La Politique économique conjoncturelle

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Philippe d'Avisenet

LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE CONJONCTUELLE

DUNOD

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Conseiller éditorial pour cet ouvrage : Frédéric Poulon

© Dunod, Paris, 1999 ISBN 2 10 003542 8

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A

Le débat sur le rôle de l'État dans la vie économique a pro- fondément évolué depuis la fin de la Deuxième Guerre mon- diale.

Pendant longtemps, il est resté centré sur le choix du système le mieux à même d'assurer le développement économique et le progrès social. Les uns préconisaient une économie « admi- nistrée du centre », selon la formule de Walter Eucken, où toutes les actions économiques sont soumises à un ensemble d'ordres quantifiés, dans le cadre d'une planification impéra- tive, imposée à tous par l'État. Les autres recommandaient une économie décentralisée, soumise à la « main invisible du marché » d'Adam Smith, dans laquelle chaque agent écono- mique prend ses décisions librement, de façon autonome, comme entrepreneur, travailleur, consommateur ou épar- gnant. Pendant les « trente Glorieuses », les pays industrialisés qui avaient opté pour l'économie de marché ont presque tous assuré la régulation de leur croissance, qui était forte dans une perspective historique, par des politiques macro-économiques d'inspiration keynésienne.

Assez curieusement, le débat économique a commencé à se déplacer avant même que la chute du mur de Berlin vienne sonner le glas de l'économie centralisée. La stagnation qui a frappé la plupart des économies occidentales à la suite du pre- mier choc pétrolier a conduit certains à s'interroger sur l'adéquation des traitements keynésiens et à préconiser des thérapies moins interventionnistes, dans la ligne des réflexions monétaristes, jusqu'alors un peu marginalisées par les praticiens.

Ce débat se poursuit aujourd'hui encore, pratiquement à l'échelle du monde puisque rares sont les pays qui n'ont pas opté pour l'économie de marché. Heurs et malheurs des politiques de lutte contre le chômage, « miracles » écono- miques et crises financières viennent sans cesse l'alimenter.

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Pour certains, la politique macro-économique est pratique- ment devenue un non sujet : la contrainte extérieure, puis « la dictature des marchés » ont ôté toute marge de manœuvre aux responsables publics. Une politique moné- taire guidée par le seul objectif de stabilité des prix et une politique budgétaire assurant l'équilibre structurel des finances publiques, à défaut de leur équilibre permanent, seraient les conditions nécessaires et suffisantes de la réalisa-

tion de l'optimum économique. Pour d'autres, l'État, par des politiques de réglage conjoncturel, peut et doit tout faire, jusqu'à éliminer le chômage : la demande globale doit être soutenue massivement par une dépense publique dynamique et des déficits publics sans complexe, par l'augmentation des salaires et des transferts sociaux et par une politique moné- taire permissive ; le risque inflationniste est considéré plus ou moins explicitement comme de deuxième ordre.

Ces approches manichéennes séduisent, en économie comme ailleurs. Mais elles résistent difficilement à l'analyse. Encore faut-il que celle-ci soit accessible.

Le mérite de l'ouvrage de Philippe d'Arvisenet, c'est préci- sément de proposer une analyse systématique, et assez exhaustive, de la question.

Il rappelle tout d'abord les objectifs de la politique conjonc- turelle, et tous les périls que feraient peser à terme, sur la croissance et sur l'emploi, des politiques expansionnistes qui négligeraient la nécessité de la maîtrise de l'inflation. Il explique ensuite comment les différents instruments de la politique économique peuvent être affectés aux objectifs pour assurer une optimisation de l'action. Le raisonnement se situe dans un premier temps dans le cadre d'une économie fermée afin de simplifier l'analyse ; il montre ensuite les chan- gements introduits par l'ouverture de l'économie sur l'exté- rieur, au niveau tant des échanges de biens et services que des mouvements de capitaux.

Cela permet à Philippe d'Arvisenet de présenter en détail l'analyse keynésienne, et les principaux débats des deux der- nières décennies, depuis les enseignements de l'économie de l'offre jusqu'à la contestation de l'efficacité de la politique macro-économique de l'école classique. La réflexion est soli-

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dement ancrée dans le réel : les sources de conflits entre auto-

rités monétaires et gouvernements, ou les cycles électoraux y trouvent leur place.

Les contraintes et limites que rencontre la mise en œuvre des politiques conjoncturelles - délais, incertitudes, effets d'évic- tion, caractère soutenable ou non de l'endettement public, rigidités du marché du travail... - sont traitées à la lumière des progrès récents de la science économique. Enfin un cha- pitre très complet et très illustratif est consacré à la présen- tation des modalités qui président à la mise en œuvre des politiques monétaire et budgétaire dans la zone euro.

Philippe d'Arvisenet privilégie l'analyse économique à la des- cription. Mais il a le souci de limiter au maximum le recours à la formalisation mathématique. Son ouvrage s'adresse aux étudiants ; mais aussi à tous ceux qui souhaitent comprendre les mécanismes économiques pour mieux assumer leurs res- ponsabilités de citoyen.

30 décembre 1998

Michel PÉBEREAU

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C h a p i t r e 1

F o n d e m e n t s

d e l a p o l i t i q u e c o n j o n c t u r e l l e :

l e s o b j e c t i f s , l e s i n s t r u m e n t s e t l e u r a r t i c u l a t i o n

I. LIAISON OBJECTIFS-INSTRUMENTS ET CHOIX DES INSTRUMENTS

1. Liaison objectifs-instruments

Le but ultime de toute politique économique est de maxi- miser le bien-être de la population. Cela passe par la défini- tion d'objectifs, dits parfois objectifs finals, et d'instruments propres à les réaliser dans le respect de certaines contraintes : nature des relations entre instruments et objectifs et entre objectifs eux-mêmes. Ainsi, s'il existe un lien inverse entre croissance et inflation (ce qui, on le verra est très discutable), la mise en place d'une politique destinée à réaliser l'objectif de croissance aura pour conséquence une accélération de l'inflation, au détriment de l'objectif de stabilité des prix. En matière de politique économique conjoncturelle, les objec- tifs consensuels sont faciles à identifier. Au total, il s'agit d'atteindre un rythme de croissance propre à minimiser le taux de chômage et à maintenir le taux d'inflation le plus faible pos- sible. On y ajoute parfois le respect de l'équilibre de la balance des paiements courants ou encore l'équilibre budgétaire. Ces objectifs constituent à eux quatre ce que l'on appelle parfois le « carré magique ». Les deux derniers peuvent sans doute être considérés aussi bien comme des contraintes que comme des objectifs finals. Si le premier objectif, la croissance, ne prête guère à discus- sion, le second, l'inflation, mérite d'être justifié. Il repose sur le fait que les coûts de l'inflation pour la collectivité l'em- portent sur ses avantages.

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2. Choix d e s objectifs : pourquoi lut ter cont re l'inflation ?

Aux yeux de certains, l'inflation présente des avantages. Si elle réduit les taux d'intérêt réels, elle peut stimuler la demande. Cela ne paraît constituer qu'une condition per- missive. Dans la deuxième moitié des années 1990, le Japon avec des taux réels négligeables (moins de 0,5 point) n'a pu relancer son activité. De plus, les taux réels ne peuvent baisser du fait de l'inflation que si les investisseurs acceptent une rémunération faible, voire négative, c'est-à-dire sont victimes d'illusion monétaire.

En deuxième lieu, l'inflation faciliterait la modération des salaires réels et stimulerait ainsi la demande de travail de la

part des entreprises dans un contexte où les salaires nomi- naux sont rigides à la baisse. Cela suppose un certain degré d'illusion monétaire de la part des salariés.

En troisième lieu, l'inflation apparaît comme un moyen pour les gouvernements de financer les déficits, ce qui peut leur éviter de recourir aux marchés financiers ou à l'augmentation des impôts.

Si l'État fait appel à la banque centrale pour financer le déficit budgétaire (celle-ci souscrit des titres d'État en créant de la monnaie), une taxe d'inflation pèse sur les agents écono- miques privés (voir encadré).

Au-delà du caractère critiquable des arguments en faveur de l'inflation, l'inflation revêt des coûts. D'abord, elle remet en cause la capacité de la monnaie à assurer ses trois fonctions d'unité de compte (libeller les prix dans une même monnaie facilite les comparaisons et rend plus pertinentes les décisions des agents économiques), d'instrument de transaction (si la monnaie est universellement acceptée, elle élimine le recours au troc) et de réserve de valeur (la détention de monnaie n'est pas rémunérée, mais elle assure un service de liquidité). Dès lors, les perturbations apportées par l'inflation dans le bon fonctionnement des marchés entraînent un coût en terme

d'activité. Ce phénomène est d'autant plus marqué qu'on observe généralement une volatilité accrue des prix lorsque l'inflation est forte. Cela rend les comparaisons de prix relatifs difficiles et engendre des décisions erronées pour l'allocation

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mesures en faveur de l'emploi. Par ailleurs, le Conseil pourra faire des recommandations aux États membres.

4. Implications de la mise en œuvre du p a c t e de s tabi l i té e t de c ro i s sance

Si le mécanisme de sanctions est jugé crédible, les pays seront incités à maintenir un bas niveau de déficit structurel de

manière à pouvoir dégager des marges de manœuvre en cas de difficultés conjoncturelles. Il est clair que plus le déficit structurel sera faible, plus un pays pourra utiliser des marges discrétionnaires d'intervention. Ainsi, en cas de ralentisse- ment important de l'activité, une économie dont le déficit structurel sera limité à 1 % du PIB pourra mettre en œuvre une politique budgétaire expansionniste (ou laisser jouer les stabilisateurs automatiques) dans la limite de 2 % du PIB.

Le respect de la discipline budgétaire devrait aussi permettre d'interrompre la croissance de la dette publique et même d'inverser la tendance. L'effort budgétaire accompli par de nombreux pays depuis quelques années leur a permis d'entrer dans l'Union monétaire avec des excédents primaires impor- tants. Cette dynamique devrait se poursuivre au cours des prochaines années grâce au pacte de stabilité. Le maintien d'un léger déficit en pourcentage du PIB, dans un contexte de croissance à 2 %, d'inflation moyenne de 2 % et de taux longs relativement faibles, favoriserait la baisse des ratios dette publique/PIB. Le pacte de stabilité devrait d'ailleurs contribuer toutes choses égales par ailleurs au maintien de bas taux d'intérêt grâce à une épargne publique plus forte et à la crédibilité anti-inflationniste de la BCE.

II. POLITIQUE DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE

1. Aspec t s généraux

S'agissant de la politique monétaire, le traité de Maastricht a prévu un système de type fédéral. Les banques centrales nationales assument, à la demande du Directoire de la Banque centrale européenne (BCE), la mise en œuvre de la

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politique monétaire définie par le Conseil des gouverneurs de la BCE. Au sein de ce Conseil, chaque banque centrale est représentée par son gouverneur et pèsera d'un même poids dans les décisions communes.

La répartition des tâches entre les deux niveaux du système - la BCE et les banques centrales nationales (BCN) - s'ins- pire du principe de « subsidiarité ». Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la BCE n'inter- vient que dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne pourront être réalisés de manière satisfaisante par les banques centrales nationales. Aussi, c'est toujours par la Banque de France que les relations entre les établissements bancaires français et la BCE devraient s'opérer, pour les opé- rations de refinancement et la constitution de réserves obli-

gatoires essentiellement.

Néanmoins, la définition de la politique monétaire est cen- tralisée et unique. L'unicité de la politique monétaire exige un marché monétaire parfaitement intégré, ce qui suppose un système de paiement sûr et efficace, permettant à tout par- ticipant au marché monétaire de transférer instantanément des fonds d'une place financière à l'autre et d'assurer l'éga- lisation des taux d'intérêt ; c'est l'objet de Target.

De la même façon, la BCE doit collecter, avec l'assistance des banques centrales nationales, les informations statistiques nécessaires pour élaborer des agrégats monétaires en euros, ce qui implique une harmonisation des définitions et une consolidation pour rendre compte des flux transfrontaliers.

La BCE doit asseoir rapidement sa crédibilité alors même qu'elle ne dispose pas d'historique propre (et notamment de « capital réputationnel ») en matière de conduite de politique monétaire. Mais après tout, les exemples ne manquent pas, dans l'histoire, de banques centrales auréolées d'un grand prestige dès leur création. Tel fut le cas, en Europe, de la Banque d'Angleterre (1694) ou de la Banque de France (1800). En ce qui concerne la BCE, on peut penser sans risque qu'elle bénéficie dès à présent d'une très forte répu- tation en raison de l'autorité qui lui est donnée sur les banques centrales européennes et notamment la très fameuse Bundesbank.

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Cependant, avec une union monétaire large, la définition de la politique monétaire est complexe, dans la mesure où le risque de désynchronisation conjoncturelle et la probabilité d'avoir des chocs asymétriques sont plus élevés. La BCE doit également prendre en compte les évolutions salariales et les politiques budgétaires, qui resteront décentralisées au niveau national, même si ces dernières sont « encadrées » par le pacte de stabilité. Enfin, l'évolution du taux de change de l'euro contre le dollar et le yen constitue aussi un élément d'incertitude, même si cela n'a pas la même importance stra- tégique comme c'est le cas aujourd'hui pour les banques cen- trales nationales.

L'objectif final de la politique monétaire est la stabilité des prix (art. 105.1). En théorie il y a de ce point de vue une marge considérable d'interprétation. Que signifie la stabilité des prix ? Quels sont le ou les indicateurs (indices de prix) les plus homogènes et les plus pertinents ? Quel est le niveau incompressible d'inflation annuelle dans la zone euro ? Quel est le niveau optimal (et tolérable) d'inflation moyenne dans la zone : 0 %, 2 %, 3 % ? La BCE a retenu l'objectif d'une hausse annuelle de l'indice harmonisé des prix à la consom- mation de moins de 2 %. Cet objectif devant être maintenu à moyen terme seulement.

L'impact de l'émergence de l'euro sur la zone monétaire elle- même constitue un facteur d'incertitude. Cette émergence pourrait en effet se traduire par des réallocations de porte- feuille entre espaces nationaux pouvant modifier la demande de monnaie ou la vitesse de circulation de la monnaie dans

l'ensemble de la zone. Cependant, la libéralisation financière devrait renforcer l'impact des taux directeurs dans la plupart des pays européens : les fluctuations de taux ont en principe un impact plus rapide quand les marchés sont décloisonnés, et plus large quand les agents non financiers sont plus direc- tement affectés.

Les modifications de taux exercent en réalité des effets

complexes et parfois contradictoires :

- un effet de richesse, constitué par les plus-values ou moins- values dues aux variations de taux d'intérêt (par exemple la

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valorisation du portefeuille des ménages ou la hausse de la valeur boursière des entreprises en cas de baisse des taux) ; — un effet de revenu consistant en un accroissement du

revenu des agents à capacité de financement et une diminu- tion du revenu des agents à besoin de financement, dans le cas d'une hausse des taux ;

- un effet de substitution correspondant à l'influence des variations de taux sur l'arbitrage épargne-consommation des ménages et à l'arbitrage actifs réels-actifs financiers des entre- prises ;

- un effet sur le taux de change, consistant par exemple en une dépréciation en cas de baisse des taux.

Outre la synchronisation imparfaite des cycles conjoncturels, l'expérience montre que l'ampleur et les délais propres à la transmission des impulsions de politique monétaire varient de façon non négligeable entre les pays pour des raisons structurelles.

Il s'agit d'abord de l'ampleur et de la vitesse de diffusion des variations de taux directeurs sur l'ensemble des taux d'inté-

rêt. Tout dépend ici de l'état de décloisonnement et de concurrence du système financier et bancaire. En particulier, l'importance des crédits à taux préférentiels est un obstacle à l'efficacité de la politique monétaire. De même, l'importance et la rigidité des taux créditeurs réglementés sont un frein aux variations des taux débiteurs. Enfin, le seuil moyen de ren- tabilité (« point mort ») des banques peut aussi freiner la dif- fusion des baisses de taux.

Il s'agit ensuite de l'importance de l'endettement net des agents non financiers et surtout de sa structure. La sensibilité des agents non financiers aux modifications des taux direc- teurs dépend de la structure par échéance de la dette et de l'importance des taux indexés dans l'ensemble des crédits (surtout s'ils sont indexés sur les taux de court terme). On cite à cet égard le Royaume-Uni, où la demande des ménages est très sensible aux variations de taux courts du fait de l'importance des taux révisables pratiqués sur les crédits hypothécaires (effet revenu). Il s'agit en outre des écarts de sensibilité relative de la demande de crédit au taux d'intérêt, par exemple une relative

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insensibilité du fait de l ' importance des grandes entreprises

ayant la possibilité de se couvrir et (ou) de se financer sur les marchés internationaux.

Il s 'agit enfin des contraintes de ra t ionnement du crédit qui peuvent expliquer une certaine insensibilité de l'offre de cré- dit aux variations de taux. Dans ce cadre, les contraintes

réglementaires (normes prudentielles, législation sur l 'endet- t ement ) ou les pratiques bancaires (contraintes en matière d ' appor t initial p o u r le crédit logement par exemple) jouen t un grand rôle.

Les structures économiques et financières des pays européens on t cependant vocation à se rapprocher, du fait n o t a m m e n t de l ' intensification de la concurrence, mais cela prendra d u temps.

2 . S t r a t é g i e d e la B C E

Quelle est la stratégie optimale p o u r la BCE en termes d 'objec t i f intermédiaire p o u r atteindre son object if final ? Cette question est liée aux condit ions de réussite de la fixa-

tion d ' une variable object if :

- un parallélisme (corrélation) à moyen terme des objectifs final et intermédiaire ;

- la possibilité p o u r la banque centrale de contrôler effecti- vement l 'évolution de l 'object i f intermédiaire ;

- la transparence, c'est-à-dire la possibilité p o u r les acteurs économiques de le comprendre et de suivre son évolution ;

- sa valeur informative, en ce sens qu' i l peut apporter une information sur l ' impact de la polit ique suivie avant même que l 'on en connaisse les résultats sur l 'équilibre écono- mique, permet tan t le cas échéant d ' adop te r des mesures cor- rectrices si ces évolutions ne paraissent pas compatibles avec l 'objectif final ;

- enfin, la variable-objectif doit permet t re d 'exercer u n effet d ' annonce clair sur les anticipations des agents économiques.

L ' Ins t i tu t monéta i re eu ropéen ( IME) auquel le traité (art. 109 F) a confié la mission de définir le cadre réglemen- taire, organisationnel et logistique d o n t la BCE a besoin p o u r accomplir sa tâche lors de la troisième phase, a défini six prin-

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cipes directeurs pour l'évaluation des stratégies de politique monétaire :

- efficacité: la stratégie retenue doit mettre le SEBC en mesure de poursuivre son objectif final de manière efficace ;

- transparence : le processus de fixation des objectifs et de prise de décisions conformément à la stratégie retenue doit être clair pour le public ;

- responsabilité : la stratégie doit comporter la formulation et la publication d'objectifs pour que la banque centrale puisse être tenue responsable de ses décisions vis-à-vis du public ;

- orientation à moyen terme : la stratégie doit permettre au SEBC d'atteindre son objectif final à moyen terme, offrant ainsi un point d'ancrage aux anticipations d'inflation, tout en laissant cependant au SEBC une certaine liberté de manœuvre en cas de déviations à court terme par rapport à l'objectif ;

- continuité : la stratégie du SEBC doit s'appuyer sur l'ex- périence acquise par les banques centrales nationales partici- pantes ;

- cohérence avec l'indépendance du SEBC : la stratégie doit être compatible avec le statut d'indépendance conféré au SEBC par le traité.

L'IME a envisagé cinq stratégies. Il a écarté - assez logique- ment - trois d'entre elles (objectifs de taux de change, PIB nominal et taux d'intérêt). Un objectif du taux de change ne paraît guère pertinent dans le cadre de la future zone euro dans la mesure où cet espace est plus grand et moins ouvert sur le monde extérieur que chacun des pays membres. En outre, on voit mal quelle autre monnaie (le dollar notam- ment) pourrait présenter de meilleures garanties de stabilité de nature à fournir une valeur d'ancrage. Enfin, un obstacle supplémentaire réside dans le fait que la politique de change relève en principe de la compétence du Conseil.

L'IME a retenu deux stratégies, l'une fondée sur des objec- tifs intermédiaires monétaires, l'autre fondée sur une cible directe d'inflation.

Le choix d'une variable objectif d'agrégats monétaires répond au souci de satisfaire à l'exigence de responsabilité et

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de transparence; il s'agit de données facilement et rapidement observables. De même, certains travaux empiriques tendent à montrer une certaine stabilité de la demande de monnaie, plus forte au niveau européen que dans chaque pays pris indi- viduellement.

Plus fondamentalement cela implique deux contraintes. La première est la définition d'agrégats représentatifs de la liqui- dité. Or définir la monnaie ne va aujourd'hui plus de soi, en raison de l'innovation financière, qui conduit à une confu- sion entre les encaisses de transaction et les encaisses de spé- culation (correspondant à un comportement de portefeuille). Un agrégat étroit risque d'être trop « déconnecté » de la dépense nominale. Les évolutions d'un agrégat plus large risquent de correspondre en partie à des réallocations de por- tefeuille sans être indicatives d'une variation de la dépense future. Dans la mesure où les actifs rémunérés à taux de

marché ou à taux librement négocié forment une part impor- tante, voire croissante, de l'agrégat objectif, celui-ci est évi- demment moins contrôlable. Il peut même y avoir perte de contrôle, dès lors que la courbe des taux tend à s'aplatir, voire à s'inverser.

La deuxième contrainte est de maîtriser l'évolution du ou des

agrégats choisis. Mais cela est difficile, compte tenu de la substituabilité accrue des actifs financiers. Or le démarrage de l'Union monétaire va vraisemblablement amplifier cette subs- tituabilité du fait des réallocations d'actifs monétaires au sein

de la zone et de la diffusion rapide des innovations finan- cières.

La relation des agrégats aux variables nominales étant plus instable, une telle stratégie pourrait être coûteuse pour la croissance en termes de taux d'intérêt réels excessivement

élevés (politique monétaire excessivement restrictive par rap- port à l'objectif final) et de moindre crédibilité si les objectifs n'étaient pas atteints.

La fixation d'une cible d'inflation présenterait a priori plu- sieurs avantages : cohérence avec l'objectif final, plus grande souplesse face à l'instabilité de la demande de monnaie, valeur d'ancrage solide et claire, en phase avec les pratiques récentes de nombreuses banques centrales (Canada, Nou-

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velle-Zélande, Suède, Australie, Royaume-Uni, etc.), répon- dant à l'exigence de responsabilité et de transparence. Au- delà, les effets de la politique monétaire sont trop longs et trop complexes pour que la seule mesure de l'inflation consti- tue un indicateur suffisamment fiable pour provoquer une action stabilisatrice de la banque centrale. En outre, cela sup- poserait une stabilité des relations entre les divers indicateurs économiques et financiers et l'inflation future.

Au total, la BCE apparaît pluraliste et pragmatique. Ainsi affiche-t-elle une cible d'inflation tout en recourant à

d'autres indicateurs, notamment monétaires. Elle a retenu la croissance de l'agrégat M3 dont elle a fixé la valeur de réfé- rence à moyen terme à 4,5 %.

3. Ins t ruments e t procédures de la BCE

Le traité de Maastricht et, plus particulièrement, le protocole sur le SEBC ne donnent guère d'informations sur le cadre opérationnel de la future politique monétaire unique. Tout au plus le traité prohibe-t-il tout financement direct des administrations publiques ainsi que tout procédé non conforme « au principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, en favorisant une allocation effi- cace des ressources » (art. 105 du traité), ce qui exclut par exemple le recours à l'encadrement du crédit. Par ailleurs, il est mentionné que la BCE peut avoir recours aux banques centrales nationales « dans la mesure jugée possible et appro- priée » (art. 12 des statuts du SEBC). D'autres possibilités (open market, réserves obligatoires notamment) sont égale- ment mentionnées.

Il s'agit donc dans l'ensemble de guides d'action qui s'ajou- tent à d'autres principes généraux : efficacité opérationnelle (instruments adaptés aux objectifs) ; égalité de traitement (entre les institutions financières ayant accès à la BCE) ; sim- plicité, transparence et bon rapport efficacité-coût (à partir notamment de l'expérience des banques centrales natio- nales) ; harmonisation des instruments dans la mesure néces- saire afin de favoriser une orientation unique de la politique monétaire et une égalité de traitement des contreparties et d'éviter des arbitrages liés à des disparités réglementaires.

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L'harmonisation répond à l'exigence d'efficacité. Il s'agit d'éviter que les banques centrales nationales puissent amoin- drir la portée ou la clarté des messages émis par la BCE. Il s'agit aussi de prohiber une source éventuelle de distorsion de concurrence entre places financières et établissements ban- caires (dont les différences en matière de réserves obligatoires sont les plus évidentes) qui permettrait par exemple à cer- taines contreparties de se refinancer auprès de banques cen- trales nationales à des conditions moins coûteuses. Il s'agit enfin du principe de déconcentration de l'exécution de la politique monétaire au niveau des banques centrales natio- nales alors que la définition sera centralisée à la BCE. Les banques centrales nationales resteront les interlocutrices prin- cipales des établissements de crédit implantés dans le pays.

Les principaux instruments utilisés par le SEBC consistent en facilités permanentes, opérations d'open market et réserves obligatoires.

Deux facilités permanentes (à 24 heures) fourniront des signaux quant à l'orientation de la politique monétaire. L'une (facilité de prêt marginal) a pour objet d'alimenter des contreparties pour satisfaire des besoins temporaires de liqui- dité; elle forme le jalon haut (taux plafond) de la fourchette des taux directeurs. L'autre (facilité de dépôt) permet aux établissements de placer des excédents de trésorerie ; elle forme le jalon bas (taux plancher) du corridor pour le taux au jour le jour.

Les opérations d'open market comprennent une variété large d'opérations. En premier lieu, les pensions et prêts garantis (avec une échéance de deux semaines) fournissent des liqui- dités sur une base régulière. Celles-ci sont exécutées par les banques centrales nationales par voie d'appels d'offres. En second lieu, les opérations de réglage fin de la liquidité sont adaptées de façon à atténuer l'impact de variations imprévues de la liquidité sur les taux. Ces opérations peuvent prendre diverses formes (pensions et prêts garantis, swaps de change, opérations fermes, etc.). Elles sont normalement exécutées par les banques centrales nationales par voie d'appels d'offres rapides ou dans un cadre bilatéral. L'ampleur et la fréquence de ces opérations dépendent du degré de volatilité toléré par les autorités monétaires en matière de taux de court terme.

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Parallèlement, l 'IME a retenu l'idée d 'un large éventail de contreparties dans les opérations de refinancement, la BCE appliquant à leur endroit des critères uniformes. Cela apparaît conforme aux principes de l'égalité de traitement et de déconcentration. Les garanties éligibles aux opérations de refinancement comprennent des titres publics et privés. Une première catégorie de garanties est constituée de titres satis- faisant aux critères d'éligibilité uniformes définis par la BCE. Une deuxième catégorie est constituée de garanties supplé- mentaires dont les critères d'éligibilité sont définis par les banques centrales nationales en fonction des lignes directrices de la BCE.

Il s'agit de faire en sorte que les établissements implantés dans un pays puissent présenter comme garanties des actifs domiciliés dans un autre État membre de la zone euro.

Concrètement, des banques néerlandaises par exemple seront en mesure de mobiliser du papier français auprès de la Banque des Pays-Bas (et inversement). Cela répond à l'exi- gence d'égalité de traitement entre établissements ainsi qu'entre émetteurs au sein de la future zone monétaire.

Les réserves obligatoires sont le troisième grand instrument à la disposition du SEBC. Les statuts de celui-ci (art. 19) habi- litent la BCE à imposer aux établissements de crédit des États membres la constitution de réserves obligatoires. Il est prévu un taux de réserves variant de 1,5 % à 2,5 % du montant des dépôts. À l'heure actuelle la Bundesbank impose un taux de 2 % et la Banque de France un dépôt variant de 0,5 à 1 %.

L'introduction de réserves obligatoires doit accroître l'effi- cacité de la politique monétaire en obligeant les banques à se refinancer proportionnellement aux crédits qu'elles distri- buent. Établies à partir de moyennes mensuelles elles per- mettent d'amortir les fluctuations brusques de la liquidité bancaire. Ces réserves ayant un coût qui pénalise les banques résidentes par rapport aux banques extérieures à la zone euro, il a été décidé de les rémunérer à un taux proche du REPO.

4. Responsabil i té e t t r anspa rence de la BCE

On peut considérer que plus l'indépendance d'une banque centrale est grande, plus elle doit assumer la responsabilité de

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son action et, à ce titre, rendre compte de celle-ci aux auto- rités politiques. À cela s'ajoutent deux spécificités à la zone euro, touchant l'une à l'indépendance, l'autre aux pouvoirs de la BCE. Dans les deux cas d'ailleurs l'exigence de respon- sabilité se trouve renforcée.

L' indépendance des banques centrales n'existe traditionnelle- ment qu'à l'intérieur d'un État. Or l' originalité du dispositif monétaire européen est de mettre en place une banque cen- trale indépendante dans une communauté qui, politique- ment, n'est pas structurée en tant qu'État, ni sur un plan fédéral, ni a fortiori sur un plan unitaire, ce qui pose le pro- blème de la légitimité de la BCE. Il est vrai que le traité pré- voit certaines formes de dialogue entre la BCE et les ins- tances politiques européennes (présentation du rapport annuel, auditions au sein des commissions compétentes du Parlement européen, etc.). Mais, compte tenu de la faiblesse politique des institutions européennes, cela peut apparaître comme une obligation assez peu contraignante.

Les pouvoirs de la BCE sont plus étendus que ceux des banques centrales nationales. Ainsi, le traité confère à la BCE un poids notable dans la définition de la politique de change (même si la compétence finale appartient au Conseil), ce qui n'est généralement pas le cas des banques centrales nationales indépendantes. Le sommet de Dublin (décembre 1996) a d'ailleurs renforcé le rôle de la BCE dans la gestion du nou- veau mécanisme de change européen liant l'euro aux devises des pays de l'Union européenne non membres de l'UEM (MCE bis).

Tout cela rend souhaitable une véritable responsabilité de la BCE. C'est pourquoi les propositions visant à renforcer les liens entre le Parlement européen et la BCE, ou encore la confirmation des nominations des membres du Directoire par le Parlement, apparaissent bienvenues.

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