La faillite de l’imaginaire. Micropolitiques de Sayeh …2014/04/18 · Détail de la murale...
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En juin 2009, la population iranienne se mobilise pour dénoncer la réélection de Mahmood
Amadinejad dans ce qu’on appellera le «mouvement vert». Face à l’oppression politique et
médiatique, le peuple se sert des médias sociaux et des nouvelles technologies de
communication pour dénoncer la violence commise par les gardes de la révolution.
Pendant plusieurs semaines, les yeux du monde entier seront rivés sur l’Iran. Au Québec
comme ailleurs, le mouvement vert sera vécu à travers ces images brutales qui nous
parviennent depuis le front. Exilée de son Iran natal, l’artiste Sayeh Sarfaraz tente de
recomposer ces mêmes évènements à travers le filtre de l’imaginaire.
Détail de l’exposition. Crédits photographiques: Fanny Gravel-Patry
L’exposition Micropolitiques, commissariée par Claire Moeder, est avant tout le lieu d’un récit
personnel où se déploient dessins colorés et jeux d’enfant. Dans l’univers de Sarfaraz, les
images violentes qui ont inondé nos écrans sont remplacées par des figures anonymes et
des personnages Lego dispersés dans l’espace d’exposition pour créer une «œuvre d’art
totale» dans laquelle sera immergé le spectateur. Dès son entrée, ce dernier est accueilli par
une gigantesque murale. Composée de formes géométriques simples et épurées, celle-ci met
en scène deux groupes d’individus distincts, les uns vêtus de bleu, les yeux bandés, et les
autres de vert. Les verts, qui affichent aussi de longues barbes et de grands chapeaux[1],
tiennent les bleus qui sont pendus ou violentés. On comprend vite que ce qui semble être
une parade loufoque de bouffons et de lutins est en fait une confrontation tragique entre
des manifestants et la bassidji, la garde de l’État islamique.
Par la simplicité des formes et des couleurs, l’artiste recompose à sa manière les
confrontations de 2009 tout en laissant place à l’interprétation et à l’imagination du
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La faillite de l’imaginaire.
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Publié par Fanny Gravel-Patry le 18 avril 2014
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Le masculin l'emporte toujours
sur le féminin. Elles XXx de
Mylène Mackay et Marie-Pier
Labrecque
La faillite de l’imaginaire.
Micropolitiques de Sayeh
Sarfaraz
Une brèche au coeur de
l'humanité. Le trou d'Eugénie
Beaudry
Un brin de fiction pour souffler
sur les braises mourantes de la
révolte. Besbouss, autopsie d'un
révolté de Stéphane Brulotte
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Dépasser les traumatismes, les
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francophonie est en feu»
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confins de l'onirisme. Villes du
Théâtre de la Pire Espèce
Écrire son imaginaire. Entretien
avec Eugénie Beaudry
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Détail de la murale située devant l’entrée de la salle
Alfred-Pellan. Crédits photographiques: Fanny Gravel-
Patry
spectateur. L’objectif serait ici de
«transcender des réalités qui nous auraient
peut être laissés indifférents», pour
reprendre les mots de Béatrice Vaugrante
d’Amnistie internationale, partenaire de
l’exposition.
À travers la galerie, de petites fenêtres se
découpent dans les murs érigés le temps de
l’exposition, laissant place à des scènes
miniatures composées de Legos: une
manifestation, des soldats, une exécution…
L’utilisation de ces figurines fait directement
appel à l’univers ludique de l’enfance; on
peut facilement reconnaître les différents
personnages qui jadis peuplaient notre imaginaire. À la manière d’un enfant qui crée son
propre univers, l’artiste reconstitue les évènements de 2009 à partir d’un langage à la fois
intime et universel.
Les murs flottants de la galerie sont transformés en bâtiments, et l’espace d’exposition en
labyrinthe urbain dans lequel déambule le spectateur. Au sol, on peut observer ce qui
semble être la commémoration d’un martyr du mouvement vert[2], incarné par des Legos.
Un personnage taché de sang est disposé à l’intérieur d’un lit de roses autour duquel sont
venus se recueillir les activistes. Malgré l’aspect respectueux et pacifiste de la cérémonie,
nous pouvons observer la présence de la Bassidji qui encercle le regroupement. Le
spectateur est également invité à entrer, à sa discrétion, dans une petite pièce blanche qui
tient lieu de prison. Nous pouvons y observer des cubes blancs sur lesquels se poursuivent
les confrontations qui figurent sur la murale de l’entrée, suggérant l’arrestation massive des
manifestants. Ces mises en scène contrastent avec les figures ludiques utilisées, nous
rappelant les horreurs commises par le gouvernement d’Amadinejad et le désillusionnement
politique de la population iranienne. Ici, le Lego symbolise la conformité de la masse sous la
menace de la censure et des arrestations aléatoires.
Détail de l’exposition.
Crédits photographiques: Fanny Gravel-Patry
Le destin des figurines est désormais entre les mains de l’artiste, traduisant l’anxiété
quotidienne de la vie sous un régime dictatorial. Pour d’autres, ces pions de plastique font
plutôt appel à l’industrialisation de la culture de masse. En s’appropriant ces objets, Sarfaraz
ne commente par seulement la situation politique iranienne, mais l’état général des relations
de pouvoir qui structurent nos sociétés.
Le jeu d’échelle entre les figurines miniatures et le vaste espace de la galerie désoriente
notre regard qui devient rapidement étranger aux scènes observées. À la manière du
panoptique, le spectateur a un point de vue privilégié sur ce qui ce passe, renforçant le jeu
de pouvoir illustré et nous excluant émotionnellement des évènements politiques
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Extrait d’une installation
Lego.
Crédits photographiques:
Fanny Gravel-Patry
représentés. Ce sentiment d’étrangeté est consolidé par un manque de médiation entourantles œuvres.
Outre le texte de présentation et le document disponible à l’entréede l’exposition[3], on possède peu d’information sur lespersonnages représentés, ce qui peut porter à confusion. Parexemple, un Lego habillé en ayatollah et braquant un fusil vers lespectateur peut facilement être confondu avec les terroristes oules talibans trop souvent représentés dans les médias de masseoccidentaux. Un manque de précision peut alimenter certainsstéréotypes sur l’Islam et l’Iran alors que, rappelons-le, lemouvement vert était également un mouvement pour l’affirmationd’une identité iranienne, au-delà du contrôle étatique et desstéréotypes qui lui sont associés dans la culture visuelleoccidentale[4].
Les Micropolitiques de Sayeh Sarfaraz demeurent un témoignage rafraichissant dumouvement vert qui fait perdurer sa mémoire dans l’imaginaire de l’artiste comme dans celuidu spectateur. Malgré que l’efficacité des œuvres soit minée par un manque d’explication, letravail de Sarfaraz nous rappelle l’importance de la mobilisation sociale pour la justice,l’égalité et un meilleur vivre ensemble.
——Vous avez juqu’au 27 avril prochain pour aller visiter les Micropolitiques de Sayeh Sarfarazà la salle Alfred-Pellan de la Maison des arts de Laval, au 1395 boulevard de la ConcordeOuest.
[1] Il s’agit ici d’une exagération des traits caractéristiques de l’ayatollah, expert de lathéologie islamique et leader spirituel de l’État islamique, qui porte la barbe et le turban. Cedernier possède le plein pouvoir politique et religieux en tant que « guide de la révolution »,au-delà des membres élus du gouvernement. Il est à la tête des forces armées, dont labassidji, mais aussi du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire.
[2] La tradition du martyr remonte à la naissance même du shiisme, une des branchesprincipales de l’Islam et la religion officielle de la République Islamique d’Iran. Le shiismenaît d’un trauma collectif survenu lors de la bataille de Karbala en 680. Deux conceptsémergent de cet événement : l’innocence (mazlumiyyat) et le martyre (shahadat). L’innocentest celui qui est sujet à la tyrannie et qui souffre d’injustice ; une condition jugée« prédestinée ». Sa mort est nécessaire pour assouvir ses maux et ceux de son entourage. Lamort de l’Imam Hossein (le petit fils du prophète Mohammed) et de sa famille lors de labataille de Karbala est commémorée comme l’événement tragique qui aurait libérél’humanité. Voir: DABASHI, Hamid (2011). Shi’ism: A religion of protest, Belknap press ofHarvard University Press.
[3] Le document définit quelques noms et termes essentiels à la compréhension dumouvement vert : Mahmood Ahmadinejad, Mir Hossein Moussavi, Procès, Révolution twitter,Ayatollah, etc. Ceci dit, lorsqu’on ne connaît pas le sujet, il est difficile d’associer les termesaux éléments représentés.
[4] Pour plus d’information, lire DABASHI, Hamid (2012). The Arab Spring : The end ofpostcolonialism, New York, Zed Books.
Tags de l'article: Amnistie internationale, bassidji, Béatrice Vaugrante, Claire Moeder, Iran,Lego, Mahmood Amadinejad, Maison des arts de Laval, Micropolitiques, salle Alfred-Pellan dela Maison des arts de Laval, Sayeh Sarfaraz
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Fanny Gravel-Patry Outre son amour inconditionnel pour les félins, Fanny est
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