La reine Hildegarde et l'abbaye Saint-Arnoul de Metz

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HAL Id: hal-03038816 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03038816 Submitted on 25 Jan 2021 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial| 4.0 International License La reine Hildegarde et l’abbaye Saint-Arnoul de Metz Michel Parisse To cite this version: Michel Parisse. La reine Hildegarde et l’abbaye Saint-Arnoul de Metz. Cahiers du CRATHMA (Centre de recherche sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge), Université de Paris X-Nanterre, 1987, Actes du colloque ”Autour d’Hildegarde”, V, pp.41-47. hal-03038816

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La reine Hildegarde et l’abbaye Saint-Arnoul de MetzMichel Parisse

To cite this version:Michel Parisse. La reine Hildegarde et l’abbaye Saint-Arnoul de Metz. Cahiers du CRATHMA (Centrede recherche sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge), Université de Paris X-Nanterre, 1987, Actesdu colloque ”Autour d’Hildegarde”, V, pp.41-47. �hal-03038816�

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LA REINE HILDEGARDE ET L'ABBAYE SAINT-AR NO UL DE METZ

Charlemagne et la reine Hildegarde se trou­vaient à Thionville pour la fête de Noël 782 ; ils y demeurèrent pour Pâques, qui tom bait le 23 mars 783. Au cours du mois suivant, la reine m it au monde une fille , son septième enfant, à qui elle donna son propre nom. Cette fois H il­degarde ne put se remettre de ses couches et elle mourut à Thionville le 30 avril 783. Le bébé ne survécut pas longtemps, car son épitaphe porte qu’elle vécut 40 jours. L ’abbaye messine de Saint-Arnoul recueillit les corps des deux H il­degarde, la mère et la fille 1.

Le 1er mai, jour de l ’Ascension et lende­main de la m ort de Hildegarde, Charlemagne f i t rédiger un diplôme par lequel il donnait à l ’ab­baye messine où reposait la reine la villa de Cheminot, et il demandait aux clercs d ’entrete­nir un luminaire sur le tombeau de la défunte: u t exinde pro remedio predictae conjugis nos- trae continuae die n oc tuque lum inaria ad ejus sepulchrum fie ri debeant2 . Il a joutait une in­terdiction d ’aliéner le bien o ffe rt et proposait, si le luminaire ne consommait pas tou t l ’argent rapporté par Cheminot, d ’en disposer en faveur de ceux qui feraient des messes, prieraient ou chanteraient les psaumes à l ’ intention d ’Hilde- garde.

L ’enterrement d ’Hildegarde à Saint-A r­noul de Metz m ettait en vedette une église dont le nom était et sera attaché à la fam ille carolin­gienne. La reine a-t-e lle été ensevelie à cet en­d ro it en raison d ’une tradition déjà existante ou parce qu’elle l ’avait elle-même décidé com­me le laisse entendre clairement un acte, daté de Metz le 13 mars 783, par lequel elle donne à Saint-Arnoul un élément de son douaire? Les deux points méritent l ’attention.

LA TRADITION ARNULFIENNE

L ’église Saint-Arnoul est une des plus an­ciennes de Metz. Dédiée à l ’origine aux saints Apôtres, elle est mentionnée parfois avec les patronages de saint Jacques ou de saint Philip­pe, complétés de celui des Apôtres réunis3 . Si­tuée hors de la ville de Metz, elle a moins d ’im ­portance que Saint-Félix où reposent les tou t

premiers évêques de Metz à partir de saint Clé­m ent4 , ou même Saint-Symphorien, qui re­cueille les dépouilles des évêques de Metz à par­t ir de sa fondation par saint Pappole ( vers 614) 5 . L ’église des Saints-Apôtres entre vrai­ment dans l ’histoire quand y est déposé le corps de saint Arnoul. Évêque de Metz de 612 à 629, l ’ancêtre des Carolingiens a quitté son siège épis- copal pour se réfugier dans la solitude du Saint- Mont, dans une cabane isolée, à quelque distan­ce de la communauté monastique fondée par saint Romaric et saint Amé. Goëric, son succes­seur sur le siège de Metz, alla rechercher son corps en 640, le ramena à Metz et le déposa dans l ’église des Saints-Apôtres6 . On peut se demander pourquoi Arnoul n ’a pas été enseveli auprès des autres évêques. L ’a -t-on fa it pour l ’honorer particulièrement ? Est-ce parce qu ’il était m ort en ermite et non en prélat? Est-ce parce que sa personne était au contraire quel­que peu discutée ? La seconde hypothèse est la plus probable.

De toute manière un culte se développa lentement autour de saint Arnoul. A l ’image des autres églises, les Saints-Apôtres eurent un groupe de clercs affecté au service du culte. Le pontificat, après celui de Goëric, de l ’évêque Clodulfe, fils d ’Arnoul, ne fu t pas étranger aux soins apportés au tombeau de son père. Le 20 février 691, Pépin II, pe tit-fils d ’Arnoul et ne­veu de l ’évêque Clodulfe, donna à cette église la villa de Norroy (auj. Norroy-le-Sec) dans la

(1) Paul D IA C R E nous apprend que deux filles de Hildegar­de et de Charlemagne étaient enterrées à Saint-Arnoul, et il cite une petite Hildegarde (M IG N E , Pat. lat., 95, col 7 0 6 -7 0 8 ; R.S. B O U R, Die Benediktiner-A btei S. Ar- n u lf vor den M etzer Stadtm aurrn, Metz 1908, p. 125- 126).

(2) Arch. dép. Moselle H 42 n ° 1 (Diplom ata K arolinorum , n ° 149, p. 202 -2 0 4 ).

(3) R.S. BOUR, Notes sur l'ancienne liturgie de Metz e t sur ses églises antérieures à l'an m il, Metz 1929, p. 106 -1 10 . Cet auteur combat la tradition non fondée d'une dédica­ce prim itive à saint Jean l'Évangéliste. Cette mention est donnée dans la bulle fausse de 1049 ; celle de saint Jac­ques figure dans le diplôme de Charlemagne.

(4) Ib idem , p. 94 -1 0 0 .

(5) Ib idem , p. 111 -1 1 4 .

(6) Vita Goer ici.

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Woëvre7 . Puis, en 694, Clodulfe mourut et fu t enterré dans la même église que son père8 . Le choix était ici dynastique, sans rapport proba­blement avec les autres m artyria d ’évêques mes­sins. La communauté de clercs des Saints-Apô- tres était bien organisée, si l ’on en cro it l ’acte de Pépin II qui cite un abbé Romulus. Il ne s’a­g it pas d ’un monastère, mais d ’un petit chapi­tre. Cette église a le même régime que sa voisine Saint-Félix, ou Saint-Evre à Toul, ou Saint- Vanne à Verdun.

Dans la première décennie du V ille siècle, l ’église de Saint-Arnoul est honorée par la sé­pulture de plusieurs membres de la famille des Pippinides : le fils de Pépin II, Drogon, duc de Champagne, y est enterré en 708, puis deux fils de Drogon, Arnoul et G odefro id9 . En 717, le roi Chilpéric II donne le fisc de Mars-la-Tour «ad basiHcam sancti dom ni A rn u lfi vei sancto­rum apostolorum» 10. Si l ’acte est sincère, il faut admettre que le nom d ’Arnoul s’ impose déjà comme référence. Cette mention est isolée, car nous n’avons plus de renseignements sur l ’abbaye avant 783 et le diplôme de Charlema­gne, où le roi parle encore de l ’église «construi­te en l ’honneur de saint Jacques et des saints Apôtres, où repose le précieux corps de saint Arnoul». Une telle form ulation, de la part de celui qui alla it exalter le souvenir de son ancê­tre, laisse à penser que le patronage d ’Arnoul n ’avait pas encore éclipsé celui des Apôtres, pris en bloc. C’est seulement avec Lothaire II qu ’on parle pour la première fois clairement de «monasterium sancti A rnu lfi)) (840)11.

Charlemagne n’a pas attendu la m o rtd ’Hil- degarde pour s’ intéresser à l ’abbaye de Saint- Arnoul. Deux de ses sœurs y ont été enterrées: Rotaïde et Adélaïde 12. A ce moment-là, l ’évê­que Angelramn de Metz joue un rôle de premier plan à la cour. C’est lui qui suscite, autant que le roi, la comparution des Gesta des évêques de Metz par Paul Diacre, Gesta qui sont l ’occasion de dresser la généalogie carolingienne 13. Il n ’est donc pas étonnant que la reine Hildegarde, morte à Thionville, ait été transportée à Metz, tou t proche, et déposée dans l ’église qui était déjà devenue la nécropole familiale. Il n ’était pas indispensable qu ’elle eût fa it une donation dans ce but. Au reste, en fit-e lle vraiment une ? La question est posée.

LA DONATION D ’HILDEGARDE

La tradition de l ’abbaye était que la reine Hildegarde avait choisi d ’être enterrée dans cet­te église. Les moines s’appuyaient sur une dona­

tion faite le 13 mars 783 à Metz : ce jou r-là Hildegarde, avec l ’accord et l ’appui de l ’empe­reur Charles, donnait à l ’église de saint Jacques et des saints Apôtres une partie de son douaire, à savoir Vaccarias et Subtus curtem, au duché de Moselle et au comté de Metz, avec une église construite à Vaccariae en l ’honneur de saint A rn o u l14. Une autre tradition, rapportée dans le petit cartulaire de l ’abbaye, relatait un mira­cle au cours duquel les gants de la reine, appe­lée à se justifie r de l ’accusation d ’impudicité, seraient demeurés en l ’air, posés sur un rayon de soleil, tandis que Hildegarde pria it avec ar­deur 15.

La critique s’est penchée plusieurs fois sur l ’acte d ’Hildegarde, conservé dans le chartrier de Saint-Arnoul sous la forme d ’un parchemin, proche dans ses dimensions (38cm x 55) et dans sa présentation extérieure (monogramme royal) du diplôme de Charlemagne du 1er mai 783. Abel dénonça la fausseté probable de la pièce et Sickel adopta le même point de vue. L ’archi­viste allemand de Metz, Georg Wolfram, donna en 1889 des remarques critiques sur les actes de Saint-Arnoul et démontra, entre autres choses, que l ’acte d ’Hildegarde était un acte faux, copié mot pour m ot sur celui de Charlemagne 16. L ’u­tilisation de l ’année de l ’ incarnation dans la da­te est inacceptable ; la mention du notaire Wig- bald est impossible, le mot de notaire était ana­chronique d ’une part, Wigbald n ’ayant jamais eu cette fonction d ’autre part. L ’anachronisme le plus flagrant est dans l ’emploi du terme d ’em­pereur. A l ’évidence, le texte d ’Hildegarde est repris de celui de l ’empereur ; notamment la

(7) M .G .H ., Dipiom ata regum francorum , 1872, p. 92.

(8) R.S. BO U R , Die Benedi k tin e r-A b te i, p. 124.

(9 ) Ib idem , p. 124 -1 25 .

(10) Dipiom ata regum francorum e stirpe merowingica, 1872 p. 7 8 -7 9 . L'identification de Marte avec Mars la Tour est confirmée par W. H A U B R IC H S (Gelenkte Siedlungs des frühen Mittelalters im Seillegau. Zwei Urkunden des Metzer Klosters St A rnulf und die Lothringische Topo­nymie, Zeitschrift fu r die Geschichte der Saargegend, X X X (1982)n , p. 7 -3 9 .

(11) M .G .H ., Diplom atum Karolinorum , I I I . Lotharii I et II dipiom ata, Berlin - Zurich 1966, p. 138, n ° 46.

(12) R.S. B O U R, ibidem.

(13) M . SO T, Gesta episcoporum, gesta abbatum , Turnhout 1981, p. 1 5 -1 6 , 23, 3 3 -3 4 .

(14) Mos., H 1 2 6 - M .G .H ., Dipiom ata Karolinorum , I, n ° 31 8 , p. 481 -4 82 .

(15) Abbaye de Clervaux (Luxembourg), ms 107, Petit Car­tulaire de S ain t-Arnoul, fo l. 17 vo.

(16) G. W O L F R A M , Kritische Bemerkungen zu den U rkun­den des Arnulfklosters, Jahrbuch der Geselschaft für lothringische Geschichte und Altertum skunde, I (1 8 8 8 - 1889), p. 51 -5 2 .

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reine ne pouvait adjurer ses «successeurs» de respecter sa volonté, comme le fa it son époux. Wolfram proposa donc d ’en fixer la rédaction au Xe siècle. L ’éditeur des diplômes de Charle­magne, Mühlbacher, reprit cette argumentation et data le faux du X Ile siècle; il indiqua en ou­tre que le diplôme du roi avait été interpolé, surtout en ce qui concerne l ’ interdiction d ’alié­ner, mais aussi pour la date, et fixa le début du IXe siècle pour la falsification 17.

Les biens donnés par Hildegarde ont fa it l ’objet de nombreuses supputations. Au verso du parchemin, une main des XI le - X 11 le siècles a porté l ’inscription : «Charta de Chamenat Ka- roli Magni», ce qui est pour le moins curieux puisque l ’acte émane d ’Hildegarde et parle exactement de Vaccarias. Cette mention dorsa­le indique qu’à l ’époque où un scribe l ’inscrivit, on rattachait cette donation à celle que le roi f i t de Cheminot, comme cela apparaissait dans les confirmations générales de biens faites à l ’abbaye Saint-Arnoul. En effet une bulle de Léon IX, datée de 1049, cite : Caminetum et Buxeriam quod HUdegardis regina c o n tu lit18. Henri V, en 1116, reprend les mêmes termes en inversant les noms des lieux 19. Par la suite, les bulles d ’ innocent II, en 1139, et d ’Alexandre 111, en 1179, copient l ’expression de Léon IX 20.

Le nom de Buxeriae, associé à celui de Cheminot, désigne normalement la localité de Bouxières-sous-Froidm ont, proche de Chemi­not dont elle est séparée par la Seille, et dépen­dante d ’elle. Confiant dans cette identification, Henri Lepage identifia Vaccarias avec Bouxiè- res21. G. Wolfram ne put admettre l ’assimila­tion des deux vocables. Une mention d ’un Va- cherias dans une bulle d ’Alexandre III pour l ’abbaye de Salivai le mena à la chapelle, plus tard prieuré, de B érupt22. Or il se trouve qu ’ une localité voisine est appelée Sécourt, où Wolfram v it le Subtus curtem de l ’acte d ’Hilde­garde. L ’identification est plausible et satisfai­sante. Elle conduit toutefois à deux remarques:1) Au X Ile siècle, Saint-Arnoul ne possédait rien à Sécourt. En 1223 seulement, une partie des dîmes de cette localité (Solcors) lui fu t donnée.2 j Vachières ne pouvait guère avoir en 783 une église consacrée à saint Arnoul. Ce patro­nage ne fu t accordé qu’à deux églises, celle de S illy-sur-N ied, filia le de Saint-Aignan, et celle d ’Arry, filia le de Marieulles. Dans ce dernier cas, il s’agit d ’une in itiative des moines consécutive à leur possession de la villa de Marieulles. Pour Vachières, il en aurait été de même : une consé­cration à saint Arnoul aurait suivi la donation du lieu à l ’abbaye, elle ne l ’aurait pas précédée.

Si l ’on suit l ’ordre du texte de la donation d ’Hildegarde, Sécourt paraît être filia le de Va­chières où se trouve une église. Or cette secon­de localité, qui plus tard est placée sous le pa­tronage de Saint-Mansuy, fu t en réalité déta­chée de la paroisse de Sailly, appartenant à l ’ab­baye de Saint-Martin-devant-Metz. Il paraît donc à première vue peu vraisemblable qu’Hil- degarde ait donné d ’un seul coup à Saint-A r­noul Vachières et Sécourt, et que Vachières ait eu une église Saint-Arnoul. Pour trouver une solution fau t-il mettre ces deux localités en re­lation avec Cheminot? Ch. Ed. Perrin suppose qu ’elles ont dépendu du vaste fisc de Chemi­not 24. Si cela était, ce fisc aurait englobé égale­ment deux futures paroisses qui se trouvent placées géographiquement entre Cheminot et Sécourt : Saint-Prix d ’Alémont, appartenant à l ’abbaye de Saint-Clément, et Saint-Martin de Raucourt, relevant de celle de Saint-Sympho- rien. Le fisc royal de Cheminot se serait ainsi développé loin vers l ’est, à l ’époque où ni Alé- mont ni Raucourt n ’avaient d ’autonom ie; cela n ’avait rien d ’étonnant étant donné l ’étendue très vaste des fiscs prim itifs. Cela étant, il est d iffic ile d ’imaginer que les moines de Saint-A r­noul auraient inventé de toutes pièces la dona­tion qu’ils a ttribuent à Hildegarde. Il convient par conséquent de réexaminer le contexte géné­ral.

LES FAUX DE SA IN T-A R N O U L

Quand fu t écrit l ’acte d ’Hildegarde ? Mühl­bacher propose le X 11e siècle; Charles-Edmond Perrin adopte un point de vue analogue, sans justifie r son ch o ix25. G. Wolfram a remarqué que l ’écriture est identique à celle de l ’acte du

(17) V o ir note 7.

(18) M o*., H 5 n ° 3, éd. M IG N E , Patr. lat. 143, col. 781.

(19 ) A. G A W L IK , Das Dilpom Kaiser Heinrichs V . Stum pf Reg. 31 50 fur das Kloster St. A rnulf bei Metz, Deutsches Archiv, 37 (1981), p. 620.

(20) Mos„ H 5 n ° 3 et n ° 4.

(21) Dictionnaire topographique du département de la Meur- the, Paris 1862, s. v. Bouxières, p. 22.

(22) G. W O L F R A M , op. c it., p. 53 (note). H. LEPAGE avait m entionné dans son Dictionnaire (note 21 ) Vachières «nom d'un ancien ban contigu à celui de Bérupt, près de Salivai».

(23) Mos., H 135.

(24) Ch. Ed. P E R R IN , Recherches sur la seigneurie rurale en Lorraine d'après les plus anciens censiers, Strasbourg 1935, p. 235, note 1.

(25) ibidem .

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prêtre Hugues, donnant à Saint-Arnoul la villa de Vigy. On y trouve en effet des boucles de d, b, p, faites de deux petites boucles superposées, comme un epsilon. Le scribe a reproduit les t à boucles de l ’époque carolingienne, les a ouverts en haut. Le scribe de l ’acte d ’Hildegarde est plus assuré, dans sa graphie contournée, que celui de l ’acte d ’Hugues, et on peut hésiter à les confondre en un seul personnage. L ’écriture nous paraît plus proche du Xle que du X Ile siècle.

Le prêtre Hugues nous ramène à la famille des Pippinides. Ce personnage se d it fils de Dro- gon et frère du duc Arnoul, de Pépin et de Go- de fro id26. On reconnaît là les quatre fils de ce Drogon, duc de Champagne, fils et héritier de Pépin II, m ort prématurément en 708. Hugues devint archevêque de Rouen et mourut en 73027. Le chartrier et les cartulaires de Saint- Arnoul ont conservé les donations de cette fam ille. Le duc Drogon donnait ses biens de Marieulles, le jour même où son père Pépin donnait Norroy, c ’est-à-dire le 20 février 691, en même temps que son propre fils, Godefroid, dans des termes analogues, donnait ses biens de Flavigny28. En 706 Arnoul donnait Fleury-en- Woëvre29, puis en 715 Hugues ajoutait Vigy. Tous ces actes ont été considérés comme faux par Mühlbacher. Ingrid Heidrich les a étudiés afin d ’en analyser les éléments authentiques30.

La donation d ’Arnoul, datée de 706, a été fabriquée postérieurement à celle d ’Hugues (715) 31. Sa liste de témoins reprend celle de l ’acte de 715, augmentée de cinq noms. Le tex­te garde plusieurs espaces blancs, pour les men­tions du pagus et du comté, et pour le nom d ’une forêt. L ’écriture est ornée d ’un treillis léger à la mode du X Ile siècle ; les lettres ne sont pas brisées et donc non encore gothicisées. L ’aspect filifo rm e de certains caractères, la dis­position des témoins en colonnes, la déclaration de chancellerie en lettres hautes dans la partie basse, tou t cela ramène au tou t début du XI le siècle. Les actes d ’Hugues et d ’Hildegarde lui sont antérieurs.

De tou t ce ensemble de chartes, les dona­tions à retenir sûrement seraient celles de Pépin Il pour Norroy et de Chilpéric II pour Mars-la- Tour. Le texte des donations analogues de Dro­gon et Godefroid est très sommaire et de fabri­cation largement postérieure : «Ego Drogo dux notum facio quod...etc». Quelques formules anciennes ne suffisent pas à faire croire à la sin­cérité des documents32.

Le fa it est que les moines de Saint-Arnoul ont voulu composer des actes où seraient attes­tées les donations qui leur avaient été faites des importants domaines de Marieulles, Fleury,

Flavigny et Vigy. Le chartrier, par bonheur, conservait des parchemins authentiques pour les autres possessions de premier plan, diplômes de Lothaire pour Rémilly, d ’Arnoul pour Ars, d ’O tton 1er pour Biewer, de Henri IV pour Wel- len, Mailing, Kerling, Hettange, chartes des comtes Rambaud pour Morville et Rodolphe pour Th il-M arth il. Tous ces biens se trouvaient énumérés dans la grande bulle de Léon IX, da­tée de 1049. En 948, très peu de temps après la réforme et l ’établissement de moines à Saint- Arnoul, O tton 1er ne mentionnait que Chemi­not, Marieulles, Ars et N o rro y33. Pour complé­ter leur chartrier, les moines pouvaient prendre des renseignements dans l ’ancien nécrologe, où l ’on trouvait, cités avec leur donation, Drogon au 24 mars, Arnoul au 24 avril, Godefroid au 13 août, Pépin au 16 décembre34. Il convien­drait à présent de savoir dans quel contexte furent fabriqués ces documents.

La fin du X le siècle fu t marquée à l ’ab­baye Saint-Arnoul par une activité d ’écriture fébrile. L ’établissement était alors dirigé par l ’abbé Walon, qui eut une carrière mouvemen­tée. Moine de Gorze, il succéda à Warin, qui mourut peu après avoir vu son église dédicacée par le pape Léon IX, le 18 octobre 1049. Walon était un homme instru it et actif, à qui fu t pro­posée en plus, en 1074, l ’abbaye rémoise de Saint-Rémi. Grégoire V II le dé fin it comme un homme honorable par ses mœurs et é rud it; Wa­lon refusa la double charge, préférant «vivre pauvre sous la direction de î’évêque de Metz que riche et puissant a illeurs»35. A partir de 1076, Metz fu t violemment secouée par la Que­relle entre le roi et le pape, et l ’évêque Hermann p rit et garda le parti de Grégoire V II. L ’abbé Walon restait en relations avec Henri IV qui

(26) Diplom ats Merov., Spuria n ° 7, p. 2 1 4 -2 1 5 .

(27) Ed. H L A W IT S C H K A , Die Vorfahren Karls des Grossen, dans K arl der Grosse, t. 1, p. 80.

(28) Dipl. Merov., I, p. 92 (Pépin II) ; Spuria n ° 5, p. 212 (Drogon) ; Spuria n ° 8 , p. 215 (Godefroid).

(29) Ib idem , Spuria n ° 6 , p. 2 1 3 -2 1 4 .

(30) I. H E ID R IC H , T itu latur und Urkunden der arnulfingis- chen Hausmeier, Archiv fu r D ip lom atik , 1 1 -1 2 (1 9 6 5 - 1966).

(31) Le pseudo-original est conservé dans le chartrier de Saint-Arnoul (Arch. dép. de la Meurthe-et-M oselle, H3).

(32) seu de comparato, vel de qualicumque adtractu....stipulatione subnixa...

(33) M .G .H ., Dipl. O tto I, n ° 104, p. 1 8 6 -1 8 7 .

(34) L'ancien nécrologe de Saint-Arnoul a été détruit en 1944 ; le texte en a été conservé par des copies de R.S. BOUR et de T H IR IO T (Arch, de la Moselle 18 J 44 et 20 J) mais seule l'écriture aurait permis de dater les ins­criptions.

(35) Lettres de Grégoire V I I le concernant, Reg. I, 73.

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présida à Metz, en 1084, deux jours avant l ’an­niversaire de la dédicace de Saint-Arnoul, un échange de terres entre cette abbaye et Saint- Cunibert de Cologne36. Puis l ’évêque de Metz fu t chassé et Henri IV m it l ’abbé Walon sur le siège épiscopal. Ce moine n’était pas là à sa vraie place; au bout de quelques mois, il se reti­ra et se réfugia à Gorze, d ’où il sortit un peu plus tard pour reprendre la direction de son abbaye 37. Il mourut vers 1098 -110038.

C’est du temps de l ’abbé Walon que fu t composé un texte relatant les débuts de l ’église Saint-Jean de Metz, plus tard Saint-Arnoul : une liste de généreux donateurs qu ’on cite s’étend en effet jusqu’à l ’évêque Adalbéron III qui mourut en 1072 39. Ce récit donne la liste des Pippinides qui ont été mentionnées plus haut. Une version de la Genealogia sancti A rn u lfi fu t écrite dans les premières années du X lle siècle, dans un milieu de clercs de Bar et de Metz, et au bénéfice de la maison de Bar-Mousson40. Tous ces textes contribuent à porter très haut le nom de l ’abbaye dont les moines s’attachaient à sauvegarder leurs biens, en une période parti­culièrement d iffic ile pour l ’église. C’est dans ce contexte sans doute que fu t établi l ’acte de la donation de la reine Hildegarde, donc vers 1070-1090.

Le souvenir de Vachières et de Sécourt avait certainement été conservé puisque le d i­plôme porte leurs noms. Le seul élément inven­té serait cette église Saint-Arnoul de Vachières. Or il est à remarquer que ces biens ne furent pas revendiqués dans les confirmations généra­les qui suivirent. Un autre bien n ’apparaît plus également : Mars, que le roi Chilpéric avait don­né et dont le souvenir était conservé sur un par­chemin du IXe siècle. La perte de ces domaines pourrait s’expliquer par une récupération, com­me en ont souvent fa it les évêques au détriment des abbayes. Ce fu t le cas pour Mars, qui fu t plus tard o ffe rt à Gorze, ce fu t sans doute le cas pour Sécourt et Vachières. Il y a là des ques­tions qui n ’ont pas encore trouvé de réponses. Toujours est-il qu’avant 1123 une récapitula­tion du temporel de Saint-Arnoul fu t dressée par les moines pour obtenir une confirm ation générale de la part du pape Calixte II, et que l ’on y trouvait non pas Vachières, mais Bouxiè- res associée à Cheminot et mise au bénéfice d ’Hildegarde. Cette donnée reprenait, on l ’a vu, des éléments d ’une bulle de Léon IX, dont la fabrication nous fa it plonger dans le contexte monastique et politique du premier quart du X lle siècle.

Une étude récente d ’A lfred Gawlik a a tti­ré l ’attention sur le diplôme du roi Henri V pour Saint-Arnoul et en même temps sur la

bulle correspondante de Léon IX, car ces deux actes ont été fabriqués en même temps et par le même homme entre 1117 et 1 12341. Déjà Monsieur le doyen Jean Schneider avait propo­sé ces dates, en tenant compte de la tentative faite par les moines de Saint-Arnoul pour obte­nir la reconnaissance d ’une foire supplémentai­re, à la fête de la Dédicace42. A. Gawlik, dont la démonstration est convaincante, prouve que le diplôme pour Saint-Arnoul fu t écrit par Ben- zo, le faussaire réputé de Saint-Maxim in de Trêves, peu après que l ’abbé Bérengoz de cette abbaye eut obtenu pour lui-même un diplôme du même roi. Or la bulle de Léon IX pour Saint- Arnoul fou rn it le texte de base du diplôme de la même abbaye. Comment peut-on établir un lien entre Saint-Maxim in et Saint-Arnoul? Fa­cilement, si l ’on sait qu ’un mandement de Hen­ri IV, postérieur à 1119, demandait à l ’archevê­que de Trêves de réinvestir l ’abbé de Saint-Ma­xim in de l ’abbaye messine ; ainsi apprend-on que Bérenger-Bérengoz fu t un temps abbé de Saint-Arnoul. Probablement le fu t- il avant de devenir abbé de Saint-Maxim in vers 1108. Dans ce cas, il aurait succédé à Walon, mort en 1098. Le diplôme de Henri V est adressé en 1116 à un abbé Eudes de Saint-Arnoul. Selon les listes des abbés de Saint-Arnoul, il y eut deux prélats de ce nom : Eudes 1er, qui succéda à Guillaume de Volpiano et Benoît, et précéda Warin : il mourut un 7 févrie r43 ; et Eudes II, que le né­crologe de l ’abbaye ne connaît pas et que les auteurs de la Gallia Christiana se fondant sur le diplôme de Henri V donnent pour abbé de 1100 à 1123. A Eudes, s’il a existé, succéda Antoine, destinataire de la bulle de confirma­tion donnée par Calixte II à Saint-Arnoul en 1123 ; Antoine ne figure pas non plus au nécro­loge de Saint-Arnoul, mais son existence est

(36) M .G .H ., Dipl. Heinric i IV , n ° 370, p. 493.

(37) H O C Q U A R D -R U P E R T I, op. c it., p. 3 9 -4 0 (HOCH, Abt Walo von Metz und Erzbischof Manassès von Reims, Strassburger Diôzesanblatt, X IX (1920), p. 2 2 2 -2 3 1 ).

(38) Sa notoriété lui valu d'être cité au 19 février dans lesnécrologes de S ain t-A rnoul, Gorze, S ain t-A iry de V er­dun, Senones, Saint-Mansuy de Toul, Echternach.

(39) Dom C A L M E T , Histoire de Lorraine, 2e éd., I, preuves, col. 8 7 -8 8 .

(40) M. PARISSE, Noblesse et chevalerie en Lorraine médié­vale, Nancy 1982, p. 28.

(41) A . G A W L IK , op. cit.

(42) J. S C H N E ID E R , La ville de M etz aux X l l le et X lV e siè­cles, Nancy 1950, p. 75, note 47.

(43) N. BLU ST, Untersuchungen zu den Kiosterreformen Wilhelms von Dijon (9 6 2 -1 0 3 1 ), Bonn 1973, p. 85, note 21.

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attestée par l ’acte scellé du pape. Une certaine confusion régnait alors à la tête de l ’abbaye messine.

Une chose est certaine : l ’actif abbé de Saint-Maxim in, dont on se demande s’il n ’est pas le faussaire Benzo lui-même, est intervenu pour faire réaliser — ou a réalisé — en faveur de Saint-Arnoul la fausse bulle de Léon IX et le faux diplôme de Henri V, prenant ainsi en mains la défense des intérêts d ’une abbaye qu’il avait gouvernée et que le roi proposait de lui confier à nouveau vers 1120. On connaît mal les conditions dans lesquelles s’établissaient des rapports entre les abbayes pour l ’élaboration des actes faux, mais il y eut sans nul doute alors une complicité entre plusieurs établissements. Par exemple, Saint-Arnoul et Saint-Clément de Metz fabriquèrent en même temps de fausses chartes, mises sous le nom de l ’évêque Her­mann, pour entraîner la reconnaissance de fo i­res usurpées44. L ’abbaye de Saint-Clément f i t rédiger, peu après 1090, des Miracula sancti dem entis, comme Saint-Arnoul fa it écrire une Vita sancti A rn u ifi ; et la succession des abbés de Saint-Clément n ’est pas étbalie clairement. Quant à l ’abbé Antoine, qui reçut la bulle de Calixte II et dirigea Saint-Arnoul autour de 1123, il est certainement le même que le fa­meux abbé de Senones, Antoine de Pavie, moi­ne de Saint-Arnoul, puis prieur de Lay-Saint- Christophe, et enfin abbé de Senones. Il aurait été pendant un moment abbé de Saint-Arnoul, sans doute avec l ’appui de l ’évêque de Metz Étienne (1120-1162). Senones, ne l ’oublions pas, est une abbaye qui appartient au temporel de Metz. La m ort d ’Antoine comme abbé de Senones expliquerait son absence au nécrologe de Saint-Arnoul. Antoine n ’é tait pas étranger aux «fabrications» de chartes : il est tou t à fa it probable que c ’est lui qui f i t composer, en fa­veur de Senones, une fausse charte mise sous le nom de l ’évêque de Metz Adalbéron II et datée de l ’an 1000, afin d ’arracher en 1111 une con­firm ation de l ’évêque Adalbéron IV : ce qui le m otivait était la nécessité de lim iter les exigen­ces de l ’avoué de Senones.

Calixte II f i t expédier le même jour des bulles de confirm ation pour Saint-Clément, Saint-Arnoul et Senones45 : ce n’est certaine­ment pas une pure coïncidence. Un appui im­portant leur fu t sans doute donné, en toute sin­cérité, par le nouvel évêque de Metz Étienne, neveu du pape, frère du comte de Bar, et donc membre d ’une fam ille qui était la principale bénéficiaire de la Genealogie sancti A rn u ifi et assurait ainsi la protection du bien arnulfien de Cheminot.

Ainsi revenons-nous au point de départ

avec la donation de la reine Hildegarde puisque les moines de Saint-Arnoul, au XI le siècle, con­sidéraient que c’était elle qui avait donné Che­m inot et Bouxières. Faut-il penser que Hilde­garde avait effectivement donné ces biens en plus de Vachières et Sécourt, conservés aussi dans le souvenir de quelque scribe faussaire ? Comment a -t-on pu passer de Vachières à Bou­xières et oublier Sécourt? Une explication peut être proposée. Tout d ’abord il n ’y a aucune rai­son de refuser les données de l ’acte d ’Hildegar­de ; admettons donc qu’elle a bien, dans un pre­mier mouvement que nous rappelle un faussaire en proposant une date, réelle ou imaginaire, cé­dé en aumône à l ’église des Saints-Apôtres une partie de son douaire, que lui constitua Charle­magne : partem dota lic i nostri ab ipso piissimo imperatore nobis concessi, à savoir Vachières et Sécourt. Au moment de mourir, avec l ’accord de Charlemagne, elle aurait décidé d ’élargir sa donation au douaire tou t entier: le fisc de Che­minot. Le roi f i t alors établir un diplôme, par lequel «.in aelimosina de/ictissime conjugis nos- trae Hildegarde reginae» il donnait sa villa de Cheminot avec dépendances et églises. Chemi­not, avec son église Saint-Maurice, dom inait un vaste ensemble, dont Vachières aurait relevé.

Par la suite, au long des siècles qui passent, les évêques messins s’emparent de tou t ou par­tie du temporel d ’églises et de monastères pla­cés sous leur gouvernement. Les fiscs anciens éclatent. Sur celui de Cheminot, A lémont, Rau- court, Vachières échappent à Saint-Arnoul ; plus tard les églises des deux premiers villages iron t à deux autres abbayes messines. Comme il l ’a fa it pour Gorze, l ’évêque Adalbéron 1er rend parcimonieusement des terres aux nou­veaux moines de Saint-Arnoul. En 948, O tton 1er leur confirme Cheminot, Marieulles, Ars, Norroy. Le compte n ’y est pas, et l ’abbé de Saint-Arnoul dut sans doute batailler — et trou­ver des preuves écrites — pour recouvrer des bri­bes de donations primitives, d ’où la rédaction d ’actes faux, au nombre desquels celui d ’Hilde- garde, avec sans doute, dans son cas, l ’espoir de recouvrer Vachières, réduit à bien peu de cho­ses. Mais Bouxières, filia le de Cheminot, rive gauche de la Seille, a bien grandi et les habi­tants demandent, et obtiennent au XI le siècle, une église Notre-Dame placée sous le haut de Fro idm ont : on le sait, car si en 1123 on parle de Cheminot et Bouxières avec une église, en

(44) J. S C H N E ID E R , loc. cit.

(45) Le 2 avril 1123 : JL 6963 (Saint-Arnoul) et 7046 (Seno­nes), JG LG A , X I I (1903), p. 2 7 8 -2 7 9 .

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1139 et 1179 on parle de plusieurs églises. Au moment donc où Vachières avait perdu sa va­leur, Bouxières devenait importante. Il apparut ainsi plus utile aux moines de se réclamer d ’Hildegarde pour assurer la possession de Che­m inot et de Bouxières. Ce fu t fa it vers 1120, au cours de la rédaction de la fausse bulle de Léon IX. Ce n’était même pas une usurpation. Ce rappel précis pouvait être précieux. Ainsi le nom de l ’épouse de Charlemagne fu t- i l remis à l ’honneur et mentionné, sans nul doute, avec chaleur. La réputation de sainteté de la reine et

la présence de son tombeau dans l ’abbaye justi­fia ient largement cet honneur particulier. Quel­ques décennies passèrent, un siècle peut-être ; un moine chargé de la garde des chartes de Saint-Arnoul retrouva le faux d’Hildegarde, inutile puisqu’il parlait de Vachières. Il n ’alla pas chercher bien loin et il rendit hommage au couple royal en écrivant au dos de l ’acte de la reine : «Charta de Chaminat Karoli Magni».

Michel PARISSE

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