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REPUBLIQUE DU CAMEROUN ............................. MINISTERE DE L’ECONOMIE, DE LA PLANIFICATION ET DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE Cameroon Policy Analysis and Research Center Mars 2017 www.camercap-parc.org N°04 SOMMAIRE 07 07 09 19 LA SÉCURISATION DES REVENUS AGRICOLES ET RURAUX PAR UN MODÈLE DE SALARISATION : UNE OPTION DE CONSTITUTION D’UNE CLASSE MOYENNE EN MILIEU RURAL, UNE CARACTÉRISTIQUE DES PAYS ÉMERGENTS. Développement agricole et pauvreté monétaire : éléments d’analyse théorique et empirique Avant propos Le Cas du Cameroun Quelles politiques publiques pour sécuriser les revenus agricoles et ruraux ? Policy Brief / Note Rapide de Politique Économique

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Numéro 04. Mars 2017 1

REPUBLIQUE DU CAMEROUN.............................

MINISTERE DE L’ECONOMIE, DE LA PLANIFICATION ET

DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE

Cameroon Policy Analysis and Research Center

Mars 2017

www.camercap-parc.org

N°0

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S O M M A I R E07070919

La sécurisatioN des reveNus agricoLes et ruraux par uN modèLe de saLarisatioN :

une option de constitution d’une classe moyenne en milieu rural, une caractéristique des pays émergents.

Développement agricole et pauvreté monétaire : éléments d’analyse théorique et empiriqueAvant propos

Le Cas du CamerounQuelles politiques publiques pour sécuriser les revenus agricoles et ruraux ?

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REPUBLIQUE DU CAMEROUN.............................

MINISTERE DE L’ECONOMIE, DE LA PLANIFICATION ET

DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE

Cameroon Policy Analysis and Reseach Center

Mars 2017

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www.camercap-parc.org

N°04

La sécurisatioN des reveNus agricoLes et ruraux par uN modèLe de saLarisatioN :

une option de constitution d’une classe moyenne en milieu rural, une caractéristique des pays émergents.

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Le Cameroun s’applique à mettre en œuvre depuis 2010, un programme de développement

économique et social baptisé Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE) , sur la période 2010 – 2020. Ce cadre de référence correspond en réalité à la première décade de sa Vision 2035 qui ambitionne de faire du Cameroun un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité. Cette stratégie accorde par conséquent la priorité à une croissance économique forte et durable dont les fruits devraient être redistribués de manière équitable afin de réduire la pauvreté et les inégalités. Elle s’appuie également sur la promotion de l’emploi décent. Après deux tiers du parcours de mise en œuvre de ladite stratégie, l’évaluation objective des effets escomptés présente un bilan mitigé. La pauvreté joue de la résistance1 et les inégalités s’accentuent selon la dernière Enquête Camerounaise Auprès des ménages (ECAm4) réalisée par l’Institut National de la Statistique (INS) en 2014. Le sentier de croissance projetée au départ en 2010 n’a pas été respecté (un taux de croissance du PIB en deçà de 6% sur toute la période). Plusieurs écarts ont été constatés du fait des contingences exogènes et endogènes.

Si l’incidence de la pauvreté présente des disparités sur le territoire national et frappe de façon différenciée les divers groupes socioéconomiques, il reste une constante, c’est qu’elle est plus répandue en zone rurale qu’en milieu urbain, et tend même à s’aggraver2.

1 l’incidence de la pauvreté monétaire est estimée à 37,5% en 2014, en baisse de 2,4 points par rapport à son niveau de 2007 (39,9%).

2 Op.cit, ECAM4 /INS , 2015.

Au-delà de la pauvreté des conditions de vie, la pauvreté monétaire y serait encore bien plus marquée !

Comment un pays structurellement à vocation rurale et agricole, qui a fondé les bases de son développement économique sur l’agriculture depuis son indépendance3 (en 1960) peut-il espérer décoller vers l’émergence avec cette masse laborieuse en état de paupérisation progressif ? Cela ressemble à prendre le serpent par la queue  : une équation impossible à défaut d’être mal formulée !

Après la crise des matières premières de la fin des années 80 et la libéralisation du secteur qui a suivi, les cours internationaux des principaux produits de base (cacao, café, coton et huile de palme brut) se sont envolés. Cette situation s’est accompagnée par l’accroissement de la production de ces produits au niveau national, si on ne prend que l’exemple du cacao. L’on devrait par effet de retour, s’attendre à l’augmentation des revenus agricoles; et de l’impact de celle-ci sur la demande intérieure, principale composante de la croissance économique.

Pour atteindre les objectifs du scénario optimal du DSCE visant à réaliser des taux de croissance minimal de 7%4 en moyenne annuelle sur la période 2010-2020, afin de réduire substantiellement l’incidence de la pauvreté pour la ramener autour de 27 % en 2020, les acquis ou les sources de

3 Le cacao, le café , le coton et l’hévéa ont été pendant près de deux à trois décennies les principales sources de devises du pays. On leur doit la plupart des investissements de première génération du pays.

4 La Côte d’Ivoire après une décennie de guerre civile a réalisé un taux de croissance moyen de 8 % depuis 2011avec des pics de 10% en 2012.

AvAnt propos

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croissance étaient à rechercher dans la création des emplois décents et une certaine stabilisation des revenus des populations rurales. Par ces faits et leurs effets, le pays se constituerait une classe moyenne dense en milieu rural. C’est une des caractéristiques d’un pays émergent.

Après avoir présenté nos résultats de recherche sur la problématique générale de l’emploi et de l’emploi des jeunes en particulier dans une récente publication de la série études du CAmERCAP-PARC5, la présente note esquisse la conceptualisation d’un modèle de sécurisation des revenus en milieu rural, comme voie de réduction substantielle de la pauvreté en milieu rural, et donc d’atteindre les objectifs d’émergence du Cameroun à l’échéance.

Barnabé OKOUDADirecteur Exécutif

5 Profils et préferences des jeunes en matière d’emploi au Cameroun Decembre 2016.

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Développement Agricole et pAuvreté monétAire : éléments d’analyse théorique et empirique

Selon Theodore Schultz (1979). « Partout dans le monde, les pauvres tirent en majorité leur revenu

de l’agriculture ; par conséquent, étudier l’économie agricole nous apporterait beaucoup de renseignements sur l’économie de la pauvreté».

Le développement agricole est important pour la croissance économique dans son ensemble et la réduction de la pauvreté de manière singulière. La production agricole assure la subsistance par l’autoconsommation et procure un revenu pour subvenir aux autres besoins. Le secteur agricole constitue de ce fait le noyau de l’économie dans la plupart des pays en développement. Selon la Banque mondiale, ce secteur a engendré 33 % du PIB et 52 % des exportations totales de marchandises en 2012. Le secteur a représenté environ 60 % des emplois au cours de ladite période. même en Asie de l’Est et Pacifique, où la croissance économique a été rapide, le secteur agricole a compté pour 46 % de l’emploi, produit 16 % du PIB, et était à l’origine de 10 % des exportations totales de marchandises en 2010.

Dans la littérature sur le développement économique, l’agriculture a joué un rôle de soutien aux secteurs industriels, assurant un approvisionnement en nourriture bon marché pour les ouvriers du secteur industriel (Lewis 1954). La croissance agricole a également contribué à l’activité économique via les intrants, la transformation, la distribution, et l’industrie de stockage, produisant des effets multiplicateurs au-delà de l’agriculture. En outre, des revenus agricoles plus élevés induisent une élévation de la demande des marchandises et des services produits dans d’autres secteurs (Hazell et Röell 1983).

Un certain nombre d’études empiriques (Fan et Zhang 2002) nous permettent de conclure que les effets multiplicateurs de la croissance agricole sont habituellement supérieurs à 2. La taille du multiplicateur varie dans l’espace et dans le temps, reflétant des différences dans les modes de consommation, d’investissement et d’épargne. Dans le cas des pays de l’Afrique subsaharienne, le multiplicateur de revenu est d’environ 2.5, signifiant que chaque dollar additionnel de revenu agricole engendre environ 2.5 dollars de croissance dans l’économie d’une manière globale (Delgado ,1998).

Le développement agricole a donc un potentiel significatif pour contribuer à la réduction de la pauvreté à l’échelle nationale, par des effets directs sur les revenus agricoles et l’emploi, et des effets indirects sur la croissance économique globale, aussi bien que son impact sur les prix des denrées alimentaires. Plusieurs études prouvent empiriquement que les populations pauvres tendent à bénéficier plus de la croissance économique provenant des secteurs agricoles que de la croissance provenant des secteurs industriels ou de services (Ravallion, 2005). En outre, Thirtle et al. (2003) estiment l’élasticité de la réduction du nombre de personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour par rapport à la croissance de la productivité agricole en utilisant des données de 59 pays de 1985-1995. D’après leurs résultats, l’élasticité était de 0,72 en Afrique (73% de l’impact total de l’augmentation du PIB par tête) et de 0,48 (67% de l’impact total) en Asie. En Inde en particulier, la corrélation entre la valeur ajoutée agricole par hectare et l’incidence de la pauvreté est estimée à 38% et elle est projetée à 55% avec la profondeur de la pauvreté (Ravallion, 1998).

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2. Le sauvetage des entreprises : une pratique connue dans le monde

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Produits 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015*CéréalesMaïs 1 625 213 1  670 321 1 572 067 1 749 976 1 948 019 2 062 952 2 148 679Mil/Sorgho 1 055 530 1 187 531 1 240 970 1 425 895 1 638 377 1 735 040 1 911 139Racines et tuberculesManioc 2 941 367 3 808 239 4 082 903 4 287 177 4 501 671 4 600 707 4 990 707Macabo/taro 1 490 875 1 632 004 1 568 804 1 614 103 1 660 710 1 697 245 1 757 249Igname 399 808 499 564 517 069 537 802 559 366 571 672 587 926Patate douce 266 078 288 970 307 955 327 126 347 490 355 135 374 851Bananes, fruits et légumesBanane plantain 2 550 320 3 182 184 3 425 757 3 569 318 3 718 895 3 834 180 3 916 063Banane douce 933 435 1 333 851 1 394 675 1 471 007 1 551 517 1 664 777 1 791 494Piment 25 987 29 910 33 310 37 307 41 784 45 543 53 132Mangue - 3 808 239 4 082 902 4 368 705 4 674 514 5 001 730 5 351 850Arachide - - 564 230 643 222 711 946 736 862 772 230

Tableau 1: Evolution de la production des principales cultures vivrières

Source : MINADER * = estimations

Nous l’avons déjà noté, le Cameroun a toujours compté sur l’agriculture comme la base de son

économie depuis les indépendances. L’agriculture a toujours constitué la principale source de devises avant et pendant l’exploitation du pétrole et des autres ressources naturelles. Plus près de nous dans le temps, sur la période 2008-2015, l’économie camerounaise a connu un taux de croissance moyen annuel de 4,3%. Durant cette période, la croissance du PIB agricole, d’environ 4,2% a été tirée par les cultures vivrières qui ont connu un taux de croissance annuel moyen de 4,5% et 3,6% pour l’agriculture industrielle et d’exportation.

Au Cameroun, le secteur agricole a engendré 15,2% du PIB en 2014, 12% des exportations des biens et a représenté environ 45,3%6 des emplois

dans le pays. Ce secteur a également enregistré un solde global excédentaire de 656,3 milliards de FCFA. Il s’agit d’un secteur générateur des flux importants des avoirs devises.

Les cultures vivrières qui représentent à elles seules près de 66,5% de la valeur ajoutée du secteur primaire sur la période 2010-2015, sont principalement destinées à l’alimentation des ménages à l’intérieur du périmètre national. Très variées, elles englobent des racines et tubercules (taro, manioc, …), des féculents (plantain), des céréales (maïs, sorgho, riz, …) et des légumineuses (arachides, haricot, …). Le développement de ces cultures est essentiellement lié à la croissance de la population nationale. Toutefois, certaines cultures vivrières participent de plus en plus aux échanges dans la sous-région.

le cAs Du cAmeroun

6 Résultats ECAM4 en 2014, INS

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S’agissant des filières agricoles d’exportation, elles ont été depuis l’indépendance, le principal moteur de l’élévation du niveau de vie, en assurant le développement des revenus monétaires en milieu rural.

Ces filières jouent un rôle sans équivalent dans la redistribution des revenus monétaires dans les campagnes et dans la répartition du pouvoir d’achat. Le revenu de plus du tiers de la population agricole du pays provient des cultures d’exportation produites presque en totalité par de petites exploitations familiales, exception

faite de la banane d’exportation et du palmier à huile au départ des agro-industries.

Parmi les produits agricoles d’exportation produits par les petites exploitations familiales, on cite principalement le cacao, les cafés, l’huile de palme et le coton. L’huile de palme est largement consommée sur le marché intérieur et le pays en importe pour les besoins de transformation industrielle en cosmétiques. Les produits agricoles majeurs constituent l’essentiel du commerce extérieur des produits agricoles du Cameroun.

Produits/périodes 2010 2011 2012 2013 2014 2015*Cacao 244 077 246 120 268 941 275 000 281 196 308 753Café robusta 45 231 38 256 42 000 31 127 37 115 27 094Coton fibre 52 985 61 392 82 124 88 854 98 375 107 585Huile de palme (artisanale) 326 940 354 076 265 570 199 187 211 138 227 755

Source : MINADER * = estimations

Tableau 2 : Evolution de la production/commercialisation/exportation  (tonnes) 

Graphique 1 : Evolution des cours de certains produits de base (milliers de FCFA)

Au cours de la période 2010-2015, Les productions de cacao et de coton ont enregistré des hausses respectives de 34,7% et 135,7%. Ces hausses de production se sont accompagnées par une tendance haussière des cours internationaux.

Source : weo

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Graphique 2 : Analyse comparée de la croissance du PIB et RNB par tête (en%)

Au vu de ce qui précède, on peut relever que : (i.) Le Cameroun dispose d’un secteur agricole

important qui a contribué positivement à la croissance économique au cours des huit dernières années. Ce secteur a généré des flux importants d’avoirs en devises mais n’a pas accumulé une épargne substantielle ;

(ii.) Au cours des 10 dernières années (depuis ECAm 3 en 2007), les revenus agricoles monétaires des populations rurales n’ont pas enregistré des hausses substantielles ;

(iii.) Et par conséquent, la pauvreté monétaire n’a pas suffisamment reculé en milieu rural pour faire émerger une classe moyenne.

Les deux derniers constats sont confirmés par les résultats de la quatrième Enquête Camerounaise Auprès des ménages (ECAm4) menée en 2014. Selon lesquels l’incidence de la pauvreté a augmenté en milieu rural. Elle est passée de 52,1% en 2001 à 55,0% en 2007 et a atteint 56,8% en 2014.

Par ailleurs, une analyse comparée des évolutions du PIB réel et le RNB montre une évolution tendancielle contrastée. En effet, sur la période 2001-2015, la croissance économique a maintenu une tendance à la hausse alors que, la tendance du RNB est baissière.

Source : INS

En outre, les dépenses annuelles moyennes de consommation par équivalent-adultes qui englobent les dépenses alimentaires et l’autoconsommation ainsi que les dépenses non alimentaires, ont également fluctué sur la période 2001-2014. En effet, de 461 894 Fcfa en 2001 (ECAm 2) à 439 787 Fcfa en 2007 (ECAm3), les dépenses annuelles moyennes de consommation

au niveau national sont passées à 635 345 Fcfa en 2014 (ECAm4), soit un accroissement de 37,6% sur la période. mais elle cache des disparités très prononcées selon le milieu. En effet, un habitant des villes de Yaoundé ou de Douala enregistre un niveau moyen de dépense annuelle de plus d’un million de Fcfa alors qu’un habitant des autres villes consomme 533  000 Fcfa et un résident

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Policy Brief / Note rapide de politique économique 12

du milieu rural seulement 407 704 Fcfa soit en deçà du seuil de pauvreté. Ceci témoigne donc que la pauvreté au Cameroun est plus un phénomène rural qu’urbain et montre clairement la forte inégalité des dépenses entre le milieu rural et le milieu urbain, environ 3 fois plus élevé dans la ville de Douala qu’en milieu rural et 2,5 fois plus élevé dans la ville de Yaoundé qu’en zone rurale en 2014.

Régions Dépense moyenne par unité de

consommation (ECAM2- 2001)

Dépense moyenne par unité de consommation

(ECAM3- 2007)

Dépense moyenne par unité de consommation

(ECAM4 -2014)

Douala 800 036 745132 1 154 580Yaoundé 788 227 761813 1 023 633

Adamaoua 365 446 349144 534459Centre 375 797 354190 610694

Est 393 440 339014 567078Extrême-Nord 315 619 285932 307336

Littoral 430 958 413866 616957Nord 377 687 305186 349560

Nord-Ouest 357 819 367278 418110Ouest 387 881 415661 609302Sud 452 895 458844 586987

Sud-Ouest 491 267 472595 730235

CamerounUrbain 688 276 662289 959118Rural 340 242 313338 407704

Ensemble 461 894 439787 635345Source: INS.

Tableau 3 : Dépenses annuelles moyennes de consommation par équivalent-adulte par région et par période (en Fcfa)

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Volatilité et variabilité des revenus ruraux

Encadré 1 : Quelques expériences racontées : Cas de Madame Ondoua, chef de ménage et planteur de cacao dans la région du Centre

Mme Ondoua est planteur de cacao dans la ville d’Obala département de la Lékié dans la région du Centre Cameroun. Elle travaille depuis 25 ans dans cette filière, car héritière de son feu père. Elle a en effet bénéficié de l’expérience de son père en la matière et possède ainsi une longue expérience dans le travail de la culture du cacao. Cette dernière est la principale culture de rente dans sa région. Elle nous a confié que la culture de cacao est sa principale activité génératrice de revenu et se fait en une seule campagne. Ses revenus sont gagnés au quatrième trimestre de l’année qui coïncide avec la rentrée scolaire et les fêtes de fin d’année. Sa cacaoyère a une superficie d’environ 5 hectares. Au cours des neuf dernières années, sa production moyenne par an estimée à 1,9 tonne et la production en valeur de 2 500 000 FCFA en moyenne par an. Généralement, elle se partage cette production avec l’équipe de la main d’œuvre diminuée des charges des intrants (produits phytosanitaires (fongicides, insecticides)). Son revenu agricole moyen est donc de 1 500 000 FCFA. Ce revenu est intégralement dépensé en fin d’année et 03 mois. Après, elle est à la recherche des moyens financiers pour faire face à l’entretien de son verger cacao, aux dépenses de santé et de consommation courante.

Cette exploitante agricole n’arrive pas à lisser ses revenus tout au long d’une année, ni à épargner une partie de son gain. Elle est ainsi victime de l’insécurité des revenus agricoles en milieu rural.

Pour résoudre ces problèmes financiers au cours de l’année, elle était obligée d’aller vers les « coxeurs ». En effet, certains coxeurs prêtent de l’argent aux producteurs en début de campagne, sous la condition que le producteur leur vende (souvent à vile prix) la production à la récolte suivante. Ces pratiques s’apparentent à l’usure (un prêt dont le taux d’intérêt est abusif). Mais depuis 2010, elle s’est orientée dans la pratique de l’agriculture vivrière comme activité secondaire. Celle-ci se fait pendant deux campagnes par an. Lors de la campagne de la grande saison des pluies, elle cultive généralement le maïs, l’arachide, le manioc, le macabo, le pistache et la banane plantain.

Source: MINADER.

La deuxième campagne correspond à la petite saison des pluies pendant laquelle les producteurs cultivent majoritairement le maïs, l’arachide. La majorité de la production est destinée à l’autoconsommation. Elle pratique aussi les cultures maraîchères pendant ces saisons, mais la production y afférente demeure marginale.

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Policy Brief / Note rapide de politique économique 14

Encadré 2 : Moussa Koué, producteur d’oignons à Pitoa, région du Nord

“La conservation permet d’avoir un bénéfice de 100%”

“L’année passée, j’ai produit environ 90 sacs et je vendais à 68.000 Fcfa l’un, trois mois après la récolte. Mes frères qui ont conservé jusqu’à six mois après récolte, vendaient le sac à 130.000 Fcfa.

Cette année j’ai déjà récolté 50 sacs et j’espère en avoir 130 à la fin des récoltes. J’ai déjà liquidé 30 sacs, liquidé parce que l’oignon coûte très moins cher cette année. Il y a longtemps que l’on n’a pas connu une baisse de prix pareille. Plusieurs producteurs se sont lancés dans la culture de l’oignon cette fois. Peut-être ont-ils appris que c’est une activité rentable.

Pour combler mes dépenses de production, je conserve mes oignons dans les magasins construits spécifiquement à cet effet afin de les vendre aux mois d’Août et Septembre. La conservation permet de réaliser un bénéfice de 100%.

Que l’oignon coûte moins cher ou cher, j’ai l’obligation de produire et avec rigueur pour avoir une bonne production. Le cri du producteur que je suis va vers la recherche. Je souhaite qu’elle mette à notre disposition d’autres variétés qui puissent nous permettre de produire tout au long de l’année.”

« C’est de l’oignon que je vis avec ma famille » Oumarou Garga, commerçant à Dougouf, banlieue de Maroua

« La production d’oignon est mon activité depuis que je suis tout jeune. C’est de cela que je vis et nourris ma famille. J’ai produit seulement 50 sacs d’oignons cette année. Il y en a en abondance sur le marché, et les prix ont baissé.Pourtant, il y a 2 ans, les oignons n’étaient pas à la portée de tous. Les prix variaient entre 60.000 et 80.000 Fcfa. Quand c’était moins cher, le sac coûtait 30 000 Fcfa. Cette année est exceptionnelle. Actuellement, il coûte 7000 Fcfa sur le marché. On ne gagne vraiment pas grand-chose.Je préfère donc conserver une bonne partie de ma production dans l’espoir de gagner plus après. Cette stratégie, je la pratique depuis près de 9 ans. La production déçoit souvent, mais avec l’endurance, on parvient toujours à s’en sortir. Cher ou moins cher, je suis engagé et déterminé à produire l’oignon. C’est grâce à cette culture que je me suis marié, j’ai acheté une moto, j’envoie mes 5 enfants à l’école. Avec l’argent de l’oignon, j’ai réalisé plein d’autres choses».

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Encadré 3 : Maman Kengne, cultivatrice de café dans le Moungo

Mme Kengne est cultivatrice de café Robusta depuis près de 25 ans dans la ville de Baré-Bakem département du Moungo, région du Littoral Cameroun. Les risques financiers encourus par Mme Kengne se sont aggravés notamment en raison de la libéralisation affectant la filière agricole. Avec l’entrée accrue d’entrepreneurs privés dans les différents segments de la filière qui, se substituant à l’intervention publique plutôt paternaliste, se sont essentiellement guidés vers la quête de leur profit au grand dam des petits exploitants, il devient difficile pour ces derniers de maîtriser leurs revenus. Mme Kengne nous en dit davantage dans ce qui suit.

« Il y a vingt ans, comme tant d’autres ici, je vivais décemment de mes plantations de café. Je produisais plus d’une tonne de café par an. Aujourd’hui, j’en suis à peine à la moitié. Parmi les raisons de ce déclin, il y a d’abord la chute brutale des prix de vente du café dès les années 1986-1987.

Le prix du café n’a pas cessé de baisser ces vingt dernières années, hormis quelques légères hausses ponctuelles. Vendu sur le marché à plus de 1 000 Fcfa le kilogramme jusqu’à la fin des années 1980, le café Robusta ne vaut aujourd’hui qu’environ 500 Fcfa /kg. Ensuite la libéralisation de l’économie vers la fin des années 1980 et le démantèlement de l’Office National de Commercialisation des Produits de Base qui contrôlait toute la filière vont entraîner une hausse du coût de production, désormais plus élevé que le prix de revient. En effet, le prix des engrais auparavant subventionnés est multiplié par six. De même le prix des pesticides est désormais fixé par les vendeurs et non plus garanti par l’Etat. En outre, le phénomène de coxage gagne le terrain, allongeant la chaîne de commercialisation et réduisant de ce fait la marge des producteurs. Toutes choses qui vont décourager la plupart des caféiculteurs à continuer cette activité. Ceux qui continuent comme moi, pratiquent pour la plupart la polyculture.

Aujourd’hui, ma recette caféière varie entre 200 000 Fcfa et 400 000 Fcfa selon le niveau de production et les prix en vigueur, contre 1 million et 1,5 million de Fcfa il y a plus de 20 ans. De plus, ces recettes sont concentrées entre le mois de novembre et celui de février de l’année suivante, période de saison sèche coïncidant avec la récolte. Sur le reste de l’année, il n’y a aucune recette caféière. Cette période est très difficile pour nous d’autant plus que les recettes caféières au-delà de leur incapacité à couvrir les besoins de toute l’année, contribuent le plus souvent à satisfaire d’autres besoins clés comme la scolarité des enfants, réglée en temps nécessaire au moyen des prêts. Nous ne subsistons que grâce à la production des autres cultures au cours de ces périodes basses de l’année pour le café ».

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Encadré 4 : Un artisan vannier de la région du Sud

« Le rotin a, pourtant, connu une vraie mutation au cours des deux dernières décennies. Nous avons modernisé et transformé le rotin afin de le mettre au goût du jour pour plaire davantage aux clients. Nous avons réussi à en faire un produit de luxe ; et malgré cela, les traditionnels salons en rotin ont laissé place à des salons plus modernes, plus raffinés et plus beaux. Nous fabriquons des salons plus fins, depuis 20 ans. Nous collaborons avec les tapissiers pour les finitions.

Nous fabriquons des objets quotidiennement. Mais les salons sont le plus souvent fabriqués sous commande; et la fabrication peut prendre 4 à 5 jours. Les prix des produits faits de rotins varient d’un vannier à un autre. Les prix des fauteuils sont fixés en fonction de la qualité et de la main d’œuvre ».

Nos produits n’ont pas de prix fixe, je peux vendre un salon à 200 000 Fcfa et chez mon confrère le client peut acheter le même produit un peu plus cher ou à bas prix. A cet effet, les produits issus de la vannerie peuvent se vendre entre 3 000 et 500 000 Fcfa voire même plus. Nos revenus oscillent considérablement entre 3 000 et environ 600 000 Fcfa par mois. Toutefois, nous n’arrivons pas à joindre les deux bouts, car il existe des mois où nous n’avons pas beaucoup de client.

Pour les vanniers, les actions du MINPMEESA sont jugées trop individuelles et peu suivies. Ils souhaitent donc plus d’encadrement, afin que les finances éventuelles octroyées soient mieux gérées et aient des retombées concrètes et positives.

« Nous manquons réellement de moyens financiers pour vivre décemment et promouvoir notre art au Cameroun »

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A la suite de ces illustrations, la question est de savoir pourquoi les ménages agricoles et ruraux n’ont pas tiré profit de la bonne tenue des cours des produits agricoles exportés au cours de la période sous revue ? Où sont passés les recettes engrangées ? Pourquoi la pauvreté persiste-t-elle malgré tout ?

Une approche d’explication de cette aggravation de la situation observée en milieu rural tiendrait du fait d’un défaut de capacités de gestion par les bénéficiaires desdits revenus, qui sont souvent importants en volume, mais en raison de leur caractère ponctuel, et en flux, sont plutôt volatiles et donc éphémères.

En effet, les petits exploitants agricoles camerounais ne sont pas encore constitués en entrepreneurs agricoles. Aucune comptabilité n’est tenue : ni matérielle, encore moins financière. C’est une gageure que de l’évoquer. Ils perçoivent le plus souvent des revenus importants suivant les cycles de production de certaines cultures.

A titre d’illustration, un planteur de cacao fait la récolte et la commercialisation de sa production au quatrième trimestre de l’année et peut percevoir des sommes d’argent importantes allant parfois jusqu’à cinq millions de Fcfa, voire plus. Ce qui en lissage annuel représente un revenu mensuel de 416.000 Fcfa  ! Mieux qu’un fonctionnaire de catégorie A2 au plafond de sa carrière. Du fait de cette arrivée en flux ponctuel, ces « nouveaux riches » saisonniers se livrent à une consommation immédiate et excessive avec tous les abus possibles, sans toutefois épargner une partie de ce revenu.

Toutes les rubriques de dépenses de consommation immédiates sont maximisées dès lors au détriment de celles qui exigent d’être étalées dans le temps (la scolarité des enfants, la santé, etc.).

Une des conséquences ou implications malheureuses de cette situation devient à brève échéance de les pousser à brader la récolte, c’est-à-dire vendre la production à un prix inférieur au prix du marché, à l’avance ou par hypothèque. Conscients de cette situation, les commerçants viennent s’approvisionner à vile prix auprès des populations qui ne sont pas en situation de pouvoir négocier correctement le prix de vente (marché de dupes). Ce schéma n’encourage pas la diversification des activités et des revenus tout au long de l’année, et plonge petit à petit les populations dans le cercle vicieux de l’appauvrissement.

Dans la même logique, certains producteurs sont parfois obligés soit de donner leur plantation en gage ou en garantie, soit de se lancer dans les pratiques usurières. Ce sont des agents économiques naïfs, incapables d’anticiper et même de lisser leur revenu au cours d’une période. Cette situation a pour conséquence majeure la précarité des revenus en milieu rural et fait partie des causes de la pauvreté extrême qu’on y observe en spirale fermante sur la misère. Et avec des pareilles populations, tout espoir d’émergence doit être oublié et aucun objectif de Développement Durable (oDD) ne peut être atteint, même dans cent ans  ! Elles sont «  off track » du train du développement !

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Les choix de politiques macroéconomiques du Cameroun au cours des 02 dernières

décennies ont permis de réduire et de stabiliser les taux d’inflation, d’avoir des taux de change reflétant mieux les réalités du marché, de diminuer sensiblement les taxes à l’exportation et de laisser les forces du marché jouer un rôle beaucoup plus important dans la détermination des prix des produits agricoles. Ces réformes ont fortement diminué les biais anti-agricoles existants jusqu’alors.

Ainsi, le soutien de la production agricole occupe une place centrale dans les politiques publiques du gouvernement. on parle ici de l’agriculture de seconde génération comme leitmotiv de la volonté politique du gouvernement dans le domaine. Les conséquences d’un tel choix permettent de constater aujourd’hui que la production agricole a augmenté à un rythme suffisamment rapide pour permettre de répondre aux besoins alimentaires internes, et relancer les cultures d’exportation. mais, cette forte croissance de la production agricole n’a pas entraîné les améliorations correspondantes à la situation de pauvreté monétaire et aux conditions de vie des populations en zone rurale. Il apparaît évident que l’amélioration des seules performances agricoles ne saurait permettre de progresser suffisamment sur le front de la lutte contre la pauvreté et donc de répondre aux critères d’un pays émergent, même en 2035 si rien n’est fait autrement. Les politiques publiques de demain devraient donc être davantage liées à des choix favorisant la consommation (au mieux des produits locaux)

pour espérer tirer vers le haut les indicateurs des objectifs de Développement Durables tels que définis dans l’agenda 2030. Nous voulons parler ici des objectifs de développement prioritaires que sont l’élimination de la pauvreté alimentaire et l’amélioration des conditions de vie, une éducation inclusive et une santé à même de permettre de réaliser les autres oDD.

Pour cela, et pour la frange de la population qui nous intéresse dans cette analyse, la sécurisation et la stabilisation des revenus agricoles nous parait présenter des avantages certains.

Pour ce faire, deux options seront explorées. Il s’agit  : (i) du modèle d’intégration bancaire, une opportunité pour la banque agricole ou la banque des PME  et (ii) d’une approche innovante par un modèle d’organisation dérivé de la pratique coopérative ou mutualiste.

Option 1  : Le modèle d’intégration bancaire / une opportunité pour la banque agricole et/ou la banque des PME, sans exclusion des autres établissements financiers.

Ce modèle s’inscrit dans les modèles de «l’intégration verticale» ou «la verticalisation de la chaîne de valeurs»7. Ce sont des modèles de financement et de production agricoles. Les établissements financiers, les banques en particulier ont toujours été les partenaires traditionnels du secteur productif notamment le

7 Développés par Williamson, Oliver E. — 1985, The economic institutions of capitalism. New York, Free Press.

Quelles politiQues publiQues pour sécuriser les revenus Agricoles et rurAux ?

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secteur agricole, qu’ils financent sous forme de prêts accordés en contrepartie d’une garantie. Pour accroître les rendements, les banques peuvent renforcer leur participation tout au long de la chaîne de production agricole. Cette intégration bancaire prend essentiellement la forme d’une contractualisation.Au Cameroun, c’est la terre qui sert généralement de garantie pour le secteur productif, surtout dans le sous-secteur agropastoral. La banque acquiert les intrants et les met à la disposition des producteurs agricole. Elle dispose alors des droits sur tout le processus de production et de commercialisation. Ce montage est négocié, voire imposé en amont du cycle productif. Lorsque l’agriculteur ne parvient plus à suivre, celui-ci cède alors la propriété de sa production ainsi que son droit de décision.Dans certains cas, cette forme contractuelle peut s’avérer assez directive. Le contrat peut stipuler, d’une part, le type, le volume et la qualité de la production, définis en fonction des caractéristiques de l’exploitation, et, d’autre part, le prix d’achat par la banque. Ce prix d’achat est calculé en fonction des projections d’évolution du marché. Le producteur dispose donc d’un revenu fixe déterminé à l’avance, à savoir le montant de la production moins le prêt et les intérêts. En cas d’excédent ou de manque, l’agriculteur sera crédité ou débité du montant correspondant. Ainsi les risques liés à la production deviennent des risques liés à la performance, lesquels sont intégralement à la charge de l’agriculteur.

Dans d’autres cas, la banque contrôle directement les opérations. Le propriétaire devient alors soit prestataire de service (on lui soustraite une partie du processus productif), soit salarié de la banque, soit rentier (la banque peut engager un manager ou transférer les activités à une société d’ingénierie agricole). La banque peut dans ce cas contracter une assurance multirisques qui couvre tous les risques naturels (inondation, incendie), et ce dès le début du cycle de production. Parce qu’elle s’engage sur plusieurs exploitations dispersées géographiquement, elle réalise des économies d’échelle, auprès des compagnies d’assurance notamment.

Ce modèle offre plusieurs avantages à tous les acteurs : les banques, les producteurs agricoles et à l’Etat. Pour les banques, le nombre de clients va augmenter de manière considérable ainsi que les dépôts et l’activité bancaire en général.

A titre d’illustration, dans la filière cacao, la majorité des producteurs sont des petits exploitants agricoles au sein des ménages. La production du secteur s’est accrue de 27% sur la période 2010-2015, passant de 244 milliers tonnes à 309 milliers tonnes. En estimant la production de cacao en valeur, on observe que les banques en utilisant ce modèle devraient capter un montant de dépôts correspondant au moins à la moitié de cette production. Ceci peut augmenter de manière substantielle les dépôts bancaires et par ricochet le crédit à l’économie.

2010 2011 2012 2013 2014 2015*

Production de cacao (en tonnes) 244 077 246 120 268 941 275 000 281 196 308 753

Prix du kg 1100 1500 1400 1450 1600 1700

Production (en milliards de FCFA) 268,5 369,2 376,5 398,8 449,9 524,9Source : nos calculs

Tableau 4 : Productions de cacao

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Pour les producteurs, ce modèle va permettre de disposer d’un revenu fixe déterminé à l’avance. Il permettrait ainsi aux producteurs de réaliser une bonne planification de l’utilisation de leurs revenus.

Par ailleurs, l’intégration bancaire peut prendre la forme de sous-traitance et de contractualisation et se traduit par un engagement de l’institution financière, qui contrôle la production primaire mais n’acquiert pas le foncier. Toutefois, certaines banques peuvent s’approprier directement du foncier, ce qui met en mal les petits producteurs sans garantie de titres fonciers. or au Cameroun, la majorité des ménages ruraux et exploitants agricoles ne disposent pas de titres fonciers et par conséquent, les banques au Cameroun ne veulent pas prendre des risques d’investissements vers les petits exploitants. C’est ce qui a toujours été reproché au système bancaire camerounais de ne pas accompagner le secteur productif national, de par leur nature de comptoirs des banques étrangères et donc non nationalistes.

Les crédits à l’économie retracés dans les comptes de la BEAC sont presqu’en totalité consentis aux multinationales qui constituent le tissu des grandes entreprises du pays.

En somme cette option nous parait peu réaliste si les banques locales (Afriland, CBC et les EmF) ou panafricaines (Ecobank, UBA, Banque Atlantique) ne s’y adonnent pas. Dans tous les cas, nous pensons que la Banque des PmE et la Banque agricole devraient s’y investir.

Option 2 : une approche innovante par la salarisation des travailleurs ruraux.

Cette approche est multimodale, flexible et qui permet de prendre en compte les petits producteurs sans garantie de titre foncier. Elle peut se réaliser à très petite échelle, à une échelle moyenne ou alors avec une taille considérable pouvant couvrir l’étendue du territoire national.

Le principe. Il est simple et connu de toutes les populations camerounaises des villes et villages et repose sur une démarche des « caisses solidarité » et ou «  secours  » des tontines, mais avec une organisation améliorée.

Il s’agit de consentir à assurer la traçabilité de ses revenus sur la période (un an) et en faire une péréquation (avec l’hypothèse minimale) étalée sur ladite période. Le solde représentant une bonification en fin de période.

L’organisation. Elle peut être assurée par un regroupement associatif (Association, mutuelle ou Coopérative). Elle peut être couverte ou assurée par une institution financière (banque ou assurance, Entreprise de Microfinance ou caisse de garantie, etc).Elle peut être assurée par une entreprise exerçant dans le secteur en amont ou en aval de la filière. La structure peut être d’émanation publique ou privée ou en Partenariat Public Privé. L’essentiel est dans la qualité du management  : participatif, transparent et efficace/efficient !

Comment cela peut marcher ?Dans les 04 cas présentés ci-dessus en illustration, sur la base des actifs (l’étendue de la superficie exploitée et/ou des équipements et outils) et de l’historique (revenus antérieurs, situation

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familiale et profil du ménage) et dans le respect de l’engagement de la personne qui consent à adhérer à une certaine discipline, une projection est faite sur les revenus attendus au cours de la campagne.

Dans le cas 1 (mme oNDoUA), imaginons une production attendue de 2 tonnes à un prix minimum de 1000 FCFA/kg. L’estimation du revenu commercialisé est de CFA 2 millions. Etalé sur un an, cela équivaut à CFA 166 600/mois.L’organe de gestion dont elle est adhérente s’engage à lui verser chaque mois 66  000 F. Le reste étant payé en fin de période après déduction de toutes les charges de gestion et d’exploitation.Du fait de la régularité de son revenu mensuel, ce menage sort de la précarité et de la vulnérabilité. L’éducation des enfants et les frais de santé (les tenants de l’assurance santé universelle ont de quoi tenir) des membres de la famille peuvent être couverts. Toutes les autres dépenses courantes pour un ménage rural peuvent être assurées. En fin de période, le pactole en solde peut servir pour l’investissement du ménage.

C’est ce que nous pouvons appeler classe moyenne en milieu rural en 2020 au Cameroun. Ainsi en 2035, on pourra en compter un effectif plus important ! Imaginons le cas pour un producteur de 5 tonnes de cacao l’an !

L’engagement de la structure de gestion

Du fait de la nature participative et intégrée de l’organe de gestion (elle n’est pas extérieure à la filière), les responsables de la structure sont en pleine conscience du développement des membres, leur survie en dépend. La gestion devra

par conséquent être consensuelle et transparente in solidum.

Au-delà d’une certaine taille (nombre d’adhérents, quantité de la production, revenus générés, marges d’exploitation, etc.), l’organe de gestion devra s’investir dans la promotion des services connexes  : fournitures d’intrants, pesticides, outillages, etc.L’organe de gestion devrait également prendre la responsabilité du maillon commercialisation. D’abord pour sécuriser les recettes objet de péréquation et ensuite pour des raisons stratégiques de poids de négociations (bargaining power) en ces temps de libéralisation des prix.Des expériences vues ailleurs ont même fait penser à une sorte d’économat (ou centrale d’achats) en milieu rural pour faciliter l’approvisionnement des populations en denrées de première nécessité.

Un partenariat «gagnant-gagnant-gagnant»

Il est évident que sous ce modèle, nous avons un trio gagnant à l’arrivée : le ménage agricole/rural, la structure de gestion dans le cas où elle serait une structure privée ou publique et enfin l’Etat.

Au final, on assiste à une amélioration de la balance commerciale et des gains en devises, du fait de l’augmentation de la productivité (individuelle des ménages) et de la production globale à l’exportation du pays. De proche en proche, on tend vers une élimination de la pauvreté et une classe moyenne qui s’installe et grandit.

on pourra ainsi rêver à l’émergence, au mieux avant 2035 ! Il suffit de se lancer dès maintenant./-

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Assister le gouvernenement en matière de formulation et d’analyse des politiques économiques et socialesAssist Government in formulation and analysis of economic and social policies

Développer les capacités managériales dans l’administration publique, le secteur privé et la société civile pour la mise en oeuvre et le suivi-évaluation des politiques publiques

Develop managerial skills in the public sector, private sector and civil society in the implementation, monitoring and evaluation of public policies

Renforcer les mécanismes de soutien à l’emploi des jeunes, entrepreunariat privé et les mécanismes innovants

Strengthen the support mechanism for youth employment, private entrepreneur-ship and innovative system

Encourager le dialogue entre l’Etat et les acteurs non étastiqueEncourage dialogue betwen state and non-state actors

ASSISTERASSIST

RENFORCERSTRENGTHEN

DEVELOPPERDEVELOP

ENCOURAGERENCOURAGE