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DOI:10.3166/LCN.11.2.77113 2015 Lavoisier LA PRATIQUE ARCHIVISTIQUE PUBLIQUE EN FRANCE, ENTRE ADAPTATION ET NÉGOCIATION Expériences et réflexions d’une archiviste CÉLINE GUYON En France, la dématérialisation est aujourd’hui une réalité dans le secteur public et notamment dans les collectivités locales. Le numérique reconfigure les activités traditionnelles de collecte, de conservation, de description et de communication. La dématérialisation des processus métiers et l’usage de la signature électronique questionnent nécessairement nos principes et les modes de gouvernance des documents et des données, dans un environnement résolument numérique. Une simple transposition à l’identique de nos procédures appliquées à l’environnement papier est insuffisante car des problématiques nouvelles inhérentes au numérique sont apparues et nous imposent de trouver un nouvel équilibre. Cet article se propose, en s’appuyant sur des exemples concrets issus de la pratique professionnelle de son auteur, d’interroger les nécessaires modifications et adaptations de notre pratique archivistique, tout en mettant en avant la marge de négociations et de manœuvre offerte aux archivistes. Deux domaines seront particulièrement explorés, celui de la collecte et celui de l’accès aux documents. Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur lcn.revuesonline.com

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DOI:10.3166/LCN.11.2.77‐113  2015 Lavoisier 

LA PRATIQUE ARCHIVISTIQUE PUBLIQUE EN FRANCE, ENTRE

ADAPTATION ET NÉGOCIATION

Expériences et réflexions d’une archiviste

CÉLINE GUYON

En France, la dématérialisation est aujourd’hui une réalité dans le secteur public et notamment dans les collectivités locales. Le numérique reconfigure les activités traditionnelles de collecte, de conservation, de description et de communication. La dématérialisation des processus métiers et l’usage de la signature électronique questionnent nécessairement nos principes et les modes de gouvernance des documents et des données, dans un environnement résolument numérique. Une simple transposition à l’identique de nos procédures appliquées à l’environnement papier est insuffisante car des problématiques nouvelles inhérentes au numérique sont apparues et nous imposent de trouver un nouvel équilibre. Cet article se propose, en s’appuyant sur des exemples concrets issus de la pratique professionnelle de son auteur, d’interroger les nécessaires modifications et adaptations de notre pratique archivistique, tout en mettant en avant la marge de négociations et de manœuvre offerte aux archivistes. Deux domaines seront particulièrement explorés, celui de la collecte et celui de l’accès aux documents.

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1. Introduction

« Le numérique par sa nature même opère des ruptures dans une continuité apparente (…), nous offrant ce qui semble de simples reprises, modestes modifications ou transpositions de formes ou de formats ». La mutation numérique s’inscrit dans la longue durée, même si aujourd’hui on parle de révolution numérique parce que tous les domaines de la vie et de la société sont impactés et contraints de « repenser leurs méthodes et surtout leurs valeurs » (Doueihi, 2013).

Si le processus d’archivage dans son ensemble demeure le même pour les archives papier et les archives numériques (identification, évaluation et sélection, prise en charge par un service d’archives, élimination, conservation, classement, communication, valorisation), les singularités de la production documentaire numérique questionnent, nécessairement ces principes et leurs formes de gouvernance dans un environnement résolument numérique : quel rôle et quel partage des responsabilités entre les acteurs du processus d’archivage ? Quelle place pour les nouveaux acteurs : tiers de certification, tiers archiveurs, services informatiques ? Peut-on encore parler de fonds ? Comment relever le nouveau défi de la logistique de l’information : transmettre la bonne information, aux bonnes personnes, au bon moment et dans le bon format ? Quel sera le paysage archivistique de demain ? Quelle influence de l’Open Data sur la pratique archivistique ?

Une simple transposition à l’identique de nos procédures papier est insuffisante car des problématiques nouvelles inhérentes au numérique sont apparues et nous imposent de trouver un nouvel équilibre. Cet article se propose de questionner les nécessaires modifications et adaptations de notre pratique archivistique et la marge de négociations et de manœuvre offerte aux archivistes, principalement sous l’angle de la collecte et de l’accès aux documents.

2. Archives, archivage et environnement numérique

2.1. Entre ruptures (…)

L’État français a lancé, dans les années 1990, le chantier de l’administration électronique. La dématérialisation des procédures figure

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dans le premier programme d’action gouvernemental engagé au début des années 2000 sous l’acronyme ADELE (ADministration ELEctronique). Aujourd’hui, la modernisation de l’action publique passe par le tout numérique et l’e-administration1.

S’agissant des conditions de création, de circulation, de gestion et de conservation des documents, la mue a commencé il y a une trentaine d’années. La production documentaire s’est progressivement transformée avec, en premier lieu, le remplacement des registres d’ordre et fichiers papier par des bases de données et la généralisation de l’usage des outils bureautique. Cette première rupture touche à l’environnement de création du document. Aujourd’hui, l’essentiel des documents sont créés dans leur forme originelle, sous une forme numérique.

Avec le déploiement massif des outils de messagerie et de l’Internet, ce sont les modes de circulation de l’information qui ont changé, et finalement ce sont les échanges qui ont été dématérialisés. En témoigne, dans le contexte administratif français, les projets de télétransmissions emblématiques portés par l’État : le projet ACTES avec la dématérialisation de la transmission des actes des collectivités au contrôle de légalité et le projet HELIOS avec la dématérialisation de la transmission des pièces comptables au comptable supérieur du Trésor.

Dans ces deux projets, c’est la transmission des documents, et non les documents eux-mêmes, qui est dématérialisée : les documents qui portent la trace de la décision demeurent sur support papier, sauf dans le cas où ils seraient signés électroniquement2. On est en présence ici d’une dématérialisation que l’on pourrait qualifier de « duplicative » ou de gestion, c’est-à-dire que le support électronique vient doubler le support papier afin de donner de la fluidité dans le traitement des informations. La transmission des mandats et titres de recettes était d’ailleurs déjà dématérialisée avant le projet HELIOS puisque ces éléments étaient fournis au comptable supérieur du Trésor sur disquette (flux Indigo) puis CD-R. Au final, ce sont ces supports physiques qui ont été dématérialisés et remplacés par un flux de données organisé selon un schéma XML normé.

1. Voir le portail de la modernisation de l’action publique http://www.modernisation.gouv.fr/. 2. L’adhésion à l’un ou l’autre des projets ne nécessite pas l’usage de la signature électronique.

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Le déploiement de systèmes de gestion électronique de documents (GED), la numérisation des flux entrant, de tout ou partie du stock papier, l’usage de la signature électronique et la mise en œuvre de télé-services, nous ont fait basculer dans une nouvelle ère avec la dématérialisation des documents eux-mêmes, que d’aucuns appelleront révolution numérique.

Derrière ce qui pourrait n’apparaître que comme des transpositions des modes de production des documents et de diffusion de l’information, la révolution était déjà engagée : les données prenaient le pas sur le document. Un exemple emblématique de cette révolution silencieuse est la tenue du Grand Livre. Le Grand Livre en tant que « document » au sens de contenu figé sur un support a disparu avec l’informatisation de la comptabilité.

Par ailleurs, ce qui ne semblait n’être que de simples modifications des modes de circulation de l’information a au final engendré des transpositions de formes : de moyens de communication, les courriels ou les SMS sont devenus des supports de l’information et donc des documents à part entière. Aujourd’hui, des décisions se prennent par mail sans que leurs auteurs en aient nécessairement conscience. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a d’ailleurs rappelé que les SMS échangés dans le cadre professionnel étaient recevables comme mode de preuve3.

Au-delà des ruptures technologiques, il est aussi une rupture sur le terrain du droit introduite par la loi du 13 mars 20004 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique. Depuis cette loi, l’écrit électronique a, en France, la même force probante qu’un écrit sur support papier, si l’identification de l’auteur et l’intégrité de l’acte sont garanties5 : il s’agit d’une « révolution dans l’histoire juridique qui, depuis des centaines d’années, associait l’écrit à un support intangible » (Renard, 2011).

3. Cour de cassation, Chambre commerciale, arrêt du 10 février 2015. 4. La loi du 13 mars 2000 est la transposition française de la directive 1999/93/CE sur le droit de la preuve. Elle consacre la signature électronique et l’acte authentique électronique. 5. Article 1316-1 du Code civil : « L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ».

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La reconnaissance de l’écrit numérique et des conditions de sa validité constitue en soi une véritable rupture qui a entraîné dans son sillage une nécessaire adaptation de l’environnement juridique aux nouvelles conditions de création et de diffusion de l’information numérique : il s’agissait de construire un cadre juridique particulier adapté à l’environnement numérique, à ses spécificités et contraintes. La construction de ce cadre juridique peut être qualifiée « d’incrémental » (Cluzel-Metayer, 2006) car il est fait d’adaptations et de transpositions aux nouvelles situations engendrées par le numérique : reconnaissance de la valeur des formulaires numérisés6, publication des actes administratifs au Journal officiel électronique7, reconnaissance de l’écrit électronique, reconnaissance du recommandé électronique8, etc. À partir de 2001, sont apparus de nombreux textes visant à transposer dans l’environnement numérique les documents et les échanges.

L’ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre autorités administratives, prise sur le fondement de l’article 3 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit offre le cadre juridique qui jusque-là faisait défaut (Cluzel-Metayer, 2006) : « elle légalise la dématérialisation des démarches administratives et la signature électronique et assure la sécurité des informations et l’interopérabilité des services » (Caprioli, 2006).

2.2. (…) et continuités

Ces ruptures théoriques, sémantiques, technologiques s’inscrivent, du point de vue de la gestion des documents, dans une relative continuité. Cette continuité apparente dans le cycle long de la révolution numérique tient au fait que le support papier est resté prépondérant au sens de dominant.

6. Décret n° 99-68 du 2 février 1999 relatif à la mise en ligne des formulaires administratifs modifié par le décret du 25 mai 2001 relatif aux simplifications des démarches et formulaires administratifs, admet la recevabilité des formulaires administratifs numérisés. 7. Ordonnance du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs. 8. Décret n° 2011-144 du 2 février 2011 relatif à l’envoi d’une lettre recommandée par courrier électronique pour la conclusion ou l’exécution d’un contrat.

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Dominant car visible : l’informatisation puis la dématérialisation n’ont pas réduit la production de papier bien au contraire !

Dominant car emblématique. Dans l’imaginaire collectif, les archives sont fréquemment associées aux vieux papiers. Cette matérialité des archives est par ailleurs palpable, au quotidien, dans la forme des bâtiments d’archives avec leurs silos de conservation, dans l’organisation de la circulation au sein de ces bâtiments, dans le langage même et les gestes du professionnel des archives (l’unité de mesure est le kilomètre linéaire) ; tout converge pour gérer, canaliser cette masse de papiers. Et, du point de vue des producteurs, dans les administrations, les archives sont souvent des objets encombrants car ils prennent trop de place et avec la pression immobilière, la place se réduit comme peau de chagrin.

Dominant car la signature électronique ne s’est pas encore imposée et que la signature manuscrite apposée en bas du document reste le symbole de la validation d’un acte.

Dominant car la chaîne de la dématérialisation est rarement complète. La matérialisation de l’écrit numérique peut intervenir à plusieurs moments du cycle de vie du document : pour instruction, pour validation (en cas d’absence de signature électronique), pour diffusion aux parties. L’un des exemples emblématique de cette rupture quasi systématique de support est la dématérialisation de la procédure d’appels d’offres. Le Code des marchés publics, dans son article 569, a introduit l’obligation de réponse électronique pour les marchés dits informatiques d’un montant supérieur à 90 000 euros. Si la procédure de consultation des entreprises ainsi que les offres des entreprises sont dématérialisées, le contrat (acte d’engagement) avec l’entreprise retenu est quasi systématiquement matérialisé pour être signé par les parties.

Dominant car des freins d’ordre psychologique existent. Une signature électronique n’a pas vocation à être « imprimée » : la signature électronique c’est la disparition du paraphe c’est-à-dire de la trace de la 9. « (…) Le pouvoir adjudicateur peut imposer la transmission des candidatures et des offres par voie électronique. Pour les achats de fournitures de matériels informatiques et de services informatiques d’un montant supérieur à 90 000 euros HT, les candidatures et les offres sont transmises par voie électronique. Pour les marchés d’un montant supérieur à 90 000 euros HT, le pouvoir adjudicateur ne peut refuser de recevoir les documents transmis par voie électronique ».

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validation de l’acte. Trace visible, reconnaissable à la lecture de l’acte et reconnue de tous.

Dominant car les professionnels, informaticiens et archivistes, ont dû se former puis apprendre à travailler ensemble et enfin partager les mêmes concepts.

3. Authenticité et fiabilité : précautions et exigences

3.1. De l’unicité à la multiplicité

Les renversements opérés par le numérique vont tous dans la même direction, celle de la multiplication : multiplication par duplication, multiplication par fragmentation. Le numérique, c’est le passage de l’unicité à la multiplicité. À la démultiplication des formes (multiplication des exemplaires avant et après validation et pendant le processus de conservation), des formats et des accès, répond, en écho, une forme de défragmentation du document avec l’éclatement de la notion même de dossier et de document : « Le numérique, dans sa longue histoire, est essentiellement une logique de fragmentation du contenu en unités formelles primitives et de recombinaison de ces unités de manière arbitraire suivant des règles elles-mêmes formelles » (Bachimont, 2007). Car le numérique « est aussi devenu le support d’une autre façon de produire du document » (Crozat, 2012).

Classiquement, les attributs de contextualisation du contenu comme la date et la signature ou un visa par exemple, sont inscrits sur le support du document. L’une des singularités du numérique est que ces attributs de contextualisation forment des traces non visibles sur le document parce que autonomes du document. Or ce sont ces attributs qui donnent confiance dans le contenu des documents et qui sont questionnés par les historiens.

Aux termes des articles L3131-1, L4141-1 et L2131-1 du Code général des collectivités territoriales, les actes pris par les collectivités sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage, ou à leur notification aux intéressés, ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’État dans le département.

Les dates de réception au contrôle de légalité, de publication ou de notification sont donc des attributs de contextualisation indissociables de

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l’acte en lui-même. Réussir à maintenir le lien intrinsèque entre l’acte et ces différents attributs de contextualisation est plus complexe dans l’environnement numérique. En effet, la dématérialisation du contrôle de légalité a substitué le « coup de tampon » apposé par les services de l’État sur l’acte par un accusé de réception, c’est-à-dire, un fichier XML adressé, en retour, à la collectivité. Dans une phase de transition, liée aussi au fait que le processus n’est pas dématérialisé de bout en bout (les actes sont imprimés pour être affichés, notifiés et pour constituer le Recueil des actes administratifs) (Doligé, 2011), les collectivités ont opté pour la matérialisation, sur le document, dans un cartouche, des attributs de contextualisation : date de réception au contrôle de légalité, empreinte de l’acte transmis au contrôle de légalité, date de certification exécutoire, date de notification.

Figure 1. Exemple de cartouche de contextualisation (Département de l’Aube)

Les règles des procédures papier ont donc été déclinées dans les procédures électroniques avec l’inscription sur l’acte de ses attributs de contextualisation.

La signature électronique ne fournit pas, comme la signature manuscrite, un élément graphique immédiatement identifiable et qui suffise à identifier et reconnaître le signataire. Il est nécessaire de faire appel à la médiation d’un outil de visualisation pour identifier la présence d’une signature électronique et s’assurer de sa validité. Les outils de visualisation des documents permettent à l’utilisateur de consulter un certain nombre de critères d’authenticité attachés au contenu : nom du signataire/auteur du document (attributs d’identité), nom de l’Autorité de certification (attributs d’identité), date de la signature/horodatage (attributs de date), nom de l’Autorité d’horodatage (attributs d’identité). Ces éléments s’affichent dans un bloc « signatures ». Pour autant, le lien entre ces marques et le contenu est rompu en cas d’impression du document signé électroniquement pour diffusion par exemple.

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Par ailleurs, pour accompagner les utilisateurs dans leur transition vers le tout numérique, et dépasser les freins psychologiques liés à la dématérialisation, les maîtrises d’ouvrage proposent de rendre les marques d’authenticité visibles. Cette visibilité passe par un mécanisme de tatouage du document avec l’ajout de ce qu’on pourrait qualifier d’un cartouche d’authenticité. Dans ce cartouche, sont matérialisés les attributs de date, de non-altération du contenu et d’origine du document, autant de métadonnées inscrites dans les propriétés de la signature électronique. Ainsi, donne-t-on forme visible à la signature électronique et au jeton d’horodatage par l’ajout, sur le document, d’un cartouche avec la référence du certificat de signature, le résultat de l’empreinte du document signé électroniquement, la signature scannée, les dates et heures de la signature.

Figure 2. Exemple de cartouche d’authenticité (Département de l’Aube)

Du point de vue archivistique, ces deux exemples mettent en lumière la faculté, dans l’environnement numérique de créer, après validation du contenu, de nouveaux exemplaires du document : exemplaire similaire mais non identique au document validé. En fonction des usages attachés au document, on produit en effet de multiples avatars du même document10.

La fragilité du support numérique est antinomique de l’objet même de l’archivage patrimonial qui est la pérennisation de l’information. Dans ce contexte, la conservation devient un geste proactif qui nécessite, à chaque cycle technologique, de faire migrer les contenus informationnels vers d’autres formats et/ou supports de conservation. Pour se prémunir du risque d’obsolescence technologique, le même contenu est donc enregistré et sera, au cours de son processus de conservation, réenregistré et stocké sur différents supports de conservation (serveur, DVD, bandes pour les 10. Voir infra.

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sauvegardes, etc.) et dans différents formats, de manière concomitante ou séquentielle dans le temps. À la multiplication des formes d’un même document s’ajoute donc la multiplication des formats : formats de codages de l’information et formats au sens de support de stockage. Le cadre normatif encourage d’ailleurs, dans un souci de sécurité, à conserver le même document en au moins quatre exemplaires, dans des lieux différents et sur des supports de stockage distincts11. Il s’agit dans ce contexte d’être en mesure de générer des copies authentiques des documents archivés12.

3.2. Donner de la confiance

L’usage de la signature électronique, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer de prime abord est de nature à générer des ruptures de support, parfois complexes à gérer en raison notamment de la multiplication des exemplaires similaires du document sur des supports différents. Pour qualifier les multiples avatars du même document, il faudrait renouer avec la richesse du vocabulaire administratif que les notaires d’ailleurs n’ont pas complètement abandonnée : minute, expédition, copie conforme, copie pour ampliation. Cependant, le seul qualificatif utilisé pour caractériser un document numérique est sa version. Or, la version d’un document ne rend pas compte des usages (informatif, juridique, patrimonial) du document, se concentrant sur le critère de chronologie de production du document (Chabin, 2010).

Les résultats d’analyses effectuées par le laboratoire de diagnostic vétérinaire et alimentaire du département de l’Aube sont signés électroniquement par les techniciens autorisés. Il s’agit d’une signature 3*** au sens du référentiel général de sécurité (RGS)13 et les certificats sont 11. Norme Afnor NF Z42-013 (mars 2009) : archivage électronique - Spécifications relatives à la conception et à l’exploitation de systèmes informatiques en vue d’assurer la conservation et l’intégrité des documents stockés dans ces systèmes. 12. Voir à ce sujet les travaux du programme InterPares. 13. Le Référentiel général de sécurité (RGS) est créé par l’article 9 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives. Ses conditions d’élaboration, d’approbation, de modification et de publication sont fixées par le décret n° 2010-112 du 2 février 2010 pris pour l’application des

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acquis auprès d’une autorité certifiée. Les résultats d’analyse, dans leur forme originelle et originale, sont donc sur support numérique. Ils sont également confiés, sous cette forme au Service d’archivage électronique du département. Avec l’usage de la signature électronique, la rupture dans la chaîne de dématérialisation a été repoussée au moment de la diffusion des résultats aux personnes concernées (vétérinaires, agriculteurs, direction départementale des services vétérinaires). Trois modes de diffusion sont proposés aux clients du laboratoire : envoi postal, mise à disposition via un Extranet dédié, envoi par mail.

L’exemplaire transmis au client, quel que soit le mode de transmission, est toujours l’exemplaire sur lequel a été apposé le cartouche d’authenticité14. Cet exemplaire dispose de toutes les qualités pour être qualifié de copie authentique. Cependant, la coexistence de plusieurs exemplaires du même document, sur des supports différents le cas échéant, a rendu nécessaire et indispensable l’identification et la qualification de l’exemplaire de référence. Ce dernier est l’exemplaire qualifié d’original, c’est-à-dire le document originel signé électroniquement et conservé par le Service d’archivage électronique du département. Une clause de type « convention de preuve » a été introduite dans les contrats que le laboratoire passe avec ses clients, de sorte que chacune des parties reconnaît que l’exemplaire admis au titre de preuve est l’exemplaire de référence. Car, si litige il y a, il proviendra d’un conflit entre la version électronique ou papier remise au client et la version électronique conservée par le laboratoire.

Une mention est d’ailleurs apposée sur l’exemplaire transmis au client l’informant qu’il s’agit d’une copie authentique et que l’original est l’exemplaire signé électroniquement conservé dans le Service d’archivage électronique du département. Cet exemple de la dématérialisation des rapports d’analyse du laboratoire fait écho avec la pratique notariale : la minute est conservée par le notaire ; c’est une copie authentique qui est remise au client. En droit français, la minute est l’original d’un acte authentique. La minute est obligatoirement conservée par l’autorité qui l’a produite : greffe pour la justice, notaire pour les actes notariés. Les copies sont considérées comme des copies certifiées conformes à la minute parce qu’elles ont été authentifiées par le greffier par exemple. articles 9, 10 et 12 de l’ordonnance citée relatif à la sécurité des informations échangées par voie électronique. 14. Voir Infra.

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C’est ce double mécanisme de certifié conforme et d’authentification par une personne habilitée qui a été mis en œuvre dans le cadre de la dématérialisation du dossier agent afin notamment de conférer à la copie numérique une « valeur certaine ». La dématérialisation du dossier individuel des agents des trois fonctions publiques est encadrée par le décret n° 2011-675 du 15 juin 2011 et l’arrêté du 21 novembre 2012. Deux grandes familles de situations dont les enjeux sont différents coexistent : les documents sont créés, validés, signés, notifiés et diffusés sous forme numérique, sans rupture de support ; les documents connaissent plusieurs ruptures de supports au cours de leur cycle de vie.

La première famille de situations ne pose pas de difficultés majeures : le document original est un document électronique et il est conservé sous sa forme originelle. La seconde famille de situations soulève de nombreux cas de figures : le document original peut être un document sur support papier, sur support numérique ou un document hybride, pour partie sur support papier et pour partie sur support numérique. Dans ce dernier cas de figure, le document original est en fait la combinaison d’un document sur support papier et d’un document sur support électronique. C’est le cas par exemple lorsque le document est signé électroniquement par l’Autorité territoriale et contresigné de manière manuscrite par l’agent au titre de la notification. La rupture de support peut se faire dans les deux sens : du papier vers le numérique et du numérique vers le papier.

Par ailleurs, un document peut connaître plusieurs ruptures de supports au cours de son cycle de vie. Un acte est signé électroniquement par l’Autorité territoriale puis imprimé pour être notifié à l’agent. L’exemplaire issu du processus d’impression est une copie sur laquelle a été apposé le cartouche d’authenticité. Cet exemplaire qui peut être qualifié de copie authentique est contresigné de manière manuscrite par l’agent puis numérisé pour être classé dans son dossier de carrière. On a donc au cours du processus de validation et notification, généré deux copies. Des marques de validation originales (signature manuscrite de l’agent) sont apposées sur la première copie qui acquiert ainsi le statut d’original. On est donc en présence de deux originaux : le document primitif signé électroniquement et la copie authentique signée de manière manuscrite d’où la qualification de « document original hybride ». Il est d’ailleurs à noter que le choix a été fait d’archiver les deux documents.

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La dématérialisation du dossier agent soulève une autre question qui renvoie directement à la valeur de la copie numérique. En effet, en raison du principe d’unicité du dossier agent, quel que soit le support du document original, le document ne peut exister sur deux supports distincts. La conséquence pratique est l’obligation de détruire le document sur support papier après sa numérisation : « Lorsque l’autorité administrative ou territoriale chargée de la gestion du dossier crée une copie sur support électronique d’un acte original établi sur support papier, elle utilise un système de numérisation dans des conditions et sous des formes garantissant sa reproduction à l’identique et la conservation pérenne du document ainsi créé. La copie conforme ainsi établie se substitue au document original sur support papier qui est détruit dans un délai fixé par l’arrêté ou la décision mentionné à l’article 915».

Or, il n’existe pas en France de disposition de portée générale qui permette de conférer une valeur juridique à la copie issue d’une numérisation d’un document papier. L’article 1348 du Code civil admet la valeur probatoire d’une copie à la condition que celle-ci soit une reproduction fidèle et durable de l’original. Il s’agit donc d’être en mesure de sécuriser le processus de numérisation, par la définition de règles strictes (caractéristiques techniques, indexation vérifiée, traçabilité) et l’audit régulier du processus, c’est-à-dire, la création de ce que les juristes appellent un « état de l’art » : « démontrer qu’un document a bien été numérisé reviendra souvent à démontrer qu’il l’aura été suivant des procédures adéquates » (Renard, Pascon, 2011). La fidélité et la durabilité renvoient à la nécessité de maintenir l’authenticité à chaque rupture de support et dans le temps.

Du point de vue fiscal (Code général des impôts), le fait de numériser une facture n’est pas de nature à produire une facture électronique ; le qualificatif de facture électronique étant à rapporter au format originel de la facture : « seules les factures transmises par voie électronique qui se présentent sous la forme d’un message structuré selon une norme convenue entre les parties, permettant une lecture par ordinateur et pouvant être traité automatiquement et de manière univoque, constituent, sous réserve des dispositions ci-après, des documents tenant lieu de factures 15. Article 3 du décret n°2011-675 du 15 juin 2011 relatif au dossier individuel des agents publics et à sa gestion sur support électronique.

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d’origine »16. C’est le mode de conception de la facture (signature électronique avec certificat électronique qualifié, échange informatisé de données (EDI) ou message structuré) qui est de nature à attester d’une part de l’authenticité de l’origine de la facture (identification sûre et certaine de l’émetteur) et, d’autre part, de l’intégrité de son contenu17.

Du point de vue du destinataire, une facture est électronique si elle a été reçue au format électronique. Et, du point de vue de la conservation, c’est la forme originelle ou initiale de la facture qui l’emporte18 : les factures reçues doivent être conservées dans leur forme et contenu originels. L’arrêté du 9 septembre 2013 relatif aux modalités d’établissement, de conservation et de transmission sous forme dématérialisée des pièces justificatives et des documents de comptabilité des opérations de l’État interdit, pour les services de l’État, la destruction de la facture sur support papier après numérisation.19

Le Code général des impôts introduit d’ailleurs l’expression de « dématérialisation fiscale », par opposition à la dématérialisation 16. Article 289 bis du Code général des impôts. 17. Article 289, alinéa VII du Code général des impôts : « Pour satisfaire aux conditions prévues au V, l’assujetti peut émettre ou recevoir des factures : 1° Soit sous forme électronique en recourant à toute solution technique autre que celles prévues aux 2° et 3°, ou sous forme papier, dès lors que des contrôles documentés et permanents sont mis en place par l’entreprise et permettent d’établir une piste d’audit fiable entre la facture émise ou reçue et la livraison de biens ou prestation de services qui en est le fondement ; 2° Soit en recourant à la procédure de signature électronique avancée définie au a du 2 de l’article 233 de la directive 2006/112/ CE du Conseil du 28 novembre 2006 précitée en ce qui concerne les règles de facturation. Un décret précise les conditions d’émission, de signature et de stockage de ces factures ; 3° Soit sous la forme d’un message structuré selon une norme convenue entre les parties, permettant une lecture par ordinateur et pouvant être traité automatiquement et de manière univoque, dans des conditions précisées par décret ». 18. Code général des impôts, art. 289, alinéa VI : « Les factures électroniques sont émises et reçues sous une forme électronique quelle qu’elle soit. Elles tiennent lieu de factures d’origine pour l’application de l’article 286 et du présent article. Leur transmission et mise à disposition sont soumises à l’acceptation du destinataire ». 19. Article 11 : les supports papier ayant fait l’objet d’une dématérialisation duplicative sont conservés par l’ordonnateur ou le comptable à l’origine de celle-ci.

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« duplicative ». La dématérialisation duplicative est la numérisation des factures reçues au format papier pour faciliter leur traitement. La dématérialisation fiscale vise à la production et à la transmission d’une facture sous forme numérique. Les caractéristiques techniques du document sont donc de nature à apporter de la stabilité et à fixer le contenu. Dans l’environnement papier, l’intégrité du contenu est pour partie garantie par la stabilité du support papier dans le temps. Avec le numérique, le support ne peut plus être un gage d’intégrité en raison de son extrême fragilité. Il s’agit donc de pouvoir identifier d’autres attributs de présomption d’authenticité.

Dans le monde notarial, la copie numérique revêt une valeur juridique sous réserve que les documents soient numérisés sous contrôle du notaire et selon un mode opératoire décrit dans le décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires, sans toutefois autoriser la destruction de l’original sur support papier : « Le notaire peut procéder à la copie sur support électronique d’un acte établi sur support papier après avoir utilisé un système de numérisation dans des conditions garantissant sa reproduction à l’identique. Le notaire qui délivre une copie sur support électronique y mentionne la date et y appose sa signature électronique sécurisée. La copie authentique comporte en outre l’image de son sceau. Mention est portée sur la copie délivrée de sa conformité à l’original20». Inversement, le notaire peut délivrer, selon un processus d’authentification de la copie similaire, une copie sur support papier d’un acte établi sur support électronique21.

3.3. Sécurisation du processus de dématérialisation : l’apport de la diplomatique

Le Programme InterPares (1998-2001) a défini une liste de huit critères auxquels le document numérique doit répondre pour être qualifié d’authentique. Le sixième critère concerne les règles d’authentification. L’authentification est une « déclaration d’authenticité du document à une date donnée par une personne habilitée qui, ajoutée ou insérée dans le document, atteste qu’il est authentique » (InterPares, 1998-2001). C’est 20. Article 37 introduit par le décret n°2005-973 du 10 août 2005. 21. Article 36 introduit par le décret n°2005-973 du 10 août 2005.

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bien ce mécanisme de déclaration d’authenticité qui est à l’œuvre dans le monde notarial : indication de date de la copie et identification avec la signature électronique, de la personne habilitée à reproduire le document.

Dans le cadre de la dématérialisation de la gestion du dossier agent et de la nécessité de détruire les originaux sur support papier après numérisation, le Département de l’Aube a défini une procédure qui spécifie quels sont les documents à authentifier, par qui, et les moyens d’authentification. L’ensemble de ces règles est consigné dans une politique de numérisation. La numérisation et l’authentification de la copie numérique sont réalisées par des personnes dûment habilitées à cet effet. La validation du processus passe par la signature électronique de la copie numérique. À l’issue du processus d’authentification, un cartouche d’authentification est apposé sur la copie numérique. Ce cartouche contient les éléments suivants : la date de la réalisation de la copie, l’identité de la personne qui a authentifié la copie, l’empreinte numérique de la copie. Pour le destinataire, ce cartouche d’authentification apparaît comme un attribut de confiance car il atteste de la fidélité de la copie avec l’original papier.

La dématérialisation des processus doit prendre en compte les conditions nécessaires au maintien de l’authenticité des documents, à toutes les étapes de leur cycle de vie et jusqu’à leur archivage : au moment de leur création, de leur numérisation le cas échéant, de leur diffusion. Ces conditions passent par la définition et la mise en œuvre de procédures et l’identification, à chaque étape du cycle de vie, des marques d’authenticité indispensables à formaliser. Ces marques sont de plusieurs types : marques d’intégrité du contenu (attributs de date du contenu, attributs de non altération du contenu), marques d’origine (attributs d’identité de l’auteur, d’identité des acteurs du processus de validation), marques laissées par l’auteur et le processus décisionnel, de transmission (attributs de contextualisation), marques de fiabilité (attributs de confiance).

Les marques d’authenticité existent sous plusieurs formes. Les attributs peuvent être apposés directement sur le document. Dans les exemples évoqués plus haut, les attributs d’identité (cartouche d’authenticité) et les attributs de confiance (cartouche d’authentification), sont ajoutés, après validation du document.

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Les attributs peuvent être extérieurs au document. Ils peuvent être exprimés sous la forme de métadonnées ou joints au document et constituer eux-mêmes un document. Il s’agit alors de maintenir dans le temps, le lien entre le document et ses attributs extérieurs, de manière inextricable. Un exemple est fourni par la signature électronique. Comme il est impossible de rejouer une signature électronique dans le temps, en raison de la durée de vie du certificat qui est seulement de quelques années et beaucoup plus courte que la durée de conservation du document, des mécanismes de vérification de la validité de la signature et de consignation des résultats de la vérification dans un rapport sont mis en œuvre. Le lien inextricable entre le document signé électroniquement et le rapport de vérification est assuré notamment par l’empreinte du document qui est consignée dans le rapport de vérification et dans les métadonnées du document. Ce lien n’est cependant pas un lien intemporel et il faudra être vigilant à ce que le rapport de vérification ne se désolidarise pas du document lors de la conversion de format de celui-ci.

Ces deux formes de restitution des marques d’authenticité ne sont pas exclusives mais peuvent être concomitantes. Le choix de la forme de restitution est en effet lié aux usages. Pour un usage informatif, le choix sera fait de matérialiser les attributs qui concourent à l’authenticité du document sur le document lui-même par un mécanisme de post-marquage ou tatouage. Il s’agit en effet de rendre ces attributs lisibles afin de donner confiance à l’utilisateur dans le document numérique qu’il consulte22. Au final, l’ajout, après validation, des attributs d’authenticité se traduit par la création d’un nouveau document, qui est une copie de l’original électronique ! Pour un usage juridique, c’est l’exemplaire qualifié d’original qui sera utilisé, c’est-à-dire l’exemplaire signé électroniquement accompagné de ses attributs d’authenticité comme le rapport de vérification de la validité de la signature par exemple. Pour un usage patrimonial, l’un ou l’autre des exemplaires du document pourra être utilisé sous réserve que les marques d’authenticité soient accessibles, c’est-à-dire lisibles et compréhensibles et documentées.

Dans le dispositif d’archivage mis en œuvre au sein du département de l’Aube, c’est l’exemplaire original accompagné de tous ses attributs extérieurs d’authenticité, c’est-à-dire celui dont on aura besoin en cas de 22. Voir supra sur les freins psychologiques de la dématérialisation.

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contentieux qui est archivé ; la copie conforme étant laissée à disposition du service producteur pour son usage courant. De ce point de vue, c’est le rôle de gardien des Archives qui s’en trouve réaffirmé et le verbe « archiver » de retrouver « le sens qu’il n’aurait jamais dû perdre, à savoir (…) de placer un document achevé et définitif, engageant vis-à-vis d’une personne ou d’un objectif ultérieur, dans un lieu ou un système sécurisé avec une règle de conservation » (Chabin, 2014a).

4. La collecte

L’électronique vient chambouler l’ordonnancement des documents, en mettant en relation les documents par leurs points communs et non plus strictement par leur hiérarchie généalogique (classement chronologique des documents à l’intérieur d’un dossier, par exemple), de sorte que les documents mis en relation ne sont pas tous issus du même processus métier et n’appartiennent pas au même dossier.

Les informations (contenu informationnel et marques d’authenticité) qui, dans l’environnement papier, étaient rassemblées sur un même document, délimité par les quatre bords de la feuille de papier se trouvent, dans l’environnement électronique, éclatées en de multiples composants qui constituent, le cas échéant, autant de documents. Le contenu complet, objet de la collecte, est formé de la somme de ces fragments, un peu comme on assemblerait un puzzle.

Les bouleversements induits par la dématérialisation des processus métiers ont un impact fort sur la collecte : le sens même de la collecte est bousculé, tant dans ses mécanismes de mise en œuvre et que dans sa temporalité.

La collecte est une des missions fondamentales des services d’archives, consistant « à recueillir et à rechercher auprès des producteurs de documents, publics ou privés, des versements, des dépôts ou des dons, et aussi des documents à acheter » (Association des archivistes français, 2012). La littérature sur l’archivage électronique fait très peu usage du mot « collecte ». Les normes et standards, tels que Moreq23 ou le SEDA24, par 23. Model Requirements for the Management of Electronic Documents and Records. 24. Standard d’échange de données pour l’archivage, 2013.

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exemple, lui préfèrent le terme « capture » ; le terme de « transfert » étant préféré à celui de « versement ». D’aucuns, influencés par le vocabulaire de la gestion électronique des documents font des termes « acquisition » ou « ingestion », des synonymes de collecte.

Avec le développement des archives ouvertes, l’expression « auto-archivage » est apparue. Ce sont les auteurs des documents (en l’occurrence les chercheurs), qui déposent eux-mêmes leurs archives (publications), sans processus de collecte (et donc de sélection) par un tiers. Cette disparition du terme annonce-t-elle pour autant la disparition de la fonction ?

4.1. Le nouveau paysage de la collecte

En France, la collecte et la conservation des archives publiques sont sous tendues par un principe structurant : le principe de territorialité. Le principe de territorialité assure, à l’échelle du territoire national, la répartition des fonds d’archives entre archives départementales et archives nationales et guide les choix de collecte des archivistes.

La constitution du patrimoine archivistique par accumulations, à chaque strate administrative renvoie à l’image de verticalité. Pour s’assurer de l’exhaustivité de ses sources, le chercheur devra s’enquérir tant de l’échelon national que du ou des échelons locaux, en différents lieux géographiques, le cas échéant.

L’image de l’horizontalité apparaît plus adaptée au numérique, pour décrire tant les modes de production des données, le processus décisionnel que les formes de diffusion de l’information. Le numérique c’est le passage d’un mode de production vertical à un mode de production horizontal, au sens collaboratif. Les équipes sont aujourd’hui organisées en mode projet. Dans ce mode d’organisation le service d’appartenance est mis au second plan, dans une optique de transversalité et non plus hiérarchique. De fait, avec le numérique, le processus décisionnel suit de moins en moins une logique verticale du bas vers le haut.

L’image de la carte est souvent utilisée pour décrire le numérique et Internet. Des expressions forgées directement à partir de la racine « carte » où qui renvoient à l’univers de la carte sont utilisées par les archivistes pour décrire leurs nouvelles tâches : cartographie des processus métiers, cartographie des applications, urbanisation du système d’information. Il

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s’agit de se donner les moyens de maîtriser, à chaque étape du cycle de vie, la masse des données désormais produites et disponibles.

Le principe de territorialité en renvoyant au territoire fait également écho à la frontière et à une certaine immuabilité du paysage archivistique depuis la Révolution française malgré des modifications et adaptations25. Le numérique fait tomber les frontières. La numérisation des fonds patrimoniaux et la constitution de portails documentaires sont de nature à gommer les territoires en privilégiant un accès thématique, en abolissant les distances, en supprimant les déplacements d’un service d’archives à un autre et les migrations saisonnières des lecteurs des services d’archives.

L’ancrage territorial des archives peut-il survivre (doit-il survivre ?) aux réformes administratives en cours ? Et à la déferlante du numérique ? La collecte serait-elle la première fonction de l’archivistique à s’extraire de cette emprise territoriale ? À s’extraire de l’emprise de l’organisation administrative ?

On assiste aujourd’hui à une centralisation de la création et de la conservation des données à un niveau territorial différent de l’emprise territoriale des services producteurs. La constitution et le déploiement d’applications métier dans les services déconcentrés de l’État pour gérer tout ou partie des procédures obéissent depuis quelques années maintenant à des logiques qui auront nécessairement des répercussions sur les modes de collecte et de conservation des archives de l’État. Il est possible de classer ces applications en quatre catégories : applications conçues, hébergées et gérées par les services déconcentrés, applications conçues au niveau national, hébergées et gérées par les services déconcentrés, applications conçues et hébergées au niveau national, gérées par les services déconcentrés, applications conçues, hébergées et gérées au niveau national.

Les logiques à l’œuvre sont principalement de deux sortes : une logique de concentration et une logique de centralisation. La logique de concentration vise à la mutualisation des moyens (humains, organisationnels, techniques, d’infrastructures) à un échelon supra-territorial dont le ressort ne correspond plus avec le ressort territorial du service déconcentré en question. La logique de la centralisation qu’on 25. Les principales modifications ont été apportées par les lois de décentralisation et plus récemment par le développement de l’intercommunalité.

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pourrait aussi qualifier de logique « intégrative » correspond à l’abandon de la notion de territoire également pour la gestion et le classement des dossiers alors même que le système est alimenté par des services dont le ressort d’action reste territorialisé.

Ce nouveau contexte de production des archives, par les services déconcentrés de l’État, interroge le partage des rôles entre les différents acteurs du réseau des archives, tant au niveau de la collecte, de la conservation, de la communication des archives que du contrôle scientifique et technique avec la délivrance des visas d’élimination. Il s’agit d’imaginer une nouvelle géographie de l’Archive avec une répartition différente des fonctions associées au processus d’archivage entre échelon national et local, indépendamment des territoires.

Pour autant, le déploiement de systèmes d’information ne doit pas occulter la permanence du support papier. Les procédures ne sont en effet pas toutes dématérialisées de bout en bout et les deux supports, électronique et papier peuvent coexister dans un même processus métier. Il convient d’être vigilant au maintien du lien entre le dossier au format électronique et le dossier au format papier correspondant, par exemple. Tout l’enjeu étant de maintenir ce lien alors même que les conditions de production et de gestion de ces archives ne sont pas unifiées ni stabilisées et ne seront pas nécessairement placées sous la responsabilité de la même entité, voire conservées en des lieux différents.

Parmi les expérimentations et réalisations conduites dans les collectivités locales, on retrouve ces deux logiques à l’œuvre avec des dispositifs de mutualisation et de concentration des moyens, à un degré plus ou moins fort et selon des montages juridiques différents. Certains dispositifs de mutualisation, les plus nombreux, s’appuient sur des structures préexistantes qui intervenaient déjà à l’échelle supra-territorial tels que les syndicats intercommunaux26, les agences pour le développement informatique devenues agences pour le développement du numérique ou les centres de gestion27, par exemple. Dans d’autres cas, les 26. Le syndicat mixte E-mégalis, par exemple. 27. Centres de gestion de l’Oise et du Nord.

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structures ad hoc créées ont fait le choix de ne pas s’appuyer sur la logique de l’organisation administrative française.28

4.2. Le respect des fonds

Les archives font sens autant par leur provenance, leur contenu que par leur support. La provenance fait écho au principe de « respect des fonds » : « le principe de respect des fonds est une expression française née au XIXe siècle pour désigner le principe selon lequel les documents doivent rester groupés avec ceux qui proviennent du même organisme » (Duchein, 1998). Michel Duchein (1998) évoquait les nécessaires arrangements de la pratique archivistique contemporaine avec le principe de « respect des fonds » tel que défini au XIXe siècle. Et d’insister sur le fait que la notion de provenance ne va pas forcément de soi : « au contraire, en archivistique contemporaine, cette notion est devenue extrêmement imprécise et complexe, ce qui contraint les archivistes d’aujourd’hui à une réflexion radicale sur le champ d’application du principe de provenance ». Cette réflexion connaît aujourd’hui une nouvelle rupture et, à l’heure du numérique, le principe de provenance doit être de nouveau questionné et des transpositions imaginées.

En archivistique contemporaine, la pratique des versements et la collecte des archives ayant la même provenance par vagues successives, a obligé à une « réflexion radicale » et fait émergé de nouveaux concepts : fonds clos et fonds ouverts, fonds de provenance mêlée, fonds apparentés, fonds principaux, fonds secondaires (Duchein, 1998).

Avec le numérique, les formes d’instruction des affaires changent. Jusqu’à présent, un exemplaire du dossier à instruire était remis, à l’identique, à chaque service instructeur qui le conservait augmenté de sa réponse et le versait le cas échéant, en tant que service producteur, à un service d’archives. Chacun de ces dossiers bien que relatifs à la même affaire constituent autant de fonds différents qui se complètent. Pour avoir une vision globale du circuit de l’information et du processus décisionnel le chercheur devra consulter simultanément ces dossiers.

28. Comme par exemple la Société publique locale Xdémat qui réunit 6 départements : l’Aube, la Marne, les Ardennes, la Haute-Marne, l’Aisne, la Meuse.

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Avec la dématérialisation des processus métiers, c’est le même dossier qui circule d’organisme instructeur en organisme instructeur, sans nécessairement être conservé à l’échelon de chaque organisme. L’exemple de la dématérialisation des actes des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) avec le projet DEM’ACT porté par le ministère de l’Éducation nationale en est une bonne illustration. Le projet DEM’ACT vise à dématérialiser la création, l’envoi pour instruction aux services de « contrôle », la recherche et la consultation des actes réglementaires des EPLE. Les actes budgétaires des EPLE sont soumis au « contrôle » des départements29. Jusqu’alors l’acte était transmis à la collectivité qui, après instruction, retournait son avis à l’EPLE tout en conservant par devers elle l’acte et son avis. L’instruction de tri et de conservation DPACI/RES/ 2005/003 du 22 février 2005 pour les archives reçues et produites par les services et établissements concourant à l’éducation nationale, invite d’ailleurs à : « Conserver l’exemplaire de l’établissement et de la collectivité30».

Les départements reliés au dispositif DEM’ACT disposent d’un accès authentifié à la plateforme de gestion dématérialisée des actes des EPLE qui leur permet de consulter, instruire, valider et rechercher les actes réglementaires des EPLE. La conservation des actes dématérialisés et de la trace de l’instruction des départements est centralisée en un point unique et assurée par le ministère, pour le compte des EPLE, des départements et plus généralement des autres organismes instructeurs. La trace des interventions successives des organismes instructeurs est inscrite dans les métadonnées associées au document.

Aujourd’hui, dans le contexte de la dématérialisation et comme l’illustre l’exemple du projet DEM’ACT, on assiste à une fusion des dossiers conservés par les différents protagonistes. Cette assimilation des différents dossiers en un dossier unique s’apparente en quelque sorte à une fusion des fonds respectifs. Michel Duchein (1998) qualifiait de « fonds apparentés » les dossiers relatifs à une même affaire et conservés par chaque organisme instructeur. On pourrait avancer aujourd’hui la notion de « fonds fusionnés » car multiproducteurs. Les différents fonds sont maintenus de manière virtuelle d’une part par la présence de métadonnées attachées au document et, d’autre part, par la capacité offerte à chaque 29. Articles L 421-11 et R 421-59 du Code de l’Éducation. 30. Page 43 de la circulaire.

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organisme instructeur de pouvoir accéder à « ses »dossiers, quel que soit leur lieu de conservation.

Le rôle de l’archiviste est justement de mettre en relation ces dossiers de différentes provenances mais portant sur la même affaire. Cette mise en relation est assurée par l’indexation et la description archivistique. La relation entre l’affaire et ses multiples producteurs (au sens de provenance) est donc réalisée à posteriori, après versement dans un service d’archives. Dans l’environnement numérique, ce sont les métadonnées « accumulées » sur le document, au cours de son cycle de vie, qui permettent le rapprochement et font le lien entre les multiproducteurs.

La maîtrise des versements est la clef de l’archivistique contemporaine Elle passe par une intervention en amont de l’archiviste, c’est-à-dire avant le versement car il faut rendre le versement « assimilable par les archives »

(Duchein, 1998). La clef de l’archivage électronique est la maîtrise des métadonnées. La maîtrise des métadonnées passe par une intervention bien plus en amont de l’archiviste, c’est-à-dire dès la création (voir même avant) des documents, ce qui correspond dans un environnement électronique, au moment du déploiement des applications métiers. Car il faut pouvoir rendre le document archivable, ce qui nécessite d’identifier les métadonnées et notamment celles de contextualisation de l’affaire, et de s’assurer qu’elles sont bien enregistrées et conservées avec le document.

La solution pour maîtriser le « respect des fonds » se déplace donc d’une maîtrise des versements (c’est-à-dire du processus de collecte) à une maîtrise des métadonnées (c’est-à-dire du processus de création des documents). Tout le monde aujourd’hui s’accorde sur la nécessité pour l’archiviste, s’il veut garder sa légitimité dans le processus de gestion du cycle de vie, d’intervenir très en amont, dans une logique orientée Records management.

4.3. Les modes de collecte

Dans l’environnement papier, quels que soit l’origine des archives (archives publiques, archives privées), leur contexte de production (archives institutionnelles ou personnelles), ou leur support (papier, son, vidéo), le processus de collecte reste le même : une opération intellectuelle de description des documents (bordereau de versement) et une opération

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matérielle qui consiste à transférer des documents d’un service producteur vers un service d’archives.

Avec le numérique, cette unicité vole en éclat. Les singularités des documents numériques, ont en effet, des incidences fortes quant aux modes de collecte des archives numériques. On ne collectera pas de la même manière des fichiers bureautiques peu structurés et des flux de données produits dans le cadre de téléprocédures, par exemple. On s’oriente de plus en plus vers la création de filières d’archivage caractérisées notamment par un degré d’automatisation du processus de collecte plus ou moins élevé, selon le contexte de production des documents.

La collecte de vrac numériques semble impossible, voire inutile car, au-delà du temps qui serait nécessaire à traiter les fichiers informatiques un à un, que devient l’intégrité d’un fichier informatique que l’archiviste aurait renommé pour le rendre plus compréhensible ? Comment prendre en charge des données extraites d’une base de données sans connaître la structure des tables, l’agencement des données entre elles, leur signification intelligible et non codée.

4.4. Le temps de la collecte

Généralement, le moment de la collecte correspond à la fin de la durée d’utilité administrative. Les documents sont collectés quand ils ne sont plus utiles aux services qui les ont produits pour l’accomplissement de leurs tâches et la justification de leurs décisions. Et, seules les archives ayant un intérêt historique sont destinées à être versées dans un service d’archives.

Avec le numérique, le moment de la prise en charge des archives est radicalement avancé. Le document à archiver doit être pris en charge dans un système approprié, dès sa validation (la validation pouvant revêtir plusieurs formes : signature, diffusion, notification, etc.) et non de manière différée, pour des raisons évidentes de maintien de la valeur probatoire des documents et de pérennisation de l’information.

La collecte ne se fait donc plus en différé du moment de la création du document. La collecte n’est plus un événement annexe au cycle de vie du document. Elle devient véritablement une étape dans le cycle de vie du document numérique, au même titre que sa diffusion ou sa publication.

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D’ailleurs, diffuser et collecter deviennent des étapes parallèles et non plus successives. La ligne horizontale du temps généralement utilisée pour représenter le cycle de vie des archives et le passage successif des archives par trois états – archives courantes, intermédiaires et définitives – est brisée. La figure du « Y » serait sans doute plus appropriée pour symboliser les multiples embranchements possibles.

Ce changement radical dans la pratique archivistique française a deux impacts majeurs sur la pratique de la collecte. Avec le numérique, c’est potentiellement le passage d’une collecte périodique à une collecte régulière, voire ininterrompue et d’une archivistique des fonds à une archivistique des flux.

4.5. Vers une archivistique des flux ?

La nécessité d’archiver les documents au plus près de leur création doublée de l’automatisation du processus de versement, fait potentiellement de la collecte un flux continu de versements : l’expression « versements au fil de l’eau » est d’ailleurs fréquemment utilisée. Ainsi, le choix a été fait, dans l’Aube, d’archiver les décisions dès leur notification aux intéressés ou les actes soumis au contrôle de légalité, dès retour de l’accusé de réception de la préfecture. Au quotidien, se sont plusieurs centaines de versements qui sont pris en charge par le service d’archivage électronique du département de l’Aube !

En outre, le niveau de qualification de l’information est beaucoup plus fin et un versement peut n’être constitué que d’un document. La récupération automatique des métadonnées descriptives, permet en effet une description « à la pièce » à laquelle les archivistes avaient depuis longtemps renoncé avec la massification documentaire contemporaine. Enfin, toutes les pièces d’un même dossier peuvent ne pas être archivées en même temps. C’est typiquement le cas pour le dossier agent dématérialisé : les pièces composant le dossier sont archivées au fur et à mesure de leur création.

Un versement d’archives numériques est composé de paquets d’informations généralement tous identiques, reçus au fil de l’eau, avec des contrôles automatisés à l’arrivée. Ces contrôles sont basés sur la conformité aux schémas XML des protocoles d’échanges et aux contrats passés entre les acteurs.

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On assiste au final à un changement de paradigme avec le passage d’une archivistique des fonds à une archivistique des flux, l’organisation intellectuelle en fonds étant réalisée a posteriori, voire au moment de la consultation, avec la reconstitution à la volée et de manière virtuelle, de dossiers d’affaires.

Pour autant, ce changement n’est pas nouveau. Il a été enclenché avec l’introduction de la série W et la gestion continue des versements ; ses effets en sont simplement démultipliés avec le numérique : avec la série W, on collecte des dossiers ; avec le numérique, on collecte des documents ou des données. L’un des enjeux de l’archivistique de demain sera donc de pouvoir reconstituer, à posteriori, toute la chaîne, en associant le document à un dossier et en reliant le dossier à un fonds.

4.6. La fin de la collecte conjoncturelle ?

La périodicité et le contenu même des versements, malgré tous les efforts de l’archiviste, restent à l’initiative du producteur des documents ; initiative largement faussée par des contraintes de temps et d’espace. De sorte que les versements reçus d’un même producteur sont souvent disparates quant à leur contenu ou sans continuité quant aux périodes chronologiques couvertes. Avec le numérique, c’est potentiellement le passage d’une collecte conjoncturelle à une collecte systématique et d’une collecte aléatoire à une collecte certaine.

La systématisation de la collecte est rendue possible par l’automatisation du processus de versement. L’automatisation implique l’identification, en amont, dans les applications métiers, des données et métadonnées à collecter et la programmation de la périodicité du versement.

L’automatisation du processus de versement, c’est l’assurance de la régularité des versements et la certitude de leur contenu ; la systématisation de la collecte, c’est l’assurance que tous les documents qui doivent être conservés, quel que soit le motif de cette conservation (juridique, administratif ou historique) ont été collectés. C’est au final un gain non négligeable quant à la qualité et à l’exhaustivité des fonds qui seront conservés.

Cette automatisation du processus de collecte sous-tend la nécessaire définition et négociation, en amont, des règles d’archivage et modes de

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collecte et la contractualisation, avec d’une part le producteur des documents et, d’autre part, l’opérateur d’archivage qui va effectuer le versement effectif des documents. Cette négociation devient plus simple et efficiente si la collecte est appréhendée comme un sous-processus de la dématérialisation.

Dans l’environnement papier, le service versant et le service producteur sont fréquemment confondus et, lorsque ce n’est pas le cas, il existe généralement un lien d’héritage en termes de missions, entre le service versant et le service qui a produit les documents. Dans l’environnement numérique, cette parenté à tendance à devenir inopérante. En matière de flux de données issus des téléprocédures tels que Actes ou Hélios, le choix est fréquemment fait de faire du tiers de télétransmission chargé de télétransmettre les actes au contrôle de légalité ou les pièces justificatives au comptable, le service versant, pour des raisons évidentes de mutualisation. Dans ce contexte, le service versant devient un opérateur de versement sur qui repose la charge de constituer le bordereau de versement et d’assurer le transfert effectif des documents vers le service d’archivage électronique. Par contre, cet opérateur n’intervient pas sur le contenu des documents.

Le numérique oblige à clarifier les rôles et à responsabiliser les acteurs, y compris le service d’archives. Au final, services d’archives, producteurs et opérateurs de versement passent de véritables contrats de services entre eux, tant sur les conditions de conservation que sur les modes de collecte. Chacun des acteurs ayant de fait une obligation de moyens.

L’automatisation du processus de versement fait entrer la collecte elle-même, dans le champ du numérique avec la dématérialisation du bordereau de versement, des accusés de prise en charge et dans certains cas du transfert des documents31. Cette dématérialisation, comme la dématérialisation de tout processus métier s’appuie sur des normes, standards et règles de l’art et une nécessaire conduite du changement.

31. Les archives sont transférées par réseau au service d’archives, sans la médiation d’un support physique.

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4.7. Les objets collectés : que collectons-nous ?

Le champ de la collecte se trouve élargi. Collecter c’est aussi identifier et rassembler les traces laissées par le document au cours de son cycle de vie et pendant le temps de son archivage. Car il s’agit, au-delà de la « conservation physique » des archives, d’être en capacité de maintenir leur valeur probatoire et d’assurer leur pérennité.

Ces traces sont de deux natures : les traces d’authenticité et les traces de conformité. Les traces d’authenticité renvoient au contenu informationnel et à sa qualité : il s’agit des marques laissées par le producteur du document au cours du processus décisionnel notamment. Les traces de conformité renvoient à la forme du document et permettent d’attester de sa conformité avec le document originel : il s’agit des marques créées par le système d’archivage.

L’authenticité et l’intégrité sont menacées dans l’espace, à chaque transmission du document et dans le temps, à chaque cycle technologique. Dans ces conditions, il est impossible de conserver, sans altération, un document numérique. La collecte des traces d’authenticité et de conformité vise donc à pouvoir reconnaître un même contenu informationnel alors même que le document a connu et connaîtra une ou des mue(s) : migration de support ou conversion de format, par exemple. On retrouve ici à l’œuvre la dichotomie introduite par le numérique, entre le fonds et la forme, entre le support et le contenu, entre le Vu et le Lu (Salaün, 2012).

Les traces d’authenticité sont des marqueurs d’intégrité (attributs de date, attributs de non-altération du contenu ou empreintes) et de contextualisation (attributs d’identité de l’auteur, attributs d’origine du document)32. Les traces de conformité sont générées par les mécanismes de traçabilité mis en œuvre par le système d’archivage électronique pour attester de la non-altération du contenu informationnel : journalisation et enregistrement de tous les événements qui touchent au document (consultation, modification des métadonnées, suppression, conversion, etc.).

32. Voir supra.

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Les traces de conformité, comme les traces d’authenticité, revêtent deux formes. Il s’agit soit de métadonnées soit de documents, tels que les journaux des événements ou les rapports de vérification de la validité d’une signature électronique, par exemple. L’identification des traces peut conduire à la création, à l’initiative de l’archiviste, de nouveaux documents. Ces traces n’ont pas, en effet, nécessairement forme « matérielle » et c’est pour les besoins de l’archivage qu’on va leur donner la forme d’un document en les consignant par exemple dans un fichier XML. Pour l’archivage des documents échangés via la plateforme de marchés publics, le département de l’Aube a fait le choix de créer, à postériori, c’est-à-dire au moment de l’archivage, un document baptisé « journal des consultations » qui est la consignation dans un fichier XML, de l’ensemble des traces générées par la plateforme des marchés publics.

La collecte de ces traces est indispensable car l’utilisateur quel qu’il soit, et quelles que soient ses intentions, a besoin de pouvoir faire confiance à l’image d’un document qu’il visualise sur son écran. Il s’agira en effet, pour l’historien, de disposer des éléments utiles pour vérifier la présomption d’authenticité et donc de fiabilité du document. Au-delà, ces traces auront également tout intérêt à être exploitées comme sujet d’étude car elles portent au final la mémoire du processus administratif et donc de l’action et du fonctionnement de l’administration.

Avec le numérique, la collecte devient un processus de documentation du document et du processus décisionnel. Ce processus de re-documentation se déployant à l’infini : le processus de documentation devant lui-même être documenté, dans une figure de récursivité.

5. L’accès aux archives : concurrence et nouvelles pratiques

5.1. De la communication à la publication

L’ancrage territorial sur lequel repose, dans l’environnement papier la collecte, est également prégnant s’agissant de l’accès aux archives. La consultation des documents d’archives se fait auprès du service d’archives qui a collecté les documents et qui les conserve. La numérisation des fonds patrimoniaux et des ressources est de nature à gommer le territoire comme clef discriminante dans l’accès aux archives. Des initiatives telles que le portail « généalogique », le portail national archivistique français ou le

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portail européen des archives proposent un accès unifié aux archives et aux inventaires d’archives, quelle que soient leur origine et leur localisation. Pour autant, jusqu’à présent, la logique territoriale demeure encore largement structurante en France où chaque service d’archives met en ligne, sur son propre site internet, les fonds qu’il conserve.

Dans l’environnement papier, la préservation peut l’emporter sur l’accessibilité : des documents ne sont plus communicables car leur consultation met en danger leur préservation. Le microfilm puis la numérisation ont permis de concilier conservation et communication. Aujourd’hui, avec la facilité de créer des copies numériques, le primat de la préservation sur la communication n’a plus de raison d’être.

Avec l’avènement du numérique et de la suprématie de la donnée sur le document, on peut s’interroger à juste titre sur l’évolution des formes d’accès aux archives. Classiquement, le 3e C qui vient définir les missions d’un service d’archives est le C de « communiquer ». La communication renvoie à la mise à disposition des archives, au sens de document, en tant que support physique, ce support pouvant être papier ou numérique. L’accès aux archives se fait soit par consultation sur place, en salle de lecture, soit à distance, par délivrance d’une copie du document, sur support papier ou numérique, soit par déplacement, en transférant temporairement le document à l’extérieur du service d’archives.

La communication vient par ailleurs en réponse à une demande, quels que soient le contexte de la demande et le besoin exprimé : administratif, juridique, historique. Aujourd’hui, avec l’Open data, la démarche s’inverse. Il s’agit d’anticiper les demandes du public : l’administration ne répond plus à une demande ponctuelle et individuelle mais anticipe la demande du public en publiant des jeux de données publiques. Ce n’est plus l’individu qui se déplace, formule une demande pour accéder à une information33 mais l’administration qui met à disposition des informations, en les publiant sur Internet. On est dans une démarche proactive.

Le vocabulaire a lui-même évolué pour s’adapter au changement induit par ce glissement du document vers la donnée : les documents 33. J’emploie ici volontairement le qualificatif « information » et non pas « donnée » ou « « document ».

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administratifs sont devenus les données publiques et les informations nominatives des données personnelles. L’expression « données personnelles » apparaît dans la loi du 6 août 200434. La notion de « données publiques » est, quant à elle, une notion propre à l’économie numérique. Le droit positif ne connaît que les notions de « données à caractère personnel » et « informations publiques » (CNIL, 2013).

Qu’est-ce qu’une donnée publique ? Une donnée collectée par un organisme public ? Une donnée non nominative ? Une donnée ne relevant pas de la vie privée ? Une donnée ne relevant pas de la sécurité ? La définition donnée dans le Vade-mecum sur l’ouverture et le partage des données publiques publié par la mission Etalab est la suivante : les données publiques sont « les informations ou données produites ou reçues par une autorité administrative dans le cadre de sa mission de service public, publiées par une autorité administrative ou communicables à toute personne en faisant la demande. Ces informations doivent être présentées sous un format permettant leur traitement automatisé et leur réutilisation » (Etalab, 2013). Cette définition fait directement écho avec la définition des documents administratifs dans l’article 1 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal. L’Open data est en effet initialement fondé sur la loi du 17 juillet 1978 sur l’accès aux documents administratifs.

Le processus de publication des données publiques sur la plateforme nationale data.gouv.fr est identique au processus de collecte des archives publiques. La publication passe par la description des données à publier à l’aide d’un jeu de métadonnées puis par le versement des données et de leurs métadonnées. L’expression « versement » est d’ailleurs utilisée dans le Vade-mecum sur l’ouverture et le partage des données publiques ; deux types de versements sont identifiés : le versement manuel et le versement automatique. Dans le cas d’un versement manuel, le producteur décrit « ses » données à l’aide de métadonnées ; le versement automatisé s’appuie quant à lui sur une interface automatisée entre le producteur et la 34. Loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

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plateforme nationale data.gouv.fr. Dans le contexte de l’Open data, la collecte d’archives serait-elle de nature à se transformer en publication de jeu de données ? De ce point de vue, c’est la finalité de la collecte qui est réaffirmée : on collecte les archives pour les communiquer ; on ouvre les données publiques pour permettre leur réutilisation.

L’Open data s’inscrit dans une tendance qui considère l’information publique comme un bien commun dont la diffusion est d’intérêt public et général. Là encore, des similitudes avec l’archivage existent : les archives appartiennent au domaine public mobilier et leur conservation « est organisée dans l’intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche 35». Les valeurs partagées par les partisans de l’Open data et les archivistes sont similaires, les finalités de l’ouverture des données publiques et de l’archivage sont proches : transparence administrative, libre accès aux sources, respect de la vie privée, propriété collective des données.

La question est peut-être provocante mais l’Open data est-il de nature à concurrencer les services d’archives s’agissant de l’accès aux données publiques ? Les services d’archives ne sont plus en effet les seuls fournisseurs de documents, au sens de sources primaires. Les plateformes de publication des données publiques seront-elles nos futures salles de lecture virtuelles ?

Une différence est de taille cependant36. Elle tient au rapport qu’entretiennent l’Open data et l’archivage avec le temps. L’Open data s’inscrit dans le temps présent alors que l’archivage s’inscrit dans le temps long. Les données publiques publiées sont des données nécessairement actualisées, c’est-à-dire mises à jour pour correspondre à la réalité du temps présent, qui correspond au temps court de la consultation. Dans ces conditions, la question de l’accès aux données qu’on pourrait qualifier de « périmées » du point de vue de l’Open data se pose. De ce point de vue, il n’y a pas concurrence mais complémentarité entre Open data et archivage. Complémentarité, car Open data et archivage ne répondent pas aux mêmes besoins ni usages. Dans un cas il s’agit de susciter de nouveaux 35. Art L. 211-2 du Code du patrimoine. 36. Il est une autre différence qui ne sera pas débattue ici, qui est celle des données à caractère personnel et de la question de l’anonymisation.

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usages par la réutilisation des données publiques ; dans un autre cas, il s’agit de donner accès à des documents dont le contenu a été figé à un instant T, pour témoigner de la réalité à cet instant T. On pourrait aussi imaginer une filiation entre Open data et archivage : les données publiées, en tant que sources brutes, auraient, pour certaines d’entre elles, tout intérêt à être archivées.

Si l’accès aux archives échappe pour partie à l’archiviste comme la conservation physique, il doit recentrer son action vers l’amont, sur la préparation des données. Au-delà du principe affiché d’ouverture des données publiques, il est en effet indispensable que les données publiées soient de qualité. Des données de qualité sont des données documentées. Et, qui mieux que l’archiviste est en mesure de définir les métadonnées indispensables à la compréhension, l’exploitation, la pérennisation des données, en un mot, de contextualiser les données ? L’archiviste doit s’affirmer comme « créateur de valeur dans la chaîne documentaire » (Banat-Berger, 2010). Cette valeur c’est la contextualisation des données et documents, tout au long de leur cycle de vie, depuis leur création et pendant leur processus de conservation.

5.2. De la description archivistique à l’exploitation des archives

Le glissement qui s’est opéré du document vers l’information puis de l’information vers la donnée est de nature à interroger la forme des instruments de recherche. Le dictionnaire de terminologie archivistique donne la définition suivante de l’instrument de recherche « Outil papier ou informatisé énumérant ou décrivant un ensemble de documents d’archives de manière à les faire connaître aux lecteurs ». Sans instrument de recherche, pas de connaissance des fonds : l’instrument de recherche est donc la pierre angulaire de l’accès aux archives… papier. Car, avec le numérique, les moteurs de recherche ne sont-ils pas en passe de supplanter les instruments de recherche ? Ou dit autrement : aura-t-on encore besoin d’instruments de recherche dans leur forme actuelle pour accéder aux archives numériques ?

De clef d’accès aux fonds d’archives, les instruments de recherche ne pourraient-ils pas devenir les instruments de restitution des réponses à une recherche. « Tout ce que touche le numérique sera potentiellement fragmenté et recombiné, la recombinaison étant de plus en plus arbitraire

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vis-à-vis du contenu initial. […] Mieux ou pire, le web de données, par ses capacités calculatoires, a l’ambition de reconstruire des documents à la demande, nous donnant l’illusion d’avoir toutes les réponses à nos questions » (Bachimont, 2005). Dans ce contexte de décomposition-recomposition des archives numériques, l’ambition ne serait-elle pas de construire des instruments de recherche à la volée, de sorte à contextualiser les fragments d’archives numériques rassemblées ? Car le document d’archives fait partie d’un tout, le fonds. Du point de vue de la description, cela reviendrait à se centrer sur la description des fonctions et des producteurs plutôt que du contenu.

L’indexation telle qu’on la pratique aujourd’hui à savoir dans le but de retrouver un contenu fait-elle encore sens ? Il nous faut réinventer nos modes de description des archives car l’enjeu est de passer de la description des archives à l’exploitation des archives. Pour négocier ce passage, il nous faudra vraisemblablement regarder du côté de RDF37. Les instruments de recherche et plus globalement le travail de description de l’archiviste doivent évoluer pour répondre aux nouveaux enjeux liés à la production de données nativement électroniques, à la disponibilité d’outils d’exploration des contenus et à « l’intégration des descriptions d’archives dans le réseau des données liées38.

Le numérique prend également ses distances avec le territoire s’agissant de l’origine des archives : « Il est facile de constater que, parmi les sources archivistiques de la mémoire collective produites chaque année, la part des documents qui sont issus des institutions administratives territorialisées (décentralisation, déconcentration des services publics) diminue au profit des documents et données émanant d’initiatives privées et transverses (familles, associations, organismes divers, entreprises…) pour des activités souvent affranchies d’un ancrage territorial circonscrit » (Chabin, 2014b). L’enjeu aujourd’hui se situe autour de la création, l’animation et la gestion de communautés. La communauté est-elle en instance de se substituer au principe de territorialité et guider tant la constitution des fonds que les modes d’accès aux archives ? Derrière ces initiatives effleure aussi la question de la concurrence des sources, entre sources institutionnelles, 37. Le RDF (Resource Description Framework) est un modèle permettant de décrire des données de toute nature. 38. http://labs.anaphore.eu/.

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collectées et conservées dans les services d’archives et sources disponibles sur le web.

Les sources historiques ne sont plus seulement dans les salles de lecture des services d’archives. Le web s’est fait une place de premier ordre et est devenu une mégasalle de lecture virtuelle : « Internet est l’archivage à grande échelle » (De La Porte, 2014).

6. Conclusion

Les archives, comme les bibliothèques, ont depuis longtemps perdu ce qui en faisait des lieux uniques parce qu’incontournables pour accéder aux sources primaires et donc au savoir. Cette primauté a été détrônée par le web : les archives doivent donc être visibles sur le web pour survivre !

La masse des archives produites et leurs usages explosent et reconfigurent les activités traditionnelles de collecte, de conservation, de description et de communication. Notre pratique archivistique s’en trouve bousculée, ce qui est plutôt stimulant ! Avec les archives nativement numériques notamment, nous sommes aujourd’hui, à un tournant de notre pratique, de notre métier. Il nous faut penser l’archivistique autrement (Delmas, 2012).

Bibliographie

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Bachimont B. (2007). Ingénierie des connaissances et des contenus : le numérique entre ontologies et documents. Hermès science publications-Lavoisier, Paris.

Banat-Berger F. (2010). Les archives et la révolution numérique. Le Débat, n° 158, p. 78.

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