La violence de l'échec scolaire

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magazine éducation WWW.EDUCATIONMAGAZINE.FR numéro 13 / Novembre-décembre 2011 LA REVUE dEs pAREnts Et dEs EnsEignAnts CINÉDUC des collégiens font leur cinéma 3:HIKRMF=^UYWU^:?k@k@b@d@a; M 07259 - 13 - F: 4,20 E - RD L’ÉCOLE AILLEURS L’Afrique du Sud par Naledi Pandor Ministre des Sciences et des Technologies INSÉCURITÉ Mettre la violence à la porte de l’école ENTRETIEN La machine à trier ou comment la France divise sa jeunesse

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n u m é r o 1 3 / N o v e m b r e - d é c e m b r e 2 0 1 1

LA REVUE dEs pAREnts Et dEs EnsEignAnts

cinéduc

des collégiensfont leur cinéma3:HIKRMF=^UYWU^:?k@k@b@d@a;

M 07259 - 13 - F: 4,20 E - RD

l’école ailleurs

L’Afrique du Sudpar Naledi PandorMinistre des Scienceset des Technologies

insécuritéMettre la violence à la porte de l’école

entretienLa machine à trier ou comment la France divise sa jeunesse

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débat

regard sur le collège

La violence de l’échec scolaire

le regard de françoise guédon et axel rivs

La question de l’échec solaire est complexe. Elle renvoie inéluctablement à celle de l’insertion sociale et professionnelle.

Il n’y a pas si longtemps encore on disait d’un enfant au parcours scolaire chaotique ou incertain « qu’il n’était pas fait pour les études ». Ce n’était pas seulement par commodité de langage ou encore

par une sourde volonté inconsciente d’ignorer la question des apprentissages, cela traduisait également une absence

d’inquiétude quant à l’avenir professionnel des enfants concernés. Les « trente glorieuses » et leurs besoins croissants en main-d’œuvre

non qualifiée étaient là pour assurer des débouchés professionnels très ouverts et une certaine mobilité hiérarchique dans l’entreprise.

Aujourd’hui les choses ont radicalement changé. L’échec scolaire et les obstacles infranchissables que le marché du travail dresse devant ceux qui n’ont aucun diplôme ont bouleversé la donne.

Il est devenu synonyme d’exclusion. Comment dépasser cette situation ? Certainement pas en entretenant, en amont du

lycée, l’illusion de la réussite. Personne n’est dupe, à commencer par les intéressés eux-mêmes. Une

telle attitude ne fait que générer une « autre » violence : celle de l’indifférence citoyenne.

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Enseigner au collège, ce n’est pas forcément souffrir de la crise de l’autorité. Ce n’est pas non plus essuyer des insultes au quotidien et assister impuissant à l’incendie du gymnase attenant à l’établissement. En-seigner c’est aussi travailler dans des collèges tranquilles. Loin des violences manifes-tes, loin du tapage médiatique. Dans ces conditions, il est plus aisé pour l’enseignant, plongé au cœur du système, d’appré-hender une autre forme de violence : celle engendrée par l’institution elle-même. Une violence en sourdine qui tou-che les élèves les plus fragiles et qui sévit dans tous les collè-ges de France : la violence de l’échec scolaire, silencieuse, et son corollaire, la souffrance. Les élèves souffrent de ne pas savoir lire et compter. Mais pourquoi s’en soucier puisque le taux de réussite au brevet dépasse les qua-tre-vingts pour cent ? Et qui s’en soucierait ? Les consciences citoyennes engourdies qui subissent l’école ? Enseigner c’est aussi pren-dre la parole à la place de ceux qui oublient de s’engager. Enseigner c’est aussi dire le silence. C’est sortir de la ruche. C’est faire en sorte que le collège soit encore un sanc-tuaire.Qui n’a jamais entendu l’expression « col-lège sanctuaire » ? Quel sens lui accorder aujourd’hui ? La première lecture est évi-dente : le collège doit être un lieu inviolable. Il est un asile éducatif que l’on ne peut pro-faner. Organe de la République, il est depuis la loi Habby de 1975 le dernier maillon de la scolarité obligatoire. Nul élève de moins de seize ans ne peut passer outre cette étape né-cessaire. Nécessaire, car elle offre les bases d’un savoir commun partagé, sanctionné par le diplôme national du Brevet et depuis peu par le socle commun de connaissances et de compétences. L’inviolabilité du lieu est donc proclamée par la loi et l’ambition républi-caine de « la réussite pour tous ». On ne peut violer cette loi et ce principe ; on ne peut lais-ser un jeune sur le bas-côté, sans bagages ni lettres. Or aujourd’hui, après quatre ou cinq années de collège, des élèves de plus en plus nombreux quittent le système scolaire en

sachant à peine lire et écrire. Le phénomène est général et ne se limite pas aux établisse-ments dits sensibles. Les collèges « tranquilles », « ordinaires »,

sont également concernés. Le quasi-abandon du redou-blement depuis une petite dizaine d’années a laissé la place à une forme d’anarchie. Certes ce dernier était à juste titre décrié aussi bien pour son inefficacité que pour son coût. Néanmoins, il se présen-tait comme un couperet final et évitait aux élèves de lâcher prise trop facilement. Epée de Damoclès, il mettait en place une pression qui servait aussi bien l’élève que l’enseignant. En outre, le redoublement fonctionnait parfois pour cer-

tains. Sa suppression fragilise lourdement le collège car aucune solution de substitution satisfaisante n’est mise en place. Le socle commun, dernière réforme maîtresse du col-lège, consiste à pointer du doigt les compé-

Enseigner c’est aussi prendre

la parole à la place de ceux qui oublient

de s’engager. Enseigner c’est

aussi dire le silence. »

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…/…tences acquises ou non par les élèves sans leur offrir les moyens de les acquérir. Pour cause : la structure classe (qui reposait sur le principe même du redoublement) n’a pas évolué. Des soutiens ponctuels sont certes proposés : aide individualisée, accompagne-ment éducatif, programme personnalisé de réussite éducative, autant de rustines qui ne résolvent rien tant elles sont disséminées et inefficaces. Dès lors, les difficultés perdu-rent et s’amplifient année après année. Le résultat est évident : les élèves passent de classe en classe en traînant leurs difficultés comme des boulets. Et puis, à chaque niveau supérieur, les choses se corsent. Au bout de cette logique de l’échec, les élèves en diffi-culté colonisent les classes de troisième avec des résultats catastrophiques. Des jeunes démotivés. Des jeunes perdus, seuls, avec un terrible sentiment d’impuissance. Des situations dramatiques au cœur même des collèges tranquilles. Dramatiques mais si-lencieuses…

En pleine crise de l’autorité, en ce moment même où l’enfant fait roi remet de plus en plus souvent en cause la légitimité de l’adul-te, cette absence prégnante de solutions face à l’échec scolaire, accentue d’autant plus la difficulté des professeurs à enseigner. Ces derniers sont pris dans une spirale vertigi-neuse : ils doivent justifier leur fonction tout en ayant conscience, qu’en l’état actuel des choses, ils ne peuvent quasiment rien pour les élèves en échec. Ils espèrent alors qu’à la maison, les parents, engagés, prendront le relais… Le système dont la clef de voûte était

le redoublement perdure mais sans redou-blement. La structure sonne creux. L’obser-vateur lucide sait que dans cette situation la réussite repose aujourd’hui sur une combi-naison heureuse : la présence dans un même lieu d’un enseignant charismatique à l’auto-rité naturelle et d’un élève qui aborderait la notion de travail avec une maturité d’adulte. L’association est trop rare pour que l’on s’en tienne à cet état de fait. C’est pourquoi les ac-teurs du collège « grognent » et s’escriment à donner du sens. Ils se démènent pour colma-ter les brèches mais sans vraiment savoir par où commencer ni comment. Dans la ruche, les ouvrières s’activent en tous sens et pour-tant, à l’arrivée, la récolte est bien maigre… Beaucoup d’énergie et un rendement pour le moins insuffisant. Le « collège sanctuaire », l’inviolabilité… La violence est au cœur du sanctuaire. Une vio-lence sourde qui fissure l’édifice. Et si cette violence ne venait pas des élèves, de ceux qui se soustraient à la loi, mais du collège lui-

même ? Et si cette souffrance silencieuse était générée par le système censé combattre l’échec scolaire ? Curieux pa-radoxe. En seconde lecture, l’adjectif « sanctuaire » peut renvoyer à la dimension immuable, consacrée, du temple. Ainsi le collège serait cette instan-ce qui reste la même de géné-ration en génération. Cette tranche de vie commune avec son jargon inoxydable : « redoublement », « évalua-tions », « notes », « conseils

de classe », « Brevet ». L’image que l’on se fait de l’école est inaltérable avec tout ce qu’elle véhicule d’idées reçues. On le sait, certaines choses ne vont pas, c’est le leitmotiv du dis-cours sur l’école. On le sait, après tout, l’ins-titution ne fonctionne pas si mal puisque nous en sommes de purs produits. En somme, depuis la création du collège unique, l’école aurait conçu, année après année, un jeu ma-sochiste et pessimiste qui consiste à drama-tiser. Dès lors, il paraît légitime que l’opinion publique ne s’affole plus… au risque de plon-ger dans un pernicieux coma. La dimension

L’ absence prégnante de

solutions face à l’échec scolaire,

accentue d’autant plus la difficulté des professeurs à

enseigner. »

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antique du sanctuaire a finalement eu raison du collège. Vieillard, il s’est en quelque sorte sclérosé ; on le connaît depuis si longtemps… On ne le regarde plus, on ne s’en soucie plus. Le collège est devenu aujourd’hui un lieu délaissé. La ruche bourdonne en huis clos. Beaucoup de parents ne franchissent plus les grilles, n’assistent plus aux réunions, ne se renseignent plus sur les réformes en cours, ne savent plus ce que signifie l’adjectif « ré-publicain » qu’ils associent pourtant parfois au mot « collège ». Ils croient savoir mais les consciences sont assoupies. Ils croient sa-voir mais ils ne s’engagent pas. Terrible jeu de dupes, terrible paresse citoyenne qui as-phyxie l’école. Comme si le collège était une instance autonome et autarcique. Comme si un temple pouvait vivre sans fidèles. Le « collège sanctuaire », l’inviolabilité… Vio-lence de l’indifférence citoyenne. Violence d’un collège livré à lui-même, seul, face à ses vestiges. ❙

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