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CEMI – EHESS WORKING PAPERS SERIES WP 2014-01 L’AIDE D’INTEGRATION Du marché au principe de partage des charges Assen SLIM 13 février 2014 Centre d’études des modes industriels – CEMI Hautes Etudes en Sciences Sociales - EHESS 105 Boulevard Raspail 75006 Paris – France http://cemi.ehess.fr

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CEMI – EHESS WORKING PAPERS SERIES

WP 2014-01

L’AIDE D’INTEGRATION

Du marché au principe de partage des charges

Assen SLIM

13 février 2014

Centre d’études des modes industriels – CEMI

Hautes Etudes en Sciences Sociales - EHESS

105 Boulevard Raspail 75006 Paris – France

http://cemi.ehess.fr

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CEMI-EHESS Working Paper WP2014-01|13 février 2014

http://cemi.ehess.fr

L’aide d’intégration : du marché au principe de partage des charges

Assen SLIM

Abstract

L’intégration économique internationale est abordée sous l’angle de la théorie des unions

douanières et de la théorie de la convergence absolue. Après avoir mis en lumières les

insuffisances de ces approches par les marchés, cet article s’appuie sur les travaux des

économistes structuralistes pour proposer un nouveau contenu au concept d’intégration : celui du

partage des charges suggéré par G. Myrdal. La notion d’aide est alors appréhendée comme un

outil d’intégration à part entière. L’expérience de l’APD permet de définir les contours de ce que

pourrait être une « aide d’intégration » au sein de la construction européenne.

Keywords: Intégration économique, union douanière, aide

JEL Classification: F11, F15, F35

CEMI-EHESS, 105 Boulevard Raspail 75006 Paris - France

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L’AIDE D’INTEGRATION

Du marché au principe de partage des charges

Assen SLIM1

Dans la hiérarchie des mots obscurs et sans beauté

dont les discussions économiques encombrent notre langue,

le terme d’intégration occupe un bon rang.

François Perroux [1954 : 429]

Introduction

L’intégration économique internationale est un concept assez large et transversal qui

peut impliquer la réunion d’entités à l’intérieur d’un ensemble, mais aussi l’augmentation de

la cohérence de cet ensemble. Il existe plusieurs approches de l’intégration et de ses effets

supposés ce qui rend son appréhension difficile, voire obscure, comme le suggère F. Perroux

[1954] en épigraphe de cet article.

Étudiée à partir des années 1950, l’intégration est d’abord perçue comme

l’« unification » des marchés. La théorie des « unions douanières », qui tire son nom du titre

de l’ouvrage publié par J. Viner2, propose une interprétation de l’intégration comme un pas

vers le libre-échange. L’analyse s’intéresse alors aux effets commerciaux générés et cherche à

montrer que la formation d’une union des marchés est bénéfique car elle améliore le « bien-

être » de ses membres. Avec le modèle de croissance proposé par R. M. Solow3, l’union des

marchés devient le mécanisme par lequel la convergence économique « absolue » de ses

membres se réalise.

À partir de 1958, sous l’impulsion de G. Myrdal4, un autre contenu de l’intégration est

proposé. D’après l’auteur, le monde serait « désintégré » non pas en raison de l’existence de

droits de douane mais en raison d’écarts de développement persistants entre les pays.

L’intégration est alors pensée comme une réduction de ces écarts impliquant une cohésion

sociale plus forte, une redistribution des richesses plus équitable et une « réelle égalité des

1 Economiste, INALCO-Paris, ESSCA Lunam University, chercheur au CEMI-Ehess [email protected] & [email protected] 2 VINER J. [1950], The Customs union issue, Carnegie Endowment for International Peace, New York. 3 SOLOW, R. M. [1956], “A contribution to the theory of economic growth”, Quarterly journal of Economics, vol. 70, pp. 65-94 4 MYRDAL G. [1958], Une économie internationale, PUF.

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chances » entre les individus. L’union des marchés apparaît insuffisante, voire contraire à ce

projet. G. Myrdal et les auteurs structuralistes sont les premiers à voir dans la solidarité et

dans le « partage des charges » entre les nations le mécanisme adéquat pour l’intégration.

L’aide publique internationale, définie comme l’activité par laquelle certains pays transfèrent

des ressources vers d’autres, devient dès lors un objet d’étude central.

Après avoir montré les limites de l’approche de l’intégration par les marchés (I), une

approche alternative de l’intégration économique internationale est esquissée, suivie de

recommandations sur la pratique de la solidarité intra-européenne (II).

I. L’intégration par les marchés et ses limites

L’approche de l’intégration par l’unification des marchés trouve sa source dans deux

principaux apports théoriques : la théorie des unions douanières et la théorie de la

convergence. Chacune de ces approches, malgré ses développements les plus récents, ne

réussit pas à surmonter les limites qui lui sont inhérentes et que nous mettons en lumière ci-

dessous.

1. La théorie des unions douanières et ses limites

1.1. Les « conditions » de la réussite de l’intégration par les marchés

L’intégration économique, conçue comme une union des marchés, est pensée pour la

première fois par J. Viner en 1950. Ce dernier pose les bases de la « théorie des unions

douanières ». L’auteur s’intéresse principalement aux conséquences d’une union des marchés

sur le « bien-être » régional et mondial. L’expression « bien-être » doit être entendue ici

comme la « somme » du niveau de satisfaction des consommateurs (gains ou pertes de

revenus), du niveau de satisfaction des autorités nationales (gains ou pertes de revenus

douaniers) et du niveau de satisfaction des entreprises (gains ou pertes de débouchés). De ce

fait, J. Viner porte son attention sur les effets commerciaux provoqués par la formation d’une

union douanière, qui correspond à un cas particulier d’intégration par les marchés : formation

d’une zone de libre-échange avec unification du tarif douanier extérieur des pays membres.

J. Viner identifie trois effets agissant simultanément lors de la formation de l’union : les effets

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de création de commerce (trade-creating effects), les effets de détournement de commerce

(trade-diverting effects) et les effets d’expansion du commerce (wholly new trade)5.

Les effets de création de commerce correspondent pour chaque pays membre de

l’union au remplacement de productions nationales à coûts unitaires élevés par des

importations à coûts unitaires moins élevés en provenance des autres membres de l’union. Ces

effets sont censés améliorer le « bien-être » régional et mondial. À l’opposé, les effets de

détournement de commerce correspondent au remplacement d’importations à coûts unitaires

faibles en provenance de pays tiers (hors union) par des importations à coûts unitaires plus

élevés mais bénéficiant désormais de tarifs préférentiels (ou d’exemptions de tarif) en

provenance de l’union. Ces effets auraient, d’après l’auteur, une action négative sur le « bien-

être » régional et mondial. Les effets d’expansion du commerce renvoient, quant à eux, à

l’apparition de « flux commerciaux entièrement nouveaux » qui n’existaient pas avant l’union

et qui ne sont pas des substituts à la production nationale. Ils améliorent le « bien-être »

régional et mondial. J. Viner soutient que l’union douanière doit théoriquement se traduire par

une amélioration du « bien-être », mais qu’en dernière analyse seule l’étude concrète des

projets d’union permettait de trancher6. L’intérêt ou non de constituer une union régionale

réside donc dans la comparaison entre les effets nets de création et d’expansion du commerce

et les effets de détournement. Trois cas de figure sont alors possibles : l’union est avantageuse

et efficiente, l’union est désavantageuse et inefficiente et enfin l’union est stérile et donc

inutile.

Afin d’améliorer les chances de succès de l’union, certaines conditions doivent être

respectées selon J. Viner :

- L’union doit être « la plus large possible » et rassembler des pays à niveau de

développement comparable pour une division plus efficace du travail ;

- L’union doit adopter un tarif extérieur commun le plus bas possible par rapport au

niveau moyen de droits de douanes avant la formation de l’union ;

- Les futurs membres de l’union doivent avoir des économies plutôt similaires (fort

degré de concurrence) ;

- Les futurs membres de l’union doivent également présenter des différences

importantes de coûts unitaires de production pour des industries similaires.

5 VINER J. [1950], op. cit., pp. 44-46. 6 « Les unions douanières ne sont ni nécessairement bonnes ni nécessairement mauvaises », VINER J. [1950], op. cit., p. 52.

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Cette liste de conditions est complétée par J. E. Meade qui réintroduit dans le

raisonnement des effets de production (variation possible des coûts de production, élasticité

non infinie de l’offre pour la demande) à côté des effets de consommation7. L’auteur met en

lumière des effets complémentaires de détournement des offres d’exportation qui se

combinent avec les effets vinériens de détournement des demandes d’importation. Le bien-

être se mesure ici à partir de la variation nette du volume du commerce international :

- Les futurs membres de l’union doivent certes avoir des économies concurrentes, mais

présentant un fort degré de « complémentarité potentielle » ;

- Le commerce mutuel initial entre membres devra être important avant la formation de

l’union ;

- Dans chaque pays membres, offre et demande nationales devront être très réactives

l’une par rapport à l’autre (forte élasticité).

1.2. Les limites de l’approche par les marchés

La théorie des unions douanières a le mérite de placer l’intégration régionale au rang de

programme de recherche à part entière dans le champ de l’économie internationale. Toutefois,

l’appréhension de l’intégration uniquement par les marchés apparaît restrictive, limitée et

surtout indéterminée quant à ses effets nets. La théorie des unions douanières est restrictive

car elle ne mesure le « bien-être » qu’à l’aune d’une comparaison entre gains et pertes

commerciales pour les acteurs (consommateurs, entreprises, États). Elle est limitée car le

raisonnement se tient en situation d’équilibre partiel, i. e. les modifications de tarifs douaniers

provoquées par l’union n’affectent pas les offres et demandes nationales. L’analyse est dite

« statique ».

Elle est indéterminée, enfin, car on ne peut rien dire a priori sur ses effets

commerciaux nets. Dans mes travaux, je me suis appuyé sur les auteurs qui se sont employés

à montrer que l’approche de l’intégration par les marchés conduit à des résultats incertains en

termes d’efficacité. R. G. Lipsey fait partie de ceux-là. L’auteur combine les effets de

production et de consommation, mais préfère raisonner en équilibre général8. Il considère que

7 MEADE J. E. [1955], op. cit., pp. 35-36, pp. 44-52, p. 78 et pp. 89-90. 8 Offre et demande nationales sont affectées par une modification des tarifs douaniers. On parle alors d’effets « dynamiques » de l’union.

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les modifications de tarifs provoquées par la formation d’une zone de libre-échange (définie

comme « l’égalisation des rapports des prix nationaux des biens avec le rapport de leurs prix

dans le reste de l'union »)9 sont suffisamment importantes pour ne pas être considérées

comme marginales au niveau mondial. Dès lors, la clause « toutes choses égales par ailleurs »

doit être abandonnée. L’« optimum » est atteint ici lorsque les taux marginaux de substitution

à la consommation entre chaque paire de biens sont égaux aux taux auxquels ces biens

peuvent être transformés l’un en l’autre. L’auteur retrouve bien les effets prévus par J. Viner,

mais il montre que leur impact sur le « bien-être » est plus complexe que ne l’avait pensé son

prédécesseur. Les effets de détournement, par exemple, ne se traduisent pas toujours par une

réduction du bien-être. Ils peuvent selon les cas accroître ou diminuer la production totale de

l’union, celle des pays tiers et/ou celle du monde entier considéré comme un tout et se traduire

néanmoins par une amélioration de bien-être. L’auteur conclut qu’il est impossible de dire

a priori si la formation d’une zone de libre-échange est avantageuse ou non dans la mesure où

l'on ne peut connaître à l'avance l’importance des inégalités induites entre les rapports des prix

intra-union et des prix mondiaux. D. M. Chaffee, propose une généralisation purement

algébrique du modèle à trois pays retenu par R. G. Lipsey10

.

En prolongeant les arguments de R. G. Lipsey, d'autres auteurs sont arrivés à des

conclusions proches. H. Bourguinat montre qu’en matière d’effets commerciaux, l’union des

marchés entraîne d'« infinies solutions possibles »11

. M. Lutz et P. Wonnacott, en appliquant

les arguments de R. G. Lipsey aux seuls biens intermédiaires, observent que les

détournements de commerce n'entraînent pas nécessairement une perte nette d'efficience et

qu’inversement les effets de création de commerce ne sont pas systématiquement synonymes

de gain net d’efficience12

. C. Kowalczyk fait apparaître des effets nouveaux, qui ne sont ni

création, ni détournement de commerce. Il en va ainsi des achats nouveaux, que l’union

réalisera auprès des pays tiers, pour certains produits complémentaires à ceux bénéficiant

d’effets de création, d’expansion et de détournement de commerce au sein de l’union

9 LIPSEY R. G. raisonne sur trois biens et trois pays. Le rapport des prix des biens comparés deux à deux donne le taux marginal de substitution à la consommation entre chaque paire de biens. LIPSEY R. G. [1960], “The Theory of Customs union: A General Survey”, the Economic Journal, n° 70, pp. 446-553. Voir aussi LIPSEY R. G., “The Theory of Customs Union: Trade Diversion and Welfare”, Economica, n° 24, sept. 1957, pp. 40-46. 10 CHAFEE D. M. Jr. [1975], « A General Equilibrium Analysis of Trade Creating Customs Unions », Review of economic studies, vol. XLII (2), n° 130, p. 279. 11 BOURGUINAT H. [1968], Les marchés communs des pays en développement, Droz. 12 LUTZ M. & WONNACOTT P. [1989], « Is There a Case for Free Trade Areas », in J. Schott (ed.), Free trade areas and U.S. trade policy, Institute for international economics.

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(volume-of-trade effects)13

. C. Kowalczyk insiste également sur les variations (provoquées par

la formation de l’union) des prix mondiaux des biens échangés entre les partenaires de l’union

et les pays tiers (terms-of-trade effects)14

. En combinant ces deux effets, l’auteur lève au

passage la contradiction apparente entre la proposition de R. G. Lipsey (nécessité d’un

commerce mutuel fort avant l’union) et celle de R. Riezman (nécessité d’un commerce mutuel

faible avant l’union) puisque désormais tout dépend de la taille des pays formant l’union et de

leur capacité à influencer les prix mondiaux.

R. G. Akkihal montre de son côté que si, suite à la formation de l'union, la nouvelle

source d'approvisionnement est plus éloignée du lieu de consommation que ne l'était

l'ancienne, alors les effets de création et de détournement de commerce seront moins intenses

que ceux prévus par J. Viner15

. Dans la filiation de R. G. Akkihal, P. Krugman précise que les

coûts de transport et de communication influent également sur l’efficacité de l’union16

.

T. Scitovsky, pour sa part, considère que quel que soit le sens des effets induits par la

formation de l'union, ceux-ci agissent de façon marginale sur le bien-être régional et/ou

mondial17

. Pour T. Scitovsky, l’essentiel des effets de l’union douanière réside dans les

mouvements de facteurs de production qu’elle entraîne.

Finalement, F. Perroux conteste l'idée même que les effets sur le commerce définis par

J. Viner, J. E. Meade et R. G. Lipsey puissent être bénéfiques pour le bien-être national,

régional ou mondial. Pour F. Perroux, l'intégration régionale par les marchés risque de se

traduire non pas par l'élimination des entreprises les moins « efficientes », mais par les moins

« puissantes ». L'une des raisons avancées par l'auteur est l'existence de monopoles,

d'oligopoles et de toute une série d'autres « unités actives » qui rendent la concurrence très

largement imparfaite. « Quand de très grandes firmes étrangères au moyen d'affiliations et de

sous-traitances jouissent d'une zone d'influence, un marché commun leur procure une

13 Il est à noter qu’en évoquant « une diffusion générale de la prospérité croissante de l’union douanière », J. Viner suggérait déjà cet effet-volume. 14 « Déterminer empiriquement les effets de détournement de commerce en évaluant les modifications des volumes échangés sans tenir compte des effets prix peut nous conduire à des conclusions erronées sur le bien-être », KOWALCZYK C. [2000], « Welfare and Integration », International Economic Review, Vol. 41, n° 2, mai, p. 486. 15 AKKIHAL R. G. [1973], "Locational effects in the theory of customs union and welfare analysis", The indian economic journal, vol. XXI, n° 1, juillet-septembre, pp. 42-56. 16 KRUGMAN P. R. [1991], "The move to free trade zones", American federal reserve bank of Kansas City, déc. et KRUGMAN P. R. [1992], "Regionalism versus multilateralism : analytical notes ", World Bank and CEPR conference. 17 Pour la première année de fonctionnement de la CEE, l’auteur évalue le gain induit par ces effets statiques à 0,005 du PNB des pays de la CEE, contrebalancé par une perte d’un même montant pour le reste du monde. (Voir SCITOVSKY T. [1958], Economic theory and western European integration, George Allen & Unwin Ltd, pp. 64-70).

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occasion de réviser en vue de leur meilleure rentabilité leur politique de filiales et de sous-

traitances ou leur politique d'alliances avec des alliés mineurs : leur 'verdict' n'est à aucun

degré celui d'un marché anonyme au service du consommateur »18

.

2. La théorie de la convergence « absolue » et ses limites

Un autre développement original et complémentaire de la théorie des unions

douanières est issu de la théorie néoclassique de la croissance : une situation de libre-échange

(i.e. existence d’un marché libre et sans entraves) serait censée réaliser des réallocations

significatives de ressources à l’origine d’une convergence économique entre les participants à

l’union.

2.1. L’intégration comme réduction de la dispersion des niveaux de vie

C’est à R. M. Solow que l’on doit la théorie de la convergence « absolue »19

. En se

plaçant délibérément dans le cadre restrictif des hypothèses de l’équilibre général walrasien et

en partant des hypothèses de la concurrence parfaite20

, l’auteur estime qu’une convergence

économique absolue entre pays à variables structurelles identiques (même taux d’épargne,

même taux de croissance démographique, même taux de progrès technique) devrait se

produire. Cette convergence est interprétée par R. M. Solow comme un processus de

réduction de la dispersion des niveaux de vie et concerne principalement le produit par tête

(supposé être égal au capital par tête). L’auteur considère l’hypothèse de parfaite mobilité

internationale des facteurs de production (et en particulier du capital) comme centrale pour la

réalisation de la convergence absolue : les pays disposant d’un faible stock de capital par tête

ont une productivité marginale du capital relativement plus élevée que les pays richement

dotés, ce qui devrait se traduire par des investissements étrangers (en provenance des pays

riches) vers les pays pauvres. De manière automatique donc, tous les pays convergeraient vers

une croissance d’équilibre (« sentier d’équilibre »). R. M. Solow suppose que toute l’épargne

est investie et que la fonction d’investissement ne dépend que du seul taux de rendement du

capital (productivité marginale du capital).

18 PERROUX F. [1982], Dialogue des monopoles et des nations, équilibre ou dynamique des unités actives, PUG, p. 80. 19 SOLOW R. M., [1956], op. cit., pp. 65-94. 20 Hypothèses d’atomicité des agents économiques, d’homogénéité des biens, de mobilité des facteurs, de fluidité et de transparence des marchés.

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Toutefois, cette approche de la convergence « absolue » basée sur les seules forces du

marché rencontre des limites.

2.2. Les limites de l’approche de la convergence « absolue »

Premièrement, un processus de convergence « absolue » ne pourrait s’enclencher

qu’entre pays ayant en commun des « structures identiques ». Or que prévoit le modèle de

R. M. Solow en cas de pays à « structures » différentes ? Il y aurait, selon l’auteur,

convergence non pas vers un sentier, mais vers plusieurs. Chaque groupe de pays

structurellement comparables convergera vers son sentier d’équilibre propre. Dans ce cas, des

écarts durables subsisteront à long terme. On le voit, la convergence décrite par R. M. Solow

ne saurait être que « conditionnelle », selon l’expression de l’auteur lui-même (c’est-à-dire

déterminée en amont par les « structures » économiques des pays).

Deuxièmement, J. G. Williamson, sans contester le caractère spontané de la

convergence économique en situation de libre-échange, estime qu’il y a toujours une première

phase de « divergence ». L’auteur fonde son raisonnement sur la notion de « pôles de

croissance » 21

. À l’échelle d’un pays, le renforcement du taux de croissance donne le point de

départ simultanément du décollage économique du pays et de la divergence régionale au sein

de ce pays. La convergence/divergence est mesurée par un indicateur de dispersion du type :

Avec :

fi = population de la région i

n = population nationale

yi = revenu par hab. de la région i

y = revenu national par hab.

J. G. Williamson explique la divergence régionale par une distribution inégale des

pôles de croissance sur le territoire. Ces pôles attirent logiquement capitaux et main d’œuvre à

eux. En l’absence de liens interrégionaux dans les premières phases du développement

économique, « la diffusion des technologies, des progrès sociaux et des multiplicateurs de

21 Par référence aux travaux de PERROUX F. [1955] sur les pôles de croissance et de HIRSCHMAN [1958] sur la notion de polarisation.

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revenus » est réduite22

. Cette divergence initiale peut être accentuée par des politiques

publiques en faveur des pôles de croissance.

Toutefois, J. G. Williamson estime qu’avec le temps, les écarts régionaux doivent

spontanément se réduire. Les arguments sont très proches de ceux développés par

R. M. Solow. En effet, progressivement la productivité marginale des facteurs diminue dans

les régions où ces derniers sont fortement concentrés (pôles de croissance initiaux) alors que,

dans le même temps, la mobilité des facteurs et la diffusion du progrès technique tendent à

s’améliorer. Les facteurs et les innovations technologiques « migrent » alors vers les régions

les plus pauvres et soutiennent ainsi l’apparition de nouveaux pôles de croissance dans ces

dernières. Ce mouvement peut être facilité par les autorités nationales qui sont susceptibles de

mettre en place (pour des raisons de cohésion sociale, de recherche de stabilité du

développement économique) une politique comportant un volet redistributif en faveur de

régions les plus en retard et un volet visant à améliorer la mobilité des facteurs.

Le grand apport de J. G. Williamson est de percevoir la convergence comme un

processus s’inscrivant dans une temporalité longue (l’auteur étudiant des séries statistiques

allant de 40 à 120 ans selon les pays). Contrairement à l’approche de R. M. Solow, la mobilité

des facteurs et la diffusion interrégionale du progrès technique ne sont pas parfaitement

assurées à tout instant. De plus, l’action de l’État apparaît pour la première fois comme un

levier complémentaire à l’action spontanée des marchés. Ces éléments ouvrent la voie à des

critiques plus radicales de la convergence induite par la seule union des marchés.

En effet, plusieurs auteurs dépassent le cadre des hypothèses du modèle de Solow et

soutiennent l’idée d’une persistance durable de la divergence régionale au sein d’un espace de

libre-échange. Les arguments retenus sont divers et ont trait aux déterminants de

l’investissement, à l’inertie de la main d’œuvre, aux économies d’échelle externes, à

l’absorption du progrès technique et aux coûts de transport.

Les déterminants de l’investissement sont multiples. Dans l’approche de R. M. Solow,

la fonction d’investissement dépend de la seule productivité marginale du capital23

. Toutefois,

en introduisant une simple variable d’aversion pour le risque dans la fonction

d’investissement utilisée par l’auteur, on constate que des divergences significatives et

durables apparaissent entre régions. C’est ce que fait G. Grangeas, par exemple, pour montrer

que toute l’épargne disponible n’est pas toujours investie dans les régions les plus pauvres (à

22 WILLIAMSON J. G. [1965], “Regional inequality and the process of national development : A Description of the Patterns”, Economic development and the process of national development, vol. XIII, n° 2, Part 2, July, p. 7. 23 Les investisseurs prennent leurs décisions au regard d’un seul critère exclusif : la rémunération du capital.

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forte productivité marginale du capital) précisément en raison du risque encouru. Dès lors

qu’une partie de l’épargne continue d’être investie (par prudence) dans les régions les plus

riches, il n’y a plus aucune chance de voir se réaliser une hypothétique convergence régionale

(absolue ou conditionnelle). Dans le cas extrême où toute l’épargne fuirait des régions

pauvres vers les régions riches, une divergence « absolue » est susceptible de se manifester24

.

La mobilité du travail n’est jamais « parfaite » comme le laisse entendre

J. G. Williamson. D’après G. Myrdal25

, le facteur travail est caractérisé par une double

inertie : inertie sectorielle d’abord avec des coûts d’apprentissage et de requalification

d’autant plus élevés que les « cloisonnements sociaux » sont forts et la « structure de classes »

marquée ; inertie géographique ensuite liée aux coûts de déplacement mais aussi à des

considérations culturelles, historiques et sociologiques. Ces inerties rendent improbable le

retour à la convergence s’inscrivant dans une temporalité longue espérée par

J. G. Williamson. Cela amène G. Myrdal à considérer qu’« une définition de l’intégration

internationale en termes de libre-échange international est, par conséquent, aussi fausse que

l’est celle formulée par référence au marché parfait »26

.

Les économies d’échelle externes sont liées, quant à elles, à l’environnement immédiat

des entreprises : elles sont naturellement plus marquées au sein des pôles de croissance.

D’après J. G. Williamson, passé un seuil de concentration du capital, ces économies d’échelle

externe agiraient de manière « négative »27

(surconcentration de l’espace, engorgement des

transports et réseaux routiers) et accélèreraient la migration du capital vers les régions pauvres

en contribuant ainsi à l’émergence de nouveaux pôles de croissance. Or R. Martin montre que

les économies d’échelle externe peuvent avoir une action durablement « positive » dès lors

que leur développement suit celui du pôle de croissance (liens facilités avec les autres

entreprises, accès facilité au marché, infrastructures modernes). Elles renforcent les

rendements d’échelle internes des entreprises et n’incitent pas à la migration des capitaux vers

d’autres régions28

.

Quant au progrès technique, même si sa propagation (géographique et intersectorielle)

est rapide, rien ne garantit que les fonctions régionales de production intègrent de manière

24 GRANGEAS G. [1997], « Trajectoires économiques et modèle de Solow », in J.-P. Faugère et alli (eds.), Convergence et diversité à l’heure de la mondialisation, ADIS, Economica, pp. 21-31. 25 MYRDAL G. [1958], Une économie internationale, PUF, p. 249 et p. 253. 26 MYRDAL G., [1958], op. cit., p. 481. 27 On parle alors de « déséconomies d’échelle externes ». 28 MARTIN R. [1998], Regional policy in the European Union - Economic Foundations and reality, Centre for European Policy Studies, Brussels, p. 26.

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identique et toujours optimale les nouvelles technologies, ce qui se traduira par des résultats

aléatoires en matière de gains de productivité.

Enfin l’existence de coûts fixes de transports détermine durablement la localisation, la

dynamique d’agglomération pouvant dans certains cas devenir « auto-entretenue » comme le

souligne le Commissariat général au Plan pour le cas de l’Union européenne29

.

Il apparaît en définitive que la convergence économique n’est jamais spontanée et que,

de plus, les mécanismes de marché peuvent conduire durablement et de manière persistante à

une inégalité de répartition des activités et de la richesse au sein d’une union30

. L’État

apparaît comme un acteur déterminant tant pour appuyer la convergence que pour accentuer la

divergence. Le passage de la divergence à la convergence à long terme espérée par

J. G. Samuelson, peut donc aussi s’expliquer par une volonté politique et non plus simplement

par un ajustement spontané du marché. Notons enfin que sur le plan de l’expérience de

l’intégration européenne, la persistance de disparités régionales apporte un démenti sur le

terrain de l’approche de la convergence absolue.

Ces critiques amènent R. M. Solow à reformuler son approche en proposant la notion

de convergence « conditionnelle » : d’après l’auteur, le processus de convergence ne

s’enclencherait qu’entre pays ayant en commun des « structures identiques » (à savoir des

taux d’épargne, de croissance démographique et de progrès technique égaux entre régions).

Cette nouvelle approche admet désormais la persistance d’écarts durables entre groupes de

pays « structurellement » différents31

.

II. L’aide économique internationale

L’aide économique internationale, en tant que transfert de ressources entre pays ou

régions, est un vecteur d’intégration efficace et alternatif à celui du marché. Le paragraphe

suivant aborde l’origine du concept d’aide économique internationale, en définit son contenu

et présente les différentes formes que l’aide peut revêtir.

29 COMMISSARIAT GÉNÉRAL AU PLAN [1999], Scénario pour une nouvelle géographie économique de l’Europe, Rapport du Plan, Economica, Paris, p. 12. 30 SLIM A. [2004c], « Ecarts régionaux et politiques régionales. L’exemple de la République tchèque et la Slovaquie » Colloque PPF, « La transition », Paris I (Panthéon-Sorbonne), 25-26 mai. 31 SOLOW, R. M. [1956], “A contribution to the theory of economic growth”, Quarterly journal of Economics, vol. 70, pp. 65-94.

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1. L’aide comme « extension du principe de partage des charges »

1.1. Genèse du concept d’aide économique internationale

L’aide, comme alternative à l’intégration par les marchés, émerge avec les travaux des

économistes internationaux dits structuralistes (G. Myrdal, J. Tinbergen, R. Nurkse, W.-A.

Lewis)32

. Ces derniers rejettent d’emblée le présupposé selon lequel le libre-échange est une

condition nécessaire à une intégration réussie. Estimant que l’ouverture des marchés ne

corrige en rien une situation de concurrence imparfaite (existence de monopoles, d’oligopoles,

d’asymétries de l’information, de rationalité limitée des agents) et reste inadaptée à la rigidité

des structure dans certains pays (d’où leur nom de « structuralistes »), ils en appellent à la

mise en place d’un mécanisme « nouveau » de transfert des ressources : l’aide.

Pour les structuralistes, l’aide est définie comme un moyen de transfert de ressources

des pays (ou régions d’un pays) qui en possèdent vers des pays (ou région d’un pays) qui en

manquent. Il s’agit de réaliser par l’aide ce que ne permet pas de faire le marché avec ses

imperfections, à savoir générer du développement dans les régions les plus défavorisées d’un

pays (réduire la « désintégration nationale »33

) et dans les pays les plus défavorisés du monde

(réduire la « désintégration mondiale »).

En s’intéressant aux difficultés du démarrage économique dans les pays en

développement (PED) les plus pauvres, R. Nurkse, propose une interprétation basée sur

l’existence de « cercles vicieux » qui s’auto-entretiennent d’eux-mêmes. À partir du constat

d’une extrême faiblesse des revenus, l’auteur identifie trois « cercles » qui s’enclenchent et se

conjuguent : le premier a trait à la faiblesse de la demande, elle-même à l’origine de

débouchés réduits ; le deuxième est lié à la faiblesse de l’épargne qui détermine à son tour la

faiblesse de l’investissement national ; le troisième implique une alimentation insuffisante qui

agit négativement sur la productivité du facteur travail34

. D’après R. Nurkse, la rupture de ces

cercles vicieux ne peut être réalisée que par un apport de ressources extérieures (l’aide) censé

accroître le stock de capital technique, la productivité, et in fine les revenus et la demande.

32 SLIM A. [1997b], « Intégrations, désintégrations et réintégrations en Europe de l’Est : les théories traditionnelles remises en question », Revue d’Etudes Comparatives Est-Ouest, n° 4, déc., pp. 5-83. 33 D’après l’expression retenue par G. Myrdal [1958], op. cit., p.67. 34 NURKSE R. [1953], Problems of Capital-Formation in Underdeveloped Countries, Oxford, Oxford University Press.

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De son côté, G. Myrdal estime que le principal obstacle à l’intégration réside dans les

écarts de développement persistants (entre pays ou entre régions). L’auteur constate que

« l’une des interventions les plus importantes de l’État dans les économies nationalement

intégrées consiste en une extension du principe de partage des charges »35

. Ce partage des

charges, inenvisageable à l’échelle internationale par manque d’un « gouvernement mondial

démocratique » et de « véritable solidarité à l’échelon mondial »36

, amène l’auteur à

considérer l’aide internationale comme un premier pas dans la bonne direction. L’intégration

tant nationale qu’internationale ne peut, selon G. Myrdal, être réalisée que par une

intensification progressive de la solidarité.

1.2. Définition et caractéristique de l’aide internationale

Depuis les travaux des structuralistes, l’aide internationale est définie comme l’activité

par laquelle certains acteurs transfèrent à titre gratuit ou quasi-gratuit des ressources à d’autres

qui en manquent. On distingue deux grands types d’aide selon la nature du donateur : l’aide

publique et l’aide privée.

L’aide publique est le fait des États ou des collectivités locales. Elle est multilatérale

lorsqu’elle transite par des institutions internationales telles que le Fonds monétaire

international (FMI), la Banque mondiale (BIRD), la Banque européenne de reconstruction et

de développement (BERD), la Banque européenne d’investissement (BEI)… où lorsqu’elle

provient d’un groupement d’États (comme l’Union européenne par exemple). À l’opposé, elle

est dite bilatérale lorsque le pays donneur l’accorde directement à des personnes ou des

institutions du pays bénéficiaire.

L’aide privée émane quant à elle d’une communauté large et évolutive d’acteurs dans

laquelle on trouve des associations caritatives, des entreprises, des organisations non-

gouvernementales (ONG) et autres organisations de la société civile (OSC). Son estimation

chiffrée et la coordination des différentes actions sont rendues complexes du fait même de la

multitude d’acteurs impliqués.

35 MYRDAL G. [1958], op. cit., p. 167. 36 Ibid., pp. 5-6.

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C’est le plan Marshall (1948-1952), première expérience de transfert international

massif de ressources des États-Unis vers l’Europe, qui sert de référence aux structuralistes37

et

qui constitue le modèle de base pour tous les plans d’aide internationale initiés durant la

deuxième moitié du XXe siècle.

Le plan Marshall était composé à 88 % de dons, le reste correspondant à des prêts38

.

Ainsi, on retrouve ces deux modalités dans tous les programmes ultérieurs d’assistance

internationale. L’Aide publique au développement (APD) est, par exemple, constituée à 90 %

de dons pour l’année 201139

. Les dons correspondent à des transferts gratuits de ressources

tandis que les prêts sont payants (seuls ceux réalisés à des conditions de faveur sont pris en

compte dans l’aide).

Comme dans le cas du plan Marshall, les expériences ultérieures d’aide internationale

présentent des formes comparables : aide humanitaire d’urgence ou alimentaire, assistance

technique, aide projet, aide programme, annulation de dette, refinancement d’arriérés de

paiement, conditions commerciales préférentielles.

L’aide humanitaire d’urgence ou alimentaire a pour but d’atténuer au plus vite des

souffrances des populations touchées par des catastrophes d’origine humaine (guerre) ou

naturelle (séisme, tsunami, sécheresse, inondation). L’objectif est de faire rapidement parvenir

aux victimes des médicaments, des rations alimentaires, des groupes électrogènes, des

équipements pour rentre l’eau potable, etc. L’aide humanitaire d’urgence ou alimentaire

représente environ 15 % du total de l’APD en moyenne annuelle durant les années 200040

.

L’assistance technique correspond à la mise à disposition d’experts (auprès de

ministères, d’institutions nationales ou locales, etc.) et au financement de formations pour des

publics spécifiques (comme des étudiants ou des hauts fonctionnaires par exemple). Elle vise

à améliorer le niveau de qualification des personnels et à faciliter les transferts de

connaissances et de technologies. Elle peut être mise en place pour renforcer l’efficacité d’une

politique publique nationale (éducation par exemple) ou appuyer la réalisation d’un projet

spécifique (construction d’un barrage hydroélectrique par exemple).

37 « L’aide Marshall représentait de surcroît un geste de solidarité internationale hautement significatif de la part d’une nation à l’égard d’un certain nombre d’autres », MYRDAL G. [1958], op. cit., p. 172. 38 EICHENGREEN B. & UZAN M. [1992], “The Marshall plan: economic effects and implications for Eastern Europe and the former USSR”, Economic Policy, 14, April, 13-75. 39 KEELEY B. [2012], De l’aide au développement. La lutte mondiale contre la pauvreté, OCDE, p. 51. 40 CHARNOZ O. & SEVERINO J.-M. [2007], L’aide publique au développement, La Découverte, coll. Repères, p. 13.

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L’aide projet consiste à accorder un financement lié à la mise en œuvre d’un projet

spécifique, avec un contrôle précis de la manière dont les fonds sont utilisés. Les projets

portent en général sur la construction d’infrastructures ou l’amélioration du capital productif

(exemple : la construction d’un puits qui améliore l’accès à l’eau et réduit la prévalence de

maladies hydriques et les inégalités régionales).

L’aide programme se concentre sur des objectifs plus larges que ceux de l’aide projet

(santé, énergie, etc.). Les ressources sont en général transférées directement aux pays

bénéficiaires sans transiter par des agences intermédiaires. Elles s’accompagnent

systématiquement d’une « conditionnalité » qui fixe la nature des politiques à mener ou des

réformes à réaliser. C’est typiquement l’aide apportée par le FMI.

Les annulations de dette libèrent des ressources que les pays qui en sont bénéficiaires

peuvent utiliser comme ils le souhaitent. De ce fait, elles agissent comme un transfert

« indirect » de ressources et sont en général comptabilisées dans l’aide.

Le refinancement d’arriérés revient à accorder de nouveaux crédits aux pays

bénéficiaires afin de leur permettre de régler les fournisseurs étrangers auprès desquels ils ont

accumulé d’importants retards de paiement. Au moment de l’unification, l’Allemagne a ainsi

refinancé pour 15 milliards de Deutschemarks (DM) les créances en roubles accumulées par

l’ancienne République démocratique allemande (RDA) à l’égard de ses anciens partenaires

commerciaux du CAEM.

Les conditions commerciales préférentielles reviennent à accorder un avantage

commercial temporaire aux pays les plus fragiles. Elles permettent un transfert de ressources

en agissant sur les règles du commerce international. La palette d’outils susceptible d’être

utilisée est très large : droits de douanes, taxes fiscales et parafiscales à l’importation, quotas,

interdictions, normes (techniques, sanitaires, phytosanitaires, subventions aux exportations,

etc.). Par exemple, l’instauration du système de préférences généralisées (SPG) par les pays

européens en 1971, puis par les États-Unis en 1976, consiste à abolir les droits de douane sur

les produits manufacturés issus des PED à l'entrée dans les pays industrialisés (dans la limite

de plafonds quantitatifs) sans demander la réciprocité pour les exportations de ces derniers

vers les PED. L’histoire de la construction européenne est, elle aussi, jalonnée de ce type

d’expériences : nombreuses exemptions et « périodes transitoires » lors des adhésions du

Portugal, de l’Espagne, de la Grèce ou de l’Irlande qui ont permis à ces pays de ne pas

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pratiquer pendant un temps variable les règles communes du marché unique. Il s’agit ici d’une

aide assez originale car elle intervient en déformant les règles du libre-échange. Cette

solidarité dans le commerce est suggérée dès 1958 par Gunnar Myrdal.

2. L’aide d’intégration

2.1. Les apports des réflexions sur l’APD

L’APD est en général mal perçue par les opinions publiques. Elle est accusée d’être

employée à tort et à travers, perdue dans des projets mal pensés, détournée par des dirigeants

locaux, inefficace sur le terrain... Au début des années 1990, une réflexion s’engage sur la

manière de surmonter les limites de l’APD. O. Charnoz et J. M. Severino distinguent cinq

grands critères d’évaluations de l’APD issus de cette réflexion41

:

- L’efficacité : Les résultats recherchés sont-ils atteints ? quelle est la contribution de

l’aide aux résultats observés ? L’efficacité de l’aide dépend du réalisme des ambitions,

de la cohérence entre moyens et objectifs, de la qualité de leur mise en œuvre et des

caractéristiques (politiques, économiques, sociales) des pays aidés.

- La pertinence : L’aide s’attache-t-elle à un problème prioritaire ? Y répond-elle mieux

que d’autres actions envisageables ? La pertinence renvoie au bien-fondé de la finalité

de l’aide et à la cohérence de sa démarche.

- L’efficience : quels sont les coûts de l’aide au regard de ses résultats ? L’efficience

transparaît également dans l’articulation des actions, le respect des délais.

- L’impact : quelles sont les retombées à long terme de l’aide ? L’impact est en général

difficile à apprécier car les changements constatés sur le terrain peuvent être

multifactoriels.

- La durabilité : les améliorations engendrées sont-elles pérennes ? Il s’agit ici d’estimer

la capacité des acteurs aidés à reproduire et garder les résultats obtenus initialement

par l’aide.

Au-delà de ces critères, les réflexions sur l’APD apportent un autre regard sur la relation

entre aide, croissance économique et pauvreté. Les travaux de P. Boone constituent le point

41 CHARNOZ O. et SEVERINO J.-M. [2007], Op. cit., pp. 95-96.

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de départ des débats42

. L’auteur montre que l’APD n’a pas d’impact significatif sur la

croissance et les indicateurs de développement humain (santé, éducation) des PED aidés. Ses

conclusions sont à l’origine d’une vive polémique de laquelle émergent plusieurs

recommandations à l’origine d’une mutation de l’APD durant cette dernière décennie.

Première recommandation, l’aide doit être alignée sur les plans d’action et les politiques

économiques nationales afin d’en faciliter l’« appropriation » par les autorités locales et

d’avoir un impact positif sur la croissance économique du pays aidés43

. Elle favoriserait ainsi

la diversité des processus de développement choisis. Elle doit également tenir compte des

capacités d’absorption (capacités locales de gestion, impact sur le taux de change)44

.

Deuxièmement, l’aide doit être contra-cyclique, c’est-à-dire qu’elle viendrait compenser

les chocs subis par les pays aidés, en soutenant la demande nationale, le financement de

l’économie, les politiques publiques45

.

Troisièmement, l’aide doit être concentrée sur la satisfaction des besoins humains des

pays bénéficiaires (promotion de la santé, de l’éducation, de l’accès à l’eau). Elle peut ainsi

réduire directement la pauvreté sans impliquer forcément une croissance économique

positive46

. Elle doit être concentrée également sur les pays ou régions qui en ont le plus

besoin.

Enfin, l’aide doit être déliée, c’est-à-dire ne pas être conditionnée à l’achat de biens et

services dans le pays donateur. Une plus grande marge de liberté doit être accordée aux pays

bénéficiaires quant à l’utilisation des fonds.

Cette liste de recommandations n’est pas exhaustive et chacun des arguments évoqués ci-

dessus est largement discuté, voire contredit. Toutefois, elle permet d’apporter un regard neuf

42 BOONE P. [1995], “The impact of foreign aid on savings and growth”, Working Paper, London School of Economics, London. 43 BURNSIDE C. & DOLLAR D. [1997], “Aid policies and growth”, Working Paper, n° 1777, World Bank Development Research Group, Washington D.C. 44 DALGAARD C., HANSEN C. & TARP F. [2004], “On the empirics of foreign aid and growth”, Economic Journal, vol. 114, n° 496. 45 GUILLAUMONT P. & CHAUVET L. [2001], “Aid and performance: a reassessment”, Journal of Development Studies, n° 37. COLLIER P. & DEHN J. [2001], “Aid, shocks, and growth”, World Bank Policy Research Working Paper, n° 2688, October, World Bank, Washington D.C. 46 CHARNOZ O. et SEVERINO J.-M. [2007], Op. cit., p. 103.

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sur la manière dont la solidarité intra-européenne est mise en œuvre en particulier depuis les

adhésions des pays d’Europe centrale et orientale (PECO) de 2004, 2007 et 2013.

2.2. Repenser la solidarité intra-européenne

En s’inspirant des réflexions sur l’APD, il est possible de formuler des pistes de

réformes pour une aide régionale européenne totalement renouvelée, réalisant le projet de

« partage des charges », base de l’intégration nationale et internationale selon G. Myrdal.

Cependant, la configuration institutionnelle actuelle de l’UE ne laisse guère d’espoir de voir

ces idées retenues à court ou même à moyen terme, comme le confirme d’ailleurs la définition

du budget européen pour la période 2014-2021, qui maintient les grandes règles de

fonctionnement de la période précédente. Les pistes de réformes présentées ci-dessous sont

donc à lire à titre indicatif. Elles sont l’esquisse de ce que pourrait être une réelle aide

d’« intégration » à l’échelle de l’Union européenne.

a. Pour une plus grande intégration « nationale »

« L’un des grands obstacles à l’intégration internationale est justement le fait que tant de

pays soient encore si mal intégrés nationalement »47

. Ce constat dressé par G. Myrdal en 1958

prend toute sa pertinence dans le cas des PECO où quinze années de transition postsocialiste

ont contribué à réduire à leur strict minimum les politiques publiques redistributives,

augmentant ainsi la vulnérabilité des populations. Les indicateurs de pauvreté et d’exclusion,

après s’être stabilisés au début des années 2000, ont partout plongé avec la crise de 2007-

200948

. La part des pauvres49

oscille selon les PECO de 15 à 30 % de la population totale, les

jeunes et les femmes étant les plus touchés50

. L’aide européenne aux PECO (1989-2013) a

peu contribué à réduire cette vulnérabilité car ce n’était pas son objectif prioritaire. Le premier

grand projet de réforme de l’aide intra-européenne pourrait donc consister à inverser cette

tendance en réorientant sa priorité sur le principe de « partage des charges » cher à G. Myrdal.

47 MYRDAL G. [1958], Op. cit., p. 67. 48 SLIM A. [2010b], « Les formes de la pauvreté en Europe de l’Est : évolution et causes de 1989 à nos jours », Revue d’Etudes Comparatives Est-Ouest, Vol 41, n° 2/2010, pp. 111-140. 49 La pauvreté est définie par la Commission européenne comme la privation de ressources financières, le non accès à la protection sociale, à l’éducation, à l’emploi, au crédit, aux services et à la vie publique. Commission européenne [2000], p. 16. 50 MINK G. [2004], « L’intégration européenne : un troisième bouleversement social dans l’Europe centrale de l’après 1945 », in B. Chavance (ed.), Les incertitudes du grand élargissement, coll. Pays de L’Est, L’Harmattan, p. 226.

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La réalisation de ce projet impliquerait une série de réformes que l’on peut résumer de

la manière suivante :

L’aide devrait être concentrée sur la satisfaction des besoins fondamentaux des

populations des pays membres de l’UE (y compris donc les PECO10) en veillant à ce que

l’accès à la santé, à l’éducation et à l’alimentation soit assuré, en priorité dans les régions les

plus pauvres. Cela favoriserait la cohésion sociale, ciment de l’intégration à l’échelle de la

nation. De plus, une telle action présente l’avantage de procurer des revenus secondaires aux

habitants des régions aidées (allocations diverses, bourses d’études, remboursement des soins,

pensions de retraite, etc.) contribuant à soutenir les débouchés nationaux et donc l’activité

productive, ce qui est un avantage en cas de choc exogène sur l’économie (comme pendant la

crise de 2007-2009). Une telle action impliquerait une réforme de grande ampleur de la

politique régionale européenne pour lui donner la possibilité d’appuyer directement les

budgets nationaux et locaux avec retrait (temporaire ou définitif) du principe de

cofinancement. L’aide européenne devrait être alignée sur les objectifs des politiques

économiques nationales afin de favoriser la diversité des modèles de croissance. Enfin, l’aide

devrait être contra-cyclique, ce qui impliquerait un soutien plus important en période de crise

économique et inversement.

De plus, l’UE dispose d’atouts pour envisager ce type de réforme :

Contrairement à l’APD, l’aide au sein de l’UE s’adresse à des pays (y compris les

PECO10) possédant déjà des infrastructures (hôpitaux, écoles, électricité, etc.) et des

institutions fonctionnelles. Nul besoin donc d’envisager une stratégie de type Big Push

(P. N. Roseinstein-Rodan, 1943 ; R. Nurkse, 1953) trop coûteuse et trop dispersée.

Contrairement à l’APD, l’aide au sein de l’UE répond à une aspiration sociale : les

dépenses de santé et d’éducation sont perçues comme des « investissements » ayant un intérêt

mesurable. La mise en valeur des « débouchés » de la santé et de l’éducation sont susceptibles

de stimuler une dynamique d’attractivité des individus (médecins, enseignants) et d’éviter la

fuite des cerveaux des régions pauvres de l’UE vers les régions riches.

Contrairement à l’APD enfin, l’aide européenne dispose d’un modèle historique : celui

de l’unification de l’Allemagne de 1990. Même s’il s’agit d’une expérience d’intégration

nationale difficilement transposable à l’échelle européenne, l’exemple allemand est riche

d’enseignements.

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Le Tableau 1 (p. 22) indique la nature et les montants de l’aide reçue par les six Länder

est-allemands durant la décennie 1990. Il en ressort que l’aide allemande est constituée

principalement d’appuis directs aux budgets des nouveaux Länder et de transferts sociaux.

Les montants nets engagés sur dix ans (1 235,7 milliards de DM, soit 659,29 milliards

d’euros) correspondent selon les années de 31 à 53 % du PIB est-allemand (contre 0,8 % du

PIB des PECO10 en moyenne annuelle pour PHARE) et de 4 à 5 % du PIB ouest-allemand.

L’objectif visé est la réduction des écarts du niveau de vie afin de limiter les migrations de

populations Est-Ouest (évaluées à 400 000 personnes pour la seule année 1989).

Tableau 1 : Transferts publics vers les nouveaux Länder est-allemands (1991-1999) en milliards de DM 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 1991-99

Transferts bruts 144,2 171,8 191,6 194,0 186,5 188,3 184,3 182,3 195,6 1636,5

Transferts nets 109,2 132,7 150,2 148,8 139,6 140,0 136,4 133,7 145,0 1235,7

Transferts nets en % du PIB est-allemand 53,0 50,0 46,5 40,7 35,5 34,1 32,4 31,2 32,8

Transferts nets en % du PIB ouest-allemand 4,1 4,7 5,3 5,0 4,6 4,5 4,3 4,0 4,4

Transferts nets en % de la demande intérieure 31,2 31,7 31,4 29,3 29,0 28,0 27,0 27,0 28,0

* Sans les amortissements exceptionnels, les versements d’intérêts et de remboursements, primes d’investissement inclus. Source : D’après RAGNITZ J. et alii. [2001] et LUFT C. [2000] cité par LABROUSSE A. [2003], p. 61.

L’aide intra-allemande a permis d’atténuer en intensité et en durée la phase de récession

postsocialiste durant la première décennie de l’unification51

. En 1990, le salaire moyen est-

allemand se situait aux alentours de 40 % du salaire moyen ouest-allemand. En 1994, il

atteignait déjà 66 % de ce niveau52

. À partir de 1995, le rattrapage entre l’Est et l’Ouest de

l’Allemagne s’enclenche significativement et se traduit par une convergence « régionale »

entre les six Länder et le reste des régions (Nuts II) allemandes.

Au moins quatre enseignements peuvent être tirés de l’expérience allemande : appuis

directs aux budgets nationaux et transferts sociaux constituent des leviers d’action puissants

en faveur de l’intégration ; ils introduisent une obligation d’engagement à moyen terme de

manière à permettre à la région aidée d’être en mesure de générer ses revenus propres ; ils ne

peuvent s’adresser qu’à des pays/régions ayant une maîtrise affirmée de la dépense publique

et plus généralement de la gestion du budget de l’État ; enfin, l’expérience allemande

51 Comme pour les autres PECO, l’Allemagne de l’Est entre en récession au début des années 1990. Son PIB connaît une chute de 45 % en deux ans. Entre 1989 et 1995, la population employée dans l’industrie est divisée par deux (passant de 3,6 à 1,1 million de personnes employées) et par 1,5 pour l’ensemble des activités (de 9,4 à 6,1 millions). La Treuhandanstalt, l’organisme chargé de la privatisation des biens d’État est dissoute en décembre 1994. 52 ANDREFF W. [2007], Op. cit., p. 88.

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relativise la notion de « capacité d’absorption » puisque l’aide influe directement sur cette

dernière53

.

b. Pour une plus grande intégration européenne

La politique régionale européenne échoue jusqu’à présent à réaliser son objectif

principal, à savoir la convergence des niveaux de développement régionaux (Figure 1, ci-

dessous).

Figure 1 : Évolution des écarts-types en euros des PIB/hab. (SPA) des régions européenne NUTS II (1995-2008)

NUTS II : de 800 000 à 3 millions d’habitants. Note : figure réalisée en calculant l’évolution des écarts moyens par rapport à la moyenne des PIB/hab. régionaux. Lorsque l’écart-type augmente, comme c’est le cas dans la figure, cela signifie que les écarts moyens observés par rapport à la moyenne augmentent , il y a donc accentuation de la divergence entre les régions (échelle Nuts II) de l’UE. La formule utilisée est : UE(15) : Quinze pays de l’UE avant l’élargissement européen de 2004 PECO (8) : Pays d’Europe centrale et orientale ayant adhéré à l’UE en 2004 (hors Chypre et Malte) PECO (2) : Pays d’Europe centrale et orientale ayant adhéré à l’UE en 2007 (i.e., Bulgarie et Roumanie) Source : calculé à partir des données Eurostat

Les enseignements tirés des échecs de l’APD donnent une idée des réformes possibles

de la politique régionale européenne : définir des critères clairs d’attribution ; augmenter les

53 Le total cumulé sur 25 ans de l’aide multilatérale de l’UE vers les PECO (soit 221,4 milliards d’euros) correspond à peu près à ce qui a été « absorbé » sous forme de transferts publics par les six Länder est-allemands en trois ans et demi seulement.

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montants attribués ; déplafonner le budget communautaire ; réaliser le fédéralisme fiscal. Ces

réformes sont réalistes, même dans un contexte de crise économique.

Définir des critères clairs et sans ambiguïté pour l’attribution des fonds européens

permettrait de concentrer les fonds sur les pays et régions qui en auraient le plus besoin. En ce

sens, toutes les règles de type phasing in et phasing out en vigueur sur la période 2007-2013

devraient être supprimées. Elles sont à l’origine d’une distribution incohérente des fonds au

regard de l’objectif de convergence : certains AM15, présentant pourtant des niveaux de

PIB/hab. plus élevés que les PECO10, ont perçu des montants d’aides européennes plus

importants. C’est le cas de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne qui ont reçu respectivement

261 €, 113 € et 289 € par habitant en moyenne annuelle sur la période 2007-2013 avec des

PIB/hab. (SPA) étant deux à trois fois supérieurs à ceux des PECO54

. À titre de comparaison,

la Bulgarie, la Roumanie, et la Slovénie ont reçu respectivement sur la même période 127 €,

130 € et 298 € par habitant et par an. On remarque également des inégalités

incompréhensibles au sein du groupe PECO. Ainsi, la Hongrie et la Pologne, présentant des

« capacités d’absorption » comparables, des institutions fiables, des PIB/hab. proches ont reçu

respectivement 372 € et 907 € par hab. par an sur la période 2007-2013. Cette inégale

distribution des fonds laisse entendre que d’autres critères, de nature politique, sont à l’œuvre

dans la détermination des enveloppes par pays.

Augmenter les montants attribués est un impératif pour faire de l’aide intra-

européenne un outil effectif d’intégration. Sur la période 2007-2013, les dépenses annuelles

pour l’aide structurelle stratégique correspondent à 0,37 % du PIB, « ce qui confirme la

volonté du Conseil de ne pas donner à l’Est ce qu’il avait consenti au Sud »55

. Le Plan

Marshall annoncé au début des années 1990, se révèle être un Plan Marshall au rabais. Seul

l’Instrument d’aide de préadhésion (IAP) accordé par l’UE aux Balkans occidentaux sur la

période 2007-2013 est encore plus faible (0,17 % du PIB de l’ensemble des pays aidés).

Même le plan Marshall (1948-1952), pris comme référence par l’UE, est estimé à près de

2,5 % (en moyenne annuelle) du PIB des pays aidés de l’époque56

. L’aide occidentale en

appui au décollage économique de Taiwan et de la Corée du Sud est estimée à 5 à 8 % du PIB

des bénéficiaires en moyenne annuelle sur la période 1956-196057

.

54 L’ensemble de ces mesures transitoires de type Phasing in/Phasing out ont concerné 28 régions de l’UE15 situées en Belgique, Allemagne, Grèce, Espagne, Irlande, Italie, Finlande, Autriche, Portugal et Royaume-Uni. 55 DREVET J.-F. [2008], Histoire de la politique régionale de l’Union européenne, Belin, p. 245. 56 EICHENGREEN B. & UZAN M. [1992], “The Marshall plan: economic effects and implications for Eastern Europe and the former USSR”, Economic Policy, 14, April, p. 15. 57 AGLIETTA M. et alli. [1992], Repenser le soutien de la communauté internationale à l'Europe de l'Est, Observations et diagnostics économiques, Revue de l'OFCE, 42, p. 237.

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Relever, même sensiblement, les montants transférés vers les régions les plus pauvres

de l’UE implique d’en finir avec la notion de « capacité d’absorption » ou « capacité

d’intégration » telle qu’elle est pratiquée au sein de l’UE58

. Tenir compte de la capacité d’un

pays à utiliser les crédits engagés est légitime en soi mais, dans la pratique, la notion de

« capacité d’absorption » a été appliquée de manière très variable d’un pays à l’autre. De plus,

l’expérience de l’unification allemande des années 1990 montre que la capacité d’absorption

n’est pas insensible à la nature de l’aide accordée : des transferts sociaux, par exemple,

augmentent significativement la capacité d’absorption.

Déplafonner le budget européen est une conséquence du point précédent. Toutefois,

les six pays contributeurs nets au budget européen (dont la France) limitent le budget

communautaire à un maximum de 1,27 % du RNB de l’UE, « plafond implicitement dirigé

contre les politiques de cohésion »59

. On est loin de « l’axe de solidarité » de 7 % du PNB que

s’étaient fixé les autorités allemandes au début de la décennie 90 en matière de transferts vers

les six nouveaux Länder60

. On reste loin du budget fédéral américain qui se situe en moyenne

annuelle aux alentours de 20 % du PIB des États-Unis (transferts sociaux inclus). De tels

plafonnements contribuent, d’après I. Berend, à la mise en périphérie des PECO10 au sein

même de l’UE61

. Dépensé sous forme de transferts sociaux directs, un tel budget élargi aurait

des conséquences immédiates sur le pouvoir d’achat des ménages européens, les débouchés

des entreprises et, finalement, la croissance économique.

Réaliser le fédéralisme fiscal à l’échelle européenne. Ce fédéralisme, bien que faisant

l’objet d’âpres débats, présenterait au moins deux avantages pour l’UE. D’une part, il

permettrait de disposer de moyens budgétaires communs plus conséquents pour faire face aux

chocs économiques symétriques (qui touchent tous les États membres de la même manière).

D’autre part, il permettrait d’assurer une fonction redistributive renforcée et continue aux

régions les plus pauvres de l’UE. Toutefois, un grand obstacle en bloque encore la

réalisation. Il s’agit de la Procédure concernant les déficits excessifs (PDE) et des directives

d’application qui s’y rattachent (précisées dans le Pacte de stabilité et de croissance) qui

permettent de sanctionner les États membres présentant des déficits excessifs. Ces règles

58 Règlement (CE) n° 718/2007 de la Commission, art. 5 al. 3-d. 59 DREVET J.-F. [2008], op. cit., p. 244. 60 HEIMERL D. [1996], « Double défi pour les nouveaux Länder depuis 1990 : unification et privatisation », Le courrier des pays de l’Est, n° 406, janvier-février, La Documentation française, pp. 4-5. 61 BEREND I. T. [2009], From the Soviet Bloc to the European Union, Cambridge: Cambridge University Press. BEREND I. T. [1996], Central and Eastern Europe, 1944-1993: Detour from the Periphery to the Periphery, Cambridge: Cambridge University Press.

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créent un dilemme puisque « plus un État-membre se montrera généreux en transférant des

ressources (…), plus grande sera la probabilité, s’il est touché par un choc économique, qu’il

soit sanctionné par la Procédure concernant les déficits excessifs » 62

.

Ces options ne sont pas celles retenues pour le budget communautaire (2014-2020) qui

s’inscrit plutôt dans une logique de continuité : maintien du plafonnement du budget

communautaire, stabilité des dépenses allouées à la politique régionale, pas de mutation dans

les modalités d’application de l’aide intra-européenne, pas de fédéralisme fiscal. L’une des

explications de ce choix réside dans la configuration particulière des pouvoirs au sein de l’UE.

CONCLUSION

Quelle est la nature des forces à l’œuvre lors de l’intégration économique

internationale ? C’est en s’efforçant de répondre à cette interrogation qu’il nous est apparu

que la notion d’intégration définie par les seules forces du marché se révèle largement

insuffisante pour appréhender les mécanismes à l’œuvre. En introduisant le principe de

« partage des charges » (au sens de Myrdal) il apparaît que l’aide internationale est l’outil

privilégié pour l’allocation des ressources lors d’un processus d’intégration. Cette approche

amène une lecture critique de l’expérience d’intégration européenne (aide intra-eruopéenne

limitée, divergence économique des PIB régionaux (Nuts II). L’expérience de l’APD amène

finalement à esquisser ce que pourrait être la solidarité intra-européenne si elle était vraiment

orientée vers un objectif d’intégration : désintéressée, reposant sur des critères clairs, contra-

cyclique et déplafonnée.

62 COLLIGNON S. [2010], « Le fédéralisme budgétaire dans la zone euro », p. 10, http://www.stefancollignon.de/PDF/Federalisme.pdf (consultation du 31/01/2014)

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Lexique

AM : Anciens membres de l’UE avant l’élargissement de 2004.

APD : Aide publique au développement

BEI : Banque européenne d’investissement

BERD : Banque européenne de reconstruction et de développement

BIRD : Banque internationale pour la reconstruction et le développement

CAEM : Conseil d’assistance économique mutuelle

CEE : Communauté économique européenne

DM : Deutschemark

FMI : Fonds monétaire international

IAP : Instrument d’Aide de Préadhésion pour les Balkans occidentaux (2007-2013)

NM2 : Nouveaux États membres de l’UE ayant adhéré en 2007

NM10 : Nouveaux États membres de l’UE ayant adhéré en 2004 (y compris Chypre et Malte)

NUTS : Nomenclature des unités territoriales statistiques de l’UE

ONU : Organisation des Nations Unies

PDE : Procédure des déficits excessifs

PECO : Pays d’Europe centrale et orientale

PECO10 : Pays d’Europe centrale et orientale ayant adhéré en 2004 et en 2007 (hors Chypre et Malte)

PED : Pays en développement

PHARE : Pologne Hongrie Aide à la reconstruction économique

PNB : Produit national brut

PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement

PNUE : Programme des Nations Unies pour l’environnement

PPA : Parité de pouvoir d’achat (appelée également « SPA » par Eurostat)

PRB : Produit régional brut

RFA : République fédérale allemande

RDA : République démocratique allemande

RNB : Revenu national brut

SPA : Standards de pouvoir d’achat éliminant les différences de prix entre les pays

SPG : Système de préférences généralisées

UE15 : Union européenne à 15 États membres (avant l’élargissement de 2004)

UE27 : Union européenne à 27 États membres (après l’élargissement de 2007)

UE28 : Union européenne à 28 États membres (après l’élargissement de 2013)

URSS : Union des Républiques socialistes soviétiques

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Table des matières

INTRODUCTION ................................................................................................................................................ 3

I. L’INTEGRATION PAR LES MARCHES ET SES LIMITES ................................................................................. 4

1. LA THEORIE DES UNIONS DOUANIERES ET SES LIMITES ............................................................................................ 4

1.1. Les « conditions » de la réussite de l’intégration par les marchés .................................................. 4

1.2. Les limites de l’approche par les marchés ....................................................................................... 6

2. LA THEORIE DE LA CONVERGENCE « ABSOLUE » ET SES LIMITES................................................................................ 9

2.1. L’intégration comme réduction de la dispersion des niveaux de vie ............................................... 9

2.2. Les limites de l’approche de la convergence « absolue » .............................................................. 10

II. L’AIDE ECONOMIQUE INTERNATIONALE ............................................................................................... 13

1. L’AIDE COMME « EXTENSION DU PRINCIPE DE PARTAGE DES CHARGES » ................................................................. 14

1.1. Genèse du concept d’aide économique internationale ................................................................. 14

1.2. Définition et caractéristique de l’aide internationale .................................................................... 15

2. L’AIDE D’INTEGRATION .................................................................................................................................. 18

2.1. Les apports des réflexions sur l’APD .............................................................................................. 18

2.2. Repenser la solidarité intra-européenne ....................................................................................... 20

CONCLUSION .................................................................................................................................................. 26

LEXIQUE .............................................................................................................................................................. 27

BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................................. 28