L’accès à l’autonomie des jeunes majeurs issus de l’Aide Sociale à … · pour ces jeunes...

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UNIVERSITÉ DE LILLE SHS URIOPSS HDF L’accès à l’autonomie des jeunes majeurs issus de l’Aide Sociale à l’Enfance, regard sur les parcours de jeunes sur le territoire de la Métropole Européenne de Lille Être adolescent à l’ASE: se préparer à la sortie autonome des dispositifs et au devenir adulte dès 18 ans Marine Doyer Master II Gestion des Organismes Sociaux Promotion 2017- 2018 Tuteur Universitaire : Mr François Tutrice : Mme Christelle De Backer Decat

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UNIVERSITÉ DE LILLE SHS – URIOPSS HDF

L’accès à l’autonomie des jeunes majeurs issus de l’Aide Sociale à l’Enfance, regard sur les parcours de jeunes sur le territoire de la

Métropole Européenne de Lille Être adolescent à l’ASE: se préparer à la sortie

autonome des dispositifs et au devenir adulte dès 18 ans

Marine Doyer – Master II Gestion des Organismes Sociaux

Promotion 2017- 2018

Tuteur Universitaire : Mr François Tutrice : Mme Christelle

De Backer Decat

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Résumé

Dans un contexte d’allongement de la jeunesse, l’entrée dans la vie adulte se fait de

plus en plus tardivement. Pour les jeunes pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance, un

autre avenir se dessine. Les Départements ne sont pas dans l’obligation de protéger les jeunes

confiés à l’ASE au-delà de la majorité. De ce fait, les jeunes majeurs sortis des dispositifs

vont se voir projeter dans la vie adulte plus précocement que ceux en population générale. Le

Département du Nord, dans sa dernière délibération, a affiché sa volonté de sortir la plupart

des jeunes du système ASE dès 18 ans. Pour cela, ce dernier souhaite renforcer en amont, la

préparation à l’autonomie en leur apportant les clés pour favoriser leur insertion sociale et

professionnelle à la sortie. La préparation à la sortie autonome des dispositifs de l’ASE fait

actuellement l’objet de plusieurs études sur l’ensemble du territoire français. Ce rapport-ci

s’intéresse à la situation de la Métropole Européenne de Lille. Il s’agit ici d’étudier les

conséquences de cette délibération sur la perception de la sortie par les jeunes et les manières

dont celle-ci est anticipée.

3

Remerciements

En préambule de notre mémoire, nous souhaitons adresser nos remerciements les plus

sincères aux personnes qui nous ont apporté leur aide et contribué à la réalisation de cette

enquête.

Nous tenons à remercier particulièrement Madame Vanessa STETTINGER et

Monsieur François DE BACKER qui se sont toujours montrés à l’écoute et disponible tout au

long de la réalisation de ce mémoire. Merci pour vos conseils, votre soutien et le temps que

vous nous avez accordé.

Nos remerciements s’adressent également à Madame Christelle DECAT et Monsieur

Ménouar MALKI, nos tuteurs de stage, pour la pertinence de leurs remarques et leurs conseils

avisés. Merci également à l’ensemble des partenaires de l’Uriopss participant au suivi de

l’enquête pour leurs nombreux conseils et remarques toujours constructives et bienveillantes

lors des différents copil’.

Remercions aussi l’ensemble des professionnels qui ont accepté de nous recevoir dans

leurs établissements pour rencontrer les jeunes ou nous partager leur expérience.

Nous tenons à remercier tous les jeunes qui ont accepté de participer à notre étude.

Merci à eux de nous avoir fait partager leur histoire. Nous les remercions de nous avoir fait

confiance sur la garantie de leur anonymat.

Enfin, merci à Shéhérazade AKARKACH, ma collègue de stage, pour ses conseils, ses

encouragements et sa patience. Nous remercions également toutes les personnes qui ont

participé à la relecture de notre mémoire et qui nous ont soutenues tout au long de sa

rédaction.

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Sommaire

Glossaire ..................................................................................................................................... 4

Introduction ................................................................................................................................ 6

Chapitre un : Partie théorique ................................................................................................... 10

1. Les évolutions récentes en Protection de l’Enfance. ..................................................... 10

2. L’objet d’étude .............................................................................................................. 37

Chapitre Deux : Interprétation des résultats. .......................................................................... 500

1. A chacun son parcours à l’ASE ................................................................................... 500

2. Construire son autonomie dès 16 ans, anticiper sa sortie. ........................................... 733

3. La fin de l’accompagnement, entre excitation, angoisses et incertitudes ................... 855

Chapitre 3 : Résultats et préconisations ................................................................................... 98

Conclusion ............................................................................................................................ 1088

Bibliographie ........................................................................................................................ 1111

Annexes ................................................................................................................................ 1155

Table des matières ................................................................................................................ 1266

5

Glossaire

AEAD : Assistance Educative A Domicile

AEMO: Aide Educative en Milieu Ouvert

AEP : Action Educative Préventive

AP : Accueil Provisoire

ASE : Aide Sociale à l’Enfance

CASF : Code de l’Action Sociale et des Familles

CJM : Contrat Jeune Majeur

ELAP : Etude Longitudinale sur l’Autonomisation des jeunes après un Placement

EVA : Entrée dans la Vie Adulte

FJT : Foyer Jeune Travailleur

MECS : Maison d’Enfance à Caractère Sociale

ODAS: Observatoire National de l’Action Sociale

ONPE: Observatoire National de la Protection de l’Enfance

PPE: Projet Pour l’Enfant

PMI: Protection Maternelle et Infantile

RTASE : Responsable Territorial Aide Sociale à l’Enfance

SSP: Service Social Polyvalent

TISF : Technicien de l’Intervention Sociale et Familiale

UDAF : Union Départementale des Associations Familiales

UNIOPSS : Union Nationale Interfédérale des Œuvres et organismes Privés Sanitaires et Sociaux

URIOPSS : Union Régionale Interfédérale des Œuvres et organismes Privés Sanitaires et Sociaux

UTPAS : Unité Territoriale de Prévention et d’Action Sociale

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Introduction

« Les parcours de vie sont loin d’être des fleuves tranquilles au débit constant, ils subissent

des changements ou des réorientations, parfois leur rythme de construction ralentit en raison

des hésitations ou des moments de réflexions alors que, d’autres fois, des événements viennent

précipiter les choix ou ancrer le cheminement dans une nouvelle continuité »

Maria Eugénia Longo1

La citation ci-dessus permet de souligner que les parcours des individus ne dépendent

pas que d’eux. Ils sont le fruit de choix personnels mais aussi de non choix ou encore de choix

contraints. Le parcours est soumis aux aléas dans les différentes sphères de la vie. La

construction de celui-ci dans les différentes sphères de la vie peut connaître des temps de

stabilité mais aussi des temps beaucoup plus instables et incertains. Les dernières orientations

prises par l’Etat en Protection de l’Enfance visent la sécurisation des parcours des enfants

confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance. Cette notion englobe, ici, à la fois les parcours de soin,

scolaire ou encore d’insertion professionnelle. Des travaux de recherche menés ces dernières

années ont montré la non linéarité des parcours des jeunes confiés, parcours marqués par les

discontinuités. De plus, en Décembre 2017, une concertation sur la prévention et la lutte

contre la pauvreté des enfants et des jeunes a été lancée par le Gouvernement. Les constats

quant à la situation des jeunes qui sortent des dispositifs de l’ASE sont alarmants. Selon

l’Insee, en 2013, près d’un quart des personnes sans domicile fixe étaient d’anciens enfants

placés.

Aujourd’hui, lorsqu’un jeune confié à l’ASE atteint la majorité, il est dirigé vers la

sortie et ne bénéficie plus d’une prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance. De ce fait,

pour ces jeunes protégés durant leur minorité, l’entrée dans la vie adulte se confond avec

l’âge de la majorité. L’entrée dans la vie adulte est un passage décisif pour tous les jeunes.

Notre société connaît actuellement des mutations profondes dans les différentes sphères de la

vie. On assiste notamment à une transformation des modèles familiaux, à l’allongement des

1 Longo, M.E. (2016), « Les parcours de vie des jeunes comme des processus », Dossier Parcours de jeunes et institutions. Les cahiers dynamiques, n°67, Erès.

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études et au développement des emplois précaires. Tout ceci participe au fait que la transition

vers l’âge adulte s’observe de plus en plus tardivement pour les jeunes en général. Dans cette

phase d’ « allongement de la jeunesse 2 », les soutiens familiaux sont primordiaux pour

prendre en charge ces jeunes.

Pour les jeunes confiés à l’ASE, la situation est parfois délicate. Le passage à la

majorité rime souvent avec la fin de l’accompagnement et l’arrêt –parfois brutal – de l’accueil

au sein des dispositifs. L’accompagnement de ces jeunes au-delà de la majorité est,

aujourd’hui, de plus en plus limité. Il leur est donc demandé rapidement de faire preuve

d’autonomie pour pouvoir voler de leurs propres ailes lorsque la prise en charge s’arrêtera.

Pour cela, les professionnels intervenant auprès de ces jeunes sont sommés de leur délivrer un

accompagnement leur permettant d’acquérir l’autonomie financière, administrative et

affective afin d’anticiper la sortie et éviter les ruptures.

Le Département du Nord n’échappe pas à cela. La Délibération de Juin 2016 propre

au Département du Nord est venue affirmer la volonté d’accompagner les jeunes vers la sortie

dès 18 ans. Ces jeunes contraints de grandir trop vite peuvent faire l’objet d’inquiétudes de la

part des professionnels qui les accompagnent en amont de la sortie mais aussi de la part de

ceux qui devront –peut-être – les accueillir après cette sortie. C’est dans la volonté de leur

apporter l’accompagnement le plus complet possible et de les préparer au mieux à cette sortie

afin d’éviter les sorties sèches et les situations de rupture que nous avons été sollicitées pour

réaliser cette étude. En effet, l’Uriopss Hauts-de-France et ses partenaires tels que l’Union

National pour l’Habitat des Jeunes du Nord (UDHAJ), la Fédération des Acteurs de la

Solidarité des Hauts-de-France (FNARS) et la Fédération des associations de Protection de

l’Enfant (CNAPE), soucieux du devenir de ces jeunes confiés à l’ASE sortant dès 18 ans, ont

interpellé le Conseil Départemental du Nord afin de réaliser un diagnostic sur

l’accompagnement de ces jeunes en approche de la sortie du dispositif. Ceux-ci se sont donc

vus confié la réalisation d’une enquête qualitative sur l’accès à l’autonomie des jeunes

majeurs de 16 à 21 ans issus de l’ASE. Celle-ci se découpe en deux volets. Le premier est

consacré à l’étude des pratiques des professionnels et a pour ambition de réfléchir aux

évolutions des pratiques professionnelles à opérer pour travailler davantage l’autonomie des

jeunes protégés. Le deuxième volet est dédié à l’étude des parcours des jeunes confiés à

l’ASE et a pour ambition de repérer les besoins et valoriser les compétences des jeunes à la 2 Galland, O. (2000) Cellule de sociologie de l'OFCE. L'allongement de la jeunesse en Europe. In: Revue de

l'OFCE, n°72, pp. 187-191.

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sortie des dispositifs pour les mener à l’autonomie. Nous nous sommes chargés de ce

deuxième volet que nous avons travaillé sur deux axes. Shéhérazade Akarkach a étudié le

devenir adulte des jeunes majeurs pris en charge par l’ASE et la mise en pratiques des acquis

durant l’accompagnement. Je me suis chargée d’étudier la préparation de cette sortie en

amont. En effet, la réussite de la sortie dépend de la préparation de cette dernière. Il était donc

important de pouvoir étudier l’avant pour pouvoir apporter des améliorations sur l’après.

Nous nous sommes donc interrogés sur la perception de l’approche de cette fin de prise en

charge par les jeunes et sur la manière dont celle-ci est anticipée.

Pour répondre à ce questionnement, nous nous sommes appuyés sur quinze

entretiens semi-directifs réalisés avec des jeunes sortis récemment des dispositifs de l’ASE

sur la Métropole Européenne de Lille. Une connaissance approfondie des fondements de la

Protection de l’Enfance mais aussi des dernières lois en vigueur dans ce domaine sur le

territoire national et de la MEL étaient nécessaires avant d’entrer sur le terrain. Celle-ci devait

être complétée par des lectures sociologiques sur la question de la préparation à l’autonomie

des jeunes pris en charge par l’ASE et leur devenir adulte. En effet, le fait de pouvoir apporter

un point de vue sociologique aux réalités et aux problématiques de terrain fait partie de la

richesse de notre Master 2 en Gestion des Organismes Sociaux.

Ce choix de stage est en adéquation avec ma volonté d’aider les publics faisant

face à des difficultés d’insertion ou de réinsertion dans la société. Plus souvent accès sur des

thématiques relevant du monde carcéral, il me semblait judicieux de porter mon intérêt sur

d’autres sujets afin d’apprendre à connaître d’autres publics et de m’ouvrir à d’autres

problématiques. Cette commande m’intéressait puisqu’elle ciblait un public dans la même

tranche d’âge que la mienne et qu’elle soulevait une problématique qui, je pense, mérite d’être

étudiée. En effet, ces jeunes fragilisés par leur parcours avant d’être confiés à l’ASE vont

devoir redoubler d’effort à la sortie pour voler de leurs propres ailes et s’insérer socialement

et professionnellement, plus précocement et souvent, avec moins de soutien que les jeunes en

général. De plus, devant parfois gardé des enfants placés en famille d’accueil, j’avais déjà

une connaissance de ce terrain. Etant donné que j’avais une première approche de la question

de l’accompagnement du point de vue des assistants familiaux, il me semblait intéressant de

m’attarder sur la perception de cet accompagnement du point de vue des premiers concernés,

les jeunes.

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La présentation de notre recherche se répartie en trois chapitres. Dans un

premier temps, nous nous attarderons sur le travail exploratoire mené, la présentation de la

structure qui nous a accueilli avant de développer la commande et de présenter l’objet d’étude

qui en a découlé. Dans un second temps, nous présenterons l’analyse des entretiens ainsi que

les résultats obtenus. Enfin, dans un troisième temps, nous terminerons sur les préconisations

que ces derniers ont suscitées.

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Chapitre un : Partie théorique

A l’intérieur de ce premier chapitre, nous aborderons le travail exploratoire qui a été

mené en amont de la réalisation de l’enquête et essayerons de présenter l’objet d’étude, la

question sociologique et les hypothèses qui en découlent.

1. Les évolutions récentes en Protection de l’Enfance.

Après avoir présenté le fonctionnement de la Protection de l’Enfance et les lois qui la

régissent, nous nous attarderons sur le rôle des départements dans cette politique sociale et

notamment sur les orientations prises par le Département du Nord dans ce domaine. Enfin,

après avoir essayé d’apporter des éléments de définition à la notion d’autonomie, nous

dresserons un bref état des lieux des lectures sur le sujet de l’autonomie des jeunes placés à

l’ASE.

1.1. Qu’est-ce que la Protection de l’Enfance ?

Les prémices de la Protection de l’Enfance remontent au XVIIe siècle. Celle-ci reste

encore marquée par les volontés de celui qui l’avait mise en lumière à l’époque mais est

venue s’ajuster aux problématiques socioéconomiques actuelles.

1.1.1. Genèse et évolution de ses objectifs

Au fil du temps, la Protection Sociale de l’Enfance a élargi son champ d’intervention. En

effet, la Protection de l’Enfance a vu le jour avec la volonté de lutter contre la mort des

nourrissons abandonnés par leur famille pour des raisons économiques et sociales. La prise en

charge des enfants abandonnés était, auparavant, de la responsabilité de l’Eglise. Saint-

Vincent-de-Paul (1581-1660) est une figure emblématique de la création et du développement

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de cette assistance dès 1630. Il met en place un cadre qui vient structurer la Protection de

l’Enfance. Ce dernier établit un règlement à destination des établissements accueillant ces

enfants abandonnés. Les principes fondamentaux de ce règlement restent le socle du

fonctionnement de l’ASE actuellement. D’autre part, Saint-Vincent-de-Paul met en place des

dossiers de suivi pour chaque enfant. La Révolution de 1789 marque un tournant dans

l’assistance, jusque là religieuse, elle devient laïque. Dès lors, est créée l’Assistance Publique

en 1849. De 1849 à 1961, l’Assistance Publique gardera pour mission emblématique l’aide à

l’enfance. Ainsi, l’Etat devient garant de la bien traitance, l’éducation physique et morale des

orphelins. L’Etat élargit son champ d’intervention aux enfants « en dépôt », c’est-à-dire ceux

dont les parents sont hospitalisés ou incarcérés mais aussi aux enfants « moralement

abandonnés », c’est-à-dire ceux dont les parents ne prennent pas en charge l’assistance morale

et alimentaire.

La Convention des Droits de l’Enfant ratifiée en Juin 1990, en France, rappelle les grands

principes sur lesquels la Protection de l’Enfance repose toujours aujourd’hui. Le préambule

de cette convention vient rappeler que les enfants nécessitent une attention de par leur

vulnérabilité et leur dépendance. Celui-ci vient également souligner que la responsabilité en

matière d’éducation, de soin et de protection de l’enfant relève des devoirs des parents au sens

large et que celle-ci doit être complétée par une protection sociale incombant à l’Etat.

En effet, le code civil vient rappeler ce que sont les droits et devoirs des parents et

notamment ce qu’est l’autorité parentale. Selon l’article 371-1 du code civil, l’autorité

parentale est « un ensemble de droits et devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle

appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le

protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre

son développement dans le respect de sa personne. Les parents associent l’enfant aux

décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité 3». Lorsque les parents

sont dans l’incapacité de répondre à ces fonctions de protection de l’enfant, la société prend le

relais au travers de la protection administrative et la protection judiciaire. Lorsque l’enfant a

perdu tout lien avec sa famille, il devient un pupille de l’Etat le temps de sa minorité, c’est-à-

dire un enfant confié à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) dont le préfet du Département est

reconnu comme tuteur légal en collaboration avec le Conseil de famille des pupilles de l’Etat.

3 Code Civil, Article 371-1

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Les objectifs de la Protection de l’Enfance, selon l’article L.112-3 du code de l’Action

Sociale et de la Famille, sont de « prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être

confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives », et d’ « accompagner les

familles et d’assurer – le cas échéant – selon des modalités adaptées à leurs besoins, une

prise en charge partielle ou totale des mineurs 4». De ce fait, la Protection de l’Enfance

intervient à la fois auprès des mineurs mais également auprès de leurs parents lorsque cela est

envisageable. Néanmoins, elle peut également intervenir auprès de jeunes majeurs de moins

de 21 ans confrontés à des difficultés. En fait, la Protection de l’Enfance a pour mission

principale de travailler en amont des difficultés auxquelles pourraient être confrontés les

jeunes dont la protection de leur famille fait défaut temporairement ou définitivement et

d’assurer alors leur prise en charge. Enfin, l’un des principes fondamentaux sur lequel repose

la Protection de l’Enfance est que l’intérêt de l’enfant doit être au cœur de la prise de décision

le concernant. A cela s’ajoute, depuis 1970, la volonté de travailler avec les parents dans

l’intérêt de l’enfant lorsque cela est possible. Pour cela, on redéfini la place de la famille dans

le but de prévenir les dangers pour éviter des mesures lourdes de conséquences par la suite, et

pouvoir maintenir l’enfant dans son milieu familial. Ainsi on est passé d’un service contre les

parents à une aide qui englobe l’enfant et son milieu familial.

Dès 1959, on distingue deux branches de la Protection de l’Enfance : une protection

judiciaire et une protection administrative. Une protection judiciaire est une aide contrainte

car le juge n’a pas besoin de l’approbation des familles pour mettre en place une mesure pour

l’enfant. Le Juge pour enfants peut intervenir dans deux domaines : l’assistance éducative et

l’action pénale. Il peut prendre des décisions différentes en fonction de la situation de

l’enfant. Celles-ci sont énumérées dans le tableau récapitulatif ci-dessous.

Quant à la protection administrative elle se fait avec l’accord de la famille. Les décisions

prisent découlent d’un accord entre les différents professionnels et peuvent prendre deux

formes : la mise en place d'un accompagnement familial renforcé, exercé par les services et

les partenaires locaux (Protection Maternelle et Infantile (PMI), Service Social Polyvalent

(SSP) de secteur, Aide Sociale à l’Enfance (ASE), etc.) ; la proposition à la famille d’une

action éducative préventive (AEP) ou d’une mesure adaptée à sa situation dans le cadre de la

« protection administrative » de l’enfant (action éducative d’aide à domicile – AEAD – ou

accueil temporaire d’un ou de plusieurs enfants).

4 Code de l’Action Sociale et de la Famille, Article L.112-3

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Tableau récapitulatif des différentes mesures en Protection de l’Enfance

Type de mesure Mesure Administrative

Décision du Responsable

ASE à la demande ou avec

l’accord du représentant de

l’enfant

Mesure Judiciaire

Décision du Juge des

enfants ou du Procureur

prise sans l’accord des

parents

Aide à Domicile ou en Milieu

Ouvert

Aide financière,

Intervention d’une

Technicienne

d’Intervention

Sociale et Familiale

(TISF),

Accompagnement en

Economie Sociale et

Familiale (ESF),

Mesure d’Aide

Educative à

Domicile,

Accueil de jour,

Action Educative en

Milieu Ouvert,

Mesure Judiciaire

d’Aide à la Gestion

du Budget Familial

(AGBF).

Accueil de l'enfant

Accueil Provisoire,

Pupille de l’Etat,

Accueil jeune-majeur,

Accueil mère-enfant,

Accueil 5 jours,

Accueil 72 heures

Enfant confié à :

Un autre membre de

la famille,

Un tiers digne de

confiance,

L’Aide Sociale à

l’Enfance,

Un établissement ou

service habilité.

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La Protection de l’Enfance s’exerce au travers de trois services présents dans chaque

département : le Service Social Polyvalent (SSP), le Service de Protection Maternelle et

Infantile (PMI) ainsi que le Service d’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Ces services travaillent

en partenariat avec les différents acteurs travaillant autour de l’enfance tels que l’Education

Nationale, les médecins libéraux, etc.

Nous allons nous intéresser, ici, plus précisément au service de l’Aide Sociale à l’Enfance

(ASE), à son fonctionnement et ses missions puisque c’est l’ASE qui intervient auprès des

jeunes concernés par l’enquête que nous avons mené.

1.1.2. Présentation des dispositifs de l’ASE

La notion d’Aide Sociale à l’Enfance apparaît avec le décret du 29 Novembre 1953. Elle

vient remplacer l’Assistance et prône une meilleure prise en charge d’un public très divers.

Apparaît également la notion d’enfance en danger. C'est-à-dire, selon la définition de

l’Observatoire Départemental de l’Action Sociale (ODAS), l’ensemble des « enfants en

risque et des enfants maltraités 5» pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance ou par la

Justice. Par enfant à risque, on entend les enfants connaissant des situations à risque qui

pourraient nuire à leur bon développement ou leur éducation. D’après l’article 375 du Code

Civil, un enfant est considéré à risque lorsqu’il fait face à un « risque de danger pesant sur ses

besoins fondamentaux, tels que sa santé, sa sécurité, sa moralité, ses conditions d’éducation

et de développement 6». Quant au terme d’enfant maltraité, il englobe l’ensemble des enfants

subissant des violences physiques, des abus sexuels, des violences mentales ou encore de

négligences lourdes pouvant impacter leur développement physique et psychologique. C’est

auprès de ce public que l’ASE va intervenir mais également auprès des familles, en amont, en

prévention de ces maltraitances ou ces risques.

5 Observatoire Départemental de l’Action Sociale, Lettre trimestrielle « 98 000 signalements d’enfants en danger en 2006 », Novembre 2007. 6 Code civil, Article 375.

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Ainsi, le service ASE se caractérise par plusieurs missions visant à apporter le meilleur

soutien aux personnes qu’il protège. Selon l’article 221-1 de la loi 2007-293, l’ASE a pour

missions principales d’ « apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux

mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des

difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de

compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel

et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des

difficultés familiales sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur

équilibre 7». L’ASE suit donc deux lignes conductrices qui sont d’apporter un soutien éducatif

et/ou financier aux familles au sein de leur domicile mais également d’accueillir et prendre en

charge les enfants qui font l’objet d’un placement. Généralement, le signalement d’un enfant

dit « à risque » donne suite à la mise en place d’une mesure éducative tandis que le

signalement d’un enfant dit « en danger » donne plus systématiquement lieu à un placement

de l’enfant.

Pour répondre à ces missions, les principales activités de l’ASE sont de recueillir et traiter

les informations préoccupantes grâce aux cellules de recueil, de suivre et d’accompagner les

enfants confiés à cette institution au travers des mesures d’accompagnement à domicile ou des

mesures de placement mais, également, d’accompagner et suivre les familles d’accueils chez

qui des enfants font l’objet d’un placement familial.

En effet, l’ASE intervient sur deux axes qui sont les actions à domicile et les mesures de

placement. Dans le cadre des prestations à domicile, l’objectif est d’apporter un soutien

éducatif et/ou financier aux familles rencontrant des difficultés. Afin de prévenir en amont les

difficultés que les familles pourraient rencontrer, l’ASE dispose de quatre prestations

permettant d’apporter un soutien éducatif à domicile. L’action Educative à Domicile (AED)

émane d’une sollicitation des parents ou de la décision d’un professionnel avec l’accord de

ces derniers. Un travailleur social dépendant du Conseil Général intervient donc

régulièrement au domicile familial afin d’apporter un soutien et des conseils dans la fonction

éducative des parents et de veiller à l’entretien du lien enfant/parents. L’Action Educative en

Milieu Ouvert (AEMO) fonctionne de la même manière à la différence que celle-ci découle

d’une décision d’un juge et est donc imposée aux familles. Le service ASE peut également

proposer l’intervention d’une Technicienne de l’Intervention Sociale et Familiale (TISF). Son

7 Loi 2007-293, Article 221-1.

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intervention peut prendre les quatre dimensions suivantes : la prévention, l’éducation,

l’accompagnement, le soutien. Elle a donc un champ d’action très large et se charge

d’accompagner, de soutenir les familles dans les tâches de la vie quotidienne. Enfin, l’ASE

propose également un soutien financier prenant la forme d’une aide financière mensuelle ou

exceptionnelle. Cette dernière a pour objectif d’éviter que les difficultés financières

rencontrées ne viennent dégrader les conditions de vie de la famille et notamment de l’enfant.

Quant aux décisions de placement d’enfants confiés à l’ASE, celles-ci doivent être la solution

envisagée lorsque la situation familiale ne permet pas le maintien au domicile accompagné

d’une aide à domicile. En effet, les dernières lois en Protection de l’Enfance veulent que

l’enfant soit maintenu dans son milieu familial chaque fois que possible. Lorsqu’un enfant est

accueilli à l’ASE, la place des parents est définie en fonction du type d’accueil. L’accueil

d’un enfant à l’ASE peut découler d’une décision de justice prise par le juge ou encore d’une

décision administrative prise par un travailleur social du Conseil Général. Lorsque la décision

de placement émane du juge des enfants, il s’agit d’un placement judiciaire. Toutes les

décisions concernant l’enfant – de la régularité des visites au retour définitif au domicile

familial – dépendent du juge. L’accueil administratif, quant à lui, concerne les décisions de

placement prises avec l’accord des parents. L’avis de ces derniers est alors pris en compte

dans la prise de décisions pour l’enfant. Dans le cadre d’un accueil administratif, on parle

d’un Accueil Provisoire (AP). Les placements d’enfants s’effectuent alors dans des familles

d’accueil employées par le Conseil Général ou en établissements publics ou associatifs

habilités et financés par l’ASE. Selon Laurence Ossipow (2014), le placement doit être conçu

et perçu comme visant à « protéger les jeunes vis-à-vis de leur famille ou leurs proches ou

encore du milieu dans lequel ils évoluent ».8 De ce fait, le placement doit, pour elle, n’être

envisagé que lorsque la situation nécessitant protection est trop délicate et ne peut aboutir à la

mise en place d’une mesure de protection à domicile. En effet, le placement vient déconstruire

le lien parent/enfant puisque l’institution vient s’immiscer entre eux et en cela, il faut, selon

elle, pouvoir envisager d’autres solutions dans les situations le permettant. Les volontés de

l’Etat avec les lois de 2007 et 2016 prennent la même direction. C’est ce que nous tenterons

de montrer dans la partie suivante.

8 Ossipow, L. et al. (2014), Les Miroirs de l’Adolescence. Anthropologie du placement juvénile, Lausanne, Editions Antipodes, 368 p.

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1.2. Les lois cadres de la Protection de l’Enfance

Deux grandes délibérations cadrent le domaine de la Protection de l’Enfance au niveau

National. Celles-ci fixent les grandes lignes que doivent suivent les départements pour mener

cette mission. La première, celle de 2007 est venue poser une définition de ce que doit être la

Protection de l’Enfance et donner un cadre à la façon dont doivent intervenir les

professionnels auprès du public qu’elle encadre. La seconde, celle de 2016, fait suite à la

médiatisation de l’affaire Marina Sabatier 9(2009) et la remise en question du fonctionnement

de la protection sociale.

1.2.1. Loi du 05 Mars 2007

La loi du 5 Mars 2007 est née suite à un manque de signalement et de repérage dans des

situations où l’enfant se trouvait en danger ou maltraité. Etant donné une absence de

transmission des données concernant les enfants pris en charge et leur famille entre les

départements et l’Etat, la loi les oblige à transmettre au niveau national toutes les données

concernant les enfants. La loi vient réformer le milieu de la Protection de l’Enfance et a trois

objectifs : renforcer la prévention, améliorer le dispositif d’alerte et de signalement,

diversifier les modes d’intervention auprès des enfants et leurs familles. Il s’agit de faire des

familles, des alliés de l’ASE en faisant de l’intervention une aide et non une punition pour ces

dernières. L’ambition principale est de placer l’intérêt de l’enfant au cœur de la mesure. Ainsi,

l’article L. 112-4 du CASF affirme que : « L’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses

besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses

droits doivent guider toutes décisions le concernant10

». Elle a aussi pour ambition de

renouveler les relations avec les familles. L’un des grands changements que va apporter cette

loi, c’est l’importance de la prévention comme dispositif de Protection de l’Enfance. Cette

prévention englobe tous les âges de l’enfance et se décline en trois axes. Le premier axe

concerne la prévention périnatale. Le second est centré sur la prévention des difficultés

éducatives parents. Enfin, le dernier axe préventif est à destination des enfants et adolescents.

9 L’affaire Marina Sabatier est une affaire judiciaire française liée au décès de l’enfant de 8 ans en 2009 suite à des sévices infligés par ses parents. Cette affaire est venue interrogée l’efficacité des services de Protection de l’Enfance en termes de prévention des maltraitances. 10 Code de l’Action Sociale et des Familles, Article L.112-4.

18

Cette fonction préventive peut se décliner sous deux formes. L’une est universelle et s’adresse

à toute la population ; l’autre est secondaire et s’adresse aux familles chez qui on a décelé des

facteurs de vulnérabilités. Ces préventions peuvent prendre la forme d’un d’entretien au 4ème

mois de grossesse pour les futures mères ou bien encore des dépistages de troubles physiques,

psychologiques à l’école pour les enfants mais aussi de dialogue avec les adolescents au sein

des collèges et lycées.

Cette loi du 5 Mars 2007 est incontournable puisqu’elle est venue réformer la Protection

de l’Enfance dans son fonctionnement. En effet, elle est venue faire de la prévention son

cheval de bataille principal. La volonté est de traiter les difficultés en amont des maltraitances

et non plus d’intervenir pour les maltraitances avérées. Cette loi vient également redéfinir le

rôle des Conseils Généraux en tant que pilote dans cette mission qu’est la Protection de

l’Enfance. Celle-ci va également permettre la création d’un Observatoire Départemental de la

Protection de l’Enfance censé permettre la récolte de données concernant le public accueilli,

le type de mesure, etc. afin de pouvoir améliorer et/ou renforcer ce dispositif. Cette loi

apporte également un renouveau au dispositif d’alerte et de signalement des maltraitances.

Enfin, cette loi a vocation à inciter les départements à diversifier les modes d’intervention

auprès des enfants et des familles afin que la solution placement ne soit plus la seule solution

envisagée. Par ailleurs, la loi est aussi venue rappeler les principes sur lesquels les

interventions en Protection de l’Enfance doivent reposer. D’abord, elle instaure la mise en

place d’une prise en charge individualisée pour chaque enfant avec l’élaboration d’un Projet

Pour l’Enfant (PPE). Ce projet vise à atteindre l’épanouissement de l’enfant et, sur le plus

long terme, son insertion dans la société. Ce dernier est mis systématiquement en place dès

que l’enfant bénéficie d’une aide sociale au titre de la Protection de l’Enfance. Le second

objectif est de veiller à la continuité et la bonne cohérence des actions à destination de

l’enfant et de sa famille. Il permet d’améliorer la coordination entre les différents intervenants

administratifs et judiciaires, dans le but d’assurer une cohésion tout au long du parcours de

l’enfant suivi. Enfin, la loi réaffirme un principe qui fait écho à la loi 2002-2, celui de veiller à

la primauté de l’enfant, du respect de ses droits et la prise en compte de ses besoins. Par

conséquent, un ensemble de professionnels travaille en collaboration et ce, dans l’intérêt de

l’enfant.

19

1.2.2. Loi du 14 Mars 2016

La loi de Mars 2016 est venue compléter celle de 2007 et notamment redéfinir plus

précisément ce qu’est la Protection de l’Enfance. Elle est maintenant définie ainsi: « la

protection sociale vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à

soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa

sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits11». Cette réforme s’inscrit

dans une double perspective de changement puisqu’elle vient d’une part renforcer la

responsabilité de l’Etat dans la protection des jeunes les plus vulnérables ; mais aussi, parce

qu’elle vient faire de l’enfant l’usager central autour duquel les interventions doivent être

centrées. Les grandes orientations ont été retravaillées et se déclinent dorénavant comme suit.

Il s’agit de développer la prévention à tous les âges de l’enfance et de viser l’amélioration du

repérage et le suivi des situations de danger, en amont. De plus, l’Etat réaffirme sa volonté de

garantir plus de cohérence et de stabilité dans les parcours des enfants. Pour cela, la loi

impose la mise en place d’un médecin référent en Protection de l’Enfance dans chaque service

départemental. Elle attribue la mission de formation des professionnels de la Protection de

l’Enfance aux Observatoires Départementaux de la Protection de l’Enfance (ODPE) et incite

les départements à utiliser d’avantage le Projet Pour l’Enfant (PPE) en le présentant comme

un véritable instrument au service de l’intérêt de l’enfant. Enfin, celle-ci confie à l’ASE la

tâche de veiller à la stabilité du parcours de l’enfant. Pour permettre de répondre aux

exigences de la loi, le département chargé de la Protection de l’Enfance fait de l’Aide Sociale

à l’Enfance (ASE) son premier allié. La délibération accorde plus d’importance aux jeunes en

fin de parcours ASE et incite les professionnels à accompagner les jeunes ayant vécu un

placement vers une sortie autonome de l’ASE dès l’âge de la majorité atteint. Pour cela, il est

envisagé de déposer sur un compte à la Caisse des Dépôts l’allocation de Rentrée Scolaire qui

leur était due durant leur placement afin qu’ils puissent sortir à 18 ans avec une ressource

financière qui pourrait « faciliter » leur insertion dans la vie adulte.

11 Loi n°2016-297 du 14 Mars 2016 relative à la Protection de l’enfant, Article L.112-3.

20

1.3. La délégation du rôle de Protecteur des enfants aux Départements

Après avoir évoqué le rôle de Chef de file confié aux Départements en matière d’action

sociale et les conséquences en Protection de l’Enfance, nous aborderons plus précisément la

situation du Département du Nord et les directions prises par celui-ci en matière de Protection

de l’Enfance.

1.3.1. La Décentralisation en Protection de l’Enfance : entre proximité et

inégalités territoriales

Les lois Deferre de 1982 et de 1983 – premier acte de la décentralisation – confient aux

départements la responsabilité de l’aide sociale. La loi de 2004 – l’acte deux – viendra

désigner le département comme chef de file de l’action sociale. C’est à ce moment que le

Département se voit confier la mission de Protection de l’Enfance. En effet, cette compétence

est reléguée aux présidents des Conseils Généraux – en collaboration avec l’autorité judiciaire

– qui disposent, pour cela, de trois services sur leur territoire : le Service Social Polyvalent

(SSP), la Protection Maternelle et Infantile (PMI) et l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Les

grandes lois viennent régir les grandes lignes des missions auxquelles doit répondre la

Protection de l’Enfance mais laissent libre cours aux Départements pour mettre en place

celles-ci. Il leur est ainsi demander de construire leur schéma départemental pour la conduite

de la Protection de l’Enfance mais aussi leur propre référentiel. D’après Jean-Pierre

Rosenczveig (2005), cette décentralisation entraîne la mise en place de « politiques

différenciées parce que contextualisées, progressivement territorialisées, pilotées au moyen

notamment de schémas départementaux »12. A travers cette décentralisation, l’Etat a la

volonté d’offrir une protection de proximité au public pris en charge par la Protection de

l’Enfance mais également de mieux garantir les droits des bénéficiaires, sur l’ensemble du

territoire national. Pour cela, l’Etat compte sur une collaboration tripartite entre l’autorité

judiciaire, le Conseil Départemental et les associations intervenant dans ce domaine pour

mener à bien la mission de protection de l’enfance en danger. Selon Eugénie Terrier et Juliette

Halifax (2017), l’approche territoriale de cette mission doit être vue comme « un vecteur

privilégié à la fois de l’action de proximité, de l’action globale décloisonnée, de la 12 Rosenczveig, J-P. Jésu, F. (2005), « Les compétences publiques en matière de protection de l'enfance », Journal du droit des jeunes, vol. 241, no. 1, pp. 6-10.

21

concertation et de l’interaction entre des acteurs de domaines et de niveaux d’intervention

multiples 13

». Elles ajoutent que celle-ci doit être « conçue comme devant apporter des

solutions adaptées à des situations spécifiques dégagées dans le cadre des diagnostics

territoriaux14

». En fait, en déléguant cette responsabilité aux Départements, l’Etat cherche à

avoir une meilleure connaissance des publics concernés par une intervention en protection de

l’enfance mais aussi, à offrir aux bénéficiaires un accompagnement adapté en fonction des

problématiques territoriales repérées dans chaque département.

Cependant, la décentralisation a eu comme conséquence une inégalité de suivi des enfants

et leur famille selon le territoire et des disparités de budget alloué à la protection de l’enfance.

Effectivement, le contenu et la durée de l’accompagnement varient selon les départements et

les moyens dont ils disposent pour mener à bien cette mission. Chaque Département est libre

de mettre en place sa politique sociale en fonction des problématiques territoriales repérées

tout en tenant compte des grandes lois de 2007 et plus récemment, 2016. Or, pour donner

quelques exemples, l’Observatoire National de la Protection de l’Enfance (ONPE) montre que

les lois tardent parfois à s’appliquer dans certains départements. En effet, la loi de 2007

imposait – comme nous l’avons vu précédemment – la mise en place d’un Observatoire

Départemental de la Protection de l’Enfance (ODPE) dans chaque département. L’enquête de

l’ONPE fait le constat qu’en Juillet 2016, 32 départements n’ont toujours pas créé leur ODPE

et que sur les 69 créés, seuls 28 départements sont en capacité de transmettre des données. Les

données chiffrées de l’ONPE en 2013 montrait que la proportion de mineurs protégés varie

fortement d’un département à l’autre. Cela s’explique par les spécificités socio-économique

diverses selon les territoires mais également par les différentes politiques sociales qui y sont

mises en place. Ainsi, en 2013, on avait des taux d’enfants protégés allant de 10.5%o dans

certains départements à 38.4%o dans d’autres départements. Néanmoins, on observe

également des inégalités, des variations au sein même d’un département. L’enquête d’Eugénie

Terrier et Juliette Halifax (2017) montre, en effet, que le taux d’enfants protégés est plus

important dans les zones urbaines que sur les territoires périurbains, mixtes ou ruraux.

L’enquête révèle aussi que parmi les mesures mises en place, les mesures de placements sont

plus importantes dans les territoires urbains que sur les autres types de territoire. Ainsi, pour

13 Terrier, E. Halifax, J. (2017) « Approche territoriale de la protection de l’enfance. Quelles spécificités des espaces urbains, ruraux et périurbains ? », Le sociographe, vol. hors série 10, no. 5, pp. 61-82. 14 Terrier, E. Halifax, J. (2017) « Approche territoriale de la protection de l’enfance. Quelles spécificités des espaces urbains, ruraux et périurbains ? », Le sociographe, vol. hors série 10, no. 5, pp. 61-82.

22

les territoires concernés par l’enquête (l’Ille-et-Vilaine et la Somme), 61% des mesures sont

des placements dans les villes contre 48% en milieu périurbain et 43% en milieu rural. De

plus, la part des mesures judiciaires est plus conséquente en milieu rural qu’en milieu urbain.

Elles représentent 81% des mesures contre 67% en milieu urbain. Cela peut s’expliquer –

comme au niveau national – par les inégalités sociales perceptibles sur les territoires mais

également par des modalités d’intervention sociale variant en fonction des territoires. En effet,

le nombre de travailleurs sociaux, le nombre de places dans les structures d’accueil mais aussi

les politiques départementales impactent les modes d’intervention auprès du public protégé.

Par ailleurs, on assiste depuis quelques années à une réduction des budgets alloués aux

Conseils Généraux pour les prestations d’aides sociales (Y. Rocaboy, 2013)15. En effet, les

départements ont moins de moyens financiers pour mener à bien les missions qui leur étaient

confiées. Par conséquent, il peut y avoir de fortes disparités entre les départements en matière

de dépenses d’aides sociales. Ainsi, comme l’explique Y. Rocaboy (2013), plus le nombre de

bénéficiaires d’une prestation augmente, plus les dépenses par bénéficiaire pour cette

prestation vont diminuer. Par exemple, « une augmentation de 10% du nombre de

bénéficiaires de l’ASE entraîne une réduction de 6.5% de la dépense par enfant

bénéficiaire »16. Chaque département gère ses budgets comme il le souhaite et le peut. Les

Conseils Départementaux ont tendance à fonctionner par Budget Prévisionnel avec dotations

aux services. Cela signifie que le Département dispose d’une « enveloppe annuelle » pour ce

service à laquelle il doit essayer de se tenir. En matière de protection des jeunes majeurs, les

dernières lois en Protection de l’Enfance ont laissé une marge d’interprétation très large aux

Départements. De ce fait, on observe des disparités de prise en charge de ce public entre les

Départements. En effet, l’Etat ne finance plus prioritairement les mesures à destination des

jeunes majeurs. Il s’est recentré sur les mesures à destination des mineurs. Ainsi,

l’accompagnement des jeunes majeurs ne repose plus que sur les départements. Or les textes

stipulent que les Départements ne sont pas dans l’obligation de poursuivre l’accompagnement

des jeunes une fois la majorité atteinte. De ce fait, tous les départements ne proposent pas le

même niveau d’accompagnement pour ces jeunes majeurs. Nous verrons par la suite ce qui a

été décidé en matière d’accompagnement de ce public pour le Département du Nord.

15 Rocaboy, Y. (2013), «La crise des finances sociales locales et ses solutions », Informations sociales, Vol. 180, n°6, pp.94-101. 16 Rocaboy, Y. (2013), «La crise des finances sociales locales et ses solutions », Informations sociales, Vol. 180, n°6, pp.94-101.

23

La décentralisation a donc permis des interventions plus adaptées aux problématiques

socioéconomiques selon les territoires. Néanmoins, depuis quelques années, la réduction des

budgets destinés aux prestations d’aides sociales a contraint les départements à revoir les

modes d’interventions auprès des publics. Nous allons, ci-dessous, nous intéresser aux

décisions prises par le Département du Nord.

1.3.2. Le Département du Nord : Comment faire avec moins de moyens mais

beaucoup d’enfants ?

Ce Département se caractérise par sa jeunesse puisqu’il est l’un des départements les plus

jeunes de France. En effet, 24%17 de la population nordiste a moins de 18 ans contre 22% en

moyenne nationale. Cette population a tendance à cumuler les facteurs de vulnérabilités parmi

lesquels la composition des familles. En 2014, on comptait 15.6% de familles monoparentales

et près de 1900 grossesses recensées concernaient des mères de moins de 21 ans. L’état de

santé dégradé est un second facteur de vulnérabilité à souligner pour la population nordiste.

Enfin, les ressources des familles représentent également un facteur de vulnérabilité puisque

16.9% d’enfants vivaient dans des familles sans actifs occupés en 2013 contre 10.8% au

niveau national. Le temps de leur minorité, ces jeunes confiés à l’ASE sont protégés de ces

difficultés socioéconomiques mais le moment viendra où ils deviendront à leur tour des

adultes et où ils devront à leur tour peut-être faire face à ces vulnérabilités. L’ASE veille donc

à les préparer le mieux possible pour les préserver de ces difficultés et à une sortie autonome

des dispositifs de l’ASE.

Le département du Nord, en ce qui concerne la Protection de l’enfance, a choisi de limiter

le nombre de placements au profit du maintien au domicile et d’arrêter l’accueil des jeunes

majeurs dès 18 ans dans la majorité des cas. Il a donc rédigé une délibération en 2015 et votée

en 2016 allant dans ce sens. Cette décision fait suite aux constats chiffrés sur la prise en

charge des enfants protégés dans le département du Nord en 2013. Dans le Nord, le nombre

de mesures judiciaires sont plus nombreuses que les mesures administratives et les accueils

physiques sont la mesure la plus souvent mise en place. Enfin, il a également été constaté que

le Projet Pour l’Enfant (PPE) est peu développé dans le Département car il n’est pas perçu

comme un outil décisif pour la continuité et la cohérence du parcours de protection de 17 Département du Nord, « Orientations stratégiques sur la Prévention et la Protection de l’Enfance », Synthèse du rapport adopté le 17 Décembre 2015.

24

l’enfant. Le département a donc retravaillé les enjeux à suivre pour les années à venir. Il a la

volonté de renforcer les actions préventives auprès des familles, de développer les

interventions à domicile au détriment des accueils de longue durée à l’ASE mais aussi de

proposer aux mineurs confiés un projet de vie et une stabilité affective durant leur parcours.

La part de mineurs accueillis à l’ASE dans le département est importante (10 400 nordistes

accueillis sur 20 353 protégés) et signifie que les objectifs fixés par la loi de 2007 de favoriser

les mesures administratives et à domicile n’est pas encore atteint en 2015. Le département

fait, en effet, le constat que la solution du placement reste l’orientation la plus fréquemment

prise par les professionnels. De ce fait, les temps d’accueil à l’ASE sont particulièrement

longs et l’âge de la première prise en charge est relativement précoce. De plus, il s’avère que

seulement 20% des mesures de protection judiciaire sont dues à des maltraitances contre 80%

dues à des carences éducatives, affectives ou de soin. Le Nord a donc la volonté de revoir ce

point en privilégiant d’autres modes d’intervention.

Le nombre d’enfants nordistes faisant l’objet d’une mesure en protection de l’enfance ne

cesse de croître depuis 2007. Entre 2007 et 2013, le nombre de mineurs protégés a augmenté

de 6.2%. Cela peut s’expliquer par la situation sociale et économique fragile des familles

nordistes mais également parce que celles-ci peuvent cumuler les facteurs de vulnérabilité

suivants : niveau de diplôme, grossesses précoces, modification de la cellule familiale, niveau

de ressources. L’engagement financier pour mener à bien la mission de Protection de

l’Enfance représentait, pour l’année 2014, 460.4 millions d’euros dont 428 millions consacrés

à l’ASE, 7.7 millions pour la Protection Maternelle Infantile et 28.5 millions pour la jeunesse.

La somme dédiée à l’accueil physique des mineurs accueillis à l’ASE représente la somme de

364 millions d’euros. Le Département a donc adopté une nouvelle délibération votée en

Décembre 2015. Cette dernière reprend les grandes orientations suivies par le Département en

matière de Protection de l’Enfance qui se déclinent ainsi : accompagner les familles aux

moments clés de l’enfance ; maintenir les liens de l’enfant avec son environnement sociale et

familial en graduant et en adaptant les modes d’interventions ; construire un projet partagé

pour chaque enfant et avec chaque jeunes adulte accompagné par l’ASE ; piloter et évaluer la

politique au travers d’une gouvernance renouvelée.

En ce qui concerne l’accompagnement des jeunes vers l’autonomie, le Département a la

volonté de préparer les jeunes à l’autonomie dès l’âge de 16 ans pour pourvoir sortir du

dispositif à 18 ans avec les bagages nécessaires. De plus, le Département fait le choix de

25

diminuer le nombre de placements au profit du soutien renforcé à domicile. De ce fait, les

associations chargées de la Protection de l’Enfance ont vue leurs dotations baisser ces

dernières années. Ce choix a donc des conséquences sur la prise en charge comme la

suppression de places disponibles, la réorganisation de l’accompagnement, des pratiques

professionnelles, etc.

Suite à cette première délibération, une seconde a été votée en Juin 2016. Celle-ci

concerne les nouvelles modalités d’accompagnement des jeunes majeurs de l’ASE. Elle

s’inscrit dans la continuité de la délibération cadre de Décembre 2015 se fixant pour objectif

la construction d’un parcours d’autonomie pour chaque jeune confié à l’ASE pendant sa

minorité. Cette délibération est intitulée Entrée dans la Vie Adulte (EVA). La volonté de

mettre en place EVA fait suite à un diagnostic territorial sur les jeunes majeurs à la sortie de

l’ASE. Les constats en étaient quelques peu alarmants : les cas de grossesse à 18 ans étaient

nombreux. De plus, la plupart des jeunes rencontraient des difficultés pour gérer un budget,

réaliser les démarches administratives et avaient également une faible connaissance de leurs

droits. L’objectif à travers ce dispositif est donc de permettre une meilleure anticipation de la

sortie avec des actes concrets avant la majorité (dès 16 ans). Dans ce cadre, le jeune est reçu à

l’âge de 17 ans par le Responsable Territorial de l’Aide Sociale à l’Enfance (RTASE) afin

d’évoquer le projet d’autonomie du jeune et de l’informer des modalités d’accompagnement

qu’il pourra mobiliser une fois la majorité atteinte mais aussi de ses droits et ses devoirs.

Afin d’évaluer le degré d’autonomie du jeune, les professionnels travaillant avec lui

disposeront d’une grille d’évaluation intitulée EVA GOA. Cette grille est inspirée d’un

instrument québécois nommé l’ACLSA (Ansell-Casey Life Skills Assessments). Il s’agit d’un

outil évaluant les aptitudes à la vie quotidienne chez des adolescents autonomes à partir de la

perception du jeune lui-même et de l’intervenant social. Celui-ci vise à évaluer l’autonomie

fonctionnelle des jeunes vivant en « milieu de substitution » afin de repérer les besoins du

jeune pour le conduire vers l’autonomie. L’objectif est d’éviter la marginalisation en

préparant le mieux possible le jeune à la vie adulte. Cette évaluation permet ensuite de repérer

les besoins du jeune dans son parcours en devenir adulte et de lui apporter le meilleur

accompagnement envisageable. Lorsqu’il atteint la majorité, le jeune n’est plus suivi par un

référent de l’ASE mais par un référent de parcours qui peut-être n’importe quel professionnel

de l’Unité Territoriale de Prévention et d’Action Sociale (UTPAS). L’objectif de ce

changement de référent est de pouvoir travailler en transversalité avec l’ensemble des services

26

de l’UTPAS. A travers cette délibération, le département a également la volonté d’impliquer

d’avantage les dispositifs de droit commun dans l’accompagnement de ces jeunes majeurs

vers le devenir adulte. Pour cela, il est demandé aux professionnels de faire prendre

connaissance aux jeunes de ces divers dispositifs mais aussi de les apprendre à les mobiliser

(Garantie Jeunes, Fonds Solidarité Logement (FSL), etc.). Néanmoins, certains jeunes

relevant de la Protection de l’Enfance pourront tout de même bénéficier d’un

accompagnement de la part de l’ASE à leur majorité. Ceux-ci devront répondre à des critères

précis pour pouvoir en bénéficier. Le jeune devra détenir un projet d’insertion réaliste et

s’engager à le tenir. La délibération avait également ajouté comme condition d’avoir eu un

suivi à l’ASE trois ans avant sa majorité. Ce dernier critère vient d’être supprimé. Ce contrat

devra être signé par le jeune à ses 18 ans mais aussi par le RTASE. Le respect du projet

d’insertion sociale et professionnelle sur lequel s’est engagé le jeune conditionne le

renouvellement du contrat. Trois volets d’intervention sont établis en fonction des besoins des

jeunes. Le premier volet intitulé « accompagnement exclusivement éducatif » concerne les

jeunes qui disposent de ressources et d’un logement autonome mais qui éprouvent le besoin

d’être accompagnés dans les démarches administratives, la gestion d’un budget, etc. Le

deuxième volet « Aide à Domicile » recouvre à la fois le premier volet de l’accompagnement

mais elle délivre également une ressource financière à ces jeunes bénéficiaires, c’est-à-dire

ceux ayant accédés au logement autonome et en parcours d’insertion. Le montant maximal de

l’aide octroyée est de 565 euros/mois et sera modulable en fonction des ressources du jeune.

Enfin, le troisième volet « Accueil provisoire jeune majeur » s’adressera aux jeunes majeurs

très éloignés de l’autonomie et en situation de vulnérabilité. Il s’agit de prolonger de 18 ans à

19 ans l’accueil provisoire de ces jeunes en MECS (Maison d’Enfance à Caractère Sociale) ou

en famille d’accueil. A travers cette délibération, le Département à la volonté d’apprendre aux

jeunes à devenir autonome le plus jeune possible afin qu’ils puissent par la suite être pris en

charge par les dispositifs de droit commun et plus à la charge de l’Aide Sociale à l’Enfance.

Dans le schéma départemental 2018-2022, le conseil départemental apporte des éclairages sur

ce qu’il entend par la notion d’autonomie. Il présente l’autonomie comme « la faculté de se

déterminer par soi-même, de choisir, d’agir librement ». On perçoit également dans ce

schéma, la volonté de faire agir ensemble les acteurs des différents champs de l’intervention

sociale afin d’offrir toutes les chances de réussite dans la vie aux personnes même les plus

fragiles.

27

Cette délibération est venue bousculer les pratiques professionnelles en vigueur

jusqu’alors et a déclenché des réactions hostiles chez certains professionnels de la protection

de l’enfance et associations intervenant dans ce domaine.

28

1.4. Se construire en tant qu’adulte au sein des dispositifs de l’ASE

Il s’agit, ici, de présenter les lectures sociologiques sur ce sujet. Nous aborderons, pour

cela, dans une première partie, le concept d’autonomie à l’aune du passage vers l’âge adulte

avant de faire l’état des lieux des travaux menés sur la question de la préparation des jeunes à

la sortie autonome des dispositifs de l’ASE.

1.4.1. Rites de passage vers l’âge adulte et parcours vers l’autonomie

Le concept d’autonomie est né du courant philosophique et de la pensée de grands

auteurs comme Kant puis, a été introduit dans la sociologie depuis ses prémices grâce à

Durkheim, Marx et Weber entre autres. C’est une notion floue et non universelle car celle-ci

englobe différents facteurs d’interprétation. En effet, elle se définie par des facteurs financiers

(logement, emploi) mais également par des facteurs culturels et religieux. De nombreux

sociologues, parmi lesquels A. Prost ou encore C. Van de Velde, ont tendance à assimiler

l’accès à l’autonomie au passage de l’adolescence vers l’entrée dans la vie adulte. Jusque dans

les années 1960, on distinguait deux modèles d’entrée dans cette vie adulte en fonction de

l’origine sociale. C. Nicole-Drancourt et L. Roulleau-Berger18 assimilent les premiers pas

dans la vie adulte à la décohabitation familiale. Selon elles, dans les milieux populaires, la

décohabitation familiale prend acte suite à l’accès à un emploi, à une situation matrimoniale

et à un logement. Tandis que dans les milieux aisés, ce départ du logement familial ne découle

pas forcément de la situation professionnelle ou conjugale du jeune mais de son désir de

prendre son autonomie.

Depuis les années 1980, cette définition du passage à la vie adulte est à nuancer. En

effet, la « déstandardisation des parcours de vie 19» due à l’allongement des études, la

transformation des relations amoureuses et la crise de l’emploi est venue désynchroniser les

seuils de passage pour entrer dans la vie adulte. O. Galland (1997) explique qu’il faut franchir

différents stades pour entrer dans la vie adulte. Selon lui, on devient un adulte une fois avoir

acquis une situation professionnelle, quitté le foyer familial et fondé sa propre famille. Si,

18 Nicole-Drancourt, C. ; Roulleau-Berger, L. (2001), Les jeunes et le travail en France depuis 1950, Paris, puf, « Sociologies d'aujourd'hui ». 19 Bessin, M. (2009) « Parcours de vie et temporalités biographiques : quelques éléments de problématique », Informations sociales, vol. 156, no. 6, pp. 12-21.

29

auparavant, la définition du franchissement de ces seuils était faite de manière nette et

franche, elle est dorénavant plus floue, en raison de la déstructuration des seuils de passages

aux âges de la vie. Du fait de l’allongement de la transition entre le seuil de sortie des études

et le seuil d’entrée dans la vie active, on peut parler d’un « allongement de la jeunesse 20»

(Galland, 2000).

Aujourd’hui, la définition de l’autonomie assimilée à la décohabitation familiale n’est

plus d’actualité. En effet, ce prolongement de la jeunesse – avec les transformations sociales

et économiques de notre société – entraîne des situations nouvelles. Ainsi, il n’est pas rare,

aujourd’hui, de voir des jeunes insérés sur le marché du travail et vivant toujours au sein du

foyer familial ou encore des jeunes ayant décohabité mais étant toujours dépendants

financièrement de leurs parents. De plus, même si un seuil a été franchi, le jeune ne peut

jamais avoir la certitude que ce soit de manière définitive. Effectivement, il arrive que des

adultes reviennent au domicile familial après une séparation ou la perte d’un emploi. Ainsi, la

définition de l’autonomie évolue sans cesse avec les transformations sociétales.

Les notions d’indépendance et d’autonomie sont à lier. C. Van de Velde (2008)

associe l’autonomie au concept d’ « indépendance individuelle ». L’indépendance correspond

à l’accès à un logement, à un emploi, à des revenus financiers, c’est-à-dire à des ressources

permettant de subvenir seul à ses besoins. L’autonomie, quant à elle, englobe les facteurs

d’indépendance et, à cela s’ajoute l’aptitude à prendre des décisions seul pour soi et à se

projeter dans l’avenir. Selon le rapport « l’autonomie des jeunes au service de l’égalité 21»

rédigé par le Groupe de travail Terra Nova, l’autonomie se définie comme « la faculté d’agir

par soi-même, la capacité intellectuelle et financière à agir sur sa propre existence ». Patricia

Loncle complète cette première définition en précisant qu’il s’agit d’ « assumer

intellectuellement et financièrement leur propre existence tout en contribuant à la dynamique

de la société22

». Cela s’apparente au fait de devenir acteur de sa vie. Par ailleurs, on peut

décliner l’autonomie sous deux aspects : un aspect volontaire et un aspect matériel23 (H. Join-

Lambert Milova, 2006). L’autonomie de la volonté se caractérise par les aptitudes à être

20 Galland, O. (2000) Cellule de sociologie de l'OFCE. L'allongement de la jeunesse en Europe. In: Revue de

l'OFCE, n°72, pp. 187-191. 21 Allègre, G. ; et al. (2010), « L’autonomie des jeunes au service de l’égalité. », Terra Nova. 22 Loncle, P. (2012) « Introduction », Politiques de jeunesse : le grand malentendu. Champ social, p. 47. 23 Join-Lambert Milova, H. (2006), « Autonomie et participation d’adolescents placés en foyer (France, Allemagne, Russie) », Sociétés et jeunesses en difficulté.

30

acteur de sa propre vie ; tandis que l’autonomie matérielle se caractérise par le fait de pouvoir

subvenir à ses besoins.

Les politiques publiques influencent également la conception de cette notion.

Néanmoins, on constate que les aides et politiques sociales envers la jeunesse sont plutôt

faibles. La France attribue des prestations sociales jusqu’à 20 ans aux parents puis, après cet

âge, elle les verse au jeune lui-même. Cela signifie que pour l’Etat français, l’âge des 20 ans

marque un seuil de passage vers « l’indépendance individuelle 24». Cependant, entre 21 ans et

25 ans, la majorité des aides sont sous condition des ressources des parents ou de

maternité/paternité. Elles sont donc difficilement accessibles pour les jeunes sans repères

familiaux.

Le passage de l’adolescence à l’entrée dans la vie adulte est un phénomène étudié par

plusieurs sociologues notamment en sociologie des âges. L’accès à l’autonomie s’acquiert, en

France, par une « décohabitation 25» du jeune de son foyer familial et d’une indépendance

financière rendue possible par l’accès à l’emploi. On a tendance à associer le début du

processus d’autonomie avec l’âge de la majorité, 18 ans. L’aboutissement du processus

d’autonomie s’achève par l’accès à une indépendance financière et résidentielle. Ces

conceptions de l’autonomie se centrent principalement sur l’accès à une autonomie dite

« matérielle » et s’intéressent peu à l’acquisition d’une autonomie dite « volontaire » (Join-

Lambert Milova, 2006). Le passage à l’âge adulte ne passe pas par une coupure nette entre le

temps adolescent et le temps adulte. Il s’agit d’une succession de passages allant de la vie

avec les parents à l’acquisition de son logement personnel, de la fin des années d’études à

l’entrée dans le monde du travail et aussi du passage du statut d’enfant de à la construction de

sa propre famille et l’acquisition du statut de parent.

Dans cette phase de transition entre la jeunesse et la vie adulte qui est de plus en plus

longue, la famille apparait comme un soutien primordial. Ce soutien peut passer par une aide

financière ou encore par un appui au quotidien. Par le désengagement de l’Etat dans le

processus d’autonomisation des jeunes, la famille n’a d’autre recours que de subvenir aux

besoins de son enfant jusqu’à l’acquisition de son statut d’adulte. D’autant plus qu’en France,

la jeunesse est, selon C. Van de Velde (2008), représentée comme une phase décisive puisque 24 Van de Velde, C. (2008) « L'autonomie des jeunes adultes, une affaire d'état ? Des politiques publiques aux cultures familiales en Europe », Informations sociales, vol. 145, no. 1, p. 112. 25 Van de Velde, C. (2008) « L'autonomie des jeunes adultes, une affaire d'état ? Des politiques publiques aux cultures familiales en Europe », Informations sociales, vol. 145, no. 1, p. 114.

31

les orientations prises par le jeune en termes d’études et de diplômes vont façonner le futur

statut social de l’individu et son appartenance à une classe sociale.

1.4.2. Le devenir adulte des jeunes majeurs sortis de l’ASE

Pour les jeunes ne vivant plus au sein du foyer familial à la suite d’une décision

administrative ou judiciaire, c’est au Département de subvenir à leurs besoins. Cette

protection du Département prend fin avec la majorité du jeune voire parfois à 21 ans or nous

venons de constater qu’avec les évolutions sociétales, l’accès à l’autonomie est de plus en

plus tardive. Ces jeunes pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) doivent donc

redoubler d’efforts avec moins de moyens (financier, réseaux sociaux) pour acquérir

l’autonomie et un statut d’adulte. Pour eux, l’entrée dans la vie adulte est redoutée car ces

jeunes manquent de repères de par les nombreuses ruptures connues suite au placement. Cela

entraine un manque de confiance en eux et une crainte de devenir autonome (Dullin, 2016).

De plus, à la différence des autres jeunes pour qui le passage entre le statut adolescent et le

statut adulte se fait de manière « douce » ; pour les jeunes de l’ASE, la fin de l’accueil

physique marque souvent un passage brutal entre ces deux statuts. En effet, de nombreux

jeunes à ce moment de la vie n’auraient, selon Isabelle Frechon26, que peu ou pas de liens

avec leurs parents. Ils n’auront alors d’autres choix que de devoir s’assumer seuls.

Dès l’entrée dans l’adolescence, ces jeunes protégés seront préparés à l’autonomie

afin d’acquérir toutes les compétences relatives à celle-ci le plus jeune possible. Il leur sera

demandé dès 16 ans d’avoir un projet de formation/professionnel à atteindre. En effet, Martin

Goyette27 (2006) avance l’idée que les notions d’autonomie et d’insertion vont de paire pour

permettre le passage à l’âge adulte pour ces jeunes protégés. Il s’agit de les rendre employable

afin qu’ils puissent obtenir leur indépendance financière et donc pouvoir subvenir seuls à

leurs besoins, ce qui les rendraient autonome. Par conséquent, l’accompagnement de ces

jeunes passe par une préparation à l’autonomie au travers de diverses tâches.

26 Frechon, I. Marquet, L. (2016) « Comment les jeunes placés à 17 ans préparent-ils leur avenir ? », Document de travail 227, Ined. 27 Goyette M. (2006), « Préparation à la vie autonome et insertion socioprofessionnelle des jeunes pris en charge par l’État : quelles interventions ? », Sociétés et jeunesses en difficulté.

32

H. Join-Lambert Milova qui a étudié les pratiques professionnelles de travailleurs

sociaux dans des foyers de Protection de l’Enfance de plusieurs pays (France, Russie,

Allemagne) présente quatre modes de préparation à l’autonomie. La première forme

correspond à l’acquisition de compétences ménagères avec l’apprentissage des tâches

domestiques dans l’objectif de pouvoir assurer seul l’entretien de son logement futur. La

deuxième forme fait référence à l’aptitude à respecter et assimiler les normes et les contraintes

en société afin de faciliter l’insertion future du jeune dans la société. Il s’agit pour la troisième

forme d’obtenir un niveau de diplôme permettant une employabilité dans l’objectif de garantir

une autonomie matérielle. Quant à la dernière forme, elle correspond à rendre le jeune

responsable de ses choix et des tâches qu’il a à effectuer afin de développer ses compétences à

se prendre en charge et à se responsabiliser. Cette responsabilisation du jeune passe par la

participation de celui-ci à la prise de décisions le concernant.

Selon la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et de la Statistique

(DREES), 161 700 enfants étaient accueillis à l’ASE sur l’ensemble du territoire français28.

Parmi eux, près de 29 000 étaient âgés de 17 à 20 ans. Pour le département du Nord, ce sont

10 406 enfants qui font l’objet d’un accueil physique à l’ASE dont 3 080 âgés entre 17 et 20

ans. L’ASE accueille des publics variés allant des enfants maltraités ou en risque aux Mineurs

Isolés Etrangers (MIE) (785 dans le Nord en 201329) en passant par les Pupilles de l’Etat. La

plupart ont connu des placements longs, le plus souvent en famille d’accueil avec parfois des

changements au long du parcours.

Il est difficile d’accéder à des données chiffrées sur les jeunes (16-21 ans) pris en charge

par l’ASE et d’autant plus sur leur devenir à la sortie des dispositifs. Cela peut s’expliquer

peut-être d’abord par le fait que les ODPE ne transmettent pas les informations. Pour autant,

certains chiffres sont alarmants et montrent que le devenir de ces jeunes mérite d’être étudié.

En effet, sur le territoire national, en 2012, un Sans Domicile sur quatre était un ancien enfant

placé.30 En ce qui concerne l’arrondissement de Lille, selon le Service Intégré d’Accueil et

d’Orientation (SIAO), 16% des demandeurs de place dans un Centre d’Hébergement

28 Amar, Elise. et al. (2016), « Les bénéficiaires de l’aide sociale départementale en 2014 », Séries Statistiques,

Document de travail n°200, DREES. 29 Département du Nord (2015), « Orientations stratégiques sur la Prévention et la Protection de l’Enfance », Synthèse du rapport adopté le 17 Décembre 2015. 30 Yaouancq, Françoise. et al. (2013) « L’hébergement des sans-domicile en 2012. Des modes d’hébergement différents selon les situations familiales », Insee.

33

d’Urgence (CHU) étaient des jeunes issus de l’ASE en 2016. Des chercheurs commencent à

étudier cette question dont notamment l’étude ELAP.

L’Etude Longitudinale sur l’Autonomisation des jeunes après un Placement (ELAP) est

une étude qui s’intéresse aux conditions de vie, la préparation et l’accès à l’autonomie des

jeunes accueillis à l’ASE. Elle interroge également leurs conditions de sortie du dispositif.

Cette étude va venir combler un manque de connaissances chiffrées sur les conditions de

sortie des jeunes de 17 à 20 ans placés en Protection de l’Enfance. Elle est menée par une

équipe de chercheurs et ingénieurs de l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) et

du laboratoire PRINTEMPS (78). Cette étude a débuté à la fin de l’année 2013. Elle repose

sur un partenariat avec sept départements : le Nord, le Pas-de-Calais, Paris, la Seine-et-Marne,

l’Essonne, les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis. L’objectif est de comprendre les

conditions de vie pendant et après le placement de ces jeunes. Pour cela, début 2014, 1622

jeunes âgés de 17 à 20 ans et pris en charge par l’ASE ont participé à l’enquête en répondant à

un questionnaire portant principalement sur leur vie actuelle et sur leurs projets. Cette cohorte

de jeunes a été de nouveau questionnée en 2015 sur les différents aspects de leur vie

quotidienne. Les premiers résultats de l’enquête commencent à être publiés et nous allons les

étudier ci-dessous. Ces résultats permettront de mettre en lumière, à la fois, les besoins et

difficultés auxquelles les jeunes peuvent être confrontés, mais aussi, les compétences acquises

durant leur parcours et mobilisables pour accéder à l’autonomie.

De nombreux jeunes répondants sont issus d’une famille nombreuse puisque 69%

déclarent être issus d’une fratrie de trois à sept enfants. Les motifs de leur prise en charge à

l’ASE sont pour la plupart la perte des parents, les violences, abandons et/ou les difficultés

économiques. De ce fait, pour Pascale Breugnot, cela explique que de nombreux jeunes

évoquent « ne pas avoir de personnes relais dans leur entourage en cas de coup dur 31». Ce

sont des jeunes qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes ». L’enquête permet également de

montrer que l’on a une prédominance des garçons pris en charge dans ces départements. La

part des garçons pris en charge représente 54% des jeunes répondants pris en charge par

l’ASE dans les Hauts-de-France et 61% en Ile-de-France. Les statistiques permettent aussi de

mettre en exergue les origines des répondants. La moitié des jeunes répondants est née en

31 Frechon, I., Marquet, L., Breugnot, P. (2016), L’accès à l’indépendance financière des jeunes placés, Rapport final ONPE.

34

France tandis que 32% sont nés à l’étranger et arrivés en France à la suite d’une migration

isolée (MIE) et 17% à la suite d’une migration accompagnée.

Les jeunes pris en charge à l’ASE peuvent bénéficier de différentes sortes de placements :

en accueil familial, en hébergement collectif ou en hébergement autonome. Les données

chiffrées laissent à penser que ceux-ci varient selon l’âge des répondants. En effet, 40% des

jeunes de 17 ans faisaient l’objet d’un accueil familial, 40% d’un hébergement collectif et

seulement 19% d’un hébergement autonome. Pour les jeunes de 18 à 20 ans, la part de ceux

en hébergement autonome s’élève à 54% tandis que celle des jeunes en accueil familial ou en

accueil collectif diminue (45%). Ce soutien par le logement fait partie de l’accompagnement

dont peuvent bénéficier les jeunes de l’ASE mais ce n’est pas le seul. Ils peuvent également

bénéficier d’un soutien financier et/ou logistique et/ou éducatif, ce soutien s’inscrit dans le

cadre des Contrats Jeunes Majeurs (remplacés dans le Département du Nord par les Contrats

Entrée dans la Vie Adulte depuis 2016). L’objectif de ce contrat est d’apporter une aide, un

accompagnement aux jeunes au-delà de leurs dix-huit ans pour les mener vers la vie

autonome. Néanmoins, ce ne sont pas tous les jeunes qui bénéficient de ce contrat. En effet,

ELAP démontre qu’un jeune répondant sur deux ignore, refuse ou hésite à signer un CJM.

D’après Lucy Marquet (2016), chercheuse associée à l’ELAP, cela peut s’expliquer par les

contraintes qu’entraîne la signature d’un tel contrat. La contractualisation entraîne une

obligation chez le jeune majeur de rendre des comptes à l’institution. Il devra, en effet,

justifier ses dépenses ou encore l’informer de ses sorties. De plus, Lucy Marquet ajoute que

ces jeunes devront également se soumettre à une obligation de continuer une formation pour

pouvoir bénéficier de ce contrat. De ce fait, on pourrait penser que les jeunes bénéficiaires

d’un CJM sont ceux qui en acceptent les contraintes.

De plus, l’étude permet de mettre en exergue les parcours de formation choisis par les

répondants. Selon Isabelle Frechon32, le placement des jeunes à l’ASE peut être perçu comme

une chance pour ces jeunes puisqu’il les incite à faire une formation et obtenir un diplôme.

Néanmoins, les choix de formations semblent d’avantage s’orienter vers les formations

courtes et la poursuite en études longues est plus rare. En effet, près de 33% des jeunes en

formation étaient inscrits en CAP. La part des jeunes en CAP au même âge est de 5% dans la

population nationale. Avec le graphique ci-dessous, on constate également qu’avec la montée

en âge, la continuité des études diminue. 32 Frechon, I. Marquet, L. (2016) « Comment les jeunes placés à 17 ans préparent-ils leur avenir ? », Document de travail 227, Ined.

35

La situation des jeunes placés répondants selon leur âge.

Source : ELAP Vague 1 2013-2014, INED – Laboratoire Printemps.

Isabelle Frechon (2016) évoque les limites du CJM pour expliquer ce constat. Selon elle,

« un jeune qui souhaite suivre un cursus universitaire risque de se voir refuser un contrat

jeune majeur risque de se voir refuser un contrat jeune majeur car la formation est trop

longue33

». Du fait de leur cursus scolaire court et de leur situation, les jeunes placés seront

plus tôt amenés à s’insérer sur le marché du travail.

Enfin, en ce qui concerne l’accès à l’autonomie, les jeunes placés devront là aussi y

accéder plus tôt que les jeunes en général. En effet, chez les jeunes confiés à l’ASE,

l’autonomie peut s’atteindre dès 18 ans et au plus tard à l’âge de 21 ans. Dans la population

générale, d’après l’ERFI (Etude des relations familiales et intergénérationnelles) 2005, l’accès

à l’autonomie totale des jeunes de 21 ans est de 36%. D’après Isabelle Frechon (2016), plus la

sortie du dispositif est tardive, plus les jeunes ont de bases solides pour entrer dans la vie

adulte. Selon elle, les jeunes ne sont pas préparer à l’autonomie, on les prépare « à savoir se

33 Frechon, I. Marquet, L. (2016) « Comment les jeunes placés à 17 ans préparent-ils leur avenir ? », Document de travail 227, Ined.

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

17 ans 18 ans 19 ans 20 ans

En formation

En recherche d'emploi/ de

formation

36

débrouiller avec un petit pécule34 » . Pour sa collègue Lucy Marquet, des lacunes persistent

dans la préparation à l’autonomie. Selon elle, au sein du système ASE, « on apprend

davantage aux jeunes à ne dépendre de personnes qu’à développer des liens avec l’entourage

familial ou d’autres proches vers lesquels ils pourront se tourner lorsqu’ils seront sortis 35».

Les jeunes seraient peu amenés à se créer et développer des relations avec le monde du travail

et leur connaissance des dispositifs de droits communs reste minime. Nous allons ici, par la

suite, essayer de dessiner les parcours vers l’autonomie des jeunes majeurs sortis récemment

des dispositifs de l’ASE sur la métropole lilloise afin de valoriser les compétences qu’ils ont

pu acquérir durant leur passage à l’ASE mais aussi de pointer les lacunes dans l’intérêt de

pouvoir apporter des pistes d’amélioration.

34 Frechon, I. Marquet, L. (2016) « Comment les jeunes placés à 17 ans préparent-ils leur avenir ? », Document de travail 227, Ined. 35 Frechon, I. Marquet, L. (2016) « Comment les jeunes placés à 17 ans préparent-ils leur avenir ? », Document de travail 227, Ined.

37

2. L’objet d’étude

Dans cette partie, nous aborderons la commande qui nous a été confiée après avoir

présenté la structure d’accueil pour laquelle nous avons réalisé cette enquête. Puis, nous

reviendrons sur la question de départ, fil conducteur de cette enquête et ce qui en a découlé.

Enfin, nous exposerons la méthode utilisée pour répondre à ce questionnement et présenterons

brièvement le guide d’entretien ayant servi à recueillir le matériau et les enquêtés.

2.1. L’Uriopss, interface entre le monde associatif et les pouvoirs publics

Nous allons, ici, faire une rapide présentation de la structure qui nous a accueillies de

Janvier à Juin pour réaliser ce stage. Nous présenterons d’abord la structure Uriopss Hauts-de-

France en se penchant sur les actions qu’elle mène, le rôle qu’elle tient auprès des adhérents et

la façon dont elle finance ses activités. Puis, nous nous questionnerons sur l’utilité d’une tête

de réseau telle que celle-ci et aborderons son ancrage au niveau national.

2.1.1. Présentation de la structure Hauts-de-France

L’Union Régionale Interfédérale des Œuvres et organismes Privés Sanitaires et Sociaux

(URIOPSS) Hauts-de-France est une association loi 1901 reconnue d’utilité publique

intervenant auprès des structures du secteur privé non lucratif, depuis 1948. Son objectif

principal est « d’unir les associations pour développer les solidarités ». Il s’agit, en effet, de

valoriser le monde associatif dans ses actions auprès des pouvoirs publics et de l’opinion mais

également ; de participer à la pérennisation des associations et à leur renforcement en les

unissant et en intervenant auprès d’elles. Ainsi, l’Uriopss Hauts-de-France intervient auprès

de nombreuses associations et établissements du secteur sanitaire, social et médico-social

œuvrant auprès de personnes fragilisées par l’âge (Pôle enfance, jeunesse et famille, Pôle

personnes âgées), le handicap (Pôle personnes en situation de handicap), la maladie (Pôle

santé) ou l’exclusion sociale (Pôle Insertion et lutte contre les exclusions, Pôle Direction

Populations, politiques sociales, territoires). Dans ces domaines – qui évoluent sans cesse

avec les différentes politiques sociales en vigueur – l’Uriopss a, en plus de son rôle de soutien

38

et d’appui dans l’élaboration et la mise en place de projets par les associations adhérentes, un

rôle d’interface auprès des pouvoirs publics pour défendre leur cause.

L’Uriopss HDF compte 1143 adhérents avec lesquels elle partage des valeurs communes :

la primauté de la personne, la non-lucrativité, la solidarité, l’égalité dans l’accès aux droits et

la participation de tous. Elle offre à ses adhérents la possibilité de bénéficier

d’accompagnements, de services et d’outils pour faire pérenniser et développer leurs activités

mais leur permet également de participer – indirectement – à la construction des politiques

publiques. Elle propose ainsi aux associations adhérentes un soutien dans l’élaboration et la

mise en forme des projets associatifs, un soutien dans leur bon fonctionnement au quotidien et

la mise à disposition d’une multitude de services (administration, juridique, documentation,

formation et gestion). A leur demande, l’Uriopss HDF peut intervenir auprès des associations

afin de les aider à protéger leurs intérêts. Pour cela, elle leur apporte un soutien dans la

coordination de leurs initiatives, actions en les diffusant à son réseau étendu et en provoquant

des rencontres entre les acteurs. De plus, elle organise régulièrement des colloques et des

journées d’études auxquelles les associations adhérentes sont invitées à exposer leur situation

de terrain aux différents partenaires présents afin de faire évoluer la situation. Enfin, l’Uriopss

HDF veille à développer un partenariat entre les associations et les collectivités publiques,

territoriales et locales afin que les décisions prises dans ces secteurs soient les plus en accord

avec la réalité du terrain. Au travers les différents services techniques qu’elle propose,

l’Uriopss HDF a vocation à conseiller et soutenir ces associations. Elle présente ces services

comme des « outils facilitateurs à l’exercice de la mission de responsable associatif 36». Elle

propose ainsi : - un service Conseil, gestion et comptabilité dont 62 associations adhérentes

ont bénéficié en 201637 ; - un service Vie associative et formation des acteurs qui a permis la

formation de 1505 acteurs associatifs pour l’année 2016 ; et un service Paie, juridique et

ressources humaines qui suivait en paie 67 associations adhérentes et qui a traité 650

demandes formulées par 181 associations dans le cadre de la permanence juridique en 2016.

Les associations trouvent donc de nombreux avantages à adhérer à l’Uriopss. En effet, cela

leur permet de bénéficier de l’expertise du vaste réseau de l’Uriopss sur l’actualité du ou des

secteur(s) qui les concernent, des nombreuses productions publiées par celle-ci afin d’apporter

les outils nécessaires aux acteurs associatifs mais également d’un accompagnement basé sur

la coopération inter-associative.

36

http://expertise.uriopss-npdc.asso.fr/section/npca_npca_cont_html_qusn_urio.html 37

URIOPSS hauts-de-France, « 2016, Enjeux, dates et chiffres. », 2016.

39

40

L’équipe de l’Uriopss HDF se compose de 20 salariés et accueille un service civique et

une dizaine de stagiaires. Parmi ces salariés, quatre sont chargés du développement local sur

les territoires de l’Artois, de l’Avesnois, Cambrésis, Douaisis, Valenciennois, du Littoral et de

la Métropole, Flandre intérieure. Depuis 2015, une nouvelle présidente est à la tête de la

structure, Annette Glowacki. Elle a été rejointe, en 2016, par un nouveau directeur, Ahmed

Hegazy. L’Uriopss HDF dispose également d’un Conseil d’Administration composé de vingt

quatre membres. Ses fonctions principales pour les années précédentes étaient de veiller à la

défense du fait associatif et des adhérents de l’Uriopss. Il aura toujours, pour les années à

venir, la fonction de veiller à la bonne cohérence entre les valeurs de la structure et les actions

menées. C’est aux membres de ce Conseil Administratif que reviennent les tâches de gestion

courante de l’association tandis que l’Assemblée Générale – organe souverain de la structure

– est chargée de la direction de l’association et de décider des actes essentiels de celle-ci.

Enfin, afin de répondre au mieux aux besoins de ces adhérents, l’association dispose de seize

partenaires parmi lesquels la banque CIC Nord-Ouest, le réseau d’achat partagé ADERE ou

encore le Pôle Santé travail de la Métropole Nord.

Pour financer ses activités, l’Uriopss HDF compte sur trois sortes de ressources : les

cotisations, les prestations de services et les subventions. Les cotisations des associations

adhérentes sont définies en fonction du budget géré (le montant des dépenses de la classe 6) et

ne peuvent être inférieures à 360 euros et supérieures à 3600 euros. Les prestations de

services reprennent l’ensemble des services proposés par l’Uriopss auxquelles les associations

peuvent avoir recours (Service Ressources Humaines, Service Gestion, etc.). Enfin,

l’association se voit attribuer des subventions par les Départements du Nord et du Pas de

Calais et par la Région Hauts-de-France. Elle reçoit également des subventions à la marge de

la DJRSCS de Lille. Le bilan pour l’année 2016 montrait que les cotisations représentaient la

plus grande part des produits de l’Uriopss et que les subventions – la plus petite part des

produits – diminuent depuis 2013 (Cf Annexe 2: Graphique du produit comptable de

l’Uriopss en 2016).

41

2.1.2. Utilité d’une tête de réseau comme l’Uriopss HDF

L’Uriopss HDF, avec les seize autres Unions régionales réparties sur le territoire français

et les 110 fédérations, compose l’Union Nationale Interfédérale pour les Œuvres et

organismes Privés Sanitaires et Sociaux (UNIOPSS). Créée en 1947, l’Uniopss partage les

mêmes idéaux que les Unions Régionales mais à plus grande échelle. En effet, elle vise

l’unification, la défense et la valorisation des acteurs privés non lucratifs de solidarité et porte

devant les pouvoirs publics nationaux, la voix collective des associations engagées aux côtés

des personnes vulnérables et fragiles. Son ancrage sur le terrain et auprès des pouvoirs publics

fait de cette union un « observateur privilégié des besoins sociaux et un acteur majeur du

monde associatif »38. Les Unions Régionales, elles, assurent le même rôle mais à l’échelon

régional. Celles-ci sont d’ailleurs en pleine restructuration depuis la réforme des régions.

Ainsi, depuis 2017, l’Uriopss Nord-Pas-de-Calais et l’Uriopss Picardie ont fusionné pour ne

former plus qu’une seule Uriopss, l’Uriopss Hauts-de-France.

Un réseau associatif tel que l’Uriopss a une double mission. Il a, d’abord, une mission

externe qui consiste à valoriser et représenter les secteurs qu’il fédère auprès des pouvoirs

publics ainsi que de l’opinion publique ; mais, il a aussi une mission en interne qui consiste à

animer le réseau qu’il a créé et en accompagner ses membres. L’intérêt pour les associations

de rejoindre un tel réseau est que celui-ci leur permet une visibilité tant sur le plan interne

auprès d’autres acteurs de terrain que sur le plan externe auprès de la société civile ou des

pouvoirs publics. En effet, le réseau offre aux associations l’opportunité de se réunir afin

d’échanger et de trouver des lignes d’actions communes. Ces regroupements permettent le

partage de savoir-faire et représente donc un soutien dans la mise en œuvre de projets.

L’Uriopss apporte, ainsi, pour ses adhérents, des conseils, un soutien et leur permet de créer

du lien avec les différents acteurs. Sur le plan externe, rejoindre un tel réseau permet aux

associations d’être valorisées et représentées auprès des pouvoirs publics et de l’opinion

publique. L’aspect fédérateur d’un réseau tel que l’Uriopss permet d’avoir une parole

construite, représentative du secteur et de la réalité de terrain. Cette représentativité du secteur

associatif à travers l’Uriopss justifie donc sa participation dans les instances de décisions

politiques. En effet, les temps d’échanges organisés au sein de l’Uriopss permettent d’avoir

une grande connaissance des besoins des associations, des territoires et des populations

ciblées par les associations adhérentes et, fort de ces connaissances, l’Uriopss peut, ainsi, 38

www.uniopss.asso.fr/presentation-du-reseau

42

élaborer des propositions impactant les politiques publiques. Ainsi, forte de cette image, la

place de l’Uriopss HdF n’est plus à faire dans le département du Nord. Elle veille à la

représentation du monde associatif et à la prise en compte des publics vulnérables dans les

politiques publiques mises en place dans le département. Elle participe donc à de nombreux

travaux, réflexions et schémas départementaux dans les secteurs de la santé, des personnes en

perte d’autonomie, de la lutte contre l’exclusion, de la petite enfance et protection de

l’enfance.

C’est d’ailleurs de cette collaboration Département du Nord/ Uriopss HDF qu’est née

la commande qui nous a été délivrée. Nous allons l’expliciter dans la partie suivante.

43

2.2. Comprendre comment les jeunes perçoivent la préparation à la sortie de

l’ASE

Dans cette partie, il s’agit d’exposer la commande qui nous a été confiée et la méthode

utilisée pour y répondre. Nous présenterons également les questionnements que cette

commande a fait émerger chez nous et la manière dont nous avons procédé pour recueillir le

matériau.

2.2.1. Commande et méthodologie d’enquête

A la suite des délibérations du Département du Nord de Décembre 2015 et Juin 2016

relative à la Protection de l’Enfance, l’Uriopss HDF en collaboration avec l’Union

Départementale pour l’Habitat des Jeunes (UDHAJ), la Convention Nationale des

Associations de Protection de l’Enfance (CNAPE) et la Fédération des Acteurs de la

Solidarité (FNARS) va interpeller la Vice-présidente Enfance du Conseil Départemental 59,

Doriane Bécue, au sujet de cette dernière. En ce qui concerne la fin de l’accompagnement, le

Département a la volonté de préparer les jeunes à la vie en autonomie dès l’âge de seize ans

afin qu’ils puissent sortir du dispositif dès dix-huit ans avec les bagages nécessaires. Pour

cela, il met en place des dispositifs de semi autonomie sur lesquels nous reviendront plus tard.

De plus, le Département fait le choix de réduire le nombre de placements au profit du soutien

renforcé à domicile. Cela résulte en partie de la réduction des budgets alloués aux Conseils

Généraux pour les prestations d’aides sociales (Y. Rocaboy, 2013)39. Ce choix a donc des

conséquences sur la prise en charge des jeunes et des familles comme la suppression de places

disponibles, la réorganisation de l’accompagnement, etc.

L’Uriopss, dans son rôle de veille à la prise en compte des publics vulnérables dans les

politiques publiques, a estimé intéressant d’avoir plus d’informations sur la perception de

l’accompagnement des jeunes de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et a donc interpellé le

Conseil Départemental 59 afin de réaliser un diagnostic des conséquences de cette

délibération sur l’accompagnement des jeunes sortants du dispositif. Suite à l’accord de la

39

Rocaboy, Y. (2013), «La crise des finances sociales locales et ses solutions », Informations sociales, Vol. 180, n°6, pp.94-101.

44

Vice Présidente, l’URIOPSS s’est vu chargée de la réalisation d’une enquête qualitative sur

l’accès à l’autonomie des jeunes majeurs de 16 à 21 ans issus de l’Aide Sociale à l’Enfance.

L’Aide Familiale à Domicile (AFAD), l’Organisme Social de Logement (OSLO),

l’association de Protection de l’Enfance (SPRENE), Home des Flandres, l’Institut Médico-

Educatif (IME) l’Eveil, l’Union Départementale des Associations Familiale (UDAF) ,

l’Etablissement Public Départemental de Soins, d’Adaptation et d’Education (EPDSAE) du

Nord et l’Aide aux Mères et aux Familles à Domicile (AMFD) ont rejoint le projet. Ils

décident alors de découper l’enquête en deux volets. Un premier volet est consacré aux

évolutions des pratiques professionnelles à opérer pour travailler davantage

l’accompagnement vers l’autonomie des jeunes de l’ASE. Ce volet de l’enquête a été confié à

huit étudiants de l’IRTS. Le second volet est dédié à l’étude des parcours des jeunes de l’ASE

afin de repérer les besoins et valoriser les compétences acquises pendant le parcours ASE

pour les mener à l’autonomie. C’est dans cette perspective d’étude que nous avons été

contactées pour réaliser une enquête qualitative afin de recueillir le vécu du parcours de

jeunes qui ont été suivis par l’ASE sur la Métropole lilloise. Après une première rencontre

afin d’échanger sur la commande et l’intérêt de celle-ci, il a été envisagé d’ajouter à la

commande un volet sur les familles. Au sein de ce volet, il nous a été demandé de recueillir le

vécu des familles quant à leur accompagnement tout au long de la mesure de placement de

leur enfant et à la sortie de celle-ci. Ce versant de l’enquête a du rapidement être abandonné.

Nous reviendrons sur les raisons plus tard.

L’enquête ne reposant plus que sur un versant de l’enquête, il a fallu trouver deux axes à

étudier en rapport avec la commande qui nous avait été confié. Nous avons donc choisi de

faire un découpage chronologique de l’enquête. Je vais donc m’intéresser à la façon dont les

jeunes sont préparés à la fin de l’accueil physique à l’ASE et la façon dont ils vivent cette

préparation. Shéhérazade, en complémentarité, s’intéressera à l’acquisition de cette autonomie

et au devenir adulte une fois sortie des dispositifs ASE. Les lectures menées en amont et la

découverte du fonctionnement de l’ASE nous amène à nous poser la question suivante :

Comment se construisent les parcours vers l’autonomie des jeunes majeurs issus de l’ASE?

On entend l’autonomie en tant que processus rendu possible par l’accès aux soins, à un

logement, au fait d’être mobile et inséré sur le marché du travail et à la capacité de se

construire personnellement et s’insérer dans la société.

45

Ce questionnement nous conduit à l’hypothèse suivante : il y aurait un lien évident entre la

perception du parcours à l’ASE, de l’accompagnement reçu et l’investissement des jeunes

dans leur projet de sortie. En effet, il semblerait que les jeunes encadrés par l’ASE durant

leur minorité vivent l’approche de la majorité comme une période de stress et d’incertitude

due à la rupture de l’accompagnement. De ce fait, la façon dont les jeunes vivent leur

accompagnement à l’ASE aurait des conséquences sur leur investissement dans la préparation

à la vie en autonomie.

En fait, à travers cette enquête, nous tenterons de répondre à la problématique suivante :

Comment l’accompagnement du jeune par l’ASE favorise-t-il une sortie autonome des

dispositifs ?

Pour répondre à ce questionnement, nous avons choisi de mener une enquête

qualitative avec des entretiens semi-directifs auprès d’une quinzaine d’enquêtés, en

complément du travail de lecture. Ce type d'entretien permet à l'enquêté de se confier le plus

librement possible tout en le guidant pour ne pas qu'il s'éloigne de la question de départ. De

plus, réaliser une enquête qualitative permet de montrer la diversité des expériences, des

ressentis sur la question. Ici, nous comptons interroger les jeunes majeurs sortis récemment

des dispositifs de l’ASE sur la métropole lilloise afin de comprendre la façon dont ils ont vécu

cette expérience et notamment l’approche de la sortie. Nous voudrions également comprendre

si cette expérience à l’ASE a pu avoir des conséquences sur leur vie depuis la sortie.

Avant de pouvoir réaliser un guide d'entretien efficace, il nous fallait maîtriser la

notion d'autonomie et les différents dispositifs de l'aide sociale à l'enfance à destination des

jeunes majeurs sur le territoire de la MEL. Il nous a également fallu prendre connaissance des

délibérations votée en 2015 et 2016 dans le département du Nord et notamment, trouver des

données sur le dispositif EVA afin de comprendre les directives prises par rapport à la

situation des jeunes majeurs à l’ASE. Il nous a été difficile de trouver des données sur ce

dispositif. Nous avons donc rencontré un professionnel sur le territoire de Roubaix-Tourcoing

afin qu'il puisse nous expliquer son fonctionnement. Les difficultés pour trouver des données

sur ce dispositif peuvent s'expliquer par le fait que cette délibération de 2016 soit toujours en

phase de mise en place et fait encore aujourd'hui l'objet de quelques modifications dans ses

conditions d’application. Grâce à ces lectures et ces rencontres, nous avons pu comprendre les

pratiques professionnelles d’accompagnement des jeunes vers une sortie autonome des

dispositifs de l’ASE et avoir un aperçu des solutions qui leur étaient proposées à la sortie.

46

Afin de recueillir les récits des enquêtés, nous avons dû élaborer un guide d'entretien.

Il est constitué d'une consigne générale assez large et de thèmes plus précis qui aideront

l’enquêté à ne pas s'éloigner du sujet. Ces entretiens s'inscrivent dans une démarche

rétrospective puisqu'il s'agit de « retracer, ex post, le déroulement des parcours40

» (Van de

Velde, 2008). Pour recueillir des entretiens riches en informations, il faut veiller à réaliser les

entretiens dans des lieux où les enquêtés se sentent à l'aise et libres de parler.

L'entretien commence d'abord par une consigne de départ qui est « Pouvez-vous nous

dire pendant combien de temps vous avez été accompagné par l’ASE ? Pouvez-vous nous

raconter les premiers temps de l'accompagnement ? ». Cette question assez large permet à

l'enquêté d'être libre dans sa réponse. Viennent ensuite des questions plus précises regroupées

sous cinq thèmes principaux. Ces questions permettent de relancer l'entretien en fonction des

réponses de l'enquêté et de veiller à ce qu'il ne s'éloigne pas trop de la question de départ.

Les trois premiers thèmes du guide d'entretien se centrent sur les moments clés du

parcours ASE qui nous intéressent. Ainsi, une première partie des questions revient sur le

parcours à l’ASE en général. Il y est demandé aux jeunes de nous livrer leur parcours depuis

leur entrée à l’ASE jusqu'à la sortie en évoquant la perception de cette période. Le deuxième

thème se concentre sur la préparation à la fin de l'accompagnement estimée en fonction de nos

lectures à la période 16-18 ans. Dans cette partie, les jeunes nous livrent leurs projets d'avenir

à cette époque et la façon dont on leur a présenté la sortie proche du dispositif. Ils abordent

également la façon dont on les a préparés à vivre en autonomie au sein des dispositifs de

l’ASE. Quant au troisième thème, il revient sur le jour de la sortie. Les jeunes y évoquent ce

vers quoi ils se sont dirigés lors de la fin de l’accueil physique à l’ASE mais aussi ce que

représente l'autonomie pour eux. La partie suivante est consacrée à la vie des jeunes depuis

leur sortie de l’ASE et permet de revenir avec un peu de recul sur ce que leur a apporté ce

passage dans cette institution mais aussi sur ce dont ils ont manqué durant cette période pour

les préparer à l’entrée dans la vie adulte. Après avoir fait ce bilan, il est demandé aux jeunes

des suggestions d’amélioration par rapport à l’accompagnement reçu par l’ASE et

particulièrement l'accompagnement des jeunes majeurs vers l'autonomie. Enfin, l'entretien se

terminera par une partie qui permettra de les caractériser socialement grâce à des questions

permettant de dégager leurs caractéristiques sociodémographiques. Ce guide d'entretien, bien

40 Van de Velde C. (2008), Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe., Paris.

47

entendu, n'est pas fixe. Il a été adapté en fonction des enquêtés et des réponses qu'ils

apportaient.

2.2.2. L’échantillonnage et les difficultés rencontrées

Pour réaliser une bonne enquête qualitative, il faut veiller à avoir un échantillon le plus

diversifié et hétérogène possible. Les entretiens ont été réalisés avec des jeunes habitant en

Métropole Lilloise. Nous avons veillé à diversifier l’échantillon par leurs caractéristiques

sociodémographiques (âge, sexe, parcours, diplôme, etc.). Néanmoins, nous avons tout de

même essayé d’avoir un échantillon reflétant le plus le public accueilli à l’ASE. Nous avons

également tenté de diversifier l’échantillon en recrutant des enquêtés au parcours et profils

divers tel que des jeunes en résidence sociale, en Résidences Habitat Jeune, en logements

autonomes mais aussi des jeunes en CHRS ou encore dits « sans solution ». Pour refléter la

réalité du public accueilli à l’ASE, il nous semblait important de ne pas oublier d’intégrer des

personnes en situation de handicap ou encore des Mineurs Isolés Etrangers (MIE). Il fallait

également que ces jeunes soient sortis récemment de l’institution. En effet, l’un des objectifs

est de mesurer l’impact de la dernière délibération (2016) mise en place dans le Département

sur l’accompagnement vers la sortie des jeunes majeurs de l’ASE, il fallait donc que les

jeunes aient été touchés par ces modifications. Cependant, nous avons intégré quatre jeunes

sortis avant la mise en place de la délibération EVA 2016 afin de vérifier si celle-ci a de réels

impacts sur la sortie des jeunes majeurs. Après discussion avec nos tuteurs de stage, Christelle

Decat – chargée de développement territorial sur l’antenne des Flandres Intérieures, Uriopss –

et Ménouar Malki – Délégué Régional à l’UNHA –, nous avons établi un tableau récapitulant

les caractéristiques du public que nous recherchions et avons repéré les partenaires de

l’Uriopss que nous pourrions solliciter pour trouver des participants à l’enquête. Nous avions

réalisé le même travail pour obtenir un échantillon composé d’une dizaine de familles. Ainsi,

lors du Copil de Février, après avoir rappelé le profil d’enquêtés que nous recherchions, nous

avons fait circuler une feuille sur laquelle les professionnels présents pouvaient indiquer leurs

coordonnées s’ils détenaient des contacts potentiels susceptibles de vouloir participer à cette

enquête. Plusieurs partenaires de l’étude nous ont alors transmis les contacts de personnes

relais s’occupant directement de la prise en charge des jeunes avec qui nous pourrions prendre

contact afin de leur présenter l’enquête pour qu’ils puissent ensuite nous communiquer des

coordonnés de personnes prêtes à participer à l’enquête.

48

Nous avons donc d’abord pris contact avec ces personnes par mail pour leur

(ré)expliquer notre démarche et leur rappeler les profils que nous cherchions. Ce mail était

accompagné d’une lettre rédigée à destination des jeunes et des familles pour leur présenter

notre statut, notre étude et les ambitions par rapport à celle-ci. Malheureusement, nous avons

eu peu de retours. Nous avons donc relancé les professionnels, cette fois ci par contact

téléphonique ou en se rendant sur place. Nous sommes restées là aussi avec peu de réponses

ou alors en attente. Après un rappel des délais courts dans lesquels nous devions réaliser cette

enquête de la part de nos tuteurs, la situation s’est débloquée du côté des jeunes mais pas du

côté des familles. Il a donc été décidé d’abandonner ce volet de l’enquête et de nous

concentrer uniquement sur celui des jeunes. Ces difficultés rencontrées pour mobiliser des

personnes volontaires pour participer à l’enquête s’explique peut-être d’abord par le sujet

qu’elle traite et les souvenirs qu’elle fait remonter à la surface. Ces jeunes et ces familles

peuvent parfois faire l’objet de stigmatisations ou préjugés de par cette situation de

placements et pourraient donc être réticents à participer par crainte d’être jugés. De plus, ces

jeunes et ces familles qui rencontrent régulièrement des professionnels auxquels ils doivent

raconter leur parcours pourraient être lassés de délivrer ce récit faisant parfois écho à des

choses douloureuses. La seconde difficulté pourrait être le territoire restreint sur lequel nous

devions nous concentrer pour mobiliser des enquêtés. Enfin, les difficultés rencontrées

pourraient être dues également au fait que nous nous sommes limitées aux partenaires de

l’Uriopss pour trouver des enquêtés.

Malgré tout, nous avons fini par trouver des jeunes volontaires pour participer à

l’enquête et avons pu débuter les entretiens en Avril. Onze jeunes ont été trouvés grâce aux

organismes partenaires de l’Uriopss. Néanmoins, nous pouvons émettre un bémol à cette

sélection par les éducateurs ou les directeurs d’établissements. En effet, ceux-ci pourraient

avoir tendance à nous transmettre les coordonnées de jeunes avec des parcours dits

« positifs ». De plus, les structures nous ayant transmis des contacts sont des structures

travaillant l’insertion par le logement ou le travail pour la plupart, ce sont donc des contacts

de jeunes plus ou moins insérés qui nous ont été transmis. Les quatre derniers entretiens ont,

eux, étaient trouvé par effet boule de neige. C’est en demandant aux jeunes déjà interrogés

s’ils ne connaissaient pas des jeunes ayant eu un parcours ASE et sortis récemment des

dispositifs que nous avons trouvé ces contacts. L’échantillon interrogé est assez hétérogène. Il

est composé de sept garçons et huit filles âgés entre 18 ans et 22 ans. Nous avons pu

rencontrer une personne en situation de handicap, trois anciens Mineurs Non Accompagnés.

49

L’échantillon est également composé de jeunes ayant bénéficié ou bénéficiant toujours d’un

Contrat Entrée dans la Vie Adulte (EVA) et d’autres n’en n’ayant pas bénéficié. Enfin, par

rapport à la situation des jeunes lors de la fin de l’accueil physique, nous avons pu rencontrer

des jeunes ayant connu un passage à la rue, étant retourné au domicile familiale ou s’étant

tourné vers d’autres solutions. Un tableau récapitulant les caractéristiques des jeunes

rencontrés est à retrouver en annexe.

Chaque entretien a duré en moyenne une heure. Nous avons dans la plupart des cas

réalisés les entretiens dans des bureaux qui nous étaient ouverts dans les lieux de résidences

des jeunes. Tous les entretiens ont été réalisés dans de bonnes conditions et ont permis de

recueillir un matériel riche à exploiter. Il était important dès le début de l’entretien de mettre

l’enquêté en confiance et de lui réexpliquer notre démarche. Après leur avoir rappeler

l’anonymat et la confidence des propos qui nous étaient rapportés, nous expliquions aux

jeunes les finalités de ces entretiens. Le fait de rencontrer des jeunes dans la même tranche

d’âge que le notre a pu être un avantage pour instaurer une relation de confiance. De plus,

notre statut d’étudiantes et non de travailleur social dépendant de la Protection de l’Enfance a

aussi été un point important pour les mettre en confiance. Nous avons veillé à ne pas mettre

les enquêtés dans des situations où ils se sentaient mal à l’aise. Pour cela, nous les avons

laissé parler d’eux-mêmes et avons essayé d’intervenir le moins possible afin de les laisser

évoquer des points sensibles que s’ils ne le souhaitaient. Certains, à la fin des entretiens, nous

ont confié avoir pu au cours de cet exercice se rendre compte de choses qu’ils n’avaient pas

encore réalisé jusqu’alors. Un enquêté a ajouté que ce travail lui a permis de faire un bilan de

cette expérience qu’il n’avait pas encore fait jusqu’alors. Après avoir analysé la relation

d’enquête que nous avions avec les jeunes rencontrés, nous avons constaté que les jeunes

filles étaient plus à l’aise pour aborder les éventuelles difficultés auxquelles elles ont pu être

confrontées au cours de leur vie. Les jeunes hommes étaient plus réservés sur ces points.

Enfin, nous avons également constaté une méfiance de la part des anciens MNA qui nous

demandaient à plusieurs reprises durant les entretiens si ce qui était dit ne sortirait pas du

cadre de l’entretien.

Pour trouver des réponses à ce questionnement et à ces hypothèses, nous allons

analyser le matériau recueilli lors des entretiens tout en l’appuyant avec des savoirs

sociologiques.

50

Chapitre Deux : Interprétation des résultats.

Nous allons, dans cette partie, interpréter les résultats recueillis auprès des quinze

enquêtés en essayant de les croiser avec les lectures présentées précédemment. Nous verrons,

tout d’abord, que chaque parcours est unique et que les acteurs intervenant auprès de l’enfant

participent au bon déroulement d’un passage à l’ASE. Ensuite, nous aborderons la préparation

à la vie en autonomie au sein de l’institution pour les jeunes de seize ans. Enfin, nous verrons

comment ces jeunes ont vécu l’approche de la sortie et les solutions qui leur ont été

proposées à la sortie.

1. A chacun son parcours à l’ASE

Il existe une hétérogénéité dans les parcours des jeunes à l’ASE. Cette hétérogénéité est le

reflet de la diversité des modes d’intervention, du contexte d’intervention mais aussi des

profils des jeunes.

1.1. Regard des jeunes sur leur passage à l’ASE

Le passage par l’ASE peut être vécu par les jeunes comme un parcours marquant et

décisif. Pour beaucoup de ceux rencontrés, ils ont passé une grande partie de leur enfance

dans l’enceinte de l’institution. Les autres sont entrés au moment de l’adolescence, période de

transition importante dans le développement de l’individu. Rares sont ceux ayant connu un

lieu de placement unique, leur parcours a souvent été parsemé de « ruptures 41» (Dulin et

Verot, 2016). Certains jeunes ont « enchainé » (Amanda, 20 ans, sortie à 19 ans) les MECS,

d’autres ont connu le foyer avant d’ « atterrir » (Bella, 20 ans, sortie à 18 ans) en famille

d’accueil. Plus les jeunes rencontrés ont été accueillis en bas âge au sein de l’institution, plus

ils ont pu être confrontés à des changements de lieu d’accueil. Ainsi, Amanda (20 ans, sortie à

19 ans), par exemple, accueillie à l’ASE dès deux ans a changé à plusieurs reprises de lieu

d’accueil. Elle a d’abord connu une famille d’accueil pour un temps bref dû à des problèmes

41 Dulin, A. Vero, C. (2016), Arrêtons de les mettre dans des cases ! Pour un choc de simplification en faveur de

la jeunesse. Rapport au Premier Ministre.

51

d’adaptation liés à son histoire. Suite à cela, elle est passée par quatre MECS jusqu’à ses 19

ans. Chaque changement d’établissement représentait pour elle « un chamboulement », une

perte des repères qu’elle avait construits. Néanmoins, il arrive que des jeunes accueillis plus

tardivement à l’ASE aient connu eux aussi plusieurs changements d’établissements sur un

laps de temps plus court. Ainsi, Mike (20 ans, sorti à 17 ans et demi) a été accueilli par l’ASE

à quinze ans, d’abord en famille d’accueil avant de changer de lieu de vie à deux reprises. Ces

changements sont souvent liés à des problèmes de comportements, de conflits ou mésententes

avec l’équipe encadrante ou les autres jeunes accueillis. En fait, les jeunes ont tous connus au

moins deux lieux d’accueil : d’abord un accueil provisoire en famille d’accueil ou en foyer

avant de rejoindre un/des lieu(x) de placement plus stable. Les données de l’ELAP (2016)

montrent également que rares sont les jeunes qui ne connaissent qu’un lieu unique lors de leur

parcours de placement. D’après les premiers résultats de cette étude, à 17 ans, seulement 30%

des jeunes répondants n’ont connu qu’un seul lieu de placement. Tous ces facteurs influent

sur la perception de leur parcours par les jeunes.

Lors des entretiens, nous avons demandé aux jeunes de nous raconter leur parcours et la

façon dont ils l’ont vécu. Les récits des enquêtés laissent se dessiner deux sortes de discours

sur la perception de leur parcours à l’ASE. On distingue, à la fois, des discours assez positifs

et des discours plus négatifs sur ce passage de leur vie. Ces deux types de discours peuvent

s’entremêler dans le récit d’un enquêté ou bien le jeune ne peut porter qu’un seul de ces

regards sur son parcours. On retrouve chez la plupart de nombreux aspects positifs dans ce

passage de placement à l’ASE. En effet, de nombreux jeunes présentent ce passage dans

l’institution comme « une chance » (Kassy, 19 ans, sortie à 18 ans). Cela vient confirmer les

données de la première vague de l’ELAP (2016) que nous avons présentées précédemment.

En effet, d’après les premiers résultats de l’ELAP, 75% des jeunes voient ce passage par

l’ASE comme une chance. Les jeunes tenant ce genre de discours présentent l’ASE comme

une institution leur ayant apporté des opportunités pour réussir leurs projets d’avenir, pour

grandir et évoluer mais aussi des « moyens de mener une vie correcte avec des loisirs et des

règles à suivre comme tous les autres jeunes » (Nelly, 20 ans, sortie à 18 ans). Nombreux sont

les jeunes à avoir évoqué les nombreux loisirs qu’ils ont pu avoir lors de leur passage à

l’ASE. Certains ont évoqué les sorties au cinéma ou au restaurant fréquentes ou encore les

départs en vacances, les voyages et les visites d’autres régions. Le cadre éducatif qui est

donné aux jeunes placés en MECS ou en famille d’accueil apparaît pour certains comme des

normes et règles à suivre dont ils ont besoin pour grandir et « devenir un adulte solide qui a

52

des repères et qui est bien élevé » (Jack, 20 ans, sorti à 18 ans). Bella (20 ans, sortie à 18 ans)

ajoute que cet accompagnement et ces règles à suivre lui seront bénéfiques lorsqu’elle devra à

son tour construire sa famille. Anna (22 ans) qui est devenue maman confie d’ailleurs que

maintenant qu’elle est devenue mère, elle comprend les règles qui lui étaient posées

lorsqu’elle était mineure puisqu’elle les pose également à ses enfants. On remarque que ce

sont davantage les jeunes ayant compris et accepté la raison de leur placement qui posent ce

regard sur leur parcours. Ainsi, Valentin (20 ans, sorti à 18 ans) et Kassy (19 ans, sortie à 18

ans) présentent également ce passage comme une chance d’avoir pu évoluer à l’écart de leur

milieu familial et d’avoir pu être « protégés » de leurs parents. En effet, Valentin explique

que chez ses parents, il vivait dans un milieu précaire dans lequel il avait peut de repères et

faisait parfois l’objet de violences.

« Chez mes parents, c’était pas la joie. Ils étaient pas riches, on n’avait pas trop d’argent

et du coup on ne mangeait pas beaucoup, on était un peu négligés avec mes petits frères, mes

parents buvaient, ils étaient alcooliques alors ils ne s’occupaient pas trop de nous ou alors

quand ils s’intéressaient à nous, c’était pour nous engueuler et nous frapper donc moi je suis

content d’avoir été retiré de chez eux et placé. Voilà si j’en suis là aujourd’hui, c’est grâce à

l’ASE, si j’étais resté chez eux, je serai surement comme eux. »

(Valentin, 20 ans, sorti à 18 ans)

Ce discours positif se retrouve également chez les anciens Mineurs Non Accompagnés

(MNA) pour qui ce passage à l’ASE représente un « moment de répit » (Alu, 19 ans, sorti à 18

ans) après un parcours de migration parfois éprouvant. Pour ces jeunes, l’ASE, en les

accueillant, les protège temporairement d’un passage à la rue ou d’un retour au pays d’origine

et leur permet d’avoir un repère dans un pays dont ils ne maîtrisent pas forcément les normes

et les démarches. Durant leur minorité, la prise en charge de ces jeunes par l’ASE régularise

de fait leur séjour en France. Nous pouvons illustrer cette idée avec les propos de Habib arrivé

en France à 16 ans et demi, seul et un peu perdu. En effet, Habib (19 ans, sorti à 18 ans)

explique qu’à son arrivée en France, il était « très fatigué par ma remontée jusqu’en France,

alors me retrouver dans ce foyer ça m’a permis de reprendre des forces et puis de pouvoir

m’appuyer sur des gens, d’être dans un endroit en sécurité et d’être pris en charge, on faisait

53

les démarches à ma place, c’était un fardeau en moins parce que pour moi ce n’était pas

facile je ne maitrisais pas vraiment la langue alors je ne savais pas vraiment remplir tous les

papiers ou répondre à toutes les questions et j’avais peur que du coup on me renvoie d’où je

viens ». Inaya (19 ans, sortie à 18 ans), arrivée en France à 14 ans, insiste également sur le

fait que l’ASE lui ait « offert une place en sécurité, où je ne craignais rien et surtout ça m’a

permis d’avoir un cadre de vie stable et les mêmes chances de m’en sortir que les jeunes de

mon âge en France ». Elle évoque également l’opportunité qui lui a été donnée de pouvoir

faire des études et d’abord une mise à niveau afin d’avoir les mêmes chances de réussite que

les jeunes avec qui elle était scolarisée. Cette opportunité de faire des études est récurrente

dans la plupart des entretiens que nous avons menés.

La plupart des jeunes insistent également sur leur reconnaissance envers l’institution dans

sa fonction de soutien dans les études. En effet, nombreux sont les jeunes qui évoquent le fait

que l’institution les a incité à faire des études et les a dirigé vers des écoles en cohérence avec

leurs besoins et leurs attentes.

« Déjà, ils nous inscrivaient toutes à l’école privée et déjà, ça c’est bien je trouve parce

que ça nous permettait d’être bien suivie dans notre scolarité, c’était un petit plus et puis

franchement, si ils voient que tu es motivée pour continuer en études supérieures tout ça, ils

vont vraiment suivre ton projet, ils ne vont pas te stopper dans ton idée. »

(Anna, 22 ans, sortie à 17 ans et demi)

En effet, le fait d’être en études ou en formation durant le parcours à l’ASE est un aspect

qui a été valorisé dans les entretiens avec la plupart des enquêtés. Ces jeunes présentent la

chance d’avoir pu faire des études parfois coûteuses grâce à l’ASE. Bella (20 ans, sortie à 18

ans) explique ainsi avoir eu la chance d’intégrer une école en esthétique coûteuse payée par

l’ASE. Alu (19 ans, sorti à 18 ans) insiste sur le fait que l’institution aété à l’écoute de ses

projets d’études et qu’elle l’a conseillé et guidé vers l’école la mieux adaptée à son profil et

ses attentes. Pour ces jeunes, l’importance de faire des études est d’autant plus forte puisque

l’institution leur a inculqué la nécessité de faire des études pour s’insérer sur le marché du

travail et accéder à une indépendance financière. Ainsi, treize des quinze enquêtés que nous

54

avons rencontrés étaient en étude dans l’année précédant leur sortie de l’ASE. Ces données

sont en cohérence avec les résultats de l’ELAP (2016) menée à plus grande échelle par

l’Ineed. Selon l’ELAP, 89% des jeunes placés à 17 ans étaient en formation, chiffre presque

égal à la part de jeunes en formation à 17 ans en population générale. On constate donc, ici, la

volonté de l’institution de favoriser l’accès aux études de ces jeunes tout en veillant à les

orienter vers des cursus en cohérence avec leurs projets. Cela peut s’expliquer par le fait que

l’accès à une formation et – par la suite – l’acquisition d’un diplôme marque un premier pas

vers l’autonomie pour ces jeunes puisqu’elle leur permettra l’accès à un revenu et donc une

passerelle vers l’autonomie matérielle (H. Join-Lambert Milova, 2006). Pour inciter les jeunes

dans ce sens, le fait d’être inscrit en études ou en formation peut représenter une condition

d’accès aux contrats aidés dont ils peuvent bénéficier à la majorité. De ce fait, certains jeunes

vont intégrer des études sans réelles convictions ou sans s’investir réellement dans la

formation. Mike (20 ans, sorti à 17 ans) nous a ainsi confié s’être inscrit en formation pour

pouvoir accéder au contrat EVA une fois la majorité atteinte. De ce fait, il ne s’investit pas

dans ses études et est souvent absent. Néanmoins, on remarque que les cursus suivis par les

jeunes enquêtés sont majoritairement des cursus courts. Ainsi, sur les 13 enquêtés en études,

deux ont obtenu ou préparent un Bac général (contre 51% en population générale42), cinq ont

obtenu ou préparent un Bac Professionnel et cinq ont obtenu ou préparent un BEP/CAP

(contre 11% en population générale43). Nous faisons l’hypothèse que les jeunes sont

davantage orientés vers des cursus courts par l’institution afin qu’ils obtiennent rapidement

un diplôme et, de ce fait, qu’ils puissent être rapidement employable et accéder alors à une

autonomie financière. De plus, Frechon et Marquet44 (2016) ajoutent que cette orientation en

cursus court pourrait résulter des éventuelles difficultés scolaires rencontrées tout au long du

parcours des jeunes. Cela pourrait également, selon Mainaud45 (2013) être la conséquence

d’une volonté des référents que la durée d’étude n’excède pas l’année des dix-huit ans, année

de la fin de l’accompagnement. De ce fait, cela voudrait dire que les jeunes placés n’auraient

pas une totale indépendance dans le choix de leur cursus scolaire et qu’il leur serait plus ou

moins imposé. Or, du point de vue de Cécile Van de Velde (2008), la jeunesse représente un

42 Source : Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, Repères et références statistiques

sur les enseignements, la formation et la recherche, 2016. 43 Source : Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, Repères et références statistiques

sur les enseignements, la formation et la recherche, 2016. 44 Frechon, I. Marquet, L. (2016) « Comment les jeunes placés à 17 ans préparent-ils leur avenir ? », Document de travail 227, Ined. 45 Mainaud, T. (2013), Echecs et retards scolaires des enfants hébergés par l’Aide Sociale à l’Enfance. Etudes et résultats n°845, DREES.

55

moment particulièrement important dans la vie d’un individu car c’est le temps du choix des

études et de formation et en cela la jeunesse « représente un investissement à vie46 ». En

effet, les études réalisées et les diplômes obtenus détermineront le statut social de l’individu et

son appartenance à un corps professionnel. Dans le cas des jeunes placés, ces choix ne

seraient pas toujours pris de leur plein gré et seraient parfois influencés par l’institution par le

biais de leurs éducateurs ou référents. Amanda (20 ans, sortie à 19 ans) confie, à ce propos,

que son cursus scolaire lui a été imposé par son référent et ne correspondait pas à ses projets,

ni à sa personnalité. Elle regrette de ne pas avoir été soutenue dans le projet de formation

qu’elle avait et encouragée dans ce sens. Elle est diplômée d’un BEP Accompagnement, soins

et services à la personne mais explique que cette orientation lui a été imposée et ne l’intéresse

aucunement.

« C’est pas ce que je voulais parce que moi je suis trop faible, je peux pas les aider les

autres. Je vais m’attacher à une personne malade, elle va partir, je vais être perturbée. C’est

pas du tout un métier fait pour moi, on m’a imposé ça mais c’est n’importe quoi. Je sais pas

gérer mon attachement aux gens alors je ne peux pas travailler avec les gens. »

(Amanda, 20 ans, sortie à 19 ans.)

De plus, deux des jeunes que nous avons rencontrés n’étaient pas en formation à la veille

de leur sortie de l’ASE. Warda (22 ans, sortie à 21 ans) n’était pas en étude à ses 17 ans

puisque c’est l’âge auquel elle a été accueilli à l’ASE et était, de ce fait, plus dans une phase

d’adaptation à son nouveau milieu que dans une phase de projection vers l’avenir. Quant à

Tom (19 ans, sorti à 18 ans), celui-ci explique qu’il était à cette période dans une phase de

« rébellion » contre l’institution et ne voulait donc pas s’intéresser à l’école. Cette phase de

rébellion était due au fait qu’il n’acceptait pas sa situation de placement et refusait, de ce fait,

toutes les opportunités qui lui étaient offertes par l’institution.

Les faits de ne pas connaître ou encore de ne pas comprendre la raison de son placement

sont des facteurs qui peuvent influencer le comportement du jeune tout au long de ce

placement. Ainsi, Tom (19 ans, sorti à 18 ans) arrivé à 12 ans et qui n’a jamais accepté le fait

46 Van de Velde, C. (2008), Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe., Paris.

56

d’être retiré de son milieu familial explique avoir été, tout au long de son placement, en colère

contre l’institution et, de ce fait, avoir toujours fait son possible pour enfreindre les règles qui

lui étaient imposées.

« Moi j’étais pas d’accord d’être là, moi ma vie avec ma famille elle me convenait très

bien et au pire si eux ça leur plaisait pas, ils pouvaient me mettre chez quelqu’un d’autre de

ma famille mais pas là. Je détestais être là, ils croient que tu leur appartiens alors que non, je

restais le fils de mes parents et j’avais pas envie de leur obéir à eux. Alors je faisais tout pour

qu’on me vire, je faisais tout pour les faire chier. J’obéissais pas, je fuguais, je faisais

n’importe quoi exprès. »

(Tom, 19 ans, sorti à 18 ans)

Ce comportement chez Tom explique un mal être, une colère envers sa situation qu’il

exprime en rejetant toutes les aides, toutes les mains qui lui sont tendues par l’institution.

D’après Granval, ce comportement peut s’expliquer par le fait que malgré parfois des

situations de placement dues à des maltraitances, la famille reste les racines du jeune. Pour

lui, le jeune a « une représentation de sa famille qu’il s’est construite intérieurement47 » et ce,

même s’il a été victime de violence ou de rejet de sa part. Ainsi, il est difficile pour ces jeunes

de concevoir l’intervention de l’ASE comme une aide, ils auraient davantage tendance à

considérer les professionnels qui les entourent comme des concurrents de leur famille. Ici,

Tom est dans la situation de nombreux enfants placés qui n’acceptent pas le placement et qui

se le représentent comme uniquement un acte de séparation. Emilie Potin (2009) explique que

ces enfants, à leur arrivée à l’ASE, peuvent avoir tendance à ne pas se dissocier de leurs

parents malgré les raisons de leur placement et, ainsi être « dans un premier temps assuré que

ce sont les services sociaux et la justice qui lui veulent du mal à lui et à sa famille. »48. Dans

cette phase, le jeune n’envisage aucunement l’intervention de l’ASE comme une protection

éventuelle de son milieu familial. Tom a donc un discours assez négatif sur son parcours à

l’ASE. Il fait partie des jeunes qui ont présenté l’institution comme un lieu de privation. En

47 Granval, D. (2010), Projet éducatif et famille. Comment faire participer la famille ?, L’Harmattan, Technologie de l’Action Sociale, Paris. 48 Emilie Potin, « Vivre un parcours de placement. Un champ des possibles pour l’enfant, les parents et la famille d’accueil. », Sociétés et jeunesses en difficulté [Online], n°8 | Automne 2009.

57

effet, chez les jeunes qui avaient peu de cadre et une grande liberté dans leurs actions chez

leurs parents, entrer à l’ASE représente un grand changement. Il leur faut apprendre à vivre

avec le cadre et les règles imposés par l’institution. Par ailleurs, en comparaison aux autres

jeunes qui ne font pas parti des dispositifs de l’ASE, ces jeunes se sentent beaucoup plus

encadrés et contraints. Ainsi, quand arrive la période de l’adolescence et de la construction

identitaire, le respect de ces règles devient parfois compliqué pour ces jeunes. Bella (20 ans,

sortie à 18 ans) qui était en famille d’accueil utilise le terme de « prison » pour évoquer les

règles imposées par l’ASE.

« Bah maintenant je suis bien contente qu’ils soient plus derrière mon dos en fait. Parce

que maintenant je me sens plus libre ! quand on est là bas, par exemple dormir chez des

copines, c’est pas possible. Ou alors il faut demander, faire des demandes, ils viennent voir

comment c’est chez ta copine en fait tu es un peu comme en prison quoi. Moi j’aimais pas ça,

je suis quelqu’un d’assez libre alors voilà ça me plaisait pas de trop. »

(Bella, 20 ans, sortie à 18 ans)

En effet, lorsque les adolescents dans la population générale acquièrent plus de libertés

comme la possibilité de découcher ou de sortir plus librement, le placement peut apparaître

pour ces jeunes comme une réelle contrainte. Habib (19 ans, sorti à 18 ans) confie avoir du

mal à respecter l’heure à laquelle les jeunes doivent rentrer au foyer le soir. Mike (20 ans,

sorti à 17 ans) explique également avoir eu du mal à respecter les règles imposées par

l’établissement car il les trouvait trop strictes. Il a d’ailleurs été contraint de changer de foyer

car il enfreignait trop les règles fixées dans le premier. De ce fait, certains jeunes pour

« échapper » temporairement à ce milieu contraignant vont fuguer ou alors s’éloigner du

foyer le temps des week-ends. Habib (19 ans, sorti à 18 ans) nous a ainsi raconté quitter le

foyer chaque week-end pour pouvoir mener « la même vie que les autres jeunes de mon âge.

Le week-end, je sortais jusqu’à dimanche soir où je rentrais au foyer. Ça me permettait de

faire toute ma vie privée en dehors du foyer ». En effet, plusieurs jeunes ont évoqué avoir le

sentiment de ne pas pouvoir avoir de vie privée lorsque l’on fait l’objet d’un placement

notamment en structure collective. Nombreux sont les enquêtés nous ayant évoqué avoir eu le

sentiment d’être freinés dans leurs relations amoureuses par rapport aux permissions de sortie,

58

aux autorisations ou non d’inviter une personne au sein du foyer. Huit de nos enquêtés avaient

un(e) petit(e) ami(e) à la veille de leur majorité. Cela fait écho aux chiffres des premiers

résultats de l’ELAP (2016). En effet, à l’âge de 17 ans, d’après l’ELAP, près de la moitié des

répondants de l’étude avaient un(e) petit(e) ami(e). L’institution et les règles qu’elle fixe

peuvent venir compliquer l’entretien du lien amoureux, notamment lorsque la/le petit(e)

ami(e) n’est pas un jeune faisant l’objet d’un placement. Pour éviter cela, certains jeunes vont

alors mettre en place des stratégies pour cacher cette relation aux éducateurs et référents.

Enfin, la vie en collectivité peut peser sur certains jeunes qui ont le sentiment de ne pas avoir

assez de libertés et d’autonomie dans ce type de structure. C’est le cas notamment des anciens

MNA qui ont parfois le sentiment d’être trop infantilisés. Inaya (19 ans, sortie à 18 ans)

confie avoir été un peu frustrée à son arrivée en foyer en France car les adolescents français

n’ont pas les mêmes responsabilités, tâches à faire, que les adolescents dans son pays

d’origine. Elle avait donc l’impression de « retourner en enfance, d’être une petite » et était

quelque peu gênée de devoir dépendre de personnes pour faire des tâches qu’elle savait faire

elle-même. De ce fait, plusieurs jeunes nous ont expliqué ne pas avoir apprécié vivre en

structure collective et nous ont confié qu’ils auraient préféré connaître le placement en famille

d’accueil. La famille d’accueil représente dans l’imaginaire des jeunes n’en ayant pas

bénéficié un lieu de placement « beaucoup moins sévère, où on est beaucoup plus libre, on a

plus une vie normale que lorsque l’on est en foyer » (Jack, 20 ans, sorti à 18 ans).

Enfin, certains jeunes rencontrés nous ont également confié avoir quelques rancœurs,

mauvais souvenirs de leur passage à l’ASE car il a pu parfois les « handicaper » (Kassy, 19

ans, sortie à 18 ans) dans leur vie. En effet, plusieurs enquêtés affirment avoir souvent fait

l’objet de discriminations, de remarques du fait d’être un enfant placé tout au long de leur

parcours et même parfois toujours depuis leur sortie. Les termes « enfants de foyer », « cas

soc’ » ou encore « enfants de la DDASS » étaient récurrents dans les entretiens des jeunes

pour évoquer les étiquettes stigmatisantes dont ils faisaient l’objet. En cela, le passage à

l’ASE peut aussi être comparé à un passage en prison par ces jeunes puisque tel qu’un détenu

et son entourage font l’objet de jugements et de stigmatisation (Caroline Touraut, 2012), ils

font eux aussi l’objet de jugements et de stigmatisation à cause de leur statut d’enfant placé.

Pour Lionel Dany 49(2006), le stigmate d’enfant placé – contrairement à des stigmates visibles

tels que le handicap ou encore la couleur de peau – est plus facilement dissimulable.

Néanmoins, la condition d’enfant placé doit parfois être révélée pour des questions

49 Dany, L. (2006), « L’expérience de la prise en charge éducative. », Sociétés et jeunesses en difficultés, n°2.

59

d’organisation à certaines personnes (les professeurs, les recruteurs, les amis, etc.). Ainsi,

Amanda (20 ans, sortie à 19 ans) évoquait avoir plusieurs fois reçu des remarques de la part

de ses professeurs par rapport à son statut d’enfant placé tandis qu’Inaya (19 ans, sortie à 18

ans) évoquait le comportement discriminant de ses camarades de classe. Ces jugements

peuvent se prolonger au-delà du temps où le jeune était accueilli à l’ASE. Kassy (19 ans,

sortie à 18 ans) confie, par exemple, se sentir stigmatisée lorsqu’elle se présente à des

entretiens d’embauche pour des jobs d’été et qu’elle présente son parcours.

« Moi quand je me présente pour un job d’été dans l’animation de centres aérés, tout ça

et que j’explique que je viens d’un foyer et que maintenant je suis en FJT et que j’ai un

référent ASE, et bah ils sont inquiets ça se sent, ils posent plein de questions. Mais moi je suis

désolée, c’est pas parce que mes parents avaient des problèmes pour nous élever que moi j’ai

des problèmes pour gérer des enfants, je suis quelqu’un de stable et de saine, y a pas de

craintes à avoir ».

(Kassy, 19 ans, sortie à 18 ans)

Bella, elle, a fait l’objet d’un rejet de la part des parents de son petit ami dû à son statut

d’enfant placé. Isabelle Frechon (2016) dénonce le fait que ces jeunes soient encore trop

souvent victimes de clichés, vus péjorativement et considérés comme des jeunes « perdus

d’avance50 ». Selon elle, la population, en général, ne fonde que peu d’espoir dans le devenir

de ces jeunes. Cette stigmatisation de par leur statut d’enfant placé peut les amener à des

difficultés d’insertion sociale en plus d’une perception négative d’eux-mêmes. Lionel Dany

(2006) dénonce les méfaits que peut avoir cette stigmatisation et cette dévalorisation des

enfants placés. Le fait d’être victime de clichés dus à leur condition pourrait impacter leur

estime d’eux-mêmes, la réussite scolaire ou encore les amener à être sujet à la dépression ou à

l’isolement social. Tout cela pourrait les conduire à adopter, selon lui, « des comportements

inadaptés51 » tels que tomber dans la délinquance ou la prise de risque pour eux-mêmes. Or,

la plupart de ces jeunes, de par leur histoire, ont d’autant plus besoin d’être encouragés,

50 Frechon, I. Marquet, L. (2016) « Comment les jeunes placés à 17 ans préparent-ils leur avenir ? », Document de travail 227, Ined. 51 Dany, L. (2006), « L’expérience de la prise en charge éducative. », Sociétés et jeunesses en difficultés, n°2.

60

valorisés dans leur parcours afin qu’ils puissent prendre confiance en ce qu’ils sont et dans

leur devenir.

Les éducateurs et les référents jouent un rôle primordial dans cette mise en confiance des

jeunes et indirectement dans la perception de leur parcours.

1.2. Rapport aux éducateurs et référents comme booster dans le parcours

Le rapport aux référents mais encore plus aux éducateurs ou à la famille d’accueil

influence la façon dont les jeunes perçoivent leur parcours. En effet, si les jeunes se sont

sentis accompagnés, suivis et écoutés par leurs référents, cela se ressent dans leur discours sur

leur perception de l’institution et sur le regard qu’ils posent sur leur parcours. A contrario, si

les jeunes se sont sentis incompris, pas/peu soutenus par leurs référents, les discours portés

envers l’institution sont beaucoup plus négatifs. Ainsi, Amanda (20 ans, s ortie à 19 ans)

confie n’avoir eu que des mauvaises expériences avec ses référents et notamment le dernier.

Elle se sentait incomprise par celui-ci et pense donc qu’à l’ASE « on ne fait rien pour nous

aider à nous en sortir, ils te freinent dans tous tes projets. Tu ressors d’un rendez-vous avec

lui, t’es encore plus perdu qu’avant d’y aller parce qu’il te casse dans toutes tes idées ». Pour

elle, le fait qu’elle n’était pas encouragée et guidée par le référent dans la réalisation de ses

projets, ses envies – rôle attribué au référent ASE pour elle – l’amène à avoir une image

négative de l’institution et de la fonction de référent ASE. Kassy (19 ans, sortie à 18 ans) et

Gustave (22 ans, sorti à 18 ans) ont le sentiment, eux, que leur référent n’était que peu présent

pour eux. Kassy indique ainsi que ce qui l’a déçue durant son parcours ASE, c’est

« l’intervention avec les référents parce qu’ils ne sont jamais là, ils répondent rarement au

téléphone et quand tu les vois c’est en coup de vent, t’as pas le temps de leur parler de quoi

que ce soit, une fois que eux ils ont eu les informations que eux ils voulaient, c’était tout voilà

merci au revoir. Moi je l’ai vécu comme ça ». Kassy reproche, ici, à ses référents de n’être

que trop centrés sur leurs objectifs et de ne pas s’intéresser aux jeunes dans leur entièreté. Ce

reproche ressort également d’autres entretiens. Anna (22 ans, sortie à 17 ans et demi) explique

qu’elle se sentait invisible aux yeux de sa référente et qu’elle n’arrivait donc pas à nouer de

liens avec elle. Elle avait également l’impression que celle-ci ne lui adressait la parole que

61

pour souligner le négatif dans sa conduite et regrette de ne pas avoir été encouragée, félicitée

par cette dernière.

« Déjà, j'avais l'impression d'être transparente parce que quand elle venait ma

référente c'était pour un rendez-vous avec mon éducatrice au foyer et une personne

référente du foyer et elle ne parlait jamais directement avec moi mais avec eux et j'avais

l'impression que c'était juste pour pointer le négatif et jamais pour parler du positif.

Jamais elle est venue pour m'aider dans mes démarches mais c'était toujours pour me

disputer par rapport aux bêtises que j'ai pu faire dans mon enfance en fait ».

(Entretien Anna, 22 ans, sortie à 17 ans et demi).

Pour Bella (20 ans, sortie à 18 ans), lorsque les référents sont « trop professionnels »,

les jeunes ne se sentiraient pas en confiance, à l’aise pour s’exprimer et adopteraient alors

« un discours de façade qui va dans le sens de ce qu’ils veulent entendre » pour éviter de

s’ouvrir ou se confier sur les difficultés éventuelles rencontrées ou sur les incertitudes.

Mike (20 ans, sorti à 17 ans) qui ne s’entendait pas avec sa référente a décidé de ne plus

faire appel à elle lorsqu’il avait des requêtes mais de passer directement par le tribunal

(placement judiciaire). Cependant, nombreux sont les jeunes satisfaits des relations qu’ils

entretenaient avec un ou des référents durant leur parcours à l’ASE. Warda (22 ans, sortie

à 21 ans) estime avoir eu « la chance » tout au long de son parcours d’avoir eu de bonnes

référentes qui l’ont toujours soutenue et aidée malgré son comportement qui posait

problème. Bella (20 ans, sortie à 18 ans) confie également avoir eu de très bonnes

expériences avec deux de ces référentes. Elle avait instauré une relation de confiance avec

celles-ci et cela l’a aidé à prendre confiance en elle, en l’institution.

« Moi avec ma référente, on s’entendait grave bien, je l’aimais bien, elle me prenait

des fois au Mac Do tout ça, et on s’entendait bien alors moi ,je lui racontais mes petits

secrets et elle, elle me racontait quelques petites choses de sa vie à elle aussi. »

(Bella, 20 ans, sortie à 18 ans)

62

Cette relation de confiance instaurée avec la référente lui a permis de s’affirmer, d’ôter la

« carapace » qu’elle s’était mise jusqu’alors et d’oser prendre plus d’initiatives pour elle-

même. En effet, le fait d’avoir instauré ce lien de confiance réciproque avec la référente la

laissait penser qu’elle « pouvait compter sur elle [la référente] » en cas de problèmes et l’a

ainsi aidé à avancer et s’affirmer dans ses projets. Les liens noués avec les référents et le

travail mené par ceux-ci auprès du jeune auraient donc un impact indirect sur le vécu du

parcours par les jeunes. Ceci serait d’autant plus vrai pour les relations entretenues avec les

éducateurs ou les assistants familiaux, personnes en contact avec les jeunes au quotidien.

Le fait d’avoir instauré de bons rapports et de se sentir écoutés par les éducateurs ou les

assistants familiaux permet aux jeunes de se sentir à l’aise dans leur lieu d’accueil. Ces jeunes

se sentent alors satisfaits de l’accompagnement qu’ils ont reçu. Douze des quinze jeunes que

nous avons rencontré avait un regard positif sur l’accompagnement reçu de la part des

éducateurs ou des assistants familiaux. En structure collective, les jeunes ont à faire au même

groupe d’éducateurs qui vont se relayer pour travailler auprès d’eux. Ces enfants placés vont

donc être amenés à nouer des liens avec les éducateurs puisqu’ils vont grandir avec eux et

partager avec eux des moments heureux et d’autres moins. En effet, les éducateurs sont auprès

des jeunes jours et nuits, et dans toutes les activités du quotidien.

« Au bout d’un moment, tu tisses des liens forcément avec eux, y en a toujours un avec qui

tu t’entends mieux que les autres. Mais il y en a une, c’était ma confidente, je m’entendais

super bien avec elle, je lui faisais confiance, je savais qu’elle était là pour mon bien. »

(Valentin, 20 ans, sorti à 18 ans)

Ainsi, les jeunes peuvent s’attacher aux éducateurs car ils représentent un repère dans leur

parcours. Anna (22 ans, sortie à 17 ans et demi) explique être reconnaissante du travail des

éducateurs qu’elle trouvait patients, attentifs et conciliants avec les jeunes. Les meilleurs

souvenirs de son parcours qu’elle évoque sont des moments qui pourraient être douloureux

pour les jeunes placés loin du milieu familial (Noël, Anniversaires, etc.) mais rendus

agréables par les éducateurs.

63

« Les Noël. C'est peut-être tout con mais ils faisaient vraiment une jolie fête où on

voyait qu'ils y mettaient du budget quand même. Ils réservaient une grande salle, on était

tous autorisés à aller au coiffeur, on avait un budget pour s’acheter une tenue donc nous

les filles on était trop contente. Et puis je me disais que les éducateurs ils ne fêtaient pas

Noël avec leurs propres enfants mais ils étaient là avec nous. Ca doit être dur pour eux

aussi. Et on voyait qu'ils étaient peinés pour nous. Le jour de Noël ils n'étaient pas pareils

qu'à l'habitude, ils étaient trop gentil, trop calme. La plupart de ceux du foyer, on avait

plus de parents donc ils étaient tristes pour nous. »

(Entretien Anna, 22 ans, sortie à 17 ans et demi)

De nombreux jeunes ont aussi évoqué les jours d’anniversaire pour lesquels l’absence de

la famille était rendue moins douloureuse par les éducateurs et les petites fêtes organisées.

Celles-ci rendaient le lieu de placement plus convivial, plus familial. Inaya (19 ans, sortie à 18

ans) se souvient ainsi des fêtes qui étaient organisées le jour de son anniversaire ou encore des

fêtes organisées pour récompenser l’obtention d’un examen ou de bons résultats scolaires.

« A notre anniversaire, on nous préparait une petite fête, c’était sympa, on recevait

des cadeaux, les éducateurs étaient présents et aussi les autres jeunes du foyer. On

soufflait un gâteau, ça nous permettait de passer un bon moment. Quand on réussissait un

examen, c’était pareil, on fêtait ça pour nous récompenser ou alors si on avait un bon

bulletin, on avait un petit billet pour nous récompenser. »

(Inaya, 19 ans, sortie à 18 ans)

Ces moments permettent, là encore, de mettre le jeune à l’aise et d’instaurer une

atmosphère qui s’apparente le plus possible à une vie familiale malgré le placement en

collectivité. Par ces attentions, les jeunes se sentent considérés et estimés par leurs éducateurs

et vont donc plus s’investir dans les tâches qui leur sont confiées par ces derniers.

Néanmoins, il arrive que des jeunes se sentent incompris ou délaissés par des éducateurs.

64

Amanda (20 ans, sortie à 19 ans) nous a confié avoir souvent eu l’impression d’être délaissée

par la plupart des éducateurs qu’elle a rencontré tout au long de son parcours. Lorsqu’elle est

arrivée à l’ASE à deux ans, elle ne savait s’exprimer que par les coups. Elle rejetait toute

tentative de contact de la part des éducateurs. Selon elle, ceux-ci n’ont pas fait l’effort de la

comprendre et elle a donc été délaissée. Cela a fait qu’elle a toujours eu tendance à être

distante et méfiante face aux éducateurs. Ce comportement à l’égard des éducateurs a été

renforcé par des faits de maltraitance dont elle a été victime de la part d’un d’entre eux. Tom

(19 ans, sorti à 18 ans) pense également que, face à son comportement [lié à la colère d’être

placé], les éducateurs l’ont rapidement délaissé. Cela l’aurait conforté dans son comportement

négatif envers l’ASE et toutes les personnes travaillant pour l’institution.

Enfin, on constate chez les jeunes ayant connu plus de deux foyers – et de ce fait,

beaucoup de ruptures de liens avec des éducateurs – un investissement moindre dans

l’entretien des liens avec les professionnels dans les derniers foyers fréquentés. Emilie Potin

(2009) utilise le terme « d’enfants déplacés 52» pour désigner ces jeunes ayant connu plusieurs

lieux de placement. Amanda (20 ans, sortie à 19 ans) fait partie de ces « enfants déplacés ».

Elle explique avoir souffert de ces nombreux changements qui entrainaient à chaque fois la

perte de repères qu’elles avaient mis longtemps à construire.

« Dès que je m’attache à quelqu’un, je trouve des repères, ça me donne confiance en moi

mais ça ne dure jamais longtemps parce que soit c’est pas possible d’être proche par rapport

à la relation de travail, soit les autres sont jaloux et il faut s’éloigner donc hop moi je reperd

mes seuls repères, je me renferme sur moi-même, je le vis mal et après je fais des tentatives de

suicide ».

(Amanda, 20 ans, sortie à 19 ans)

Son propos illustre les propos d’Emilie Potin (2016) au sujet des « enfants déplacés ».

D’après elle, les jeunes ayant connus plusieurs lieux d’accueil pourraient faire face à un

épuisement et une crainte de créer des liens qui risqueraient d’être rompus de nouveau. De ce

fait, le jeune se retrouverait « dans une situation où la sécurité n’est pas forcément plus 52 Potin, E. (2012), Enfants placés, déplacés, replacés : parcours en protection de l’enfance. Erès, Coll. Pratiques du champ social, 218 p.

65

acquise que dans son milieu d’origine53 ». Ici, Amanda, pour exprimer son mal-être et trouver

de l’attention va tenter de se suicider à plusieurs reprises ou encore fuguer.

Pour les jeunes placés en famille d’accueil, la relation avec l’assistant familial semble

également importante dans leur parcours. La famille d’accueil est pleinement impliquée dans

la vie quotidienne du jeune qu’elle accueille et, de ce fait les jeunes et la famille d’accueil

peuvent réciproquement s’attacher l’un à l’autre. Ce fait est d’autant plus vrai lorsque les

jeunes ont été placés dans une même famille d’accueil pour une longue durée. Avec cette

famille, les jeunes vont traverser les épreuves et les étapes de la vie. Bella (20 ans, sortie à 18

ans) évoque ainsi avoir fait sa « crise d’adolescence » pendant qu’elle était en famille

d’accueil, période où elle se présente comme particulièrement « odieuse et irrespectueuse ».

D’après elle, cette épreuve n’a fait que renforcer les liens qu’elle avait noués avec l’assistante

familiale qui l’accueillait. S’instaure alors une relation complice entre elle et l’assistante qui

l’accueille. Le quotidien, les expériences de la vie mais aussi la confiance mutuelle que se

donnent – au bout d’un processus plus ou moins long – le jeune et l’assistant familial vont

permettre la création d’un lien assez fort entre les deux parties débouchant parfois sur

l’intégration du jeune comme un membre de la famille. Ainsi, les deux enquêtés accueillis par

des assistants familiaux se souviennent avoir participé aux événements familiaux de la famille

d’accueil (mariage, anniversaire d’un enfant, départ en vacances, fêtes de fin d’années, etc.).

Cela peut les conduire à assimiler l’assistant familial comme membre de leur famille et à se

sentir eux-mêmes comme membre de cette famille. Pour des enfants en famille d’accueil

depuis très longtemps ou encore des jeunes suivis pendant des années, la situation peut-être

complexe. En effet, ces jeunes peuvent se créer des relations de parenté avec ces personnes.

Dumaret (2001) évoquait, à ce propos, la notion floue de « vrais parents 54» utilisée dans des

entretiens menés auprès de jeunes placés en famille d’accueil. La notion de vrais parents était

utilisée tantôt pour parler de la famille biologique, tantôt pour parler de la famille d’accueil.

Nous avons pu constater, lors des entretiens menés avec les jeunes, des propos similaires

utilisés pour évoquer la famille d’accueil ou encore l’éducateur. Nelly (20 ans, sortie à 18 ans)

en famille d’accueil depuis l’âge de ses huit ans nous disait pour parler de l’assistante

familiale qui l’a accueilli qu’elle était pour elle « comme [ma] maman et je la considère

53 Potin, E. (2012), Enfants placés, déplacés, replacés : parcours en protection de l’enfance. Erès, Coll. Pratiques du champ social, 218 p. 54 Dumaret, A.C. (2001), « Vivre entre deux familles, ou l’insertion à l’âge adulte d’anciens enfants placés », Dialogue, vol. n°152, n°2, pp.63-72.

66

encore comme telle aujourd’hui ». Jack (20 ans, sorti à 18 ans) explique, lui, considérer un

des éducateurs du foyer « comme son grand frère ». Se pose alors la question des liens de

filiation/affiliation. Alors que les liens de filiation sont innés, les liens d’affiliation sont « le

reflet d’un processus actif de la part de l’enfant »55. En général, les liens d’affiliation se

tournent vers la famille biologique de l’enfant mais pour les enfants placés, cela se

complexifie. B. Ribes56 (1986) explique que le processus d’affiliation est un long

cheminement sur la durée et que la séparation liée au placement vient le perturber. De ce fait,

lorsque l’enfant fait l’objet d’un placement sur le long terme et qu’il a, au cours de celui-ci,

peu de contacts avec sa famille biologique, il est possible que l’enfant s’affilie à sa famille

d’accueil ou à ses éducateurs et qu’il les considère – plus que les membres de sa famille

biologique – comme des membres de sa famille. Cette « parentalité additionnelle57 » comme

la nomme Cadoret (1995) a du mal à être reconnue car elle heurte la conception de parenté

unique ancrée dans notre société. Myriam David (1989) explique donc que le placement fait

de l’enfant un enfant partagé, « qui lutte compulsivement pour et contre son appartenance

tantôt à l’une, tantôt à l’autre famille58 ». Le jeune serait donc divisé entre une parenté de

filiation, reconnue par le droit et une parenté d’élection, qui dépend du lien affectif59.

Cela vient interroger la place et le rôle laissés aux parents ou à la famille au sens large

durant le parcours de placement de leur enfant. Nous avons abordé cette question avec les

jeunes que nous avons rencontrés – lorsque cela était possible – afin de comprendre comment

ces jeunes ont vécu la relation entretenue avec leur famille durant le placement. Nous

tâcherons de l’expliquer dans la partie suivante.

1.3. Et la place des familles ?

Les mesures de protection visent avant tout la protection des mineurs non protégés par

leur famille. Le retrait d’un enfant de son environnement familial implique le non respect des

55 Wendland, J. Gaugue-Finot, J. (2008), « Le développement du sentiment d'affiliation des enfants placés en famille d'accueil pendant ou après leur petite enfance », Devenir, vol. 20, no. 4, pp. 319-345. 56 Ribes, B. (1986), « La Filiation, ruptures et continuité ». Actes du Colloque de Vaucresson, Editions Vanves, 26-28 Juin 1985. 57 Cadoret, A. (1995), Parenté plurielle : anthropologie du placement familial, Paris, l’Harmattan. 58 David, M. (1989), Le placement familial ; de la pratique à la théorie., éd. ESF. 59 Sellenet, C. (2017), Vivre en famille d’accueil, à qui s’attacher ?éd. Belin, Paris.

67

« pratiques familiales normatives »60. Ces pratiques familiales sont fondées sur des normes et

des valeurs ancrées dans notre société et leur non respect peut entraîner l’intervention d’un

professionnel de la protection de l’enfance auprès de la famille en vue de protéger l’enfant

d’un danger ou risque de danger. A travers ces mesures, Emilie Potin (2011) explique que la

société recherche également sa propre protection car la prise en charge de ces familles

permettra l’assurance de « bonnes conditions d’évolution à ses jeunes membres et à ses futurs

citoyens »61. Ainsi, la société s’assure du maintien de « l’ordre social et de la sécurité

publique »62. Jusqu’à la loi du 5 Mars 2007, l’entretien de la relation parent/enfant ne faisait

pas l’objet d’une priorité en protection de l’enfance. Emilie Potin (2011) ajoute d’ailleurs que

jusqu’alors, si cette relation pouvait parasiter la sécurité de l’enfant ou l’ordre social, elle était

invitée à « se délier – souvent de manière peu explicite avec le temps, la distance, la

disqualification … »63. La loi de 2007 vient donc réorienter les pratiques des professionnels

qui se doivent d’être dorénavant plus coopérants avec les familles. Mike (20 ans, sorti à 17

ans) ne semble pas satisfait de la place qui était laissée à ses parents lorsqu’il était en foyer. Il

trouvait que le rôle de parents leur avait été « volé » puisque toutes décisions à son sujet

faisaient l’objet d’un accord de sa référente. Mike n’acceptait particulièrement pas le fait que

les visites avec sa famille soient contrôlées. En effet, s’il voulait voir sa famille, il devait

respecter les jours et horaires où celle-ci était autorisée à lui rendre visite. Ces visites avaient,

dans un premier temps, lieu dans un local de l’UTPAS et sous le contrôle d’un travailleur

social. Dans un second temps, les visites au domicile familial ont été autorisées mais

contrôlées dans la durée. Pour échapper à ce contrôle, Mike confie qu’il lui arrivait d’aller

rencontrer sa famille en dehors de ces temps autorisés.

« C’est mes parents, j’ai le droit de les voir, c’est normal. Déjà ils m’avaient mis loin d’eux

quand même, moi j’avais qu’un vélo, c’était une galère pour aller les voir. Mais moi, j’avais

besoin de voir ma mère et mes petits frères, j’en avais besoin, c’est ma famille quand même.

60 Potin, E. (2011), « Du lien dangereux au lien en danger, la place des parents quand leur enfant est placé », Recherches familiales, vol. 8, no. 1, pp. 115-133. 61 Potin, E. (2011), « Du lien dangereux au lien en danger, la place des parents quand leur enfant est placé », Recherches familiales, vol. 8, no. 1, pp. 115-133. 62 Potin, E. (2011), « Du lien dangereux au lien en danger, la place des parents quand leur enfant est placé », Recherches familiales, vol. 8, no. 1, pp. 115-133. 63 Potin, E. (2011), « Du lien dangereux au lien en danger, la place des parents quand leur enfant est placé », Recherches familiales, vol. 8, no. 1, pp. 115-133.

68

Alors eux, ils ont rien à dire là-dessus, si je veux voir ma famille, il est où le problème ? Tant

que je rentre bien le soir et que je suis tranquille. »

(Mike, 19 ans, sorti à 17 ans)

Ici, Mike accepte l’intervention de l’institution auprès de lui mais ne comprend pas le rôle

laissé à sa famille dans son parcours. Il avait le sentiment que le rôle de ses parents avait été

repris par l’institution. Pour illustrer cette idée, Mike nous a évoqué le fait que ces codes

Pronote – permettant le suivi des présences et des notes des jeunes scolarisés – étaient confiés

à son éducateur et n’étaient pas transmis à ses parents. Il semble soucieux d’entretenir le lien

parent/enfant et explique avoir transmis lui-même ses codes à ses parents pour « leur donner

un peu plus de pouvoir ». Pour lui, ses parents avaient plus un rôle de « spectateur » de son

avancée qu’un rôle de « décideur ». Tom (19 ans, sorti à 18 ans) est dans le même état

d’esprit.

« J’avais l’impression d’être plus l’enfant de l’ASE que celui de mes parents. »

(Tom, 19 ans, sorti à 18 ans)

Il n’a eu, au cours de son placement, que peu de rencontres avec sa famille et considère que

cela a conduit à la détérioration de sa relation avec ses parents. Il accuse l’ASE d’être

responsable du fait que ces parents ne lui rendaient pas visite et donc à l’origine de cette perte

de relation avec eux. Amanda (20 ans, sortie à 19 ans), elle, regrette d’avoir perdu contact

avec sa grande sœur au cours du placement. Elles ont été placées ensemble mais ont

rapidement été séparées et ne se voyaient quasiment jamais tout au long du placement. Loana

(22 ans, sortie à 18 ans) confie également avoir manqué de contacts avec sa mère au cours de

son placement. Celle-ci trouve injuste le fait qu’on ait contrôlé ses relations avec sa mère tout

au long du placement. Les rencontres avec sa mère étaient fréquentes puisque sa mère se

présentait à chaque temps de visite prévu par l’ASE tout au long de son parcours. Cependant,

ces visites – d’une heure par mois dans un bureau avec la présence d’un éducateur – ne lui

ont, selon elle, pas permis de créer une réelle relation fille/mère avec elle. De plus, Loana,

placée depuis l’âge de trois ans, a grandi au sein de l’institution sans jamais connaître la

69

raison de son placement. Tout son parcours a été rythmé par des interrogations sur la raison

de son entrée et de celles de ses frères et sœurs à l’ASE. De ce fait, est née en elle une

rancœur à l’encontre de sa mère qui s’est amplifiée à l’âge de l’adolescence. Cette rancœur

s’est exprimée chez Loana par un refus de parler ou de rencontrer sa mère. Néanmoins, sa

mère a persisté et la jeune femme a compris – plus tard, grâce à l’intervention d’une

médiatrice familiale – qu’il avait été demandé à celle-ci de ne pas expliquer les raisons du

placement de ses enfants. Ce silence autour des raisons du placement est fréquent, notamment

chez les enfants faisant l’objet d’un placement depuis leur bas âge. Ce silence pose également

les professionnels dans une situation délicate. Que faire lorsque les jeunes posent des

questions sur leur parcours ? Doit-on leur dire ? Et comment leur dire ? Emilie Potin (2009)

s’est intéressée à ce phénomène. Elle montre que, la plupart du temps, les jeunes ne sont pas

forcément prêts à entendre ce que veulent leur dire les autres puisqu’ils se font leur propre

interprétation de ce qu’ils ont vécu. Il y aurait donc « une distorsion entre la manière dont

l’enfant pense son histoire et le silence, ou les quelques éléments entendus sur la justification

de la mesure, qui renforce l’idée que quelqu’un ment64 ». Amanda (20 ans, sortie à 19 ans) –

arrivée en foyer à deux ans – ne connaît pas non plus clairement les raisons de son entrée à

l’ASE. Elle sait qu’elle a fait l’objet de maltraitances mais ne connait que peu de choses de

son histoire. Sa sœur lui reproche sans cesse d’être à l’origine du placement, ce qui renforce

son envie de connaître les causes de celui-ci. Une fois la majorité atteinte, les jeunes en quête

de leur parcours ont la possibilité de consulter leur dossier d’ASE. Ce dossier permet au jeune

de retracer son parcours depuis son entrée. Néanmoins, des passages du dossier peuvent être

occultés lorsqu’il contient des éléments portant atteinte à la vie privée d’un tiers ou encore

portant atteinte à la sécurité des personnes. Ce constat laisse à penser qu’un travail autour de

l’acceptation des raisons du placement est à mener auprès des jeunes pour les aider à avancer

pendant et après leur passage à l’ASE.

Cependant, les jeunes ne contestent pas tous la place qui était laissée à leurs parents au

cours de leur placement. Gustave (22 ans, sorti à 18 ans) s’estime satisfait de la fréquence des

visites avec ses parents, tout comme Kassy (19 ans, sortie à 18 ans). Ces deux jeunes ont fait

l’objet d’une AEMO avant d’être accueillis physiquement au sein de l’institution. De plus,

Kassy est à l’origine de la demande de placement. On peut donc peut-être expliquer cela par

le fait que ces jeunes étaient mieux préparés à leur entrée physique au sein de l’institution ou

64 Potin, E. (2009) « Vivre un parcours de placement. Un champ des possibles pour l’enfant, les parents et la famille d’accueil », Sociétés et jeunesses en difficulté [Online], n°8.

70

encore, ayant eu l’habitude d’avoir à faire à un professionnel de l’ASE, ils seraient peut-être

plus à même d’accepter la séparation car ils auraient une autre vision – plus positive – de

l’intervention de l’ASE pour eux et pour leur famille. Enfin, pour d’autres, il n’est pas

envisageable d’avoir des contacts avec leur famille en raison des faits qui ont causé le

placement (décès des parents, pupilles de l’Etat, MNA, etc.). Ces constats ci-dessus sont

cohérents avec les premiers résultats de l’ELAP. En effet, selon les auteurs, 38% des jeunes

qu’ils ont enquêtés n’avaient plus aucun contact avec leur mère entre 17 et 20 ans et 59% avec

leur père65. Il serait intéressant, dans une perspective de poursuite de l’enquête, d’approfondir

ce point et de chercher à comprendre les raisons de ces ruptures parentales. Etaient-elles à

l’origine du placement ou en sont-elles une conséquence ?

Nous nous sommes également intéressées aux liens que les jeunes rencontrés peuvent

nouer avec d’autres jeunes dont ils ont partagé le lieu de vie. En effet, le placement d’enfants

entraîne le rassemblement sous le même toit de jeunes que rien ne destinait à vivre ensemble.

Ces relations vont également rythmer le quotidien du jeune tout au long de son placement. Le

fait de retrouver des similitudes dans les parcours peut faciliter la création de liens entre les

jeunes. Ainsi, Anna (22 ans, sortie à 18 ans), placée dans un foyer avec d’autres orphelins

explique que leur histoire commune faisait qu’ils étaient tous soudés et que les jugements se

faisaient rare du fait qu’ils avaient plus ou moins vécu la même histoire. Ces amis aux

parcours similaires peuvent alors représenter un repère pour ces jeunes placés. Kassy (19 ans,

sortie à 18 ans) explique avoir rencontré sa meilleure amie durant son adolescence au foyer.

Elles partageaient le même foyer et presque la même histoire. Elles ont donc rapidement

sympathisé et Kassy confie que cette amie était un réel appui pour elle tout au long du

placement. Elle la consultait pour prendre des décisions et inversement. Elle compare la

relation qu’elle avait nouée avec cette amie à la relation qu’elle entretenait avec ses grandes

sœurs avant d’être placée. Mike (20 ans, sorti à 17 ans), lui, présente une fille qu’il a

rencontré au sein de son foyer comme sa « sœur de cœur ». Leurs chemins se sont séparés

lorsqu’il a changé de foyer mais ces deux jeunes sont restés très proches et continuent de se

voir régulièrement. Il confie d’ailleurs que cette amie lui a permis de « sortir la tête de l’eau »

lorsqu’il allait mal et lui permettait d’avoir une conduite convenable.

65 Frechon, Isabelle., Breugnot, Pascale., Marquet, Lucy., « La fin du parcours en protection de l’enfance. Lorsque le passé dessine l’avenir. », 7èmes Rencontres nationales des professionnels en MECS, Les enjeux du

parcours de l’enfant en MECS. Entre attachements, co-responsabilité et transversalité., Paris 30 et 31 Mars 2017.

71

« Si ma pote, elle avait pas été là, j’aurai foutu le bordel plus que ça. Là, j’étais tranquille

parce que si j’avais envie de péter un câble, elle elle savait me calmer »

(Mike, 20 ans, sorti à 17 ans)

Il en est de même pour Bella qui a liée une réelle amitié avec une jeune fille qui

partageait la même famille d’accueil qu’elle. Cette amitié perdure depuis leur sortie. On

constate que cette création de groupe de pairs peut influencer la conduite, le comportement du

jeune. Pour Mike, cette « sœur de cœur » a eu, selon lui, une bonne influence sur lui. Mais il

arrive que des jeunes, pour intégrer un groupe, vont enfreindre les règles, adopter un tout

autre comportement pour se faire accepter. Kassy (19 ans, sortie à 18 ans) nous a ainsi confié

que sa petite sœur de 15 ans placée également était en train de traverser une phase qu’elle

qualifie de « difficile ».Celle-ci avait intégré un nouveau foyer où elle ne connaissait personne

et a, selon Kassy, intégré un groupe de filles qui aurait une « mauvaise influence sur elle » et

qui l’inciterait à enfreindre les règles fixées par le foyer. Elle vient donc d’intégrer

temporairement une famille d’accueil pour un séjour dit de rupture. Il s’agit là d’un séjour

devant à la fois « punir » la jeune fille mais aussi de l’isoler du groupe qui l’influence et lui

permettre, selon Kassy, de « réfléchir sur son comportement ». La construction de liens

amicaux semble donc jouer un rôle dans le parcours de placement et donc de la perception de

celui-ci par le jeune à travers la construction de bons ou de mauvais souvenirs. Néanmoins,

l’absence de construction de liens d’amitié chez certains jeunes peut également contribuer au

fait qu’ils aient un regard négatif sur leur parcours. Amanda (20 ans, sortie à 19 ans) a fait

tout au long de son parcours en foyer, l’objet de moqueries et de rejet de la part des autres

jeunes du fait de son statut de personne en situation de handicap. Cela l’a beaucoup affectée.

Il en résulte un grand manque de confiance en elle et une tendance à se dévaloriser sans cesse.

Tout ceci participe au fait qu’elle ait gardé un mauvais souvenir de son passage long et

éprouvant dans les murs de l’ASE.

Nous l’avons donc vu, ici, le parcours des jeunes au sein de l’ASE résulte de

l’intervention et des interactions qu’il construit avec les différents acteurs qui l’entourent.

Chacun des acteurs évoqués ci-dessus joue un rôle dans la création des souvenirs du jeune

placé et dans la perception qu’il se fait alors de son parcours. De ce fait, chaque parcours est

unique même si des similitudes se dessinent parfois. Le placement des jeunes a pour objectif

72

de les accueillir dans une institution où ils doivent à la fois se sentir en sécurité et chez eux.

Cependant, comme l’explique Laurence Ossipow (2014), ce « chez soi institutionnel ne doit

pas donner aux jeunes l’envie de rester »66. En effet, rappelons que les dernières lois cadre en

Protection de l’Enfance se fixent comme horizon éducatif pour les jeunes qui approchent de la

majorité, la sortie autonome du dispositif dès dix-huit ans. Nous allons, dans la partie

suivante, nous attarder sur la façon dont ces jeunes sont préparés dès seize ans à la vie en

autonomie.

66 Ossipow, L. et al. (2014), Les miroirs de l’adolescence. Anthropologie du placement juvénile, Lausanne, Éditions Antipodes, séries: « Regards anthropologiques », 2014.

73

2. Construire son autonomie dès 16 ans, anticiper sa sortie.

Nous l’avons vu précédemment, la délibération cadre EVA votée en Juin 2016 dans le

Département du Nord se fixe pour objectif « d’accompagner le passage à la majorité à partir

de 16 ans »67. Il s’agit de donner aux jeunes les clés pour voler de leurs propres ailes pour

qu’ils puissent, dès 18 ans, quitter l’institution en étant en capacité de savoir décider pour eux-

mêmes et subvenir à leurs besoins. Cela passe par la préparation à l’autonomie de ces jeunes

afin de leur permettre de s’insérer dans la société et accéder à un logement autonome. Nous

allons voir, ici, comment les jeunes placés en famille d’accueil ou en foyer sont préparés à la

vie en autonomie dès seize ans et la façon dont ils perçoivent ce passage de leur parcours.

2.1. Le cap des 6 ans, se projeter dans l’avenir

L’année des seize ans marque un passage important pour ces jeunes placés puisque c’est

l’âge auquel on commence à leur octroyer un peu plus d’indépendance et de responsabilités.

A partir de cet âge là, les jeunes sont incités à réfléchir à leurs projets d’avenir en termes

d’études, de perspectives d’orientation à la sortie, etc. Les entretiens à ce propos avec le

référent deviennent alors fréquents. A travers cela, le Département a la volonté « d’anticiper

et accompagner les changements liés à la majorité dans une logique préventive afin d’éviter

toute situation de rupture dans les parcours 68». Le rôle des référents est donc primordial dans

cette étape. En effet, c’est lui qui devra orienter, aiguiller le jeune en tenant compte de ses

envies, ses projets.

La plupart des jeunes que nous avons rencontrés ont estimé être satisfaits de l’écoute

qu’ont reçu leurs projets. Ils ont évoqué, en premier lieu, leurs projets professionnels. Pour

Alu (19 ans, sorti à 18 ans), l’avenir se prépare bien avant 16 ans. Il avait donc un projet bien

tracé avant même qu’on lui demande d’y réfléchir. On lui a demandé, l’année de ses seize ans,

de présenter ses vœux d’orientation et c’est « à partir de là que tout s’est préparé ». Il avait

67 Département du Nord, Conseil Départemental, Réunion du 13 Juin 2016, Entrée dans la Vie Adulte (EVA) : de

nouvelles modalités pour des jeunes majeurs accompagnés par l’Aide Sociale à l’Enfance., Délibération votée le 13 Juin 2016. 68 Département du Nord, Conseil Départemental, Réunion du 13 Juin 2016, Entrée dans la Vie Adulte (EVA) : de

nouvelles modalités pour des jeunes majeurs accompagnés par l’Aide Sociale à l’Enfance., Délibération votée le 13 Juin 2016.

74

un projet bien défini qui était de travailler dans les métiers de l’enseigne et de la signalétique.

Sa référente a acquiescé son projet et l’a donc aidé dans les recherches d’écoles préparant à

ces métiers. Alu a apprécié cette aide car elle lui a permis selon lui d’être orienté dans une

école correspondant à son projet et son profil. De plus, il souligne le fait que cet

accompagnement reste respectueux des projets des jeunes.

« C’est pas du tout imposé, ils te demandent ton projet et ils sont là pour t’aider à le

réaliser, ils vont t’écouter. C’est toi qui décide, on ne t’impose rien. »

(Alu, 19 ans, sorti à 18 ans).

Il en est de même pour Habib (19 ans, sorti à 18 ans) qui avait déjà un projet clairement défini

et qui a été aiguillé vers une école en correspondance avec celui-ci. Bella (20 ans, sortie à 18

ans) ajoute que pour leur offrir toutes les chances de réussite, l’institution n’hésite pas à les

inscrire dans des écoles payantes financées par l’ASE. Cependant, il arrive que certains jeunes

n’aient pas encore de projets clairement définis à seize ans. Ainsi, l’éducateur d’Inaya (19

ans, sortie à 18 ans) – qui n’avait pas vraiment d’idées précises – lui a fait rencontrer ses

professeurs pour faire un point sur son niveau et ce vers quoi elle pourrait s’orienter en

fonction de celui-ci. Après cela, elle s’est orientée en formation Aide Soignante. Inaya insiste

également sur le fait que son référent était là pour l’accompagner, la soutenir dans ce projet

mais qu’elle restait « maitre de [son] projet ». Nelly (20 ans, sortie à 18 ans) doutait de son

projet. Elle ambitionnait de devenir avocate mais doutait de ses capacités pour y arriver. Sa

référente et sa famille d’accueil l’ont encouragée et poussée dans ce sens. Nelly, comme les

autres jeunes cités ci-desus, est reconnaissante de l’écoute et l’accompagnement qu’elle a reçu

au sujet de ces projets d’avenir.

En général, l’institution veille à ce que les projets professionnels des jeunes soient

réalistes et durables. Il arrive donc que l’ASE s’oppose à des projets envisagés par les jeunes.

Amanda (20 ans, sortie à 19 ans) en a fait l’expérience. Celle-ci souhaitait travailler dans le

monde équin en faisant une formation de palefrenière mais sa référente s’y est opposée sans

lui apporter de réelles raisons à ce refus. Elle l’a réorientée vers un autre projet qui ne

correspond pas au profil d’Amanda, selon elle. Celle-ci a vécu cela comme une

75

« humiliation » et estime que la formation vers laquelle la référente l’a orientée lui a été

imposée. Or elle refuse qu’on décide pour elle sans elle. La jeune fille est donc entrée en

conflit avec sa référente, ce qui a abouti à un changement de référent. Elle a tout de même dû

aller au bout de la formation vers laquelle elle a été orientée. Malgré l’obtention du diplôme,

elle estime que le fait qu’on n’ait pas écouté ses envies l’ait mis en échec puisqu’elle doit

aujourd’hui reprendre des études à l’E2C (Ecole de la 2e Chance) pour faire une formation

plus en adéquation avec son projet professionnel initial.

« Elle m’a fait perdre mon temps, m’a fait faire quelque chose qui ne me correspond pas

du tout et tout ça pour rien. A quoi bon nous demander nos projets si ce n’est pour pas les

écouter ? »

(Amanda, 20 ans, sortie à 19 ans)

Quant à Loana (22 ans, sortie à 18 ans), elle n’avait pas vraiment d’idées et elle estime elle

aussi que le CAP cuisine qu’elle a suivie lui a été imposé. C’est, pour elle, une formation qui

ne lui correspond pas vraiment et n’a pas l’intention de travailler dans ce domaine. Le référent

de Jack (20 ans, sorti à 18 ans) l’a également guidé vers un autre projet professionnel en lui

conseillant une formation professionnelle plus courte que celle qu’il envisageait. Cependant,

Jack semble satisfait du chemin qu’il a pris. Il confie ne pas s’être senti « forcé » et présente

cela comme des conseils bienveillants de la part de son référent.

« Il m’a proposé ça pour mon bien. C’est parce qu’il ne me voyait pas dans un cursus

long et aujourd’hui je l’en remercie parce qu’en y réfléchissant, je pense que ouais j’aurai

pas pu ça m’aurait soulé. Moi être assis sur une chaise à l’école ça m’intéresse pas trop. »

(Jack, 20 ans, sorti à 18 ans).

Ces entretiens sont également l’occasion d’évoquer l’approche de la majorité et

d’amener les jeunes à envisager une future sortie du dispositif. Pour cela, le référent va

commencer à expliquer au jeune ce qu’ils attendent de lui dans les deux années à venir. C’est

à partir de là que le référent va lui présenter les différents dispositifs de préparation à la vie en

76

autonomie et le questionner sur ce qu’il voudrait faire une fois majeur. Face à ce

cheminement, les jeunes se sont parfois sentis « pousser doucement vers la sortie » (Bella, 20

ans, sortie à 18 ans). En effet, Bella explique que cela n’a pas été abordé dès le premier

entretien à 16 ans mais que ce sujet a été amené petit à petit au bout de plusieurs entretiens.

Mike (20 ans, sorti à 17 ans) explique que lors d’un de ces entretiens, il lui a été demandé où

il souhaitait aller à la sortie de l’ASE. En fait, à travers ces entretiens, il s’agit d’amener le

jeune à réfléchir petit à petit à son avenir et ses souhaits. La plupart des jeunes expliquent

avoir eu le sentiment que ce passage était assez « flou » (Kassy, 19 ans, sortie à 18 ans) pour

les professionnels et cela s’est répercuté sur eux. En effet, pour certains jeunes, cette sortie

leur semblait lointaine et ils expliquent donc ne pas s’être investis pleinement dans cette étape

de préparation à la vie en autonomie. Pour d’autres, la sortie du dispositif était espérée ou

semblait être la suite logique, ils y étaient donc déjà préparés intérieurement. L’investissement

dans les différents ateliers et dispositifs proposés était donc plus enthousiaste.

Ces jeunes ont, ainsi, dû rapidement – parfois brusquement – se responsabiliser et se

projeter dans l’avenir. De plus, dans ce milieu très cadré où ils avaient jusqu’alors peu de

libertés et de responsabilités, ils ont du s’acclimater à une notion parfois très lointaine

jusqu’ici : l’autonomie. Avant de voir comment les jeunes ont été préparés à la vie en

autonomie durant leur minorité, nous allons voir ce que représentait pour eux cette notion.

2.2. Vous avez dit autonomie ?

C’est à partir de seize ans que la notion d’autonomie est abordée avec les jeunes. Nous

leur avons donc demandé ce que représentait cette notion pour eux. Les jeunes nous ont défini

l’autonomie en nous énumérant les différentes conditions nécessaires pour accéder à celle-ci.

L’aspect financier semble primordial chez eux puisque c’est le premier abordé par les jeunes.

En effet, le fait de savoir gérer un budget semble être ce qui préoccupe le plus les jeunes

rencontrés. C’est d’ailleurs sur ce point qu’ils avaient le plus d’attentes en termes

d’accompagnement par les éducateurs. En second temps vient le fait de savoir s’autogérer

dans les tâches de la vie quotidienne, c’est-à-dire être en capacité de réaliser les tâches

domestiques seul mais aussi de savoir se réveiller et se déplacer seul. Pour illustrer cela, Inaya

(19 ans, sortie à 18 ans) nous explique qu’il s’agit de « savoir se débrouiller tout seul comme

si on avait personne à côté de nous, dans la vie, c’est dépendre de personne pour nous dire de

77

faire ». Ces deux aspects ont été récurrents dans chacun des entretiens menés avec les

enquêtés. Chez certains jeunes, il a été souligné que l’accès à l’autonomie passe aussi par le

fait de « s’autogérer mentalement » (Nelly, 20 ans, sortie à 18 ans), c'est-à-dire être en

capacité de prendre des décisions pour soi-même. Pour Inaya (19 ans, sortie à 18 ans), il s’agit

de savoir « se discipliner et être responsable de soi-même ». Warda (22 ans, sortie à 21 ans)

ajoute qu’il faut également être capable de « se protéger, savoir ce qui est bien et ce qui n’est

pas bien pour soi ». Enfin, en dernier lieu, les jeunes évoquent le fait de savoir faire les

démarches administratives seul sans l’aide de quelqu’un.

Les conditions d’accès à l’autonomie vues par les jeunes ne sont pas vraiment les

mêmes que celles présentées dans la délibération de 2015 du Département du Nord. En effet,

selon la délibération, pour accéder à l’autonomie, il s’agit d’accéder à un logement, d’avoir

accès aux soins, d’être mobile et inséré sur le marché du travail. On peut dire que le

Département conçoit l’autonomie sur le plus long terme que les jeunes. En effet, il semblerait

que les jeunes aient une approche de l’autonomie à plus court terme. Ils présentent davantage

les conditions qui leur apparaissent comme primordiales pour être en capacité de sortir avec

les bagages nécessaires pour se « débrouiller » (Gustave, 22 ans, sorti à 18 ans) seuls. De

plus, l’acquisition d’une autonomie matérielle (Join-Lambert Milova, 2004) – le fait d’être en

capacité de subvenir à ses besoins – semble être plus importante aux yeux des jeunes que

l’acquisition d’une autonomie de la volonté – les aptitudes à être acteur de sa propre vie. De

plus, on remarque que la santé qui représente pourtant un critère de l’autonomie dans la

délibération 2015 du Département du Nord n’est pas évoquée par les jeunes.

Lors d’un entretien exploratoire auprès d’un éducateur, celui-ci a présenté ces

adolescents comme « forcés de grandir trop vite ». En effet, pour les jeunes en général, le

passage à l’âge adulte est le résultat d’un enchaînement d’étapes sur un temps de plus en plus

élargi 69(Galland, 2011). Ces seuils à franchir sont le passage d’une vie avec les parents à

l’acquisition d’un logement personnel, le passage du statut d’étudiant à celui de travailleur ou

encore le passage du statut d’enfant à celui de parent. Le passage entre le statut d’adolescent à

celui d’adulte se fait donc de manière douce et sur un temps relativement long. Pour les jeunes

placés, la préparation à l’acquisition du statut d’adulte se fait beaucoup plus brutalement et sur

un temps plus restreint. En effet, depuis le vote de la délibération de 2016, la période 16-18

ans est devenue décisive dans la trajectoire que prendra leur parcours par la suite. On attend

69 Galland, O. (2011), Sociologie de la jeunesse, Colin éd., Paris.

78

d’eux un réel investissement dans cette période pour pouvoir les sortir des murs de l’ASE dès

leur dix-huitième anniversaire. Pour les jeunes qui voyaient l’ASE comme un lieu trop

privatif, l’approche de cette vie en autonomie représente pour eux un premier pas vers « la

liberté » (Bella, 20 ans, sortie à 18 ans). Effectivement, cette préparation à l’autonomie passe

d’abord par l’accord de plus de libertés pour les jeunes, libertés surveillées néanmoins. La

préparation à l’autonomie au sein des foyers et des familles d’accueil passe d’abord par

l’apprentissage de l’autonomie dans les tâches de la vie quotidienne à réaliser. Il s’agit là de

les préparer à l’entretien d’un logement et aux diverses tâches à mener au quotidien pour

qu’ils soient en capacité de le reproduire eux-mêmes si ils étaient amenés à se retrouver seul

dans un logement une fois la majorité atteinte. Cela passe par la participation occasionnelle à

des ateliers ou à l’entretien du foyer ou de la maison de la famille dans laquelle ils sont

accueillis. Kassy (19 ans, sortie à 18 ans) se rappelle que dans son foyer, le week-end, les

jeunes étaient chargés de réaliser le repas par petits groupes en alternance avec l’aide d’un

éducateur. Habib (19 ans, sorti à 18 ans) explique qu’il était possible pour les jeunes de son

foyer d’aller assister le chef cuisinier dans la préparation des repas pour acquérir des

connaissances en cuisine. La participation aux tâches de la vie quotidienne passe aussi par

l’entretien. Les jeunes sont donc incités à participer à l’entretien du foyer qui les accueille.

Anna (22 ans, sortie à 18 ans) était chargée de faire la vaisselle avec un petit groupe d’autres

jeunes accueillis, le week-end. Jack (20 ans, sorti à 18 ans) était responsable de l’entretien de

sa chambre au foyer. Si les jeunes étaient plutôt réfractaires au fait de devoir participer à ces

ateliers ou ces tâches lorsque cela leur était demandé, ils expliquent, avec du recul, que lors de

ces activités ils ont inconsciemment acquis des « automatismes » qu’ils mettent en pratique

depuis la sortie.

Jusqu’ici, ces tâches confiées aux futurs majeurs sont similaires à celles qui peuvent

être confiés à des jeunes vivants au domicile familial. Néanmoins, d’autres tâches avec plus

de responsabilités vont reposer sur les épaules des jeunes placés. En effet, rapidement, les

jeunes en foyer vont se voir confier la gestion d’un budget dédié à l’ensemble de leurs

dépenses personnelles par les éducateurs. D’après les jeunes, le fait de leur accorder ce budget

est une marque de responsabilisation et représente une étape clé dans l’acquisition de cette

autonomie. Pourtant, cette responsabilité reste hautement contrôlée par les éducateurs.

D’après les jeunes, le budget leur est d’abord confié pour des périodes, en moyenne, de

quinze jours. Tous les quinze jours, le jeune doit présenter les tickets de caisse afin de justifier

ses dépenses. Si l’éducateur juge que le jeune est en capacité de gérer la somme confiée, une

79

somme plus conséquente va lui être accordée et la vérification de ses dépenses ne se fera plus

qu’une fois par mois.

« Ils vérifient si on est capable de tenir un compte donc ils vérifient ce qu’on fait de

l’argent qu’ils nous donnent, au début c’était tous les15 jours, puis quand ils voient que ça se

passe bien, c’est passé à une fois par mois et comme ça se passait bien, ils ont mis l’argent

sur mon compte directement et ils m’ont laissé gérer toute seule. »

(Amanda, 20 ans, sortie à 19 ans)

A travers cela, les éducateurs cherchent à jauger le rapport à l’argent des jeunes et

ainsi juger de son autonomie ou non face à la gestion d’un budget. Face à cette responsabilité,

dans les premiers temps, les jeunes ont pu se sentir quelque peu effrayés. En effet, pour des

jeunes qui étaient jusqu’alors très encadrés et éloignés de la gestion de ces tâches,

l’acquisition de ces responsabilités peut être source d’angoisse.

« C’était pas facile au début, ça m’a fait un peu peur. Moi j’avais jamais rien géré

tout seul, d’un coup on me demandait de gérer de l’argent, de réfléchir à mon avenir, ce que

je voulais faire de ma vie. C’était un gros changement, jusqu’alors c’est ma référente ou les

éducateurs qui avaient géré pour moi alors c’était nouveau, ça me stressait un peu, j’avais

peur de mal faire. »

(Jack, 20 ans, sorti à 18 ans).

Enfin, la responsabilisation des jeunes passe également par le fait de les charger de se

réveiller seuls, de gérer leurs temps de préparation et – lorsque c’est possible – de se rendre

seuls sur leur lieu de formation. Si tous les jeunes qui étaient en foyer à ce moment de la vie

(16-18 ans) ont abordé ces petites « missions » (Amanda, 20 ans, sortie à 19 ans) qui leur

étaient confiées, il n’en est pas de même pour les jeunes en famille d’accueil. Nelly (20 ans,

sortie à 18 ans) et Bella (20 ans, sortie à 18 ans) n’ont, en effet pas abordé cet aspect de la

préparation à l’autonomie. Ces jeunes filles étaient peut-être épargnées de la réalisation de ces

80

tâches ou alors, dans ce milieu plus familial, la participation aux tâches d’entretien serait

davantage intériorisée et leur réalisation irait de soi. De plus, d’après Bella, en famille

d’accueil, les jeunes seraient moins poussés à adopter ces comportements. En effet, si sa

famille d’accueil a voulu la préparer à la vie en autonomie en la chargeant par exemple de

faire elle-même ses courses, celle-ci n’a pas souhaité le faire et elle n’y a pas été contrainte.

« C'est peut-être plus facile de préparer les jeunes à la vie en autonomie en foyer

qu’en famille d'accueil. En famille d'accueil tu vis comme si tu vis avec tes parents donc tu es

beaucoup plus suivi il y a toujours quelqu'un derrière toi. Tu sais que tu es en sécurité et qu'il

t'arrivera rien. »

(Bella, 20 ans, sortie à 18 ans)

Les jeunes en foyer seraient donc davantage contraints à se responsabiliser que les

ceux en famille d’accueil. Tout cela vient compléter le travail de professionnalisation des

jeunes qui se traduit par l’orientation – en général – dans des formations courtes et

professionnalisantes que nous avons abordé précédemment. On retrouve dans les discours de

ces jeunes en foyer, l’ensemble des aspects qui avaient été soulignés par H. Join-Lambert

Milova quant à la façon dont les éducateurs préparent les jeunes à l’autonomie au sein des

foyers (2004).

Tout ceci peut-être renforcé par le passage des jeunes en foyer semi-autonomie

présentés comme une passerelle avant la sortie. Il s’agit d’un lieu de vie intermédiaire entre la

vie en foyer – lieu de vie en collectivité – et la vie en logement autonome. En effet, au sein de

ce dispositif, le jeune dispose d’un petit studio individuel ou en collocation dont il est

responsable. Ce logement est situé dans un établissement regroupant plusieurs logements

destinés au même public. Le jeune peut compter sur l’accompagnement d’éducateur en cas de

sollicitation de sa part mais doit au sein de ce logement apprendre progressivement à devenir

autonome. Huit des quinze enquêtés rencontrés ont pu en bénéficier. Avant de passer dans ce

genre de structure moins cadrée, les éducateurs jugent du degré de maturité du jeune et de son

aptitude ou non à gérer un logement. De ce fait, cette étape n’est pas arrivée pour tous les

jeunes au même âge. Certains ont connu ce passage en semi autonomie à seize ans, d’autres à

81

dix-sept ans. Dans notre échantillon, ce passage s’est fait plus tardivement chez les garçons

que chez les filles concernées. Avant d’intégrer ce dispositif, certains émettaient des craintes

quant au fait de devoir faire seuls des tâches dans lesquels ils étaient accompagnés

jusqu’alors. Ces craintes s’exprimaient davantage chez les jeunes ayant acquis un logement où

ils étaient seuls et non en collocation.

« Au début, avant d’y entrer, j’appréhendais un peu. J’avais un peu d’appréhensions,

je me demandais si j’allais être capable de le faire. De savoir gérer tout ça toute seule alors

que jusque là je n’avais pas toutes ces libertés. »

(Anna, 22 ans, sortie à 17 ans et demi)

De plus, il s’agissait chez certains jeunes plus d’un manque d’enthousiasme face au fait de

devoir se prendre en main qu’une réelle crainte d’y arriver. Cela s’exprime chez les jeunes qui

étaient satisfaits de leur lieu de placement et de leur mode d’accompagnement jusqu’alors. Ce

sont aussi les jeunes qui n’envisageaient pas la sortie si proche.

« Au début quand je suis arrivé en foyer semi-autonomie, j'étais un peu réfractaire

parce que je me disais bon c'était quand même bien le foyer je rentrais de l'école on me

faisait à manger tout ça. Là j'allais devoir me débrouiller toute seule et puis les éducateurs

dans l'ancien foyer, ils étaient quand même protecteurs et puis je savais que je dormais dans

un lieu en sécurité. Dans mon foyer en semi-autonomie si je voulais rencontrer les éducateurs

je devais prendre le métro donc quand je les sollicitais, c'était vraiment pour un truc

important. J’avais un peu peur de rester toute seule du coup au début, parce que j’étais plus

en sécurité dans l’ancien foyer mais sinon ça s’est bien passé. »

(Inaya, 19 ans, sortie à 18 ans)

Enfin, chez les jeunes restés longtemps dans le même foyer, on ressent également un regret

quant au fait de s’éloigner des repères qu’ils avaient jusqu’alors. En effet, l’entrée en

logement semi-autonome induit de quitter les murs dans lesquels le jeune a évolué jusqu’alors

82

mais aussi de s’éloigner des éducateurs et des jeunes qui les entouraient. Certains jeunes

craignaient alors de perdre leur place auprès de leur groupe de pair ou encore auprès des

éducateurs. Le fait d’être autorisé à venir rendre visite au foyer malgré le départ en semi-

autonomie a facilité l’acceptation d’entrer en logement semi-autonome pour ces jeunes.

Les jeunes présentent les logements semi-autonomes comme l’occasion de « s’essayer

à la vie en autonomie » (Amanda, 20 ans, sortie à 19 ans). Dans ces logements, les jeunes

doivent s’autogérer sur de nombreux points et sont responsables de ce logement. Une somme

d’environ 300 euros par mois, selon les jeunes, leur est confiée pour gérer leurs achats dédiés

à l’entretien du logement, les courses alimentaires et d’hygiène. Les jeunes doivent s’y

comporter comme s’ils étaient en logement autonome. C’est à eux de gérer toutes les activités

de la vie quotidienne du lever au coucher, d’entretenir le logement et de gérer l’argent qui leur

a été confié. Cela s’apparente réellement à un « entrainement » à la vie en autonomie (Habib,

19 ans, sorti à 18 ans). Il s’agit en effet d’apprendre au jeune ce que l’on attend d’un adulte.

Les sorties sont plus libres mais doivent tout de même respecter les horaires fixés par les

éducateurs. Afin de juger de la bonne conduite du jeune au sein de ce logement, un éducateur

référent peut venir vérifier l’entretien du logement sans prévenir le jeune. Inaya (19 ans, sortie

à 18 ans) explique qu’il arrive même que l’éducateur vienne contrôler le logement durant

l’absence du jeune et qu’il laisse – s’il y a remarques à faire – un papier les reprenant. Il s’agit

là de vérifier que le logement soit propre, rangé et qu’il y ait chez le jeune de quoi

s’alimenter. L’éducateur veille aussi à ce que le jeune ait une bonne hygiène de vie. Pour

cela, il le reçoit afin de s’entretenir avec lui. L’objectif de l’entretien est de prendre

connaissance de l’état moral du jeune, de vérifier qu’il se plait dans ce logement et qu’il est en

bonne santé.

Tous les jeunes rencontrés ayant bénéficié de ce dispositif le présentent comme étant

réellement efficace pour accéder à l’autonomie. Alu (19 ans, sorti à 18 ans) explique que cela

lui a permis d’ « apprendre à se débrouiller comme si il était seul ». Pour Amanda (20 ans,

sortie à 19 ans), ce passage en semi-autonomie lui a permis d’acquérir en maturité et

d’évoluer. En étant dans ce logement, elle s’est retrouvée seule et a du se prendre en charge

toute seule. Cela lui a permis de prendre confiance en elle et de prouver aux autres qu’elle en

était capable malgré sa situation de handicap. C’est, selon l’ensemble des jeunes en ayant

bénéficié, l’endroit où ils ont le plus acquis en maturité et en autonomie. Néanmoins, il arrive

que des jeunes relèvent quelques aspects négatifs à ce dispositif. En effet, certains jeunes

83

avaient le sentiment d’être « épiés » (Inaya, 19 ans, sortie à 18 ans) par les éducateurs. Cela

est lié au fait que les éducateurs puissent entrer à tout moment dans le logement même en leur

absence. Pour Alu (19 ans, sorti à 18 ans), c’était « entrer dans sa vie privée ». Cela

s’exprime chez les jeunes pour qui ce passage en semi-autonomie représentait l’acquisition de

plus de libertés et qui n’émettaient aucune crainte quant à leur passage dans ce dispositif.

Nous avons constaté que les jeunes ayant eu l’opportunité d’un passage en semi-

autonomie sont les jeunes qui ne posaient pas de problèmes en termes de comportement et qui

avaient des projets bien définis. En effet, les jeunes ayant des difficultés à se projeter dans

l’avenir comme Bella (20 ans, sortie à 18 ans) ou encore des jeunes au comportement

perturbateur comme Tom (19 ans, sorti à 18 ans) ou Warda (22 ans, sortie à 21 ans) n’ont pas

eu accès à ce genre de dispositif. Or, le passage en semi-autonomie aurait pu être pour eux

l’occasion d’acquérir en maturité et de se responsabiliser. On pourrait donc émettre

l’hypothèse que ce sont les jeunes qui sont le plus proche de l’autonomie qui ont la possibilité

d’intégrer ces logements semi-autonomes tandis que les jeunes à distance de l’autonomie ou

au comportement déviant en seraient écartés. Le passage en semi-autonomie correspond tout à

fait au quatrième mode de préparation à l’autonomie décliné par H. Join-Lambert Milova70.

En effet, le passage dans ce dispositif vise à rendre le jeune responsable de ses choix et des

tâches qu’il a à effectuer afin qu’il soit apte à se prendre en charge. Néanmoins, il semble que

les jeunes soulignent plus la préparation à l’autonomie matérielle qu’à l’autonomie volontaire.

Par ailleurs, le schéma départemental 2018-2022 du Nord définit l’autonomie comme la

faculté de se déterminer par soi-même, de choisir, d’agir librement. Or, la parole des enquêtés

montre que les attentes principales des jeunes ne concernent pas cet aspect de l’autonomie –

autonomie volontaire. Cet aspect semble secondaire chez eux, ils semblent davantage en

attente d’un accompagnement vers l’autonomie matérielle. Enfin, nous constatons que la

façon dont les jeunes sont préparés à l’autonomie omet la problématique du lien social. En

effet, au cours de cet accompagnement, comme le souligne Lucy Marquet (2016), on tente

d’apprendre aux jeunes à ne dépendre de personne plutôt que de les inciter à développer ou

entretenir des liens avec leur entourage familial ou d’autres personnes vers lesquelles se

tourner une fois dehors. De plus, les rencontres avec des personnes du monde du travail ou

encore la connaissance des services de droit commun restent encore faibles.

70 Join-Lambert Milova, H. (2006), « Autonomie et participation d’adolescents placés en foyer (France, Allemagne, Russie) », Sociétés et jeunesses en difficulté.

84

Tout ce cheminement doit conduire à la sortie proche des jeunes des murs de l’ASE.

L’approche des dix-huit ans peut donc être source d’angoisse pour les jeunes puisqu’ils ne

connaissent pas clairement la suite de leur parcours.

85

3. La fin de l’accompagnement, entre excitation, angoisses et incertitudes

Alors qu’en population générale la période du passage à l’âge adulte s’allonge et reste

largement soutenue par les solidarités familiales, le contexte politique nouveau en protection

de l’enfance a tendance à aller à l’encontre de cet allongement de la jeunesse. En effet, en ce

qui concerne le passage à l’âge adulte des enfants placés, les politiques dédient de moins en

moins d’argent pour cette période. Cela entraîne un départ de l’ASE de plus en plus précoce

pour ces jeunes. L’ELAP (2016) montre que plus de la moitié des jeunes placés quitte l’ASE

l’année de leurs dix-huit ans. Les conditions pour prolonger la protection au-delà des dix-huit

ans ont été renforcées et il est donc de plus en plus difficile pour les jeunes d’envisager une

protection au-delà de l’année de leur majorité. De ce fait, l’approche de la majorité est source

d’inquiétudes pour les jeunes placés. L’ELAP (2016) montre que l’approche des dix-huit ans

rend les conditions d’hébergements incertaines. Un tiers des jeunes ne savait pas où ils

seraient dans les trois mois suivants le passage à la majorité. La délibération cadre du

département du Nord de Juin 2016 est venue précipiter la sortie de ces nouveaux majeurs des

foyers et familles qui les accueillaient. Nous allons, dans cette dernière partie, revenir sur la

façon dont ils ont été préparés à cette sortie avant d’aborder leur ressenti quant à ce moment

important de leur vie.

3.1. L’approche de la sortie, étape décisive parfois contrainte

La nouvelle délibération en vigueur est venue « chambouler » les pratiques des

professionnels. Les jeunes en approche de la majorité au lendemain du vote de la délibération

ont le sentiment d’avoir été poussés vers la sortie rapidement et sans beaucoup d’explications.

Alu (19 ans, sorti à 18 ans) qui savait que la fin de l’accompagnement irait de soi avec

l’atteinte de la majorité confie qu’il ne s’attendait pas à ce qu’elle soit aussi rapide.

« Nan je ne savais pas mais comme je disais tout à l’heure c’est un truc qui est tombé

d’un coup comme ça et voilà on ne savait pas et voilà on nous a dit bah voilà il y a ce système

qui a été mis en place et voilà à partir de maintenant c’est comme ça c’est tout. Et dans le

86

même temps, il a fallu vite préparer les jeunes pour pouvoir anticiper la sortie. Moi ça va

j’étais tranquille dans ma tête parce que je savais que voilà, j’étais prêt mentalement et tout

et je savais que j’allais m’en sortir et donc je suis parti sur ces bases. En 2016, une loi a été

votée au niveau du conseil départemental et tous les jeunes ayant eu la majorité devaient

quitter les foyers et c’était le cas pour moi. Je venais juste d’avoir mes 18 ans le 1er Janvier

2017 et le 5 Janvier je devais partir. Tout est allé très vite. »

(Alu, 19 ans, sorti à 18 ans)

Inaya (19 ans, sortie à 18 ans) avait le sentiment que la sortie des jeunes majeurs était

également très floue pour les professionnels. En effet, elle trouvait que les professionnels

n’avaient pas l’air convaincu et « plutôt inquiets » quant au fait de sortir tous les jeunes dès

dix-huit ans. De ce fait, l’incertitude se ressent aussi chez certains jeunes qui angoissent à

l’approche des dix-huit ans. Par conséquent, l’atteinte de la majorité, en général, tant espérée

par les adolescents – car elle est source de plus de libertés – peut être redoutée par les jeunes

placés. En effet, pour les jeunes placés jusqu’alors, leur sécurité ainsi que leurs besoins en

termes de nutrition, d’éducation et de santé étaient assurés par l’ASE. En fait, l’ASE prend le

relais dans la fonction des parents. Or ce « parent institutionnel » devra cesser sa fonction à la

majorité du jeune. Pour ces jeunes placés, la fin de l’accompagnement et la sortie de l’ASE

marque alors une coupure nette et brutale entre le passage du statut d’enfant protégé à celui

d’adulte.

De ce fait, afin d’éviter les sorties sèches en fin de parcours des jeunes, l’ASE doit

anticiper leur sortie en les y préparant petit à petit. La plupart des jeunes rencontrés se

rappellent que la sortie a été au fur et à mesure abordée par les référents au cours des

entretiens. Bella (20 ans, sortie à 18 ans) explique avoir été reçue à dix-sept ans par sa

référente pour aborder la future sortie.

« A 17 ans, elle a commencé à me parler de la sortie. Elle m’a reçu en entretien et puis elle

m’a dit bon tu vas bientôt avoir dix-huit ans, il va falloir commencer à réfléchir à ta sortie. La

première fois ça allait elle en parle tranquillement, tu fais un peu le bilan de où tu en es et

tout mais après, les entretiens qui suivent, elle est de plus en plus pressante sur la sortie. Elle

87

te fait comprendre qu’il faut que tu dégages en gros et qu’il faut que tu te bouges un peu pour

trouver des solutions parce qu’elle va pas tout faire toute seule. »

(Bella, 20 ans, sortie à 18 ans)

En effet, à dix-sept ans, les jeunes sont reçus pour un entretien bilan où il est question

de revenir sur l’ensemble de leur parcours, anticiper la sortie et de les informer de leurs droits,

leurs devoirs et des éventuelles modalités d’accompagnement qui pourront être mises en

place après leur majorité. Les jeunes sont censés avoir, entre seize et dix-huit ans, acquis en

maturité et en autonomie à travers les différentes tâches confiées par les éducateurs ou

assistants familiaux ou encore par le passage en logements en semi-autonomie. Il ne reste

donc plus aux référents et aux éducateurs qu’à accompagner les jeunes pour trouver une

solution de logement et un moyen de prise en charge de leurs besoins alimentaires et

sanitaires avant leurs dix-huit ans révolus. Or, nous l’avons vu précédemment, durant cette

phase de préparation à la vie en autonomie, ce sont les règles du vivre seul et le détachement

des personnes les ayant pris en charge qui est recherché. Pour ces jeunes, le passage à la

majorité rime d’abord avec l’accès au logement. Pour C. Van de Velde (2008), l’accès au

logement autonome représente l’un des trois critères du passage à l’âge adulte avec l’accès à

l’emploi et la mise en couple stable. Les données de l’Institut National de la Jeunesse et de

l’Education Populaire (INJEP) montraient qu’en 2015, l’âge moyen de décohabitation des

français était de vingt-trois ans tandis que l’accès à un emploi stable et la stabilité dans le

couple se situaient aux alentours de la vingt-septième année. Pour les jeunes majeurs issus de

l’ASE, toutes ces étapes vont se jouer beaucoup plus précocement. En ce qui concerne le

logement, il a d’abord été demandé aux jeunes s’ils envisageaient une solution de logement à

la sortie. Mike (20 ans, sorti à 17 ans) a alors expliqué à sa référente vouloir rentrer chez sa

mère. Il éprouvait le besoin de retrouver une vie de famille et notamment retrouver ses petits

frères qu’il ne voyait pas grandir durant son placement. La référente – estimant que Mike

était en capacité d’accéder à l’autonomie et qu’il avait un bagage nécessaire pour affronter ses

responsabilités en dehors – a accompagné le jeune homme alors âgé de dix-sept ans et demi

vers le retour au domicile de sa mère. Pour les autres pour qui la solution de logement à la

sortie était plus floue, deux solutions principales semblent leur avoir été proposées. Lorsque

les jeunes étaient encore en contact avec leurs parents ou simplement si le jeune n’était pas

orphelin, il était proposé au jeune de rentrer au domicile parental. C’est notamment la solution

88

qui a été proposée à Nelly (20 ans, sortie à 18 ans) ou encore à Tom (19 ans, sorti à 18 ans).

Nelly a décliné cette solution qu’elle ne trouvait pas adaptée puisqu’elle n’avait eu que peu de

contacts avec sa famille et qu’elle avait grandi dans une famille au mode de vie totalement

opposé à sa famille d’origine. Tom (19 ans, sorti à 18 ans) a le sentiment que cette solution lui

a été proposée pour se « débarrasser » de lui à cause de son comportement qui posait

problème au sein du foyer.

« Bah ouais moi je foutais le bazar au foyer, ils attendaient que ça que je sois majeur

pour pouvoir me dégager. Et puis en plus comme j’allais pas à l’école que j’ai tout arrêté dès

mes seize ans, ils savaient qu’ils auraient même pas besoin de me garder en contrat pour

jeune majeur vu que j’avais pas de projet pro, je pouvais pas en avoir de contrat. Donc ils

m’ont dit tu sais tu vas avoir 18 ans, tu vas pouvoir rentrer chez tes parents. Et moi à

l’époque c’était une solution qui me plaisait grave vu que tout du long je les avais soulé pour

partir et rentrer chez mes parents. »

(Tom, 19 ans, sorti à 18 ans)

Quant aux autres jeunes, la solution la plus souvent envisagée a été l’entrée en Foyer

Jeunes Travailleurs (FJT) – aussi connu sous le nom de Résidence Habitat Jeunes. Le FJT

peut être à la fois une solution qui rassure les professionnels mais aussi les jeunes car on y

retrouve également la volonté d’accompagner les jeunes vers l’autonomie. C’est la solution la

plus souvent envisagée pour les jeunes que les éducateurs ou référents n’estiment pas prêts à

intégrer un logement totalement autonome. Pour ceux jugés plus aptes à se débrouiller seuls,

des solutions de logement en logements sociaux ou en résidence étudiante leur ont été

proposées. Les FJT sont destinés à héberger temporairement des jeunes de moins de trente ans

à un moment de leur parcours où ils font face à la précarité ou à quelques difficultés

économiques. L’accueil du jeune est complété par un projet d’accompagnement qui cherche à

développer et/ou renforcer l’autonomie afin qu’il puisse à la sortie intégrer un logement

autonome. En cela, les FJT sont souvent présentés comme des sas de sécurité avant l’entrée en

logement autonome. L’accompagnement socio-éducatif qui y est proposé s’inscrit dans la

continuité de celui reçu par les jeunes à l’ASE entre seize et dix-huit ans. En effet, l’insertion

professionnelle et sociale, l’éducation à la citoyenneté et le développement de l’estime de soi

89

sont les trois branches de l’accompagnement délivré en FJT. Ainsi, les professionnels de

l’ASE conscients que les délais pour préparer les jeunes à l’accès à l’autonomie sont courts

vont avoir tendance à orienter les jeunes en FJT afin de leur laisser un temps de répit avant de

plonger dans la vie d’adulte sans accompagnement et d’éviter ainsi les sorties sèches. Il s’agit

donc de finir ou de renforcer le travail d’accompagnement commencé en foyer ou en famille

d’accueil. Ainsi, l’URIOPSS HDF – dans son interpellation71 le 6 Septembre 2016 du

Département, sur la situation des jeunes majeurs dans le Département du Nord – souligne que

le nombre d’orientations de jeunes majeurs issus de l’ASE vers les résidences Habitat Jeunes

est en forte hausse. Pour trouver une place en FJT, là encore les éducateurs et/ou référents

vont jouer un rôle important car la plupart des jeunes ne connaissaient que peu de choses sur

ces établissements avant qu’ils leur soient présentés. Les enquêtés se sont donc vu proposer

par les éducateurs ou leur référent de se rendre ensemble visiter des FJT pour comprendre leur

fonctionnement et réfléchir à cette solution. De plus, les délais de réponses pour une place en

FJT sont parfois longs et les professionnels de l’ASE peuvent alors diriger les jeunes vers les

FJT qu’ils savent moins submergés par les demandes. Faute d’autres solutions, une partie des

jeunes rencontrés a choisi ce type d’hébergement (cinq jeunes sur quinze). Réaliser les

démarches pour une demande d’intégration en FJT peut être source d’inquiétudes chez les

jeunes.

« Ils m’ont dit il faut que tu commences à faire des démarches pour trouver un toit

pour le jour de ta sortie. Et donc je me disais mais je vais chercher quoi, je ne connaissais

pas moi ces foyers de jeunes travailleurs ni les démarches à faire et tout ça. »

(Inaya, 19 ans, sortie à 18 ans)

Faire cette démarche eux-mêmes responsabilise les jeunes et symbolise la prise en main de

leur sortie. Il s’agit pour eux d’un exercice pour apprendre à réaliser les démarches

administratives seuls. En effet, la préparation à la sortie autonome des jeunes placés passe

aussi par l’accompagnement dans les démarches administratives et la présentation des

dispositifs de droits commun. Cependant, seulement une enquêtée a évoqué avoir été

accompagnée par sa référente pour réaliser les démarches pour bénéficier de la Garantie Jeune

71 Cf Lettre d’interpellation en annexe

90

et avoir pris connaissance des différentes aides auxquelles elle aurait droit à sa sortie. Il s’agit

d’une jeune fille qui a connu une sortie avant la délibération de 2016 et qui a bénéficié d’un

accompagnement de l’ASE jusqu’à vingt-et-un ans. Nous pouvons supposer que ce

manquement pour les autres peut être dû à des délais trop courts pour préparer les jeunes à

l’autonomie et donc que certains points seraient privilégiés. De plus, cela pourrait également

être dû à un manque de connaissances de ces dispositifs de la part des éducateurs mais aussi

au fait, que peu d’aides sont accessibles pour cette tranche d’âge de la jeunesse. En effet, entre

18 et 25 ans, la majorité des aides dépendent des ressources des parents ou sont sous condition

de maternité. Une aide reste cependant envisageable dans la continuité de l’accompagnement

reçu durant leur parcours ASE pour soutenir leur sortie des dispositifs de protection de

l’enfance. Il s’agit des contrats Entrée dans la Vie Adulte remplaçants les Contrats Jeunes

Majeurs. Ces contrats sous soumis à des obligations (études, formation, recherche d’emploi)

auxquelles les jeunes doivent se tenir pour pouvoir espérer en bénéficier. De plus, leur

demande de prolongement de la protection doit faire l’objet d’une lettre motivant les raisons

et est soumise à acceptation du Conseil Départemental. Comme son nom l’indique, cette aide

- qui peut être à la fois financière et socioéducative – est destinée aux jeunes majeurs et ne

prend effet qu’à la majorité du jeune. Ces missions et son fonctionnement seront développés

dans le deuxième volet de l’enquête portant sur le devenir adulte de ces jeunes majeurs.

Notre échantillon était composé de quatre jeunes sortis de l’ASE avant le vote de la

délibération de Juin 2016. Cela nous paraissait intéressant de voir si l’on observait de réels

changements dans l’accompagnement vers la sortie autonome des jeunes placés depuis le

passage de la délibération. On peut remarquer qu’avant la mise en place de cette délibération,

il était davantage possible d’être protégé jusqu’à vingt-et-un ans. La sortie était donc plus

tardive pour les jeunes, notamment pour ceux entrés tardivement à l’ASE ou ceux jugés

encore fragiles pour sortir des dispositifs à dix-huit ans. Néanmoins, cela n’empêche pas le

risque de parcours chaotique comme celui de Warda (22 ans, sortie à 21 ans) détaillé dans le

deuxième volet du mémoire. Pour Gustave (22 ans, sorti à 18 ans), le parcours a été le même

que celui des jeunes sortis après Juin 2016. Il a été, à l’approche de la majorité, préparé à la

sortie et orienté vers un FJT afin de continuer son processus d’autonomisation. Enfin, Loana

(22 ans, sortie à 17 ans et demi) et Anna (22 ans, sortie à 17 ans et demi), en raison de leur

grossesse à l’aune de la majorité, ont connu des sorties plus précoces et des fins

d’accompagnement plus brutales.

91

Au final, quelque soit l’âge auquel sont sortis les jeunes placés, l’approche de cette

sortie a été, à la fois source de craintes, de changements mais aussi d’excitation pour eux.

Nous allons revenir brièvement sur ces états suscités par cette étape.

3.2. « Vous sentiez-vous prêts à sortir des dispositifs de l’ASE ?

Après avoir « digéré » (Amanda, 20 ans, sortie à 19 ans) l’annonce d’une sortie

proche, les jeunes, en général, ont commencé à préparer cette sortie en collaboration avec les

éducateurs ou leur référent. Ces derniers, en général, ont été prévenus un an avant leur

majorité d’une sortie proche et incités à trouver une solution de logement. Si ce délai peut

paraitre raisonnable. Il apparaît souvent court pour les jeunes placés qui se sont sentis alors

pressés vers la sortie et contraints de trouver une solution d’hébergement au plus vite sans

avoir, selon eux, le « temps d’y réfléchir sérieusement » (Jack, 19 ans, sorti à 18 ans). Les

jeunes évoquent à l’annonce de cette future sortie et du besoin de trouver une solution

d’hébergement la crainte de se retrouver à la rue une fois majeur. C’est cette crainte d’un

passage à la rue qui va motiver leurs démarches pour trouver une solution les conduisant

parfois à choisir des solutions par dépit.

« Bah j’avais pas le choix façon c’était le FJT ou quoi d’autre ? j’allais pas partir dans un

studio directement, j’avais pas les ressources pour. Et puis j’allais pas non plus retourner

chez mes parents, c’est moi qui ai fait la demande de placement, c’est pas pour y retourner

maintenant. Je trouve que j’évolue mieux comme ça même si je ne suis pas en mauvais termes

avec eux. »

(Kassy, 19 ans, sortie à 18 ans)

De ce fait, certains jeunes ne se sont pas sentis pleinement maître de la décision mais plutôt

fortement guidés, orientés par les professionnels. Cela peut-être dû chez les professionnels à

une volonté de les diriger vers des solutions qui leur paraissent les plus réalistes et cohérentes

avec leur degré d’autonomie à l’approche de la sortie.

92

Certains jeunes pressés de devenir adulte et d’acquérir plus de libertés attendaient avec

impatience cette sortie. Cela s’observe chez les jeunes garçons anciens MNA Alu (19 ans,

sorti à 18 ans) et Habib (19 ans, sorti à 18 ans) où encore chez Kassy (19 ans, sortie à 18 ans)

pour qui le cadre strict du foyer quant aux horaires de sorties, etc. commençait à être pesant.

Ces trois jeunes n’éprouvaient aucune crainte quant à la fin de la protection de l’ASE et

s’estimaient prêts à se débrouiller par eux-mêmes dans les tâches de la vie quotidienne. La

seule exception concerne la réalisation des démarches administratives seul, objet de crainte

chez beaucoup des jeunes rencontrés. Cela peut être dû à un manque de préparation à cette

tâche en amont de la sortie, mais aussi à un manque de confiance en soi et/ou une peur de mal

faire chez les jeunes. Cet enthousiasme de quitter l’institution se retrouve aussi chez les jeunes

pour qui la sortie va leur permettre de retrouver le domicile familial après une longue absence

malgré les incertitudes sur la façon dont cela va se passer. Cependant, pour d’autres jeunes,

l’approche de cette sortie et donc la fin de la protection par l’ASE est une réelle source

d’incertitudes quant à leur devenir. Cela s’observe chez les jeunes moins confiants dans leurs

aptitudes à vivre seul. Ce sont en particulier les jeunes qui vont rejoindre un FJT à la sortie.

« Bah moi, je ne savais vraiment pas comment ça allait se passer j’avais un peu peur

de partir et de m’envoler même si bon c’était pour intégrer un FJT où t’es quand même suivi.

Mais bon c’est pas le même suivi qu’en foyer, c’est avec des gens qui te connaissent pas aussi

bien que tes éducs du foyer, alors au début ouais j’étais pas trop pressé d’y aller, je me

demandais comment ça allait se passer. »

(Valentin, 20 ans, sorti à 18 ans)

En plus d’une crainte, on observe aussi chez certains jeunes un manque d’enthousiasme quant

au fait de rejoindre leur nouveau lieu de placement, notamment chez les jeunes qui se sont

sentis contraints dans leur choix quant à la solution d’hébergement. En effet, Amanda (20 ans,

sortie à 19 ans) explique que cette solution d’hébergement en FJT ne l’enchantait guère mais

qu’elle était la seule solution durable qui s’offrait à elle. Ce qui dérange Amanda dans ce type

d’hébergement, c’est le fait de revenir à un habitat avec le partage de parties communes avec

d’autres après son passage en semi-autonomie.

93

« En semi-autonomie, t’avances beaucoup, t’apprends à être tout seul, à te débrouiller

et t’es plus libre dans tes décisions et quand on te ramène en FJT tu recules, tu refais trois

pas en arrière parce que t’es obligée de respecter les règles du FJT, t’es plus si autonome

qu’en semi-autonomie »

(Amanda, 20 ans, sortie à 19 ans)

Le fait de se retrouver en collectivité est aussi un critère qui dérangeait Bella (20 ans, sortie à

18 ans) qui avait jusqu’alors vécu la plupart de son enfance dans une famille d’accueil après

une courte expérience en foyer qu’elle n’avait pas appréciée.

« Moi la vie en collectivité, j’aime pas trop. Devoir partager la cuisine et tout, bof. Je

me sens pas forcément comme les autres du FJT. Y en a des chelous, je pense pas pareil

qu’eux et là t’es obligé de faire avec eux, tu les croises forcément de temps en temps. Moi en

famille d’accueil, j’avais pas ce côté collectivité et ça me plait pas trop ça »

(Bella, 20 ans, sortie à 18 ans)

De ce fait, pour éviter des solutions qui ne leur conviennent pas forcément ou pour espérer

prolonger leur placement à l’ASE, des jeunes vont adopter des stratégies pour retarder leur

sortie. Inaya (19 ans, sortie à 18 ans) qui craignait de devoir se retrouver seule sans le soutien

de ses éducateurs, notamment dans les démarches administratives et qui appréciait la sécurité

et le confort que lui apportait sa place en foyer a voulu retarder sa sortie. Pour cela, elle a

tardé à faire les démarches pour visiter des FJT, les contacter, etc. Lorsqu’elle a compris que

son effort était vain et qu’elle n’échapperait pas à une sortie à dix-huit ans, elle s’est résignée

à faire les démarches avant qu’il ne soit trop tard. Pour Bella (20 ans, sortie à 18 ans), cela a

pris une autre tournure. Elle ne voulait pas rejoindre un FJT et pensait pouvoir rester encore

quelques temps chez sa famille d’accueil. De ce fait, elle a refusé tous les FJT qui lui étaient

proposés et qu’elle a visité avec sa référente et ne s’est pas impliquée dans les recherches de

94

solutions. Cela a provoqué sa sortie sans solution trois jours après l’anniversaire de sa dix-

huitième année.

« On m’a dit, t’as trois jours pour faire tes cartons et partir, tu es majeure on a tout

fait pour t’aider, tu refuses cette aide maintenant il faut que dans trois jours, tu sois partie.

Ça m’a laissé sans mot, j’étais pas prête je pensais pas que ça se passerait comme ça. Après

en y repensant voilà c’est de ma faute j’avais qu’à m’investir mais quand même trois jours. »

(Bella, 20 ans, sortie à 18 ans)

Ce qui l’a le plus surprise dans cette sortie contrainte est le fait que sa référente ne se soit pas

inquiétée de où elle allait aller. Warda qui est sortie à vingt-et-un ans a plus ou moins vécu la

même fin de parcours ASE. Son comportement posant problème au sein du foyer, sa sortie a

été plus précoce que ce qui avait été prévu. Elle a été prévenue par courrier qu’elle serait dans

l’obligation de quitter le foyer deux semaines avant sa sortie. Celle-ci a mal vécu le fait d’être

prévenue par courrier et non pas directement par les éducateurs ou sa référente et s’étonne du

fait que personne n’ait pris connaissance de où elle irait ce jour là. Pour Anna (22 ans, sortie à

17 ans ½ ) et Loana (22 ans, sortie à 17 ans ½ ), l’annonce de leur grossesse a, là aussi,

précipité leur sortie. Ces deux dernières l’ont vécu comme une « sanction pour me punir

d’être tombée enceinte pendant que j’étais encore sous leur responsabilité » (Anna). Anna a

pu être orientée par des éducateurs vers un foyer fille/mère mais Loana s’est vue mise dehors

avant la majorité. Elle aussi a été contrainte de quitter l’institution rapidement sans être

orientée vers une autre solution d’hébergement. Pour ces jeunes filles, la sortie a donc été

brutale et leur laisse un goût amer quant à la fin d’accompagnement qu’elles ont reçu.

« Je leur en ai voulu moi de la façon dont ils m’ont sortie. Ils m’ont laissé tomber au

moment où j’avais besoin de soutien. Sans passer par 4 chemins, ils m’ont dit bon bah tu es

enceinte et bien tu as une semaine pour te trouver un logement et partir. Mais c’est n’importe

quoi personne ne trouve un appartement en une semaine. Alors j’ai demandé à un éducateur

si il avait une solution pour moi, il m’a dit non et puis voilà j’ai du me débrouiller. »

(Loana, 22 ans, sortie à 17 ans et demi)

95

Après avoir rassemblé leurs affaires et plus ou moins trouvé une solution d’hébergement à la

sortie, ces jeunes filles poussées brusquement vers la sortie vont quitter l’ASE avec une

rancœur envers leurs éducateurs et/ou référents. Cela s’exprime chez elles par l’envie de partir

sans dire au revoir aux professionnels qui les entouraient jusqu’alors ou encore le fait de ne

pas rendre la chambre qu’ils occupaient dans un état de propreté correcte.

« J’ai fait exprès de pas faire le ménage juste pour leur foutre la haine avant de partir.

J’étais en colère. »

(Loana, 22 ans, sortie à 17 ans et demi)

La colère liée au fait de s’être senties « abandonnées » (Bella, 20 ans, sortie à 18 ans)

provoque chez elles un renforcement de leur volonté de réussir par elles mêmes. En effet,

comme l’explique Anna (22 ans, sortie à 17 ans ½ ), le fait de s’être sentie « lâchée par tout le

monde » à l’approche de la sortie lui a donné l’envie de prouver qu’elle pouvait s’en sortir par

elle-même. Elle s’est donc mise à la recherche d’un emploi à 17 ans alors qu’elle était

enceinte et a réalisé seule les démarches pour demander à intégrer un foyer mère/fille. Ces

jeunes femmes ajoutent qu’il était important pour elles de sortir « la tête haute » (Loana, 22

ans, sortie à 17 ans et demi) et de ne pas montrer leurs craintes quant à leur devenir à la sortie

même si elles étaient bien présentes, notamment chez les deux jeunes filles en début de

grossesse.

Que ce soit ces jeunes filles ou bien les autres pour qui la sortie a été moins brutale, la

même angoisse subsiste chez la plupart d’entre eux. Il s’agit de la crainte de perdre leur place

auprès des éducateurs, assistants familiaux, référents et autres jeunes qui les entouraient. En

effet, beaucoup de nos enquêtés nous ont confié avoir eu, au moment de la sortie, peur de

quitter les personnes avec et/ou grâce à qui ils ont grandi jusqu’alors. Quitter le foyer ou la

famille d’accueil implique pour eux de quitter les murs où ils ont grandi ainsi que tous les

souvenirs construits et les amitiés liées. L’incertitude sur leur devenir et la peur de perdre les

liens qu’ils entretenaient avec certaines personnes semble être leurs plus grosses

96

appréhensions à l’approche de la sortie. Frechon, Breugnot et Marquet72 (2016) soulignent les

nouvelles pratiques mises en place pour préparer les jeunes à la vie autonome, notamment le

passage en semi-autonomie avant l’autonomie. A travers ces pratiques, l’Etat a la volonté de

permettre aux jeunes de se détacher progressivement des personnes les ayant pris en charge.

Or cela semble pour l’instant ne pas fonctionner puisque le fait de devoir quitter les

éducateurs ou la famille d’accueil reste l’une des craintes principales des jeunes.

« Moi je me demandais si on allait encore m’appeler, passer me voir tout ça parce que

quand même j’avais partagé plusieurs années avec ces éducateurs, on était proche quand

même alors moi je voulais pas que tout se coupe comme ça d’un coup. Ils faisaient partie de

ma vie j’avais peur que d’un coup tout s’envole comme ça. J’avais besoin d’eux, je voulais

savoir si je pourrais compter sur eux si ça va pas. »

(Kassy, 19 ans, sortie à 18 ans)

« Moi ce qu’il me faisait le plus peur à l’approche de ma sortie, c’est même pas de pas

m’en sortir, c’était surtout de plus avoir de nouvelles de ma famille d’accueil, j’avais peur

que bah voilà je parte et qu’ils aient une nouvelle personne et que du coup, ils m’oublient

parce que voilà eux ça reste leur métier mais nous les jeunes on s’y attache. »

(Nelly, 20 ans, sortie à 18 ans)

Cela souligne là encore l’importance de ces personnes dans le parcours des jeunes. Les

jeunes pour qui les éducateurs ou assistants familiaux représentaient un véritable repère, un

pilier dans leur parcours évoquent la peur d’être oubliés, abandonnés par ces personnes mais

aussi de ne plus pouvoir compter sur eux une fois dehors. En effet, les jeunes ayant côtoyé

plusieurs années le même foyer ou la même famille d’accueil ont partagé leur vie quotidienne

avec des professionnels qui les ont accompagnés durant leur parcours en protection de

l’enfance. Ces personnes font partie intégrante de leur vie et les jeunes ont souvent noués des

liens avec eux. Le fait de quitter l’ASE vient parasiter ce lien construit entre un jeune et sa 72 Frechon, I., Marquet, L., Breugnot, P. (2016), L’accès à l’indépendance financière des jeunes placés, Rapport final ONPE.

97

famille d’accueil ou ses éducateurs puisque son déplacement en dehors de son lieu d’accueil

va créer une relation à distance. Il en est de même pour les jeunes ayant noué des liens

d’amitié avec d’autres jeunes placés. Le passage à la majorité et donc la sortie du dispositif va

venir éloigner ces compagnons de vie que les jeunes considéraient parfois comme des frères

ou des sœurs. Pour remédier à cela, les jeunes mettent en place des techniques – qui seront

développées dans le deuxième volet de la recherche – pour entretenir la relation et garder

contact avec ces personnes malgré leur sortie.

Tout ce travail d’interprétation des résultats nous permet de mettre en lumière les

différentes compétences acquises par les jeunes en termes de préparation à la sortie autonome

des dispositifs. Nous avons pu aussi repérer les besoins évoqués par les jeunes qui

permettraient de consolider cet accompagnement à l’autonomie. Nous essayerons, dans le

chapitre suivant, d’apporter des pistes qui pourraient renforcer les pratiques des

professionnels dans ce temps de l’accompagnement à la sortie autonome des dispositifs de

l’ASE.

98

Chapitre 3 : Résultats et préconisations

L’analyse des entretiens nous a permis de constater qu’il était possible d’améliorer

certains points quant à l’accompagnement vers la sortie autonome des jeunes approchant la

majorité au sein des dispositifs de l’ASE. Nous allons donc, à notre niveau, tenter ici de

réfléchir à la façon dont pourrait être rendu plus efficace l’accompagnement de ces adultes en

devenir vers la sortie autonome dès dix-huit ans. Il s’agit de répondre à la question Comment

anticiper les parcours de réussite des jeunes majeurs sortants de l’ASE à travers

l’accompagnement à la sortie avant dix-huit ans ? Pour cela, nous nous sommes appuyé sur la

parole des enquêtés puisqu’il nous paraît que ces jeunes ayant vécu cette sortie à dix-huit ans

portent un regard expert sur la question. Nous avons également pu compter sur le travail en

cours du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) qui a fait l’objet d’une

saisine par le gouvernement en Mars dernier. Celui-ci s’est vu charger de dresser l’état des

lieux de l’accompagnement reçu par les jeunes sortant de l’ASE à dix-huit ans. Afin de

pouvoir apporter des pistes d’améliorations qui permettraient d’éviter les sorties sèches ou en

d’autre termes les ruptures de parcours, ces derniers ont interrogé des professionnels en

Protection de l’Enfance dont il nous semblait intéressant d’intégrer les auditions à notre

travail. Tout ceci – en complément des constats que nous avons dressé dans la partie ci-

dessus – nous amène à proposer des pistes qui permettraient d’améliorer les conditions

d’accompagnement de ces jeunes avant leur sortie de l’ASE.

Tenir compte de l’histoire du jeune dans sa globalité

Harmoniser les pratiques dans les MECS

Il semblerait, d’après les jeunes, que le bon déroulement de leur parcours à l’ASE

dépende du lieu de placement où ils ont été accueillis. De nombreux enquêtés ont ainsi

évoqué la chance d’être tombé dans un bon établissement avec une équipe d’encadrants

attentifs, des équipements modernes et des locaux agréables. Ceux-ci comparent leur situation

à celles d’autres jeunes dont ils estiment qu’ils n’ont pas eu les mêmes conditions de vie

qu’eux. Ainsi, certains jeunes nous citent des foyers « à éviter » (Kassy, 19 ans). Cela laisse à

penser que les conditions d’accueil ne sont pas équivalentes dans chaque établissement. Pour

remédier à cela, nous proposons la mise en place d’une démarche qualité pour les

99

établissements afin de donner les mêmes moyens d’accompagnement à tous. La mise en place

d’un référentiel qualité permettrait ainsi d’homogénéiser les situations et de proposer la

meilleure offre possible dans chaque établissement. Ainsi, les jeunes seraient moins perturbés

en cas de changement d’établissement. En effet, les changements d’établissements semblent là

aussi impacter le parcours du jeune dans son ensemble.

Eviter les « cassures » (Amanda, 20 ans) dans les parcours des jeunes aux histoires

fragiles

Parmi les jeunes faisant l’objet d’un placement, certains sont davantage fragilisés que

les autres de par leur histoire. On entend par là les jeunes orphelins, les Pupilles de l’Etat ou

encore ceux dont les violences subies empêcheront un retour au domicile. Michèle Creoff,

vice-présidente du Conseil national de la Protection de l’Enfance (CNPE) utilise le terme de

« sans familles73 » pour les caractériser. Pour ces jeunes en quête de repères, le fait de changer

d’établissements à plusieurs reprises peut les décourager à s’investir dans la vie du foyer et à

tenter de s’intégrer auprès des autres. Amanda (20 ans) arrivée en foyer à deux ans, explique

que chaque changement représentait pour elle une cassure, une rupture qui lui faisait perdre

ses repères qu’elle avait pourtant mis longtemps à trouver. Celle-ci explique alors qu’au fur et

à mesure des changements d’établissements, elle a arrêté de s’investir dans les activités et

s’est isolée. Elle justifie ce comportement comme une autoprotection pour ne pas s’attacher et

souffrir lors d’un éventuel futur changement. Il faudrait donc veiller à éviter les changements

de lieux à répétition pour des jeunes aux repères fragiles afin de fluidifier leur parcours et leur

permettre de construire des repères stables les aidant à avancer. Néanmoins, si ces

changements sont inévitables, il faudrait veiller à l’intégration du jeune en chargeant un autre

jeune de lui faire visiter le nouveau foyer et lui présenter l’équipe d’éducateurs en amont de

son transfert. De plus, afin de leur apporter le meilleur soutien, il faudrait veiller à proposer à

ces jeunes une solution de placement adaptée à leur histoire. Pour les jeunes ayant connu des

situations de placement très précoces et sans lien avec leur famille, un placement en famille

d’accueil devrait leur être proposé. Nous l’avons vu pour ces jeunes ayant connu plusieurs

ruptures et au parcours parfois chaotique, cela n’est pas sans conséquences au niveau affectif.

Un placement en famille d’accueil leur permettrait de connaître une vie se rapprochant du

73 http://www.lecese.fr/content/questions-michele-creoff-cnpe-protection-de-lenfance

100

modèle de vie normé dans notre société. Cela leur permettrait alors d’avoir un parcours plus

stable, atténuerait les difficultés à se construire et les problèmes de construction de liens

affectifs. Sur le long terme, cela pourrait, selon I. Frechon (2016), atténuer les difficultés à

mener une vie conjugale, professionnelle paisible. Tout ceci devrait donc permettre de

sécuriser les parcours des enfants placés.

Aider les jeunes à mettre un sens sur leur placement

Le fait de ne pas connaitre ou encore de ne pas admettre les raisons du placement

peuvent jouer un rôle dans l’investissement et dans le comportement du jeune dans son

parcours à l’ASE. Nombreux sont les jeunes ne connaissant pas leur histoire ou n’acceptant

pas leur placement. Ces jeunes peuvent alors développer des comportements déviants pour

manifester leur mécontentement ou leur souffrance. Cela aura malheureusement des

conséquences sur leur parcours à l’ASE mais aussi à la sortie. Il faudrait donc aider le jeune à

admettre son placement en l’aidant d’abord à accepter l’intervention de l’ASE et en tentant de

répondre aux questions qu’il peut être amené à se poser. Un travail entre le référent, un

médecin ou psychologue et les parents (lorsque cela est possible) doit être mené pour que

chacun puisse être en capacité d’expliquer de manière simple et non brutale au jeune en quête

de réponses la raison de son placement. Cela pourra permettre un travail de résilience tout au

long du placement et éviter les conflits avec les parents ou la crainte d’être confronté à son

histoire à la sortie. Ce travail de résilience doit être renforcé par la mise en place de groupes

de paroles encadrés par des éducateurs et des médecins. Ces ateliers doivent permettre de

libérer la parole des jeunes et d’extérioriser leurs émotions quant au fait d’être placé ou encore

les raisons du placement. Cela pourrait permettre aux jeunes en souffrance d’être apaisés et

ainsi de mieux accepter l’intervention de l’ASE. Afin de libérer les échanges, les groupes de

paroles devraient être constitués de jeunes aux parcours avec des similitudes. Des initiatives

similaires sont organisées par le FJT Béthanie ou encore l’Association ATD Quart Monde

avec des résultats encourageants.

101

Renforcer la place des différents acteurs dans le parcours du jeune

Retravailler le lien entre le professionnel et le jeune

Nombreux sont les jeunes à réclamer plus de relations humaines avec les

professionnels avec lesquels ils vivent au quotidien. En effet, certains d’entre eux déplorent le

fait de ne pas pouvoir nouer de relations de proximité avec leurs éducateurs. Nouer des

relations avec les éducateurs ou encore avec l’assistant familial permet au jeune de se sentir

considéré et estimé. Cela l’aide à prendre confiance en lui et l’encourage à s’investir et être

acteur de son parcours à l’ASE. De plus, lorsqu’arrive la fin de l’accompagnement, les jeunes

vivent une seconde rupture puisqu’il leur faut se séparer des éducateurs ou assistants

familiaux avec qui ils ont partagé leur vie durant de nombreuses années. Il faudrait donc

permettre à ces professionnels de s’investir humainement auprès des jeunes au-delà même du

temps de placement. Sandrine Weltman74, directrice de l’activité d’Action d’Enfance, constate

que nombreux sont les jeunes qui n’ont pas et/ou craignent de ne pas avoir de personnes avec

qui construire des liens durables au-delà du placement. De ce fait, celle-ci propose de repenser

le statut des professionnels en les autorisant à s’engager personnellement auprès de ces jeunes

et à penser le lien avec eux dans la durée. Cela impliquerait de former les professionnels à ces

nouvelles pratiques mais aussi de leur proposer des solutions de soutien. Pour cela, Anne

Oui75, chargée de mission à l’ONPE propose d’apporter un soutien à ceux qui vivent au

quotidien avec les jeunes dits difficiles, c'est-à-dire ceux aux besoins multiples en

développant un système d’aide aux aidants comme il en existe dans d’autres secteurs. Il s’agit

de mettre en place des espaces confidentiels d’écoute et d’accompagnement pour ces

professionnels dont l’engagement au quotidien peut être lourd à porter.

Développer d’autres formes de soutien affectif pour les jeunes

Afin de s’assurer que les jeunes puissent compter sur des personnes dans la durée et

au-delà du placement, des systèmes de parrainage devraient être développés pour les jeunes

74 http://www.lecese.fr/content/questions-sandrine-weltman-action-enfance-protection-de-lenfance 75 http://www.lecese.fr/content/questions-agnes-gindt-ducros-et-anne-oui-onpe-protection-de-lenfance

102

dits « sans familles »76. Ces parrainages pourront permettre « la construction d’une relation

affective privilégiée entre l’enfant et son parrain 77». Les parrains seront des personnes

bénévoles sollicitées par des associations œuvrant déjà dans le parrainage « de cœur »

d’enfants en difficulté. L’association Parrains par’Mille est sensible à ce projet et a commencé

à développer ce genre de parrainage en 2017 dans certaines régions. Des parrainages

d’enfants placés existent dans le Nord (UDAF) mais ceux-ci sont encore peu nombreux et

méritent d’être développés. Afin de favoriser le développement de relations pérennes et

d’investir le jeune dans ce rôle de « filleul », les jeunes seraient à l’origine du choix du

parrain. Ils pourraient ainsi choisir un parrain auquel ils s’identifient en raison d’intérêts ou

d’expériences communes. Christine Eschenbrenner, présidente de l’association Parrains

Par’Mille, insiste sur l’intérêt de développer des systèmes de parrainage auprès de ces jeunes

pour permettre une continuité dans le parcours. Ces parrains de cœur pourraient représenter

un repère clé pour les jeunes placés sans soutien à la sortie de l’ASE. Ils pourraient

accompagner les jeunes dans leur entrée dans la vie adulte et leurs connaissances et

expériences pourraient être mobilisées afin de les aider à s’insérer dans la société. I. Frechon

souligne que la mise en place de parrainage de cœur pour ces jeunes fragilisés par les

différentes ruptures de parcours permettrait l’établissement d’un lien durable « dont ils ont

cruellement besoin78

». Elle ajoute que ces parrains de cœur pourraient offrir un fil conducteur

venant apporter une cohérence à un ensemble disparate à ces jeunes lorsqu’ils sortiront de

l’ASE.

Réaffirmer la place des parents dans le parcours de l’enfant

Les dernières orientations sur la prévention et la Protection de l’Enfance adoptées en

Décembre 2015 par le Département du Nord affirment la volonté de permettre un maintien

des liens entre l’enfant et son environnement familial. Pour cela, le Département propose de

développer d’autres types de mesures que le placement au sein de l’ASE. Tout en continuant à

travailler dans l’intérêt de l’enfant et à veiller à sa protection, le maintien au domicile doit être

envisagé avec la mise en place de mesures d’assistance éducative à domicile. Nous l’avons vu

précédemment 80% des accueils à l’ASE dans le Nord font suite à des carences éducatives,

76 http://www.lecese.fr/content/questions-michele-creoff-cnpe-protection-de-lenfance 77 Charte du Parrainage, Article 1er. 78 Lucas, E. (2017), « Des parrains pour accompagner les enfants placés », La Croix, [en ligne].

103

affectives et de soins. La mise en place d’AEMO dans ces cas là pourrait permettre d’éviter

d’éventuelles ruptures du lien parent/enfant qui pourraient découler d’un placement.

Indirectement, l’accompagnement à domicile lors de la minorité devrait permettre sur le long

terme d’éviter les ruptures dès dix-huit ans. L’argent économisé grâce à la réduction du

nombre de placement en foyer pourrait être utilisé pour renforcer le système de mesures à

domicile. En effet, des formations pourraient être organisées pour renforcer l’intervention du

professionnel au domicile. Des ateliers pour accompagner les parents dans leur rôle de

protection de l’enfant pourraient également être proposés. Il s’agit ainsi de réinvestir les

parents dans ce rôle et de les valoriser dans ce sens. Cela permettra, de plus, en diminuant le

nombre d’enfants placés, d’améliorer le travail des professionnels auprès des jeunes accueillis

en foyer ou en famille d’accueil.

Collaborer pour proposer au jeune un accompagnement cohérent et complet

Le parcours du jeune au sein de l’ASE est l’affaire de plusieurs acteurs dont il faut

harmoniser les pratiques auprès du jeune. Le jeune lui-même, ses parents lorsque cela est

possible, mais aussi l’éducateur ou l’assistant familial, le référent, les professeurs, le médecin,

etc. doivent travailler ensemble dans l’intérêt de l’enfant pour lui permettre de recevoir un

accompagnement le plus cohérent et complet possible. Les parents doivent être davantage

associés dans le projet du jeune tout en restant encadré pour que le jeune reste acteur de son

projet. Cet investissement du parent dans le projet de l’enfant devrait permettre le maintien

d’un lien parent/enfant et d’aider les parents à accepter/ admettre le placement de leur enfant.

Travailler ensemble devrait ainsi permettre aux parents de se sentir considérés par l’institution

et empêcher le découragement chez certains d’entre eux de s’investir auprès de leurs enfants

en raison de la séparation. Pour apporter l’accompagnement le plus cohérent et fluide aux

jeunes, les différents acteurs doivent collaborer en communiquant d’abord entre eux sur les

différents besoins de l’enfant. Des évaluations pluridisciplinaires sur la situation des enfants

accueillis ou faisant l’objet d’une mesure éducative existent déjà et donnent lieu à

l’établissement d’un rapport annuel permettant de juger de l’efficacité ou non de la mesure.

Des réunions rassemblant l’ensemble des acteurs et animées par le référent du jeune devraient

être mises en place plus régulièrement (une fois par trimestre par exemple) afin d’aborder

l’état de santé, la scolarité, l’évolution au sein de la mesure, la vie sociale, les relations

104

familiales et le projet d’avenir du jeune. Cela permettra aux différents acteurs de prendre

connaissance des besoins du jeune dans ces différents domaines et d’ajuster ainsi

l’accompagnement à ses besoins. Entre ces réunions, il faudrait instaurer la mise en place d'un

cahier de bord informatique pour chaque jeune et accessible à tous les acteurs actifs de son

parcours permettant de communiquer sur le comportement du jeune, signaler ses besoins ou

ses difficultés dans certains domaines. Cela permettra d’intervenir de la façon la plus adaptée

à son histoire et ses besoins.

Déconstruire les préjugés en rendant visible l’ouverture des MECS au monde

extérieur

Nous l’avons constaté précédemment, les jeunes placés font souvent l’objet de

préjugés dû à leur situation. Cela peut conduire à leur isolement dans la sphère sociale mais

peut aussi devenir un frein à l’embauche. Pour remédier à cela, il faut déconstruire les

préjugés en ouvrant les lieux de vie au monde extérieur. Ce travail de déconstruction pourrait

passer par la mise en place d’activités communes entre les établissements et les centres

sociaux de proximité mais aussi par la participation des jeunes à des activités organisées par la

commune. Les rencontres entre les uns et les autres devraient permettre de déconstruire les

préjugés à l’égard de ces jeunes. Proposer l’engagement de ces jeunes dans des causes

bénévoles ou dans des stages auprès de professionnels devrait également permettre une

ouverture sur le monde extérieur, favoriser les rencontres et rompre l’isolement, l’entre-soi de

ces enfants placés.

Préparer les jeunes à la sortie autonome

Renforcer la préparation à l’autonomie en famille d’accueil

Les jeunes en famille d’accueil semblent être moins poussés à acquérir des notions

d’autonomie que les jeunes en foyer. Il faut donc former les assistants familiaux à la mise en

place de temps de préparation à la vie en autonomie au sein de leur domicile. Cela peut passer

par la délégation de certaines tâches ménagères au jeune, la participation à la confection des

105

repas et l’apprentissage de la gestion d’un budget en lui confiant la tâche de faire les courses

alimentaires et d’hygiène avec un budget limité ou en lui confiant la gestion de son argent de

poche. Tout cela doit être fait dans le but de rendre le jeune capable de se débrouiller seul

mais ne doit pas conduire à l’exclusion du jeune de la vie commune. Cela peut également

passer par l’inscription du jeune en colonie de vacances ou sa participation à des jobs été dès

seize ans. Ainsi, le jeune va acquérir des notions d’autonomie qui pourront lui être utile s’il

venait à sortir dès dix-huit ans des dispositifs de l’ASE et se retrouverait dans un logement dit

autonome. D’anciens jeunes placés en famille d’accueil et sortis à dix-huit ans mais aussi des

directeurs de FJT ou autres établissements accueillant ces jeunes après la majorité pourraient

participer à l’élaboration de ces formations afin de faire remonter ce qui leur semble être le

plus important à apporter à ces jeunes avant leur majorité.

Proposer la semi-autonomie aux jeunes les plus éloignés de l’autonomie

Nous avons constaté que les jeunes ayant eu l’opportunité d’expérimenter la semi-

autonomie étaient ceux qui avaient le plus de facilités pour se débrouiller seuls. Cela devrait

pourtant être proposé aux plus éloignés de l’autonomie car il semblerait que ce dispositif

permette réellement d’acquérir des aptitudes à devenir autonome. Les places en semi-

autonomie devraient être privilégiées pour ces jeunes aux difficultés multiples afin qu’ils

puissent expérimenter concrètement l’autonomie en étant suivi par des éducateurs. D’autres

solutions devraient être proposées aux jeunes plus autonomes. Ces solutions devraient

s’inspirer des systèmes déjà existants tels que l’habitat partagé ou encore les collocations avec

des personnes âgées. En plus de préparer les jeunes à l’autonomie, ces solutions leur

permettraient également de nouer des liens pouvant perdurer avec leurs colocataires.

Orienter les jeunes à distance des études vers d’autres formes de formations permettant l’employabilité

Le parcours et l’histoire des jeunes peuvent provoquer des difficultés scolaires chez

eux. Il faut donc trouver des solutions pour proposer des alternatives aux études pour ces

jeunes à distance de l’école. L’engagement semble être une bonne alternative permettant tout

106

de même d’aboutir à une employabilité. Pour cela, l’ASE doit collaborer avec les dispositifs

de droit commun tels que la mission locale. Les jeunes à distance des études pourraient ainsi

se voir proposer des services civiques, des volontariats à l’étranger, etc. leur permettant de

renforcer leurs chances d’accéder à l’emploi. De plus, afin d’aider l’ensemble des jeunes à se

projeter dans l’avenir et réfléchir à un projet professionnel, les jeunes devraient être invités et

incités à participer aux forums des métiers et salons de l’apprentissage et des formations. Cela

passe également par la mise en place de rencontres entre professionnels et jeunes. Des

professionnels volontaires pour faire découvrir leur métier pourraient intervenir une fois par

mois au sein des foyers ou des UTPAS pour présenter leur entreprise et leur emploi et

répondre aux questions des jeunes. Cela permettrait pour eux d’avoir un premier contact avec

le monde professionnel dont ils sont parfois très éloignés et les aiderait à construire leur projet

d’avenir.

Encourager le jeune à prendre des initiatives

Préparer les jeunes à la sortie autonome qu’à partir de seize ans semble être très

restreint en termes de temps. Jérôme Aucordier79, directeur du lieu de vie « Le Colibri »

souligne qu’à la sortie à dix-huit ans, le jeune se retrouve parfois sans soutien. Il est demandé

aux professionnels de rendre les jeunes prêts à affronter cette éventualité en deux années.

Celui-ci insiste sur le fait que le délai de deux ans pour proposer cet accompagnement est très

court. De ce fait, les jeunes peuvent avoir l’impression de préparer leur sortie sous la

précipitation et ainsi de devoir prendre des décisions hâtives par crainte de se retrouver sans

solution à dix-huit ans. Il faudrait donc espacer le temps de préparation à la sortie autonome

sur plusieurs années et ainsi amener le jeune à réfléchir à sa sortie future dès l’âge de quatorze

ans tout en l’accompagnant dans cette démarche. La préparation à l’autonomie pourra ainsi

être approfondie car préparée sur une plus longue période. Cela pourrait permettre de mieux

appréhender cette sortie et ainsi d’éviter le manque de confiance en soi et la crainte éprouvée

à l’approche de celle-ci. La présentation des dispositifs de droit commun auxquels les jeunes

pourront recourir une fois majeur devra être approfondie puisqu’il semble qu’elle reste

jusqu’alors encore très succincte. Enfin, pour que le jeune soit plus confiant à l’approche de

cette sortie et pour atténuer les craintes de ne pas réussir, un travail de valorisation des

79 http://www.lecese.fr/content/questions-jerome-aucordier-le-colibri-protection-de-lenfance-cese

107

capacités des jeunes doit être mené. Il faut veiller à les encourager à prendre des initiatives

seuls et les valoriser en ce sens afin de les faire prendre confiance en eux et leurs capacités à

faire. C’est durant le temps d’encadrement par l’ASE qu’il faut permettre aux jeunes de

prendre ces initiatives sachant qu’ils sont toujours guidés et soutenus par quelqu’un.

108

Conclusion

Nous avons donc pu voir que les jeunes confiés à l’ASE ne sont pas un groupe

homogène. Cette appellation regroupe sous son nom un ensemble de jeunes aux profils et aux

parcours différents. Les enquêtés qui ont permis de réaliser cette étude se distinguaient, en

effet, de par leur âge, leur sexe mais aussi de par la raison qui les a mené au placement et de

l’évolution qui s’est opérée pour eux au cours de celui-ci.

Chaque parcours en Protection de l’Enfance est unique. E. Potin (2009) souligne que

le parcours de l’enfant placé est le fruit de l’interaction avec d’autres acteurs physiques et

symboliques80. En effet, le parcours de l’enfant est marqué par son histoire familiale, les

pratiques des professionnels qui interviennent auprès de lui, les règles de vie qu’impose ce

lieu de vie mais aussi des réformes nationales et départementales avec lesquels ils ont grandis.

Nous l’avons vu, pour les jeunes rencontrés, plusieurs facteurs influent sur la perception de

leur parcours. Le rapport à ce passage, le rapport aux professionnels mais encore celui avec la

famille et les autres jeunes sont les critères qui influent sur la perception de l’institution. Si les

jeunes portent un regard plutôt positif et présentent leur placement comme une intervention

bienveillante de la part de l’institution, leur implication dans leur projet et l’acceptation de

l’aide iront de pairs. Au contraire, pour les jeunes aux histoires fragiles dont le placement

n’est pas compris ou admis et insatisfaits de leur situation, leur investissement dans

l’accompagnement et dans les relations avec l’autre est moindre. Cela souligne l’importance

d’apporter un accompagnement qui considère le jeune dans son entièreté, c’est-à-dire qui

prend en compte ses antécédents et son histoire globale.

La délibération du Nord de Juin 2016 est venue rendre de plus en plus précoce la sortie

des dispositifs des jeunes majeurs protégés. Si ceux-ci pouvaient, avant, bénéficier d’un

accompagnement jusqu’à leur vingt-et-unième année. Cela est maintenant beaucoup plus

difficile. De ce fait, les professionnels doivent les amener à anticiper leur sortie dès seize ans

en les préparant à la vie en autonomie. Nous constatons, à travers les paroles des enquêtés,

que cette préparation à l’autonomie repose avant tout sur le savoir faire que le savoir être. En

effet, ces derniers semblent davantage miser leur accompagnement sur la préparation à

réaliser les tâches de la vie quotidienne que sur l’autodétermination. De plus, nous

80 Potin, E. (2009), Vivre un parcours de placement. Un champ des possibles pour l’enfant, les parents et la famille d’accueil », Sociétés et jeunesses en difficulté [Online], n° 8.

109

remarquons également que les jeunes sont peu appris à mobiliser des supports qu’ils

pourraient mobiliser à leur sortie. Ce sont davantage les règles du vivre seul qui leur sont

inculquées. Les foyers semi-autonomie semblent être un bon compromis pour les préparer à

l’autonomie résidentielle mais semblent n’être proposés qu’à ceux faisant déjà preuve d’un

assez grand degré d’autonomie. Chaque jeune n’a pas les mêmes compétences et les mêmes

besoins pour acquérir une totale autonomie. Ce sont donc les besoins individuels des jeunes

qui doivent être travaillés pour anticiper au mieux leur sortie. Ce passage de préparation à

l’autonomie semble donc être une étape cruciale pour ces jeunes puisque leur investissement

dans cet accompagnement et les décisions prises en termes de projet d’avenir seront décisifs

pour « réussir » leur sortie.

Cette sortie est l’enjeu, dans la plupart des cas, de nombreuses inquiétudes pour ces

tout jeunes majeurs. Bien souvent contrainte, elle les plonge brusquement dans le grand bain

de la vie d’adulte. Alors que dans la population générale, l’acquisition de ce statut s’obtient

graduellement après le franchissement des seuils de décohabitation, d’émancipation et

d’insertion socioprofessionnelle, pour ces jeunes ce cap est beaucoup plus lourd et brutale. En

effet, alors que ces jeunes disposent de moins de soutien pour y arriver, il leur faut rapidement

faire preuve d’autonomie et affronter simultanément tous les passages qu’implique cette

entrée dans le monde adulte. De ce fait, la sortie des dispositifs est un passage marquant et

parfois redouté par les jeunes puisqu’elle représente la fin d’un accompagnement et d’un

accueil au sein d’un cadre qu’ils ont, pour certains, connus pendant des années. Il peut alors

représenter pour ces jeunes un passage à l’âge adulte subi, un devenir adulte forcé. On perçoit

chez la plupart des jeunes une peur de l’inconnu après la fin de l’accueil en MECS ou en

famille d’accueil, ainsi que la crainte d’être livrés à eux-mêmes et confrontés à leur sortie.

Cette crainte de l’inconnu va parfois les contraindre à faire des choix par dépit afin de

s’assurer d’avoir une solution d’hébergement et d’insertion socioprofessionnelle rapide.

Nous espérons que les résultats de cette étude et les propositions d’amélioration

proposées précédemment pourront permettre de favoriser les parcours de réussite pour les

futurs jeunes en approche de la majorité à travers l’accompagnement à la sortie en amont.

Afin d’avoir des résultats le plus pertinent possible, il faudrait réitérer cette étude dans deux

ou trois années afin de pouvoir vraiment mesurer l’impact de la délibération sur

l’accompagnement délivré aux jeunes. En effet, cette délibération semble ne pas encore être

tout à fait ancrée dans les pratiques professionnelles et les outils qu’elle prévoyait pour

110

accompagner les professionnels dans cet accompagnement ne semblent pas encore avoir été

diffusés à ces derniers. De plus, il pourrait être envisagé de réaliser cette enquête sur

l’ensemble du Département du Nord afin d’étudier si des disparités au sein d’un même

territoire existent.

Finalement, ce stage m’a permis d’approfondir les connaissances vues en cours et

d’avoir une première expérience de la vie professionnelle dans le secteur associatif. Il m’a

aussi permis de prendre confiance en moi et prendre de l’assurance à l’oral face à un public au

travers mes interventions lors des différentes réunions auxquelles nous avons du restituer

l’avancée de l’enquête. Enfin, réaliser ce stage à l’Uriopss m’a permis de comprendre

l’importance pour les associations de s’unir afin de partager les savoirs et d’avoir plus de

visibilité auprès des acteurs des politiques publiques.

111

Bibliographie

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Code de l’Action Sociale et de la Famille, Article L.112-3

Loi 2007-293, Article 221-1.

Loi n°2016-297 du 14 Mars 2016 relative à la Protection de l’enfant, Article L.112-3.

Liens internet

http://www.lecese.fr/content/questions-jerome-aucordier-le-colibri-protection-de-lenfance-cese

http://www.lecese.fr/content/questions-michele-creoff-cnpe-protection-de-lenfance

http://www.lecese.fr/content/questions-sandrine-weltman-action-enfance-protection-de-lenfance

http://www.lecese.fr/content/questions-agnes-gindt-ducros-et-anne-oui-onpe-protection-de-lenfance

115

Annexes

Annexe 1 : Les caractéristiques sociodémographiques des enquêtés

Prénom

Âge/Genre

Spécificités

Parcours

scolaire et

professionnel

Age d’entré

e à l’ASE

Type de

placement

Sortie de

l’ASE

APJM / EVA

Lieu de résidence à la sortie

Lieu de résiden

ce Actuel

Amanda

20 ans/ Fille

En situation de handicap

BEP Accompagnement, soins et services à la personne, Actuellement à l’E2C, projet de devenir palefrenière

2 ans Foyers 19 ans Volet éducatif et aide financière MDPH

Retour au domicile de la soeur

FJT

Alu 19 ans/ Garçon

Ancien MNA

BEP et Bac Pro métiers de l’Enseigne et de la signalétique en alternance

15 ans Foyers 18 ans Dans un premier temps, volet éducatif et financier de l’APJM ; puis uniquement volet éducatif.

Logement étudiant

Logement social

Warda 22 ans/ Fille

Mesure AEMO avant le placement

Formation Assistante de vie aux familles en cours,

17 ans Foyers 21 ans Oui, rompu car non respect du contrat puis de nouvea

Passage chez une tante avant de connaître la

Logement social

116

travaille à l’ ADAR

u bénéficiaire jusqu’à la limite d’âge en place.

rue et les CHU

Mike 20 ans/ Garçon

CAP ECMS, Bac Pro Vente en cours, employé en vente dans un magasin

15 ans Passage en famille d’accueil qui n’a pas fonctionné donc placement en foyers

17 ans Toujours bénéficiaire

Retour au domicile parental

Foyer de Jeunes Travailleurs

Gustave

22 ans/ Garçon

Bac STG, BTS IRIS, Formation polyvalente en informatique, Formation POE en cours

16 ans Foyer 18 ans Bénéficiaire jusqu’à 21 ans

Foyer Jeunes Travailleurs

Foyer Jeunes Travailleurs

Bella 20 ans/ Fille

Service civique dans une école en cours, sans diplômes

10 ans Famille d’accueil

18 ans Bénéficiaire 3 mois

Retour au domicile Familial

Foyer Jeunes Travailleurs

Habib 19 ans/ Garçon

Ancien Mineur Non Accompagné

Cap Cuisinier, employé de restauration

16 ans et demi

Foyers 18 ans Bénéficiaire jusqu’à l’obtention de son CDI

Logement étudiant

Logement étudiant

117

Inaya 19 ans / Fille

Ancien Mineur Non Accompagné

Bac ST2S, en formation d’aide-soignante

14 ans foyers 18 ans Bénéficiaire jusqu’à son entrée en études supérieurs

FJT FJT

Kassy 19 ans / Fille

AEMO depuis toute petite ; à l’origine de la demande du placement

BEP ASSP, (en cours) BAC ASSP et CAP Petite Enfance

15 ans Foyers 18 ans Bénéficiaire

FJT FJT

Jack 20 ans / Garçon

aucune CAP mécanicien, Travaille dans un garage

12 ans foyers 18 ans Bénéficiaire du volet éducatif jusque 19 ans

FJT Studio

Nelly 20 ans / Fille

aucune Bac L, Licence de droit

8 ans Famille d’accueil

18 ans Bénéficiaire du volet éducatif

Résidence étudiante

Résidence étudiante

Tom 19 ans/ Garçon

SDF Brevet 12 ans foyers 18 ans Non Domicile familial

Sans Domicile

Valentin

20 ans/ Garçon

aucune Bac S, 1ère année de médecine,

15 ans foyers 18 ans Bénéficiaire du volet éducatif

FJT Résidence étudiante

Loana

22 Ans/ Fille

Mère d’une petite fille d’1 an

Cap Restauration

3 ans Famille d’accueil et foyer

18 ans Non Retour au domicile familial

Appartement

Anna

22 ans/Fille

Mère, AEMO depuis ses 5 ans

Bep Carrières Sanitaires et sociales

13 ans et demi

Foyer 17 ans et demi

Non Foyer fille mère

Appartement

118

Annexe 2 : Produit comptable de l’Uriopss en 6

119

Annexe 3 : Lettre d’interpellation sur la situation des jeunes majeurs dans le département du Nord

120

121

Annexe 4 : Lettres à destination des professionnels

Objet : étude « autonomie des jeunes issus de l’ASE sur la MEL ».

Madame, Monsieur,

Dans le cadre de notre Master II en Gestion des Organismes Sociaux de l’Université de Lille Sciences Humaines et Sociales, nous effectuons un stage à l’URIOPSS afin de réaliser un travail de recherche sur les jeunes issus de l’Aide Sociale à l’Enfance sur la Métropole Européenne de Lille. Pour cela, nous recherchons des jeunes majeurs sortis des dispositifs de l’ASE et leurs familles afin de participer à notre enquête de terrain.

Cette enquête s’intitule « Observation sociale des besoins des jeunes de l’ASE pour les mener à l’autonomie ». L’ambition est de repérer les besoins des jeunes de l’ASE ayant eu un parcours ASE pour les mener à l’autonomie ; mais aussi de comprendre la place qui est laissée aux familles dans le parcours ASE de leur enfant. Ainsi, nous recherchons des jeunes majeurs et des familles volontaires, habitant sur la Métropole Lilloise et ayant eu un parcours ASE, afin de réaliser des entretiens anonymes sur leur vécu de l’accompagnement et leur parcours après la sortie.

Si vous êtes intéressé(e) par cette démarche, nous vous invitons à nous contacter au 06/36/54/39/93 ou au 06/62/35/51/06 ou par mail : [email protected] ou [email protected]. Ces entretiens seront anonymes, d’une durée moyenne de 45 minutes et susceptibles d’être enregistrés.

Par ailleurs, vous pouvez également nous contacter si vous souhaitez un complément d’informations. Nous sommes disponibles les mardis, mercredis et jeudis de février à fin avril pour réaliser les entretiens.

Nous vous prions d’agréer l’expression de nos salutations distinguées.

Cordialement,

Shéhérazade Akarkach et Marine Doyer

122

Bonjour,

Dans le cadre de nos études et de la recherche « Observation sociale des besoins des jeunes de l’ASE pour les mener à l’autonomie. », nous vous sollicitons afin de nous aider à constituer notre échantillon. Nous voudrions interroger une dizaine de jeunes majeurs sortis récemment des dispositifs de l’ASE et souhaiterions diversifier notre échantillon de par les caractéristiques sociodémographiques des jeunes interrogés (âge, sexe, diplôme, etc.). De plus, afin de recueillir des parcours les plus divers possibles, nous avons établi une liste des potentiels jeunes que nous aimerions interroger (Cf ci-dessous). Si vous avez un (des) potentiel(s) contact(s) à nous faire parvenir, nous vous invitons à indiquer vos coordonnés dans les cases correspondantes.

Jeune Majeur Non Accompagné

Contact à joindre :

Personne en situation de handicap

Contact à joindre :

Jeune en résidence sociale Contact à joindre :

Jeune en FJT Contact à joindre :

Jeune en logement autonome

Contact à joindre :

Jeunes dits sans solution Contact à joindre :

Nous vous remercions d’avance pour votre contribution et vous prions d’agréer nos salutations distinguées.

Cordialement,

Shéhérazade Akarkach et Marine Doyer, Étudiantes en Master II GOS, Lille III.

123

Guide d’entretien

Merci de nous accorder un peu de temps pour nous raconter votre expérience de prise en

charge par l’aide sociale à l’enfance. On voudrait d’abord vous rappeler que ces entretiens resteront anonymes et utilisés que dans le cadre de notre recherche. Notre objectif est de

comprendre à travers ces entretiens comment vous préparez la sortie et la fin de

l’accompagnement de l’ASE.

Question de départ : Pouvez-vous nous raconter votre parcours à l’ASE et notamment les premiers temps de l’accompagnement ?

1. Les modes de prise en charge et le parcours au sein de l’ASE.

Nous allons évoquer plus précisément le(s) mode(s) de prise en charge dont vous avez

bénéficié. Vous nous dites que vous avez été accompagné durant X années, de quel type de prise en charge avez-vous bénéficié ? (Famille d’accueil, foyer d’hébergement, mesure éducative dans la famille, etc.) Comment cela s’est-il passé ?

- Prise en charge continue dans le même dispositif ou dans plusieurs dispositifs ?

- Vécu de cette période ? points positifs et négatifs (Qu’est-ce qui vous a le plus déplu et qu’est-ce que vous avez le plus apprécié ?)

- Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant ces années de prise en charge par l’ASE ?

- Contacts avec la famille durant la prise en charge, à quelle fréquence ?

- Relations avec les professionnels qui vous ont accompagné ?

2. La préparation à la fin de l’accompagnement.

Nous allons maintenant aborder la fin de l’accompagnement de l’ASE. Est-ce que vous

pouvez nous rappeler à quel âge vous êtes sorti du dispositif et comment vous l’avez vécu ?

- Préparation à la fin de l’accompagnement ?

- A 16 ans, vous avez été reçu pour un entretien afin de préparer votre avenir et votre sortie du dispositif ? Comment avez-vous vécu cet entretien et que vous a-t-il apporté ?

- Avez-vous bénéficié d’un contrat jeune majeur ? pour quelle durée ? quel était l’intérêt pour vous de signer ce contrat ? qu’est-ce qu’il vous a apporté ? y a-t-il des contraintes à la signature du contrat ?

- Aviez-vous déjà un projet d’avenir (profession, formation, etc.) avant la fin de l’accompagnement ?

124

3. La fin de l’accompagnement.

Parlons maintenant de la fin de l’accompagnement. Est-ce que vous vous souvenez du jour de

la sortie et comment ça s’est passé ?

- Vers quoi/vers qui vous-êtes vous dirigé le jour de votre sortie ?

- Comment avez-vous ressenti cette fin d’accompagnement ? Quelles appréhensions à l’approche de celle-ci ?

- Après votre sortie, aviez-vous encore des contacts avec des professionnels qui vous ont suivi durant votre parcours ? Si oui, de quelle nature ?

- Après votre sortie, la relation avec votre famille a-t-elle évolué ? si oui, comment ?

- Etiez-vous prêt à voler de vos propres ailes ?

- Selon vous, l’accompagnement que vous avez reçu vous a-t-il assez préparé à la vie en autonomie ?

- Pour vous, c’est quoi être autonome ? Vous sentiez-vous autonome au moment de sortir de l’ASE ?

4. Votre vie actuelle.

Nous allons aborder la vie que vous menez actuellement. Pouvez-vous nous raconter comment

se déroulent vos journées aujourd’hui depuis que vous êtes sorti(e) de l’ASE ?

- L’ASE fait partie de votre vie, votre passé. Est-ce que ce passé a des conséquences sur votre vie actuelle ?

- Profession, lieu d’habitation, situation conjugale, etc.

- Lorsque vous étiez au sein de l’ASE, vous avez été accompagné, entouré par les professionnels de l’ASE, retrouvez-vous cet appui aujourd’hui ? Si oui, auprès de qui et comment ?

- Avec votre entourage, abordez-vous votre parcours au sein des dispositifs de l’ASE ? Si oui, qu’en disent-ils ? et Si non, pourquoi ?

- Le fait d’être passé par l’ASE entraîne-t-il des discriminations, des stigmates à votre égard ?

- Avez-vous gardé contact avec d’autres jeunes qui ont croisé votre chemin à l’ASE ?

- Votre situation actuelle correspond-elle aux souhaits d’avenir que vous aviez envisagé auparavant ?

125

- Si on fait un bilan, pensez-vous avoir réussi, atteint les objectifs que vous aviez visé avec votre accompagnateur lorsque vous étiez encore encadré par l’ASE ? Et pour vous, c’est quoi réussir ?

5. Perspectives d’amélioration.

Si on vous demandait d’apporter des axes d’amélioration sur l’accompagnement proposé par l’ASE et particulièrement l’accompagnement des jeunes majeurs vers l’autonomie, que proposeriez-vous ?

- Amélioration du dispositif (Accompagnement)

- CJM

- Relation avec les professionnels ;

- Relation avec les familles ;

- Relation entre les jeunes.

Pour terminer, si vous deviez évoquer les souvenirs qui vous ont le plus marqué durant ces

années au sein de l’ASE, lesquels seraient-ils ?

6. Les caractéristiques sociodémographiques.

Age, professions, diplômes.

126

Table des matières

Résumé ....................................................................................................................................... 2

Remerciements ........................................................................................................................... 3

Sommaire ................................................................................................................................... 4

Glossaire ..................................................................................................................................... 5

Introduction ................................................................................................................................ 6

Chapitre un : Partie théorique ................................................................................................... 10

1. Les évolutions récentes en Protection de l’Enfance. .................................................... 10

1.1. Qu’est- e ue la P ote tio de l’E fa e ? ....................................................................... 10

1.1.1. Genèse et évolution de ses objectifs ............................................................... 10

1.1.2. Présentation des dispositifs de l’ASE ............................................................. 14

1.2. Les lois ad es de la P ote tio de l’E fa e .................................................................... 17

1.2.1. Loi du 05 Mars 2007 ...................................................................................... 17

1.2.2. Loi du 14 Mars 2016 ...................................................................................... 19

1.3. La délégation du rôle de Protecteur des enfants aux Départements ............................... 20

1.3.1. La Décentralisation en Protection de l’Enfance : entre proximité et inégalités territoriales ................................................................................................................... 20

1.3.2. Le Département du Nord : Comment faire avec moins de moyens mais beaucoup d’enfants ? .................................................................................................... 23

1.4. Se o st ui e e ta t u’adulte au sei des dispositifs de l’ASE ....................................... 28

1.4.1. Rites de passage vers l’âge adulte et parcours vers l’autonomie .................... 28

1.4.2. Le devenir adulte des jeunes majeurs sortis de l’ASE .................................... 31

2. L’objet d’étude ............................................................................................................. 37

2.1. L’U iopss, i te fa e e t e le o de asso iatif et les pouvoi s pu li s ............................. 37

2.1.1. Présentation de la structure Hauts-de-France ................................................. 37

2.1.2. Utilité d’une tête de réseau comme l’Uriopss HDF ....................................... 41

2.2. Co p e d e o e t les jeu es pe çoive t la p épa atio à la so tie de l’ASE ............ 43

2.2.1. Commande et méthodologie d’enquête .......................................................... 43

2.2.2. L’échantillonnage et les difficultés rencontrées ............................................. 47

Chapitre Deux : Interprétation des résultats. ............................................................................ 50

1. A chacun son parcours à l’ASE .................................................................................... 50

127

1.1. Regard des jeunes sur leur passage à l’ASE ...................................................... 50

1.2. Rapport aux éducateurs et référents comme booster dans le parcours ............... 60

1.3. Et la place des familles ? .................................................................................... 66

2. Construire son autonomie dès 16 ans, anticiper sa sortie. ............................................ 73

2.1. Le cap des 16 ans, se projeter dans l’avenir ....................................................... 73

2.2. Vous avez dit autonomie ? ................................................................................. 76

3. La fin de l’accompagnement, entre excitation, angoisses et incertitudes .................... 85

3.1. L’approche de la sortie, étape décisive parfois contrainte ................................. 85

3.2. « Vous sentiez-vous prêts à sortir des dispositifs de l’ASE ? ............................ 91

Chapitre 3 : Résultats et préconisations ................................................................................... 98

Te i o pte de l’histoi e du jeu e da s sa glo alité .................................................................. 98

Harmoniser les pratiques dans les MECS .................................................................... 98

Eviter les « cassures » (Amanda, 20 ans) dans les parcours des jeunes aux histoires fragiles .......................................................................................................................... 99

Aider les jeunes à mettre un sens sur leur placement ................................................. 100

Renforcer la place des différents acteurs dans le parcours du jeune ......................................... 101

Retravailler le lien entre le professionnel et le jeune ................................................. 101

Développer d’autres formes de soutien affectif pour les jeunes ................................ 101

Réaffirmer la place des parents dans le parcours de l’enfant ..................................... 102

Collaborer pour proposer au jeune un accompagnement cohérent et complet .......... 103

Déconstruire les préjugés en rendant visible l’ouverture des MECS au monde extérieur .................................................................................................................................... 104

Préparer les jeunes à la sortie autonome ................................................................................... 104

Renforcer la préparation à l’autonomie en famille d’accueil ..................................... 104

Proposer la semi-autonomie aux jeunes les plus éloignés de l’autonomie ................ 105

Orienter les jeunes à distance des études vers d’autres formes de formations permettant l’employabilité ......................................................................................... 105

Encourager le jeune à prendre des initiatives ............................................................. 106

Conclusion .............................................................................................................................. 108

Bibliographie .......................................................................................................................... 111

Ouvrages ..................................................................................................................... 111

Articles ....................................................................................................................... 111

Rapports et Dossiers ................................................................................................... 112

Colloques .................................................................................................................... 113

128

Textes législatifs ......................................................................................................... 114

Liens internet .............................................................................................................. 114

Annexes .................................................................................................................................. 115

Annexe 1 : Les caractéristiques sociodémographiques des enquêtés ........................................ 115

Annexe 2 : P oduit o pta le de l’U iopss e 6 ................................................................... 118

Annexe 3 : Lett e d’i te pellatio su la situation des jeunes majeurs dans le département du

Nord ............................................................................................................................................. 119

Annexe 4 : Lettres à destination des professionnels ................................................................... 121

Guide d’e t etie ........................................................................................................................ 123

Table des matières .................................................................................................................. 126