L’Amérique Latine : une bonne conjoncture économique · Le commerce extérieur de la Région a...

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VI INTERNATIONAL COLLOQUIUM MACRODYNAMIC CAPABILITY AND ECONOMIC DEVELOPMENT University of Brasilia, 23 mars 2007. AMERIQUE LATINE : ENJEUX DIPLOMATIQUES ET INTEGRATION REGIONALE Guillermo Hillcoat Maître de conférences Université Paris 1 L’Amérique Latine : une bonne conjoncture économique Un contexte international favorableDepuis quatre ans l’Amérique latine profite d’un contexte international exceptionnel : croissance mondiale, remontée des prix des matières premières, taux d’intérêt bas et forte progression du commerce mondial. Ainsi l’ensemble des économies de la Région profitent à différents degrés, de cette conjoncture et connaissent une reprise de la croissance et de leur commerce extérieur, enregistrant des excédents commerciaux parfois records et assistent à l’arrivée d’un nouveau courant d’investissements directs étrangers. En effet, la reprise économique qui s’amorce au niveau international dans la 2 ème moitié 2003, s’est renforcée en 2004. La croissance étant plus forte en Asie, particulièrement en Chine et en Inde de même que dans l’ensemble des PED qui ont connu une croissance de 5%. Parallèlement à la reprise économique, le commerce mondial a augmenté de 20%, le taux le plus fort depuis 25 ans. Ceci s’explique par la remontée des prix, en particulier des commodities, et la progression du volume poussée par la croissance des économies émergentes et des USA. 1

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VI INTERNATIONAL COLLOQUIUM

MACRODYNAMIC CAPABILITY AND ECONOMIC DEVELOPMENT

University of Brasilia, 23 mars 2007.

AMERIQUE LATINE : ENJEUX DIPLOMATIQUES ET INTEGRATION REGIONALE

Guillermo Hillcoat Maître de conférences Université Paris 1 L’Amérique Latine : une bonne conjoncture économique Un contexte international favorable… Depuis quatre ans l’Amérique latine profite d’un contexte international exceptionnel : croissance mondiale, remontée des prix des matières premières, taux d’intérêt bas et forte progression du commerce mondial. Ainsi l’ensemble des économies de la Région profitent à différents degrés, de cette conjoncture et connaissent une reprise de la croissance et de leur commerce extérieur, enregistrant des excédents commerciaux parfois records et assistent à l’arrivée d’un nouveau courant d’investissements directs étrangers. En effet, la reprise économique qui s’amorce au niveau international dans la 2ème moitié 2003, s’est renforcée en 2004. La croissance étant plus forte en Asie, particulièrement en Chine et en Inde de même que dans l’ensemble des PED qui ont connu une croissance de 5%. Parallèlement à la reprise économique, le commerce mondial a augmenté de 20%, le taux le plus fort depuis 25 ans. Ceci s’explique par la remontée des prix, en particulier des commodities, et la progression du volume poussée par la croissance des économies émergentes et des USA.

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Enfin on constate aussi une forte augmentation des flux financiers par exemple vers les économies asiatiques et les PECO. Après trois années de recul les flux d’IDE ont repris fortement vers l’Amérique latine augmentant de 44% en 2004. Cette conjoncture internationale favorable pour l’Amérique latine devrait perdurer ; même si la croissance mondiale devrait ralentir dès cette année, les prix des matières premières devraient se stabiliser voire diminuer et les taux d’intérêt, soit les coûts de financement pour des pays qui restent parfois très endettés, devraient augmenter. Qui se traduit par la relance du commerce extérieur… Le commerce extérieur de la Région a connu deux années de forte croissance, pour les exportations +8,9% et +22,5% respectivement en 2003 et 2004 ; pour les importations +3,2% et +19,5% ; la progression des échanges étant de 17% pour le 1er semestre 2005. Rappelons que pendant 2001-2002 il y avait eu une forte contraction du commerce extérieur de la Région, respectivement -4,5% et + 0,5% pour les exportations et -2,5% et -6,8% pour les importations. Le dynamisme du commerce extérieur est plus marqué dans le cas des pays de l’ALADI (Amérique du Sud + Mexique) puisque leurs exportations hors Amérique latine ont progressé de 22,1% et pour certains pays beaucoup plus, comme le Chili + 57%, le Venezuela + 44% et le Paraguay +43%. Bien sûr ceci grâce aux prix de leurs principaux produits d’exportation, respectivement cuivre, pétrole et soja. Ces pays ALADI ont augmenté leur excédent de balance commerciale qui est passé de 53 milliards de dollars en 2003 à 67 milliards de dollars. Ce qui est plus important encore, c’est que les exportations et les importations de ce groupe de pays ont augmenté plus à l’intérieur de la Région qu’avec le reste du monde. Nous pourrions penser que cette forte augmentation est logique puisqu’elle fait suite à une forte diminution des échanges intra ALADI pendant les années précédentes. Néanmoins il faut se rappeler que ceci a été une caractéristique des années 90 lorsque les échanges intra blocs et inter blocs ont dans tous les cas augmenté plus rapidement que le commerce extra régional c'est-à-dire entre l’Amérique latine et le reste du monde ; ce qui était révélateur du manque de compétitivité de ces pays. Dans la relation avec le reste du monde, la différence aujourd’hui viendrait du fait que les exportations progressent plus vite que les importations : le résultat étant un excédent commercial significatif. Or celui-ci est facilité par la conjoncture exceptionnelle des prix internationaux des matières premières ; on peut craindre ainsi que de continuer la croissance économique dans la région, et avec elle les flux d’importations venant des pays industrialisés, et si les prix des commodities venaient à se tasser ne réapparaissent les déséquilibres de balance commerciale si fréquents dans la décennie passée…1

1 Sur le plan du commerce extérieur le défi pour l’Amérique latine est connu : améliorer son insertion dans le marché mondial diversifiant son offre grâce à une incorporation accrue de produits industriels. Certes, des progrès ont été réalisés en particulier par le Mexique, plus récemment par le Brésil or le plus préoccupant c’est que le gap technologique loin de se réduire, se creuse. Selon le dernier Rapport du World Economic Forum, The Global Information Technology sur 104 pays étudiés, les pays latino-américains sont très mal classés et de surcroît perdent des places de 2003 à 2004 se classant désormais ainsi : le Chili premier pays qui apparaît occupe la 35ème place, viennent ensuite le Brésil 46ème, le Mexique 60ème, Costa Rica 61ème, l’Uruguay 64ème l’Argentine, désormais 76ème place, République Dominicaine, 78, le Pérou 90ème.

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Et également par une forte récupération des échanges dans la Région… Pendant deux années de suite, 2003-2004, il y a une forte récupération des échanges intra Amérique latine, a contrario de ce qui s’est passé pendant les deux années précédentes. Cependant, les échanges intra régionaux ne représentent que 17% du commerce extérieur, ce pourcentage s’élève à 34% en Asie et 62% dans l’UE ; de surcroît, ces échanges sont pro- cycliques, ils augmentent en période de croissance économique et diminuent plus fortement que le commerce total dans les périodes de récession. La faible intensité du commerce intra Amérique Latine s’explique par différents facteurs, le principal étant la spécialisation assez similaire de ces pays : les exportations étant fortement concentrées sur les matières premières agricoles, minières et énergétiques. L’Amérique Latine dispose d’une structure industrielle relativement diversifiée. En effet, à des degrés divers selon les pays, l’Amérique latine a réussi un fort développement industriel, en particulier dans la période 1950-1980 et l’on a assisté à une diversification de la production industrielle vouée essentiellement au marché interne. Des pays tels que le Mexique, le Brésil et l’Argentine ont pu ainsi se doter d’une base industrielle couvrant une large gamme de produits de consommation, de biens intermédiaires et très souvent de biens d’équipement. A un degré moindre les pays andins et ceux de l’Amérique centrale et des Caraïbes ont également développé leurs industries. Dès lors, et au-delà des contrastes que l’on observe entre les économies les plus diversifiées telles que celles des pays du Mercosur, des Caraïbes et de l’Amérique centrale, l’ensemble des pays de la région partagent une caractéristique commune : la place prépondérante des matières premières dans leur profil d’exportation. Et pour cause, l’Amérique latine demeure un véritable réservoir de matières premières minières et agricoles. Les pays de la région comptent parmi les principaux exportateurs de certains produits agricoles tels que le café, le sucre, la banane, le soja, le coton, le cacao, les agrumes, les céréales et la viande bovine. Et de certains produits miniers, tels le cuivre, l’étain et le fer. Enfin certains pays latino-américains sont de grands producteurs de pétrole comme le Venezuela, l’Equateur et le Mexique. En outre, il y a aussi des raisons historiques, en effet pendant plusieurs décennies, ces pays ont maintenu des modèles de croissance fermés, ignorant les possibilités d’articulation et d’interdépendance avec les économies voisines. Il y a encore d’autres facteurs structurels tels la taille réduite de leurs marchés internes, les déficits en infrastructures pouvant faciliter le commerce dans la Région. Plus préoccupant encore : l’investissement en recherche et développement est extrêmement faible. Sur le total mondial destiné à R&D, 42% sont réalisés aux Etats-Unis et Canada, 28% en Europe, 27% en Asie et 1% en AL. (RICYT, Red Iberoamericana de Indicadores de Ciencia y Tecnología.) Selon le PNUD tandis que R&D représente 3% du PIB au Japon et aux Etats-Unis, 2,5% en Corée du Sud, 1,2% en Chine, 1% en Inde, la moyenne en AL est de 0,5%, seulement 1% du PIB au Brésil et 0,4% au Mexique et en Argentine... En outre, 70% des recherches effectuées au Mexique et en Argentine sont financées sur des fonds publics, autrement dit très peu par les entreprises ce qui est exactement l’inverse dans les pays dynamiques où la part de l’Etat est de 35% aux Etats-Unis, 25% en Corée du Sud et 18% au Japon. ( World Investment Report,Unctad 2005.)

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Enfin, c’est vrai que ces dernières années les échanges intra-Amérique latine comptaient de plus en plus de produits manufacturiers. Or il s’agit en majorité de produits des industries légères et donc facilement substituables lorsque les pays traversent une période d’ajustement et doivent amputer leurs importations ; celles venant des pays voisins en souffrent davantage. Avec de nouveaux partenaires émergents... Le troisième fait marquant est la présence grandissante en tant que partenaire commercial de l’Asie, en particulier de la Chine. Dans le dynamisme enregistré par les exportations, le débouché USA (+15%) a certainement joué mais surtout le bond en avant des débouchés asiatiques, Chine, Japon et Sud-est asiatique (+30%). Naguère le principal partenaire était le Japon, aujourd’hui c’est la Chine, pays qui non seulement devient un débouché important pour les produits latino-américains mais qui augmente sa présence en tant que fournisseur pour un nombre grandissant de pays de la Région et avec une palette diversifiée de biens. Dans la mesure où le dynamisme de l’économie chinoise persiste les liens économiques, commerciaux et financiers entre l’Amérique latine et la Chine vont se renforcer. La croissance chinoise telle qu’on l’a vue ces dernières années, est favorable aux cours des matières premières et améliore les termes de l’échange de l’Amérique latine. En outre, tel que l’on a pu le constater lors de la visite du président de la Chine dans plusieurs pays de l’Amérique du Sud, dans son but de s’assurer l’approvisionnement stable en matières premières ce pays cherche soit à absorber des entreprises de la région soit à s’associer avec des partenaires de la région pour le développement de projets dans le domaine de l’énergie et de l’exploitation minière principalement. Dès lors étant donné les capacités financières dont dispose la Chine, la présence de ce pays en Amérique latine sur le plan économique et financier est appelée à s’accroître rapidement.2

Les échanges entre la Chine et l’Amérique latine ont progressé pendant les années 90 avec un taux à deux chiffres, le commerce ayant été multiplié par 9 entre 1990 et 2002. Tandis qu’en 1990 la Chine absorbait moins d’un point (0,9%) des exportations de l’Amérique latine et des Caraïbes, ce pourcentage était de 4% en 2004, représentant pour le Brésil, Cuba, Argentine, Pérou, Chili entre 6 et 10%. En effet les pays sud-américains qui détiennent des avantages compétitifs avérés dans le domaine agroalimentaire et/ou disposent de réserves en minerais et en métaux, occuperont une place de choix dans l’expansion commerciale de la Chine dans la Région. Les exportations de l’Argentine, le Brésil et le Chili vers la Chine ont augmenté entre 1992 et 2002 respectivement 768%, 476% et 512%.3

Dans le cas de l’Argentine et le Brésil ce sont les produits de l’agro-industrie les plus dynamiques, 74% du total exporté par l’Argentine concerne ces produits ; la Chine est devenue d’ores et déjà le premier client des exportations agroalimentaires argentines devant les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, la Grande Bretagne.

2 Lors du Sommet de l’APEC, le 16 novembre en Corée du Sud, la Chine et le Chili ont signé un Accord de Libre-échange ; 80% des produits exportés par le Chili vers ce pays seront libres de taxes dès l’entrée en vigueur de l’Accord. 3 Base des données Chelem.

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Quant au Brésil, ses exportations de produits agroalimentaires vers les pays émergents ont progressé à raison de 20% par an entre 2000 et 2004 ; la progression étant de 30% à 45% vers la Chine, la Corée, l’Inde, l’Indonésie et la Russie. Pour la première fois, en 2004, les exportations agricoles du Brésil vers les pays en développement ont dépassé celles destinées aux pays développés. Voici sans doute le fondement de la position intransigeante du Brésil dans les enceintes internationales cherchant à éliminer les subventions aux exportations agricoles pratiquées principalement par l’UE, les USA, et le Japon ; et du rôle extrêmement actif qu’il a joué dans la création du G20 à Cancun en 2003 et qui est devenu un protagoniste incontournable dans le Round de Doha…4 Néanmoins les progrès dans la lutte contre la pauvreté sont très lents… Selon le Rapport de la CEPAL, Panorama Social 2004, sur 512 millions d’habitants que compte l’Amérique latine, 222 millions sont pauvres (44,3% de la population) dont 96 millions sont en extrême pauvreté (19,6%). Pendant la décennie 1990 des progrès avaient été enregistrés, la pauvreté ayant diminué de 3 points en 1997. Cependant la situation s’est aggravée suite à la succession de crises économiques et financières qu’ont traversé certains pays de la Région pendant les années 2000-2002. Certes, ces cinq dernières années il y a eu des avancées dans la lutte contre la faim et la mortalité infantile, ainsi que dans le domaine de l’éducation, de l’égalité des genres et de l’accès à l’eau potable des populations. Mais concernant les niveaux de pauvreté, on est loin d’atteindre les objectifs fixés par le Programme du Millénaire de l’ONU. Néanmoins la forte croissance enregistrée en 2004 et les bonnes perspectives de 2005 permettraient de faire descendre d’un point les pourcentages cités plus haut ; même si étant donné la croissance démographique, le nombre absolu de personnes en situation de pauvreté et d’extrême pauvreté resterait inchangé. Le Chili est le seul pays ayant réduit de moitié la pauvreté tel que le prévoit l’objectif du Millénaire, de même que le niveau de pauvreté extrême. Rappelons que d’autres pays ont aussi obtenu de bons résultats dans ce domaine, comme le Brésil, l’Equateur, le Mexique, le Panama et l’Uruguay. Ce qui n’est pas le cas de l’Argentine et du Venezuela qui enregistrent actuellement un niveau d’extrême pauvreté supérieur à celui de l’année 1990. Ainsi atteindre les objectifs du Millénaire en 2015 suppose pour l’Amérique latine d’accélérer le rythme de croissance économique d’une part et de l’autre, améliorer la répartition des revenus. Etant entendu qu’une meilleure répartition des revenus permet à la fois de diminuer le niveau de pauvreté et d’augmenter la croissance économique. Rappelons que l’Amérique latine reste la région la plus inégalitaire, en termes de répartition des revenus, parmi l’ensemble des pays en développement. En effet, 25% du revenu national est perçu par 5% de la population, tandis que dans le Sud-est asiatique, les 5% les plus riches ne perçoivent que 16% du revenu et dans les pays développés, 13%. Or selon le Rapport de la CEPAL comparant les données de 2002 avec celles de 1990, on serait hélas en présence d’un processus de convergence des pays latino-américains vers les niveaux d’inégalité les plus

4 Le G20 créé à l’occasion de la Réunion de Cancun, dans le cadre des Négociations du nouveau Round de l’OMC, était constitué au début par 21 pays (le Salvador l’ayant quitté par la suite) qui sont : Argentine, Brésil, Bolivie, Chili, Chine, Colombie, Costa Rica, Equateur, Guatemala, Mexique, Pakistan, Paraguay, Philippines, Afrique du Sud, Thaïlande, Venezuela, Egypte, Sénégal, Turquie, Indonésie et Nigeria.

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extrêmes. De surcroît, la concentration ne concerne pas que les revenus mais aussi la richesse et le patrimoine. Les degrés d’inégalité tant sur la richesse que sur la répartition des revenus est ainsi un syndrome auquel n’échappe aucun pays de la Région y compris ceux qui font preuve d’une gestion macro-économique sérieuse et d’une meilleure gouvernance tel que le Chili. Le Rapport de l’OCDET5 signale que parallèlement à la bonne performance en termes de croissance, productivité, réduction de la vulnérabilité extérieure, au Chili, la mauvaise répartition des revenus loin de s’améliorer, s’accentue. Si sur le plan de la pauvreté et la répartition des revenus les progrès sont décevants, la Région a enregistré des avancées sur d’autres aspects. Par exemple 15 pays sur 24 ont réussi à faire diminuer le niveau de malnutrition. De même dans l’éducation primaire le taux de scolarité dépasse 93%, le Brésil et le Mexique étant au-dessus de la moyenne régionale avec 95%. Par contre sur d’autres aspects les progrès sont très lents par ex., les salaires perçus par les femmes restent inférieurs de 30% à 40% par rapport aux salaires des hommes. Quant à l’accès à l’eau potable, même si les programmes d’assainissement urbain ont beaucoup avancé dans les Caraïbes, la couverture reste inférieure à 60% de la population dans plusieurs pays, ex. en Bolivie, au Brésil, au Salvador, au Guatemala, en Haïti et au Pérou. Améliorer son insertion, stabiliser la croissance et faire reculer la pauvreté exige à l’Amérique latine de relever plusieurs défis : - Les pays d’Amérique latine doivent continuer et/ou compléter les réformes structurelles. Moderniser l’Etat et la qualité des institutions, domaine où certes les réformes des années 90 ont amorcé un processus dans la bonne direction mais qui reste largement insatisfaisante. - Augmenter le volume et l’efficacité des investissements dans la formation du capital humain ; donner donc dans les dépenses publiques, la priorité à l’éducation. - Pour réduire l’écart qui la sépare des pays développés, et réduire la pauvreté, il est impératif pour l’Amérique latine de doubler le taux de croissance, par rapport à celui enregistré dans la décennie passée ; et pour ce faire elle doit : améliorer l’efficacité de la base productive pour mieux tirer profit des opportunités de la globalisation et relever le taux d’épargne interne, autrement dit diminuer leur dépendance vis-à-vis des flux de capitaux extérieurs. L’Amérique latine et la politique de l’Administration Bush La démocratie menacée par l’instabilité et les dérives populistes… Depuis une vingtaine d’années les pays de la Région ont entamé un processus de rétablissement du système démocratique et des institutions garantissant l’Etat de droit. Certes les progrès enregistrés sont énormes, sachant que la Région avait expérimenté toute sorte de vicissitudes et de disruptions dans leur vie institutionnelle, de coups d’Etats et de dictatures en Amérique du Sud et de guerres civiles ouvertes en Amérique centrale. Néanmoins la légitimité des institutions démocratiques, leur fonctionnement et la transparence dans l’exercice de la représentation populaire restent restreints voire oblitérés. Plus grave encore

5 OCDE (2005) Estudio económico de Chile para 2005.

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dans un certain nombre de cas il y a eu l’interruption du mandat constitutionnel de certains présidents et/ou le renversement de gouvernements en place. Depuis 1993, 14 présidents n’ont pas pu finir leurs mandats. Ce phénomène n’est pas l’apanage des petits pays avec une tradition d’instabilité, puisque le Brésil en 1992, le Venezuela en 1993 et l’Argentine en 2001 ont en souffert. Citons également les cas particuliers de la Bolivie où 3 présidents ont été renversés -1985, 2003 et 2005- et de l’Equateur qui a connu une série de révoltes et l’interruption du mandat présidentiel en 1997, 1999 et en 2005. Enfin, Haïti qui constitue sans aucune doute un cas d’Etat en faillite. L’opinion publique reste assez sceptique quant à la probité des fonctionnaires, selon l’Enquête Latinobarómetro concernant l’image de la classe politique sur 100 fonctionnaires, 68 sont suspectés de corruption. Par contre, ce sont paradoxalement les présidents qui font parfois les frais des révoltes qui conservent un capital confiance supérieur aux partis politiques et à la classe dirigeante dont ils sont issus ; c’est le cas aujourd’hui par ex. au Brésil et en Argentine.T6

Ce phénomène de filet de légitimité réservé au président, est à la fois rassurant et inquiétant. En effet, la plupart de ces pays ont un régime présidentialiste « à l’américaine », et le manque de confiance vis-à-vis des autres pouvoirs, législative et judiciaire de même que l’image d’opacité voire de corruption dont distille l’élite et les partis politiques en général ne peuvent que renforcer les tentations césaristes et populistes des présidents en exercice ; tentations ou dérives qui s’inscrivent dans une longue tradition en Amérique latine. Malgré le fait que dans une minorité de pays (5 sur 18) seuls 50% des personnes interrogées croient en la transparence des processus électoraux, néanmoins plus de 60% de la population font confiance au vote comme moyen efficace pour obtenir des changements dans la situation économique et sociale. Rappelons cependant qu’en 27 ans de transition démocratique, et au cours de 200 processus électoraux, seuls trois cas de fortes irrégularités et de fraude grave ont été constatés : en République Dominicaine en 1994, au Panama en 1999 et au Pérou en 2000. Dans ce contexte, la situation actuelle est caractérisée par plusieurs foyers de tension et de menaces d’instabilité ; de surcroît et compte tenu du rôle décisif de la figure présidentielle, il y aura des élections présidentielles entre novembre 2005 et décembre 2006 dans 12 pays de la Région. Selon le Rapport annuelT7 sur les institutions d’Amérique latine et des Caraïbes publié par Inter-American Dialogue, et dans l’élaboration duquel ont participé 100 analystes, experts des Etats-Unis, du Canada et de l’Amérique latine sous la coordination de l’ex-président brésilien, Fernando Enrique Cardoso, la situation se caractérise par un bilan mitigé.

6 Nous reprenons ici le résultat de l’Enquête annuelle réalisée par la Corporación Latinobarómetro, ONG chilienne, menée dans 18 pays d’Amérique latine. Les résultats de ces enquêtes d’opinion ne sont pas étonnants vu qu’année après année il n’y a pas de changement significatif dans les rangs occupés par les pays latino-américains dans le ranking établi par le Rapport annuel de Transparency International «Indice de Perceptions de la Corruption ». Pour l’année 2005 les pays les mieux classés sont : le Chili n’apparaît que dans la 21ème place, l’Uruguay 36ème, le Costa Rica et le Salvador 51ème, la Colombie et le Cuba, 55ème, le Brésil 62ème, le Mexique 64ème, le Panama et le Pérou 65ème, République Dominicaine 85ème, l’Argentine 97ème, la Bolivie, l’Equateur et le Guatemala 117ème place. 7 Inter American Dialogue, A Break in The Clouds. Latin America and The Caribbean in 2005. Policy Report, July 2005

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En effet, selon ce Rapport ni Haïti ni le Venezuela « peuvent être considérés comme de véritables démocraties », soulignant également l’effondrement des règles démocratiques dans 4 autres pays. En plus Haïti est qualifié d’Etat en faillite et Cuba serait le seul pays de la Région ayant un régime autoritaire. Le cas du Venezuela est spécifique puisque son président Hugo Chávez fort de sa légitimité interne obtenue lors du référendum et surtout grâce à la manne apportée par les revenus du pétrole est devenu une source potentielle d’instabilité régionale. En effet, il intervient directement ou indirectement dans les affaires politiques des pays voisins en particulier de la Bolivie. Sur le plan interne Chávez, tout en maintenant en apparence la division des pouvoirs, a noyauté la Cour Suprême avec des hommes de confiance. Il a adopté également une législation qui restreint la liberté de la presse et exerce des pressions quotidiennes sur les opposants et les ONG critiques de son gouvernement ; il aurait ainsi installé au sein de la société vénézuélienne un clivage entre ceux qui soutiennent son régime et ses opposants ; clivage qui comme on l’a vu il y a deux ans peut rallumer à tout moment la violence civile et politique. Mise à part la Bolivie, des risques de tensions et d’instabilité peuvent être décéllés en Equateur, au Nicaragua et dans une moindre mesure, au Pérou, au Guatemala, au Honduras et au Salvador. L’Equateur fait preuve d’énormes difficultés sur le plan de la gouvernabilité. La polarisation politique et l’exploitation des clivages ethniques donnent lieu à des révoltes populaires cycliques dont le président Lucio Gutiérrez a fait les frais ; il est le 3ème président qui a dû démissionner ces huit dernières années. Par contre les règles démocratiques ont prévalu et les institutions ont regagné en légitimité dans les pays qui ont traversé de graves crises financières comme l’Argentine et dans une moindre mesure l’Uruguay, le Brésil ; c’est le cas aussi pour un pays qui reste otage des situations de violence comme la Colombie. Bolivie : la crise rampante La crise que traverse la Bolivie depuis plusieurs années résulte de multiples facteurs : historiques, ethniques, sociales, institutionnels. Ce qui explique les difficultés à stabiliser la situation dans ce pays. Il faut dire que le renversement d’un président élu n’a fait qu’ouvrir la porte à une instabilité plus grave. En effet, après le départ de Gonzalo Sánchez de Lozada en 2003, son vice-président Carlos Mesa qui avait occupé sa place a dû démissionner en 2005 ; c’est le président de la Cour suprême de Justice Eduardo Rodríguez qui l’a remplacé. La Bolivie votera le 18 décembre prochain pour élire un nouveau président. Quelle sera la légitimité de celui-ci et son horizon de stabilité ? Difficile de le savoir. Et pour cause, la Bolivie se caractérise par une fragmentation de la représentation politique, les différents partis réunissent chacun tout au plus 20% des voix. Du fait que l’élection présidentielle est au suffrage indirect, on abouti finalement à un arrangement entre partis. Et l’histoire a montré que les alliances entre partis pour introniser un gouvernement restent assez fragiles et aléatoires ; ceci dit c’est la dimension historique et structurelle de la crise qui est la plus importante.

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La Bolivie est un pays hétérogène avec des fortes disparités de revenus entre les régions et où les problèmes ethniques n’ont jamais été résolus. Rappelons que les amérindiens représentent l’essentiel de sa population, 30% de quechuas, 25 % d’aymaras, 30% de métis. Seuls 15% de la population, d’origine européenne essentiellement espagnole, ont de tout temps formé le noyau dur de l’élite économique et politique du pays. En outre, la Bolivie qui détient le niveau de pauvreté le plus élevé en Amérique latine n’a jamais pu dépasser sur le plan économique, une structure productive tournée exclusivement vers l’exploitation des ressources naturelles, minières et plus tard du pétrole et du gaz. Pendant des décennies les recettes du pays étaient tributaires de l’exploitation de l’étain et puis de celle du gaz. Ce n’est donc pas un hasard si la crise que traverse le pays depuis quelques années était appelée la « guerre du gaz ». En effet, pour stabiliser le fonctionnement de l’Etat et pour maintenir l’unité nationale il faudrait trouver une formule permettant une exploitation rationnelle des ressources énergétiques tout en garantissant à l’Etat des revenus stables et rémunérateurs au moyen d’un prélèvement correct de redevances sur cette activité. Et bien sûr il serait nécessaire d’assainir et d’améliorer la gestion de l’administration centrale et de parvenir à un compromis fiscal concernant la gestion des transferts entre provinces, faute de quoi de nouvelles poussées sécessionnistes verraient le jour dans la région du Sud-est où se situent les immenses gisements de gaz (Santa Cruz, Tarija et Sucre). Les gouvernements de l’Amérique du Sud, à partir de la Comunidad Sudamericana de Naciones, par exemple, pourraient jouer un rôle de stabilisation et aider les autorités de la Bolivie à s’attaquer aux problèmes socio-économiques qu’elle connaît et qui attisent la révolte et aggravent l’affrontement entre les parties en présence. Incorporer la Bolivie et ses immenses réserves de gaz au projet de création d’un anneau énergétique pour l’Amérique du Sud constituerait un pas très important. La crise en Bolivie est suffisamment grave : économique et institutionnelle avec des risques sécessionnistes qu’elle n’a pas besoin d’être attisée de l’extérieur. Or les Etats-Unis suspectent le régime de Chávez et ils l’ont fait savoir au moment de la crise qui a débouché sur le renversement du président Mesa, par l’intermédiaire de l’ancien sous secrétaire d’état pour l’Amérique latine, Roger Noriega, qu’une des parties en présence, le parti du leader « cocalero » Evo Morales comptait avec l’appui, y compris financier, du gouvernement vénézuelien. D’ailleurs les Etats-Unis suspectent Chávez d’intervenir également dans les affaires internes du Nicaragua. Le nouveau sous secrétaire Tom Shannon vient de réaffirmer l’opinion de la Maison Blanche dans ses déclarations devant le Congrès.T8

8 Témoignage auprès du Comité des Affaires étrangères du Sénat le 17.11.2005, se référant à la dérive du régime Chávez « la démocratie au Venezuela est en grave danger, le président Hugo Chávez poursuit l’assaut contre les institutions démocratiques du pays…et contrôle les cinq branches du pouvoir constitutionnel : l’exécutif, le législatif, le judiciaire, l’électoral et celui appelé pouvoir citoyen dont le procureur général et la Cour de comptes. On est en présence d’une concentration progressive et sans contrôle du pouvoir par l’exécutif… D’autre part Chávez représente une menace pour la stabilité régionale suite à l’achat d’armement et à son appui actif à certains mouvements politiques radicaux dans la région. » La Maison Blanche étant d’autant plus préoccupée que le président Hugo Chávez avait demandé récemment la coopération de l’Argentine et du Brésil pour développer un plan d’énergie nucléaire. Et Shannon de continuer « Chávez ne croît pas en une Amérique unie mais en une Amérique du Nord et une Amérique du Sud antagonistes ; sa démarche est basée sur le conflit et la recherche d’ennemis pour maintenir mobilisée la population derrière lui. Certes le Venezuela n’est pas la Chine ni la Libye, il existe un espace démocratique au Venezuela, il y a actuellement une base pour une relation, la question est de savoir si le président Chávez veut avoir une relation avec nous ; hélas jusqu’à maintenant il n’a pas démontré beaucoup d’intérêt… »

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Le danger de sécession en Bolivie est d’autant plus préoccupant qu’elle a des frontières communes avec le Chili, l’Argentine, le Brésil et le Pérou et elle détient des réserves très importantes d’hydrocarbures. Les Etats-Unis comptent sur le Brésil pour qu’il joue son rôle de leadership et donc de stabilisation dans l’Amérique du Sud, néanmoins ils déploient préventivement leur propre stratégie. Au mois d’août le ministre de la défense Donald Rumsfeld s’est rendu en Bolivie et au Paraguay. Celui-ci a autorisé la venue d’un contingent de troupes américaines, ayant la possibilité de faire des exercices de manœuvre et bénéficiant de l’immunité ; autorisation allant jusqu’en décembre 2006 et prorogeable ; ces forces utiliseront une base militaire, la base Mariscal Estigarribia, comptant avec une piste d’atterrissage de 3800 mètres, plus grande que celle de l’aéroport international de Asunción, apte pour des gros porteurs, et qui se trouve à 200 Km de la frontière avec la Bolivie. Le Brésil s’est manifesté inquiet de cette présence américaine et il l’a fait savoir au gouvernement paraguayen, celui-ci a coupé court réclamant son droit à exercer son indépendance dans les relations avec les Etas-Unis sans que pour autant cela puisse menacer la continuité du Mercosur. Néanmoins il est plus que vraisemblable qu’une présence militaire américaine permanente au Paraguay serait assortie d’une perspective de marchandage plus large dans les aspects commerciaux. Les Etats-Unis font d’ores et déjà des concessions commerciales pour les produits paraguayens (le sucre et puis viendra la viande bovine, et le textile...), il ne faut écarter non plus l’hypothèse que s’ouvrent à brève échéance des négociations entre les deux pays pour parvenir à un Accord de Libre-échange à l’instar de celui signé avec le Chili et le CAFTA, alternative partagée par une bonne partie de la classe dirigeante et par l’opinion publique du pays… Les déboires des USA à l’OEA… Les Etats-Unis, unique superpuissance mondiale et ayant un agenda international plus que bien rempli, ne se sont pas dotés, plus par défaut que par volonté délibérée d’une vraie politique à l’égard de l’Amérique latine et ceci depuis plusieurs années. Certes, les Etas-Unis ont deux objectifs clairs pour la Région : faire avancer le libre-échange et étouffer tout foyer de déstabilisation qui pourrait pousser l’Amérique latine en marche arrière des conquêtes démocratiques et menacer la paix et la sécurité dans les Amériques. C’est ainsi qu’ils suivent de près les affaires et l’évolution de la Région et sont préoccupés par les dangers de déstabilisation et autres débordements pouvant créer des situations de contagion tels que : la guérilla en Colombie, l’instabilité en Equateur et en Bolivie, la question Haïtienne et les problèmes traditionnels de criminalité et de trafic de drogues. C’est vrai qu’à partir du lancement d’Enterprise for America, initiative de l’Administration G. Bush en 1989, traduite par l’Administration Clinton dans le projet de Zone de Libre-échange des Amériques en 1994, les Etats-Unis sont décidés à faire évoluer et converger les pays latino-américains vers une libéralisation des marchés. Or les prises de position claires et ponctuelles dans tel ou tel conflit et une politique commerciale aussi ferme soit-elle ne peuvent pas tenir lieu de politique cohérente et ambitieuse pour la Région. On peut dire sans risque de se tromper que l’Amérique latine n’est pas une priorité dans la politique extérieure des Etats-Unis. Quant à l’Amérique latine, différents points de vue et sensibilités vis-à-vis du puissant voisin du Nord cohabitent en son sein. De multiples facteurs interviennent dans la position qu’adoptent les différents pays latino-américains, le principal étant le degré d’interdépendance

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commerciale et économique avec les Etats-Unis. Il est clair que les pays de l’Amérique centrale et des Caraïbes dont les échanges commerciaux sont très polarisés vers les Etats-Unis, se sentent très proches de ce pays. Le Mexique occupe aussi une place de choix dans la relation entre les pays latino-américains et les Etats-Unis (frontière commune, appartenance à l’ALENA…). Par contre, les pays de l’Amérique du Sud sont moins dépendants du commerce avec les Etats-Unis, leurs économies sont davantage articulées avec leurs voisins -Mercosur et Etats associés- et comptent avec un pays très puissant, le Brésil dont les aspirations de leadership dans la région ne sont pas occultées. Néanmoins, à l’exception de l’attitude de Cuba et du Venezuela, et même s’il est facile de constater des divergences sur quelques dossiers chauds (guerre d’Irak, rôle de l’OEA, positions dans l’OMC) il n’y a pas un climat d’hostilité systématique des gouvernements latino-américains à l’égard de Washington. On constate il est vrai sur le plan politique et diplomatique des lignes de tension et de divisions dans la Région. Pour autant les pays latino-américains ne forment pas un bloc homogène vis-à-vis des Etats-Unis. Ainsi qu’il s’agisse du rôle de l’OEA ; de l’optique plus ou moins libérale pour aborder la question économique et sociale dans la Région ; de la réforme des institutions multilatérales et a fortiori de la question épineuse du bouclage des négociations sur la Zone de Libre-échange des Amériques voulue par les Etats-Unis ; les pays latino-américains se regroupent et/ou s’alignent différemment dans chaque cas de figure. Il faut reconnaître que l’opinion publique latino-américaine qui est majoritairement critique vis-à-vis des Etats-Unis, curieusement encore plus chez les élites dirigeantes, ne facilite pas la tâche des gouvernements qui souhaiteraient se rapprocher de ce pays. Parfois d’autres y trouvant un alibi pour adopter des positions contraires à celles des Etats-Unis. En effet, il est intéressant de citer les résultats de l’enquête concernant l’image des USA dans la Région ; tandis qu’en 2000 on comptait 68% de bonnes opinions, ce pourcentage descend à 61% en 2005 or ceci n’est qu’une moyenne puisqu’il y a des fortes disparités dans l’opinion des populations des différents pays. C’est en Amérique centrale que les pourcentages de bonnes opinions sont les plus élevés allant de 70% à 87% ; tandis que dans les pays du Sud le pourcentage est très bas, 30% en Argentine et 38% en Uruguay. Selon l’enquête réalisée par Zogbi International présentée à la Conférence des Amériques du Journal Miami Herald, auprès d’un échantillon de fonctionnaires gouvernementaux, entrepreneurs, journalistes et universitaires dans 6 pays latino-américains, 37% des membres de l’élite ont choisi l’Espagne comme le meilleur ami de leur pays contre 12 % pour les Etats-Unis et 10% pour le Brésil. Pour la même question l’enquête de Latinobarómetro, réalisée auprès de la population en générale, avait placé les USA à la première place avec 28% devant l’Espagne et le Brésil avec respectivement 10% et 3%. C’est en effet dans les couches sociales avec un niveau d’éducation plus élevé qu’on trouve les opinions les plus critiques voire hostiles vis-à-vis des Etats-Unis. Même résultat par rapport à la guerre d’Irak, chez les élites 86% opposés et 66% pour la population dans son ensemble. Les deux défaites consécutives essuyées par la diplomatie américaine à l’OEA illustrent bien si ce n’est l’absence d’une politique à l’égard de la Région leur maladresse voire leur incapacité à générer un consensus sur des sujets très sensibles. En effet, le candidat des Etats-

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Unis pour présider l’OEA, le salvadorien Francisco Flores n’a pas obtenu le nombre de voix nécessaires ; puis au mois d’avril, un nouveau candidat comptant avec l’appui de Washington, le mexicain Luis Derbez non plus, finalement le candidat du Chili, pays qui avait pris de la distance au moment du déclenchement de la guerre en Irak, José Miguel Insulza, comptant avec l’appui des pays du Mercosur a été élu. Et puis lors de la XXXV Assemblée générale de l’OEA qui se tenait pour la première fois en 31 ans aux Etats-Unis, en juillet dernier, la proposition américaine de créer un « mécanisme de monitorage » des démocraties dans la région n’a pas été acceptée et ceci malgré les efforts et la fermeté des propos tenus par Condoleeza Rice. Elle a pourtant bien expliqué qu’« il n’est pas question d’intervenir pour punir mais d’intervenir pour soutenir les institutions démocratiques, nous devons ensemble insister pour que les dirigeants élus démocratiquement aient la responsabilité de gouverner démocratiquement ». Vu l’impuissance de l’OEA à apporter une réponse ou à dénouer les crises éclatées dans la région, en Bolivie, l’Equateur, le Pérou, l’adoption d’un « monitorage » n’était pas une mauvaise idée. Or il aurait fallu une concertation préalable tout au moins avec certains pays qui pèsent dans la région. Elle avait raison de dire qu’ « aujourd’hui dans les Amériques, la division ne se fait pas entre gouvernements de gauche et de droite mais entre gouvernements élus qui gouvernent selon les règles démocratiques et ceux qui ne le font pas ». Mais c’était maladroit de venir sans concertation, interpeller les représentants latino-américains en leur disant que l’heure était arrivée de « parler moins et d’agir plus ». Vu le triste passé de l’OEA qui à plusieurs reprises dans l’histoire avait justifié l’interventionnisme américain dans la région, au point qu’on a pu la désigner comme le « ministère des colonies yankee », il n’est pas étonnant que le Ministre des affaires étrangères brésilien, Celso Amorim ait justifié la contre proposition apportée par les pays de l’ALADI en disant « nous voulons renforcer la démocratie dans la région mais nous voulons éviter des mécanismes d’intrusion ». Finalement le Secrétariat de l’OEA a été chargé de prendre le cas échéant les initiatives « de coopération » opportunes, efficaces, équilibrées et graduelles pour venir en aide aux gouvernements en crise. Au fond il s’agit de faire respecter la Charte démocratique interaméricaine adoptée en 2001. Les enjeux diplomatiques et l’Intégration régionale Les Amériques : zone de libre-échange ou accords bilatéraux ? En décembre 1994, lors du Premier Sommet des 34 présidents des pays des Amériques à Miami, avait été lancé le processus devant mener à la constitution d’une Zone de Libre-échange hémisphérique. Dans ce but deux étapes ont été fixées, la première étape préparatoire (1994-1998) pendant laquelle douze Groupes de travail allaient aborder les multiples aspects économiques, commerciaux, juridiques, législatifs, réglementaires nécessaires pour mener à bien les négociations. Ensuite la deuxième étape lancée lors du Deuxième Sommet des présidents à Santiago de Chili en avril 1998, a prévu neuf Groupes de négociations plus un Groupe consultatif sur les petites économies et un Comité de représentants de la société civile. Le Comité de négociation commerciale (CNC) composé par les vice-ministres du commerce extérieur serait l’organe de direction du processus de négociations tandis que la responsabilité politique resterait aux mains des ministres du commerce extérieur des 34 pays. Pendant ces années de négociations sont apparus un certain nombre de divergences, somme toute logiques, tant le groupe des pays concernés est hétérogène. En effet il y a deux pays industrialisés comprenant la première économie du monde, les USA, et puis une trentaine de

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pays en développement incluant une bonne dizaine de pays pauvres, certains d’entre eux insulaires. Néanmoins, ce qui va se cristalliser c’est l’opposition sur certains thèmes, subventions à l’agriculture, législation antidumping pour les USA; services, investissements, marchés publics pour le Mercosur. C’est-à-dire l’opposition entre deux acteurs de l’hémisphère dont les divergences avaient accaparé les discussions lors du lancement du processus en 1994.9

A l’occasion du Troisième Sommet présidentiel réunit au Québec en 2001, sommet apparemment réussi vu le large consensus obtenu autour de la déclaration et le plan d’action adoptés (Voir encadré), l’objectif de parvenir à un large accord pour constituer la ZLEA en gardant la deadline de janvier 2005 étaient maintenus. Or dès 2002 la stratégie des Etats-Unis va bifurquer en relançant l’alternative toujours latente de concrétiser des accords bilatéraux avec le Chili puis avec l’Amérique centrale. Ce qu’ils vont réussir durant l’année 2003. Ce changement de cap vers le bilatéralisme dans la stratégie américaine va se traduire début 2003, à l’occasion de la présentation de la proposition des USA, touchant la thématique d’ « accès aux marchés pour les biens ». En effet les USA n’ont pas fait une offre mais quatre ; de telle façon de discriminer les différents pays latino-américains en proposant un accès plus rapide pour les exportations dans l’ordre des Caraïbes et de l’Amérique centrale et plus lente pour les exportations des pays de la CAN et enfin du Mercosur.10

Tous les participants à ces négociations ont honoré leurs engagements présentant leurs offres d’accès aux marchés dans le chapitre des biens, par contre concernant les services et a fortiori les chapitres investissements et marchés publics, il y a plusieurs absents à l’appel ou dans le meilleur des cas de présentations individuelles, c’est le cas des pays membres de la CAN, voire aucune offre c’était le cas du Mercosur sauf une proposition de deux pays membres, l’Uruguay et du Paraguay, exclusivement dans le chapitre Services. En fait le raisonnement sous-jacent à la décision du Mercosur de ne pas présenter son offre dans cette rubrique était le suivant : de même que les Etats-Unis refusaient de traiter la question des subventions agricoles y compris les subventions aux exportations, et la législation antidumping dans le cadre de la ZLEA arguant que cela relève de l’OMC, le Mercosur considère que les Services, l’IDE et les marchés publics sont aussi des thèmes à aborder dans le cadre multilatéral. En vérité ce qui se dessinait en filigrane c’était un changement stratégique de la position du Brésil qui avait décidé de s’investir à fond pour faire avancer les dossiers sensibles sur le plan multilatéral (création du G20, refus de conclure les négociations Mercosur-UE…). Cela va se traduire dans sa proposition dans le cadre hémisphérique, déclinée en trois volets ; cette offre, entérinée par le Mercosur et présentée par celui-ci en août 2003 lors de la Réunion du CNC, apparaît comme une réponse à l’offre discriminatoire avancée par les Etats-Unis.

9 Guillermo Hillcoat, Les relations extérieures du Mercosur : Bilan et perspectives. Problèmes d’Amérique Latine, N° 26 La Documentation Française, juillet-septembre 1997. 10 Il s’agit de l’accès concernant les biens sur le marché des Etats-Unis et qui sont classés ainsi : 91% de biens industriels et 85% de produits agricoles du CARICOM verraient leurs droits de douane supprimés dès l’entrée en vigueur de l’Accord ; Pour les pays centroaméricains les pourcentages respectivement seraient de 66% et 64%. Par contre dans le cas des pays de la CAN ces pourcentages seraient respectivement de : 61% et 68%. Enfin pour les exportations du Mercosur, la libéralisation immédiate serait de 58% pour les produits industriels et de 50% pour les produits agricoles.

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L’offre du Mercosur classe les différents thèmes de négociation dans « trois voies » : deux dans la ZLEA, l’une bilatéral, l’autre multilatérale ; la troisième réservée aux négociations OMC…. C’est dans ces conditions qu’on arrivera à la Conférence ministérielle de novembre 2003 à Miami où suite à la polarisation des positions respectives des Etats-Unis et du Brésil, cette dernière endossée par le Mercosur, un consensus forcé se dégage. Un nouveau format pour l’Accord hémisphérique est proposé, il s’agira de faire une ZLEA à deux étages, le premier un « baseline agreement » avec un ensemble de droits et d’obligations pour les 34 pays signataires. Et puis un deuxième volet permettant des accords plurilatéraux entre les différents pays de l’hémisphère. On serait ainsi face à une ZLEA à « différentes vitesses » ou à « géométrie variable » voire à « géographie variable » qui s’appuierait sur le premier étage composé de règles et disciplines minimales communes à tous ; c’est-à-dire une ZLEA light. Néanmoins cette Réunion de Miami n’a pas défini les éléments essentiels qui feront partie de l’Accord de base et encore moins quelle serait l’articulation à établir entre celui-ci et les différents accords plurilatéraux. Ce consensus ne constitue qu’une convergence apparente des points de vue. En effet, avoir renoncé au format d’un « accord unique » sauve en apparence les intérêts du Brésil et du Mercosur. En réalité la suppression de la clé de voûte sur laquelle devait s’appuyer un accord avantageux pour toutes les parties celle du « paquet unique », le single undertaking consacre un avantage pour les Etats-Unis qui pourront désormais multiplier les accords bilatéraux. La preuve en est les accords passés avec le Chili et le Cafta en 2003 et dans la foulée l’ouverture des négociations avec la Colombie, l’Equateur, le Pérou, le Panama…. L’Accord Etats-Unis – Amérique centrale Les négociations pour parvenir à un Accord bilatéral entre les Etats-Unis et les 5 pays du MCCA, auxquels s’est joint plus tard la République Dominicaine ont été menées tambour battant (DR-CAFTA). Plusieurs facteurs ont joué en faveur d’une conclusion rapide de ces négociations, le principal étant la ferme volonté des parties prenantes de parvenir un Accord de Libre-échange au cours de l’année 2003. Le MCCA est le Groupe régional dont les échanges se trouvent plus fortement polarisés sur les Etats-Unis. Ces pays bénéficient depuis 1983 d’un Accord préférentiel non réciproque, la CBI, Initiative pour le Bassin des Caraïbes, en vertu de laquelle la plupart des exportations des produits non traditionnels ne sont pas soumis à des droits de douane à l’entrée du marché américain. Or depuis l’entrée en vigueur de l’ALENA (1994), ces préférences se sont vues érodées puisque les exportations du Mexique, pays frontalier des USA seraient désormais libres de droits de douanes sur le marché des USA. Un effet d’éviction s’est mis en marche lentement mais sûrement. Même scénario pour la République Dominicaine dont les industries « maquiladoras » ( 16 Zones franches, occupant 200.000 personnes, la moitié des salariés du pays) produisent presque exclusivement pour le marché des Etats-Unis ; il va de soi que ce pays ne pouvait pas rater le train de l’Accord bilatéral MCCA-Etats-Unis sans quoi les avantages de la CBI seraient encore rognées par la nouvelle situation, mettant sur un pied d’égalité les exportations centroaméricaines vers les USA avec celles du Mexique.

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Bref, les pays centroaméricains et plus largement caribéens, en premier lieu la République Dominicaine, ne pouvaient pas se permettre d’assumer une attitude « attentiste » face à l’enlisement des négociations pour la mise en place de la ZLEA. En ce qui concerne les USA, force est de constater que dès 2002, l’Administration Bush avait procédé à une sorte de « revirement » de sa stratégie de négociation pour la libéralisation commerciale dans le Continent puisque le représentant du commerce extérieur des Etats-Unis, Robert Zoelick avait indiqué que la priorité du Gouvernement serait l’obtention du Congrès de la Trade Promotion Authority (ancien fast track), lui permettant d’aller de l’avant pour négocier de nouveaux accords : la conclusion d’un Accord de Libre-échange avec le Chili, un autre avec l’Amérique centrale et la relance du cycle de négociations de l’OMC. Autrement dit, l’Administration républicaine, n’entendait pas rester immobile face à l’impasse à laquelle les résistances opposées par le bloc du Mercosur condamnaient l’agenda fixé dans le cadre de la ZLEA. En outre, étant donné la proximité géographique et les pressions migratoires, les Etats-Unis ont toujours eu une politique spécifique, et très attentive à l’égard des pays du Bassin des Caraïbes. Il y a donc des raisons géopolitiques qui entrent en jeu. La preuve en est que le lancement de la CBI en 1983 avait comme but d’aider à la stabilisation économique et politique de la Région via la concession d’avantages sur le plan commercial capables de faciliter la diversification productive et la création d’emplois dans ces pays. Deux facteurs complémentaires ont également joué. D’une part, l’entrée de la Chine à l’OMC et plus tard la fin des quotas en vertu de l’Accord multifibres ; ce qui augmentait le risque d’éviction des exportations centroaméricains sur le marché des USA. D’autre part, les concessions en vertu de la CBI qui arrivaient à terme au début de 2006. Une fois l’Accord conclu et signé en 2004, il fallait le faire approuver par les parlements respectifs. Et c’est là qu’on a pu observer la détermination du Gouvernement Bush à le faire entériner par le Congrès. Cet Accord qui réaffirme à la fois sa décision d’avancer dans le Continent par la voie du bilatéralisme et sa conviction que la libéralisation commerciale est un élément décisif, et va de pair avec le développement et la démocratisation dans la Région. Le 30 juin le Sénat a approuvé l’Accord par 54 voix contre 45 ; un de ces principaux promoteurs le sénateur John McCain déclara « il est important parce qu’il y a en jeu l’avenir de l’Amérique centrale et ses dimensions politique et économique et donc la sécurité ». Cet Accord va promouvoir « la démocratie, la sécurité et la prospérité dans une région du monde qui s’est caractérisée par la répression et les dictatures militaires ». Quelques semaines plus tard, le 27 juillet, à la veille du traitement du projet d’Accord par le Congrès, George Bush est allé plaider la cause en disant que pour les USA cet Accord revêtait « une importance géopolitique et était favorable à l’intérêt national » cet Accord est plus qu’un accord commercial « c’est un compromis entre nations qui aiment la liberté pour promouvoir la paix et la prospérité dans tout l’hémisphère occidental… nous avons l’obligation morale et un intérêt vital de sécurité nationale d’aider à ce que les démocraties de l’Amérique centrale et de la République Dominicaine réussissent… le CAFTA nous y conduit ». Malgré la désertion de 27 députés républicains et grâce à l’appui de 15 députés démocrates l’Accord a été approuvé (par 217 voix pour et 215 voix contre). Dans l’immédiat l’abaissement tarifaire va favoriser principalement les exportations des Etats-Unis. En effet, la plupart des exportations de l’Amérique centrale bénéficiaient déjà de détaxes prévues dans la CBI. En plus ces pays sauf le Costa Rica ont accepté des restrictions sur les textiles et le sucre, deux points forts de leurs exportations. Enfin et ce n’est pas le moins important, à l’instar de ce qui est arrivé au Mexique avec l’ALENA, les exportations

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agroindustrielles américaines qui profitent en amont des subventions vont se tailler rapidement des parts de marché dans ces pays où il faut quand même le rappeler, l’agriculture occupe encore 32% de la population active. Néanmoins, et tel qu’on a pu le constater dans le cas du Mexique dans l’ALENA, qui a multiplié par 3 ses exportations depuis 1993, la production manufacturière des pays concernés pourra augmenter fortement ses exportations sur le marché des Etats-Unis. Le Mercosur : être ou ne pas être un marché commun A partir de la dévaluation de la monnaie brésilienne en février 1999 et en passant par la crise en Argentine en 2001 tant les échanges au sein du Mercosur que la construction du marché commun ont reculé. La crise interne du Mercosur était largement prévisible ; les difficultés respectives de l’économie argentine et brésilienne n’ont fait qu’aggraver d’une part les asymétries au sein du Mercosur, d’autre part les insuffisances institutionnelles ; le Mercosur qui n’a jamais pu dépasser le stade d’une Zone de libre-échange souffrant de multiples entorses et celui d’une union douanière inachevée. Certes, on pouvait croire qu’à l’instar de la construction européenne qui a toujours avancé ponctuée par des crises, le Mercosur pouvait faire de même. Néanmoins force est de constater que les défauts de conception, le manque de volonté politique en particulier du pays le plus puissant, le Brésil, ont condamné le Mercosur à l’immobilisme, à la précarité de son architecture et à l’impasse actuelle… Ainsi, ni l’adoption d’un « agenda de la relance » en 2000, ni plus récemment en 2004 le Programme présenté par le Brésil, « Objectifs 2006 », ne semblent avoir réussi à remettre le Mercosur dans une voie capable d’aboutir au marché commun imaginé en 1991. Le Tarif extérieur commun adopté en décembre 1994 n’a jamais été appliqué intégralement, de nombreuses exceptions ont été accordées voire adoptées unilatéralement tel que l’a fait l’Argentine en 2001 ; d’autres ont été arrachées par le Paraguay et l’Uruguay pour 8 ans supplémentaires à compter de 2006. Le nombre des exceptions au lieu de se réduire n’a fait qu’augmenter ; elles concernent différents types de produits. Pour les biens d’équipements l’Argentine demande de proroger encore pour 5 ans la non application du TEC. Elle demande aussi de proroger pour 5 ans les exceptions tarifaires touchant le secteur de l’informatique et celui des télécommunications où il y a en vigueur pas moins de 14 taux différents. En ce qui concerne les litiges commerciaux intra Mercosur. Certes il y a eu une avancée institutionnelle depuis le 1er janvier 2005 avec l’entrée en vigueur du Protocole d’Olivos adoptant un mécanisme permanent pour la résolution des différends. Cependant l’aggravation du déficit commercial de l’Argentine vis-à-vis du Brésil et l’invasion des produits brésiliens qui met en danger certains secteurs sensibles -textile, électroménagers, chaussures- ont contraint l’Argentine à prendre des mesures unilatérales de contingentement. Aujourd’hui elle propose de les institutionnaliser en tant que « clause d’adaptation concurrentielle », ce qui serait en réalité une «clause de sauvegarde ». La puissante FIESP qui représente l’industrie de Sao Paulo n’est pas d’accord.

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Enfin le régime qui régule les échanges dans le secteur automobile qui périme fin 2005 devait être suivi d’une libéralisation des échanges intra Mercosur. Or là aussi l’Argentine demande de réserver à ce secteur pendant plusieurs années un régime de commerce administré et qui plus est permette de corriger le solde bilatéral ; et pour cause le déficit dans ce secteur représente plus de 40% du déficit total de l’Argentine avec le Brésil. Dans ce contexte deux nouveaux pays importants ont demandé de rejoindre le Mercosur, le Mexique il y a plus d’un, et récemment le Venezuela. La demande du Mexique a été bien accueillie mais n’a pas eu de suite. C’est vrai que le Brésil n’aurait pas trop d’intérêt puisque la présence du Mexique pourrait perturber ses aspirations d’hégémonie en Amérique du Sud.11 Quant à l’Argentine, elle semble préférer pousser à fond la candidature du Venezuela dont le gouvernement actuel est devenu un partenaire de plus en plus important. Cependant l’incorporation du Venezuela en tant que membre du Mercosur à part entière demandera une période longue de convergence ; nécessaire pour qu’il adopte le TEC et la jurisprudence du Mercosur et pour que le Venezuela négocie avec son groupe d’appartenance, la CAN. Il est vrai que faute de s’atteler à relever les défis de son approfondissement, le Mercosur aura du mal à s’élargir sauf au prix de se diluer. Il serait peut-être plus raisonnable de se fixer comme objectif prioritaire le perfectionnement de la Zone de Libre-échange, trouver une formule de convergence à long terme sur l’application du TEC et parallèlement aller de l’avant dans le développement de la coopération renforcée sur les autres aspects stratégiques tels que les infrastructures, l’énergie, la diplomatie commerciale et ceci en alliance avec les autres pays de la Région La Communauté Sud-américaine des Nations Si l’intérêt de l’Argentine est de remettre le Mercosur sur les rails, le Brésil quant à lui a renoué avec sa vision traditionnelle de créer un grand ensemble sud-américain ; en effet c’est par initiative de la diplomatie d’Itamaraty à l’occasion du 3ème Sommet de présidents sud-américains, à Cuzco, 8-9 déc. 2004 qu’est créée la Communauté Sud-américaine des Nations (CSN). Dans la déclaration signée par 12 présidents, plusieurs objectifs sont mentionnés : - instance de concertation et de coordination de la politique et de la diplomatie de la Région… - Aider à la convergence entre le Mercosur, la CAN, le Chili ; associant le Surinam et la Guyane pour créer une Association de Libre-échange de l’Amérique du Sud - Promouvoir l’intégration physique, énergétique et des communications en Amérique du Sud…La réalisation de 31 projets d’infrastructure est approuvée pour un investissement de 4,3 milliards de dollars sur 5 ans. Il faut rappeler que trois présidents du Mercosur plus celui de l’Equateur n’ont pas participé au lancement de la CSN. Néanmoins la volonté de créer des mécanismes de coopération renforcés sur le plan logistique et énergétique se poursuit. Fin juin 2005 et par initiative du

11 Il y a un autre point de friction stratégique, le Brésil à l’instar de l’Allemagne, le Japon, l’Inde, aspire à occuper un siège dans le Conseil de Sécurité de l’ONU. Le Mexique également. Le Brésil a obtenu l’appui de la Russie et de nombreux pays latino-américains. Or l’Argentine milite aussi contre car elle ne voudrait pas institutionnaliser la suprématie du Brésil vis-à-vis des autres pays d’Amérique latine. De toute façon il faudrait pour en arriver là qu’il y ait une réforme de l’ONU, les Etats-Unis et la Chine étant contre une augmentation du nombre de membres du Conseil de Sécurité.

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Mercosur et du Chili, le projet de création d’un anneau énergétique associant le Pérou en tant que pays fournisseur de gaz a été formulé, le gazoduc aurait 1200 km d’extension pour un coût de 2,5 milliards de dollars. Cet « Anneau énergétique » qui permettrait de recentrer l’exploitation des ressources et la consommation dans le cadre sud-américain, devrait incorporer dans un deuxième temps le Paraguay, la Bolivie, le Venezuela. Lors de la Première Réunion au Sommet de la nouvelle communauté sud-américaine à Brasilia le 29-30 sept. 2005, l’accent a été mis sur la convergence des douze pays dans une zone de libre-échange Mercosur, Can, Aladi et Caricom dont deux membres, Guyane et Surinam en font partie ; sans pour autant fixer un calendrier. Or ce qui a été le plus important c’est les tractations en parallèle du Sommet qui ont permis de sceller une alliance dans le secteur du pétrole entre les entreprises étatiques Petrobras, Pdvsa et Enarsa respectivement, du Brésil, du Venezuela et de l’Argentine, avec la participation de l’espagnole Repsol YPF. L’idée sous-jacente est la création à l’avenir d’une compagnie pétrolière de l’Amérique du Sud, Petrosur. Pour le moment cet accord permet l’accès de Repsol à la prospection des réserves dans le bassin de l’Orinoco et de Barúa-Motatán via la création de deux entreprises en joint-venture avec Pdvsa, l’une des réserves en pétrole lourd les plus importantes du monde. En contrepartie, Repsol YPF dont 40% de ses actifs sont en Argentine, fournira la matière première pour une raffinerie conjointe de Pdvsa et Enarsa en Argentine. Enfin Pdvsa et Petrobras construiront une raffinerie à Pernambouc, au Brésil. Le Sommet Ibéro américain Le 14-15 octobre 2005 s’est tenu à Salamanca le XV Sommet des Chefs d’état et de gouvernement de la Communauté Ibéro américaine des Nations. Ce forum de coopération et de solidarité réunissant les pays de l’Amérique latine, l’Espagne et le Portugal, a décidé de créer un Secrétariat général permanent dont le titulaire sera l’ancien président de la BID, Enrique V. Iglesias. Ce Secrétariat a été doté d’un budget non négligeable dont les priorités seront la lutte contre la pauvreté et les inégalités ; l’Espagne ayant proposé de convertir des créances de la dette publique en investissements éducatifs et autres investissements sociaux. Ce forum où le rôle de l’Espagne est décisif pourrait par ailleurs jouer un rôle de relais dans les relations entre l’Amérique latine et l’Union Européenne. Par exemple en oeuvrant pour débloquer les négociations commerciales entre le Mercosur et l’UE. Pourtant il est difficile pour l’Espagne de jouer ce rôle car elle s’est alignée au sein de l’UE sur les positions immobilistes concernant la PAC et la suppression des subventions à l’agriculture. Comme on le sait celles-ci constituent le point d’achoppement des négociations multilatérales et ont poussé les négociations Mercosur-UE dans l’impasse.12

La Déclaration finale du Sommet de Salamanca avait appelé aussi également à « que soit mis un terme au blocus économique, commercial et financier contre Cuba « l’utilisation du mot blocus au lieu d’embargo avait donné lieu à des critiques venant de l’opposition au Gouvernement espagnol et reçu avec un certain froideur aux Etats-Unis.

12 Les négociations UE-Mercosur sont entre parenthèse ; elles se sont arrêtées en septembre 2004 sur le constat de deux parties que les offres proposées de par et d’autre sur les différents aspects de l’Accord commercial étaient insuffisantes. Du fait que le sujet crucial, celui des subventions agricoles, est matière à dénouer dans le cadre multilatérale dans la Ronde de Doha, les deux parties ont adopté une position attentiste. .

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Le Quatrième Sommet des Amériques A l’occasion du Quatrième Sommet des Amériques qui s’est tenu en Argentine durant le 3-5 novembre la plupart des lignes de tension et divergences existantes au niveau diplomatique et commerciale dans l’hémisphère ont fait surface. En ce qui concerne le contenu de la Déclaration et le Plan d’action qui en découle, il y avait des divergences sur le rôle du marché et les politiques publiques pour garantir le développement, la création d’emplois et la lutte contre la pauvreté, le mot d’ordre de la réunion étant « la création de travail pour combattre la pauvreté et renforcer la gouvernabilité démocratique ». Le pays hôte, l’Argentine, et derrière elle un bon groupe de pays, voulait qu’il soit mis en exergue le rôle de l’Etat de même qu’une meilleure répartition de la richesse et la réforme des organismes multilatéraux. Un autre groupe de pays dont les Etats-Unis voulaient mettre l’accent sur le rôle du commerce et la lutte contre la corruption. Sur ces sujets, un terrain d’entente aurait pu être trouvé. Or la question de la relance du processus de négociations de la Zone de Libre-échange a créé une polarisation extrême des parties en présence. Les Etats-Unis voulaient qu’il soit mentionné dans la déclaration l’intention d’une reprise du processus menant à la ZLEA tandis que le président vénézuelien Hugo Chávez, voulait clore définitivement ce chapitre.13

En effet, sachant qu’une reprise de négociations sur l’accord hémisphérique devrait attendre l’issue des négociations multilatérales, c’est-à-dire tout au moins après Hong Kong en décembre, le Sommet aurait dû mettre cette question en suspens, « sous un parapluie ». Cela n’a pas été le cas. In fine, et après que les discussions se soient enlisées obligeant les présidents eux même a prendre part aux débats jusqu’à la dernière minute, la déclaration finale a dû reprendre les deux positions existant au sein du continent. L’une très majoritaire celle des Etats-Unis et 28 autres pays qui représentent près de 90% du PIB et du commerce extérieur de l’hémisphère, qui proposent de renouer l’année prochaine les négociations pour aboutir à un Accord de Libre-échange des Amériques. Et puis celle du Mercosur et du Venezuela qui dit que les conditions ne sont pas réunies pour parvenir à un Accord de Libre-échange équilibré et équitable. Ainsi quel que soit le dénouement des négociations en cours au niveau multilatéral le Mercosur ne pourra pas repousser indéfiniment la reprise de la négociation hémisphérique. Le risque étant que la libéralisation commerciale entre les Etats-Unis et la plupart des autres pays latino-américains concrétisée à son insu, entraîne une érosion des préférences qui ont été obtenues par le Mercosur sur ces marchés dans le cadre de l’ALADI. Et puis, s’étant placé en tant que dernier de la file pour négocier bilatéralement avec les Etats-Unis, il n’est pas sûr que le Mercosur obtienne des concessions extraordinaires de la part des Etats-Unis. Avant le lancement des négociations formelles en 1998, les USA disaient préférer une sorte de généralisation de l’Accord ALENA, c’est-à-dire le bilatéralisme…plutôt que la négociation

13 Le président Chávez a participé également au contre -Sommet « III Cumbre de los Pueblos de América », celui-ci avait lieu dans la même ville, Mar del Plata et avait été organisé par les partis et mouvements radicaux dont le commun dénominateur est la lutte contre la mondialisation et le libre-échange et bien sûr l’anti-américanisme, parmi les organisateurs il y avait aussi des dirigeants proches du gouvernement argentin.

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unique et simultanée à l’échelle du continent… A la lumière des résultats du dernier sommet, cette approche là est peut-être en train de l’emporter.14

14 Rappelons que en mai 1997 « Dans les semaines précédant la réunion de Belo Horizonte, les Etats-Unis ont exercé des pressions laissant entendre que leur préférence, dans le cas de difficultés majeures dans les négociations en cours, irait à un schéma de négociation bilatérale où les pays latino-américains seraient admis l’un après l’autre par cooptation dans l’ALENA ; ce qu’il appellent, en termes diplomatiques « hub and spoke », c’est-à-dire une roue de bicyclette où les Etats-Unis seraient le moyeu, et les pays latino-américains les rayons… » Guillermo Hillcoat « Les relations extérieures du Mercosur … »

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Bibliographie CEPAL (2005) La Inversión Extranjera en América Latina y el Caribe 2004. Comisión Económica para América Latina y el Caribe. Marzo. Santiago de Chile. CEPAL (2005) Panorama de la Inserción internacional de América Latina y el Caribe 2004 : Tendencias para el 2005. Santiago de Chile. CEPAL (2004) Balance preliminar de las economías de América Latina y el Caribe, diciembre. UNCTAD (2005) World Investment Report Transnational Corporation and The Internationalization of R&D Inter American Dialogue (2005) A Break in The Clouds. Latin America and The Caribbean in 2005. Policy Report, July, Washington. World Economic Forum (2005) Global Information Technology Report. Guillermo HILLCOAT, Les relations extérieures du Mercosur : Bilan et perspectives. Problèmes d’Amérique Latine, N° 26 La Documentation Française, juillet-septembre 1997. Heritage Foundation : 2005 Index of Economic Freedom. www.heritage.org Roberto BOUZAS, Pedro da MOTTA VEIGA : - El Mercosur, Brasil y las negociaciones en el ALCA, Serie Mercosur n° 22, 28 de agosto de 2003 - Las negociaciones UE-Mercosur, Serie Mercosur n° 25, enero de 2004. Ramón TORRENT, Pensando na arquitectura de uma Alca light. Revista Brasileira de Comércio Exterior, n° 78 Ano XVIII Janeiro/março de 2004 Pedro da MOTTA VEIGA, A estratégia brasileira e suas implicaçôes potenciais. Revista Brasileira de Comércio Exterior, n° 78 Ano XVIII Janeiro/março de 2004 Summit of Americas : www.summit-americas.org Corporación Latinobarómetro : www.latinobarometro.org Transparency International : www.transparency.org Inter American Dialogue : www.thedialogue.org

Sigles ALADI : Association Latino-Américaine d’Intégration ALENA : Accord de Libre-échange Nord-américain APEC : Asia Pacific Economic Cooperation CAN : Communauté Andine des Nations DR-CAFTA : Dominican Rep.- Central American Free Trade Agreement CARICOM : Communauté du Bassin Caraïbe MCCA : Marché commun centroaméricain OMC : Organisation Mondiale du Commerce OEA : Organisation des Etats Américains. PECO : Pays de l’Europe centrale et orientale ZLEA : Zone de Libre-échange des Amériques

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Le Central American Free Trade Agreement DR-CAFTA

Au bout de neuf Rondes de Négociation réalisées dans les pays membres et étalées sur l’année 2003, l’Accord CAFTA a été bouclé en décembre 2003. Le lancement des négociations pour un accord de libre-échange entre les Etats-Unis et les pays du MCCA, a entraîné une accélération du processus d’intégration régionale et d’autre part, c’est grâce en partie à l’existence du MCCA que les négociations pour la mise en place du Cafta ont pu avoir lieu. En effet, les Etats-Unis ont fait savoir d’emblée qu’il était exclu de négocier de manière bilatérale et que seule une Amérique centrale unie pourrait permettre la signature a brève échéance d’un Accord de Libre-échange. Le MCCA, l’un de groupements les plus anciens d’AL, est une zone de libre-échange avancée qui tend vers une union douanière. Le Guatemala et le Salvador ont relancé, en 1999, le processus visant à établir une union douanière à compter du 1º janvier 2004, auquel se sont joints le Honduras et le Nicaragua en 2000 et le Costa Rica en 2002. Etape décisive dans le processus d’intégration régionale, cette initiative vise à instaurer la libre circulation, à l’intérieur de l’union, des biens et des services liés au commerce et, à terme, la suppression des formalités douanières entre les parties. Depuis le 1er janvier 2001, le Tarif Extérieur Commun, élément constitutif d’une union douanière, adopte une structure tarifaire dont les droits vont de 0% pour les matières premières et les biens d’équipements, de 5% à 10% pour les produits intermédiaires et de 15% pour les produits finis. Quelques protections demeurent pour certains produits agricoles ou de fabrication locale aux côtés d’exemptions temporaires. Depuis janvier 2003, un mécanisme de règlement des différends a enfin été mis en place et le nombre d’obstacles au commerce a été sensiblement réduit. La polarisation des échanges de l’Amérique Centrale sur les Etats-Unis Le Guatemala Les exportations du Guatemala vers les Etats-Unis représentent 27% des exportations totales du pays. Les biens primaires constituent 81% de ces exportations, des produits agricoles et dans une moindre mesure des produits énergétiques : 35% des importations totales du Guatemala provenant des Etats-Unis. El Salvador El Salvador est le pays qui dépend le moins des échanges avec les Etats-Unis. Ce pays absorbe 20% des exportations totales du Salvador. Les biens industriels traditionnels tels que la confection des tissus, les produits agro-alimentaires et les boissons constituent 67% des produits exportés et les produits agricoles représentent 30% des exportations. Les importations des biens américains ont représenté 34% des importations totales du pays ; il s’agit pour la plupart de biens industriels. La balance commerciale salvadorienne est déficitaire vis-à-vis des Etats-Unis.

L’Honduras L’Honduras est le pays centroaméricain qui dépend le plus des échanges avec les Etats-Unis. Les exportations vers les Etats-Unis représentent 58% des exportations totales du pays. Les matières premières constituent 62% des exportations. Les produits venant des Etats-Unis couvrent 44% des importations totales du pays. Il s’agit principalement des biens industriels et d’équipement. L’Honduras est déficitaire vis-à-vis des Etats-Unis. Le Nicaragua Les exportations des biens nicaraguayens vers les Etats-Unis représentent 29% des exportations totales du pays. Les biens primaires ont atteint 62% des exportations. Les importations en provenance des Etats-Unis représentent 27% des importations totales du Nicaragua ; sa balance est déficitaire. Le Costa Rica Apres l’Honduras, le Costa Rica est le pays centroaméricain qui dépend le plus des échanges avec les Etats-Unis. Les exportations vers les USA représentent 46% des exportations du pays ; les biens industriels ont représente 71% de ces exportations. C’est le seul pays centroaméricain qui exporte plus de biens industriels que de produits agricoles. Les exportations du Costa Rica font 57% des exportations totales des pays centroaméricains vers les Etats-Unis. Les importations des biens américains couvrent 52% des importations totales du Costa Rica, ce qui fait 40% des importations totales des pays centraméricains venant des Etats-Unis ; la balance est favorable aux Etats-Unis. La République Dominicaine Le 15 mars 2004, la République Dominicaine a définitivement intégré les autres membres du CAFTA.

L’histoire, la géographie et les accords commerciaux font des Etats-Unis le partenaire dominant de la République Dominicaine. Les Etats-Unis représente le premier client – 87% des exportations dominicaines y sont dirigées- et le premier fournisseur –60,5 % des importations dominicaines en proviennent. La concentration des échanges sur les filières à faible valeur ajoutée de l'habillement, et vers un seul client (Etats-Unis), constitue une des faiblesses importantes du commerce extérieur dominicain.

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Les termes de l’Accord

• Elimination des barrières commerciales et des tarifs douaniers Secteur industriel Plus de 80% des biens de consommation ou industriels exportés vers la région centraméricaine seront libéralisés immédiatement, le reste sur une période de 10 ans. Donc en matière industrielle, les principales concessions viennent des pays d’Amérique centrale. Dans l’autre sens, une grande partie des produits exportés par l’Amérique centrale sont déjà exempts de taxes sur le marché des USA, grâce aux concessions contenues dans la CBI. Le Cafta va consolider ces avantages de façon permanente, ainsi la plupart des produits industriels et de consommation exportés par l’Amérique Centrale seront exonérés de droits de douane dès l’entrée en vigueur de l’Accord. Secteur agricole Ce sont les agriculteurs américains les principaux bénéficiaires de cet Accord, qui libéralisera plus de la moitié des produits exportés vers l’Amérique centrale- y compris la viande, le coton, le blé, le soja, les fruits et les légumes, le vin, les produits laitiers, notamment. Les autres tarifs douaniers seront levés en 15 ans. Du coté du géant américain, c’est la plupart de leurs tarifs agricoles qui seront éliminés sur une période de 15 ans. Quant au sucre (sujet à des quotas) et au maïs, ils feront l’objet d’une protection permanente et certains produits bénéficieront d’une période prolongée avant la libéralisation, tels le riz (18 ans) ainsi que les produits laitiers (20 ans). Le Costa Rica a toujours soutenu que le degré de libéralisation des secteurs de l’assurance et des télécommunications dépendrait des concessions obtenues en matière de textile et d’agriculture. Ainsi, il a fini par négocier de meilleures conditions que ses partenaires ainsi que des délais supplémentaires. Et ses réserves lui ont valu une plus grande ouverture des marchés de la part des Etats-Unis en matière agricole.

• L’ouverture des marchés aux investisseurs L’ouverture consentie par les quatre pays de l’isthme américain est presque totale dans le secteur des services ; néanmoins le Costa Rica a obtenu des délais supplémentaires pour ouvrir son marché.

• Concernant les marchés publics, un traitement non discriminatoire est établi. Le CAFTA accorde aux investisseurs une pleine protection touchant toutes les formes d’investissement ; sur ce thème on a repris dans le Cafta les termes contenus dans l’ALENA.

• Le renforcement des infrastructures L’un des nouveaux éléments de cet accord est « le renforcement des infrastructures pour faire du commerce », une contribution financière fournie par l’USAID et destinée à aider ces pays dans le développement de leurs infrastructures.

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SOMMETS DES AMERIQUES Thèmes et Initiatives Premier Sommet des Amériques Miami, Etats-Unis, du 9 au 11 décembre 1994

• Préserver et renforcer la communauté de démocraties aux Amériques

• Promouvoir la prospérité par le biais de l'Intégration économique et du libre-échange.

• Lancement du processus visant un Accord de Libre-échange hémisphérique.

• Création de 12 Groupes de travail pour avancer dans le processus visant un Accord de Libre-échange.

• Vaincre la pauvreté et la discrimination

• Garantir le développement durable et protéger l’environnement naturel pour les générations futures

Deuxième Sommet des Amériques Santiago, République du Chili, 18 et 19 avril 1998

• Éducation: la clé du progrès • Préservation et renforcement de la démocratie, de la justice

et des droits de la personne • Intégration économique et libre-échange : Lancement

de l’étape de négociation de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). 9 Groupes de négociation sont crées. Un Comité de Vice-ministres (CNC) sera chargé de la direction et de la coordination de la négociation.

• Éradication de la pauvreté et de la discrimination

Troisième Sommet des Amériques Québec, Canada, du 20 au 22 avril 2001

• Pour le meilleur fonctionnement de la démocratie • Droits de la personne et libertés fondamentales • Justice, Etat de droit et Sécurité de la personne • Sécurité Hémisphérique • Société civile • Commerce, Investissement et stabilité financière • Infrastructure et environnement • Gestion de catastrophes • Environnement pour un développement durable • Gestion de l’agriculture et Développement rural • Travail et emploi • Croissance avec équité • Education • Santé • Egalité des genres • Peuples autochtones • Diversité culturelle • Enfants et jeunes

Quatrième Sommet des Amériques Créer des emplois pour faire face à la pauvreté et renforcer la

gouvernance démocratique.

Mar del Plata, Argentina, 4 et 5 novembre 2005

• Créer des emplois décents • Croissance et emploi • Développement social • Renforcer la gouvernance démocratique • Pas de position unique sur la réouverture des

négociations ZLEA.

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