L’abbé Michel GODE, dernier Supérieur de Massillon€¦ · sein de l’Ecole Massillon. Il est...

6
1 L’abbé Michel GODE, dernier Supérieur de Massillon nous a quittés en 2016. Parmi d’autres, l’abbé Godé fut un des acteurs principaux de l’adaptation de Massillon aux temps nouveaux. Aujourd’hui encore, dans la continuité de l’héritage, Massillon reste un établissement de référence de premier ordre. Il n’y fut pas pour rien. Prêtre… En 1938, il a 11 ans, quand jeune et timide clermontois, soutenu dans sa vocation naissante par le curé de sa paroisse Saint Vincent de Paul, il entre à la Maîtrise qui regroupe les petits séminaristes au sein de l’Ecole Massillon. Il est un élève brillant et travailleur. Il excelle en latin, en grec, en français avec un talent pour la poésie. A la colonie de la Maîtrise en 1941, l’élève Michel Godé est à la droite de Mgr Piguet. « Alors a commencé la vie que j’ai eue : une vie de découvertes. Découverte du savoir, des connaissances multiples, profanes et religieuses. » Il découvre aussi la liturgie des célébrations à la cathédrale en secondant son professeur, l’abbé L’Ebraly alors cérémoniaire diocésain. La lourde ordonnance de la pompe cérémonielle pré- conciliaire devait être parfaitement accomplie sans prendre le pas sur le spirituel. A la disparition de l’abbé L’Ebraly en 1951 , le jeune abbé Godé lui succédera durant presque 50 ans ! Pas une célébration épiscopale qu’il n’eut minutieusement mise au point. En 1944, il entre au grand séminaire de Riche-lieu à Chamalières, qu’il quitte dès l’année suivante pour intégrer le prestigieux séminaire pontifical français de Rome. Etudiant à l’ombre du Vatican, ordonné prêtre en 1950, muni d’une licence de théologie en 1951, il rentre à Clermont où il est nommé … à la Maîtrise.

Transcript of L’abbé Michel GODE, dernier Supérieur de Massillon€¦ · sein de l’Ecole Massillon. Il est...

Page 1: L’abbé Michel GODE, dernier Supérieur de Massillon€¦ · sein de l’Ecole Massillon. Il est un élève brillant et travailleur. Il excelle en latin, en grec, en français avec

1

L’abbé Michel GODE, dernier Supérieur de Massillon

nous a quittés en 2016.

Parmi d’autres, l’abbé Godé fut un des acteurs principaux de l’adaptation de Massillon aux temps nouveaux. Aujourd’hui encore, dans la continuité de l’héritage, Massillon reste un établissement de référence de premier ordre. Il n’y fut pas pour rien.

Prêtre… En 1938, il a 11 ans, quand jeune et timide clermontois, soutenu dans sa vocation naissante par le curé de sa paroisse Saint Vincent de Paul, il entre à la Maîtrise qui regroupe les petits séminaristes au sein de l’Ecole Massillon. Il est un élève brillant et travailleur. Il excelle en latin, en grec, en français avec un talent pour la poésie.

A la colonie de la Maîtrise en 1941, l’élève Michel Godé est à la droite de Mgr Piguet.

« Alors a commencé la vie que j’ai eue : une vie de découvertes. Découverte du savoir, des connaissances multiples, profanes et religieuses. » Il découvre aussi la liturgie des célébrations à la cathédrale en secondant son professeur, l’abbé L’Ebraly alors cérémoniaire diocésain. La lourde ordonnance de la pompe cérémonielle pré- conciliaire devait être parfaitement accomplie sans prendre le pas sur le spirituel. A la disparition de l’abbé L’Ebraly en 1951 , le jeune abbé Godé lui succédera durant presque 50 ans ! Pas une célébration épiscopale qu’il n’eut minutieusement mise au point. En 1944, il entre au grand séminaire de Riche-lieu à Chamalières, qu’il quitte dès l’année suivante pour intégrer le prestigieux séminaire pontifical français de Rome. Etudiant à l’ombre du Vatican, ordonné prêtre en 1950, muni d’une licence de théologie en 1951, il rentre à Clermont où il est nommé … à la Maîtrise.

Page 2: L’abbé Michel GODE, dernier Supérieur de Massillon€¦ · sein de l’Ecole Massillon. Il est un élève brillant et travailleur. Il excelle en latin, en grec, en français avec

2

Professeur … Les tâches éducatives sont variées, surveillant, préfet de division, professeur, dans cette Maîtrise où il fut élève, le voici passé « de l’autre côté du bureau ». Toute sa vie, il gardera ce goût prononcé de la transmission du savoir, de la formation personnelle et professionnelle. Ainsi les nécessités de l’enseignement dans les grandes classes l’amènent à obtenir en 1955, une licence de Lettres classiques. Cette année-là, à 28 ans, il est nommé professeur à l’Ecole Massillon et directeur spirituel des Grands. Il rejoint une vingtaine de prêtres enseignants vivant dans la maison et formant une communauté dirigée par un Supérieur nommé par l’Evêque. Dans ces années- là, les prêtres enseignants sont en soutane noire bien sûr, en communauté de vie, dans un établissement sans professeurs dames et sans élèves filles, avec une forte tonalité de pensionnaires, dans une ambiance presque de petit séminaire.

Enseignants et surveillants en 1959 autour du Supérieur Rochefolle ; l’abbé Godé est au 2° rang au centre. En parcourant les Bulletins de Massillon, on retrouve l’abbé Godé dirigeant les cérémonies à la chapelle, organisant voyages d’élèves et séances de cinéma. Très à l’aise avec l’écrit, l’abbé Godé a la plume facile et élégante, un goût prononcé pour la lecture et son support le livre. Toute sa vie lors de ses différentes installations, l’essentiel à déménager sera ses caisses de livres ! On sait moins qu’il est à l’origine de la magnifique bibliothèque de Massillon, dont il a découvert le fonds principal relégué et abandonné dans un réduit! Il classe et crée un catalogue de plusieurs milliers d’ouvrages, dont certains fort rares, qui font l’admiration des visiteurs. Pendant 13 ans, jusqu’en 1968, l’abbé Godé va vivre en première ligne les importants bouleversements qui vont modifier radicalement le visage de l’établissement. Fin 1959 est votée la loi Debré. Les dispositions de la loi permettent la transformation des établissements de « l’enseignement libre » en « établissements privés sous contrat avec l’Etat ».

Page 3: L’abbé Michel GODE, dernier Supérieur de Massillon€¦ · sein de l’Ecole Massillon. Il est un élève brillant et travailleur. Il excelle en latin, en grec, en français avec

3

C’est le chanoine André Rochefolle, alors Supérieur, qui œuvra efficacement pour une application réussie des contrats. En quelques années, le changement sera considérable. Les laïcs vont progressivement remplacer les prêtres, moins de vocations sacerdotales et moins de vocation enseignante chez les jeunes prêtres. Les professeurs sont maintenant rémunérés par l’Etat, à condition qu’ils aient les diplômes universitaires requis, qu’ils respectent les programmes officiels de l’Education nationale, et qu’ils bénéficient de rapports favorables des inspecteurs de l’Académie. Les effets seront importants, le groupe des prêtres résidents se réduit et vit moins en communauté tandis que les laïcs, hommes et femmes apparues depuis peu dans le paysage du secondaire, quittent l’établissement, leur travail en classe achevé, pour mener leur vie personnelle. Les deux groupes, toutefois, ne sont pas coupés l’un de l’autre et l’abbé Godé est de ceux qui entretiennent des relations collégiales et amicales avec les professeurs laïcs. En 1962, le Pape Jean XXIII ouvre le concile dit Vatican II. L’abbé Godé est un jeune prêtre de 35 ans qui va s’intéresser tout particulièrement à ce formidable mouvement d’aggiornamento de l’Eglise. La réforme liturgique interpelle tout spécialement le cérémoniaire épiscopal alors que les travaux du Concile lui rappellent son cadre d’études romain. Il s’ensuivra un allègement des pratiques à l’intérieur de la maison, théoriquement relayées par les paroisses des familles. Bientôt les tenues dites de clergyman vont remplacer la traditionnelle et austère soutane noire.

Trop loin, trop vite, pensent certains ! L’abbé Godé, avec le sens de la mesure et la pratique de la réflexion qui le caractérisent, fait partager les aspects positifs de la grande réforme de l’Eglise, et aide à la mise en place de la nouvelle liturgie fondée sur la messe en français, l’officiant face aux fidèles.

Ce concile a permis à l’Eglise d’entrer dans le monde de son temps, précédant un autre bouleversement inattendu, le fameux mois de mai 1968 ! Et qui pourtant va modifier profondément et durablement la société. Comme si une page devait se tourner, c’est l’année où le chanoine Rochefolle se retire et propose à Mgr de La Chanonie de nommer l’abbé Godé à sa succession. Il a 41 ans !

Page 4: L’abbé Michel GODE, dernier Supérieur de Massillon€¦ · sein de l’Ecole Massillon. Il est un élève brillant et travailleur. Il excelle en latin, en grec, en français avec

4

Supérieur… C’est lui qui durant 11 ans va continuer l’œuvre entreprise en adaptant l’Ecole aux nécessités de son temps. Et tout d’abord la pédagogie, qui voit reculer le simple apprentissage répétitif de notions déjà anciennes, pour accueillir la participation des élèves à leur propre formation au-delà du classique cours magistral à copier, à apprendre, à réciter. C’est aussi le début de l’introduction de l’image avec les diapositives, les films pédagogiques, les enregistrements ; mais aussi les débats, les classes vertes, les recherches personnelles des élèves, la réflexion sur le type d’études supérieures et leurs débouchés professionnels, qui nécessitera la mise en place du premier Centre de Documentation et d’Information. Tout cela, en corollaire, va nécessiter une formation approfondie des professeurs grâce à l’institut de Formation Pédagogique, que l’abbé Godé met en place. Ainsi, grâce à cette attention, à cette volonté, l’enseignement à Massillon concourra toujours à la réputation de la maison. Autre évolution, celle des pratiques religieuses où le souffle de Vatican II dépoussière les exercices traditionnels. Avec l’abbé Perrein, responsable spirituel, une pastorale plus proche des jeunes et de leurs besoins est proposée avec des temps forts pour les volontaires. La Communion solennelle se déroule désormais en l’église du Port, bien plus vaste que la chapelle, ce qui permet la participation des familles.

Juin 1976 ; le Supérieur Michel Godé entouré d’une majorité de laïcs et de six prêtres.

Cependant, en prenant la direction de Massillon, le nouveau Supérieur identifie un certain nombre de difficultés, dont la fragilité financière reste la plus préoccupante. En effet, le recrutement principalement en lycée n’est pas aussi satisfaisant que souhaité.

Page 5: L’abbé Michel GODE, dernier Supérieur de Massillon€¦ · sein de l’Ecole Massillon. Il est un élève brillant et travailleur. Il excelle en latin, en grec, en français avec

5

L’idée d’une rationalisation de l’enseignement pour les garçons entre les 2 seuls établissements catholiques, comprenant collège et lycée, de part et d’autre de l’étroite place de Salford est déjà ancienne. Avant 1968, des contacts avaient été pris entre Godefroy de Bouillon et Massillon. Quel est le contexte ? Godefroy a un petit lycée général et un important lycée technique et professionnel, Massillon a un lycée général dont les résultats pas assez élevés conduisent des familles à préférer en seconde le lycée public Blaise Pascal. Une fusion des 2 établissements fut envisagée, le Frère Thé et l’abbé Godé en jetant les bases, avec le soutien du Directeur diocésain, l’abbé Garnaud, ancien professeur de Massillon. Mais les choses ne sont pas si simples, la plupart des esprits n’étaient pas prêts ni assez préparés. Il est vrai que les Tutelles n’étaient pas en parfaite harmonie , Frères des Ecoles chrétiennes au rayonnement international et Prêtres du diocèse dépendant de l’évêque de Clermont. En 1975, la loi Haby crée le collège unique qui induit deux nouveautés, la mixité des élèves ( qui se fera très lentement à Clermont, public et privé confondus) et la partition entre collège (« pour tous ») et lycée en fonction de l’orientation choisie. C’est dans ce contexte que les travaux de rapprochement entre Godefroy et Massillon se sont poursuivis, facilités par la bonne entente entre l’abbé Godé et Jean-Pierre Gardy le premier directeur laïc de Godefroy. L’idée d’association sur le plan pédagogique va se substituer au projet de fusion. La mise en place de cette association se fondait sur la partition ; collégiens et leurs professeurs de Godefroy rejoignant le « collège Massillon » tandis que les lycéens et leurs professeurs de Massillon s’installaient dans les locaux du « lycée polyvalent Godefroy de Bouillon ». Elle fut complète en 1978. Nombreux furent ceux qui, à Massillon, virent dans cette opération une véritable décapitation, en souffrirent, ne l’acceptèrent pas et d’aucuns œuvrèrent opiniâtrement à un retour à la structure antérieure ; quelques années plus tard, leurs efforts furent couronnés de succès.

Directeur diocésain…

Cette année-là, 1978, l’abbé Godé est nommé par Mgr Dardel Directeur diocésain de l’Enseignement catholique. Il est évident à cette époque déjà qu’aucun prêtre n’est disponible dans le diocèse pour devenir directeur de Massillon. Il allait donc être nécessaire de faire appel à un laïc, ce qui posait une question majeure, qui allait le nommer ? L’évêque, alors que le statut de l’Enseignement catholique ne sera promulgué qu’en 1992, n’avait pas vraiment pris en compte les avertissements de l’abbé Godé qui posait la question du lien canonique entre l’établissement privé sous contrat et l’Eglise, lorsqu’un laïc deviendrait directeur. Il aurait fallu désigner un délégué épiscopal représentant l’évêque dans les instances gestionnaires de la maison. C’est donc le conseil d’administration, employeur du directeur par contrat de travail, qui allait nommer les successeurs, validés par l’autorité ecclésiale, mais a posteriori, ce qui ne manquera pas de créer des problèmes et tensions ultérieures.

Page 6: L’abbé Michel GODE, dernier Supérieur de Massillon€¦ · sein de l’Ecole Massillon. Il est un élève brillant et travailleur. Il excelle en latin, en grec, en français avec

6

Curé de paroisse … En 1985, après 7 ans de direction diocésaine pendant lesquelles il facilite, par son attitude diplomatique, les relations de l’Enseignement catholique avec les instances ministérielles et rectorales, il est nommé curé de Saint Pierre les Minimes, responsable diocésain de la pastorale familiale, aumônier du Centre médical Sainte Marie. En 1998, 13 ans plus tard, sa charge est allégée et il va, comme prêtre intervenant, rendre de grands services pastoraux dans la paroisse Sainte Anne de Montjuzet, presque jusqu’au bout de son chemin à 89 ans, en 2016.

Il a reçu, il a transmis … L’abbé Godé, le Père Michel Godé, comme on dit maintenant a été une figure marquante de son époque tout particulièrement à Massillon, où il aura passé 40 ans de sa vie ! Homme de Dieu, homme d’Eglise, il a été un pasteur pétri de foi et d’humanité. Homme de culture, d’une immense culture théologique, artistique et littéraire, il a été un pédagogue pétri d’humanisme et d’esprit d’ouverture. ,

Dernière photo du père Godé en Février 2016, lors de la publication de l’ « Histoire de la Maîtrise,

petit séminaire de Clermont » écrite par Michel Godé et Maryse Bros pour l’Association des Anciens

de Massillon.

MP et MB, Mars 2017.