La religion à Chypre dans l'antiquité

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Madame Annie Caubet

La religion Chypre dans l'antiquitLyon : Maison de l'Orient et de la Mditerrane Jean Pouilloux, 1979, 38 p. (Collection de la Maison de l'Orient. Hors srie)

Citer ce document / Cite this document : Caubet Annie. La religion Chypre dans l'antiquit. Dossier du Muse du Louvre (Muse d'Art et d'Essai - Palais de Tokyo) novembre 1978 octobre 1979. Lyon : Maison de l'Orient et de la Mditerrane Jean Pouilloux, 1979, 38 p. (Collection de la Maison de l'Orient. Hors srie) http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/monographie/mom_0243-8046_1979_hos_2_1

COLLECTION DE LA MAISON DE L'ORIENT Hors Srie N 2

LA RELIGION A CHYPRE DANS L'ANTIQUIT par Annie CAUBET

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DOSSIER DU MUSE DU LOUVRE (MUSE D'ART ET D'ESSAI - PALAIS DE TOKYO) novembre 1978 octobre 1979

Maison de l'Orient 1 rue Raulin, F - 69007 Lyon 1979

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L 'exposition laquelle se rfre ce dossier a t organise par le Dparte ment Antiquits Orientales du Muse du Louvre, avec les Services techni des ques la Direction du Muse du Louvre. de Le dossier a t tabli et rdig par Annie Caubet et ralis par Bernard Yon, avec le concours du C.N.R.S et de la Maison de l'Orient (URA 1 du Centre de Recherches Archologiques : Chypre et le Levant).

Couverture . Maquette de sanctuaire. Terre cuite. Dhali. Vlme sicle. Muse du Louvre. N. 3294. Dos de la couverture : Idole en plaquette. Terre cuite rouge polie. Chypriote Ancien 2300-1850. Muse du Louvre. AM 822.

Ce dossier sur la religion antique Chypre a t conu en 1978 pour illustrer une exposition temporaire du Muse d'Art et d'Essai . en faisant appel aux seules collections nationales accompagnes d 'un abondant matriel pdagogique (photos, textes explicatifs), les prsentations de ce muse d'un mode nouveau s'efforcent de rpondre la curiosit du public pour les problmes techniques, thmatiques ou chronologiques. L'tude des cultes offrait de grandes possibilits d'illustration grce aux nombreux objets des collections du Louvre en rapport avec les croyances religieuses . mobilier funraire , souvent porteur d'un dcor symbolique, objets du culte domestique retrouvs dans l'habitat; enfin et surtout offrandes et ex-voto dposs dans les sanctuaires-, ces tmoins de la religion primitive apparaissent bien avant les premires inscriptions. En choisissant Chypre pour thme, les organisateurs se donnaient la libert d'voquer divers domaines archologiques qui ont exerc leur influence sur cette le de la Mditerrane orientale . le monde gen, le Proche Orient et l'Egypte. En retour, l'le joue un rle encore mal apprci d'changeur entre ces diffrentes civilisations; dans leur circulation de l'Orient vers le monde grec, les cultes et les types iconographiques ont d transiter souvent par Chypre o ils ont subi des modifications. L 'exposition La religion Chypre dans l'Antiquit et le prsent dossier sont donc destins illustrer les formes divines, les rites et instruments de culte dans l'le mme, en fournissant des lments de comparaison emprunts aux civilisations voisines.

Chypre est une le de grandes proportions situe en Mditerrane Orient ale.Elle possde depuis les origines de son peuplement une vocation agricole. D'autre part de grands gisements de cuivre lui font jouer un rle important dans le dveloppement des techniques mtallurgiques de l'Age du Bronze. Cette industrie implique des relations commerciales entre l'le et le monde oriental, gen, gyptien et anatolien. Ces diverses conditions donnent son caractre la religion des habitants antiques de Chypre : cultes de divinits axs sur la fertilit. existence de divinits protectrices de l'industrie du mtal. permabilit aux influences extrieures et rle d'changeur dans la diffu siondes cultes en Mditerrane.

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Fig. 1 Grce. Idole nolithique. Marbre. IVme millnaire. Weert, coll. H. Smeets. Fig. 2 Msopotamie du Nord. Idole assise. Terre cuite. Culture de Tell Halaf. Verne millnaire. Muse du Louvre. AO 21095. Fig. 3 Chypre. Idole (masculine?) de Khirokitia. Pierre. IVme millnaire. Nicosie, muse de Chypre.

LES CULTES NOLITHIQUES EN MDITERRANE ORIENTALE. Lorsqu'aux chasseurs-prdateurs du palolithique succdent les premiers sdentaires agriculteurs de la rvolution nolithique qui se dveloppe au cours du Vllme millnaire, principalement dans le Croissant Fertile, de profondes modifications s'oprent dans les croyances religieuses : aux cultes des anctres chasseurs succde celui de la desse mre, garante de la fcond it la famille et des troupeaux, adore sous la forme d'une femme statode pyge, souvent assise dans la position de l'enfantement (Fig. 1-2) : ce type d'image avec des variantes locales est rpandu dans le bassin oriental de la Mditerrane aux Vme et IVme millnaires mais ne parvient Chypre qu'avec un certain retard. Cultes nolithiques Chypre. Les premires traces d'habitation dans l'le remontent au Vllme mill naire : des populations venues d'outre-mer vont dvelopper sur place une culture nolithique relativement autonome. Les sites de Khirokitia, Sotira et Petra tou Limniti ont livr des idoles de pierre, toujours associes l'habitat (Fig. 3) : il s'agit peut-tre d'anctres, autour desquels se pratiquait la religion de la famille ou du clan.

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Fig. 4 Chypre. Femme assise pressant ses seins. Terre cuite. poque chalcolithique, IHme millnaire. Muse du Louvre. AM 1 1 76. Fig. 5 Chypre. Idole fminine double. Steatite. Souskiou. poque chalcolithique, IHme millnaire. Famagouste, collection Hadjiprodromou. LA DIVINIT FMININE DE LA FCONDIT. Ce n'est qu'avec la priode chalcolithique (3000-2 300) qu'apparaissent Chypre les premires idoles de terre cuite (Fig. 4) ou de steatite (Fig. 5), o la reprsentation des caractres sexuels fminins est constante; elles incarnent le culte des forces de la fcondit sous leur aspect fminin. Au Chypriote Ancien (2 300-1850), une culture nouvelle d'origine anatolienne impose la technique de la terre cuite rouge polie dans laquelle sont fabriqus des vases reliefs symboliques et des idoles plates dcoupes en plaquettes, avec des incisions qui dtaillent la parure et le vtement; la ncro pole de Vounous en a livr de nombreux exemples. A ces idoles fminines sont associs dsormais leurs animaux attributs, serpents et oiseaux. Durant la priode suivante, Chypriote Moyen (1850-1600), ces idoles voluent vers un type model en ronde bosse, rouge polie ou en terre cuite peinte : idole debout, idole portant un enfant (Fig. 6), enfant seul dans une sorte de berceau. Chypriote Rcent (1600-1200). Aprs une priode de troubles, les Mycn iens s'installent Chypre dans leur mouvement d'expansion en Mditerrane orientale : une culture commune levanto-mycnienne voit Chypre l'p anouissement du culte de la desse de la fcondit dont les images se multi plient, en mme temps qu'apparaissent les premires reprsentations de divinits masculines anthropomorphes.

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Fig. 6 Chypre. Femme portant un enfant. Terre cuite rouge polie. Chypriote Moyen 1850-1600. Muse du Louvre. AM 1459. Fig. 7 Chypre. Idole nue tte d'oiseau. Terre cuite de fabrique Base Ring. Chypriote Rcent II 1400-1300. Muse du Louvre. AO 1407. Fig. 8 Chypre. Desse aux bras levs. Terre cuite Proto White Painted. Vers 1100. Muse du Louvre. AM 159.

Les figurines sont dsormais nues, le sexe largement indiqu par des incisions : la technique est celle qu'on appelle Base-Ring, spcifique de la priode. Un type tte d'oiseau et grandes oreilles ornes d'anneaux est probablement d'origine syrienne (Fig. 7). Les figurines plus tardives, tte plate et petites oreilles sur un corps identique celui des premires, sont d'inspiration mycnienne. Les figurines mycniennes, trs stylises, voquant les lettres grecques phi, tau et psi, sont peu nombreuses Chypre. La desse aux bras levs. Dans la nouvelle vague de colons achens qui s'installent Chypre au Xlme sicle se trouvaient sans doute des Cretois qui l'on doit l'apparition d'une nouvelle figure divine qui persistera Chypre jusqu' l'poque archaque : la desse ou prtresse lve les deux bras dans un geste interprt comme une bndiction ou une invocation divine (Fig. 8). Elle est souvent caractrise par une parure symbolique, polos ou diadme sur la tte, gros pendentif autour du cou (probablement un attribut sacerdotal), charpe. C'est prcisment cette poque que le culte de la grande desse de Chypre se rpand dans le monde grec avec le commerce achen : elle doit devenir l'Aphrodite grecque, ne sur le rivage de Chypre.

LA FCONDIT SOUS SON ASPECT MASCULIN. Absence d'anthropomorphisme. La croyance aux forces masculines de la fcondit ne s'incarne pas sous forme humaine au cours du Chypriote Ancien et Moyen. Les maquettes de Kotchati et de Vounous (Fig. 9) montrent des cultes rendus des idoles ou xoana en forme de piliers surmonts de ttes de taureaux. Les vases figurs montrent des taureaux, des cervids (Fig. 10), des bliers, des monstres (tels les centaures), ct des idoles de femmes nues et de leurs animaux attributs, oiseaux et serpents. Ces images se perptuent jusqu'au premier millnaire dans les sanctuaires de dieux mles (Fig. 11). De tels cultes incarns sous forme d'animaux reproducteurs auxquels on attribue des vertus magiques sont attes ts largement dans le bassin mditerranen et l'Europe centrale (Fig. 12-13).

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Fig. 9 Chypre. Modle de sanctuaire . un fidle devant un vase lustral et trois piliers portant des ttes de taureaux. Kotchati, 2000-1850. Terre cuite. Nicosie, muse de Chypre. Fig. 10 Chypre. Vase figur en forme de cervid. White Painted 1850-1600. Muse du Louvre. 3349. 10

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Fig. 11 Chypre. Assiette dcore d'un centaure. Chypro-gomtrique I 1100-900. Muse du Louvre. AM 961. Fig. 12 Ukraine. Os dcoup en forme de crne de taureau, sur lequel est dessine une desse nue. Bilcze Zlote. IVme millnaire. Cracovie, Muse archologique. Fig. 13 Levant. Tte de taureau provenant du temple de la dame de Byblos, Byblos, IHme millnaire. Beyrouth, Muse National. 11

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Fig. 14 Chypre. Dieu guerrier debout sur un lingot de cuivre. Sanctuaire du dieu au lingot, Enkomi, 1200-1100. Nicosie, muse de Chypre. Fig. 15 Chypre. Groupe cultuel montrant un homme menant un taureau. Bronze. 1200-1100. Muse du Louvre. MNB 336. Influence mycnienne : religion et industrie. L'installation de colons venus de Grce continentale la fin du XHIme sicle favorise l'panouissement d'une culture chypro-mycnienne clatante : on construit les premiers grands temples utilisant la pierre de taille (Enkomi, Kition, Myrtou, Palaepaphos). Les ateliers de fondeurs de cuivre, principale richesse de ces villes commerantes, sont installs directement dans l'enceinte du temple sous la protection divine. C'est alors qu'apparaissent de vritables statues de culte : sous l'influence grecque, les dieux masculins trouvent une reprsentation anthropomorphique et sont prdominants : ainsi Enkomi le dieu cornu, ou le dieu au lingot (Fig. 14), dont le pidestal en forme de lingot manifeste la protection qu'il tend sur l'industrie du cuivre. SANCTUAIRES ET AUTELS DE L'AGE DU BRONZE. Aucun difice caractre religieux antrieur au Chypriote Rcent n'a ce jour t retrouv. Les maquettes de Vounous et de Kotchati montrent cependant que des crmonies sacres se droulaient dans des enclos prvus cet effet. Au Chypriote Rcent, les premiers sanctuaires sont caractriss par la prsence d'autels qui supportaient souvent des cornes de conscration, d'un type galement connu en Crte, et qui se perptue Chypre jusqu' l'poque archaque (Fig. 18 et 24). 12

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Fig. 16 Chypre. Dpt de vases miniatures sur le sol du sanctuaire d'Athienou. XIVXIHme sicles. In situ. Fig. 17 Chypre. Vases miniatures. Enkomi. XIV-XIHme sicles. Muse du Louvre. Fig. 18 Chypre. Vase mycnien . adoration d'une desse. Aradippo. XIV-XIHme sicles. Muse du Louvre. AM 676. RITES DE L'AGE DU BRONZE. Les vases figurs et les groupes en terre cuite du Chypriote Ancien montrent l'existence probable de sacrifices d'animaux : les taureaux attachs dans l'enclos de Vounous, comme ceux des groupes de bronze du Chypriote Rcent III, attendent sans doute d'tre sacrifis (Fig. 15). Le culte se droul ait prs de grands vases ou de bassins contenant l'eau des rites de lustration; ces mmes rites se poursuivent au premier millnaire. Sur le sol des sanctua ires du Chypriote Rcent, des dpts de trs nombreux petits flacons ind iquent que les fidles les abandonnaient sur place aprs un usage unique, pro bablement lustral (Fig. 16-17). Processions. Les sceaux cylindriques et certains vases mycniens du XlIIme sicle voquent un dfil de fidles ou de prtres devant une divinit assise : la desse du vase d'Aradippo (Fig. 18) est associe un oiseau, animal attribut de la desse de la fertilit. Autour d'elle, des vgtaux (arbres sacrs) et des lments voquant des cornes de conscration. 13

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INSTRUMENTS DE CULTE. Beaucoup de vases du Chypriote Ancien ne s'expliquent que par une destination rituelle, comme les vases reliefs symboliques voquant les forces mles et femelles de la fcondit (Fig. 19). Le vase en forme de grenade est un objet caractre magique, la grenade avec ses nombreux ppins tant un symbole de fertilit trs populaire dans tout le bassin mditerranen; on la trouve sous forme de bijoux-amulettes, Salomon en dcora les colonnes de son Temple (Chroniques II, 3). Le Kernos ou rceptacle offrandes. La coutume de dposer des offrandes en rapport avec les cultes agraires (chantillon de rcolte, fruits, graines, liquides) dans des rcipients ou des tables rceptacles multiples est atteste Chypre depuis le Bronze Ancien et se perptue de nos jours. Aux coupelles composites du Chypriote Ancien (Fig. 20) s'ajoutent au Chypriote Rcent des vases en anneaux supportant des pots miniatures et un dcor symbolique (taureaux, serpents), d'un type aussi rpandu en Crte. A l'entre des sanctuaires, de grandes dalles de pierre sont pourvues de cupules pour les offrandes : ces kernoi, bien connus en Crte (Fig. 21), existent Chypre (Kition) mais aussi en Syrie, au Bronze Rcent. 14

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Fig. iP Chypre. Vase rouge poli dcor de scnes rituelles. Chypriote Ancien. 20001850. Svres, Muse National de Cramique. Fig. 20 Chypre. Coupelles offrandes encadres par un homme et une femme nus. Chypriote Ancien. 2000-1850. Muse du Louvre. AM 957. Fig. 21 Crte. Kernos ou table offrande. Pierre. Palais de Mallia. Vers 1600. In situ. Fig. 22 Chypre. Maquette de sanctuaire colonnes. Dans la porte, harpye (?) et sur les cts, femme la fentre. Dhali. Vlme sicle. Muse du Louvre. 3294. Fig. 23 Palestine. Maquette d'une niche de sanctuaire colonnes. Tell Farah. lXme sicle. Muse du Louvre. Fig. 24 Chypre. Maquette d'une niche de sanctuaire. Dieu ithyphallique derrire un autel cornes. Dhali. Vlme sicle. Muse du Louvre. 3526. Maquettes architecturales. L'existence de maquettes architecturales dans les sanctuaires et les tombes est atteste dans tout le bassin mditerranen ds le nolithique et travers l'Age du Bronze. Une srie provenant de Syrie et de Palestine au Ilme millnaire peut tre interprte comme constituant des autels portat ifs ou des supports offrandes auxquels on aurait donn la forme d'un temple : c'est sans doute cette tradition que se rattachent les maquettes archaques de Dhali (Fig. 22). D'autres en forme de niche, qui viennent de Palestine (Fig. 23) et de Chypre (Fig. 24), contiennent parfois l'image d'une divinit. Elles ont sans doute la mme signification magique que les images de divinits. 15

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Fig. 25 Palestine. Applique murale dcore d'un avant-train de taureau. Megiddo. 1200-1100. Jrusalem, Israel Museum. Fig. 26 Chypre. Applique murale dcore d'une tte de taureau et d'une desse nue. Terre cuite. IXme sicle. Muse du Louvre. AM 1 704.

Appliques murales. Ces objets, caractriss par une plaque verticale faite pour tre accroche verticalement et un rebord horizontal plus ou moins creux, apparaissent en Syrie, en Palestine et Chypre au Bronze Rcent; d'abord trs frquents et sans dcor, ils semblent avoir alors un usage purement pratique, probable ment lampe ou de brle-parfums. A partir du Xlme sicle, ils se chargent de d'un dcor symbolique, desse nue ou taureaux, en Palestine (Fig. 25), puis Chypre (Fig. 26); devenus plus rares, ils semblent dsormais se rattacher aux cultes domestiques comme objet personnel que le dfunt emporte dans la tombe. Bassins d'eau lustrale. Le Temple de Salomon Jrusalem possdait une rserve d'eau lustrale dans un gigantesque bassin de bronze, la mer d'airain (Chroniques II, 4). Cet usage, attest ds l'Age du Bronze (Fig. 9), est illustr Chypre par le monumental vase d'Amathonte dont les anses portent un dcor de taureaux (Fig. 27). 16

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29 Fig. 27 Chypre. Vase monumental. Son pendant a t trouv rcemment devant l'entre du temple. Amathonte. Vlme sicle. Muse du Louvre. AO 22897. Fig. 28 Phnicie. Fidle brlant de l'encens devant une divinit assise sur un trne flanqu de sphinx. Amthyste grave. Sidon. IVme sicle. Beyrouth, Muse National. Fig. 29 Brle-encens en forme de coupelle porte par un sphinx. Calcaire. Verne sicle. Muse du Louvre. MNB 334. Thymiateria - brle-encens - supports offrandes. Brler de l'encens devant la statue de culte semble tre un rite commun de nombreuses religions, et les brle-encens figurent souvent sur les repr sentations de scnes de culte (Fig. 28). Ces instruments ont des formes diverses : Les candlabres de bronze ou d'ivoire supportaient des torches. Par leurs volutes florales, ils s'apparentent aux balustres encadrant les images de la dame la fentre et sont mettre en relation particulirement avec son culte. Les thymiateria, termins par une cupule dans laquelle on pouvait dposer des offrandes ou brler des grains d'encens, ont souvent un dcor symbolique: femmes pressant leurs seins dans le geste de la desse orientale de la fcondit, ou sphinx (Fig. 29). 17

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32 Fig. 30 Chypre. Divinit assise tenant la coupe du banquet. Bronze. Enkomi. 12001100. Muse du Louvre. AM 2190-2191. Fig. 31 Assyrie. Le banquet sous la treille du roi Assurbanipal, avec accompagne ment Ninive. VHme sicle. Londres, British Museum. musical. Fig. 32 Chypre. Couple au banquet. Calcaire. Vme sicle. Muse du Louvre. LES RITES DE LA FIN DE L'AGE DU BRONZE ET DU PREMIER MILLNAIRE. La divinit vivait dans son temple comme dans une demeure terrestre : on lui offrait des banquets accompagns de danse et de musique : elle y partici pait l'intermdiaire de sa statue de culte ou dans la personne de son prtre par ou de sa prtresse. Le banquet. Les images de banquets sacrs remontent une vieille tradition msopotamienne. La statuette de culte d'Enkomi montre un dieu attabl un perp tuelfestin, coupe en main (Fig. 30). Au premier millnaire apparaissent les premires figurations de banquet couch : le plus ancien exemple connu est celui d'Assurbanipal au VHme sicle (Fig. 31). D'Assyrie, cette coutume de festoyer allong, peut-tre emprunte aux murs des nomades, se rpand dans le monde ionien comme l'atteste en particulier la frise du temple d'Assos (Mysie), date du Vlme sicle, puis en Grce propre et Grande Grce, avec une signification funraire : le mort participe au banquet des dieux dans l'au-del. Les images de banqueteurs couchs chypriotes (Fig. 32) ont t exportes dans les sanctuaires de Lindos et Samos : Chypre a sans doute servi d'intermdiaire dans la transmission au monde grec de ce motif icono graphique oriental. 18

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Fig. 33 Chypre. Ronde de danseuses. Calcaire. Temple de Pyla. Verne sicle. Muse du Louvre. MNB 363. Fig. 34 Chypre. Joueur de double flte. Calcaire. Vlme sicle. Muse du Louvre. AM 1164.

La danse sacre. Les figurines de danseuses formant une ronde, bras tendus l'horizont ale, remontent Chypre aux XlIme-XIme sicles. Elles sont surtout fr quentes l'poque archaque, en terre cuite ou en calcaire (Fig. 33). Au centre se trouve parfois un arbre sacr, un musicien, ou un sanctuaire aux colombes. Musiciens. Les statuettes de musiciens apparaissent Chypre partir de l'poque archaque (Fig. 34), ct d'images de ddicants porteurs d'offrandes : l'in strument, lyre, double flte, tambourin, fait allusion aux rites qui se droul aient en l'honneur de la divinit; ces images se chargent d'une partie du pouvoir magique libr par le rite lui-mme; elles ont une signification analo gue figurines de danseurs et aux masques miniatures. aux 19

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Divinit assise portant une coupe (voir Fig. 30).

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Bouteille en forme de femme se pressant les seins. Black on Red. Vlleme s. av. J.C. Muse du Louvre. AM 827. 21

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Fig 35 Palestine. Masque de culte. Terre cuite. Hazor. -XIlmes sicles. Ayelet Ashabar, muse de Hazor. Fig. 36 Syrie. Masque pendentif servant d'amulette protectrice. Faence. Ce type est rpandu depuis les ctes syriennes jusqu' la Babylonie et l'Iran. XIHme sicle. Muse du Louvre. Fig. 37 Chypre. Impression de sceau-cylindre . dfil de prtres dont l'un porte un masque de taureau. Hmatite. Chypriote Rcent I. 1600-1400. Muse du Louvre. AO 3169. Fig. 38 Chypre. Banquette de sanctuaire du dieu au lingot d'Enkomi, supportant des bucrnes destins des rites masqus. 1200-1100. D'aprs J.C. Courtois. RITES MASQUS. L'usage de masques forme humaine, animale ou fantastique, dans les religions primitives, semble tre un phnomne complexe et assez gnral. Il semble driver Chypre d'une tradition syro-palestinienne du Ilme millnaire, au moins pour les masques humains. On rencontre au Levant deux types de masques; les uns, de la taille d'un visage humain, pourvus de trous d'attache et ajours pour permettre la vision, sont faits pour tre ports (Fig. 35); d'autres sont des masques miniatures, ex-voto ou amulettes, souvent en mtal prcieux ou en faence (Fig. 36). Les cylindres du Chypriote Rcent montrent des personnages tte animale sur un corps d'homme revtu d'une longue robe (Fig. 37) : on les identifie comme des clbrants ou des prtres masqus en les rapprochant de crnes de daims ou de taureaux retrouvs dans les temples d'Enkomi, Toumba tou Skourou ou Kition : ces ossements avaient t retaills et pourvus de trous d'attache pour pouvoir tre ports (Fig. 38). Ces mmes sites ont livr des masques de terre cuite face humaine aux yeux vids et munis de trous d'attache, dats du Xllme sicle. 22

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Fig. 39 Chypre. Personnage se coiffant d'un masque de taureau. Calcaire. Vleme sicle. Muse du Louvre. AM 2758. Fig. 40 - Carthage. Masque gyptisant. Vleme sicle. Muse du Louvre. MNB 849. Fig. 41 - Chypre. Gourde du Nouvel An. Faence. Vleme sicle. Muse du Louvre. AM 1453.

Au premier millnaire, des figurines ou sculptures montrant des person nagesse coiffant de masques de taureaux attestent la persistance de ces rites au Vlme sicle (Fig. 39). On retrouve d'autre part des modles rduits de masques forme humaine ou taurine : ce ne sont plus les instruments servant au culte mais des objets votifs chargs du mme pouvoir magique que les rites auxquels ils font allusion. Un usage semblable se retrouve dans le monde punique (Fig. 40) et grec, o les protoms archaques font place l'poque classique aux petits masques de thtre. RITES ENTOURANT LA NAISSANCE ET L'ALLAITEMENT. Probablement sous l'influence du culte d'Hathor, qui prside aux nais sances mais aussi la survie dans l'au-del, une certaine assimilation se fait entre la notion de naissance et celle de renaissance. De mme se confondent les vertus du lait maternel et des eaux rgnratrices : en Egypte, les Gourdes du Nouvel An, remplies d'eau du Nil, expriment l'ide de renouveau, lie Hathor. Cette forme particulire de bouteille est copie au Levant et Chypre (Fig. 41). On retrouve galement Chypre les coupes en faence dcor nilotique (poissons, papyrus), trs populaires en Egypte. Des flacons dcor symbolique (vases en forme de femme ou de seins) contenaient sans doute des prparations mdicales destines faciliter l'accouchement et soigner le nouveau-n. Ces pratiques magiques semblent aussi empruntes l'Egypte. 23

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Fig. 42 Chypre. Desse aux bras levs. Terre cuite. Vlme sicle. Muse du Louvre. AM 244. Fig. 43 Chypre. Desse nue pressant ses seins. Calcaire. Vlme sicle. Muse du Louvre. MNB 313. Fig. 44 Syrie du Nord. Vache allaitant. Panneau de revtement de meuble en ivoire (travail phnicien). Arslan Tash. IX-VHlmes sicles. Muse du Louvre. AO 11455. Fig. 45 Chypre. Vache allaitant. Calcaire, llleme sicle. Sanctuaire de Golgoi. Muse du Louvre. AM 2779.

LA GRANDE DESSE CHYPRIOTE AU PREMIER MILLNAIRE. La multiplication des dpts votifs dans les sanctuaires du premier mill naire, puis l'apparition de ddicaces inscrites permettent d'assister une diversification et une spcialisation des vieilles croyances de la fertilit i ncarnes dsormais sous les noms d'Astart, Demeter, Artemis et surtout Aphrodite, desse chypriote par excellence. L'iconographie se diversifie aussi. La desse aux bras levs. Cette image hrite des colons crtois des Xllme et Xlme sicles persiste jusqu'au Vlme sicle (Fig. 42). La desse nue. A partir du Xlme sicle, l'installation des comptoirs phniciens dans l'le renforce l'influence du culte de la desse orientale de la fcondit . elle apparat nue, pressant ses seins (Fig. 43). Chypre a d contribuer l'assimila tion images et des cultes d'Astart et d'Aphrodite : rappelons que lorsque des Praxitle cre au IVme sicle l'Aphrodite pudique de Cnide, il emprunte l'iconographie orientale. 24

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Fig. 46 Syrie du Nord. La femme la fentre sur un panneau de revtement de meuble en ivoire (travail phnicien). Arslan Tash. IX-VIIImes sicles. Muse du Louvre. AO 11459. Fig. 47 Chypre. Maquette architecturale avec femme la fentre et pigeonnier sacr. Terre cuite. Dhali. Vlme sicle. Muse du Louvre. 3293.

Vache allaitant ou courotrophe. Le vieux thme de la vache, de la biche ou de la chvre allaitant son petit, bien connu en Crte au Ilme millnaire, puis dans le monde phnicien (Fig. 44), se mle l'influence du culte d'Isis-Hathor pour crer Chypre les types de la vache et de la femme allaitant, deux images quivalentes et con temporaines, rencontres cte cte dans les sanctuaires de la fcondit Chypre, notamment Golgo, du Vlme sicle l'poque hellnistique (Fig. 45). Elles y sont associes aux statuettes de petits garons du temple (Fig. 51). La femme la fentre. L'image d'un buste de femme s'encadrant dans une fentre dcore de balustres tourns se rencontre surtout dans les ivoires issus d'ateliers chy pro phniciens mis au jour Chypre, en Phnicie et dans les palais assyriens (Fig. 46). On la reconnat sur des maquettes architecturales de Dhali (Fig. 47). Elle a t mise en relation avec certains cultes d'Astart : la femme la fentre, dans l'attitude de la prostitue interpellant le passant, serait l'piphanie de la desse elle-mme, ou sa prtresse, ou une hirodule, ou enfin une simple fidle, se livrant des rites de prostitution sacre. La tradition crite fait tat Chypre d'une Aphrodite regardant (de sa fentre), et montre le processus de syncrtisme qui s'opre dans l'le entre la desse grecque et l'orientale. 25

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Fig. 48 Chypre. Stle en forme de fentre balustres du type de la femme la fentre. Kaloriziki. VHme sicle. Episkopi, Curium House. Fig. 49 Chypre. Support de brle-encens en forme de colonnette. Bronze. VHIme sicle. Muse du Louvre. AM 918. Fig. 50 Chypre. Stle-chapiteau olique volutes florales. Trapeza prs Salamine. VIH-VIImes sicles. Muse du Louvre. AM 2754. Le mobilier de la femme la fentre. La fentre balustres seule peut servir Chypre de stle votive avec ddidace (Fig. 48). On peut rapprocher ces balustres volutes florales des brleencens et thymiateria en forme de colonnettes qui font partie du mobilier de culte habituel aux VlII-VImes sicles (Fig. 49); leur forme voque celle des stles-chapiteaux dits oliques (Fig. 50): ces objets semblent caractris tiques temples de Phnicie du VHIme sicle et leur prsence en Palestine des et Chypre tmoigne d'une influence phnicienne. Les volutes florales ou vgtales font probablement allusion des cultes de la fertilit. LES CULTES ORIENTAUX. Le servant du temple. Cette reprsentation est particulire Chypre, mais on en rencontre de comparables en Phnicie, en Msopotamie, en Grce, trurie, Italie du Sud et Carthage. A Chypre, elle se trouve en grand nombre dans les temples ddis Apollon et Aphrodite- Astart, quelquefois dans les tombes, de la fin du Vlme sicle l'poque hellnistique. 26

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Fig. 51 Chypre. Servant du temple. Calcaire. IHme sicle. Muse du Louvre. AM 1168. Fig. 52 Chypre. Baal Hammon. Calcaire. Vente sicle. Muse du Louvre. MNB 316. Fig. 53 Afrique du Nord. Stle reprsentant un adorant devant Baal Hammon sur un trne accost de sphinx. Sousse. IVme sicle. Tunis, Muse du Bardo. Trs strotypes, ces images montrent un enfant accroupi, un genou lev, l'autre jambe replie sous le corps. La tunique souvent releve laisse dessein voir le sexe : il s'agit toujours de garons, portant une offrande symb olique. Autour du cou ou en baudrier, un cordon porte des pendentifs : sceaux monts en bagues, cnes phalliques, masques miniatures (Fig. 51). On hsite sur la signification de ces images : s'agit-il d'un petit serviteur du temple comme le jeune Samuel de la Bible (Samuel I 3), ou de prostitu tion sacre d'enfant, selon une coutume atteste Chypre par Hrodote et une inscription de Kition ? Serait-ce l'image d'un dieu enfant de la mythologie grecque, orientale ou gyptienne (Harpocrate, Tammuz, Adonis, Dionysos ou Eshmoun) adopte Chypre? Ou enfin de trs jeunes ddicants prsentant leur offrande au temple, comme leurs parents ou un ex-voto de parents avant ou aprs la nais sance d'un fils? Il est possible que ces diverses explications ne s'annulent pas et que l'image du petit garon du temple rponde plusieurs concepts mls. Baal Hammon Zeus Ammon. A partir du Vlme sicle, de nombreuses statuettes chypriotes montrent une divinit masculine pourvue de cornes de blier, assise sur un trne accost de bliers (Fig. 52). Dans le sanctuaire de Mniko, cette image est associe de nombreux thymiateria ou brle-parfums : bien qu' ce jour aucune inscrip tion donne le nom chypriote de cette divinit qui apparat en protecteur ne des troupeaux, on la rapproche de Baal Hamman ou Hammon dont le nom phnicien signifie peut-tre le seigneur des candlabres. Son culte s'est surtout rpandu chez les Phniciens d'Occident, en Afrique du Nord punique o Baal Hammon est le pardre de Tank (Fig. 53). Une confusion s'opre avec le dieu gyptien Ammon dont l'animal sacr est le blier; assimil Zeus, il est l'objet d'un culte dans l'Egypte hellnise sous le nom de Zeus Ammon et les traits d'une divinit barbue cornes de blier. 27

LES CULTES GYPTIENS. L'impact des cultes et de l'iconographie gyptiens sur Chypre est trs fort mais semble surtout s'exercer par l'intermdiaire de la civilisation phni cienne, profondment gyptianise ds le Illme millnaire. Bs. Certaines figures divines semblent adoptes sans modification : ainsi le dmon Bs (Fig. 54) et sa femelle Beset, immensment populaires dans tout le Levant et Chypre, surtout sous forme d'amulettes apotropaques en faence. Son culte semble particulirement rpandu Amathonte d'o pro viennent des statues en calcaire son image. Ptah Patque. D'autres figures divines ou mythologiques font l'objet d'un processus de syncrtisme complexe o la part de l'Egypte est plus ou moins importante; le nain (Fig. 55), apparent Bs par sa difformit, et Horus ou Ptah enfant par son ge, a t identifi par les archologues avec des cratures mythologiques phniciennes connues par les textes grecs, telles les patques. Chypre et Rhodes semblent avoir eu un rle prdominant dans le dveloppement de ce type iconographique hybride dont la signification protectrice est difficile prciser. Le sphinx. Le sphinx corps de lion et tte humaine reprsente en Egypte le pharaon dans sa force vitale, quelquefois la reine. A partir de la XVIIIme dynastie, peut-tre sous l'influence de l'art levanto-mycnien, il apparat quelquefois ail. Le sphinx ail se retrouve au Levant ds le Hme mill naire o il est rpandu dans les arts dcoratifs, surtout les ivoires, d'inspi ration mycnienne orientale. Il a perdu sa signification royale pour devenir un gnie protecteur : c'est probablement sa forme que Salomon fit donner aux Chrubins qui protgeaient l'Arche dans son Temple (Chroniques II, 3). Au premier millnaire, le type du sphinx ail est frquent dans tout le Proche Orient comme animal gardien et sur les trnes divins. La figure du sphinx ail est atteste Chypre ds le XHIme sicle sur des vases mycniens et se multiplie aux IXme-VIIIme sicles sur les ivoires et les vases peints. Le rle de Chypre dans la transmission de cette figure mythologique aile au monde grec n'est sans doute par ngligeable. Hathor. La desse gyptienne Hathor possde en Egypte des attributions multi ples : elle protge particulirement le souverain, qui elle insuffle la force vitale au moyen de son collier Ment. Le dcor symbolique de ce collier montre qu'elle prside la naissance. Par extension, on lui attribue des pou voirs sur la re-naissance. Elle apparat tantt sous forme humaine, tantt sous la forme d'une vache, tantt enfin sous une forme hybride, comme desse cornue. A Basse poque, son culte tend se confondre avec celui d'Isis alla itant Horus. 28

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56 Fig. 54 Chypre. Bs et Beset. Faence. Vlme sicle. Muse du Louvre. MNB 98. Fig. 55 Chypre. Ptah Patque. Terre cuite. Vlme sicle. Muse du Louvre. 3310. Fig. 56 Phnicie. Stle ddie par Yehawmilk, roi de Byblos, la Dame de Byblos reprsente sous la forme de Hathor. Byblos. IVme sicle. Muse du Louvre. AO 22368.

Le culte de Hathor s'est rpandu hors d'Egypte ds le Ilme millnaire et mme sans doute avant : elle s'est facilement assimile des divinits locales possdant les mmes caractres : Byblos, la Dame de Byblos apparat sous ses traits (Fig. 56). Au Sina, elle est la protectrice des ouvriers travaillant dans les mines de cuivre. 29

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Fig. 57 Chypre. Stle en forme de chapiteau floral supportant un masque inspir de l'iconographie de la desse Hathor. Sur sa tte naos enfermant le serpant uraeus. Calcaire. Vlme sicle. Muse du Louvre. AM 2755. Fig. 58 Chypre. Vase peint . fidles apportant un animal une stle hathorique. Vlme sicle. Muse du Louvre. AM 393 d. A Chypre, le nom d'Hathor n'est pas attest dans les textes : cependant la desse gyptienne, reconnaissable sa perruque enroule, a d prter ses traits des divinits locales de la fertilit : ainsi le type de la stle votive dcore du masque de la desse (Fig. 57) se reconnat sur un fragment de vase peint (Fig. 58) o des fidles lui apportent des offrandes. Les masques hathoriques se retrouvent sur de nombreux objets, bijoux ou vases rituels, en rela tion avec les rites entourant la naissance. Oiseaux tte humaine, harpyes, sirnes. Ces tres fabuleux sont un cas complexe de syncrtisme. A Chypre, de nombreux exemples en terre cuite ou calcaire montrent un oiseau trapu tte humaine, seul, portant une figurine plus petite, ou jouant de la musique (Fig. 59); dans ce dernier cas il est pourvu de bras en plus de sa paire d'ailes. Ces images apparaissent l'poque archaque. Elles ont t exportes, notamment dans les sanctuaires de Rhodes (Lindos) et Samos. En Egypte, l'me du mort est reprsente par un oiseau tte (et quel quefois bras) d'homme (Fig. 60). Dans le monde oriental, l'oiseau tte humaine, attest depuis les tombes royales d'Ur (vers 2400) se retrouve particulirement en Phnicie au VHIme sicle, o il orne des coquillages gravs, les tridacnes. On le retrouve comme attache d'anse sur un type de chaudron rpandu de l'Armnie la 30

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Fig. 59 Chypre. Oiseau tte humaine jouant de la flte de Pan. Calcaire. Vlme sicle. Muse du Louvre. MNB 407. Fig. 60 Egypte. Coffret ushebtis montrant un couple de dfunts et leurs mes sous forme d'oiseaux tte humaine, rafrachis par la desse sycomore. Vers 1200-1100. Muse du Louvre. Fig. 61 Grce. Attache d'anse de chaudron assyro-phnicien . gnie ail barbu. Delphes. VHIme sicle. Copenhague, Muse National. Fig. 62 Lycie. Harpye emportant une me, dtail de la Tombe des Harpyes. Xanthos. Vlme sicle. Londres, British Museum. Fig. 63 Attique. Ulysse et les sirnes. Stamnos du peintre des sirnes. Fin Vlme sicle. Londres, British Museum.

Grce au Vllme sicle, galement connu Chypre (Fig. 61). L'le a d jouer un rle important dans la transmission au monde grec de ces figures mytholog iques, leur gardant le sens funraire de l'oiseau-me gyptien. en Les colonies grecques d'Asie ont servi de relais : ainsi Xanthos (Lycie), les harpyes gardent le sens funraire des oiseaux-mes gyptiens (Fig. 62). A partir de ce moment, c'est sous les mmes traits que seront reprsentes les sirnes connues par le rcit homrique o Ulysse coute leur chant (Fig. 63). 31

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64 65 Fig. 64 Chypre. Dieu berger. Calcaire. III me sicle. Sanctuaire de Pyla. Muse du Louvre. MNB 361. Fig. 65 Chypre. Artmis nourrissant une biche. Calcaire. Mme sicle. Sanctuaire de Pyla. Muse du Louvre. MNB 358. LES CULTES GRECS. Aphrodite. A partir de l'poque archaque, certains cultes traditionnels Chypre s'incarnent sous une forme grecque, quelquefois avec un nom grec. C'est le cas avant tout de la grande desse chypriote, dsormais adore sous le nom d'Aphrodite. Pan. Opaon Melanthios. Des divinits agrestes sont reprsentes sous la forme d'un dieu juvnile, un berger nu, couvert d'un manteau et jouant de la flte cinq tuyaux. Ils sont caractriss par de petites cornes et des oreilles caprines qui trahissent leur nature semi-animale (Fig. 64) : on peut les identifier Pan ou Opaon Melanthios. Artmis. Artmis (Fig. 65), reprsente en tenue de chasseresse, tunique retrous se, bottes et carquois, et nourrissant sa biche, garde une parent avec les antiques matresses des animaux du monde levanto-mycnien (Fig. 66). Apollon. Les nombreuses ddicaces Apollon retrouves Chypre n'ont pas encore pu tre mises en relation avec un type iconographique prcis. Il semble que ce culte populaire ait t associ dans l'le celui d'Hrakls. 32

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Fig. 66 Syrie. Desse syro-mycnienne nourrissant des animaux. Ivoire. Minet el Beida (Ugarit). Vers 1400. Muse du Louvre. AO 11601. Fig. 67 Chypre. Hrakls brandissant une massue et matrisant un lion. Calcaire. Vente sicle. Dhali. Muse du Louvre. AM 641. Fig. 68 Chypre. Dtail de la patre de Dhali montrant un combat mythologique entre un hros, plus tard assimil Hrakls, et un lion. Dhali. Argent dor. Vlllme sicle. Muse du Louvre. AO 20134. Hrakls-Melkart. Les statues d'un dieu brandissant une massue et matrisant un lion (Fig. 67) sont frquentes Chypre dans les sanctuaires de l'poque archaque et classique, Kition, Lefkoniko, Pyla. Le type iconographique semble fix ds le Vlllme sicle sur la patre de Dhali (Fig. 68), avec le vtement fait de la dpouille d'un lion. 33

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69 Fig. 69 - Syrie. Stle du Baal au foudre. Ras Shamra. Vers 1600. Muse du Louvre. AO 15775. Fig. 70 -Assyrie. Hros dompteur. Palais de Khorsabad. Vllme sicle. Muse du Louvre. AO 19861.

Les sources orientales de ce type sont certaines : le geste du bras droit lev brandissant la massue est hrit des divinits syriennes de l'orage (Fig. 69) dont le culte se rpand au Ilme millnaire. Le petit lion saisi par les pattes arrires est emprunt au matre des animaux dont les hrosdompteurs assyriens et le pseudo-Gilgamesh sont l'illustration la plus rcente (Fig. 70). Des objets d'importation orientale ont propag ces images dans le monde gen (Fig. 71). C'est en pays phnicien que se fait la fusion des deux gestes, celui du bras lev et celui du lion matris (Fig. 72). Les Phniciens importent Chypre le culte de Melkart. Les images de Melkart phnicien figurent sur les monnaies de Tyr et des rois phniciens de Chypre (Fig. 73), tandis qu'une longue in scription phnicienne atteste le culte de Melkart Larnax-Lapithos. C'est sans doute Chypre mme que se fait l'assimilation entre le Melkart phnicien, matre des animaux, et l'Hrakls grec, vainqueur du lion de Nme, le plus dorien des dieux hellnes : c'est pourtant sous sa forme orientalise que ses images vont se rpandre dans le monde grec (Fig. 74). 34

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Fig. 71 Crte. Tympanon d'importation orientale montrant un hros dompteur. Grotte du Mont Ida. VIHme sicle. Hraklion, Muse National. Fig. 72 Phnicie. Stle ddie au Dieu Shadrapha. Amrit. VHme sicle (?). Muse du Louvre. AO 22247. Fig. 73 Chypre. Image du Melkart de Tyr sur une monnaie du roi phnicien de Kition, Pumiathon. Or. IVme sicle. Nicosie, Muse de Chypre. Fig. 74 Attique. Lutte d'Hrakls contre Kyknos. Hydne du peintre de Madrid. Fin Vlme sicle. Le Vatican, Museo Etrusco Gregoriano. 35

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75 Fig. 75 Chypre. Cavalier. Terre cuite. VIIIVHmes sicles. Muse du Louvre. AM 3667.

DDICANTS. A partir du Vllme sicle, les figurines se multiplient dans les sanctuaires; lorsque celui-ci tait trop encombr, on enterrait ces images dans des fosses creuses proximit : leur dcouverte permet d'oprer des regroupements. Les sanctuaires de divinits masculines (temple d'Apollon Kourion) ont livr surtout des images de cavaliers, de guerriers en char ou pied, arms de boucliers ou d'arcs (Fig. 75). Aux sanctuaires de la fertilit sont rservs les porteurs d'offrandes, adorants aux bras levs, musiciens; parmi les porteurs d'offrandes, les femmes sont largement reprsentes. LES OFFRANDES. Les animaux. Mouton, veau, constituent un substitut de sacrifice. La colombe. Les femmes portant une colombe doivent tre interprtes, non comme porteuses d'animaux sacrifier, mais comme l'image d'Aphrodite la co lombe ou comme celle d'une fidle portant l'oiseau-emblme de la desse. 36

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Fig. 76 Chypre. Femme portant une lampe et un bouquet de narcisses. Calcaire. Vme sicle. Dbali. Muse du Louvre. AO 22221.

Les vgtaux. Rameau, lotus, narcisse, pomme de pin, fruit. Comme la colombe, ces vgtaux sont une allusion la nature de la divinit plutt qu'une offrande. Le lotus semble plutt rserv la desse de la fcondit incarne en Astart ou Aphrodite. Le bouquet de narcisse parat associ au culte de Demeter et Cor, personnifications du renouveau de la vgtation et de la survie humaine (Fig. 76). Les objets. De nombreux ddicants sont porteurs d'une pyxide ou bote, dont le sens nous chappe. D'autres tiennent sur la poitrine une coupe anses, peut-tre allusion au banquet sacr; les lampes portes sur l'paule (Fig. 76) ou la tte sont mettre en relation avec les cultes des forces souterraines comme celui de Demeter. 37

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Fig. 77 Chypre. Femme au collier de bagues. Calcaire. Dbut du Verne sicle. Muse du Louvre. AM 2983. Fig. 78 Chypre. Femme prsentant le pendentif de son collier. Calcaire. Vlme sicle. Muse du Louvre. 2639.

VETEMENTS ET PARURES PARTICULIERS. Les colliers de bagues-cachets. Les scarabes, amulettes funraires d'origine gyptienne, ont t imports et imits Chypre ds le Ilme millnaire; ils sont souvent monts en bagues. A partir de l'poque archaque, des statuettes de femmes ou d'enfants (Fig. 51) portent au cou un cordon d'o pendent des sries de ces bagues-cachets (Fig. 77). Toujours associes des sanctuaires de la fcondit, ces parures, avec le calathos et l'charpe semblent l'emblme de la desse chypriote de la fertilit. 38

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79 80 Fig. 79 Egypte. Hatbor prsentant au roi Sethi 1er son collier Ment charg d'un fluide magique. Vers 1 300. Muse du Louvre. Fig. 80 Chypre. Femme coiffe du kalathos. Calcaire. Vers 500. Muse du Louvre. AM 638.

L'offrande du collier. Certaines ddicantes prsentent ostensiblement le pendentif de leur collier (Fig. 78). On peut rapprocher ce geste de celui de la desse Hathor prsentant son collier Ment au souverain qui elle insuffle ainsi la force vitale (Fig. 79) : ce collier, qui porte des reprsentations en rapport avec l'enfantement, possde un caractre sexuel que l'on retrouve probablement dans les images chypriotes. Le calathos. De nombreuses figurines de ddicantes chypriotes portent cette coiffure (Fig. 80); l'origine en vannerie (du mot grec signifiant panier), dcor floral (rosettes, palmettes, guirlandes) elle est quelquefois anime de repr sentations figures, sphinx ail, desse nue. Le calathos, que coiffent en Grce les participantes aux Mystres, se retrouve en Egypte Basse poque sur les terres cuites en rapport avec le culte d 'Isis-Hathor. A Chypre, il caractrise les ddicantes de la desse de la fertilit. 39

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