La dimension culturelle du développement en Afrique...

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Décennie mondiale du développement culturel 1988-1997 La dimension culturelle du développement en Afrique : décision, participation, entreprises SCminaire régional organisé par l’UNESC0, la Banque mondiale, 1’UNICEF en coopération avec le Ministère de la culture de C&e d’ivoire au Siège de la BAD Abidjan (C&e d’ivoire) 2-6 novembre 1992

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Décennie mondiale du développement culturel 1988- 1997

La dimension culturelle du développement en Afrique :

décision, participation, entreprises

SCminaire régional organisé par l’UNESC0, la Banque mondiale, 1’UNICEF

en coopération avec le Ministère de la culture de C&e d’ivoire au Siège de la BAD

Abidjan (C&e d’ivoire) 2-6 novembre 1992

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Les id& et les opinions expnmées dans cet ouvrage sont celles des auteurs et ne reflbtent pas nécessauemeat les vue.~ de I’UNESCO

Publie en 1993 par I’Organisatioo des Nations Unies pour I’&hation, la science et la culture 7, Place de Foatenoy, 75352 Paris 07 SP

CompoSe et imprimé dans les ateliers de I’UNESCO

CLT-93/WS.5

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PREFACE

L’exercice effectué au cours du séminaire régional sur la dimension culturelle du développement en Afrique (Abidjan, 2 au 6 novembre 1992) a consisté à observer le fonction- nement du couple culture et développement dans la prise de décision, dans les stratégies de la participation et dans la conception et la mise en œuvre des entreprises.

-Le présent document réunit (i) le compte-rendu du séminaire; (ii) et les trois études consacres respectivement, a chacun des sous-themes du séminaire par M. Elikia M’BOKOLO, consultant de l’UNESC0, Mme Sylvie KOUASSIGAN, consultant de I’UNICEF et M. Mamadou DIA fonctionnaire de la Banque mondiale.

Les autres documents de travail du seminaire, notamment les communications présentees par les participants, feront l’objet d’une synthtse qui sera publiée sous la forme d’une brochure.

Les organisateurs souhaitent exprimer toute leur appréciation pour la part active qu’ont prise dans le séminaire le Bureau régional de I’UMCEF a Abidjan, la Banque mondiale, le programme sptkial de I’UNESCO “Priorité Afrique”.

Ils adressent également leurs vifs remerciements à tous les participants à ce skminaire ainsi qu’à tous ceux qui ont contribué à son organisation, notamment le Minist&re de la culture de Côte d’ivoire, la Banque africaine de développement, l’Agence suédoise pour le developpement international.

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SOMMAIRE

Pages

Compte rendu des travaux du séminaire régional sur la dimension culturelle du developpement en Afrique

Aproche comparative des processus décisionnels dans l’Afrique traditionnelle et dans les administrations contemporaines, par Elikia M’BOKOLO

La participation de communautes, un mode alternatif de développement: l’expérience de I’UMCEF, par Sylvie KOUASSIGAN

Developpement et valeurs culturelles en Afrique subsaharienne, par Mamadou DIA

L&e-toi et marche, par Edgar PISAM

Liste des participants

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COMPTE RENDU DU SEMINAIRE REGIONAL SUR LA DIMENSION

CULTURELLE DU DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE

1. INTRODUCTION

-Le Stminaire régional sur la dimension culturelle du dtveloppement en Afrique: décision, participation, entreprises, organise conjointement, dans le cadre de la Dtkennie mondiale du dtveloppement culturel (DMDC), par I’UNESCO, la Banque mondiale et I’UMCEF, en coopération avec le Minist&re de la Culture de Côte d’ivoire, avec le concours de la Banque africaine de développement et de l’Agence suédoise pour le développement international, s’est tenu a Abidjan (Côte d’ivoire), au siège de la Banque africaine de développement, du 2 au 6 novembre 1992.

Le Séminaire avait pour objet de procéder a un examen approfondi des questions lit% a l’interface culture/développement, à leurs interactions dynamiques et aux stratégies qu’elles determinent. De façon plus précise, il s’agissait d’observer le rôle des facteurs culturels dans les processus de développement, d’abord à son stade initial: la prise de décision, puis dans ses implications stratégiques: la participation, et enfin au niveau des entreprises, qui constituent les organes de mise en œuvre concrete du développement économique.

Cent-dix participants avaient répondu à l’invitation qui leur avait été adressée, aux noms des co-organisateurs, par le Sous-directeur gén&aI pour la culture de I’UNESCO. Les participants provenaient d’une quinzaine de pays africains. Les Ministres de la culture de la Côte d’ivoire (pays hôte) et du Gabon (en sa qualité de Directeur genéral a.i. du CICIBA) ont participe personnellement aux travaux du Séminaire, ainsi que M. Edgard PISAN& Président de l’Institut du monde arabe.

Outre l’UNESC0, cinq institutions du systeme des Nations Unies Ctaient representées: I’UMCEF, la Banque mondiale, I’ONUDI, le PNUD et I’OMS. Etaient présentes également des institutions africaines de coopération politique, kconomique et culturelle (OUA, CEDEAO et CICIBA) et des agences de coopération bilat&aIe (Agence canadienne pour le développement international, Agence finlandaise pour le développement international, FINNIDA, Minist&re français de la coopkration) et multilatérale (Commission des Communautes européennes). Le milieu africain des affaires (11 représentants des

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professions bancaires notamment) et les universités et instituts de recherche spécialisée de pays d’Afrique au Sud du Sahara, anglophones, francophones et lusophones étaient également représentes. A cette présence importante des universitaires et intellectuels africains provenant des pays du continent et y résidant venait s’ajouter celle de plusieurs universitaires et chercheurs appartenant à la communauté noire des Etats Unis (voir en annexe la liste complete des participants).

OUVERTURE DU SEMINAIRE

5. Le Seminaire a été ouvert le 2 novembre 1992, sous la présidence effective de Son Excellence M. Alassane OUATTARA, Premier Ministre de Côte d’ivoire. M. Babacar N’DIAYE, Président de la Banque Africaine de développement, M. Stanislas S. ADOTEVI, Directeur régional de I’UMCEF pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, M. Henri LOPES, Sous-Directeur général pour la culture à I’UNESCO, M. Luis Bernard0 HONWANA, Président du Comité intergouverne-mental pour la Décennie mondiale du dtveloppement culturel et Mme Henriette DAGRY DIABATE, Ministre de la Culture de Côte d’ivoire, ont successivement prononcé des allocutions.

6. M. Babacar N’DIAYE, apres avoir souhaité la bienvenue aux participants au nom de la Banque africaine de développement, a d’abord fait part de sa reflexion sur la relation conceptuelle entre culture et developpement et sur ses implications politiques. II a ensuite cite l’exemple japonais, comme preuve de la possible intégration des valeurs culturelles propres à une societé avec d’autres que celle-ci rencontre à l’occasion de son entrée dans les processus de la croissance kconomique et de l’industrialisation. Il a indiqué que la question fondamentale que nous devons alors nous poser est de savoir comment intégrer les facteurs culturels dans les strategies de développement pour stimuler la transformation kconomique des pays africains. A cet egard, il a dkclare que les strategies de développement devaient être multiformes et tenir compte “des facteurs économiques, non économiques ou socio-culturels qui entravent ou acceltrent le développement.. . et qui jouent un rôle-clé dans la formation et la mise en œuvre de toute politique de développement”. Le Président de la Banque africaine de developpement a donné également quelques exemples de la maniere dont la BAD tenait compte de ces differents facteurs dans son action propre. Il a enfin attire l’attention sur les implications des programmes d’ajustement structurel, sur les chances du developpement en Afrique et affirme la nécessité de promouvoir en Afrique une culture du developpement.

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7. M. Stanislas S. ADOTEVI, Directeur régional de 1’UNICEF a ensuite pris la parole pour faire remarquer que si le monde bougeait du Pacifique à l’Atlantique, de l’Océan indien aux Caraïbes, seule l’Afrique, en pleine lyse, marquait le pas, et de se demander si la marginalisation et la solitude de l’Afrique ne constituaient pas aujourd’hui des cléments positifs imposant aux élites et aux intellectuels africains une reflexion en profondeur sur les problemes et l’avenir des populations du continent. Dans cette perspective, il a souligné la nécessité impérative de reconnaître le caractere essentiel de la dimension culturelle de toute action humaine, notamment dans la crise actuelle. L’orateur a également mis l’accent sur la nécessité de bâtir une économie au service d’un développement culturellement endogene et qui se réaliserait selon ses voies propres et en s’enracinant dans les “entrailles communautaires”, contrairement a une croyance encore trop répandue en Afrique - d’où l’échec des projets de développement importés. L’origine du mal rbide dans la non-participation des populations a la transformation économique et sociale a laquelle se substitue une “dynamique du dehors”.

8. Le Directeur régional de I’UNICEF a tenu a souligné la vertu pédagogique de la crise que connait l’Afrique en l’illustrant à travers deux manifestations: l’informalisation croissante de I’kconomie des pays sub-sahariens qui démontre la capacitt d’adaptation des societés africaines, une revanche “du dedans” sur la dynamique du dehors; et des resistances spontanées aux programmes d’ajustement structurel. C’est pourquoi I’UNICEF a décidé de travailler avec la Banque mondiale pour un ajustement à visage humain. L’orateur a enfin affirme la nécessité de prendre en compte les brassages ethniques et culturels de l’Afrique dans la mise en œuvre du traite d’Abuja créant la Communauté kconomique pour faire de la culture, le fondement et la finalite du dtveloppement. II a rappel& en conclusion, ces mots de Frantz Fanon: “Nous ne voulons rattraper personne, mais nous voulons marcher tout le temps, nuit et jour, en compagnie de l’homme, de tous les hommes”.

9. M. Henri LOPES, Sous-directeur géntral pour la culture à l’UNESC0, pour sa part, apres avoir remercié les autorites du pays hôte et les institutions de coopération bilaterale et multilatérale pour le developpement, a rappel6 que la reunion se situait dans le cadre de la Décennie mondiale du developpement culturel, et correspondait notamment au titre de son premier et principal objectif qui impliquait toute la famille de 1’ONU.

10. M. LOPES a ensuite souligne que c’était de l’approche anthropologique de la culture que prockdaient la reflexion et l’action en matiére de prise en consideration de la dimension culturelle du dkeloppement. L’orateur a fait observer que des changements notables étaient

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en cours malgré les difficultés que comportait la mise en application pratique de cette approche anthropologique dans la conception des programmes et des plans de développement ainsi que dans la réalisation des projets. Au titre de ces changements, il a noté comme signes encourageants, l’implication croissante de la Banque mondiale dans cette approche, le fait que des agences du systeme des Nations Unies, une banque régionale et une agence de coopération bilatérale aient décidé de conjuguer efforts et moyens pour organiser le présent séminaire régional, apres celui organisé par la Banque mondiale en avril 1992 à Washington.

11. Il s’est ensuite adresse aux participants pour leur demander de sensibiliser de proche en proche toutes les institutions, tous les dkcideurs, à l’importance fondamentale de la prise en considération de la culture dans le développement, afin de promouvoir en Afrique un développement à visage humain. Pour ce faire, M. Lopes a suggéré la création d’un rtseau international de dialogue, d’échanges et de solidarité, un mkcanisme de suivi - Abidjan 92 - qui permettra de faire de la culture l’affaire de tous et d’impliquer la culture dans tous les

projets de développement.

12. M. Bernard0 HONWANA, Président du Comité intergouvememental pour la Décennie mondiale du développement culturel, a d’abord fait rapidement I’historique de la Dkcennie. Il a souligné ensuite que sa mise en œuvre devait être le fait, non seulement des institutions du systeme des Nations Unies, mais de tous les acteurs du développement, responsables et dkcideurs nationaux, chercheurs et intellectuels, représentants du secteur industriel et agricole, public et privé, hommes politiques et organisations non gouvernementales. Il a considéré le skminaire comme un effort pour traduire en action la réflexion sur la nécessité de prendre en consideration la dimension culturelle du développement. Il a souligné l’opportunité de cet exercice par rapport à l’examen à mi-parcours de la Décennie, qui portera notamment sur la cohérence des projets mis en œuvre dans son cadre avec ses objectifs majeurs, en premier lieu la dimension culturelle du développement.

13. M. HONWANA a ajoute que le Seminaire apporterait également une contribution précieuse a l’élaboration d’une méthodologie en vue de la prise en compte des facteurs culturels dans le développement, à laquelle travaille actuellement I’UNESCO, ainsi qu’aux activites de la Commission mondiale de la Culture et du développement.

14. Mme Henriette DAGRY DIABATE, Ministre de la Culture de la Côte d’ivoire, prenant a son tour la parole, a salut les skminaristes au nom du President Houphouët-Boigny, du Premier ministre et du Gouvernement du pays hôte, et a remercié les institutions

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organisatrices, qui ont aidé le Ministere de la culture a mettre sur pied le séminaire. Elle a montré que la situation ivoirienne dans laquelle se trouvaient rassemblés les originaires de toute l’Afrique. et où toutes les cultures africaines étaient quotidiennement en contact. représentait un champ d’observation particulierement adapté pour la réflexion des participants.

15. Mme le Ministre a fortement souligné que le séminaire etait la preuve que l’Afrique avait décidé de chercher elle-même les solutions aux problemes qui se posent à elle, qu’elle ne

-donnait plus procuration à personne pour penser et agir a sa place, que si elle avait la capacité intellectuelle de concevoir son developpement, celui-ci n’étant pas inscrit dans sa philosophie, elle devait en faire un objectif inéluctable et en inventer, personnellement, la stratégie inspirée des cultures africaines, qui devront cesser d’être closes et immuables et devenir évolutives et susceptibles d’invention permanente.

16. Pour terminer la cérémonie d’ouverture, M. Alassane OUATTARA, Premier ministre de la Côte d’ivoire, apres avoir souhaité la bienvenue aux participants, a déclaré solennellement le séminaire ouvert.

ORGANISATION DES TRAVAUX

17. L’examen du theme majeur du séminaire, compte tenu des objectifs visés, a été organisé en quatre panels consécutifs respectivement consacrés aux sous-thèmes ci-apres:

- Interactions entre culture et développement; - Décision et stratégies de dkeloppement; - Participation au developpement; - Culture et entreprises.

18. Chacun de ces sous-thbmes a fait l’objet d’une etude de base préparée respectivement par l’UNESC0, I’UNICEF et la Banque mondiale et présentée en introduction aux débats de chaque panel. Des communications complementaires proposées ou demandées par les organisateurs à quelques participants pouvaient enrichir les etudes introductives. Au sein de chaque “panel”, un modérateur conduisait les discussions et un rapporteur Ctait charge de preparer une synthese tres breve des conclusions. Apres les quatre premiers “panels”, un 5e “panel” Ctait consacr6 a la synthese des travaux et aux recommandations.

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OBJET ET THEMATIQUE DU SEMINAIRE

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Conformément à son ordre du jour, le Séminaire avait pour objectif “la prise en considération de la dimension culturelle dans le développement et ses interférences avec la prise de décision, la participation, la création et la gestion des entreprises”.

Le premier objectif de la DMDC, en effet, invite tous les partenaires à “prendre en considération la dimension culturelle du déveloooement”. Il est assez largement reconnu à présent que l’échec de la plupart des strategies de developpement des trois demihes dkcennies est dû, dans de tres nombreux cas, à une approche trop Ctroite du dtveloppement, qui ne tient pas compte, autant qu’il le faudrait, de la diversité des cultures et des societés.

En vue de faciliter le recentrage du développement et d’en corriger les approches, il s’est avéré nécessaire de procéder a un examen approfondi des questions liees à l’interface çulture/dévelooDement, à la manière dont leurs dynamiques respectives inter-agissent, aux processus globaux qui peuvent résulter de cette interaction et aux strategies qui les accompagnent. L’exercice devait donc consister, pendant le seminaire, a observer le fonctionnement du couple culture et developpement dans les processus de transformation économique et sociale, d’abord à leur stade initial: la mise de dkcision, ensuite dans leurs implications stratégiques: la oarticiuation, et a travers les entremises qui en constituent géntralement les structures de rationalité et les organes de rentabilite.

PANELI : CULTURE ET DEVELOPPEMENT

22. Sous la conduite de M. RADJA BROU, représentant le Ministre ivoirien de la culture, empêche, M. Boubacar BARRY étant rapporteur, le séminaire a d’abord examine les interactions entre culture et développement, en s’interrogeant sur le concept de dimension culturelle du dkeloppement. Les participants ont ensuite examine le rôle de la culture comme base, facteur et objectif du développement, en se demandant s’il existe une dimension culturelle proprement africaine du developpement. La reflexion des skminaristes devait se concentrer plus particulitrement sur les rapports entre patrimoine et développe- ment, notamment en ce qui concerne les traditions africaines et le dtveloppement scientifique et technologique de type moderne, ainsi que sur l’interface environnementfdéveloppement, notamment en ce qui concerne le rapport entre culture, habitat et développement urbain.

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23. Des communications sur ces différents sujets ont été présentées par M. Henri LOPES, Sous- directeur genéral pour la culture à l’UNESC0, M. Edgard PISANI, Président de l’Institut du monde arabe, Madame Axelle KABOU, sociologue, M. Mfika MUBUMBILA, Université du Zimbabwe, Madame Wanda VITAL& Université de Toronto, M. Marc LAENEN, Directeur de L’ICCROM, M. Ammar BOUNAIRA, Maître-assistant à I’EPAU d’Alger et M. Tiékoura KONE, Université nationale de Côte d’ivoire.

24. Deux tendances principales se sont dégagées des exposes et de la discussion:

(9 selon la première, il convient de procéder à une analyse critique des atouts et des difficultés de la culture africaine face au défi du développement scientifique et économique, en vue d’ameliorer les conditions de vie des populations;

(ii) la seconde s’appuie sur la culture africaine dans sa diversid et sa sp&ificité pour asseoir un developpement endogène oriente vers le mieux-être.

25. Entre ces deux tendances principales, les différents exposés et la discussion ont souligné le caractere dynamique des cultures africaines et surtout la nécessité de lier culture et développement en mettant l’accent, par une meilleure approche tht%ique, sur les interactions, positives ou conflictuelles, entre ces deux réalites.

26. Selon la première thtse, l’htritage culturel africain se caractérise par l’absence relative d’&-iture, de monuments, de grandes religions r&él&s, autrement dit par la prédominance de la tradition orale, la cr6ation d’objets artistiques ou religieux et le culte des forces naturelles, ainsi que par la primauté de la communauté sur l’individu. Cette primautt de la communauté explique le sens et la base ethnique de la solidarité; de même qu’elle influe sur les capacitts et les engagements de l’individu sur le plan politique et sur le plan economique dans le cadre de l’entreprise. En consequence, la culture africaine doit développer sa propre capaciti de critique interne, integrer la science, valoriser davantage l’individu.

27. Suivant la même approche, d’autres interventions ont souligne l’importance du social et du politique dans le jeu des acteurs du developpement, et en particulier dans les strategies conflictuelles de prise et de conservation du pouvoir.

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28. La seconde thèse pose le problème essentiel de la relation de l’homme au temps et à la nature et surtout du choix entre culture et développement ou, pour être plus explicite, entre le mieux-être et le mieux-posséder. Selon cette thèse. il est indispensable de mettre en garde l’Afrique contre la reproduction du modele de developpement de l’Occident. Le problème est donc de savoir comment chacun va façonner les outils de la modernité en se redtkouvrant lui-même. Dans ces conditions, le refus de l’Occident ou la crise d’identité doit être interpréte comme la quête d’un répit, le temps pour les societés africaines de se ressaisir avant d’aborder la modernité.

29. Cette these d’une culture endogtne a été illustrée par la présentation de travaux sur l’existence d’un patrimoine scientifique et de technologies africaines et par un exposé sur la nkcessité d’integrer les caractéristiques culturelles africaines dans les projets relatifs à l’habitat et à l’environnement.

30. Toute technologie véhiculant nécessairement une culture donnée, il a été prkcisé qu’il était absolument nécessaire de tenir grand compte des cultures qui seront mises en présence au moment des transferts et des adaptations de manibre à éviter les phénomènes de rejet et a dkelopper la techno-culture qui a servi de base au développement des sociétés africaines avant leur rencontre avec l’Occident.

31. En conclusion il est apparu que, si le recours au passe comme source d’inspiration peut être enrichissants pour les sociétes africaines, l’ouverture aux apports extérieurs permettant l’amelioration de la situation des populations n’est pas moins ntkessaire. L’équilibre entre ces deux courants devrait donc mener à la définition de projets de sociétt et de nouveaux modtles de développement.

32. A cette fin, il conviendrait notamment, avec le soutien des organisations internationales, de rkexaminer scientifiquement les valeurs et modèles culturels africains et, par suite, le degré d’acceptabilité du changement pour les populations locales. Il faudrait en outre renforcer les liens entre populations et décideurs kconomiques, politiques et administratifs et étudier la vie économique africaine dans ses aspects spontanés (secteur informel). De façon générale, le recours tres large aux sciences sociales et humaines permettrait d’kclairer les choix des décideurs.

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PANELII : DECISION ET STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT

33. SOUS la conduite de M. Philip MORGAN de la Banque mondiale (Washington), Modérater M. Ndeshyo RUCIHOSE, Doyen de la Faculte de droit de I’Universite de Kinshasa ér, rapporteur, le séminaire a successivement entendu des exposés sur l’approche comparat des processus décisionnels dans l’Afrique traditionnelle et moderne (Pr. M’BOKOL Directeur d’ttudes a 1’EHESS de Parts), et sur les exigences politiques et culturelles de planification pour le développement en Afrique (M. Albert TEVOEDJRE, Député, Presic! du Centre panafricain de prospective sociale a Porto NOV~). La question des aspe culturels de l’intégration régionale a éte successivement traitée. par M. Stanislas ADOTE‘ Directeur régional de I’UNICEF pour l’Afrique occidentale et centrale et M. MO~ TOURE, Secrétaire exkcutif adjoint du CODESRIA. Enfin, s’agissant des straté[ regionales et du redressement économique, M. Cyrille SAGBO, Ambassadeur du B&it- France, s’est demandé si la création de la Communauté konomique africaine et du Marr commun CukureJ africain représentait l’instauration d’un espace kconomique pour

développement culturel en Afrique. Enfin la grave question des conséquences culturelles programmes d’ajustement structure1 sur le développement économique et social de 1’Afn a été posée par M. Lapika DIMONFU, Directeur général du CERDAS de Kinshasa.

34. Les discussions se sont axées sur deux points principaux: l’évaluation de l’intégra sociale et culturelle africaine; la planification du développement et la crkation de struct communautaires pour l’Afrique. Il a éte admis que les cultures traditionnelles africaine s’opposent pas globalement a la modemite, ce dont témoignent un certain nor d’évolutions rkcentes pouvant conduire a bâtir des stratégies de développement int pourvu que leur finalite soit le mieux-être des populations. De même, il faut consif; l’intégration kconomique et politique de l’Afrique comme un processus qui devra se réii par étapes.

35. En conclusion, il a éte recommande que:

(9 les organisations internationales et les bailleurs de fonds financet. renouvellement de la penske relative a l’inttgration et au développeme l’Afrique;

(ii) que ces mêmes organisations aident à développer l’information des commur de base, notamment a populariser la Dkcennie mondiale du développe culturel;

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(iii) que soient crées des groupes sous-régionaux (Afrique Centrale, de l’Ouest. de l’Est, etc..) qui poursuivent la réflexion de manière à faire de suggestions appropriées aux organes de réflexion et de décision sur le développement, comme par exemple, la Commission mondiale de la Culture et du développement.

PANELIII : PARTICIPATION AU DEVELOPPEMENT

36. Sous la conduite de M. H. LOPES, Sous-Directeur général pour la culture à I’UNESCO, modérateur, Pr. Damien PWONO de 1’Universite de Pittsburgh (USA) étant rapporteur, les participants ont entendu successivement des communications sur les expériences menées par I’UNICEF en matière de participation locale au développement, sur la relation démocratie/développement (M. COULIBALY PLEAH, Chercheur en sociologie de la communication à I’ISFRA de Bamako), et sur la participation des femmes africaines au développement (Mmes Jeannine BUGAIN, Secrétaire générale du Comité international des femmes africaines pour le développement et Grace ONGILE, Maître de conférences à l’Institut d’etudes sur le développement, Kenya). S’agissant de l’administration et du développement, des communications ont eté présentées sur les contraintes culturelles dans les projets de développement rural (Pr. Patrick ALILA, Directeur de l’Institut d’études sur le développement, Kenya), les répercussions culturelles des programmes d’ajustement structure& notamment en ce qui concerne la participation des populations au développement (Pr. ADENYI, résident du Bureau de recherche sur le développement -Ibadan, Nigéria) et sur l’écart entre les criteres d’assistance des bailleurs de fonds et les valeurs culturelles africaines (Mme Herschelle CHALLENOR, Overseas Development Council, Washington). Enfin, les représentants de l’Agence canadienne pour le développement international (ACDI) et de l’Agence finlandaise pour le développement international (FINNIDA) ont fait des exposes sur les activités de coopération de leurs agences respectives au développement en Afrique.

37. Au terme des discussions, un certain nombre de conclusions ont et6 formulees, tant en matiere de recherche a mener que d’exp&iences à réaliser:

0) développer la participation, par la formation des ressources humaines, l’utilisation des langues locales et des divers modes de communication et de dialogue;

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(ii) étudier la situation des femmes en Afrique compte tenu des traditions religieuses. et encourager la participation des femmes à la décision en matiere de développement;

(iii) mettre en place des mécanismes d’autofinancement, en pratiquant une gestion rigoureuse, compte tenu de la dimension Cthique des responsabilités dans ce domaine;

(iv) créer des instances de consultation permanente sur les aspects spécifiques du développement en Afrique et organiser des réunions sur ies voies et moyens de promotion de la gestion des affaires en Afrique;

(v) développer la recherche conjointe, par les bailleurs de fonds et les responsables africains, de nouveaux modes et domaines de partenariat et de collaboration, afin de préserver les intérêts propres de l’Afrique dans les institutions de coopération internationale.

PANELIV : CULTURE ET ENTREPRISES

38. Sous la présidence du Dr. Rima SALAH, Représentant de I’UNICEF au Burkina Faso, modératrice, M. J.P. POATY, Chargé d’études au Ministère congolais des Finances et du Plan, étant rapporteur, les participants ont entendu d’abord un expose sur les pratiques locales de gestion en Afrique et les leçons qu’on peut en tirer pour les années 1990 (M. MORGAN, Banque mondiale, Washington DC). La culture de l’entreprise a constitue le premier thème des communications présentées sur le bilan et les perspectives en Afrique dans ce domaine (M. ETOUNGUA- MANGUELLE, SADEC Abidjan) et la gestion par la maîtrise totale de la qualité (M. Damien P. PWONO, Universite de Pittsburgh, Etats-Unis). Puis, sous le thème “valeurs culturelles et efficacité économique”, ont été traites successivement les sujets suivants: “Accumulation et épargne en Afrique: adéquation entre le système bancaire et le secteur informel” (M. Papa Alioune N’DIAYE, Directeur général adjoint, Banque sénégalo-tunisienne, Dakar), “Culture africaine et rtsistance au libéralisme” (M. H.E. N’KOM, Directeur adjoint, CCF) et enfin “la dimension humaine dans la gestion des entreprises en Afrique: impasse ou espoir ? “(M. J.B. SOME, Institut panafricain de développement, Cameroun). Un expose complémentaire, présente par M. OUATTARA, de l’Université d’Abidjan, Faculté des Sciences économiques, a porté sur les facteurs socio- culturels et les diffïcultes de gestion des entreprises en Côte d’ivoire.

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39.

40.

Il est ressorti des différents exposés que les pratiques en cours dans les entreprises en Afrique doivent être analysées a la fois par rapport aux valeurs culturelles africaines, aux exigences d’une gestion rationnelle et a la nature propre des entreprises en Afrique.

Au terme de la discussion, les participants ont reconnu la necessite de prendre en considération et d’analyser en profondeur les points suivants:

(9 l’existence et la persistance de freins culturels a l’effïcacite du travail dans l’entreprise;

(ii) la rigidité des structures des entreprises et des organisations modernes fonctionnant, en général, sur le modèle bureaucratique qui entre souvent en conflit avec une culture et une Éthique du travail qui existent avec leurs caracteristiques africaines propres;

(iii) la nécessite de la prise en compte des spkifïcites africaines dans l’art de gouverner ou de gérer les institutions de tous genres;

(iv) la nécessité d’une combinaison des paramttres du modèie occidental et des valeurs africaines, en vue d’une synthbe différencike selon les domaines;

69 la &essitC de distinguer les attitudes et les comportements africains actuels des valeurs culturelles africaines traditionnelles;

64 la non-fétichisation de la “culture africaine” et l’urgence de travaux de recherche sur ses valeurs positives et negatives;

(vii) les reussites obtenues dans le developpement des lors que la large information, la participation et la transparence sont effectives;

(viii) l’existence de valeurs positives autorisant l’optimisme;

(ix) la mkessite de clarifier la signification actuelle du terme “être africain”, d’approfondir la conception du developpement comme culture et de reflkchir davantage sur la nature de l’entreprise en Afrique.

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41. En conskquence, les participants ont adopte les recommandations qui suivent:

(9 la promotion de la recherche sur le thème “Culture et entreprises”;

(ii) l’élargissement de la participation des développeurs, :hercheurs. entrepreneurs et cadres des entreprises a la réflexion sur le développement.

PANELV : SYNTHESE DES TRAVAUX ET RECOMMANDATIONS

42. Sous la présidence de M. Anders ARFWEDSON, Coordonnateur de la Decennie mondiale du développement culturel, les participants ont entendu les rapports, conclusions et recommandations des differents panels.

43. La synthtse des travaux du séminaire a fait apparaître clairement que, parallelement à la tendance “culturaliste” ou “identitaire”, qui souligne la force et la vitalite des cultures et traditions africaines, émerge un courant novateur, préoccupé plus directement par la crkation des conditions qui permettraient a l’Afrique de sortir de la crise actuelle et de s’engager plus franchement dans la voie d’un developpement compatible avec sa (ou ses) culture(s). Selon ce courant, les cultures africaines doivent aussi être passées au crible d’une critique rationnelle et moderne.

44. Outre les conclusions et recommandations formultks par les panels, d’autres conclusions, concernant directement l’action de I’UNFXO et la mise en œuvre de la Dkcennie mondiale du développement culturel, ont porte sur les points suivants:

(9 nkcessité de presenter, lors du deuxitme séminaire prevu pour fin 1993, un rapport sur l’ttude methodologique des approches permettant d’integrer les facteurs et les effets culturels dans les stratégies, politiques et projets de développement en tenant compte egalement des elements recueillis au cours du présent skminaire;

(ii) expkimentation d’une forme d’universite itinerante sur les questions qui ressortissent a la prise en considtration de la dimension culturelle du developpement en Afrique. L’UNIZSCO pourrait réaliser rapidement une ttude de faisabilité de ce projet pour permettre d’en rechercher le financement;

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(iii) identification de projets inter-agences dans ce domaine - outre le projet “Culture de la maintenance” dont l’étude de faisabilité est déjà menée par I’UNESCO, la Banque mondiale et I’ONUDI - portant sur les aspects culturels de l’économie informelle, les conditions culturelles du maintien et du renforcement des systèmes d’épargne traditionnelle; l’entreptise et son environnement culturel; le rôle de l’artisanat en tant qu’industrie culturelle et facteur de développement.

4.5. Enfin, les participants ont unanimement recommandé que les observations et conclusions séminaire soient communiquées au Directeur général de I’UNEXO par le Président du

Comité intergouvernemental de la Décennie, afin que le Directeur général puisse en faire part à la Commission mondiale de la culture et du développement.

SEANCE DE CLOTURE

46. La séance de clôture s’est tenue le 6 novembre 1992, sous la présidence de Mme Henriette DAGRY DIABATE, Ministre de la culture de Côte d’koire, représentant le Gouvernement ivoirien.

47. M. Anders Arfwedson, Coordonnateur de la Dkcennie mondiale du développement culturel, parlant au nom des institutions co-organisatrices du systeme des Nations Unies, a remercie les autorités ivoiriennes ainsi que la Banque africaine de développement pour l’excellente organisation du séminaire. Il a egalement remercié les auteurs des nombreuses communications présentées au cours du séminaire ainsi que les intervenants qui ont largement contribue a enrichir la discussion. Il s’est enfin déclaré convaincu que le suivi du séminaire serait des plus féconds, compte tenu du nombre et de la qualité des propositions faites par les participants.

48. Enfin, Madame le Ministre de la culture de Côte d’ivoire, apres s’être également félicitée de la richesse des debats sur un sujet d’importance majeure pour l’avenir de l’Afrique, a dtklare clos le séminaire.

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APPROCHE COMPARATIVE DES PROCESSUS DECISIONNELS DANS L’AFRIQUE TRADITIONNELLE ET DANS LES ADMINISTRATIONS CONTEMPORAINES

Par

Elikia M’Bokolo’

La question de la décision est, de maniere explicite ou, le plus souvent implicite. au cœur des débats récurrents relatifs a l’Afrique noire. Il est d’abord, à l’évidence, au centre des réflexions politiques et cela bien avant l’ouverture, somme toute récente, du débat démocratique. Mais, ce problème est aussi au centre des débats sur les difficultés du développement en Afrique.

Le constat du mal développement ou de l’absence de développement etant quasi unanime, l’un des points de controverse se rapporte aux causes du phénomene: pour les uns, ce sont les décisions en matière de développement qui seraient en elles-mêmes mauvaises, en raison des conditions de leur élaboration; pour les autres, les decisions ne seraient pas forcément mauvaises, mais le mal viendrait de la manière dont I’Etat et ses appareils les font exécuter et dont les gens les exécutent. Ainsi se trouvent posées plusieurs séries de questions, dans une réflexion privilégiant la dimension culturelle du développement.

En comparaison avec l’Afrique actuelle, comment se déroulait le processus décisionnel dans les sociétés africaines traditionnelles? Quels étaient et quels sont les facteurs culturels qui les facilitent ou les entravent? Comment était et est perçue la légitimité des choix en matibre socio-economique? Les administrations publiques africaines contemporaines ont-elles, a en juger d’apres les résultats de leur pratique et les perspectives actuelles, les capacités réelles pour supporter les exigences et les charges du développement?

Professeur agregé. Histoire _ IHESS - Paris.

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1. LA DECISION DANS LES SOCIETES TRADITIONNELLES DE L’AFRIQUE

Adopt&e ici pour des raisons de commodité, la notion de sociétes traditionnelles est critiquee par plusieurs spkcialistes de l’Afrique noire qui lui reprochent a la fois de gommer les diversites que l’Afrique, comme les autres continents, a naturellement connues et d’abolir les dynamiques temporelles, notamment les transformations dans la durée, que les différentes parties du continent ont dû expkimenter. On verra néanmoins qu’elle reste tres opératoire pour l’objet qui nous concerne car la décision mobilise des instances sociales multiples, elle met en œuvre, a chacune de ses étapes, l’ensemble de la societé et, en raison du caractere composite des socittts africaines d’aujourd’hui, elle exige, pour être comprise, une exploration des soubassements qui les fondent. Pour attenuer la pertinence de ces critiques, on examinera d’abord l”‘id&I-type” au sens weberien des sociétés africaines, puis les dynamiques situationnelles les plus significatives quant a la prise de décision.

A. L’idbal-type: deux modG.s contras&

L’Afrique a connu traditionnellement deux types fondamentaux de societés, les sociétés sans Etat et les sociétes étatiques, où la prise des décisions et leur mise en œuvre mobilisaient des ressources, notamment culturelles, tres variables.

1. Les soci&% sans Etat

Il est clair aujourd’hui que, même si les spkcialistes ont longtemps privilbgie l’etude des Etats, la forme d’organisation politique la plus rtpandue dans l’Afrique précoloniale était celle de sociétés sans Etat. Cette dénomination privative ne doit pas induire en erreur, car “societe sans Etat” ne signifie pas anarchie, encore moins chaos, ni même société sans politique, sans modalité de prise de décision, ni moyen de contrôle de l’exkcution de la dkcision. C’est peut-être au contraire dans ce type de socitté qu’on voit le mieux la part des facteurs culturels dans les processus dkcisionnels.

Ces societes sans Etat presentent deux variantes principales. La Premiere, qu’on se contentera d’indiquer ici, est trts localiske et correspond essentiellement aux sociétes de chasseurs et cueilleurs, comme celles des Pygmkes, des Khoi (Boschimans) et des San (Hottentots), dans lesquelles l’ordre est assure et maintenu par des organisations familiales ttendues et par des liens de parente complexes qui se deploient au-del& de la sphere domestique. La seconde, largement

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repandue sur l’ensemble du continent, correspond à des formations économiques plus élaborées. à une division du travail plus accentuée et à des systtmes productifs associant l’agriculture. l’élevage et l’artisanat: elle repose sur l’association, a tous les échelons de la communauté, de plusieurs centres de contrôle destinés à s’kquilibrer. Dans l’une et l’autre variante. on retrouve les mêmes caractéristiques: les groupes sociaux sont faiblement différenciés, les distinctions reposant principalement sur l’âge et le sexe; les frontibes territoriales apparaissent mouvantes et instables; la parenté et l’ordre lignager constituent l’assise de la société; la vie politique se révele diffuse et se manifeste moins par des institutions permanentes, a peu près inexistantes, que dans des situations concrètes; la segmentation permanente de la sociéte, qu’on peut interpreter comme l’un des moyens d’occupation de l’espace et d’exploitation des ressources, constitue aussi l’un des modes de résolution des divergences et des conflits. L’homme, comme force de travail et personne investie d’une valeur symbolique, occupe une place centrale dans l’organisation sociale. Les sociétés sans Etat reposent en effet sur des kconomies de subsistance, aux technologies relativement rudimentaires, dans lesquelles la force de travail représente le principal facteur de production: perdre des hommes revient ainsi à s’appauvrir économiquement et a fragiliser le groupe face aux empiétements des groupes voisins ou aux tentatives hégémoniques des Etats. Or, dans la mesure où la terre était disponible, en cas de divergence majeure au sein de la communauté, un groupe de gens (en général la minorité en désaccord avec le reste de la communauté) préférait se séparer des autres et aller s’établir plus loin, sur des terres inconnues ou, au besoin, sur des terres appartenant à la communauté d’origine, et s’organiser de manière indépendante. Dans ces conditions, la prise de décision reposait sur le souci permanent de recueillir l’adhesion maximale de la communaute et dans tous les cas sur la volonté de ne pas provoquer des actes d’hostilité ou de résistance susceptibles de conduire à la scission du groupe: d’où le caractère souvent consensuel des décisions, l’allure feutrke et indirecte des conflits, la présence de mkanismes complexes visant à empêcher l’émergence ou a limiter le rôle, au sein de la communauté, d’individus ou de groupes possédant, par l’accumulation de richesses ou de pouvoirs, des moyens d’imposer leur point de vue.

Quelques exemples suffiront pour éclairer le foncrwlrnement de ces sociétés. Les Fang, dont les principaux rameaux se trouvent au Cameroun, en Guinke Equatoriale et au Gabon, representent un cas extrême où tout était mis en œuvre pour empêcher la constitution de rapports inégalitaires et hiérarchiques. Peuple de chasseurs et de guerriers habiles a la conquête, les Fang n’adoptaient que deux attitudes face aux étrangers vaincus: ou l’assimilation, qui donnait a ceux-ci les mêmes droits qu’aux Fang de naissance, ou la destruction pure et simple. Les villages fang étaient donc par excellence des villages d’individus égaux, sans esclavage. Les conseils de village, où se prenaient les dkcisions, requéraient la participation active de tous adultes mâles. Dans leur systéme de croyances, les biens de tous ordres auxquels les hommes peuvent légitimement aspirer (biens de prestige, biens de consommation, mais aussi epouses et descendants) existent dans la nature en

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nombre limité et quiconque les accumule outre mesure le fait au détriment de tous les autres. compromet ainsi l’égalité et la solidarité du groupe pour ses seuls intérêts particuliers et doit être neutralisé, voire liquidé physiquement, comme c’était le cas chez les Fang du Gabon.

Dans le même esprit, d’autres points d’équilibres avaient été institués: reconnaissance à la séniorité d’une importance sociale, fondée sur l’âge, comparable a celle des hommes réputés pour leur talent à la guerre, à la chasse, dans le commerce, dans les palabres ou dans les associations rituelles; effort pour contrebalancer la génération des anciens, détentrice de la puissance religieuse et politique, par les jeunes générations, représentant la puissance guerriere; reconnaissance à tout adulte mâle de la possibilité de porter la contradiction a un notable et, si son point de vue convainc, de le voir adopté par la communauté.

Des phénoménes analogues s’observent aussi dans des sociétés sans Etat où des relations inégalitaires ont cependant vu le jour, comme chez les Nuer du sud Soudan ou les Tiv du Nigéria central.

Chez les Nuer, une prééminence est reconnue à certains types de lignages: les lignages principaux à l’intérieur des clans; les lignages disposant de prérogatives rituelles telles que l’initiation et responsables à ce titre de la socialisation des individus; enfin les lignages exerçant des fonctions rituelles spécifiques et fournissant à la société les “notables à peau de léopard” chargés de jouer le rôle de conciliateurs dans les différends les plus sérieux. Ainsi, malgré les inégalites entre les clans, entre les classes d’âge et entre les conditions materielles des dignages, en fonction de leur actes a la terre et au beta& les décisions prises recueillaient l’adhésion de tous parce qu’elles résultaient d’accords entre des lignages pr&minents de statut différent: les meilleures décisions Ctaient celles que suggeraient ou imposaient les”hommes les plus influents” parce qu’ils cumulaient plusieurs statuts preéminents et qu’on leur reconnaissait une forte personnalite et une sagesse supérieure.

Chez les Tiv du Nigéria apparaissent d’autres particularités liées à l’existence de l’esclavage et à l’importance économique des échanges. N’appartenant a aucune parenté ni à aucune classe d’âge, les esclaves sont exclus des affaires publiques et de la prise de décision. Au sein du systeme villageois de prise de décision, une influence particulière est reconnue aux “hommes preéminents” (en gén&al des anciens et des aînés de lignage, reput& pour leurs talents religieux ou magiques et pour la fécondité de leur lignage), aux “hommes à prestige” (c.-à-d. des hommes qui se sont enrichis, le plus souvent par le commerce, et qui sont connus pour leur generosité) et enfin aux “guides politiques” (souvent issus des deux categories prkcédentes et renommts en raison de leur capacité a arbitrer les litiges avec les groupes voisins).

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Il apparaît donc que, dans ces sociétés sans Etat, la prise de décision était un phénomene complexe. Collective sans doute, son processus d’élaboration variait selon les types de sociétés et les circonstances. Tantôt elle était l’œuvre du groupe tout entier (d’où l’expression commode de “démocratie villageoise” employée parfois à ce propos), tantôt elle résultait ou venir de l’initiative de quelques personnalités éminentes, parvenues a l’excellence sur la base de criteres définis socialement et reconnus de tous.

2. Les sociétbs à Etat

L’Afrique traditionnelle a connu plusieurs formes d’organisation étatique - cites-Etats, confédérations, royaumes, empires- présentes dans toutes les aires ethniques et culturelles du continent avec cependant une sorte de prédilection pour quelques zones (comme la région soudano-sahélienne, les pays riverains des grands lacs, le golfe de Guinée, les savanes situees au sud de la forêt equatoriale) où le modble étatique presentait à la fois une tres grande anciennete et une exceptionnelle continuité. A l’epoque où l’Afrique retrouvait son indépendance et entreprenait de construire des Etats nationaux, ces Etats precoloniaux ont naturellement retenu l’attention beaucoup plus que les sociétés sans Etat. Mais, l’approche de ces anciens Etats a éte plus idéologique que scientifique et a surtout servi, notamment dans les ideologies de I”‘authenticité”, à légitimer les formes les plus autoritaires du pouvoir contemporain. Or, sans idéaliser ces Etats traditionnels, une reconstruction formelle des principaux traits de leur fonctionnement permet d’affirmer que les décisions engageant la communauté, en particulier dans le domaine socio-economique, y étaient prises dans un contexte polycentrique et avec un souci bien affirmé de les asseoir sur une légitimité, existante ou construite en fonction des besoins. Ce polycentrisme et ce mode de legitimation qui fondaient l’originalité des formations ttatiques africaines et expliquent leur effïcacitt et leur longévite.

Le polycentrisme des décisions tient en grande partie aux contraintes techniques concernant la maîtrise de l’espace. A l’exception de l’Afrique des grands lacs, où les Etats etaient de petites dimensions, et de certaines parties du Golfe de Gui&, les anciens Etats africains se caractérisaient par leur grande étendue: ainsi, par exemple, pour s’en tenir a quelques cas, les anciens empires du Mali et de Gao englobaient la totabte ou une partie de plusieurs Etats actuels (SerregaI, Mauritanie, Mali, Niger, Nigeria, Algtrie); le royaume ashanti recouvrait en gros la superficie du Ghana actuel; le royaume kongo comprenait une grande partie de l’Angola, de l’ouest zai’rois et du Congo; le Monomotapa debordait largement au-del& du Zimbabwe actuel. La maîtrise et le contrôle permanents de ces grandes etendues tuaient une tache difficile en raison de l’archaisme et des lenteurs des transports. Aussi, quoique I’Etat btnCficiât, comme partout dans le monde, du

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monopole de la violence légitime, il était judicieux de maintenir l’intégrité et la cohésion territoriales en sollicitant l’adhésion des populations plutôt qu’en recourant à la force. L’Etat déléguait ainsi une partie plus ou moins grande de ses prérogatives aux autorités locales des provinces: entre ces chefs et le monarque, il y avait parfois des relations de parenté réelle (le monarque nommant ses “frères” et leurs descendants à la tête des provinces) ou fictive (les chefs des provinces intégrées au royaume étant proclamés, comme dans l’empire lunda, parents perpkuels du monarque); parfois au contraire, ces relations reposaient sur des contrats délimitant de manière précise les domaines de compétence, les droits et obligations de chacun.

D’une manière générale, I’Etat se réservait la “souveraineté extérieure” et laissait aux unités territoriales qui le constituaient leur “souveraineté intérieure”. Toutes les décisions concernant les activités de production étaient par conséquent prises au niveau local et l’intervention de I’Etat se faisait sentir seulement dans le prélèvement d’un tribut réputé équitable pour les deux parties (c.-à-d. permettant à 1’Etat de vivre et laissant aux producteurs l’essentiel du produit de leur travail) et au besoin, comme nous le verrons, dans l’organisation de certains échanges à longue distance. De même une grande autonomie était laissée à ces unités pour tout ce qui touchait à leurs pratiques religieuses et à leurs coutumes: ainsi, parallelement a l’effort d’intégration et d’assimilation mené par le pouvoir central, pouvaient coexister dans un même Etat des formations ethniques diverses et des religions différentes, en particulier l’islam et les croyances animistes.

L’un des meilleurs exemples de cette organisation est le royaume ashanti dont la structure territoriale et politique et les niveaux de prise de décision sont désormais tres bien connus grâce aux travaux pionniers de Kwame Arhin et Ivor Wilks. Au centre se trouvait la “région métropolitaine”, comprenant des territoires situés a douze jours de marche de la capitale et de ce fait faciles a contrôler, où toutes les décisions, y compris celles qui se rapportaient à la répartition et à la mise en culture des terres, relevaient de I’Asantehene et de son entourage. Autour de ce noyau Ment organisées les “provinces intérieures”, situées à une distance de douze à trente jours de marche environ, où les décisions politiques provenant de la capitale ainsi que les autres spheres de la vie sociale étaient laiss6es a la gestion des autorités locales. Enfin les “provinces extérieures”, situées à plus de trente jours de marche, où le roi exerçait une sorte d”‘administration indirecte”, se contentant de prelever un tribut en nature et des auxiliaires pour l’armée, et de reconnaître une large autonomie de décision et de gestion aux unites politiques anciennes. Dans le royaume ashanti comme dans la plupart des cas connus, les décisions du roi devaient, pour recevoir I’adhesion des populations, être &quitables, en tous les cas conformes aux chartes fondatrices de I’Etat, et le non respect par le roi des clauses contractuelles reliant les provinces au pouvoir central constituait la cause principale de sécessions parfois detïnitives.

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Considérons maintenant le problème de la décision au centre même du pouvoir. D’une maniere significative, l’idéologie de la royauté dans les monarchies africaines était ambivalente: elle insistait à la fois sur la toute puissance du roi, seul dépositaire de la souveraineté et de la légitimité, et sur l’obligation pour le roi de prendre ses décisions en conseil et toujours après consultation. C’est ce qu’indiquent très précisément de nombreux adages, tels que ceux du royaume du Genyi rapportés par Nicoué L. Gayibor: “un homme seul n’est pas roi”; “le peuple est souverain, c’est lui qui délégue son pouvoir à une personne qu’il élève a la dignité de roi: un homme, si puissant soit-il, ne peut se couronner roi tout seul”. L’expérience politique de ces sociétés leur avait montré tout à la fois la nécessité d’une autorite centrale, incarnée dans un homme, et les risques de toute concentration de pouvoirs entre les mains d’un seul homme. Aussi voit-on dans toutes les organisations politiques de type étatique des institutions et des mécanismes destinés à empêcher tout abus de pouvoir. On retiendra ici trois cas de ces procédures particulièrement typiques.

La Premiere est l’institution de ce qu’il est convenu d’appeler la royauté sacrée. Dans une telle conception du pouvoir, on concevait une relation étroite, et presqu’immédiate, entre le corps personnel du roi et le corps social que constituait son royaume. Pour garantir la prospérité du royaume et le bien-être des citoyens, il fallait absolument que le corps du roi, sa force et sa santé physiques, mars aussi morales, fussent parfaits. Des désordres persistants dans le royaume étaient imputés à des defauts constitutifs de la personne du roi et devaient être sanctionnés. Pour s’en tenir à la seule sphere économique et sociale, une grande sécheresse, une famine, des épidémies récurrentes étaient autant de signes que la personne du roi ne convenait pas à ses fonctions et devait être tkat-tée. De même, si le roi se trouvait atteint d’une grave maladie, frappe de stnilité ou s’il lui arrivait un accident de quelque ordre que ce fût, par exemple le fait de perdre ses dents, on redoutait que ces tares n’eussent des effets pernicieux sur la socitte et on sanctionnait le souverain. Dans tous les cas de figure, la sanction suprême et habituel était le meurtre du roi. Ce régicide rituel et institutionnalisé était, selon les sociétés, réel ou fictif, mais il représentait un frein considerable a tout risque d’abus de pouvoir et, en même temps, une sanction efficace des detenteurs de la souveraineté.

Un autre mécanisme contribuant au contrôle des dkcisions prises par les autorités residait dans l’utilisation de l’histoire en tant que connaissance utile et utilisable du passé. Nul ne l’a mieux explique que Siegfried F. Nadel dans sa description du royaume nupe au Nigeria où l’organisation traditionnelle en villages avait eté intégrée dans l’appareil d’un royaume fortement centralise: “Alors que les familles nupe ne peuvent, en général, remonter a plus de trois ou quatre générations, les familles des chefs, en revanche, comptent une longue lignée d’ancêtres, s’étendant sur plus de dix genérations. Cela s’explique de nouveau par la signitïcation politique de ce lien ttabli avec le

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passé; comme pour la mythologie qui l’entoure, ce fait sanctionne la constellation politique existante. Lorsqu’il s’agit de familles ordinaires, la généalogie ne sert qu’à retrouver, plus ou moins vaguement, des liens de parenté dans le moment présent; mais lorsqu’il s’agit du pouvoir héréditaire, elle doit établir une ascendance incontestée et unique qui justifie l’autorité politique” (Nadel, 1971, p.86). Mais le passé ne servait pas seulement à légitimer le pouvoir: il avait aussi pour but de contenir le nouveau souverain dans la voie balisée et dans les limites fixées par ses prédécesseurs qui avaient réussi à administrer le royaume pour le bien de tous. Cela ne signifie pas néanmoins que les royaumes africains aient été enfermés dans le cercle rassurant, mais peu propice au progrès, de l’éternel recommencement. Si l’Afrique traditionnelle a connu aussi un développement économique et social original, c’est que ses structures de décisions laissaient des. espaces plus ou moins larges à l’innovation: soit que les initiatives, souvent de faible envergure, dont l’accumulation a produit de véritables révolutions dans le domaine agricole ou technologique, aient été laissées aux communautés de base; soit que les dkcisions importantes, engageant durablement l’avenir économique de l’Etat, aient fait l’objet de débats et d’arbitrages au sein du conseil royal.

C’est ici précisément qu’apparaît le troisième mécanisme de prise et de contrôle des décisions. Tel est le rôle des conseils entourant les monarques, en réalité chargés d’élaborer et de prendre les décisions dont le roi, apres avoir arbitré les débats, assumait la responsabilité. La composition de ces conseils répondait à plusieurs considérations: la représentation effective des différentes régions, cultures et sensibilités constitutives du royaume; la presence efficace des proches du souverain; la participation active de techniciens, si l’on peut dire, auxquels étaient reconnues des compétences particulières dans tel ou tel domaine. Si les débats étaient souvent houleux, opposant schématiquement “traditionalistes” et “progressistes”, on sait par plusieurs exemples historiques que les problemes economiques furent l’un des terrains privilégiés d’affrontement. Un seul exemple suffira ici, celui du royaume ashanti au siecle dernier. Ce royaume avait fonde son économie sur deux bases principales: d’une part une agriculture, que tous les témoignages de l’époque décrivent comme prospère, organiske par les communautés paysannes; d’autre part le commerce avec les Europkns, portant sur les esclaves et sur des articles de luxe produits par des esclaves. La richesse de I’Etat et des dignitaires du royaume était fonde sur ce commerce et sur l’un de ses instruments, la guerre pourvoyeuse d’esclaves. L’abolition de la traite des esclaves ruina le commerce et compromit la prospérité du royaume. Il y eut au sommet de I’Etat deux camps: celui des “traditionalistes”, résolus à maintenir tel quel l’ancien systeme économique, au besoin en affrontant militairement les Européens qui avaient décidé de s’opposer par la force a la poursuite du trafic des esclaves; celui des “modernistes”, qui croyaient à des solutions de rechange tout aussi favorable à la prospkritt du royaume, ces solutions consistant d’abord en un redéploiement des échanges vers le nord, c.-à-d. l’intérieur du continent aux dépens

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de la côte, et ensuite la production de nouveaux biens d’échange pour le commerce avec les Europkens. Apres de longs débats, 1’Asantehene se rallia au point de vue des “modernistes” d’autant plus volontiers que leur solution reduisait les charges militaires et fiscales pesant sur le peuple. Une fois acquise au sommet, cette révolution passa rapidement dans les faits car le peuple de son côté trouva à gagner dans le nouveau systeme économique où le travail des paysans producteurs de denrkes d’exportation etait mieux remunére. On sait que la convergence de ces multiples intérêts a donné aux décisions du pouvoir politique une efficacité sans précédent et fait de la Gold Coast le plus grand producteur mondial de cacao et le pays le plus riche de l’Afrique noire {en termes de PNB/habitant) à la fin du XIXtme et au debut du XXkme siMe.

B. Mise en situation

L’exemple du royaume ashanti montre que la mise en situation concrete ne remet pas fondamentalement en cause l’idéal-type de la décision dans les societés africaines traditionnelles et qu’elle en montre plutôt la complexite. Les situations historiques rkelles sont Cvidemment trop nombreuses pour être toutes éprouvées ici. On se contentera de quelques moments parmi les plus significatifs.

Il est clair d’abord que le processus dkcisionnel dans les sociétés sans Etat n’allait pas toujours sans crise. L’un des caracteres les plus frappants de ces sociétés, souvent dtfïnies comme des “sociétes segmentaires”, est une indication prkcise de la presence de conflits en leur sein et de certains modes de resolution de ces conflits. Une autre indication se trouve dans la diffusion de la sorcellerie qui, sous ses deux visages -magie d’agression ou sorcellerie par technique (sorcery) et sorcellerie par essence (witchcraft)-, traduisent bien les tensions, les frustrations et les anxietes de sociétés ou de situations fondées sur des exclusions et sur une participation inegale à la gestion des affaires communes. La sorcellerie, en effet, dont l’enjeu ttait souvent l’acds à des biens matériels et le contrôle Desh femmes et des dependants, exprimait tout à la fois l’opposition des exclus et des non-privilégiés et la strategie hegémonique de certains individus habiles a appuyer sur la crainte l’eftïcacitk de leurs dkcisions. L’exclusion de certaines personnes ou catégories sociales de la prise des dkcisions collectives reposait sur le sexe (exclusion des femmes), sur l’âge (exclusion des “cadets”) ou sur le statut (exclusion des esclaves). Ce triple systeme de mise à l’écart tendait a réserver l’élaboration et la prise des décisions non seulement aux hommes, mais a un groupe particulier d’hommes, les hommes libres et les aînés de lignages, au point que, non sans exces, certains anthropologues ont décrit ces socittés lignagères comme des lieux d’exploitation des femmes et des “cadets de lignages” par les “aines”. En dehors de la rtgulation idéale et de la segmentation, l’issue de ces tensions et de ces compkitions pouvait d’abord être la confiscation de

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la décision au profit d’un homme OU d’un groupe d’hommes; mais il y avait aussi la possibilité de l’émergence d’un héros civilisateur qui prétendait se situer au-dessus des intérêts particuliers et se proclamait l’incarnation du bon droit et le dernier recours de la legitimité. A terme l’une et l’autre issue, parfois cumulées, pouvait donner naissance a un Etat.

Il est nécessaire, à l’intérieur des structures etatiques, de bien distinguer la décision politique et la décision économique. En regle générale de larges spheres de la décision économique, qui ne paraissaient pas essentielles à la gloire, à la sécurité ou à la richesse de 1’Etat en tant qu’entité autonome (tout le secteur de l’économie lié à la guerre, au trafic des armes et à certaines productions réservées à l’acquisition des armes et de biens de prestige étrangers) échappaient a l’emprise de I’Etat. On a vu que l’aménagement du travail agricole revenait aux communautés paysannes.

Des conclusions analogues peuvent être tirées de l’examen de l’organisation des échanges dans les sociétés traditionnelles d’Afrique. Certes, I’Etat organisait les marchés et se réservait certains produits. Mais le commerce traditionnel africain n’a pas systématiquement été associé aux socittés Ctatiques, il s’est également développé sur une large échelle dans les sociétés sans Etat. Les échanges à longue distance générateurs de grands profits fonctionnaient selon deux systèmes différents: le “systeme de relais”, dans lequel l’espace commercial était découpé en sections, contrôlées chacune par un groupe ethnique, et dans lequel les marchandises circulaient en changeant de mains d’une section à l’autre; le “systeme de réseaux”, dans lequel l’espace commercial était contrôle par un groupe de marchands professionnels qui transportaient leurs marchandises d’un lieu à un autre indépendamment de la configuration ethnique des territoires traverses.

Il est clair dans ces conditions que toutes les décisions importantes concernant les échanges étaient prises soit initialement par un groupe ethnique sur sa section, soit, le plus souvent, d’un commun accord entre les différentes formations ethniques contrôlant un espace, soit encore par les marchands professionnels. Ce dernier cas etait particulierement fréquent dans les Etats: pour échapper a l’emprise de I’Etat, ces professionnels des kchanges renforçaient leurs particularismes ethniques ou religieux, comme on le voit par exemple avec les Hausa et les Dioula en Afrique occidentale ou avec les Swahili en Afrique orientale, les uns et les autres se distinguant par des versions spkcitïques de l’islam et par un entretien scrupuleux de leurs héritages culturels. C’ttait d’ailleurs dans l’islam et dans leurs traditions propres que ces groupes prétendaient puiser les regles regissant les échanges et cela indépendamment de la nature des pouvoirs au sein desquels ils opkaient. Il en etait de même pour les groupes de commerçants et chasseurs animistes de l’Afrique centrale, qui surent aussi, comme les Bobangi du fleuve Congo ou les Chokwe, se constituer en communautk marchande et ethnique irkluctible a leur environnement.

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L’exercice de la justice représente une autre situation propice à la prise de décisions appelées à faire jurisprudence, donc à durer. L’un des exemples les plus significatifs est celui du fonctionnement des institutions judiciaires chez les peuples bantous d’Afrique australe. La justice y était rendu en plein air et les juridictions comprenaient des représentants de toutes les catégories importantes de la société, unités territoriales, classes d’âge, groupes de parente, etc. Sans être des spécialistes à temps plein, les juges étaient choisis en raison de leur réputation de sagesse, de culture et d’équité et formaient une hiérarchie definie par les principes de la s&rioritC. Le jour du jugement, les juges prenaient place sur une longue rangee ou en hémicycle suivant une disposition particuliere (Figure 1): considére comme l’incarnation de la justice, le chef du village, de la province ou de I’Etat, selon l’importance du cas et le niveau de la juridiction, s’asseyait au milieu (Xl) et les juges se répartissait autour de lui de la manière suivante: à sa droite, le juge de second rang (X2) et à sa gauche le juge de troisième rang (X3); à sa deuxitme droite, le juge de quatrieme rang (X4) et à sa deuxieme gauche, le juge de cinquieme rang (X5); et ainsi de suite jusqu’a la formation complete du tribunal.

Figure 1

X8 X6 X4 x2 Xl x3 x5 x7 x9

Chef et juge principal

Des places étaient réservées aux témoins, aux notables, aux parents et alliés des deux parties ainsi qu’aux membres de la communauté qui souhaitaient assister à l’audience. Le plaignant et le défenseur prenaiënt successivement la parole et pouvaient développer jusqu’au bout leur argumentation à condition de ne pas se perdre dans des digressions. Puis venait le tour des témoins et, en particulier des témoins de moralité et des experts. Enfin les juges exprimaient leur sentiment. Parlait en premier le juge le plus jeune, assis le plus loin à la gauche du chef (X9 selon la figure 1): son jugement s’appuyait sur des précédents, des faits historiques, des leçons de morale et de bonne conduite. La parole était donnée ensuite a son sup&ieur immédiat dans la hiérarchie judiciaire, assis à l’extrémité droite (X8): celui-ci exprimait eventuellement un point de vue different ou des reférences nouvelles. Les autres juges intervenaient chacun à son tour (X7 suivi de X6; puis X5 suivi de X4, etc.). Le chef s’exprimait en dernier, fort de tous les arguments et

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opinions des parties en cause et de ses collegues. Cette décision était irrévocable et immédiatement exécutoire.

Cet examen de la décision dans l’Afrique traditionnelle, quoique rapide, autorise néanmoins quelques conclusions. Si les opinions sur la nature et le niveau de développement de l’Afrique précoloniale sont fort divergentes, il n’en reste pas moins vrai que ces sociétes ont géré dans une tres longue durée leur environnement naturel, leurs ressources économiques, leurs systèmes productifs et leurs relations réciproques avec une indiscutable efficacité qui leur a permis de surmonter des épreuves et des agressions de toutes natures, notamment les traites esclavagistes, et de préserver leur personnalité. Les ressorts de cette performance sont sans doute multiples, mais il est clair qu’y entrent pour beaucoup les modes de gestion des communautés dans lesquels les différentes formes de légitimite veillaient a atténuer les risques d’arbitraire et a en sanctionner l’usage avec rigueur, tout en rendant possible, par l’invention de références, l’adoption des décisions les plus novatrices. Les sociétés traditionnelles d’Afrique ont pu ainsi se transformer, se restructurer. se remettre en cause tout en restant fideles à elles-mêmes.

Il. LA DECISION DANS LES SOCIETES ET ETATS CONTEMPORAINS

Le tableau qu’offre l’Afrique contemporaine est très différent de celui qu’on vient d’esquisser. Partout semblent dominer les distorsions, les dysfonctionnements, les décalages qui confirment non pas tant l’existence de plusieurs centres de décisions que les défauts d’ajustement entre les centres de décisions et la base réelle de la société. Ce constat est crucial dans toute réflexion de caractere prospectif et dans toute recherche de solutions alternatives. Une telle démarche se heurte cependant à une diftïculte de taille: si le tiers de siècle des indépendances africaines que nous venons de vivre est, de toute évidence, une période trop courte pour autoriser des conclusions définitives, ces dysfonctionnements semblent à ce point enracinés en Afrique que certains ont voulu y voir l’expression achevée du génie africain. Une réflexion sur l’“archéologie” de la dkcision dans l’Afrique contemporaine s’impose donc avant l’examen de ses modes d’opération et de son efficacite.

A. Archkologie: des strates multiples

La référence constante, dejjà rapidement évoquée, des “Pères de la nation” aux “traditions” politiques de l’Afrique ancienne pour justifier leur mode de gestion de la communauté et justifier leurs dkcisions doit être mise à l’Épreuve ici. A quelles traditions et à quels héritages faut-il

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rattacher les processus décisionnels contemporains? Le caractère souvent arbitraire et violent de ceux-ci ont été attribué par les uns aux tendances latentes ou manifestes à la tyrannie qui auraient existé dans les anciens Etats africains (ce fut le théme tres en vogue à une époque du “retour” des “rois nègres”) et par les autres à une continuite de style ou de maniere de gouverner entre la colonisation et les pouvoirs contemporains.

L’Afrique “précoloniale” est une notion très commode qui recouvre une durée si grande et des expériences si diverses qu’elle ressemble à ces auberges espagnoles où chacun trouve ce qu’il apporte. De ce point de vue les exemples ne manqueraient pas d’actes arbitraires et de cas patents de gouvernement injuste. L’idéologie du pouvoir integraït d’ailleurs cette possibilité puisqu’elle prévoyait les sanctions applicables en cas de dérapage.

Mais c’est au cours du XIXtme siecle que se situe la vraie rupture, celle qui a instaure, a côté d’une gestion des affaires publiques exaltant, au moins dans l’idéologie, l’équilibre et le consensus, une forme d’Etat et de gouvernement fondé sur la violence, voire la terreur. Les raisons de cette rupture sont discutées et au demeurant variables selon les lieux: sentiment diffus des menaces extérieures liées a l’expansionnisme européen, mais aussi arabe; recherche, dans la généralisation de la guerre et de la violence et dans les méthodes expkditives, d’une effïcacite qui auraient manqué aux anciens Etats; compétition exacerbke pour le contrôle de ressources devenues plus rares; facilité plus grande d’accès aux moyens de destruction et notamment aux armes à feu, permettant à un individu ou à un petit groupe d’hommes bien @ripés d’asseoir et de faire durer des regimes despotiques. L’historiographie anglophone de l’Afrique noire a bien perçu cette immense césure en soulignant que l’une des caracttristiques politiques du XIXeme siècle africain aurait Cte la création de nombreux Etats nouveaux et la substitution, a la tête des Etats, de big men aux rain makers: les seconds, issus de l’Afrique ancienne, avaient surtout des pouvoirs rituels et étaient contenus dans les limites de l’équite par un reseau complexe d’obligations religieuses; les premiers, tous hommes nouveaux, à l’ascendance souvent obscure, ont acquis leur renommée dans des expéditions militaires et assis leur pouvoir sur de veritables bandes attachées a leur personne et ne connaissant pas d’autre regle que l’obéissance a leur chef.

Toutes les parties du continent africain ont connu de tels personnages, qu’il s’agisse, par exemple de Rabah dans les pays tchadiens, de Msiri au Katanga ou de Chaka chez les Zulu. Ces trois exemples designent aussi, dans un ordre de frkquence decroissante, les trajectoires et les itinéraires les plus courants: envahisseurs etrangers a l’Afrique noire, comme Rabah, nombreux aux frontières du monde arabo-musulman, dans l’Afrique soudano-nilotique et orientale; migrants africains s’installant, comme Msiri, loin de leur terre d’origine; homme d’Etat propulse au commandement par les dynamiques propres de sa societe. Pour s’en tenir a lui, les traditions des

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Zulu et des peuples voisins abondent en dkcisions, faits et méfaits attribués à Chaka et caractéristiques d’un gouvernement non équitable: éventration de femmes enceintes; militarisation de la soci&é soumettant tous les individus aux prescriptions de l’armée, y compris dans leur vie privée; interdiction des relations sexuelles selon le bon vouloir du roi; exécutions sommaires; divinisation forcée du souverain. Dans une autre aire culturelle, l’historien ougandais Semakula Kiwanuka, “le XIXeme siMe vit (en Ouganda) la croissance extraordinaire de l’autorité royale.. .culminant pendant la période 1820-1886... et plaçant les rois baganda parmi les despotes les plus remarquables de l’Afrique su-saharienne” (Kiwanuka 1971, p. 128).

Il faut cependant remarquer que cette dérive autoritaire a été localisée dans l’espace et dans le temps et que sa dynamique expansionniste a été brisée par la colonisation. Celle-ci eut d’ailleurs à l’égard de ces derniers pouvoirs africains une attitude ambiguë, les condamnant officiellement et essayant sur le terrain de se les concilier et de les associer a l’administration coloniale. C’est ainsi que dans 1’Etat Indépendant du Congo (Zaïre), les agents du roi des Belges Lkopold II integrerent dans l’appareil de 1’Etat colonial les trafiquants arabo-swahili qui avaient écumé l’est africain depuis le milieu du XIXeme. Avec des justifications différentes, le même procédé fut utilise par les Britanniques et les Français en Afrique occidentale.

On est ainsi fondé à dire sans paradoxe que 1’Etat colonial naissant se trouvait a la fois en rupture et en continuité avec les pratiques de gouvernement en Afrique: en rupture parce qu’il s’agissait d’un appareil étranger plaqué sur des réalités qu’il ne connaissait pas et ne voulait pas connaître et parce qu’il se trouvait à l’oppose des formes de gouvernements que nous avons dkcrites comme des types idéaux; en continuite avec les expkiences politiques les plus tardives de l’Afrique dont il s’empressa de capter la logique et d’utiliser les structures. En revanche, l’Afrique des villages resta pendant longtemps moralement et intellectuellement étrangere à l’emprise politique de la colonisation. En 1916, alors que la colonisation semblait déjà bien Ctablie dans la plus grande partie du continent, le gouverneur de la Côte d’ivoire Gabriel Angoulvant soulignait la difficulté persistante de la mainmise européenne sur cette Afrique des “sociétés sans Etat”: “Une des plus grosses diffïcultes qu’ait rencontrees l’établissement de notre influence réside dans I’etat d’esprit des indigtnes ou, pour tout dire en un mot, dans la situation morale du pays. Je ne parle pas des régions du nord, dont les habitants ont trop d’attaches avec le Soudan pour ne pas participer, au point de vue mental et, si j’ose dire, intellectuel, du degré de civilisation, relatif il est vrai, mais nkarunoins incontestable, des populations soudanaises. Les groupes qui peuples ces regions ont et& assouplis, par une rude accoutumance, au joug des conquérants noirs. Ils ne discutent pas notre suprématie, dont l’exercice constitue pour eux une amélioration incomparable de leur condition morale et matérielle. Chez les indigtnes du centre de la colonie et de la basse Côte d’ivoire, l’ttat anarchique (sic) anttrieur, avec ses avantages réels pour des populations sauvages, est encore trop

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persistant; il a laissé partout où il a cesse des traces profondes; sa disparition progressive cause trop de regrets pour qu’il n’en subsiste pas des effets” (cité par M’Bokolo 1992).

Mais la colonisation introduisit aussi en Afrique une logique radicalement nouvelle avec laquelle les Etats indépendants, bon gré mal gré, n’ont pas complètement rompu. Cette logique fut celle de la modernisation autoritaire reposant sur des fondements intellectuels dont ni l’Afrique ni l’Europe n’avaient auparavant fait l’expérience.

L’Europe coloniale non seulement ne connaissait pas l’Afrique, mais encore était persuadée que cette connaissance était inutile, car il n’y avait rien a apprendre de l’Afrique, erra nullius par excellence. La modernisation du continent noir se ferait donc sur une sorte de table rase puisqu’il s’agissait d’introduire “la civilisation” (c’est-a-dire dans le domaine t?conomique, la monnaie, la fiscalité, la production minière et agricole, les transports...) dans “la barbarie”. Les croyances africaines et les modes andrieurs de gestion des sociétes apparaissaient comme autant d’obstacles à “la civilisation” et devaient être violemment ou insidieusement brisées. Comme l’Africain par ailleurs était réputé ignorant du travail “civilisé” (c’est-à-dire destiné à effectuer les tâches nécessaires au bon fonctionnement de 1’Etat colonial et a produire les biens dont l’Europe avait besoin, la mise au travail des Africains ne pouvait se faire que par le déploiement permanent de la violence: travail force, cultures obligatoires, déplacement autoritaire des villages.

Ce qu’on commence à savoir de l’histoire culturelle de l’Afrique pendant cette période montre que, dans toutes les régions du continent et indépendamment du type de colonisation, les peuples africains ont assimilé le pouvoir colonial à une strie ininterrompue de decisions arbitraires, incompréhensibles, etrangeres a la vie quotidienne des gens et injustes. Cette perception et la rtsistance qui en a résulte furent à la base de ce que l’administration coloniale et ses agents modemisateurs de tous ordres ont interpréte comme la “paresse” native des Africains et leur pretendu attachement “atavique” à l”‘archaïsme”. Il y eut ainsi d’un bout à l’autre de la colonisation un malentendu fondamental, tenant à l’essence même des choses et a leur intelligence entre les colonisatëurs qui S’&aient octroyé le monopole et l’exclusivitt de la dt%sion et les peuples qui avaient tté r&iuits a l’etat de simples exécutants.

B. La prbdominance du modi?le autoritaire

Hormis la p&iode 1960-1965 environ, qui correspond a la transition proprement dite de la colonisation aux Etats independants, et les années 1990-1992 marquees par ce qu’il est convenu d’appeler la “transition démocratique”, l’Afrique indépendante aura V&~U essentiellement sous des

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régimes autoritaires, dans lesquels le pouvoir a été confisqué formellement ou de facto par un homme d’Etat (auto-) proclamé “père de la nation” et son entourage immédiat. C’est de ce groupe que sont issues la plupart des décisions concernant le devenir africain et, plus particuli&rement, les politiques de développement économique et social.

Le groupe dirigeant, qui, après la colonisation, a rapidement récupéré le pouvoir, ainsi que le monopole de la décision légitime, présente des configurations spécifiques qui ont constamment embarrassé les observateurs et les théoriciens. Des lors que nous ne reprendrons pas l’approche par “idéal-type” pour examiner le processus décisionnel dans les sociétes africaines contemporaines, il est bon de signaler ici deux des modeles theoriques les plus opératoires: celui de Frantz Fanon (1961) et celui de Colin Leys (1975).

En concentrant sa réflexion sur les contradictions des équipes dirigeantes issues de la colonisation (une “bourgeoisie nationale” fragile, un Etat tout puissant et un parti unique exerçant “la dictature bourgeoise sans masque, sans fard, sans scrupule, cynique”) et sur leurs relations avec le peuple, Fanon a essayé de rendre compte de l’émergence de chefs autoritaires qui, dans notre perspective, allaient s’imposer comme les seuls dttenteurs de l’autorite, de la Iégitimite et du pouvoir décisionnel, Son analyse toujours pertinente doit être rappelée: “Le leader apaise le peuple. Des années apres l’indépendance, incapable d’inviter le peuple à une œuvre concrète, capable d’ouvrir réellement l’avenir au peuple, de lancer le peuple dans la voie de la construction de la nation, donc de sa propre construction, on voit le leader ressasser l’histoire de l’indépendance, rappeler l’union sacrée de la lutte de libération. Le leader, parce qu’il refuse de briser la bourgeoisie nationale, demande au peuple de refluer vers le passé et de s’enivrer de l’épopée qui a conduit à l’indépendance. Le leader -objectivement- stoppe le peuple et s’acharne soit à l’expulser de l’histoire, soit à l’empêcher d’y prendre pied. Pendant la lutte pour la libération, le leader réveillait le peuple et lui promettait une marche héroïque et radicale. Aujourd’hui, il multiplie les efforts pour l’endormir et trois ou quatre fois l’an lui demande de se souvenir de l’époque coloniale et de mesurer l’immense chemin parcouru” (édit. de 1968, p. 111).

L’analyse de Colin Leys, formulée à partir de l’expérience kenyane sous Jomo Kenyatta, insiste au contraire sur l’idée que les decisions, prises souvent de maniere laborieuse, reflétaient les antagonismes et les conflits au sein du groupe dirigeant et entre le groupe dirigeant et le peuple sur la nature de la sociéte a construire en même temps que sur le partage des richesses économiques. Ces deux modeles ont le mérite de cerner l’espace de la prise de décision et d’en identifier les principaux acteurs.

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La décision renvoie d’abord a celui que Fanon appelle “le leader” et qui, dans presque tous les pays africains, s’est progressivement imposé par un cumul inédit des fonctions et titres politiques ou symboliques: chef de l’Etat, “p&re de la nation”, président du parti unique, parfois président-fondateur de ce parti, quelques fois encore chef des armées et chef du gouvernement, du moins jusqu’à ce que le bouillonnement social récent ait conduit a la nomination précipitée de premiers ministres. Le chef de I’Etat est donc devenu, dans la nouvelle idéologie du pouvoir le détenteur exclusif de l’autorité. Rarement cette idéologie est parvenue au niveau d’élaboration qu’elle a connu dans le Zaïre de l’authenticité où “le Président-Fondateur” annonçait ses décision, inaugurait et concluait ses discours par la formule rituelle: “Ekolo bo? Moko! Lisanga bo? Moko! Rokonzi bo? Moko!” (Combien de peuple? Un seul! Combien de partis? Un seul! Combien de chef? Un seul!). La réunion entre les mains d’une seule personne a la fois de tous les attributs juridiques du pouvoir et des références complexes de la légitimid a eté partout un processus long, laborieux et, sans doute, comme le montrent les recompositions actuelles, toujours inacheve, car le chef a dû composer avec les dbtenteurs “traditionnels” de l’autorité, avec la “classe politique” moderne et avec la “societé civile”.

Des les annees de lutte pour l’indépendance, le pouvoir des chefs “traditionnels” a 63 au centre des débats dans la plupart des pays africains. Il est vrai que ces chefs “traditionnels” n’avaient souvent de “traditionnels”, voire de “chefs”, que le nom dans la mesure où la colonisation a pris soin de fabriquer et d’imposer des chefs dans des sociétes qui n’en avaient pas eu auparavant et, là où il y en avait eu, d’intervenir dans les proct?dures de désignation de maniere à faire passer les candidats les plus conformes a leurs vœux et de limiter rigoureusement leurs prerogatives. Malgré tout, les partisans de l’indépendance virent d’abord dans ces “chefs coutumiers” des collaborateurs de la colonisation et des symboles d’un archaïsme avec lequel la nouvelle Afrique, acc&iant à la souveraineté et aspirant à la modernité, devait rompre. Les ann&s 1950 et 1960 virent ainsi des conflits strieux et parfois, comme en Gui&, au Ghana ou au Nigéria, de véritables règlements de compte entre les élites politiques “modernes” et les chefs “traditionnels”. L’évolution rapide des rapports de force -notamment la crise des regimes “progressistes”, l’érosion du constitutionnalisme emprunté mécaniquement aux Etats occidentaux, la permanence des references “traditionnelles” dans les classes paysannes, la recherche plus ou moins sindre de formes de gouvernement et d’ideologies “authentiquement” africaines- tous ces facteurs ont conduit a un renversement inattendu de l’image des pouvoirs “traditionnels”.

Mais, plutôt que de restaurer ces anciennes formes politiques, les hommes politiques se sont efforces de les utiliser a leur profit et d’en capter la legitimite. Les proc&-lures concretes de cette manipulation furent tres variables: integration des chefs “traditionnels” dans l’appareil de I’Etat ou du parti unique avec les avantages de tous ordres attachés à ces nouvelles fonctions de

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~mmandement; “initiation” rituelle des responsables des nouveaux Etats par ces chefs .raditionnels”; appropriation par les chefs de 1’Etat des symboles et regalia des anciennes .onarchies; attachement à la personne des présidents modernes des “sorciers” et “féticheurs” estinés à préserver et à renforcer le pouvoir..

Quant à la classe politique moderne, sa mise au pas fut une tache beaucoup plus aisée et onsommée, pour l’essentiel, des le milieu des années 1960. Ici encore, le passage du pluralisme u monolithisme fut acquis au prix de techniques diverses: mise à l’ombre ou élimination physique ‘es adversaires à la suite de complots opportunément découverts; recupération moyennant des vantages politiques ou matériels de tout ou partie du personnel des partis rivaux; legitimation a osteriori des coups de force par des consultations electorales étroitement contrôlées...Si le

leploiement effectif de la violence ou la menace d’y recourir furent les instruments privilégiés de :ette dérive autoritaire, il est remarquable de constater que presque partout on Clabora de véritables déologies chargées de justifier le regroupement en un seul lieu de tous les ressorts de la décision. Ze fut d’abord I’ideologie de la construction nationale, d’apres laquelle aucun Etat ne pouvait accéder à la puissance, à la prospérité ou simplement à la viabilité sans s’être constitue en nation: ktns ces conditions toutes les institutions (pluralisme des partis politiques, existence d’un pouvoir parlementaire et d’un pouvoir judiciaire independant de l’exécutif, reconnaissance du droit d’association...) susceptibles de compromettre le projet fondateur de construction nationale et de faire resurgir les forces centrifuges de I’ethnicité, du “tribalisme” et du “régionalisme” devaient ètre démantelkes et toute l’autorite concentrke entre les mains prkcisement du “pkre de la nation”.

Reste la question des rapports entre ces nouveaux centres de dkcision et la “societé civile”. La tendance dominante de la science politique africaniste pendant les années 1970 et 1980 a étC d’opposer 1’Etat et la sociétt civile, celle-ci apparaissant comme tout ce qui n’est pas l’Etat, comme ce sur quoi s’appliquent les décisions et les actions de 1’Etat et finalement comme ce qui manifesterait son existence principalement par son opposition à 1’Etat. On est fonde aujourd’hui a remettre en cause cette distinction. D’une part, maigre le nombre eleve du personnel des services de l’Etat, l’appareil de 1’Etat est loin de s’être structuré en “fonctions publiques” indépendantes des detenteurs du pouvoir, possédant leurs propres regles de recrutement et de fonctionnement, se définissant essentiellement par la compktence de leurs membres, se donnant enfin comme objet la défense de 1’“interêt général” face aux intérêts particuliers des catégories sociales. D’autre part, l’imbrication de I’kconomique et du politique (I’Etat est le lieu et l’instrument privilegies d’accumulation, de promotion et d’enrichissement) et la force de certains rapports sociaux (rapports de parente ou de voisinage) font que la société civile irrigue à son tour l’Etat, en même temps que celui-ci prétend être le principal agent du mouvement social.

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Mais l’idée selon laquelle toutes les décisions émaneraient d’une seule personne investie de la quasi totalité des pouvoirs et de vertus symboliques exceptionnelles, relève plus de l’idéologie que le pouvoir entend donner de lui même que des modes réels de fonctionnement des processus décisionnels dont elle ne rend compte que partiellement. On peut en effet distinguer schématiquement au moins trois autres centres de décision op&ant autour du “p&re de la nation” et possédant une efficacité et une légitimité propres.

Il y a en premier lieu les experts parfois nationaux, plus souvent etrangers, attaches aux Etats ïndustrialisés et aux grands organismes internationaux. Leur espace de décision est essentiellement celui de l’économie, quoiqu’il deborde aussi selon les pays et les Cpoques sur les autres domaines d’action de 1’Etat.

Le pouvoir de décision de ces experts tient d’abord a l’idéologie modemisatrice de 1’Etat: tout en se positionnant contre la colonisation, les Etats post-coloniaux en Afrique en ont retenu le volontarisme modemisateur en renversant les attendus et les justifications. S’il est toujours question de moderniser les pays africains, ce n’est plus parce qu’ils seraient figés dans la barbarie, mais parce qu’au contraire leur développement aurait éte bloque, bon gre, mal gré, par le systeme colonial et que par ailleurs la viabilité politique et sociale d’un Etat moderne reposerait d’abord sur une économie performante. En outre, signe de l’indépendance recouvrt%, cette modernisation doit se faire au profit des peuples africains et non plus pour le bien des économies étrangeres, même si l’organisation générale de l’Économie continue de s’inscrire dans une division internationale du travail au sein de laquelle la place de l’Afrique est loin d’avoir changé.

Mais le pouvoir de d6cision des experts tient aussi au fait que le sous-développement scientifique et technologique de l’Afrique, la dispersion de ses comp&ences intellectuelles et la fragilite de ses ressources financieres ont jusqu’ici fait jouer un rôle de premier plan aux pays industrialises et à leurs experts jusque dans le choix des projets d’&ipement et de développement. On s’explique ainsi la multiplication des “safaris technologiques” dont la réalisation confortait le prestige des pouvoirs en place mais dont les coûts risquent de peser durablement sur les peuples africains.

Le deuxième centre de d6cision que presque tous les pays africains ont expérimenté est particulierement bien connu dans le cas du Kenya, qu’on retiendra ici, et dans celui du Zaïre que j’ai étudie ailleurs (M’Bokolo, 1981). Il s’agit de l’entourage des chefs de l’Etat, dont le recrutement s’est fait partout selon des procédures complexes dans lesquelles se mêlent les relations de parente, les fidélites politiques, la recherche des meilleurs dosages et 6quilibres ethniques et regionaux, la volonte de neutralisation des rivaux et concurrents qu’on n’a pas pu ou voulu éliminer.

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Colin Leys a remarquablement décrit ce réseau au Kenya en le qualitïant de “cour”: “La cour de Kenyatta était basée principalement dans son pays natal à Gatundu. à environ 25 milles de Nairobi, dans le district de Kiambu; mais, comme les cours d’autrefois, elle se déplaçait avec lui, au Palais National à Nairobi, à sa résidence côtière pres de Mombasa et à sa résidence de Nakuru dans la Rift Valley. Cela correspondait à son double rôle, en tant que chef principal des Kikuyu et dirigeant national de l’alliance compradores” (Leys 1975. p. 246). La structure, on le voit, peut s’appliquer à nombre de pays africains. Apres avoir souligné le caractère multi-ethnique de ce noyau dur à l’intérieur de l’Eta.t, Leys ajoutait: “A la cour venaient des délégations de toutes sortes, de districts, de régions, de tribus et aussi de professions. La plupart venaient de districts particuliers, parfois en grand nombre, accompagnt%s par des équipes de danseurs traditionnels et par des chœurs d’écoliers, organisées et conduites par des députés, des conseillers locaux et des fonctionnaires provinciaux ou de district de la région concernée”.

Dans d’autres lieux, les rencontres de ce type ont reçu le nom de “dialogue”. Et l’on sait que c’est au cours de ces rencontres que des décisions économiques et sociales spectaculaires, sinon importantes (construction d’ecoles et d’hôpitaux, aménagements des réseaux de transport et d’électricite, etc.. .) étaient prises et annoncées à la population. La diffusion de ce systeme très complexe dans la plus grande partie du continent fait qu’il faut remettre en cause l’idée un peu simpliste des sociétés politiques africaines, que véhicule le concept de “patrimonialisme” qui les réduit à l’affaire d’un individu et de sa proche parente.

Le troisième centre de décision est constitué par les multiples factions dont les compétitions et les complicités déterminent le mouvement de la vie politique et definissent les possibilités de choix laissées aux decideurs. La lutte entre ces factions et réseaux constitutifs du pouvoir est bien connue dans le cas du Séntgal, où le président Léopold Sédar Senghor a cm bon d’inventer un concept particulier, la “sénégalité”, pour la désigner. Mais la même dynamique est attestée dans les autres pays sous la forme de clivages entre “techniciens” et “politiciens”, entre “centralisateurs” et “decentralisateurs”, entre “modérés” et “durs” dans le même camp idéologique ou enfin entre partisans de lignes idéologiques différentes.

II nous faut maintenant réfléchir, pour terminer, sur la pertinence de ces processus décisionnels par rapport aux exigences du developpement en prenant ce terme dans ses acceptions les plus courantes.

Toute reflexion sur la “gouvemabilite” ou la “gouvernementalite” dans quelque societe ou régime politique que ce soit passe par une interrogation sur la reception des décisions par ceux qui n’ont pas participe a son elaboration. Ce problème renvoie en partie à la discussion des rapports

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entre société civile et Etat, mais il la déborde dans la mesure où les centres de décision apparaissent multiples et que s’y rencontrent parfois une partie de I’Etat et une partie de la société civile.

Le premier constat à propos de l’Afrique est que I’Etat et les centres majeurs de pouvoir ont largement privilégié les décisions, notamment economiques, ayant un intérêt pour 1’Etat. On a souvent remarqué qu’en dehors des capitales, des lieux symboliques du pouvoir, comme les villages de naissance des détenteurs de l’autorite suprême, et des régions les plus vitales pour l’économie nationale, c.-a-d. pour la production des ressources qui font vivre I’Etat, celui-ci manifestait peu d’interêt pour le pays qu’il était censé gerer: d’où ce paradoxe que les pays africains se trouvent avoir à la fois “trop d’Etat” et “pas assez d’Etat”. Si on laisse de côte les querelles entre théoriciens, on constate aussitôt que cette situation a produit des conséquences importantes pour l’avenir. C’est la prise en charge directe des populations par elles-mêmes et l’émergence, à la base de la sociéte, de multiples lieux de décision. Le geographe zaïrois Le10 Nzuzi a parlé à ce sujet d”‘un urbanisme de la débrouillardise”, pour décrire ces expkriences multiples où, en l’absence d’un projet ou d’une politique urbanistique visible de la part de l’Etat, les citadins entreprennent des aménagements de toutes natures sur la base de leurs quartiers et de solidarités locales. En zone rurale, de nombreux projets de développement, conçus ou gerés avec le soutien d’ONG locales ou étranghes, participent de la même volonté de prise en charge de soi par soi-même.

Quant aux décisions Cmanant de 1’Etat et des centres de pouvoir, on dispose malheureusement de trop peu d’etudes de terrain consacrée à leur rkception par les populations. Certains considerent, dans une approche privilégiant l’opposition entre “societé civile” et Etat, que ces dkcisions restent largement eloignées des préoccupations quotidiennes des gens et que ceux-ci, mobilises, surtout en milieu urbain, par la lutte incessante pour la “survie”, ne se sentent en aucune manière concernée par ces choix et n’adhèrent nullement à ces projets.

La cause du sous-développement ou du “mal développement” africain résiderait dans ce fosse. D’autres approches, puisant dans la théorie de la “servitude volontaire”, s’efforcent au contraire de montrer que quelque injustes et cruelles qu’aient étC les décisions des détenteurs du pouvoir, les gens s’y sont pliés et ont obei parce que leur culture et, notamment, les mythes prkcoloniaux du pouvoir les auraient prédisposés a la soumission. Ces deux approches, tres contrastées, devraient faire l’objet d’une discussion approfondie.

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La nouvelle conjoncture que l’Afrique expérimente depuis la fin des années 1980 ajoute d’autres éléments d’interrogation. Il est clair aujourd’hui (1992) que les processus observables ne se réduisent pas à une transition linéaire et irréversible à la démocratie. Mais le besoin de démocratie s’exprime avec une telle vigueur et une telle constance que la problématique du développement devra nécessairement incorporer cette nouvelle donne. Or, même si les expériences historiques ne se répktent jamais d’un pays a un autre et, à plus forte raison, d’un continent à un autre, l’expérience des pays qui ont réalisé leur développement, encore une fois sans que cette notion comporte un jugement de valeur, montre que l’articulation du processus de développement et du processus démocratique de prise et de contrôle des décisions n’est pas simple. Apres tout, qui pkrait soutenir que, au plus fort de leur décollage, l’Angleterre de la fin du XVIII~’ et du début du XIXimc siècle, le Japon de la fin du XIXtime et du début du XXt”’ siècle et les “dragons” asiatiques au milieu de notre siecle aient été des democraties? L’articulation entre processus économique et processus politique renvoie ainsi peut-être a un autre niveau, celui des types de “gouvemabilité” les plus a même de genérer ces espaces où consensus et conflit se mêlent pour produire les avancées sociales.

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LA PARTICIPATION DES COMMUNAUTES, UN MODE ALTERNATIF DE DEVELOPPEMENT:

L’EXPERIENCE DE L’UNICEF

Par

Sylvie Kouassigan’

INTRODUCTION

Il est aujourd’hui de bon ton depuis quelque temps, dans les pays du Tiers Monde de faire l’éloge de la participation des populations au développement national. L’engouement qu’elle connait a été accru par l’adoption généralisée, depuis bientôt une vingtaine d’années, de deux stratégies dites des besoins essentiels et de l’autosuffisance. Ainsi l’on fait valoir, à juste titre, que pour satisfaire les besoins essentiels de la société, en particulier des couches les plus défavorisées de la population, et pour parvenir à l’autosuffisance, les masses doivent être associées à la prise des décisions, à la planification et à la definition de leurs propres besoins et priorites en matiere de développement.

C’est que les déceptions eprouvées dans les efforts de développement dans le Tiers-Monde ont incité a chercher une autre stratégie du développement. Cette stratégie des besoins essentiels, de l’autosuffisance et de la participation des masses s’oppose clairement aux approches prkcédentes, qui reposaient pour une bonne part sur des approches volontaristes étatiques des projets à capital élevé et faisant essentiellement appel a des “experts”. Aujourd’hui, la communauté internationale dans son ensemble semble avoir reconnu la necessité d’une stratégie de développement faisant une plus large place, une place essentielle à la participation.

Cela, !UNICEF en a très tôt saisi l’importance et a, au fur et à mesure que son assistance s’amplifiait, réorienté et adapté ses stratégies d’intervention. C’est ainsi que des les annt%s 1950, l’Organisation accorda plus une grande place à l’action de la communauté pour ensuite, initier et encourager des programmes de développement communautaire et enfin faire de la participation une démarche l’tlement fondamental de son action, comme en témoignent les expériences développkes

Consultant Femme - Enfance - Développement

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ci-apres, notamment I’Initiative de Bamako, les Programme Intégrés de Services de Base et le Programme TOSTAN-UNICEF en matière d’éducation de base entre autres.

La présentation des Groupements Naam du Burkina Faso et des TON du Mali illustre la maturité des communautés en matiere de participation au point qu’aujourd’hui, elles sont parvenues au stade d’auto-promotion et servent de modeles aux associations d’autres pays africains. Ces modeles sont en mesure de favoriser l’unification des efforts en vue d’une valorisation culturelle et économique de la vie au village, dans une perspective et un contexte communautaires. En somme une réponse aux besoins de communautes dont le succès tient au fait qu’il s’agit d’initiatives venues des communautes de la base et non imposkes par le pouvoir politique central. Ces exp&iences nouvelles et originales constituent des réponses africaines et traditionnelles à des problemes d’aujourd’hui.

I- LA NOTION DE PARTICIPATION COMMUNAUTAIRE DANS L’ACTION DE L’UNICEF

1. La découverte de la “CommunautC” (annks 1950)

La reconnaissance par I’UNlCEF de l’importance de l’influence de la communauté était déjà sensible dans les premiers travaux de programmation de l’organisation. Toutefois, l’utilisation délibérée de ce concept dans le but d’accroître le bien-être des enfants se fit progressivement avec pour objectif d’encourager les communautés à s’organiser afin d’analyser leurs propres besoins et de rechercher des solutions aux problèmes fondamentaux qui se posaient dans leur vie quotidienne en faisant appel à l’assistance mutuelle et à la coopération des instances gouvernementales, locales et nationales, en d’autres termes, se prendre en charge elle-mêmes.

Dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest et du Centre, la promotion de ces activite çommunautaireS d’auto-assistance était designke sous le nom d”‘animation rurale” et s’inscrivait dans le cadre plus large de campagnes de sensibilisation menées par les responsables gouvernementaux aux tkhelons des provinces et des districts. Ces activites dtbouchèrent sur l’elaboration de petits projets dans les zones rurales (construction de routes d’acds, organisation de petits marches, crèches et jardins d’enfants, activités PCnératrices de revenus oour les femmes, construction de postes de santé, de cases pour les matrones).

Ce sont les femmes qui bCnéfïci&rent en premier lieu de ce mouvement. L’accroissement du soutien aux programmes d’rkiucation des femmes fut l’un des premiers fruits de l’utilisation de ces concepts par I’UNICEF en Afrique. De façon genérales, ces programmes furent mis en œuvre

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dans le cadre de clubs féminins qui encouragerent diverses activités éducatives, commerciales culturelles, par exemple l’amélioration du logement, la protection infantile, l’élevage de vola et des solutions pour l’approvisionnement en eau.

L’apparition de ces nouvelles formes d’organisation connues sous le nom de clubs fémir ou clubs de meres offraient un moyen de diffuser des connaissances et des savoir-faire qui faisai cruellement défaut. La floraison des projets de “puériculture/économie domestique” à compter milieu des années cinquante fournit aux femmes la possibilité d’acquérir une éducation et connaissances qu’elles souhaitaient vivement obtenir dans les domaines de l’alimentation et dr nutrition, des soins aux enfants et de la santt en g6néral. Ils contribdrent Cgalement a l’acquis? de competences en matière de techniques culinaires, de couture et confection de vêtements, a qu’a l’amélioration de produits artisanaux traditionnels à des fins de génération de revenus.

Les tentatives d’alphabétisation des femmes trouvent leur origine dans ces premiers c, féminins et projets de puériculture/économie domestique; ils découplérent les aptitudes leadership parmi les femmes, et ils allaient ultérieurement contribuer a l’amélioration di condition de la femme et a la transformation des activités auxquelles elles se livraient.

La grande contribution de I’UNICEF au developpement communautaire se situa, en réa dans le domaine de la formation du personnel, dont l’Organisation infléchit le contenu dans le de ce qu’on appela les “agents polyvalents”, ou encore, dans les pays anglophones, “multi-pur, workers”“. On a souvent qualifie le rôle de l’agent de développement communautairr “catalyseur” contribuant à organiser et à stimuler les groupes communautaires et les aidant à dé leurs propres problemes et a chercher des solutions.

Ce “mouvement”, bien que prometteur, n’était pas exempt de faiblesse et d’imperfect Bon nombre des efforts engages par des groupes communautaires ne purent être maintenus pc de longues periodes. Cela tenait en partie a la pauvret6 des populations elles-mêmes ainsi l’insuffisance des ressources matérielles et technologiques à leur disposition. En outre, le SC. qui leur était accordé par les ministere du developpement communautaire et les minis@. vocation technique, se révela souvent trop faible ou inadéquat,

Les activit ze, cependant, reçurent un soutien constl I’UNICEF pendant cette p&iode et jusque pendant les ann6es soixante, tandis que le Burea affaires sociales de I’ONU continua de fournir des avis techniques et de mener des activi: formation. Je souci de DarticiDation de la communauté aux initiatives et Droerammes . l’amélioration de ses conditions de vie caracterisa I’aDDroche de 1’UNICEF à comDter de

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epooue. Mais l’accent était mis en priorité sur le rôle des femmes. Il était déjà évident pour les gouvernements et pour ceux qui connaissaient les réalités du continent que, si la pauvreté, les maladies et l’ignorance affectaient des communautés entières, t’étaient les femmes qui subissaient le plus lourd des fardeaux imposes par ces facteurs défavorables alors même qu’elles apportaient la contribution la plus déterminante à la vie familiale et communautaire.

2. L.e développement communautaire, une des prioritks de I’UNICEF à l’aube des indépendances

L’année 1960 fut une annke de grands changements en Afrique, puisque 18 pays accédèrent à l’indépendance.

La nouvelle orientation qui suivit I’UMCEF dans la prestation de son assistance aux pays en déveloonement d’Afrique au debut des années 60 découla de l’effet conjugue de sa propre expérience et des besoins exmimts par les nouveaux eouvemements. Parmi les nouveaux programmes qui allaient se voir assigner un rang de priorite, figurait “développement communautaire et animation rurale”, afin de soutenir les efforts faits par les gouvernements en vue de mobiliser les wnulations rurales pour l’exécution de travaux d’infrastructure dans une démarche d’auto-assistance. A cette époque, les qualifications de l’agent communautaire s’accrurent et un soutien important fut donné à la formation de ces agents et animateurs.

Le soutien de ces.nouveaux types d’activités supposait une tvolution des stratégies. Etant devenus maîtres de leur destin avec l’accession a l’indépendance, un grand nombre de pays africains manifestèrent un grand intérêt à l’egard d’une planification systématique de leur développement national. C’est ainsi que la notion de “programmation uar navs”, au titre de laquelle on examinait le soutien d’un ensemble intégre d’activites à l’échelle d’un pays, faisait son chemin. On souhaitait que cet ensemble reflète la hiérarchisation des priorités établie d’un commun accord par les ministères gouvernementaux et I’UMCEF.

Dans les années qui suivirent, il fut releve que l’un des critères de suc& des programmes soutenus par I’UMCEF en Afrique était la particioation active de la communaute. Ceci allait être un thtme souvent évoqué à l’époque. S’agissant de la nutrition appliquée, par exemple, on nota que la participation active de la communauté s’était révr%e “le principal noyau” du projet. Le Basutoland (le Lesotho d’aujourd’hui), par exemple, en etait une illustration frappante. Dans ce pays, l’tlevage de volailles et la production de légumes, soutenus par I’UMCEF, furent couronnés de succès parce qu’ils suscitèrent un vif inter& chez les agriculteurs. Une partie des aliments produits etaient destinés à l’alimentation des enfants dans les ecoles. La formation des agriculteurs à l’exercice de ces activités b&fkiait d’une participation importante.

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3. Les services de base, passage oblige pour une participation effective de populations à leur propre dheloppement

On croyait a l’origine que grâce au progrès kconomique, la couverture des services nationaux s’étendrait progressivement pour atteindre une population toujours plus nombreuse. Cette attente a été déçue, malgré les sommes considérables que nombre de gouvernements ont investi dans leurs services, qu’il s’agisse de la santé ou d’autres domaines.

Aussi, plusieurs pays ont-ils mis au point des solutions pour satisfaire les besoins humains essentiels en fournissant des services de base, aides en cela au depart, par des organismes tels que I’OMS et I’UMCEF.

En effet, la présentation d’un rapport intitule “Services de base en faveur de l’enfance dans les pays en développement” qui fut soumis au Conseil d’administration en 1975, ouvrit la voie a une nouvelle évolution des politiques de 1’UMCEF relatives aux programmes. La méthode de la “programmation par pays” était bien établie; elle était axée sur la fourniture d’un ensemble de services de base qui se renforcent mutuellement; ces services de base comprenaient la Protection Maternelle et Infantiles (PMI), le planning familial, la production et la consommation d’aliments plus nutritifs, l’approvisionnement en eau potable, l’éducation de base et la diffusion des techniques appropriées. L’élément important etait que la çommunauté devait oarticioer D~US activement à la planification et à la mestation de ces services. En mai de la même annke, le Conseil d’administration de I’UNICEF lança un appel à l’Assemblée Générale des Nations Unies, lui demandant instamment d’examiner les possibilités qu’offrait une rapide expansion des services de base en faveur de l’enfance. L’Assembk G&&ale approuva ce concept, ce qui eut pour effet d’amener d’autres composantes de la famille des Nations Unies a y contribuer, chacune dans le champ de compétence qui lui était propre.

La stratégie des services de base s’appuie sur la participation communautaire, condition essentielle pour la mise en œuvre et le fonctionnement efficace de ces services, que ce soit dans les villages ou dans les quartiers urbains deshérités.

D’embk, la communaute est encouragée a identifier ses nronres besoins. a etablir $11 -m’m ee ri rit rmin r 1 1 cm s viendront les futurs “apents communautaires”. Un choix se portera sur le meilleur agriculteur ou sur celui a qui ils font confiance pour les soins de santé, ou encore sur la personne à laquelle ils demandent dejà conseil pour les nourrissons. Ces personnes, avec d’autres de villages ou quartiers environnants, sont réunies et recoivent une formation de courte dur& simple et spkalisée qui prend en consideration les traditions locales et rend la communaute responsable de ses propres services.

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De retour chez eux, ces agents communautaires fournissent des services essentiels a leurs communautés en leur apprenant à innover dans les différents domaines de leur activité. Ils leur enseignent comment améliorer et diversifier la production alimentaire, recourir aux aliments locaux les plus nutritifs pour les jeunes enfants, creuser un puits ou installer des latrines, apprécier l’importance de l’eau potable et de l’hygiène domestique, utiliser des méthodes simples pour prevenir et traiter les maladies le plus répandues dans la région. Ces services portent aussi sur l’introduction de technologies simples destinées a alléger le fardeau des travaux quotidiens impartis aux femmes et aux jeunes filles.

Etant originaires de la collectivité à qui ils rendent les services essentiels dont elle a ressenti le besoin, les agents communautaires obtiennent sans difficulté l’appui et la participation de la population. Un peu partout ce genre de services de base a fait son apparition. Dans de nombreux pays, cette approche nouvelle est devenue une véritable strategie du développement social, que ce soit à l’kchelon national ou dans des zones de développement déterminés.

Les agents communautaires ne sauraient être longtemps efficaces s’ils agissaient isolément. Ils doivent nécessairement être intégrés dans un “système”: ils prolongent les services gouvernementaux traditionnels qui ont été reorientes pour desservir la péripherie en recourant aux auxiliaires locaux. Grâce à ces derniers, des services essentiels peuvent être mis à la portée de zones insuffisamment desservies jusqu’alors, ou même totalement isolées. Ils constituent, en fait, l’ultime kchelon grâce auquel les services nationaux peuvent être étendus à tous.

Les avantages de cette nouvelle approche peuvent être résumés ainsi:

- un contact plus efficace avec les populations et une action mieux adaptée aux besoins locaux;

- une importante composante d’investissement humain;

- un point de depart pour d’autres actions de dtveloppement comme cela est prévisible, parmi les mesures qui visent a accroître la productivité, les populations accordent naturellement la priorite aux activités susceptibles d’améliorer leur sort. Quand elles s’aperçoivent qu’elles peuvent elles-mêmes se ménager de meilleures conditions d’existence familiale et communautaire, elle abandonnent une attitude fataliste pour adopter une attitude nouvelle plus active et plus volontariste qui fait face aux obstacles pour les surmonter. Ces populations deviennent alors kceptives aux autres mesures d’accroissement de la production agricole et de développement national;

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- des coûts supportables pour 1’Etat et les collectivités locales. En effet, il est possible. aujourd’hui, de trouver dans la population elle-même les ressources nécessaires pour la satisfaction de ses propres besoins élémentaires. Cela crée un facteur de croissance économique, avec un minimum de dépenses initiales et de charges récurrentes à long terme, et donc moins supportables pour les communautés locales et pour I’Etat;

Pour l’UMCEF, le concept de “services de base” qui est central dans tous ses programmes de coopkation, englobe à la fois la disponibilite des services (offre et demande) et la maniere dont ils devraient être fournis et gért%.C’est à ce niveau que I’UMCEF accorde une grande importance, à l’approche participative. Dans sa recherche d’un impact toujours croissant et à moindre coût de ses programmes, I’UMCEF utilise le rapport coût-efficacité pour déterminer le coût de faisabilitt le plus faible parmi les projets voulus et soutenus par la communautés. Ces projets, par conséquent, continueront d’être soutenus oar la communaute, même après le retrait de l’assistance extérieure. Il s’agit là d’une caractéristique essentielle de se perpetuer sans intervention externe.

L’importance accordée à l’approche participative par I’UMCEF dans son action constitue l’un des critères de succès d’initiatives et de programmes tels que 1’Initiative de Bamako et les Programmes Intégrés de Services de Base, comme nous pourrons le constater à travers leur exécution et les excellents résultats obtenus notamment au Bénin, au Tchad, au Niger et au Sénégal.

II- QUELQUES EXPERIENCES DE L’UNICEF EN MATIERE DE PARTICIPATION

1. Prbsentation de I’Initiative de Bamako

1.1 Contexte

Dans une p&iode d’effondrement des cours mondiaux des matières premières, dont les pays africains tiraient la plus grande partie de leurs revenus, la balance des échanges du continent avec l’extérieur est, depuis quelques annkes, déficitaire. Les flux nets de capitaux se sont inverses entre le Nord et le Sud et ce dernier a dû utiliser près de la moitié de ses exportations pour le remboursement de ses crkances. La crise économique mondiales a exacerbé toutes les faiblesses de ces équilibres et prkcipite, bien souvent, la cessation des paiements. Il est permis de craindre que le contexte économique international soit devenu lui-même un facteur de sous-developpement du continent africain.

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Dans la recherche de solutions, des programmes d’ajustement structure1 ont été imposes pour permettre la reprise économique des pays endettés du Tiers-Monde. Ces programmes étaient censés relancer la croissance économique a long terme. Malheureusement, pour le moment. on constate plutôt une diminution drastique des budgets sociaux (éducation, santé, etc.) et aggravation de la situation précaire des populations déja terriblement touchees par la baisse de leurs revenus en cette période de crise.

Des ouvrages comme “l’ajustement à visage humain” et le rapport de I’UMCEF sur “La situation des enfants dans le monde” en 1989 ont mis en lumiere les implications directes ou indirectes de la situation économique et des politiques d’ajustement structure1 et analysé leurs répercussions sociales sur le bien-être quotidien et la sand des groupes les plus vulnérables, notamment les mbres et les enfants. Ces conclusions sont aujourd’hui -Dieu merci- largement partagées par l’ensemble des institutions nationales et internationales.

Durant la dernière décennie, dans la plupart des pays africains, la détérioration des conditions socio-économiques s’est accompagnée d’une dégradation de l’état de santé des femmes et des enfants et d’une augmentation de la malnutrition.

Ce contexte défavorable imposait de donner une nouvelle orientation a la politiaue de Soins de Santé Primaires (SSP) telle que définie par la Conférence d’Alma Ata en 1978 afin de la rendre à la fois plus efficace. moins coûteuse et viable a low terme.

Bien qu’inspirés des principes géneraux des SSP, les systèmes de santé actuels, de coût élevé par rapport aux résultats, ne sont pas parvenus a répondre aux besoins des populations, encore moins à être soutenus sur une longue p&iode ni pour une majorite de la population. Le modèle de santé est souvent organisé autour d’une structure centralisée verticale s’appuyant sur des programmes spécifiques où chaque intervention (vaccination, lutte contre la lèpre, la tuberculose, le paludisme, SMI, plus récemment lutte contre le Sida, etc.) relève d’une planification distincte isolke avec sa propre stratégie et sans intégration effective a l’ensemble du système de santé; ces programmes spécifiques impliquent que la population se deplace chaque fois qu’elle souhaite avoir recours a un service qui, d’ailleurs, ne répond, le plus souvent, que partiellement à ses besoins. Tenue à l’kart de la gestion des centres de santé, la population ne se sent que peu concernée par les activites menées. C’est pourquoi le taux de protection, pour la plupart d’entre elles, n’exckie pas 25% des populations-cibles. Alors que les besoins en santé ont augmente durant cette période de crise, seules les vaccinations infantiles bénéficient d’une promotion spéciale et de ressources élevées dans le cadre de 1’Immunisation Universelle des Enfants en 1990.

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Fort heureusement, les Ministres de la Santé des Etats Africains ont lancé. en 1987. dans le cadre de l’Assemblée Régionale de l’OMS, le grand défi de 1’Initiative de Bamako. Celle-ci vise à encourager une participation communautaire maximale aux activités de Soins de Santé Primaires en apportant des dotations de médicaments et fournitures essentiels de base pendant trois ans. L’objectif est, outre l’active participation et la gestion de la communauté, de mettre en place un système de financement par les utilisateurs et de recouvrement des coûts afin de constituer un fonds autorenouvelable qui, avec l’appui du district et des échelons supkieurs assurera l’autonomie des Soins de Santé. A partir de 1988, 1’UMCEF s’est engagé à consacrer pendant trois ans entre 0,50 et 0,75 dollars des Etats Unis, par tête d’habitant par an aux fournitures et médicaments essentiels et à fournir l’appui aux programmes dans les districts qui mettront en œuvre 1’Initiative de Bamako. Dans le cadre de cette Initiative, la priorité est accordke à la survie de l’enfant, à la maternité sans risque et à la planification familiale.

1.2 Buts et objectifs

Le but de 1’Initiative est l’accessibilité universelle aux Soins de Santé Primaires. Le processus permettant d’atteindre ces objectifs est fondé sur une décentralisation de la prise de décision en matière de santé qui est cont%e au district’, sur le financement par l’utilisateur sous contrôle communautaire, sur une politique nationale réaliste du médicament et sur la fourniture de médicaments essentiels qui se traduira par des Soins de Santé Primaires autonomes. L’approvisionnement en médicaments essentiels constitue un moyen qui permettra de générer des revenus pour assurer le developpement des Soins de Santé Primaires du fait des versements effectués pour les services de santé et l’achat des médicaments. Les objectifs de la stratégie peuvent être brièvement définis comme suit:

a) renforcement du financement et de la gestion des activités de Soins de Santé Primaires au niveau local grâce au financement par les utilisateurs et au recouvrement des coûts;

b) promotion de l’autosuffisance par le renforcement de la capacité communautaire a gérer les activités de santé;

cl renforcement du système d’approvisionnement en médicaments essentiels, et financement des dépenses renouvelables.

.

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1.3 Approches opérationnelles par le biais du financement par l’utilisateur et le recouvrement des coûts

L’approche retenue par l’mitiative de Bamako prévoit la fourniture initiales de médicaments à chaque district participant au programme pendant une période de trois ans maximum. Les médicaments essentiels sont fournis gratuitement pendant un an, et la communauté est censée renouveler le stock nécessaire pour la deuxième année et les années suivantes en utilisant les fonds decoulant de la vente des médicaments fournis l’ann6e pr&dente. La détermination du prix incombe au niveau central en consultation avec le district concerne. Une marge bénéficiaire de 50 à 75% au-dessus du coût initial permet de vendre le médicament encore moins cher que celui qui est vendu sur le marché. Cette marge est tout de même suffisante pour prendre en charge les indigents (probleme essentiel de l’équité sociale) et assurer le financement des dépenses de fonctionnement.

Le capital formé grâce au programme est considtré comme un fonds communautaire puisqu’il decoule des efforts déployés par la communauté pour gérer et vendre les médicaments et qu’il ne provient pas des impôts publics. La gestion et l’utilisation de ces fonds incombent donc a la communauté concernée. Comme les médicaments sont vendus aux consommateurs avec une marge bénéficiaire, cela produit plus de fonds que ceux necessaires pour le renouvellement du stock de l’année suivante. Ces fonds supplémentaires sont gardés par la communauté pour être utilises dans le cadre du système de santé communautaire pour couvrir les depenses renouvelables et de fonctionnement, telles que les allocations aux agents de santé communautaires, les fournitures de base, le combustible, l’entretien et autres dépenses de fonctionnement. En conséquence, un fonds autorenouvelable pour les médicaments essentiels est constitué dès la première année de mise en œuvre de 1’Initiative dans le district. Au fur et à mesure que les fonds sont recueillis, ils sont placés à la Banque en tant que fonds autorenouvelables pour les médicaments essentiels et ils ne seront utilisés que l’année suivante pour renouveler le stock.

Les districts qui auront montré une bonne capacité gestionnaire bénéficieront d’une deuxième et peut-être d’une troisieme livraison de médicaments essentiels de la part de 1’Initiative de Bamako. Le produit de la vente de la livraison de la deuxième année sera divisée en deux parts, l’une pour le district et l’autre pour la province. Le fonds au niveau du district , fonds sanitaire spécial du district, sera géré de la même manière que le fonds autorenouvelable du medmarnent. Cependant, l’objectif de ce fonds est de fournir l’wui nécessaire aux activités de Soins de Santé primaires mioritaires.

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Les principes de 1’Initiative de Bamako, amélioration de l’efficacité, limitation des coûts et continuité des services, participation et gestion communautaire ont été les piliers de la réorganisation du système de santé pour renforcer les soins de SM1 au Bénin et en Guinée, pays considérés comme les pionniers de 1’Initiative de Bamako.

Le Benin, dont nous présentons l’expérience ici, a conçu et mis en œuvre une série

d’activités ayant pour but de protéger les groupes vulnhables contre la plupart des maladies-cibles du Programme Elargi de Vaccination (PEV). Ces activités, fruits de l’expétience de différents partenaires au développement sanitaire du pays s’appuient essentiellement sur une restructuration du système de santé existant.

1.4 L’initiative de Bamako

Le Bhin a acquis une grande exphience en matière de renforcement des SSP, notamment dans le domaine du financement et de la gestion par les collectivités. Le succès de projets apparentés ?I 1’Initiative de Bamako, qui ont été lancts avec l’appui de I’OMS, de 1’UNICEF et de la Fondation FORD a constitué un terrain extrêmement favorable à une réalisation remarquable de

1’Initiative de Bamako.

1.4.1 Financement des Soins de Sante

Au moment du lancement de 1’Initiative de Bamako, la situation économique du Wnin était critique et il était de plus en plus difficile d’assurer la gratuité des Soins de Santé.

Les médicaments de base étaient devenus rares et le personnel de santé était insuffisant et souvent, très irrégulikrement rémurkré, du fait du peu de ressources gouvernementales disponibles pour le secteur santé. Les conditions étaient donc rhnies pour qu’il soit mis en place une stratégie de financement des dépenses de santé au niveau communautaire afin d’éviter une plus grande

détérioration si ce n’est la disparition des services de santé et améliorer l’état de santé de la population en gtnéral.

C’est ainsi qu’ont été réalisés avec succès des projets similaires à 1’Initiative de Bamako

dont le programme national PEVISSP s’est inspirk pour guider la rhrganisation des services de santé.

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1.4.2 Le projet-pilote de Pahou

Le Projet-oilote de Pahou, notamment, qui est la pièce maîtresse de l’expérience du Bénin est un projet de recherche opérationnelle qui a concentré son action, depuis 1983, sur la recherche de méthodes de gestion des services de santé au niveau des villages et des communes et sur les modalités d’un financement communautaire. L’approche retenue est très simple et peut être adaptée aux diverses communautés. Ce projet montre les avantages de la particination locale à la surveillance continue des activités. La participation locale facilite également le recensement des goulots d’étranglement ainsi que la modification des activites opérationnelles et elle se traduit par une plus grande efficacité.

1.4.3 Approche du Bénin

Au début de 1989, il a été adopté une nouvelle stratégie nationale de santé axée sur la

décentralisation avec des services renforcés au niveau des districts, le personnel des infrastructures sanitaires des districts et des communes étant autorisé à gérer les dépenses et les recettes. Le programme PEVISSP s’emploie à intégrer tous les éléments de Soins de Santé Primaires, y compris la vaccination, programme qui était auparavant exécuté de façon indépendante. Cependant, une

place de choix est faite à la SMI, à la planification familiale et a la nutrition.

1.4.4 Résultats de YInitiative de Bamako au BCnin

Le Bénin a maintenant acquis une expérience considérable en ce qui concerne la mise en œuvre de 1’Initiative de Bamako. De nombreux résultats positifs ont été enregistrés dont iotamment:

- l’acceptation par la population de payer pour les services de sante et pour les médicaments essentiels;

- l’utilisation courante des médicaments essentiels portant des noms génériques;

- une compétence accrue des médecins et autres personnels de sante dans les secteurs clts tels que la gestion des finances communautaires et des services de Soins de Sante Primaires;

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- l’augmentation notable du nombre de personnes qui fréquentent les centres de santé;

- l’amélioration générale de la gestion des services de santé;

- le financement communautaire, un acquis qui mérite une mention particulière ici:

a) Dans le cadre du PEV/SSP, le malade reçoit les médicaments pour le traitement qui es codifié selon le tarif base sur les ordinogrammes, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de vente de médicaments comme tels mais plutôt paiement à la fin du processus de consultation et de soins. Le paiement se fait par épisode. Les recettes générées dans ce cadre sont pérées par un comité de eestion composé de trois personnes. Un budget semestriel est établi. Le montant est déposé à la banque. Le suivi de la gestion financière est assuré à travers le livre de caisse et les autres outils par le comité de gestion et les superviseurs (aux niveaux du district, du departement et au niveau sectoriel).

La somme d’argent recueillie sert d’abord à renouveler les médicaments et les outils de gestion (registre, carnets, fiches, etc.) puis les coûts locaux de fonctionnement selon un ordre de priorité Ctabli par le programme et qui tient compte des ressources locales disponibles.

b) Le programme a dkcide que chaque comité de santé prendrait en charge les plus pauvres de la communauté qui ne seraient pas capables de payer les soins. Quelques critères d’indigence ont et6 definis tels que les sinistres. Une recherche opérationnelle est en cours pour mieux cerner les incidences sur la population du paiement des soins.

c) Pour ce qui es des autres secteurs sociaux, la crise est telle que les çommunautes s’organisent de olus en D~US wur S~UD~& aux carences des 1’Etat.

Dans presque tous les domaines sociaux (eau, éducation), des comités sont mis en place pour genérer localement les ressources afin de renouveler le matériel et payer les frais de fonctionnement.

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- la participation communautaire:

a) Selon les programmes, l’organisation de la participation communautaire peut varier. Dans le PEVSSP, il s’agit essentiellement d’un comité de gestion de ix personnes (dont 2 femmes au moins): un président, un secrétaire sachant lire et écrire pour tenir les registres de gestion, un trésorier et trois autres membres.

Ce comité, véritable gouvernement communautaire doit assurer par son action quotidienne la participation active de la population à tout ce qui touche aux questions de developpement a commencer par la sante. Il doit no seulement participer a l’élaboration et au suivi de l’exécution du budget de la formation sanitaire avec les agents de santé mais aussi contrôler la gestion financière, comme mentionné précédemment, participer a l’élaboration des commandes, promouvoir en général “toute action visant à l’amélioration de la santé de la communauté, des conditions d’hygiène et d’assainissement”. Il dispose ainsi d’un outil important de gestion avec les registres de recettes perçues et les dépenses effectuées ainsi que la consommation de médicaments.

Les comites sont reconnus et acceptés par le Minist&re de la Santé publique.

b) Différents projets tentent de coordonner au niveau local des efforts de participation communautaire en essayant de crker un comité local de developpement qui gere l’ensemble des activités sociales au niveau périphérique (santé, eau, moulin, jardinage). Certains de ces projets parviennent à faire mener des activités génératrices de revenus qui participent au développement des activités sociales.

- L’amélioration générale de la gestion des services de sante.

- la promulgation d’un dkcret présidentiel autorisant les services de santk à gérer les fonds decoulant d’un financement communautaire.

L’initiative de Bamako a acquis droit de cité au Ehkin. Elle béntfïcie de la collaboration de tous les partenaires au développement et du soutien actif du Ministere de la Santé publique.

L’initiative de Bamako a également permis d’accomplir de grands progrès en Guinée Conakry, au Zaïre, au Mali, etc. L’Ecole de Sante publique de Conakry qui vient de proc6der a une évaluation en a confirmé la valeur comme stratégie non seulement de soins de santé primaires mais egalement de développement.

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Autres expériences non négligeables de 1’UMCEF en matière de participation communautaire, dans le prolongement de 1’Initiative de Bamako, ce sont les programmes intégrés de services de base mis sur pied par L’UNICEF notamment au Tchad et au Niger.

2. Programme Integr6 des Services de Base au Tchad

Les multiples problèmes socio-économiques auquel le Tchad est confronté, conjugués aux effets-de la guerre, à la sécheresse, n’ont as permis à ce pays d’assurer le minimum de services sociaux à sa population ni, par conséquent, de satisfaire ses besoins les plus vitaux. Dans les campagnes, nombreux sont les villages qui ne disposent d’aucune infrastructure notamment sanitaire, éducative, hydraulique . . .

Pour tenter de pallier à ce handicap majeur dans le processus de développement du pays, diverses options ont été prises par le gouvernement tchadien, dont le développement communautaire.

C’est dans ce contexte qu’en 1987, le gouvernement, avec l’appui de l’UNICEF, a entamé l’exkcution d’un Programme Intégré des Services de Base (PISB)l qui s’inscrit dans la politique de développement communautaire prônée par le Tchad. En effet, la participation communautaire, principe de base du programme, doit en même temps, servir de point de départ pour une prise en charge progressive de leur destin par les communautés elles-mêmes.

Ce programme a été conçu de façon a fournir la plus large gamme de services possibles au plus grand nombre de bénéficiaires possibles, au moindre coût et éliminer la dispersion des efforts en axant les activités sur quatre regions où des interventions de Sh4I ont déjà commencé. Les liens établis entre les cinq secteurs de services sociaux (santé, approvisionnement en eau et assainissement, education, s&.uité alimentaire des familles, participation populaire active et activites en faveur des femmes) avaient pour but d’ameliorer l’efficacité des activitts et partant, les résultats.

Le PISB a intensifié, au fil des ans, son approche de programmation régionale et renforce sa capacité d’exécution au niveau sous-provincial. Les partenaires régionaux sont devenus plus dynamiques à tous les niveaux de la planification des activitts au co-financement en passant par la

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supervision et le suivi. Le financement communautaire, en particulier, a été un succès, ce qui a

permis a 1’Etat d’utiliser les économies ainsi réalisées pour financer des programmes de formation au niveau communautaire.

La SM1 a été l’élément majeur de la composante santé du PISB. Mais actuellement, tout aussi importants son les SSP dans leur ensemble. Les ponulations ont accepté le princioe du

paiement des consultations, ce qui permet le financement de quelques frais récurrents. Les comités de santé mis en place gerent les caisses qui présentent chaque mois un solde positif de 15.000 à 40.000 FCFA selon la taille de la communaute.

En 1991, année de sévères pkmries, le programme de sécurité alimentaire a assuré l’approvisionnement en denrées alimentaires de 422 familles, grâce au svstème communautaire de

banque céréalière qui favorise le financement coopératif. Le PISB a réalisé un investissement en

capital constitué de 633 sacs de ceréales pour 6 installations de stockage construits avec des fonds communautaires. Le succès de ce programme de banque céréalière tient à la sélection, la formation et la supervision d’agents communautaires a la gestion du crédit et de l’épargne. Au milieu de l’année, 59% du crédit accordé avait été remboursé, ce qui est une réussite remarquable. Ainsi, le recouvrement des fonds mis a la disposition des communautés ayant atteint un niveau élevé permet de créer un fonds de roulement qui pourra bénéficier à d’autres communautés présentant le profil adéquat pour la création de nouvelles banques céréalières.

Grâce a un co-financement parallele, 90 pompes manuelles furent installkes avec une

contribution communautaire d’environ 300 US$ par puits. Avant leur mise en service, les populations furent sensibilisees aux apports bénéfiques de l’eau potable. Une p&iode importante fur consacrée à la préparation de comités villaeeois de l’eau, chargés d’organiser le financement et le temps de travail. Avant le démarrage du programme de puits, 4% seulement de la population- cible avait actes à l’eau potable. A la fin du programme, ce chiffre s’élevait à 21.5%.

Le programme comprenait la formation de villageois à la maintenance des pompes à eau pour en assurer une gestion sans écueil. Dans la province Nord du Kanem, 60 puits furent réhabilités.

En complément du programme des puits, il faut mentionner la construction de latrines: c’est ainsi que 172 familles kquipkrent leurs concessions de latrines.

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La composante éducation du PISB comprend la formation, la supervision et l’éducation d’enseignants et de directeurs d’écoles ainsi que la révision du programme d’enseignement. Les bénéficiaires du programme sont au nombre de 60.800 dont 7.800 bénéficient directement des activités du PISB.

Le PISB a procédé au recyclage d’animatrices rurales. Le contenu du recyclage visait

l’introduction de connaissances en gestion de biens collectifs et à l’organisation d’activités artisanales.

Les activités “Femmes et developpement” du PISB furent consacrées a l’allegement des

travaux féminins par la fourniture de charrettes et de moulins. Le PSIB fait un effort particulier pour intégrer la perspective “Femme et développement” dans toutes ses activités au lieu d’en faire une composante verticale indépendante. Toutes les activités de I’UNICEF mettent l’accent sur le rôle de la femme dans le développement.

Les principes qui orientent l’exécution de programme sont les suivants:

1. adhésion, engagement et responsabilité communautaires, principe essentiel du programme fondé sur la volonté des populations de prendre en charge leur propre destin par des prises de décisions propres à leur situation, apres concertation avec les différents niveaux;

2. encouragement et suscitement de l’initiative au niveau communautaire;

3. dans l’esmit de l’initiative de Bamako, appui a l’elaboration d’un systkme de

recouvrement de coûts rendant possible la crkation de fonds de roulement afin que peu a peu, les communautes puissent autofinancer certaines actions et atteignent une certaine

autonomie.

3. Programme Int6gr6 de Services de Base dans l’arrondissement d’Agui6 (Niger)

Apres une phase preliminaire (1989- 1990) pendant laquelle trois villages pilote ont Ctt inities à la gestion des infrastructures communautaires (écoles, puits, pharmacie villageoise., centres d’alphabttisation des femmes, pépinières forestiéres) dans l’esmit de 1’Initiative de BamakQ, le Programme est entré, en 1991 dans sa période d’extension. Quinze villages (où vivent 10.000

---. _ -. -- .--

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personnes, dont 2.000 enfants de moins de 5 ans et 5.000 femmes) bénéficient actuellement des activités du Programme, menées dans une approche intégrée, mettant l’accent sur la particioation active des copulations. Les secteurs concernés, déterminés par les villageois en fonction de leurs besoins prioritaires sont:

- La sante: approvisionnement en médicaments essentiels par la mise en place des pharmacies villageoises (deux pour 60.000 personnes), amtlioration de la couverture vaccinale des enfants par l’ouverture d’un nouveau centre fixe de vaccination (pour 6.000 enfants) et appui logistique, renovation de infrastructures sanitaires (pour 90.000 bénéficiaires),

- L’éducation: approvisionnement en eau pour deux écoles, réhabilitation de 15 classes pour 750 éleves,

- L’alohabétisation des femmes: ouverture de 7 centres d’alphabétisation fonctionnelle des femmes (175 bénéficiaires), fonctionnant selon une approche novatrice, prenant en compte les préoccupations quotidiennes des femmes et les stratégies du Programme,

La nrotection de l’environnement: mise en place de 6 mini-pépinieres villageoises pour intensifier les activités de reboisement, combattre la desertifïcation et augmenter la disponibilité du bois de chauffage.

Il etait prévu pour la fin de l’année 1991, le dtmarrage d’activités génératrices de revenus pour les femmes et la création des points d’eau modernes dans 15 villages supplémentaires.

Les stratégies suivies par ce Programme visent la survie et la protection des enfants.

4. Le programme TOSTAN-UNICEF

TOSTAN, organisation non-gouvernementale, intervient en Afrique dans le domaine de l’education de base. Cette éducation, définie et réalisé avec les populations elles-mêmes repose sur un programme adapte aux traditions et réalités socio-culturelles et est vehiculée grâce aux w &onaleS.

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Le programme TOSTAN-UNICEF est un programme d’éducation non-formelle proposant une éducation de base qui a l’avantage d’avoir éte conçue et testee pendant de longues années dans plus de 90 villages du Sénégal, en Wolof, en Pulaar et en Sereer.

Le but du programme TOSTAN-UNICEF est de donner aux populations en particulier aux femmes et aux adolescents, une formation leur permettant d’assurer leur auto-développement.

Les principaux objectifs vises sont les suivants:

a) Donner aux bénéficiaires une éducation de base leur permettant:

- de lire, écrire et calculer dans leur langue maternelle;

- d’assimiler des notions de base sur la santé, la planification, la gestion, l’organisation communautaire, l’environnement et la mise en œuvre de projets générateurs de revenus;

- de mettre en application les connaissances nécessaires pour créer et exécuter des projets de développement communautaires.

b) Faire une étude de faisabilité.

c) Assurer une bonne gestion (leadership, organisation du groupe, tenue de documents, comptabilité, budget, épargne et crédit, utilisation de la banque . . .).

d) Appliquer les techniques de marketing.

e) Faire le suivi et l’évaluation des activites.

f) Eviter ou résoudre les problemes susceptibles d’apparaître au cours de l’exécution des projets.

Les villageois benefïciaireg du programme ont étt -ment & à toutes les phases de la création de ce programme. La reflexion village a et6 un clément moteur de sa mise au point, de son enrichissement et le p : n rell ilieu pour lequel cet enseignement a éte tlabore. La mtthode participative utilisee, le choix délibéré de supports pedagogiques (jeux, pieces de theâtre, contes, proverbes . ..) ancres dans la tradition

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sknégalaise suscitent chez le participant une attitude réceptive au dialogue et permettent de cerner de plus près la réalité villageoise et de répondre à sa demande.

L’identification des probltmes le plus souvent rencontrés au village, la réflexion sur les solutions à apporter (hygiène, santé, environnement . ..) ont permis la réalisation d’un ensemble

d’ouvrages traitant concrbtement de ces sujets. Ces ouvrages sont utilisés comme supports a l’apprentissage de la lecture mais favorisent aussi une réflexion très large débouchant sur une prise de conscience des problemes de développement. Chaque document donne des moyens d’agir sur son milieu et sur l’environnement.

Une prise de conscience et un changement de comportement des villageois ayant suivi ce programme de formation ont pu être observés lors d’évaluations effectuées sur le terrain. C’est

ainsi que des actions concrètes y ont vu le jour:

- Des comités de santé et d’hygiène nouvellement crées ont mené à bien nombre d’actions:

- nettoiement du village, construction et entretien de latrines, installation et equipement de cases de santé, de maternités rurales, visites de contrôle sanitaire dans les concessions, fabrication de canaris améliorés, organisation de séances de vaccinations . . .

- Construction de foyers améliorés “ban ak suuf

- Plantations de bois communautaires ou individuels

- Mise en œuvre de projets maraîchers

- Cotisations pour permettre la mise en œuvre de projets de développement communautaires (boutiques villageoises, maraîchage . . .).

Ainsi, les villageois ayant bénéficié du programme, savent écrire, lire et faire des opérations de calcul dans leur langue maternelle.

Ces quatre exemples choisis dans 4 différents pays sont indicatifs de la direction et du contenu que I’UNICEF entend donner à ses programmes dans l’avenir. La tendance sera de plus en plus de se rapprocher des communautés bénéficiaires et de les impliquer davantage dans la mise

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en place de projets depuis le stade de l’identification jusqu’à celui de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation. Cela se fera grâce à une plus grande décentralisation à travers les “programmes de zone”. Il est indéniable aujourd’hui que la responsabilisation et l’implication des communautés sont les seules conditions qui pourront véritablement assurer la viabilité et la pérennité des actions entreprises.

Ces quatre exemples nous permettent aussi de définir un certain nombre d’éléments minimum nécessaires pour le succes des projets:

- Une bonne connaissance du milieu afin de permettre une insertion dans le contexte culturel et traditionnel

- Une action de mobilisation sociale

Tout naturellement. ces éléments facilitent:

- une meilleure implication de la communaute.

Ces trois éléments expliquent certainement le grand succes des mouvements associatifs tels que les Groupements Naam de Yatenga (Burkina Faso) et les TON (Association Villageoise, en Bambara) du Mali qui ont aujourd’hui dépassé le stade de développement communautaire et se trouvent à celui de l’auto-promotion. Ce sont des structures traditionnelles de participation qui ont toujours existé et qui permettaient aux sociétes concernées de s’autogerer parce qu’elles savaient susciter la motivation, l’adhésion et les entretenir.

5. Exphiences du Burkina Faso et du Mali

5.1 Les Groupements Naam du Burkina Faso

La culture est indissociable du développement: l’enracinement en soi et chez soi est, en géntkal, la Premiere condition de l’épanouissement d’une structure vivante. Les groupements paysans Mossi du Burkina Faso appeles “Kombi Naam” ou “Naam” en sont un témoignage vivant et parlant.

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Naam, en langue more, signifie le pouvoir, la chefferie. Par extension, depuis des temps immémoriaux, on désigne ainsi les associations temporaires qui regroupent à un moment de l’année, hommes et femmes, jeunes ou vieux du village pour rkaliser collectivement les taches agricoles et éducatives de la communauté. Fondées sur la tradition culturelle d’entraide au travail et d’éducation en commun des jeunes les Naam ont résisté au temps colonial et a l’echange monétarisé. On peut dire qu’elles sont le moteur de la solidarité africaine. Mais, ce moteur était bien peu performant face au grand défi des contrkes saheliennes: sécheresse et desertification Jusqu’a ce qu’un homme (dirigeant du mouvement Naam/Six “S”‘, entoure d’une Équipe motivée et de conseillers techniques vivant sur le terrain, décide de ne pas “faire table rase du passe”, de s’en servir au contraire, pour auto-promouvoir le village. Du coup, les Naam ont évoluC d’une

façon surprenante, en améliorant leurs capacités d’innovation et de mobilisation.

Aujourd’hui, le Naam “amélioré” s’appelle “Groupement Naam”. C’est l’organisation rurale la plus prolifique au Burkina Faso. Elle est la seule association de l’ethnie Mossi qui ne comporte pas d’inégalités sociales et renferme un projet social de develop-mment communautaire évolutif. C’est une association traditionnelle de travail communautaire et a forme coopérative qui servira de structure d’appui au mouvement.

Les individus y adherent sur un pied d’égalité. Ils sont tous éligibles aux postes de

responsabilité. Ni la fortune, ni la naissance, ni le sexe n’interviennent dans les elections. Seuls

comptent le caractere, le tempérament, l’esprit de sociabilisation et la compktence technique du candidat. La democratie qualitative, la regulation des status sociaux, l’exercice collectif de la reswnsabilite font l’essence de l’association. Elle est bâtie en dehors de toute conception exterieure.

Les Groupements Naam ont repris ce mode d’élection et le dénomment “démocratie qualitative”. Ils sont ouverts à tous, et rassemblent les jeunes (du même village ou d’un groupe de quartiers, de 20 à 25 ans pour les garçons, et de 15 à 20 ans pour les filles) et les vieux, les hommes et les femmes. Ils comptent en moyenne une soixantaine de membres* et il peut exister plusieurs groupement par village: groupements masculins, feminins ou mixtes. Les Groupements Naam s’inspirent des principes d’autoresponsabilisation qui faisaient la force et l’originahte du Kombi-Naam.

-,.

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Il s’agit de rechercher à partir de quoi et comment on pourrait réaliser le dtveloppement coopératif avec la participation et l’implication de la communauté villageoise.

Les Groupements Naam ont amorce la gestion coopérative. De leur point de vue, le développement est un écho entre l’kquilibre personnel de chacun et l’action communautaire qui se répondent. Equilibre entre ce que l’homme doit pouvoir de mieux en mieux vivre en harmonie dans son propre environnement; c’est une action resultant de la capacité de toute la communauté à se transformer en acteur-decideur de sa propre destinée.

5.1.1 Evolution du Groupement Naam

On peut estimer qu’en dix ans (1976-1986), le nombre des Groupements Naam a decouplé. En 1987, 2.596 Groupements Naam ont et& officiellement recensés. Et comme le nombre d’adhérents dans chaque association a aussi augmente, jusqu’a atteindre le chiffre moyen d’une soixantaine de membres par groupement à l’heure actuelle, il est raisonnable de penser que la population directement concemee par le mouvement Naam a Cte multiplie par vingt, environ, au cours de la demiere décennie.

Une telle mobilisation ne peut s’expliquer que par l’interaction de plusieurs causes dans le même sens:

- Tout d’abord, face à l’aggravation des conditions climatiques, les Groupements Naam ont propose des activitts collectives tenant compte des besoins et du savoir-faire des paysans, qui sont apparues comme une réponse valable au dtfi de la sécheresse.

- D’autre part, la diffusion spontanée des groupements, bar imitation, n’a pas et6 freinke par des obstacles d’ordre culturel, puisque le Naam était en harmonie avec la culture profond, le langage et les aspirations des paysans.

- Enfin, le Mouvement Naam a organisk un vkitable réseau de solidarite pour soutenir le maximum d’initiatives locales. Il accompagne le dtmarrage des nouvelles associations et des activités naissantes en développant la formation et l’animation. Il encourage

l’entraide entre les groupements. Il a mis en place, en coopérant avec d’autres partenaires, un sysdme d’appui efficace qui permet d’amplifier l’effort des paysans, tout

en respectant leur autonomie.

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Pour elargir l’horizon du mouvement et nouer des liens fraternels avec les associations paysannes des autres pays du Sahel, les Groupements Naam ont donné naissance à un fils: Six “S”, ce qui permet de parler le même langage, au même moment. Confrontés aux mêmes réalités et agissant au nom des mêmes principes, ils peuvent ainsi échanger leurs expériences, améliorer leurs pratiques d’autopromotion villageoise, soutenir l’élan de chacun pour l’émulation entre tous.

5.1.2 Activités des Naam

Les activités des Naam se qualifient de “communautaires”, “sociales” et “économiques”. Aucune activité n’est privilégiée par rapport a l’autre. Prioritaires et urgentes en même temps, elles s’accompagnent et se completent au sein d’un même village ou d’une même zone. Globales et intégrées, elles visent plus loin que la simple satisfaction des besoins primaires des intéressés.

C’est donc une bataille sur plusieurs fronts qui vise l’épanouissement de l’homme dans son milieu naturel et socio-culturel, et qui se traduit par une somme d’objectifs:

- Réaliser l’autosuffisance alimentaire.

- Procurer aux villageois un pouvoir d’achat supplementaire.

- Apprendre à produire et à gérer collectivement.

- Lutter contre l’émigration qui vide les villages de leurs forces jeunes.

- Sensibiliser les paysannes et paysans à l’idée et a la pratique du planning familial. Crker ainsi un Quilibre acceptable entre le volume de la production vivriere et l’importance numérique des populations a nourrir, tout en améliorant la santé de la mère et de l’enfant.

- Développer chez les paysans de régions diverses des échanges complémentaires, etc.

Au niveau des modalités pratiques de l’action, il est cependant commode de distinguer:

- Les Activitk “Communautaires”: retenues d’eau, conservation des eaux et du sol (C.E.S.), ralentisseurs d’érosion, puits, reboisement, foyers améliorés, etc. Elles sont subventionnées.

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- Les Activitbs “Economiques” (ou lucratives): maraîchage, Clevage, artisanat, moulins a mil . . . Elles sont remboursees et réinvesties sous forme de “Projets-Fille” ou Projets- Fils”.

- Les Activith Yhciales”: formation, promotion féminine, planning familial, pharmacies villageoises, santé primaire, art et culture, jeux, lutte, théâtre, etc. Elles sont subventionnées.

-Cette classification ne doit pourtant pas faire oublier qu’au Naam, toute activité porte en elle une teinte a la fois sociales, kconomique et communautaire.

5.2 Les TON du Mali

Le TON est une ancienne organisation traditionnelle en milieu rural qui a existé bien avant la @iode coloniale. Certains Etats pré-coloniaux ont été bâtis sur le TON en tant qu’organisation. C’est une institution traditionnelle de gestion des hommes et des œuvres collectives. Le royaume bambara de Ségou a été bâti sur le TON et c’était le plus ancien de ses membres qui devenait roi. Cela n’était pas lié a l’appartenance à un lignage.

52.1 TON et participation

Le TON constituait une forme de solidaritt? paysanne et d’animation villageoise ou communautaire. De nos jours, le TON existe dans plusieurs villages du Mali. On rencontre en milieu rural des organisations de garçons, de filles, de femmes et d’hommes sur la base d’un TON. Ces TON différent des formes d’organisation sur une base de société secrète. La logique des organisations traditionnelles villageoises est a continuation des solida.&& lignagtres sur un plan plus horizontal Ainsi, chaque classe d’âge peut s’organiser en TON, en association dont elle définit les regles de fonctionnement et les activités (konomiques, sociales et culturelles).

Le TON etait une forme tlaborée de la solidarité et de la vie en groupe, en communaute. Il permettait de suppléer, en marge des sujets communautaires, au defïcit des familles, d’où l’aspect d’entraide. Il avait aussi une fonction Economique: la production des biens mkessaires à la communauté et surtout ceux indispensables pour assurer les charges de la fête annuelle du TON (aspect culturel).

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5.2.2 Forces du TON

Selon les regles traditionnelles, on entrait dans le TON, on participait vivement aux activités lais on n’en sortait jamais. Une des forces, c’est sa pérennite. Un autre élément tres important est unité qui est réaiisée autour du TON. Même vieux, le “Tonden” (membre du TON) est consulté i ses problemes pris en charge. Cette structure permet surtout le dialoeue entre plusieurs ,énérations et assurer l’entente dans le village.

Le TON s’est doté d’un moyen d’expression tres démocratique, le Koteba (théâtre raditionnel) créé du temps de Da Monzon, Grand roi Bambara de Ségou. Grâce au Koteba, on .rrive à exorciser des situations. Des valeurs culturelles également sont véhiculées. Par exemple, zs fils s’adressent aux pkres où le dialogue entre acteurs est desacralid et bien accepte. La fnrçr: :u TON est également sa uuissance de communication. La communication avait une fonction ,ociale (communication et réconciliation), socio-religieuse (les gardiens des bois et mares sacrés).

5.2.3 TON et développement

Le TON s’est naguere developpé et a fait ses preuves dans certains milieux ruraux. Il a souvent engendré une certaine Cmulation entre ses membres et les membres des TON de villages différents. A ce titre, le TON a eu un rôle promoteur du développement economique, social et culturel. Les projets de développement kconomique et social n’ont pas toujours réussi à amener les rhangements programmés dans le milieu rural, les innovations et les techniques proposées n’ont pas toujours et6 adaptées ni obtenu l’adhésion des paysans.

Le recours aujourd’hui aux structures traditionnelles d’organisation paysanne par les opérations, projets et programmes de développement rural est certes l’aveu de l’échec des stratégies de vulgarisation bas& sur le rapport distant et externe de l’agent technique del l’Etat, du moniteur d’agriculture, du paysan, à l’agriculteur. Mais les structures traditionnelles rénovées ou repensées en nouveaux TON villageois et en nouvelles associations villageoises ont modifié les anciennes organisations dans le sens d’une plus grande efficacite. Parois cette démarche a pu aboutir a une récupkation politique ou strategiques du TON traditionnel par les gouvernants.

En novembre 1987, selon la revue Secteur Agricole au Mali, il existait au Mali 1497 Groupements et 197 TON villageois.

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La Direction nationale de l’action coopérative s’est donné comme mission la mise en olace de TON en tant au’entité villaaeoise a caractère cooperatif et mutualiste. Elle a donné du TON villageois sa definition en tant qu’“association a caractere coopératif et mutualiste fondée sur la solidarité et le volontariat des membres”.

Le TON villageois se voit doté alors d’une mission de promotion du village. L’Etat lui assigne des objectifs nouveaux tels la mobilisation de l’épargne et la distribution du crédit, l’organisation des opkrations de production, de transformation et de commercialisation, l’identification et l’exkcution de projets de developpement, l’amenagement de la defense et de la protection du terrain villageois. Ainsi, le TON dans ses orientations nouvelles est destine à être le moteur d’un nouveau type de développement, le développement à la base, le developpement d’un nouveau type de société qui prend son enracinement dans la culture et la tradition afin de mieux assurer son essor dans la modernité.

CONCLUSION

“Il est un fait indéniable qu’aucune socitte ne peut se développer harmonieusement si elle ne prend l’option de batir son propre developpement sur ses propres valeurs de civilisation et ne s’y enracine” 1.

Longtemps, la culture a tté réduite à un ensemble de pratiques savantes et artistiques. La Dimension Culturelle dans le Developpement a Cte totalement occultée sinon même ni& Encore aujourd’hui, la culture, vecteur de la croissance et du bien-être collectif, n’est pas toujours comprise ni considertk a sa juste valeur. Souvent, elle demeure pour beaucoup l’apanage d’une élite, un domaine reserve et les dépenses en sa faveur sont, a bien des Cgards, jugées comme etant de dépenses facultatives, les premières à être frappkes par les programmes d’ajustement.

Dans les pays les plus défavoris&, la situation est beaucoup plus prkoccupante. La culture n’est que très rarement considérke comme essentielle, tant pour leurs dirigeants, les questions kconomiques et sociales se posent en des termes cruciaux et dramatiques. La culture est sacrifiée au mythe de l’Économie, en oubliant qu’il ne peut y avoir de dtveloppement reussi sans p!k en compte et sans integration de la dimension culturelle dans le dheloppement. Face a l’ampleur des problémes auxquels ces pays sont confrontés, on cherche en effet à parer a l’urgence des situations en visant des objectifs a court terme qui se traduisent par des plans de developpement où les

1 Abdou DIOUF ‘NCprirudc et Ddvcloppcrneru’, Le Solcil, N’ 305 du 8 mi 1971. p. 29.

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experts étrangers font revaloir et imposent leurs systemes de valeurs, en contradiction avec les spkcificitts culturelles et l’identité des peuples.

La prise en compte et le respect de ces spécificités culturelles ont marqué et continuent de marquer les programmes initiés par I’UNICEF comme nous l’ont montré les expériences sus- mentionnées. L’importance accordé à la participation communautaire qui est la condition essentielle de la mise en œuvre et de fonctionnement efficace des services de base est aujourd’hui unanimement reconnue. L’approche participative prend en considération les traditions et les spécificités culturelles locales et constitue la garantie de l’adkquation des programmes mis sur pied aux réalités socio-culturelles du milieu, des communautés pour le btnéfice desquelles ils ont été elabores, et donc de leur réussite et de leur pérennité.

Les Groupements Naam, qui reposent sur des structures traditionnelles tres anciennes, tout comme les TON du Mali, ont tout au long de leur action, toujours tenu compte des caractéristiques culturelles du milieu. C’est la raison de leur succès et de leur impact. Leur méthode consiste à animer’ le paysan à partir de ce qu’il est, donc de sa nature, de ce qu’il sait et vit, donc de sa culture, de ce qu’il sait faire, donc des technologies maîtrisables par lui-même, de ce qu’il veut, donc de ses aspirations, à le sensibiliser, motiver et mobiliser, pour réaliser des actions de développement dans le respect des valeurs, de la mentalité, des pouvoirs qui régissent la société que les hommes se sont construite et qu’ils veulent voir se perpétuer. Si l’animateur-paysan, le technicien et le partenaire appuient le paysan en respectant son amour-propre et son identité culturelle afin de le rendre responsable de ses probltmes, ils lui auront permis la prise en charge de son propre développement.

Cette approche se definit comme une dynamique du développement, organisée avec et par les interessés. C’est un consensus librement construit, sans heurts, sans conflits internes ni externes, avec le consentement de toutes les categories sociales-en présence, d’où l’expression utilisée pour caractériser l’approche des Naam: “Dkvelopper sans abîmer”. Prendre racine dans le passe, dans les richesses séculaires, dans la nature même de l’homme et de la société pour construire le present et prévoir l’avenir.

B. Lddh Guednogo: Entraide villageoise et dtveloppemnt - Gmupcmen~ paysans au Burkina Fam.

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Qu’aujourd’hui, tant d’esprits de qualité se réunissent en Afrique, avec la participation d’institutions aussi d&erminantes dans la transformation des pays du continent comme la Banque Mondiale, la Banque de Développement et d’autres organismes tout aussi prestigieux est la preuve que le monde a enfin reconnu qu’au depart et a la fin de tout changement qualitatif dans la vie des hommes, il y a et il y aura toujours la culture. Ce colloque d’Abidjan ne pouvait pas être mieux justifie.

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- Rapport Annuel Niger, septembre 1991

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DEVELOPPEMENT ET VALEURS CULTURELLES

EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Par

Mamadou DIA’

Il est temps de saisir les ressorts psychologiques des

décisions économiques en Afrique.

Un point de vue

Les carences du secteur public et les faiblesses chroniques des institutions locales constituent peut-être l’un de plus grands obstacles au développement en Afrique subsaharienne. Maigre des décennies d’efforts appuyés par la Banque mondiale et d’autres donateurs, les administrations nationales ne sont pas parvenues à changer radicalement les données du probleme. Cependant, certains observateurs en sont venus récemment à mettre en cause les approches classiques auxquelles ils reprochent de ne pas intégrer pleinement les dimensions politiques et socio-culturelles des décisions économiques. Ce faisant, ils vont a contre-courant des idées reçues dans la mesure où la plupart des études consacrées au développement rejettent la culture considérée comme un élément neutre ou un obstacle aux innovations institutionnelles et techniques.

Cet article -qui est l’aboutissement des travaux de l’auteur en même temps que le fruit des études et travaux de recherche, inédits ou non, consacrés à la psychologie économique de certains groupes ethniques de l’Afrique subsaharienne- dtveloppe l’idke que les projets de développement classiques ont péché par le fait qu’ils ont accordé une importance disproportion& aux prescriptions techniques et n’ont pas pris en compte la nécessité de s’adapter au milieu culturel local et de s’assurer que les Africains s’identifiaient a eux. Cette idée est a la base d’une étude récemment entreprise par la Banque mondiale dans le but de mieux intégrer les traits et ressorts

l Banque mondiale - Division de la Gestion et du développement instiNtionnels.

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culturels traditionnels dans la conception et la gestion de projets et programmes. Il s’agit en l’occurrence 1) de determiner, a travers des études de cas, comment les traits et ressorts socio- culturels peuvent contribuer a la réussite ou à l’échec de projets ou d’institutions tant dans le secteur formel ou informel, et 2) de mettre a profit les résultats de ces recherches pour mieux gérer les projets et les programmes de réforme en matière de gestion et de développement institutionnels. A ce stade de nos recherches, nous ne prétendons pas avoir une solution globale du probleme; nous voudrions simplement proposer une approche et nourrir ainsi le débat actuel sur la meilleure façon d’aider l’Afrique à se doter de moyens de gestion et d’institutions efficaces et durables.

D’OÙ VIENT L’IMPORTANCE DE LA CULTURE

Traditionnellement, les projets de développement institutionnel reposaient sur trois postulats majeurs: une conceotion mécaniste et linéaire de l’histoire et du “développement”, selon laquelle chaque sociéte passait par les mêmes stades avant de décoller; une auoroche technologig-; de la gestion et du developpement institutionnels, qui partait de l’idée que la modernisation passait obligatoirement par l’assimilation des methodes et techniques de gestion occidentales; et u aDDrwhe ethnocentriaue de la culture fondée sur l’idée que toute sociéte tendait en demiere instance à tpouser les mêmes valeurs que les pays dits développés (a savoir l’esprit d’entreprise, la recherche du profit, la sécurité matérielle et l’intérêt personnel), les pays ne partageant pas ces valeurs Ctant considérés comme primitifs et sous-développes.

Conclusion logique, le développement de l’Afrique devait être stimule de l’extérieur; il supposait de la part des pays occidentaux industrialisés un transfert de culture, des méthodes et de technologies. Cependant, il y a tout lieu de mettre en doute aujourd’hui chacun de ces postulats.

Ainsi, tranchant sur les difficultés dans lesquelles se débattent généralement les entreprises du secteur moderne, la remarquable vitalité du secteur informel en Afrique montre les limites de la conception linéaire du développement. La réussite de la plupart des micro entreprises du secteur informel, pourtant aux prises avec un environnement hostile et privées de toute aide de l’Etat, s’explique avant tout par leur aptitude à concilier les valeurs sociales et culturelles de l’Afrique avec la nkcessaire efficacité économique. Ce sont, pour beaucoup, des entreprises familiales largement tributaires d’un réseau de relations d’affaires informelles.

Par ailleurs, les échecs d’une approche classique du développement institutionnel et public en Afrique montrent clairement les limites de la conception technologique. En fait, on admet généralement aujourd’hui que le simple transfert de savoir-faire (de nouvelles méthodes

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pédagogiques, de nouvelles techniques de gestion du personnel, des nouveaux concepts budgétair etc.) ne saurait suffire. La nation doit tgalement s’identifier pleinement aux programmes et pro., -ou pour reprendre l’expression aujourd’hui consac&, les intégrer, se les approprier. CI identification ne peut s’opérer pleinement sans un engagement non seulement des responsab politiques, mais aussi des fonctionnaires et de la population en général.

Enfin, des études et des travaux de recherche importants donnent a penser, tout comme observations de l’auteur, que les valeurs occidentales ne correspondent pas toujours aux motivati‘ et aux modes de comportement traditionnels en Afrique. L’alltgeance au groupe ou à I’eth prévaut généralement sur l’autonomie et l’intérêt personnel - or, le continent compte encore milliers d’ethnies. Le principal souci semble être de préserver les équilibres sociaux et une certa équite plutôt que de favoriser la réussite tkonomique individuelle. L’interét des communa: locales et ethniques prend g&kalement le pas sur ce que 1’Etat peut déclarer objectif nationa’ est clair que 60 ou 80 ans de colonisation n’ont pas suffi a constituer une entite nationale transcendrait les ethnies et les mkcanismes dkcisionnels traditionnels.

Ainsi, il importe au plus haut point de comprendre -et de prendre en compte- les spkcifir des structures politiques et socio-culturelles africaines si l’on veut aider l’Afrique a reformer secteurs public et prive et en améliorer durablement l’efficacité. C’est le double volet, SC, culturel et technico-administratif, du developpement institutionnel qui donnera toute sa valeur efforts faits en ce sens et qui en assurera le succes.

TRAITS CULTURELS AFRICAINS

La psychologie économique africaine se caracterise généralement par une relation forte t les objets, les hommes et le surnaturel. Bien que l’importance accordée a chacun de ces elér et leurs inter-relations puissent varier d’une ethnie ou d’une tribu a l’autre, la recherche équilibre avec autrui et avec le surnaturel est génkalement le principe directeur dominant frontière entre les priorites collectives et les priorités individuelles est floue, sinon inexistana

On attache ordinairement plus d’importance aux relations inter-personnelles l’accomplissement ponctuel de certains actes sociaux, religieux ou mystiques qu’a la re’ individuelle. Les circonstances et le rituel entourant les transactions konomiques sont souven? importants que les principes gouvernant les opérations. La valeur d’un acte tkonomique se m au renforcement des liens qu’il entraîne au sein du groupe..

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Les valeurs socio-culturelles et les modes de comportement décrits ci-après apparaissent symptomatiques de la psychologie économique d’un échantillon de 56 ethnies réparties sur l’ensemble du continent africain et étudiées par Binet (voir encadré). Qui plus est, les observations de l’auteur dans différentes régions d’Afrique et les conclusions d’autres études et rapports confortent les importants travaux de Binet. Il faut toutefois attirer l’attention sur le fait 1)que les observations rapportées ici ne s’appliquent pas à l’ensemble des ethnies de l’Afrique subsaharienne, et 2) que nombre de caractéristiques se rencontrent ailleurs dans le monde en développement.

Attitude B l’égard de I’bpargne et de I’investksement

On peut dire qu’en Afrique subsaharienne les seules richesses sont celles qui sont partagées avec la communaute -et qui sont socialement visibles. Il y a des raisons sociales et mystiques à ce que les Occidentaux qualifient de gaspillage. Ainsi, L.V. Thomas a été témoin chez les Diola du Sénégal du sacrifice de 750 têtes de bétail pour celébrer une circoncision, et il n’est pas rare que des agriculteurs pauvres, sous-alimentés, distribuent de grandes quantités de nourriture à l’occasion de mariages, de circoncisions ou de funérailles. Certains pays ont adopte des lois pour limiter ou interdire les dépenses extravagantes, mais sans resultats.

Circonstance aggravante, la famille élargie est toujours presente, toujours susceptible de s’imposer. Lorsqu’il est modeste, le surplus va d’abord aux proches, puis aux voisins, et enfin à la tribu. Ainsi, les surplus ne servent qu’a encourager les dépenses somptuaires et a élargir le cercle des bénéficiaires ‘de la redistribution des revenus. Le corollaire est que la réussite économique ne s’accompagne pas d’une mobilité sociale ascendante. En fait, toute réussite en dehors du groupe peut conduire à l’ostracisme. Au cours des demieres années, la montée des périls et l’exacerbation des conflits autour de ressources de plus en plus rares ont obligé tout un chacun à s’allier avec des personnes de confiance. Les ressources publiques deviennent ainsi la proie de groupes ethniques et de la famille élargie qui trouvent la les moyens de s’assurer, par le clientelisme et parfois par la corruption pure et simple, des appuis et une légitimité. Cependant, cette richesse se perd pour l’essentiel en depenses ostentatoires (maisons luxueuses, monuments, voitures dernier cri, fêtes somptueuses, etc.) au lieu de s’investir dans la production.

A quoi attribuer ce comportement en apparence primitif? Le besoin de sécurité en est la raison principale. L’hôte qui offre généreusement l’hospitalité et redistribue ses richesses peut espérer compter sur ses obliges dans les moments de gêne. S’y mêle aussi souvent un désir de prestige. Dans certaines zones, les invités a un mariage peuvent épingler fièrement des billets de banque sur leurs habits de fête, faisant ainsi littéralement étalage de leur fortune. Les obskques

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Baoulé, en Côte d’ivoire, sont connues pour l’extravagant étalage des trésors de famille (bijoux, poudre d’or, etc.) auquel elles donnent lieu. Le problbme, du point de vue du développement, est que cette propension à déprécier la maîtrise de soi qu’exige l’épargne va à l’encontre du développement de l’investissement privé et de l’esprit d’entreprise en Afrique.

Attitude h l’égard de l’autorit

-La société africaine est généralement trés paternaliste et hiérarchisée. Peu portée à l’individualisme, elle est égalitaire dans les limites d’un groupe d’âge, mais hiérarchiske dans les relations d’un groupe à l’autre, les plus jeunes étant nettement subordonnés aux plus anciens. Au sein de chaque groupe, les individus sont égaux et peuvent accomplir des actes spécifiques, mais ils ne peuvent aller au-delà de leur propre cercle sans l’autorisation du père ou de quelque autre autorité (chef de la tribu, par exemple).

Les Occidentaux, qui valorisent l’assurance, la liberté individuelle et la responsabilité, considèrent souvent ces structures paternalistes et hiérarchiques comme un frein à la productivité et à la créativité. Cependant, ce point de vue n’est pas corroboré par l’histoire, comme le montre l’exemple du Cameroun où le royaume Bamoun, tres organisé et très centralisé, a donné naissance

à une architecture et à un artisanat florissants. Ainsi, une société fondée sur la dépendance et le paternalisme peut se révéler aussi crkative que toute autre. Le désir de se faire remarquer du “Prince” peut être un ressort aussi puissant que la reussite personnelle. Le paternalisme et la dépendance peuvent être un frein au changement et a l’évolution de la société tout entiere, mais ils ne sont pas nécessairement une entrave au progres, à la recherche et au dtveloppement économique.

Attitude vis-à-vis de la parole donnée

Une promesse ou un engagement -qui est une manifestation d’intention dans les actes juridiques- n’est pas une chose anodine dans le contexte africain. Souvent, plusieurs témoins doivent être présents et leur rôle va bien au-dela de celui de simples spectateurs. Ils doivent garder en mémoire les faits dans l’éventualité où l’une des parties manquerait a la parole donnée ou disparaîtrait. Dans d’autres cas, leur présence et leur consentement -notamment s’ils sont chefs de famille ou de village- confirent à l’acte sa légitimité.

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Les prêts gagés sont également des actes symboliques. Cependant, la valeur symbolique du gage est ici plus importante que sa valeur vénale. Dans les tribus Boulou ou Fang de l’Afrique centrale, par exemple, les objets engagés en garantie de prêts peuvent avoir une valeur si dérisoire qu’ils ne sauraient constituer une sûreté -un stylo à bille peut gager un prèt de lO.OUO francs CFA. Ces gages font la preuve des engagements pris en cas de litige mais, plus fondamentalement, ils personnifient le débiteur qui, en un sens, offre une partie de lui-même en garantie du prèt et qui. db lors ne peut plus revenir sur la parole donnée. Il suffit, pour mesurer l’importance des garanties rituelles et sociales traditionnelles, de comparer le taux de remboursement élevé dans le systeme financier traditionnel informel et le taux excessivement élevé des impayés dans le secteur bancaire formel en Afrique subsaharienne.

Adhésion aux décisions

En Afrique noire, le juge traditionnel cherche davantage à rapprocher les points de vue qu’à trancher “par le livre”. En droit comme en politique, les Africains recherchent l’unanimité et sont prêts pour cela à engager des discussions qui peuvent paraître interminables. De même, les jugements visent à dégager un large terrain d’entente. Dans certains pays, la coutume fait même obligation de clore un différend par des chants et des danses, preuve que les parties sont d’accord pour préserver l’harmonie et l’entente. L’esprit est ici radicalement différent de celui qui prévaut dans les pays occidentaux, où le juge interprete la loi et rend un jugement auquel les parties doivent se soumettre.

Attitude a l’kgard du travail

La valorisation de la solidarité et de la sociabilité portë généralement les Africains à accorder beaucoup d’importance aux loisirs et a la possibilité qu’ont les membres du groupe a participer à des rituels, à des cérémonies et a des activités sociales (loisirs). A méconnaître l’utilité sociale de loisirs et l’impact des modes de direction et d’organisation traditionnels sur la capacité de travail, on risque bien évidemment d’en surestimer l’offre.

Les étrangers se méprennent souvent sur l’attitude des Africains vi-à-vis des loisirs qu’ils assimilent a de la paresse. Pour dire les choses simplement, les activités de loisirs servent au renforcement des liens sociaux qui fondent la societé. Ainsi, le rendement marginal de ce qu’il est convenu d’appeler le “travail improductif” (autrement dit les loisirs) est élevé et non pas nul -en d’autres termes, les retombées sont plus sociales qu’économiques. En conséquence, les agriculteurs

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ne se prêtent aux innovations que si les bénéfices économiques et sociaux attendus du travail supplémentaire sont sensiblement plus élevés que ceux qu’ils retirent de l’actuelle combinaison travail/ loisirs. Jouent également la taille et la nature de l’exploitation, le caractère saisonnier des pratiques culturales et la division du travail entre hommes et femmes -chacun ayant ses propres terres, ses propres cultures et ses propre taches. Cumulant taches ménageres et travail agricole, les femmes ne peuvent guère se ménager du temps pour d’autres activités productives.

UNENOWELLE VISIONDE LA GESTION

Il ne peut donc y avoir développement économique sans une conciliation des valeurs

traditionnelles et des impératifs d’efficacité et d’accumulation économique -sans prise en compte des techniques de gestion autochtones efficaces. La nouvelle approche doit concilier deux buts

parfois contradictoires, l’accumulation (croissance) et la redistribution (équité). Comme chacun sait, la croissance économique s’accompagne généralement d’inégalités et de déséquilibres sociaux et économiques. En Afrique, où la solidarité prime la réussite individuelle, le problbme est soit de minimiser l’impact des déséquilibres, inévitables en période de croissance, soit de relever au

possible le seuil de tolérance. L’expérience montre que les déséquilibres sont mieux tolérés dans le cadre de la famille - en d’autres termes, la réussite de certains membres de la famille ou de la

tribu suscite optimisme et sympathie chez les autres, qui espèrent en profiter par l’effet des

retombees ou de la redistribution directe.

D’autres sociétés ont réussi à se moderniser sans rien sacrifier de leurs coutumes, de leur culture ou de leurs valeurs traditionnelles. Le Japon, la République de Corée et Taïwan offrent l’exemple de pays qui ont atteint des niveaux élevés de production et un stade technologique avancé tout en préservant leur identité nationale. Ils montrent que l’acculturation n’est pas une condition préalable au développement et que, quelle que soit la voie choisie, il n’y a pas de développement durable sans uneprise en compte des besoins et de la culture des bénéficiaires.

En conséquence, la nouvelle étude de la Banque mondiale vise principalement à déterminer, au travers d’études de cas, quelles techniques de gestion autochtones, parmi les plus éprouvees, peuvent être utilisées pour mettre au point une approche plus efficace et plus satisfaisante de la gestion dans le cadre de l’aide au développement. Le but ultime de la nouvelle approche est d’élargir aux entreprises et a la nation la solidarité qui s’exerçait dans le cadre de la famille, et ce afin de relever au possible le seuil de tolérance face aux déséquilibres qui accompagnent inévitablement la croissance. Notre idke initiale devrait reposer sur cinq piliers:

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Renforcement de l’incitation à accumuler. S’il faut encourager épargne et investissement, il est nécessaire d’en lever toutes les entraves. La formule des tontines constitue une première possibilité. Du fait de la pression du groupe et d’autres mécanismes tels que des formules de dépôts réguliers et d’emprunts à tour de rôle, les tontines représentent des institutions financières traditionnelles commodes pour ceux qui veulent épargner.

Une autre possibilité consisterait à faire de la réussite économique un moyen de mobilité et de promotion sociales. Dans cet ordre d’idées, les entreprises et agents économiques (publics ou privés) pourraient se voir décerner une distinction honorifique -impliquant de préférence reconnaissance du chef- pour leur contribution remarqu&. a l’effort de production et d’accumulation nationales. Dans le même esprit est organisée chaque année en Corée, en l’honneur des chefs d’entreprise qui ont le plus contribué au développement des exportations, une cérémonie Présid&e par le chef de 1’Etat. L’Afrique a vu quelques tentatives du même genre, tentatives qui ont été couronnées de succes. Ainsi, il y a 10 ou 20 ans, un groupe de chefs Bamiléké, au Cameroun, ont permis à des individus suffisamment dynamiques pour avoir fait fortune dans la hiérarchie sociale en achetant des titres nobiliaires ou en obtenant leur admission dans des sociétés “secrètes”.

Individualisation des rémunhtions. Encourageant l’accumulation, il conviendrait de prendre des mesures propres à garantir équité et redistribution, lesquelles sont nécessaires à l’équilibre et à la survie du groupe. Des formules d’actionnariat salarié et d’intéressement du personnel permettraient de faire bénéficier le plus grand nombre, sans distinctions ethniques ou sociales, d’une augmentation de la productivité et de l’accumulation, élargissant ainsi le cercle de ceux qui sont en mesure d’en profiter directement.

Utilisation des valeurs traditionnelles pour dhelopper l’efficacité. Il ne peut y avoir de systeme de production durable -susceptible de survivre aux crises en s’adaptant- sans prise en compte de valeurs traditionnelles locales comme le montre l’exemple de la Corée, du Japon et d’autres pays asiatiques. Les conflits entre supérieurs et subordonnés, par exemple, pourraient être réglés de maniere informelle par l’entremise du groupe ou de la “famille”, ce qui aurait l’avantage de faire prévaloir le compromis sur les actions en justice. Il conviendrait également de veiller dans les relations de travail à ce que les Africains, habitués à réglementer même dans les plus petits détails, ne se sentent pas abandonnés à eux-mêmes parce qu’ils n’ont pas recu de directives précises. Il peut être ainsi nt?cessaire de fixer pour l’organisation des réunions des regles destin& a développer la participation.

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Utilisation du formalisme et du rituel pour renforcer les liens contractuels. Les engagements et les obligations contractuelles s’imposant avec d’autant plus de force que la passation des actes a été entourée d’un formalisme et d’un rituel qui fondent la pression du groupe, les responsables devraient y regarder à deux fois avant d’tkarter ce que les occidentaux ont parfois considéré comme une intrusion de la religion ou de la magie superfétatoire et inutile. La force des engagements ne peut que s’en trouver réduite d’autant.

Utilisation de la dynamique de groupe pour amhliorer la productivitb. La dynamique de groupe. pouvant largement contribuer a relever la productivité et assurer le respect de la discipline, on devrait songer à transposer le concept de cercle de qualité, lequel vise à augmenter la productivité par le jeu de petits groupes. Le concept est aujourd’hui bien établi et largement éprouvé non seulement au Japon mais aussi dans une cinquantaine d’autres pays, parmi lesquels de nombreux pays en développement. Il est à l’heure actuelle acclimaté avec succès au Burkina Faso, avec le concours financier de la Banque mondiale et du Japon.

AVANTAGES DU NOUVEAU MODÈLE

Le mode de gestion proposé -utilisation des techniques de gestion autochtones efficaces, démocratisation de l’actionnariat, utilisation de valeurs et traditions culturelles pour améliorer la productivité et désamorcer les conflits et probltmes de travail dans l’entreprise- devrait permettre d’élargir en fin de compte le concept de solidarité familiale à l’entreprise. Ainsi, une tendance

favorable à l’accumulation pourrait se faire jour qui déborderait le cadre de la tribu ou de l’ethnie. Publique, l’entreprise appartient en effet en principe a la nation tout entiere et non à une ethnie particuliere et, privée, elle peut avoir des actionnaires et des employés d’ethnies différentes, voire même étrangers. Les liens qui se crkent au sein de l’entreprise peuvent favoriser le développement d’une solidarité interethnique, intertribale, un sentiment d’unité nationale, la construction nationale et l’intégration régionale. Ils peuvent également favoriser la tolérance vis-a-vis des chefs d’entreprise et des investisseurs étrangers qui partagent les destinées de l’entreprise avec leurs homologues locaux.

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LEVE-TOI ET MARCHE

par Edgar PISANI’

La perestroika, la chute du mur de Berlin, l’invasion du Koweit, la guerre du Golfe ont fasciné les opinions et accaparé l’attention des responsables politiques. L’Afrique a sombré dans l’oubli. Elle a pourtant continué à vivre et il s’y passe des événements et des mutations.

Il est bon, il est nécessaire qu’une publication africaine -fût-elle éditée en France mais par des Africains- vienne rappeler régulitrement que l’Afrique existe, avec ses problemes qu’il faut résoudre et ses promesses qu’il faut valoriser.

De cette crise de l’oubli que le “continent noir” a connue et connaît encore, il faut tirer un avantage, une lecon: dans ce monde versatile qui se laisse accaparer par l’événement, chacun a sa place qu’il se fait. Ce sont les Africains qui doivent résoudre leurs problemes et mettre en valeur leurs richesses. Nul ne le fera à leur place, sino mal. Nul n’en aura la volonté ni en fait la capacité.

Que les Africains regardent le monde pour savoir où et comment il va et pour choisir quelle place y prendre; non pour y prendre modele ni pour en mendier une aide. Le monde s’intéressera à l’Afrique si elle lui paraît “intéressante”. Et l’Afrique ne lui paraîtra intéressante que si elle lui donne le sentiment de pouvoir s’en tirer toute seule.

Lève-toi et marche, cours même et chacun viendra au secours de ta victoire sur toi-même. Méfie-toi de l’aide qui te dispenserait de faire effort. Elle te clouerait à terre.

Prhsident de l’Institut du monde arabe.

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Quelles victoires dois-tu, Africain, remporter sur toi-même? Tu le sais mieux que moi et ce que je vais te dire, c’est toi que me l’as appris et je ne suis ici que ton miroir ou l’écho de ta voix.

1. Décide de chercher en toi-même ce que tu ne trouveras pas ailleurs.

2. Invente et adopte un modtle de développement, de production, de consommation, d’organisation qui corresponde à ta terre, à tes climats, à tes innombrables peuples frères.

3. Ayant adopté ce modele, mets le en œuvre. Sache le faire évoluer car tout change et l’expérience te rendra autre mais ne change pas toi-même au gré des vents. Garde tes rythmes, ne te laisse pas séduire par les mirages venus d’ailleurs. Prends le meilleur, je veux dire ce qui te convient et pas ce qu’on t’impose.

4. Pense que ton avenir n’est pas dans la ville seulement mais dans les immenses espaces que l’homme déserte faute d’y trouver son avenir et que le temps désertifie. Jardine ton espace.

5. Interroge-toi pour savoir si tu as encore besoin de tant d’enfants et s’il n’est pas mieux de contenir une explosion démographique qui est signe de vie sans doute mais menace de mort.

6. Considere ces enfants, quel qu’en soit le nombre, comme la richesse des richesses: nourris-les, soigne-les, enseigne-les. Ainsi deviendront-ils des hommes et des femmes accomplis et utiles à leur terre.

7. N’accepte pas que les ressources soient gaspillées et accaparées comme elles le sont. Ton avenir est dans la sobriété, la sérénité et la solidarité. Gere ton espace et le temps en bon pkre de famille. Investis, mais prends soin de tes maisons, de tes réseaux, de tes usines, de tes machines, de tes hôpitaux, de tes écoles. Apprends bien qu’un camion n’est pas fait pour être en panne mais pour rouler.

8. Proclame, exige cette responsabilité qu’on te refuse. Mais ne va pas croire que l’objet d’une révolution est dans le renversement d’un système mais dans la construction d’un autre. Ne crois donc pas qu’elle se fait en un jour et procède du miracle. Elle est une longue et souvent douloureuse patience. Mets vite en route les processus de la liberté

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et des droits de l’homme car ils exigent beaucoup de temps pour se consolider. Ils demeureront fragiles si tu ne leur portes pas une attention quotidienne.

9. Sache que tout cela exige organisation, méthode, discipline. Garde ta vision souriante du monde mais cesse d’improviser. Fais comme le laboureur de la fable et ne cesse jamais de suivre ton sillon.

10. Découvre ta terre et ta force. Oublie ce que je viens de te dire car cela est en toi

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LISTE DES PARTICIPANTS

Prof. Eniola 0. ADENIYI President Development Research Bureau IBADAN Nigeria

Monsieur Jean Marie ADIAFFI Ecrivain ABIDJAN Côte d’ivoire

Madame Marie-Noëlle ANDET KOYARA Directeur Projet de développement rural BANGUI République Centrafricaine

Monsieur Emmanuel Sewa AK0 Coordinateur de la Formation et du développement des ressources humaines

Centre africain de recherche appliquée et de Formation en développement social

CAFRADESACARTSOD TRIPOLI Libya

Mr Patrick 0. ALILA Researcher Institute for Development Studies University of Nairobi NAIROBI Kenya

Monsieur Issaka BAGAYOGO Anthropologue - Chercheur ORSTOM BAMAKO Mali

Dr. Bashir BAKRI Président National Bank of Sudan KHARTOUM Soudan

Pr. Boubacar BARRY Coordonnateur scientifique Conférence internationale sur l’intégration de l’Afrique de l’Ouest

c/o CRDI DAKAR FANN Sénégal

Monsieur Ammar BOUNAIRA Architecte - Urbaniste KOUBA - ALGER Algerie

Monsieur José BRITO Coordonnateur régional du

projet PNUD Futurs africains ABIDJAN Côte d’ivoire

Madame Jeannine BUGAIN Secrétaire générale Comité International des Femmes africaines pour le développement ABIDJAN Côte d’ivoire

Monsieur Jérome CARLOS Rédacteur en Chef La Nouvelle Presse ABIDJAN Côte d’ivoire

Mrs Herschelle S. CHALLENOR Overseas Development Council WASHINGTON, DC 20744 United States of America

Dr. Ayité COLEMAN A.G. Regional Director of Health Services

SUNYANI Ghana

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Monsieur Cheick Adboul COULIBALY PLEAH Chef du Département sociologie de la Communication

Institut supérieur de formation et de recherche appliquée (ISFRA)

BAMAKO Mali

Monsieur Lappika DIMONFU Directeur général CERDAS KINSHASA XI Zaïre

Monsieur Daniel ETOUNGA-MANGUELE Président Société africaine d’études, d’exploitation et de gestion

SADEG ABIDJAN 01 Côte d’ivoire

Monsieur Salomon GEBRE Institute of Development Research (IDR) Addis-Ababa University ADDIS ABABA Ethiopia

Madame Malika HORCHANI-ZAMITI Présidente de l’Association des Femmes tunisiennes pour la recherche sur le développement (AFTURD)

TUNIS Tunisie

Dr. Braima JOSIAH Lecturer Njala University College NJALA Sierra Leone

Madame Axelle KABOU Sociologue - Consultant indépendant DAKAR Sénégal

Monsieur Georges KAFANDO OUAGADOUGOU 0 1 Côte d’ivoire

Madame Aminata KETOURE Architecte installée CAZK ABIDJAN 01 Côte d’ivoire

Monsieur Tiékoura KONE Coordination du Plan national d’action environnementale

ABIDJAN - RIVIERIA Côte d’ivoire

Monsieur Abel KOULANINGA Secrétaire général de la Commission nationale centrafricaine pour I’UNESCO

BANGUI République centrafricaine

Monsieur Gilbert KOUNET Directeur des centres ruraux d’éducation et de formation

BANGUI République centrafricaine

Mrs. Bernadette LAHAI Researcher Institute of Agricultural Research FREETOWN Sierra Leone

Pr. Elikia M’BOKOLO Historien Directeur Etudes EHESS PARIS France

Dr. Humphrey MOSHI Senior Research Fellow Economie Research Bureau University of Dar-es-Salaam DAR-ES-SALAAM Tanzania

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Pr Victor Mfïka MUBUMBILA Professeur STRASBOURG France

Pr. Rurihose NDESHYO Doyen de la Faculté de Droit KINSHASA XI Zaïre

Monsieur Papa Alioune N’DIAYE Directeur général adjoint Banque Sénégalo-tunisienne DAKAR Sénégal

Monsieur Hervé Emmanuel NKOM Directeur adjoint a l’administration centrale Chargé de mission Crédit commercial de France PARIS France

Prof. Kamene OKONJO Department of Sociology University of Nigeria NSUKKA - ANAMBRA STATE Nigeria

Mrs. Sarah B.A. OLOKO Consultant UNICEF University Teacher c/o UNICEF LAGOS Nigeria

Ms. Grace ONGILE Lecturer Institute of Development Studies (IDS) University of Nairobi NAIROBI Kenya

Monsieur Jean-Pierre POATY Chargé d’études Ministère des Finances et du Plan

BRAZZAVILLE Congo

Mr. Damien M. PWONO Warren Weaver Fellow The Rockfeller Foundation NEW YORK United Suites of America

Pr. Alphonse QUENUM Prêtre, Professeur Institut Catholique de l’Afrique

de l’Ouest (ICAO) ABIDJAN Côte d’ivoire

Pr. Gilbert RIST Institut universitaire d’études du développement (IUED)

GENEVE Suisse

Son Ext. Monsieur Cyrille SAGBO Ambassadeur du Bénin en France PARIS France

Madame Marie Mody SAGNA Secrétaire général Bureau sénégalais du droit d’auteur DAKAR Sénégal

Madame Alice Nicole SINDZINGRE Chercheur Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

PARIS France

Monsieur Edgar PISANI Président Institut du monde arabe PARIS France

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Dr. Jean Bosco SOME Zumatwo Conseiller pour la formation

et la recherche IPD/AC DOUALA Cameroun

Monsieur Soule M. ISSIAKA Radio Nederland HILVERSUM Pays-Bas

Monsieur Albert TEVOEDJRÉ Président Centre panafricain de prospective

sociale (CPPS) PORTO-NOVO Bénin

Monsieur Daouda THIAM Président-Directeur général Société Ivoirienne de raffinage ABIDJAN Côte d’ivoire

Monsieur Moriba TOURE Secrétaire ex6cutif adjoint CODESRIA DAKAR Sénégal

Mrs. Vanda VITALI, PhD Department of Metallurgy and

Materials Science University of Toronto TORONTO Canada

ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET AGENCES

ACDI Monsieur Remy BEAULIEU Directeur, Unité des dimensions sociales Agence canadienne de développement

international (ACDI) Hull Quebec CANADA

BAD

Monsieur Babacar N’DIAYE Président Banque africaine de développement ABIDJAN Côte d’ivoire

Monsieur Etienne BARADANDIKANYA Banque Africaine de Développement ABIDJAN Côte d’ivoire

Monsieur Mahamane BRAH Chef Unité CINERGIE Banque Africaine de Développement ABIDJAN Côte d’ Ivoire

Monsieur Laye CAMARA Economiste Banque Africaine de Développement ABIDJAN Côte d’ivoire

Monsieur Be-Rammaj MIARO-II Analyste en Education Banque Africaine de Développement ABIDJAN Côte d’ivoire

Mr. Erik OLSON Director Rural & Agriculture Division African Development Bank ABIDJAN 01 Côte d’ivoire

BCEAO

Monsieur Charles KONAN BANNY Gouverneur Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest

ABIDJAN Côte d’ivoire

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Monsieur Hyacinthe KOUASSI Fonde de Pouvoir Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest

ABIDJAN Côte d’ivoire

CEDEAO Monsieur Mamadou GUEYE Chef de la Division des Affaires culturelles

Communauté kconomique des Etats de l’Afrique de l’Ouest

LAGOS Nigeria

CICIBA Son Ext. Monsieur Lazare DIGOMBE Ministre de la Culture Directeur général Centre international des civilisations bantu

LIBREVILLE Gabon

Monsieur Jacques de VILMORIN Directeur du programme culturel régional CCE/CICIBA BP 321 LIBREVILLE Gabon

FINNIDA Ms. Sonja SERVOMAA Cultural Adviser Finnish International Development Agency (FINNIDA)

HELSINKI Finland

ICCROM Monsieur Marc LAENEN Directeur Centre international d’etudes

pour la conservation et la restauration des biens culturels

ROME Italie

Monsieur Gaël de GUICHEN Centre international d’études

pour la conservation et la restauration des biens culturels

ROME Italie

ICOM Monsieur Yaya SAVANE Directeur du Musée national d’Abidjan ABIDJAN Côte d’ivoire

MINISTERE DE LA COOPERATIONWRANCE

Monsieur Jean Claude LE GALL Sous-Directeur a.i de l’action culturelle

Minist&re de la Coopkration et de l’action culturelle

PARIS France

Monsieur Bernard BANOS-ROBLES Directeur Centre Culturel français d’Abidjan ABIDJAN Côte d’ivoire

OMS Dr. Diego BURIOT Représentant Organisation mondiale de la sante ABIDJAN Côte d’ivoire

ONUDI Monsieur H. OLIVIER Directeur Organisation des Nations Unies pour le dtveloppement industriel

ABIDJAN Côte d’ivoire

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OUA Monsieur Marcel DIOUF Chef de Section Culture Organisation de l’Unité africaine ADDIS ABEBA Ethiopie

PNUD Monsieur Normand LAUZON Resident Representative of the United Nations Development Programme ABIDJAN Côte d’ivoire

Madame Aissatou CISSE Chargée de Programmes PNUD ABIDJAN Côte d’ivoire

ORGANISATEURS

BANQUE MONDIALE Mr. Edwin Philip MORGAN Coordinator, Research Project, Indigenous Management Practices WASHINGTON, DC Etats-Unis d’Amérique

Madame Alicia HETZNER Departement technique de l’Afrique WASHINGTON, DC Etats-Unis d’Amtrique

UNICEF / FISE Monsieur Stanislas ADOTEVI Directeur régional Bureau regional pour l’Afrique de l’ouest et du centre

ABIDJAN Côte d’ivoire

Monsieur Isaac GOMEZ Représentant UNICEF ANTANANARIVO Madagascar

Monsieur Mukalay MWILAMBWE Représentant UNICEF BRAZZAVILLE Congo

Madame Rima SALAH Representant UNICEF OUAGADOUGOU 01 Burkina Faso

Monsieur Jacques ADANDE Bureau regional pour l’Afrique

de l’ouest et du centre ABIDJAN Côte d’ivoire

Madame Sylvie DAOUDA Consultante Bureau régional pour l’Afrique

de l’ouest et du centre ABIDJAN Côte d’ivoire

Monsieur Kiari LIMAN TINGUIRI Conseiller économique regional Bureau régional pour l’Afrique de l’ouest et du centre

ABIDJAN 04 Côte d’ivoire

Monsieur Madnodje MOUNOUBAI Consultant Bureau régional pour l’Afrique de l’ouest et du centre

UNICEF ABIDJAN Côte d’ivoire

Madame Marie Louise RANDRIANOME Assistante Administrative Bureau Regional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre

ABIDJAN C&e d’ivoire

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UNESCO

Monsieur Henri LOPES Sous-Directeur général pour la culture UNESCO PARIS France

Monsieur Luis Bernardo HONWANA President du ComitC intergouvernemental pour la Dkcennie mondiale du développement culturel MAPUTO Mozambique

Monsieur Anders ARFWEDSON Coordonnateur de la Décennie mondiale

du développement culturel (DMDC) uNEsc0 PARIS France

Mr. Emmanuel AYENDELE Regional Adviser for Culture in Africa UNESCO/BREDA DAKAR Sentgal

Monsieur Basile KOSSOU Secrétaire de la Dkcennie mondiale

du développement culturel (DMDC) UNESCO PARIS France

Monsieur Claude FABRIZIO Spkcialiste du Programme Dkcennie mondiale du développement culturel (DMDC) Section des politiques culturelles uIw3co PARIS France

Monsieur Diomansi BOMBOTE Attaché d’information de 1’UNESCO pour l’Afrique

Bureau régional d’education pour l’Afrique (BREDA) UNESCO DAKAR Sénégal

Mademoiselle Virginie ACCATCHA Secr&aire Décennie mondiale du développement culturel (DMDC) UNESCO PARIS

PAYS HÔTE / (COTE D’IVOIRE)

MINISTÈRE DE LA CULTURE

Madame Henriette DIABATE Ministre de la culture ABIDJAN Côte d’ivoire

Monsieur Kadja BROU Directeur de Cabinet Ministère de la Culture ABIDJAN Côte d’ivoire

Monsieur Léonard André KODJO Conseiller technique Ministère de la culture ABIDJAN Côte d’ivoire

Monsieur Yacouba KONATE Coordonnateur national du skminaire Minist&re de la culture ABIDJAN Côte d’ivoire

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Monsieur FrédCric GRAH MEL Directeur de la Conservation et du Patrimoine culturel

ABIDJAN Côte d’ivoire

COMMISSION NATIONALE IVOIRIENNE POUR L’UNESCO

Monsieur Abdou TOURE Secr&aire genkal Commission nationale ivoirienne

pour I’UNESCO ABIDJAN Côte d’ivoire

Monsieur Mamadou COULIBALY Secr&aire genéral adjoint Commission nationale ivoirienne pour l’UNESC0

ABIDJAN Côte d’ivoire

Madame Salimata BIE Secteur V297 Commission nationale ivoirienne pour l’UNESC0

ABIDJAN Côte d’ivoire

SECRETARIAT DU SEMINAIRE

Monsieur Basile KOSSOU Secrttaire de la Dkcennie mondiale du dbveloppemenf culturel (DMDC) UNESCO PARIS France

Mademoiselle Virginie ACCATCHA Secrétaire Décennie mondiale du développement culturel (DMDC) UNESCO PARIS France

Monsieur Clément BIGNON Chargé d’études Ministère de la Promotion de la Femme

ABIDJAN Côte d’ivoire

Madame Hadja FALL Secretaire UNICEF Bureau régional pour l’Afrique de l’ouest et du centre

ABIDJAN Côte d’ivoire

Madame Abiba KANO Charge d’études Minist?re de la Sante et de la Protection Sociale

ABIDJAN Côte d’ivoire

Madame Eugenie SIBAILLY ABIDJAN Côte d’ivoire

Madame Nafatoumata TRAORE Minist&re de la Promotion de la Femme

ABIDJAN Côte d’ivoire