La perception du dirigeant de PME de sa responsabilité sociale
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LA PERCEPTION DU DIRIGEANT DE PME DE SA RESPONSABILIT SOCIALE :
UNE APPROCHE PAR LA CARTOGRAPHIE COGNITIVE
THSE
prsente la Facult des Sciences conomiques et sociales
de lUniversit de Fribourg (Suisse)
par
Delphine Gendre-Aegerter
originaire de Fribourg et Langnau im Emmental /BE
pour lobtention du grade de
Docteur s Sciences conomiques et sociales
Accepte par la Facult des Sciences conomiques et sociales,
le 27 mai 2008
sur proposition du
Professeur Dr Eric Davoine (premier rapporteur),
du Professeur Dr Rudolf Grnig (second rapporteur)
et du Professeur Dr Samuel Mercier (suffrageant)
Fribourg, 2008
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II
La Facult des Sciences conomiques et sociales de l'Universit de Fribourg (Suisse) n'entend ni approuver, ni dsapprouver les opinions mises dans une thse : elles doivent tre considres comme propres l'auteur (Dcision du Conseil de Facult du 23 janvier 1990).
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III
mes parents
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IV
REMERCIEMENTS
Au cours de la ralisation de cette thse de doctorat, de nombreuses personnes mont
aide et soutenue. Je voudrais en tout premier exprimer mes sincres remerciements mon
directeur de thse, le professeur Eric Davoine, professeur ordinaire lUniversit de Fribourg
et titulaire de la Chaire Ressources Humaines et Organisation, pour lencadrement de ma
recherche, ses conseils, sa rigueur, sa confiance, ainsi que son implication tout au long de
mon travail de thse. Son il critique ma t dune aide inestimable pour lamlioration de la
qualit de mon travail. Ds le dbut, le professeur Davoine sest investi dans mon projet de
thse et il lest rest jusqu la fin. Quil voit dans ce travail lexpression de ma
reconnaissance.
Jexprime galement ma gratitude au professeur Rudolf Grnig, professeur ordinaire
lUniversit de Fribourg et titulaire de la Chaire de direction d'entreprise, pour ses remarques
judicieuses lors des diffrents sminaires doctoraux et pour avoir accept de prendre part
lvaluation de ma thse en tant que deuxime rapporteur. Merci au professeur Samuel
Mercier, professeur de Sciences de Gestion l'Universit de Bourgogne et directeur de lIAE
de Dijon, pour mavoir si chaleureusement reue Dijon et pour lhonneur quil me fait
daccepter de participer lvaluation de ma thse. Quelques annes aprs avoir encadr mon
travail de master, je remercie galement le professeur Marino Widmer de luniversit de
Fribourg daccepter de prsider mon jury de soutenance.
Jexprime encore toute ma gratitude aux dirigeants de PME qui ont particip
lenqute empirique et aux diverses discussions sur la problmatique. Je remercie les
membres de lIIEDH, spcialement Patrice Meyer-Bisch, pour son soutien lors de la
ralisation de lenqute empirique.
Laboutissement de cette thse a aussi t encourag par de nombreuses discussions
avec mes collgues de la Facult des Sciences conomiques et sociales de lUniversit de
Fribourg, mille mercis eux pour ces riches et stimulants changes.
Ensuite, je tiens remercier le professeur Pierre Cossette de lUQAM pour son appui
mthodologique, ses commentaires et son respect envers mon travail. Mes sincres
remerciements sadressent galement Germain Simard de lAIREPME qui ma fait
bnficier de ses remarques trs instructives lors de ses relectures. Merci eux pour ce
prcieux appui qubcois !
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V
Cette thse naurait jamais t conclue ou mme commence sans le soutien de
Patrick, mon mari. Mes plus profonds remerciements pour sa patience, sa gnrosit, son
enthousiasme, ses nombreux encouragements, ses sauvetages informatiques et pour tout le
reste, encore une fois merci mon amour.
Je remercie galement du fond du cur les membres de ma famille : mes parents, mes
deux surs et les personnes qui me sont le plus proches qui ont vcu avec moi les hauts et les
bas de ce projet. Je les remercie davoir support mes tats dme dans les moments les plus
difficiles. Mes remerciements affectueux et chaleureux sadressent eux. Un trs grand merci
spcialement trois perles Laurence, Nathalie et Julie pour leurs prcieuses relectures. Je
remercie galement tous mes amis qui, bien que ne comprenant pas toujours dans quoi je
mtais engage, nont cess de me tmoigner leur confiance et leur amiti.
vous tous MERCI BEAUCOUP !
Delphine Gendre-Aegerter
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VI
Quiconque prtend sriger en juge de la vrit et du
savoir sexpose prir sous les clats de rire des dieux
puisque nous ignorons comment sont rellement les
choses et que nous nen connaissons que la
reprsentation que nous en faisons .
Albert Einstein (1879-1955)
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VII
LA PERCEPTION DU DIRIGEANT DE PME DE SA RESPONSABILIT SOCIALE : UNE APPROCHE PAR LA CARTOGRAPHIE COGNITIVE
TABLE DES MATIRES RSUME
1. INTRODUCTION GNRALE ................................................................................. 1
I. VERS UNE APPROCHE COGNITIVE DE LA RESPONSABILIT SOCIALE
DES PME ................................................................................................................. 17
2. LA COGNITION MANAGRIALE......................................................................... 18
3. LA PERCEPTION DE LA RESPONSABILIT SOCIALE DES PME................... 98
4. LA CARTOGRAPHIE COGNITIVE...................................................................... 243
II. UNE ENQUTE SUR LA PERCEPTION DES DIRIGEANTS DE PME ...... 308
5. VERS UN CADRE MTHODOLOGIQUE APPROPRI..................................... 310
6. ANALYSES DES CARTES COGNITIVES, CARACTRISTIQUES
PRINCIPALES ........................................................................................................ 333
7. PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS ..................................................... 434
8. CONCLUSION GNRALE.................................................................................. 471
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VIII
TABLE DES MATIRES DTAILLE
REMERCIEMENTS..............................................................................................................IV
TABLE DES MATIRES RSUME .............................................................................. VII
TABLE DES MATIRES DTAILLE..........................................................................VIII
LISTE DES ABRVIATIONS ..........................................................................................XIV
1. INTRODUCTION GNRALE................................................................................. 1
1.1 La problmatique de recherche ................................................................................ 1
1.2 Les objectifs de la recherche .................................................................................... 6
1.3 Lintrt de la recherche........................................................................................... 8
1.4 Le cadre mthodologique global .............................................................................. 9
1.5 La structure du travail ............................................................................................ 14
I. VERS UNE APPROCHE COGNITIVE DE LA RESPONSABILIT SOCIALE
DES PME ................................................................................................................. 17
2. LA COGNITION MANAGRIALE........................................................................ 18
2.1 Une introduction la cognition managriale ......................................................... 19
2.1.1 Du behaviorisme au cognitivisme ou lmergence des sciences cognitives . 19
2.1.2 Les sciences cognitives, un essai de dfinition ............................................. 23
2.1.3 De la psychologie cognitive la cognition managriale............................... 26
2.1.4 Lcole cognitive de lorganisation .............................................................. 28
2.1.5 La cognition managriale, double rupture et chanon manquant .................. 32
2.2 La prise de dcision et le mythe de lobjectivit .................................................... 35
2.2.1 Vers la rationalit limite avec Herbert Simon ............................................. 35
2.2.2 Les heuristiques et les biais de perception .................................................... 40
2.2.3 Quelques modles de dcision stratgique.................................................... 46
2.2.4 La dissonance cognitive ................................................................................ 52
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IX
2.3 La recherche en cognition managriale et ses diffrents modles ......................... 56
2.3.1 Le dveloppement de la recherche ................................................................ 56
2.3.2 Les niveaux danalyse ................................................................................... 58
2.3.3 Les modles cognitiviste, connexionniste et socio-cognitif.......................... 59
2.3.4 Les objets danalyse ...................................................................................... 65
2.4 La reprsentation mentale ...................................................................................... 69
2.4.1 Le concept de reprsentation mentale ........................................................... 69
2.4.2 La prdiction et lattribution causale............................................................. 73
2.4.3 Ltude des reprsentations mentales et limportance du langage................ 74
2.4.4 Le rseau smantique comme outil de schmatisation.................................. 78
2.4.5 Les facteurs dinfluence des reprsentations mentales ................................. 81
2.4.6 De la reprsentation laction....................................................................... 83
2.5 La stratgie dentreprise et la cognition du dirigeant ............................................. 86
2.5.1 Le leadership, le dirigeant et la cognition managriale................................. 86
2.5.2 La stratgie dentreprise et la cognition managriale.................................... 88
2.5.3 Les concepts de vision et dintention stratgique.......................................... 92
2.5.4 Le changement .............................................................................................. 94
2.6 Conclusions ............................................................................................................ 97
3. LA PERCEPTION DE LA RESPONSABILIT SOCIALE DES PME .............. 98
3.1 La PME : dfinitions, importance et volution .................................................... 100
3.1.1 Vers une dfinition de la PME .................................................................... 100
3.1.2 La place de la PME dans lconomie .......................................................... 102
3.1.3 Lvolution et linternationalisation de la PME.......................................... 104
3.2 Les caractristiques de la PME ............................................................................ 107
3.2.1 Les caractristiques de la PME et les strotypes ....................................... 107
3.2.2 La PME versus la GE.................................................................................. 109
3.3 La PME, champ dinvestigation ou objet de recherche ....................................... 112
3.3.1 La recherche en gestion et la PME.............................................................. 112
3.3.2 Un engouement pour la PME...................................................................... 116
3.3.3 La ncessit doutils spcifiques ................................................................. 118
3.4 Le dirigeant de PME ............................................................................................ 121
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X
3.4.1 Les caractristiques personnelles du dirigeant de PME .............................. 121
3.4.2 La cognition du dirigeant de PME .............................................................. 124
3.4.3 Les dcisions stratgiques en PME ............................................................. 126
3.5 La Responsabilit Sociale dEntreprise, volution de la notion........................... 129
3.5.1 Le contexte historique de la RSE ................................................................ 129
3.5.2 La dfinition de la RSE et des concepts lis ............................................... 134
3.5.3 Les domaines touchs et lancrage culturel................................................. 142
3.5.4 La recherche en RSE ................................................................................... 145
3.5.5 Les initiatives, les outils et les normes de la RSE....................................... 146
3.5.6 Les catgories de responsabilit.................................................................. 157
3.5.7 La critique du concept de RSE et les apports dune gestion socialement
responsable .................................................................................................. 160
3.6 La thorie des parties prenantes ........................................................................... 164
3.6.1 Quelques dfinitions et typologies des parties prenantes............................ 164
3.6.2 La typologie de Mitchell et ses collaborateurs (1997) ................................ 171
3.6.3 Une description de la thorie des parties prenantes .................................... 173
3.6.4 La thorie de la dpendance des ressources et les stratgies PME ............. 180
3.6.5 La Company Stakeholder Responsibility.................................................... 183
3.7 La recherche sur la responsabilit sociale des PME............................................. 187
3.7.1 Les rflexions et les initiatives institutionnelles ......................................... 187
3.7.2 Un panorama de la recherche acadmique.................................................. 194
3.7.2.1 Les tudes sur la responsabilit sociale des PME versus la GE............. 207
3.7.2.2 Lessai dun modle et les faiblesses mthodologiques des tudes ....... 218
3.7.2.3 Les tudes sur les valeurs et les influences en PME .............................. 223
3.8 La perception du dirigeant de PME de sa responsabilit sociale ......................... 232
3.8.1 Une approche cognitive de la PME............................................................. 232
3.8.2 La dcision thique...................................................................................... 233
3.8.3 Les facteurs dinfluence et lexploration des valeurs thiques ................... 236
3.8.4 La responsabilit des dirigeants et le management responsable ................. 239
3.9 Conclusions .......................................................................................................... 242
4. LA CARTOGRAPHIE COGNITIVE .................................................................... 243
4.1 La cartographie cognitive, une nouvelle perspective en gestion.......................... 244
-
XI
4.1.1 Lorigine de la cartographie cognitive ........................................................ 244
4.1.2 La dfinition et le statut ontologique de la carte cognitive ......................... 246
4.1.3 Les applications de la carte cognitive en gestion ........................................ 251
4.2 Les classements et les mthodes de construction dune carte cognitive .............. 258
4.2.1 Une typologie des cartes cognitives ............................................................ 258
4.2.2 La composition dune carte cognitive ......................................................... 261
4.2.3 Les techniques de construction : la collecte des donnes............................ 265
4.2.4 Les techniques de construction : le codage des donnes............................. 273
4.2.5 Les modles de prsentation ....................................................................... 278
4.2.6 La validit et la fiabilit de loutil ............................................................... 280
4.3 Lanalyse des donnes.......................................................................................... 283
4.3.1 Lanalyse structurelle des cartes cognitives ................................................ 283
4.3.2 Une prsentation de Decision Explorer.................................................... 290
4.4 Les apports et les limites de la carte cognitive..................................................... 292
4.4.1 Les apports de loutil................................................................................... 292
4.4.2 Les limites dune carte cognitive ................................................................ 298
4.4.3 Les critres spcifiques loutil.................................................................. 303
4.5 Conclusions .......................................................................................................... 306
II. UNE ENQUTE SUR LA PERCEPTION DES DIRIGEANTS DE PME......... 308
5. VERS UN CADRE MTHODOLOGIQUE APPROPRI.................................. 310
5.1 Une vision globale du cadre de la recherche........................................................ 312
5.1.1 Le positionnement de la recherche.............................................................. 312
5.1.2 Les postulats et les principaux objectifs de recherche ................................ 315
5.2 La dmarche de recherche.................................................................................... 318
5.2.1 Lchantillon ............................................................................................... 318
5.2.2 Le processus en cinq phases........................................................................ 321
5.2.3 Le guide dentretien .................................................................................... 324
5.3 Les indicateurs danalyse ..................................................................................... 326
5.3.1 La prsentation gnrale de lanalyse ......................................................... 326
5.3.2 Les indicateurs de la complexit ................................................................. 327
-
XII
5.3.3 Les quatre indicateurs de lanalyse topographique ..................................... 329
5.4 Conclusions .......................................................................................................... 332
6. ANALYSES DES CARTES COGNITIVES, CARACTRISTIQUES
PRINCIPALES......................................................................................................... 333
6.1 Lanalyse de la complexit des cartes cognitives................................................. 335
6.2 Les rsultats des analyses carte par carte ............................................................. 342
6.2.1 Lanalyse des perceptions du dirigeant A ................................................... 342
6.2.2 Lanalyse des perceptions du dirigeant B ................................................... 346
6.2.3 Lanalyse des perceptions du dirigeant C ................................................... 349
6.2.4 Lanalyse des perceptions du dirigeant D ................................................... 353
6.2.5 Lanalyse des perceptions du dirigeant E.................................................... 357
6.2.6 Lanalyse des perceptions du dirigeant F.................................................... 360
6.2.7 Lanalyse des perceptions du dirigeant G ................................................... 363
6.2.8 Lanalyse des perceptions du dirigeant H ................................................... 367
6.2.9 Lanalyse des perceptions du dirigeant I..................................................... 371
6.2.10 Lanalyse des perceptions du dirigeant J..................................................... 373
6.2.11 Lanalyse des perceptions du dirigeant K ................................................... 377
6.2.12 Lanalyse des perceptions du dirigeant L.................................................... 382
6.2.13 Lanalyse des perceptions du dirigeant M................................................... 385
6.3 Les rsultats globaux............................................................................................ 389
6.3.1 Lanalyse des problmatiques centrales...................................................... 389
6.3.2 Lanalyse des explications et des consquences ......................................... 398
6.3.3 Lanalyse des regroupements et des boucles............................................... 408
6.4 Lanalyse des parties prenantes dans les reprsentations des dirigeants.............. 411
6.4.1 Frquence versus centralit des parties prenantes....................................... 411
6.4.2 Lapplication de la typologie de Mitchell et ses collaborateurs (1997) ...... 416
6.5 Apart sur les PME avec activits internationales ............................................... 427
6.6 Conclusions .......................................................................................................... 432
7. PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS ................................................... 434
7.1 Propositions sur la responsabilit sociale des PME ............................................. 436
7.1.1 Propositions issues de la littrature ............................................................. 436
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XIII
7.1.2 Propositions issues de lenqute empirique ................................................ 439
7.2 Propositions et recommandations pour la cognition managriale........................ 454
7.2.1 Propositions pour la cognition managriale ................................................ 454
7.2.2 Recommandations sur la cartographie cognitive ........................................ 461
7.3 Recommandations finales sur la responsabilit sociale des PME........................ 465
7.4 Conclusions .......................................................................................................... 469
8. CONCLUSION GNRALE ................................................................................. 471
8.1 Les principales contributions de la recherche ...................................................... 471
8.2 Les limites de la recherche ................................................................................... 474
8.3 Les perspectives de dveloppement de la recherche ............................................ 475
ANNEXES ............................................................................................................... 477
Annexe 1 : Le guide dentretien....................................................................................... 478
Annexe 2 : Une vue densemble des entretiens................................................................ 479
Annexe 3 : Le protocole de codage.................................................................................. 480
Annexe 4 : Les fiches de codage...................................................................................... 481
Annexe 5 : Les cartes cognitives...................................................................................... 516
Annexe 6 : Une application des cartes dans la gestion des interactions .......................... 530
Annexe 7 : La carte comme outil de formation................................................................ 543
INDEX ............................................................................................................... 546
Index des tableaux............................................................................................................ 546
Index des figures .............................................................................................................. 550
Index des graphiques........................................................................................................ 552
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 553
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XIV
LISTE DES ABRVIATIONS
AFNOR Association Franaise de Normalisation AIREPME Association Internationale de Recherche en Entrepreneuriat et
en PME
BSR Business Social Responsibility CBP Code de Bonne Pratique CBSR Canadian Business for Social Responsibility CERES Coalition for Environmentally Responsible Economies CIFEPME Congrs International Francophone sur lEntrepreneuriat et la
PME
CO Code des Obligations CSR Corporate Social Responsibility
(en franais voir RSE)
DD Dveloppement Durable DIN Deutsche Industrie Norm EFT Embedded Figures Test EMAS Eco-Management and Audit Scheme ESG Environnemental, Social et Gouvernance FAO Food and Agricultural Organisation FMI Fond Montaire International GE Grande(s) Entreprise(s) GRI Global Reporting Initiative GRH Gestion des Ressources Humaines IBLF International Business Leaders Forum ICSB International Council for Small Business ISO International Standard Organization JBV Journal of Business Venturing JSBM Journal of Small Business Management NRE Nouvelles Rgulations conomiques OFS Office Fdral de la Statistique OCDE Organisation de Coopration et de Dveloppement conomique OHSAS Occupational Health and Safety Assessment Series OIT Organisation Internationale du Travail
(en anglais ILO : International Labour Organization)
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XV
OMC Organisation Mondial du Commerce (en anglais WTO : World Trade Organization)
ONG Organisation Non Gouvernementale ONU Organisation des Nations Unies OSEC Office Suisse dExpansion Commerciale PME Petite(s) et Moyenne(s) Entreprise(s)
(en anglais voir SME)
PNUD Programme des Nations Unies pour le Dveloppement PNUE Programme des Nations Unies pour lEnvironnement PRI Principles for Responsible Investment RIPME Revue Internationale de la PME RSE Responsabilit Sociale (ou Socitale) dEntreprise
(en anglais voir CSR)
SAI Social Accountability International SECO Secrtariat dtat lconomie SME Small and Medium Enterprises
(en franais voir PME)
SMEA Systme de Management Environnemental et dAudit SNV Schweizerische Normen-Vereinigung SPI Social Performance Indicators TIC Technologies de lInformation et de la Communication TPE Trs Petite(s) Entreprise(s) UE Union Europenne WEF World Economic Forum WBCSD World Business Council for Sustainable Development
(en franais : Conseil mondial des affaires pour le dveloppement durable)
-
1. Introduction gnrale
1
1. INTRODUCTION GNRALE
1.1 La problmatique de recherche
Cette thse de doctorat sinscrit dans le dbat sur le rle jou par les petites et
moyennes entreprises (PME) concernant la thmatique de la responsabilit sociale des
entreprises (RSE). Nous proposons ici une approche cognitive de la responsabilit sociale,
approche que nous illustrons au travers des reprsentations de dirigeants de PME.
La RSE est aujourdhui omniprsente. Depuis dj plus de 50 ans, les praticiens et la
recherche acadmique cherchent comprendre et analyser la responsabilit sociale des
entreprises. Des auteurs comme Bowen (1953), Carroll (1979) ou Freeman (1984) se sont
penchs sur la thmatique et ont gagn en reconnaissance grce leurs recherches relatives
la RSE. Mme si son dveloppement nest pas nouveau, la RSE na jamais t aussi
populaire. Le phnomne a pris de limportance au fil des annes et occupe aujourdhui sa
place au cur de la stratgie dentreprise (Capron M., Quairel-Lanoizele F., 2007).
Diffrentes dfinitions de la notion de RSE se sont succdes gardant globalement en
commun lide que la RSE rfre aux obligations dune firme envers la socit ou plus
spcifiquement envers les parties prenantes de cette firme, cest--dire ceux qui sont affects
par la politique et les pratiques de cette dernire (Freeman R.E., 1984). Mme si un consensus
existe sur le fait que la RSE est concerne par les obligations sociales des firmes, il y a peu de
certitude sur la nature et la porte de ces obligations (Smith N.C., 2003).
De la recherche en RSE sest dveloppe la thorie des parties prenantes, maintenant
bien tablie dans la littrature managriale. Cette thorie est centre sur lide que les
entreprises ont des parties prenantes et conoit lentreprise comme une entit intgre dans un
environnement de relations et de rseaux sociaux. Une ide de plus en plus prgnante est que
la responsabilit sociale dune entreprise peut tre dfinie par les consquences de ses actions
sur ses parties prenantes (Ackerman R.W., Bauer R.R., 1977). La thorie des parties prenantes
peut tre considre comme le fondement thorique des thmatiques de RSE. Les notions de
responsabilit sociale dentreprise et de parties prenantes sont conceptuellement lies. Les
chercheurs utilisent dailleurs souvent une notion pour en expliquer lautre car on ne peut
parler de responsabilit sans faire rfrence un individu ou un groupe envers lequel on se
-
1. Introduction gnrale
2
sent responsable. Lanalyse de la relation dune entreprise avec ses parties prenantes clarifie
les objectifs primordiaux que les stratgies sociales doivent atteindre.
Chaque entreprise, au regard de sa direction stratgique spcifique, possde un
ensemble unique de parties prenantes. La thorie des parties prenantes permet de dcrire et
parfois mme dexpliquer les comportements ou les dcisions spcifiques dune entreprise
vis--vis de cet ensemble unique (Donaldson T., Preston L.E., 1995). Daprs Ackermann et
Eden (2003), prter attention aux parties prenantes pourrait avoir un effet prpondrant sur la
probabilit et la faisabilit des stratgies de lentreprise, mais la gestion des parties prenantes
ne sera pas la mme en fonction du type dentreprise. Pour les PME, par exemple, les
relations sont par hypothses plus informelles, bases sur la confiance, lintuition et ralises
par des contacts personnels (Jenkins H., 2004).
Malgr la spcificit de la gestion des parties prenantes, les travaux en RSE
napportent jusqu prsent que peu dclairage sur la responsabilit sociale des PME. En
effet, la notion a t conue pour les grandes entreprises (GE) et la recherche sest
principalement focalise sur le comportement des grandes firmes multinationales, ngligeant
ainsi la population des PME (Jenkins H., 2004).
Si limpact social des multinationales constitue aujourdhui une vidence, limpact des
PME ne devrait pas tre minimis. Ces dernires sont, en effet, la forme dominante
dorganisations dans le paysage socio-conomique europen et mondial, o elles reprsentent
plus de 95% des entreprises et environ deux tiers des emplois du secteur priv (OCDE, 2007).
Avec cette reprsentativit et le contexte actuel de libration des marchs, lenjeu dune
responsabilit sociale pour les PME devient essentiel. De ce fait, ignorer les PME lors de
ltude de la RSE, cest ignorer une tranche importante de lactivit conomique.
Malgr leur importance en termes dimpact global et bien quil y ait un intrt
croissant pour ltude de la RSE, les PME nont reu que peu dattention comme objet de
recherche en RSE. Pourquoi les PME ont-elles t ignores ? On peut donner comme
principale raison limpact individuel insignifiant des petites entreprises. En effet, quand elles
sont considres individuellement, les PME ont un impact bien moins spectaculaire que celui
des GE dont les consquences dune seule dcision peuvent tre dvastatrices. Les PME ont
jusqualors plutt t encourages tre spectatrices de lactivisme social et se concentrer
sur le fait dviter un comportement socialement irresponsable (Thompson J.K., Smith H.L.,
1991).
-
1. Introduction gnrale
3
La RSE est aujourdhui une ralit qui simpose tout type dentreprise. Cependant,
les contours de cette notion restent flous. La pluralit des dfinitions de la RSE en est une
dmonstration. Ces divergences dinterprtation du concept sont rvlatrices des conflits sur
le rle de lentreprise dans la socit. Le rle des PME est-il alors spcifique (voir : Fischer
W.A., Groenveld L., 1976; Chrisman J.J., Fry F.L., 1982; Jenkins H., 2004) ? Il est
maintenant reconnu que les PME ne sont pas des miniatures des GE (Welsh J.A., White J.F.,
1981a/b). Le paradigme1 de la spcificit des PME a souvent t mis mal mais il reste
malgr tout le courant dominant. Il postule de repenser les notions et les outils de gestion
adapts la spcificit des PME (Torrs O., Julien P.-A., 2005). Dans la relation entre
lentreprise et la socit, la spcificit des PME est vidente. Lune des caractristiques de
cette spcificit qui est particulirement intressante est la place centrale du dirigeant dans la
stratgie de lentreprise. La recherche relative la PME et son dirigeant sest dailleurs
fortement dveloppe depuis les annes 80 (Julien P.-A., Marchesnay M., 1988).
La GE a fond les normes suivre en matire de RSE et ces dernires ne sont pas
forcment solubles dans la PME. Ces grands principes de RSE dvelopps depuis des
dcennies pour les GE sont-ils applicables en PME ? Rien nest moins sr. Cest en tout cas la
question que commencent se poser plusieurs chercheurs spcialistes de la PME (voir :
Spence L.J., Rutherfoord R., 2003; Jenkins H., 2004). Il faudrait, selon ces derniers, redfinir
le concept de RSE sous langle de la PME. Un danger de se concentrer sur les GE lors des
dbats sur la RSE est de proposer des solutions en termes dencouragement qui ne sont pas
pertinentes pour les PME. Lengagement des dirigeants, pierre angulaire de la stratgie en
PME, sera alors plus difficile. Cette difficult peut dj tre identifie avec les outils
mergents de la RSE (Jenkins H., 2004). Au regard de ces rflexions on ne peut non
seulement plus ngliger les PME dans la discussion sur la RSE, mais de plus, on se doit
dappliquer une dfinition approprie de la RSE.
La RSE peut tre interprte comme un construit qui varie en fonction de lentreprise
mais aussi de lacteur qui en parle. Cest un concept contingent dont une partie du contenu
sera une fonction de lactivit de lentreprise mais aussi de la perception de ses acteurs.
Lintrt danalyser cette thmatique sous un angle cognitif vient dune part de la spcificit
des PME avec la forte influence des dirigeants sur la stratgie et dautre part de la complexit
et de laspect contingent de la thmatique. En effet, une approche cognitiviste permet de
1 Paradigme : ensemble de postulats gnralement implicites sur les lments qui constituent le monde et dont
linfluence est dautant plus forte quil est partag (Vidaillet B., 2003a).
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1. Introduction gnrale
4
rendre compte et de grer ces diffrents aspects. Avec une telle approche, ladaptation du
concept de RSE pour les PME implique forcment une meilleure comprhension des
perceptions des dirigeants. La stratgie de RSE dpend des schmes cognitifs des dirigeants
dentreprise et, mme si le construit en lui-mme rsulte de linteraction de lensemble des
parties prenantes, une analyse de la perception des dirigeants constitue nanmoins un lment
dterminant (Mercier S., 2004).
Lapproche cognitiviste considre lorganisation comme un ensemble de
reprsentations individuelles et collectives quil faut identifier et accorder. Dans cette
approche, les hommes sont considrs comme des acteurs qui construisent leurs propres
reprsentations de lorganisation. Les tudes sur la cognition managriale considrent la
perception de lenvironnement externe par les managers comme un facteur dterminant des
dcisions stratgiques (Huff A.S. et al., 1990). La perception tant le processus par lequel le
manager slectionne, organise, interprte et rcupre linformation que lui transmet
lenvironnement. Dans une perspective cognitiviste, on reconnat gnralement que le
manager ne peut apprhender la ralit qu travers ses perceptions. De ses perceptions
dpendent le diagnostic ou la formulation de problmes et les solutions apportes (voir : Eden
C. et al., 1983 ; Schwenk C.R., 1988 ; Eden C., 2004).
La stratgie va dpendre de la relation des dcideurs avec lenvironnement. Elle est
perue comme un produit cognitif et de ce fait minemment subjectif alors que dans les
modles traditionnels de gestion stratgique, tous les dcideurs sont supposs avoir la mme
logique. Or, certaines tudes cognitives sur la reprsentation de la concurrence2 montrent que
les managers ont des schmes de pense qui leur sont propres et quil ny a pas de
reprsentation commune ou de pense unique . Pour Cossette (2004, p.95) : Les
stratgies ne tombent pas du ciel. Elles ne sont pas dtermines par les menaces et
opportunits de lenvironnement, ni par les forces et faiblesses de lorganisation. Elles sont
cres par des dcideurs qui ont chacun leur histoire personnelle et qui peroivent,
interprtent et prvoient partir de leurs propres schmes .
Les chercheurs de lcole cognitive soutiennent habituellement lexistence de
structures mentales organisant linformation retenue. Ils considrent que les dirigeants
reprsentent les connaissances de leur entreprise sous la forme de modles mentaux ou
cognitifs qui les guideront dans leurs dcisions (Daniels K. et al., 1994). On va chercher dans
2 On peut citer ce sujet les tudes de Gripsrud et Gronhaug (1985) ; Porac et al. (1989) ; Reger et Huff (1993) ;
Daniels et al. (1994).
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1. Introduction gnrale
5
une approche cognitiviste dfinir les schmes cognitifs des acteurs qui vont dterminer le
traitement de linformation.
Dans une PME, o le pouvoir et la dcision sont fortement centraliss, la personnalit
et les reprsentations du dirigeant auront une influence prpondrante sur la politique et le
dveloppement de lentreprise. Selon Quinn (1997), le dirigeant de PME est plus mme de
faire prvaloir son thique personnelle dans sa gestion quun dirigeant ou un cadre suprieur
dans un grand groupe. Il est aussi plus directement responsable de ses actes (dun point de vue
lgal comme dun point de vue organisationnel) contrairement au flou des responsabilits qui
existe parfois dans les organisations matricielles dentreprises multinationales. Son systme
de valeurs et sa conception de lthique seront des composantes critiques des dcisions
organisationnelles et stratgiques (Hornsby J. et al., 1994 ; Courrent J.-M., 2003). Pour
Quairel-Lanoizele et Auberger (2004), la mise en place dun outil de RSE dans une PME
ncessite de trouver ou de construire une cohrence entre les reprsentations du dirigeant,
loutil, les ressources de lentreprise et les pressions des parties prenantes. Ltude des
reprsentations du dirigeant est en consquence une tape indispensable la recherche de
cette cohrence.
Cette thse sinscrit dans les recherches en cognition managriale et se propose
danalyser les reprsentations de dirigeants de PME laide dune technique courante dans les
approches cognitivistes, celle de la cartographie cognitive. Il sagit dune technique de
modlisation graphique de la cognition. Il existe de nombreux travaux en sciences de gestion
sappuyant sur les techniques de cartographie cognitive. Les contextes dutilisation peuvent
varier mais concernent habituellement la stratgie des entreprises. La carte cognitive nest pas
le seul outil3 danalyse de la cognition managriale, mais cest le plus populaire pour la
prsentation des structures cognitives.
En rsum, un double constat est au cur de la discussion qui conduit la dfinition
de la problmatique de cette recherche. Premirement, la recherche en RSE sest jusqualors
principalement focalise sur les GE en ngligeant consciemment la population des PME qui
reprsente pourtant deux tiers des emplois du secteur priv dans le monde. Deuximement, les
dirigeants de PME ont une forte influence sur la stratgie de lentreprise et par extension sur
les aspects de responsabilit sociale de leur entreprise. Ces deux propositions encouragent
3 Parmi les autres techniques de lapproche cognitive des organisations on peut citer : les schmas, les scripts, les
systmes de rgles ainsi que les modles mentaux (Stubbart C., 1989).
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1. Introduction gnrale
6
notre initiative de recherche exploratoire auprs des responsables de PME et le choix dy
appliquer une approche cognitive de lorganisation (Aegerter D., 2006a/b).
1.2 Les objectifs de la recherche
Tel que le titre de ce travail le laisse supposer, lobjectif gnral est de mieux
comprendre les perceptions des dirigeants de PME concernant la responsabilit sociale de leur
entreprise. Lobjectif de cette recherche va au del de la seule reconnaissance de la pertinence
de ltude de la responsabilit sociale des PME et consiste explorer les reprsentations de
dirigeants de PME sur leurs croyances en matire de RSE. Cette recherche est dans ce sens un
premier pas pour redfinir le concept RSE sous langle PME et mieux comprendre comment
les parties prenantes sont intgres dans ce concept.
Lanalyse qualitative et exploratoire qui est propose dans ce travail vise dgager la
pluralit des reprsentations sur la RSE manant de discours de dirigeants de PME, den
extraire les spcificits et les convergences et de rendre compte des thmatiques abordes et
des parties prenantes prises en compte. La cration dune typologie nest pas un objectif
prioritaire de recherche, car, comme le souligne Marchenay (1993, p.74), Pour lessentiel, la
question majeure porte sur lintrt de dresser des typologies : si les typologies sont simples,
elles sont fausses, et, complexes, elles sont inutilisables. Conformment lapproche
individualiste, la tendance voudrait que lon dresse des typologies par type de problme
tudi. Le sentiment prvaut que lanalyse des perceptions du dcideur prsente plus dintrt
que les rponses rationalises, ce qui souligne la ncessit du recours des enqutes en
profondeur . Lobjectif de ce travail est essentiellement de fournir des propositions sur la
responsabilit sociale des PME et de tirer de ces propositions des recommandations destines
aux dirigeants de PME mais aussi aux institutions de promotion de la RSE. Lintention nest
pas ici de fournir une analyse statistique mais bien de peindre une image des croyances de
dirigeants de PME.
Notre objet de recherche est n de lalliance dobjets thoriques, empiriques et
mthodologiques. Les objets thoriques sont essentiellement la cognition managriale et la
responsabilit sociale des PME. Les reprsentations de dirigeants de PME sont lobjet
empirique et la cartographie cognitive sert ici doutil mthodologique. La figure suivante
schmatise et rcapitule le modle de recherche utilis.
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1. Introduction gnrale
7
Figure 1 : Le modle de recherche
Source : format inspir dAllard-Poesi F., Marchal C.-G., 2003
Notre recherche vise une meilleure comprhension de la responsabilit sociale des
PME. En plus de modliser les reprsentations susmentionnes, une approche cognitive de
lorganisation ouvre la voie lidentification des principales problmatiques et des principaux
points de sensibilisation des dirigeants de PME. On peut distinguer les thmatiques qui sont
cruciales pour les dirigeants de PME et connatre les risques et les enjeux sociaux perus par
les dirigeants (Aegerter D., 2006a/b).
La question centrale de notre recherche porte sur la manire dont les dirigeants de
PME peroivent le concept de RSE. Cet objet de recherche est large et peut tre dcompos
en questions plus prcises et plus opratoires. Nos principales interrogations ou questions de
recherche sont de lordre des suivantes : comment les dirigeants de PME dfinissent-ils la RSE ? Quelles sont les problmatiques cls ? Quels sont les facteurs dexplication et les
consquences prises en compte ? Quelles sont les dimensions particulires partir desquelles
les dirigeants organisent leur perception ? Quels sont les chemins de rflexion privilgis ?
Quelles sont les principales parties prenantes ? Comment sintgrent-elles dans les
croyances ? Toutes ces questions serviront dappui pour la formulation de propositions lors de
la discussion sur les rsultats issus de lenqute empirique.
La construction de cartes cognitives et leur analyse approfondie vont permettre
desquisser une premire rponse ces questions. Des contradictions latentes au sein des
schmes mentaux peuvent ainsi tre rendues explicites, ce qui permet de reflter une image
peut-tre moins idalise mais plus juste de ce quest la RSE des PME. Cest une nouvelle manire dapprhender la RSE avec un cadre mthodologique spcialement adapt une
Objets thoriques :
La cognition managriale
La RSE dans les PME
Objet empirique :
La perception de dirigeants
de PME
Objet mthodologique :
La cartographie cognitive
Objet de recherche :
Comprendre les perceptions quont les dirigeants de PME de la responsabilit
sociale de leur entreprise laide de la cartographie cognitive
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1. Introduction gnrale
8
spcificit des PME, celle davoir un dirigeant dont les valeurs influencent directement la
stratgie de lentreprise.
1.3 Lintrt de la recherche
Cette recherche prsente de nombreux intrts. Au niveau thorique, elle a pour
ambition de pallier un manque vident de connaissances sur la RSE des PME. Lintrt
croissant pour lanalyse des parties prenantes et pour lanalyse des objectifs autres que les
objectifs purement conomiques de maximisation du profit est d, entre autres, aux progrs
technologiques et louverture des marchs qui ont modifi les conditions de prennit des
entreprises. La conception de la responsabilit et la prise en compte des parties prenantes sont
devenues particulirement importante dans une conomie globale dont les petites entreprises
veulent de plus en plus profiter (Aegerter D., 2006a/b).
Au niveau du cadre mthodologique, lemploi dune technique de cartographie
cognitive apporte une rflexion sur lutilisation doutils cognitifs pour les PME et plus
largement pour la recherche managriale, loin des traditionnels modles no-classiques.
Larticle de Randall et Gibson (1990) sur les procdures utilises pour tudier lthique des
affaires montre que jusque dans les annes 90 plus de 80% des recherches se concrtisent
partir de questionnaires ou de scnarii. Ils en retirent comme conclusion que ces mthodes
amnent des rponses manquant cruellement de ralisme et forant le rpondant se loger
dans des catgories trop troitement dfinies lavance. Cette thse est galement soutenue
par Hornsby et ses collaborateurs (1994) qui explorent le champ plus restreint mais qui est
directement reli cette recherche, celui de la dimension thique des dcisions au sein des
PME. Selon les auteurs, il existe quelques tudes sur la perception thique des dirigeants mais
la plupart de ces tudes utilisent des questions fermes ou des questionnaires avec un nombre
de thmatiques restreint (pour les pionniers voir : Wilson E., 1980 ; Chrisman J.J., Fry F.L.,
1982 ; Brown D.J., King J.B., 1982 ; Chrisman J.J., Archer R.W., 1984 ; Longenecker J.G. et
al., 1989). Cependant, la conceptualisation de la RSE est diffrente dun acteur social
lautre. De plus, des questions cruciales comme connatre le type de parties prenantes
significatives pour les PME, comment ces dernires sengagent avec elles et quelle est la
nature de leurs relations, sont rarement poses.
La cartographie cognitive est une technique maintenant bien tablie de capture de la
pense des managers propos dun problme ou dune situation particulire (Ackermann F.,
Eden C., 2001). Une carte cognitive permet de visualiser certaines ides et croyances propres
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1. Introduction gnrale
9
un individu, concernant un domaine complexe comme la RSE. Lavantage principal de
telles reprsentations graphiques est de faciliter la vue densemble, la prsentation et
linterprtation des aspects capturs de la cognition (Fuglseth A.M., Gronhaug K., 2002). La
construction de cartes cognitives va permettre de renvoyer une image structure au dirigeant
pour une prise de conscience de ses perceptions, mais elle permet aussi de les partager avec
dautres personnes servant ainsi de support de communication (Aegerter D., 2006a/b).
Loutil utilis avec la problmatique traite dans cette recherche apportent la
pratique managriale une nouvelle vision de la RSE pouvant servir, entre autres, une
sensibilisation des entreprises. Lintrt de notre tude est daller au cur des PME et den
extraire la substance premire, la perception des dirigeants. Une analyse des perceptions de
dirigeants par le biais dune dmarche cognitive constitue une tape indispensable la
comprhension de la RSE des PME. Cette dmarche a pour but daboutir une meilleure
adquation des rponses apporter aux PME (Aegerter D., 2006a/b).
1.4 Le cadre mthodologique global
Une des caractristiques de cette thse rside dans la raret des travaux portant sur
ltude de la RSE pour les PME. Sparment, la littrature sur les deux sujets est abondante
mais le carrefour des deux thmatiques reste pourtant peu dvelopp. Ds lors, une recherche
exploratoire de terrain simpose, rvlant une dmarche abductive4 dans la mesure o elle part
dobservations et est base sur des allers-retours entre la littrature et les rsultats dune tude
exploratoire qualitative (Glaser B.G., Strauss A.L., 1967). Contrairement au test avec lequel
le chercheur met lpreuve de la ralit un objet thorique, lexploration permet en partant
dune enqute empirique, de crer des propositions nouvelles. Dans une dmarche abductive,
on prend un contexte complexe quon explore ici laide dune technique de cartographie
cognitive. Nous procdons un examen des observations et des connaissances thoriques
pour donner du sens aux observations (Charreire S., Durieux F., 2003).
La prsente thse sinspire de plusieurs rfrentiels thoriques et mthodologiques. La
revue de la littrature peut se diviser en trois thmatiques qui correspondent aux chapitres 2, 3
et 4 de cette thse. Ces trois thmatiques sont la cognition managriale, la responsabilit
sociale des PME et la cartographie cognitive. Cette revue de la littrature amne la 4 Labduction consiste laborer une observation empirique qui relie une rgle gnrale une consquence, cest--
dire qui permette de retrouver la consquence si la rgle gnrale est vraie (David A., 2001, p.85). Le terme est considr dans ce travail comme synonyme celui dadduction (voir : Thitart R.-A., 2003).
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1. Introduction gnrale
10
construction des cartes cognitives, leurs analyses ainsi qu la formulation de propositions et
de recommandations. Cette dernire tape se ralise de manire itrative laide des rsultats
issus de lanalyse des cartes mais aussi laide dun retour sur la littrature dveloppe pour
la RSE des PME et pour la cognition managriale (Yin R.K., 1990).
Concernant la revue de la littrature, la recherche en cognition managriale sest
construite partir de la littrature sur les approches cognitives en sciences de gestion. Des
rfrences sur la stratgie, le leadership ou encore la psychologie ont galement t prises en
compte afin dclaircir certaines notions centrales.
Concernant la littrature sur la responsabilit sociale des PME, la recherche a consist
dans un premier temps en une prospection darticles et de livres concernant la RSE afin de
trouver des dfinitions, un historique de la notion, une rflexion sur la thmatique, des cas
pratiques, un dveloppement sur la thorie des parties prenantes et sur les normes sociales
existantes. En plus des articles de revues scientifiques, nos recherches se sont tournes vers
les publications institutionnelles et gouvernementales au niveau suisse, europen et mondial.
Dans un deuxime temps, une prospection darticles et de livres sur la PME a t ralise
avec plus spcifiquement la recherche dinformations sur la dfinition des PME, leurs
spcificits ou encore des problmatiques gnrales lies la recherche en PME. L encore,
en plus des articles de revues scientifiques, nos investigations se sont orientes vers les
publications de gouvernements ou dinstitutions suisses, europennes et mondiales. La
recherche sest alors concentre sur les rfrences traitant directement de la RSE ou de
lthique en PME. Lorsquun article ou un ouvrage correspondait notre problmatique, sa
bibliographie a automatiquement t consulte pour largir nos sources. La bibliographie des
auteurs cls a galement t explore.
Finalement, la littrature sur la cartographie cognitive a t aborde de la mme
manire que pour les thmes prcdents. De nombreuses tudes utilisant la cartographie
cognitive ont t consultes afin de comparer des diffrents processus mthodologiques
possibles.
Les principaux mots cls pour la recherche active darticles taient :
- en franais : cognition managriale, RSE ou Responsabilit Sociale
dEntreprise, PME, cartographie cognitive, carte cognitive,
- en anglais : managerial cognition, CSR ou Corporate Social Responsibility,
SME, cognitive mapping, cognitive map.
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1. Introduction gnrale
11
Le tableau qui suit liste les diffrentes revues scientifiques consultes, dont au moins
un article a t retenu comme source. On y trouve galement le nombre dautres rfrences
retenues.
Tableau 1 : Les principales revues scientifiques et autres rfrences Type de rfrence Nombre
Article de priodique 1
Dictionnaires spcialiss (psychologie) 4
Thses en gestion 6
Working Papers 10
Ouvrages collectifs (divers chapitres consults) 26
Actes de congrs scientifiques 29
Publications institutionnelles ou site Internet 54
Livres 59
Journaux et revues acadmiques 203
Revue Franaise de Gestion 25
Journal of Management Studies 21
Journal of Business Ethics 17
Academy of Management Review 15
Journal of Small Business Management 13
Revue Internationale PME 11
Administration Science Quarterly 8
Strategic Management Journal 8
British Journal of Management 5
Harvard Business Review 5
California Management Review 5
European Journal of Operational Research 4
American Journal of Small Business 3
Business Ethics Quarterly 3
Organization Science 3
Organization Studies 3
Revue de lEntrepreneuriat 3
Academy of Management Journal 2
Finance Contrle Stratgie 2
Journal of Enterprising Culture 2
Management Science 2
Revue des Sciences de Gestion 2
Academy of Management Executive 1
American Sociological Review 1
Annual Review of Psychology 1
Bulletin de psychologie 1
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1. Introduction gnrale
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Bulletin Oeconomia Humana 1
Business & Economic Review 1
Business and Society 1
Business Horizon 1
Canadian Journal of Administrative Science 1
Economies et Socits 1
Environment and Behavior 1
European Management Journal 1
Human Relations 1
International Journal of Information Management 1
International Small Business Journal 1
Journal of Business Policy 1
Journal of Communication Management 1
Journal of Conflict Resolution 1
Journal of Financial Economics 1
Journal of General Management 1
Journal of Industrial Economics 1
Journal of International Business Studies 1
Journal of Socio-Economics 1
Journal of the Operational Research Society 1
Kyclos 1
Leadership Quarterly 1
Management Decision 1
Operational, Research Society 1
Organizational Research Methods 1
Personnel Administrator 1
Piccola Impresa 1
Psychological Review 1
Public Relation Review 1
Relations Industrielles 1
Revue du Mauss 1
Revue conomique et Sociale 1
Revue Internationale de Gestion 1
Revue Internationale de Systmique 1
Small Business Economics 1
Journal of Consumer Research 1
Theory Into Practice 1
TOTAL 392
Source : ralisation personnelle, bibliographie
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1. Introduction gnrale
13
Pour rpondre aux objectifs de recherche mentionns prcdemment, une enqute a t
mene auprs de dirigeants de PME suisses. Dans notre enqute, la perception est
apprhende laide dune technique de cartographie cognitive.
Nous avons retenu comme dmarche exploratoire lutilisation dtudes de cas
multiples (appeles parfois comparaisons inter-sites) (Yin R.K., 1990). Les tudes de cas
multiples cherchent une meilleure comprhension du phnomne tudi (Yin R.K., 1990 ;
Eisenhardt K.M., 1989). Elles consistent tudier un phnomne dans son cadre naturel en
travaillant avec un nombre limit de cas (Yin R.K., 1990). Elles sont particulirement
intressantes dans le cas dexploration de phnomnes peu connus. Les tudes de cas
multiples permettent ainsi de rendre compte des spcificits et des caractristiques de la RSE
des PME.
La faisabilit de lenqute empirique a t conditionne par ltat des connaissances
actuelles sur la responsabilit sociale des PME mais aussi par les possibilits daccs au
terrain de recherche. Les donnes proviennent de 13 PME qui sont considrer comme 13
cas. La dcision de baser notre tude sur un chantillon de PME de secteurs divers est fonde
sur lhypothse quune varit de problmatiques sera ainsi aborde. Un chantillon de
convenance a t construit dans la mesure o les dirigeants de PME interviews devaient tre
disposs livrer leur avis sur le sujet. Deux critres de slection ont t utiliss.
Premirement, le nombre demplois plein temps de lentreprise, qui devait tre strictement
infrieur 250 emplois. Deuximement, la personne interviewe devait imprativement tre
le dirigeant de lentreprise. Le souci de trouver des dirigeants prt discourir sur le thme de
la RSE est en soi un biais dtude pris en considration lors du traitement des donnes.
Loutput est une carte cognitive pour chaque dirigeant refltant leurs perceptions de la
RSE. Pour une des PME de lchantillon, la carte dune employe en charge dune
certification sociale a galement t construite. La comparaison de sa carte cognitive avec
celle du dirigeant a donn lieu une tude de cas prsente en annexe5.
Une carte cognitive est gnralement dfinie comme la reprsentation graphique des
croyances dune personne concernant un domaine particulier (Axelrod R. (dir.), 1976). Une
carte nest pas un modle scientifique bas sur une ralit objective, mais une reprsentation
dune partie du monde telle que la voit une personne en particulier (Eden C. et al., 1983).
Concrtement, une carte cognitive est un graphe dirig, compos de concepts (nuds) et de
5 Voir : Annexe 6 Une application des cartes dans la gestion des interactions.
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1. Introduction gnrale
14
liens (flches) entre ces concepts. Les nuds sont des concepts, cest--dire des ides
voques par le sujet (ici le dirigeant), alors que les flches reprsentent des liens unissant
certains concepts. Ces liens peuvent tre de diffrente nature mais seuls les liens dinfluence
positive ou ngative sont pris en considration dans notre tude.
La technique de cartographie utilise pour lenqute empirique est fortement inspire
des travaux dEden (voir par exemple : 1988, 1992, 2004) et de Cossette (voir par exemple :
1994a, 2001, 2002, 2004) en respectant les rgles de mthode communment admises pour
produire des donnes les plus fiables possibles (Axelrod R. (dir.), 1976 ; Huff A.S. (dir.),
1990). La mthode dentrevue retenue pour la cration de cartes cognitives est lentretien
individuel semi-directif. Lemploi de questions ouvertes vite de fournir au sujet un cadre de
rfrence qui nest pas le sien. Les dirigeants doivent arriver verbaliser au mieux leur
pense. Le logiciel Decision Explorer a facilit la construction et lanalyse topographique
des cartes6. Le processus mthodologique de notre recherche exploratoire menant la
ralisation de cartes cognitives est prsent en dtail dans la deuxime partie de ce travail.
1.5 La structure du travail
Cette thse se structure en deux parties, lune thorique et lautre empirique. Le travail
comporte en tout huit chapitres y compris un chapitre introductif et une conclusion gnrale.
La premire partie thorique est consacre un tat de lart autour de la cognition
managriale, de la RSE des PME et de la cartographie cognitive. La seconde partie empirique
prsente et discute les rsultats de lenqute empirique sur la perception de la responsabilit
sociale des dirigeants de PME.
La partie thorique est intitule Vers une approche cognitive de la responsabilit
sociale des PME et regroupe trois chapitres qui permettent dtablir limportance dtudier
la responsabilit sociale au sein des PME ainsi que lutilit dune approche cognitive de
lorganisation. Cest dans cette premire partie quest galement introduit et prsent loutil
carte cognitive. Le chapitre 2, intitul La cognition managriale , permet dintroduire
lapproche cognitive. Ce chapitre met en vidence lintrt mais aussi les caractristiques
dune approche cognitive de lorganisation. Les expressions cls du troisime chapitre intitul
La perception de la responsabilit sociale des PME sont comme le titre lindique la RSE et
la PME. Ces deux notions centrales notre analyse y sont clarifies. Ce chapitre sachve 6 Anciennement COPE puis Graphics COPE, dvelopp par Eden et al.
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1. Introduction gnrale
15
avec une revue de littrature de la recherche sur la RSE des PME et lintrt dtudier cette
thmatique sous un angle cognitif. Le dernier chapitre de cette partie thorique a pour titre
La cartographie cognitive et prsente loutil utilis dans lenqute empirique.
La seconde partie de cette thse, intitule Enqute sur la perception des dirigeants de
PME , expose le processus, les rsultats et les apports dune telle enqute. Le cinquime
chapitre, intitul Vers un cadre mthodologique appropri , sinscrit dans la continuit de
la partie prcdente puisquil se propose de prsenter la procdure utilise dans lenqute. Il
dcrit lchantillon de dirigeants sur lequel porte notre tude, prcise la mthode de collecte et
danalyse des donnes. Le chapitre six Analyses des cartes cognitives, caractristiques
principales est consacr lanalyse des rsultats. Il prsente en dtail les rsultats de
lanalyse des cartes cognitives des dirigeants. On y trouve les rsultats de lanalyse sur la
complexit des cartes, les problmatiques centrales, les explications et les consquences, les
regroupements et les boucles. Ces divers rsultats sont suivis dune discussion sur les parties
prenantes et dun apart sur la RSE et lactivit internationale des PME. La discussion du
septime chapitre sur les Propositions et recommandations est laboutissement de notre
recherche. Il dbute par une rflexion sur les apports de notre tude concernant les stratgies
sociales des PME, diffrentes propositions sont issues de la littrature et des rsultats de
lenqute empirique. Ces propositions font ensuite lobjet de recommandations. Une rflexion
est alors entame concernant lapport en cognition managriale avec galement quelques
recommandations concernant lutilisation des cartes cognitives.
On trouve finalement diffrents documents en annexe de ce travail dont le guide
dentretien, un tableau rcapitulatif des entretiens, le protocole et les fiches de codage, les
diffrentes cartes cognitives accompagnes de portraits dentreprises, une tude de cas sur
lutilisation des cartes cognitives dans la gestion des interactions et pour finir la prsentation
dun projet sur lutilisation de cartes comme outil de formation. Larchitecture retenue pour
cette recherche peut tre prsente par la figure 2 qui suit.
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1. Introduction gnrale
16
Figure 2 : Structure globale de la thse
Source : ralisation personnelle
3. tat de lart
RSE et PME
4. tat de lart
Cartographie cognitive
2. tat de lart
Cognition managriale
5. Construction
des cartes cognitives
6. Analyse
des cartes cognitives
7. Propositions et
recommandations
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I . Vers une approche cognitive de la responsabilit sociale des PME
17
I. VERS UNE APPROCHE COGNITIVE DE LA RESPONSABILIT SOCIALE DES PME
Ce travail sarticule en deux parties, une partie thorique et une partie empirique. Cette
premire partie thorique intitule Vers une approche cognitive de la responsabilit sociale
des PME a pour objectif de dmontrer lintrt daborder la thmatique de la responsabilit
sociale des PME, de le faire sous un angle cognitif et lintrt dutiliser pour son tude une
technique de cartographie cognitive.
Les travaux en RSE napportent jusqu prsent que peu dclairages sur la
responsabilit sociale des PME. Ces dernires reprsentent pourtant deux tiers des emplois du
secteur priv dans le monde. Ce sont les GE qui ont fond les normes suivre en matire de
RSE. Cependant, ces normes ne sont pas forcment pertinentes pour les PME. Lune des
principales spcificits de la PME vient de linfluence du dirigeant sur la stratgie de
lentreprise et par extension sur les aspects de responsabilit sociale. Ladaptation du concept
de RSE pour les PME implique forcment une meilleure comprhension des perceptions des
dirigeants.
Ce travail adopte une dmarche cognitiviste afin de prendre en compte non seulement
la complexit du concept de RSE, mais aussi linfluence du dirigeant de PME et de ses
valeurs sur la stratgie de son entreprise. Les perceptions des dirigeants de PME peuvent tre
modlises laide dune technique de cartographie cognitive. Lintrt principal de ce travail
est de chercher des rponses en profondeur concernant la perception de la responsabilit
sociale des PME.
Cette premire partie thorique se divise en trois grands chapitres. Le chapitre, intitul
La cognition managriale (chapitre 2), permet au lecteur de plonger immdiatement dans
lapproche cognitive de lorganisation et de saisir toute la subtilit dune telle approche. Le
chapitre suivant, intitul La perception de la responsabilit sociale des PME (chapitre 3),
amne au cur de la problmatique avec une prsentation de ltat actuel de la recherche sur
la responsabilit sociale des PME et lapport dune tude sur la cognition de son dirigeant.
Cette partie thorique se termine par un chapitre de prsentation dune technique de
modlisation de la cognition appele La cartographie cognitive (chapitre 4), technique
utilise pour la ralisation de lenqute empirique.
-
I. Vers une approche cognitive de la responsabilit sociale des PME
2. La cognition managriale
18
2. LA COGNITION MANAGRIALE
Les sciences cognitives sont un ensemble de disciplines concernes par la recherche
sur la pense humaine. La cognition managriale dsigne un courant de recherche
sintressant au manager en tant quindividu pensant. Le manager, appel aussi dirigeant,
nest plus lHomo oeconomicus la rationalit parfaite prn par le modle no-classique,
mais il devient un individu la rationalit limite devant traiter linformation surabondante
quil reoit.
travers la prsentation de lvolution de la recherche en cognition managriale et
lexposition de ses principaux concepts, ce chapitre a pour objectif principal de montrer la
richesse dune telle approche mais aussi de clarifier notre image de lacteur dans
lorganisation. Il semble en effet essentiel dexposer en dtail les fondements de la cognition
managriale, ceci afin de comprendre la pertinence et les buts dune approche cognitive de
lorganisation telle quelle est prsente dans la partie empirique de notre tude.
Les sciences cognitives sont approches par le contexte historique de recherche (2.1).
Aprs un essai de dfinition de ces dernires, cest plus spcifiquement la cognition
managriale qui est prsente. Le mythe de la rationalit pure et parfaite de l'Homo
oeconomicus est alors mis mal sous lgide des recherches dHerbert Simon (2.2). Les
diffrents modles cognitifs de recherche en organisation sont ensuite succinctement exposs
(2.3). Cette prsentation des modles cognitifs est suivie dune quatrime section sur la notion
de reprsentation mentale, point central de cette approche (2.4). La section qui clture ce
chapitre sur la cognition managriale livre quelques lments de recherche sur la relation
entre la stratgie dentreprise et les reprsentations du dirigeant (2.5).
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2. La cognition managriale
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2.1 Une introduction la cognition managriale
Lobjectif de cette section dintroduction la cognition managriale est de proposer
une base de connaissances en sciences cognitives permettant de mieux cerner le cadre dans
lequel les travaux en cognition managriale sinscrivent.
Cest initialement la relation entre le behaviorisme et le dveloppement des sciences
cognitives qui est examine (2.1.1), suivie dun essai de dfinition de ces dernires (2.1.2).
Aprs avoir indiqu le chemin entre la psychologie cognitive et la cognition managriale
(2.1.3), cette section sattarde sur les principales thses de lcole cognitive de lorganisation
(2.1.4). La section sachve par une rflexion sur les limites des recherches no-classiques en
organisation et sur lapport vraisemblable dune thorie cognitive en sciences de gestion
(2.1.5). Cette introduction ne prtend pas lexhaustivit sur le sujet mais vise faire ressortir
les points essentiels la comprhension de notre tude.
2.1.1 Du behaviorisme au cognitivisme ou lmergence des sciences cognitives
Ltude de la cognition managriale amne se pencher pralablement sur le
fondement des sciences cognitives. Afin de dcrire au mieux lmergence des sciences
cognitives, il faut remonter au grand courant qui les a prcdes et a domin la premire
moiti du XXme sicle, le behaviorisme (on parle aussi de comportementalisme). Une
volont de rupture avec cette approche behavioriste sest fait sentir ds les annes 50. Est
alors apparue une science pluridisciplinaire appele sciences cognitives . Avant dentrer
plus profondment dans une dfinition des sciences cognitives, une comparaison des postulats
de base permet de mieux comprendre en quoi ces deux approches sopposent.
La situation a bien volu depuis lapoge du courant behavioriste, datant du dbut du
XXme sicle, se contentant danalyser ce qui entoure la pense humaine, et considrant cette
dernire comme une mystrieuse black box (bote noire ou encore mystery box) impossible
dcortiquer. Un des grands fondateurs du behaviorisme, John Broadus Watson (1878-1958),
est un psychologue amricain dorigine canadienne dtermin en finir une fois pour toute
avec lintrospection qui dominait la psychologie au XIXme sicle. Lintrospection prnait
une dcortication des lments du cerveau humain jusque dans ses plus simples composantes
afin den rpertorier les structures (Goupil G., Lusignan G., 1993).
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Watson sest fortement inspir pour ses travaux des exprimentations du chercheur
Russe Ivan Pavlov (1849-1936). Ce dernier sintressait aux rflexes conditionns du
comportement animal. Pavlov est reconnu principalement pour ses recherches sur la scrtion
des glandes gastriques qui lui ont valu un prix Nobel de mdecine et de physiologie en 1904.
Les expriences les plus populaires de Pavlov sont celles quil a menes en laboratoire avec
des chiens. Il a dmontr quun chien peut saliver au simple son dune cloche si ce son est
pralablement associ de manire rptitive de la nourriture (Goupil G., Lusignan G., 1993).
Lexprience tait la suivante : la nourriture pour chien est un stimulus inconditionnel (SI) qui dclenche chez le chien une rponse de salivation appele rponse inconditionnelle (RI). Un tintement de cloche joint lapport de la nourriture est alors un stimulus neutre (SN). Si de manire rpte le tintement de cloche se fait entendre chaque fois quon prsente de la nourriture au chien, ce dernier associera ce son la nourriture elle-mme. A terme, le son de la cloche va dclencher la rponse de salivation mme en labsence de nourriture. Le son de la cloche devient alors le stimulus conditionnel (SC). Ce stimulus conditionnel est lorigine un stimulus neutre qui, par son couplage avec un stimulus dclenchant une rponse de manire stable arrive provoquer seul une rponse quil ne provoquait pas auparavant (Goupil G., Lusignan G., 1993).
En sinspirant de ces recherches, Watson participa la cration du courant
behavioriste. On se focalise prsent uniquement sur les comportements observables. Les
processus mentaux nont alors aucun rle causal dans lexplication des comportements.
Ds sa gense, le behaviorisme a essuy de vives critiques. Pour les dtracteurs, on ne
peut pas tudier lapprentissage sans tenir compte de la manire dont la connaissance se
construit chez un sujet. Au dbut des annes 20, un nouveau paradigme appel paradigme
dveloppemental est propos par le psychologue Jean Piaget (1896-1980). Ce paradigme est
le rsultat de recherches sur le dveloppement de lintelligence chez lenfant. Daprs Piaget,
ltre humain possde une organisation mentale quil dveloppe depuis sa naissance. Les
tapes du dveloppement sont troitement lies lenvironnement de la personne. LHomme
nest alors plus uniquement le rsultat dun conditionnement environnemental mais le produit
dune interaction avec son environnement. On parle alors de paradigme constructiviste, avec
lequel un individu construit la ralit au lieu de la dcouvrir. Le paradigme constructiviste a
fortement influenc le dploiement des thories cognitives. En psychologie, la victoire des
thories cognitives a t ds lors imminente (Getz I., 1994). On appelle thories cognitives les
thories qui sont concernes par la manire dont les individus construisent et organisent leurs
connaissances. Les connaissances ici voques nimpliquent aucun jugement de vrit et
peuvent tre de compltes illusions. Les psychologues cognitifs considrent alors que ces
connaissances sont organises dans lunivers cognitif des individus (Beauvois J.-L., Joule
R.V., 1981).
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Contrairement la doctrine behavioriste, les sciences cognitives cherchent
comprendre lvolution des organisations mentales et les relations qui les animent (Denzau
A.T., North D.C., 1994). Lapproche cognitive essaie de dmanteler et dtudier le
fonctionnement de la black box du comportement dans le but de dcouvrir ce qui se cache
entre le stimulus et la rponse. En utilisant une perspective cognitive, on fouille dans le
fonctionnement des botes noires des individus (Stubbart C., Ramaprasad A., 1990). Le
comportement nest plus considr comme un simple rflexe, mais sest charg dune certaine
finalit (Schneider S.C., Angelmar R., 1993). Les thories cognitives portent une attention
particulire linterprtation de la ralit, la faon qua un individu de traiter linformation
pour lui donner du sens travers ses perceptions. Le tableau qui suit compare les postulats de
base du behaviorisme avec ceux du cognitivisme. Il permet de mieux saisir la vision
diffrente porte sur lHomme par les chercheurs en sciences cognitives.
Tableau 2 : Le behaviorisme versus le cognitivisme
Behaviorisme Cognitivisme
Modle La psychologie animale Lordinateur
Nature et vision de lHomme, sujet de lanalyse
LHomme est un tre passif form par son environnement
LHomme est un tre actif form par son propre programme gntique et en interaction avec lenvironnement
Dveloppement Le dveloppement se fait par conditionnement, habitude et rptition
Le dveloppement se fait par maturation des comptences
Nature de lapprentissage Lapprentissage est une raction des stimuli externes
Lapprentissage rsulte de lapplication de mcanismes cognitifs
Nature de la connaissance La connaissance est un conditionnement par rptition
La connaissance est un processus de traitement de linformation et de construction du savoir
Source : inspir de Gauthier C., Tardif M., 2005
Les sciences cognitives sont jeunes car elles se dveloppent en mme temps que
linformatique. La mtaphore entre le fonctionnement du cerveau et de lordinateur les
domine. En effet, les sciences cognitives sintressent au traitement de linformation et
utilisent les ordinateurs comme modle de lesprit humain. Elles sont directement lies la
modlisation de lesprit. Le cognitivisme utilise des modles bass sur les logiques et, selon
les cognitivistes, lesprit est au cerveau ce que le programme informatique est lordinateur.
(Stubbart C., 1989).
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Les clbres confrences de Macy organises aux tats-Unis dAmrique entre 1946
et 1953 sous lgide de la fondation Josiah Macy Jr marquent la naissance des sciences
cognitives. Ces confrences runirent des chercheurs de disciplines a priori loignes dans le
but de dfinir une science ddie ltude du fonctionnement de lesprit. Des chercheurs
dune pliade de domaines tels que la psychologie, linformatique, les neurosciences,
lintelligence artificielle, la linguistique, la philosophie, les mathmatiques, lconomie et
mme lanthropologie se rassemblrent cette fin. Les modles dtude qui dcoulent de cette
pluridisciplinarit sont videment varis et prsentent des niveaux danalyse parfois trs
diffrents. Deux grandes orientations vont se dmarquer : la premire tudie les mcanismes
de la pense du point de vue de la logique, alors que la seconde les tudie un niveau
dexplication neurologique (Dupuy J.-P., 1994).
Au sein de cette pluridisciplinarit, la psychologie et linformatique ont form le
noyau central qui a conduit la naissance de la premire grande orientation des sciences
cognitives. Le besoin de reconnaissance des uns et des autres s'est traduit par la volont de
crer un nouveau domaine ayant pour objet d'tude la connaissance. Considre au dpart
comme une simple technique, une fois intgre dans les sciences cognitives, linformatique a
acquis du prestige et de la reconnaissance sociale grce au support de la psychologie. Quant
aux psychologues cognitifs, leur collaboration avec les informaticiens a permis d'introduire
rigueur formelle et logique dans leur discipline. Ces deux disciplines vont ensuite collaborer
directement avec des neurobiologistes pour dvelopper la deuxime grande orientation des
sciences cognitives (Chamak B., 2004).
Le premier laboratoire de recherche en sciences cognitives a t cr quelques annes
plus tard en 1960 Harvard par deux psychologues, Jrme Bruner et George Miller, qui, par
raction contre le behaviorisme, se sont eux aussi penchs sur ltude des mcanismes
mentaux. Ce nest toutefois que bien des annes aprs, et principalement durant les annes 80,
quont t dites les principales publications consacres aux sciences cognitives (Chamak B.,
2004).
Lissue du combat des sciences cognitives face au behaviorisme nest pas entirement
claire mais une chose est certaine, cest leffet incontestable que les sciences cognitives ont
exerc sur les disciplines qui les ont fondes. Encore ces effets nont-ils pas fini de se faire
sentir (Andler D. (dir.), 2004, p.39). Bien que les thories apportes sont loin dtre unifies
et sont mme parfois partiellement contradictoires, leur point commun est de remettre en
cause des principes solidement admis jusque l.
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2. La cognition managriale
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prsent que les sciences cognitives ont t places dans leur contexte historique et
que les postulats de base ont t exposs dans les grandes lignes, la prochaine tape est de
dresser une dfinition plus prcise de ces nouvelles sciences.
2.1.2 Les sciences cognitives, un essai de dfinition
Dans le but desquisser une dfinition des sciences cognitives, un claircissement
pralable sur la notion de cognition semble essentiel. Le terme cognition vient du grec cognos
qui signifie penser (Sims H.P., Gioia D.A. (dir.), 1986). Il nexiste cependant pas de
consensus universel sur le terme de cognition. Les principaux termes lui tant associs sont :
le langage, le raisonnement, la perception, la planification, le traitement de linformation,
lassimilation, lapprentissage, la communication, les processus et les tats mentaux (Cossette
P., 2004). La cognition comprend lensemble des activits qui permettent lesprit de traiter
linformation. Le terme cognition dsigne, dabord, lensemble des actes et processus de
connaissance, lensemble des mcanismes par lesquels un organisme acquiert de
linformation, la traite, la conserve, lexploite ; le mot dsigne aussi le produit mental de ces
mcanismes [] Il renvoie ncessairement des activits psychologiques, et revt ds lors un
sens plus spcifique que connaissance, qui sapplique aussi bien aux savoir accumuls
considrs indpendamment des sujets qui les ont acquis ou les utilisent (Richelle M.
1998b, p.125).
Parmi les nombreux phnomnes qui interviennent dans ce traitement de linformation
on peut citer la perception, la mmoire, les processus dlaboration de la pense ou encore le
langage. Ces phnomnes sont intimement lis et ne cessent dtre en interaction (Codol J.-P.,
1989). Les objets de nature cognitive semblent nombreux, diversifis et non classifis, bien
que ltude de la cognition renvoie toujours ltude de la pense , cest en ces termes que
Cossette (2000, p.14 ; 2004, p.40) rsume le concept de cognition. Codol (1989, p.474) dfinit
la cognition comme lensemble des activits par lesquelles toutes les informations [que
lindividu reoit] sont traites par un appareil psychique : comment il les reoit, comment il
les slectionne, comment il les transforme et les organise, et comment il construit ainsi des
reprsentations de la ralit et labore des connaissances . La cognition est lie au traitement
de linformation et concerne la manipulation de symboles partir de rgles (Varela F.J.,
1989). On accorde gnralement la cognition un rle la fois modulateur et organisateur.
Cest de la cognition que dpend le tri des informations fait par un sujet (Richelle M., 1998b).
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Le terme de cognition se rfre la fois aux structures cognitives et aux processus
cognitifs. Les structures cognitives sont une reprsentation mentale de concepts et de liens
alors que les processus cognitifs se rapportent la formation des structures (Swan J., 1997).
Les structures cognitives impliquent une organisation des connaissances dans un but de
comprhension et daction. Ltude de la cognition passe gnralement par lanalyse de telles
structures (Gioia D.A., 1986). Quel est le rle jou par cette cognition ? La cognition a une
fonction essentiellement adaptative et rgulatrice. Identifier et reconnatre les multiples objets
de lenvironnement, leur donner une valeur et un sens, sont des activits fondamentales, au
cur de tout processus cognitifs (Codol J.-P., 1989, p.474)7. En conclusion, la cognition est
un phnomne trs complexe ayant engendr la cration de nombreuses thories (Fuglseth
A.M., Gronhaug K., 2002). Le courant qui en dcoule, appel le cognitivisme8, tout comme le
courant voisin, le connexionnisme9, visent tudier les mcanismes mentaux.
Les sciences cognitives sont le royaume des thories cognitives. Par sciences
cognitives, il faut entendre ltude de lintelligence, notamment de lintelligence humaine, de
sa structure formelle son substratum biologique, en passant par sa modlisation, jusqu ses
expressions psychologiques, linguistiques et anthropologiques (Imbert M., 2004, p.54).
Cest ainsi que lon dsigne lanalyse scientifique moderne de lesprit et de la connaissance
sous toutes ses dimensions (Varela F.J., 1989, p.9). Les sciences cognitives sont ltude de
lintelligence et des systmes intelligents (Simon H.A., Kaplan C.A., 1991). Elles synthtisent
les ides des multiples disciplines qui les ont formes, que ce soit : la philosophie,
linformatique, les neurosciences, la linguistique, la psychologie, lintelligence artificielle,
lanthropologie et dautres encore. Parmi les principales disciplines la base des sciences
cognitives, on peut noter que lintelligence artificielle a fo