La Responsabilite de Proteger
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La responsabilitde protger :
une perspective
francophone
Andr Cabanis | Jean-Marie Crouzatier
Ruxandra Ivan
Ciprian Mihali | Ernest-Marie Mbonda
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C o n t b u t o n s f n c o p h o n s
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Agence universitaire de la Francophonie
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Responsable de collection :Ciprian Mihali
Rdacteurs de louvrage :Andr Cabanis
Jean-Marie CrouzatierCiprian Mihali
Couverture :Carolina Banc
Correction :Ciprian Jeler
Technordaction :Ferenc St
Impression :Idea Design & Print, ClujStr. Dorobanilor nr. 12RO 400117 Cluj-Napocawww.idea.ro
ISBN 978-973-7913-96-8
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L sponsblt d potg :un pspctv fncophon
Idea Design & PrintEditur, Cluj
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Andr CabanisJean-Marie CrouzatierRuxandra Ivan
Ernest-Marie MbondaCiprian Mihali
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Contribution du collectif Francophonie, tats francophones et francophonie
de lAgence universitaire de la Francophonie
la prparation du Sommet de Montreux,octobre 2010
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Prface
Ces dernires annes les textes internationaux
relatifs la responsabilit de protger se sont
multiplis. Certes, on peut regretter que ce concept se
limite quatre domaines circonscrits puisquil sagit,pour les Etats et pour la communaut humaine toute
entire de protger les populations du gnocide, des
crimes de guerre, des crimes contre lhumanit et
du nettoyage ethnique. Il nen reste pas moins que
labondance de ces textes est une bonne chose.
Nanmoins, les problmes demeurent et
notamment celui dun retard patent du fait sur le
droit. En dpit des dclarations solennelles des
Nations Unies, par exemple le Document nal du
sommet mondial adopt le 15 septembre 2005 ; en
dpit des interventions fortes de la Francophonie,
par exemple la Dclaration de Saint-Boniface (2006), la
responsabilit de protger nest pas toujours assume.
Tant sen faut !
Plus grave, lincohrence dun systme global dans
lequel le maintien des situations acquises coexiste
avec des principes qui, par nature, en exigeraient la
disparition. Toute lhistoire des droits de lhomme est
ainsi faite dombres et de lumires, de contrastes entreun discours universaliste et des pratiques gostes.
Lanalyse de la responsabilit de protger envisage
dans son dveloppement historique est dun grand
intrt. Au sein du Comit de coordination et de suivi
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du Programme thmatique Etat de droit, dmocratie et
socit en Francophonie, lAgence universitaire de la
Francophonie dispose dune quipe pluridisciplinaire
parfaitement mme dassumer cette tche.
Ce Comit, en effet, regroupe des philosophes,
des juristes des historiens et des spcialistes des
sciences politiques qui se rencontrent rgulirement.
Le prsent ouvrage est une preuve quils ont russi
envisager simultanment lexgse juridique des
textes, lanalyse des motifs politiques et des pratiques
diplomatiques ainsi quune rexion philosophique
et thique sur le principe et ses implications.
Lhypothse de dpart, selon laquelle en matire de
la responsabilit de protger existerait une spcicit
de la dmarche francophone, peut paratre dautant
plus trange quil sagit de principes universels. Etsi spcicit il y a, quelle plus-value cette dmarche
peut-elle apporter la rexion et laction de la
communaut internationale ?
Les auteurs montrent que la spcicit est
dabord lie aux objectifs : beaucoup plus quaux
Nations-Unies, laccent est mis sur la prventionet laccompagnement. Par ailleurs, les acteurs
privilgis de la Francophonie sont outre les Etats
et les OIG ceux de la socit civile. A mes yeux, ces
deux lments sont troitement lis. On ne peut pas
rellement mener une politique prventive si on na
pas dimpact sur la base de la socit.Quant la plus-value, selon les auteurs, elle est
triple. Les textes de rfrence de la Francophonie
paraissent plus prcis et plus dtaills que ceux
des Nations-Unies. Ils tmoignent, en outre, dune
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certaine rexion sur la souverainet et la culture
dmocratique. Enn, ils se fondent sur une solide
expertise dans le domaine de la formation la culture
politique et juridique.
Malgr les insufsances et les checs repris dans
la Dclaration de Bamako (rcurrence de conits,
interruptions de processus dmocratiques, gnocides
et massacres, violations graves des droits de
lHomme, ) qui, rdige six ans plus tt, prgure
la Dclaration de Saint-Boniface ; malgr le manque de
volont politique ragir alors que la responsabilit
de protger devrait tre assume par la communaut
internationale, louvrage se veut rsolument optimiste.
Il est vrai que nous allons dans le sens dune plus
grande conscientisation universelle. Peut-on dire,
linstar de Teilhard de Chardin, que lhumanit estsur la voie d'une re d'harmonisation des consciences
fonde sur le principe de la coalescence des centres
, chaque centre, ou conscience individuelle, tant
amen entrer en collaboration toujours plus troite
avec les consciences avec lesquelles il communique ?
Le prsent ouvrage sadresse prioritairementaux dcideurs politiques ainsi quaux chercheurs en
droit et en relations internationales. Il sinscrit dans
le prolongement de louvrage de Mthodologie de la
recherche en droit international, gopolitique et relations
internationales. Nanmoins, il ne manquera pas dtre
utile des chercheurs dautres disciplines. Je pensenotamment aux philosophes, aux anthropologues,
aux historiens et aux sociologues.
LAgence universitaire de la Francophonie
considre que le soutien aux chercheurs surtout aux
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tudiants de matrise, doctorants et post-doctorants
est une priorit. Si dores et dj elle accorde
certains dentre eux une bourse de mobilit, elle a la
ferme volont de les aider tous dans leur dmarche
scientique.
Cest le sens de lensemble des ouvrages
tous dune rigueur scientique et dune clart
mthodologique remarquables qui sont publis
par le Collectif Francophonie, Etats francophones
et francophonie sous la direction de Jean-Marie
Crouzatier, Universit Toulouse 1 Capitole (France).
Manfred Peters
Prsident de lUniversit de Paix
Membre du Conseil scientique de lAgenceuniversitaire de la Francophonie
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AvAnt-propos
Entrepris linitiative du Comit de coordinationet de suivi du Programme thmatique tat de droit, d-mocratie et socit en Francophonie de lAgence univer-
sitaire de la Francophonie, ce rapport est issu de deuxsminaires de recherche runissant des politistes, desjuristes et des philosophes, qui se sont tenus Cluj(Roumanie) et Paris (France) en mars et juin 2010.
Ont particip ces sminaires et la rdactionde ce rapport : Andr Cabanis, professeur dhistoire
du droit lUniversit Toulouse 1 Capitole (France) ;Jean-Marie Crouzatier, professeur de droit public lUniversit Toulouse 1 Capitole (France) ; RuxandraIvan, professeur de sciences politiques lUniver-sit de Bucarest (Roumanie) ; Ernest-Marie Mbonda,professeur de philosophie lUniversit catholiquedAfrique centrale, Centre dtudes et de recherchessur la justice sociale et politique, Yaound (Came-roun) ; Ciprian Mihali, professeur de philosophie la Facult dhistoire et de philosophie de lUniversitBabe-Bolyai, Cluj (Roumanie).
Bogdan Drago, doctorant lUniversit Babe-Bolyai, Cluj (Roumanie), a effectu les recherches do-
cumentaires.Claude-Emmanuel Leroy, directeur adjoint du
Programme tat de droit, dmocratie et socit en Franco-phonie de lAgence universitaire de la Francophonie, asupervis ces rencontres et llaboration du rapport.
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Andr Cabanis, Jean-Marie Crouzatier et CiprianMihali ont relu, corrig, harmonis et reli les diff-
rentes contributions.
Cette tude est le rsultat dune laboration collec-tive, interdisciplinaire et internationale francophone,soutenue par lAgence universitaire de la Francopho-nie. En effet, une des tches que sest donne lAgence
universitaire de la Francophonie est de permettre la communaut universitaire de mieux apprhendercertaines missions de la Francophonie, dont celle decontribuer la promotion de la paix et au respect desdroits de lHomme. Il sagit de favoriser une rexionsur cette mission travers une approche universitaire
diffrente et complmentaire de lapproche gouver-nementale et intergouvernementale.Les opinions exprimes nengagent que leurs
auteurs.
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ListedesAbrviAtions, desAcronymesetdessigLesutiLiss
A.C.C.T. Agence de coopration culturelle et technique
A.C.P. tats dAfrique, des Carabes et du PaciqueA.E.F. Afrique quatoriale franaise
A.G. Assemble gnrale des Nations unies
A.I.F. Agence intergouvernementale de la Francophonie
A.L.E.C.S.O. Organisation de la ligue arabe pour la culture,
lducation et la science
A.L.E.N.A. Association de libre change dAmrique du NordA.N.Z.U.S. Trait dassistance mutuelle Australie Nouvelle-
Zlande tats-Unis
A.O.F. Afrique occidentale franaise
A.P.D. Aide publique au dveloppement
A.P.E.C. Asia-Pacic economic cooperation
A.S.E.A.N. Association des nations dAsie du Sud-Est
A.U.F. Agence universitaire de la Francophonie
B.I.T. Bureau international du travail
C.E.D.E.A.O. Communaut conomique des tats de lAfrique
de lOuest
C.I.J. Cour internationale de justice
C.S. Conseil de scurit des Nations unies
F.A.D. Force arabe de dissuasionF.I.N.U.L. Force intrimaire des Nations unies au Liban
F.M.I. Fonds montaire international
Mercosur Communaut conomique des pays dAmrique
du Sud
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O.E.A. Organisation des tats amricains
O.I.F. Organisation internationale de la Francophonie
O.I.G. Organisation intergouvernementaleO.I.N.G. Organisation internationale non gouvernementale
O.L.P. Organisation de libration de la Palestine
O.M.C. Organisation mondiale du commerce
O.M.S. Organisation mondiale de la sant
O.N.G. Organisation non gouvernementale
O.N.U. Organisation des Nations uniesO.T.A.N. Organisation du Trait de lAtlantique Nord
O.U.A. Organisation de lunit africaine
P.M.A. Pays les moins avancs
P.M.E. Petites et moyennes entreprises
S.A.L.T. Strategic arms limitation talks
U.A. Union africaineU.E. Union europenne
U.N.E.S.C.O Organisation des Nations unies pour lducation,
la science et la culture
U.R.S.S. Union des rpubliques socialistes sovitiques
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introduction
Depuis la n des annes 1990, nombre de textesinternationaux consacrent la scurit des populationscomme un droit de lHomme et afrment que la pro-
tection de ces dernires incombe non seulement auxtats dont elles relvent, mais aussi la communautinternationale. Avec solennit, le Document nal duSommet mondial des Nations unies (adopt le 15 sep-tembre 2005) afrme la responsabilit de chaque tatde protger sa population du gnocide, des crimes de
guerre et des crimes contre lhumanit. Faisant repo-ser la responsabilit de protger sur le principe de la souverainet comme responsabilit , il nonce quela communaut internationale est rsolue aider lestats protger leur population.
Lun des mrites du concept de responsabilitde protger est en effet de dpasser lopposition quia domin les annes 1990, entre les tats attachs une stricte application du principe de souverainet etceux qui dfendent les interventions militaires desns humanitaires : lmergence du concept part delide que la scurit internationale doit tre pense,non plus uniquement en fonction de la scurit des
tats dans le cadre dun conit intertatique, maisgalement en fonction de la scurit des populationsciviles victimes dun conit arm, surtout interne.
Cest pourquoi le document prvoit une actioncollective de la communaut internationale au cas o
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les moyens paciques seraient insufsants et o lesautorits nationales savreraient incapables dagir ou
se refuseraient le faire. Cet engagement contractpar les tats membres de lONU laisse cependant ensuspens nombre de questions quant aux incidences dela responsabilit de protger et notamment aux cri-tres dune intervention. Cest la raison pour laquellele principe ne fait pas lunanimit dans les enceintes
internationales. Certains craignent que trop de rservessoient prvues qui rendraient ce principe pratique-ment inoprant ; dautres redoutent quil serve deprtexte pour promouvoir des objectifs politiques (ilne faudrait pas que la responsabilit de protger soitune illusion supplmentaire, cest--dire que lon as-
siste un supplment de violence internationale aunom de la scurit pour les populations). Le Secr-taire gnral des Nations unies lui-mme reconnat lancessit de dnir plus clairement la porte et lap-plicabilit du principe : en dautres termes dengagerun processus de normativisation qui permettraitla substitution dune logique juridique une logiquepolitique. Comment le principe peut-il tre conciliavec des concepts traditionnels tels que celui de sou-verainet de ltat ? Comment ce principe doit-il tremis en uvre et comment garantir quil nen sera pasfait un usage contraire aux rgles des Nations unies ?LOrganisation des Nations unies a-t-elle les moyens
de rendre ce principe oprationnel ? Lenjeu est de d-nir les conditions de mise en uvre de la responsa-bilit de protger, sachant que ce concept nest dnini dans la charte, ni dans les rsolutions du Conseil descurit ou de lAssemble gnrale.
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La Francophonie a apport sa contribution au d-bat en cours, principalement en adoptant en 2006 la
Dclaration de Saint-Boniface qui reprend et prcisela notion de responsabilit de protger. Ceci na riendtonnant pour deux raisons : dabord, la Franco-phonie sinscrit clairement dans le cadre des Nationsunies et aucune des rexions engages au sein delOrganisation mondiale ne lui est trangre ; ensuite,
la Francophonie accorde la premire place aux droitsde lHomme et la dignit de la personne humaine.Cest ce titre quelle a jou un rle pionnier dans lareconnaissance du principe de la responsabilit deprotger puisque ce dernier gure dj explicitementdans la dclaration adopte par la Xe confrence des
chefs dtat et de gouvernement ayant le franais enpartage, Ouagadougou, le 27 novembre 2004 (par.80) : Nous rafrmons que les tats sont responsa-bles de la protection des populations sur leurs terri-toires. Nous reconnaissons cependant que lorsquuntat nest pas en mesure ou nest pas dispos exercercette responsabilit, ou quil est lui-mme responsa-ble de violations massives des droits de lHomme etdu droit international humanitaire ou de la scurit,la communaut internationale a la responsabilit deragir pour protger les populations qui en sont vic-times, en conformit avec les normes du droit interna-tional, selon un mandat prcis et explicite du Conseil
de scurit des Nations unies et sous son gide . Ilest intressant que la Francophonie sapproprie cettenotion de responsabilit de protger ; il est rvla-teur quelle en subordonne lapplication aux dcisionsdun organe des Nations unies.
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La rexion du collectif Francophonie, tats fran-cophones et francophonie porte sur la plus-value
que peut apporter lOrganisation en sassociant cettepromotion du concept de responsabilit de protger :plus-value en matire de rexion sur le concept ;plus-value quant son oprationnalit ; la rexiondu collectif sattache galement valuer lefcacitpolitique de cette initiative de la Francophonie.
Tts d fnc
Charte des Nations unies, notamment les chapitres VI et VII Assemble gnrale des Nations unies. Rsolution
377 (V) : Union pour le maintien de la paix Assemble gnrale des Nations unies. Rsolution63/308 (14 septembre 2009) : Responsabilit deprotger
Conseil de scurit. Rsolutions 1265 (1999), 1296 (2000),1325 (2000), 1460 (2003), 1612 (2005), 1674 (2006),1738 (2006), 1820 (2008), 1882 (2009), 1888 (2009),1889 (2009), 1894 (2009)
Note du Secrtaire gnral de lONU, Suite donneraux textes issus du Sommet du millnaire, New York,ONU, 2004, A/59/565
Rapport du Secrtaire gnral de lONU, Dans une li-bert plus grande : dveloppement, scurit et respect des
droits de lHomme pour tous, New York, ONU, 2005,A/59/2005
Rapport du Secrtaire gnral de lONU, La protec-tion des civils dans les conits arms, New York, ONU,2007, S/2007/643
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Rapport du Secrtaire gnral de lONU, La miseen uvre de la responsabilit de protger, New York,
ONU, 2009, A/63/677
Rapport Brahimi, Les oprations de maintien de la paix,New York, ONU, 2000, A/55/305
Rapport de la Commission internationale de linter-vention et de la souverainet des tats (CIISE), La
responsabilit de protger, dcembre 2001 Rapport du Groupe de personnalits de haut niveausur les menaces, les ds et le changement, Un monde
plus sr, notre affaire tous, New York, ONU, 2004,A/59/565
Charte de la Francophonie, 23 novembre 2005 OIF, Dclaration de Bamako, 3 novembre 2000 OIF, Dclaration de Ouagadougou, 27 novembre 2004 OIF, Dclaration de Saint-Boniface, 14 mai 2006
Dclaration du Sommet du Groupe des 77 runi laHavane, 10-14 avril 2000.
Quston cntl
Dans quelle mesure la mise en uvre des lmentsconstitutifs de la responsabilit de protger tels que
dnis par lONU peut-elle sarticuler avec la dmarchefrancophone, compte tenu de sa spcicit ?
En dautres termes : existe-t-il une dmarche fran-cophone spcique relative la responsabilit de pro-tger ? Quels sont les instruments et les pratiques qui
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permettent didentier et de dnir cette dmarchespcique ? Par rapport la dmarche onusienne,
peut-on parler dune plus-value francophone ? Com-ment se fait larticulation entre la dmarche onusienneet celle de lOIF ? Comment assurer la mise en uvredes instruments francophones de la responsabilit deprotger ? Comment afner, dans une perspectivefrancophone, les grilles danalyse des diffrentes si-
tuations dans lesquelles le droit dtre protg nestplus assur ? quel niveau du processus de la res-ponsabilit de protger sarticulent les lments onu-siens et la dmarche francophone : celui de la pr-vention ? De lassistance ? De la raction ? Quen est-ilde lapplicabilit des diffrents instruments ?
Hypoths
La perspective francophone de la responsabilitde protger, tout en sinscrivant dans lapproche onu-sienne, prsente une spcicit qui pourrait enrichir laconception actuellement en vigueur lONU. Toute-fois labsence de prcisions quant aux modalits dac-tion de lOIF et dvaluation de ses propres missionslimite considrablement son efcacit. Cette efcacitncessite llaboration dun certain nombre doutils op-rationnels prcis, fonds sur des indicateurs qui per-
mettent didentier des situations difciles, pour quela responsabilit de protger, dun principe juridiqueou dclaratoire, devienne un instrument oprationnel.
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Un ppoch pludscpln
La composition pluridisciplinaire du collectif Francophonie, tats francophones et francophonie permet darticuler divers champs disciplinaires (droit,science politique, histoire, philosophie) pour menerune tude combinant lexgse juridique des textes,lanalyse des motifs politiques et des pratiques diplo-
matiques, et une rexion philosophique et thiquesur le principe et ses implications.Cette pluralit disciplinaire est particulirement
souhaitable pour lanalyse de la responsabilit deprotger, car le principe est la fois porte juridiqueet connotation morale. Dans lordre international,
cette dualit est la meilleure invitation lambigut.Que faut-il en effet privilgier : un principe qui, par laporte universelle de son nonciation et par sa conso-nance thique, semble relever de lordre de la morale,ou un concept juridique, celui de la protection huma-nitaire, qui est dans la pratique une politique de la g-nrosit autant quune stratgie des intrts ?
Il faut souligner que le principe fait dsormais par-tie du droit positif : on sinterroge moins sur sa lgi-timit que sur son efcacit ; on lenvisage dsormaismoins comme une forme de raction exceptionnelleque comme un processus permanent.
Modl dnlys
Le point de dpart de lanalyse est le Documentnal du Sommet mondial de 2005 qui fait directement
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rfrence la responsabilit de la communaut inter-nationale daider protger les populations du g-
nocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethniqueet des crimes contre lhumanit lorsque les moyenspaciques se rvlent inadquats et que les autoritsnationales nassurent manifestement pas la protectionde leurs populations .
Ce paragraphe 139 est en effet repris par le Conseil
de scurit, qui fait la premire rfrence la respon-sabilit de protger dans sa rsolution 1674/2006 ; ilest rappel plusieurs reprises par lAssemble gn-rale qui dcide de continuer dexaminer la questionde la responsabilit de protger (A/63/308). Il sertde rfrence la Dclaration de Saint-Boniface adop-
te par les membres de lOIF quelques mois plus tard,ainsi quau rapport du Secrtaire gnral de lONUdu 12 janvier 2009 sur La mise en uvre de la responsa-bilit de protger.
Les dispositions du paragraphe 139 du Documentnal du sommet indiquent clairement que la respon-sabilit de protger repose sur trois piliers : la pro-tection assure par ltat, quil sagisse ou non de sesressortissants, qui est la seule stratgie de prventionefcace ; lassistance internationale, puisque lacom-munaut internationale sengage aider les tats sacquitter de leurs obligations en prenant appui surla coopration des tats voisins, des accords rgio-
naux et sous-rgionaux, de la socit civile et du sec-teur priv ; la raction, si ncessaire, en temps voulu,lorsquun tat manque manifestement son obliga-tion de protection.
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Dans ce contexte, une comparaison entre lONUet lOIF fait apparatre des diffrences et des conver-
gences ; elle permet de prciser la spcicit de ladmarche francophone et la plus-value quelle peutapporter la rexion et laction de la communautinternationale.
Les diffrences tiennent dabord aux objectifs : la
Francophonie fait de la dmocratie et du dvelop-pement les conditions de la paix ; sa vision est doncplus large que celle de lONU qui est centre sur lemaintien de la paix. Ensuite, du point de vue de la d-marche, laccent mis par la Francophonie sur la pr-vention et laccompagnement la distingue de lONU
qui sans ngliger ces deux aspects envisage laraction. Dailleurs, les outils dont dispose la Franco-phonie sont diplomatiques et vous la recherche duconsensus ; les outils des Nations unies sont, de plus,oprationnels.
Enn, les acteurs privilgis par la Francophoniesont outre les tats et les OIG ceux de la socitcivile ; alors que laction des NU dpend essentiel-lement du Conseil de scurit. Le sisme de janvier2010 en Hati a notamment dmontr labsolue n-cessit dune meilleure coordination entre les tats,lONU et les organisations non gouvernementales.De ce point de vue, la force de la Francophonie est
dassocier le gouvernemental et le non gouverne-mental, lintergouvernemental et linfra-tatique, lestats, les socits civiles, les ONG trans-tatiques etinfra-tatiques.
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Les convergences sont videntes puisque lactionde lOIF sinscrit dans un cadre dni par lOrganisa-
tion des Nations unies, laquelle chacune de ses d-clarations fait rgulirement rfrence.
De plus, les moyens de prvention et dassistancedes deux organisations sont trs comparables et per-mettent denvisager une authentique complmenta-rit dans leur action.
Parce quelle est une communaut culturelle maisaussi politique, la Francophonie peut apporter uneplus-value : les textes de rfrence de la Francophonieparaissent plus prcis et plus dtaills que ceux desNations unies ; ils tmoignent dune certaine rexion
sur la souverainet, la culture dmocratique, les droitsde lHomme, plutt que dun consensus minimalcomme ceux de lONU.
Quant aux capacits, la Francophonie disposedune expertise dans le domaine de la formation laculture politique et juridique : formation, prvention,alerte prcoce, gouvernance quotidienne, lections.
En revanche, il ne faut pas se dissimuler quelOIF ne dispose pas et nentend pas se doter desmoyens nanciers, humains et militaires que lONUpeut dployer. Cette moindre capacit dinterventionest certes un handicap, mais elle permet lOIF de sus-citer moins de raction de dance en cas de prise de
position puisquon ne peut la souponner de prparerune intervention arme dans les affaires intrieuresdun tat.
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PreMire ParTie
L sponsblt d potg du concpt l ms n uv
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En janvier 2009, le Secrtaire gnral de lONUprsente lAssemble gnrale le rapport sur Lamise en uvre de la responsabilit de protger , do-cument cens donner une dimension oprationnelle
la responsabilit de protger 1
.Ce document vient sajouter un nombre impor-tant de textes rdigs et prsents par les organismesinternationaux et les groupes dexperts, depuis 1990,autour des questions lies la scurit des popula-tions et au respect des droits de lHomme en situation
de conit et de post-conit.Le lancement du concept de scurit humaine en 1994 a t suivi par une large rexion autour decette expression aussi intuitive (dans une certainetradition de pense, mais aussi suite lvolution po-litique du monde dans les annes 1990) que probl-matique (par ses implications la fois thoriques etpratiques), au sein des institutions et des organismesinternationaux, parmi les chercheurs, les hommes po-litiques et les experts. Une deuxime tape majeuredans lhistoire rcente de cette rexion est marquepar le rapport Evans-Sahnoun sur La responsabilitde protger , en 2001, prsent par la Commission
internationale de lintervention et de la souverainetdes tats. Cette expression, son tour, a suscit denombreux discussions et textes dans le monde entier
1 Document n A/63/677 du 12 janvier 2009.
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et en Francophonie, en donnant lieu des documentsofciels, pour aboutir au rapport du Secrtaire gn-
ral de lONU de 2009 sur La mise en uvre de laresponsabilit de protger .
Une rexion approfondie sur ce parcours a tmene ces dernires annes par les chercheurs fran-cophones et par les institutions de la Francophonie2.Le moment semble tre venu de continuer et dlargir
cette rexion, en tenant compte des dernires vo-lutions du dbat international, et pour apporter unecontribution francophone solide, argumente et visi-ble au dialogue sur le principe de la responsabilit deprotger.
Dans cette premire partie, et titre dintroduc-
tion notre travail, nous allons limiter notre in-tervention deux aspects de nature thorique : unaspect plutt philosophique, visant suivre le par-cours de la responsabilit de protger, ne commeexpression en 2001 et conceptualise en 2006, pouracqurir rcemment une dimension oprationnelleavec le rapport du Secrtaire gnral de lONU en2009. Ensuite, un aspect plus appliqu cens mettreen vidence la perspective francophone sur la res-ponsabilit de protger, avec ses avances du point
2 Voir par exemple les publications ralises dans le cadre du Pro-gramme thmatique tat de droit, dmocratie et socitde lAgenceuniversitaire de la Francophonie : La responsabilit de prot-ger , n 2, 2008 de la revue ASPECTS, Paris, d. des archivescontemporaines ; Scurit humaine et responsabilit de protger.Lordre humanitaire international en question, Paris, d. des archivescontemporaines, 2009 ; Francophonie et relations internationales,Paris, d. des archives contemporaines, 2009.
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de vue de la rexion mais aussi avec des proposi-tions de nouvelles pistes pour mener plus loin cette
rexion et pour assurer une prsence plus active dela Francophonie dans ce dbat.
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CHaPiTre i.L sponsblt d potg :
concpt, pncp, dmch
optonnll
Dans louvrage Scurit humaine et responsabilit deprotger1, les auteurs mentionnent ds lintroductionque lmergence des deux notions est relativement si-multane et sexplique par la conjonction dvnements
considrs aujourdhui comme insupportables .Cette mergence rcente (moins de dix ans, quoique unpeu plus pour la notion de scurit humaine , pr-sente dans les documents politiques internationaux etscientiques depuis 1994) a donn lieu de vifs dbatsdans le monde politique et acadmique, mais na pasencore abouti une laboration juridique consistante etcohrente dans le cadre du droit international.
Outre cette carence juridique qui affecte le caractreoprationnel de la responsabilit de protger, deuxautres difcults surgissent avec la naissance de cettenotion :
a) une difcult de nature thorique : la notion vient
sinterposer, en quelque sorte, entre deux autresnotions qui partagent une longue histoire dansla pense et la pratique politico-juridiques des
1 d. des archives contemporaines, Paris, 2009.
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tats modernes : la souverainetet la scurit; plusencore, elle remobilise dans un sens nouveau les
thories des droits de lHomme, dont la concep-tualisation na pas pu trouver un quivalent lahauteur de cette rexion dans laction politiqueet juridique des institutions et des pouvoirs na-tionaux et internationaux. Ainsi, le concept-clde la thorie politique moderne de ltat, la sou-
verainet, subit une mutation profonde dans sadnition, ce qui est loin dtre accept par bonnombre dtats, des plus puissants aux plusfaibles, une mutation qui touche ses attributsde monopole tatique et de non-partage. SelonMireille Delmas-Marty, cest tout lordre sou-
verainiste qui est aujourdhui mis en cause etdbord par les nouveaux ds de la scuritinternationale : Dbord au sens littral, car laglobalisation dploie ses dangers dans lespaceplantaire (cybercriminalit, terrorisme global,crises sanitaires mondiales), entranant parfoisaussi une sorte de dilatation des effets dans letemps (changement climatique, terrorisme nu-claire, etc.). Et dbord aussi au sens gur caril faut adapter les rponses la globalisation, cequi requiert des moyens considrables et peutexpliquer une sorte drosion du monopole ta-tique mesure que ltat sous-traite lusage de
la force publique, prenant le risque de se trouverconcurrenc par lessor des acteurs privs 2. La
2 Mireille Delmas-Marty, Libert et sret dans un monde dangereux,Paris, Seuil, 2010, p. 198.
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deuxime notion le glissement dun droit lasret vers un droit la scurit recouvre ce
quon appelle aujourdhui les drives scuri-taires, sous la pression tant relle que (surtout)idologique de la menace terroriste plantari-se ; elle met en cause la fois lide dune pro-tection contre tout danger (et, en arrire-plan,lide que cest ltat que revient la tche de
garantir la scurit de ses citoyens) et la lgiti-mit de toute intervention au nom mme de laprotection de cette libert fondamentale, de cedroit des droits que serait la scurit3. Les droitsde lHomme, enn, ont connu une transforma-tion dans le sens dune concrtisation : ayant
t jugs comme trop abstraits et indtermins,leur transformation prend la forme dune sur-dtermination scuritaire, aussi dangereusedans son application brutale que lirrespecteffectif de ces droits et liberts fondamentaux.Une telle surdtermination provient, commenous lavons montr ailleurs4, de la ractivationdu noyau vital et de la nature humaine invoqus rcemment par les thoriciens de lascurit humaine, comme le support concretsur lequel peuvent saccrocher aujourdhui lesdroits de lHomme. Cest pourquoi, mme dans
3 Voir ce sens lexcellente tude dtienne Balibar, la sretet la rsistance loppression , in Droit de cit, Paris, PUF, 1998,pp. 27-42.
4 Scurit humaine et droits de lhomme , in Scurit humaine etresponsabilit de protger. Lordre humanitaire international en ques-tion, d. cit., pp. 33-41.
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la tentative juridique de r-hirarchisation desdroits de lHomme en vue de les rendre plus
oprationnels, ceux qui concernent la dignit dela vie humaine passent en haut dune pyramideprenant en compte leur ordre de protection.
b) une difcult de nature pratique, en fait unecomplication de nature tragique issue des v-nements gnraux et spciques qui, sous le
coup de la globalisation acclre, ont dunepart provoqu laugmentation de linscuritdes populations et des personnes et dautre partmontr lincapacit de la socit internationaleen tant que socit intertatique de prvenir desconits, des crises, des crimes et autres, ou de
ragir en temps voulu.Compte tenu de cet chafaudage gnreux mais
incomplet et problmatique, plusieurs propositionset documents ont t formuls qui essaient darticulerla notion de scurit humaine au principe de la res-ponsabilit de protger. Nous ne cherchons pas ici distinguer entre la dimension notionnelle et celle prin-cipielle des deux expressions, ni de suivre la gnalo-gie rcente de cette distinction ; elle a t faite dunemanire argumente et explicite par Michel Blangerdans louvrage cit plus haut5. Ce qui nous intressedans cette introduction est, dans un premier moment,
la manire dont le rapport du Secrtaire gnral de
5 Notamment dans le sous-chapitre Naissance dune notion, ge-nse dun principe , in Scurit humaine et responsabilit de prot-
ger. Lordre humanitaire international en question, d. cit., pp. 6-13.
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lONU de 2009 tente de rsoudre les tensions et lesdifcults de cette articulation et, dans un deuxime
moment, davancer quelques propositions dana-lyse issues du travail acadmique ralis au sein delAgence universitaire de la Francophonie.
L ms n uv d l sponsblt d
potg ou qust-c quun souvntsponsbl ?
Le rapport du Secrtaire gnral invoque dans sonpremier chapitre les trois paragraphes du Documentnal du Sommet mondial de 2005 (138, 139 et 140)
qui constituent loccasion et la justication de ce rap-port. Ainsi, larticle 138 prvoit de manire expliciteque cest chaque tat quil incombe de protgerses populations du gnocide, des crimes de guerre, dunettoyage ethnique et des crimes contre lhumanit .Aprs avoir mis en vidence ce rle de protection parltat des populations comme lune de ses prrogativessouverainistes, le texte se poursuit dans le mme articleet dans larticle suivant avec la mention du devoir de lacommunaut internationale dencourager et daider lestats protger les populations contre ces crimes pourmarquer ensuite ce qui fait le point fort du rapport, savoir lengagement de lAssembl gnrale pour-
suivre lexamen de la responsabilit de protger .Articule autour des trois piliers la responsabi-
lit de ltat en matire de protection , lassistanceinternationale et le renforcement des capacits et la raction rsolue en temps voulu , la concep-
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tion de la responsabilit de protger propose par leSecrtaire gnral de lONU a pour ambition de ne
pas rester au niveau thorique, mais de participer leffort de la communaut internationale pour donnerune existence concrte, doctrinale, politique et insti-tutionnelle 6 la responsabilit de protger. Pour cefaire, le rapport dlimite sur le plan mthodologiqueds le dbut le primtre plus troit des vnements
tragiques (crimes et violations) autour duquel lestats peuvent parvenir un consensus qui permet-trait de rendre oprationnelle la responsabilit de pro-tger. Il sagit, tout au long du rapport, du gnocide, descrimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimescontre lhumanit. Tout autre vnement ou situation
exceptionnelle sont laisss de ct an dtablir ce mi-nimum dentente entre les tats et de pouvoir doncrendre plus oprationnelle en pratique la nouvelledoctrine de la responsabilit de protger.
Au niveau de la doctrine, le texte du Secrtaire g-nral apporte deux lments majeurs de nouveaut.Si le premier est plutt une conrmation et une expli-citation dune ide plus ancienne concernant la rela-tion entre souverainet et responsabilit de protger,la deuxime qui renforce et prolonge cette ide seveut encore plus radicale et riche de consquences entermes pratiques, par la transposition de la prise encompte de la protection des populations en tant que
prrogative exceptionnelle ou du moins discontinuevers un devoir permanent des tats et de la commu-naut internationale. Ainsi, ce nest pas un hasard si
6 Art. 2, pp. 3-4 du rapport.
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limportance la plus grande est reconnue dans ce rap-port aux deux premiers piliers, alors que la raction
rsolue en temps voulu est envisage plutt commeun geste de dernier recours pour les situations oles actions qui constituent les deux premiers pilierschouent ou savrent insufsantes.
Le premier lment de nouveaut concerne donc larelation entre souverainet et responsabilit de prot-
ger. Si nous parlons ici dune nouveaut, elle ne lestpas dans le sens dune innovation conceptuelle ou delimposition dun nouveau langage politique et juri-dique en droit international ou dans le domaine desrelations internationales. Il sagit plutt dun recadragede la relation entre souverainet et responsabilit de
protger qui ne fait que prparer la dimension opra-tionnelle et processuelle de celle-ci. Le paragraphe 5 dupremier chapitre, Le mandat et son contexte fait djtat du soupon qui doit peser sur le modle classiquede la souverainet comme paravent derrire lequel iltait possible diniger en toute impunit des violencesmassives aux populations . Certes, ceci nest pas unedescription dle de la souverainet et encore moinsune dnition, mais elle renvoie la thorie et la pra-tique propres ltat-nation moderne pour lequel lundes attributs de la souverainet serait le monopole dela violence lgitime. Par ailleurs, lide nest mme pasde revenir, dans ce rapport, des thories classiques ou
des numrations des prrogatives de ltat ou desautres acteurs au sein de la socit internationale ; letexte sattache la description des situations rcentesqui ont permis de considrer que de telles exactionsont pu tre iniges des populations civiles, au nom
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mme de la souverainet tatique et sans que la com-munaut internationale soit capable de ragir en temps
voulu et utile. Le Secrtaire gnral de lONU sefforcede dire que, si nous restons cette conception westpha-lienne (mme si remanie aprs la Deuxime Guerremondiale) de la souverainet, comme prrogative dis-crtionnaire dun tat, nous risquons de tomber, entant que communaut internationale confronte des
crimes et violences, dans une fausse alternative : soit at-tendre que les vnements tragiques prennent n (uneattitude qui prouve plus ou moins directement le res-pect de la souverainet de ltat o ces vnements seproduisent), soit intervenir avec des forces militaires defaon coercitive pour dfendre les populations en dan-
ger et les victimes (une attitude condamnable alors, dupoint de vue de ltat en cause et de sa souverainet).An dviter ce genre dalternatives, le Rapport
de la commission propose par le gouvernement ca-nadien et dirige par Gareth Evans et MohamedSahnoun, La responsabilit de protger , insiste ds2001 sur la compatibilit possible et ncessaire entresouverainet et protection en y insrant un lmentqui tait absent ou nglig auparavant, savoir lespopulations et les individus, dont la protection doitprvaloir sur les intrts ou les priorits des tats etdes relations intertatiques. Cette compatibilit se tra-duit par une obligation durable des tats souverains
envers leurs populations et par une responsabilit entrois moments, fruit dune collaboration troite entreles tats respectifs, la communaut internationale etses institutions : la responsabilit de prvenir, de ra-gir et de reconstruire.
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Du contbutons concptulls mjus :l postvt d l souvnt t l
pmnnc d l potcton
Presque dix ans aprs le Rapport de la CIISE, le Se-crtaire gnral de lONU rappelle le dispositif mis enplace auparavant, conrme ses prsuppositions prin-cipales et renforce lide de lalliance incontournable
entre la responsabilit de protger et la souverainet,une alliance fonde sur un concept positif et afr-matif de cette dernire et sur la permanence de laprotection. Ces deux lments nous semblent tre, auniveau conceptuel, une contribution majeure du rap-port la rexion et la mise en uvre dune stratgie
long terme de la responsabilit de protger. Car ilspermettent en mme temps, et de manire explicite,non seulement dvoquer, mais aussi et surtout de ren-forcer un volet qui tait nglig ou moins trait dansles documents prcdents manant des diffrentes ins-titutions internationales, savoir le volet politique decette responsabilit. An de comprendre ce tournantthorique, commenons par poser quelques questionsrelatives au nouveau concept de souverainet.
Quest-ce que peut donc assurer le caractre lafois positif et afrmatif de la souverainet ? Commentune obligation nouvelle, prvue par ce document et pardautres documents internationaux auxquels les tats
ont adhr, peut-elle donner un contenu supplmentaire la souverainet ou mme la renforcer ? La rponse ces questions se trouve dans un changement doptiquesur la relation qui doit stablir entre les tats et la com-munaut internationale et entre les tats eux-mmes.
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Ainsi, au lieu que les nations soient considres commedes entits libres, dont la souverainet serait la mesure
de leur propre force individuelle, elles seront traites deplus en plus comme des membres dune communautplus large qui nest pas une superpuissance qui limite-rait leur souverainet par des interventions coercitives,mais un garant de celle-ci, condition bien sr quellesrespectent les normes tablies de concert par les mem-
bres de cette communaut. Il ne sagit pas l dune sou-verainet conditionne ou partage et encore moins dela cration dune structure supranationale qui rcupre-rait des prrogatives souveraines des tats, en affaiblis-sant ceux-ci, mais de ce quon pourrait appeler une mu-tualisation des souverainets, une co-responsabilisation
des tats. Elle devient possible ds lors que le primtrede la responsabilit est dlimit par les quatre crimesindiqus dans le rapport (gnocide, crimes de guerre,nettoyage ethnique et crimes contre lhumanit), ce quiconfre du coup une positivit (au sens dune concr-tude) supplmentaire au contenu de la souverainet,qui sajoute et renforce ainsi son caractre afrmatifentant que dplacement de sa signication dun privilge,comme droit de recours la violence lgitime exerceexceptionnellement, vers une obligation politico-mora-le permanente, une responsabilit continue. La dcisionde dlimiter lespace de la responsabilit de protger eny incluant les quatre crimes est sans doute une dcision
fonde sur une stratgie politique qui vise, dune part, obtenir une adhsion de la part dun plus grand nom-bre dtats et, dautre part, prserver une dimensionoprationnelle de la souverainet comme responsabi-lit de protger. Car solliciter le concept au-del
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de sa reconnaissance , pour des calamits climatiques,sanitaires ou alimentaires (et qui peuvent produire
leur tour des catastrophes humanitaires majeures, sansdoute la diffrence nest pas ici dordre quantitatif oustatistique) ne veut pas dire que les tats seraient absousde leur obligation intervenir pour protger les popu-lations en danger, ni que ces mmes tats ne seraientplus responsables envers les populations ou envers la
communaut internationale. Invoquer ce concept pourdautres situations que celles prvues expressment parle rapport risquerait dempcher la prise de dcision auniveau des institutions internationales dont les tatsrespectifs sont membres (une prise de dcision qui estsouvent le rsultat de compromis, de calculs cyniques
ou dopportunits politiques) et de diminuer ainsi la ca-pacit oprationnelle de toute stratgie adopte en com-mun par les tats ou par ces institutions mmes. Dautrepart, de tels vnements se produisent le plus souventde manire ponctuelle, ayant des causes extrieures (parexemple naturelles) ou antrieures (par exemple le co-lonialisme, les dictatures, etc.) au pouvoir en place, quine peut pas ainsi tre rendu responsable de ltat actueldes choses. Autrement dit, il est difcile, sinon impossi-ble de remonter le l politique de lvolution de la soci-t pour trouver en amont des dcisions politiques, descalculs ou des choix dlibrs qui auraient provoqudes fractures sociales ou seulement prot des carences
lgislatives ou des disfonctionnements institutionnelsprcdents.
Cest pourquoi, par la dlimitation du territoire de laresponsabilit de protger, la souverainet acquiert unedimension nouvelle, celle de son exercice permanent en
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tant quobligation de protection. Certes, cette dimensiontrouve sa justication lgale dans les documents inter-
nationaux signs par les tats et dans les engagementsque ceux-ci ont pris les uns envers les autres et devantla communaut internationale. Mais elle a une prsup-position politique encore plus forte qui procde de lamanire denvisager les quatre crimes retenus par lerapport. Cette prsupposition forte est prsente dans le
paragraphe 21 (p. 13 du rapport) et est formule ainsi :
Le gnocide et les autres crimes relevant de laresponsabilit de protger ne se produisent paspar hasard. Ils rsultent le plus souvent dunchoix politique dlibr et calcul, et de dcisions
et dactions de dirigeants politiques prompts tirer prot des fractures sociales et des carencesinstitutionnelles existantes .
Le texte se poursuit, aprs quelques exemples, avecune vision encore plus explicite sur les conditions desurvenance des situations tragiques :
Mme des socits relativement stables, dvelop-pes et progressistes doivent se demander si ellessont exposes de tels vnements, si les germesdintolrance, du fanatisme et de lexclusion pour-raient sy enraciner et rpandre lhorreur et lautodes-
truction, et si leur systmes sociaux, conomiques etpolitiques disposent de mcanismes dautocorrectionpour dissuader et enrayer de telles pulsions Nouscourrons tous un risque si nous croyons que cela nepourrait pas nous arriver .
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La responsabilit de protger :ses acteurs, ses variables
NIVEAU SUPRA-TATIQUE ET TRANS-TATIQUE
NIVEAU INFRA-TATIQUE
TAT
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Trois ides majeures se dgagent de ce paragraphecrucial pour la comprhension de la nouvelle inter-
prtation de la responsabilit de protger.Dabord, sur un vecteur temporel, il faut consid-
rer que les crimes retenus par le rapport font partiedes stratgies qui stablissent long terme et ont descauses qui remontent une volution antrieure de la so-cit considre en termes de responsabilit de pro-
tger , il y a une progression (ou plus exactementune rgression) dans lexercice quotidien du pouvoirsouverain, qui tient soit lincapacit, soit labsencede volont de ltat ou de ses institutions protgersa population, une minorit, un groupe, etc. Plus en-core, cette volution elle-mme nest pas une succession
daccidents ou de dcisions alatoires : une rationalitla prside et en guide les tapes, une rationalit quinest ni individuelle, ni impersonnelle. Autrement dit,il est question de dcisions politiques, mme si lori-gine les contextes empiriques ou les raisonnements quiamnent prendre de telles dcisions peuvent toutaussi bien tre de nature sociale, conomique, militaire,culturelle ou religieuse ; ce qui est nalement dcisifdans la prise des dcisions, cest le fait quune certaineconguration complexe et complique de la socit(avec ses discours, ses structures, ses hirarchies, sesinteractions) acquirent avant et pendant la perptrationde ces crimes une dimension minemment politique,
travers une implication des institutions de ltat et unemodication (au sens de simplication et polarisation)des rapports des forces dans la socit, mais galement travers une oscillation qui devient sensible par-tir dun certain seuil des gures de lautorit, des
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mcanismes de la lgitimit et de la lgalit. Tout celapermet au Secrtaire gnral dinsister, plus que ne
le faisaient les documents antrieurs, sur la dimen-sion politique de la prparation dun crime de telleenvergure. Certes, il peut y avoir, dans ce processus,une certaine composante qui soit prminente et vi-sible (une socit qui connat des tensions ethniques,des conits religieux, des disputes linguistiques),
mais tant que cette composante nest pas rcuprepolitiquement et intgre dans un rapport politiquede forces, un rapport antagoniste et conictuel total,dans un type didologie et dans un type de discourspublic dominant, nous ne sommes pas encore dansle primtre de la responsabilit de protger tel quil
est dlimit par les quatre crimes retenus par le rap-port. Et donc nous ne parlons pas encore dune res-ponsabilit de ltat engage devant la communautinternationale dont ltat respectif fait ventuelle-ment partie en tant que signataire de documents ettraits internationaux.
Ensuite, sur un vecteur spatial, lclatement des conitssociaux, ethniques ou religieux nest pas un privi-lge des socits moins dveloppes ou moins sta-bles. Lide de permanence de la responsabilit deprotger se fait ce point encore plus explicite, carelle renvoie cette fois un processus dinstitutionna-lisation du pouvoir et des rapports de force dans une
socit. Un certain dveloppement conomique, quipeut par ailleurs crer des dcalages trs importantsau niveau international, ne garantit pas par lui-mmele fonctionnement des mcanismes de protection (dela lgislation et des discours publiques jusquaux
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institutions gouvernementales et non gouvernemen-tales). Les fractures sociales peuvent tre sans doute
rduites grce laccs plus large aux biens matrielset/ou linformation, mais le bien-tre conomiqueindividuel et collectif conditionne seulement la stabi-lit, la tolrance, lquilibre entre les diverses forcessociales, sans pouvoir les prenniser. An de compl-ter cette neutralit ou prtendue supriorit de type
libral de lconomique (vue parfois comme une so-lution miraculeuse des crises profondes, que ce soitdans des rgions dveloppes ou moins dveloppesdu monde), la prsence dune stratgie politique estncessaire, avec des institutions, des programmes,des hommes et des femmes engags, avec une sphre
publique solide pour faire entendre la pluralit desopinions, avec un dialogue rpt et institutionnalisentre les diffrentes cultures juridiques, les pratiqueset les reprsentations sociales. Le revirement de lex-trme droite en Europe depuis quelques annes, avecses messages dintolrance, de haine ethnique, raciale,de xnophobie, sur fond de crise conomique ou deproblmes sociopolitiques spciques certains pays,conrme cette ide du rapport selon laquelle le d-veloppement conomique dun tat ou dune com-munaut dtats nempche pas automatiquementle possible clatement dune tragdie. Le rapport neparle pas de la probabilit de tels vnements, mais
de lexistence ou de lmergence des conditions quipeuvent les favoriser. Do la ncessit de crer desmcanismes institutionnels de veille et dalerte mmedans des socits dites avances, capables de signalerlorsquun seuil critique aura t dpass.
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Enn, sur un vecteur structurel-rgulateur, lexistencedes mcanismes dautocorrection dans une socit
confre la prvention un contenu concret et durable.Le premier mcanisme de ce type et le plus facile identier (mme sil subsiste une difcult particu-lire quant son fonctionnement effectif et correct)est de nature juridique. Le fait que les tats deviennent parties aux instruments internationaux pertinents
des droits de lHomme, du droit international huma-nitaire, et du droit des rfugis, ainsi quau Statut deRome de la Cour pnale internationale (par. 17 durapport du Secrtaire gnral) est la condition nces-saire, mais pas encore sufsante, pour sinscrire dansla logique de la prvention juridique des conits et
des crimes : il faut que ces normes internationalessoient intgres dans la lgislation interne et que dessanctions claires et rapides puissent tre prvues encas de violations massives des droits de lHomme oudincitation commettre de telles violations. Larti-culation fonctionnelle entre le droit international etle droit interne devient vidente lorsque les institu-tions juridiques dun tat prvoient de manire expli-cite non seulement la protection des minorits ou descatgories sociales vulnrables sur la base dun accslibre et gal la justice, mais galement des schmas
judiciaires pour dcourager limpunit, qui donnent,nalement, toute la mesure de leffectivit du systme
juridique. Signer des documents pour ladhsion auxtraits internationaux est une chose, mais sappro-prier de faon concrte les normes internationales etles faire communiquer avec le droit national (formelet coutumier) en est une autre. La responsabilit de
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protger dun tat peut donc tre value selon sacapacit mener jusquau bout des actions en justice
contre ceux (individus ou groupes) qui se rendentcoupables de violences ou dincitations la violencetelles que dcrites par le rapport.
Mais la dimension juridique elle seule ne peutpas assurer une consistance durable au niveau in-terne de la prvention et de la protection. Elle reste
supercielle et fragile (ou, au contraire, autoritaire,mais toujours formelle) si elle nest pas accompa-gne par une dissmination dans la socit, dans sesstructures institutionnelles et civiles (civiques) despratiques et des attitudes relevant de la responsabi-lit de protger. Comment une socit, comment une
culture peut-elle intgrer les normes et les valeursde la responsabilit de protger ? Ou, en dautrestermes, quy a-t-il de naturel ou dvident danscette opration en sorte quelle puisse tre assimileet assume non seulement par quelques institutionsde ltat et titre exceptionnel, mais par les membresdune socit dans leurs pratiques quotidiennes ? Lapremire rponse qui simpose delle-mme est quela conception de la responsabilit de protger inclutdes valeurs fondamentales et universelles comme lerespect de la vie, une vie digne, linterdit de tuer, etc.Mais si fondamentales et universelles quelles soient,ces valeurs (rcupres dans les diffrentes dclara-
tions et doctrines des droits de lHomme) narriventpas empcher les crimes, les violences, les conits. Ilfaut quelles puissent tre intgres dans un tissu demcanismes politiques, juridiques, sociaux, civiques,ducationnels, religieux, dont laction concerte et
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diffrencie selon lge, la catgorie sociale, la cat-gorie professionnelle, la croyance, etc. dcourage ou
empche mme lclatement des vnements tragiques.Le rapport cite quelques-uns de ces mcanismes, sansavoir la prtention et les moyens den puiser la liste.Ainsi, dune part, lintrieur de la socit, on peutvoquer : une socit civile dynamique, une presseindpendante et libre, des structures de recherche ca-
pables danalyser les causes du dclenchement desviolences, des programmes de formation, dappren-tissage et dducation, etc. Dautre part, il faut noteraussi que la communaut internationale peut sontour participer de cet effort de rendre permanentes et ef-fectives la prvention des conits et la protection des
populations travers des leviers qui lui sont propres,et qui peuvent aller des pressions morales et diplo-matiques condentielles jusquaux discours expliciteset directs, qui vont activer la rhtorique de la persua-sion et de la dissuasion, des avantages et des incon-vnients quauraient les tats gagner ou perdre(en termes mme de gains et de pertes conomiques)en commettant ou linverse en sinterdisant de com-mettre des crimes relevant de la responsabilit deprotger. Enn, toutes ces actions et efforts risquentde rester ponctuels et sans consquences long termesi elles/ils ne sont pas intgrs dans un processus derenforcement des capacits propres des tats et des
socits diminuer le risque de crimes et de violences.An que ce processus puisse continuer dans le temps,il doit tre cumulatif et comprendre un certain nom-bre de capacits transversales que le rapport numredans la partie consacre au deuxime pilier de la res-
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ponsabilit de protger, Assistance internationale etrenforcement des capacits . Parmi les cinq capacits
voques par le rapport, insistons un moment sur ladernire, qui trouve par ailleurs son inspiration dansla pense dAmartya Sen, prix Nobel dconomie etauteur dune riche rexion sur la scurit humainedans les annes 2000. Lconomiste indien parle dansses ouvrages de capabilits et ce terme repris de
langlais traduit en fait ce que le rapport appelle lacapacit de reproduire des capacits , autrement ditlabsorption et lenracinement dans la socit de cer-taines valeurs, de certains comportements et comp-tences qui garantissent par eux-mmes la possibilitde se reproduire dans lespace et dans le temps. Dans
cet exercice, un rle majeur est jou par les institutionsde formation et de recherche, dont limportance a tsouvent nglige par les institutions de ltat ou parles hommes politiques.
La Francophonie a la chance davoir dveloppdepuis presque cinq dcennies un rseau universitaire,acadmique et de recherche qui a impuls dans sesdiffrentes rgions des rexions, des programmes deformation et des actions de recherche autour de cettethmatique de la scurit humaine et plus rcemmentde la responsabilit de protger.
titre dexemple, nous allons illustrer dans les
pages qui suivent cette rexion avec une synthse ra-lise en 2009 et 2010 par le collectif thmatique Figu-res de ltat et institutionnalisation du pouvoir dansle cadre de lAgence universitaire de la Francophonie.Cette synthse na dautre ambition que doffrir aux
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institutions et aux dcideurs de la Francophonie et dela communaut internationale un outil conceptuel,
un point de vue sur les stratgies susceptibles dtreadoptes par les organisations internationales en vuede construire leurs actions prospectives autour de laresponsabilit de protger.
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CHaPiTre ii.Contbuton du collctf
thmtqu Fgus d ltt t
nsttutonnlston du pouvo
u dbt su l sponsblt
d potg
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Quston cntl :
Dans quelle mesure est-il possible didentier des pro-
jets et des processus politiques pouvant conduire des criseshumanitaires graves (gnocide, crimes de guerre, nettoyageethnique, crime contre lhumanit) et susceptibles dtrediagnostiqus assez tt pour permettre une stratgie de pr-vention efcace en temps voulu ?
1 Auteurs : Andr Cabanis, Patrice Canivez, Ghania Graba, Ernest-Marie Mbonda, Ciprian Mihali.
Pouvoir
(gouvernance etrapports des forces)
Autorit(lgalit etlgitimit)
tat(institutions et
sphre publique)
Socit-
communauts(pratiques, valeurs et
reprsentations)
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agumnt :
Le rapport du Secrtaire gnral des Nations unies,portant sur La mise en uvre de la responsabilit deprotger du 12 janvier 2009, invite les chercheurs dumonde entier tudier les causes internes et externesqui font que des socits sombrent dans une violencequi dclenche trs souvent des crises humanitaires. Un
tel phnomne qui se produit sur un fond de ce quele rapport appelle fractures sociales et carencesinstitutionnelles ne permet dafrmer ni le caractrespontan ni la survenance par hasard des proces-sus dclenchants. Des projets politiques, des processussociaux, conomiques ou autres dont il conviendrait
dinterroger la rationalit dlibrative et les signes avant-coureurs sont luvre sur le long terme. Ils relventtrs souvent, la fois des formes dinstitutionnalisationdu pouvoir, des ruptures dans les rapports sociaux desforces, des mcanismes de la lgalit et de la lgitimit,de lapparition de nouvelles gures de lautorit poli-tique et non-politique (sociale, religieuse, conomique,etc.) avec des discours et des pratiques spciques.
Le collectif Figures de ltat et institutionnalisa-tion du pouvoir se propose de rchir sur les critresqui permettent de dceler les choix politiques ou non-politiques qui peuvent provoquer des crises humani-taires graves, travers une grille danalyse qui tient
compte de plusieurs indicateurs, dont : le rle de ltatet des pouvoirs dans une socit ; les discontinuits quise produisent dans le fonctionnement des institutions,les tensions dans les pratiques sociales ; les dsquili-bres dans les rapports de forces en socit, etc.
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Qustons tt :
1. Quels sont les critres qui permettent de pr-sumer quun choix dlibr de gnocide, crime de
guerre, nettoyage ethnique, crime contre lhuma-nit a t fait et a commenc tre mis en uvresous forme de prparatifs ?
La rponse cette question devrait faire apparatreune convergence dindicateurs tels que : le dveloppement dune propagande agressive,
notamment dans les mdias de grande diffu-sion (chanes de tlvision, radios) lencontrede certaines communauts ethniques, linguis-
tiques ou religieuses ; lexistence et la diffusion de doctrines justiantces pratiques, la reprise de ces doctrines par cer-tains responsables politiques ;
la pratique darrestations arbitraires, la mise enplace de milices directement ou indirectementcontrles par les gouvernements ou par cer-tains partis politiques, le soutien de larme (oude la police) ces milices, les exactions (expul-sions de territoires, expropriations, violencesaux personnes) lencontre des populationscibles, la participation directe de ladministra-tion, de la police ou de larme ces violences
ou leur organisation ( leur logistique).Cest la convergence de tels facteurs qui laisse pr-
sumer quun projet dlibr a t dcid ou est en trainde prendre forme. Cette convergence, ainsi que la si-multanit de lapparition de ces facteurs, ou encore
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leur mise en uvre selon une succession ordonne,cre un faisceau de prsomptions. Toutefois, le pro-
jet peut prendre forme de manire progressive, alorsque les violences ou les exactions ont dj commenc.Dans ce cas, la cristallisation du projet est encouragepar la radicalisation des antagonismes, par labsencedopposition interne, par la faiblesse ou limpuissancede cette opposition si elle existe, par labsence ou lin-
sufsance des ractions au sein de la communautinternationale.
a. Quels sont les critres qui permettent didentier unprojet politique comme pouvant donner lieu une crise
humanitaire grave ?Ces critres sont de trois ordres : 1) lois ou pro-
jets de lois visant soit sparer les populations (apar-theid, puration ethnique ou linguistique, etc.), soit les discriminer en rservant laccs certains ser-vices (par exemple lducation ou les tablissementsde sant) ou certaines fonctions ; et dune maniregnrale : lois ou projets de lois instaurant ou aggra-vant les ingalits ; 2) pratiques administratives, poli-cires ou judiciaires instaurant des discriminations ouingalits de ce type, en dehors de tout cadre lgal ouen contradiction avec les lois en vigueur, liquidation
dopposants politiques, de journalistes, de militantssyndicaux ou dorganisations de dfense des droitsciviques, etc. ; 3) discours publics visant lgitimerces mesures : discours identitaires (racistes, etc.), dis-cours fondamentalistes, discours de ressentiment ou
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de victimisation prsentant certains groupes ou com-munauts comme victimes dinjustices ou de perscu-
tions historiques de la part dautres groupes ou com-munauts, lencontre desquels les premiers doiventse dfendre ou prendre leur revanche, discours debouc missaire rendant certains groupes ou commu-nauts responsables de crises conomiques, sociales,identitaires, etc.
b. Quels sont les processus de nature non-politique (so-ciaux, conomiques, communautaires, religieux) qui
peuvent conduire ce type de crise ?
Ingalits persistantes face la loi et dans laccsaux services publics (ducation, sant, etc.) ; arbitraireadministratif ; impossibilit, pour les victimes dexac-tions ou de dnis de droit dobtenir justice des tribu-naux ; antagonismes ethniques, religieux, linguistiquesnon mdiatiss ou soustraits la ngociation,cest--dire qui ne donnent pas lieu des procduresdarbitrage ou des politiques de re-mdiation (n-gociation) ou de compensation (mesures lgislativespour protger les droits de certaines communauts,politiques sociales et culturelles visant rduire lesingalits, etc.) ; crises conomiques qui intensientces tensions, soit quelles frappent prfrentiellement
certaines catgories sociales ou communauts, soitquelles favorisent le discours et la stratgie du boucmissaire ; dveloppement de pratiques et discoursdmagogiques de la part de certains partis politiques(notamment quand les chefs de parti, pour des raisons
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lectorales, creusent les clivages ou attisent les ten-sions au lieu de les attnuer) ; restrictions ou sup-
pression de la libert de la presse (notamment dop-position).
2.Commentidentierlesseuilsdediscontinuits
qui font basculer une situation de stabilit rela-
tive (allant du fonctionnement normal des pou-voirs publics et de la cohsion sociale jusqu desformes de tension ou de conits plus ou moins
matriss) dans une situation de crise violente ?
La stabilit relative peut tre caractrise par lab-
sence de violences visibles. Une crise violente estcaractrise par des violences physiques perptres grande chelle. partir de l, on peut dire que lesseuils de discontinuit qui mnent de lune lautresont dnis par lapparition de formes de violencesintermdiaires, qui sont gradues qualitativement etquantitativement, cest--dire selon des critres din-tensit et dchelle. titre desquisse, on peut identi-er des seuils correspondant lapparition :
de violences sociales : privation ou restriction delaccs certaines ressources : sant, ducation ;restriction dans laccs lemploi ; restrictiondans lusage de certaines infrastructures (trans-
ports, communications), de lalimentation eneau, lectricit, etc. ;
de violences aux biens : destructions de propri-ts, de rcoltes, dinfrastructures, etc. ;
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de violences aux personnes : intimidations,exactions, expropriations, arrestations et em-
prisonnements arbitraires, emprisonnement ouassassinat dopposants politiques, de journa-listes, de militants dorganisations de dfensedes droits de lHomme ou de mouvements dedroits civiques, etc. ;
de violences du mme type que dans lalina
prcdent, mais perptres lencontre de com-munauts ou de groupes cibls en tant que tels, plus ou moins grande chelle, par des milicesorganises ;
soutien direct ou indirect de larme et/ou de lapolice ces violences.
3. Quels sont les indicateurs signalant la ncessitde mise en place dune stratgie de prvention soit
par un dispositif daide aux tats, soit en se subs-tituant eux pour le faire ? Si la prvention se fait
par phase, quels sont les indicateurs qui signalentla ncessit de passer dune phase lautre ?
Les indicateurs sentendent ici comme des signesannonant, de manire relativement prcise, lim-minence dune situation grave. Dans le cas qui nousconcerne, il sagit des signes quon peut considrer
soit comme des dterminants, soit simplement commedes rvlateurs dvnements de grande ampleurcomme le gnocide, les crimes de guerre, le nettoyageethnique et les crimes contre lhumanit.
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Dune manire gnrale, les processus qui con-duisent certaines socits des crises humanitaires
graves sont assez longs et se dveloppent de maniregraduelle. Les indicateurs ne se prsentent pas sousla mme forme toutes les tapes du processus. Demme, les indicateurs qui annoncent un gnocide ouun nettoyage ethnique ne sont pas identiques ceuxqui laissent prsager des crimes de guerre (ceux-ci
ntant possibles que quand une guerre est en cours)ou des crimes contre lhumanit.On peut globalement distinguer (pour simplier),
deux grandes phases dans tout processus conduisantvers une crise humanitaire grave. Il y a une phasede relative confusion o certains facteurs sociaux et
politiques apparaissent sans quil soit possible dendduire des prdictions certaines. Il y a une secondephase, celle qui prcde immdiatement les crises, oces facteurs deviennent des indicateurs beaucoup plusprcis qui ne laissent aucun doute sur limminence dela crise.
Par rapport la premire phase, le facteur princi-pal est la manire dont les institutions publiques or-ganisent la rpartition des biens sociaux et politiquesentre les diffrents groupes ethniques qui consti-tuent la socit. Si lon dnit ce facteur en termesdindicateurs, on peut mentionner:
la faible reprsentativit de certains groupes ethniques dans les institutions publiques(administratives et politiques) et la sur-repr-sentation du groupe ethnique dont est issu lechef de ltat ;
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une discrimination manifeste dans les allocationsdes diffrentes ressources publiques (routes,
coles, hpitaux, eau, lectricit), les rgionsfavorables ou proches du chef de ltat tantbeaucoup mieux loties ;
diffrenciations sociales visibles dans les grandesagglomrations (bidonville monstrueux et quar-tiers luxueux ferms).
Si ce facteur engendre des frustrations au sein desgroupes les plus dfavoriss ou les plus discrimins,ce sont ces frustrations qui terme nourrissent destensions particulirement vives. Une stratgie de pr-vention peut ds lors tre envisage, qui consisterait aider ltat se doter de procdures administratives
et politiques quitables de rpartition des biens so-ciaux et politiques et doter les rgions dfavorisesdes infrastructures dont elles taient prives.
Par rapport la seconde phase (celle qui prcdeimmdiatement les crises), on peut citer comme indi-cateurs :
les manifestations de xnophobie travers destracts ou des mdias privs ;
lapparition, dans le langage ordinaire, des m-taphores guerrires ou belliqueuses ;
la dsignation des personnes appartenant dautres groupes en termes dennemis ;
lappel la mobilisation contre les autres (in-dexs comme ennemis) ;
lampleur des rcriminations de certains groupesethniques en direction du pouvoir central, et endirection des groupes proches de ce pouvoir.
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De tels indicateurs font appel une autre formede prvention. Ils exigent notamment le passage dun
simple soutien la rforme des institutions une mo-bilisation plus politique (lection avec obligation dequotas de reprsentation des minorits, dcentrali-sation, etc.), voire militaire : incitation des autoritspolitiques en place prendre des mesures immdiatesen vue de dsamorcer les tensions sociales ; renforce-
ment des dispositifs de scurit publique ; mise enplace de dispositifs dintervention rapide.
4. Quels sont les mcanismes dautovaluation(faisant intervenir les institutions, les comits
dexperts, les mdias, le monde associatif, les ONG,lopinion publique) que peuvent mettre en place lestats en matire de prvention de crise humani-taire grave pour mieux assumer leur responsabilitde protger ?
Rapports dexperts indpendants faisant lobjet depublications ; autovaluation rgulire des adminis-trations conditionnant lattribution et le renouvelle-ment des crdits ; enqutes ministrielles publiques ;partenariat avec les mouvements associatifs. Dunemanire gnrale : garantie de la libert de la presseet de la libert de communication qui, dune part,
permettent le dveloppement de la pense critiquespontane, et dautre part, assurent la publicit et ladiffusion des dbats, contribuant ainsi la formationet la vigilance de lopinion publique.
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5. Dans quelle mesure la Dclaration de Bamakosinscrit-elledanslalogiquedelaprventionef-
cace en temps voulu ?
Le plan adopt par les auteurs de la Dclarationde Bamako tmoigne de ce que leur objectif taitmoins de prvenir les crises humanitaires gravesque de dnir les grands principes auxquels la Fran-
cophonie institutionnelle est attache, en matire dedmocratie et de droits de lHomme. Le ton gnralest celui dun texte prescripteur de bonnes pratiquesplus que de dtermination de seuils partir desquelsdclencher des systmes dalerte, sauf interprterchaque engagement et chaque prescription comme
permettant de reprer en quelque sorte en creux ou par un raisonnement a contrario, les violations sus-ceptibles de justier des ractions collectives de lapart de la communaut francophone. Pour autant, lecinquime point, celui qui organise laction conjointedu Secrtaire gnral, du Conseil permanent de laFrancophonie (CPF), du prsident de la Confrenceministrielle de la Francophonie et de la Dlgation la Dmocratie et aux Droits de lHomme, impliquela dtermination de critres clairs pour xer les seuils partir desquels les institutions de la Francophonieseront fondes se mettre en branle. Ce sont quatreniveaux dintervention que prvoit la Dclaration de
Bamako.Le premier peut tre prsent comme un dispositif
de veille. Il impose au Secrtaire gnral de se tenir in-form en permanence de la situation de la dmocratieet des droits et liberts dans lespace francophone. Le
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deuxime niveau dintervention relve du Secrtairegnral et se dclenche en cas de crise de la dmocratie
ou de violations graves des droits de lHomme. Il se tra-duit par deux types de mesures possibles : dune partenvoi dun facilitateur, dautre part envoi dobserva-teurs judiciaires. Le troisime niveau dintervention,qui nous intresse plus particulirement ici, permetau CPF de prendre position sil lui apparat quil y a
rupture de la dmocratie et violations massives des droitsde lHomme. Il va donc condamner publiquement cettesituation et exiger le rtablissement de lordre consti-tutionnel ou larrt immdiat des violations des droitsde lHomme. Le Secrtaire gnral, par ailleurs, peutenvoyer une mission dinformation et de contacts
dans le pays. Enn, compte tenu du rapport et descommentaires, le CPF peut prendre toute une sriede mesures qui ne sont pas qualies de sanctions mais qui sy apparentent.
Il reste alors dterminer, parmi les principes fon-damentaux afrms par la Dclaration de Bamako,parmi les conditions rassembler pour leur mise enuvre et parmi les engagements concrets souscrits parles ministres et chefs de dlgation, ceux qui peuventsinscrire dans un processus de prvention. Cette re-cherche suppose de distinguer, dune part, ce qui faitgure de conseils donns aux gouvernements pouraccompagner la dmocratie et les droits et liberts,
ce qui ne peut tre interprt que comme des profes-sions de foi auxquelles on souhaite adhrer sans tretoujours pleinement convaincus de leur ralisme et cequi apparat comme relevant dune conception maxi-maliste de la dmocratie, dun niveau jusqu prsent
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jamais atteint nulle part, et dautre part, ce qui consti-tue des exigences impratives.
Finalement, dans cette Dclaration de Bamako, cequi frappe le lecteur, cest la rptition des rfrences lorganisation dlections libres et au respect de ltatde droit. Mme si le grand nombre dallusions cesdeux exigences prsentes comme indissociables dela dmocratie, des droits et des liberts constitue un
critre insufsamment convaincant, il nen reste pasmoins que les efforts mobiliss pour numrer tout cequi peut en garantir le respect ne peut relever du seulhasard. Ainsi en va-t-il des lections avec des prescrip-tions concernant le multipartisme, le statut de loppo-sition, lgalit des candidats, la libert des campagnes
lectorales, la rgularit du scrutin et notamment desoprations de dpouillement et jusqu la promessede nancements publics. Ainsi en va-t-il galement deltat de droit avec des exhortations la scurit juri-dique, lindpendance de la magistrature, la libertdu barreau, au contrle de tous les tablissements pu-blics ou privs maniant des fonds publics et jusqula ratication des principaux instruments internatio-naux et rgionaux relatifs aux droits de lHomme. Ensomme, si lon souhaite rechercher dans la proclama-tion de Bamako des lments aptes favoriser une lo-gique de prvention en allant au-del de la formule,un peu trop gnrale pour tre facilement exploitable,
sur latteinte plus ou moins importante la dmocra-tie et aux droits de lHomme, cest sans doute en seconcentrant sur ce double aspect, celui des lectionset de ltat de droit, que lon peut trouver quelqueslments de rexion.
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DeUxiMe ParTie
Un sttg d pvnton
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Depuis la n de la guerre froide, la scne interna-tionale a enregistr de nombreux conits, qui se dis-tinguent des conits traditionnels par leur caractredavantage civil quinternational, leur intensit, la
nature des victimes et des acteurs qui y participent,sans que la communaut internationale (lONU,lOIF, les organisations rgionales, etc.) parviennetoujours y faire face de manire efcace. Il est main-tenant bien connu que certaines crises humanitairestragiques, comme celle du Rwanda en 1994, auraient
pu tre dsamorces si tout le dispositif de prven-tion et de raction prvu par lONU et par certainesautres institutions avait t mis en place. En cons-quence, en tirant les leons des checs du pass, leconcept de prvention semble simposer aujourdhuicomme lune des notions centrales du discours poli-tique international, dans un monde toujours traverspar de multiples menaces (conits intertatiques,conits intra-tatiques, terrorismes, gnocides, in-scurit humaine, crises humanitaires, etc.). Si, pen-dant longtemps, ce sont les notions de raction ou de gestion qui semblaient dnir la posturepolitique et analytique la plus approprie en ma-
tire de crises politiques et humanitaires, il est de-venu aujourdhui plus commode de se rfrer la notion de prvention et de lui accorder uneimportance primordiale.
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Dun point de vue normatif/moral, la prventionpermet dviter aux humains ce que Kant, proccup
par la ralisation de la paix perptuelle , dcrivaiten termes dhorreurs causes par la guerre. Cest cetobjectif de la paix que poursuit lONU depuis sa cra-tion ainsi que lindique sa charte constitutive : pr-server les gnrations futures du au de la guerrequi deux fois en lespace dune vie humaine a inig
lhumanit dindicibles souffrances . Et dun pointde vue utilitariste (politique et conomique), il estmaintenant tabli que la simple gestion des crises hu-manitaires comporte un cot considrablement pluslev que la prvention de ces crises. Il existe donc debonnes raisons daccorder la prvention une impor-
tance prioritaire dans la prise en charge des conits etdes menaces qui psent nalement sur tous les tats,les plus puissants ne pouvant gure prtendre en trepargns (comme on la vu avec les attentats du 11septembre 2001 aux tats-Unis).
La prvention renvoie un certain nombre de me-sures prendre et mettre en uvre pour empcherquune menace virtuelle se ralise. Si la signicationconceptuelle de la prvention ne soulve aucune dif-cult, sa signication politique ne va pas de soi. Lesorganisations internationales charges de garantir lapaix dans le monde ne la conoivent pas de la mmemanire. Le texte ci-dessous se propose de faire une
analyse compare de la politique onusienne et de lapolitique francophone de la prvention. Il seraquestion de voir si lOIF, tout en souscrivant auxprincipes gnraux et aux diffrentes initiatives rete-nus au niveau de lONU, prsente une particularit
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qui laisserait apparatre une sorte de plus-value francophone. On rappellera dabord la politique et
les mcanismes onusiens de prvention avant desituer la dmarche de lOIF par rapport celle delONU.
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CHaPiTre i.L poltqu onusnn
d l pvnton : d l
dplomt pvntv
l sponsblt d potg
La prvention apparat comme le concept centralde la problmatique de la paix et de la scurit dans
lordre international, comme on peut le voir ds lepremier article de la Charte de lONU. Certes, lONUsengage autant prvenir et carter les me-naces la paix , qu rprimer tout acte dagressionou autre rupture de la paix (cf. chapitre VII de lacharte). Mais en mme temps, elle accorde sa prf-rence aux mesures de prvention et, le cas chant, la rsolution pacique des diffrends entre sesmembres. Les rapports produits par les diffrents se-crtaires gnraux qui se sont succd lONU sontlargement revenus sur cette question de la prventionen dplorant que son principe soit rest relativementlettre morte et en plaidant pour que sopre une sorte
de rupture avec la culture de la raction au protdune culture de la prvention . Ces diffrents textesfont apparatre un certain nombre de notions et deprincipes sur lesquels repose cette option prioritairepour la prvention.
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section 1. L dplomt pvntv
Si dans les normes onusiennes, la prvention oc-cupe une place importante, la pratique de la gestiondes crises qui ont maill lordre international depuisla n de la Seconde Guerre mondiale, en particulierdepuis la n de la guerre froide, a sembl privilgier
la culture de la raction . Cest dans le but de re-donner la prvention toute son importance que leConseil de scurit de lONU, dans un contexte mar-qu par lapparition de nouveaux types de menaces(guerres civiles, rsurgences des antagonismes identi-taires lis lappartenance ethnique ou religieuse, ter-
rorisme, aggravation de linscurit lie la pauvret, la maladie et la famine, discriminations socio-co-nomiques, oppression des minorits, faiblesse desinstitutions sociopolitiques, mauvaise gouvernance,ux migratoires, etc.) demanda au Secrtaire gnral,Boutros Boutros-Ghali, d laborer une tude et desrecommandations sur le moyen de renforcer la ca-pacit (de lONU) dans les domaines de la diplomatie
prventive [cest nous qui soulignons], du maintien etdu rtablissement de la paix et sur la faon daccro-tre son efcacit, dans le cadre des dispositions dela Charte. Ce rapport, appel Lagenda pour la paix(1992) constitue cet gard une authentique charte de
la dmocratie prventive.Dans ce document, la diplomatie prventive est
prsente comme le premier lment dun ensemblede quatre oprations, avec le maintien, le rtablisse-ment et la consolidation de la paix. Elle consiste en
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quatre activits : la collecte des informations, lalerteprcoce, le dploiement prventif et la dmilitarisa-
tion de certaines zones. La collecte des informationspermet de disposer de donnes ables sur les situa-tions socio-conomiques et politiques susceptiblesde gnrer des crises. Ces informations peuventprovenir aussi bien de sources ofcielles (rapportsdes tats) que des sources non ofcielles (ONG), et
aussi des organisations intergouvernementales ou decertaines structures onusiennes telles le Conseil co-nomique et social (conformment larticle 65 de lacharte). Lanalyse de ces informations peut conduirele cas chant une alerte prcoce , cest--dire un appel la vigilance face une situation suscepti-
ble de dgnrer en une crise grave. Lalerte prcoceconsiste envisager des stratgies daction mettre enuvre ds le moment o un certain seuil a t franchidans la manifestation des indicateurs de risques deconits. Il appartient au Secrtaire gnral de lONU,conformment larticle 99 de la charte, d attirerlattention du Conseil de scurit sur toute affairequi, son avis, pourrait mettre en danger le maintiende la paix et de la scurit internationales . Lalerteprcoce peut donc dboucher sur ce que LAgenda
pour la paix appelle un dploiement prventif quiintervient dans trois types de situations possibles :tensions internes, diffrends intertatiques, et peur
de la part dun tat dune possible agression par unautre tat.
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