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RESPADD I RÉSEAU DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ POUR LA PRÉVENTION DES ADDICTIONS la Lettre du 19 JUIN 2014 www.respadd.org _ SOMMAIRE > TABACOLOGIE • L’étude CaPSCA : un suivi de cohorte longitudinal des interventions de préventions de la Ligue contre le cancer des Hauts-de-Seine >ADDICTOLOGIE • De Break the Cycle à Change le programme. L’adaptation en France d’une intervention britannique de réduction des risques • Addiction et travail : entre stratégie et aliénation • Le réseau des hôpitaux et structures de santé promoteurs de santé (réseau HSPS) : un réseau pour développer la promotion de la santé en milieu de soin > LIRE UTILE n quelques années nous avons assisté à l’émergence de l’Homo addictus qui est venu bouleverser les représentations sociales dans les pays dévelop- pés et vulgariser le concept d’ad- diction. L’avenir de nos sociétés modernes sera lié aux réponses indirectes et directes que nous apporterons à ces conduites addictives. Or, les structures de soin n’accueillent aujourd’hui qu’une partie minoritaire de la population concernée. Et quand elles le font, c’est très souvent tard et grave. De ce constat naît l’exigence de développer des interfaces entre tous les profes- sionnels en contact avec des publics présentant des conduites addictives. L’alcool et ses consommations illustrent la nécessité de favoriser les inter- faces entre professionnels. Si l’alcoolodépendant tradition- nel s’en tient à l’association alcool-tabac, chez les polycon- sommateurs l’alcool occupe la fonction de drogue légale de substitution ou de complément. A ce titre, on peut ramener les circonstances de rencontre avec la personne alcoolodépendante à cinq situations : • les urgences : situations sou- vent éloignées d’une démarche de soin ; • les personnes soumises à une obligation de soin ; • les patients souffrant d’une pathologie somatique détermi- née par l’alcool ou l’association alcool-tabac ; • les malades psychiatriques souffrant d’addictions, dont l’addiction à l’alcool ; • les démarches orientées ou individuelles. Dans une optique de santé pu- blique, l’objectif du soin consiste, au moindre coût social, à suppri- mer ou à réduire les addictions les plus toxiques pour le lien social et pour la santé physique. Force est de constater que le soin ne peut se concevoir qu’en s’at- taquant d’emblée à toutes les addictions. En matière de résul- tat, le lien soignant-patient ins- tauré est la meilleure garantie. La séquence relationnelle soi- gnante repose sur trois temps, éventuellement renouvelables : rencontre, création du lien et se- vrage, accompagnement. La dé- marche et l’investissement des patients supposent un cadre de proximité pérenne et accessible. Le soin doit prendre en compte toutes les composantes de l’ad- diction : psychopathologiques, psychiatriques, familiales, éco- nomiques, sociales, philoso- phiques et culturelles, et tout autant, les ressources intellec- tuelles, morales et créatrices des patients. L’implication durable et compétente des professionnels sera un des éléments condition- nant l’obtention de résultats et de changements de comporte- ments. Pour ce faire, il est nécessaire aujourd’hui en addictologie de favoriser les interfaces : • en rendant la formation en addictologie qualifiante et en l’ouvrant largement à l’ensemble des professionnels de santé de premier recours et psychologues ; • en valorisant l’acte de santé publique en addictologie pour ces professionnels formés ; • en facilitant le développement d’unités d’addictologie, notam- ment dans les établissements psychiatriques ; • en accompagnant la formation d’équipes trans-disciplinaires et en y spécifiant les pratiques, places et rôles des différents professionnels ; • en développant une filière co- hérente avec les professionnels de santé de premier recours im- pliqués en prévention secondaire (médecins, pharmaciens, infir- mières) ; • en développant les partena- riats entre les différents acteurs concernés ; • en favorisant la réflexion et la recherche clinique appliquée. Le RESPADD est engagé à vos côtés pour que ces propositions se transforment en actions. Les 19 es Rencontres du RESPADD à Biarritz en seront une étape im- portante où nous aurons l’occa- sion d’en débattre et d’échanger. Anne Borgne, Présidente du Respadd E ADDICTOLOGIE : favoriser les interfaces

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RESPADD I RÉSEAU DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ POUR LA PRÉVENTION DES ADDICTIONS

la Lettre du

19JUIN 2014

www.respadd.org

_ SOMMAIRE

> TABACOLOGIE• L’étude CaPSCA :un suivi de cohortelongitudinal des interventions de préventions de laLigue contre le cancer des Hauts-de-Seine

>ADDICTOLOGIE• De Break the Cycle à Change le programme.L’adaptation enFrance d’uneintervention britannique de réduction desrisques• Addiction et travail : entre stratégie et aliénation• Le réseau des hôpitaux et structures de santépromoteurs de santé (réseau HSPS) :un réseau pour développer la promotion de lasanté en milieu de soin

> LIRE UTILE

n quelques années nousavons assisté à l’émergence

de l’Homo addictus qui est venubouleverser les représentationssociales dans les pays dévelop-pés et vulgariser le concept d’ad-diction. L’avenir de nos sociétésmodernes sera lié aux réponsesindirectes et directes que nousapporterons à ces conduites addictives. Or, les structures desoin n’accueillent aujourd’huiqu’une partie minoritaire de lapopulation concernée. Et quandelles le font, c’est très souventtard et grave. De ce constat naîtl’exigence de développer des interfaces entre tous les profes-sionnels en contact avec des publics présentant des conduitesaddictives. L’alcool et sesconsommations illustrent la nécessité de favoriser les inter-faces entre professionnels.

Si l’alcoolodépendant tradition-nel s’en tient à l’association alcool-tabac, chez les polycon-sommateurs l’alcool occupe lafonction de drogue légale de substitution ou de complément.A ce titre, on peut ramener lescirconstances de rencontre avecla personne alcoolodépendante àcinq situations :• les urgences : situations sou-vent éloignées d’une démarchede soin ;• les personnes soumises à uneobligation de soin ;• les patients souffrant d’une pathologie somatique détermi-née par l’alcool ou l’associationalcool-tabac ;• les malades psychiatriquessouffrant d’addictions, dont l’addiction à l’alcool ;• les démarches orientées ou individuelles.

Dans une optique de santé pu-blique, l’objectif du soin consiste,au moindre coût social, à suppri-mer ou à réduire les addictionsles plus toxiques pour le lien social et pour la santé physique.Force est de constater que le soinne peut se concevoir qu’en s’at-taquant d’emblée à toutes les addictions. En matière de résul-tat, le lien soignant-patient ins-tauré est la meilleure garantie.

La séquence relationnelle soi-gnante repose sur trois temps,éventuellement renouvelables :rencontre, création du lien et se-vrage, accompagnement. La dé-marche et l’investissement despatients supposent un cadre deproximité pérenne et accessible.Le soin doit prendre en comptetoutes les composantes de l’ad-diction : psychopathologiques,psychiatriques, familiales, éco-nomiques, sociales, philoso-phiques et culturelles, et toutautant, les ressources intellec-tuelles, morales et créatrices despatients. L’implication durable et

compétente des professionnelssera un des éléments condition-nant l’obtention de résultats etde changements de comporte-ments.

Pour ce faire, il est nécessaireaujourd’hui en addictologie de favoriser les interfaces :• en rendant la formation en addictologie qualifiante et enl’ouvrant largement à l’ensembledes professionnels de santé depremier recours et psychologues ;• en valorisant l’acte de santépublique en addictologie pources professionnels formés ;• en facilitant le développementd’unités d’addictologie, notam-ment dans les établissementspsychiatriques ;• en accompagnant la formationd’équipes trans-disciplinaires eten y spécifiant les pratiques,places et rôles des différentsprofessionnels ;• en développant une filière co-hérente avec les professionnelsde santé de premier recours im-pliqués en prévention secondaire(médecins, pharmaciens, infir-mières) ;• en développant les partena-riats entre les différents acteursconcernés ;• en favorisant la réflexion et larecherche clinique appliquée.

Le RESPADD est engagé à voscôtés pour que ces propositionsse transforment en actions. Les19es Rencontres du RESPADD àBiarritz en seront une étape im-portante où nous aurons l’occa-sion d’en débattre et d’échanger.

Anne Borgne,Présidente du Respadd

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ADDICTOLOGIE : favoriser les interfaces

TABACOLOGIE I LA LETTRE DU RESPADD I JUIN 2014

En 2007, une cohorte de 1 272enfants de CE2 (8/9 ans) a

été créée et a été suivie jusqu’àl’année scolaire 2009/2010 àleur arrivée en CM2. Aujour-d’hui, la cohorte a été doubléepour suivre 2 600 élèves de col-lèges. Les élèves de la cohortesont aujourd’hui en classe de3ème (14/15 ans) et nous avonsreçu le soutien de l’inspectiond’académie pour continuer leprojet CaPSCA dans les lycéesl’année prochaine.

Dans le cadre de ce projetd’évaluation, les thématiquesde l’équilibre alimentaire et du tabac ont été choisies. Ainsiune partie des enfants suiventdes interventions sur l’équi-libre alimentaire et d’autressur le tabac. Toutes ces inter-ventions sont dispensées parles chargés de prévention de laLigue qui ont suivi et validé laformation de chargé de préven-tion dispensées par la Liguecontre le cancer des Hauts-de-Seine et le CREFOP de l’Uni-versité Paris Ouest Nanterre laDéfense.

Cette étude cherche à com-prendre l’impact d’interventionsde prévention portant sur l’ali-mentation et le tabac chez lesjeunes. Pour ce faire, nousavons interrogé les élèves àl’aide de questionnaires inspi-rés de la Théorie du Comporte-ment Planifié (Ajzen, 1991) (1)

portant sur des variables psy-chosociales et l’analyse desgroupes amicaux. Les écolesont été placées aléatoirement

dans le groupe d’interventiontabac, alimentation ou contrôle.Les élèves des groupes d’inter-ventions ont reçu une interven-tion de prévention chaqueannée portant sur le prédicteurrepéré comme étant le plus dé-terminant du comportementciblé dans la littérature scien-tifique et nos propres analyses.

Un groupe contrôle a égale-ment été mis en place et n’apas suivi d’interventions deprévention. Tous les enfants dela cohorte ont rempli 4 ques-tionnaires portant sur leurscomportements, déterminantspsychosociaux de ces compor-tements, et étude du groupeamical à 4 reprises pendantl’école primaire et 5 reprisesdurant le collège.

Les résultats intermédiairesportant sur le primaire, ont pumontrer que les élèves qui ontsuivi des interventions de pré-vention sur le tabac sont moinssusceptibles de fumer que les

autres et déclarent avoir plusl’intention de manger équilibré.Dans les deux cas, les connais-sances sur le tabac ou l’équi-libre alimentaire n’ont pasd’impact direct sur les compor-tements. Nous avons égale-ment pu constater que lesenfants qui appartiennent à unmême groupe amical ont descomportements, attitudes etnormes sociales en communconcernant les deux théma-tiques de santé. Les résultatsobtenus quant à l’impact et auxvariables déterminantes nousont permis de lister les tech-niques les plus efficaces àmettre en place pour promou-voir l’équilibre alimentaire etprévenir le tabac chez cette population de 8 à 12 ans.

En effet, les connaissancesn’ayant pas d’impact direct surles comportements, il est im-portant de cibler les variablesqui permettront de changer lescomportements. Par exemplepour le tabac et l’équilibre ali-

mentaire, la variable qui a leplus d’impact sur le comporte-ment est l’attitude (l’attitudeenvers un comportement est ledegré selon lequel le compor-tement est positivement ou négativement valorisé, parexemple : j’aime manger équi-libré ou j’aime imiter les fumeurs…). L’objectif des tech-niques de prévention pour unepopulation de 8 à 12 ans seraen priorité de cibler un change-ment d’attitudes ou un renfor-cement de ces dernières afind’éviter la première cigaretteou inciter à une alimentationéquilibrée.

Pour ce qui est des résultatsintermédiaires au collège, ilsemble que pour l’alimenta-tion, les interventions portantsur les normes sociales soientles plus efficaces. Les normessociales étant particulièrementimportantes à cet âge, il sembleintéressant de continuer desinterventions plus ciblées surcette thématique pour cette

> L’ÉTUDE CaPSCA : UN SUIVI DE COHORTE LONGITUDINAL DES INTERVENTIONS DE PRÉVENTIONS DE LA LIGUE CONTRE LE CANCER DES HAUTS-DE-SEINECÉCILE BAZILLIER-BRUNEAU – DOCTEURE EN PSYCHOLOGIE DE LA SANTÉ. FONDATRICE ET GÉRANTE DE LA SOCIÉTÉ B-RESEARCH,UNE SOCIÉTÉ DE RECHERCHE UNIVERSITAIRE AFFILIÉE À L’UNIVERSITÉ PARIS OUEST NANTERRE LA DÉ[email protected]

Depuis sa création, le comité des Hauts-de-Seine de la Ligue contre le cancer réalise des actions deprévention dans les écoles du département. En 2006, il a décidé de collaborer avec nos laboratoiresde recherches en psychologie du développement et psychologie sociale de l’Université Paris Ouestafin d’évaluer leurs actions d’un point de vue social, développemental et comportemental. Les actions de prévention dans les associations sont très fréquentes mais peu sont évaluées de manière systématique (par faute de moyen ou de connaissances). Il est important d’évaluer ces interventions afin de permettre la pérennité et l’efficacité des interventions de prévention et ne pasdépenser l’argent des donateurs sans preuve de l’efficacité des interventions.

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_ TABACOLOGIE

JUIN 2014 I LA LETTRE DU RESPADD I TABACOLOGIE / LIRE UTILE3

tranche d’âge (12/15 ans). Plusimportant encore, en ce quiconcerne le comportementréel, les enfants du grouped’intervention alimentation ontmaintenu leur niveau d’équilibrealimentaire tandis que pour lesautres groupes ce niveau a diminué. Concernant le tabac,malgré un effet significatif de

> GOLDEN HOLOCAUSTLE COMPLOT DES INDUSTRIELS DU TABACROBERT-N PROCTOR – Ed : Editions des Equateurs – 690 pagesLa cigarette est le produit le plus meurtrier que l’homme ait fabriquéau cours de son histoire. C’est aussi l’un des plus attractifs, grâce àplus d’un siècle de manipulations des chimistes de l’industrie du tabacpour créer une puissante addiction au tabac.

Dans Golden Holocaust, Robert N. Proctor s’appuie sur les volu-mineuses archives de l’industrieaméricaine, longtemps restéessecrètes, pour expliquer com-ment la cigarette est devenue ladrogue la plus utilisée de la pla-nète, avec six billions d’unitésvendues chaque année. Il brosseun portrait terrifiant des indus-triels du tabac qui conspirentpour nier les cancers provoqués

par leur produit, tout en ralliantà leur cause des légions descientifiques et de politiciens. Proctor relate des histoires inédites de fraude et de trompe-rie, mais il expose aussi les arguments les plus solides jamais présentés en faveur d’une solution simple mais am-bitieuse : l’interdiction de fabri-quer et de vendre des cigarettes.

Une grande part est faite auxanorexies mentales restrictives etaux addictions sans substance :écrans, jeux de hasard et sport,sans oublier les jeux d'évanouis-sement rarement associés auxproblématiques d'addiction etnéanmoins marqués par leur répétition et leur gravité.Prendre en charge l'enfant oul'adolescent, c'est aussi travailleravec les familles, les associationset l'école. On peut, dans ces domaines, développer des expé-riences originales à inscrire dansl'organisation des soins. La pré-vention et les soins sont prochesmais la bonne volonté ne suffitpas, la recherche doit être en-core active pour ces pathologiesencore trop souvent incomprises.Cet ouvrage se veut en lien avecles besoins d'une pratique courante, il s'adresse à tous lesprofessionnels de l'enfance et de l'adolescence mais aussi aux familles confrontées aux pro-blèmes d'addiction ou qui cher-chent des informations sur ceproblème d'actualité.

> ADDICTIONS CHEZ L'EN-FANT ET L'ADOLESCENTGEORGES PICHEROTEd : Doin – 231 pagesL'abord pédiatrique des addic-tions de l'enfant et de l'adoles-cent est trop peu fréquent.Pourtant, les pédiatres, les mé-decins généralistes et autressoignants sont, autant que lespédopsychiatres, confrontés auxrisques d'addictions. Après lesdonnées épidémiologiques, psy-chopathologiques et sociales,sont abordées les conséquencesdes addictions parentales sur lefœtus et l'enfant. Les consom-mations de produits licites et illicites sont détaillées (alcool,tabac, cannabis, autres drogues).

> PREMIÈRE ENQUÊTE INTERNET AUPRÈS DESCONSOMMATEURS DE PRODUITS DE SYNTHÈSEDans le cadre du projet I-TRENDqu'il coordonne et pour lequel ilest associé à quatre autres payseuropéens (Pays-Bas, Pologne,République tchèque et Royaume-Uni), l'OFDT lance la premièreenquête en ligne auprès des usagers de nouveaux produits de synthèse. Un questionnaireanonyme centré sur leurs moti-vations et leurs expériences estaccessible en ligne. Il est également relayé par plu-sieurs intervenants du champ.Les résultats de cette enquête,disponibles en 2015, pourrontnotamment contribuer à laconstruction d'une préventionadaptée à ce nouveau marché.En effet, la relative facilité d'ac-cès des nouveaux produits desynthèse peut conduire des per-sonnes qui ignorent leur compo-sition réelle à en consommer.I-TREND (Internet Tools for Research in Europe on New Drugs)est un projet retenu par la Com-mission européenne qui a démarréen 2013 et se poursuivra jusqu'en2015. Outre ce volet, I-TRENDprévoit de procéder à des analysesde produits vendus sur Internet.http://www.i-trend.eu/

_ LIRE UTILE

l’intervention sur les normessociales, nous n’obtenons pasd’impact de l’intervention sur laconsommation de tabac elle-même. Cela peut s’expliquerpar le très faible nombre de « fumeurs » (= ayant déjà essayé de fumer à une ou plu-sieurs reprises) dans notreéchantillon.

La dernière intervention deprévention est encore en coursde passation dans les établis-sements. Les 4 interventionsont été créées de manière àfonctionner ensemble et à avoirun impact global. La dernièrephase de récolte de donnéesvia les questionnaires sera récoltée d’ici la fin de l’annéescolaire 2013/1014. �

(1) AJZEN, I. (1991) The theory ofplanned behavior. OrganizationalBehavior and Human Decision Processes, 50,179-211.

> AUTO SUPPORT ET REDUCTION DES RISQUESPARMI LES USAGERS ET EX USAGERS DE DROGUESAssociation Loi 1901Agréée au niveau national pourreprésenter les usagers dans lesinstances hospitalières ou de santépublique (décret du 06/07/2012)Le dernier numéro du journald’ASUD est sorti. Vous y trouve-rez dans le désordre de ladrogue, de l’Asud basching, de l’injection, du cannabis, du Motorhead, du Breaking bad, del’arnaque aux neurosciences, de l’arnaque aux NSP… Bref vousentendrez la voix trop souventignorée des consommateurs desubstances illicites, notammentceux de plus en plus nombreux

qui sollicitent le système de soins.Après avoir lu ce journal vouspouvez faire trois choses : conti-nuer à lire ASUD Journal et lefaire connaître autour de vous ;vous réabonner ; répondre au

questionnaire en ligne asud.org.ASUD : 32 rue Vitruve - 75020Paris / Tél. : 01 43 15 04 00Fax : 01 43 15 31 [email protected]

ADDICTOLOGIE I LA LETTRE DU RESPADD I JUIN 2014

Forte prévalence du VHC chezles UDVI et émergence des interventions axées sur les transitions vers d’autresmodes d’administration (TMA)

La mise en place dans la plu-part des pays occidentaux, à

partir des années 90, d’une poli-tique de RDR, avec notammentl’accès à des seringues neuves etle développement des traitementsde substitution aux opiacés apermis de réduire fortementl’épidémie du VIH parmi les usa-gers de drogues. En revanche,l’effet de ces dispositifs sur latransmission du virus de l’hépa-tite C a été limité : d’une partparce que le VHC est plus résis-tant que le VIH et d’autre partparce que, malgré des évolu-tions, les pratiques à risques etles partages de matériel se sontmaintenus à un niveau élevé.

Au niveau international, cette si-tuation a conduit les intervenantscommunautaires et du champ dela santé publique à s’intéresserde plus près à la question destransitions vers d’autres modesd’administration (TMA). Cet inté-rêt pour les TMA a conduit au développement de programmeset d’interventions (route transitioninterventions) se répartissantselon deux grandes stratégies :

1) la diminution ou l’arrêt de l’injection et la promotion desmodes d’administration alterna-tifs parmi les injecteurs actifs ;

2) la prévention du passage à l’injection des usagers non-injec-teurs (Hunt et al., 1999 ; Inserm,2010).

C’est dans cette seconde pers-pective que s’inscrit BTC, conçuepar Neil Hunt (Hunt et al., 1998).BTC est une intervention brèved’une quarantaine de minutesqui s’appuie sur les principes del’entretien motivationnel (EM) etdont l’objectif principal est de réduire le nombre de primo-injecteurs afin de diminuer lenombre de contaminations viraleset d’overdoses. S’appuyant sur lathéorie de l’apprentissage social(Bandura, 1977) et sur des tra-vaux ethnographiques ayantmontré que le désir d’injecter seforgeait dans le temps au contactd’autres usagers injecteurs dontla fréquentation tend à norma-liser la pratique (Stilwell et al.,1999), l’intervention s’adresseaux injecteurs en se basant surles constats suivants :

• même si les injecteurs jouentun rôle important auprès desnon-injecteurs dans leur déci-sion d’essayer l’injection, ils neréalisent pas toujours qu’ilsexercent cette influence ;

• alors que les personnes qui veu-lent s’initier à l’injection demandenten général aux injecteurs de leurfaire leur(s) premier(s) shoot(s),ces derniers se révèlent souventréticents et sont démunis face àce type de requêtes pour lesquellesils sont peu préparés à répondre.

L’objectif spécifique de l’inter-vention est donc de faire en sorteque les injecteurs soient mieuxarmés pour répondre aux de-mandes d’initiation qui leur sontadressées (4).

En France, l’intérêt pour les TMAa émergé plus tardivement. C’estdans le cadre de l’expertise col-lective de l’Inserm sur la RDRque l’approche des TMA est pourla première fois présentéecomme une des pistes intéres-santes pour faire face aux nou-veaux défis posés par l’épidémied’hépatite C. BTC est identifiée à cette occasion comme une intervention prometteuse, qui recueille une forte adhésion desusagers et qui, de par sa sou-plesse, peut être adaptée à diffé-rents contextes et cultures deconsommation sans que soientremis en cause ses principes debase (Inserm, 2010). L’Inpes en-treprend alors de l’adapter selonune démarche progressive etconcertée.

Faire émerger la thématiquede l’entrée dans l’injection etpartager avec les acteurs(2010-2012)

Sur le plan scientifique, l’exper-tise collective avait permis de

se rendre compte que la théma-tique de l’entrée dans l’injectionn’avait été que très peu investiepar les chercheurs en France.Renforcer les connaissances surle phénomène était donc néces-

saire et c’est pourquoi, en 2010,l’Inpes a mis en place l’enquêtePrimInject (Guichard et al., 2013).Par ailleurs, l’intervention BTCayant déjà été adaptée, une synthèse des différentes expé-riences étrangères de l’interven-tion a été effectuée afin de mieuxconnaître les freins et les leviersà la réussite de l’adaptation del’intervention.

Sur le plan partenarial et institu-tionnel, l’Inpes a mené un travailcollaboratif avec les différentsacteurs (institutionnels, cher-cheurs, professionnels et asso-ciatifs) qui devaient être, àtermes, impliqués dans la miseen œuvre de l’intervention sur leterrain. Il s’agissait surtout de fa-voriser le transfert de connais-sances en donnant une visibilitéaux recherches et interventionsétrangères portant sur l’entréedans l’injection et les TMA et, enparticulier, à BTC. Pour ce faire,l’Inpes a réuni à plusieurs reprises les différentes partiesprenantes de la RDR française,ainsi que les chercheurs impli-qués sur ces questions, à l’occa-sion de réunions publiques(Inpes, 2010) ou en groupes detravail, et a invité à deux reprisesle concepteur du programmeNeil Hunt. Au cours de ces ren-contres étaient présentés les tra-vaux effectués par l’Inpes,différentes expériences étran-gères, des recherches, etc. dontle contenu, les résultats et l’inté-rêt étaient débattus avec les

> DE BREAK THE CYCLE À CHANGE LE PROGRAMME. L’ADAPTATION EN FRANCED’UNE INTERVENTION BRITANNIQUE DE RÉDUCTION DES RISQUESDAVID MICHELS PhD – CHARGÉ DE PROJETS, RESPADD / [email protected] ASSOCIÉ, ECOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES, LABORATOIRE INTERDISCIPLINAIRE SOLIDARITÉS,SOCIÉTÉS, TERRITOIRES (UMR 5193 - CNRS - EHESS - UTM)

ANNE GUICHARD PhD – PROFESSEURE EN SANTÉ COMMUNAUTAIRE, UNIVERSITÉ LAVAL, FACULTÉ DES SCIENCES INFIRMIÈRES,QUÉBEC, CANADA

En mars 2014, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) a terminé la première phase d’un projet d’adaptation d’une intervention britannique de réduction des risques(RDR), Break the Cycle (BTC). La fin de cette première phase (1) à laquelle nous avons tous les deuxparticipé (2) est l’occasion de revenir sur son déroulement et sur les enjeux que soulève ce type de projet. En effet, s’il est légitime de se tourner vers l’étranger pour y trouver des interventions et des pro-grammes innovants, prometteurs, voire efficaces, il n’est pas possible de procéder à leur simple « importation » sans risquer de compromettre les chances de succès d’une telle entreprise (3). Si « importation » il doit y avoir, la réussite de celle-ci repose sur une véritable appropriation des interventions et des programmes par les institutions et administrations, mais surtout par les acteurs associatifs et les représentants des personnes concernées. Cet article voudrait rendrecompte de la démarche qui a été suivie.

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_ ADDICTOLOGIE

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participants. Par ailleurs, l’Inpesa piloté une étude de faisabilitésur l’implantation de BTC enFrance qui explorait les percep-tions et les attentes des profes-sionnels face au développementdes stratégies d’action dérivantdes TMA (Cantiteau, 2011).

L’intervention n’a pas tout desuite emporté l’adhésion de tousles acteurs issus du secteur et il a fallu prendre le temps demettre en lumière la pertinenceet le bien-fondé du programme.Les doutes et les oppositionsportaient essentiellement surtrois points :

1) BTC, en ciblant l’injection et enla séparant des autres pratiquesde consommation, ferait courir lerisque d’une stigmatisation de lapratique de l’injection, d’un ren-forcement de l’isolement et de ladiabolisation des injecteurs ausein de la société mais aussi vis-à-vis des autres usagersalors même que pour certainsacteurs l’injection devait d’abordêtre considérée comme une « culture » avant d’être envisa-gée comme une « pathologie » ;

2) certains acteurs ont égale-ment interrogé l’éthique et les intentions de BTC qu’ils ont per-çues comme une interventionmoralisatrice, normative, pres-criptive puisqu’en visant la « pré-vention du passage à l’injection »,elle contreviendrait au principedu respect des choix de la per-sonne, principal fondement del’approche RDR. Son approcheperçue comme descendante (« top/down ») a aussi fait l’objetde débats ;

3) de manière plus diffuse, unepart du scepticisme exprimé en-vers BTC relevait d’une méfiancevis-à-vis de l’entretien motiva-tionnel (EM), une pratique pastoujours bien connue en France,et souvent assimilée à une approche comportementaliste,considérée comme correctrice etmanipulatrice.

Ces rencontres, ces débats, cesquestionnements et doutes légi-times ont amené l’Inpes à régu-lièrement revisiter sa démarched’adaptation de l’interventionpour prendre en compte les inquiétudes, les questions et leslimites perçues par les acteurs etpour s’adapter à la réalité despratiques des intervenants enFrance.

Le développement de l’inter-vention française (2012-2014)

Les objectifs de la phase de dé-veloppement proprement dite

étaient : 1) de définir la structure, lecontenu et la forme de l’interven-tion française ; 2) de concevoir la formation àl’intervention et d’en élaborer etrédiger les supports. Pour le groupe de travail consti-tué pour l’occasion et qui réunis-sait des intervenants de terrainet des représentants des asso-ciations d’usagers, il ne s’agis-sait pas d’un simple travail detraduction des outils existants. Ilfallait réellement « déconstruire »BTC afin de se l’approprier etd’en comprendre les ressorts etla logique, pour ensuite dévelop-per sa version française.

Les échanges préalables avec lesacteurs, les experts internatio-naux, le travail avec le groupe detravail et les données recueilliessur les expériences étrangèresont permis de développer uneversion actualisée, enrichie etcontextualisée de l’interventiontout en restant fidèle à l’esprit età la forme de l’intervention origi-nelle. Renforcée dans sa compo-sante EM, l’intervention françaiseintègre également un module surl’injection à moindre risqueconsidérant qu’il n’était pas réa-liste de se cantonner à un axe « exclusivement » préventif del’initiation à l’injection (5). Comptetenu de la réalité des situationsrencontrées par les injecteurs, ilétait plus adéquat de penser quel’on pouvait en prévenir cer-taines, mais aussi en retarderd’autres et faire en sorte qu’ellesse déroulent dans de meilleuresconditions sanitaires.

L’intitulé de l’intervention fran-çaise « Change le programme »(CLP), qui prend la forme d’uneinterpellation des usagers, sou-ligne dans un langage explicite etincitatif que l’intervention leurest adressée et qu’ils ont le pou-voir de « changer la donne ».

Quant à la formation des profes-sionnels à CLP, l’idée était de répondre à un double objectif : 1) former les intervenants à l’in-tervention CLP en développantleurs capacités à ouvrir un dia-logue avec l’usager sans juge-ment sur la pratique d’injectionet en leur permettant de maîtri-ser la conduite d’un entretiendans l’esprit de l’EM ;

2) renforcer leurs connaissancessur l’injection les produits, leurseffets et leurs risques, les moti-vations des usagers à s’injecter,les processus de transition etd’initiation, et les techniquesd’injection à moindre risque.Nous avons donc conçu une for-mation intégrée sur quatre jourspendant laquelle les intervenantspourraient se former à l’EM enpratiquant CLP tout en se perfec-tionnant sur l’injection à moindrerisque. Deux supports ont étéconçus : un Guide d’interventionqui permet de progresser dansl’intervention séquences par séquences et un Livret ressourcescontenant toutes les informa-tions nécessaires sur CLP, lesproduits et l’injection.

Comme on l’a vu, l’importationd’une intervention ou d’un pro-gramme étranger peut, même sielle est portée par une institutionnationale telle que l’Inpes, adop-ter une approche concertée etparticipative nécessaire à l’adhé-sion du plus grand nombre. Ladémarche même du processusd’adaptation soutient le proces-sus d’implantation par unemeilleure adéquation de ses mo-dalités aux réalités des interve-nants sur le terrain. Le travaileffectué en amont (qui permet detisser des liens avec des parte-naires, d’instaurer une confiance,de partager un savoir, etc.) estdonc, selon nous, à envisagercomme une étape indispensablede tout projet visant l’adaptationd’interventions conçues dansd’autres contextes et se référantà d’autres cultures profession-nelles. �

Bibliographie

BANDURA A., 1977, Social LearningTheory, Englewood Cliffs, PrenticeHall. CANTITEAU C., 2011, Reduction ofhepatitis C among Intravenous DrugUsers. The feasibility study of a HarmReduction program targeting theentry into the injection: "Break theCycle",mémoire de master de santépublique, EHESP.EMCDDA, 2013, North Americandrug prevention programmes: arethey feasible in European culturesand contexts?, Luxembourg, Publi-cation Office of the European Union.GUICHARDA., 2012, « "Break the cycle"un programme pour rompre lecycle de l’injection », Swaps, n° 67,pp. 21-23.GUICHARD A., FOURNIER V., MICHELS D., GUIGNARD R., 2010,« Réduire le risque d’infection par

l’hépatite C chez les usagers dedrogues : la piste de la préventiondu passage à l’injection », La santéde l’homme, n° 409, pp. 7-10. GUICHARD A., GUIGNARD R., MI-CHELS D., BECK F., ARWIDSON P.,LERT F., ROY E., 2013, “Changingpatterns of first injection across keyperiods of the French Harm Reduc-tion Policy: PrimInject, a cross sec-tionnal analysis”, Drug and AlcoholDependance, vol. 133, pp. 254-261.HUNTN., STILLWELL G., TAYLORC.,GRIFFITHS P., 1998, “Evaluation ofbrief intervention to prevent initiationinto injecting.” Drugs Education andPrevention Policy, vol. 5, pp. 185-194HUNT N., GRIFFITHS P., SOUTH-WELL M., STILLWELLG., STRANGJ.,1999, “Preventing and curtailing injectiong drug use: a review of opportunities for developing anddelivering route transition inter-ventions.”, Drug and Acohol Review,vol. 18, pp. 441-451.INPES, 2010, Injection de drogues :comment articuler prévention, édu-cation et réduction des risques, [enligne] : http://www.inpes.sante.fr/10000/themes/drogues/seminaire-injection-RDR.aspINSERM, 2010, Expertise collective.Réduction des risques infectieux chezles usagers de drogues,Paris, Inserm.STILWELL G., HUNT N., TAYLOR C.,GRIFFITHS P., 1999, “The modellingof injecting behaviour and initiationinto injecting”, Addiction, Researchand Theory, vol.7, pp. 447-459.STRIKE C., ROTONDI M., KOLLA G,ROY E., ROTONDI N.K., RUDZINSKIK., BALIANR., GUIMONDT., PENN R.,SILVER R.B., MILLSON M., SIROISK., ALTENBERG J., HUNT N., 2014,“Interrupting the social processeslinked with initiation of injection:Results from a pilot study”, Drug andAlcohol Dependance,vol. 137, pp. 48-54

Références

(1) Le projet en lui-même comportetrois phases : Phase I : adaptationet développement (2012-2014) ;Phase II : évaluation et expérimen-tation (2014-2015) ; Phase III : dé-ploiement (2016-….).(2) Anne Guichard est à l’origine duprojet, qu’elle a porté au sein del’Inpes de 2010 à la mi-2013. DavidMichels est d’abord intervenu sur leprojet en 2010, pour la mise en placede l’enquête PrimInject (cf. infra),et a ensuite pris le relai de AnneGuichard à partir de la mi-2013 jus-qu’à la fin de phase I en mars 2014.(3) Sur ce point, voir par ex.EMCDDA, 2013.(4) Pour une présentation détailléede l’intervention voir Guichard, 2012.(5) Comme l’adaptation canadiennede BTC, Change The Cycle (Strike etal., 2014).

_ ADDICTOLOGIE

> IDÉOLOGIE ET SÉMANTIQUE

Un premier tour d’horizon historique et philosophique

a permis de tracer les contoursd’un phénomène de vaste am-pleur. L’on y apprend notam-ment que le concept de stressvient du latin stringere qui signifie « rendre raide », « ser-rer », « presser » mais qu’il aconnu par la suite un autreusage à la fois proche et loin-tain, dans la mécanique phy-sique, pour désigner le point derupture d’un métal.

> PERTE D’AUTONOMIE ET SOUFFRANCE AU TRAVAIL

Sans vouloir nier l’impact positif du travail, indéniable-

ment facteur d’intégration so-ciale et ressource capable deréguler les conduites à risques,il est aussi à l’origine de diverses formes de pression et,à ce titre, initie voire aggravedes situations de consomma-tions ou des prises de risques.La surexposition à des risquespsycho-sociaux peut entraînerune souffrance psychique, unmal être au travail et desusages problématiques de sub-stances psychoactives, ceux-civenant soutenir chez certainsindividus des réactions d’adap-tation et de défense comme lesoulignait Pierre Falzon.

Le concept de précarisationsubjective avancée par DanielLinhart est ici particulièrementprobant. En créant des condi-tions d’incertitude pour le sala-rié, l’employeur se dote d’une

certaine maîtrise. Ce sont eneffet les conséquences pos-sibles sinon anticipées, des restructurations de services,changements fréquents dansl’environnement de travail (hié-rarchie, outils de travail, logi-ciel…) Le salarié incorporecette précarité statutaire etdéveloppe une peur relative àla contrainte productive, elle-même propice à la survenue de pathologies psychiques (bi-polarité, dépression…) et/ou à l’initiation de conduites àrisques liées aux usages deSPA.

> FONCTIONNALISME VS INTERACTIONNISME SYMBOLIQUE

allons pas penser cependantque les conduites à risques

au travail ne sont qu’une rusedu système sur l’individu.Comme le suggère PatrickPeretti-Wattel, l’image socialenégative attachée aux usagersde SPA ne doit pas égarerl’analyse. Ce serait faire la partbelle au déterminisme et peude cas de l’initiative indivi-duelle. Certaines consomma-tions sont en effet l’objet d’unedécision si ce n’est rationnelledu moins délibérée et volon-taire de l’individu, s’inscrivantdans un parcours de consom-mation dont la finalité est po-sitive. L’illicite normalisateurest un concept avancé pourillustrer ce changement de paradigme qui engage à repen-ser les consommations et lesmodes de prévention qu’ilconvient de développer pources catégories d’usagers.

Ce que Michel Hautefeuillenomme « le dopage quotidien »s’inscrit dans l’un des axesspécifiques de la santé au tra-vail que l’on peut définircomme celui des dynamiques àl’œuvre au travail dès lors queles individus respectent ettransgressent le travail pres-crit. Ces dynamiques ont unrôle dans le processus deconstruction de la santé au tra-vail et dans les risques de sonaltération. ET comme touterègle porte en elle la possibilitéde sa transgression, cettemême règle est aussi en cesens un objet de transaction.

Est-ce à dire que l’individu esttotalement libre dans sesusages ? Rien n’est moins sûr.Des transformations politiqueset sociales peuvent favoriserune demande sociale qui rendacceptable les conduites àrisques. La santé publiqueelle-même peut exercer uneforme de régulation insidieusesur les individus. C’est ce quesuggère Daniel Linhart en invoquant le concept de bio–politique (2).

> DE NOUVELLES APPROCHESPOUR UN NOUVEAU PARADIGME

On ne peut présumer de lapluralité des profils psycho-

logiques à l’origine des usagesde drogues ni non plus des mo-biles associés. Cependant enallant à la rencontre des usa-gers et en créant un espace dedialogue, on peut mieux com-prendre ces usages.

Le programme PREVDROG-PRO (3), approche originale etintégrée, présenté par GladysLutz, se distingue par une lo-gique d’analyse compréhensivefavorisée par des entretiensouverts pour libérer le dis-cours, appréhender le systèmede valeurs et les motivationsdes acteurs tout comme lapuissance du travail sur l’indi-vidu. Contribution importantedans la redéfinition des catégo-ries d’analyse et du lexique,des conditions du dialogue surles usages et les produits me-surant la réalité fonctionnelledu tabou.

> VERS UN DIALOGUE SOCIALET COLLECTIF SUR LESCONDUITES À RISQUES ENMILIEU PROFESSIONNEL

Ce cycle de conférences (4)

s’est clos sur une réflexion àpropos des rôles des cliniciensdu travail et des addictologuesdans la prise en charge desusages en milieu profession-nel. Or plutôt qu’envisager unesegmentation des missions dechacun, c’est vers un travaillerensemble qu’il faut peut-êtretendre.Il est aujourd’hui prouvé no-tamment que la coopérationdes médecins traitants et desmédecins du travail dans laprise en charge et la réhabili-tation peut contribuer à réduireles arrêts de travail et favoriserl’adaptation des conditions detravail à l’état de santé du tra-vailleur (5).

Les professionnels de santé etles chercheurs en présence

> ADDICTION ET TRAVAIL : ENTRE STRATÉGIE ET ALIÉNATIONANNE-CÉCILE CORNIBERT – RESPADD

Ambitieux, le congrès organisé par l’association ADDITRA qui s’est tenu les 7 et 8 avril derniers àMontrouge était au cœur des préoccupations qui animent pouvoirs publics, professionnels de santéet dirigeants d’entreprise, à propos des conduites à risques liées à l’usage de substances psycho-actives (SPA) dans le monde du travail. Mal-connus voire dissimulés, grevés par l’absence d’études épidémiologiques au niveau national, cesphénomènes n’en sont pas moins prégnants (1). Complexes, ils engagent une approche multifocale : sanitaire, réglementaire et sécuritaire et soulèvent la question des conditions de travail, des vulné-rabilités individuelles, des codes de sociabilité au travail. Ces rencontres transversales et pluridisciplinaires ont placé au centre des débats les liens entresubstances psychoactives et travail. Retour express sur quelques concepts et modèles d’analyse.

ADDICTOLOGIE I LA LETTRE DU RESPADD I JUIN 20146

_ ADDICTOLOGIE

N’

JUIN 2014 I LA LETTRE DU RESPADD I ADDICTOLOGIE7

Depuis 2013 le réseau fran-çais HPS a élargi le recrute-

ment de ses membres à toutestructure de santé qui participeà l’offre de soins (établisse-ments de santé publics ou pri-vés, centres de santé, maisonset pôles de santé ainsi que réseaux de santé) et est devenule réseau français des Hôpitauxet structures de santé promo-teurs de santé (réseau HSPS).Actuellement 23 établissementsparticipent au réseau.

Avoir une démarche de promo-tion de la santé dans une struc-ture de santé qui participe àl’offre de soins, c’est :• travailler dans une logique de

santé axée sur la qualité de viedes usagers et de leur famille,au-delà de la prise en chargedes maladies ;• mettre en œuvre des actionsd’éducation pour la santé despersonnes qui fréquentent lastructure de santé ou vivent àproximité ;• travailler en partenariat avecd’autres acteurs pour assurerla continuité des soins et lafluidité des parcours de santé ;• faire de la structure de santéun lieu où les conditions de vieet de travail exercent une in-fluence favorable sur la santéde chacun ;• faciliter la participation effec-tive et concrète des usagers

et des professionnels aux décisions qui concernent leur santé ;• participer à l’amélioration dusystème de santé en général.

L’INPES organise l’activité ré-seau HSPS autour de 3 axes :l’animation du réseau et sondéveloppement et la participa-tion aux travaux du réseau international. Pour ce faire, ilest accompagné par un comiténational de coordination consti-tué de représentants institu-tionnels (Haute autorité desanté, Direction générale del’offre de soins et Agences ré-gionales de santé), des fédéra-tions hospitalières, la société

française de santé publique etdes représentants des hôpitauxmembres. Il organise deséchanges de pratiques, élaboredes outils méthodologiques etde communication, commu-nique auprès d’acteurs straté-giques et hospitaliers.

Le 13 novembre 2014 le réseauorganise au Ministère de lasanté un séminaire sur lethème de la promotion de lasanté à l’hôpital. Cette journéesera l’occasion de présenter ladémarche HSPS en l’illustrantd’actions de terrain et d’échan-ger sur les conditions de samise en œuvre. �

www.reseauhsps.fr

> LE RÉSEAU DES HÔPITAUX ET STRUCTURES DE SANTÉ PROMOTEURS DE SANTÉ (RÉSEAU HSPS) : UN RÉSEAU POUR DÉVELOPPER LA PROMOTION DE LASANTÉ EN MILIEU DE SOINTHANH LE LUONG – DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L'INPES

Le réseau international « Health Promoting Hospitals and Health Services » (HPH) a été initié parl’Organisation mondiale de la santé pour mettre en œuvre les principes de promotion de la santédans les hôpitaux. Il a débuté par une expérimentation dans 20 hôpitaux européens en 1993 et aujour-d’hui est devenu une ONG indépendante et un réseau de réseaux nationaux, avec 980 hôpitauxmembres dans plus de 40 pays à travers le monde. Le réseau français des Hôpitaux promoteurs desanté (HPS) a été créé et a rejoint le réseau international en 1997. L’Institut national de préventionet d’éducation pour la santé (INPES) coordonne ce réseau depuis sa création en 2002.

s’accordaient sur ce point : lapérennité d’une démarche deprévention des risques liés àl’usage de SPA en milieu pro-fessionnel repose sur l’instau-ration et l’entretien du dialoguesocial et la coordination de tousles acteurs (employeurs, sala-riés, représentants du person-nel, médecin du travail, équipepluridisciplinaire du service desanté au travail) avec l’humilitéet l’humanisme qui s’imposent.Informer sur les risques liésaux usages et particulièrementles risques professionnels poursoi-même et pour autrui touten respectant la sphère privée.Il s’agit là d’un équilibre fragilemais il est essentiel. �

Références

(1) On estime, sur une base ap-proximative de 8 à 10 % d’individusprésentant un risque de dépen-dance à des produits, que la partdes coûts socio-économiques desdommages liés à l’usage de SPAinduits pour une entreprise (re-tards, absentéisme, dysfonctionne-ments opérationnels) atteint 1 à 2 % de la masse salariale. Or l’en-quête DRH INPES-ANPAA a mon-tré à quel point les directions deressources humaines se sententdépourvues dès lors qu’elles sevoyaient confrontées à un pro-blème de consommations à risquedans leur entreprise. (cf. sondageDRH INPES-ANPAA-BVA réaliséauprès de 811 DRH et chefs d’en-treprises (dont 102 entreprises demoins de 50 salariés et 709 entre-prises de plus de 50 salariés).

(2) « Je soutiens l’hypothèse qu’avecle capitalisme on n’est pas passé

d’une médecine collective à unemédecine privée, mais que c’estprécisément le contraire qui s’estproduit ; le capitalisme, qui se dé-veloppe à la fin du XVIIIe siècle et audébut du XIXe siècle, a d’abord so-cialisé un premier objet, le corps,en fonction de la force productive,de la force de travail. Le contrôle de la société sur les individus ne s’effectue pas seulement par laconscience ou par l’idéologie, maisaussi dans le corps et avec lecorps. Pour la société capitaliste,c’est le bio-politique qui importaitavant tout, la biologique, le soma-tique, le corporel. Le corps est uneréalité bio-politique, la médecineest une stratégie bio-politique. »Michel Foucault, Dits et Ecrits II,« La naissance de la médecine sociale », 2008, p 210

(3) Les résultats du programmePREVDROG-PRO seront bientôtdisponibles en ligne. Pour une pré-

sentation du programme :http://www.federationaddiction.fr/prevdrog-pro-une-recherche-sur-les-usages-dalcool-drogues-et-medicaments-psychotropes-au-travail/

(4) Les actes vidéo du colloque ADDITRA seront bientôt dispo-nibles en ligne www.additra.fr

(5) Cf. par exemple “Dutch occupa-tional physicians and general practicionners wish to improve co-operation”, P. Bujis, R. Van Amstel,F. Van Dijk in Occupationnal and en-vironmental medicine, 1999, volume56, n° 10 p 709-713. « Médecins généralistes et santéau travail » in Médecins du travail,médecins généralistes, regards croisés,ss dir. de C. Ménard, G. Demortière,É. Durand, P Verger, F. Beck, p 115-166.

_ ADDICTOLOGIE

La Lettre du RespaddBulletin trimestriel

du Respadd Juin 2014 - N° 19ISSN 2105-3820

96 rue Didot75014 Paris

Tél : 01 40 44 50 26Fax : 01 40 44 50 46

[email protected]

Directeur de Publication : Anne Borgne

Directeur de Rédaction : Nicolas Bonnet

Comité de rédaction : Francine Bonfils, Nicolas Bonnet,

Anne-Cécile CornibertSecrétariat : Maria Baraud

Ont collaboré à ce numéro :

Cécile Bazillier-Bruneau, Nicolas Bonnet, Anne Borgne,

Anne-Cécile Cornibert, Anne Guichard, Thanh Le Luong,

David Michels, © Textes et visuels : Respadd 2014

Bernard Artal GraphismeImprimerie Peau

Tirage : 3 500 exemplaires8

LIRE UTILE I LA LETTRE DU RESPADD I JUIN 2014

_ LIRE UTILE

> NOUVEAUX MODES DE SOCIALISATION DES JEUNESPUBLICS ADULTES EN ESPACES OUVERTS AUTOURDE CONSOMMATIONS D’ALCOOL. Tendances récentes et nouvelles drogues.Observations dans différentslieux de rassemblement parisiens. Une extension dudispositif TREND à Paris.Observatoire français des drogueset des toxicomanies (OFDT), 2014-03, 79 p.Les pratiques d’alcoolisation desjeunes générations suscitent denombreuses interrogations etpréoccupent les pouvoirs publicstant en termes d’ordre que sur leplan sanitaire. Parmi les compor-tements souvent décrits commefavorisant les consommations figurent les rassemblements enespaces ouverts qui semblent sedévelopper dans nombre de mé-tropoles. C’est afin de mieux enpercevoir les enjeux en termes debesoins préventifs que la DASES(Direction de l’action sociale, del’enfance et de la santé) de laMairie de Paris a souhaité qu’uneétude soit menée autour de cettethématique en se concentrantparticulièrement sur les alcooli-sations en espaces ouverts desgrands adolescents et des jeunesadultes.http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/epfxacu3.pdf

> PASCASIUS OU COMMENT COMPRENDRELES ADDICTIONSSuivi du Traité sur le jeuMARC VALLEURLOUISE NADEAUPresses universitaires de Montréal190 pagesHomme de la Renaissance, Pascasius décrit, en médecin eten philosophe, la passion quianime le joueur pathologique, laperte de liberté dont il souffre etles raisons pour lesquelles ils’enferre dans la dépendance,tout en accompagnant son ana-lyse de remèdes libératoires. Sa conception de la trajectoireaddictive est proche de notre sensibilité contemporaine, tantdans son raisonnement que dansses applications cliniques. La découverte de son texte permetainsi de confirmer que les jeuxd’argent et de hasard sont unedes sources les plus anciennes dece que nous appelons aujourd’hui« dépendance ».Traduire et publier un texte médicaldatant de 1561 et rédigé en latinsemblera peut-être étrange àcertains, mais l’attrait de ce texteparaîtra toutefois évident à tousles lecteurs intéressés, à quelquechef que ce soit, par le phénomènedes conduites de dépendance. Onpeut même aller jusqu’à affirmerque le traité Du jeu de Pascasiusmarque le nouvel acte de nais-sance des maladies addictives.

> CANNABIS ET ANXIÉTÉSOCIALE À L'ADOLESCENCE :EFFETS RECHERCHÉS ET RESSENTIS DE LACONSOMMATIONEMILIE SCHMITSEd : Éditions universitaires européennes216 pagesCe travail propose tout d’abord un relevé de la littérature touchantà la consommation de cannabischez les adolescents et à ses effets, aux particularités d’untrouble de l’anxiété sociale ainsiqu’aux liens pouvant exister entre

ces deux problématiques. L’aspect pratique de cette étudefournit dans un premier temps ladescription détaillée de la démarche utilisée, à savoir l’éva-luation de 390 adolescents scola-risés à travers un questionnaireauto-révélé afin de déterminerl’existence d’un lien entre canna-bis et anxiété sociale, ainsi queles effets ressentis et recherchésde la consommation. Les résul-tats obtenus sont ensuite abor-dés, mettant en évidence un liennégatif entre consommation decannabis et anxiété sociale, ainsique des effets recherchés et res-sentis divergents selon la symp-tomatologie anxieuse. Enfin, lesdonnées obtenues sont analyséeset interprétées, offrant un nouvelaperçu des mécanismes suscep-tibles de sous-tendre le lien entreconsommation de cannabis etanxiété sociale à l'adolescenceainsi que de nouvelles perspec-tives de réflexions cliniques et de recherche.

> ADDICTIONS ET COMORBIDITESAMINE BENYAMINAEd. Dunod – 448 pages

L’usage de substances est fré-quent chez les patients souffrantde troubles mentaux et ces comorbidités peuvent avoir desconséquences graves sur leursanté doublées d’un impact défa-vorable sur leur fonctionnementsocial.Pourtant, ces troubles associésfont l’objet de très peu de consi-dération dans la pratique cliniquequotidienne, où les troubles sontmajoritairement traités de manière indépendante.Après avoir fait un tableau clinique des troubles liés aux addictions, l'ouvrage propose une prise en charge globale des pathologies addictives et psychiatriques.

> LES ADOS PRIS DANS LA TOILE : DES CYBER-ADDICTIONS ET AUTRESTECHNO-DÉPENDANCESPASCAL LARDELLIER, DANIEL MOATTIEditions Le Manuscrit – 208 pages

Les adolescents constituent lacible privilégiée des stratégiesmarketing des industriels du nu-mérique. L’objectif : une jeunessetoujours plus connectée, bran-chée sur écrans, claviers et réseaux H24. Mais avec quellesconséquences psychologiques,sociales et pédagogiques ? Internet et les TIC (Technologiesde l’information et de la commu-nication) sont porteurs de formidables potentialités rela-tionnelles, culturelles, ludiques.Mais le nomadisme, la mobilité etla connectivité ont aussi leur ver-sant sombre, dont les addictionset les dépendances induites par

toutes ces technologies sont lessymptômes les plus connus. Pascal Lardellier et Daniel Moattimettent en évidence que les adosse trouvent « pris dans la Toile »,prisonniers d’écrans toujoursplus présents et pressants. Sansdramatiser, ils pointent lesrisques de l’hyper-connnectivitéadolescente et en désignent lesorigines, qui sont aussi politiqueset socioéconomiques. Cet ouvrage s’attache à démontrerqu’une idéologie techniciste, progressiste et libérale sous-tendl’obsession à vouloir faire desjeunes les fers de lance de la « société numérique ».