La Republique Dupa 00 Grat
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Gass_
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/32 /V
LA
RPUBLIQUE DU PARAGUAY
-
DU MEME AUTEUR
LA CONFDRATION ARGENTINE. Un vol. in-8 de 400 pages aveccartes, plaDs, portrait?, etc. Deuxime dition. 4865.
MMOIRE SUR LES PRODUCTIONS MINRALES DE LA CONF-DRATION ARGENTINE. Un vol. in-8.
Bruxelles. Typ. de Y* Pakent & Fils, diteurs, montagne de Sion, 17.
-
LA RPUBLIQUEDU
PARAGUAYALFRED M. DU GRTY
Colonel d'artillerieancien sous-secrtaire d'Etat aux Ministres des Affaires trangres et des Finances
de la Rpublique Argentine, etc.Membre correspondant de la Socit gographique, de la Socit gologique
et de l'Association centrale pour l'amlioration des classes laborieuses de Prussemembre correspondant de l'Association des amis de l'histoire naturelle de la Plata
membre-fondateur de la Socit des antiquaires du Nord, de Copenhaguevice-prsident honoraire de la Socit universelle
pour l'encouragement des arts et de l'industrie et membre correspondant pour la classedes sciences de l'Athne des arts de Paris, etc., etc.
Commandeur de l'Ordre du Christ et officier de l'Ordre Imprial de la Rose du BrsilChevalier de l'Ordre Lopold de Belgique, de l'Aigle-Rouge de Prusse
de Charles III d'Espagne, etc.
DEUXIEME EDITION
BRUXELLES, LEIPZIG, GANDLIBRAIRIE EUROPENNE RE C. MUQUARDT
LondresTRUBXER & COUP, PATERKOSTER ROW
I 865TOUS DROITS KSEKYS
-
A SON EXCELLENCE
MONSIEUR CHARLES ANTOINE LOPEZ,
PRSIDENT DE LA RPUBLIQUE DU PARAGUAY.
Monsieur le Prsident,
J'ai runi les notes que j'avais recueillies sur le
Paraguay pendant le sjour que je viens d'y faire et
j'en ai form un livre qui contient le rsultat de mes
explorations et de l'tude de quelques questions qui
intressent ce beau pays.
Si ces pages, livres la publicit dans le but de faire
connatre l'importance du Paraguay et les nombreux
lments de richesse dont il est dot, rvlent de ma
part un sentiment sympathique envers ce pays, j'espre
que les Paraguayens, dont j'ai conserv un agrable sou-
-
venir, y verront une manifestation sincre de l'intrt
que je prends la prosprit de leur patrie. C'est
en tmoignage de ces sentiments que je me permets
de taire hommage de mon travail a Votre Excellence,
qui depuis tant d'annes dirige les destines du Para-
guay par la volont unanime, si souvent manifeste, des
citoyens paraguayens, dont le bon sens, l'amour de
Tordre et du travail, ont concouru avec la politique
gage et habile de Votre Excellence prserver si heu-
reusement ce pays des maux qui affligent depuis trop
longtemps les autres Rpubliques hispano-amricaines.
Veuillez, Monsieur le Prsident, en acceptant l'hom-
mage de ce livre et l'expression des vux que je forme
pour que le Paraguay continue marcher dans la voie
de progrs dans laquelle le guide Votre Excellence,
recevoir les nouvelles assurances de mes sentiments
respectueux.
De Votre Excellence,
Le trs-humble et trs-obissant serviteur,
Alfred M. du Graty.
Bruxelles, 1" janvier 1862.
-
INTRODUCTION.
Aprs une rsidence de douze ans dans la Plata, je
formai le projet d'aller passer quelque temps en Europe;
mais avant de m'loigner, peut-tre sans retour, de
l'Amrique du Sud, je dsirai visiter le Paraguay, qui
depuis longtemps excitait ma curiosit. Je rsolus donc
de consacrer quelques mois cette exploration, afin
d'tre mme de rapporter en Europe des donnescertaines sur l'tat de ce pays, sur ses ressources, sur
l'avenir qui lui est rserv et sur les avantages qu'il
pourrait offrir au commerce et l'immigration.
J'en prouvai un dsir d'autant plus vif que les pays
de la Plata me paraissent disposer nouer d'troites
relations avec les petits tats europens, qui, tout enleur prsentant les ressources commerciales des grandes
-
VIII INTRODUCTION.
nations et en leur promettant le contingent d'une immi-
gration intelligente et laborieuse, ne peuvent leur faire
craindre de ces difficults suscites assez souvent par
les grandes puissances, afin d'obtenir, par la force, des
avantages politiques ou commerciaux.
Quoique, pendant mon long sjour en Amrique, jeme fusse aperu qu'il tait difficile d'amener les hommesd'tat de mon pays natal, profiter de ces dispositions
et prendre les mesures convenables pour faire parti-
ciper la Belgique aux avantages qu'offriraient les pays
de la Plata ses entreprises commerciales et indus-
trielles ainsi qu' son excdant de population, je ne
renonai pas l'espoir de voir adopter en Belgique,
l'gard de ces pays, une politique extrieure plus active,
ayant des effets plus positifs, plus palpables, en un
mot^ plus avantageuse pour le commerce belge, trop peu
entreprenant sans doute et qu'il tait d'autant plus
ncessaire de stimuler, d'encourager et d'aider trou-
ver de nouveaux dbouchs.
Le moyen le plus certain, mon avis, tait de diriger
vers ces contres l'migration belge, car il ne suffit pas
de conclure des traits de commerce pour donner, dans
le sens pratique, un march un pays; il faut encore,aprs avoir, par des traits, ouvert et garanti ce march,
en faire profiter le commerce et l'industrie, en faveur
desquels se ngocient et se signent ces traits; car c'est
seulement alors que ces pactes internationaux, de si
peu de valeur en eux-mmes, moins de contenirdes faveurs spciales, ce qui n'est pas l'habitude, altei-
-
INTRODUCTION. IX
gnent le but que l'on a eu en vue en les signant, c'est-
-dire de crer des dbouchs l'industrie nationale.
Fort de cette conviction, j'avais l'honneur de dire
S. M. le Roi des Belges, le 1 er janvier 1857 (1) : La colonisation belge
,dans la Confdration
Argentine, ouvrirait un nouveau dbouch l'industrie
de la Belgique : car les migrants,accoutums aux
produits de la mre-patrie,
les consommeraient de
prfrence ceux des autres nations; l'affluence des
marchandises belges sur les marchs argentins ne pour-
rait manquer de tourner l'avantage de l'industrie
belge, dont les produits runissent toutes les conditions
ncessaires : bonne qualit et bas prix, lgance et
solidit.
Diriger l'migration belge vers la Confdration
Argentine,
l'encourager et la protger, donnerait donc
pour rsultats infaillibles :
L'amlioration du sort d'une partie de la popula-
tion belge;
De nouveaux et importants dbouchs pour les
produits de l'industrie de la Belgique;
L'accroissement de son commerce et de sa
marine.
Le Roi l'a parfaitement compris,
j'en ai eu des
preuves certaines ; mais dans un pays comme la Belgi-
que, dont les institutions sont si minemment consti-tutionnelles reprsentatives, il ne suffit pas que le chef
(I) Lettre cThommage S. M. le Roi des Belges, accompagnant lelivre que je publiai a cette poque, La Confdration Argentine.
-
X INTRODUCTION.
de l'tat ait acquis une conviction, il faut encore qu'elle
soit partage et rpandue..
Je partis donc pour l'Assomption, o je fus trs-bien
accueilli. Le Prsident de la Rpublique,
magistrat
intelligent et instruit, se montra non-seulement fort
satisfait de ma dtermination de parcourir le pays, mais
encore il voulut bien faciliter mes investigations en
mettant ma disposition vapeurs, chevaux et escortes,
pour mes explorations.
Je regrettai vivement qu'en pareilles circonstances,
en prsence de la bienveillance du Gouvernement mon
gard,
je ne pusse consacrer que cinq ou six mois
mes excursions : c'tait bien peu pour visiter ce vaste
pays;cependant la facilit des moyens de transport me
procura une grande conomie de temps, et je pus mme,dans ces conditions, atteindre quelques-uns des points
les plus reculs du territoire paraguayen.
Je ne connaissais du Paraguay que ce qu'avaient crit
quelques voyageurs qui m'avaient prcd, et je pus me
convaincre bientt que la plupart de leurs rcits taient
assez incomplets lorsqu'ils n'taient pas inexacts, et que
leurs apprciations ne se recommandaient pas toujourspar l'impartialit.
Parmi les ouvrages qui ont t publis sur le Para-
guay, le meilleur est encore, sans contredit , celui de
don Feliz de Azar, qui fut Commissaire de limites du
Gouvernement espagnol la fin du sicle dernier, bien
que ce soit le premier de ce genre qui ait t crit
sur ce pays, ainsi que le fit observer son auteur
-
INTRODUCTION. XI
M. G. A. Walckenaer, qui se chargea de la publication
de l'dition franaise de cet intressant ouvrage, laquelle
parut Paris en 1809 sous le titre de Voyages dans
l'Amrique Mridionale. Cependant il est facile de com-
prendre que, depuis lepoque laquelle Azar visita le
Paraguay, ce pays est bien chang. Soixante annes se
sont coules, pendant lesquelles ont eu lieu des crises
et des transformations qui l'ont modifi sous tous les
rapports. Si Azar revoyait aujourd'hui le Paraguay,
c'est peine s'il le reconnatrait, car les uvres mmesde la nature ont subi, en beaucoup d'endroits, l'influence
des travaux de l'homme. Si donc le livre d'Azar
peut encore fournir des renseignements sur l'poque
coloniale et sur l'histoire naturelle du Paraguay, il n'est
propre en aucune faon faire connatre l'tat actuel
de ce pays.
MM.Rengger et Longchamps, qui habitrent le Para-
guay pendant les premires annes de la dictature du
docteur Francia, ont publi un livre (1) qui est l'histoire
de cette priode; mais sauf l'intrt assez mince de
semblable rcit, dont les couleurs sont peut-tre un
peu trop vives, ce livre ne fournit aucune donne impor-
tante sur le Paraguay.
Celui de Sir Woodbine Parish, sur Buenos-Ayres etles provinces de la Plata (2), fut considr avec raison
comme un bon ouvrage l'poque de sa publication,
(1) Reign of Dr Joseph Gaspard de Rodriguez de Francia inParaguay, by Bengger and Longchamps. London, 1827.
(2) Publi en anglais , en 1839; depuis traduit en espagnol et annotpar M. Maeso et imprim Buenos-Ayres.
-
XII INTRODUCTION.
mais il avait un grave dfaut, c'tait d'tre crit dans
un sens trop favorable Rosas, pour lequel M. Parish,
Consul de Sa Majest Britannique Buenos-Ayres, pa-
raissait avoir des sympathies particulires. C'est aussi
cette circonstance, qui faisait perdre beaucoup de son
mrite ce livre, que l'on doit attribuer l'esprit hos-
tile de son auteur envers le Gouvernement du Paraguay,
qui cette poque soutenait l'indpendance de la Rpu-blique contre les prtentions du tyran de Buenos-
Ayres.
M. Mansfeld, lors de son excursion sur les rives des
grands fleuves de la Plata jusqu' l'Assomption, avait
crit une srie de lettres un ami, contenant ses im-
pressions de voyage. Aprs la mort si malheureuse de
ce jeune chimiste (1), ces lettres furent runies en unvolume et publies (2); mais elles n'offrent qu'un intrt
trs-secondaire pour ce qui est relatif au Paraguay, que
M. Mansfeld n'avait pas explor.
Le commandant du vapeur explorateur des tals-Unis d'Amrique Water-Witch, M. Thomas Page, a
publi aussi un livre sur la Plata en forme de journalde voyage (3). Ce livre fournit, surtout pour ce qui est
relatif l'hydrographie, des renseignements utiles, mais
perdus au milieu de digressions futiles et d'historiettes
(1) M. Mansfeld mourut peu de temps aprs sou retour en Angleterre,victime d'un accident survenu dans des expriences de chimie indus-trielle qu'il pratiquait.
(2) Paraguay, Brazil and the Plata, letters written in 1852-1853.by C. B. Mansfeld Esq. Cambrigde, Macmillan, 1856.
(3) La Plata, the Argentine Confdration and Paraguay, byThomas J. Page, U. S. N. Trubner and Ce London 1859.
-
INTRODUCTION. XIH
qui enlvent au travail du lieutenant Page le caractre
srieux qu'il et d garder. Ce travail a encore l'incon-
vnient,
pour ce qui a rapport au Paraguay, de se res-
sentir des dsagrments que M. Page s'attira, par son
imprudence, lors de l'exploration du fleuve Paran (1),et l'auteur a trop mis en oubli la bienveillance qu'il
avait rencontre dans le Gouvernement de la Rpublique
pour faciliter ses travaux hydrographiques.
Enfin vient l'ouvrage de M. Demersay, publication
interrompue aprs l'apparition du premier volume (2),qui comprend la description du Paraguay et ajoute quel-
ques nouveaux renseignements ceux donns par
Azar; mais le plus intressant de ce travail devait tre
la partie conomique, objet du second volume annonc.
Il convient toutefois de noter qu'il y a prs de quinze
ans que M. Demersay a quitt le Paraguay, o il avaitrsid quelques mois, et que par consquent les donnesqu'il a pu recueillir cette poque pour son travailconomique ne peuvent gure servir aujourd'hui de base des apprciations ou des dductions exactes, car que
de changements ne se sont-ils pas oprs en quinze ans
dans la vie de cette nation naissante! Il suffit, pour
s'en convaincre, de lire les pages que je consacre
l'esquisse de la quatrime poque de l'histoire du Para-guay. Cette observation si naturelle me fait pencher
croire que M. Demersay, convaincu de cette vrit, a
(1) Il sera parl de cet incident dans le Chapitre , 4e poque.(2) Histoire Physique
,
conomique et Statistique du Paraguay,par L. Alfred Demersay. Hachette et C e . Paris, 1860.
-
XIV INTRODUCTION.
abandonn l'ide de publier ce second volume, car voildj deux ans que le premier a paru.
C'est seulement en recueillant personnellement les
renseignements, en procdant soi-mme aux recherches
et aux investigations que l'on peut tenter un travail de
cette nature, et encore, ce qui peut rester vrai dix ou
quinze ans pour les vieux pays de l'Europe, sera tou-
jours au-dessous de la vrit en Amrique aprs deuxou trois ans, car ces jeunes nations, mme les plustourmentes par des luttes intestines provoques par
l'ambition et l'imprudence des partis, marchent en avant
et progressent par la force naturelle des choses. Al'poque o M. Demersay visita le Paraguay, la dictature
du docteur Francia venait peine de prendre fin ; Rosas
empchait au Paraguay tout commerce, obligeant, par
ses hostilits incessantes, la Rpublique se maintenir
sur le pied de guerre. Mais aprs le dpart de M. De-
mersay,survint la chute du despote argentin, et l'ou-
verture des fleuves de la Plata au commerce et la
navigation de toutes les nations du monde, donna la
vie l'industrie et au commerce du Paraguay, victime
d'abord du systme colonial, ensuite de l'isolement cr
par le docteur Francia et enfin, des mesures agressives
de Rosas. La paix avec la Rpublique Argentine permit
galement au Gouvernement du Paraguay de consacrer
l'organisation du pays tous ses efforts et toutes les
ressources naissantes de l'administration, et bientt, l'on
vit se propager l'instruction jusque dans les villagesles plus humbles et les plus loigns; les frontires
-
INTRODUCTION. XV
s'tendre et rendre la production des champs immenses
qui avaient t jusque-l ravags par les Indiens; des
vapeurs sillonner les fleuves ; des hauts-fourneaux s'le-
ver pour la rduction des riches minerais de fer; un
arsenal de construction et un chantier naval entrepren-
dre des travaux de haute importance et construire de
nouveaux vapeurs pour faciliter les oprations com-
merciales; enfin, un chemin de fer qui donnera au centre
de la Rpublique une communication rapide et bon
march, avec le littoral. Ces progrs, on le conoit, en
ont amen d'autres qui en sont la- consquence natu-
relle, et ce peuple, queM.Demersaya connu au moment
o il venait de sortir de trente annes d'un isolement
complet du monde civilis, combien a-t-il d se modifiersous l'influence de ces progrs! Serait-il donc pos-
sible aujourd'hui M. Demersay, moins de juger parce que d'autres ont vu, ou par ce qu'on lui rapportera, cle
complter son ouvrage avec la conviction que ses juge-
ments et ses apprciations seront fonds, alors qu'il ne.
peut tre certain de l'exactitude des faits et des donnes
qui doivent servir les tablir?
Je suis loin de mettre en doute le talent de M. De-
mersay et je suis mme port croire qu'il et fait en1847 un trs-bon et trs-intressant livre, mais mainte-
nant son travail ne pourrait offrir d'intrt que comme
point de comparaison ; et en montrant ce qu'tait alors le
Paraguay il rendrait un hommage, bien mrit d'ail-leurs, au Gouvernement qui a fait de ce pays ce qu'il
est aujourd'hui.
-
XVI INTRODUCTION.
Quelques autres voyageurs distingus, et parmi ceux-ci, M. Martin de Moussy, un des plus rcents, ont, dans
leurs ouvrages, parl incidemment du Paraguay, oils avaient peine touch. M. de Moussy, dans son
excellente Description de la Confdration Argentine (1),rsultat de cinq annes d'exploration, entreprise par
ordre du Gouvernement Argentin, a trait quelques
questions relatives la Rpublique du Paraguay d'aprs
les donnes ou suivant l'opinion du Gouvernement qui
l'avait commissionn. Gela est assez naturel, mais l'auteur
montre un peu trop d'animosit contre le Gouverne-
ment du Paraguay, qui (bien regret, je n'en doute pas,
car il aime favoriser les recherches de la science), a
d, ds que M. de Moussy se prsentait comme charg
d'une mission officielle, lui interdire l'exploration des
territoires occups par le gouvernement du Paraguay et
qui font l'objet des diffrends, quant aux limites, avec
la Rpublique Argentine.
De ce rapide examen des principaux ouvrages des
voyageurs qui ont crit sur le Paraguay, il rsulte qu'il
manque un livre qui fasse connatre ce pays dans son
tat actuel et qui puisse fournir des donnes sur tout ce
qui intresse l'homme d'tat,
le commerant, l'indus-
triel et l'migrant.
La publication de mon travail , fruit d'observations
consciencieuses et d'une connaissance parfaite des pays
de la Plata, acquise par une longue rsidence pendant
I) Description Gographique et Statistique de la ConfdrationArgentine, par V. Martin de Moussy. Firmin Didot. Paris, 1850.
-
INTRODUCTION. XVII
laquelle j'ai pris part, comme citoyen argentin, la po-
litique et l'administration,
pourra peut-tre, dans
de certaines limites, remplir provisoirement cette lacune.
Mon livre sera une espce d'introduction un travail
plus tendu et que des hommes plus habiles et plus sa-
vants se dcideront peut-tre entreprendre lorsqu'ils
connatront le champ immense qu'offre aux investiga-
tions de la science un pays si richement dot par la
nature. Je n'ai nullement, pour ma part, la prtention de
combler aujourd'hui le vide que l'on signale, relative-
ment au Paraguay, parmi les publications modernes;j'ai
uniquement cherch y porter remde pour autant,
qu'il m'a t donn de le faire.
Faire connatre le Paraguay tel qu'il est prsent,
esquisser grands traits son pass et signaler ses l-
ments d'avenir, telle a t ma pense et mon but, en
faisant imprimer ces pages.
Afin de faciliter les recherches de ceux qui voudront
bien s'occuper de mon travail, je l'ai divis en chapitres,
en mettant en ordre autant que possible les notes que
j'avais recueillies et que j'ai fait imprimer avec une cer-
taine hte , dix mois peine s'tant couls depuis que
j'ai mis le pied dans le Paraguay.
Le premier chapitre renferme un aperu de l'histoire
du Paraguay jusqu' ce jour, car l'tude d'un pays estincomplte sans la connaissance des vnements lesplus importants qui s'y sont passs. Pour les deux pre-
mires poques, c'est--dire depuis la conqute jusqu'l'mancipation du joug de l'Espagne, j'ai consult les tra-
-
XVIII INTRODUCTION.
vaux historiques des auteurs les plus anciens et les plus
dignes de foi (1) ; pour les deux dernires poques, que
je puis appeler contemporaines, j'ai pris pour base de
mon travail, les documents officiels et j'ai recueilli des
renseignements chez des personnes qui ont t acteurs
ou spectateurs des vnements survenus depuis l'man-
cipation jusqu' ce jour. Le deuxime chapitre est con-
sacr aux relations internationales du Paraguay, car les
principes qui y prsident intressent fortement l'tran-
ger. Je me suis tendu sur deux points trs-importants
du droit public amricain, l'acquisition de la naturalisa-
tion et la nationalit des fils d'trangers ns au Para-
guay, car ces deux points sont d'un grand intrt pour
les nations amricaines, et le second surtout, qui pour
celles-ci comprend un principe d'absolue ncessit,
donne lieu, de la part de quelques puissances euro-
pennes, des prtentions qui ne vont rien moins qu'
nier aux tats du nouveau monde le droit, si lgitime,d'tablir leur lgislation intrieure suivant leur conve-
nance et leurs besoins. Cette question, qui intresse si
vivement ces Etats et qui a dj amen des diffrends
(1) Parmi les ouvrages que j'ai consults, je cilerai :Historia Argentina del descubrimiento, poblacion, conquista de las
Provincias del Mo de la Plata, escrita par Rui Diaz de Guzman en elano 1612.
Historia del Paraguay, Rio de la Plala y Tucuman du P. jsuiteGuevara.Le chapitre XVIII de l'ouvrage d'Azara : Histoire abrge de la d-
couverte et de la conqute de la rivire de la Plata el du Paraguay.Ensayo de la Historia civil de Buenos Ayres, Tucuman y Paraguay,
escrito par el doctor Don Gregorio Funes , Dean de la Santa EglesiaCaledral de Cordoba.
-
INTRODUCTION. XIX
avec des gouvernements d'Europe, est aussi dans ce mo-
ment la cause de la rupture des relations diplomatiques
entre la Rpublique du Paraguay et la Grande-Bretagne.
Les droits et la justice sont incontestablement du ct du
Paraguay. Quoiqu'il suffise, pour juger de cette affaire,de voir ce que j'en dis dans ce chapitre et de consulter
les pices produites l'appui, je crois cette matire d'un
si grand intrt pour tous les tats amricains, que je
ne veux omettre rien de ce qui peut servir l'claircir ;
c'est pourquoi j'ajoute encore ces pices si con-
cluantes, des documents non moins importants qui
viennent d'tre publis (1).
Le troisime chapitre comprend la description
gographique et hydrographique, et le quatrime traite
de la population , des diffrentes nations indiennes et
de la langue guaranie, si intressante et si digne d'une
tude srieuse de la part des linguistes, car il n'existe
aucun travail raisonn sur cet idiome. L'aperu que
je donne du guarani tait d'autant plus ncessaire, que
c'est la langue vulgairement parle au Paraguay et que
j'ai d me servir, dans mon livre, d'un bon nombre demots guaranis, dont il tait convenable de faire con-
natre le sens ou l'tymologie ainsi que la pronon-
ciation.
(1) Ces documents, qui figurent a l'appendice sous les lettres P' et P J
sont : le Mmorandum que M. Calvos, Charg d'Affaires de la Rpubli-que du Paraguay, a adress lord John Russell. Ministre de S. M. B., etune dpche de ce diplomate au mme Ministre, accompagne des opi-nions du savant jurisconsulte anglais M. Phillimore sur la deuxime etla troisime consultation de la lgation du Paraguay au sujet des pr-tentions du Gouvernement anglais.
-
XX INTRODUCTION.
Le cinquime chapitre donne une ide du climat
du Paraguay et des phnomnes mtorologiques lesplus frquents qu'on y observe; il contient aussi quel-
ques observations sur le caractre des habitants et
sur l'tat sanitaire du pays.
Le sixime traite des espces les plus utiles ou les
plus remarquables des trois rgnes. La partie relative
au rgne minral fournit sur la composition golo-
gique de cette contre des renseignements tout nou-
veaux, car cet objet a t peine examin et ceux qui
en ont parl, ont mme avanc des opinions complte-ment inexactes (1). L'tude des terrains du Paraguay
offrirait un vaste champ aux recherches des gologues
qui voudraient se livrer ce travail.
Enfin dans le septime chapitre, je m'occupe de l'in-
dustrie et du commerce extrieur, fournissant en mme
(1) Quoiqu'il ne s'agisse pas ici de discuter ce que rapportait donFelizde Azar et aprs lui M. Demersay, sur la composition gologique desterrains du Paraguay, l'appui de ce que je viens de dire, je ferairemarquer que le premier, page 49, tome Ier
,
prtend qu'il n'existe pasde brche ou de pierre forme par la runion de cailloux, et plus bas,mme page, qu'un n'y connat pas de pierre a chaux, ce qui est abso-lument inexact, comme on peut s'en convaincre par ce quejedisauchapitre VI.M. Demersay signale aussi l'absence de roches calcaires,a la page 73 de son livre
;cependant, a l'poque de son voyage au Para-
guay, les fours chaux de Conception et de Salvador existaient djet on y fabriquait de la chaux alors, comme aujourd'hui, avec le cal-caire d'Itapucumi.Mon aperu sur les roches et minerais du Paraguay a pour pice,
l'appui une collection de plus de trois cents chantillons que j'ai runis
dans mon exploration au Paraguay, collection qui figure aujourd'huien grande partie l'cole des Mines de Mons laquelle je l'ai offerte
;
j'ai aussi remis des chantillons des roches les plus importantes l'coleImpriale des Mines de Paris et au Muse de l'tablissement Gogra-phique de M. Philippe Van 1er Maelen a Bruxelles.
-
INTRODUCTION. XXI
lemps des donnes qui, en permettant d'apprcier leur
importance actuelle, feront aussi comprendre le vaste
dveloppement que peuvent acqurir ces branches de
la richesse publique.
J'ai cru convenable d'intercaler quelques dessins et
des cartes partielles dans le texte pour aider la des-
cription du pays et faciliter l'tude de quelques ques-
tions que je traite; j'y ai joint aussi une carte gnrale
de la Rpublique du Paraguay, que j'ai dresse d'aprs
tous les renseignements dignes de foi acquis depuis la
publication de la carte d'Azar et d'aprs mes propres
observations et reconnaissances, afin de donner une
ide aussi exacte que possible, pour le moment, du
territoire du Paraguay , de la position relative des
diverses localits habites; cette carte aidera aussi
l'examen des questions de limites.
Je ne terminerai pas sans faire observer encore que
mon travail, publi pour tous et dans l'intrt de tous,
a t pens et crit dans un but tout pratique, sans
prtention aucune de faire une uvre littraire ou
scientifique pour laquelle, d'ailleurs, je n'ai ni le talent
ni les connaissances spciales ncessaires.
Je n'ai d'autre intrt, je le rpte, en livrant la
publicit les renseignements que j'ai recueillis sur le
Paraguay, que de tcher de suppler l'absence
d'un ouvrage qui fournisse des donnes exactes sur
ce pays, et si mon livre remplit en partie cet objet,
jusqu' ce que d'autres, plus capables et disposant de
-
XXII INTRODUCTION.
plus de temps, entreprennent un travail plus tendu et
plus savant sur cette belle contre, mon but aura t
atteint.
-
TABLE DES MATIRES.
CHAPITRE I.
Esquisse de l'Histoire du Paraguay depuis la dcouverte jusqu' ce jour.
Premire poque : Dcouverte,
conqute et domination espa-
gnole jusqu'au dmembrement de la Province du Paraguay(1513-1620) i
Deuxime poque : Continuation de la domination espagnole.Premire partie : Depuis le dmembrement de la Pro-
vince du Paraguay jusqu' son mancipation (1620-1811). . 27Liste des Gouverneurs durant l'poque coloniale. ... 43
Seconde partie : Missions du Paraguay. Systme auqueltaient soumis les Indiens avant l'tablissement des Mis-
sions. Arrive des Jsuites, leurs travaux, villages ou
rductions qu'ils fondrent. Rgime observ. Prospritet dcadence des Missions . . 4o
Tableau de la fondation des villes, villages, rductions et
forts au Paraguay pendant la domination espagnole. ... 58
Troisime poque : Indpendance et Dictature (1811-18-40) . . 63Quatrime poque : Rgnration et Organisation de la Rpu-
blique (1841-1861) 70
CHAPITRE IL
Relations internationales.
1. Politique et principes du Gouvernement du Paraguay relatifs
aux nations trangres et leurs sujets. Traits existants.
Droits des trangers et protection que leur accorde le Gou-
vernement. Lois de naturalisation. Principes sur la
nationalit des enfants d'trangers ns au Paraguay. ... 87
-
XIV TABLE DES MATIRES.II. Question de limites entre la Rpublique du Paraguay, la
RpubliqueArgentineet l'Empiredu Brsil : Missions de la rivegauche du Paran.Chaeo.Rive droite de la rivire Apa. 10o
CHAPITRE III.
Gographie. Hydrographie.
I. tendue et limites. Montagnes, fleuves, rivires et lacs. 123Latitude, longitude et hauteur au-dessus du niveau de la
mer de quelques points du Rio de la Plata et des fleuves
Paran, Paraguay et Uruguay. 144
II. Division territoriale, population, glises, chapelles, cime-
tires. L'Assomption, capitale de la Rpublique. Du Gou-vernement, ses ressources, force de l'arme et de la marine.
Arsenal de construction. Chemin de fer. Des diff-rents dpartements
,
districts, villes, etc 146
Itinraires par terre 193
Latitude^ longitude et variations de la boussole, dter-
mines pour diffrents points au Paraguay 199
CHAPITRE IV.
Population. Nations indiennes. Langue guaranie.
I. Population. Nations indiennes 201
II. Langue guaranie 208Nomenclature et traduction de la plupart des mots guaranis
qui se trouvent dans les chapitres de ce livre 233
CHAPITRE V.
Considrations climatologiques. Observations physiologiques et pathologiques.
I. Temprature. Vents. Pluies. Orages. Observa-tions mtorologiques 239
II. De la nature et du caractre des habitants du Paraguay . .264III. Des diffrentes maladies et du caractre qu'elles prsentent
au Paraguay 266
CHAPITRE VI.
Produits naturels des trois rgnes.
I. Rgine mivral : Configuration du terrain et compositiongologique du sol. Des diffrentes roches et minraux.
Exploitation du minerai de fer : Hauts-fourneaux d'IMcuy. 273
-
TABLE DES MATIRES. XXV
II. Rgne vgtal : Des arbres el piaules dont le bois, lesfeuilles, les fleurs, les fruits, la rsine, la gomme, leeorce
ou les racines sont ou peuvent tre employs dans les arts,
l'industrie el la mdecine 302
111. Rgne animal : Des espces utiles ou les plus remarquablesparmi les mammifres, oiseaux, reptiles, poissons, mol-
lusques, annlides et insectes 338
CHAPITRE VII.
Industrie. Commerce.
1. Des diffrentes branches de l'industrie. Leurs produits el
leur importance. Protection qui leur est accorde et im-
pts qui portent sur elles .... 359
II. Du commerce extrieur. Son importance pendant les dix
dernires annes. Des droits de douane el autres impts
qui psent sur le commerce el la navigation. De lu
monnaie. Des poids el mesures. . . 387
APPENDICE.
A. Convention de 1811 entre le Paraguay et Buenos-Ayres. . 2
B. Acte d'indpendance de la Rpublique du Paraguay. . . . GC. Loi sur le pavillon el les armes de la Rpublique 8D. Dclaration de guerre au dictateur Rosas .10F. Acte de reconnaissance de l'indpendance du Paraguay par
le directeur provisoire de la Confdration Argentine. . 19F. Loi du Congrs Argentin ratifiant cette reconnaissance . . 20G. Convention spciale entre le Paraguay et les tats-Unis
d'Amrique "21II. Sentence de la commission mixte dans l'afl'aire des rclama-
tions de la Compagnie de navigation des tats-Unis. . . 24I. Discours de M. W. D. Cliristie, envoy extraordinaire el mi-
nistre plnipotentiaire de S. M. B 25
J. Contrat des colons de la Nueva Burdeo 27K. Dcret relatif l'tablissement de la colonie Nueva Burdeo. > 28
L. Dpche du ministre des affaires trangres de la Rpublique celui de S. M. B. sur l'affaire Canstatt. ...... 33
-
XXVI TABLE DES MATIRES.M. Dpche du ministre mdiateur du gouvernement du Para-
guay au minisire des affaires trangres de la RpubliqueArgentine sur l'acte d'agression commis par des btimentsde guerre de S. M. B. contre le Tacuari 37
N. Dpche du charg d'affaires de ta Rpublique du Paraguayau ministre des affaires trangres de celle-ci rendant
compte de sa mission en Europe 45
O. Rapports des docteurs Lake et Kendall sur la question pen-dante entre le Paraguay et l'Angleterre 54
I*. Opinion du docteur Phillimore sur cette question. ... 69l". Mmorandum du charg d'affaires de la Rpublique du Pa-
raguay adress au ministre des affaires trangres de
S. M. B. . . . . . . . ... . ...... 75
1|J.Nouvelle dpche du mme diplomate au ministre de S. M. B. 94Annexe 1. Deuxime consultation adresse au docteur
Phillimore 112
Rponse du docteur Phillimore 113Annexe 2. Troisime consultation adresse au docteur
Phillimore .114Rponse du docteur Phillimore 120
-
TABLE DES MATIRES. XXYIfAA. Loi rglant les droits civils et politiques des enfants dtran-
gers ns au Brsil 109
BB. Protocole constatant la reconnaissance, parle Brsil, de la
souverainet du Paraguay sur la rive droite du fleuve du
mme nom jusqu'au Rio-Negro 171CC. Dcret dclarant citoyens les habitants des anciens villages
fonds avec des Indiens 173
DD. Rapports de l'cole Impriale d'Arts et Mtiers d'Aix, sur lesbois du Paraguay 170
EE. Dcret sur la proprit des inventions 190FF. Dcret sur la rcolte et la vente du tabac. 193GG. Dcrets sur le papier timbr, les patentes, passe-ports, etc. 195HH. Dcret fixant le cours lgal de l'once d'or et de la piastre
forte. . . . .... . . . . . . . . . . .200
-
INDICATION DES CARTES ET DES VUES
QUE CONTIENT CET OUVRAGE.
Carte gnrale de la Rpublique du Paraguay... la fin du volume.Vue du port de l'Assomption Frontispice.
Vue du fort Olympo 1glise cathdrale 17Palais du gouvernement 33
March de l'Assomption . 49glise de l'Incarnation, vue prise des hauteurs. ...... 65glise cathdrale, vue prise des hauteurs
. 81
Fort Olympo (carte) 115Fort et ville de Conception (carte)
. 137
Las Siele Puntas 139
Las Salinas (carte) 141
Embouchure du Rio Negro (carte). . . . ' 142Place du Palais du gouvernement 152
Trac du chemin de fer (carie) . . 155San-Pedro et ses environs (carte) 167
Cacique des Indiens Payaguas 205
Palais du gouvernement, vue prise des hauteurs ...... 240Pan de Azucar 273
Cerro de la Margarila 277
March de l'Assomption, vue prise des hauteurs 358
-
LA RPUBLIQUE
DU PARAGUAY.
CHAPITRE PREMIER.
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU PARAGUAY DEPUIS LA DECOUVERTEJUSQU'A CE JOUR.
PREMIERE POQUE.
Dcouverte, conqute et domination espagnole jusqu'au dmembrement de la provincedu Paraguay.
4515-1620.
La premire expdition au Rio de la Plata . tait
commande par Juan Diaz de Solis, charg d'un voyaged'exploration par le gouvernement espagnol. Solis partit
du port de Lepe, en octobre 1515, avec trois bti-
ments, soixante soldats et des vivres pour deux ans et
demi. Il dbarqua sur les rives du fleuve Uruguay, o il
fut assassin par les Indiens Charrues, et l'expdition1
-
2 CHAPITRE PREMIER
retourna en Espagne, rapportant, avec cette fcheuse
nouvelle, l'annonce le la dcouverte d'un nouveau pays.
Une seconde expdition ft voile vers ces rgions
en 1526, sous la direction de Gaboto, et aprs bien
des difficults, elle jeta l'ancre, l'anne suivante, dans
la rade du port o l'on fonda plus tard Buenos-Ayres.
Gaboto remonta le Parana et, le 28 mars 1528, il entra
dans le fleuve Paraguay qu'il parcourut jusqu' l'em-
bouchure du Yermejo, o une partie de son quipage,qui tait descendue terre, fut massacre par les In-
diens. Gaboto, inform que Diego Garcia, parti le
15 aot 1526 du cap Finistre, tait arriv au Rio de
la Plata, se hta de redescendre le fleuve.
Gaboto et Garcia prtendaient chacun l'honneur de
la dcouverte, et le premier refusait de reconnatre le
titre de gouverneur dont le second venait d'tre revtu
par la cour d'Espagne. Gaboto l'obligea donc se sou-
mettre lui, et envoya au roi Charles V une dputationavec des renseignements sur le pays qu'il avait dcou-
vert, et de riches prsents d'or et d'argent qu'il avait
reus des Indiens. Il demandait pour lui-mme le gou-
vernement de ces nouvelles terres. Le roi accueillit
favorablement les envoys de Gaboto , mais les vne-
ments qui survinrent en Europe en 1529 ne permirent
pas ce prince de donner suite ses bonnes disposi-
tions.
Gaboto ignorait le rsultat de la mission, fatigu
d'attendre, il partit pour l'Espagne, o il obtint le gou-
vernement du Rio de la Plata, nom que l'on donna aux
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 3
rgions dcouvertes, cause de l'or et de l'argent en-
voys la cour; mais sous prtexte que l'on n'avait pas
en ce moment, des ressources suffisantes pour conti-
nuer la conqute, le gouvernement espagnol retira peu
aprs Gaboto son titre, et le confra Pedro de
Mendoza, qui avait offert d'quiper ses frais une ex-
pdition.
Pedro de Mendoza partit de Sville le 24 aot
1554, avec quatorze btiments portant deux mille
cinquante Espagnols, cent cinquante Allemands et
Flamands et soixante-seize chevaux. Il arriva au Rio de
la Plata au commencement de 1535, et le 2 fvrier de
la mme anne, il fonda la ville de Santa-Maria deBuenos-Ayres, o il eut soutenir diffrents combats
contre les Indiens. Mendoza, dans le dessein de faire de
nouvelles conqutes, fit remonter le Parana son lieute-
nant, Juan de Ayolas. Celui-ci construisit un fort qu'il
appela Corpus Christi, sur les rives de ce fleuve, occupes
par les Indiens Timbues, et o fut transporte la popula-
tion qui occupait Buenos-Ayres. Ensuite avec trois cents
hommes, Ayolas entreprit de remonter le fleuve;aprs
plusieurs combats, il arriva aux terres des Guaranis,
o dominaient, non loin du lieu qu'occupe aujourd'hui
l'Assomption, capitale de la rpublique du Paraguay,
deux chefs puissants et sanguinaires : Lambar et Yan-duazubi Rubicha. Ces chefs, la tte de quarante mille
Indiens et appuys sur deux positions fortifies, rpon-
dirent aux propositions de paix que leur fit Ayolas par
une nue de flches, a laquelle les Espagnols ripostrent
-
4 CHAPITRE PREMIER.
par une dcharge qui mit en fuite les Indiens, dont une
grande partie se rfugia dans la redoute de Lambar;
mais ils furent obligs de capituler aprs trois jours desige. Ayolas comprit que pour conserver sa conqute
il lui tait ncessaire de s'y fortifier; aussi un des
articles de la capitulation portait que les Indiens con-
struiraient un fort pour les Espagnols dans l'endroit o
ils avaient dbarqu; ce fort reut plus tard, en souvenir
du 15 aot 1556, le nom de l'Assomption.
Ayolas, qui les Guaranis apprirent l'existence, vers
l'occident, de pays o abondaient l'or et l'argent, rsolut
d'en entreprendre la conqute : il suivit le fleuve jusqu'un port qu'il appela Gandelaria, dans une contre occu-
pe par les Indiens Payaguas ; se fiant leurs dispo-
sitions amicales, il y laissa un dtachement de cent
hommes aux ordres du capitaine Domingo Martinez deIrala; puis il continua par terre sa route vers les
rgions de l'or, accompagn de trois cents Indiens quelui donna le chef payagua.
Pendant cette expdition d'Ayolas, Mendoza, fatigu
des tracas de la conqute, avait rsolu de s'en retourner
en Espagne, laissant le commandement son lieute-nant; mais, dsirant, avant son dpart, connatre les
rsultats des oprations de ce dernier, il envoya vers lui
les capitaines Juan Salazar de Espinosa et Gonzalo de
Mendoza avec quatre-vingts hommes. Ges officiers at-
teignirent le point de dbarquement d'Ayolas dans le
pays des Guaranis et y fondrent la ville de l'Assomp-
tion l'endroit mme o tait tabli le fort. Tandis que
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. o
Salazar allait rendre compte Diego de Mendoza de
leur commission, Gonzalo aid par les Guaranis s'oc-
cupait des travaux de la nouvelle ville. Mendoza n'avait
pas attendu le retour de ses officiers; il tait parti
pour l'Espagne, laissant Buenos-Ayres sous les ordres
de Ruiz de Galan. D'un autre ct, Irala qui attendait
Ayolas Gandelaria o il avait eu soutenir de nom-breux combats contre les Payaguas, apprit par un In-
dien Chans qui avait accompagn Ayolas, que celui-ci,aprs avoir atteint aux pays de Samocosis et de Sibo-
cosis dans les cordillres du Prou o il avait recueilli
de grandes richesses, avait t assassin, son retour,
avec toute sa troupe par les Indiens Payaguas qui les
avaient surpris pendant la nuit; Irala, n'ayant pas de
forces suffisantes pour punir cet attentat, prit la rso-
lution de rentrer l'Assomption.
A cette poque, le Veedor Alonso de Cabrera quivenait d'arriver Buenos-iVyres avec un renfort de
trois btiments et deux cents soldats, fit, de concert
avec Ruiz de Galan, vacuer cette ville dont les habitants
souffraient de la faim et de la misre, et les transporta
l'Assomption, y laissant seulement quelques hommes,
aux ordres du capitaine Juan Ortega.
Aprs le retour du gouverneur Diego de Mendoza, la
cour d'Espagne nomma sa place Ayolas, disposant
qu'en cas de mort de celui- ci les conqurants procde-
raient l'lection de son successeur provisoire. C'est
ainsi que Domingo Martinez de Irala fut investi du
pouvoir en 1 008, poque de l'arrive l'Assomption de
-
6 CHAPITRE PREMIER.
Cabrera et de Galan, qui virent ainsi djoues leurs in"tentions de s'emparer du gouvernement.
Irala inaugura son entre au pouvoir par la cration
d'un conseil municipal ; il distribua des terrains aux
habitants, encouragea la construction d'difices publics,
jeta les fondements d'une glise et fit lever une mu-
raille autour de la ville.
La position prcaire dans laquelle se trouvait Buenos-
Ayres appela aussi srieusement son attention ; il en
ordonna l'vacuation complte, qui eut lieu aussitt,
portant ainsi six cents hommes le nombre total desEspagnols en tat de prendre les armes, runis
l'Assomption
.
Les Guaranis, qui jusqu'alors n'avaient cess de
donner des preuves de fidlit aux Espagnols et les
avaient aids soumettre les Payaguas, les Yaperies,
les Ibitirusus, les Tibicuaris et les Mondais, prparaient
en silence une vaste conspiration qui devait clater le
Jeudi-Saint de l'anne 154-0. Mais elle fut dcouverte,
et les chefs principaux mis mort. Irala pardonna aux
autres et pour mettre le sceau la rconciliation, il
encouragea le mariage de quelques Espagnols avec des
Indiennes guaranies (1).
(1) Le doyen Funes dans son Essai historique, propos du croise-ment des Europens et des Indiens, dit :
De l'union de ces peuples naissent les mtis (mestizos) ; union quidoit tre avantageuse, s'il est vrai que les hommes, comme les animaux,gagnent en croisant leurs races. Les Indiens de ces pays sont d'unecouleur bronze assez forte, dont le croisement produit quatre espces,suivant les diffrents mlanges. Le tableau suivant l'explique plus clai-rement :
Premire espce .-d'une femme europenne etd'un Indien amricain
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 7
Malgr les nouvelles peu encourageantes des progrs
de la conqute qui parvenaient en Espagne, l'espoir de
trouver des mtaux prcieux faisait du gouvernement
de la colonie naissante l'objet de l'envie de beaucoup
d'hommes entreprenants. lvar Nunez Cabeza de Yaca,neveu du gouverneur Pedro de Vera, qui avait subi
une captivit de dix ans l'poque de la conqute de
la Floride, sollicita instamment le gouvernement de la
Plata, qui lui fut concd le 18 mars 1540 dans le
cas o Juan de Ayolas viendrait mourir, et la con-
dition de supporter tous les frais de l'expdition.
Alvar Nunez fit promptement ses prparatifs et, le
2 novembre de la mme anne, il partit de San-Lucaravec cinq btiments portant quatre cents hommes, sans
compter l'quipage. En mars de 154-1, il arriva Santa-
Cataiina, o il dbarqua sa troupe et une partie de
ses chevaux pour suivre sa route par terre, donnant
ordre son second, Felipe Caceres, de continuer le
voyage par eau. Nunez arriva l'Assomption le 1 1 mars
naissent les mtis. Us sont bronzs; les enfants de ce premier croise-ment ont de la barbe, quoique le pre n'en ait pas, comme il est no-toire : Tentant l'acquiert donc de la mre, ce qui est bien singulier.
Deuxime : d'une femme europenne et d'un mtis, provient l'es-pce quarterone [cuarterona) : elle est moins bronze, parce qu'il n'y aqu'un quart de sang amricain dans cette gnration.
Troisime : d'une femme europenne et d'un quarteron nat l'es-pce octavona. qui a une huitime partie de sang amricain.
Qualrin\e : d'une femme europenne et d'un octavon il rsulteune espce que les Espagnols appellent puchuela ; elle est entirementblanche et on ne peut la distinguer de l'europenne.
(Ensayo de la Historia civil de Buenos-Aires, Tucuman, etc., escritopor el doctor Don Gregorio Fmes, Dean de la Santa Iglesia Catedride Cordoba.)
-
8 CHAPITRE PREMIER
de l'anne suivante, prcdant Caceres d'un mois. Le
nouveau gouverneur fut bien reu ; il nomma Martinez
de rala, qui avait occup par intrim le gouvernement,
son marchal de camp, et convoqua ensuite les corpo-
rations pour leur manifester les volonts du roi, qui
afin de donner de la stabilit aux nouveaux tablisse-
ments de ces rgions et d'assurer leur avenir, avait
dcid qu'Alvar Nunez emporterait avec lui des graines
crales pour la culture des terres et quelques animaux
domestiques, ordonnant en mme temps que l'on pro-paget la religion chrtienne avec le plus grand soin,
que l'on traitt les Indiens avec douceur, et que l'on
permit ceux-ci toutes espces de relations a^ec les
Espagnols. Le roi interdisait aux avocats et aux procu-
reurs l'accs de la nouvelle colonie.
Le gouverneur s'aperut bientt qu'Irala tait ambi-
tieux et qu'il convenait de l'loigner, ce qu'il fit en lui
confiant une expdition dont l'objet tait la recherche
d'un chemin vers le Prou. Pendant que ce chef, qui
s'tait acquitt avec sagacit de cette mission, revenait
l'Assomption, Alvar Nunez faisait la paix avec les
Agaces et envoyait le capitaine Alonzo Richelme ch-
tier Tabar, chef des Indiens de Ypan, qui avait fait
massacrer des Espagnols.
Quand la paix et la tranquillit, dont avaient tantbesoin les Espagnols pour le progrs de la colonie, s'ta-
blissaient sur un des points de ces vastes rgions, elles
taient troubles d'un autre ct. Les Guaranis, allis
des conqurants, se voyaient constamment en butte aux
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 9
attaques des Guaicurues , nation nombreuse, guerrire
et froce ; le gouverneur envoya vers ceux-ci les pres
Armenta et Lebron et le prtre Francisco de An-
drada pour leur signifier que s'ils ne cessaient leurs
hostilits, il se verrait oblig de leur faire la guerre.
Les Guaicurues reurent fort mal les envoys de Nunez
qui n'chapprent la mort que grce la protection
des cinquante hommes cle leur escorte. Le gouverneurrsolut alors de faire une expdition contre eux. Il prit
pour lieutenants Irala et Juan de Salazar et, passant
le fleuve avec cinq cents soldats espagnols d'infanterie,
dix-huit de cavalerie et deux mille Guaranis, aprs
quelques jours de marche, il se trouva en prsence del'arme des Guaicurues qu'il mit en fuite aprs une vive
rsistance de leur part et aprs en avoir tu un bon
nombre.
Pendant l'absence d'Alvar Nunez, les Agaces esp-
rant que le dpart d'une partie des Espagnols qui
occupaient l'Assomption, leur faciliterait la prise de
cette ville, s'en approchrent en grand nombre ; mais
la vigilance de Gonzalo de Mendoza qui en avait reu
le commandement, djoua .leurs desseins. A son retour,le gouverneur prit le parti de chtier ces dloyaux
Indiens, mais avant tout il dsirait s'assurer cle la paix
avec les Guaicurues. A cet effet, il donna la libert auxprisonniers qu'il venait de faire, en leur manifestant
les meilleures dispositions pour tablir des relations
d'amiti avec leur nation. Au bout de quatre jours, vingt
des principaux chefs se prsentrent l'Assomption avec
-
10 CHAPITRE PREMIER.
leurs familles; ils promirent obissance au Roi, s'enga-
grent laisser propager la foi parmi eux et cesser
les hostilits contre les Guaranis, amis et vassaux des
Espagnols. Alors Nunez se prpara pour l'expdition1
qu'il avait projete contre les Agaces, et au commence-
ment de l'anne 1545 il se mit en marche avec quatre
cents Espagnols et cent cinquante Indiens,
chargeant
du gouvernement le capitaine Juan Salazar de Espinosa
et emmenant avec lui Irala et les officiers Pedro Dorante
et Felipe Caceres, dont la conduite, ainsi que celle
d'Irala , ne lui inspirait pas grande confiance. Celte
petite troupe arrive au port de Itapitan, une partie par
eau , l'autre par terre,
s'embarqua en ce lieu pour re-
monter le fleuve jusqu' Candelaria, o Alvar Nunez,
qui avait failli tre victime de la perfidie des Indiens,
leur infligea un rude chtiment. Ensuite il continua sa
marche jusqu'aux terres des Guajarapos et des Guatos,avec lesquels il conclut la paix. Le 2o octobre, il attei-
gnit l'endroit o le fleuve se divise en trois bras, dontl'un se termine par un grand lac et les deux autres for-
ment l'le des Orejones. Cette le tait occupe par desIndiens, qui firent bon accueil aux Espagnols, de mmeque ceux qu'ils rencontrrent plus haut l'endroit qu'ils
appelrent Puerto de los Reyes, et o Nunez fit leverune chapelle provisoire, pendant qu'il envoyait une
dputation Jarayes, le chef indien le plus important de
ces parages. Celui-ci reut trs-amicalement les envoys
du gouverneur, il les chargea de prsents et fit invitervunez le visiter en lui envoyant quelques chefs pour
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 11
lui servir de guide. Mais le gouverneur voulait , sans
perdre de temps, arriver au but de son expdition, et
laissant le capitaine Juan Romero avec cent Espagnols
et deux cents Indiens amis pour dfendre les embarca-
tions, il se dirigea l'orient avec le restant de la troupe.
Aprs quelques journes de marche, la mauvaise vo-lont de ses soldats l'obligea revenir sur ses pas, tout
en envoyant cependant le capitaine Francisco de Rivera
avec six Espagnols et quelques Indiens au lieu nommTapua. Aprs quelque temps de sjour au Puerto de los
Reyes, o il eut soutenir diffrents combats contre les
Indiens^ et le capitaine Rivera tant venu le rejoindre,
le gouverneur jugea convenable, cause du mauvaisesprit qui continuait rgner dans l'expdition et des
pertes qu'elle avait souffertes, de retourner l'Assomp-
tion, o il arriva le 8 avril A 544.La svrit et l'activit d'Alvar Nunez, ainsi que la
protection qu'il accordait aux Indiens amis contre les
mauvais traitements de quelques-uns de ses officiers, lui
avaient attir la haine de ceux-ci ; ils formrent le projetde l'arrter. Sous le prtexte de formuler une ptition
au gouverneur pour qu'il ne leur enlevt point leurs
encomiendas ou commanderies d'Indiens, les mcontents
se runirent chez Felipe Caceres et pntrrent dans la
demeure de Nunez qu'ils saisirent pendant la nuit. Ils le
dpouillrent de l'autorit, mirent en libert les malfai-
teurs et l'accusrent publiquement de prtendus crimes,
tandis que les Pres Armenta et Lebron, qui avaient
pris parti pour les conjurs, usaient de leur influence
-
12 CHAPITRE PREMIER.
sur le peuple pour faire triompher le complot, dont les
auteurs s'empressrent de proclamer Domingo Martinezde Irala en remplacement d'lvar Nunez.
Diego de Abreu et Ruiz Diaz Melgarejo, qui taientrests fidles l'autorit lgale, essayrent en vain
une raction, qui n'eut d'autre rsultat que de faire
dcider l'envoi immdiat de Nunez en Espagne, sous
l'accusation des crimes les plus atroces. Au moment
de son embarquement , Alvar Nunez dclara, au nom
du Roi, qu'il laissait pour son lgitime reprsentant le
capitaine Juan de Salazar.
Aprs le dpart du gouverneur dpossd, Salazar
runit chez lui les Espagnols qui n'avaient pas pris part
la rbellion et se fit reconnatre comme reprsentant
du gouverneur lgitime ; mais Irala, inform de la ru-
nion, ft cerner la maison de Salazar et s'empara de ce
dernier, de Melgarejo, de Richelme, et de quelquesautres qu'il fit embarquer et rejoindre le btiment qui
emportait Nunez.
Le procs fut port devant le Conseil des Indes, et
Irala, aprs plusieurs expditions contre les Indiens,
son retour de la terre* des Mbayas, en 1546, reut
l'ordre du Roi de ne pas entreprendre de nouvelles d-
couvertes jusqu' ce qu'il ft pourvu aux fonctions degouverneur. Mais ne consultant que son gnie entre-
prenant, il laissa le commandement don Franciscode Mendoza, et partit, la fin de 1 547, avec trois cent
cinquante Espagnols et deux mille Guaranis pour dcou-
vrir la route du Prou. Il arriva non sans peine, aprs
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 13
beaucoup de fatigues, la terre des Macheasis, quatre
lieues en de du fleuve Guapay, sur le versant des
cordillres Pruviennes. Les Indiens qui appartenaient
la commanderie du capitaine Peransules, fondateur de
Ghuquisaca, donnrent Irala des nouvelles de la mau-
vaise situation du Prou : les Incas avaient t battus,
Gonzalo Pizarro mis mort, et sa troupe se livrait au
pillage. Alors Irala, toujours m par son ambition, r-solut d'offrir ses services au licenci Pedro de la
Gasca, prsident do ces possessions; mais celui-ci, qui
avait eu connaissance de l'arrive d'Irala, lui envoya
l'ordre de ne pas marcher en avant, sous peine de la vie.
Sans renoncer ses projets et pour inspirer confiance
Gasca, Irala lui envoya une dputation composede Nuflo de Chaves, Miguel de Rutia, Pedro de Onate
et Ruiz Garcia Mosquera, qui partirent pour Lima. La
dputation fut bien reue par le prsident, qui, tout en
disant qu'il remerciait Irala de ses bons procds,
renouvela l'ordre qu'il lui avait dj envoy de ne pas
avancer davantage. Irala, aprs l'envoi de ses dputs,
avait cru prudent, pour loigner tout soupon, de reve-
nir sur ses pas ; il se dirigea , pour les attendre , vers
une ville des Cercosis, qu'il soumit. Mais ses soldats,
mcontents des lenteurs de l'expdition qui devait leur
faire atteindre la rgion de l'or, objet de leurs dsirs, se
rvoltrent, manifestant la volont de retourner sans
retard l'Assomption, et proclamrent pour chef le
capitaine Gonzalo de Mendoza, qui afin d'viter de plus
grands maux, accepta le commandement de cette force
-
14 CHAPITRE PREMIER.
dmoralise,laquelle, aprs avoir essuy beaucoup de
pertes dans la marche que suivait Irala, arriva au port
de dbarquement en 1549.
Pendant cette malheureuse expdition, don Fran-
sisco de Mendoza, investi du gouvernement par Irala,
avait fait courir la nouvelle de la mort de celui-ci
pour se faire lire dfinitivement sa place, et lorsqu'il
se crut certain de russir, il se dmit de ses fonctions
provisoires pour que l'on procdt l'lection : mais
grande fut sa surprise lorsqu'il vit que la majorit dessuffrages faisait passer l'autorit aux mains du capitaine
Diego de Abreu, qu'il rsolut alors de faire arrter;
cependant Abreu, prvenu temps, prit les devants et
le fit juger, condamner mort et excuter. breu nejouit pas longtemps de son sanglant triomphe, car Irala,
qui ses soldats rvolts avaient restitu son autorit,
s'approchait. Abandonn de presque tout le monde,Abreu fut forc de fuir, accompagn seulement d'unecinquantaine de ses partisans.
Entretemps le prsident Gasca, qui ne pouvait voir
avec indiffrence les dsordres que l'ambition et l'avi-
dit faisaient natre au Paraguay, rsolut d'en donner le
gouvernement Zenteno, qui mritait toute sa con-
fiance pour ses bons services. Il expdia donc en sa
faveur le titre de gouverneur des terres comprises
entre les confins du Cuzco et de Charcas jusqu'aux
possessions portugaises du Brsil, mais Zenteno, en se
rendant au Paraguay, mourut empoisonn Gharcas.
Nanmoins sa suite, compose des quatre envoys
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 15
d'Irala, des capitaines Pedro Segura, Francisco Gorton,
Pedro Sotelo, Alonso Martin Truxillo et de quarante
soldats , continua son voyage jusqu' l'Assomption , o
elle fut accueillie avec d'autant plus de joie par rala
qu'elle lui apportait la nouvelle de la mort de celui qui
avait t dsign pour le remplacer.
Alors il chargea Chaves et Felipe Gaceres de
soumettre ceux qui restaient en armes sous le com-
mandement d'Abreu, en opposition son autorit.
Aprs plusieurs combats, Abreu fut surpris et tu, et
Ruiz Diaz Melgarejo, qui s'apprtait le venger, fut faitprisonnier. Quoi qu'il en ft, la guerre civile menaait
de se prolonger, et Irala, qui faisait des expditions
contre les Mbayas, s'empressa de revenir pour y mettre
fin en employant la conciliation. Il y russit en accor-
dant la vie Melgarejo dont il protgea la fuite auBrsil. Il tenta ensuite une nouvelle excursion vers le
Prou en traversant la terre des Mbayas, mais les
rsultats furent dsastreux et il revint l'Assomption
aprs avoir essuy de grandes pertes.
Renonant enfin ces projets qui avaient si mal
russi, il jeta les yeux vers l'embouchure du Rio de la
Plata, o l'on avait reconnu qu'il tait ncessaire d'ta-
blir une colonie. Il envoya cette fin le capitaine
Juan de Romero avec cent cinquante soldats choisis,
qui jetrent en 1555 les premiers fondements de laville de San Juan (1), au confluent d'une rivire
(1) Point du territoire qui forme aujourd'hui la Rpublique Orientalede l'Uruguay.
-
16 CHAPITRE PREMIER.
laquelle ils donnrent ce nom, en face de Buenos-
Ayres; mais la faim et les attaques continuelles des
Indiens Charmas les obligrent bientt revenir
Assomption. A la mme poque, quelques chefs prin-cipaux des Indiens du Guayra se prsentrent Irala,
implorant sa protection contre les Tupies. Aprs avoir
contraint ceux-ci la paix, il chargea, avant son retour,
le capitaine Garcia Rodriguez de Bergara, auquel il
donna soixante Espagnols, de fonder une ville dans
ce riche pays; ce qui amena la cration de la ville de
Ontiberos, dans la terre des Ganideyu, une lieue de
la fameuse cataracte de Guayra, du fleuve Parana.
Aprs huit ans d'attente , le procs d'Alvar Nunez se
termina par son acquittement et celui des autres officiers
renvoys avec lui en Espagne ; mais aucun d'eux, sauf
Salazar, ne devait retourner au Paraguay. Juan de
Sanabria obtint le gouvernement du Paraguay, la
condition de faire l'expdition ses frais, d'emmener
avec lui huit religieux de l'ordre de Saint- Franois,
cent familles, des graines et des semences et de donner
le passage des gens de mtiers. Il prparait son exp-
dition Sville lorsque en \M9 il mourut subitement.Son fils Diego de Sanabria le remplaa, aux mmesconditions, mais ses affaires ne lui permettant pas de
partir pour le moment, il envoya en 1552 trois bti-
ments sous la direction de Juan Salazar de Espinosa
qui retournait au Rio de la Plata investi des fonctions
de trsorier gnral. Deux ans aprs, Diego Sanabria
s'embarqua, mais les pilotes s'tant gars, aprs avoir
-
Canelle lith. d'aprs un daguerrotype. imp. Simonau & Toovey Bruxelles.
EGLISE CATHEDRALE(Assomption.)
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 17
err longtemps, il renona ses projets et retourna en
Espagne.
Entretemps Salazar arrivait Santa-Catalina, o, par'
suite de dissentiments entre lui et le pilote Hernando
de Trejo, il fut oblig de dbarquer, et passa San-
Vicente avec une partie de l'expdition. Trejo fonda,en ?555, une ville San-Francisco en face de l'le
de Santa-Calalina , fondation qui eut l'approbation du
Roi, mais que la famine le fora d'abandonner en
1 555. Il prit le parti de se transporter l'Assomption
en choisissant la route qu'avait suivie antrieurement
Alvar Nunez. A son arrive, Irala le fit arrter et mettre
en jugement sous l'inculpation du dlit d'abandon d'ta-blissement. Presque en mme temps arrivaient aussi,sous la direction de Melgarejo, les Espagnols qui s'-taient rfugis San-Vicente, et par la mme voieIrala reut la nouvelle que la Cour d'Espagne confir-
mait son autorit et envoyait un vque au Paraguay.
En effet, peu aprs, la veille du dimanche des Rameaux
de l'anne 1555, parurent dans le port deux btiments
commands par le gnral Martin de Orne qui accom-pagnait l'vque Fray Pedro de Torres, religieux de
l'Ordre de Saint-Franois.
Irala reut avec grande satisfaction sa nomination
et accueillit fort bien l'vque. Il dcrta la fondation
de deux nouvelles villes, l'une dans le Guayra, l'autre
chez les Jarayes; mais auparavant il voulait metlre un
terme aux nouvelles attaques des Tupies contre les In-
diens amis, mission dont il chargea Chaves, au commen-2
-
18 CHAPITRE PREMIER.
cernent de 1556 et qui eut un succs complet. Alors il
confia la fondation de la ville dans le Guayra Ruiz Diaz
Melgarejo qui avec cent soldats en posa les fondements
en 1557 sous le nom de Ciudad Real, sur les bords du
fleuve Parana l'embouchure de la rivire Pequiri,
trois lieues d'Ontiberos. La mme anne, le capitainejNuflo de Ghves partit pour fonder la ville chez les*Ja-
rayes avec deux cent vingt Espagnols et plus de quinze
cents Indiens amis. Ils navigurent jusqu' la rivire
Araguay, peuple par les Guatos dont les hostilits les
obligrent prendre terre chez les Parabazanes; mais
n'ayant pas jug cet endroit favorable pour l'tablisse-ment de la ville, ils pntrrent dans l'intrieur, la
recherche d'un autre point.
Pendant ces expditions, Irala, atteint d'une fivre
violente, mourait l'Assomption , laissant l'autorit
dans les mains du capitaine Gonzalo de Mendoza, qui
s'empressa de le faire savoir Melgarejo et Chaves.Le premier reconnut aussitt le nouveau gouverneur,
mais le second s'y refusa et se dirigea vers le Prou, oil eut soutenir, dans les plaines de Guelgonigota, un
combat contre un officier du vice-roi Marquis deCanete,
et battit ensuite les Indiens Chiriguanos.
Le gouvernement de Gonzalo de Mendoza se passatranquillement. Il fit chtier les Agaces qui s'taient
empars du fleuve et faisaient des excursions jusqu'l'Assomption; il mourut en 1558, et don Francisco
Ortiz de Bergara lui succda, par lection.
La troupe qui accompagnait Chaves l'avait aban-
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 19
donn et tait revenue avec les Indiens faisant partie
de l'expdition. Ceux-ci s'taient procur chez les
Chiriguanos des flches empoisonnes, et possesseurs
de ces terribles armes, ils songrent recouvrer
leur libert. Ils entreprirent partout la propagande
de la rbellion, qui donna pour rsultat la runion de
seize mille Indiens. Bergara marcha contre eux avec
cinq cents Espagnols, quatre mille Guaranis et quatre
cents Guaicurues; le 5 mai 1560, prs de la rivire
Mbuyapey, eut lieu une bataille dcisive dont le r-
sultat fut la victoire complte des Espagnols. Mais en
mme temps Bergara recevait de Ruiz Diaz Melgarejol'annonce de la rvolte des Indiens du Guayra qui
avaient mis le sige devant la nouvelle ville, menace
srieusement d'tre prise s'il n'envoyait des secours.
Il dtacha son aide Alonso Richelme avec soixante
soldats, et celui-ci, combinant ses oprations avec Mel-
garejo, obligea les Indiens lever le sige.
Richelme revint l'Assomption au commencement
de 1562, poque laquelle Chaves s'y prsentait aussi
faisant les plus belles descriptions du pays qu'il avait
explor aprs avoir t abandonn de ses troupes. Legouverneur Bergara et l'vque Torres, tents par ces
rcits, prirent la rsolution de partir pour le Prou et
firent tous les prparatifs ncessaires. Ils se mirent en
route par eau, en 1564, accompagns de trois centsEspagnols et des Indiens attachs leur service,
formant un total de prs de deux mille personnes.
Ghaves les suivait par terre avec plus de deux mille
-
20 CHAPITRE PREMIER.
Indiens de sa commanderie et quelques Espagnols qui
taient revenus avec lui du Prou. La mme anne l'ex-pdition arriva sans encombre la province de Santa-
Cruz de la Sierra; l, Chaves dpouilla Bergara de
son autorit, et le fit arrter par son lieutenant Her-
nando de Salazar. L'Audience Royale de la Plata ordonna
sa mise en libert, et il se prsenta Chuquisaca en
1565, demandant tre confirm dans son gouverne-
ment. Mais les prtentions des capitaines Diego Pan-
toja et Juan Ortiz de Zarate au gouvernement du Para-
guay, et les charges formules par le Procureur de
l'Assomption , eurent pour rsultat l'envoi de Bergara
la Cour d'Espagne, par l'Audience Royale., qui
ordonna que Zarate ft tenu pour gouverneur jusqu'
confirmation ou dcision contraire du Roi. Zarate, d-
sireux d'obtenir de la Cour l'approbation de sa no-
mination, partit immdiatement pour l'Espagne, dsi-
gnant pour son lieutenant Felipe Caceres. Celui-ci s'en
retourna l'Assomption avec l'vque Torres, non sans
que Chaves, qui mourut peu aprs d'un coup de massue
que lui assna un Indien Itatin, s'oppost sa marche
lors de son passage Santa-Cruz. Caceres arriva l'As-
somption en 1 569, et ds lors commena une srieuse
dissidence entre lui et Torres. L'vque fit censurer
publiquement la conduite de ce dernier par le proviseur
Alonzo cle Segovia, que Caceres fit immdiatement
arrter, interdisant au prlat l'entre de l'glise, et d-
crtant son exil. Sous prtexte d'obtenir des nouvelles
de Zarate, il rsolut de faire un voyage jusqu' l'ern-
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 21
bouchure du Rio de la Plata, et se fit accompagner par
Torres. A son retour de l'le de San-Gabriel, arriv
la rivire Salado, il essaya de faire remonter une em-
barcation afin de faire conduire l'vque Santiago
,
mais des difficults insurmontables l'obligrent re-
noncer ce projet, et il ramena Torres l'Assomption,
o il lui rendit la libert sous caution.
Peu aprs son retour, en 1572, victime d'une con-
spiration protge par Fray Francisco Ocampo, Gaceres
fut arrt et remplac au pouvoir par le lieutenant Mar-
tin Suarez de Toledo. On rsolut d'envoyer Gaceres enEspagne sous la garde de Ruiz Diaz Melgarejo qui avaitmconnu dans le Guayra l'autorit de Suarez, et l'vqueTorres, pour mieux assurer les rsultats de cette affaire,
se dcida faire partie de l'expdition.
Arriv San-Vicente, Melgarejo y rencontra Zarate,et la ncessit de l'accompagner l'obligea de confier
des subalternes le soin de ramener Gaceres en
Espagne. L'vque Torres, dont la conduite fut dsap-
prouve plus tard par le Conseil des Indes, mourut
pendant son sjour San-Vicente.
Juan de Garay qui, au dpart de l'Assomption, avait
escort Melgarejo jusqu'au bras du Parana nomm Qui-loazas, tait revenu sur ses pas avec quatre-vingts
soldats et avait fond, la mme anne de 1 575, la villede Santa-F de la Vera-Cruz , o il reut avis de l'ar-
rive du gouverneur Juan Ortiz de Zarate l'le de San-
Gabriel. Il se mit aussitt en marche pour protger son
voyage qui tait entrav par lesCharruas et aprs l'avoir
-
22 CHAPITRE PREMIER.
fait passer dans l'le de Martin Garcia, vainqueur des
Charruas , il fonda, sur les rives du fleuve Uruguay,
la ville de San-Salvador, que visita Zarate avant de
.partir pour l'Assomption o il mourut peu aprs son
arrive, en 1575, dclarant nulle l'lection de Martin
Suarez de Toledo et confrant provisoirement son
neveu, Diego de Mendieta, le gouvernement qui de-
vait appartenir celui qui pouserait sa fille Juana
Ortiz de Zarate, qui habitait Chuquisaca. Juan de
Garay, un des excuteurs testamentaires, partit pour
le Prou pour annoncer cette nouvelle Juana Ortiz
de Zarate, qui trouva grand nombre de prtendants
sa main. Elle choisit le licenci Juan Torres de
Vera de l'Audience Royale; mais le vice-roi de Lima,
qui convoitait la main de Juana Ortiz pour un de ses
neveux, fit arrter Vera; Garay n'chappa au mmesort qu'en se sauvant.
Le gouvernement intrimaire de Mendieta avait t
peu heureux; la nouvelle colonie de San-Salvador, sans
cesse attaque par les Charruas et abandonne sespropres ressources
,avait t dserte et ses habi-
tants taient revenus l'Assomption en 1576, poquede la mort de Mendieta et de l'arrive de Garay qui le
remplaa en vertu des pouvoirs que lui avait donnsVera. Il marqua son entre au gouvernement par la
cration d'une ville nouvelle, dont l'tablissement fut
confi Ruiz Diaz Melgarejo qui fonda Villa Ricadel Espiritu Santo deux lieues du fleuve Parana ; cette
ville fut transporte plus tard sur la rivire Huibay.
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 23
Aprs avoir apais, en 1579, une rvolte d'Indiens
Guaranis, la tte de laquelle s'tait mis le Caci-
que Obra, Garay envoya l'anne suivante Melgarejoavec soixante soldats, pour tablir sur les rives de
la rivire Mbotetey, tributaire du fleuve Paraguay, la
ville de Santiago de Jerez.
De son ct, Juan de Garay se rendait de l'Assomp-
tion au Rio de la Plata avec soixante hommes, pour
tablir une ville, et en 1580, il fondait la Ciudad
de la Santisima Trinidad, Puerto de Santa Maria de
Buenos-Ayres dans le mme endroit o s'lve aujour-d'hui cette mme ville de Buenos-Ayres. A son retour,il fut surpris par les Indiens Miunanes et tu avec
quarante de ses soldats; les autres purent se sauver
Santa-F.
Les Minuanes, encourags par la mort de Garay,
dirigrent leurs attaques sur Buenos-Ayres; mais ils
furent vaincus par Rodrigo Ortiz de Zarate, qui com-
mandait la nouvelle colonie.
Alonzo de Vera et Aragon , successeur de Garay
dans le gouvernement provisoire du Paraguay, voulut
marquer cette poque par une grande expdition au
Chaco (1). Il partit de l'Assomption en 1585 en se diri-
(1) Le Chaco est le vaste territoire dsert compris entre les provincesdu nord de la Rpublique Argentine, la Bolivie et les fleuves Parana etParaguay.
Le Pre Guevara dans son Historia del Paraguay, Rio de la Plata yTucuman, explique de cette manire l'origine du nom de Chaco :
Los Indios que habitaban entre el Pilcomayo y el Vermejo, llamabanChacu al congreso y junta de Vicunas y guanacos que levantados delos cazadores y desfilados hcia el centro, concurrian en el sitio desti-nado para la caza. De los animales trasladaron los Espanoles el nombre
-
24 CHAPITRE PREMIER.
gant avec quatre cents soldats vers le fleuve Vermejoet aprs de grands avantages remports sur les Indiens,
il fonda, sur la rive droite de ce fleuve, la ville de Con-
ception del Vermejo, dans les terres de Matar.Depuis longtemps on avait reconnu la ncessit
d'tablir une ville au confluent des fleuves Pa-
rana et Paraguay ; son arrive l'Assomption en
lo87, le gouverneur Juan Terres de Yera, qui obtint
enfin sa libert, confia la ralisation de ce projet
son neveu lonzo de Yera, qui fonda la nouvelleville Tanne suivante, sous le nom de Juan de Yera
qui fut remplac par celui de Corrientes, sous lequel
elle est connue aujourd'hui.
Terres de Yera, fatigu du gouvernement et dsirant
retourner en Espagne, donna sa dmission en 1591, et
Hernando de Saavedra, natif de fAssomption , fut
lu pour son successeur; mais son tour il se retira
aprs deux annes d exercice de ses fonctions, et fut
remplac par Fernando de Zarate, qui conserva aussi
le gouvernement du Tucuman dont il tait investi.
Diego de Yaldez de la Banda succda Zarate, mais
peu aprs Hernando de Saavedra reprit les rnes du
al pais, alterandola ultima letra y llamandolo Chaco. con significadotan limitado que solo se extendia la pemnsula que hacen el Pilco-mayo y el Vermejo. Con el tierapo se emple el significado, aplicndolo aun a dilatadisima provincia que corre entre el Salado y Parana. desdela jurisdiccion de Santa F, y abarcando los Llanos de Manso. se dilatapor la costa occidental del Paraguay, ocupando por muchas lguas alnorte y poniente los paises intermedios.
(Page 25 de la continuation de la Bistoria Argentina de Ruiz Diaz deGuzman, crite en 4 612, Buenos-Ayres, 4 854.)
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 25
gouvernement, et sa nomination fut confirme par la
Cour d'Espagne en 1601,
Saavedra guid par l'espoir de nouvelles dcouvertes
se rendit Buenos-Ayres et se dirigea vers le dtroit
de Magellan. Aprs plus de deux cents lieues de marche
il tomba, avec ceux qui l'accompagnaient, au pouvoir des
Indiens. tant parvenu s'chapper, il revint Buenos-Ayres et avec des troupes qu'il y prit il marcha contre
les Indiens qui l'avaient captur et dlivra les Espagnols
qui taient rests en leur pouvoir. Il entreprit ensuite
avec bon rsultat la pacification des Indiens Guaicurues
qui habitaient leChaco, dpendant du Paraguay, et tenta
deux expditions pour la conqute du Paranaet de l'Uru-
guay. Mais ayant acquis la conviction qu'il ne possdait
pas de forces suffisantes pour vaincre au moyen des
armes, il reprsenta la Cour d'Espagne qu'il serait
ncessaire de soumettre ces peuplades sauvages par la
propagation de la foi.
Philippe III, par dcret de 1608, approuva cette ide,
et les jsuites italiens Simon Mazeta et Jos Cataldino
partirent le 8 dcembre 1609 pour le Guayra. Acette poque, Arapizandu, chef principal des Indiens
Paranas, se prsentait l'Assomption, sollicitant pour
son peuple la paix et l'envoi de missionnaires. Les pres
Lorenzana et Francisco de San-Martin furent chargs
de se rendre ses dsirs, et en 1610 fut commencl'tablissement des missions du Parana et de l'Uruguay.
Hernando de Saavedra termina son gouvernement
en 1609 et fut remplac par Diego Martin de Negron,
-
26 CHAPITRE PREMIER.
durant l'administration duquel vint le visiteur Francisco
de Alfaro, qui donna, en 1612, des ordonnances rela-
tives aux Indiens, abolissant l'espce d'esclavage dans
lequel on les maintenait depuis la conqute. Xegron
mourut en 161o, et fut remplac provisoirement par le
gnral Francisco Gonzalez de Santa-Gruz qui coopra
activement l'excution des mesures dictes par le vi-
siteur Alfaro. Mais la Cour d'Espagne, qui connaissait
les mrites de Hernando de Saavedra, l'appela, une
troisime fois, au gouvernement de la Plata.
Saavedra qui, durant les diverses priodes de son
gouvernement, avait compris que le territoire qu'em-
brassait la conqute tait trop vaste pour qu'un seul
chef pt remplir convenablement ses fonctions,
appela l'attention du gouvernement espagnol sur la
ncessit de crer une nouvelle province dont la capi-
tale serait Buenos-Ayres, et le roi dcrta, en 1620, la
division de la province du Paraguay en deux gouver-
nements : celui du Paraguay et celui du Rio de la Plata,
assignant celui-ci Buenos-Ayres, Entre Rios, Cor-
rientes, Santa-F, ce qui forme aujourd'hui la Rpublique
Orientale de l'Uruguay, et dix-sept peuples des trente
qui formaient les Missions. Le Paraguay conservait tous
les territoires qui n'taient pas spcialement attribus
au nouveau gouvernement. Les deux gouvernements
devaient tre compltement indpendants l'un de l'autre
et administrs par des gouverneurs nomms par la Courd'Espagne, mais dpendants tous deux du vice-roi du
Prou et de l'Audience Royale.
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 27
DEUXIEME POQUE.
CONTINUATION DE LA DOMINATION ESPAGNOLE.
PREMIRE PARTIE.
Depuis le dmembrement de la provinee du Paraguay jusqu' son mancipation.
1620-1841.
Aprs le fractionnement du territoire , don Manuel
de Frias fut nomm gouverneur de la province du Para-guay, mais bientt il fut appel l'Audience de Char-
cas, par suite des intrigues de l'vque Fray Tomas de
Torres. Les habitants de l'Assomption, qui estimaient
et regrettaient Frias, adressrent, en 1626, une pti-
tion l'Audience pour redemander leur gouverneur.
Celle-ci consentit le leur rendre, mais Frias, en route
pour le Paraguay, mourut, en 1627, Salta. L'anne
suivante , Luis de Cespedes Jeray lui succda. Ce gou-
verneur se rendit odieux cause du trafic d'Indiens
qu'il faisait avec les Portugais (1). L'Audience Royale,
ayant eu connaissance de ce commerce, le fit compa-
ratre devant elle. Cespedes fut condamn 12,000piastres d'amende et priv pour six ans de l'exercice de
tout emploi public.
(1) Le doyen Fmes, dans son ouvrage dj cit, dit que Davila
,
gouverneur de Buenos-Ayres cette mme poque, calculait que cetrafic donna pour rsultat la vente Rio Janeiro, de 1628 1630, d-plus de 60,000 Indiens,
-
28 CHAPITRE PREMIER.
Les incursions des Indiens brsiliens Mamelucos et
Tupies, qu'avait tolres Cespedes, amenrent l'abandon
de Villa-Vica et de Ciudad-Real, et la Cour d'Espagne,
qui ne voyait pas sans inquitude ces invasions des
Indiens brsiliens, nomma au gouvernement du Para-
guay Pedro de Lugo deNavarra, en qui elle avait grande
confiance. Il entra en fonction en 1636, mais bientt
une invasion de Mamelucos et de Tupies, loin de confir-
mer la bonne opinion qu'on avait de lui, prouva qu'il
n'avait ni le talent et le courage qu'on lui attribuait : au
moment du combat il abandonna ses troupes ; mais les
Indiens de l'Uruguay, quoique abandonns par Lugo,
remportrent une brillante victoire : des deux mille cinq
cents envahisseurs , il n'en retourna que trente San-
Pablo. Lugo fut rappel en Espagne, mais il mourut en
route.
En 1641, Gregorio de Hinostrosa prit les rnes du
gouvernement, et en 1644 il fut oblig d'exiler l'vque
Fray Bernardino de Gardenas, dont la conduite peu pru-
dente menaait d'amener des dissensions ; mais celui-ci,
profitant de la dbilit de Diego Escobar de Osorio, qui
succda Hinostrosa, obtint non-seulement l'autorisa-
tion de revenir l'Assomption, mais encore la promesse
d'tre nomm gouverneur la mort du titulaire. FrayBernardino de Gardenas exera ses fonctions pendant
sept mois,
s'occupant exclusivement exciter les res-
sentiments. Son but tait l'extermination des jsuites. Il
les fit expulser par le peuple et permit le pillage et l'in-
cendie de leur collge. L'Audience de Charcas, aussitt
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 29
qu'elle eut connaissance de ces faits, dclara que
levque Cardenas n tait point gouverneur, et appela
ces fonctions Sbastien de Lon y Zarate, en luiordonnant de rtablir les jsuites.
Cardenas rsolut de rsister aux ordres de l'Audience
et arma un corps de citoyens qu'il avait fanatiss. Le
gouverneur Lon runit les Espagnols, qui n'avaient
pas pris les armes pour l'vque, et trois mille Indiens
des missions, et se prsenta devant les troupes de l'v-
que qu'il battit. Cardenas fut fait prisonnier et remis a
l'Audience Royale; en 1650 les jsuites furent rin-
stalls l'Assomption.
Vers la fin de 1650, Lon fut remplac parAndres deLon Garabito
,
qui peu aprs , en 1 652 , donna des
preuves de valeur et d'habilet dans un combat qu'il
soutint contre une arme d'Indiens brsiliens qui, de
San-Pablo, s'tait jete sur les missions du Parana et
de l'Uruguay.
Les Guaranis, voyant que les Espagnols taient sans
cesse occups faire la guerre aux Mamelucos et aux
Tupies, formrent le projet d'attaquer la capitale; mais
le gouverneur, qui eut connaissance de leurs intentions,
marcha contre eux et les chtia svrement.
En 1655, Cristoval de Garay y Saavedra succda
Garabito. Le nouveau gouverneur s'occupa activement
de contenir les Mbayas et les Neengas qui s'taient con-
fdrs et commettaient de grands ravages, profitant
de la malheureuse situation dans laquelle se trouvait la
province a cause de l'pidmie qu'elle eut souffrir
-
30 CHAPITRE PREMIER.
en 1654 et 1655. Garay, uni aux Guaranis, obtint un
triomphe complet sur les Indiens.
La prosprit des missions veillait l'envie et la con-
voitise, et l'on faisait courir des bruits sur la richesse
fabuleuse des jsuites; la Cour d'Espagne, qui dsirait
tre bien renseigne cet gard, rsolut de nommer
gouverneur du Paraguay, l'Auditeur de Gharcas, Juan
de Blazquez de Balverde, avec droit de visiter toutes
les missions, mme celles du Rio de la Plata. Blazquezentra en fonctions en 1 657 et trouva l'tat des missions
trs-prospre ; mais dou d'un caractre faible, ce gou-
verneur ne sut pas ramener - l'obissance les Indiens de
Gaazapa et de Juti, qui s'taient refuss aux oprations
du recensement. Cette faiblesse commenait produire
de mauvais effets chez les autres peuples indiens,
lorsque Blazquez fut remplac, en 1659, par Alonzo
Sarmiento y Figueroa. Ce gouverneur commena par
inspecter tous les villages fortifis de la frontire et
les mettre en tat de dfense pour qu'ils pussent ser-
vir de barrire aux invasions des Indiens ennemis qui
pouvaient appeler leur aide les Indiens rebelles. Il fit
construire un nouveau fort Tapua (1).
En 1 662, Sarmiento fit une expdition contre les
Guaicurues, qui continuaient leurs dprdations et leurs
vols, et, Tanne suivante, lui succda Juan de Diaz
Andino, qui continua la guerre aux Guaicurues et aux
Payaguas.
(1) Tapua oultapua, aujourd'hui la ville de l'Incarnation, au sud, surla rive droite du fleuve Parana.
-
HISTOIRE DU PARAGUAY 31
Felipe Rege Corvalan remplaa Andino en 1671, et
cette mme anne les Guaicurues et les Al bayais, tra-versant le fleuve Paraguay, saccagrent la valle de
Tacumb;encourags par l'impunit, ils continurent
pendant quatre annes leurs ravages Tobati , Are-
gua, Atira et dans les valles de Parnipitan et d'Are-
cutagua. Corvalan tenta en vain, en 1675, cle mettre
fin ces ravages ; la mauvaise volont de ses officiers
et de ses troupes l'obligea rentrer dans la capitale.
Les Mamelucos de San Pablore commenaient en
mme temps leurs invasions qui devenaient de plus enplus frquentes.
Le manque d'nergie de Corvalan avait produit des
maux auxquels il ne pouvait plus porter remde, son
autorit tait mconnue et des plaintes s'levaient detoutes parts : l'Audience de Cbarcas envoya au Paraguay
un fonctionnaire charg de faire une enqute. Celui-ci
envoya le gouverneur devant l'Audience et remit pro-
visoirement l'administration entre les mains du con-
seil municipal. Cependant l'Audience, ne trouvant pas
de motifs suffisants pour destituer Corvalan de ses
fonctions, lui restitua son gouvernement, qu'il conserva
jusqu'en 1681 en promettant de rtablir l'ordre et lapaix parmi les Indiens.
A cette poque Juan Diaz de Andino occupa denouveau le gouvernement et fit de nombreuses exp-
ditions contre les Indiens ; il mourut en 1684 et le Vice-
Roi de Lima lui donna pour successeur provisoireAntonio de Vera Mujica qui gouverna jusqu' l'arrive
-
32s
* CHAPITRE PREMIER.
de Francisco Monforte en 1685. Celui-ci fit deux exp-
ditions aux terres des Guaicurues, et en 1688 il entre-
prit une campagne contre les Mamelucos qui setaient
empars de la ville de Santiago de Xerez. Il abandonna
son gouvernement en 1691, aim et honor de tous,
ce qui rendit encore plus pnible le despotisme de
son successeur Sbastien Flix de Mendiola. Les Para-
guayens, fatigus de supporter sa tyrannie, s'empar-
rent de lui et l'envoyrent Buenos-Ayres o il resta
jusqu' ce que l'Audience ordonnt de lui restituer legouvernement, qu'il conserva jusqu'en 1696.
Aprs son successeur, Juan Rodriguez Cota, le gou-vernement chut en 1702 Antonio Escobar, qui
,
cause d'incapacit, fut remplac par son frre.
En 1705 Baltazar Garcia Ros fut nomm gouverneuret au moment o il se prparait dloger les Portu-
gais de Santiago de Xerez, vers la fin de 1707, lui
succda Manuel de Robles qui, quoiqu'il dsirt mettre
excution le projet de Ros, fut forc de l'abandonner,
pour concentrer toute son attention et ses forces vers
le Chaco, dont les peuplades indiennes ne cessaient de se
montrer hostiles. Il entreprit une campagne contre eux
avec l'aide du Tucuman,et en 1710 partit une colonne de
six cents Paraguayens qui fut force de revenir sur ses
pas cause des grandes inondations qu'elle rencontra.
Juan Gregorio Bazan de Pedraza fut en 1712 le
successeur de Robles. En 1714 il fit tablir deux nou-
velles colonies, la premire dans la valle de Guarni-
pitan la frontire des Guaicurues, la seconde
-
HISTOIRE DU PARAGUAY. 33
Curuguati, pour contenir les Mamelucos. il mourut en
1717, et le 6 fvrier de la mme anne Diego de losReyes Balmaceda , Alealde de l'Assomption , qui An-
tonio Victoria, nomm par la Cour d'Espagne, trans-fra ses pouvoirs, prit possession du gouvernement.
Reyes se trouva en face d'une forte opposition, la
tte de laquelle s'tait mis le Rgidor Jos de