
JOÀO III (Roi de Portugal) : 131, 132, 133, 135.
JOÂO (Roi de BULA) : 121.
KAKONGO : 20, 23, 34, 94, 199-200.
Kalunga : 88 n. 3.
Kariampemba : 47.
KIBANGO : 121, 159.
Kibangubangu : 60.
Kikongo : 21.
Kimbundu : 21.
Ki-mpanzu : 121, 122, 159.
Ki-mulaza : 121, 122, 159.
KINSEMBO : 123.
Kitomessa : 41, 45.
Kitomis : 39-42, 39 n. 6, 42 n. 4, 45, 50, 53.
KONGO DIA NGUNGA : 18.
KORDOFAN : 35.
Kwashiorkor : 187.
Labyrinthe : 52.
LANDANA : 207.
Lepussos : 136.
Libata : 45 n. 8, 60 n. 1, 170.
Lifuco : 78 (voir aussi Lufuco).
Lits : 82.
Livres de comptes : 77.
Loanda : 217.
LOANGO : 20, 21, 26, 29, 30, 33, 34, 54, 77, 170, 197-199, 202, 203.
Longa : 84.
260
Lufuco : 135 (voir aussi Lifuco).
LUKENI : 17-20, 50, 57, 60.
Lukobi lu bakulu : 45, 49.
Lumbu : 52, 169.
Lundas : 37, 39, 221, 222.
Lune : 33.
Lungu : 69.
Mabambólo Mani Pangalla : 19.
Macota : 45 n. 8.
Macoutte : 202.
Macunze : 216, 217.
Maestros : 156.
Mafouque : 199, 200, 201, 202.
MAIRE MONAN : 89.
Maïs : 186, 187, 216.
Maisons : 82.
Makoko : 23.
Maladie du sommeil : 147 n. 11.
MALEMBA : 199, 202, 203.
Mani (gouverneurs de provinces) : 60.
Mani-bampas : 60.
Mani-bembo : 60.
Mani-Cabunga : 20, 39.
Mani-lumbu : 60, 183.
Mani-mucaza : 51.
Mani-pampas : 60.
Mani-pemba : 45 n. 8.
Mani-punzo : 60.
MANI-SOYO : 92, 93.
Mani-ssaba : 60.
Manioc : 187, 216.
Mani-Vunda : 28, 42, 49, 50, 52, 97, 157.
MANSO, PAIVA : 11.
MANUEL (Roi de Portugal) : 131.
Maraves : 73 n. 4.
Maravi : 37, 38, 59 n. 7.
Marchés : 69, 70.
Marundas : 222 n. 1.
Masinga : 139.
Massangano : 217.
261
MATAMBA : 24, 218, 219, 221, 222.
Mbaka : 19.
Mbaka Mbaka : 19.
MBAMBA : 20.
MBANZA KONGO : 18.
MBATA : 20, 23, 28, 49, 60.
MBEMBA NZINGA : 96.
Mbila : 61.
Mbumbulu : 19.
MELO, FERNÃO DE : 130.
Mer (interdiction aux rois de la voir) : 83 n. 3.
MÉROË : 30, 35, 51 n. 4, 62 n. 5.
Messagers royaux : 61.
Messianisme : 157-159.
Mesures : 78.
Métiers : 73, 79-81.
Mfila-ntu : 60.
Mfumu zi ndundu : 47.
Mfundi : 67.
Mfutila : 60 n. 8.
Milongas : 217.
Mimos : 19.
MINDOULI : 80, 142, 174.
Mobati : 57, 76.
Mobicas : 58.
Mobilier : 82.
Moluas : 221 n. 6, 222 n. 1.
MONGO CAILA : 18.
MONGO WA KAILA : 18.
Monnaie : 72-73, 134-136, 152, 174, 176, 179, 193, 202.
MONOMOTAPA : 30, 33 n. 2, 36, 38 n. 5, 39, 42 n. 1, 43 n. 5, 51 n. 6, 59 n. 8,
61 n. 4. 71 n. 1, 76 n. 4, 94 n. 4, 183 n. 3, 185.
MONSOL : 23.
Moradia : 136.
Mousquets : 181, 182.
Moxicongo : 20, 57.
Mozuas : 221 n. 6.
Mpanzalungu : 130.
Mpangu : 20, 46 n. 2, 60, 61.
262
Mpanzu (dynastie de) : 106.
MPANZU NZINGA : 97.
Mpemba : 44-47.
MPEMBA : 20.
Mpu : 48, 184.
Mputu : 89.
MUATAIANVO : 37, 38, 51 n. 6, 139 n. 7,
188 n. 17, 197, 221, 222, 224.
Mubiri : 189, 190, 221.
Mucoco : 23, 139, 179, 197.
Mulek : 123.
Mundelle : 87.
Munesiconghi : 57, 58, 73.
Muntelle : 87.
Murinda : 58.
Musenda : 157, 158.
MUSSUL : 122, 123, 200.
Musuco : 24.
Mu-tete : 78.
MUXIMA : 217.
Mvala : : 48.
Mwene 60.
Mwene Putu : 89.
MWENE PUTU KASONGO : 222.
NDEMBA : 71 n. 3, 179.
Ndona nkento : 45.
NDONGO : 24.
Nejinguzioka : 61.
Nembila : 61.
Nemfilantu : 60.
Nempangu : 60, 61.
Nganga : 20.
NGANGA : 24.
Nganga Ngombo : 43 n. 5, 113.
NGIMBO AMBURI : 41.
Ngindi : 142.
Ngoma (tambour) : 49.
NGONGA MBATA : 172.
Ngwanda : 48.
263
Nkadi Mpemba : 45, 47.
Nkaza : 185.
Nkuluntu (chef de village) : 60, 75.
NKUMBA A NGUDI : 18.
NKUNGA : 193.
Nlaza (dynastie de) : 106.
Nlunga (bracelet) : 48.
Notation (système de) : 78.
NOVAIS, PAULO DIAS DE : 211, 212, 214.
NSANGA : 139.
Nsesa (chasse mouches) : 48, 184. Nsidi : 142.
NSUNDI : 20.
Ntelle : 87.
Ntinu : 19.
NZAMBI MPUNGU : 31, 92, 94, 164.
NZINGA A NKUWU : 18, 90, 91, 96, 140.
Nzinga zi oka : 61.
OANDU : 20, 24, 120.
Ocamba : 217.
OCANGA : 23, 24, 133.
OEMBO : 20.
Oiseaux (dans lesquels s'incarnent les âmes des héros) : 43, 47. Or : 183.
Ordalie : 184-185.
Ordenações Manuelinas : 102, 185.
Outils : 82, 182.
Pages (à la cour royale) : 60.
Panzalungos : 130.
Patate douce : 188.
Péages : 136, 137, 138.
Peça de Indias : 176, 177.
Peça do Brasil : 176.
PEDRO I : 105, 145.
PEDRO II : 106.
PEDRO IV : 51, 122, 157, 159.
PEDRO V : 30, 88.
PEDRO ELELO : 124.
Pension : 136.
PIGAFETTA : 12.
PINA, RUI DE : 11, 12.
264
PINDA : 121, 200.
Pirogues : 69.
Plantes Alimentaires : 65, 66.
Pléiades : 33.
Polygamie : 96, 114, 147, 149.
Pombeiros : 173, 189, 217-219, 224.
Ponts : 69.
Population de Luanda : 219, 222, 224, 225.
Population de São Salvador : 169.
Population de São Salvador (blanche) : 145.
Population du Congo : 146-148. Potier : 81.
PRÊTRE JEAN : 87, 96.
Prix : 69, 70, 115, 191, 202, 203, 216, 219.
Propriété : 68.
Pumbos : 133.
PUNGO ANDONGO : 218, 219.
QUETZALCOATL : 89.
Queues de cheval : 48, 183, 184.
Quigicos : 58.
QUILOANGE QUIASSAMA : 225.
Quilombo : 218, 219.
Quimpanzos : 121.
Quimulazos : 121.
QUISAMA : 24.
Quite : 48 n. 1.
QUITEVE : 30, 33 n. 2, 36, 42 n. 1, 43 n. 5, 61 n. 4, 62 n. 5.
Quixilles : 142.
RAPHAËL I : 121.
Raphia (nattes de) : 71, 73, 75, 179.
Rationalité : 78.
Régicide institutionnel : 34-40, 231.
Reine-mère : 51.
RESENDE, GARCIA DE : 11, 12.
ROME, JEAN FRANCOIS DE : 12.
Routes : 69.
SAINT ANTOINE : 149, 150, 151, 157, 158, 159.
SAINT JACQUES : 97, 149.
Salaire : 136.
Sande : 157.
SANTA-MARIA-DE-MATAMBA : 219.
265
SÃO SALVADOR : 18-20, 72, 106, 122, 157-159, 165-172, 180.
SÂO TOMÉ : 21, 106, 130, 131, 137.
Sapes : 143.Sceptre : 48.
SÉBASTIEN (Roi de Portugal) : 106.
Sel : 70, 71, 118, 179, 221.
Shilluk : 28 n. 9 n. 11, 29 n. 2, 32 n. 7, 38.
Simba (collier) : 48.
Soba : 214, 217.
Sossos : 222.
Soufflet : 80.
Sovo : 20, 28, 90, 107, 111, 121, 147, 170, 192, 200, 202.
STANLEY POOL : 21, 133, 139, 173, 179, 180.
Sumbas : 143.
Surplus : 171.
Tabac : 188.
Tacula : 174.
Tambours sacrés : 49.
Technologie : 79-84.
TEMBANDUMBA : 218.
Testaments : 68.
Tissage : 81.
Tisserands : 73, 81.
Tissus : 118, 180, 181, 185, 186, 205, 216.
Toni Malau : 151.
Traditions orales : 11, 17, 19, 87, 88.
Traite : 132-134, 139, 140, 146, 147, 174-178, 205, 220-223, 224.
Traite (abolition de) : 224-225.
Traité de paix : 115-118, 120, 121, 153.
Trempe : 80.
Tribut : 75-78, 215-217.
Trône : 47-48.
ULANGA : 119.
Undamento : 45 n. 8, 217.
UNGHERO, BERNARDO : 199.
Vumbi : 88, 215.
Xicacos : 137.
Vangu Vangu : 60.
Variole : 146, 147, 219.
Vénus : 36.
Vestir : 216.
266
Vigne : 188.
Vin des Canaries : 180, 181, 188.
Yaguas : 142.
Yelala : 87.
ZIMBABWE : 137, 170, 171.
Zimbu : 25, 71-72, 75, 78, 115, 118, 134, 136 n. 2, 137, 152, 180. 270
267
Tables
TABLES DES ILLUSTRATIONS (pages 128-129 et144-145)
1 1. Vue de la ville de São Salvador, gravure extraite de O. Dapper, Description de l'Afrique,
Amsterdam, 1686. (Photo B.N.)
2 2. Vue de la ville de Loango, gravure extraite de O. Dapper, Description de l'Afrique,
Amsterdam, 1686. (Photo B.N.)
3 3. Le roi du Congo, D. Alvaro VI (1634-1641), reçoit une ambassade hollandaise, gravure
extraite de O. Dapper, ibidem. (Photo B.N.)
4 4. Couronnement du roi du Congo : trône et insignes du pouvoir, gravure extraite de O.
Dapper, ibidem. (Photo B.N.)
5 5. Le comte du Soyo, gravure extraite de O. Dapper, ibidem. (Photo B.N.)
6 6. Le roi du Loango tient audience, gravure extraite de O. Dapper, ibidem. (Photo B.N.)
7 7. Prosternation du peuple devant le roi du Loango. Nul ne peut le regarder lorsqu'il boit,
gravure extraite de O. Dapper, ibidem. (Photo B.N.)
8 8. Les Jagas cannibales, gravure extraite de O. Dapper, ibidem. (Photo B.N.)
9 9. Forgerons congolais, gravure extraite de Cavazzi, Istorica descrizione de' tre Regni Congo,
Matamba, et Angola sitvati nell'Ethiopia inferiore occidentale, Bologne, 1687.
10 10. Le roi du Congo, D. Garcia II (1641-1661), accueille les missionnaires capucins (1648),
gravure extraite de Cavazzi, ibidem.
11 11. Femme pilant du maïs dans un mortier et homme faisant du feu, gravure extraite de
Girolamo Merolla da Sorrento, Breve e succinta relatione del viaggio nel regno di Congo
nell'Africa Meridionale, Naples, 1692.
12 12. Instruments de musique des Congolais, gravure extraite de Girolamo Merolla da
Sorrento, ibidem.
13 13. Nobles congolais et enceinte avec cases de nobles, gravure extraite de Girolamo
Merolla da Sorrento, ibidem.
268
14 14. Plant de manioc, grenier et travaux agricoles des Congolais, gravure extraite de
Girolamo Merolla da Sorrento, ibidem.
15 15. Scène de la traite des esclaves, gravure extraite de L. Degrandpré, Voyage à la Côte
occidentale d'Afrique, Paris, 1801. (Photo B.N.)
16 16. Pseudo-portrait de la reine de Matamba, Dona Anna Jinga (1623-1663), par A. Deveria,
Paris (c. 1830), Cabinet des Estampes, B.N. Paris. (Photo B.N.)
17 17. Christ en cuivre jaune, longueur 150 mm. Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren,
Belgique. (Photo du Musée.)
18 18. Christ en cuivre jaune, longueur 170 mm. Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren,
Belgique. (Photo du Musée.)
19 19. Christ en cuivre jaune, longueur 195 mm. Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren,
Belgique. (Photo du Musée.)
20 20. Statuette de saint Antoine en cuivre jaune, « Toni Malau », hauteur 115 mm. Musée
royal de l'Afrique centrale, Tervuren, Belgique. (Photo du Musée.)
21 21. Vue des ruines de la cathédrale de São Salvador. (Photo R. P. Brásio.)
22 Illustrations de la couverture :
23 Au premier plat : « Femme congolaise travaillant son champ », gravure extraite de
Cavazzi, Istorica descrizione..., Bologne, 1687.
24 Au second plat : « Exploitation d'un palmier à huile », gravure extraite de Girolamo
Merolla da Sorrento, Breve e succinta relatione..., Naples, 1692.
TABLES DES CARTES
25 L'ancien royaume du Congo (Provinces et régions adjacentes, XVIe-XVIIe siècles) 22
26 Carte particulière du royaume du Congo, par J. B. d'Anville, 1731 108-109
27 Carte de l'Éthiopie occidentale, par J. B. d Anville, 1732 116-117
28 Itinéraires commerciaux aux XVIe et XVIIe siècles 175
29 Expansion de la colonie portugaise d'Angola de 1575 à 1880 213
30 État de l'occupation portugaise de l'Angola en 1906, d'après Henrique
31 Galvão, História do nosso Tempo, Lisbonne, 1931, p. 16 229
CARTES HORS TEXTE EN DÉPLIANT
32 Africa (moitié sud de la carte), par J. Arrowsmith, Londres, 1834 (Photo B.N. Paris).
33 Carte de l'Angola (moitié nord de la carte), par Visconde de Sá de Bandeira et Fernando da
Costa Leal, Lisbonne, 1863 (Photo B.N. Paris).
269
Illustrations
270
271