La Republique Dupa 00 Grat

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La Republique Du Paraguay

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    LA

    RPUBLIQUE DU PARAGUAY

  • DU MEME AUTEUR

    LA CONFDRATION ARGENTINE. Un vol. in-8 de 400 pages aveccartes, plaDs, portrait?, etc. Deuxime dition. 4865.

    MMOIRE SUR LES PRODUCTIONS MINRALES DE LA CONF-DRATION ARGENTINE. Un vol. in-8.

    Bruxelles. Typ. de Y* Pakent & Fils, diteurs, montagne de Sion, 17.

  • LA RPUBLIQUEDU

    PARAGUAYALFRED M. DU GRTY

    Colonel d'artillerieancien sous-secrtaire d'Etat aux Ministres des Affaires trangres et des Finances

    de la Rpublique Argentine, etc.Membre correspondant de la Socit gographique, de la Socit gologique

    et de l'Association centrale pour l'amlioration des classes laborieuses de Prussemembre correspondant de l'Association des amis de l'histoire naturelle de la Plata

    membre-fondateur de la Socit des antiquaires du Nord, de Copenhaguevice-prsident honoraire de la Socit universelle

    pour l'encouragement des arts et de l'industrie et membre correspondant pour la classedes sciences de l'Athne des arts de Paris, etc., etc.

    Commandeur de l'Ordre du Christ et officier de l'Ordre Imprial de la Rose du BrsilChevalier de l'Ordre Lopold de Belgique, de l'Aigle-Rouge de Prusse

    de Charles III d'Espagne, etc.

    DEUXIEME EDITION

    BRUXELLES, LEIPZIG, GANDLIBRAIRIE EUROPENNE RE C. MUQUARDT

    LondresTRUBXER & COUP, PATERKOSTER ROW

    I 865TOUS DROITS KSEKYS

  • A SON EXCELLENCE

    MONSIEUR CHARLES ANTOINE LOPEZ,

    PRSIDENT DE LA RPUBLIQUE DU PARAGUAY.

    Monsieur le Prsident,

    J'ai runi les notes que j'avais recueillies sur le

    Paraguay pendant le sjour que je viens d'y faire et

    j'en ai form un livre qui contient le rsultat de mes

    explorations et de l'tude de quelques questions qui

    intressent ce beau pays.

    Si ces pages, livres la publicit dans le but de faire

    connatre l'importance du Paraguay et les nombreux

    lments de richesse dont il est dot, rvlent de ma

    part un sentiment sympathique envers ce pays, j'espre

    que les Paraguayens, dont j'ai conserv un agrable sou-

  • venir, y verront une manifestation sincre de l'intrt

    que je prends la prosprit de leur patrie. C'est

    en tmoignage de ces sentiments que je me permets

    de taire hommage de mon travail a Votre Excellence,

    qui depuis tant d'annes dirige les destines du Para-

    guay par la volont unanime, si souvent manifeste, des

    citoyens paraguayens, dont le bon sens, l'amour de

    Tordre et du travail, ont concouru avec la politique

    gage et habile de Votre Excellence prserver si heu-

    reusement ce pays des maux qui affligent depuis trop

    longtemps les autres Rpubliques hispano-amricaines.

    Veuillez, Monsieur le Prsident, en acceptant l'hom-

    mage de ce livre et l'expression des vux que je forme

    pour que le Paraguay continue marcher dans la voie

    de progrs dans laquelle le guide Votre Excellence,

    recevoir les nouvelles assurances de mes sentiments

    respectueux.

    De Votre Excellence,

    Le trs-humble et trs-obissant serviteur,

    Alfred M. du Graty.

    Bruxelles, 1" janvier 1862.

  • INTRODUCTION.

    Aprs une rsidence de douze ans dans la Plata, je

    formai le projet d'aller passer quelque temps en Europe;

    mais avant de m'loigner, peut-tre sans retour, de

    l'Amrique du Sud, je dsirai visiter le Paraguay, qui

    depuis longtemps excitait ma curiosit. Je rsolus donc

    de consacrer quelques mois cette exploration, afin

    d'tre mme de rapporter en Europe des donnescertaines sur l'tat de ce pays, sur ses ressources, sur

    l'avenir qui lui est rserv et sur les avantages qu'il

    pourrait offrir au commerce et l'immigration.

    J'en prouvai un dsir d'autant plus vif que les pays

    de la Plata me paraissent disposer nouer d'troites

    relations avec les petits tats europens, qui, tout enleur prsentant les ressources commerciales des grandes

  • VIII INTRODUCTION.

    nations et en leur promettant le contingent d'une immi-

    gration intelligente et laborieuse, ne peuvent leur faire

    craindre de ces difficults suscites assez souvent par

    les grandes puissances, afin d'obtenir, par la force, des

    avantages politiques ou commerciaux.

    Quoique, pendant mon long sjour en Amrique, jeme fusse aperu qu'il tait difficile d'amener les hommesd'tat de mon pays natal, profiter de ces dispositions

    et prendre les mesures convenables pour faire parti-

    ciper la Belgique aux avantages qu'offriraient les pays

    de la Plata ses entreprises commerciales et indus-

    trielles ainsi qu' son excdant de population, je ne

    renonai pas l'espoir de voir adopter en Belgique,

    l'gard de ces pays, une politique extrieure plus active,

    ayant des effets plus positifs, plus palpables, en un

    mot^ plus avantageuse pour le commerce belge, trop peu

    entreprenant sans doute et qu'il tait d'autant plus

    ncessaire de stimuler, d'encourager et d'aider trou-

    ver de nouveaux dbouchs.

    Le moyen le plus certain, mon avis, tait de diriger

    vers ces contres l'migration belge, car il ne suffit pas

    de conclure des traits de commerce pour donner, dans

    le sens pratique, un march un pays; il faut encore,aprs avoir, par des traits, ouvert et garanti ce march,

    en faire profiter le commerce et l'industrie, en faveur

    desquels se ngocient et se signent ces traits; car c'est

    seulement alors que ces pactes internationaux, de si

    peu de valeur en eux-mmes, moins de contenirdes faveurs spciales, ce qui n'est pas l'habitude, altei-

  • INTRODUCTION. IX

    gnent le but que l'on a eu en vue en les signant, c'est-

    -dire de crer des dbouchs l'industrie nationale.

    Fort de cette conviction, j'avais l'honneur de dire

    S. M. le Roi des Belges, le 1 er janvier 1857 (1) : La colonisation belge

    ,dans la Confdration

    Argentine, ouvrirait un nouveau dbouch l'industrie

    de la Belgique : car les migrants,accoutums aux

    produits de la mre-patrie,

    les consommeraient de

    prfrence ceux des autres nations; l'affluence des

    marchandises belges sur les marchs argentins ne pour-

    rait manquer de tourner l'avantage de l'industrie

    belge, dont les produits runissent toutes les conditions

    ncessaires : bonne qualit et bas prix, lgance et

    solidit.

    Diriger l'migration belge vers la Confdration

    Argentine,

    l'encourager et la protger, donnerait donc

    pour rsultats infaillibles :

    L'amlioration du sort d'une partie de la popula-

    tion belge;

    De nouveaux et importants dbouchs pour les

    produits de l'industrie de la Belgique;

    L'accroissement de son commerce et de sa

    marine.

    Le Roi l'a parfaitement compris,

    j'en ai eu des

    preuves certaines ; mais dans un pays comme la Belgi-

    que, dont les institutions sont si minemment consti-tutionnelles reprsentatives, il ne suffit pas que le chef

    (I) Lettre cThommage S. M. le Roi des Belges, accompagnant lelivre que je publiai a cette poque, La Confdration Argentine.

  • X INTRODUCTION.

    de l'tat ait acquis une conviction, il faut encore qu'elle

    soit partage et rpandue..

    Je partis donc pour l'Assomption, o je fus trs-bien

    accueilli. Le Prsident de la Rpublique,

    magistrat

    intelligent et instruit, se montra non-seulement fort

    satisfait de ma dtermination de parcourir le pays, mais

    encore il voulut bien faciliter mes investigations en

    mettant ma disposition vapeurs, chevaux et escortes,

    pour mes explorations.

    Je regrettai vivement qu'en pareilles circonstances,

    en prsence de la bienveillance du Gouvernement mon

    gard,

    je ne pusse consacrer que cinq ou six mois

    mes excursions : c'tait bien peu pour visiter ce vaste

    pays;cependant la facilit des moyens de transport me

    procura une grande conomie de temps, et je pus mme,dans ces conditions, atteindre quelques-uns des points

    les plus reculs du territoire paraguayen.

    Je ne connaissais du Paraguay que ce qu'avaient crit

    quelques voyageurs qui m'avaient prcd, et je pus me

    convaincre bientt que la plupart de leurs rcits taient

    assez incomplets lorsqu'ils n'taient pas inexacts, et que

    leurs apprciations ne se recommandaient pas toujourspar l'impartialit.

    Parmi les ouvrages qui ont t publis sur le Para-

    guay, le meilleur est encore, sans contredit , celui de

    don Feliz de Azar, qui fut Commissaire de limites du

    Gouvernement espagnol la fin du sicle dernier, bien

    que ce soit le premier de ce genre qui ait t crit

    sur ce pays, ainsi que le fit observer son auteur

  • INTRODUCTION. XI

    M. G. A. Walckenaer, qui se chargea de la publication

    de l'dition franaise de cet intressant ouvrage, laquelle

    parut Paris en 1809 sous le titre de Voyages dans

    l'Amrique Mridionale. Cependant il est facile de com-

    prendre que, depuis lepoque laquelle Azar visita le

    Paraguay, ce pays est bien chang. Soixante annes se

    sont coules, pendant lesquelles ont eu lieu des crises

    et des transformations qui l'ont modifi sous tous les

    rapports. Si Azar revoyait aujourd'hui le Paraguay,

    c'est peine s'il le reconnatrait, car les uvres mmesde la nature ont subi, en beaucoup d'endroits, l'influence

    des travaux de l'homme. Si donc le livre d'Azar

    peut encore fournir des renseignements sur l'poque

    coloniale et sur l'histoire naturelle du Paraguay, il n'est

    propre en aucune faon faire connatre l'tat actuel

    de ce pays.

    MM.Rengger et Longchamps, qui habitrent le Para-

    guay pendant les premires annes de la dictature du

    docteur Francia, ont publi un livre (1) qui est l'histoire

    de cette priode; mais sauf l'intrt assez mince de

    semblable rcit, dont les couleurs sont peut-tre un

    peu trop vives, ce livre ne fournit aucune donne impor-

    tante sur le Paraguay.

    Celui de Sir Woodbine Parish, sur Buenos-Ayres etles provinces de la Plata (2), fut considr avec raison

    comme un bon ouvrage l'poque de sa publication,

    (1) Reign of Dr Joseph Gaspard de Rodriguez de Francia inParaguay, by Bengger and Longchamps. London, 1827.

    (2) Publi en anglais , en 1839; depuis traduit en espagnol et annotpar M. Maeso et imprim Buenos-Ayres.

  • XII INTRODUCTION.

    mais il avait un grave dfaut, c'tait d'tre crit dans

    un sens trop favorable Rosas, pour lequel M. Parish,

    Consul de Sa Majest Britannique Buenos-Ayres, pa-

    raissait avoir des sympathies particulires. C'est aussi

    cette circonstance, qui faisait perdre beaucoup de son

    mrite ce livre, que l'on doit attribuer l'esprit hos-

    tile de son auteur envers le Gouvernement du Paraguay,

    qui cette poque soutenait l'indpendance de la Rpu-blique contre les prtentions du tyran de Buenos-

    Ayres.

    M. Mansfeld, lors de son excursion sur les rives des

    grands fleuves de la Plata jusqu' l'Assomption, avait

    crit une srie de lettres un ami, contenant ses im-

    pressions de voyage. Aprs la mort si malheureuse de

    ce jeune chimiste (1), ces lettres furent runies en unvolume et publies (2); mais elles n'offrent qu'un intrt

    trs-secondaire pour ce qui est relatif au Paraguay, que

    M. Mansfeld n'avait pas explor.

    Le commandant du vapeur explorateur des tals-Unis d'Amrique Water-Witch, M. Thomas Page, a

    publi aussi un livre sur la Plata en forme de journalde voyage (3). Ce livre fournit, surtout pour ce qui est

    relatif l'hydrographie, des renseignements utiles, mais

    perdus au milieu de digressions futiles et d'historiettes

    (1) M. Mansfeld mourut peu de temps aprs sou retour en Angleterre,victime d'un accident survenu dans des expriences de chimie indus-trielle qu'il pratiquait.

    (2) Paraguay, Brazil and the Plata, letters written in 1852-1853.by C. B. Mansfeld Esq. Cambrigde, Macmillan, 1856.

    (3) La Plata, the Argentine Confdration and Paraguay, byThomas J. Page, U. S. N. Trubner and Ce London 1859.

  • INTRODUCTION. XIH

    qui enlvent au travail du lieutenant Page le caractre

    srieux qu'il et d garder. Ce travail a encore l'incon-

    vnient,

    pour ce qui a rapport au Paraguay, de se res-

    sentir des dsagrments que M. Page s'attira, par son

    imprudence, lors de l'exploration du fleuve Paran (1),et l'auteur a trop mis en oubli la bienveillance qu'il

    avait rencontre dans le Gouvernement de la Rpublique

    pour faciliter ses travaux hydrographiques.

    Enfin vient l'ouvrage de M. Demersay, publication

    interrompue aprs l'apparition du premier volume (2),qui comprend la description du Paraguay et ajoute quel-

    ques nouveaux renseignements ceux donns par

    Azar; mais le plus intressant de ce travail devait tre

    la partie conomique, objet du second volume annonc.

    Il convient toutefois de noter qu'il y a prs de quinze

    ans que M. Demersay a quitt le Paraguay, o il avaitrsid quelques mois, et que par consquent les donnesqu'il a pu recueillir cette poque pour son travailconomique ne peuvent gure servir aujourd'hui de base des apprciations ou des dductions exactes, car que

    de changements ne se sont-ils pas oprs en quinze ans

    dans la vie de cette nation naissante! Il suffit, pour

    s'en convaincre, de lire les pages que je consacre

    l'esquisse de la quatrime poque de l'histoire du Para-guay. Cette observation si naturelle me fait pencher

    croire que M. Demersay, convaincu de cette vrit, a

    (1) Il sera parl de cet incident dans le Chapitre , 4e poque.(2) Histoire Physique

    ,

    conomique et Statistique du Paraguay,par L. Alfred Demersay. Hachette et C e . Paris, 1860.

  • XIV INTRODUCTION.

    abandonn l'ide de publier ce second volume, car voildj deux ans que le premier a paru.

    C'est seulement en recueillant personnellement les

    renseignements, en procdant soi-mme aux recherches

    et aux investigations que l'on peut tenter un travail de

    cette nature, et encore, ce qui peut rester vrai dix ou

    quinze ans pour les vieux pays de l'Europe, sera tou-

    jours au-dessous de la vrit en Amrique aprs deuxou trois ans, car ces jeunes nations, mme les plustourmentes par des luttes intestines provoques par

    l'ambition et l'imprudence des partis, marchent en avant

    et progressent par la force naturelle des choses. Al'poque o M. Demersay visita le Paraguay, la dictature

    du docteur Francia venait peine de prendre fin ; Rosas

    empchait au Paraguay tout commerce, obligeant, par

    ses hostilits incessantes, la Rpublique se maintenir

    sur le pied de guerre. Mais aprs le dpart de M. De-

    mersay,survint la chute du despote argentin, et l'ou-

    verture des fleuves de la Plata au commerce et la

    navigation de toutes les nations du monde, donna la

    vie l'industrie et au commerce du Paraguay, victime

    d'abord du systme colonial, ensuite de l'isolement cr

    par le docteur Francia et enfin, des mesures agressives

    de Rosas. La paix avec la Rpublique Argentine permit

    galement au Gouvernement du Paraguay de consacrer

    l'organisation du pays tous ses efforts et toutes les

    ressources naissantes de l'administration, et bientt, l'on

    vit se propager l'instruction jusque dans les villagesles plus humbles et les plus loigns; les frontires

  • INTRODUCTION. XV

    s'tendre et rendre la production des champs immenses

    qui avaient t jusque-l ravags par les Indiens; des

    vapeurs sillonner les fleuves ; des hauts-fourneaux s'le-

    ver pour la rduction des riches minerais de fer; un

    arsenal de construction et un chantier naval entrepren-

    dre des travaux de haute importance et construire de

    nouveaux vapeurs pour faciliter les oprations com-

    merciales; enfin, un chemin de fer qui donnera au centre

    de la Rpublique une communication rapide et bon

    march, avec le littoral. Ces progrs, on le conoit, en

    ont amen d'autres qui en sont la- consquence natu-

    relle, et ce peuple, queM.Demersaya connu au moment

    o il venait de sortir de trente annes d'un isolement

    complet du monde civilis, combien a-t-il d se modifiersous l'influence de ces progrs! Serait-il donc pos-

    sible aujourd'hui M. Demersay, moins de juger parce que d'autres ont vu, ou par ce qu'on lui rapportera, cle

    complter son ouvrage avec la conviction que ses juge-

    ments et ses apprciations seront fonds, alors qu'il ne.

    peut tre certain de l'exactitude des faits et des donnes

    qui doivent servir les tablir?

    Je suis loin de mettre en doute le talent de M. De-

    mersay et je suis mme port croire qu'il et fait en1847 un trs-bon et trs-intressant livre, mais mainte-

    nant son travail ne pourrait offrir d'intrt que comme

    point de comparaison ; et en montrant ce qu'tait alors le

    Paraguay il rendrait un hommage, bien mrit d'ail-leurs, au Gouvernement qui a fait de ce pays ce qu'il

    est aujourd'hui.

  • XVI INTRODUCTION.

    Quelques autres voyageurs distingus, et parmi ceux-ci, M. Martin de Moussy, un des plus rcents, ont, dans

    leurs ouvrages, parl incidemment du Paraguay, oils avaient peine touch. M. de Moussy, dans son

    excellente Description de la Confdration Argentine (1),rsultat de cinq annes d'exploration, entreprise par

    ordre du Gouvernement Argentin, a trait quelques

    questions relatives la Rpublique du Paraguay d'aprs

    les donnes ou suivant l'opinion du Gouvernement qui

    l'avait commissionn. Gela est assez naturel, mais l'auteur

    montre un peu trop d'animosit contre le Gouverne-

    ment du Paraguay, qui (bien regret, je n'en doute pas,

    car il aime favoriser les recherches de la science), a

    d, ds que M. de Moussy se prsentait comme charg

    d'une mission officielle, lui interdire l'exploration des

    territoires occups par le gouvernement du Paraguay et

    qui font l'objet des diffrends, quant aux limites, avec

    la Rpublique Argentine.

    De ce rapide examen des principaux ouvrages des

    voyageurs qui ont crit sur le Paraguay, il rsulte qu'il

    manque un livre qui fasse connatre ce pays dans son

    tat actuel et qui puisse fournir des donnes sur tout ce

    qui intresse l'homme d'tat,

    le commerant, l'indus-

    triel et l'migrant.

    La publication de mon travail , fruit d'observations

    consciencieuses et d'une connaissance parfaite des pays

    de la Plata, acquise par une longue rsidence pendant

    I) Description Gographique et Statistique de la ConfdrationArgentine, par V. Martin de Moussy. Firmin Didot. Paris, 1850.

  • INTRODUCTION. XVII

    laquelle j'ai pris part, comme citoyen argentin, la po-

    litique et l'administration,

    pourra peut-tre, dans

    de certaines limites, remplir provisoirement cette lacune.

    Mon livre sera une espce d'introduction un travail

    plus tendu et que des hommes plus habiles et plus sa-

    vants se dcideront peut-tre entreprendre lorsqu'ils

    connatront le champ immense qu'offre aux investiga-

    tions de la science un pays si richement dot par la

    nature. Je n'ai nullement, pour ma part, la prtention de

    combler aujourd'hui le vide que l'on signale, relative-

    ment au Paraguay, parmi les publications modernes;j'ai

    uniquement cherch y porter remde pour autant,

    qu'il m'a t donn de le faire.

    Faire connatre le Paraguay tel qu'il est prsent,

    esquisser grands traits son pass et signaler ses l-

    ments d'avenir, telle a t ma pense et mon but, en

    faisant imprimer ces pages.

    Afin de faciliter les recherches de ceux qui voudront

    bien s'occuper de mon travail, je l'ai divis en chapitres,

    en mettant en ordre autant que possible les notes que

    j'avais recueillies et que j'ai fait imprimer avec une cer-

    taine hte , dix mois peine s'tant couls depuis que

    j'ai mis le pied dans le Paraguay.

    Le premier chapitre renferme un aperu de l'histoire

    du Paraguay jusqu' ce jour, car l'tude d'un pays estincomplte sans la connaissance des vnements lesplus importants qui s'y sont passs. Pour les deux pre-

    mires poques, c'est--dire depuis la conqute jusqu'l'mancipation du joug de l'Espagne, j'ai consult les tra-

  • XVIII INTRODUCTION.

    vaux historiques des auteurs les plus anciens et les plus

    dignes de foi (1) ; pour les deux dernires poques, que

    je puis appeler contemporaines, j'ai pris pour base de

    mon travail, les documents officiels et j'ai recueilli des

    renseignements chez des personnes qui ont t acteurs

    ou spectateurs des vnements survenus depuis l'man-

    cipation jusqu' ce jour. Le deuxime chapitre est con-

    sacr aux relations internationales du Paraguay, car les

    principes qui y prsident intressent fortement l'tran-

    ger. Je me suis tendu sur deux points trs-importants

    du droit public amricain, l'acquisition de la naturalisa-

    tion et la nationalit des fils d'trangers ns au Para-

    guay, car ces deux points sont d'un grand intrt pour

    les nations amricaines, et le second surtout, qui pour

    celles-ci comprend un principe d'absolue ncessit,

    donne lieu, de la part de quelques puissances euro-

    pennes, des prtentions qui ne vont rien moins qu'

    nier aux tats du nouveau monde le droit, si lgitime,d'tablir leur lgislation intrieure suivant leur conve-

    nance et leurs besoins. Cette question, qui intresse si

    vivement ces Etats et qui a dj amen des diffrends

    (1) Parmi les ouvrages que j'ai consults, je cilerai :Historia Argentina del descubrimiento, poblacion, conquista de las

    Provincias del Mo de la Plata, escrita par Rui Diaz de Guzman en elano 1612.

    Historia del Paraguay, Rio de la Plala y Tucuman du P. jsuiteGuevara.Le chapitre XVIII de l'ouvrage d'Azara : Histoire abrge de la d-

    couverte et de la conqute de la rivire de la Plata el du Paraguay.Ensayo de la Historia civil de Buenos Ayres, Tucuman y Paraguay,

    escrito par el doctor Don Gregorio Funes , Dean de la Santa EglesiaCaledral de Cordoba.

  • INTRODUCTION. XIX

    avec des gouvernements d'Europe, est aussi dans ce mo-

    ment la cause de la rupture des relations diplomatiques

    entre la Rpublique du Paraguay et la Grande-Bretagne.

    Les droits et la justice sont incontestablement du ct du

    Paraguay. Quoiqu'il suffise, pour juger de cette affaire,de voir ce que j'en dis dans ce chapitre et de consulter

    les pices produites l'appui, je crois cette matire d'un

    si grand intrt pour tous les tats amricains, que je

    ne veux omettre rien de ce qui peut servir l'claircir ;

    c'est pourquoi j'ajoute encore ces pices si con-

    cluantes, des documents non moins importants qui

    viennent d'tre publis (1).

    Le troisime chapitre comprend la description

    gographique et hydrographique, et le quatrime traite

    de la population , des diffrentes nations indiennes et

    de la langue guaranie, si intressante et si digne d'une

    tude srieuse de la part des linguistes, car il n'existe

    aucun travail raisonn sur cet idiome. L'aperu que

    je donne du guarani tait d'autant plus ncessaire, que

    c'est la langue vulgairement parle au Paraguay et que

    j'ai d me servir, dans mon livre, d'un bon nombre demots guaranis, dont il tait convenable de faire con-

    natre le sens ou l'tymologie ainsi que la pronon-

    ciation.

    (1) Ces documents, qui figurent a l'appendice sous les lettres P' et P J

    sont : le Mmorandum que M. Calvos, Charg d'Affaires de la Rpubli-que du Paraguay, a adress lord John Russell. Ministre de S. M. B., etune dpche de ce diplomate au mme Ministre, accompagne des opi-nions du savant jurisconsulte anglais M. Phillimore sur la deuxime etla troisime consultation de la lgation du Paraguay au sujet des pr-tentions du Gouvernement anglais.

  • XX INTRODUCTION.

    Le cinquime chapitre donne une ide du climat

    du Paraguay et des phnomnes mtorologiques lesplus frquents qu'on y observe; il contient aussi quel-

    ques observations sur le caractre des habitants et

    sur l'tat sanitaire du pays.

    Le sixime traite des espces les plus utiles ou les

    plus remarquables des trois rgnes. La partie relative

    au rgne minral fournit sur la composition golo-

    gique de cette contre des renseignements tout nou-

    veaux, car cet objet a t peine examin et ceux qui

    en ont parl, ont mme avanc des opinions complte-ment inexactes (1). L'tude des terrains du Paraguay

    offrirait un vaste champ aux recherches des gologues

    qui voudraient se livrer ce travail.

    Enfin dans le septime chapitre, je m'occupe de l'in-

    dustrie et du commerce extrieur, fournissant en mme

    (1) Quoiqu'il ne s'agisse pas ici de discuter ce que rapportait donFelizde Azar et aprs lui M. Demersay, sur la composition gologique desterrains du Paraguay, l'appui de ce que je viens de dire, je ferairemarquer que le premier, page 49, tome Ier

    ,

    prtend qu'il n'existe pasde brche ou de pierre forme par la runion de cailloux, et plus bas,mme page, qu'un n'y connat pas de pierre a chaux, ce qui est abso-lument inexact, comme on peut s'en convaincre par ce quejedisauchapitre VI.M. Demersay signale aussi l'absence de roches calcaires,a la page 73 de son livre

    ;cependant, a l'poque de son voyage au Para-

    guay, les fours chaux de Conception et de Salvador existaient djet on y fabriquait de la chaux alors, comme aujourd'hui, avec le cal-caire d'Itapucumi.Mon aperu sur les roches et minerais du Paraguay a pour pice,

    l'appui une collection de plus de trois cents chantillons que j'ai runis

    dans mon exploration au Paraguay, collection qui figure aujourd'huien grande partie l'cole des Mines de Mons laquelle je l'ai offerte

    ;

    j'ai aussi remis des chantillons des roches les plus importantes l'coleImpriale des Mines de Paris et au Muse de l'tablissement Gogra-phique de M. Philippe Van 1er Maelen a Bruxelles.

  • INTRODUCTION. XXI

    lemps des donnes qui, en permettant d'apprcier leur

    importance actuelle, feront aussi comprendre le vaste

    dveloppement que peuvent acqurir ces branches de

    la richesse publique.

    J'ai cru convenable d'intercaler quelques dessins et

    des cartes partielles dans le texte pour aider la des-

    cription du pays et faciliter l'tude de quelques ques-

    tions que je traite; j'y ai joint aussi une carte gnrale

    de la Rpublique du Paraguay, que j'ai dresse d'aprs

    tous les renseignements dignes de foi acquis depuis la

    publication de la carte d'Azar et d'aprs mes propres

    observations et reconnaissances, afin de donner une

    ide aussi exacte que possible, pour le moment, du

    territoire du Paraguay , de la position relative des

    diverses localits habites; cette carte aidera aussi

    l'examen des questions de limites.

    Je ne terminerai pas sans faire observer encore que

    mon travail, publi pour tous et dans l'intrt de tous,

    a t pens et crit dans un but tout pratique, sans

    prtention aucune de faire une uvre littraire ou

    scientifique pour laquelle, d'ailleurs, je n'ai ni le talent

    ni les connaissances spciales ncessaires.

    Je n'ai d'autre intrt, je le rpte, en livrant la

    publicit les renseignements que j'ai recueillis sur le

    Paraguay, que de tcher de suppler l'absence

    d'un ouvrage qui fournisse des donnes exactes sur

    ce pays, et si mon livre remplit en partie cet objet,

    jusqu' ce que d'autres, plus capables et disposant de

  • XXII INTRODUCTION.

    plus de temps, entreprennent un travail plus tendu et

    plus savant sur cette belle contre, mon but aura t

    atteint.

  • TABLE DES MATIRES.

    CHAPITRE I.

    Esquisse de l'Histoire du Paraguay depuis la dcouverte jusqu' ce jour.

    Premire poque : Dcouverte,

    conqute et domination espa-

    gnole jusqu'au dmembrement de la Province du Paraguay(1513-1620) i

    Deuxime poque : Continuation de la domination espagnole.Premire partie : Depuis le dmembrement de la Pro-

    vince du Paraguay jusqu' son mancipation (1620-1811). . 27Liste des Gouverneurs durant l'poque coloniale. ... 43

    Seconde partie : Missions du Paraguay. Systme auqueltaient soumis les Indiens avant l'tablissement des Mis-

    sions. Arrive des Jsuites, leurs travaux, villages ou

    rductions qu'ils fondrent. Rgime observ. Prospritet dcadence des Missions . . 4o

    Tableau de la fondation des villes, villages, rductions et

    forts au Paraguay pendant la domination espagnole. ... 58

    Troisime poque : Indpendance et Dictature (1811-18-40) . . 63Quatrime poque : Rgnration et Organisation de la Rpu-

    blique (1841-1861) 70

    CHAPITRE IL

    Relations internationales.

    1. Politique et principes du Gouvernement du Paraguay relatifs

    aux nations trangres et leurs sujets. Traits existants.

    Droits des trangers et protection que leur accorde le Gou-

    vernement. Lois de naturalisation. Principes sur la

    nationalit des enfants d'trangers ns au Paraguay. ... 87

  • XIV TABLE DES MATIRES.II. Question de limites entre la Rpublique du Paraguay, la

    RpubliqueArgentineet l'Empiredu Brsil : Missions de la rivegauche du Paran.Chaeo.Rive droite de la rivire Apa. 10o

    CHAPITRE III.

    Gographie. Hydrographie.

    I. tendue et limites. Montagnes, fleuves, rivires et lacs. 123Latitude, longitude et hauteur au-dessus du niveau de la

    mer de quelques points du Rio de la Plata et des fleuves

    Paran, Paraguay et Uruguay. 144

    II. Division territoriale, population, glises, chapelles, cime-

    tires. L'Assomption, capitale de la Rpublique. Du Gou-vernement, ses ressources, force de l'arme et de la marine.

    Arsenal de construction. Chemin de fer. Des diff-rents dpartements

    ,

    districts, villes, etc 146

    Itinraires par terre 193

    Latitude^ longitude et variations de la boussole, dter-

    mines pour diffrents points au Paraguay 199

    CHAPITRE IV.

    Population. Nations indiennes. Langue guaranie.

    I. Population. Nations indiennes 201

    II. Langue guaranie 208Nomenclature et traduction de la plupart des mots guaranis

    qui se trouvent dans les chapitres de ce livre 233

    CHAPITRE V.

    Considrations climatologiques. Observations physiologiques et pathologiques.

    I. Temprature. Vents. Pluies. Orages. Observa-tions mtorologiques 239

    II. De la nature et du caractre des habitants du Paraguay . .264III. Des diffrentes maladies et du caractre qu'elles prsentent

    au Paraguay 266

    CHAPITRE VI.

    Produits naturels des trois rgnes.

    I. Rgine mivral : Configuration du terrain et compositiongologique du sol. Des diffrentes roches et minraux.

    Exploitation du minerai de fer : Hauts-fourneaux d'IMcuy. 273

  • TABLE DES MATIRES. XXV

    II. Rgne vgtal : Des arbres el piaules dont le bois, lesfeuilles, les fleurs, les fruits, la rsine, la gomme, leeorce

    ou les racines sont ou peuvent tre employs dans les arts,

    l'industrie el la mdecine 302

    111. Rgne animal : Des espces utiles ou les plus remarquablesparmi les mammifres, oiseaux, reptiles, poissons, mol-

    lusques, annlides et insectes 338

    CHAPITRE VII.

    Industrie. Commerce.

    1. Des diffrentes branches de l'industrie. Leurs produits el

    leur importance. Protection qui leur est accorde et im-

    pts qui portent sur elles .... 359

    II. Du commerce extrieur. Son importance pendant les dix

    dernires annes. Des droits de douane el autres impts

    qui psent sur le commerce el la navigation. De lu

    monnaie. Des poids el mesures. . . 387

    APPENDICE.

    A. Convention de 1811 entre le Paraguay et Buenos-Ayres. . 2

    B. Acte d'indpendance de la Rpublique du Paraguay. . . . GC. Loi sur le pavillon el les armes de la Rpublique 8D. Dclaration de guerre au dictateur Rosas .10F. Acte de reconnaissance de l'indpendance du Paraguay par

    le directeur provisoire de la Confdration Argentine. . 19F. Loi du Congrs Argentin ratifiant cette reconnaissance . . 20G. Convention spciale entre le Paraguay et les tats-Unis

    d'Amrique "21II. Sentence de la commission mixte dans l'afl'aire des rclama-

    tions de la Compagnie de navigation des tats-Unis. . . 24I. Discours de M. W. D. Cliristie, envoy extraordinaire el mi-

    nistre plnipotentiaire de S. M. B 25

    J. Contrat des colons de la Nueva Burdeo 27K. Dcret relatif l'tablissement de la colonie Nueva Burdeo. > 28

    L. Dpche du ministre des affaires trangres de la Rpublique celui de S. M. B. sur l'affaire Canstatt. ...... 33

  • XXVI TABLE DES MATIRES.M. Dpche du ministre mdiateur du gouvernement du Para-

    guay au minisire des affaires trangres de la RpubliqueArgentine sur l'acte d'agression commis par des btimentsde guerre de S. M. B. contre le Tacuari 37

    N. Dpche du charg d'affaires de ta Rpublique du Paraguayau ministre des affaires trangres de celle-ci rendant

    compte de sa mission en Europe 45

    O. Rapports des docteurs Lake et Kendall sur la question pen-dante entre le Paraguay et l'Angleterre 54

    I*. Opinion du docteur Phillimore sur cette question. ... 69l". Mmorandum du charg d'affaires de la Rpublique du Pa-

    raguay adress au ministre des affaires trangres de

    S. M. B. . . . . . . . ... . ...... 75

    1|J.Nouvelle dpche du mme diplomate au ministre de S. M. B. 94Annexe 1. Deuxime consultation adresse au docteur

    Phillimore 112

    Rponse du docteur Phillimore 113Annexe 2. Troisime consultation adresse au docteur

    Phillimore .114Rponse du docteur Phillimore 120

  • TABLE DES MATIRES. XXYIfAA. Loi rglant les droits civils et politiques des enfants dtran-

    gers ns au Brsil 109

    BB. Protocole constatant la reconnaissance, parle Brsil, de la

    souverainet du Paraguay sur la rive droite du fleuve du

    mme nom jusqu'au Rio-Negro 171CC. Dcret dclarant citoyens les habitants des anciens villages

    fonds avec des Indiens 173

    DD. Rapports de l'cole Impriale d'Arts et Mtiers d'Aix, sur lesbois du Paraguay 170

    EE. Dcret sur la proprit des inventions 190FF. Dcret sur la rcolte et la vente du tabac. 193GG. Dcrets sur le papier timbr, les patentes, passe-ports, etc. 195HH. Dcret fixant le cours lgal de l'once d'or et de la piastre

    forte. . . . .... . . . . . . . . . . .200

  • INDICATION DES CARTES ET DES VUES

    QUE CONTIENT CET OUVRAGE.

    Carte gnrale de la Rpublique du Paraguay... la fin du volume.Vue du port de l'Assomption Frontispice.

    Vue du fort Olympo 1glise cathdrale 17Palais du gouvernement 33

    March de l'Assomption . 49glise de l'Incarnation, vue prise des hauteurs. ...... 65glise cathdrale, vue prise des hauteurs

    . 81

    Fort Olympo (carte) 115Fort et ville de Conception (carte)

    . 137

    Las Siele Puntas 139

    Las Salinas (carte) 141

    Embouchure du Rio Negro (carte). . . . ' 142Place du Palais du gouvernement 152

    Trac du chemin de fer (carie) . . 155San-Pedro et ses environs (carte) 167

    Cacique des Indiens Payaguas 205

    Palais du gouvernement, vue prise des hauteurs ...... 240Pan de Azucar 273

    Cerro de la Margarila 277

    March de l'Assomption, vue prise des hauteurs 358

  • LA RPUBLIQUE

    DU PARAGUAY.

    CHAPITRE PREMIER.

    ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU PARAGUAY DEPUIS LA DECOUVERTEJUSQU'A CE JOUR.

    PREMIERE POQUE.

    Dcouverte, conqute et domination espagnole jusqu'au dmembrement de la provincedu Paraguay.

    4515-1620.

    La premire expdition au Rio de la Plata . tait

    commande par Juan Diaz de Solis, charg d'un voyaged'exploration par le gouvernement espagnol. Solis partit

    du port de Lepe, en octobre 1515, avec trois bti-

    ments, soixante soldats et des vivres pour deux ans et

    demi. Il dbarqua sur les rives du fleuve Uruguay, o il

    fut assassin par les Indiens Charrues, et l'expdition1

  • 2 CHAPITRE PREMIER

    retourna en Espagne, rapportant, avec cette fcheuse

    nouvelle, l'annonce le la dcouverte d'un nouveau pays.

    Une seconde expdition ft voile vers ces rgions

    en 1526, sous la direction de Gaboto, et aprs bien

    des difficults, elle jeta l'ancre, l'anne suivante, dans

    la rade du port o l'on fonda plus tard Buenos-Ayres.

    Gaboto remonta le Parana et, le 28 mars 1528, il entra

    dans le fleuve Paraguay qu'il parcourut jusqu' l'em-

    bouchure du Yermejo, o une partie de son quipage,qui tait descendue terre, fut massacre par les In-

    diens. Gaboto, inform que Diego Garcia, parti le

    15 aot 1526 du cap Finistre, tait arriv au Rio de

    la Plata, se hta de redescendre le fleuve.

    Gaboto et Garcia prtendaient chacun l'honneur de

    la dcouverte, et le premier refusait de reconnatre le

    titre de gouverneur dont le second venait d'tre revtu

    par la cour d'Espagne. Gaboto l'obligea donc se sou-

    mettre lui, et envoya au roi Charles V une dputationavec des renseignements sur le pays qu'il avait dcou-

    vert, et de riches prsents d'or et d'argent qu'il avait

    reus des Indiens. Il demandait pour lui-mme le gou-

    vernement de ces nouvelles terres. Le roi accueillit

    favorablement les envoys de Gaboto , mais les vne-

    ments qui survinrent en Europe en 1529 ne permirent

    pas ce prince de donner suite ses bonnes disposi-

    tions.

    Gaboto ignorait le rsultat de la mission, fatigu

    d'attendre, il partit pour l'Espagne, o il obtint le gou-

    vernement du Rio de la Plata, nom que l'on donna aux

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 3

    rgions dcouvertes, cause de l'or et de l'argent en-

    voys la cour; mais sous prtexte que l'on n'avait pas

    en ce moment, des ressources suffisantes pour conti-

    nuer la conqute, le gouvernement espagnol retira peu

    aprs Gaboto son titre, et le confra Pedro de

    Mendoza, qui avait offert d'quiper ses frais une ex-

    pdition.

    Pedro de Mendoza partit de Sville le 24 aot

    1554, avec quatorze btiments portant deux mille

    cinquante Espagnols, cent cinquante Allemands et

    Flamands et soixante-seize chevaux. Il arriva au Rio de

    la Plata au commencement de 1535, et le 2 fvrier de

    la mme anne, il fonda la ville de Santa-Maria deBuenos-Ayres, o il eut soutenir diffrents combats

    contre les Indiens. Mendoza, dans le dessein de faire de

    nouvelles conqutes, fit remonter le Parana son lieute-

    nant, Juan de Ayolas. Celui-ci construisit un fort qu'il

    appela Corpus Christi, sur les rives de ce fleuve, occupes

    par les Indiens Timbues, et o fut transporte la popula-

    tion qui occupait Buenos-Ayres. Ensuite avec trois cents

    hommes, Ayolas entreprit de remonter le fleuve;aprs

    plusieurs combats, il arriva aux terres des Guaranis,

    o dominaient, non loin du lieu qu'occupe aujourd'hui

    l'Assomption, capitale de la rpublique du Paraguay,

    deux chefs puissants et sanguinaires : Lambar et Yan-duazubi Rubicha. Ces chefs, la tte de quarante mille

    Indiens et appuys sur deux positions fortifies, rpon-

    dirent aux propositions de paix que leur fit Ayolas par

    une nue de flches, a laquelle les Espagnols ripostrent

  • 4 CHAPITRE PREMIER.

    par une dcharge qui mit en fuite les Indiens, dont une

    grande partie se rfugia dans la redoute de Lambar;

    mais ils furent obligs de capituler aprs trois jours desige. Ayolas comprit que pour conserver sa conqute

    il lui tait ncessaire de s'y fortifier; aussi un des

    articles de la capitulation portait que les Indiens con-

    struiraient un fort pour les Espagnols dans l'endroit o

    ils avaient dbarqu; ce fort reut plus tard, en souvenir

    du 15 aot 1556, le nom de l'Assomption.

    Ayolas, qui les Guaranis apprirent l'existence, vers

    l'occident, de pays o abondaient l'or et l'argent, rsolut

    d'en entreprendre la conqute : il suivit le fleuve jusqu'un port qu'il appela Gandelaria, dans une contre occu-

    pe par les Indiens Payaguas ; se fiant leurs dispo-

    sitions amicales, il y laissa un dtachement de cent

    hommes aux ordres du capitaine Domingo Martinez deIrala; puis il continua par terre sa route vers les

    rgions de l'or, accompagn de trois cents Indiens quelui donna le chef payagua.

    Pendant cette expdition d'Ayolas, Mendoza, fatigu

    des tracas de la conqute, avait rsolu de s'en retourner

    en Espagne, laissant le commandement son lieute-nant; mais, dsirant, avant son dpart, connatre les

    rsultats des oprations de ce dernier, il envoya vers lui

    les capitaines Juan Salazar de Espinosa et Gonzalo de

    Mendoza avec quatre-vingts hommes. Ges officiers at-

    teignirent le point de dbarquement d'Ayolas dans le

    pays des Guaranis et y fondrent la ville de l'Assomp-

    tion l'endroit mme o tait tabli le fort. Tandis que

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. o

    Salazar allait rendre compte Diego de Mendoza de

    leur commission, Gonzalo aid par les Guaranis s'oc-

    cupait des travaux de la nouvelle ville. Mendoza n'avait

    pas attendu le retour de ses officiers; il tait parti

    pour l'Espagne, laissant Buenos-Ayres sous les ordres

    de Ruiz de Galan. D'un autre ct, Irala qui attendait

    Ayolas Gandelaria o il avait eu soutenir de nom-breux combats contre les Payaguas, apprit par un In-

    dien Chans qui avait accompagn Ayolas, que celui-ci,aprs avoir atteint aux pays de Samocosis et de Sibo-

    cosis dans les cordillres du Prou o il avait recueilli

    de grandes richesses, avait t assassin, son retour,

    avec toute sa troupe par les Indiens Payaguas qui les

    avaient surpris pendant la nuit; Irala, n'ayant pas de

    forces suffisantes pour punir cet attentat, prit la rso-

    lution de rentrer l'Assomption.

    A cette poque, le Veedor Alonso de Cabrera quivenait d'arriver Buenos-iVyres avec un renfort de

    trois btiments et deux cents soldats, fit, de concert

    avec Ruiz de Galan, vacuer cette ville dont les habitants

    souffraient de la faim et de la misre, et les transporta

    l'Assomption, y laissant seulement quelques hommes,

    aux ordres du capitaine Juan Ortega.

    Aprs le retour du gouverneur Diego de Mendoza, la

    cour d'Espagne nomma sa place Ayolas, disposant

    qu'en cas de mort de celui- ci les conqurants procde-

    raient l'lection de son successeur provisoire. C'est

    ainsi que Domingo Martinez de Irala fut investi du

    pouvoir en 1 008, poque de l'arrive l'Assomption de

  • 6 CHAPITRE PREMIER.

    Cabrera et de Galan, qui virent ainsi djoues leurs in"tentions de s'emparer du gouvernement.

    Irala inaugura son entre au pouvoir par la cration

    d'un conseil municipal ; il distribua des terrains aux

    habitants, encouragea la construction d'difices publics,

    jeta les fondements d'une glise et fit lever une mu-

    raille autour de la ville.

    La position prcaire dans laquelle se trouvait Buenos-

    Ayres appela aussi srieusement son attention ; il en

    ordonna l'vacuation complte, qui eut lieu aussitt,

    portant ainsi six cents hommes le nombre total desEspagnols en tat de prendre les armes, runis

    l'Assomption

    .

    Les Guaranis, qui jusqu'alors n'avaient cess de

    donner des preuves de fidlit aux Espagnols et les

    avaient aids soumettre les Payaguas, les Yaperies,

    les Ibitirusus, les Tibicuaris et les Mondais, prparaient

    en silence une vaste conspiration qui devait clater le

    Jeudi-Saint de l'anne 154-0. Mais elle fut dcouverte,

    et les chefs principaux mis mort. Irala pardonna aux

    autres et pour mettre le sceau la rconciliation, il

    encouragea le mariage de quelques Espagnols avec des

    Indiennes guaranies (1).

    (1) Le doyen Funes dans son Essai historique, propos du croise-ment des Europens et des Indiens, dit :

    De l'union de ces peuples naissent les mtis (mestizos) ; union quidoit tre avantageuse, s'il est vrai que les hommes, comme les animaux,gagnent en croisant leurs races. Les Indiens de ces pays sont d'unecouleur bronze assez forte, dont le croisement produit quatre espces,suivant les diffrents mlanges. Le tableau suivant l'explique plus clai-rement :

    Premire espce .-d'une femme europenne etd'un Indien amricain

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 7

    Malgr les nouvelles peu encourageantes des progrs

    de la conqute qui parvenaient en Espagne, l'espoir de

    trouver des mtaux prcieux faisait du gouvernement

    de la colonie naissante l'objet de l'envie de beaucoup

    d'hommes entreprenants. lvar Nunez Cabeza de Yaca,neveu du gouverneur Pedro de Vera, qui avait subi

    une captivit de dix ans l'poque de la conqute de

    la Floride, sollicita instamment le gouvernement de la

    Plata, qui lui fut concd le 18 mars 1540 dans le

    cas o Juan de Ayolas viendrait mourir, et la con-

    dition de supporter tous les frais de l'expdition.

    Alvar Nunez fit promptement ses prparatifs et, le

    2 novembre de la mme anne, il partit de San-Lucaravec cinq btiments portant quatre cents hommes, sans

    compter l'quipage. En mars de 154-1, il arriva Santa-

    Cataiina, o il dbarqua sa troupe et une partie de

    ses chevaux pour suivre sa route par terre, donnant

    ordre son second, Felipe Caceres, de continuer le

    voyage par eau. Nunez arriva l'Assomption le 1 1 mars

    naissent les mtis. Us sont bronzs; les enfants de ce premier croise-ment ont de la barbe, quoique le pre n'en ait pas, comme il est no-toire : Tentant l'acquiert donc de la mre, ce qui est bien singulier.

    Deuxime : d'une femme europenne et d'un mtis, provient l'es-pce quarterone [cuarterona) : elle est moins bronze, parce qu'il n'y aqu'un quart de sang amricain dans cette gnration.

    Troisime : d'une femme europenne et d'un quarteron nat l'es-pce octavona. qui a une huitime partie de sang amricain.

    Qualrin\e : d'une femme europenne et d'un octavon il rsulteune espce que les Espagnols appellent puchuela ; elle est entirementblanche et on ne peut la distinguer de l'europenne.

    (Ensayo de la Historia civil de Buenos-Aires, Tucuman, etc., escritopor el doctor Don Gregorio Fmes, Dean de la Santa Iglesia Catedride Cordoba.)

  • 8 CHAPITRE PREMIER

    de l'anne suivante, prcdant Caceres d'un mois. Le

    nouveau gouverneur fut bien reu ; il nomma Martinez

    de rala, qui avait occup par intrim le gouvernement,

    son marchal de camp, et convoqua ensuite les corpo-

    rations pour leur manifester les volonts du roi, qui

    afin de donner de la stabilit aux nouveaux tablisse-

    ments de ces rgions et d'assurer leur avenir, avait

    dcid qu'Alvar Nunez emporterait avec lui des graines

    crales pour la culture des terres et quelques animaux

    domestiques, ordonnant en mme temps que l'on pro-paget la religion chrtienne avec le plus grand soin,

    que l'on traitt les Indiens avec douceur, et que l'on

    permit ceux-ci toutes espces de relations a^ec les

    Espagnols. Le roi interdisait aux avocats et aux procu-

    reurs l'accs de la nouvelle colonie.

    Le gouverneur s'aperut bientt qu'Irala tait ambi-

    tieux et qu'il convenait de l'loigner, ce qu'il fit en lui

    confiant une expdition dont l'objet tait la recherche

    d'un chemin vers le Prou. Pendant que ce chef, qui

    s'tait acquitt avec sagacit de cette mission, revenait

    l'Assomption, Alvar Nunez faisait la paix avec les

    Agaces et envoyait le capitaine Alonzo Richelme ch-

    tier Tabar, chef des Indiens de Ypan, qui avait fait

    massacrer des Espagnols.

    Quand la paix et la tranquillit, dont avaient tantbesoin les Espagnols pour le progrs de la colonie, s'ta-

    blissaient sur un des points de ces vastes rgions, elles

    taient troubles d'un autre ct. Les Guaranis, allis

    des conqurants, se voyaient constamment en butte aux

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 9

    attaques des Guaicurues , nation nombreuse, guerrire

    et froce ; le gouverneur envoya vers ceux-ci les pres

    Armenta et Lebron et le prtre Francisco de An-

    drada pour leur signifier que s'ils ne cessaient leurs

    hostilits, il se verrait oblig de leur faire la guerre.

    Les Guaicurues reurent fort mal les envoys de Nunez

    qui n'chapprent la mort que grce la protection

    des cinquante hommes cle leur escorte. Le gouverneurrsolut alors de faire une expdition contre eux. Il prit

    pour lieutenants Irala et Juan de Salazar et, passant

    le fleuve avec cinq cents soldats espagnols d'infanterie,

    dix-huit de cavalerie et deux mille Guaranis, aprs

    quelques jours de marche, il se trouva en prsence del'arme des Guaicurues qu'il mit en fuite aprs une vive

    rsistance de leur part et aprs en avoir tu un bon

    nombre.

    Pendant l'absence d'Alvar Nunez, les Agaces esp-

    rant que le dpart d'une partie des Espagnols qui

    occupaient l'Assomption, leur faciliterait la prise de

    cette ville, s'en approchrent en grand nombre ; mais

    la vigilance de Gonzalo de Mendoza qui en avait reu

    le commandement, djoua .leurs desseins. A son retour,le gouverneur prit le parti de chtier ces dloyaux

    Indiens, mais avant tout il dsirait s'assurer cle la paix

    avec les Guaicurues. A cet effet, il donna la libert auxprisonniers qu'il venait de faire, en leur manifestant

    les meilleures dispositions pour tablir des relations

    d'amiti avec leur nation. Au bout de quatre jours, vingt

    des principaux chefs se prsentrent l'Assomption avec

  • 10 CHAPITRE PREMIER.

    leurs familles; ils promirent obissance au Roi, s'enga-

    grent laisser propager la foi parmi eux et cesser

    les hostilits contre les Guaranis, amis et vassaux des

    Espagnols. Alors Nunez se prpara pour l'expdition1

    qu'il avait projete contre les Agaces, et au commence-

    ment de l'anne 1545 il se mit en marche avec quatre

    cents Espagnols et cent cinquante Indiens,

    chargeant

    du gouvernement le capitaine Juan Salazar de Espinosa

    et emmenant avec lui Irala et les officiers Pedro Dorante

    et Felipe Caceres, dont la conduite, ainsi que celle

    d'Irala , ne lui inspirait pas grande confiance. Celte

    petite troupe arrive au port de Itapitan, une partie par

    eau , l'autre par terre,

    s'embarqua en ce lieu pour re-

    monter le fleuve jusqu' Candelaria, o Alvar Nunez,

    qui avait failli tre victime de la perfidie des Indiens,

    leur infligea un rude chtiment. Ensuite il continua sa

    marche jusqu'aux terres des Guajarapos et des Guatos,avec lesquels il conclut la paix. Le 2o octobre, il attei-

    gnit l'endroit o le fleuve se divise en trois bras, dontl'un se termine par un grand lac et les deux autres for-

    ment l'le des Orejones. Cette le tait occupe par desIndiens, qui firent bon accueil aux Espagnols, de mmeque ceux qu'ils rencontrrent plus haut l'endroit qu'ils

    appelrent Puerto de los Reyes, et o Nunez fit leverune chapelle provisoire, pendant qu'il envoyait une

    dputation Jarayes, le chef indien le plus important de

    ces parages. Celui-ci reut trs-amicalement les envoys

    du gouverneur, il les chargea de prsents et fit invitervunez le visiter en lui envoyant quelques chefs pour

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 11

    lui servir de guide. Mais le gouverneur voulait , sans

    perdre de temps, arriver au but de son expdition, et

    laissant le capitaine Juan Romero avec cent Espagnols

    et deux cents Indiens amis pour dfendre les embarca-

    tions, il se dirigea l'orient avec le restant de la troupe.

    Aprs quelques journes de marche, la mauvaise vo-lont de ses soldats l'obligea revenir sur ses pas, tout

    en envoyant cependant le capitaine Francisco de Rivera

    avec six Espagnols et quelques Indiens au lieu nommTapua. Aprs quelque temps de sjour au Puerto de los

    Reyes, o il eut soutenir diffrents combats contre les

    Indiens^ et le capitaine Rivera tant venu le rejoindre,

    le gouverneur jugea convenable, cause du mauvaisesprit qui continuait rgner dans l'expdition et des

    pertes qu'elle avait souffertes, de retourner l'Assomp-

    tion, o il arriva le 8 avril A 544.La svrit et l'activit d'Alvar Nunez, ainsi que la

    protection qu'il accordait aux Indiens amis contre les

    mauvais traitements de quelques-uns de ses officiers, lui

    avaient attir la haine de ceux-ci ; ils formrent le projetde l'arrter. Sous le prtexte de formuler une ptition

    au gouverneur pour qu'il ne leur enlevt point leurs

    encomiendas ou commanderies d'Indiens, les mcontents

    se runirent chez Felipe Caceres et pntrrent dans la

    demeure de Nunez qu'ils saisirent pendant la nuit. Ils le

    dpouillrent de l'autorit, mirent en libert les malfai-

    teurs et l'accusrent publiquement de prtendus crimes,

    tandis que les Pres Armenta et Lebron, qui avaient

    pris parti pour les conjurs, usaient de leur influence

  • 12 CHAPITRE PREMIER.

    sur le peuple pour faire triompher le complot, dont les

    auteurs s'empressrent de proclamer Domingo Martinezde Irala en remplacement d'lvar Nunez.

    Diego de Abreu et Ruiz Diaz Melgarejo, qui taientrests fidles l'autorit lgale, essayrent en vain

    une raction, qui n'eut d'autre rsultat que de faire

    dcider l'envoi immdiat de Nunez en Espagne, sous

    l'accusation des crimes les plus atroces. Au moment

    de son embarquement , Alvar Nunez dclara, au nom

    du Roi, qu'il laissait pour son lgitime reprsentant le

    capitaine Juan de Salazar.

    Aprs le dpart du gouverneur dpossd, Salazar

    runit chez lui les Espagnols qui n'avaient pas pris part

    la rbellion et se fit reconnatre comme reprsentant

    du gouverneur lgitime ; mais Irala, inform de la ru-

    nion, ft cerner la maison de Salazar et s'empara de ce

    dernier, de Melgarejo, de Richelme, et de quelquesautres qu'il fit embarquer et rejoindre le btiment qui

    emportait Nunez.

    Le procs fut port devant le Conseil des Indes, et

    Irala, aprs plusieurs expditions contre les Indiens,

    son retour de la terre* des Mbayas, en 1546, reut

    l'ordre du Roi de ne pas entreprendre de nouvelles d-

    couvertes jusqu' ce qu'il ft pourvu aux fonctions degouverneur. Mais ne consultant que son gnie entre-

    prenant, il laissa le commandement don Franciscode Mendoza, et partit, la fin de 1 547, avec trois cent

    cinquante Espagnols et deux mille Guaranis pour dcou-

    vrir la route du Prou. Il arriva non sans peine, aprs

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 13

    beaucoup de fatigues, la terre des Macheasis, quatre

    lieues en de du fleuve Guapay, sur le versant des

    cordillres Pruviennes. Les Indiens qui appartenaient

    la commanderie du capitaine Peransules, fondateur de

    Ghuquisaca, donnrent Irala des nouvelles de la mau-

    vaise situation du Prou : les Incas avaient t battus,

    Gonzalo Pizarro mis mort, et sa troupe se livrait au

    pillage. Alors Irala, toujours m par son ambition, r-solut d'offrir ses services au licenci Pedro de la

    Gasca, prsident do ces possessions; mais celui-ci, qui

    avait eu connaissance de l'arrive d'Irala, lui envoya

    l'ordre de ne pas marcher en avant, sous peine de la vie.

    Sans renoncer ses projets et pour inspirer confiance

    Gasca, Irala lui envoya une dputation composede Nuflo de Chaves, Miguel de Rutia, Pedro de Onate

    et Ruiz Garcia Mosquera, qui partirent pour Lima. La

    dputation fut bien reue par le prsident, qui, tout en

    disant qu'il remerciait Irala de ses bons procds,

    renouvela l'ordre qu'il lui avait dj envoy de ne pas

    avancer davantage. Irala, aprs l'envoi de ses dputs,

    avait cru prudent, pour loigner tout soupon, de reve-

    nir sur ses pas ; il se dirigea , pour les attendre , vers

    une ville des Cercosis, qu'il soumit. Mais ses soldats,

    mcontents des lenteurs de l'expdition qui devait leur

    faire atteindre la rgion de l'or, objet de leurs dsirs, se

    rvoltrent, manifestant la volont de retourner sans

    retard l'Assomption, et proclamrent pour chef le

    capitaine Gonzalo de Mendoza, qui afin d'viter de plus

    grands maux, accepta le commandement de cette force

  • 14 CHAPITRE PREMIER.

    dmoralise,laquelle, aprs avoir essuy beaucoup de

    pertes dans la marche que suivait Irala, arriva au port

    de dbarquement en 1549.

    Pendant cette malheureuse expdition, don Fran-

    sisco de Mendoza, investi du gouvernement par Irala,

    avait fait courir la nouvelle de la mort de celui-ci

    pour se faire lire dfinitivement sa place, et lorsqu'il

    se crut certain de russir, il se dmit de ses fonctions

    provisoires pour que l'on procdt l'lection : mais

    grande fut sa surprise lorsqu'il vit que la majorit dessuffrages faisait passer l'autorit aux mains du capitaine

    Diego de Abreu, qu'il rsolut alors de faire arrter;

    cependant Abreu, prvenu temps, prit les devants et

    le fit juger, condamner mort et excuter. breu nejouit pas longtemps de son sanglant triomphe, car Irala,

    qui ses soldats rvolts avaient restitu son autorit,

    s'approchait. Abandonn de presque tout le monde,Abreu fut forc de fuir, accompagn seulement d'unecinquantaine de ses partisans.

    Entretemps le prsident Gasca, qui ne pouvait voir

    avec indiffrence les dsordres que l'ambition et l'avi-

    dit faisaient natre au Paraguay, rsolut d'en donner le

    gouvernement Zenteno, qui mritait toute sa con-

    fiance pour ses bons services. Il expdia donc en sa

    faveur le titre de gouverneur des terres comprises

    entre les confins du Cuzco et de Charcas jusqu'aux

    possessions portugaises du Brsil, mais Zenteno, en se

    rendant au Paraguay, mourut empoisonn Gharcas.

    Nanmoins sa suite, compose des quatre envoys

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 15

    d'Irala, des capitaines Pedro Segura, Francisco Gorton,

    Pedro Sotelo, Alonso Martin Truxillo et de quarante

    soldats , continua son voyage jusqu' l'Assomption , o

    elle fut accueillie avec d'autant plus de joie par rala

    qu'elle lui apportait la nouvelle de la mort de celui qui

    avait t dsign pour le remplacer.

    Alors il chargea Chaves et Felipe Gaceres de

    soumettre ceux qui restaient en armes sous le com-

    mandement d'Abreu, en opposition son autorit.

    Aprs plusieurs combats, Abreu fut surpris et tu, et

    Ruiz Diaz Melgarejo, qui s'apprtait le venger, fut faitprisonnier. Quoi qu'il en ft, la guerre civile menaait

    de se prolonger, et Irala, qui faisait des expditions

    contre les Mbayas, s'empressa de revenir pour y mettre

    fin en employant la conciliation. Il y russit en accor-

    dant la vie Melgarejo dont il protgea la fuite auBrsil. Il tenta ensuite une nouvelle excursion vers le

    Prou en traversant la terre des Mbayas, mais les

    rsultats furent dsastreux et il revint l'Assomption

    aprs avoir essuy de grandes pertes.

    Renonant enfin ces projets qui avaient si mal

    russi, il jeta les yeux vers l'embouchure du Rio de la

    Plata, o l'on avait reconnu qu'il tait ncessaire d'ta-

    blir une colonie. Il envoya cette fin le capitaine

    Juan de Romero avec cent cinquante soldats choisis,

    qui jetrent en 1555 les premiers fondements de laville de San Juan (1), au confluent d'une rivire

    (1) Point du territoire qui forme aujourd'hui la Rpublique Orientalede l'Uruguay.

  • 16 CHAPITRE PREMIER.

    laquelle ils donnrent ce nom, en face de Buenos-

    Ayres; mais la faim et les attaques continuelles des

    Indiens Charmas les obligrent bientt revenir

    Assomption. A la mme poque, quelques chefs prin-cipaux des Indiens du Guayra se prsentrent Irala,

    implorant sa protection contre les Tupies. Aprs avoir

    contraint ceux-ci la paix, il chargea, avant son retour,

    le capitaine Garcia Rodriguez de Bergara, auquel il

    donna soixante Espagnols, de fonder une ville dans

    ce riche pays; ce qui amena la cration de la ville de

    Ontiberos, dans la terre des Ganideyu, une lieue de

    la fameuse cataracte de Guayra, du fleuve Parana.

    Aprs huit ans d'attente , le procs d'Alvar Nunez se

    termina par son acquittement et celui des autres officiers

    renvoys avec lui en Espagne ; mais aucun d'eux, sauf

    Salazar, ne devait retourner au Paraguay. Juan de

    Sanabria obtint le gouvernement du Paraguay, la

    condition de faire l'expdition ses frais, d'emmener

    avec lui huit religieux de l'ordre de Saint- Franois,

    cent familles, des graines et des semences et de donner

    le passage des gens de mtiers. Il prparait son exp-

    dition Sville lorsque en \M9 il mourut subitement.Son fils Diego de Sanabria le remplaa, aux mmesconditions, mais ses affaires ne lui permettant pas de

    partir pour le moment, il envoya en 1552 trois bti-

    ments sous la direction de Juan Salazar de Espinosa

    qui retournait au Rio de la Plata investi des fonctions

    de trsorier gnral. Deux ans aprs, Diego Sanabria

    s'embarqua, mais les pilotes s'tant gars, aprs avoir

  • Canelle lith. d'aprs un daguerrotype. imp. Simonau & Toovey Bruxelles.

    EGLISE CATHEDRALE(Assomption.)

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 17

    err longtemps, il renona ses projets et retourna en

    Espagne.

    Entretemps Salazar arrivait Santa-Catalina, o, par'

    suite de dissentiments entre lui et le pilote Hernando

    de Trejo, il fut oblig de dbarquer, et passa San-

    Vicente avec une partie de l'expdition. Trejo fonda,en ?555, une ville San-Francisco en face de l'le

    de Santa-Calalina , fondation qui eut l'approbation du

    Roi, mais que la famine le fora d'abandonner en

    1 555. Il prit le parti de se transporter l'Assomption

    en choisissant la route qu'avait suivie antrieurement

    Alvar Nunez. A son arrive, Irala le fit arrter et mettre

    en jugement sous l'inculpation du dlit d'abandon d'ta-blissement. Presque en mme temps arrivaient aussi,sous la direction de Melgarejo, les Espagnols qui s'-taient rfugis San-Vicente, et par la mme voieIrala reut la nouvelle que la Cour d'Espagne confir-

    mait son autorit et envoyait un vque au Paraguay.

    En effet, peu aprs, la veille du dimanche des Rameaux

    de l'anne 1555, parurent dans le port deux btiments

    commands par le gnral Martin de Orne qui accom-pagnait l'vque Fray Pedro de Torres, religieux de

    l'Ordre de Saint-Franois.

    Irala reut avec grande satisfaction sa nomination

    et accueillit fort bien l'vque. Il dcrta la fondation

    de deux nouvelles villes, l'une dans le Guayra, l'autre

    chez les Jarayes; mais auparavant il voulait metlre un

    terme aux nouvelles attaques des Tupies contre les In-

    diens amis, mission dont il chargea Chaves, au commen-2

  • 18 CHAPITRE PREMIER.

    cernent de 1556 et qui eut un succs complet. Alors il

    confia la fondation de la ville dans le Guayra Ruiz Diaz

    Melgarejo qui avec cent soldats en posa les fondements

    en 1557 sous le nom de Ciudad Real, sur les bords du

    fleuve Parana l'embouchure de la rivire Pequiri,

    trois lieues d'Ontiberos. La mme anne, le capitainejNuflo de Ghves partit pour fonder la ville chez les*Ja-

    rayes avec deux cent vingt Espagnols et plus de quinze

    cents Indiens amis. Ils navigurent jusqu' la rivire

    Araguay, peuple par les Guatos dont les hostilits les

    obligrent prendre terre chez les Parabazanes; mais

    n'ayant pas jug cet endroit favorable pour l'tablisse-ment de la ville, ils pntrrent dans l'intrieur, la

    recherche d'un autre point.

    Pendant ces expditions, Irala, atteint d'une fivre

    violente, mourait l'Assomption , laissant l'autorit

    dans les mains du capitaine Gonzalo de Mendoza, qui

    s'empressa de le faire savoir Melgarejo et Chaves.Le premier reconnut aussitt le nouveau gouverneur,

    mais le second s'y refusa et se dirigea vers le Prou, oil eut soutenir, dans les plaines de Guelgonigota, un

    combat contre un officier du vice-roi Marquis deCanete,

    et battit ensuite les Indiens Chiriguanos.

    Le gouvernement de Gonzalo de Mendoza se passatranquillement. Il fit chtier les Agaces qui s'taient

    empars du fleuve et faisaient des excursions jusqu'l'Assomption; il mourut en 1558, et don Francisco

    Ortiz de Bergara lui succda, par lection.

    La troupe qui accompagnait Chaves l'avait aban-

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 19

    donn et tait revenue avec les Indiens faisant partie

    de l'expdition. Ceux-ci s'taient procur chez les

    Chiriguanos des flches empoisonnes, et possesseurs

    de ces terribles armes, ils songrent recouvrer

    leur libert. Ils entreprirent partout la propagande

    de la rbellion, qui donna pour rsultat la runion de

    seize mille Indiens. Bergara marcha contre eux avec

    cinq cents Espagnols, quatre mille Guaranis et quatre

    cents Guaicurues; le 5 mai 1560, prs de la rivire

    Mbuyapey, eut lieu une bataille dcisive dont le r-

    sultat fut la victoire complte des Espagnols. Mais en

    mme temps Bergara recevait de Ruiz Diaz Melgarejol'annonce de la rvolte des Indiens du Guayra qui

    avaient mis le sige devant la nouvelle ville, menace

    srieusement d'tre prise s'il n'envoyait des secours.

    Il dtacha son aide Alonso Richelme avec soixante

    soldats, et celui-ci, combinant ses oprations avec Mel-

    garejo, obligea les Indiens lever le sige.

    Richelme revint l'Assomption au commencement

    de 1562, poque laquelle Chaves s'y prsentait aussi

    faisant les plus belles descriptions du pays qu'il avait

    explor aprs avoir t abandonn de ses troupes. Legouverneur Bergara et l'vque Torres, tents par ces

    rcits, prirent la rsolution de partir pour le Prou et

    firent tous les prparatifs ncessaires. Ils se mirent en

    route par eau, en 1564, accompagns de trois centsEspagnols et des Indiens attachs leur service,

    formant un total de prs de deux mille personnes.

    Ghaves les suivait par terre avec plus de deux mille

  • 20 CHAPITRE PREMIER.

    Indiens de sa commanderie et quelques Espagnols qui

    taient revenus avec lui du Prou. La mme anne l'ex-pdition arriva sans encombre la province de Santa-

    Cruz de la Sierra; l, Chaves dpouilla Bergara de

    son autorit, et le fit arrter par son lieutenant Her-

    nando de Salazar. L'Audience Royale de la Plata ordonna

    sa mise en libert, et il se prsenta Chuquisaca en

    1565, demandant tre confirm dans son gouverne-

    ment. Mais les prtentions des capitaines Diego Pan-

    toja et Juan Ortiz de Zarate au gouvernement du Para-

    guay, et les charges formules par le Procureur de

    l'Assomption , eurent pour rsultat l'envoi de Bergara

    la Cour d'Espagne, par l'Audience Royale., qui

    ordonna que Zarate ft tenu pour gouverneur jusqu'

    confirmation ou dcision contraire du Roi. Zarate, d-

    sireux d'obtenir de la Cour l'approbation de sa no-

    mination, partit immdiatement pour l'Espagne, dsi-

    gnant pour son lieutenant Felipe Caceres. Celui-ci s'en

    retourna l'Assomption avec l'vque Torres, non sans

    que Chaves, qui mourut peu aprs d'un coup de massue

    que lui assna un Indien Itatin, s'oppost sa marche

    lors de son passage Santa-Cruz. Caceres arriva l'As-

    somption en 1 569, et ds lors commena une srieuse

    dissidence entre lui et Torres. L'vque fit censurer

    publiquement la conduite de ce dernier par le proviseur

    Alonzo cle Segovia, que Caceres fit immdiatement

    arrter, interdisant au prlat l'entre de l'glise, et d-

    crtant son exil. Sous prtexte d'obtenir des nouvelles

    de Zarate, il rsolut de faire un voyage jusqu' l'ern-

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 21

    bouchure du Rio de la Plata, et se fit accompagner par

    Torres. A son retour de l'le de San-Gabriel, arriv

    la rivire Salado, il essaya de faire remonter une em-

    barcation afin de faire conduire l'vque Santiago

    ,

    mais des difficults insurmontables l'obligrent re-

    noncer ce projet, et il ramena Torres l'Assomption,

    o il lui rendit la libert sous caution.

    Peu aprs son retour, en 1572, victime d'une con-

    spiration protge par Fray Francisco Ocampo, Gaceres

    fut arrt et remplac au pouvoir par le lieutenant Mar-

    tin Suarez de Toledo. On rsolut d'envoyer Gaceres enEspagne sous la garde de Ruiz Diaz Melgarejo qui avaitmconnu dans le Guayra l'autorit de Suarez, et l'vqueTorres, pour mieux assurer les rsultats de cette affaire,

    se dcida faire partie de l'expdition.

    Arriv San-Vicente, Melgarejo y rencontra Zarate,et la ncessit de l'accompagner l'obligea de confier

    des subalternes le soin de ramener Gaceres en

    Espagne. L'vque Torres, dont la conduite fut dsap-

    prouve plus tard par le Conseil des Indes, mourut

    pendant son sjour San-Vicente.

    Juan de Garay qui, au dpart de l'Assomption, avait

    escort Melgarejo jusqu'au bras du Parana nomm Qui-loazas, tait revenu sur ses pas avec quatre-vingts

    soldats et avait fond, la mme anne de 1 575, la villede Santa-F de la Vera-Cruz , o il reut avis de l'ar-

    rive du gouverneur Juan Ortiz de Zarate l'le de San-

    Gabriel. Il se mit aussitt en marche pour protger son

    voyage qui tait entrav par lesCharruas et aprs l'avoir

  • 22 CHAPITRE PREMIER.

    fait passer dans l'le de Martin Garcia, vainqueur des

    Charruas , il fonda, sur les rives du fleuve Uruguay,

    la ville de San-Salvador, que visita Zarate avant de

    .partir pour l'Assomption o il mourut peu aprs son

    arrive, en 1575, dclarant nulle l'lection de Martin

    Suarez de Toledo et confrant provisoirement son

    neveu, Diego de Mendieta, le gouvernement qui de-

    vait appartenir celui qui pouserait sa fille Juana

    Ortiz de Zarate, qui habitait Chuquisaca. Juan de

    Garay, un des excuteurs testamentaires, partit pour

    le Prou pour annoncer cette nouvelle Juana Ortiz

    de Zarate, qui trouva grand nombre de prtendants

    sa main. Elle choisit le licenci Juan Torres de

    Vera de l'Audience Royale; mais le vice-roi de Lima,

    qui convoitait la main de Juana Ortiz pour un de ses

    neveux, fit arrter Vera; Garay n'chappa au mmesort qu'en se sauvant.

    Le gouvernement intrimaire de Mendieta avait t

    peu heureux; la nouvelle colonie de San-Salvador, sans

    cesse attaque par les Charruas et abandonne sespropres ressources

    ,avait t dserte et ses habi-

    tants taient revenus l'Assomption en 1576, poquede la mort de Mendieta et de l'arrive de Garay qui le

    remplaa en vertu des pouvoirs que lui avait donnsVera. Il marqua son entre au gouvernement par la

    cration d'une ville nouvelle, dont l'tablissement fut

    confi Ruiz Diaz Melgarejo qui fonda Villa Ricadel Espiritu Santo deux lieues du fleuve Parana ; cette

    ville fut transporte plus tard sur la rivire Huibay.

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 23

    Aprs avoir apais, en 1579, une rvolte d'Indiens

    Guaranis, la tte de laquelle s'tait mis le Caci-

    que Obra, Garay envoya l'anne suivante Melgarejoavec soixante soldats, pour tablir sur les rives de

    la rivire Mbotetey, tributaire du fleuve Paraguay, la

    ville de Santiago de Jerez.

    De son ct, Juan de Garay se rendait de l'Assomp-

    tion au Rio de la Plata avec soixante hommes, pour

    tablir une ville, et en 1580, il fondait la Ciudad

    de la Santisima Trinidad, Puerto de Santa Maria de

    Buenos-Ayres dans le mme endroit o s'lve aujour-d'hui cette mme ville de Buenos-Ayres. A son retour,il fut surpris par les Indiens Miunanes et tu avec

    quarante de ses soldats; les autres purent se sauver

    Santa-F.

    Les Minuanes, encourags par la mort de Garay,

    dirigrent leurs attaques sur Buenos-Ayres; mais ils

    furent vaincus par Rodrigo Ortiz de Zarate, qui com-

    mandait la nouvelle colonie.

    Alonzo de Vera et Aragon , successeur de Garay

    dans le gouvernement provisoire du Paraguay, voulut

    marquer cette poque par une grande expdition au

    Chaco (1). Il partit de l'Assomption en 1585 en se diri-

    (1) Le Chaco est le vaste territoire dsert compris entre les provincesdu nord de la Rpublique Argentine, la Bolivie et les fleuves Parana etParaguay.

    Le Pre Guevara dans son Historia del Paraguay, Rio de la Plata yTucuman, explique de cette manire l'origine du nom de Chaco :

    Los Indios que habitaban entre el Pilcomayo y el Vermejo, llamabanChacu al congreso y junta de Vicunas y guanacos que levantados delos cazadores y desfilados hcia el centro, concurrian en el sitio desti-nado para la caza. De los animales trasladaron los Espanoles el nombre

  • 24 CHAPITRE PREMIER.

    gant avec quatre cents soldats vers le fleuve Vermejoet aprs de grands avantages remports sur les Indiens,

    il fonda, sur la rive droite de ce fleuve, la ville de Con-

    ception del Vermejo, dans les terres de Matar.Depuis longtemps on avait reconnu la ncessit

    d'tablir une ville au confluent des fleuves Pa-

    rana et Paraguay ; son arrive l'Assomption en

    lo87, le gouverneur Juan Terres de Yera, qui obtint

    enfin sa libert, confia la ralisation de ce projet

    son neveu lonzo de Yera, qui fonda la nouvelleville Tanne suivante, sous le nom de Juan de Yera

    qui fut remplac par celui de Corrientes, sous lequel

    elle est connue aujourd'hui.

    Terres de Yera, fatigu du gouvernement et dsirant

    retourner en Espagne, donna sa dmission en 1591, et

    Hernando de Saavedra, natif de fAssomption , fut

    lu pour son successeur; mais son tour il se retira

    aprs deux annes d exercice de ses fonctions, et fut

    remplac par Fernando de Zarate, qui conserva aussi

    le gouvernement du Tucuman dont il tait investi.

    Diego de Yaldez de la Banda succda Zarate, mais

    peu aprs Hernando de Saavedra reprit les rnes du

    al pais, alterandola ultima letra y llamandolo Chaco. con significadotan limitado que solo se extendia la pemnsula que hacen el Pilco-mayo y el Vermejo. Con el tierapo se emple el significado, aplicndolo aun a dilatadisima provincia que corre entre el Salado y Parana. desdela jurisdiccion de Santa F, y abarcando los Llanos de Manso. se dilatapor la costa occidental del Paraguay, ocupando por muchas lguas alnorte y poniente los paises intermedios.

    (Page 25 de la continuation de la Bistoria Argentina de Ruiz Diaz deGuzman, crite en 4 612, Buenos-Ayres, 4 854.)

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 25

    gouvernement, et sa nomination fut confirme par la

    Cour d'Espagne en 1601,

    Saavedra guid par l'espoir de nouvelles dcouvertes

    se rendit Buenos-Ayres et se dirigea vers le dtroit

    de Magellan. Aprs plus de deux cents lieues de marche

    il tomba, avec ceux qui l'accompagnaient, au pouvoir des

    Indiens. tant parvenu s'chapper, il revint Buenos-Ayres et avec des troupes qu'il y prit il marcha contre

    les Indiens qui l'avaient captur et dlivra les Espagnols

    qui taient rests en leur pouvoir. Il entreprit ensuite

    avec bon rsultat la pacification des Indiens Guaicurues

    qui habitaient leChaco, dpendant du Paraguay, et tenta

    deux expditions pour la conqute du Paranaet de l'Uru-

    guay. Mais ayant acquis la conviction qu'il ne possdait

    pas de forces suffisantes pour vaincre au moyen des

    armes, il reprsenta la Cour d'Espagne qu'il serait

    ncessaire de soumettre ces peuplades sauvages par la

    propagation de la foi.

    Philippe III, par dcret de 1608, approuva cette ide,

    et les jsuites italiens Simon Mazeta et Jos Cataldino

    partirent le 8 dcembre 1609 pour le Guayra. Acette poque, Arapizandu, chef principal des Indiens

    Paranas, se prsentait l'Assomption, sollicitant pour

    son peuple la paix et l'envoi de missionnaires. Les pres

    Lorenzana et Francisco de San-Martin furent chargs

    de se rendre ses dsirs, et en 1610 fut commencl'tablissement des missions du Parana et de l'Uruguay.

    Hernando de Saavedra termina son gouvernement

    en 1609 et fut remplac par Diego Martin de Negron,

  • 26 CHAPITRE PREMIER.

    durant l'administration duquel vint le visiteur Francisco

    de Alfaro, qui donna, en 1612, des ordonnances rela-

    tives aux Indiens, abolissant l'espce d'esclavage dans

    lequel on les maintenait depuis la conqute. Xegron

    mourut en 161o, et fut remplac provisoirement par le

    gnral Francisco Gonzalez de Santa-Gruz qui coopra

    activement l'excution des mesures dictes par le vi-

    siteur Alfaro. Mais la Cour d'Espagne, qui connaissait

    les mrites de Hernando de Saavedra, l'appela, une

    troisime fois, au gouvernement de la Plata.

    Saavedra qui, durant les diverses priodes de son

    gouvernement, avait compris que le territoire qu'em-

    brassait la conqute tait trop vaste pour qu'un seul

    chef pt remplir convenablement ses fonctions,

    appela l'attention du gouvernement espagnol sur la

    ncessit de crer une nouvelle province dont la capi-

    tale serait Buenos-Ayres, et le roi dcrta, en 1620, la

    division de la province du Paraguay en deux gouver-

    nements : celui du Paraguay et celui du Rio de la Plata,

    assignant celui-ci Buenos-Ayres, Entre Rios, Cor-

    rientes, Santa-F, ce qui forme aujourd'hui la Rpublique

    Orientale de l'Uruguay, et dix-sept peuples des trente

    qui formaient les Missions. Le Paraguay conservait tous

    les territoires qui n'taient pas spcialement attribus

    au nouveau gouvernement. Les deux gouvernements

    devaient tre compltement indpendants l'un de l'autre

    et administrs par des gouverneurs nomms par la Courd'Espagne, mais dpendants tous deux du vice-roi du

    Prou et de l'Audience Royale.

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 27

    DEUXIEME POQUE.

    CONTINUATION DE LA DOMINATION ESPAGNOLE.

    PREMIRE PARTIE.

    Depuis le dmembrement de la provinee du Paraguay jusqu' son mancipation.

    1620-1841.

    Aprs le fractionnement du territoire , don Manuel

    de Frias fut nomm gouverneur de la province du Para-guay, mais bientt il fut appel l'Audience de Char-

    cas, par suite des intrigues de l'vque Fray Tomas de

    Torres. Les habitants de l'Assomption, qui estimaient

    et regrettaient Frias, adressrent, en 1626, une pti-

    tion l'Audience pour redemander leur gouverneur.

    Celle-ci consentit le leur rendre, mais Frias, en route

    pour le Paraguay, mourut, en 1627, Salta. L'anne

    suivante , Luis de Cespedes Jeray lui succda. Ce gou-

    verneur se rendit odieux cause du trafic d'Indiens

    qu'il faisait avec les Portugais (1). L'Audience Royale,

    ayant eu connaissance de ce commerce, le fit compa-

    ratre devant elle. Cespedes fut condamn 12,000piastres d'amende et priv pour six ans de l'exercice de

    tout emploi public.

    (1) Le doyen Fmes, dans son ouvrage dj cit, dit que Davila

    ,

    gouverneur de Buenos-Ayres cette mme poque, calculait que cetrafic donna pour rsultat la vente Rio Janeiro, de 1628 1630, d-plus de 60,000 Indiens,

  • 28 CHAPITRE PREMIER.

    Les incursions des Indiens brsiliens Mamelucos et

    Tupies, qu'avait tolres Cespedes, amenrent l'abandon

    de Villa-Vica et de Ciudad-Real, et la Cour d'Espagne,

    qui ne voyait pas sans inquitude ces invasions des

    Indiens brsiliens, nomma au gouvernement du Para-

    guay Pedro de Lugo deNavarra, en qui elle avait grande

    confiance. Il entra en fonction en 1636, mais bientt

    une invasion de Mamelucos et de Tupies, loin de confir-

    mer la bonne opinion qu'on avait de lui, prouva qu'il

    n'avait ni le talent et le courage qu'on lui attribuait : au

    moment du combat il abandonna ses troupes ; mais les

    Indiens de l'Uruguay, quoique abandonns par Lugo,

    remportrent une brillante victoire : des deux mille cinq

    cents envahisseurs , il n'en retourna que trente San-

    Pablo. Lugo fut rappel en Espagne, mais il mourut en

    route.

    En 1641, Gregorio de Hinostrosa prit les rnes du

    gouvernement, et en 1644 il fut oblig d'exiler l'vque

    Fray Bernardino de Gardenas, dont la conduite peu pru-

    dente menaait d'amener des dissensions ; mais celui-ci,

    profitant de la dbilit de Diego Escobar de Osorio, qui

    succda Hinostrosa, obtint non-seulement l'autorisa-

    tion de revenir l'Assomption, mais encore la promesse

    d'tre nomm gouverneur la mort du titulaire. FrayBernardino de Gardenas exera ses fonctions pendant

    sept mois,

    s'occupant exclusivement exciter les res-

    sentiments. Son but tait l'extermination des jsuites. Il

    les fit expulser par le peuple et permit le pillage et l'in-

    cendie de leur collge. L'Audience de Charcas, aussitt

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 29

    qu'elle eut connaissance de ces faits, dclara que

    levque Cardenas n tait point gouverneur, et appela

    ces fonctions Sbastien de Lon y Zarate, en luiordonnant de rtablir les jsuites.

    Cardenas rsolut de rsister aux ordres de l'Audience

    et arma un corps de citoyens qu'il avait fanatiss. Le

    gouverneur Lon runit les Espagnols, qui n'avaient

    pas pris les armes pour l'vque, et trois mille Indiens

    des missions, et se prsenta devant les troupes de l'v-

    que qu'il battit. Cardenas fut fait prisonnier et remis a

    l'Audience Royale; en 1650 les jsuites furent rin-

    stalls l'Assomption.

    Vers la fin de 1650, Lon fut remplac parAndres deLon Garabito

    ,

    qui peu aprs , en 1 652 , donna des

    preuves de valeur et d'habilet dans un combat qu'il

    soutint contre une arme d'Indiens brsiliens qui, de

    San-Pablo, s'tait jete sur les missions du Parana et

    de l'Uruguay.

    Les Guaranis, voyant que les Espagnols taient sans

    cesse occups faire la guerre aux Mamelucos et aux

    Tupies, formrent le projet d'attaquer la capitale; mais

    le gouverneur, qui eut connaissance de leurs intentions,

    marcha contre eux et les chtia svrement.

    En 1655, Cristoval de Garay y Saavedra succda

    Garabito. Le nouveau gouverneur s'occupa activement

    de contenir les Mbayas et les Neengas qui s'taient con-

    fdrs et commettaient de grands ravages, profitant

    de la malheureuse situation dans laquelle se trouvait la

    province a cause de l'pidmie qu'elle eut souffrir

  • 30 CHAPITRE PREMIER.

    en 1654 et 1655. Garay, uni aux Guaranis, obtint un

    triomphe complet sur les Indiens.

    La prosprit des missions veillait l'envie et la con-

    voitise, et l'on faisait courir des bruits sur la richesse

    fabuleuse des jsuites; la Cour d'Espagne, qui dsirait

    tre bien renseigne cet gard, rsolut de nommer

    gouverneur du Paraguay, l'Auditeur de Gharcas, Juan

    de Blazquez de Balverde, avec droit de visiter toutes

    les missions, mme celles du Rio de la Plata. Blazquezentra en fonctions en 1 657 et trouva l'tat des missions

    trs-prospre ; mais dou d'un caractre faible, ce gou-

    verneur ne sut pas ramener - l'obissance les Indiens de

    Gaazapa et de Juti, qui s'taient refuss aux oprations

    du recensement. Cette faiblesse commenait produire

    de mauvais effets chez les autres peuples indiens,

    lorsque Blazquez fut remplac, en 1659, par Alonzo

    Sarmiento y Figueroa. Ce gouverneur commena par

    inspecter tous les villages fortifis de la frontire et

    les mettre en tat de dfense pour qu'ils pussent ser-

    vir de barrire aux invasions des Indiens ennemis qui

    pouvaient appeler leur aide les Indiens rebelles. Il fit

    construire un nouveau fort Tapua (1).

    En 1 662, Sarmiento fit une expdition contre les

    Guaicurues, qui continuaient leurs dprdations et leurs

    vols, et, Tanne suivante, lui succda Juan de Diaz

    Andino, qui continua la guerre aux Guaicurues et aux

    Payaguas.

    (1) Tapua oultapua, aujourd'hui la ville de l'Incarnation, au sud, surla rive droite du fleuve Parana.

  • HISTOIRE DU PARAGUAY 31

    Felipe Rege Corvalan remplaa Andino en 1671, et

    cette mme anne les Guaicurues et les Al bayais, tra-versant le fleuve Paraguay, saccagrent la valle de

    Tacumb;encourags par l'impunit, ils continurent

    pendant quatre annes leurs ravages Tobati , Are-

    gua, Atira et dans les valles de Parnipitan et d'Are-

    cutagua. Corvalan tenta en vain, en 1675, cle mettre

    fin ces ravages ; la mauvaise volont de ses officiers

    et de ses troupes l'obligea rentrer dans la capitale.

    Les Mamelucos de San Pablore commenaient en

    mme temps leurs invasions qui devenaient de plus enplus frquentes.

    Le manque d'nergie de Corvalan avait produit des

    maux auxquels il ne pouvait plus porter remde, son

    autorit tait mconnue et des plaintes s'levaient detoutes parts : l'Audience de Cbarcas envoya au Paraguay

    un fonctionnaire charg de faire une enqute. Celui-ci

    envoya le gouverneur devant l'Audience et remit pro-

    visoirement l'administration entre les mains du con-

    seil municipal. Cependant l'Audience, ne trouvant pas

    de motifs suffisants pour destituer Corvalan de ses

    fonctions, lui restitua son gouvernement, qu'il conserva

    jusqu'en 1681 en promettant de rtablir l'ordre et lapaix parmi les Indiens.

    A cette poque Juan Diaz de Andino occupa denouveau le gouvernement et fit de nombreuses exp-

    ditions contre les Indiens ; il mourut en 1684 et le Vice-

    Roi de Lima lui donna pour successeur provisoireAntonio de Vera Mujica qui gouverna jusqu' l'arrive

  • 32s

    * CHAPITRE PREMIER.

    de Francisco Monforte en 1685. Celui-ci fit deux exp-

    ditions aux terres des Guaicurues, et en 1688 il entre-

    prit une campagne contre les Mamelucos qui setaient

    empars de la ville de Santiago de Xerez. Il abandonna

    son gouvernement en 1691, aim et honor de tous,

    ce qui rendit encore plus pnible le despotisme de

    son successeur Sbastien Flix de Mendiola. Les Para-

    guayens, fatigus de supporter sa tyrannie, s'empar-

    rent de lui et l'envoyrent Buenos-Ayres o il resta

    jusqu' ce que l'Audience ordonnt de lui restituer legouvernement, qu'il conserva jusqu'en 1696.

    Aprs son successeur, Juan Rodriguez Cota, le gou-vernement chut en 1702 Antonio Escobar, qui

    ,

    cause d'incapacit, fut remplac par son frre.

    En 1705 Baltazar Garcia Ros fut nomm gouverneuret au moment o il se prparait dloger les Portu-

    gais de Santiago de Xerez, vers la fin de 1707, lui

    succda Manuel de Robles qui, quoiqu'il dsirt mettre

    excution le projet de Ros, fut forc de l'abandonner,

    pour concentrer toute son attention et ses forces vers

    le Chaco, dont les peuplades indiennes ne cessaient de se

    montrer hostiles. Il entreprit une campagne contre eux

    avec l'aide du Tucuman,et en 1710 partit une colonne de

    six cents Paraguayens qui fut force de revenir sur ses

    pas cause des grandes inondations qu'elle rencontra.

    Juan Gregorio Bazan de Pedraza fut en 1712 le

    successeur de Robles. En 1714 il fit tablir deux nou-

    velles colonies, la premire dans la valle de Guarni-

    pitan la frontire des Guaicurues, la seconde

  • HISTOIRE DU PARAGUAY. 33

    Curuguati, pour contenir les Mamelucos. il mourut en

    1717, et le 6 fvrier de la mme anne Diego de losReyes Balmaceda , Alealde de l'Assomption , qui An-

    tonio Victoria, nomm par la Cour d'Espagne, trans-fra ses pouvoirs, prit possession du gouvernement.

    Reyes se trouva en face d'une forte opposition, la

    tte de laquelle s'tait mis le Rgidor Jos de