La Revue du Projet - FÉV. P. NOTES P. 34 EN QUESTION...

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Parti communiste français P. 23 NOTES TRANSPORT Par GÉRARD MAZET u P. 6 LE DOSSIER LA GAUCHE DE L’AVENIR ? 80 THÈSES POUR REMETTRE LA GAUCHE SUR LE BON PIED P. 34 RÉVOLUTION ET RÉPUBLIQUE : LES DEUX VISAGES DU SUBLIME Par THOMAS MAURICE P. 36 SCIENCES LA RECHERCHE A BESOIN DE TEMPS ET DE LIBERTÉ Par BRUNO CHAUDRET N°5 FÉV. 2011 REVUE THÉORIQUE MENSUELLE DU PCF COMMUNISME EN QUESTION

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P a r t i c o m m u n i s t e f r a n ç a i s

P.23 NOTES

TRANSPORTPar GÉRARD MAZET

u P.6 LE DOSSIER

LA GAUCHE DE L’AVENIR ?80 THÈSES POUR REMETTRE LA GAUCHE SUR LE BON PIED

P.34 RÉVOLUTION ET RÉPUBLIQUE :LES DEUX VISAGESDU SUBLIMEPar THOMAS MAURICE

P.36 SCIENCES

LA RECHERCHE A BESOIN DE TEMPS ET DE LIBERTÉPar BRUNO CHAUDRET

N°5FÉV.2011

REVUETHÉORIQUEMENSUELLE

DU PCF

COMMUNISME EN QUESTION

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LA REVUE DU PROJET - FÉVRIER 2011

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4 FORUM DES LECTEURS/LECTRICES

6 u20 LE DOSSIER

80 THÈSES POUR REMETTRELA GAUCHE SUR LE BON PIEDJacques Julliard Vingt thèses pour repartir du pied gaucheAlain Obadia Être en résonnance avec les exigencespopulairesAurélie TrouvéL’altermondialisme, vecteur d’une nouvellegauchePatrice Cohen-SéatQuatorze thèses pour détonerIsabelle LorandMarcher sur ses deux jambesJean-Pierre KahaneVingt-cinq points d’interrogationGustave MassiahLes douze hypothèses d’une stratégie altermondialiste

21 SYNTHÈSEMarine Roussillon et José Tovar : Le projetcommuniste pour l’école

22 COMBAT D’ IDÉESGérard Sreiff : La pensée noire ou les mutations du front national

SONDAGES : Recul du libéralisme et

confusion politique

25 u29 NOTES DE SECTEURSTRANSPORTGérard Mazet Des forces pour faire bougerles lignes

OUTRE-MERJean-Louis Le Moing Les défis à relever

AGRICULTUREXavier Compain Le torchon brûle

QUARTIERS POPULAIRESEliane Assassi L’échec des politiques de la ville

30 REVUE DES MÉDIASAlain Vermeersch, Les passerelles UMP-FN

32 CRITIQUESCoordonnées par Marine RoussillonStéphane Hessel Indignez-vous !Albert Mathiez La réaction thermidorienneOuvrage collectif Refonder l’université

34 COMMUNISME EN QUESTIONThomas Maurice Révolution et République  : les deux visages du sublime en politique

36 SCIENCESBruno Chaudret La recherche a besoin detemps et de liberté

38 CONTACTS / RESPONSABLESDES SECTEURS

SOMMAIRE

FORUM DES LECTEURS

À PARAÎTRE EN MARS 2011Un numéro spécial de la Revue du Projet reviendra sur

la Rencontre nationale « pour un projet populaire et partagé »des 26, 27 et 28 novembre 2010

QUE CHERCHE LA SOCIÉTÉ ? • Que disent les mouvementssociaux, le mouvement desretraites ? Jean-Christophe Le Duigou, syndicaliste

• Que dit la crise ? Henri Sterdyniak, directeur du Département économie dela mondialisation de l’OFCE

• La « participation » des citoyens à l’exercice des pouvoirs : apport essentielou divertissement ? CatherinePeyge, maire de Bobigny

• Une enquête de la fondationGabriel Péri : «Inquiétudes,dynamiques idéologiques,attitudes politiques, quoi deneuf en 2010 ?» Michel Maso,directeur de la fondationGabriel Péri

• Qu’allons-nous faire de notre vie ? Patrick Viveret,philosophe, président del’observatoire de la décisionpublique

PEUT-ON CHANGER LAFRANCE DANS LE MONDED’AUJOURD’HUI ? • Une politique de gauche est-elle possible à partir des réalités de l’Europe et du monde d’aujourd’hui ?Francis Wurtz, député européen honoraire

• Quels horizons pour les activités humaines au-delàde la domination des marchésfinanciers ? Paul Boccara,économiste

• Egalité des droits, progrèssocial et enjeux écologiquessont-ils des objectifs compatibles ? Yveline Nicolas,association truc

• Jeunesse : la société enperspective ? Joëlle Bordet,psychosociologue

COMMENT CONSTRUIRE LE CHANGEMENT POURDYNAMISER LA SOCIÉTÉ ? • Comment aller vers unemobilisation populaire pour lechangement ? Maryse Dumas,syndicaliste

• La peur ou la liberté : nefaut-il pas choisir ? MichellaMarzano, professeur de philo-sophie à l’Université ParisDescartes

• Partage des savoirs, laculture pour tous : utopies ou nécessités ? Denis Paget,chargé de recherche à l’Institut de recherche de la FSU

• Comment démocratiser la République ? Patrice CohenSeat, président d’Espaces Marx

QUELS ENSEIGNEMENTSTIRER DE CETTE RENCONTREPOUR ALLER PLUS LOIN ?• Christiane Marty, membre du Conseil scientifique d’Attac. Roland Gori, Initiateur de l’appel des appels

• Conclusion de Pierre Laurent,secrétaire national du Particommuniste français

AU SOMMAIRE DU N° SPÉCIAL :

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FÉVRIER 2011 - LA REVUE DU PROJET

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PATRICE BESSAC, RESPONSABLE DU PROJET

ÉDITO

J e thèse, tu thèses, nousthèsons... ce mois-ci, la Revuedu Projet a fait un essai.

Chacun, chacune jugera durésultat, discutons le principe.

Nous avons demandé à plusieurspersonnalités de se livrer au mêmeexercice que Jacques Julliard dansLibération qui a publié une tribuneretentissante intitulée « Vingtthèses pour repartir du piedgauche ».

Quoi-que l’on pense du person-nage et de sa longue vie d’édito-rialiste politique, saluons l’effort.Jacques Julliard a appuyé là où celafait mal, c’est-à-dire dans la capa-cité des forces politiques degauche de présenter une visionsynthétique des grands enjeux del’avenir.

Ce texte est aussi un symptôme.Pour cet homme qui a durant desdécennies incarné la deuxièmegauche, son texte est un renverse-ment considérable. Sa vision estsans appel : la maîtrise sociale desmarchés financiers et des banquesest au cœur de toute tentative dela gauche pour transformer lasituation existante.

Rien de nouveau me direz-vous ?Et bien je crois que si ! Force est deconstater qu’une partie dessociaux-démocrates et parfoismême une partie du patronat sontarrivés à la même conclusion quenous s’agissant de l’impasse de ladomination des marchés finan-ciers sur tous les secteurs de la viehumaine. L’idéologie dominanteest en crise.

De ces remarques, il faut tirer uneconclusion. Et au risque de merépéter, cette conclusion est quele cœur de notre combat présentest le débat de solutions.

Permettez moi une citation clas-sique de Karl Marx dans le 18

brumaire de Louis Bonaparte. KarlMarx fait remarquer que dans lescrises viennent comme un éternelretour les citations, le rappel dupassé, les tirades pontifiantes, lestribuns assurés, que sais-je encore ?

Appliquée à notre problèmeprésent, le Projet, cette citation a une conséquence : nous ne tirerons du passé aucune recettetoute prête. Aujourd’hui commehier, seule l’intelligence critiqueet la raison permet de construire.

Le problème est à la fois le grandretour de la puissance publiqueau nom de l’intérêt du grandnombre et d’être convaincant surla possibilité que ce retour ne s’ac-compagne pas d’un étatisme horsd’âge.

En clair, c’est au nom de l’avenir,que nous devons nous poser cettequestion dont vous me pardon-nerez la simplicité de formulation :« voulons-nous réellement créerune société qui marche ? ». Aumodèle de direction de l’économiepar les groupes financiers, il fautopposer un nouveau modèle. Et àmon avis il faut chercher dans lesens d’un rapport nouveau entreun grand secteur public, démo-cratique, et d’un secteur privé dontla maîtrise sociale sera pour unepart essentielle à rechercher dansla démocratisation des outilsbancaires et financiers.

Evidement c’est compliqué. Il estplus facile de déléguer à un« comité du plan » tous les choixfuturs plutôt que de se poser laquestion : « comment transformerles forces considérables de laconcurrence économique en forcede coopération ? »

Dans cette dernière questionréside un problème majeur. Dans l’expression compliquée de« dépassement du capitalisme »,il y a cette idée que nous recher-

chons non pas “l’abolition-remplacement” par un systèmevenu d’ailleurs mais la libérationdes forces et des acquis les pluspositifs du système actuel.

Revenons à nos moutons. Ce petitdéveloppement avait un seul but :je pense que notre courant poli-tique, le communisme, la gauchecritique peut aspirer légitimementaux principales responsabilités.Quand ? Nous verrons bien. Maisdans ce grand pays capitalistequ’est la France, nous ne parvien-drons aux principales responsa-bilités que si nous sommes capa-bles d’entraîner de larges partiesdu peuple, des travailleurs intel-lectuels et d’une partie de l’enca-drement des principales entre-prises.

Or cet objectif a une conséquence :le devoir de présenter des propo-sitions et un projet REALISTE nonpas au sens d’un recul sur notreambition mais au sens de l’effica-cité réelle de ce que nous propo-sons à notre pays. L’Assurancemaladie est une illustrationparfaite de ce propos. C’est uneinstitution, avec des défauts certes,mais non-étatisé et qui coûteaujourd’hui moins cher que lasanté privée à service égal.

RÉALISTE, c’est-à-dire attaché àdépasser les contradictions dusystème actuel pour libérer lesforces existantes et en créer denouvelles.

RÉALISTES, c’est-à-dire conscientsqu’un jour nous aurons à présiderau destin de notre pays et doncque chacun de nos actes et de nosparoles doit être marqué par lesentiment aigu de notre respon-sabilité.

RÉALISTE, c’est-à-dire conscientque la crise actuelle, dans toutesses dimensions, a remis sur scènel’idée même de Révolution. n

THÈSONS L’AVENIR

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LA REVUE DU PROJET - FÉVRIER 2011

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FORUM DES LECTEURS

Comment faire pour la recevoir ? Jepréfère la version électronique pourdes raisons économiques  et écolo-giques. Y’a t-il une rubrique loge-ment ? Je m’intéresse à la loi DALO,son fonctionnement, ses dysfonc-tionnements, sa jurisprudence et sagéographie, je peux écrire des arti-cles sur le sujet. n

ISABELLE N.

Nous vous proposons de lire ce mois-ci dans la rubrique Forum des lecteurs les points de vuedes communistes parisiens sur le contenu et les aspects plus formels de la Revue du Projet. Ils et elles ont répondu soit par mail soit en participant à une rencontre, trop rapide, mais fortinstructive. Je les remercie pour toute l’équipe de la Revue du Projet. CÉCILE JACQUET

Robert J. souligne la belle initiative et trouve que larevue « est bien nourrissante ». Elle permet denourrir la réflexion, de voir les coups de freins ou cequi manque encore dans la réflexion, notammentsur le dossier de l’école ( culture et éducation, don-ner le goût d’apprendre, pas de matières annexes…). Elle est utile pour l’activité puisqu’elle permetde mieux discuter avec d’autres, notamment dansles ateliers, sur diverses questions. Une critique defond en l’état des choses lui paraît difficile. « Je suisobligé de l’imprimer, je ne le fais que pour la partiedossier car sinon cela consomme trop de papiermais je préfèrerai une version papier pour pouvoirla lire et travailler dessus plus facilement. Je penseque question maquette, un espace pour les notespersonnelles des communistes en face des articlesdu dossier manque pour un travail sérieux.Internet est certainement le plus rapide et le plusaccessible en terme de diffusion mais le papierpermet une meilleure acquisition intellectuelle dela richesse de la revue. » n

« Faire un peu de place si possibleaux questions de culture». n

EUGÉNIE D.

Pour Vincent B., la forme numérique lui convient bien, il faudrait peut-être grossir la police d’un point, les thèmes et rubriques fontun peu fouillis, l’appel à des contributeurs et contributrices me paraît bien fait et apporte vraiment quelque chose. J’utilise souventla revue en section pour nourrir les débats qui y sont organisés. Elle est dynamique, peut-être renforcer les aspects d’actualité... n

ÉDOUARD GLISSANT, l’homme qui a ouvert laporte au Tout-Monde est mort. Poète et philo-sophe, il savait lire le monde dans ce qu’il portait demeilleur. Édouard Glissant voulait en développer

une nouvelle conception qui, à l’op-posé de la mondialisation écono-mique, s’appuierait sur ce qu’il nom-mait la « mondialité ».Édouard Glissant n’était pas homme àse retrancher. Il descendait dansl’arène en donnant son point de vuepoétique et politique sur les évène-

ments qui le marquaient. Ainsi, il avait récemmentcréé l’Institut du Tout-Monde pour, « à l’écoute desmélodies du monde, favoriser la pratique culturelle etsociale des créolisations et la connaissance de l’imagi-naire des peuples dans leur diversité ». Avec PatrickChamoiseau, son ami, il a publié et fait circuler untexte marquant, mettant en évidence le recul de civili-sation que signifiait la mise en place, par NicolasSarkozy, du ministère de l’Immigration, del’Intégration, de l’Identité nationale et duCodéveloppement. Édouard Glissant était un hommed’action qui mettait en partage avec le peuple sesmots, ses idées, sa poésie.Je me rappelle avec émotion sa conférence lors denotre Université d’été, en août 2008, et l’échange cha-leureux qui lui a succédé ; c’était un homme du partageet de la relation. Ma tristesse, ainsi que celle des commu-nistes est immense ce matin. Son décès laisse de trèsnombreuses personnes un peu seules face à « l’intraita-ble beauté du monde ». Je pense à Sylvie Glissant, sonépouse, à ses enfants, à ses innombrables amis et je leuradresse mes sincères et affectueuses condoléances. n

PIERRE LAURENT, SECRÉTAIRE NATIONAL DU PCF

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FÉVRIER 2011 - LA REVUE DU PROJET

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FORUM DES LECTEURS

Pages réalisées par CÉCILE JACQUET

Cette revue gagne à être connue et

donc à avoir un format papier rapide-

ment. Il est important, en effet, de

signaler que tous les camarades n’ont

pas Internet et que parmi ceux qui l’ont,

très peu sont prêts à lire 30 pages sur

l’écran. En même temps, c’est normal,

c’est pas fait pour. nADRIEN T.

Un camarade du 19e JEAN-PIERRE J. lit régulièrement la revue et l’apprécie.Dans le cadre d’un des ateliers de réflexion sur le programme partagé,mis en place dans le 19e, il a utilisé la revue et principalement une notesur la politique industrielle créatrice d’emplois. n

Il ne me semble avoir lu aucun numéro de cette "Revue duProjet" Je n’ai aucune idée de sa raison d’être, ni des motiva-tions de ses rédacteurs, sachant que l’accès au site ne présente strictement aucune information sur mon écran. n

CJD

Ce qui manque, à mon avis, est une vision globale de ce qu’est

la société dans laquelle on veut vivre, quelle éthique la

traverse, quels concepts sont partagés entre les citoyens qui

fondent une société. De fait, en restant dans ce qui est immé-

diatement perceptible, on manque ce qui est notre visée au

profit de ce qui pourrait être une stratégie de court terme.

Cette visée est d’autant plus importante qu’elle crée notre

identité communiste mais aussi est ce qui doit impérative-

ment guider les élus et permettre la cohérence des orientation

du parti et de celles des élus...ce qui n’est pas toujours le cas.

Bref, une liste à la Prévert de revendications ne fait pas un

programme politique et surtout crée la confusion entre notre

perception du monde et celle d’autres partis qui peuvent avoir

des revendications de forme identique. n

PHILIPPE M.

J’en profite pour vous féliciter pour cette

revue et notamment les pages consa-

crées aux critiques. Je transmets là les

réactions unanimes des camarades de

ma section (PCF 12e) : cette revue est

vraiment une excellente chose mais elle

ne peut atteindre son but qu’à condition

d’être imprimée sur papier. Cela permet-

trait d’en avoir dans les sections, de les

prêter à des camarades et des sympathi-

sants, de les utiliser pour nos discus-

sions, nos formations, de les apporter

dans des réunions publiques, etc. Ce

n’est pas, il me semble, un luxe ou une

étape suivante : l’impression papier est

un élément constitutif de l’objectif que se

donne cette revue. J’espère vivement

que vous prendrez en compte cet aspect

qui devrait être notre priorité pour les

prochains numéros. n

STÉPHANIE L.

Pour GÉRARD P., c’est un bon outil, qui ne permet pas encore l’échange entre tous les

communistes, ne serait-ce pas illusoire de le croire d’ailleurs, mais c’est certain, les com-

munistes déjà investis sur une question particulière s’en emparent pour travailler sans

difficulté. Comment la synthèse des différents points de vue peut-elle conduire à un

enrichissement du Projet communiste  ? Un thème ne pourrait-il pas devenir transversal à

plusieurs collectifs de travail ? n

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LE DOSSIER

La gauche se cherche.Aux certitudes d’hier et au désarroid’aujourd’hui, se substituel’envie de regagner unevéritable crédibilité.

Jacques Julliard s’estessayé à cet exercice.

Nous avons demandé à d’autres personnalitésd’apporter leur pierre à l’édifice : Alain Obadia,Aurélie Trouvé, Patrice Cohen-Séat,Isabelle Lorand, Jean-Pierre Kahane etGustave Massiah.

Remettre la gauche sur le bon pied !

VINGT THÈSES POUR REPARTIR DU PIED GAUCHELe 18 janvier 2010 paraissait dansLibération cet article détonant.

PAR JACQUES JULLIARD*

1 • Nous vivons un nouvel âge du capi-talisme. Après l’ère des managers, voicivenue celle des actionnaires. Les déten-teurs du capital, longtemps silencieux,ont mis au pas les gestionnaires, qui s’ap-puyaient sur leur expertise technique.Les seconds pouvaient avoir le sens del’intérêt général ; ils s’accommodaientde certaines formes de régulation etnégociaient avec les syndicats la répar-tition de la plus-value. Les actionnaires,au contraire, se désintéressent de l’objetmême de leur investissement ; ils récla-ment des profits immédiats et énormes,jusqu’à 15% du capital investi. C’estpourquoi ce nouveau capitalismeconsacre le triomphe de l’hyperlibéra-lisme. Il est de nature essentiellementfinancière et bancaire, le plus souventdéconnecté de l’économie réelle. Il estdonc avant tout spéculatif. Il est à l’ori-gine de la crise mondiale que noustraversons.

2 •Ainsi le nouveau capitalisme a choiside ressusciter son pouvoir de classedans sa nudité. Il s’est installé à la faveurde l’effondrement des régimes commu-nistes. Sans concurrence ni contesta-tion, il a pu imposer ses exigences sansen craindre des conséquences politiqueset sociales. Il a multiplié les licencie-ments spéculatifs, les délocalisations,sans redouter les réactions exclusive-ment défensives de la classe ouvrière. Ila éliminé toute concertation globale, tantavec l’Etat qu’avec les syndicats. Dans ledomaine bancaire, il s’est lancé dans unefuite en avant sans précédent, multi-pliant les spéculations risquées et inven-tant des produits financiers dérivés sanscontrepartie économique réelle. Sanségard pour les situations sociales souventdramatiques qu’il suscitait, il a fait sauterle vernis de civilisation qui, depuis laSeconde Guerre mondiale, recouvrait lecapitalisme évolué.

3 • C’est à la faveur de la mondialisa-tion de l’économie qu’un grand coupde force intellectuel et social a pu être

exécuté sans coup férir. Le capitalismefinancier a su tirer parti de l’ouverturedes marchés émergents, mettre enconcurrence les travailleurs à l’échelleinternationale pour faire pression sur lessalaires. Il s’est imposé comme la seulehyperpuissance à l’échelle planétaire,au détriment des Etats.

4 • La déréglementation de la produc-tion, des marchés et des services, dontRonald Reagan, Margaret Thatcher etGeorge W. Bush ont été les agents lesplus actifs, n’a pas tardé à produire seseffets néfastes, rendus visibles par lacrise financière commencée en 2008. Endépit des vœux de l’opinion publique,des experts et d’une partie de la classepolitique, le néocapitalisme continue des’opposer victorieusement à tout retourde la réglementation. Les G7, G8, G20 enont été pour leur frais. Jamais la domi-nation du secteur financier sur le secteurindustriel, et du secteur économique surle secteur politique et diplomatique, nes’était affirmée avec une telle arrogance,malgré le discrédit des acteurs.

5 • Dans les grands pays industriels, lafinanciarisation de l’économie s’estaccompagnée d’une désindustrialisa-tion délibérée et de la destruction d’em-plois par millions. Désormais, le plein-emploi n’est plus recherché comme unobjet de l’activité économique ; lechômage est devenu structurel ; le néoca-pitalisme s’est reconstitué une arméeindustrielle de réserve.

6 • Le néocapitalisme a retrouvé sesinstincts prédateurs longtempsendormis dans la recherche de la paixsociale. Les dirigeants des grandes entre-prises partagent désormais la mentalitédes actionnaires. Il s’agit pour eux de sevendre le plus cher possible et d’accu-muler en quelques années, parfois enquelques mois, des fortunes colossales.La rémunération des dirigeants, long-temps marginale dans le chiffre d’affairedes entreprises, est devenue un posteconsidérable. L’explosion des bonus,parachutes, primes, indemnités de

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FÉVRIER 2011 - LA REVUE DU PROJET

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toutes sortes a décuplé en une vingtained’années. Le continuum des rémunéra-tions a fait place à une société de corpsséparés et de privilèges, telle qu’elle exis-tait en France à la fin de l’Ancien Régime.

7 • Privés de toute perspective d’avenir,de tout projet positif, les syndicats sesont repliés sur une posture purementdéfensive de préservation de l’emploiet des rémunérations. Les grandes entre-prises ont éliminé toute concertationglobale et, dans le meilleur des cas, regar-dent les syndicats comme des auxiliairesutiles dans le maintien de l’ordre social.En perte de vitesse auprès de leurs adhé-rents, ceux-ci se trouvent marginalisésdans le nouvel ordre économique. Nousvivons un véritable réensauvagementdes rapports sociaux.

8 • L’Europe, qui, à cause des positionsde ses deux nations de tête, l’Allemagneet la France, aurait dû jouer un rôle decontrepoids aux tendances hyperlibé-rales du capitalisme anglo-saxon, a faillicomplètement, au chapitre économiquecomme au chapitre politique. Conduitepar des politiciens médiocres et sansvision, elle s’est faite l’instrument dociledes tendances les plus dérégulatrices ducapitalisme international. Cette véritableforfaiture explique le discrédit qui lafrappe dans les classes populaires detous les pays membres.

9 • A l’échelon politique national, ladeuxième gauche, qui s’était donnépour mission la modernisation écono-mique et culturelle de la France, grâceà la participation de la société civile àla décision politique, représente unevoie désormais dépassée. Elle reposaitsur la notion de compromis social, c’est-à-dire la négociation entre les princi-paux partenaires économiques. Cettevoie contractuelle a été délibérémentbafouée par le néocapitalisme qui, assuréde la victoire, a préféré l’affrontement.C’est la fin de l’idéal d’une sociétépolicée, soucieuse d’affermir le liensocial. Quelques-uns des membres lesplus éminents de la deuxième gauche sesont fait les auxiliaires du pouvoir sarko-zien : c’est dire l’étendue de leur renon-cement et de leur faillite.

10 • Le risque actuel, c’est un nouveaupopulisme. Le prolongement de la crise,désormais probable, notamment sousla forme du chômage, crée un trouble

politique profond. A la différence de cellede 1929, où la faillite du libéralismeconduisait la droite à envisager des solu-tions fascistes et la gauche des solutionscommunistes, le monde politique estaujourd’hui muet. Il en va de même desintellectuels chez qui les droits del’homme et l’écologie constituent desreligions substitutives de salut. L’absencede solution politique favorise le déve-loppement de dérives psychologiques :l’envie, la haine de l’autre, le culte duchef, la recherche du bouc émissaire, leculte de l’opinion publique à l’état brutreprésentent autant de succédanés auvide politique béant de la période.

11 • Les droits de l’homme ne sont pasune politique. Ils sont un problème ;non une solution. Ils sont une exigencenouvelle de la conscience internatio-nale ; mais ils tardent à se concrétiserdans un mouvement politique cohérent.D’autant plus que l’alliance tradition-nelle entre le libéralisme économique etle libéralisme politique est en train de sedéliter. La Chine donne l’exemple inéditd’un grand marché libéral gouverné parune dictature politique intransigeante.La bataille pour les droits de l’hommeest de tous les instants ; mais elle a besoinde s’inventer dans une politique inter-nationale nouvelle.

12 • L’écologie n’est pas une politique.Pour le système industriel, la défense del’environnement n’est pas à l’échellemacroéconomique une solution à la criseet au chômage, mais une contraintesupplémentaire. Pas plus que l’informa-tique hier, elle ne saurait répondre auxproblèmes posés par la financiarisationde l’économie et l’absence de régulationà l’échelle internationale. Elle tend àrendre plus coûteuse et plus difficile larelance économique nécessaire pourdonner du pain et du travail aux habi-tants de la planète. L’écologie demeurebien entendu une préoccupation néces-saire ; une ardente obligation écono-mique et sociale, non le prétexte à desopérations politiciennes.

13 • La révolution n’est pas une poli-tique. Aussi longtemps que le socialismecentralisé n’aura pas apporté la preuvequ’il pouvait changer le modèle de déve-loppement sans attenter aux libertésciviques, il restera inacceptable, et dureste inaccepté par les citoyens. Le piéti-nement des partis révolutionnaires, inca-

pables de trouver une base de massedans les milieux populaires, en fait l’ex-pression de la mauvaise conscience,voire de la conscience mystifiée desnouvelles classes moyennes. Ils sontl’une des formes principales, insuffisam-ment soulignées, de la démobilisationde l’électorat de gauche. Face au néoca-pitalisme, le gauchisme ancien n’a stric-tement rien à dire.

14 • Pour autant, l’antisarkozysme nesaurait être une solution. Le sarkozysmeest un étrange corps mou et caoutchou-teux. Elu sur une campagne hyperlibé-rale, Nicolas Sarkozy s’est retrouvé surdes positions dirigistes deux ans plus tard.Favorable à un rapprochement avec l’Angleterre, il a fini comme ses prédé-cesseurs par privilégier l’alliance avec l’Allemagne. « Américain » au temps deGeorge W. Bush, il a fini par incarner lesvelléités de résistance européenne à l’hé-gémonie américaine. Son évolutionactuelle, qui n’est pas sans rappeler lebonapartisme de Napoléon III, en fait unesilhouette mouvante et une cible illusoire.

15 • L’alliance exclusive avec le centrene saurait être une solution. Leprogramme d’un regroupement centristene serait guère différent des pratiquespolitiques de Nicolas Sarkozy depuis ledéclenchement de la crise économique :ce serait celui de l’aile éclairée du néoca-pitalisme, sans influence sur le cours desévénements. Sa base sociale se révéle-rait vite des plus étroites. Sa cohérencene résisterait pas à l’exercice du pouvoir.Pour autant, l’évolution d’une grandepartie de l’électorat centriste doit êtreprise en compte. Pour des raisons poli-tiques, sociales, mais aussi culturelles,il est en train de se détacher du principejusqu’ici immuable de l’alliance à droite.

16 • Pour les mêmes raisons, la gauchene saurait être représentée, lors del’élection présidentielle, par un repré-sentant de l’establishment financier.L’élection d’un tel candidat, incapabled’établir un rapport de forces avec lesreprésentants du milieu dont il seraitissu, conduirait aux mêmes impasses etaux mêmes désillusions que l’alliancecentriste. Le candidat de la gauche doitêtre porteur d’une solution alternative.

17 • L’avenir est à un grand rassemble-ment populaire, ouvert à toutes lesforces hostiles au néocapitalisme, du

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approches collectives n’ont plus lieud’être. Sous divers angles, on nous répèteque le progrès n’est plus de saison, onveut en finir avec la notion même deprogrès humain.Dans ce contexte, la construction euro-péenne, pourtant si nécessaire, vit unecrise existentielle tant les institutionset les politiques de l’Union sont incapa-bles de répondre aux défis de l’époquetant elles sont façonnées pour tenir lespeuples à l’écart et tant elles sont orien-tées vers les désidérata du capital.Ainsi, le capitalisme confirme son inca-pacité à répondre aux grands défis posésà l’humanité dans une logique favo-rable aux peuples. Même son aptitude à développer desforces productives est distordue par ladictature du profit. On le voit parexemple dans le domaine de la recherchescientifique et de ses avancées.Edifier un nouvel âge du développementhumain sur toute la planète, telle est laresponsabilité historique que doitassumer l’humanité. Dans cette perspec-tive il est indispensable de s’appuyer surla nouvelle donne que constitue l’essoret le dynamisme des pays émergents touten initiant un nouveau mode de gestiondes ressources sur une base durable, soli-daire, fondée sur la coopération.Ce nouveau mode de développementimplique de prendre la mesure des révo-lutions qui sont à l’œuvre et de déter-miner les politiques aptes à y répondre.• révolution démographique avec lesavancées rapides de la médecine,• révolution informationnelle qui trans-forme fondamentalement l’acquisitiondes savoirs, bouleverse le travail et lesmodes de vie tout en étant porteused’une logique de partage ouvrant deshorizons fondamentalement neufs,• révolution écologique car il faut assurerune gestion rationnelle des matières

PAR ALAIN OBADIA*

La crise ne trouve pas ses racinesdans la seule sphère financière.Elle est une crise systémique.

La recherche du taux de profit maximumreprésente l’alpha et l’oméga des déci-sions essentielles. C’est la caractéristiquemême du capitalisme. C’est vrai, biensûr dans la finance mais c’est vrai aussidans le quotidien de la gestion des entre-prises avec les conséquences que l’onconnait sur l’exploitation des salariés detous les secteurs et sur l’étranglementdes PME par les donneurs d’ordre et/oupar les banques.Mais la crise dépasse de loin l’économie.Elle est une crise de civilisation et frappede multiples domaines.C’est une crise de la gouvernancemondiale, les mécanismes de coopéra-tion entre les peuples ayant été systé-matiquement affaiblis ou démantelés.C’est le triomphe de la mise en concur-rence généralisée des travailleurs àl’échelle de la planète, de la course aumoins disant social. C’est la lutte àcouteaux tirés pour s’assurer, parfois parla guerre, la maîtrise des matièrespremières et des sources d’énergie. C’estla logique prédatrice du capital quiravage l’écosystème.En France, comme dans de nombreuxpays l’avenir apparait bouché pour lamajorité du peuple et notamment pourla jeunesse, le chômage massif et la préca-rité galopante font des ravages. Celaengendre une crise profonde de la poli-tique et de la démocratie représentative.C’est également une crise des valeursdans une époque où tout est subordonnéà l’argent prédateur : le travail, l’éduca-tion, la santé, la recherche, la culture, lesservices publics. L’idéologie dominantetente d’imposer une vision du chacunpour soi selon laquelle les solidarités, les

ÊTRE EN RÉSONNANCE AVEC LES EXIGENCES POPULAIRESLa crise que nous vivons n’est pas une calamité tombée du ciel. Elleest la conséquence de décisions politiques des Etats capitalistes lesplus puissants depuis la fin des années 70. Libre circulation descapitaux, OMC, triomphe des thèses monétaristes, privatisation desservices publics, dérégulation des économies et des échanges inter-nationaux au profit des multinationales et des groupes financiers,réduction des politiques publiques à l’impuissance. Les peuples enpayent aujourd’hui chèrement le prix.

centrisme à l’extrême gauche, décidé àinstaller un nouveau rapport de forcesau sein de la société. Au fur et à mesureque la crise développera ses effets, lanécessité d’un tel rassemblement s’im-posera davantage. Elle ne pourra seréaliser uniquement à partir de combi-naisons d’appareils ; c’est la société quidoit l’imposer à ceux-ci. La nature de cerassemblement sera évidemment d’es-sence réformiste et se pensera au seinde l’économie de marché. L’avenir est àune social-démocratie de combat.

18 • Le facteur déclenchant pourraitêtre la constitution d’un bloc syndical,doté d’un programme d’urgence, dontla CGT et la CFDT doivent prendre l’ini-tiative. Les clivages syndicaux actuelssont des héritages de la guerre froide,que seule la tendance des appareils à sereproduire à l’identique continue d’im-poser. A défaut d’une unité organiquequi est l’objectif à moyen terme, un pacted’unité d’action s’impose. Il ne devraitpas se limiter à des objectifs purementdéfensifs, mais ambitionner, comme àla Libération, une réforme en profon-deur des structures financières et écono-miques du pays. Ce nouveau bloc devraenvisager la coordination de son actionà l’échelle internationale, et d’abordeuropéenne.

19 • Le premier objectif du rassemble-ment populaire doit être la maîtrise ducrédit, au moyen de la nationalisation,au moins partielle, du systèmebancaire, qui est à la source de la criseactuelle. Telles qu’elles fonctionnentactuellement, la plupart des banquesont déserté leur mission essentielle, àsavoir la collecte des capitaux au servicede l’expansion économique, au profitd’activités purement spéculatives etnuisibles. Le but de la nationalisationest de ramener le système bancaire à safonction productive.

20 • La destruction de toute forme deplanification indicative et de toute poli-tique industrielle, en un mot de touteespèce de régulation, est l’une des causesprincipales des dérives que nous connais-sons aujourd’hui. La nécessité de rétablirune régulation économique respectueusedu marché est aujourd’hui comprise detous. Seuls manquent pour le moment lavolonté politique et les moyens de l’exercer.Il appartient à un rassemblement démo-cratique de les faire apparaître. n

*Jacques Julliard est historien et journaliste

Remettre la gauche sur le bon pied !

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premières, de l’énergie, prendre lesmesures nécessaires face au réchauffe-ment climatique, sauvegarder la biodiversité,• révolution citoyenne car les décisionsà prendre face à ces défis sont tropimportantes pour être confisquées parune oligarchie. Et cette liste n’est pas exhaustive.Mais comme on le voit sur tous ces sujetsil faut faire reculer jusqu’à la démantelerla domination de l’argent capital auservice du profit.Etablir ces constats ne signifie en rienque le capitalisme s’effondrerait de lui-même et qu’il connaîtrait aujourd’huisa crise finale. Du « capitalisme vert »sauce libérale à la recherche d’unnouveau compromis mondial sur le dosdes peuples, en passant par le recoursà l’autoritarisme ou aux escalades mili-taristes et bellicistes, les pistes de surviene manquent pas pour les tenants dusystème. Mais pour des millions de genscela risque de se traduire par une régres-sion massive et pour tous par un mondede plus en plus dangereux et inhumain.Ainsi la question est posée : que faire etcomment avec quelles forces pourouvrir un autre avenir ?L’une des données fondamentales de lasituation depuis 2008 est que le regardporté sur le capitalisme a changé. Desmillions de gens dans le monde dutravail, dans les milieux intellectuelsposent le même diagnostic accusateur.Les mouvements sociaux intègrent, defait, l’idée selon laquelle un changementde logique est indispensable dans lesdomaines qui les concernent. Cela sevérifie également dans de nombreuxpays d’Europe. Plus globalement lemonde bouge l’exemple de la Tunisieet peut être demain de l’Egypte en sontune illustration éloquente.Cela ne signifie évidemment pas que lesvoies de l’alternative apparaissent clai-rement. Les défis à relever sont massifs,le sentiment qu’il faut déplacer desmontagnes pour y parvenir est forte-ment ancré et les débats au sein desforces progressistes sont ardus.Mais ce changement de climat constitueun point d’appui essentiel. C’est bien ense fondant sur les exigences populaireset sur les luttes qui les expriment quenous pourrons avancer. C’est bien entravaillant à rassembler autours d’ellesque se constitueront les fronts de résis-tances, de proposition et de transfor-mation indispensables.Quelques grands axes transformateursémergent de ce mouvement du réel.

AFFIRMER LA LÉGITIMITÉ DU PROGRÈSHUMAIN COMME OBJECTIF CENTRAL.Non, l’humanité n’est pas condamnée àla régression que l’idéologie dominantetente de présenter comme inéluctable.Oui le travail humain est de mieux enmieux capable de répondre aux besoinsà condition d’être vraiment reconnu etvalorisé. Oui, les besoins peuvent êtrelibérés de la gangue consuméristeactuelle issue d’un modèle productivisteau service du profit.Ainsi, loin d’être des « charges insup-portables » augmenter les salaires, créerambitieusement des emplois, promou-voir la formation, engager un nouvelessor de la protection sociale, sauve-garder de bonnes conditions de retraite,résoudre les problèmes massifs du loge-ment, revitaliser les services publics touten les démocratisant, placer le systèmeéducatif, le système de santé à la hauteurdes défis de notre époque, ou biendonner une nouvelle dynamique à l’éga-lité hommes femmes et lutter contretoutes les discriminations constituent lemoteur du progrès nécessaire

RELEVER LE DÉFI ÉCOLOGIQUEL’intégration des objectifs de gestiondurable des ressources et l’applicationde normes environnementales fortesdans les gestions sont une obligationimpérieuse pour faire face aux enjeuxécologiques. C’est notamment le cas ence qui concerne la diminution des gaz àeffet de serre et du CO2… C’est dans cetteconception ambitieuse que s’inscrit lanécessité pour notre pays d’opérer unevéritable renaissance industrielle afin defaire face aux besoins d’emplois quali-fiés, de se doter des ressources indispen-sables pour une grande politique deprogrès social et humain et de limiterl’impact des transports engendrés parles politiques de délocalisations.

DESSERRER L’ÉTAU DES MARCHÉS FINANCIERSPour que tout cela soit possible, pour qu’onpuisse avancer dans ce processus, il estcrucial de reprendre le pouvoir sur l’ar-gent public, celui des banques, celui desentreprises. Réforme fiscale, création d’unpôle public de financement impliquant lanationalisation de certaines banques, miseen place de fonds de développements pourl’emploi aux niveaux régional, national eteuropéen initiant un nouveau crédit,transformation des critères de gestion desentreprises impliquant de nouveauxpouvoirs pour les salariés, bataille pour denouvelles normes comptables au plan

international et européen, réforme de laBCE et de ses missions. Les chantiers nemanquent pas. Ils sont essentiels.

REDONNER SENS ET DIGNITÉ AU TRAVAIL.Eradiquer la souffrance au travail, maisaussi l’angoisse de la précarité et duchômage constitue à la fois un objectif duprogrès humain et un moyen essentiel pourun nouveau mode de développement soli-daire. Pour cela, les salariés doivent avoirprise sur l’organisation du travail et sur sesfinalités. Les qualifications doivent êtrepleinement reconnues, les parcours profes-sionnels doivent être sécurisés dans lecadre d’un système public ouvert à tous,financé par la réforme des cotisationssociales et de leurs exonérations.

SORTIR DE L’HYPERCONCURRENCEDe la même manière que l’ultralibéra-lisme s’est enraciné dans des décisionspolitiques, la phase nouvelle à ouvririmplique elle aussi la mise en place derègles mondiales inédites. La France doitse placer à l’avant-garde des pays initia-teurs de cette évolution. Elle doit pourcela faire entendre sa voix dans le concertdes nations, elle doit aussi agir pour quel’Europe change de cap en ce domaineet rejoigne le camp des réformes. Laconstruction d’une monnaie communemondiale constitue un élément déter-minant de la nouvelle donne, il en va demême de la prise en compte effective denormes sociales et environnementalesdans les échanges internationaux ayantpour fonction de lutter contre la logiquede dumping généralisé et de délocalisa-tion ; logique initiée par les règles del’OMC et le dogme libre échangiste del’actuelle Union Européenne.

RÉORIENTER LA CONSTRUCTION DE L’EUROPEIl s’agit de faire de la construction euro-péenne un vecteur de progrès social,écologique et démocratique au servicedes peuples de notre continent mais égale-ment un acteur au service de règles nova-trices de coopération et de relations paci-fiques entre les peuples du monde. Lesdifférentes évolutions nécessaires de lapolitique européenne ont été abordéesdans les points qui précèdent tant il estvrai que l’Europe n’est plus aujourd’huiune dimension extérieure de l’actiontransformatrice. Dans cette perspective,le traité européen doit être refondu confor-mément à la volonté des peuples qui,lorsqu’ils ont été consultés, ont toujoursrejeté l’Europe antisociale, au service desmarchés qui se construit en dehors d’eux.

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SUITE DELA PAGE 9 > DES POUVOIRS NOUVEAUX

POUR LES CITOYENS ET LES SALARIÉSMême lorsqu’ils se placent sous labannière de la démocratie, les systèmespolitiques actuels ont, de fait, institu-tionnalisé la captation des pouvoirs dedécision par une oligarchie de l’argent.C’est notamment le cas en France. Il estindispensable de redonner le pouvoiraux citoyens. Cela concerne les institu-tions à tous les niveaux, le rétablisse-ment de libertés publiques actuellementbien mal en point, la démocratisationdes médias aujourd’hui sous contrôledu pouvoir ou de puissants groupesfinanciers, l’instauration de formes de

démocratie d’intervention directe pourles citoyens ou pour les salariés dansl’entreprise. Le processus populaired’élaboration d’une nouvelle constitu-tion, celle de la VIème république, est ainsil’une des grandes priorités de touteaction transformatrice.Cette énumération souligne la cohérenced’un projet alternatif. Mais notre concep-tion ne peut pas être celle du « tout çaou rien ». Elle s’inscrit au contraire dansune démarche de processus. Nous nechangerons l’ordre des choses qu’enpartant du réel. Nous savons que tousles points mentionnées feront l’objetd’un dur affrontement avec les forces du

capital. Il est donc essentiel, tout en nedésertant aucun terrain, de dégager despoints d’offensive prioritaires permet-tant, au-delà des proclamations,d’avancer effectivement sur le cheminde la transformation. Ces priorités, ellesne doivent pas être décrétées en vaseclos. C’est en prise directe avec lemouvement social, avec les luttes, c’estdans une démarche de décisioncitoyenne et de rassemblement queréside le succès. n

*Alain Obadia, est responsable « nouveaumode de développement» au PCF, il estmembre du comité du Projet.

L’ALTERMONDIALISME, VECTEUR D’UNE NOUVELLE GAUCHELes alternatives à construire ne seront pas "évidemment d’essenceréformiste" : elles relèvent à la fois du réformisme et de la révolution

PAR AURÉLIE TROUVÉ*

Qu’on ne se méprenne pas, la“gauche” que j’évoque n’est pasuniquement celle des partis poli-

tiques et des calculs électoraux. Elle estcelle, beaucoup plus large, des associa-tions, des syndicats, des multiplesmouvements citoyens et politiques quise battent pour l’accès pour tous auxdroits humains fondamentaux et pourun autre monde, solidaire, écologiqueet démocratique. Pour construire cettenouvelle gauche, capable de répondre àla crise globale actuelle, je ne m’embar-querai pas dans “20 thèses”, je merestreindrai modestement à cinq idées.Mais je voudrais avant tout saluer ladémarche de Jacques Julliard, qui entre-prend une autocritique quelque peucourageuse sur la deuxième gauche,même si son analyse mérite pour lemoins d’être discutée.

LES MOUVEMENTS SOCIAUX, LE MOUVEMENT ALTERMONDIALISTE, AU CŒUR DE LA RIPOSTEPour Jacques Julliard, le nouveau capita-lisme s’est construit “sans concurrence nicontestation”. C’est ignorer la force desmouvements qui ont émergé depuis lesannées 90 au niveau international, faceau néolibéralisme triomphant de l’époque,notamment les luttes face au G8, à l’Ac-cord Multilatéral sur l’Investissement, etc.

qui ont abouti au mouvement altermon-dialiste. Celui-ci a remporté indéniable-ment des victoires idéologiques, il a permisde délégitimer des institutions comme leFMI, la Banque mondiale, l’OMC... autantde piliers du néolibéralisme. Il a faitconverger de multiples mouvements, auSud comme au Nord, de Forums sociauxen contre-sommets et dans denombreuses luttes sociales. Il n’y a pas de tournant majeur, au niveaudes pouvoirs politiques en place, sansdes mouvements sociaux puissants quifont pression. Il n’y a pas de tournantmajeur sans que les citoyens dans leurensemble ne s’emparent de la politique.Et face à la complexité et à la super-puis-sance de la finance, il est indispensableque les citoyens s’emparent de l’éco-nomie. Pour cela, les mouvementssociaux et intellectuels doivent travaillerà un tournant culturel, dont l’éducationpopulaire est un outil important.

AU FOND, C’EST LE CAPITALISME QUI EST EN CRISELes organisateurs du prochain Forumsocial mondial convergent vers l’idée quenous sommes face à une “crise systémiquedu capitalisme”. Ce n’est pas seulement le“néocapitalisme” qui est en cause, mais lecapitalisme lui-même, dont les formesnéolibérale et financière ne sont qu’uneévolution logique, puisque c’est un systèmefondé sur l’exploitation sans limite des

ressources humaines et naturelles à la seulefin de rentabilité des profits du capital.Les alternatives à construire ne seront pas“évidemment d’essence réformiste” : ellesrelèvent à la fois du réformisme et de larévolution. Elles doivent s’appuyer à lafois sur des réformes progressives et surune visée révolutionnaire de transforma-tion globale du mode de développementet des politiques. C’est d’une nature révo-lutionnaire que sont les changementsinduits par l’ampleur de la crise écolo-gique et des transformations nécessairesdes modes de consommation et deproduction. Jacques Julliard réduit touteperspective révolutionnaire au “socialismecentralisé”. Mais bien d’autres formes dedépassement du capitalisme, plurielles etdémocratiques, peuvent être inventées.

POUR UNE SOCIALISATION DÉMOCRATIQUE DES RICHESSES“La nature de ce rassemblement (...) sepensera au sein de l’économie demarché”, nous dit Jacques Julliard : toutela question est de savoir jusqu’où va cemarché. Car la conséquence du capita-lisme a été de marchandiser de plus enplus de sphères de la société, jusqu’auxconnaissances, à la biodiversité, au climat,aux semences, etc. Il s’agit donc de seréapproprier collectivement et démocra-tiquement ces richesses : autour de lanotion de biens communs se constituentainsi de plus en plus de luttes, pour unesocialisation démocratique de ces biens.Leur gestion collective ne passe pas quepar des renationalisations, mais égale-ment par des gestions coopératives etmutuelles, par des communautés localeset d’autres formes de partage (à l’imagepar exemple des logiciels libres). Ainsi, si la régulation publique doit rede-venir importante pour faire valoir l’in-

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térêt général, son caractère démocratiqueest tout aussi important. La régulationétatique n’est pas non plus la seule voiealternative. Jacques Julliard évoque ainsiune renationalisation partielle du systèmebancaire, encore faudrait-il ajouter qu’elledoit être démocratique et qu’elle peuts’accompagner de la construction debanques réellement coopératives, géréespar des communautés locales, etc.

POUR UNE REFONDATION PROFONDE DE L’EUROPE ET DES INSTITUTIONSINTERNATIONALES “L’Europe (...) a failli complètement”.Cette faillite demande de refonder l’Eu-rope et pour cela de remettre à plat l’en-semble des traités européens. Maiscomment la refonder sans remettre encause les socles, les “lois fondamentales”qui régissent l’Union européenne surdes bases néolibérales, à savoir les traitéseuropéens ? Voilà pourquoi il importaitde voter non au Traité constitutionnelEuropéen et au Traité de Lisbonne, pourtous ceux qui souhaitent une autreEurope politique, solidaire, écologiqueet démocratique, sortie du dogme de lalibre-concurence et qui soit autre chose

qu’une vaste de zone de libre-échange. De la même façon, il importe de refonderles institutions internationales. “Les G7,G8, G20”, nouveaux directoiresmondiaux, n’en ont pas “été pour leursfrais” : on ne pouvait pas mieux attendrede ces directoires mondiaux, clubs trèsfermés des pays les plus puissants quisouhaitent décider de l’avenir de l’en-semble de la planète. Seule une instancemultilatérale fondée sur les droitshumains, des Nations Unies renforcéeset réformées dans un sens démocratique,peuvent répondre au besoin d’une régu-lation mondiale au service de tous.

L’ÉCOLOGIE DOIT ÊTRE AU CŒUR DE LAPOLITIQUE, TOUT AUTANT QUE LE SOCIALL’écologie n’est pas seulement une“contrainte supplémentaire”, elle doitêtre à la base des alternatives proposéespar la gauche. Le fait que nous attei-gnions à présent des limites physiquesde la planète, notamment sur le planclimatique, qui induiront des consé-quences énormes sur les sociétés, obligeà intégrer l’écologie au cœur des alter-natives. Ainsi, la question écologiquedoit être abordée de façon tout aussi

centrale que la question sociale, et noncomme un appendice. Les premièresvictimes de la crise écologique sont lestravailleurs exposés à des risques envi-ronnementaux au travail, ceux qui n’ontpas les moyens ou l’information pours’acheter une alimentation de qualité,les populations du Sud spoliés de leursressources naturelles et de leurs terres...Une gauche altermondialiste, qui défendl’accès aux droits humains fondamen-taux partout dans le monde, se doit dedéfendre la sobriété et la diminution denotre production et de notre consom-mation énergétiques et matérielles. Carcette production et cette consommationne sont en aucun cas reproductibles àl’échelle de la planète, au vu des limitesécologiques. Elles ne sont possibles quepar la spoliation des ressources au Sudpar les pays riches. La diminution radi-cale de notre production et de notreconsommation énergétiques et maté-rielles doit être posée comme base deconstruction d’un modèle alternatif. n

*Aurélie Trouvé, est maître de conférence àl’Établissement national d’enseignementsupérieur agronomique de Dijon, coprési-dente d’Attac france.

nouvelle révolution technologique auservice de son ambition de dominer ànouveau le monde.

2 • Le capitalisme s’est alors métamor-phosé. D’industriel, il est devenu finan-cier et a tout fait pour s’affranchir et descontraintes de l’économie réelle, et desenracinements territoriaux qui l’obli-geaient à composer avec les exigencesou les besoins de populations. Sa finan-ciarisation s’est accompagnée de sa globalisation. Sa puissance apatride estdevenue monstrueuse, vassalisant l’éco-nomie et les entreprises, mettant les Etatset les médias entre ses mains, lui permet-tant de manipuler les institutions autantque les consciences. La « domination desmarchés », qui rend la politique impuis-sante et la ridiculise, n’est que la vitrineofficielle d’un système capable de toutacheter, même les coups d’Etat, de toutcorrompre, de mettre en place quasi auvu et au su de tout le monde les outils (des

« niches » aux paradis fiscaux, des cadeauxofficiels aux chancres de l’économie paral-lèle) qui font de lui le système le plusprédateur de tous les temps. Ce nouvelordre du monde organise la mise enconcurrence des salariés, des peuples etdes systèmes sociaux, tirant tous les droitssociaux vers le bas, attisant les divisionsentre les victimes du système et contri-buant ainsi à les désarmer : jamais lesrapports de force entre capital et travailn’ont été aussi défavorables à ce dernier.

3 • Tétanisées par l’ampleur de l’échecdu socialisme étatique et de l’économieadministrée, les forces de progrès se sontmontrées incapables de réagir. EnFrance, le début du « silence des intellec-tuels » est concomitant du revirement deF. Mitterrand en 1983 qui a consacré laconversion de la gauche socialiste nonpas à « l’économie de marché », mais ausystème capitaliste. Cette paralysie, ou cerenoncement, concerne l’ensemble des

PAR PATRICE COHEN-SÉAT*

1 • Sur fond de révolution industrielle,les immenses ébranlements du débutdu 20ème siècle (les deux guerresmondiales, la crise des années 30, lefascisme,) avaient débouché sur unnouvel ordre social et même mondial.Largement discréditée comme classe(« plutôt Hitler que le Front populaire »),concurrencée par le système soviétiqued’économie administrée, la grande bour-geoisie avait été contrainte de concéderdes compromis réellement « histo-riques » : ce furent les progrès démocra-tiques et sociaux des « trente glorieuses »,le développement de la propriété et desservices publics, la décolonisation, etc.Les trente dernières années du siècle ontradicalement changé la donne. Triom-phant sur les ruines du « socialismeréel », le capital a engagé une offensivetout aussi historique et a mis lespromesses extraordinaires de la

QUATORZE THÈSES POUR DÉTONERDu fond des sociétés émerge un grondement sourd, comme d’un volcan dont on ignore quand, sousquelles formes et avec quelle violence il peut exploser, pour le meilleur ou pour le pire.

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LE DOSSIERforces de gauche : aucune n’a pu ou vouluopérer la métamorphose d’elle-mêmequ’impliquaient celles du capital et dumonde lui-même. Comment lutter contrece capitalisme globalisé ? Commentimaginer un monde et une conceptiondu développement qui fassent leur placeaux « nouveaux géants » comme à tousles peuples, qui répondent à la crise écolo-gique et préservent la planète ? Commentconstruire un ordre où prédomine lavolonté démocratique des citoyens ?Comment mettre les immenses progrèsdes connaissances au service d’unehumanité plus humaine ? Commentredonner du sens à la vie en société sanslaquelle le monde redevient une jungle ?Les gauches sont aujourd’hui sansréponses. C’est pourquoi elles perdent.

4 • Depuis le milieu des années 90, uneréaction se dessine un peu partout dansle monde. Des mobilisations parfoisconsidérables cherchent à s’opposer à lamarche forcée du capital pour casser lesacquis et les résistances et répondre à sesinsatiables besoins de profits. A l’arro-gance de Davos a répondu un mouve-ment altermondialiste qui explore despistes nouvelles. Une pensée économiquecritique – qui s’accompagne d’un spec-taculaire retour d’intérêt pour celle deMarx – succède à la « pensée unique ».Des expériences nouvelles se font jour enAmérique latine. En Tunisie, la « révolu-tion du jasmin » est sans précédent dansle Maghreb. Après 2005 et l’échec du Traitéconstitutionnel européen, la colèregrandit en Europe contre le sens et leslogiques de l’actuelle construction del’Union européenne, impulsée de façonconsensuelle par les forces libérales etsocial-libérales. Mais faute d’une alter-native cohérente et crédible, répondantaux échecs du passé comme auxnouveaux défis du présent, faute d’unmouvement politique pour la porter, cesmobilisations ne parviennent pas àengendrer des rassemblements popu-laires capables de contester la domina-tion du capital et de changer la donnepolitique.

5 •Dans les pays développés comme laFrance, un fossé profond s’est creuséentre les couches populaires et les forcesde droite et de gauche qui ont gouvernédepuis trente ans. Les populismes dedroite et d’extrême droite se développent.Et l’abstention progresse, mettant lescouches et donc les intérêts populaireshors champ de la politique. Cette défec-tion d’une partie importante de l’électorat

de gauche la rend structurellement mino-ritaire, conduisant une partie des forcesqui la composent à chercher son salut poli-tique sur la droite, et laminant les autres.Ces mécanismes enferment la gauche dansun système autobloquant qui contribue àson immobilisme et à la répétition de seséchecs. Relativement nouveaux venus dansle paysage politique, et posant une ques-tion dont chacun reconnaît l’importance,les partis écologiques parviennent parfoisà mobiliser une partie de l’électorat, sansparvenir à faire bouger les fondamentauxde cette situation.

6 • Bloquée politiquement, la situationest cependant économiquement et socia-lement instable. Rien n’a changé auxfacteurs qui ont provoqué la crise finan-cière. Rien non plus à la colère ou audégout que font grandir le spectacle desinjustices, le mépris des puissants et l’in-capacité des politiques. Du fond dessociétés émerge un grondement sourd,comme d’un volcan dont on ignorequand, sous quelles formes et avec quelleviolence il peut exploser, pour le meil-leur ou pour le pire.

7 • Une donnée majeure est en train dechanger dans les sociétés développées,qui pourrait modifier radicalement lepaysage social et politique. Pendant lestrente dernières années, les couches lesplus populaires se sont enfoncées dansles difficultés, le chômage, la précarité et,pour des millions de femmes etd’hommes, la grande pauvreté. Celatouche aujourd’hui environ dix millionsde personnes en France. C’est énorme.Mais pendant ces années, la grande massedes « couches moyennes » a continué,avec de plus en plus de difficultés, à s’entirer : et le capital a tout fait pour opposerles « assistés » à ceux qui travaillaient,comme d’ailleurs les français aux étran-gers, les blancs aux blacks et beurs, lesjeunes aux plus âgés, etc. Cette périodetend à s’achever. Pour maintenir ses tauxfaramineux de profit, le capital s’en prendà tout le système social. Le travail devientune souffrance. L’avenir des enfants estinquiétant. L’école devient un parcoursdu combattant. Les services publics, lesystème de santé, les retraites sont mena-cées L’angoisse concerne maintenant laplus grande partie des salariés. Les condi-tions objectives d’un rapprochemententre des couches sociales que le capitalavait durablement réussi à diviser sonten train de se réunir. Pour qu’elles setransforment en réalité sociale et poli-tique, il faut ouvrir une véritable pers-

pective à gauche, c’est-à-dire dessinerles traits principaux d’une alternativeau capitalisme, et d’un chemin crédiblede transformation dans le monde actuel.

8 • Il y a pour cela une condition préa-lable : que les forces de gauche aient lecourage de faire l’autocritique sincère,chacune pour ce qui la concerne, desimpasses dans lesquelles elles se sontégarées : sans cela, elles demeurerontchargées du poids du soupçon et reste-ront inaudibles. Le courant socialiste, quia gouverné à plusieurs reprises, doit s’ex-pliquer sur les raisons qui lui ont fait aban-donner le combat contre le capitalismeet décider de la façon dont il entend lereprendre. Le courant communiste doitnon seulement confirmer ses critiquesfondamentales du système d’économieadministrée, mais surtout faire la clartésur les raisons qui lui ont fait « globale-ment » soutenir l’indéfendable jusqu’àl’effondrement du système soviétique. Ildoit énoncer une idée de l’égalité qui nel’oppose pas à la liberté, une vision dessolidarités collectives qui respectent lesdroits des personnes, une conception dela révolution fondée sur un processusintégralement démocratique et nonviolent. Le courant écologiste doit faireun choix entre l’accompagnement ou lacontestation du système.

9•Le premier acte du changement doitêtre un changement du système insti-tutionnel. La délégation, a fortioripoussée à l’extrême par la concentrationet la personnalisation du pouvoir, est unefaçon de voler le pouvoir au peuple. Il fautà l’inverse le mettre lui-même, directe-ment et par les institutions représenta-tives dont il se dote (syndicats, associa-tions, coopératives, mutuelles…), au cœurd’un système de pouvoirs dont les prin-cipes doivent être : la transparence, lesdroits d’intervention à tous les niveaux,le raccourcissement, la rotation, la limi-tation et l’interdiction du cumul desmandats, des processus publics d’évalua-tion des choix, la garantie du pluralismede l’information, et son indépendance àl’égard des pouvoirs politiques et écono-miques. Sans changement radical dansla distribution des pouvoirs qui lesremette très largement entre les mainsdu peuple et en finisse avec la profession-nalisation de la politique et sa collusionavec le monde de l’argent, aucun chan-gement véritable ne sera possible.

10 •Le combat central de la gauche doitêtre d’aller vers une démocratie écono-

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mique. Là où la position de la gauche,jusqu’au programme commun, a été decombattre « le marché » en y opposantl’étatisation de tout ou partie de l’éco-nomie, elle doit proposer les instrumentsqui permettront que les principalesorientations économiques, notammenten matière d’investissements, résultentde choix démocratiques. Cela impliqueen particulier : 1/ que l’entreprise cesse d’être considéréecomme propriété du capital, que le pouvoiry soit partagé entre les salariés, les investis-seurs (publics et privés) ainsi que des élusreprésentant les populations et les intérêtspublics aux différents niveaux concernés,et que la part des dividendes des action-naires soit plafonnée par rapport à celle desinvestissements ; 2/ que le crédit soit placé sous la maîtrised’institutions publiques et que ses règles etprincipes d’attributions soient l’objet annuelde débats et de décisions démocratiques ; 3/ que des mesures drastiques soientprises contre la spéculation : jusqu’à desprélèvements fiscaux confiscatoires contreles opérations financières sans bénéficepour l’économie réelle, la prohibition detoutes relations financières avec les paradisfiscaux...

11 • La gauche doit mettre fin à l’obs-cène explosion des inégalités. Un revenuminimum permettant de vivre dignementdoit être mis en place dans le cadre d’unsystème de sécurité professionnellecomprenant les jeunes sans emploi. Ungrenelle des salaires et de la formation doitconduire à un rééquilibrage du partagedu PIB entre le capital et le travail. La fisca-lité doit être profondément réformée : parla diminution, voire la suppression de laTVA sur les produits de première néces-sité, et son augmentation sur les produitsde luxe ; la très forte augmentation del’impôt sur les revenus de la rente (divi-dendes, plus-values, etc.) ainsi que la miseen place d’une importante progressivitéde l’imposition des très hauts revenus,conduisant de fait à un revenu maximumdémocratiquement débattu.

12•La ghettoïsation dans certains quar-tiers de la misère et de la désespéranceest un chancre qui gangrène la société.Pour la gauche, le problème n’est pas decesser de « faire de l’angélisme », commese l’était reproché L. Jospin, mais de sedonner les moyens de mettre fin à ce scan-dale. Elle doit faire respecter l’obligationde mixité sociale du logement, organiserun développement volontariste desservices publics et du mouvement asso-

ciatif dans ces cités, décider de moyensconsidérablement accrus pour favoriserla réussite scolaire pour tous, et choisirde cesser de faire la guerre aux pauvres,notamment les « sans-papiers », pourconcentrer tous ses moyens sur la guerreà la pauvreté et à ses conséquences.

13 • La gauche doit mettre fin au rôleactif de la France depuis l’origine pourla mise en place d’une Europe ultra-libé-rale et s’opposer à toutes nouvelles direc-tives dans ce sens. Mais surtout, elle doitproposer une grande ambition euro-péenne, tournant le dos à « la concur-rence libre et non faussée » et y substi-tuant les principes de coopération, desolidarité et de progrès social et envi-ronnemental. Ce combat essentiel doitutiliser tous les moyens possibles, de larecherche de coopérations concrètes avecd’autres nations d’Europe, jusqu’à l’ou-

verture d’une crise majeure posant l’exi-gence d’un nouveau traité européen.

14 •La gauche doit mettre l’autorité de laFrance au service d’un autre ordre mondial.Les pays occidentaux développés ontdominé et pillé le reste du monde depuisdes siècles. Il faut proposer aujourd’hui uncompromis historique qui assure aux paysdu Sud les coopérations et transferts gratuitsde technologie nécessaires en échange demesures de régulation (touchant notam-ment les mouvements de capitaux et leséchanges commerciaux) visant la conver-gence vers le haut des normes sociales et envi-ronnementales de tous. La construction d’unegrande alliance mondiale dans ce sens,incluant les pays émergents, doit devenir l’axe central de la diplomatie de la gauche. n

*Patrice Cohen-Séat, est membre du comité duProjet et président d’Espaces Marx.

qualité, la crédibilité, l’acceptabilité despropositions ne font pas la maille. Nousdevrons être un vote utile, avoir un posi-tionnement politique clair et audible, etêtre porteur d’espoir et de désir.

I - ÊTRE UN VOTE UTILEUn Front de Gauche qui part gagnantPour exister il faut jouer dans la cour desgrands. L’image que nous renvoyonsreflète celle que nous avons de nous-mêmes. S’extraire du statut de looser,d’outsider et disputer le leadership àgauche. Un Front de Gauche politique et socialPour réussir le pari d’un rassemblementpopulaire à gauche, Julliard pointe laplace du mouvement social. Contraire-ment à lui, je ne crois pas au miracle dela substitution du social au politique. Enrevanche, raccorder le social au politiqueest essentiel. A cet égard, l’embryon demouvement qui se construit autour duFront de Gauche, l’engagement de syndi-calistes, de militants associatifs, d’intel-lectuels... commence à faire sens. Un Front de Gauche élargiLa capacité à rassembler les organisationspolitiques positionnées sur une alterna-tive au libéralisme sera également déter-minante. Le FDG a raison d’interpeller leNPA. Il devra élargir cette sollicitation auxautres organisations de la gauche radicale.

MARCHER SUR SES DEUX JAMBESLe Front de gauche peut créer l’événement du scrutin de 2012

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PAR ISABELLE LORAND*

Q u’un ténor de la deuxième gauchequalifie de renoncement et de fail-lite cette voie en dit long sur la

période politique et idéologique ouvertepar la crise de 2008. Il est de premièreimportance d’en prendre la pleinemesure à 18 mois des échéances prési-dentielles et législatives. Exit l’alliancePS-Centre, banni le candidat du FMI,hors-jeu le grand écart politique d’EELV(Europe écologie-Les Verts). Place auxsolutions alternatives, aux nationalisa-tions et à la planification !...la gauche devra marcher sur ses deuxjambes.Pour partir du pied gauche, le rapport deforce au sein de la gauche est capital. Leséchecs de la gauche européenne ontpartout les mêmes ingrédients. Unegauche mal à gauche composée d’unesocial-démocratie hégémonique et d’unegauche radicale inexistante ou divisée.En revanche, les expériences d’Amériquelatine - qui ont en commun une recom-position à gauche - semblent inscrire latransformation sociale et démocratiquedans la durée. L’ambition du Front deGauche est à ce niveau. Ne croyons pasqu’il s’agisse de politique fiction, nousdevons viser le carton ! A condition decréer une dynamique propulsive ? La

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LE DOSSIERUn Front de Gauche solide sur sa base électoraleEnfin la mobilisation du cœur de notrebase électorale sera décisive. Salariés desservices publics, quartiers populaires, etjeunesse devraient être ciblés avec obsti-nation. Non pas qu’il faille laisser pourcompte les autres. Mais parce que lamobilisation de ces populations est à mesyeux un levier de dynamique politiquepropulsive.

II - AVOIR UN POSITIONNEMENT POLITIQUE CLAIR ET AUDIBLE.Dans l’électorat de Gauche deux élémentsseront structurant des votes : « TSS : Toutsauf Sarkozy » et « Tout sauf un remakedu 21 avril ». Tout obstacle à la victoirede la gauche, tout diviseur, sera disqua-lifié. Le marginal, le satellite serontlaminés. « Hors de question de perdre savoix ».Dépositaires de la lutte antifasciste, noussommes un rempart anti-Le Pen. Noussommes des TSS, des acteurs incondi-tionnels de la défaite de Sarkozy. Pourautant, si les différences à gauche étaientestompées, l’espace serait grand ouvertau PS. Au monde des petites phrases etdu buzz, le numéro d’équilibriste seradifficile. Les pensées claires font lesdiscours clairs. Deux conceptions del’avenir sont en débat à gauche. Le débatn’est pas entre un peu plus ou un peu moins de gauche, mais porte sur la nature du changement : réguler,améliorer le capitalisme ou en finir avecle capitalisme – moraliser la concurrenceou choisir la coopération – encadrer lavidéosurveillance ou la combattre –respecter le pacte de stabilité ou embau-cher des fonctionnaires – policer la Vème

République ou convoquer des Etats géné-raux constituants - ouvrir des maisonsde santé privées ou des centres de santépublics...

III - ETRE PORTEUR D’ESPOIR ET DE DÉSIRL’adhésion politique est tout sauf méca-nique. Produire du désir, de la mobilisa-tion politique est une alchimie complexe.Il faut savoir mobiliser les subjectivités.Modernes et optimistes. Perturber sérieu-sement nos pratiques n’est pas uneantienne. Les tribunes de quinquagé-naires masculins et blancs, les tractspleurnichards d’une tristesse infinie, leslistes de propositions géniales et parfai-tement démontrées... Certains pensentqu’on est dans le détail, je pense qu’onest dans l’essentiel. On dit autant, pluspar ce que l’on est, que par ce que l’onprononce.

...INCARNER L’ALTERNATIVELa radicalité a un problème : donner àvoir ce que pourrait être un au-delà ducapitalisme. Hier en Europe, aujourd’huide la Bolivie à l’Egypte, les révolutionss’articulent à des objectifs simples etprécis : du pain et la liberté. Le 19ème sièclea inventé les modèles du post-capita-lisme. Le 20ème les a plantés.Nous ne voulons pas renouer avec lesmodèles. En même temps, nous avonsbesoin de modéliser. Au sens mathéma-tique du terme : illustrer un phénomèneabstrait. Nous avons un projet global,complexe pour la France, pour leMonde. Il est par essence abstrait. Leprogramme doit illustrer notre vision,incarner le sens, au travers de proposi-tions simples et emblématiques pourvivre mieux le présent et exalter l’avenir.Pas un inventaire à la Prévert, exhaustifet à la cohérence mystérieuse, maisquelques idées forces sur des sujets dis-criminants dans les choix électoraux en2012. La fracture sociale en 1995, lasécurité en 2002... Quels seront les dis-criminants du vote en 2012 ? Quels sontceux que nous souhaitons faire émer-ger ? Quelles idées forces ? Je pointeraidix discriminants et en développeraicertains pour préciser ce que j’entendspar propositions emblématiques.

1 • Les grands travaux pour vivre bienensembleLes grands travaux sont un facteur devivre mieux, de création d’emplois et dedynamisme économique.Depuis la fin des années 70, la France n’aplus engagé de grands travaux à l’excep-tion du TGV. Les infrastructures existantessont vieillissantes, et les nouvellesmanquent.La crise du logement appelle la créationde 120 000 logements par an pendant 10ans. Dans les grandes villes, la consom-mation d’énergie des bâtiments est unedes principales sources de pollution del’air. La modernisation des logementssociaux existants et leur mise aux normesenvironnementales sont à planifier surdix ans. Cette recomposition de la poli-tique du logement s’articulera à la mixitésociale, générationnelle et d’usage desbâtiments.Les transports en commun - rail, fleuve- urbains, régionaux, et interrégionauxseront développés. La notion de trans-ports publics devrait répondre à desbesoins individuels : taxi, auto lib’...contribuent au droit au déplacement,même en cas de perte d’autonomie. Unepolitique tarifaire incitera l’utilisation

des transports en commun (gratuité pourles transports quotidiens, réduit pour lescongés payés, favorisant les formes typetrain-auto...)Un transfert de la route sur le fret-fleuvesera engagé pour aboutir à une inversionen dix ans (2 mandatures) du rapportfret-fleuve/route. Le fret et le fleuve sontmoins polluants, moins encombrants(A86 : plus grand embouteillage d’Eu-rope du fait de la présence massive decamions), moins dangereux, et moinschers (fort impact des poids lourds surl’entretien des routes).

2•Partager les richesses, une autre idéede l’argentL’argent qui devrait être un moyend’échange entre des activités utiles socia-lement est devenu une marchandise ensoi. Il convient de revenir à une notionsaine de l’argent : c’est un bien commun,reflet de l’activité sociale collective.Echelle de revenu : Une société danslaquelle un patron gagne 300 fois plusqu’un salarié, est inique. Quelle vie vaut300 fois une autre vie ? Une échelle derevenus de 1 à 10 (1 600 – 16 000 €) serainstaurée.Reforme fiscale : La fiscalité est la contri-bution de chacun au bien commun. Cettecontribution doit être progressive pouratteindre 100 % pour les revenus supé-rieurs à 16 000 €. Les banques : La crise de 2008 a démontrél’irresponsabilité sociale des banquesprivées. La maîtrise publique passe parla nationalisation des grandes banquesfrançaises et la préférence de banquescoopératives. Un pôle public bancairepourrait mettre en cohérence les banquespubliques, les banques coopératives, etmême les banques de dépôts privés dansle cadre d’une charte éthique de l’argent.

3 • L’égalité des DroitsSociaux : Le droit à la connaissance et àla santé sont inaliénables. Trois décen-nies de disette ont détérioré l’école et lesystème de santé. Il faut remettre laFrance à l’endroit.Un plan Marshall de l’hôpital public visantà conjurer la crise de l’hôpital fera l’objetd’une consultation nationale dès les centjours. Le développement des Centres desanté publics municipaux sera une prio-rité. L’Etat devra assurer leur financement.Enfin, une politique incitative auprès dessoignants favorisera l’activité médicalesans dépassement d’honoraires.Civiques : On vit ici, on bosse ici, on resteici, on vote ici. La crise financièredémontre que le problème n’est pas la

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libre circulation des Hommes, mais cellede la finance. Les migrations ont toujoursété, depuis le Neandertal, un facteur deprogrès pour l’Humanité. C’est direcombien la fermeture des frontières estun non sens. Ceux qui travaillent, payentdes impôts, cotisent à la sécurité socialedoivent avoir leur mot à dire : il faut régu-lariser les sans-papiers et les étrangersdoivent obtenir le droit de vote.

4 • Une politique mondiale du climat,de l’eau, et des forêtsFront mondial pour l’écologie : Cancuncomme Copenhague sont très en-deçàde l’urgence planétaire. De nombreuxpays veulent engager une politique écolo-gique volontariste et cohérente. La Francepourrait être à l’initiative d’une rencontrede tous ceux-ci en vue d’établir unprogramme mondial de l’écologie.Organisation mondiale : Dans ce mondeinterdépendant, des urgences univer-selles dépassent largement les frontières :écologie et bioéthique notamment.L’ONU doit relancer la mondialisationdes peuples face à celle de la finance.Permettre de faire résonner universalitéet diversité, impératif mondial et souve-raineté des nations, tel est l’enjeu d’unmonde moderne.

5 • Une politique industrielle pourrépondre aux besoinsProduire utile : Les grandes orientationsde la politique industrielle sontaujourd’hui déterminées par les critèresde rentabilité. Et non sur des critèresd’utilité sociale. Au paroxysme de l’ab-surdité, l’industrie pharmaceutique quiproduit des médicaments souventinutiles, parfois dangereux à fort retoursur investissement, au détriment derecherches utiles (la bactériologie et lesantibiotiques par exemple). Il faut mettreun terme à cette absurdité sociale etécologique. L’entreprise ne devrait pasavoir pour mission de remplir les pochesdes patrons mais de produire des biensutiles à tous. C’est dire que la politiqueindustrielle doit être choisie démocrati-quement et non par le MEDEF.Consommer autrement : Être ou avoir,le succès du film de Nicolas Philibert ainterpellé nos concitoyens sur le sens denos vies. Après une épidémie de l’avoiret du paraître, aujourd’hui l’être s’imposecomme critère de qualité de vie. Marxenseignait que « le luxe est tout autantun vice que la pauvreté et que nousdevrions avoir pour but d’être plus et nond’avoir plus. [...] ». Décidément, il n’estpas mort.

Les multinationales :Elles sont organiséespour échapper aux droits nationaux carorganisées dans plusieurs pays dont lesdroits sont différents, pour échapper auxfiscalités (paradis fiscaux), et pour déjouerle droit du travail (délocalisation de laproduction dans les pays de forte exploi-tation). Toutefois, les multinationales ontbesoin pour leur siège de pays attractifs.La France est de ceux-ci. Contrairement àce qu’on nous raconte, Paris dispute àLondres le leadership en termes d’attrac-tivité pour les grandes entreprises : taux deproductivité élevé, main-d’œuvre quali-fiée, qualité des réseaux... les argumentssont nombreux. Alors la marge demanœuvre de la France est authentique,pour ceux qui veulent s’y attaquer.

6•Europe : un espace politique écono-mique et social protecteurEspace protecteur pour les européens,et espace protecteur pour les dominésdu monde. L’Europe unie devrait pouvoirpeser sur les équilibres internationauxpour contraindre les normes sociales etécologiques au plan international.Visa social : Les échanges internationauxpourraient être régulés par un « visasocial ». Seules les entreprises respec-tueuses des hommes et de la planète > SUITE

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LE DOSSIERseraient habilitées à opérer des échangeséconomiques avec l’Europe. L’adhésion àune « charte mondiale du droit du travail »pourrait être le label pour accéder à ce visa.Démocratie : L’Europe politique est encrise parce qu’elle échappe à la souve-raineté des peuples et à la démocratie.Relancer l’Europe appelle une véritablerelance démocratique. A l’aune du débatsur le projet de traité constitutionnel, ilfaut construire et soumettre à réfé-rendum de tous les peuples d’Europe,un nouveau projet.

7•Ouvrir une nouvelle ère de la démo-cratieModerniser la démocratie représenta-tive : En finir avec le présidentialisme,franchir un cap avec la proportionnelle,le non cumul des mandats, le statut del’Elu.Inventer la démocratie participative : Ilfaut favoriser l’intervention citoyenne àtous les niveaux. Des conseils de quar-tiers au référendum d’initiative popu-laire en passant par le tirage au sort.Repenser la démocratie sociale : La crisemondiale démontre que l’économiedevrait relever de choix collectifs et de laresponsabilité publique. Aussi, l’entre-prise devrait être conçue comme unepropriété sociale. Outre des nationalisa-tions, il faudra que toutes les grandes déci-sions d’investissements stratégiques desentreprises privées soient soumises à despriorités sociales démocratiquementdébattues. La citoyenneté à l’entreprisedevrait devenir un droit constitutionnel.Trois autres thématiques me paraissentêtre ou devoir devenir discriminantes :8 • Lutter contre la corruption et leslobbys9•L’art et la culture constitutifs de l’épa-nouissement personnel et de la démo-cratie10 • Lutter pour manger sain

La contribution de Julliard est d’autantplus significative qu’elle résonne avecd’autres indices : baisse de la côte de DSK,rage populaire contre Sarkozy, sympathiepour la révolution tunisienne et égyp-tienne... A contrario la charge inouïe contreJean-Luc Mélenchon est un signe que lapoussée du Front de Gauche commenceà inquiéter sérieusement. Il se passe enfinquelque chose à gauche. Le Front degauche peut créer l’événement du scrutinde 2012. La clarté de notre position poli-tique en sera le levier majeur. n

*Isabelle Lorand, est responsable PCF deslibertés et droits de la personne

des pouvoirs qui doivent appartenir àla collectivité. La nationalisation dusystème bancaire que Julliard recom-mande comme premier objectif (thèse19) pour ramener le système bancaire àsa fonction productive est à considérerdans cette optique.

5 • Mais nous savons que nationaliserne suffit pas, ni d’ailleurs créer un pôlefinancier public. Il faut que lescitoyens et les travailleurs desbanques s’en mêlent, et sachent com-ment s’en mêler. Il faut donc élaborerl’articulation entre l’appropriation col-lective et la démocratie efficace.

6 • En démocratie, dit Montesquieu,le peuple, qui a la souveraine puis-sance, doit faire par lui-même tout cequ’il peut bien faire. C’est là le prin-cipe ; les élections viennent après,pour que le peuple fasse faire par sesélus ce qu’il ne peut pas faire directe-ment. Ce principe me paraît pouvoir setransposer à tous les niveaux de la viesociale, et d’abord dans le travail et sonorganisation.

7 • Le capital s’approprie le travailhumain et paye aux travailleurs cequ’il leur faut pour vivre et se repro-duire ; la différence est le profit capita-liste, et le combat de classes se mèned’abord sur ce terrain. Les progrèstechniques diminuent le travailhumain nécessaire pour un produitdonné, et réduisent donc à terme leprofit, comme Marx l’avait indiqué.L’innovation technologique ou com-merciale est le moyen instantané etprovisoire de restaurer le profit. Lapression sur les travailleurs par l’allon-gement du temps de travail et l’accen-tuation de sa pénibilité est le moyenpermanent, et le chômage un accom-pagnement nécessaire.

8 • Le chômage fait croire qu’il n’y apas assez de travail pour tout lemonde. C’est une erreur. Nos petits-

PAR JEAN-PIERRE KAHANE*

1 • Le capitalisme est prédateur parnature, prédateur du travail humain,prédateur des richesses naturelles. Ilengendre des prédateurs à figurehumaine, comme Ben Ali et sa famille,et comme ceux que dénonce Julliard,les dirigeants des grandes entreprises,qui se vendent le plus cher possible etaccumulent des fortunes colossales.Ben Ali a été chassé par le peuple tuni-sien, il doit être exproprié et jugé. C’estle sort que méritent et que peuventredouter les prédateurs du mondeentier, qu’ils soient à la tête d’Etats,d’entreprises ou de conseils d’adminis-tration.

2 • L’actionnariat dilue la prédationdans une partie de la population despays capitalistes avancés. Via laBourse et les media il crée des ravagesdans les esprits comme dans la société.Aux Etats-Unis, les fonds de pensionsont accrochés au capitalisme finan-cier et en constituent un soutien social.Leur extension en France a aussi cebut. On doit les dénoncer comme fac-teurs d’instabilité et de catastrophes, etcombattre l’actionnariat au profit de lasolidarité sociale et de l’épargne utile.

3 • La solidarité sociale est incarnéeen France par la Sécurité sociale, quidevrait être étendue et non restreinte.L’épargne utile nécessite des instru-ments comme les caisses d’épargne etla caisse des dépôts, et elle donnerait àun pôle financier public les moyensd’alimenter de grands travaux et deremplir l’ensemble de ses missions(dont les prêts aux familles et auxPME).

4 • Il faut arracher les moyens de pro-duction et d’échanges à ceux qui seles sont appropriés. Il ne s’agit pas departage, du partage charitable auquelcertains seraient prêts. Il s’agit d’uneappropriation collective des biens et

VINGT-CINQ POINTS D’INTERROGATIONChacune des vingt thèses de Jacques Julliard mérite examen, réflexion etcompléments. Je partirai de son diagnostic sur le capitalisme d’au-jourd’hui, gouverné par les actionnaires (thèse 1) et qui a retrouvé sesinstincts prédateurs (thèse 6), pour développer quelques autres idées etquestions. Par commodité mes propositions auront la forme affirmative ;il est bon que le lecteur les prenne pour des interrogations.

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enfants auront beaucoup de travail àfaire, en France et dans le monde, pourréparer les dégâts du temps présent,pour gérer l’eau, l’air, les sols, l’alimen-tation, les sources d’énergie, les habi-tations, les moyens de communicationet de transport, les relations humaines,l’éducation, la recherche, les industriesde l’avenir. Dès aujourd’hui, on doitrepérer les travaux qui s’imposent ;exemple parmi bien d’autres : la miseau point du système ferroviaire enEurope.

9 • On peut étendre ainsi le principede Montesquieu : qu’à toutes leséchelles, jusqu’au niveau des indivi-dus, tout le monde fasse bien ce qu’ilsait bien faire. Chaque collectivité,chaque individu doit être responsableet fier de son travail. Cela implique, ausein même du travail contraint, l’aboli-tion d’entraves comme les rapportshiérarchiques fondés sur la soumissionet la pratique du secret, une solidaritédes travailleurs et beaucoup de liberté.« La liberté, ça se conquiert » disait unsyndicaliste tunisien. C’est un premierpas vers la démocratie.

10 • Les entreprises publiques doiventdonner l’exemple du travail bien fait, etce doit être la règle générale de la pro-duction et des services. On en a l’expé-rience en France avec ce qu’était EDF.Plutôt que la multiplication desexpertises extérieures, c’est à l’inté-rieur de l’entreprise de productionque doit être garantie la qualité desproduits et la sécurité des personnes.Le travail bien fait est valorisant pour letravailleur et économique pour lasociété.

11 • Il ne s’agit pas d’un doux rêve. Larecherche scientifique, qui est loind’être affranchie des chaînes du capi-talisme, est encore pour une bonnepart un domaine de liberté. Et c’estcette part qui est la plus prometteusepour l’avenir. Elle permet de sortir dessentiers battus sans se ligoter par desprojets à court terme. Et c’est à l’inté-rieur des communautés scientifiquesque peuvent s’établir les évaluationsles plus valables et les correctionsnécessaires en cas de manquement auprincipe du travail bien fait.

12 • La recherche scientifique estligotée à l’heure actuelle par la visionà court terme qui se cache derrière leterme d’innovation. L’innovation

nécessaire à la survie du capitalismeest exactement le contraire des innova-tions à introduire dans la vie scienti-fique et dans la vie sociale. Les motsclés en sont la compétition, l’intérêtpersonnel, et aujourd’hui en Francel’excellence brandie comme étendard,opposée à la médiocrité qui serait larègle.

13 • L’excellence proclamée et labelli-sée (labex, laboratoires d’excellence,equipex, équipements d’excellence) estla ruine de l’excellence parce que c’estune foire d’empoigne. L’excellence réelleémerge du travail bien fait et de la libertélaissée aux chercheurs, et c’est uneambition légitime dans la recherchecomme dans toutes les productionshumaines. Rien n’interdit de la mettreen valeur si ce n’est pas pour écraserl’ensemble.

14 • Pourquoi donner une telle placeà la recherche scientifique alors qu’ils’agit du projet politique ? Parce quela science, ses acquis, ses orientations,les moyens qu’elle exige, les possibili-tés qu’elle offre, font partie de la poli-tique. D’un coté, il n’y a pas d’avenirpossible sur la planète sans conquêtede nouvelles connaissances et de nou-veaux moyens d’action. D’un autrecoté, l’exploitation du travail derecherche pour un profit immédiat estindispensable au capitalisme, et lesréorganisations en cours en France tra-duisent cela de façon brutale.

15 • Comment les citoyens peuvent-ils se prononcer en la matière ?D’abord, en faisant confiance aux tra-vailleurs scientifiques comme auxautres travailleurs. Les travailleursscientifiques, dans les organismes derecherche publique et dans les univer-sités comme dans les entreprises, ontles mêmes difficultés que les autrestravailleurs, en particulier en ce quiconcerne la place des jeunes. Ils ontdes atouts à faire valoir, en particulierl’étendue de leurs collaborations inter-nationales ; et aussi des obstacles aux-quels ils se heurtent pour la reconnais-sance de leur travail, en particulier lapratique du secret, de règle dans l’in-dustrie.Ils ont des syndicats, des associations,des instances avec des élus, des germesd’organisation démocratique qui sontloin de brider l’excellence, aucontraire.

16 • Faire confiance ne suffit pas. Laperspective doit être l’appropriationcollective des connaissances scienti-fiques. Le travail de recherche qui semène dans le monde produit unemasse énorme de nouvelles connais-sances. Elles devraient être à la disposi-tion de l’humanité dans son ensemble,alors qu’aujourd’hui elles se perdent sielles ne sont pas valorisées immédiate-ment. Chacun, bien sûr, ne peut enassimiler qu’une petite partie. Maisune grande collectivité, comme notrenation, pourrait avoir pour programmede ne rien en laisser perdre.

17 • Ce programme pourrait s’étendreaux connaissances acquises dans toutesles pratiques. S’agissant des connais-sances scientifiques, le relais principalpour accéder à la conscience communeest celui de l’enseignement supérieur.Le lien entre enseignement supérieur etrecherche assure en principe que, dansles différents secteurs, des étudiants puis-sent être en prise directe avec la sciencequi se fait dans le monde, convenable-ment distillée. C’est loin d’être le casactuellement, faute d’étudiants dans lesfilières scientifiques. Créer les condi-tions d’une extension massive de l’en-seignement supérieur scientifiquedevrait s’accompagner d’un effort dansl’ensemble de l’enseignement et de l’ac-tion culturelle.

18 • Les canaux pour l’acculturationde la science, outre l’enseignement,sont multiples : les livres, les confé-rences, les expositions, les musées. LePalais de la Découverte a suscité desvocations. Tout cela est bon, mais neparticipera réellement à l’assimilationcollective des progrès des sciences etde leur mouvement que s’il y a unevolonté populaire de s’en emparer.Les militants communistes exprimentsouvent cette volonté, à titre person-nel. Peuvent-ils aider à susciter unevolonté collective dans ce sens ? Lagauche est-elle capable de créer et tra-duire cette volonté ?

19 • La découverte des exoplanètes,comme la démonstration du dernierthéorème de Fermat, élargit notrevision de l’univers et celle de nos pro-pres forces intellectuelles. L’humaniténe va plus conquérir de nouveauxespaces sur terre (est-ce bien vrai ?)mais elle a de nouveaux mondes àdécouvrir en approfondissant ses > SUITE

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LE DOSSIER

des libertés et de l’égalité partout où ellesavaient connu des avancées. Crisegéopolitique, celle de la décolonisationinachevée et de la remise en cause del’hégémonie des Etats-Unis et de leursalliés européens et japonais. Crise écolo-gique, celle de la rencontre des limitesde l’écosystème planétaire.Chacune des dimensions de la crise faitremonter à la surface les problèmes nonrésolus des grandes crises précédentesque la dynamique du capitalisme avaitréussi à contenir sans les régler pourautant.

3 • Le mouvement altermondialiste estporteur d’une logique anti-systémiquepar rapport à la logique dominante. Par rapport à la logique systémique dunéolibéralisme, le mouvement altermon-dialiste conteste la subordination à larationalité du marché mondial des capi-taux et l’ajustement structurel de chaquesociété au marché mondial. Par rapportà la logique systémique du capitalisme,il conteste la nature même de la crois-sance et la marchandisation qui, demanière toujours croissante, subordonneà la recherche du profit tous les aspectsde la vie.

PAR GUSTAVE MASSIAH*

1 • La situation est caractérisée par unecrise globale. C’est en premier lieu unedouble crise emboîtée : celle du néoli-béralisme et celle du capitalisme. Crise du néolibéralisme en tant que phasenéolibérale de la mondialisation capita-liste. Cette phase, qui a commencé audébut des années 1980, est aujourd’huiépuisée. Crise du système capitaliste lui-même, ouverte par la profondeur de lacrise que nous vivons actuellement. Cettecrise, multidimensionnelle, ouvre unepossibilité de rupture d’un cycle beau-coup plus long, de plus de cinq siècles ;celui qui a construit une civilisation capi-taliste et occidentale.

2 • La crise actuelle, qui se présentecomme une crise financière, monétaireet économique, a des fondements beau-coup plus profonds. C’est une crisesociale, démocratique, géopolitique etécologique, et au total une crise de civi-lisation.Crise sociale, celle des inégalités, de lapauvreté et des discriminations. Crisedémocratique, celle de la remise en cause

1) Avec l’autorisation de l’auteur nous reproduisons un extrait de son dernier ouvrage, Une stratégiealtermondialiste, ed. La Découverte, janv. 2011

LES DOUZE HYPOTHÈSES D’UNE STRATÉGIE ALTERMONDIALISTEPour mettre en évidence la cohérence et les questions controverséesde la stratégie du mouvement altermondialiste, douze hypothèses surl’analyse de la situation actuelle et sur les projets de transformationmis en avant par le mouvement altermondialiste1.

connaissances. L’ensemble coordonnéde ces connaissances, qu’il s’agisse dela nature, de l’homme ou de la société,constitue la science ; cet ensemble estmouvant et pourtant c’est un systèmede référence solide à chaque époque.Il s’agit de faire accéder tout le mondeà ce système de référence.

20 • Tout le monde y participe, parceque toutes les activités humaines engen-drent des connaissances. Chacun a doncsa porte d’entrée, qui permet les rencon-tres et les échanges. Et pourtant l’am-biance générale est à la peur quand ils’agit du nucléaire, des OGM ou desnanotechnologies, qui correspondent àdes avancées scientifiques majeures.Pourquoi ? Il est vrai que l’arme nucléairereste une menace terrible, que les OGMsont exploités par des entreprises capi-talistes envahissantes et que les nano-technologies suscitent des appétits dumême ordre. Plus généralement, lascience met à la disposition du capitalde nouveaux moyens d’exploitation, deprédation et de déprédations.

21 • Il faut donc distinguer l’apportscientifique, les technologies qui en déri-vent ou le suscitent, et l’exploitation quien est faite. La découverte de l’énergiecontenue dans le noyau de l’atome estessentielle dans notre vision des éner-gies disponibles dans le futur, celle de latransgénèse offre des possibilités impré-vues dans le domaine de la création oude l’amélioration des espèces, celle dumaniement individuel des atomes révèledéjà son incroyable puissance. Rejeterces apports scientifiques parce qu’ilsservent les prédateurs est une tenta-tion d’une partie de la gauche, et c’estl’une de ses faiblesses.

22 • Il arrive que de bonnes idées poli-tiques émergent d’une étude scienti-fique. Il faudrait peut-être créer uneveille politique à cet égard. A titred’exemple, le rapport en cours del’Académie des sciences sur la métal-lurgie conclut clairement sur la néces-sité de recréer une industrie métallur-gique en France. L’avenir de beaucoupd’industries en dépend.

23 • L’appropriation collective desbanques et des grandes entreprisesdétenues et dirigées par les prédateursdoit se faire au détriment de ces préda-teurs, et elle provoquera de leur partdes résistances et des soubresauts.L’appropriation collective des connais-

toires, et dans les collectivités territo-riales, ce qui est d’actualité.

25 • La France n’est pas la Tunisie,mais nous avons tous à apprendre de larévolution qui se mène là-bas. Il faudraen France d’autres formes de rassem-blement que celle qui a chassé Ben Ali.Mais il faudra à ce rassemblementune volonté encore plus forte d’enfinir avec les prédateurs et d’intro-duire la démocratie dans tous les rap-ports humains. Est-ce possible ? Nesommes-nous pas à une époque oùtout est possible ? n

*Jean-Pierre Kahane est un mathématicienfrançais. Il est professeur émérite àl’Université Paris Sud Orsay

sances scientifiques, l’assimilationsociale du progrès et du mouvementdes sciences, se heurte à de mauvaisespratiques (le secret) et de mauvaiseshabitudes (le doute à l’égard de toutce qui est politique), mais devraitcréer un grand vent d’adhésion dansle milieu scientifique.

24 • La thèse 17 de Julliard est quel’avenir est à un grand rassemblementpopulaire. Il a raison. Il le voit d’essenceréformiste. Je crois qu’il a tort. Le ras-semblement efficace doit avoir l’ambi-tion de la conquête des pouvoirs et dessavoirs. Il doit se donner les moyens decette conquête, à tous les niveaux de lavie sociale, en particulier sur le lieu dutravail, dans les ateliers et les labora-

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Le mouvement altermondialiste à traversles résistances, les luttes sociales etcitoyennes, la contestation culturelle, labataille des idées a contribué à l’appro-fondissement des contradictions dusystème et à sa crise.

4 • Le mouvement altermondialiste estun mouvement historique d’émanci-pation qui prolonge et renouvelle lesmouvements historiques des périodesprécédentes : les mouvements histo-riques de la décolonisation ; pour leslibertés ; des luttes sociales ; de l’éco-logie.Il renoue avec des tendances très longuesen redéfinissant les enjeux à partir desremises en cause par le néolibéralismedes équilibres historiques. Le mouve-ment historique de la décolonisation aremis en cause l’équilibre et le sens dumonde. Il a été combattu par le néolibé-ralisme à travers la gestion de la crise dela dette, les programmes d’ajustementstructurel et la perversion des régimesdes pays décolonisés. Le mouvement historique pour leslibertés et l’égalité avait bouleversé lemonde avec les Lumières, puis la révo-lution des nationalités ; il a pris denouvelles dimensions, dans le mouve-ment des libertés de 1965 à 1973, avecla remise en cause des totalitarismes etdes oppressions, particulièrement l’op-pression des femmes. Le néolibéralismea tenté de le récupérer à travers l’indivi-dualisme et la consommation. Le mouvement historique des luttessociales a structuré l’histoire du capita-lisme. Il a opposé, dès le début du capi-talisme la bourgeoisie à la paysannerieet aux couches populaires urbaines ; il apris tout son sens avec le mouvementouvrier à partir du 19ème siècle et dansles luttes révolutionnaires du début duXXè siècle. Le néolibéralisme, de son côté,a développé la précarisation et unemondialisation fondée sur le dumpingsocial généralisé.

5 • L’orientation stratégique du mouve-ment altermondialiste est celle del’accès aux droits pour tous et de l’éga-lité des droits à l’échelle mondiale. Elleprend tout son sens avec l’impératifdémocratique. Cette orientation caractérise la natureanti-systémique du mouvement. Lemouvement oppose l’accès aux droitspour tous à logique du néolibéralisme.Le mouvement oppose l’égalité desdroits, à l’échelle mondiale, à la logiquedu capitalisme. A l’affirmation qu’on

migrants et de libre circulation. Ellecomprend aussi le renouvellement desdroits dans l’invention d’un universa-lisme universel.

7 • Le mouvement altermondialiste,formé par la convergence des mouve-ments sociaux et citoyens, met en avantune culture politique fondée sur ladiversité et l’horizontalité.La diversité résulte de la légitimité de tousles mouvements qui luttent contre l’op-pression et qui inscrivent cette lutte dansun projet d’émancipation. Le mouvementa mis en place un processus, celui desforums sociaux mondiaux ; ils sont orga-nisés à partir des principes d’activitésautogérées, de refus des autorités auto-proclamées, de recherche des consensuset de démocratie participative.La référence à « un autre mondepossible » exprime le refus de la fatalité,des théories de « la fin de l’histoire », de« la guerre des civilisations » et de laprétention néolibérale « there is no alter-native ».

8 • Les bases sociales de l’altermon-dialisme et ses alliances dépendent desenjeux de la période, des issues qui seprésentent à la crise : le néo-conserva-tisme de guerre ; la refondation du capi-talisme à travers le « green new deal » ;le dépassement du capitalisme. Les bases sociales dans le cas du néo-conservatisme de guerre concernent tousceux qui veulent lutter contre la barbarie,la répression, les régimes autoritaires etles guerres. Le néo-conservatisme deguerre se présente comme une des issuespour tous ceux qui voudront maintenir,coûte que coûte, les privilèges du néoli-béralisme. Les bases sociales et les alliances parrapport à la refondation du capitalismeet au « green new deal » sont formées partous les mouvements qui luttent pourl’accès aux droits pour tous à l’échellemondiale.Les bases sociales pour le dépassementdu capitalisme sont formées par lesparties des mouvements qui sontengagés dans les luttes pour l’égalité desdroits.Dans l’urgence, les alliances regroupentceux qui sont opposés au néo-conser-vatisme de guerre. Les principes géné-raux se définissent à l’échelle de la crise,de la mondialisation. Les alliancesconcrètes dépendront des situations desnations et des grandes régions.Dans la durée, et si le danger du néo-conservatisme de guerre peut être évité,

ne peut organiser le monde qu’à partirde la régulation par le marché mondialdes capitaux, le mouvement affirmequ’on peut organiser chaque société etle monde à partir de l’accès aux droitspour tous. A l’affirmation qu’on ne peutorganiser le monde qu’à partir derapports sociaux déterminés par lapropriété du capital, le mouvementaffirme qu’on peut organiser chaquesociété et le monde à partir de l’égalitédes droits. L’orientation stratégique sur l’accès auxdroits est nécessairement reliée à l’im-pératif démocratique qui prend uneacuité particulière dans la périodeactuelle où les libertés sont largementmises en cause et où l’égalité estcontestée comme valeur.

6 • Le mouvement altermondialisterevendique la mise en œuvre des quatregénérations de droits qui ont étégénérés par chacun des mouvementshistoriques : les droits civils et poli-tiques ; les droits économiques, sociauxet culturels ; les droits des peuples ; lesdroits écologiques. Chaque périodehistorique a repris à son compte,complété et renouvelé les droits forma-lisés dans les périodes historiquesprécédentes. Les droits civils et politiques ont étéexplicités et formalisés par les grandesdéclarations du 18ème siècle. Ils ont étécomplétés par la Déclaration Univer-selle des Droits de l’Homme. Ils ontété renouvelés par les droits desfemmes. Ils ont été complétés par lerefus des totalitarismes et par l’arti-culation entre les droits individuels etles droits des peuples. Les droits économiques sociaux, cultu-rels et environnementaux ont été mis enavant par la DUDH et complétés par lespolitiques publiques de l’après-guerreet par le Pacte international relatif auxdroits économiques, sociaux et culturels(PIDESC). Les droits des peuples, notamment lesdroits à l’autodétermination, au contrôledes ressources naturelles et au dévelop-pement ont été formalisés par l’ONU etexplicités dans la Charte pour les droitsdes peuples. Une quatrième génération de droits esten gestation. Elle comprend les droits« écologiques » et correspond à la redé-finition des rapports entre l’espècehumaine et la Nature. Elle comprend lesdroits de maîtrise de la mondialisationet de renouvellement des droits civils etpolitiques, et notamment les droits des > SUITE

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LE DOSSIERla confrontation opposera les tenants dugreen new deal et ceux du dépassementdu capitalisme.

9 • Le débat continue dans le forum surplusieurs questions stratégiques, parti-culièrement sur les questions dupouvoir et du politique. Le pari est d’in-venter de nouvelles formes de rapportentre la question sociale et les mouve-ments, et entre le politique et les insti-tutions. L’impératif démocratique estau centre de cette réinvention.L’interrogation porte en premier lieu surla nature contradictoire de l’Etat, entrele service des classes dominantes et l’in-térêt général, sur la crise de l’Etat-Nationet sur le rôle de l’Etat dans la transfor-mation sociale. Elle porte aussi sur la nature du pouvoiret sur le rapport au pouvoir. Dans lesprocessus engagés, notamment parrapport à la violence, les modalités de lalutte pour le pouvoir peuvent l’emportersur la définition du projet et marquerprofondément la nature de la transfor-mation sociale. La culture démocratiqueest sur ce plan déterminante. La remiseen cause de la domination passe par laconfrontation pour l’hégémonie cultu-relle. Toute transformation sociale estconfrontée à la remise en cause dupouvoir dominant. Il n’y a pas de chan-gement social sans rupture, sans discon-tinuité dans les formes du politique etdu pouvoir. Cette rupture et sa maîtrisepossible constituent le pari fondateurde tout changement social. Le débat surles orientations générales et les applica-tions dans des situations spécifiques estau centre des débats du mouvementaltermondialiste.

10 • La crise globale ouvre des oppor-tunités pour le mouvement altermon-dialiste. Ces opportunités articulent,dans l’urgence, un programme d’amé-liorations immédiates, et dans la durée,un espace de transformation radicale.Les opportunités permettent de dégager,dans plusieurs grandes directions, lesaméliorations immédiates possibles,d’une part, et les transformations radi-cales en termes de nouveaux rapportssociaux, de fondements des nouvelleslogiques et de lignes de rupture.La régulation publique et citoyennepermet de redéfinir les politiquespubliques ; elle ouvre la discussion surles formes de propriété et sur l’évolutionfondamentale du travail.La redistribution des richesses et le retourdu marché intérieur redonnent une

possibilité de stabilisation du salariat,de garantie des revenus et de la protec-tion sociale, de redéploiement desservices publics ; elle ouvre à l’égalitéd’accès aux droits et sur la relation entrele statut social du salariat et son évolu-tion en tant que rapport social. L’urgence écologique nécessite desmesures immédiates pour la préserva-tion des ressources naturelles, particu-lièrement l’eau, la terre, et l’énergie, dela biodiversité et du climat ; elle ouvrela discussion sur une mutation du modede développement social.Le modèle de représentation politiquenécessite la redéfinition de la démocratie,le refus de la discrimination et de laségrégation sociale ; il ouvre la réflexionsur les nouvelles formes du pouvoir etdu politique.Le rééquilibrage entre le Nord et le Suddéfinit une nouvelle géopolitique dumonde ; elle ouvre une nouvelle phasede la décolonisation.Une nouvelle régulation mondiale redé-finit le système international ; elle ouvrela régulation de la transformation socialeà l’échelle de la planète et la perspectived’une citoyenneté mondiale.

11 • Les analyses et les propositionsdiscutées dans les Forums sociauxmondiaux ont été validées, depuis l’ou-verture de la crise, dans la bataille desidées. Mais elles ne se sont pas impo-sées dans les politiques mises en œuvre.Le mouvement altermondialiste, à côtédes recommandations immédiates,avance de nouvelles propositions quiarticulent la sortie du néolibéralismeet le dépassement du capitalisme.La crise globale est aujourd’hui reconnuecomme crise du néolibéralisme ; ladiscussion sur la crise du système capi-taliste est ouverte dans l’espace public.Les recommandations immédiates(contrôle du système bancaire, régula-tion publique et citoyenne, suppressiondes paradis fiscaux, taxes internationales,etc.) s’imposent dans le débat mais sontédulcorées, voire ignorées, pour ne pasheurter les intérêts des classes domi-nantes.Dans les forums sociaux mondiaux,plusieurs questions font le lien entre denouvelles orientations susceptibles deréformes immédiates et d’allianceslarges, et de nouvelles ouvertures versdes alternatives radicales. Parmi cesquestions, citons celles des bienscommuns, de la gratuité, du bien-vivre,de la démarchandisation, des relocali-sations, de l’hégémonie culturelle et du

pouvoir politique, de la démocratisationradicale de la démocratie, de la construc-tion d’un « universalisme universel », dustatut politique de l’Humanité, etc.

12 • Le mouvement altermondialisteest engagé dans une réflexion globale,celle du renouvellement de la penséede la transition, et dans la recherche desolutions politiques correspondant auxdifférentes situations. Il propose d’ar-ticuler les réponses en fonction dutemps, l’urgence et la durée ; de l’es-pace, du local au global ; des formesd’intervention. Il mène de front lesluttes et les résistances, l’élaborationintellectuelle, la revendication de poli-tiques publiques visant à l’égalité desdroits, les pratiques concrètes d’éman-cipation. Au niveau des échelles d’espace, les inter-dépendances existent entre le local, lenational, les grandes régions, le globalet le planétaire. Chacune des proposi-tions se décline à ces différents niveaux,ainsi de l’hégémonie culturelle, desrapports internationaux, économiques,géopolitiques et écologiques, de la démo-cratisation, des équilibres économiqueset géoculturels, du pouvoir politique, desEtats et des politiques publiques, despratiques concrètes d’émancipation etde la relation entre population, territoireet institutions. Au niveau des formes d’intervention, lemouvement altermondialiste mène sesactions à travers quatre modalités. Lesluttes et les résistances permettent de sedéfendre et de créer. L’élaborationpermet de comprendre le monde pourle transformer. Les politiques publiquessont un espace des conflits et des négo-ciations. Les pratiques concrètesd’émancipation, à tous les niveaux, dulocal au national, aux grandes régions etau mondial, construisent des alterna-tives et préfigurent de nouveaux rapportssociaux.

Comme tout système, le capitalismen’est pas éternel. Il a eu un début et ilaura une fin. Son dépassement est d’ac-tualité. Il est nécessaire dès aujourd’huid’esquisser et de préparer un autremonde possible. n

*Gustave Massiah, personnalité du mouve-ment altermondialiste. Economiste, il estprésident du centre de recherche et d’infor-mation pour le développement (Crid).

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SYNTHÈSE Dossier «Quelle école... ? »

PAR MARINE ROUSSILLON ET JOSÉ TOVAR*

Le dossier de la Revue du Projet de décembre s’intitulait  :«  Quelle école pour aujourd’hui et pour demain ? » Lesréactions qu’il a suscitées formulent la question autre-

ment  : quelle école, pour quelle société  ? Définir l’école quenous voulons, c’est aussi dire quels citoyens nous voulons for-mer, et donc quelle société nous voulons construire. Si pour lecapitalisme, la question est donc  : comment transformerl’école pour former des travailleurs qualifiés à moindre coût etsans leur permettre de s’émanciper par l’accès aux savoirs ?pour les communistes, il s’agit de définir l’école capable deconstruire, de transmettre et de partager du commun et dedonner à tous, sans exception, les outils d’une émancipationindividuelle et collective, la capacité de maîtriser leur vie etcelle de la collectivité dans toutes leurs dimensions.

Dans cette perspective nous proposons de refondrel’école à partir de l’élève qui n’a pas d’autres ressourcesscolaires que l’école, de lutter contre toutes les inégalitéset de mener la bataille pour une nouvelle phase de démo-cratisation scolaire. Dans le cadre de ce projet, certainespropositions doivent encore être affinées. Nous devonsnotamment travailler encore sur le rôle de la relation péda-gogique dans les processus d’apprentissage  ; sur le traite-ment de l’échec scolaire, à la fois sur sa prévention et sur lesfaçons de le prendre en charge sans entrer dans unedémarche d’individualisation, de morcellement des savoirset d’externalisation de la classe dont nous connaissons lesdangers  ; et sur l’éducation tout au long de la vie, facteuressentiel de démocratisation, en lien avec les différentsgroupes de travail qui s’y intéressent.

Le travail doit se poursuivre, mais il est temps aussi defaire connaître notre projet, d’en nourrir les débats qui semultiplient à gauche et parmi les acteurs de l’éducation,d’en faire un point d’appui pour les luttes et de le mettreau cœur de campagnes d’action. À l’heure où la droiteporte l’objectif de 50 % d’une classe d’âge à la licence, maisprojette de sélectionner ces élèves dès l’entrée au lycée etde sacrifier les autres, nous devons défendre une augmenta-tion générale du niveau de connaissances et repenserles  liens entre enseignements secondaire et supérieur dans

cette perspective. Alors qu’à gauche le Parti Socialiste et lesVerts s’accordent avec la droite sur la logique du socle com-mun, nous devons préciser ce que nous entendons par cul-ture commune. Enfin, alors que nos partenaires du Parti deGauche ont tendance à faire des formations professionnellesla seule voie de la démocratisation, nous devons réaffirmerque c’est tout le système qui doit être repensé pour permet-tre la réussite de tous.

Trois questions d’actualité rendent nécessaires l’interventioncommuniste et nous permettent, à partir du mécontentementsuscité par les réformes en cours et des problèmes concretsqu’elles créent, de poser la question du projet de société. La réforme de la formation des maîtres crée une école oùles enseignants comme les élèves sont des exécutants iso-lés, à l’opposé de notre projet. Saisissons-nous de la ques-tion et mettons en débat nos propositions  ! Pour que lesmécontentements puissent converger, nous préparons uneinitiative publique sur la question pour le mois de mars.Les nouvelles suppressions de postes dans l’éducationnationale sont en contradiction flagrante avec la hausse de lanatalité. Elles accroissent les inégalités. Nous affirmons aucontraire la nécessité de donner à chaque élève plus de tempspour apprendre  : pour cela, il faut allonger la durée de la sco-larité obligatoire, mais il faut aussi plus de postes  ! Menonsdonc la lutte contre les suppressions de postes et passons àl’offensive pour une augmentation du temps scolaire.La campagne des élections cantonales enfin doit être l’oc-casion de mener la bataille sur le lien entre école et terri-toire. Alors que la droite veut mettre en concurrence les ter-ritoires et accroître les inégalités, battons-nous pour uneéducation véritablement nationale. n

* Marine Roussillon et José Tovar, membres du secrétariat nationaldu réseau école.

Le projet communiste pour l’école :Construire du commun, viser l’émancipation individuelle et collective

Comme nous en avons pris l’engagement, les réactionssuscitées par les dossiers du mois donnent lieu à unesynthèse. Dans ce numéro Marine Roussillon et JoséTovar reviennent sur le «Dossier Quelle école pouraujourd’hui et pour demain ?» du mois de décembre dernier.

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D’ IDÉES

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COM

BAT

«Tu peux tout accomplir dans la vie si tu as le courage de le rêver, l’intelligence d’en faire un projet

n 1972, le tout jeune FrontNational regroupe un quarteron de nos-talgiques de l’OAS, des racistes paten-tés, des boutiquiers inconditionnels dulibre marché et des atlantistes totale-ment pro-américains (Reagan sera long-temps LE modèle de Le Pen). Le F.N.actuel s’est opposé aux deux guerresd’Irak (tout en soutenant mordicus lesinistre Saddam Hussein), il parle «d’égalité des cultures (raciales) » dans lemonde, fustige l’ultra-libéralisme etl’Amérique. C’est qu’entre-temps, lemonde a changé, l’Est s’est effondré etune place était à prendre dans l’imagi-naire populaire. Et puis le FN a su suivre,finalement, les conseils d’un groupus-cule de penseurs d’ultra-droite, leG.R.E.C.E., Groupe de recherche etd’étude pour la civilisation européenne.Ce groupe est fondé en mars 1968 par le

philosophe Alain de Benoist. Mesurantalors le total discrédit de l’extrêmedroite française, depuis la guerre et lacollaboration, il tente de donner unenouvelle légitimité à sa famille politique.Et avance notamment trois thèmes fon-dateurs : à la place du racisme ou duracialisme, il propose le « différentia-lisme ». Pour obtenir d’être respectésici, chez nous, Blancs et Chrétiens, il fautqu’on respecte l’Autre là bas, le Noir, leMusulman. Il faut une « égalité des cul-tures » (le mot « cultures » étant devenul’autre terme pour dire les races) dans lemonde. Pas question que ces « cultures» se mélangent chez nous, mais à dis-tance, ça peut marcher... D’autre part, lelibéralisme économique est dénoncépour son matérialisme, il est considérécomme portant atteinte à l’intégrité spi-rituelle de l’Occident. Enfin, autre pistetrès importante du G.R.E.C.E., l’extrêmedroite n’est plus « la caricature de ladroite » comme on disait souvent, ellene se contente plus d’en rajouter sur lespositions de la droite classique, elle est

ailleurs, elle n’est ni de gauche, ni dedroite. L’air de rien, ces trois idées vontfaire un malheur et assurer, ultérieure-ment, la prospérité du FN.Au début, entre le G.R.E.C.E. et le FN, lesrapports ne sont pas au beau fixe. Et si lemouvement de de Benoist a, semble-t-il,disparu, ses idées finiront par s’imposerà l’extrême droite ces quinze dernièresannées pour former l’actuel argumen-taire frontiste.

LE FN ACCENTUE SON DISCOURS SOCIALL’extrême droite de tout temps a étéobsédée par la question identitaire. LesFrançais « de souche » ont en communune identité commune sur un mode eth-nique et culturel et tout ce qui pouvaittroubler, contaminer cette « pureté » ori-ginelle, que ce soit l’étranger ou encoretoute idéologie qui diviserait la commu-nauté nationale, comme « l’égalita-risme », le socialisme ou même plusgénéralement les questions sociales,tout cela n’avait guère sa place dans larhétorique frontiste et était mis de côté.

Par GÉRARD STREIFF

La pensée noire oudu Front National

E

L’arrivée de Marine Le Pen à la tête du Front National incarne à sa manièrel’installation d’un « nouveau » FN. Ce parti a bien changé depuis sa créa-tion en 1972. Il est toujours d’extrême droite, certes, mais il a adapté sonpropos à un monde changeant. On peut notamment retrouver dans cesmutations l’influence discrète du G.R.E.C.E. d’Alain de Benoist.

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mixité ethnique, le métissage, voilà l’en-nemi. Un argumentaire assez pauvremais dont la force est à la fois d’avoir sujouer en permanence sur la question durapport à l’Autre, qui est une questionlancinante dans le débat public depuisdix ans au moins (immigration, isla-misme, intégration, etc.) et d’avoir systé-matiquement brandi le drapeau du « nigauche, ni droite », une idée partagéepar une proportion croissante de conci-toyens. Le repli sur la communauté, surl’identité, en ces temps de mondialisa-tion ravageuse, lié au sentiment du« tous pourris », cela peut être vécucomme une réponse. C’est sans doute làque réside le principal ressort de l’ex-trême droite. n

réaliste, et la volonté de voir ce projet mené à bien.» Sidney A. Friedman, économiste américain

u les mutations Au milieu des années quatre-vingt, ceculte de l’identité (et un discours anti-élite) n’a pas été sans écho dans une par-tie de la classe ouvrière qui s’est sentietrahie ou abandonnée par la gauche (etle PCF). Lors de la présidentielle de 1995,30% des ouvriers votent FN, ils sont24% aux législatives de 1997 et le FNdevient le principal parti ouvrier ! C’estdans la foulée qu’il accentue son dis-cours social afin de fidéliser cet électo-rat populaire. Il investit désormais cesthématiques avec d’autant moins descrupules qu’éloigné de toute participa-tion gouvernementale, il peut tout pro-mettre sans risque.C’est l’époque où il se met à dénoncerles clivages de classe et surtout le libéra-lisme économique, accusé de pervertirles valeurs françaises. Le Pen n’est pasdevenu anticapitaliste ni égalitaire ; sim-plement, il y a derrière son propos« social », l’obsession identitaire quirode. Par exemple, quand le FN, au nomd’une démarche souverainiste et protec-tionniste, condamne Maastricht ou laconstitution européenne, ce n’est pastant la machine de guerre capitaliste etantisociale ou autoritaire qu’il fustige,c’est la menace pour l’intégrité de l’iden-tité française que cela représenterait.On peut dire la même chose concernantla mondialisation : le FN joue des inquié-tudes légitimes qui sont dans l’air (voir lesondage, page suivante) pour se mon-trer très critique (la mondialisation est« totalitaire » dit-il) tout en plaidantpour « l’égalité entre les cultures ». Maisici aussi, lorsqu’on creuse son discours,ce n’est pas le triomphe du tout-privéqu’incarne la mondialisation ni l’effon-drement de l’intérêt public qui est àl’œuvre un peu partout, qui le gênent ;son principal argument, c’est, face à lamondialisation, la préservation ducaractère spirituel de la nation, sa cohé-sion ethnique. De même quand il parled’égalité entre les cultures, cela pourraitlaisser entendre qu’il reprend à soncompte un propos de nature démocra-

tique (l’égalité) ; il n’en est rien ; cetteégalité, dès qu’on évoque le terrainnational, n’existe plus pour lui ; ne sontcitoyens à ses yeux que ceux qui parta-gent une même communauté d’origineet la citoyenneté, donc, ne peut résulterque d’une filiation ethnique ; c’est ledomaine de l’inégalité par excellence.Pour le FN, la vie politique ne se résumepas à un conflit gauche/droite mais àune opposition entre nationalistes etcosmopolites. D’un côté il y a lesFrançais, attachés à la particularité deleur civilisation et de l’autre les « mon-dialistes », les lobby « pro-immigration »ou les « euro-fédérastes », jeu de motultra où l’on imagine sans peine l’étran-ger violeur. Bref le brassage culturel, la

LIRE SYLVAIN CRÉPONOn lira avec intérêt, sur le site « Fragments sur les Temps Présents »(FTP), plusieurs études sur l’extrême droite, et notamment « Le tournantanticapitaliste du FN. Retour sur un renouveau idéologique des années1990 » - auquel cet article doit beaucoup - de l’universitaire SylvainCrépon, sociologue, auteur de plusieurs ouvrages sur la question. Extraits.

« Si peu de doutes peuvent être émis sur le fait que le Front national est effec-tivement un parti d’extrême droite dont l’idéologie s’applique à saper les fonde-ments démocratiques, son adaptation aux problématiques économiques et poli-tiques actuelles contribue sans aucun doute à rendre légitime une partie de sondiscours auprès d’un électorat précarisé qui, ne se reconnaissant plus dans l’of-fre politique traditionnelle, est susceptible de se sentir abandonné par les ins-tances tant politiques que publiques. Ne se voyant manifestement pas proposerdes outils susceptibles de se situer politiquement par rapport aux nouveauxenjeux utilitaristes de la mondialisation, cet électorat peut dès lors être tenté dese tourner vers les identités communautaristes les plus grégaires. Avec lerisque qu’elles soient perçues comme l’ultime alternative efficace face à unmonde où le règne d’une dérégulation toujours plus grande, en plus d’accentuerla paupérisation, déstructure effectivement les liens sociaux, qu’ils soient cultu-rels ou politiques. C’est donc de leur capacité à mobiliser cet électorat déshé-rité, principal perdant des nouvelles formes de l’utilitarisme marchand, quedépendront les succès ou les échecs des mouvements progressistes attachésaux valeurs démocratiques, face à la double menace de la globalisation effrénéeet de l’irrédentisme identitaire. »

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D’ IDÉESCO

MBA

T

Pages réalisées par GÉRARD STREIFF

SONDAGES

La crise a amplifié le rejet des idées libérales. Mais, insatisfactionet critique peuvent nourrir les pires populismes.

I ntéressante étude Sofres - FondationGabriel Péri, en coopération avec les socio-

logues Guy Michelat et Michel Simon et intitu-lée « L’état de l’opinion après les électionsrégionales ». Réalisée en juin 2010 et renduepublique en décembre (on peut en consulterl’intégralité sur le site de la Fondation), elle estd’autant plus significative qu’elle reprend, engénéral, les mêmes questions posées sur lelong terme, soit plusieurs décennies et permetd’utiles comparaisons. Elle montre l’évolutionidéologique des Français. La crise a amplifié lerejet des idées libérales. Les sondés exprimentune opinion (de plus en plus) négative pourdes mots comme le profit (53%), la privatisa-tion (62%), le capitalisme (64%), la Bourse(74%). Le concept de mondialisation est néga-tif pour 57%. Le sentiment de vivre moins bienqu’avant progresse très fortement, celui d’ap-partenir à une classe également. Si 40% fontconfiance à l’entreprise (-9%), 55 % fontconfiance en l’Etat (+8%). 50% trouvent l’in-fluence du patronat et des milieux d’affaireexcessive (+11%).

En même temps, cette insatisfaction et cettecritique peuvent, en l’état, nourrir les pirespopulismes quand on note qu’à la question :concernant les prochaines années, laquelledes trois phrases suivantes se rapproche leplus de votre opinion : 16% disent «  j’aiconfiance dans la gauche  », 13% disent «  j’aiconfiance dans la droite  » et 69% répondentn’avoir confiance « ni dans la gauche ni dans ladroite  ».

Recul du libéralisme et confusion politiquePAR GÉRARD STREIFF

Concernant les prochaines années, laquelle des troisphrases suivantes se rapproche le plus de votre opinion ?J’ai confiance dans la gauche pour gouverner le pays.J’ai confiance dans la droite pour gouverner le pays.Je n’ai confiance ni dans la droite ni dans la gauche

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NOTES

Nicolas Sarkozy voulait« moraliser le capitalisme ».Le constat est accablant.Aucun secteur d’activitén’échappe dans les faits auxrègles dévastatrices de laspéculation financière.

Face à la libéralisation destransports, GÉRARD MAZET(responsable national de lacommission transports)ouvre ce mois-ci une séried’articles qui développent lespropositions du PCF, sur letransport des passagers, desmarchandises et le fretaérien.

Pour en finir avec le diktatdes marchés et de l’OMC,XAVIER COMPAIN(responsable national de lacommission agriculture etpêche) propose de faire del’agriculture un bien communde l’humanité.

ELIANE ASSASSI (responsablenational de l’activité du Partidans les quartierspopulaires), analyse le« rapport de l’observatoirenational des zones urbainessensibles » publié endécembre 2010 ; là encore lesinégalités explosent et l’échecde la droite est patent.

Enfin, JEAN-LOUIS LE MOING(responsable national à l’Outre mer), fait le pointsur la situation politique,économique et sociale dansles DOM-TOM.

Chaque mois, des secteurs de travail du PCF produisent des analyses,des propositions, des notes. Cette rubrique publie leurs travaux :ù

TRANSPORT

Des forces pour faire bouger les lignesLa politique des transports est deve-nue un enjeu incontournable pourles années à venir. Dans ce secteuren croissance exponentielle, la fai-blesse des investissements et l’ac-célération de sa libéralisation ren-dent les politiques actuelles incapa-bles de prendre en compte les défisd’aujourd’hui, environnementaux,énergétiques et de qualité de vie.

Alors que tous s’accordent pour direqu’il est impératif de réduire lesémissions de gaz à effet de serre, la

politique des transports tourne le dosaux ambitions affichées.Le transport est le secteur le plus émet-teur de gaz à effet de serre, émissionsqui ne cessent de croître. Il consomme32% de la totalité des besoins d’énergie.67% sont d’origine fossile. La routegénère 93% des gaz à effet de serre pro-duit par ce secteur. Une réorientation du système des trans-ports est plus que jamais à l’ordre du jour.C’est possible : les transports routiers(voyageurs et marchandises) entraînent80 milliards d’euros de coûts externesque supporte la collectivité. Autant d’ar-gent qui pourrait être redéployé en faveurdu transport collectif d’une part, enfaveur d’un financement des modesalternatifs à la route d’autre part.L’augmentation des besoins en trans-port et le sous-investissement chro-nique dans les transports collectifs ontprovoqué une saturation et des dys-fonctionnements du réseau. Cettesituation provoque une réelle dégrada-tion de la qualité de vie des usagers. Iln’est pas étonnant que le transport soitdevenu l’une des principales préoccu-pations de nos concitoyens.

INVESTIR CE TERRAIN POLITIQUENous avons donc besoin d’investirbeaucoup plus ce terrain politique, etnous avons de réelles forces pour fairebouger les lignes. Nous avons 11 vice-présidents aux transports dans lesrégions, des élus ayant cette responsa-bilité dans de nombreuses collectivités ;nous avons des cellules, des sectionsdans les entreprises concernées. Ce secteur est aussi doté de syndicatspuissants qui ont su marquer des

points, empêcher des casses pourtantprogrammées et limiter la libéralisa-tion décidée par Bruxelles. Les propo-sitions qu’ils portent sont autant depoints d’appui pour imposer une autrepolitique.Cependant, aujourd’hui, nous assis-tons à une accélération de la libéralisa-tion des transports en France. Le gou-vernement et les entreprises publiquesdu secteur sont en train de rattraper cequ’ils jugent être un retard. Ils vont au-delà des attentes de l’Europe des libé-raux en cherchant à généraliser l’ou-verture à la concurrence et à pousser ladéréglementation. Une bataille de grande ampleur est doncengagée. Cette bataille peut être gagnée,l’expérience jouant en notre faveur.

L’EXPÉRIENCE DES TERD’un côté, sur impulsion de la commis-sion européenne, les expériences del’ouverture de services publics aux inté-rêts privés font réfléchir. À chaque fois,nous assistons à une dégradation desconditions de transport et à une aug-mentation des tarifs pour les usagers.De l’autre, nous pouvons nous appuyersur l’expérience des TER, à bien deségards positive. En quelques années, lenombre d’usagers a augmenté de 40 %et l’offre de 20 %.L’action des Régions et de la SNCFalliée au savoir-faire des cheminots achangé radicalement le transportrégional de voyageurs. Alors qu’il étaitconsidéré comme condamné, ce ser-vice public a fait la preuve de sa perti-nence, de son efficacité économique,sociale et environnementale.Ces résultats sont le fruit d’un engage-ment important des Régions dans l’ac-quisition et la rénovation du matérielroulant, dans la modernisation et l’ac-cessibilité des gares, dans le dévelop-pement de l’offre. Ils sont aussi le fruitde la mise en place des tarificationsrégionales pour les salariés, les étu-diants, les apprentis, les jeunes, lesdemandeurs d’emploi.Nous sommes à la croisée des chemins :le succès des TER, le besoin de répondreencore mieux aux besoins de déplace-ments, de favoriser le report modalindispensable pour contribuer à laréduction des gaz à effet de serre,entrent en conflit avec la marchandisa-tion des transports, avec le projet deréforme des collectivités locales, avec laréduction de l’autonomie et desmoyens financiers de celles-ci. > SUITE

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NOTES Chaque mois, des secteurs de travail du PCF produisent des analyses,des propositions, des notes. Cette rubrique publie leurs travaux :

Les transports n’ont pas besoin de miseen concurrence, mais de plus de servicepublic, de moyens pour l’assumer, d’en-treprises publiques de transport déga-gées des critères marchands pour leurmise en œuvre. La désorganisationobservée dans les intempéries dedécembre 2010 remet au goût du jour cebesoin d’une maîtrise publique forte detout le système de transport.Au niveau européen, il faut arrêter

immédiatement les dispositions de libé-ralisation et engager un bilan de cettepolitique menée depuis 1985, comme ledemande la Fédération Européenne desTravailleurs du Transport (ETF) : l’exemplebritannique est particulièrement significa-tif. Il est en conséquence impératif de révi-ser les Livres blanc et vert des orientationseuropéennes sur les transports pour ren-forcer les services publics en respectantcultures et histoires des pays.

OUTRE-MER

Les défis à releverLes territoires français d’outre-meront vécu un mouvement social d’uneampleur et d’une durée rarement éga-lées entre janvier et mars 2009. En2008 déjà, en Nouvelle-Calédonie, àMayotte, en Polynésie française, à laRéunion et en Guyane éclataient deponctuelles actions contre la viechère. La grève générale des Antillesa débuté en Guadeloupe le 20 janvier2009, à l’appel du « Lyannaj KontPwofitation » (ou LKP). La Martiniques’est joint au mouvement le 5 février,la Réunion le 5 mars.

L e mouvement avait pour revendica-tions de départ une baisse des prix,jugés abusifs, de certains produits,

tels les carburants et l’alimentation, ainsiqu’une revalorisation des bas salaires. Secteurs public et privé ont été paraly-sés durant un mois et demi. De nom-breuses manifestations et actions ontmarqué cette lutte. Un syndicalisteguadeloupéen a été tué par balle. Le 5 mars 2009, après 44 jours deconflit, un protocole d’accord arrête lagrève en Guadeloupe. Un protocole defin de conflit est conclu en Martiniquele 14 mars. Un accord prévoyant unebaisse des prix de 250 produits degrande consommation met fin aumouvement à la Réunion le 31 mars. Près de deux ans après ces évène-ments, la question sociale reste entièrepour les populations de ces territoires.Et les défis du développement et de ladémocratie sont toujours là.

Dès le début, notre parti et nos groupesparlementaires ont pris la mesure deces mouvements et apporté leur sou-tien actif à ceux-ci. Deux délégationsdu Parti ont ainsi été dépêchées sur

place. Une première dès le début duconflit. Une autre, conduite par PierreLaurent les 17,18 et 19 février 2009.

Nous avons pu vérifier combien notresoutien était apprécié des populationset des dirigeants des collectifs. Nous avons mesuré la puissance dumouvement, sa légitimité populaire, saprofonde motivation sociale et poli-tique. Un mouvement profond, portépar la population. Un mouvementlarge, unitaire associant dans chacundes départements d’outre-mer, les syn-dicats, de nombreuses associations,avec une participation notable despartis communistes... une jeunesse enpointe, l’irruption des femmes, la cul-ture aussi aux avant-postes, la partici-pation des pauvres, des laissés-pour-compte…. Le Lyannaj, « c’est ce quiallie, lie, relie, rallie et relaye » commel’écrivirent dans leur manifeste 9 intel-lectuels autour de Patrick Chamoiseau.La plate-forme Lyannaj portait sur lesterrains sociaux, mais les questions desdiscriminations et des dépossessionsen constituaient le cœur.

LA QUESTION SOCIALE Les départements d’outre-mer cumu-lent 2 à 3 fois plus de chômeurs que lamétropole, 6 fois plus d’allocataires duRMI, des prix des denrées de premièrenécessité encore plus vertigineuses(une récente étude évoque des prix ali-mentaires plus élevés de 84% enMartinique qu’en métropole), unesituation de la jeunesse insupportable.

Inséparablement, les populations selevaient contre les discriminations,contre les dépossessions dont est vic-time la partie la plus défavorisée deshabitants, c’est-à-dire une grandemajorité de la population ultramarine.L’héritage colonial perdure et les discri-minations raciales insupportables per-sistent. Un pour cent de la population

contrôle 90 % de l’industrie alimentaire,la moitié des terres et 40 % de la grandedistribution. 160 ans après l’abolitionde l’esclavage, les descendants descolons blancs conservent la mainmisesur la quasi-totalité de l’économie de laMartinique et de la Guadeloupe, tandisque la population noire ou métisse estmaintenue dans la plus grande pau-vreté. A la Réunion, un choc démogra-phique accentue encore toutes ces réa-lités. Les territoires de l’outre-mer sontdes territoires spoliés, minés par lespratiques frauduleuses, les positions demonopole et la concentration du pou-voir économique. La défiscalisation, lesexonérations diverses et beaucoup desinvestissements consentis par l’Etatfont le bénéfice de quelques-uns et nonle bien de tous.

La question sociale est lourdementchargée, notamment aux Antilles, dupoids de l’histoire et de l’esclavage.Danik Zandwonis, du Parti commu-niste guadeloupéen, l’a dit autrementdans les colonnes de l’Humanitédurant le mouvement : « après avoir,grâce au Code Noir de Colbert, usé leursfouets sur des générations d’hommes etde femmes noirs privés de liberté, lesmaîtres d’hier sont devenus despatrons... ». Il y a aux Antilles des dis-parités sociales cruelles qui découlentdirectement, historiquement de l’es-clavage. Le pouvoir économique desbékés est en effet né de la traite. Cepouvoir a été installé quand l’Etat aindemnisé les propriétaires d’esclavesau moment de l’émancipation. Unecaste détient le pouvoir économique eten abuse. Jusqu’à oser disserter sur lapureté de la race, comme l’a fait l’undes poids lourds de l’agroalimentaire,Alain Huyghes-Despointes lors d’uneémission sur Canal plus. (Il a récem-ment été jugé et condamné à ce titre)

Il faut avoir en tête ce paysage pour sai-

Une autre politique est possible. Nousprésenterons dans les prochainsnuméros de la Revue du Projet desgrands axes de propositions pour letransport de voyageurs, pour le trans-port de marchandises, pour le trans-port aérien et pour la gestion desinfrastructures de transport. n

GÉRARD MAZETresponsable du collectif national Transports

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AGRICULTURE

Le torchon brûle !Alors que l’Europe vise au démantèle-ment de la Politique AgricoleCommune à travers sa réforme 2013,le PCF veut faire de l’agriculture unbien commun de l’humanité. La com-mission Agriculture et Pêche préparedans le débat avec ses partenaires duFront de gauche un premier documentprogrammatique qui sera disponiblefin février et dont les communistesdevront s’emparer dans le débat descantonales

L es 900 suicides annuels annoncésun matin de janvier 2011 renvoientbrutalement à la « réal politique ».

Quelques semaines plus tôt, l’augmen-tation du revenu agricole ayant doubléfaisait les gros titres. Ne faut-il pas rap-peler que pour les mieux lotis des pro-ducteurs leurs revenus sont au niveaudu début des années 1990 et qu’un pay-san sur deux ne dégage pas le SMIC surson exploitation. L’Europe vise audémantèlement de la Politique AgricoleCommune à travers sa réforme 2013.Sur fond d’accord avec le Mercosur, lesvaches sud-américaines vont sacrifierl’élevage de nos prairies. Après lesréservoirs préférés aux estomacs, lestraders salivent du blé qu’ils vont sefaire sur les céréales. Pendant ce temps,

sir toute la profondeur et la dimensionpolitique du mouvement outre-mer.

LES EXIGENCES DÉMOCRATIQUES Le mouvement portait aussi sur uneremise en cause profonde du mode dedéveloppement et du fonctionnementdes départements d’outre-mer. Le pro-cessus d’assimilation engagé par ladépartementalisation est à bout desouffle, et les Antillais et les Réunionnaisaspirent à dépasser la situation dedépendance dans laquelle ils ont étéplacés : ce que certains d’entre euxnomment la « colonisation de consom-mation ». Ils demandent à pouvoir setourner et échanger avec les peuples etles pays voisins, pour sortir d’une éco-nomie placée sous la coupe de quelquespossédants. Ces coopérations leur sontactuellement interdites, au mépris detoute logique humaine et économique.Ils veulent en finir avec une conception

à la veille d’un G20, Nicolas Sarkozy,lors des vœux au monde rural, a pro-posé de supprimer les autorisationspour regroupements d’élevages horssols et bovins, de passer de 40 tonnes à44 tonnes pour les camions transpor-tant des produits agricoles...

Pour un Président qui voulait moraliserle capitalisme, il y a loin de la coupe auxlèvres !

QUELLE PEUT ÊTRE L’ACTION DU PCF ?Les peuples, nos concitoyens, les paysansont très largement payé la facture del’OMC, du FMI, de la Banque Mondiale.Notre responsabilité, l’engagement duPCF est de proposer des politiquespubliques agricoles, alternatives au capi-talisme qui garantissent la souverainetéalimentaire et la rémunération des tra-vailleurs. Il nous faut aller plus loin etfaire de l’agriculture un bien commun del’humanité. C’est tout le sens de l’ambi-tion agricole et alimentaire, inscrite dansun nouveau type de développement quiest posé depuis le 34ème Congrès.

ET LE PROGRAMME POPULAIRE PARTAGÉSUR L’AGRICULTURE ?L’apport des communistes, de notreCommission est essentiel et structurantdu travail sur le Programme Populaire etPartagé. Nous avions lancé la mise encommun lors d’un débat à la Fête del’humanité. Les partenaires du Front degauche se rencontrent depuis novem-

bre. Un premier document programma-tique sera disponible pour fin février, untract en donnera les contours. Il en res-sort pour nos Commissions un travailconcret, de confrontations, d’élabora-tions, de travaux pratiques.Ce que nous avons appelé nous commu-nistes, les marqueurs à Gauche, sont nospropositions. En quelques exemples :• nous portons des batailles internatio-nales pour l’émergence d’un nouvelordre alimentaire mondial. L’agriculturedoit sortir de l’organisation mondiale ducommerce (OMC).• la Politique Agricole Commune doitêtre réformée. L’Europe doit répondre àla rémunération du travail et à la créa-tion d’emplois.

de l’investissement réduite à la défisca-lisation. Ils veulent de nouveaux droits,de nouveaux pouvoirs, trouver les voiesnouvelles permettant de gagner enautonomie, en maîtrise de leur vie et dudevenir de leurs îles.

Parce qu’il était porteur de toutes cesexigences, ce mouvement ne sera passans lendemains. C’est pourquoi nousdevons être attentifs à la situation, àses évolutions et multiplier les occa-sions d’échange avec les Partis com-munistes et avec les forces démocra-tiques d’outre-mer.

LES RENCONTRESDepuis les deux délégations auxAntilles à la faveur du mouvementsocial, Marie-George Buffet a conduitune délégation à la Réunion fin 2009.Une délégation s’est également rendueà Mayotte afin de rendre public le point

de vue du PCF sur le processus dedépartementalisation engagé à marcheforcée par le Président de la république,au mépris du droit international. Uneautre s’est rendue en novembre 2009 àla Martinique durant le débat sur l’évo-lution institutionnelle de la collectivitéet a rencontré les présidents du Conseilrégional et du Conseil général. A la fêtede l’Humanité, Pierre Laurent a ren-contré les responsables des Partis de laRéunion, de la Martinique et de laGuadeloupe. Cette année, un voyage detravail aura lieu en Polynésie et enNouvelle Calédonie. Il devrait permet-tre de renouer avec les forces d’émanci-pation de cette région.Plus largement, un document portantles propositions du PCF pour l’outre-mer est en cours d’élaboration. n

JEAN-LOUIS LE MOINGresponsable national à l’outre-mer

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NOTES Chaque mois, des secteurs de travail du PCF produisent des analyses,des propositions, des notes. Cette rubrique publie leurs travaux :

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• si nous étions en responsabilité gouver-nementale nous fixerions par décret enurgence, un coefficient multiplicateurencadrant les marges de la grande distri-bution. En même temps, nous mettrionsau vote une loi cadre sur ses pratiques. Ceprogramme devra être l’affaire des syndi-calistes, des militants associatifs, descitoyens et de tous ceux qui veulent rom-pre avec les politiques qui affament.

LES COMMUNISTES ET NOS PROPOSITIONSLa Commission apprécie positivementles débats suscités dans le cadre des élec-tions cantonales, qu’il s’agisse de la res-tauration collective, du développementagricole, de l’avenir de la ruralité à domi-nance viticole, de la filière bois et dudevenir de la forêt, des activités agro-ali-mentaires en zone maritime... Les com-munistes sont à l’initiative de débatspublics, de soirées à thèmes, de repasrépublicains... En témoignent nos ren-dez-vous avec les Sections et Fédérationsdans l’Eure, le Lot, le Gard, le Finistère,l’Ariège, le Loiret... Les communistes sontaussi en lutte. Une journée ciblant lagrande distribution est en préparationentre paysans, syndicalistes, citoyens. Lesproducteurs de lait bretons et laFédération de Seine et Marne y travaillent.

Être dans l’action en 2011, c’est créer dela valeur ajoutée pour 2012. L’exigencede contenus transformateurs doit nous guider. Les batailles menées par la Commission répondent à cettedémarche. Sur l’accaparement des terres

Clip « Les saigneurs » par Les Colporteurs

QUARTIERS POPULAIRES

L’échec des politiques de la villeUn rapport 2010 accablant pour ladroite et son gouvernement. C’estd’égalité républicaine et de justicesociale dont ont besoin les habitantsdes ZUS.

L e 23 décembre dernier, l’Observa -toire National des zones urbainessensibles (ONZUS) a remis son rap-

port annuel au nouveau ministre de laVille, Maurice Leroy.Crée en 2003 par Jean-Louis Borloo, cetobservatoire est chargé de « mesurerl’évolution des inégalités sociales et desécarts dans chacune des ZUS ; il s’inté-resse à la mise en œuvre des politiquespubliques et évalue la performance despolitiques et des dispositifs mis en œuvredans ces quartiers ». Le rapport 2010 estaccablant pour la droite et son gouverne-ment. Au-delà, on mesure ici combien lacrise du capitalisme mondialisé produitde profondes inégalités entre les pays etles peuples mais aussi à l’intérieur mêmedes sociétés les plus développés.

LES CHIFFRESSur une population active potentielle de250 000 jeunes entre 15 et 24 ans, 100 000sont au chômage. Ce sont majoritairementdes hommes jeunes, d’origine étrangère,parmi lesquels de nombreux diplômés.Une femme d’origine étrangère a quatrefois moins de chances d’être en emploilorsqu’elle habite dans une ZUS quelorsqu’elle habite ailleurs. Le taux dechômage atteint 18,6 % en ZUS contre9,8 % dans les quartiers hors ZUS ;En matière d’éducation, les effectifs desenseignants ont été réduits de 10,6 %dans les établissements du secondaireen ZUS ;Près de 29 % des personnes vivant enZUS vivent sous le seuil de pauvreté à60 % (949 euros mensuels), soit 2,4 foisplus que dans le reste du territoirenational ;Les élèves scolarisés en ZUS présententun faible taux de couverture vaccinalepar rapport à ceux scolarisés en dehorsde ces quartiers et souffrent fréquem-ment de troubles visuels et auditifs etsont moins nombreux à porter deslunettes ou des lentilles. En ZUS, 8,2 %des enfants de CM2 et 5,5 % des enfantsde 3e souffrent d’obésité et de surpoids ;En matière de sécurité, le taux d’atteinte

http://terre-mer-pcf.over-blog.com/article-clip-les-saigneurs-par-les-colporteurs-64821470.html

et dans le cadre de la semaine anticolo-niale, nous auditionnerons le 14 févrierprochain Olivier de Schutter, rapporteursur l’alimentation auprès de l’ONU.

Sur la PAC, après notre première analyse(voir Terre-mer décembre 2010), il nousfaudra être force de propositions, d’ini-tiatives, avec le PGE. Février sera le moisdu Salon International de L’Agriculture.A ce moment nous envisageons la pré-sence du PCF sur 3 jours. Pierre Laurenty conduira la délégation nationale. Nousy avons acté une journée de formationsur « l’avenir de la PAC » avec le CIDEFE.Nous travaillons à la tenue d’une ren-contre forum du Front de Gauche...

L’agriculture n’est pas affaire corpora-tiste, elle est au cœur d’enjeux de civili-sation. L’appropriation ne peut être l’ex-clusivité d’initiés mais l’affaire de tous lescommunistes. Cela renvoie à la nécessitéqu’ils en maîtrisent les outils militants. Ily a un an, nous créions le bulletin « Terre-Mer » et son blog. En ce début 2011, nousavons avec les camarades du Front RockPopulaire, produit un single musical.Avec cette chanson, « Les Saigneurs », etavec le clip qui l’accompagne (visible surle site national du PCF), nous lançons unmessage engagé, un outil ludique et origi-nal, novateur et inattendu pour oser pen-ser la politique autrement… Révolutionnaire en un mot. n

XAVIER COMPAINresponsable de la commission

Agriculture et pêche

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aux personnes est supérieur de 11 %en ZUS à celui des autres quartiers ;En matière de logements, les livraisonssubissent d’importants retards ;Plus généralement, les politiques publiquesd’accompagnement social, de redistribu-tion et d’insertion, politiques de droitcommun ne sont pas déployées au béné-fice des populations. Ces seuls éléments inscrits dans lerapport, démontrent l’échec patent deschoix politiques de la droite dans cesquartiers mais, plus que cela, elle lesmet à l’index.

L’HUMAIN OUBLIÉ : IL Y A URGENCEPourtant, ils sont le miroir de notresociété. Les quartiers populaires, c’est làoù réside le peuple : des salariés et dessans-emplois, des jeunes et des moinsjeunes, des étrangers et des français, despersonnes diplômées et des personnessans formation, etc.Certes, c’est là où se concentrent lesproblèmes sociaux et économiques lesplus criants : mal-logement, taux dechômage, bas salaires, manque de trans-ports, manque de moyens à l’école,déficit de démocratie, obstacles à lacitoyenneté, mais c’est aussi là où s’ex-priment des solidarités inédites dans lereste de la société.Or, les choix politiques de la droite favo-risent le démantèlement des servicespublics, en premier lieu celui de l’édu-cation et de la formation, mais aussi de

santé, de sécurité et de tranquillitépublique et, on le sait, en terme deconstruction de logements sociaux dequalité, etc.En concentrant la plus grande partie desbudgets de la politique de la ville pourles programmes de rénovation urbaine,la droite en a oublié l’humain. Force est de constater que ce n’est pasen saupoudrant ici où là quelques créditsque la situation de ces quartiers et despopulations qui y vivent changera.Ils méritent d’être placés au cœur de poli-tiques qui renouent avec le progrès social.Cela suppose de rompre avec les logiquescondescendantes et stigmatisantes quiconduisent à traiter les populations quirésident dans les ZUS comme des sous-citoyens qui, comme le constate lerapport, ont droit à moins que l’ensembledes citoyens : moins d’effectifs de police,moins d’enseignants, moins de méde-cins, moins de transports en commun...Bien sûr, les dispositifs existants et les expé-rimentations locales doivent être évaluésavec tous les acteurs, confortés quand ilsont montré leur utilité : en effet, les agentsdes services publics, les travailleurs sociauxet les associations qui travaillent sur cesterritoires doivent être soutenus demanière inégalée et de façon continue.En ce sens, les collectivités locales doiventégalement être soutenues dans leursactions auprès des populations alors quel’Etat ne cesse de se désengager.Mais, loin du saupoudrage tel qu’en

LA REVUE DES BULLETINS Globule Rouge, dernier numéro paru en janvier 2011.

apporterait un énième plan “miracle”pour les banlieues, c’est de dépensespubliques massives et d’un retour iné-galé des services publics dont ces terri-toires ont besoin pour redonner lesmêmes droits pour tous.Pour commencer, un moratoire nationalpourrait être décidé pour empêcher toutefermeture de service public dans les ZUS(poste, classe, centre de santé, etc) ainsique toute suppression d’emploi public(enseignant, éducateur, policier, etc).Cet enjeu de l’égalité en droits poseégalement la question démocratique. Làencore, il faut en finir avec les tergiver-sations et les contorsions électoralistes :il y a urgence à octroyer aux résidantsétrangers le droit de vote et d’éligibilitéaux élections locales.Mais l’enjeu majeur pour “en finir” avecles maux dont souffrent les ZUS dépasseces territoires : c’est l’emploi.Tant que le marché du travail, dans notrepays, sera régulé par un taux de chômagemassif, les populations des quartiers défa-vorisés, particulièrement les jeunes, serontmaintenus massivement à l’écart de l’em-ploi, avec les dégâts que l’on connaît.L’enjeu est de taille : la reconquête dudroit à l’emploi pour tous, clé de voutede la lutte contre toutes les discrimina-tions et toutes les inégalités. n

ELIANE ASSASSIsénatrice, responsable activité du PCF

dans les quartiers populaires

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Les passerelles UMP-FN

Par ALAIN VERMEERSCH

L’UMP est-elle en train de reculer devant les idées du FN, voire deles favoriser ? Selon les sondages, son électorat ne les rejette plusmassivement. Qui plus est, une frange du parti et de députésencouragent une alliance avec lui.

sant les conditions de déchéance de lanationalité française ? La stigmatisa-tion des Roms en tant que communautéethnique ? Le débat sur l’identité natio-nale ? Les relents nauséabonds du projetde Maison de l’histoire de France ? » « L’attitude de l’UMP a décomplexé unepartie de son électorat. Ses électeurs necomprennent pas qu’on nous traitecomme un paria alors que Sarkozy vientsur notre terrain. Ces gens rejettent main-tenant la diabolisation du FN et veulentbriser le cordon sanitaire », reconnaît-elle dans un récent entretien au Nouve-lobs.com (13/12).

LA CHARTE DE LA DROITE POPULAIREElle a effectivement beau jeu de l’af-firmer puisque 35 députés UMP ont écritune charte de la droite populaire. « Nousnous engageons sur les valeurs qui fontla France  : 1 • Nation, Patriotisme et République.Nous croyons en l’identité de notre Payset en l’unité de la République. Nous nousopposons, avec force, au communauta-risme qui abîme la France et dissout laNation. Nous défendons les valeurs dela République, tout particulièrement lalaïcité contre l’intégrisme religieux. 2 • Liberté d’entreprendre et solidariténationale. Le collectif de la droite popu-laire croit en la liberté d’entreprendre,au travail, au mérite et à l’effort. 3 • Ecole de la République et politiquefamiliale. Fondée sur l’autorité, le mériteet le respect, l’école de la Républiquedoit permettre à chaque enfant d’ap-prendre les valeurs morales et civiquesainsi que favoriser l’égalité des chancespour tous. 4 • Sécurité, première des libertés. Ceuxqui ne respectent pas les règles de lasociété et les valeurs de la République

doivent être sanctionnés avec rigueur.Nous rejetons le sentiment d’impunitéet le laxisme qui conduisent au désordredont souffrent les plus faibles. 5 • Saine gestion des finances publiques.Le collectif de la droite populaire croiten la gestion rigoureuse des denierspublics et en l’indispensable réductionde la dette. 6 • Rayonnement de la France et poli-tique internationale. Le collectif de ladroite populaire croit en la France indé-pendante, maîtresse de ses décisions,puissance d’équilibre aux « yeux dumonde et en une Europe forte, fondéesur les peuples. Un observateur peut écrire « Réunis parleur réprobation de l’ouverture à gauchedécidée en début de mandat présiden-tiel et leur ferme intention d’incarnerune « droite de conviction », sesmembres entendent bien monter aucréneau sur le terrain de la sécurité oude l’immigration et ainsi damer le pionau Front national afin de désamorcer labombe électorale que compose l’élec-torat frontiste.  « La droite populaire ason utilité  : les Luca, Ciotti ou Marianiparlent un langage que comprend notreélectorat populaire », estime pour sapart le député Damien Meslot, secrétairenational chargé des fédérations de l’ac-tuelle majorité, cité par l’Express. » À laveille du discours de Grenoble du chefde l’État sur la sécurité, le 30 juilletdernier, ces députés UMP, tenants d’unedroite « populaire, autoritaire et bona-partiste », selon Jérôme Fourquet,voulaient « revenir aux fondamentaux,aux propositions de campagne de NicolasSarkozy ». « Notre électorat est toujoursen attente » en matière « d’immigration,de sécurité et de patriotisme », thèmesqui « avaient contribué au succès de la

Le congrès du FN des 14,15 et16 janvier a vu l’élection de Marine LePen à la tête du FN. Avant cela, celle-ci a bénéficié d’unecampagne médiatique sans précédentqui a débuté avec son passage à l’émis-sion d’A. Chabot sur France 2, le 9décembre 2010 (3,3 millions de téléspec-tateurs soit la 4e meilleure audienced’« A vous de juger »). Depuis elle aréussi une OPA spectaculaire sur le débatpublic. C’est en boucle, dans les jour-naux, radios et télévisions qu’elle aexprimé ses thèses, ses analyses. Commel’écrit Médiapart (15/12) «  De ce pointde vue, les médias ne portent pas la seuleresponsabilité de cet embrasement del’extrême droite. L’essentiel est ailleurset nous ramène une fois encore aupouvoir sarkozyste et au parti majori-taire, l’UMP. Une partie de l’UMP et dece gouvernement campe sans complexesur les territoires de l’extrême droite,estimant que le hold-up réussi en 2007par Nicolas Sarkozy sur les voix du Frontnational l’autorise à tout. » Hortefeuxannonce à la Une du Figaro un nouveauplan de lutte contre l’immigration illé-gale. Des parlementaires UMP dénon-cent une magistrature gangrenée parles gauchistes du syndicat de la magis-trature. Les députés UMP passent enforce contre l’avis du Sénat pour rendrepayant l’accès à l’aide médicale d’Etat.Médiapart se demande « Ce sont unepartie des actes politiques du gouver-nement : un seul pourrait-il être désavouépar Marine Le Pen et le Front national ?Doit-on rappeler le vote récent élargis-

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campagne présidentielle de NicolasSarkozy en 2007 », expliquait le députéUMP du Vaucluse, Thierry Mariani.Valeurs actuelles (06/01/2011) prendl’exemple de Franck Gilard, député UMPde l’Eure. « Gilard, membre du collectifLa Droite populaire, a ravi la cinquièmecirconscription de l’Eure à la gauche en2002. Il le reconnaissait lors des dernièresrégionales : « Les préoccupations desélecteurs du Front national sont lesmiennes. » « S’il en est un avec lequelGilard entretient des relations privilé-giées, c’est Bruno Le Maire, le ministrede l’Agriculture et nouveau “patron” dela droite en Haute-Normandie. Il est déjàprévu pour ce début d’année 2011 qu’ilss’associent avec Hervé Morin, le prési-dent du Nouveau Centre, redevenu luiaussi député de l’Eure. Objectif : la consti-tution d’un “front commun” départe-mental pour soutenir les candidats dela majorité aux cantonales de marsprochain.Jean-Yves Camus écrit dans le Monde(22/12) « La nouveauté est que la Droitepopulaire comprend de nombreux parle-mentaires. En six mois d’existence, ilsont déjà eu des motifs de satisfaction :le discours de Grenoble, la fin de l’ouver-ture, la préférence donnée à FrançoisFillon plutôt qu’à Jean-Louis Borloo pourMatignon, la volonté de Jean-FrançoisCopé de rouvrir le débat sur l’identiténationale... La question est de savoir siune frange de la droite ne va pas êtretentée de basculer vers une conceptionplus ethnique de la citoyenneté, en défi-nissant des catégories non susceptiblesde s’intégrer à la nation française... Il ya une vraie possibilité après 2012, si ladroite est défaite. Il sera alors reprochéà Nicolas Sarkozy de ne pas avoir pousséla logique de la droitisation assez loin,et la question des alliances avec le Frontnational sera reposée. »Favilla relève sous le titre « Quand ladroite fait de la politique » (Les Echos3/01/2011) « Sous le nom de « droitepopulaire », une partie des élus de l’UMPs’est constituée en bataillon pour soutenirl’identité française, la répression de ladélinquance, le contrôle strict de l’immi-gration, la tenue en lisière de l’islam,l’ordre et la sécurité. Ce mouvement dedifférenciation des tendances s’est accusédu fait du récent remaniement ministé-riel, qui a remis sur le marché politiquequelques ministres centristes. Lesquels

se sont découverts une sensibilité encontraste avec le renouveau corporatifRPR géré par Jean-François Copé. Beau-coup pensent, avec quelque raison, quel’omniprésidence sarkozyenne exercéejusqu’ici avait fini par étouffer les élus.En recherchant ainsi un bol d’air, ilssortent en même temps de l’indifféren-ciation politique qui pouvait les handi-caper dans leurs campagnes localespersonnelles. D’autres croient distinguerdéjà les germes d’un éclatement. C’estoublier l’aptitude de la droite à s’unirderrière un candidat, aux fins ultimes deconserver le pouvoir. Au reste, le candidatSarkozy pourrait y trouver l’opportunitéde se présenter en rassembleur de cesnouvelles tendances, cette fois visibles,au contraire de sa première conceptiond’une UMP coagulée en masse. »

FAIRE IMPLOSER LA DROITEJ-M. Le Pen espère (Le Parisien16/01/2011) « Si le candidat de l’UMP estbattu à la présidentielle, il est certainque ce parti aura vécu et il est possiblequ’un mouvement national naisse de cesdécombres. » Il n’y a pas d’alliancepossible avec l’UMP », répète Marine LePen quand on l’interroge. Elle mise surdes débauchages individuels : « S’ilsveulent nous rejoindre, ils sont bien-venus. » Ou sur un découpage du partide Nicolas Sarkozy. Mme Le Pen comptesur « un changement de l’image du FNdans l’électorat de droite. Le cordon sani-taire existe chez les élites, l’hyperclasse,mais pas à la base. Avec la dynamiqueprésidentielle, tout peut arriver. L’UMPest restée sur un schéma d’il y a vingt-cinq ans. Ils n’ont pas compris que celaavait changé ». « Il faut qu’on maintiennela pression pour faire imploser la droite.(le Monde 09/11/2010).

SONDAGES ÉLECTORAUX Notons une série de récents sondagessur Marine Le Pen et le Front National.Une étude Viavoice pour Libération(10/01) avance notamment un importantpotentiel électoral, une crédibilité prési-dentielle et une persistance de l’image« raciste » auprès des Français. Unsondage Obea-InfraForces pour 20minutes affirme en revanche que pour"76 % des Français, Marine Le Pen nesera jamais présidente de la République ".Dans un sondage CSA pour Marianne(14/01), Marine Le Pen figure pourtant

en 3e place en situation de présidentielleaujourd’hui. Avec 18% des suffrages despersonnes sondées contre 30 % à Domi-nique Strauss-Kahn et 25 % à NicolasSarkozy. Et parmi ses traits de caractère,74 % des sondés considèrent qu’elle estd’abord d’extrême droite, courageuse(71 %), raciste (59 %) et moderne(47 %). Quant au dernier baromètred’image du FN de TNS-Sofres, pour LeMonde, Canal Plus et France Inter, envoici les grands traits : valeurs françaisespas assez défendues 69 % (+4), justicepas assez sévère avec les petits délin-quants 63 % (+3), trop d’immigrés enFrance 50 % (+6), trop de droits accordésà l’Islam 49 % (+6), donner plus depouvoir à la police 49 % (+8), on ne sesent plus vraiment chez soi 42 % (+6).Le dernier en date de BVA (18/01/2011)montre que ce soit dans une hypothèsed’intention de vote avec DSK ou avecAubry, la nouvelle présidente du FrontNational réaliserait 17% des voix. C’estmieux que le score obtenu par son pèreà la Présidentielle de 2002. n

SOURCES : • La genèse du discours identitaire surl’Islam, Nicolas Lebourg, droites-extremes.blog.lemonde.fr • Olivier Dard, www.lemonde.fr/.../un-discours-radicalement-antiliberal• Jean-Yves Camus, www.lemonde fr/idees/.../de-l-immigration-a-l-identite• Pascal Perrineau, www.lemonde.fr/.../droite-et-extreme-droite-les-liaisons-dangereuses• Michel Winock, www.lemonde.fr/.../l-un-des-grands-dangers-est-l-alliance-fn-droite• Jürgen Habermas, www.lemonde.fr/.../l-europe-malade-de-la-xenophobie• Les extrêmes droites européennes àl’offensive, Dossier du Monde Diploma-tique, janvier 2011• Pierre Laurent, La gauche doit porter unprojet populaire pour contrer le dangerpopuliste, Libération 18/01/2011 www.libe-ration.fr/politiques/ • Jacques Rancière, www.liberation fr/poli-tiques/01012311198-non-le-peuple-n-est-pas-une-masse-brutale-et-ignorante• Jean-Yves Camus, Le FN projette derécupérer des électeurs de droite et degauche, L’Humanité, 12/01/2011

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Chaque mois, des chercheurs, des étudiants vous présentent des ouvrages, des films, des DVD...

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CRITIQUES

STÉPHANE HESSELIndignez-vous ! Indigène éditions, 2010.

Par ADRIEN TIBERTI

Stéphane Hessel est un homme courageux. Il l’aprouvé comme résistant et déporté. Il le prouve encoreaujourd’hui dans cet ouvrage. En effet, défendre le peu-ple palestinien comme il le fait et dénoncer la politiquecriminelle du gouvernement israélien est courageux. Iln’est qu’à voir le flot de haine qui s’est déversé sur lui,venu non seulement des thuriféraires habituels de lapolitique de l’État d’Israël mais aussi de tous ceux quine supportent pas qu’un homme aussi consensuelpuisse être un peu subversif.L’argument du livre est pourtant bien plus largepuisqu’il porte sur l’indignation. « Sentiment de colèreet de révolte suscité par tout ce qui peut provoquer laréprobation et porter plus ou moins atteinte à ladignité de l’homme », dit le dictionnaire. Ce sentimentest un puissant moteur pour l’action et nous suivonslargement Stéphane Hessel quand il appelle le plusgrand nombre à s’indigner. Cependant, en lisant avecprécision ce qu’il nous dit, des interrogations apparais-sent. On ne peut que rester dubitatif devant la réfé-rence à Hegel et à une conception idéaliste de l’histoire,qui ignore les avancées marxistes au point de ne pasmême juger utile de les discuter. En outre, Stéphane Hessel trouve le moyen, dans unemême phrase, d’associer Staline, totalitarisme et com-munisme. Voilà une méchanceté qui surprend : com-bien de temps encore des gens intelligents associerontle communisme à un totalitarisme ? Une phrase sonnealors comme une clé de compréhension : « il fallait gar-der une oreille ouverte vers le communisme pourcontrebalancer le capitalisme américain ». Ce moyenterme entre capitalisme et communisme que défendS. Hessel a un nom, c’est la social-démocratie. Or, onpeut estimer que la disparition de l’Union soviétique etdes pays du « socialisme réel » d’un côté et la crise sys-témique du capitalisme de l’autre invalident la position

social-démocrate et don-nent tout son sens au com-munisme.Enfin Stéphane Hessel restetrès évasif sur les causes quicréent nos motifs d’indi-gnation. Ainsi il sedemande : « Qui com-mande, qui décide ? » et nerépond pas. Le capitalismeexiste donc mais pas lescapitalistes. Plus profondé-ment si on ne tente mêmepas de répondre à cettequestion, la politiquen’existe pas puisque leschoix que nous subissons

sont pris par des ombres inconnues. Stéphane Hesselpense « dépasser les conflits par une compréhensionmutuelle et une patience vigilante ». Les communistesveulent aussi « dépasser les conflits » et c’est pour celaqu’ils veulent dépasser les rapports de productions telsqu’ils existent. Compréhension et patience semblentun peu courtes en tout cas.Il est important, pour conclure, de souligner que cetouvrage a été tiré à plus de 950000 exemplaires à cejour. Cela invite à mener tranquillement le débat surles contradictions de la social-démocratie au senslarge. Si nous voulons » changer le rapport de force àgauche », il faudra faire ce travail de conviction sur l’ur-gence d’un dépassement du capitalisme et de poli-tiques transformatrices immédiates. Peut-être que cetravail passe par notre capacité à écrire en quinzepages et pour trois euros un livre qui pourrait s’intitu-ler : « Ce que veulent les communistes »…. n

ALBERT MATHIEZLa réaction thermidorienne, introduction de Yannick Bosc et Florence Gauthier,La Fabrique éditions, 2010.

Par LOUIS GABRIEL

« Ainsi se lève sur notre histoirele spectre rouge dont l’évoca-tion arrêta tant de fois lamarche au progrès ». Les quinzemois qui vont de la chute deRobespierre à la mise en placedu Directoire et qu’AlbertMathiez a baptisés « réactionthermidorienne » constituent lepremier moment de recul dansla longue histoire de laRévolution Française. Lesmêmes députés qui depuis 1792

avaient fait le pouvoir du Comité de Salut de Public etde Robespierre, le défont quelques mois plus tard etreviennent sur les mesures les plus progressistes deleur mandat. Albert Mathiez raconte le jeu parlemen-taire complexe qui permet de marginaliser et d’élimi-ner ceux qui refusent ces reculs, la terreur blanche,l’échec des émeutes populaires de la période, le rôlecroissant de l’opinion publique et son instrumentalisa-tion. La Réaction thermidorienne, dont la première édi-tion a été publiée en 1928, garde donc tout son intérêtaujourd’hui. C’est aussi l’occasion pour le lecteur dedécouvrir l’une des plus grandes figures d’historienfrançais de la Révolution, puisque Mathiez fonda laSociété des Études Robespierristes que présidèrent aprèslui Georges Lefebvre et Albert Soboul.La Révolution est loin d’être terminée ! Aujourd’huiencore, le débat sur la Révolution française continue àfaire rage. Les historiens et les commentateurs les plus

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réactionnaires regrettent le bon roi et l’élégante Marie-Antoinette. Une droite plus moderne, dont le cham-pion a été François Furet, dénonce les « dérapages »d’une Révolution qui serait la matrice des « totalita-rismes ». L’ouvrage de Mathiez est d’autant plus utiledans ce contexte qu’il fait pièce au Comment sortir dela Terreur de Bronislaw Baczko (1989) qui entreprendde revaloriser la période thermidorienne en en faisantle moment moderne de la sortie des « illusions » révo-lutionnaires. Yannick Bosc et Florence Gauthier, à l’ori-gine de la réédition de 2010, présentent ces enjeuxdans leur introduction mais renvoient étrangementdos à dos François Furet et les historiens marxistes. Àles lire, ce qui fait la valeur de Mathiez, c’est avant toutson conflit avec le PCF, dont il a été membre de 1920 à1922, et sa critique du stalinisme naissant. N’est-il pasenfin temps, vingt ans après la chute du mur, de parlerde la Révolution française sans être obligé de se posi-tionner par rapport à la Révolution russe ?Pour compléter cette lecture stimulante, on pourraconsulter l’excellent Violence et Révolution de Jean-Clément Martin (Seuil, 2006) et bien sûr les ouvrages denos camarades Michel Vovelle (par exemple sonmanuel La Révolution française. 1789-1799, 2003) etClaude Mazauric (en particulier, L’histoire de laRévolution française et la pensée marxiste, 2009). n

OLIVIER BEAUD, ALAIN CAILLÉ, PIERREENCRENAZ, MARCEL GAUCHET, FRANÇOIS VATIN Refonder l’université. Pourquoil’enseignement supérieur reste àreconstruire, Paris, La Découverte, 2010.

Par STÉPHANIE LONCLE

Ce livre est une nouvelle contribution de ceux qui senomment « le groupe informel des Refondateurs del’université », après l’article paru dans Le Monde du 14mai 2009, soit juste après la fin du mouvement desenseignants-chercheurs. Il a pour principal mérited’intervenir publiquement sur la question de l’univer-sité un peu plus d’un an après la mise en œuvre de la loiPécresse, c’est-à-dire au moment où les enseignants-chercheurs font leur première véritable rentrée dansdes universités dites autonomes.

Il contient un exposé précis des différentes contre-réformes que les enseignants-chercheurs ont subiesdepuis la fin des années 1970, en particulier à partir dela signature du protocole de Lisbonne par le gouverne-ment de la gauche plurielle et de la mise en place duLMD jusqu’aux réformes de ces dernières années. Lesauteurs, tous enseignants-chercheurs, font un bilansans concession des conséquences négatives de cespolitiques sur leur travail et sur l’université. Ils tententaussi d’élaborer des propositions pour sortir de cettesituation. Cependant, l’absence de réflexion, propre-

ment politique sur la cohérence de ces réformes affai-blit la démarche. Par-delà la sympathie pour un posi-tionnement « de gauche » sur telle ou telle mesure, lelecteur constate que le fond même de la réflexion estempreint d’un libéralisme dont les auteurs semblentincapables de se départir. En effet, qu’est-ce qui agit selon les auteurs de ce livre ?D’une part, des individus (enfants, parents, ministres)prennent des décisions rationnelles dans un environne-ment à risque où ils sont tantôt « motivés », tantôt« aveuglés ». D’autre part, à l’échelle non individuelle,c’est la loi de l’offre et de la demande qui régule les acti-vités sociales (voir notamment le passage sur la sélec-tion à l’université interprétée en termes d’offre et dedemande). L’action politique de la classe capitalistepour promouvoir une politique de l’enseignementsupérieur et de la recherche qui s’inscrive dans le cadrede la défense de ses intérêts est occultée. Du mêmecoup, la possibilité d’une action collective pourconstruire une autre politique universitaire répondant àd’autres critères devient elle aussi difficile à concevoir.Si le rôle social des enseignants-chercheurs est de for-muler et diffuser de la pensée, on comprend que cesderniers ont en partie contribué à la promotion d’uneidéologie libérale, qui a pour caractéristique de désar-mer la société contre le capitalisme et dont ils payenteux-mêmes les conséquences. La voie vers une luttepolitique efficace susceptible de dépasser le capita-lisme passe donc par un effort collectif non seulementpour constater les dégâts manifestes mais pour en pen-ser les causes en s’interrogeant sur ce qui agit. n

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COMMUNISME EN QUESTION

Par THOMAS MAURICE*

tion, tandis que les peuples réels sontcondamnés à la misère culturelle,démocratique et sociale et que lacatastrophe écologique n’en est plus às’annoncer. La simple énumération nefait pourtant pas comprendre le pro-cessus révolutionnaire : comment ilapparaît, comment il s’accomplit, com-ment surtout il se maintient ou se per-vertit. Le facteur subjectif est ici abso-lument décisif.Dès lors, et s’il faut prendre au sérieuxle concept gramscien de bloc histo-rique — totalité dialectique, et donc tou-jours provisoire et inachevée, des infra-structures (rapports sociaux de pro-duction qui constituent la base réellede toute société) et des superstruc-tures (institutions culturelles, juri-diques, politiques qui expriment lafaçon dont les acteurs du système deproduction se représentent les rap-ports sociaux) —, il est urgent dereprendre à nouveaux frais la questiondes conditions subjectives des proces-sus révolutionnaires. La révolution, dumoins dans son sens marxien, n’estpas qu’un simple transfert de pro-priété des moyens de production. Elleest aussi procès d’émancipation quidémystifie les évidences passées, quibrise le conditionnement imposé parl’ancien système, qui fait émerger unnouveau bloc historique.La lutte idéologique est en cela absolu-ment déterminante. C’est la révolutionpar les âmes, non par les seules armes,

qui fait naître un monde nouveau.Voilà pourquoi nous devons impérati-vement comprendre comment cesconditions objectives se muent enforces subjectives, par quels processusces potentialités deviennent des réali-tés, lorsque les individus vivants s’enemparent, consciemment, et en élabo-rent le sens, collectivement. Un mou-vement de l’Histoire n’a pas d’autrelieu que la vie des hommes qui l’ac-complissent et s’y projettent.Et un moment révolutionnaire n’est pasplus un mécanisme historique, aveugleet anonyme, dont les rouages plus oumoins bien huilés s’acquitteraient dugrand barattage des masses, qu’unerévélation miraculeuse qui, tel un rayonde Soleil intelligible, ferait éclore unesimple pensée de révolte dans laconscience des individus. Non, lemoment révolutionnaire transcende,au contraire, les partitions habituellesde l’individuel et du collectif, de l’ins-tant et de la durée, de l’idéal et duconcret. Il est cette expériencehumaine, cette épreuve de ce qu’il y ad’immensément humain en nous et quinous dépasse — non pas au sens de cequi se passe de nous, mais bien de cequi passe par nous, sans que nous ensoyons pour autant le terme ultime.Ce moment singulier est un momentde sublime politique, pour reprendreune expression de M. Richir1. Sublimequi, pour se maintenir comme tel, doitimpérativement conjuguer la ferveur

l est des périodes historiques quiimposent des nécessités. La nôtre estde ne pas se laisser aller à ce queGramsci dénonçait comme le féti-chisme de l’objectivité. Les conditionsobjectives peuvent bien être réuniespour susciter un mouvement révolu-tionnaire, elles ne sont cependantjamais suffisantes seules pour le por-ter à maturité. Certes, le capitalismeest entré dans la crise la plus grave deson histoire, achevant de rendre lecapital aussi prédateur qu’irréel à cestade de développement caractérisépar la mondialisation et la financiarisa-

Révolution et République : Les deu

* Thomas Maurice est étudianten philosophie à l’universitéPanthéon-Sorbonne Paris I. Il s’inscrit dans la traditionphénoménologique.

1) Nous voudrions ici nous acquitter d’une dette envers le livre de M. Richir, Du sublime en politique (Paris, Payot, 1991). Les idées qui sontdéveloppées ici ont été, en partie, inspirées par cet ouvrage, d’une lecture soutenue, aux analyses parfois discutables, mais toujourspassionnantes. Nous nous appuyons notamment sur le point de départ de cette étude, qui consiste en la reprise et la relecture des pages queMichelet consacre, dans son Histoire de la Révolution française, aux fêtes de la Fédération, apparues spontanément un peu partout sur leterritoire, entre l’été 1789 et l’été 1790, juste après la “ Grande peur ”. Richir voit dans la description de ces fêtes, qui frôle parfois l’onirisme,l’indice d’un sentiment de sublime politique qui a saisi le peuple de France en cette période révolutionnaire.

« … le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi.»Emmanuel Kant, Conclusion de la Critique de la Raison pratique

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ux visages du Sublime en politiques’est évanoui. La grille des repèresanciens, jetée comme un filet sur leslieux et les choses, qui assignait à cha-cun une place et des déterminations,une classe et une destination, toutesces évidences entachées du sceau de laservitude sont rendues inopérantes.La liberté, ressentie comme à l’étatsauvage, dans une fraîcheur native,bouleverse les soirs et les matins. Lesublime révolutionnaire se vit commeune grande et immortelle journée.Si cette liberté est vécue dans lesveines et le regard, si elle frappe auxtempes comme un océan intérieurdéchaîné, c’est bien parce qu’elle appa-raît en ces instants comme une forcenaturelle, parce qu’elle manifeste cequ’il y a d’immensément humain ennous, jusqu’au sublime. Cette force,cette liberté concrète, c’est la force detravail, au sens que Marx lui donne, soitcette relation dialectique entre laNature et l’Homme qui fait qu’en latransformant, nous nous transformonsen retour. Elle est liberté concrète,parce qu’elle est puissance de produc-tion infinie, par laquelle l’être humains’invente en se découvrant. La ressen-tir, c’est être soudain transi par l’évi-dence originaire que nous sommes pro-ducteurs de monde. On se parle, ons’organise, on invente, on travaille àfaire émerger ce monde naissant.Et si le travail est bien capacité à fairenaître un monde humain, c’est qu’entoute rigueur, il doit être compris en sonsens premier, comme le labeur de la nais-sance, lorsque les ultimes soubresautsd’agonie de l’ordre ancien se mêlent auxpremières contractions de la liberté. Laforce de travail, c’est la capacité humaineà accoucher d’un monde — un mondecommun, une naissance collective.C’est bien cela la dimension républi-caine du sublime politique. Le versantrévolutionnaire déchaînait la liberté.La face républicaine instaure l’égalitéet la fraternité.Les paysages et les vies, en s’affran-chissant des anciens rapports de pro-priété, des vieilles hiérarchies, des cap-tivités séculaires, ouvrent un horizonindéfini de liberté qui fait accéder aucollectif. L’individu n’est plus sanglé auxdéterminités que sa position commu-

nautaire et catégorielle lui assignait etil peut ainsi accéder à un social nonasservi. Le lieu de cette rencontre, avecles autres, avec le monde, c’est cethorizon commun, qui forme les pre-miers linéaments de la Chose Publique.C’est ce qui fait que l’on n’est pasécrasé par le débordement de la libertéretrouvée, que l’on se s’abîme pas dansl’ivresse d’une toute puissance illusoire.Le sentiment révolutionnaire est répu-blicain dès ses premiers feux, car, enayant neutralisé mes anciennes identi-fications sociales, il a, par la mêmeoccasion, transcendé mes intérêts par-ticuliers. La révolution n’est pas ragepersonnelle ou frénésie individuelle :elle est élaboration et mise en œuvrede l’intérêt général. Chacun a désor-mais en partage la même responsabi-lité pour ce monde et c’est ce qui merend absolument égal à chacun de mesfrères humains. La République engésine est ce qui vient accomplir laRévolution et la porter au Sublime.Toute la question, bien sûr, est de savoircomment faire perdurer cet instant desublime. Par quels moyens ne pasréduire ce sentiment révolutionnaire àune unique étincelle dans l’histoire d’unpeuple, mais, au contraire, lui permettred’alimenter continûment le foyer républi-cain ? Bien sûr, le rite institutionnel del’isoloir, tout comme les manifestationspopulaires, constituent des modesmajeurs de réitération de l’instantsublime, au cours duquel l’individu privédépasse ses intérêts particuliers en vuede l’intérêt général. Si l’enjeu crucial,aujourd’hui, est bien d’inventer des révo-lutions sans Terreur — ni renoncement —,il est de notre devoir de tenir tous lesoutils républicains en état de marchepour qu’ils puissent faire vivre le proces-sus révolutionnaire au cœur de la vieéconomique, sociale et citoyenne. Encela, la Révolution doit aller jusqu’aubout d’elle-même, si elle souhaite se fairerépublicaine, et la République doit êtretotale, si elle veut demeurer révolution-naire. Gageons que Révolutioncitoyenne et République sociale sau-ront advenir comme les deux visagesde ce siècle nouveau-né, afin qu’ilpuisse tenir ses promesses de sublimeet triompher comme un grand Valmy. n

révolutionnaire à la vertu républi-caine, sans lesquelles on sombre dansla simple fureur révolutionnaire qu’estla Terreur ou la tartufferie républi-caine qu’est le Thermidorisme. ChezKant, le sublime est le sentimentesthétique suscité par le spectacle dela Nature dans ce qu’elle a d’absolu-ment grand (l’immensité étoilée) oud’infiniment puissant (une éruptionvolcanique). Les pouvoirs de notreimagination sont désemparés et humi-liés devant ce qui ne peut être mis enforme, face à ce qui semble mons-trueux, titanesque, illimité.Seule la Raison nous sauve du vertige,en nous raccrochant à ce qui sembledépasser même les plus terrifiantesforces cosmiques : la Loi morale enl’homme, qui est commandement de laLiberté. C’est cette force incommensu-rable de l’être humain qui peut lui fairesupporter le spectacle de la Naturedéchaînée ou infinie, et ainsi accéder ausublime. Cependant, ce sentiment dusublime ne peut survenir que si l’on setrouve à l’abri et à distance. Être au beaumilieu d’une terrible tempête ne feraitque déclencher une peur bien réellepour le corps physique. Mais laisser sonregard s’abandonner aux immensités dela nuit et pressentir le fracas inimagina-ble de collisions galactiques éveille ausublime, en nous donnant le sentimentque nous pouvons nous égaler à l’uni-vers et soutenir son regard.Disons-le d’un mot. Le sublime poli-tique est suscité non par le spectaclede la Nature, mais par l’expérience dela Liberté. Non pas liberté abstraite etidéale, comme dans le sublime kan-tien, mais bel et bien liberté concrèteet réelle. Il n’y a qu’à lire les très bellespages que Michelet consacre aux Fêtesde la Fédération dans son Histoire de laRévolution française, ou à relever lestémoignages concernant l’enthou-siasme, la joie révolutionnaire quiprend les foules et les personnes dansces moments de bouleversement histo-rique. Ce sont les corps qui se désaliè-nent, qui se délivrent et se retrouvent,qui redécouvrent les horizons de leurmonde avec des yeux neufs. L’espaceest redevenu vierge, en même tempsque le consentement à l’ordre établi

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SCIENCESLa culture scientifique est un enjeu de société. L’appropriation citoyenne de celle-ci participe de la constructiondu projet communiste. Chaque mois un article éclaire une actualité scientifique et technique. Et nous pensonsavec Rabelais que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

l Jean-Marie Doussin : Alors que les réformesPécresse proclamaient l’exigence d’excellencepour les universités, comment comprendre laréduction observée des effectifs ? Bruno Chaudret : La situation actuelle estcaractérisée par une agression inouïecontre tout notre système de recherchesous couvert « d’excellence » et par undésengagement de l’Etat sous couvertde « priorité à la recherche ». Les « nou-velles structures » fleurissent et cellesissues du grand emprunt peuventdétruire notre système et conduire à unesituation extrêmement grave. Le mot « excellence » est mis en avantdans tous les projets actuels concernantl’université. Je veux détailler ci-dessousl’attaque que nous subissons sous cou-vert de « grand emprunt ». Le grandemprunt veut créer des universités detaille mondiale, aptes à rivaliser avec lesuniversités américaines. C’est le sens des« initiatives d’excellence (IDEX) » qui sontle regroupement des différents outils dugrand emprunt : équipements d’excel-lence (EQUIPEX), laboratoires d’excel-lence (LABEX), instituts de recherchetechnologique (IRT), instituts hospitalo-universitaires (IHU), différentes initiativesaux thématiques ciblées, etc. ... Notons tout d’abord que certains de cesappels d’offre sont curieux :

• Les LABEX : Les laboratoires existent,ce sont pour la plupart des « unitésmixtes » qui regroupent le CNRS, l’uni-versité, des écoles d’ingénieur, ... Ceslaboratoires sont évalués et leur péri-mètre peut changer au cours du temps.Le principe des LABEX est de prendreles meilleurs éléments de différentslaboratoires pour les faire travaillerensemble. Le Conseil Scientifique duCNRS a rappelé dès sa première réu-nion la dangerosité d’une telledémarche qui peut conduire à déstruc-turer complètement la recherche fran-çaise. D’autre part, cette démarche sefonde sur l’idée que mettre en concur-rence les individus les plus « excel-lents » conduira nécessairement à aug-menter la qualité de la recherche fran-çaise. C’est totalement méconnaître lanature de l’activité de recherche qui, àquelques exceptions près, se fonde surla coopération et a besoin de métiersdifférents : chercheurs de différentesdisciplines, ingénieurs et techniciens,personnels de soutien administratifetc....

• Les EQUIPEX : L’activité de recherchenécessite des équipements toujoursplus pointus et coûteux. C’était en par-tie le rôle du CNRS à travers ses plans

« La recherche a besoin PAR BRUNO CHAUDRET*

*BRUNO CHAUDRET est directeur derecherche au CNRS, membre del’Académie des Sciences et lauréat du prixPierre Sue 2010. Il est spécialiste de chimie organo-métallique, notammentdes interactions entre l’hydrogène et lesmétaux de transition. Il a mis au pointune méthode originale de synthèse denanoparticules de métaux ou d’oxydes eta développé leurs applications dans desdomaines aussi variés que la catalyse, lemagnétisme ou la microélectronique.

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d’investissement pour les équipementsde taille moyenne (« mi-lourds ») et lesoutien aux très grands équipements(« TGIR »). Le CNRS a de plus en plusde mal à soutenir ces investissements.Plutôt qu’un plan national de soutienaux investissements, on a privilégié unecompétition dont l’avenir dira si elle estbien « libre et non faussée » mais quine permettra pas la nécessaire mise àniveau du parc instrumental français.

• Les IDEX : Cette structure doit coiffertous les projets « d’excellence ». Elledoit définir ce qui rentre dans un« périmètre d’excellence » et ce qui enest exclus. Ces IDEX ont été construitsselon les cas sans concertation, ouavec une concertation très réduiteavec la communauté scientifique. Ilsn’ont aucune instance de contrôledémocratique (conseils, ...), marginali-sent le CNRS et dans certains casmême les universités. Outre le fait quecette « excellence » est bien souventautoproclamée, cette structure pilotéepar quelques individus (« board of trus-tees » dans le texte !) ressemble à unregroupement d’individus qui cher-chent à se partager le gâteau. La question centrale est cependant : quelgâteau ? Sans rentrer dans les détails decet appel d’offre hallucinant, seulementune petite partie des sommes sera« consumptible », le reste étant placé.Dans ces conditions, il est clair que legouvernement privilégie des projetsspectaculaires (plateau de Saclay) maisqui n’auront qu’un effet d’entraînementtrès limité sur la recherche française audétriment de l’emploi scientifique. Deplus, ces structures favoriseront le recru-tement de précaires dans toutes les caté-gories de personnel. En résumé, dans cette compétition qui avu se mobiliser la communauté scienti-fique pendant plusieurs mois, seulsquelques projets verront réellement lejour. C’est un gâchis énorme qui ne serapas sans impact sur la productivité de larecherche française.

l J.-M. D. : N’y a t’il pas au fond un risqued’éclatement pur et simple du CNRS et d’unevision nationale pluridisciplinaire de la sciencefrançaise ? B. C. : On l’a vu, le CNRS dans les opéra-

tions actuelles est marginalisé. Le CNRSacteur essentiel et admiré à l’étranger, denotre système de recherche est totale-ment dessaisi de sa politique scientifique.Il est soumis à des attaques constantespour le dépouiller d’une partie de sonpotentiel notamment dans le domainedes sciences de la vie et des sciences del’homme et de la société. Le conseil scien-tifique du CNRS a réfléchi aux problèmesd’interdisciplinarité. A cette occasion, lescollègues étrangers ont souligné l’impor-tance d’avoir un institut comme le CNRSqui regroupe tous les domaines derecherche pour favoriser l’interdisciplina-rité qui est un enjeu des plus importantsà l’heure actuelle dans le développementdes sciences. Il est donc essentiel dedéfendre l’intégrité et le rôle du CNRSdans la recherche française.

l J.-M. D. : Peut-on encore penseraujourd’hui la recherche comme un servicepublic ? Peut-on l’appréhender dans unevision de court terme ? L’histoire dessciences n’infirme t’elle pas ce postulat ? B. C. : Ces questions peuvent être traitéessimultanément. Je ne suis pas sûr que la recherche soitun service public au même titre que lestransports ou l’électricité et je ne suis passûr qu’elle l’ait jamais été. La recherchen’est pas un service du public, du moinspas au départ. Elle a sa dynamique pro-pre. Je ne reprendrai pas l’image de labougie et de l’électricité mais le public atoujours tendance à vouloir que l’on amé-liore la bougie alors que c’est en faisantdes expériences bizarres et inutiles quel’on découvre l’électricité. La recherche abesoin de temps et de liberté. Elle abesoin de collaborations et de contro-verses. On ne peut pas prévoir la décou-verte majeure. La limiter à une compéti-tion entre les « meilleurs » est suicidaire.Ceci dit, la recherche a un rôle importantdans la société : - elle produit des connaissances qui peu-vent profiter au grand public. - elle peut se pencher sur de grands pro-blèmes sociétaux - elle peut collaborer avec l’industriedans un partenariat équilibré. Ceci estremis en cause par de grands groupesqui ferment des centres de recherchepour externaliser leur recherche vers leCNRS. Cette collaboration ne peut évi-

demment fonctionner que si l’on croit àun avenir industriel pour la France.

l J.-M. D. : Mais alors, quels seraient d’aprèsvous les termes d’une réelle politique natio-nale de soutien, financier et structurel, de larecherche ? B. C. : On ne peut pas répondre à une tellequestion en trois lignes. Ceci dit jereprendrai quelques principes. Il faut : • du temps donc des postes de titulaires dela fonction publique, pour tous les métiersde la recherche. A ce sujet, il est remar-quable que le CNRS procède dans le cadrede la révision générale des politiquespubliques (RGPP) à un audit des « fonc-tions support » (administration, gestion,communication, ...) avant de s’intéresseraux « fonctions soutien » (personnel tech-nique, ...), ce qui pourrait bien traduire unetentative d’externalisation de ces fonc-tions si nous ne prenons pas garde. • des crédits permettant de prendre desrisques et donc un véritable contrat entrelaboratoires et instances de tutelle quifournisse les moyens de fonctionner et dedévelopper une recherche autonome. A cesujet, si je suis contre le tout appel d’offre,je ne suis pas contre une proportion rai-sonnable d’appels d’offre qui permette auxjeunes chercheurs de développer des idéesoriginales ou de mettre en réseau sur unethématique particulière des laboratoires. • des équipements au niveau internatio-nal donc la mise en place selon les disci-plines de plateformes. En ce qui concerne les structures, il y ena beaucoup trop. Il faudrait revenir à unpeu de simplicité : les organismes (CNRS,INSERM, ..) et les universités.

l J.-M. D. : La Gauche, dans ses actes et sespropositions, est-elle au niveau des enjeux etdes exigences posées ? B. C. : Encore une question intraitable entrois lignes et je ne suis pas là pour jugerde la Gauche. J’attends personnellement de la gauchequ’elle s’engage à : • arrêter Labex et Idex. • transformer les Equipex en un plan

national d’équipement scientifique. • mettre en place une concertation

démocratique pour remettre de l’ordredans les structures et redonner auxorganismes leur place. n

Propos recueillis le 29 janvier 2011

de temps et de liberté »

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Patrice BessacRepsonsable national du [email protected]

Stéphane Bonnery Formation/Savoirs, é[email protected]

Nicolas Bonnet [email protected]

Hervé Bramy [email protected]

Ian Brossat Sécurité[email protected]

Laurence Cohen Droits des femmes/Féminisme [email protected]

Xavier Compain Agriculture/Pêche [email protected]@pcf.fr

Olivier Dartigolles [email protected]

Yves Dimicoli Economie [email protected]

Jacques Fath Relations internationales, paix et désarmement [email protected]

Olivier Gebhurer Enseignement supérieur et [email protected]

Jean-Luc Gibelin Santé Protection [email protected]

Isabelle De Almeida [email protected]

Fabienne Haloui Lutte contre racisme, antisémitisme et [email protected]

Alain Hayot [email protected] ou [email protected]

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COMITÉ DU PROJET ÉLU AU CONSEIL NATIONAL DU 9 SEPTEMBRE 2010 : Patrice Bessac - responsable ; Patrick Le Hyaric ; Francis WurtzMichel Laurent ; Patrice Cohen-Seat ; Isabelle Lorand ; Laurence Cohen ; Catherine Peyge ; Marine Roussillon ; Nicole Borvo ; Alain Hayot ; Yves DimicoliAlain Obadia ; Daniel Cirera ; André Chassaigne.

L’ÉQUIPE DE LA REVUE

LES RESPONSABLES THÉMATIQUES

Liste publiée dans CommunisteSdu 22 septembre 2010

Frédo CoyèreMaquette etgraphisme