La lombalgie - WSIAT

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La lombalgie Document de travail à l’intention du Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance con- tre les accidents du travail Révision : février 2015 Mise à jour : octobre 2016 Préparé par les : D r Albert Yee, M.Sc., M.D., FRCSC, Professeur, service d’orthopédie, Université de Toronto Chirurgien orthopédiste, Sunnybrook Health Science Centre D r Safraz Mohammed, M.D. Résident-chef en neurochirurgie, Université de Toronto D r Barry Malcolm, M.D. FRCSC, M.B.A. Professeur adjoint, service d’orthopédie, Université de Toronto Chir- urgien orthopédiste, Sunnybrook Health Science Centre Collaborateur à la rédaction : D r Marvin Tile, C.M., M.D., B.SC (Méd), F.R.C.S. (C) Professeur émérite, département de chirurgie, Université de Toronto Chirurgien orthopédiste, Sunnybrook Health Science Centre Remarque : Ce document de travail a été publié pour la première fois en 1997 et a été préparé par le défunt D r W.R. Harris, professeur émérite, service de chirurgie orthopédique, et par le défunt D r J.F.R. Fleming, professeur émérite, service de neurochirurgie, Université de Toronto. Il a été révisé en 2003 par le D r Stanley D. Gertzbein, professeur, chirurgie orthopédique, Université de Toronto.

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La lombalgieDocument de travail à l’intention du

Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance con-tre les accidents du travail

Révision : février 2015 Mise à jour : octobre 2016

Préparé par les :

Dr Albert Yee, M.Sc., M.D., FRCSC, Professeur, service d’orthopédie, Université de Toronto

Chirurgien orthopédiste, Sunnybrook Health Science Centre

Dr Safraz Mohammed, M.D.Résident-chef en neurochirurgie, Université de Toronto

Dr Barry Malcolm, M.D. FRCSC, M.B.A.Professeur adjoint, service d’orthopédie, Université de Toronto Chir-

urgien orthopédiste, Sunnybrook Health Science Centre

Collaborateur à la rédaction :

Dr Marvin Tile, C.M., M.D., B.SC (Méd), F.R.C.S. (C)Professeur émérite, département de chirurgie,

Université de Toronto Chirurgien orthopédiste, Sunnybrook Health Science Centre

Remarque : Ce document de travail a été publié pour la première fois en 1997 et a été préparé par le défunt Dr W.R. Harris,

professeur émérite, service de chirurgie orthopédique, et par le défunt Dr J.F.R. Fleming, professeur émérite, service de neurochirurgie,

Université de Toronto.Il a été révisé en 2003 par le Dr Stanley D. Gertzbein, professeur,

chirurgie orthopédique, Université de Toronto.

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La lombalgie

Le Dr Albert J.M. Yee est professeur de chirurgie au service d’orthopédie du département de chirurgie de l’Université de Toronto. Il est le co-directeur du programme portant sur la colonne vertébrale du département de chirurgie de l’Université de Toronto. Il est le vice-président de la recherche du service d’orthopédie de l’Université de Toronto. Son diplôme de doctorat lui a été décerné en 1992 par la faculté de médecine de l’Université de Toronto. Il a ensuite effectué une résidence en chirurgie orthopédique à l’Université de Toronto en 1999. À cette occasion, il a participé au programme science-chirurgie de l’Institute of Medical Science, de la faculté de médecine. Il a, par ailleurs, obtenu une maîtrise ès sciences en 1996 de l’Université de Toronto. Il a accompli son mentorat en chirurgie clinique de la colonne vertébrale en 2000, auprès du Dr Henry Bohlman, à la Case Western Reserve University, à Cleveland, dans l’État de l’Ohio. Titulaire de la bourse en médecine de la Fondation Samuel McLauglin de l’Université de Toronto, il a effectué une année supplémentaire de recherche postdoctorale à Cleveland, avec les Drs Brian Johnstone et Jung Yoo.

Il occupe le poste de chirurgien orthopédiste praticien depuis 2001 au Sunnybrook Health Sciences Centre (SHSC). Ses intérêts cliniques portent sur les troubles de la colonne vertébrale chez l’adulte et les traumatismes de l’appareil locomoteur. Il agit en tant que consultant en oncologie chirurgicale au Odette Cancer Centre et à la Bone Metastasis Clinic (SHSC). Il est un membre à part entière de l’Institute of Medical Sciences (IMS, Faculté de médecine) et bénéficie d’une nomination conjointe à l’Institute of Biomaterials and Biomechanical Engineering (IBBME, École des études supérieures, Université de Toronto). Il exerce de la recherche translationnelle axée sur les métastases osseuses et vertébrales, et sur les maladies dégénératives de la colonne vertébrale et du disque intervertébral. De nombreuses agences lui ont octroyé un financement, notamment la North American Spine Society, la Fondation canadienne du cancer du sein et les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Il est actuellement agent scientifique pour le comité en Génie biomédical du Programme ouvert de subventions de fonctionnement (POSF) de l’IRSC. En 2011, la Fondation canadienne d’orthopédie lui a décerné le prix J. Edouard Samson, la plus haute distinction au Canada pour la recherche soutenue en orthopédie. En 2013, il a également été récipiendaire de la bourse de voyage American-British-Canadian (ABC) Orthopaedic Traveling où sept chirurgiens orthopédistes de l’Amérique du Nord ont visité des centres d’études répartis au Royaume-Uni et en Afrique du Sud.

Le Dr Safraz Mohammed est résident-chef en neurochirurgie, au service de neurochirurgie de l’Université de Toronto, en dernière année de formation. Il a terminé un monitorat d’un an de spécialisation sur la colonne vertébrale (in-folded spine fellowship, en anglais) à l’Université de Toronto en 2013. Le Dr Mohammed a obtenu son diplôme de médecine à l’University of the West Indies, St. Augustine, Trinité-et-Tobago. Il a reçu plusieurs prix en enseignement au cours de ses formations médicales et chirurgicales. Dans le cadre de sa résidence, il a publié 25 résumés, huit articles publiés dans des revues, un chapitre de livre consacré à la colonne vertébrale et aux lésions de la moelle épinière dans la revue Critical Care (en cours), offert trois présentations orales axées sur la recherche à un niveau national, et une présentation à titre de conférencier invité lors du Symposium national du Canada sur les neurosciences en 2013. Le Dr Mohammed a

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été récemment recommandé à un niveau national auprès de l’Association canadienne des internes et résidents (ACIR) en tant que résident de mérite (resident spotlight, en anglais) par le comité 2013-14 dédié aux Études et au professionnalisme de l’ACIR.

Le Dr Barry Malcolm a obtenu son diplôme de docteur en médecine en 1971, à l’Université de Toronto. À la suite de sa formation en chirurgie orthopédique à l’Université de Toronto, il a effectué un stage postdoctoral en chirurgie du rachis à Toronto et à Minneapolis, dans l’État du Minnesota.

Il a reçu le titre d’associé du Collège royal des médecins et chirurgiens en chirurgie orthopédique en 1977, et il a commencé à exercer en tant que praticien en chirurgie orthopédique en 1978, au Toronto East General and Orthopaedic Hospital où sa pratique portait sur l’orthopédie générale et le traumatisme, avec une sous-spécialisation en chirurgie de la colonne vertébrale.

Il a été affecté au Toronto Hospital en 1995, tout en suivant un programme de MBA pour cadres à l’Université de Toronto. À cette occasion, il a occupé le poste de directeur médical des solutions en réadaptation.

Il fait actuellement partie du personnel actif du Sunnybrook Health Sciences Centre, a été directeur médical à temps partiel du Programme sur les conditions de travail et le Sunnybrook Centre for Independent Living (SCIL, le programme de soutien à la vie autonome du Sunnybrook Centre), et agit en tant que conseiller pour le nouveau Women’s College Hospital. Il occupe le poste de professeur adjoint au département de chirurgie de l’Université de Toronto. Sa pratique clinique actuelle est dédiée à l’évaluation des personnes atteintes d’une affection de la colonne vertébrale et leurs invalidités associées, ainsi qu’à l’enseignement des problèmes associés à la colonne vertébrale, au premier cycle et aux cycles supérieurs à l’Université de Toronto.

Le Dr Marvin Tile a obtenu son diplôme de doctorat à l’école de médecine de l’Université de Toronto en 1957. De 1958 à 1963, il a effectué un stage postdoctoral en chirurgie orthopédique à l’Université de Toronto, et il a reçu le titre d’associé en chirurgie orthopédique du Collège royal des médecins et chirurgiens en 1963. Récipiendaire de la bourse Detweiler en 1963, il a beaucoup voyagé en Europe afin de visiter des centres orthopédiques des plus renommés. Il s’est joint au le corps professoral de la faculté de médecine de l’Université de Toronto en 1966 où il a été élevé au titre de professeur émérite au département de chirurgie, en orthopédie.

Ses intérêts en recherche et en soins cliniques sont axés sur les soins aux victimes de traumatismes de l’appareil locomoteur et le traitement de l’arthrite, notamment l’arthroplastie de la hanche et du genou. Il porte également un intérêt particulier pour la lombalgie.

Il est à l’origine de nombreuses publications, particulièrement au sujet des traumatismes de l’appareil locomoteur. Il est l’auteur des deux textes suivants : Fractures of Pelvis and Acetabulum, AO Trauma and Thieme, quatrième édition, 2015; et Rationale of Operative Fracture Care avec le Dr Joseph Schatzker, Springer-Verlag, 3e édition, 2005, maintenant

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disponible dans six langues. Depuis 1966, il fait partie du personnel de chirurgie orthopédique du Sunnybrook Health Sciences Centre, un hôpital intégralement affilié à l’Université de Toronto, et où il a été chef du service de chirurgie orthopédique entre 1971 et 1985 et chirurgien en chef entre 1985 et 1996. Il a été nommé à une multitude de postes prestigieux. Il est le président fondateur de la Ontario Orthopaedic Association (1978 à 1980), ancien président de la International Society for the Study of Lumbar Spine (1986 à 1987), ancien président de l’Association canadienne d’orthopédie (1991 à 1992), ancien président de la AO Foundation, en Suisse (1992 à 1994), un organisme consacré à la recherche et à l’enseignement à l’échelle mondiale dans le traitement des fractures, et président de la Sunnybrook Foundation (1996 à 2001). Une chaire en chirurgie orthopédique a été créée en son nom au Sunnybrook Health Sciences Centre et à l’Université de Toronto. Le Dr Marvin Tile est conseiller médical en orthopédie pour le Tribunal depuis 2004. Il est membre de l’Ordre du Canada.

Ce document de travail médical sera utile à toute personne en quête de renseignements généraux au sujet de la question médicale traitée. Il vise à donner un aperçu général d’un sujet médical que le Tribunal examine souvent dans les appels.

Ce document de travail médical est l’œuvre d’un expert reconnu dans le domaine, qui a été recommandé par les conseillers médicaux du Tribunal. Son auteur avait pour directive de présenter la connaissance médicale existant sur le sujet, le tout, en partant d’un point de vue équilibré. Les documents de travail médicaux ne font pas l’objet d’un examen par les pairs, et sont rédigés pour être compris par les personnes qui ne sont pas du métier.

Les documents de travail médicaux ne représentent pas nécessairement les opinions du Tribunal. Les décideurs du Tribunal peuvent s’appuyer sur les renseignements contenus dans les documents de travail médicaux, mais le Tribunal n’est pas lié par les opinions qui y sont exprimées. Toute décision du Tribunal doit s’appuyer sur les faits entourant le cas visé en particulier. Les décideurs du Tribunal reconnaissent que les parties impliquées dans un appel peuvent toujours s’appuyer sur un document de travail médical, s’en servir pour établir une distinction ou le contester à l’aide d’autres éléments de preuve : voir Kamara v. Ontario (Workplace Safety and Insurance Appeals Tribunal) [2009] O.J. No. 2080 (Ont Div Court).

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LA LOMBALGIE

Anatomie

Une vertèbre est composée d’un corps vertébral qui constitue une masse d’os en position antérieure au canal vertébral, contenant les tissus nerveux (c’est-à-dire la colonne vertébrale et les racines nerveuses) et protégée en position postérieure par un arc osseux (la lame). Les lames sont fixées au corps vertébral par des pédicules jumelés. L’arc osseux postérieur de la colonne vertébrale est constitué de lames droite et gauche qui se rejoignent par un prolongement osseux : le processus épineux (c’est-à-dire chaque bosse que l’on ressent en passant la main le long de la ligne médiane du dos).

Les lames et les pédicules fixés ensemble sont également nommés arc neural (Figure 1). Chacune des unités de structure de la colonne vertébrale (c’est-à-dire les vertèbres) est fixée à la suivante par un disque intervertébral, au niveau antérieur, et par des articulations facettaires (supérieures droite et gauche et inférieures droite et gauche), au niveau postérieur. Une paire de vertèbres porte le nom d’unité fonctionnelle vertébrale dont l’ensemble forme la colonne vertébrale. Le disque intervertébral comporte une partie interne, le nucleus pulposus ou noyau gélatineux (faisant office d’amortisseur, mou et de consistance gélatineuse), et d’une partie externe, l’annulus fibrosis ou anneau fibreux (dur et tendineux) (Figure 2). Les facettes supérieures et inférieures sont reliées par une portion de lame ou d’arc neural baptisée pars interarticularis ou isthme interarticulaire vertébral. De façon générale, l’extrémité de la moelle épinière se situe au niveau de la première ou de la deuxième vertèbre lombaire (L1-2; lombaire signifie le bas du dos). Sous L1-2, les racines nerveuses lombaires et sacrées partent de la moelle épinière, passent vers le bas par le canal vertébral et sortent de la colonne vertébrale à leurs niveaux respectifs (Figure 3). La moelle épinière et les racines nerveuses baignent dans le liquide céphalorachidien (LCR). Elles sont recouvertes d’une fine membrane interne (l’arachnoïde) et d’une membrane externe épaisse (la dure-mère).

Entre chaque paire de vertèbres ou unité fonctionnelle, deux racines nerveuses rachidiennes (une de chaque côté) sortent par un orifice que l’on nomme foramen intervertébral (Figure 4) : il est formé en position postérieure par le chevauchement entre la facette supérieure de la vertèbre inférieure et la facette inférieure de la vertèbre supérieure. Les marges supérieure et inférieure sont définies par les pédicules des vertèbres respectives, et les marges postérieure et antérieure, par le corps vertébral et la surface latérale du disque intervertébral.

Les vertèbres sont également reliées les unes aux autres par un réseau de ligaments (Figures 4 et 5) recouvert de muscles.

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Illustration : Liane Friesen

Figure 1 – Le premier schéma illustre une vue supérieure d’une vertèbre lombaire normale; le second présente une vue latérale d’une vertèbre lombaire normale

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Illustration : Liane Friesen

Figure 2 – Coupe transversale d’un disque intervertébral normal illustrant les différents ligaments

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Illustration : Liane Friesen

Figure 3 – Vue postérieure des portions lombaire et sacrée de la colonne vertébrale illustrant les racines nerveuses

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Illustration : Liane Friesen

Figure 4 – Vue latérale d’une vertèbre normale illustrant les ligaments et le disque intervertébral

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Illustration : Liane Friesen

Figure 5 – Zone médiane de la colonne vertébrale et des principaux ligaments

Anatomie des muscles

Un certain nombre de muscles sont fixés à la colonne vertébrale. Les plus importants sont les muscles érecteurs du rachis ou erector spinae, un groupe de muscles partant du pelvis et rattachés aux vertèbres au niveau postérieur (Figure 6). Ils assurent le retour de la position courbée à la position verticale et contrôlent les mouvements latéraux.

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Figure 6 – Vue de l’épine dorsale avec illustration des muscles paraspinaux

D’où la lombalgie provient-elle?

Les terminaisons nerveuses sensibles à la douleur sont situées au niveau des ligaments qui relient les vertèbres ensemble, des muscles qui longent la colonne vertébrale, des articulations facettaires (qui à l’instar des autres petites articulations mobiles du corps contiennent du cartilage, un os sous-chondral et une capsule articulaire), de l’annulus fibrosis de chaque disque intervertébral, du périoste qui recouvre certaines surfaces osseuses et de la dure-mère qui tapisse les racines nerveuses. La stimulation de ces terminaisons nerveuses par l’irritation est transmise au cerveau par une branche de chaque nerf que l’on nomme rameau dorsal primaire. La douleur est habituellement ressentie dans la région inférieure du dos. Elle peut s’étendre jusqu’aux fesses et à l’aine. Parfois, la douleur traverse l’avant ou l’arrière d’une ou des cuisse(s) en direction des genoux. C’est ce que l’on nomme « la douleur rapportée » qui, lorsque présente, n’est associée à aucun signe de perte de conduction nerveuse (aucune perte en termes de force, de réflexe ou de sensibilité) ni

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à aucune irritation des racines nerveuses (voir les détails ci-après). En théorie, la douleur issue des articulations facettaires ou des éléments postérieurs est aggravée par la cambrure (l’extension) du dos, c’est-à-dire des symptômes induits par l’extension, et non par la flexion avant (le fait de se pencher vers l’avant). La douleur ressentie lorsqu’on se penche vers l’avant se manifesterait par l’intermédiaire des terminaisons nerveuses de l’annulus fibrosis du disque, c’est-à-dire des symptômes induits par la flexion avant. Les « préférences directionnelles » des mouvements d’un individu qui vont provoquer la douleur (par exemple, une douleur aggravée par la flexion avant) ou l’atténuer (par exemple, une douleur diminuée par la flexion avant) peuvent être utilisées pour soulager la douleur, en association aux formes actives de traitement.

En ce qui concerne les foulures au dos simples, les tissus mous lésés sont douloureux. Il est impossible de déterminer avec précision quelle structure est touchée; par conséquent, « le concept » de mise en place de la douleur repose sur des mouvements de flexion et/ou d’extension. Les symptômes signalés concernent en majorité le dos. Lors de l’examen physique, des spasmes musculaires peuvent être observés, avec ou sans sensibilité musculaire (des douleurs au toucher) à proximité immédiate des projections osseuses (c’est-à-dire les processus épineux), au milieu du dos. En général, ces spasmes guérissent en quelques jours, ou en quelques semaines dans le pire des cas, et représentent rarement une source de douleurs chroniques.

Un autre type de douleur est celle causée par la compression d’une racine nerveuse rachidienne. Une telle douleur se déplace habituellement le long des membres inférieurs, par une distribution de racine nerveuse, et constitue la douleur dominante. Lorsqu’elle touche la face postérieure de la cuisse et le mollet tout en impliquant les racines nerveuses L5 et/ou S1, on parle de sciatique; et lorsqu’elle est observée au niveau de la face antérieure de la cuisse et/ou de la partie antéro-médiale du tibia tout en visant L2, L3 et/ou L4, il s’agit de cruralgie. La compression de la racine nerveuse peut être accompagnée de signes neurologiques, notamment des engourdissements dans des zones spécifiques de la peau (le dermatome) innervées par cette racine nerveuse; et/ou des faiblesses au niveau de certains muscles (le myotome) innervés par cette racine nerveuse; et/ou des douleurs constantes et lancinantes aux ligaments, aux os et au périoste (le sclérotome) innervés par cette racine nerveuse; une baisse ou l’absence de réflexe au genou (L4) ou à la cheville (S1) (en fonction du nerf concerné); et un test positif d’élévation irritant la racine nerveuse (élévation de la jambe tendue = EJT = manœuvre de Lasègue; ou extension de la hanche + flexion du genou, patient en décubitus ventral, allongé sur le côté ou debout = manœuvre de Léri positive). Ces manœuvres sont positives si elles engendrent une douleur dominante à la jambe. Elles sont négatives si elles provoquent des maux de dos. Cette souffrance issue d’une racine nerveuse ou douleur radiculaire (c’est-à-dire une douleur neuropathique) est distincte et doit être distinguée d’une douleur

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localisée ou « rapportée » en provenance des muscles, ligaments, annulus, périoste et articulations facettaires du bas du dos. Elle relève d’une pathologie très spécifique : par exemple, la compression d’une racine nerveuse provoquée par un fragment de disque qui entraîne également une irritation chimique entre le fragment et la racine nerveuse, causant une douleur neurogène.

Les changements dégénératifs de la colonne lombaire dus au vieillissement

Toute réflexion portant sur la lombalgie est souvent dominée par le terme « discopathie dégénérative ». Cependant, ce dernier est inapproprié, car il ne correspond pas à une maladie, mais reflète plus généralement un changement normal dû au vieillissement, et est associé à une prédisposition génétique que l’on commence maintenant à mieux comprendre. Il serait plus adapté de parler de modifications physiologiques associées à la génétique et à l’âge. Cette affection ne touche pas uniquement le disque, mais également les articulations facettaires (prêter ici attention à l’anatomie de l’unité fonctionnelle). Dans la population générale, les patients souffrant de dégénérescence due au vieillissement du disque intervertébral ou des articulations facettaires ne présentent habituellement aucun symptôme de douleur. Les changements normaux dus au vieillissement que l’on observe habituellement lors des examens de radiographie classique, de tomodensitométrie et d’imagerie par résonance magnétique peuvent être mal interprétés par les médecins qui considèrent, à tort, que les patients présentent des anomalies, ce qui peut conduire à des examens, des craintes et de l’anxiété, voire parfois une intervention chirurgicale, qui sont inutiles. Des études épidémiologiques ont démontré que la majorité des individus sont touchés par un ou deux épisodes de lombalgie au cours de leur vie. Toutefois, il est important de souligner qu’il n’existe aucune relation proportionnelle entre la présence et l’amplitude des changements dégénératifs et la présence et la gravité des symptômes. Les changements dus au processus normal du vieillissement ciblant les vertèbres lombaires doivent être distingués des traumatismes et des blessures liées aux activités professionnelles par des examens cliniques et radiologiques.

Au fur et à mesure du vieillissement, le nucleus pulposus se déshydrate, ce qui réduit l’espace intervertébral entre les vertèbres adjacentes, un phénomène observable sur des radiographies classiques. L’amincissement de l’espace intervertébral provoque un « bombement » de l’annulus fibrosis, détectable par tomodensitométrie ou imagerie par résonance magnétique. Un tel bombement est fréquemment identifié dans les rapports d’examens. Généralement, il ne s’accompagne d’aucun symptôme. Cependant, un bombement de taille excessive peut induire la compression d’une ou plusieurs racines nerveuses, et ainsi l’apparition de symptômes. La compression ne peut être identifiée comme

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la source des symptômes (telles des douleurs radiculaires) par la seule présence de signes décelés par imagerie (telles la tomodensitométrie ou l’imagerie par résonance magnétique); les antécédents et l’examen physique du patient doivent corroborer avec les symptômes et avec la zone de compression nerveuse observée par imagerie. Si le bombement est situé sur la région centrale et si le canal vertébral est de taille importante, les racines nerveuses sont rarement comprimées. Un bombement latéral de grande dimension peut parfois comprimer une racine nerveuse et provoquer la manifestation unilatérale de symptômes radiculaires. Au fur et à mesure du renflement du disque, les changements dégénératifs dus au vieillissement peuvent conduire à la formation d’une excroissance osseuse, dénommée éperon ou syndesmophyte, en périphérie du disque. Une autre conséquence de la diminution de la hauteur du disque est la dégradation des relations avec les articulations facettaires, qui peuvent ainsi subir de l’usure définie comme de « l’arthrose facettaire » et décrite lors des examens sous forme d’éperons (ou ostéophytes) ou d’ostéochondrophytes (ils sont caractéristiques de l’arthrose ciblant une articulation synoviale).

L’incidence de ces changements associés au vieillissement est influencée par l’hérédité et l’appartenance ethnique. Certaines familles présentent des prédispositions quant au développement de changements notables à un âge précoce. Les changements dus au vieillissement sont, par exemple, plus fréquents chez les personnes d’origine caucasienne que chez les personnes d’origine asiatique.

Les tendances scientifiques actuelles soutiennent l’existence d’une composante génétique importante quant à la relation entre l’âge et le processus de dégénérescence (que l’on estime à un niveau aussi élevé que 80 %). Les changements dus au vieillissement décelés lors des études d’imagerie peuvent atteindre une valeur de 50 % chez les individus de 50 ans et de 80 % chez les individus de 80 ans. Il faut rappeler qu’il n’existe aucun élément de preuve stipulant que ces changements de structure, si facilement identifiables par radiographie ou tomodensitométrie, sont à l’origine de douleurs. En dépit des avancées scientifiques, la compréhension de l’association entre la lombalgie mécanique chronique et la détection par imagerie de dégénérescence discale due au vieillissement demeure partielle. Certains individus affichant des changements dégénératifs de stade avancé de manière évidente sur des radiographies n’éprouvent que très peu de douleur lombaire, voire aucune. Par contre, d’autres individus faisant l’objet de changements dégénératifs moins avancés, voire aucun, présentent une lombalgie plus notable du point de vue clinique. Un point important à souligner est que, pour la grande majorité des individus, les examens médicaux ne confirment pas la source de la lombalgie, ce qui ne signifie pas que les résultats de ces examens sont négatifs à l’égard des changements de structure. Lors d’une étude portant sur 484 individus, les radiographies conduites régulièrement au sujet de douleurs au dos ou au cou

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présentaient une prévalence thérapeutique directe chez seulement 0,4 % des individus (Leichtle UG et coll., J Back Musculoskeletal Rehabil, 2014 Jun 24. Éd. électron., sous impression).

La sténose spinale

Au niveau du cou ou du bas du dos, ce processus dû au vieillissement peut conduire à une affection que l’on nomme « sténose spinale » et qui correspond à un rétrécissement du canal vertébral. Les causes les plus fréquentes de cet état sont les changements dégénératifs dus au vieillissement. Il est important de réaliser que les changements dégénératifs sont observés chez pratiquement tous les individus de plus de 60-70 ans, mais également chez certains individus dans la vingtaine ou la trentaine [Boden SD et coll. J Bone Joint Surg Am, 1990 Mar; 72(3):403-8]. Il faut également comprendre que la sténose spinale est habituellement asymptomatique; il faut rappeler qu’il s’agit d’un élément descriptif de l’anatomie. La sténose spinale constitue un résultat d’imagerie, non un syndrome clinique. Les changements dégénératifs associés peuvent être la source de la lombalgie ou des douleurs aux fesses. À l’occasion, la combinaison entre une dégénérescence discale et une dégénérescence facettaire est associée à des symptômes d’irradiation intermittente en majorité à la jambe, c’est-à-dire une claudication neurogène (des douleurs à la jambe liées à l’activité, relevant d’une compression neurologique telle une sténose spinale). La claudication neurogène est une condition sine qua non de la sténose spinale symptomatique. De toute évidence, le jugement clinique établi par l’analyse des antécédents et de l’examen physique du patient est critique, la sténose spinale étant fréquemment observée et documentée dans les rapports d’examens de tomodensitométrie et/ou d’imagerie par résonance magnétique. Il est compréhensible que de nombreux patients et leurs médecins soient inquiets au sujet des diagnostics qui figurent dans les rapports radiologiques (les diagnostics exigent que la corrélation clinique avec les symptômes possibles soit établie avec précaution).

Le rétrospondylolisthésis

Parfois les radiographies et/ou les examens démontrent que le rétrécissement du disque ou sa dégénérescence est accompagnée d’un déplacement vers l’arrière d’une vertèbre par rapport à la vertèbre inférieure, c’est-à-dire un rétrospondylolisthésis ou encore rétrolisthésis (termes issus du grec : spondylos = vertèbre, listhésis = glissement, rétro = postérieur ou vers l’arrière – Figure 7). Cette affection prend des années à se développer, et sa présence n’est pas automatiquement associée à des symptômes.

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Le spondylolisthésis

Dans le langage courant, un spondylolisthésis (ou antélisthésis) fait référence au glissement vers l’avant d’une vertèbre par rapport à la vertèbre inférieure. Il existe plusieurs types de spondylolisthésis. Le plus fréquent est « dégénératif », on parle alors de pseudospondylolisthésis (Figure 8) et de spondylolisthésis « lytique » (Figure 9). Ce dernier est la conséquence d’un déficit osseux dans l’isthme interarticulaire de la vertèbre et est décrit plus en détail plus loin. Le spondylolisthésis peut également être de type congénital.

Le spondylolisthésis dégénératif (Figure 8) se produit généralement aux L4-L5 et sa fréquence est trois à six fois supérieure chez la femme par rapport à l’homme [Kalichman L et coll., Spine 2009, Jan 15:34(2):199-205]. Il peut être décelé sur des radiographies classiques réalisées lors d’un examen relatif à une lombalgie et peut irradier les fesses, le pelvis latéral, les régions du trochanter major (grand trochanter) et, parfois, les membres inférieurs. Les examens d’imagerie peuvent révéler la compression de plusieurs racines nerveuses (plus fréquemment les segments L5 et L4, en situation de spondylolisthésis dégénératif L4-5). La compression peut s’opérer dans la partie médiane du canal vertébral (on parle dans ce cas de sténose spinale centrale), sur les bords du canal (il s’agit de sténose latérale) ou au point par lequel les racines nerveuses sortent individuellement du canal vertébral dans le foramen (c’est-à-dire une sténose foraminale). Ici encore, il est important de souligner que la présence de ces changements de structure mise en évidence par imagerie peut être associée ou non avec des symptômes de douleurs au dos ou à la jambe.

Les changements dégénératifs dus au vieillissement symptomatiques

Dans certains cas, le vieillissement peut entraîner des symptômes, sans lésion de la colonne vertébrale, notamment les suivants : 1) l’affection discale (le bombement, la protrusion, la hernie ou la séquestration discale); 2) la sténose spinale (le rétrécissement du canal vertébral); 3) l’arthrose d’articulation facettaire et 4) changements dégénératifs thoraciques dus au vieillissement.

1. Les affections discales

Le disque intervertébral comporte un noyau interne « gélatineux » entouré d’une structure plus épaisse : l’annulus fibrosis (ou anneau fibreux de consistance similaire à un « beigne »). La dégénérescence discale associée au vieillissement entraîne un durcissement ou une diminution du caractère gélatineux du nucleus pulposus interne. Cette affection peut également

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conduire à une déchirure de l’annulus fibrosis, ce qui est fréquemment dissocié des lésions spécifiques. Par imagerie par résonance magnétique, on peut identifier une « zone de haute densité » (ZHD) traduisant des déchirures annulaires qui seraient associées à des résultats cliniques plus faibles. Les symptômes de la lombalgie peuvent être plus fréquents chez les patients présentant une formation de ZHD par opposition à ceux qui n’en affichent pas. Un traumatisme aigu important coïncide souvent avec la détection par imagerie de signes qui s’additionnent à une ZHD isolée (par exemple, une fracture du rachis, une dislocation d’articulation facettaire ou une lésion de ligament vertébral). La présence d’une ZHD isolée peut être un indicateur non fiable d’antécédents traumatiques d’une lésion discale. Les déchirures annulaires identifiées par imagerie par résonance magnétique existent également chez les individus asymptomatiques.

Un déficit ou une déchirure de l’annulus fibrosis peut être propice à une poussée du nucleus pulposus dans l’annulus (une protrusion), à une traversée complète de l’annulus par le nucleus (une hernie) ou à une migration du nucleus derrière le corps vertébral (une séquestration). Le disque ou le fragment de nucleus peut être asymptomatique ou comprimer une ou plusieurs racines nerveuses (Figures 10 et 11), ce qui est à l’origine de douleurs radiculaires dominantes dans la jambe, et de signes et symptômes neurologiques. L’état médical de la grande majorité des patients porteurs d’une telle protrusion ou rupture s’améliore en quelques semaines; et un soulagement total de la douleur est possible (Baldwin NG, Neurosug Focus, 2002 Aug 15;13(2):E2). Faute d’amélioration, une intervention chirurgicale peut être nécessaire chez un faible nombre de ces patients (environ 10 %). D’autres encore, malgré une amélioration, peuvent être sujets ultérieurement à des douleurs récurrentes.

2. La sténose spinale

Dans le cas de la sténose spinale (Figure 12), la formation progressive d’excroissances osseuses et l’épaississement des ligaments provoquent le rétrécissement du canal vertébral et des orifices de sortie des nerfs rachidiens (le foramen invertébral). Ici encore, la détection de sténose spinale par tomodensitométrie ou imagerie par résonance magnétique n’est pas toujours corrélée à des symptômes, et dans la majorité des cas, elle n’est pas associée à des symptômes d’origine nerveuse. La sténose spinale n’est pas d’origine traumatique, sauf dans de très rares cas où la consolidation d’une fracture entraîne une déformation responsable de sténose. Souvent, l’on soupçonne qu’une lombalgie mécanique est la cause d’une dégénérescence spinale.

En comparaison aux résultats de soulagement de la lombalgie consécutive à une dégénérescence due au vieillissement, la chirurgie du rachis est, en

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général, davantage conduite à titre préventif et vise à améliorer les symptômes prépondérants à la jambe ou associés aux douleurs radiculaires et aux signes relevant de a) la compression de racines nerveuses, tel que présenté dans la section ci-dessus, et b) la claudication neurogène consécutive à une sténose spinale. Le rétrécissement du canal vertébral peut être accompagné de douleurs, d’engourdissements, de picotements et/ou de faiblesses aux jambes (« avoir les jambes en coton »), particulièrement en marchant, et disparaissant lentement au repos, surtout en position assise fléchie vers l’avant. La position debout prolongée peut être aggravante. Si les symptômes radiculaires sont sévères et invalidants, une intervention chirurgicale ciblant la décompression des racines nerveuses concernées peut s’imposer (c’est-à-dire une laminectomie ou une décompression neurovertébrale chirurgicale).

Tel que mentionné précédemment, les changements dégénératifs faisant l’objet d’examens, notamment la sténose spinale, la hernie discale et la compression de racine nerveuse, peuvent être observées ou signalées chez jusqu’à 57 % des individus asymptomatiques de 60 ans et plus [Boden et coll., J Bone Joint Surg Am, 1990 Mar;72(3):403-8]. Chez ces individus, on appelle ces changements « faux positifs », et leur fréquence augmente chez les individus d’âge avancé. Il est essentiel que les symptômes et les signes cliniques soient corrélés par un médecin spécialiste expérimenté dans les antécédents relatifs à la colonne vertébrale et les examens physiques afin de déterminer si une intervention médicale ou chirurgicale est justifiée. Chez les individus présentant un canal vertébral de faible diamètre à la naissance (c’est-à-dire une sténose spinale congénitale), les racines nerveuses sont encore plus sensibles au processus d’usure dégénérative associée au vieillissement, qui amplifie le rétrécissement du canal. Il est important d’indiquer dans le rapport d’examen radiologique la composante congénitale de la sténose spinale chez ce type de patients.

En résumé, en raison de la prévalence générale des changements de structure de la colonne vertébrale dus au vieillissement, il n’est pas rare que les blessures liées aux activités professionnelles se superposent à des affections préexistantes, tels des changements dégénératifs dus au vieillissement, une sténose spinale, une spondylose lombaire ou un spondylolisthésis dégénératif, que l’on considère fréquemment comme asymptomatiques et non invalidants. La majorité des blessures liées à l’activité professionnelle correspondent à des étirements ou déchirures (foulures ou claquages) des tissus mous. Dans une unité fonctionnelle normale, il est rare qu’une rupture discale se produise sans être accompagnée d’un grave traumatisme. Par contre, dans une unité fonctionnelle anormale, une rotation relativement mineure peut précipiter l’amorce d’une hernie discale.

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3. L’arthrite d’articulation facettaire

Comme il a déjà été mentionné (page 9), en raison de la baisse de hauteur discale ou de l’amincissement de l’espace intervertébral, la relation entre les articulations facettaires et les disques intervertébraux change, ce qui altère la mécanique et la charge des articulations facettaires et conduit fréquemment à l’arthrose facettaire. Toutes les articulations synoviales du corps peuvent être touchées par ce processus arthrosique, lequel peut inclure un œdème articulaire (effusion) associé à une hypertrophie capsulaire, une perte de cartilage articulaire occasionnant un « chevauchement osseux », une sclérose sous chondrale et la formation de chondrophytes (excroissances cartilagineuses) qui se transforment avec le temps en ostéophytes (excroissances osseuses) avec le temps. Ces changements peuvent être décelés lors des examens par radiographie classique, tomodensitométrie et IRM. Bien que rare, une arthrite facettaire isolée peut se développer. Une arthrite facettaire évidente par radiographie peut être asymptomatique. Quand l’affection est symptomatique, la douleur ressentie au niveau des éléments postérieurs ou des articulations facettaires est en théorie induite ou aggravée par la cambrure (l’extension) du dos vers l’arrière, qui ajoute un poids à la ou aux articulation(s) concernée(s), et non par la flexion avant (le fait de se pencher vers l’avant) qui diminue le poids porté par ces articulations. La douleur est généralement ressentie surtout au niveau du dos, et elle se propage souvent dans l’épine iliaque postéro-supérieure (EIPS). Parfois, lors d’une extension, elle peut être associée à des symptômes d’irradiation de courte durée dans le membre inférieur, dans une zone de distribution de racines nerveuses, et elle s’apaise au retour à une position neutre (debout) ou une flexion lombaire. L’arthrose facettaire est une des composantes anatomiques de la sténose spinale touchant le foramen et les espaces infra-articulaires (Figure 12).

4. Changements dégénératifs thoraciques dus au vieillissement

La structure fondamentale des unités fonctionnelles de la colonne thoracique est identique à celle de la colonne vertébrale, mais la morphologie de ces unités diffère quelque peu en raison de la fixation des côtes sur chaque unité par les articulations costo-transversaires et costo-vertébrales (articulations synoviales). La cage thoracique limite les mouvements de la colonne thoracique (elle la raidit), en comparaison aux colonnes cervicale et lombaire.

Chez les individus d’âge avancé, on détecte fréquemment une dégénérescence discale au niveau de la colonne thoracique, par radiographie classique. Les changements dégénératifs sont habituellement asymptomatiques; toutefois, lorsque les symptômes se manifestent, ils peuvent

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être associés à une douleur mécanique ressentie en majorité dans la colonne thoracique, et principalement reliée au port de charge, à la position et aux mouvements, notamment la rotation thoracique. Les mécanismes à l’origine de la douleur (ressentie sur l’élément postérieur et/ou antérieur, c’est-à-dire discogène) dépendent de la direction du mouvement responsable.

Une douleur thoracique radiculaire est possible et peut émaner de changements dégénératifs ou, rarement, d’une hernie discale thoracique. La douleur radiculaire peut irradier dans la région de la paroi thoracique à des degrés variables : elle peut se limiter à la région paravertébrale, mais elle peut aussi atteindre les côtes et même la paroi thoracique antérieure (carte des dermatomes). Elle peut être vive, lancinante, et très invalidante. Elle peut être associée à des symptômes sensoriels (engourdissements et picotements) dans la même zone d’irradiation. Une douleur intermittente suggère des symptômes mécaniques; une douleur constante suggère une pathologie discale plus aiguë. Le niveau de distribution rachidien peut parfois aider à déterminer les degrés d’implication, au sein de deux ou trois unités fonctionnelles.

Il est rare de rencontrer une hernie discale de grosse dimension, mais, en tel cas, elle peut constituer une urgence chirurgicale, car la moelle épinière se termine en L1-2. Un gros disque peut comprimer la moelle épinière et provoquer la compression médullaire et la paraparésie. Parallèlement à la douleur ressentie, l’examen physique met en évidence des changements au niveau des motoneurones supérieurs dans le tronc et les membres inférieurs. Il faut rappeler que la compression de la cauda equina (la colonne lombaire sous ~ L1-2) est associée à des signes détectés au niveau des motoneurones inférieurs.

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Illustration : Liane Friesen

Figure 7 – Le premier schéma illustre la relation normale entre deux vertèbres et un foramen intervertébral normal, sans compression de la racine nerveuse; le second illustre le glissement vers l’arrière (un rétrospondylolisthésis) de L4 sur L5 en raison d’un affaiblissement de type dégénératif des ligaments et des articulations facettaires

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Illustration : Liane Friesen

Figure 8 – Spondylolisthésis dégénératif : glissement vers l’avant de L4 sur L5 en raison de changements dégénératifs dans les ligaments et les articulations facettaires. Le schéma du bas indique comment une racine nerveuse peut être comprimée.

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Illustration : Liane Friesen

Figure 9 – Le premier schéma illustre une spondylolyse (un déficit osseux dans l’isthme interarticulaire de la vertèbre) sans glissement (sans spondylolisthésis); le second illustre un spondylolisthésis (le glissement vers l’avant d’une vertèbre par rapport à la vertèbre inférieure) consécutif à une spondylolyse

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Illustration : Liane Friesen

Figure 10 – Coupe transversale illustrant un nucleus pulposus hernié comprimant la racine nerveuse

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Illustration : Liane Friesen

Figure 11 – Vue latérale illustrant un nucleus pulposus hernié comprimant la racine nerveuse dans le foramen intervertébral

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Illustration : Liane Friesen

Figure 12 – Le premier schéma illustre un canal vertébral normal; le second, la mise en place d’une sténose spinale congénitale (le rétrécissement du canal vertébral) due à des pédicules osseux très courts et épais; et le troisième, une sténose spinale dégénérative; coupe transversale d’une vertèbre lombaire présentant des excroissances osseuses (une hypertrophie) des facettes provoquant le rétrécissement du canal vertébral. Cet état pathologique est la conséquence des changements dégénératifs qui font partie du processus normal de vieillissement.

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Les autres anomalies de la colonne lombaire

1) La spondylolyse et le spondylolisthésis

Dans le cas de la spondylolyse (Figures 9 et 13), l’isthme interarticulaire de la vertèbre présente un déficit ou espace vide, à l’emplacement où la matière osseuse fait place à du cartilage. Le cartilage n’est pas calcifié, et apparaît par conséquent sur les radiographies sous forme de déficit que l’on nomme spondylolyse (voir « fracture dans l’arc osseux », Figure 13). Cette affection est plus fréquente dans les quatrième et cinquième vertèbres lombaires, et peut être unilatérale. En dépit de sa forte robustesse, le cartilage n’est pas aussi résistant que la matière osseuse. Avec le temps, il peut s’étirer, ce qui est propice au glissement vers l’avant de la vertèbre supérieure par rapport à la vertèbre inférieure (Figure 13), une affection baptisée spondylolisthésis de type lytique, isthmique ou spondylolytique.

Plusieurs causes sont à l’origine du spondylolisthésis spondylolytique. On pense que pour le spondylolisthésis isthmique (le type le plus courant), le déficit spondylolytique s’établirait plus particulièrement au stade de croissance, en début d’adolescence (Figure 13). Elle concerne 5 % des individus d’origine caucasienne et pratiquement 20 % des Inuits. Elle est plus fréquente chez les ballerines, les acrobates et les gymnastes qui cambrent régulièrement le dos. De nombreux individus qui en souffrent ne présentent aucun symptôme pendant une longue durée, et d’autres ne s’en plaindront jamais. Mais les symptômes (sous forme de maux de dos) peuvent se manifester chez un individu atteint de spondylolisthésis préexistant et indolore, de manière spontanée, ou en conséquence d’une foulure ou du soulèvement de charges à répétition. Dès qu’ils se manifestent, les symptômes ont tendance à être récurrents.

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Figure 13 – Une « fracture dans l’arc osseux vertébral » (une spondylolyse) peut provoquer un « glissement vers l’avant » (un spondylolisthésis) de la vertèbre lombaire L5 sur la partie supérieure de la vertèbre sacrée (S1). Ce type de spondylolisthésis porte le nom de spondylolisthésis isthmique

2) La sacralisation de la cinquième vertèbre lombaire

Dans le cas de cette affection congénitale, la vertèbre lombaire la plus basse (la cinquième) est soudée au sacrum, ce qui réduit le nombre d’unités fonctionnelles mobiles dans la colonne lombaire de cinq à quatre. La sacralisation de la cinquième vertèbre lombaire ne provoque pas de symptômes. Mais l’usure du disque sus-jacent (entre L4 et L5) peut être supérieure à la normale, ce qui provoque, chez de nombreux patients, la mise en place de changements dégénératifs précoces. Dans de nombreux cas, le processus costiforme de la cinquième vertèbre lombaire se fixe au pelvis, au niveau du sacrum, par une fausse articulation (pseudarthrose), et ce, habituellement sans douleur. Parfois, ce processus et le sacrum se sont soudés ensemble (Figure 14).

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Figure 14 – Schéma de gauche : anatomie normale du rachis lombo-sacré; schéma de droite : variations anatomiques (associées ou non à une lombalgie ou à des symptômes liés à l’articulation sacro-iliaque), tel un segment transitionnel (pointé par une flèche), où le processus costiforme est soudé au sacrum

3) La lombalisation de la première vertèbre sacrée (Figure 15)

Dans le cas de cette affection congénitale, la première vertèbre sacrée est séparée de la seconde par une vraie articulation intervertébrale, ce qui augmente le nombre d’articulations dans la colonne lombaire de cinq à six. La lombalisation de la première vertèbre sacrée ne provoque pas de symptômes.

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Figure 15 –Schéma illustrant la première vertèbre du sacrum (S1) se comportant telle une vertèbre lombaire

4) La scoliose (Figure 16)

Il s’agit d’une déviation latérale de la colonne vertébrale. Elle peut être congénitale, consécutive à une paralysie (telle la poliomyélite) ou idiopathique (c’est-à-dire d’origine inconnue). Au fur et à mesure de l’augmentation de la déformation, les côtes du côté concave se tassent, forçant la rotation des vertèbres. Les côtes du côté convexe deviennent ainsi proéminentes, ce qui entraîne la formation d’une « bosse » sur le dos. La scoliose, quel que soit son type, est fréquemment associée à des changements dégénératifs précoces des disques situés à l’apex de la courbure. Elle peut être à l’origine de lombalgie. Une scoliose asymptomatique peut être décelée chez des patients subissant un examen radiologique pour des pathologies autres que rachidiennes. Ainsi, chez les patients atteints de scoliose et prétendant souffrir d’une lombalgie d’origine professionnelle, les faits doivent être interprétés avec prudence. La scoliose dite « sciatique » peut être observée lors de protrusions discales aiguës. Il ne s’agit pas, dans ce cas, d’une déformation dans la structure du dos, mais de la conséquence d’un spasme musculaire.

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Figure 16 – Sur ce schéma, on observe une scoliose, une déformation de la colonne vertébrale dans le plan frontal

5) La spondylarthrite ankylosante

Il s’agit d’une arthrite inflammatoire qui touche la colonne vertébrale, les articulations sacro-iliaques et, dans certains cas, les hanches. Elle vise pratiquement exclusivement les jeunes hommes. Elle fait partie de la famille des arthrites inflammatoires dénommées arthropathies séronégatives et comprend le lupus, le syndrome de Reiter, l’arthrite associée à la maladie inflammatoire chronique de l’intestin (la maladie de Crohn) et le rhumatisme psoriasique. La cause de la spondylarthrite ankylosante est inconnue, même si elle a été associée à l’antigène HLA-B27 (l’antigène de surface des leucocytes humains B27, un marqueur des maladies auto-immunes).

Cette affection entraîne une consolidation de la colonne vertébrale, parfois en position fléchie, ce qui perturbe le champ de vision de la victime alors gênée pour se diriger et voir où elle va. Elle est caractérisée par des poussées intermittentes de lombalgie irradiant les jambes dont les symptômes reproduisent ceux d’une hernie discale. Finalement, le processus s’estompe et la colonne vertébrale

Scoliose Colonne vertébrale normale

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du patient reste rigide, mais indolore (Figure 17). Bien que, dans l’histoire, certaines autorités aient cru que le traumatisme jouait un rôle dans sa mise en place, le contraire a été démontré. Toutefois, les patients touchés par cette affection sont plus sensibles aux traumatismes, en raison de la plus grande fragilité de leurs os (ils présentent une densité osseuse plus faible, de l’ostéopénie et de l’ostéoporose). Ils peuvent être victimes de fractures instables (osseuses ou rachidiennes) consécutives à un traumatisme. L’augmentation des symptômes de lombalgie chez un patient avec des

antécédents de spondylarthrite ankylosante mérite des examens cliniques et radiologiques approfondis afin d’exclure la présence de fracture.

Figure 17 – La spondylarthrite est une maladie arthritique qui touche fréquemment la colonne vertébrale. Les stades plus avancés de la maladie sont caractérisés par une ossification des vertèbres qui se soudent entre elles (une auto-fusion de la colonne vertébrale qui s’apparente à une tige de bambou sur les radiographies), ce qui restreint les mouvements de la colonne vertébrale et peut s’accompagner de déformations de la colonne (une cyphose, le plus souvent, c’est-à-dire une déformation de la colonne vertébrale dans le plan sagittal).

6) Les affections que les médecins peuvent par erreur soupçonner d’être la cause de la douleur

a) La maladie de Scheuermann ou la cyphose douloureuse de l’adolescent; l’hypercyphose

Il s’agit d’une croissance anormale des cartilages de conjugaison des faces supérieure et inférieure du corps vertébral au cours de la puberté, qui s’arrête à la maturation squelettique. Cette affection peut conduire à une forte augmentation de

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la courbure normale de la colonne thoracique (une cyphose) chez l’adolescent, et persister pendant l’âge adulte. Elle représente rarement une source de lombalgie : ses conséquences sont principalement d’ordre esthétique. Nous la mentionnons ici, car certains médecins restent perplexes lorsqu’ils y sont confrontés. Les radiographies affichent une cunéiformisation des corps vertébraux à l’apex de la cyphose, et sont fréquemment mal interprétées en tant que fractures par compression. Une corrélation clinique est requise.

b) Le nodule de Schmorl

Il s’agit de l’enfoncement normal du nucleus pulposus dans le corps de la vertèbre supérieure, qui ne constitue jamais une source de douleur.

c) Le détachement de l’anneau apophysaire; vertèbre limbique

Parfois, le cartilage de conjugaison (voir la maladie de Scheuermann ci-dessus) ne se soude pas complètement au corps vertébral lorsque la croissance cesse et se présente sous la forme d’un triangle osseux séparé de la face externe supérieure du corps. Il s’agit d’une variation anatomique normale qui ne provoque pas de symptômes.

d) La maladie de Forestier et Rotès-Querol ou l’hyperostose vertébrale ankylosante

Il s’agit d’une forme idiopathique d’arthrite dégénérative diagnostiquée et caractérisée lors des examens de radiographie classique et de tomonodensitométrie par une « coulée » osseuse le long des faces antérieures et antérolatérales de quatre vertèbres consécutives (seulement du côté droit de la colonne thoracique), et d’une calcification (une croissance osseuse excessive) aux points d’attache des tendons et des ligaments (par exemple, le pelvis, l’olécrâne, la patella, le genou ou le calcanéum). La colonne thoracique est la plus souvent touchée, alors que les articulations sacro-iliaques ne le sont pas. Son occurrence est supérieure chez l’homme (65 %) et les individus d’âge avancé. Les symptômes comprennent maux et raideurs au dos, et douleurs aux points d’attache des tendons et des ligaments.

7) Tumeurs et infections – Le mal de Pott ou les tumeurs du rachis, à la fois primitives et métastatiques, et les processus inflammatoires, tels l’ostéomyélite ou la discite, provoquent tous une lombalgie. Ces affections sont facilement diagnostiquées par des examens d’imagerie et ne relèvent pas d’un traumatisme.

La lombalgie peut être également la conséquence d’une anomalie des organes situés dans la cavité abdominale ou derrière celle-ci (par exemple, l’aorte, les

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reins, le pancréas, la vésicule biliaire, etc.). Les causes à l’origine d’un mal de dos ou à la jambe sont très nombreuses et il est important de poser un diagnostic avec précaution pour chaque cas avant de conclure trop hâtivement que la douleur relève nécessairement d’une activité professionnelle ou d’un accident du travail.

Points litigieux lors d’appels associés aux symptômes de lombalgie

1) Les changements dégénératifs dus au vieillissement peuvent-ils provoquer une lombalgie?

Il est important de comprendre que les changements dégénératifs dus au vieillissement peuvent être, dans certains cas, mais pas dans tous, la source de la lombalgie (voir la section ci-dessus « Changements dégénératifs de la colonne lombaire dus au vieillissement »). Les signes radiologiques suggérant des changements dégénératifs dus au vieillissement comprennent les dégénérescences discales, les ostéophytes, les bombements ou hernies de disque et la sténose spinale. Ils peuvent ou non être associés à des symptômes. En résumé, on admet que tous ces changements de structure de la colonne vertébrale sont causés par le vieillissement et ne se produisent habituellement pas en conséquence de traumatismes ou de blessures liés aux activités professionnelles. Il est important de remarquer qu’il n’existe aucune relation proportionnelle entre la présence et l’amplitude des changements dégénératifs et la présence et la gravité des symptômes. La dégénérescence discale due au vieillissement se présente sous forme « d’assombrissement » (un hyposignal) sur les clichés d’imagerie par résonance magnétique (IRM) avec des séquences pondérées en T2, reflétant une déshydratation du disque due au vieillissement. Les individus souffrant de lombalgie chronique provoquée par une dégénérescence discale peuvent recevoir le diagnostic de « discopathie discale ».

2) Une blessure peut-elle précipiter des changements dégénératifs dus au vieillissement?

Il s’agit d’une question importante. Une blessure n’entraîne pas de changements dégénératifs, mais cette question est reliée à la question 3) figurant ci-dessous, à savoir si une blessure peut aggraver ou accélérer les changements dégénératifs dus au vieillissement. Même sans blessure, la colonne vertébrale de chacun « vieillit » dans sa structure avec le temps, comme le démontrent les examens radiologiques conduits régulièrement sur le même individu sur plusieurs années. Selon les experts, les blessures de haute énergie (par exemple, les fractures comminutives rachidiennes, les lésions osseuses ou ligamentaires par flexion-traction et les dislocations vertébrales d’origine traumatique) peuvent être responsables de changements locaux de structure qui se présentent sous forme de changements dégénératifs dus au vieillissement « accéléré » sur les

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radiographies, en comparaison aux changements dégénératifs normaux que l’on peut observer dans des régions éloignées de la zone de blessure. Ce type de changement dégénératif local et accéléré porte le nom d’arthrite ou d’arthrose post-traumatique. Malheureusement, les caractéristiques radiologiques de cette affection sont assez similaires à ce que l’on peut observer avec des changements dus au vieillissement (c’est-à-dire une baisse de hauteur discale, des ostéophytes, de l’arthrose facettaire, etc.). À ce titre, la corrélation clinique avec les signes radiologiques décelés est essentielle à l’interprétation de la cause possible des blessures.

3) Une blessure peut-elle aggraver ou accélérer des changements dégénératifs dus au vieillissement préexistants?

C’est une question à laquelle on ne connaît actuellement pas la réponse. Il n’existe pas suffisamment de preuves scientifiques solides et de haut calibre ou d’études sur l’histoire naturelle, sur cette affection.

4) Une chirurgie du dos peut-elle provoquer une lombalgie?

Oui, chez certains patients. Lorsque l’intervention porte sur une hernie discale consécutive à des changements dégénératifs, son objectif est habituellement de soulager une sciatique (douleurs à la jambe), mais il est fréquent que les patients se plaignent d’une gêne intermittente dans le dos qui persiste pendant des années, particulièrement si le patient présente des antécédents de lombalgie intermittente avant cette intervention. Dans cette situation, la lombalgie relève généralement de changements dus au vieillissement préexistants, au niveau du disque. Cependant, dans certains cas, une lombalgie peut se manifester en conséquence d’une chirurgie du dos. Par exemple, un patient ayant subi une spondylodèse (c’est-à-dire une fusion des vertèbres visant à bloquer les mouvements entre deux ou plusieurs unités fonctionnelles vertébrales) présentera des surcharges mécaniques subsistant sur les unités fonctionnelles supérieure et inférieure à la région consolidée. Avec le temps, ce patient peut développer une lombalgie consécutive aux surcharges placées sur les unités fonctionnelles adjacentes, c’est-à-dire une dégénérescence des vertèbres adjacentes.

5) La spondylolyse et le spondylolisthésis peuvent-ils provoquer une lombalgie?

La réponse est oui, ils le peuvent. Ces affections d’ordre structurel touchent approximativement 6 à 8 % de la population, notamment chez les Inuits et les adolescents présentant un antécédent d’activité sportive demandant des extensions du buste à répétition (par exemple, les gymnastes de haut niveau de compétition ou les défenseurs jouant au football de niveau collégial).

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Une composante génétique est également possible, car ces affections sont également associées à un pina bifida occulta, une anomalie de l’arc postérieur (dorsal) de la colonne vertébrale, dans le bas du dos ou la région sacrée. On les observe plus communément chez les jumeaux. Certains individus atteints d’une affection structurelle préexistante de la colonne peuvent passer toute leur vie sans développer de symptôme notable. Ainsi, la réelle prévalence de l’affection en question dans la population générale est probablement sous-estimée. Certains individus peuvent commencer à présenter des symptômes en résultat de changements dégénératifs dus au vieillissement qui se superposent à l’affection structurelle préexistante. Chez les patients symptomatiques, la lombalgie, avec ou sans irradiation des jambes (pouvant longer la distribution de la racine nerveuse L5) est le symptôme type. Il est important de comprendre que chez certains individus, un épisode traumatique peut être précurseur de la manifestation de symptômes au dos et à la jambe associés à une affection préexistante relativement asymptomatique avant le traumatisme aigu. L’examen attentif des dossiers médicaux antérieurs au traumatisme est important si l’on souhaite déterminer de quelle façon ce traumatisme aggrave ce type d’affection préexistante.

6) La scoliose peut-elle provoquer une lombalgie?

Oui, chez certains individus. L’activité du patient n’entre généralement pas en ligne de compte, mais elle peut être à l’origine de lombalgie chez les patients atteints de scoliose. Dans les demandes de dédommagement liées aux activités professionnelles pour une lombalgie, les faits doivent être interprétés avec précaution.

Format question et réponse

1. Comment diagnostique-t-on une blessure au dos?

Le diagnostic de blessure au dos repose sur les antécédents cliniques et l’examen physique. Si disponible, un examen radiologique peut appuyer un diagnostic clinique. Toutefois, il est important de comprendre que dans la grande majorité des cas de lésions des tissus mous au dos, l’examen radiologique ne contribue pas au diagnostic. L’historique et l’emplacement de la blessure, la manifestation des premiers symptômes au dos consécutifs au traumatisme et le type de douleur sont importants. Hall et coll. [Spine J 2009, Aug 9(8):648-57] ont décrit une méthode efficace de classification de la lombalgie. Les blessures les plus courantes au dos sont les entorses et les claquages des tissus mous, et les disques et les articulations facettaires ne pas nécessairement touchés. La douleur consécutive à ce type de blessure est fréquemment ressentie directement dans le dos. On pense que les autres

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douleurs en majorité dans le dos (de classes I et II) sont de nature mécanique et seraient d’origine discale ou facettaire. Lorsque la douleur commence à irradier d’autres régions que le bas du dos (par exemple, la douleur se déplace dans les jambes), le médecin peut diagnostiquer une sciatique, une claudication ou une radiculopathie. Si la douleur touche la jambe en majorité, on parle de sciatique (douleur de classe III) ou de claudication (douleur de classe IV).

L’examen physique est axé sur des signes reproductibles et cohérents. L’observation du patient, l’inspection de la zone de blessure et des tests spécifiques d’examen permettent d’obtenir de l’information. Une sensibilité ou des spasmes musculaire(s) (c’est-à-dire l’augmentation de la tonicité musculaire provoquant une contracture) dans le bas du dos peut ou peuvent suggérer une foulure ou un claquage; néanmoins, en raison de sa nature subjective, cette observation est la moins fiable. Suite à une blessure, des signes visibles de traumatisme aigu peuvent également se présenter : des ecchymoses dans le bas du dos, des œdèmes, des espaces vides ou des traces dans le dos. Les changements d’ordre neurologique comprennent des signes objectifs de faiblesses motrices reliées anatomiquement à des racines nerveuses spécifiques (c’est-à-dire des myotomes, Figure 18). Des changements de réflexe reliés à des racines nerveuses et à des engourdissements dans une distribution nerveuse (c’est-à-dire des dermatomes, Figure 19) sont plus inquiétants s’ils sont objectivement reproductibles. La perte du contrôle de la vessie ou du système intestinal peut nécessiter un examen neurologique spécifique comportant la détermination de la présence ou de l’absence de sensations dans les régions avoisinant l’anus (c’est-à-dire une « anesthésie en selle »).

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Myotomes MyotomesC3-5: Diaphragm C3-5 : DiaphragmeC5: Biceps C5 : BicepsC6: Ext. Carpi Deltoids C6 : Ext. du carpe DeltoïdeC7: Triceps C7 : TricepsC8: Palmar Interossei C8 : Interosseux palmairesT1: Dorsal Interossei T1 : Interosseux dorsauxT1-12: Muscles of the chest and abdomen T1-12 : Muscles du thorax et de l’abdomenL2: Iliopsoas L2 : IliopsoasL3: Quadriceps L3 : QuadricepsL4: Anterior Tibialis L4 : Tibial antérieurL5: Extensor Digitii L5 : Extenseur commun des orteilsS1:Posterior Tibialis S1 : Tibial postérieur S3-S5: Bladder, Bowel & Sex organs S3-S5 : Vessie, intestins et organes sexuels

Figure 18 - Schéma d’illustration des myotomes (groupes de muscles et les racines nerveuses d’innervation respectives)

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Figure 19 – Schéma d’illustration des dermatomes (régions de la peau et les racines nerveuses respectives)

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Lumbar vertebra Vertèbre lombaireThe Spinal Canal Le canal vertébralA normal hydrated lumbar disc Un disque lombaire hydraté et normalNerve roots (i.e. gray color appearing strands) Racines nerveuses (filaments de couleur in the spinal canal grise) dans le canal vertébralT2 weighted MRI sagittal image of a normal Cliché d’IRM en coupe sagittale et séquences appearing lumbar spine pondérées en T2 d’une colonne lombaire

d’apparence normale

Figure 20 – Cliché d’IRM en coupe sagittale et séquences pondérées en T2 de la colonne lombaire. Les disques hydratés adoptent une couleur blanche sur ce cliché (la flèche indique un disque hydraté et normal). Les disques dégénératifs sont plus sombres (voir la Figure 21). Les racines nerveuses peuvent être visibles dans le canal vertébral.

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T2 weighted Axial MRI image L4-5 disc level Cliché d’IRM du disque L4-5 en coupe axiale, avec des séquences pondérées en T2

T2 weighted Sagittal MRI image L4-5 disc level Cliché d’IRM du disque L4-5 en coupe sagittale, avec des séquences pondérées en T2

Central lumbar disc herniation L4-5 Hernie discale lombaire centrale de l’étage L4-5

Figure 21 – Coupe axiale (à gauche) illustrant une hernie discale centrale. Coupe sagittale (à droite) de la même hernie discale centrale ayant entraîné le rétrécissement du canal vertébral. Il faut préciser que sur les clichés d’IRM avec des séquences pondérées en T2, les disques lombaires sont plus sombres en comparaison aux disques normaux de couleur blanche, comme l’illustre la Figure 20. Les disques lombaires sont déshydratés en raison du processus de dégénérescence discale.

Si l’examen physique n’est pas concluant, ou si les symptômes signalés ne correspondent pas aux résultats des radiographies (voir les Figures 20 et 21), des examens supplémentaires sont disponibles. Par exemple, un neurologue peut également procéder à une électromyographie et à une étude de la conduction nerveuse qui peuvent compléter l’analyse des antécédents, l’examen physique et les résultats d’imagerie.

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2. Certains facteurs de risques ergonomiques particuliers associés aux activités professionnelles sont-ils susceptibles d’augmenter les risques de blessures au dos?

À ce sujet, il manque de preuves scientifiques solides et de haut calibre, malgré la démonstration de certaines associations. Ceux-ci comprennent :

1. La posture statique prolongée.

2. Des étirements fréquents ou répétitifs à la limite extrême de l’amplitude des mouvements ou au-delà de la plage physiologique des positions de mouvements. De tels mouvements peuvent comprendre le soulèvement d’objets depuis le sol ou au-dessus de la tête, ou l’utilisation de la force de rotation (des pivotements d’un côté à l’autre) tout en manipulant des objets volumineux ou de poids élevé.

3. Le soulèvement à répétition de lourdes charges.

3. Quelle est la relation entre la discopathie dégénérative ou d’autres affections du dos et les activités répétitives?

La discopathie discale correspond simplement à un individu dont on présume que la lombalgie est le résultat de la dégénérescence de ses disques due au processus de vieillissement, ce qui est fréquemment confirmé par radiographie. Tel que mentionné précédemment, certains individus peuvent être atteints de dégénérescence discale sans présenter aucun symptôme de lombalgie. La causalité des autres affections du dos et leur relation avec les activités répétitives font souvent l’objet de débats. À présent, l’âge, l’obésité, le tabagisme et des facteurs génétiques ont été « associés » avec la dégénérescence discale. Aucun lien de cause à effet direct n’a été établi entre les activités répétitives et la mise en place de discopathie discale. L’obésité a été associée à des résultats cliniques plus faibles pour de nombreuses affections, et les patients souffrant d’obésité peuvent être à plus haut risque que la population générale à l’égard des épisodes récurrents de lombalgie chronique. Il est important de remarquer qu’il n’existe aucune relation proportionnelle entre la présence et l’amplitude des changements dégénératifs et la présence et la gravité des symptômes.

4. Comment détermine-t-on le degré avec lequel une aggravation accélère la progression d’une affection sous-jacente (la discopathie dégénérative ou l’arthrose)?

Il est actuellement impossible de déterminer le degré avec lequel une aggravation accélère, si tel est le cas, la progression d’une affection sous-jacente, comme la discopathie dégénérative ou l’arthrose.

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Il n’existe pas suffisamment de preuves scientifiques solides et de haut calibre et d’études sur l’histoire naturelle, qui appuient l’hypothèse stipulant que les traumatismes accélèrent la progression d’une discopathie dégénérative ou d’une arthrose sous-jacente. Consulter également la réponse à la question 2, dans la section ci-dessus : « Points litigieux lors d’Appels associés aux symptômes de lombalgie ».

5. Quel est le rôle des mouvements répétitifs dans le développement d’une affection sous-jacente non indemnisable?

La réponse à la question 3 indique qu’il n’a pas été prouvé que les mouvements répétitifs sont l’un des mécanismes responsables de la discopathie dégénérative; par ailleurs, il manque de preuves scientifiques solides et de haut calibre qui démontrent que les mouvements répétitifs aggravent d’autres affections non indemnisables.

6. Quelle est la relation entre une affection du dos particulière et tout mécanisme spécifique de blessure?

Consulter les réponses aux questions précédentes.

7. Peut-il y avoir un délai avant le début de la manifestation des symptômes suite à une blessure au dos? Si oui, dans quelle mesure?

Cela dépend des symptômes. Les douleurs au dos se manifestent de façon très aiguë et très rapidement après la blessure. Chez certains patients qui développent une radiculopathie (une irradiation de la douleur à la jambe et des symptômes au niveau de la jambe attribuables aux nerfs), les symptômes à la jambe peuvent commencer à se manifester de manière plus graduelle, généralement dans les deux semaines suivant le début de la blessure; cependant le début de la lombalgie d’origine traumatique est également immédiat chez ces individus.

8. Une lombalgie peut-elle irradier la hanche (la région des fesses et l’aine), les jambes et les pieds? Dans quelles circonstances cela se produirait-il? Des douleurs au niveau de la hanche, des jambes ou des pieds peuvent-elles irradier le dos? Peut-on déterminer si une douleur relève d’une blessure au dos ou d’une autre affection?

L’irradiation d’une douleur au dos dans les jambes implique généralement un problème d’inflammation nerveuse et/ou de compression nerveuse au niveau du dos. D’ordinaire, l’irritation de la racine nerveuse le long du nerf sciatique est associée à des symptômes se manifestant dans les jambes, irradiant le dessous des genoux; par contre, les symptômes attribuables aux nerfs alimentant le nerf fémoral irradient l’avant des cuisses. Nous sommes également conscients que les autres sources de douleur aux jambes sont multiples et comprennent les lésions vasculaires, l’arthrite articulaire localisée des membres inférieurs et d’autres affections susceptibles

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d’affecter les jambes. L’irradiation du dos par des symptômes présents dans les jambes est moins fréquente, et peut refléter davantage une affection localisée à l’extrémité des jambes. Ici encore, l’analyse attentive des antécédents et un examen physique soigné sont nécessaires pour déterminer si la blessure au dos constitue la source de douleur, à la différence d’autres affections. Par exemple, il peut être utile de savoir si des mouvements de pleine amplitude du bas du dos (par exemple, en flexion ou en extension) reproduisent les mêmes douleurs que celles ressenties par le patient.

9. Existe-t-il d’autres affections ou maladies prédisposant aux blessures au dos?

Oui. Admettant qu’il manque de preuves scientifiques solides et de haut calibre, la majorité des experts pensent que certains patients sont plus vulnérables. Les patients souffrant de discopathie dégénérative, d’ostéoporose, d’une affection de nature inflammatoire (telle la spondylarthrite ankylosante) ou d’une affection dégradant la densité et/ou la qualité osseuse (telles l’ostéoporose, l’insuffisance rénale, etc.) peuvent être à plus haut risque de présenter une lombalgie d’origine traumatique. Dans ces situations, la relation de cause à effet doit être individualisée, en prenant compte des antécédents, de l’examen physique et des radiographies disponibles. La grossesse a également été associée à une augmentation des risques de symptômes liés à la lombalgie, particulièrement chez les individus présentant des antécédents de maux de dos.

10. Existe-t-il des restrictions particulières pour les individus touchés par une blessure au dos, en termes d’activités professionnelles?

Les restrictions médicales exigées (un médecin suggère que cette activité physique n’est pas recommandée d’un point de vue médical) doivent être individualisées. En général, pendant la phase aiguë consécutive à une blessure au dos, on recommande au patient d’adopter une très brève période de repos (un à deux jours), suivie d’un régime d’activités physiques à augmentation graduelle. Les « tolérances fonctionnelles » du patient peuvent traduire ce qu’il est en mesure d’effectuer physiquement, en dehors des activités médicalement proscrites par le médecin traitant. Le patient, le type de blessure au dos, la compréhension du milieu professionnel spécifique du patient et les activités associées à la pratique professionnelle sont tous pris en compte lors de l’identification des restrictions susceptibles d’être requises.

11. Pourriez-vous indiquer ce que l’on entend par « lombalgie mécanique » (sa définition, son étiologie...)?

La douleur mécanique est provoquée par les charges, les positions et les mouvements en termes de provocation, d’aggravation et de modification. Il s’agit d’un terme que l’on utilise habituellement pour décrire tout type de lombalgie causée par l’application d’une tension, normale ou anormale, ou d’une contrainte physique sur les structures de la colonne vertébrale.

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Lumbar triangle Triangle lombaireSemispinalis capitus Semi-épineux de la tête ou semispinalis capitusSplenius capitis Splénius de la tête ou splenius capitisLevator scapula Élévateur de la scapula ou levator scapulaErector spinae Érecteurs du rachis ou erector spinaeSpinalis Épineux ou spinalisIliocostalis Ilio-costal ou iliocostalisLongissimus LongissimusSemispinalis Semi-épineux ou semispinalisMultifidis (Transversospinalis) Multifide ou multifidis (transversaire épineux ou

transversospinalis)

Figure 22 – Schéma d’illustration des muscles du dos, superficiels (à gauche) et profonds (à droite) pouvant jouer un rôle dans la lombalgie mécanique

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Les sources possibles de cette douleur peuvent être multiples. Une foulure musculaire peut conduire à une lésion du muscle, telles des déchirures mineures des fibres musculaires (Figure 22). Les traumatismes directs infligés à un muscle, tel un coup direct responsable d’une contusion ou d’un hématome dans le muscle peuvent provoquer des douleurs musculaires associées à l’amplitude des mouvements de la colonne vertébrale. Les étirements ou les déchirures du ligament peuvent activer des douleurs issues des fibres nerveuses. La douleur mécanique peut également être causée par le disque (on parle de douleur discogène) ou par les éléments postérieurs, notamment les articulations facettaires.

12. Pouvez-vous expliquer ce que l’on entend par « bombement discal » dans les rapports d’imagerie?

Les disques sont similaires à des « beignes » (ils comportent une partie interne de consistance plus gélatineuse et un revêtement externe plus épais et plus fibreux). Les charges mécaniques ou les changements dégénératifs dus au vieillissement peuvent entraîner une dispersion généralisée (un « bombement ») du disque visible par tomodensitométrie ou par imagerie par résonance magnétique axiale (en coupe transversale). Ce bombement correspond à un changement de structure généralisé et se distingue de ce que l’on observe généralement lors d’une hernie discale ou d’une protrusion discale plus focale (Figures 23 et 24). Les bombements de disque constituent des signes radiologiques courants lors des examens de tomodensitométrie ou d’imagerie par résonance magnétique. Ils ne relèvent pas d’un accident du travail.

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Herniated disc Disque herniéPinched (compressed nerve) Pincement (nerf comprimé)Bulging disc Disque bombé

Figure 23 – Schéma d’illustration d’un bombement discal (c’est-à-dire généralisé et plus large, comme l’indique la flèche sur le schéma inférieur de droite) qui ne pince pas les éléments nerveux, à l’opposé de la hernie discale focale (schéma supérieur de droite) qui a tendance à provoquer la compression des éléments nerveux et peut entraîner une irradiation de la douleur, des engourdissements et/ou des faiblesses dans la jambe.

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Figure 24 – Cliché d’IRM en coupe axiale (cliché de gauche) avec séquences pondérées en T2 illustrant un bombement discal lombaire. Un cliché en coupe axiale (cliché de droite) d’un autre individu et démontrant une hernie discale lombaire.

13. Pouvez-vous expliquer dans quelles conditions et selon quelle spontanéité une lombalgie peut-elle se produire sans être d’origine traumatique ni associée à un processus lésionnel externe?

Il s’agit du type le plus courant de lombalgie. Les études démontrent que la majorité des cas de lombalgie spontanée à manifestation soudaine sont classés comme non spécifiques. On utilise le terme « non spécifique » simplement parce qu’en général, la cause exacte de la douleur n’est pas évidente. En d’autres mots, aucun problème spécifique, maladie ou affection ne peut être clairement identifié(e) comme étant l’origine de la douleur.

14. Qu’est-ce que la sténose spinale, et comment peut-on l’associer à une lombalgie d’origine traumatique?

La sténose spinale est un rétrécissement (stenosis = rétrécissement, en grec) du canal vertébral (Figure 25).

broad based bulging lumbar disc Un large bombement discal lombaire

central lumbar disc herniation Une hernie discale lombaire centrale

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Spinal stenosis is a narrowing of the spinal La sténose spinale est un rétrécissement de la cord colonne vertébraleSpinal canal Canal vertébralFacet joint with large arthritic osteophyte Articulation facettaire présentant un gros

ostéophyte arthritiqueEnlarged ligamentum flavum Ligamentum flavum (ligament jaune) élargiCompressed nerve & cauda equina Nerf et cauda equina (queue de cheval)

comprimésNormal (inferior view) Normal (vue inférieure)Stenosis Sténose

Figure 25 – Schéma d’illustration d’une sténose de la colonne vertébrale

Elle est provoquée par une multitude de facteurs, tels les suivants :

1. Le vieillissement et la dégénérescence (le plus fréquent)a. l’hypertrophie (l’épaississement) du ligament

b. les bombements de disque

c. les syndesmophytes/enthésophytes/hypertrophie des articulations facettaires – éperons osseux

d. les fractures de corps vertébral

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2. L’arthritea. l’arthrose (c’est-à-dire le vieillissement et la dégénérescence, le plus fréquent)

b. la polyarthrite rhumatoïde

3. le rétrécissement congénital du canal vertébral (tel le raccourcissement congénital des pédicules vertébraux)

4. la subluxation – un déplacement anormal d’une vertèbre vers l’avant par rapport à d’autres, provoquant le rétrécissement du canal vertébral et/ou du foramen intervertébral. Voir les Figures 7 et 8.

5. les masses de tissu mou – elles comprennent les tumeurs spinales, les infections, les abcès, les hématomes, les kystes, etc.

6. Les traumatismesLa lombalgie donne rarement lieu à une sténose spinale et le terme « sténose spinale », faisant référence à la majorité des signes radiologiques observés, traduit une affection préexistante ayant été ou non précédemment asymptomatique. Les blessures de haute énergie (par exemple, une chute d’une hauteur élevée entraînant une fracture comminutive des vertèbres lombaires) peuvent provoquer une sténose acquise du canal vertébral, chez certains des individus souffrant d’un déficit neurologique dans les membres inférieurs.

Les patients affichant des symptômes de sténose spinale peuvent subir une claudication neurogène (des douleurs dans l’un ou les deux membres inférieurs, provoquées par la marche ou des positions debout prolongées, à l’origine de fatigue dans les deux jambes soulagée par un repos en position assise) ou une compression des racines nerveuses (radiculopathie, provoquant des douleurs, des engourdissements ou des faiblesses dans une zone spécifique du membre inférieur).

Glossaire des termes sélectionnés

[Fardon, DF et coll., Spine, Vol. 26(5), pp E93-113, 2001; Fardon, DF et coll., Spine J, 14(11), pp 2525-45, 2014]

annulus (abréviation d’annulus fibrosis ou anneau fibreux) : Ligament multilaminé entourant la surface de chaque espace intervertébral, attaché aux niveaux supérieur et antérieur au cartilage et à la matière osseuse du plateau vertébral et associé en son centre au nucleus pulposus.

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bombement asymétrique : Présence d’un annulus externe faisant saillie au-delà de l’espace intervertébral, plus évidente dans une section de la périphérie du disque que dans une autre, mais dont la nature n’est pas suffisamment focale pour constituer une protrusion.

capsule : Fibres de l’annulus et du ligament longitudinal postérieur combinées. Remarque : Il est parfois impossible de faire la distinction entre l’annulus externe et le ligament longitudinal postérieur, et le terme « capsule » est de cette façon utile, tout comme l’adjectif « sous-capsulaire » qui correspond au tissu discal situé sous la capsule.

déchirure concentrique : Déchirure ou fissure de l’annulus caractérisée par la séparation ou brisure des fibres annulaires, dans un plan plus ou moins parallèle à la courbure de la périphérie du disque, à l’origine de la formation d’espaces remplis de liquide entre deux lamelles annulaires adjacentes.

déchirure d’annulus, annulus déchiré : Voir fissure d’annulus et rupture d’annulus.

déplacement antérieur : Déplacement des tissus du disque faisant saillie au-delà de l’espace intervertébral dans la zone antérieure.

disque bombé, bombement (n), bomber (v) : 1. Disque dont le contour de l’annulus externe se prolonge (ou donne l’apparence de se prolonger) dans le plan horizontal (axial) et dépasse les limites de l’espace intervertébral, sur une région supérieure à 50 % (180 degrés) de la circonférence du disque, et généralement, inférieure à 3 mm de la surface de la vertèbre.

disque calcifié : Déplacement discal dont la portion déplacée a subi une calcification ou une ossification, et peut être intimement associée aux ostéophytes apophysaires.

disque dégénératif, dégénérescence (n) : Changements dans la structure du disque caractérisés par une dessiccation (dessèchement), une fissuration, une fibrose et une fissuration du noyau, une dégénérescence mucineuse de l’annulus, des déficits et une sclérose des plateaux vertébraux et/ou la formation d’ostéophytes aux apophyses vertébrales.

disque séquestré, séquestration (n), séquestrer (v) : Disque extrudé où une portion du tissu discal fait saillie au-delà de l’annulus externe, sans connexion du tissu discal avec le disque d’origine.

disque extrudé, extrusion (n), extruder (v) : Disque hernié pour lequel, dans un plan au minimum, une des distances séparant les extrémités du matériel discal faisant saillie au-delà de l’espace intervertébral est supérieure à la

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distance séparant les surfaces de la base dans le même plan, ou l’absence de continuité entre le matériel discal faisant saillie au-delà de l’espace intervertébral et l’espace intervertébral.

disque hernié, hernie (n) : 1. Déplacement localisé de matériel discal au-delà des marges normales de l’espace intervertébral.

disque non déplacé : Disque pour lequel la totalité du matériel discal est située dans l’espace intervertébral.

disque prolapsus, prolapsus (n) : (non standard) 1. Disque hernié où le tissu discal fait l’objet d’une protrusion ou d’une extrusion à la hauteur du disque et sous le niveau sus-pédiculaire.

disque protrusif, protrusion (n), protruder (v) : 1. Disque hernié où la plus grande distance, quel que soit le plan, séparant les limites du matériel discal faisant saillie au-delà de l’espace intervertébral est inférieure à la distance séparant les limites de la base dans le même plan.

disque vieillissant : Disque présentant les caractéristiques du processus normal de vieillissement.

extra-ligamentaire : Postérieur ou latéral au ligament longitudinal postérieur.

fissure annulaire : Séparations entre les fibres annulaires, détachement des fibres des corps vertébraux ou séparations des fibres qui se prolongent de manière radiale, transversale ou concentrique, et touchant une ou une multitude de couches de la lamelle annulaire. Il faut préciser qu’auparavant, les termes « fissure » et « déchirure » étaient utilisés comme synonymes. « Déchirure » n’est pas adaptée à la description des signes d’imagerie et ne doit pas être utilisée (déchirure n’est pas un terme standard). Aucun de ces termes ne suggère un traumatisme, n’est associé à une quelconque description de l’étiologie, n’implique une relation quelconque avec des symptômes ou des douleurs induites par le disque ou ne correspond à des besoins thérapeutiques. Voir également, espace annulaire, rupture annulaire, déchirure annulaire, fissure concentrique, ZHD, fissure radiaire et fissure transverse.

fragment libre : Fragment de disque totalement détaché du disque d’origine (aucun pont tissulaire continu entre le fragment et le tissu du disque d’origine).

Syn : disque séquestré.

gaz intra-discal : Disque dont les caractéristiques d’imagerie suggèrent la présence d’air au centre de l’espace intervertébral; généralement une manifestation d’une dégénérescence discale.

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hauteur de l’espace intervertébral : La distance entre les plateaux vertébraux supérieur (crânial) et inférieur (caudal) au disque.

hernie discale chronique : Hernie discale associée à une calcification, une ossification ou une accumulation d’air dans la région déplacée du disque, suggérant que la hernie en question n’est pas récente.

hernie intradurale : Disque où le tissu déplacé a pénétré la dure-mère ou y est séquestré de manière à venir se loger dans le sac dural.

large protrusion (broad-based, en anglais) : Hernie discale dont la saillie dépasse les limites externes du corps vertébral sur une région supérieure à 25 % (90 degrés) et inférieure à 50 % (180 degrés) de la circonférence du disque.

modifications de la moelle osseuse des corps vertébraux (classification de Modic) : Modifications réactionnelles des corps vertébraux associées à une inflammation discale et à une discopathie dégénérative que l’on observe sur des clichés d’IRM. Le type 1 fait référence à une diminution d’intensité de signal (hyposignal) avec des échos de spin pondérés en T1 et à une augmentation de l’intensité de signal (hypersignal) avec des séquences pondérées en T2, traduisant un œdème de la moelle osseuse associé à des modifications inflammatoires aiguës et subaiguës. Les types 2 et 3 indiquent des modifications chroniques. Le type 2 correspond à un hypersignal avec des séquences pondérées en T1 et à un isosignal ou hypersignal avec des séquences pondérées en T2, révélant le remplacement de la moelle osseuse normale par de la graisse. Le type 3 renvoie à un hyposignal avec des séquences pondérées en T1 et en T2, démontrant une ostéosclérose réactionnelle.

nodule de Schmorl : Voir hernie intervertébrale.

ostéophytes : Hypertrophie focale de surface osseuse et/ou ossification à la jonction des tissus mous à l’os.

paracentrale : Dans la région centrale gauche ou droite du canal vertébral.

protrusion focale : Protrusion discale dont la base du matériel déplacé est inférieure à 25 % (90 degrés) de la circonférence du disque.

région extra-foraminale : La région située au-delà du plan sagittal des limites latérales des pédicules, sans surface latérale bien définie.

région foraminale : La zone entre les plans traversant les limites médiale et latérale des pédicules.

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région sous-articulaire : La région du canal vertébral, sagittalement entre le plan des limites médiales des pédicules et le plan des limites médiales des facettes, et frontalement entre les surfaces dorsales des corps vertébraux et sous les surfaces ventrales des facettes supérieures. Syn : récessus latéral.

rupture d’annulus : Destruction des fibres de l’annulus par un traumatisme violent et soudain.

séquestre : Tissu discal déplacé et faisant saillie au-delà de l’espace intervertébral, sans maintenir de continuité avec le matériel discal de l’espace intervertébral d’origine.

sous-capsulaire : Sous la structure de l’annulus et le ligament longitudinal postérieur.

spondylarthrite ou spondylite : Maladie inflammatoire de la colonne vertébrale, de nature non dégénérative. Remarque : La spondylarthrite fait habituellement référence à une spondylarthropathie inflammatoire non infectieuse.

spondylose : Spondylose déformante caractérisée par une forme raccourcie de spondylose. Changement dégénératif de la colonne vertébrale comportant un élargissement ostéophytique des processus (ou apophyses).

spondylose déformante : Processus dégénératif de la colonne vertébrale ciblant essentiellement l’annulus fribosus et caractérisé par des ostéophytes des marges antérieure et latérale qui se hissent des processus du corps vertébral, alors que la hauteur du disque intervertébral est normale ou diminue légèrement.

syndesmophytes : Fines excroissances osseuses orientées verticalement se prolongeant d’un corps vertébral vers le suivant et correspondant à une ossification dans la portion externe de l’annulus fobrosis.