LA CONSUMERISATION DU DROIT DES AFFAIRES : EXEMPLE …...Cons. const. Conseil constitutionnel D....
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UNIVERSITE MONTPELLIER I
Centre de Droit de la Consommation et du Marché
Master 2 Concurrence - Consommation
LA CONSUMERISATION DU DROIT DES AFFAIRES : EXEMPLE DU DÉSÉQUILIBRE
SIGNIFICATIF
Sous la direction de M. Julien Roque, Maître de Conférences à
l’Université Montpellier I
Marie Jarrety
Année universitaire 2012-2013
REMERCIEMENTS
Je remercie Monsieur le Professeur Daniel Mainguy et Monsieur Malo Depincé
pour leurs enseignements tout au long de cette année de Master.
Je remercie Monsieur Julien Roque pour avoir accepté de diriger ce mémoire
mais aussi pour sa disponibilité, ses conseils, pour m’avoir guidée dans sa rédaction tout
en me laissant la liberté de traiter ce sujet comme je le souhaitais.
Je tiens également à remercier ma famille, mes proches, ceux qui m’ont soute-
nue ainsi que ceux qui ont participé à la relecture de ce mémoire.
1
ABREVIATIONS
A.P. Assemblée plénière (de la Cour de cassation)
Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
BGB Bürgerliches Gesetzbuch (Code civil allemand)
BGH Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice allemande)
Cass. Cour de Cassation
Cass. civ. 1ère Première Chambre Civile de la Cour de cassation
Cass. com. Chambre Commerciale de la Cour de cassation
Cass. soc. Chambre sociale de la Cour de cassation
CCC Contrats, concurrence, consommation
CEPC Commission d’examen des pratiques commerciales
Ch. Chambre
Cons. const. Conseil constitutionnel
D. Dalloz
D. aff. Dalloz droit des affaires
déc. Décision
DGCCRF Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes
Doc. Ass. Nat. Documents de l’Assemblée Nationale
Doc. Sén. Documents du Sénat
2
éd. édition
FSA Financial Services Authority
Ibid. Ibidem (au même endroit)
JCP E Semaine juridique Entreprises
JCP G Semaine juridique Générale
JOCE Journal officiel des communautés européennes
LME (Loi) Loi de modernisation de l’économie
LPA Les Petites Affiches
NJW Neue Juristische Wochenschrift
NRE (Loi) Loi sur les nouvelles régulations économiques
Op. cit opus citatum (cité précédemment)
Préf. Préface
PUAM Presses Universitaires d’Aix-Marseille
PUF Presses Universitaires de France
QPC Question prioritaire de constitutionnalité
Rapp. Rapport
RDC Revue des contrats
RDI Revue de droit immobilier
Rev. Conc. Consom. Revue de la concurrence et de la consommation
RID comp. Revue internationale de droit comparé
RLDA Revue Lamy droit des affaires
RLDC Revue Lamy droit civil
3
RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD Com. Revue trimestrielle de droit commercial
RTD Eur. Revue trimestrielle de droit européen
Sect. Section
UCTA Unfair Terms in Contracts
UTCCR Unfair Terms in Consumer Contracts Regulations
4
SOMMAIRE
ABREVIATIONS
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE I – L’OPPORTUNITE DE LA TRANSPOSITION DU TERME DE « DESEQUILIBRE SIGNIFICATIF » AU SEIN DE L’ARTICLE L. 442-6, I, 2° DU CODE DE COMMERCE
TITRE I. – DES MOYENS INSUFFISANTS DE PROTECTION DES PROFESSIONNELS
CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES
CHAPITRE I. – UNE PROTECTION DERISOIRE PAR LE DROIT DE LA CONSOMMATION
CHAPITRE II. – UNE PROTECTION LACUNAIRE PAR LE DROIT COMMUN DES
CONTRATS
TITRE II. – LA NECESSITE DE PROTECTION DE LA PARTIE FAIBLE DANS LES
RAPPORTS ENTRE PROFESSIONNELS
CHAPITRE I. – UNE PROTECTION DU PROFESSIONNEL « FAIBLE » ASSUREE EN
DROIT COMPARE
CHAPITRE II. – L’INSTAURATION D’UN MECANISME DE PROTECTION DU
PROFESSIONNEL FAIBLE EN DROIT FRANÇAIS : LE CHOIX D’UNE
REFORME DE L’ARTICLE L. 442-6, I, 2° DU CODE DE COMMERCE
CONCLUSION
5
PARTIE II – LA REMISE EN CAUSE DE LA TRANSPOSITION DU TERME DE « DESEQUILIBRE SIGNIFICATIF » AU SEIN DE L’ARTICLE L. 442-6-I-2° DU CODE DE COMMERCE
TITRE I. – LES DIFFICULTES D’APPLICATION DE L’ARTICLE L. 442-6, I, 2° DU CODE
DE COMMERCE
CHAPITRE I. – UNE INTERPRETATION DIFFICILE DU DESEQUILIBRE SIGNIFICATIF :
UNE NOTION AUX CONTOURS INCERTAINS
CHAPITRE II. – UNE INTERPRETATION DIFFICILE DE LA NOTION DE DESEQUILIBRE
SIGNIFICATIF : APPORTS DE LA JURISPRUDENCE
TITRE II. – LES RISQUES LIES A L’UTILISATION DU TERME DE « DESEQUILIBRE
SIGNIFICATIF » DANS LES RELATIONS ENTRE PROFESSIONNELS
CHAPITRE I. – UN RISQUE D’INSECURITE JURIDIQUE POUR LES PROFESSIONNELS CHAPITRE II. – UN RISQUE DE DESTRUCTION DU DROIT DES CONTRATS : L’ARTICLE
L. 442-6, I, 2° DU CODE DE COMMERCE, « UNE MACHINE À FAIRE
EXPLOSER LE CONTRAT » ?
CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES
ANNEXE I - ARTICLE L. 132-1 DU CODE DE LA CONSOMMATION MODIFIE PAR LA LOI
N°2010-737 DU 1ER JUILLET 2010 - ART. 62
ANNEXE II - ARTICLE L. 442-6 DU CODE DE COMMERCE MODIFIE PAR LA LOI N°2010-
874 DU 27 JUILLET 2010 - ART. 14 (V)
ANNEXE III - CLAUSES ET COMPORTEMENTS ABUSIFS CREANT UN DESEQUILIBRE
SIGNIFICATIF ENTRE LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES : PRINCIPALES
ILLUSTRATIONS JURISPRUDENTIELLES
BIBLIOGRAPHIE
INDEX
TABLE DES MATIERES
6
INTRODUCTION
1. Le droit était autrefois assimilé à « la politique de la force1 » : il était considéré
comme « la mesure de la puissance de chacun2 ». Ainsi, « celui qui est faible n’a pas de
droit ou n’est investi que d’un droit inférieur, en rapport avec son infirmité3 ». Comme
le note Louis Josserand, « la force tenait lieu de droit et d’équité dans les communautés
primitives, à l’âge des cavernes4 ».
2. Le droit a bien évolué depuis : comme l’affirme Thomas Mann, la loi est deve-
nue « l’amie du faible ». À dire vrai, « les faibles sont partis à la conquête du droit5 ».
Oui, mais comment ? Un bref retour dans l’histoire, plus précisément dans l’histoire du
droit français des contrats, peut nous permettre de le comprendre. Il est ici question de
retracer la naissance du droit de la consommation dans un but de protection d’une partie
faible, le consommateur (I), avant de voir que nous assistons aujourd’hui à une véritable
consumérisation du droit des affaires, protégeant cette fois le professionnel (II).
I. – L’apparition d’un droit de la consommation au secours de la partie faible, le consommateur.
3. Un code civil initialement reflet de l’autonomie de la volonté. – Il est indé-
niable que les rédacteurs du Code civil de 1804 ont, du moins partiellement, consacré la
théorie de l’autonomie de la volonté. De cette théorie, qui provient à la fois de la philo-
sophie individualiste et du libéralisme économique de la fin du XVIIIe siècle peuvent être
tirés divers éléments. Tout d’abord, l’homme, fondamentalement libre, apparaît libre de
contracter ou de ne pas contracter : il s’oblige parce qu’il l’a voulu et dans la mesure où
il l’a voulu. Ensuite, il apparaît que le contrat permet d’établir les rapports individuel-
1 Ihering, Zweck im Recht, trad. fr. de De Meulenaere, L’Évolution du droit, p. 169. 2 Schopenhauer, cité par Louis Josserand. 3 Josserand L., « La protection des faibles par le droit », in Évolutions et actualités, Conférences
de droit civil, Sirey, 1936, p. 159. 4 Ibid. 5 Ibid. p. 160.
7
lement les plus justes et socialement les plus utiles. En effet, selon les thèses du libéra-
lisme économique, le libre jeu des volontés individuelles ne peut que réaliser la justice,
chaque contractant apparaissant comme le meilleur juge et le meilleur législateur de ses
intérêts. C’est ce que Fouillée exprime par sa célèbre formule : « Qui dit contractuel dit
juste ». Par ailleurs, le libre jeu des volontés individuelles est censé assurer l’équilibre
économique et la prospérité générale. De cette manière, la recherche par chacun de son
intérêt conduirait nécessairement à la satisfaction d’un intérêt général, somme des inté-
rêts particuliers6.
4. Découlent alors de cette théorie notamment la liberté contractuelle, chacun étant
libre de contracter, mais aussi la force obligatoire du contrat, chacun étant tenu de res-
pecter ses engagements.
5. Il est également intéressant de relever que le Code civil a subordonné la validité
du contrat à plusieurs éléments, à savoir le consentement, la capacité, l’objet et la cause.
Le consentement, qui vise à la fois la volonté des parties et leur accord joue un rôle es-
sentiel dans la formation du contrat. Ainsi, les rédacteurs du Code civil ont souhaité que
le contrat soit nul si le consentement donné n’a pas été libre et éclairé, s’il est entaché
d’un vice, qui peut être l’erreur, le dol ou encore la violence.
6. Sont ajoutés au consentement, l’objet mais aussi la cause permettant de vérifier
que « les intérêts particuliers y sont équitablement conciliés et l’intérêt général sauve-
gardé7 ». C’est ainsi que l’article 1131 dispose que « l’obligation sans cause ou sur une
fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet ». Il ressort notamment
de cet article que toute obligation doit avoir une raison.
7. Ainsi, la rencontre des volontés ne permet pas, à elle seule, de rendre le contrat
valable. Le contenu du contrat est tout aussi important. Les parties ne doivent pas se
voir imposer des obligations et un minimum d’équité doit régner entre les parties.
8. Le Code civil est ainsi clairement empreint de cette théorie de l’autonomie de la
volonté qui postérieurement, a fait l’objet de quelques critiques. Notamment, au postulat
selon lequel le libre jeu des volontés individuelles conduit à la justice, a été opposé que
6 Terré F., Simler P., Lequette Y., Les Obligations, Précis Dalloz, 10e éd, 2009, p. 31. 7 Ibid., p. 34.
8
les hommes sont fondamentalement inégaux. Ainsi, « bien loin de conduire à des rap-
ports équilibrés, la liberté contractuelle serait l’instrument qui permet au fort d’imposer
sa loi au faible8 ».
9. Constat de rapports déséquilibrés et mise en place de dispositifs protecteurs au sein d’un Code de la consommation. – C’est ainsi qu’a pu être constatée une situa-
tion d’infériorité de certains contractants, notamment des consommateurs, qui, pour se
procurer des biens et services, contractent avec des professionnels, dont on peut suppo-
ser qu’ils connaissent parfaitement les biens et services qu’ils proposent. Ces relations
entre consommateurs et professionnels sont apparues comme naturellement déséquili-
brées, principalement du fait de l’infériorité de compétence technique du consommateur
face au professionnel. On peut souligner que cette infériorité des consommateurs est
accentuée par le phénomène de standardisation des contrats, le risque étant que la partie
la plus forte, le professionnel, prérédige dans son unique intérêt un contrat auquel le
consommateur n’a d’autre choix que d’adhérer.
10. Les consommateurs sont ainsi apparus en situation de faiblesse et s’est imposée
la nécessité de les protéger. Le Code civil, fondé sur l’autonomie de la volonté et sur
l’idée que chaque contractant doit veiller lui-même à ses propres intérêts, était dépourvu
de toute protection susceptible de bénéficier à ces consommateurs, parties faibles. Ainsi,
mis à part l’exploitation des concepts d’abus de droit ou éventuellement de cause, il
n’existait véritablement aucun remède à ces situations de déséquilibre.
11. Le Code de la consommation, incarnation du droit de la consommation, a alors
eu pour objectif de protéger ces parties faibles – les consommateurs – face aux parties
en situation de supériorité – les professionnels. Cette protection des consommateurs a
été envisagée dès le stade de la conclusion du contrat et dans différents domaines.
12. En effet, le Code de la consommation prévoit différents dispositifs de protection
du consommateur : une obligation d’information de celui-ci par le professionnel au
stade de la formation du contrat, mais aussi des moyens d’assurer un consentement
éclairé souvent par l’exigence de mentions écrites ou encore des moyens de lutte contre
les clauses abusives qui peuvent figurer dans les contrats d’adhésion soumis aux con-
8 Ibid., p. 38.
9
sommateurs… Ces dispositifs de protection ont vocation à s’appliquer aux différents
contrats de consommation que pourrait conclure le consommateur, notamment les con-
trats de crédit à la consommation ou encore de crédit immobilier.
13. Ces dispositifs de protection prévus par le Code de la consommation visent à
protéger exclusivement la partie faible entendue comme le « consommateur ». Pourtant,
il apparaît que certains dispositifs consuméristes se sont vus appliqués – ou même par-
fois, et nous le verrons plus tard, transposés au sein du Code de commerce – pour une
protection du professionnel, dans des rapports contractuels entre professionnels, tradui-
sant ce qu’on pourrait appeler une consumérisation du droit des affaires.
II. – La révélation d’une consumérisation du droit des affaires au secours de la
partie faible, le professionnel.
14. Quelques constats d’une contamination du droit des affaires par le droit de la consommation. – On peut aujourd’hui constater que certains dispositifs consumé-
ristes prévus initialement dans un objectif de protection du consommateur se sont appli-
qués aux professionnels.
15. Le cas du cautionnement du dirigeant social en droit des sûretés en est un
exemple assez caractéristique. Tout d’abord, il convient de revenir sur la question du
caractère excessif du cautionnement consenti. La question qui se posait était celle de
savoir si on pouvait reprocher à un créancier d’accepter un engagement de caution alors
que cet engagement était disproportionné par rapport aux capacités financières de la
caution. En réponse à cette question, une certaine évolution peut être retracée.
16. En premier lieu, la loi Neiertz du 31 décembre 19899 a introduit un dispositif de
protection de la caution à l’article L. 313-10 du Code de la consommation. Il s’agit du
premier texte à avoir introduit dans notre droit l’exigence de proportionnalité entre les
facultés financières de la caution au moment de la conclusion du contrat de cautionne-
ment et le montant de son engagement. Cet article dispose ainsi : « Un Établissement de
9 Loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées
au surendettement des particuliers et des familles.
10
crédit ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement d’une opération de crédit […]
conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, mani-
festement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette
caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obliga-
tion. » Le domaine d’application de cette disposition est assez restreint : en effet, cette
disposition couvre uniquement les cautionnements d’une opération de crédit à la con-
sommation ou de crédit immobilier souscrits par une personne physique au bénéfice
d’un Établissement de crédit. Quant à la nature de la sanction, la Cour de cassation a
considéré qu’il ne s’agissait pas d’une nullité10. À vrai dire, le mécanisme se rapproche
d’une déchéance, au moins temporaire, des droits du créancier.
17. La jurisprudence a ensuite, par le truchement de la responsabilité civile, introduit
le principe de proportionnalité dans le « droit commun » du cautionnement. Ainsi, par le
fameux arrêt Macron du 17 juin 199711, la chambre commerciale a approuvé les juges
du fond d’avoir retenu la responsabilité civile d’un Établissement de crédit, pour man-
quement à son obligation de contracter de bonne foi, alors que celui-ci avait fait sous-
crire à une caution dirigeante, pourtant rompue aux affaires, un engagement sans rap-
port avec son patrimoine et ses revenus. Dans le non moins célèbre arrêt Nahoum en
date du 8 octobre 200212, la Cour de cassation, sans abandonner le principe de propor-
tionnalité, a fondé celui-ci sur une obligation d’information à la charge des créanciers,
portant sur des faits, ignorés de la caution, relatifs aux revenus, au patrimoine et facultés
de remboursement de la caution, raisonnablement prévisibles en l’état du succès es-
compté de l’opération entreprise par le débiteur principal. En l’espèce, la banque n’avait
pas été retenue responsable car il n’y avait pas d’informations ignorées par la caution.
Était ici visée l’hypothèse où la banque aurait su que l’obligation garantie n’avait au-
cune chance de succès dès le départ et l’aurait caché à la caution. On en revenait alors à
la solution consacrée par un arrêt de la chambre commerciale en date du 23 juin 199813,
à savoir à un devoir de mise en garde lorsque l’opération garantie n’était pas viable éco-
nomiquement.
10 Cass. Civ 1e, 22 octobre 1996, n° 94-15.615. 11 Cass.com. 17 juin 1997, n° 95-14.105. 12 Cass. com. 8 octobre 2002, n° 99-18.619. 13 Cass. com. 23 juin 1998, n° 95-16.117.
11
18. Par la suite, et prenant le contre-pied de la Cour de cassation, le législateur, à
l’occasion de loi Dutreil pour l’initiative économique du 1er Août 200314, a imposé ex-
pressément le principe de proportionnalité au sein de l’article L. 341-4 du Code de la
consommation, selon lequel « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un con-
trat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de
sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le
patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire
face à son obligation ». Cet article étend ainsi le principe de proportionnalité à toutes les
personnes physiques ayant souscrit un cautionnement auprès d’un créancier profession-
nel, quel que soit l’objet de la dette cautionnée.
19. On peut constater que ce texte reprend à l’identique le mécanisme posé par
l’article L. 313-10 du Code de la consommation, pourtant toujours en vigueur. Cette
règle est alors généralisée à l’ensemble des cautionnements consentis par une personne
physique en faveur d’un créancier professionnel, peu importe que la caution soit infor-
mée ou non, qu’elle soit dirigeant social ou non15. La sanction retenue est la décharge de
la caution, nécessairement totale. La Cour de cassation a par ailleurs considéré que,
pour décharger la caution, il ne devait pas être tenu compte du préjudice subi par cette
dernière et que dès lors que la disproportion est retenue, la caution est définitivement
libérée16.
20. Bien que pour de nombreux auteurs, il aurait été préférable d’appliquer ce dispo-
sitif aux seuls cautionnements conclus par des cautions profanes, il ressort clairement de
cette évolution que les professionnels, en l’occurrence les dirigeants de société, se sont
vus appliquer des dispositifs de protection consuméristes.
21. Ensuite, on peut également constater, toujours en matière de cautionnement, que
les dirigeants sociaux se sont vus soumis à l’exigence de mention manuscrite, permet-
tant initialement de s’assurer du caractère éclairé du consentement du consommateur
qui se porte caution. En effet, le formalisme a été introduit au sein du cautionnement par
la loi du 31 décembre 1989 pour le cas où une personne physique se serait portée cau-
14 Loi n° 2003-721 du 1 août 2003 pour l'initiative économique. 15 Cass. com. 13 avril 2010, n° 09-66.309. 16 Cass. com. 22 juin 2010, n° 09-67.814.
12
tion par acte sous seing privé du remboursement d’un crédit mobilier ou immobilier.
Les articles L. 313-7 et L. 313-8 du Code de la consommation exigent ainsi, à peine de
nullité du cautionnement, que la caution rédige une mention manuscrite dont le contenu
est imposé par le législateur qui utilise ainsi cette technique pour attirer l’attention de la
caution sur l’importance de l’acte.
22. Cette technique a d’abord été réutilisée, notamment par la loi du 21 juillet
199417, à propos du cautionnement des dettes d’un locataire dans le cas d’un bail
d’habitation. Le législateur est ainsi intervenu dans des cas isolés, avant de généraliser
la règle par la loi Dutreil du 1er Août 2003, qui pose l’exigence d’une mention manus-
crite à peine de nullité à l’article L. 341-2 du Code de la consommation. Toutes les per-
sonnes physiques sans distinction sont visées par ce texte : il s’applique ainsi aux cau-
tions dirigeant social, bien que celui sache, en principe et cela du fait de sa fonction, à
quoi il s’engage. On aboutit ainsi à une protection très poussée de certains profession-
nels par application de dispositif issu du Code de la consommation.
23. De la même manière, on peut voir que l’obligation d’information de la caution
pesant sur le créancier en cas de défaillance du débiteur principal a également été éten-
due au bénéfice de toute caution personne physique. Ainsi, la loi Neiertz de 1989 avait
prévu au sein de l’article L. 313-9 du Code de la consommation que la caution doit être
informée de la défaillance du débiteur principal et ce, dès le premier incident de paie-
ment caractérisé. Cette obligation d’information a d’abord été étendue au cas du cau-
tionnement de loyers en matière de bail d’habitation par la loi du 21 juillet 1994 avant
de bénéficier, et cela par la loi du 29 juillet 199818, à toutes les personnes physiques qui
se sont portées caution soit d’une dette entre un particulier et un professionnel, soit de la
dette professionnelle d’une entreprise. On retrouve ce dispositif au sein de deux textes :
l’article L. 341-1 du Code de la consommation et l’alinéa 3 ajouté à l’article 47 II de la
loi du 11 février 1994.
24. Enfin, on peut constater que la procédure de surendettement prévue par le Code
de la consommation bénéficie maintenant à certains professionnels. En effet, avant la loi
du 4 août 2008, pour qu’une caution surendettée puisse avoir accès à la procédure de
17 Loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l'habitat. 18 Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
13
surendettement, il était nécessaire que celle-ci n’ait pas été dirigeante de droit ou de fait
de la société dont elle se portait caution. La loi du 4 août 2008 a modifié la rédaction de
l’article L. 330-1 du Code de la consommation, dont il résulte désormais que
l’impossibilité, pour une personne physique, de faire face à ses engagements de caution
caractérise une situation de surendettement, que cette caution soit contractée au bénéfice
d’une personne physique ou d’une société, et cela même dans le cas où la caution est ou
a été dirigeante de cette société19.
25. Il découle ainsi de ces exemples, qu’il est indéniable que nous sommes face à un
phénomène de protection de plus en plus accru des professionnels, en d’autres termes à
une consumérisation du droit des affaires.
26. Il est un autre cas, très représentatif de ce phénomène, et auquel nous allons con-
sacrer la suite de nos développements, où le dispositif consumériste initialement prévu a
été transposé dans le Code de commerce afin de protéger le professionnel. Il s’agit de la
transposition du terme de déséquilibre significatif de l’article L. 132-1 du Code de la
consommation au sein de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce.
27. Le déséquilibre significatif : une transposition de l’esprit et des termes de
droit de la consommation dans le Code de commerce. – Le dispositif de protection
des consommateurs contre les clauses abusives a été largement repris en droit des af-
faires, au sein du Code de commerce.
28. En effet, il résulte de l’alinéa premier de l’article L. 132-1 du Code de la con-
sommation tel qu’issu de la loi du 1er février 199520 transposant la directive du 5 avril
199321 que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou
consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au
détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre
les droits et obligations des parties au contrat. Cet article a pour vocation de protéger les
19 Raymond G., « Accès à la procédure d’une caution dirigeante de société », CCC n° 3, mars
2013, comm.70. 20 Loi n° 95-96 du 1er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et
régissant diverses activités d'ordre économique et commercial. 21 Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993.
14
consommateurs contre les clauses abusives qui pourraient être insérées par le profes-
sionnel dans les contrats de consommation, la clause abusive pouvant être définie
comme celle qui « confère au rédacteur du contrat un avantage excessif22 ».
29. Or il apparaît que la loi de modernisation de l’économie du 4 Août 200823 a mo-
difié la rédaction de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce qui prévoit désormais
qu’ « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le
fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire
des métiers […] de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des
obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Cette modification s’explique car la loi de modernisation de l’économie a voulu redon-
ner une place plus importante à une liberté de négocier que la prohibition des pratiques
discriminatoires restreignait depuis longtemps, et à laquelle elle a mis fin. La contrepar-
tie de cette suppression fut alors l’introduction d’un nouveau cas de responsabilité pe-
sant sur celui qui a soumis ou tenté de soumettre un partenaire commercial à des obliga-
tions créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
30. Au-delà de ces explications, il semble clair que l’esprit et les termes du dispositif
protecteur du Code de la consommation se retrouvent au sein du Code de commerce. En
effet, les termes choisis sont exactement les mêmes, à savoir le « déséquilibre significa-
tif entre les droits et obligations des parties ». L’esprit de ce dispositif est également
retranscrit : « Ce texte prend son origine dans la volonté de protéger le faible contre le
fort, de lutter contre la loi du plus fort24. » La protection du consommateur résulte du
fait qu’en raison de sa situation économique, sociale, ou encore intellectuelle, le con-
sommateur ne peut négocier librement le contenu du contrat qui se trouve déterminé
unilatéralement par le professionnel. Or, il semblerait que les professionnels également
méritent protection : certains professionnels, comme certains sous-traitants, concession-
naires ou franchisés peuvent se trouver en situation d’infériorité du fait d’une situation
de dépendance économique envers le partenaire. Cette situation se trouve accentuée par
le phénomène de standardisation des contrats où la partie la plus forte prérédige un mo-
22 Ghestin (J.), « Rapport introductif », in Les Clauses abusives entre professionnels, Études juri-diques, Economica, 1998, p. 3.
23 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. 24 Mazeaud D., Génicon T., « Protection des professionnels contre les clauses abusives », RDC, 1er
janvier 2012 n° 1, p. 276.
15
dèle contractuel auquel son contractant n’a d’autre choix que d’adhérer. Ainsi, comme
l’affirme Denis Mazeaud, « le label de professionnel n’est pas un antidote à l’inégalité
et l’injustice contractuelle25 ».
31. Il s’agira alors de nous interroger sur la réelle opportunité d’une telle ré-
forme transposant la notion consumériste de « déséquilibre significatif » dans le Code
de commerce. Nous verrons que cette transposition s’avérait de prime abord bel et bien
opportune (Partie I), avant de voir ensuite qu’elle peut largement être remise en cause
(Partie II).
25 Mazeaud D., « L’attraction du droit de la consommation », RTD Com, 1998, p. 95.
16
PARTIE I –
L’OPPORTUNITE DE LA TRANSPOSITION DU TERME DE « DESEQUILIBRE SIGNIFICATIF » AU SEIN DE L’ARTICLE L.
442-6, I, 2° DU CODE DE COMMERCE
32. Bien qu’en principe, un professionnel ne semble pas totalement dépourvu
d’expérience quant à la protection de ses intérêts, il apparaît qu’il peut se faire imposer
des clauses par un autre professionnel en situation de supériorité.
33. Pourtant, les moyens de protection dont dispose le droit français sont totalement
insuffisants pour assurer une protection efficace de ces professionnels faibles (Titre I),
c’est pourquoi l’introduction du terme de « déséquilibre significatif » et d’une protec-
tion spécifique au sein du Code de commerce s’avérait nécessaire (Titre II).
TITRE I. –
DES MOYENS INSUFFISANTS DE PROTECTION DES PROFESSIONNELS CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES
34. Le professionnel en situation de faiblesse par rapport à un autre profession-
nel apparaît bien démuni : la protection qui lui est offerte par le droit de la consomma-
tion est totalement dérisoire (Chapitre I) et celle qui est puisée dans le droit commun est
profondément lacunaire (Chapitre II).
17
Chapitre I. – Une protection dérisoire par le droit de la consommation
35. Il peut a priori sembler surprenant de penser que le droit de la consommation,
dont la raison d’être est de protéger un consommateur présumé faible, de par son « infé-
riorité intellectuelle, technique et économique26 », puisse permettre aux professionnels
d’être protégés contre les clauses abusives, et ce sur le fondement de l’article L. 132-1
du Code de la consommation.
36. Or, il est arrivé que certains professionnels tentent de faire tomber une clause
abusive, le plus souvent limitative ou élusive de responsabilité en invoquant le dispositif
consumériste. Cette protection paraît envisageable par interprétation de l’article L. 132-
1 du Code de la consommation (Section I), et la jurisprudence démontre bien que la
question de protection des professionnels par le droit de la consommation se pose. Pour-
tant, il conviendra de voir que celle-ci se montre très rigoureuse à leur égard en refusant
majoritairement de les protéger (Section II).
Section I. – Une protection envisageable des professionnels contre les clauses abu-sives par le droit de la consommation
37. La protection des professionnels sur le fondement du dispositif consumériste
prévu à l’article L. 132-1 du Code de la consommation ne semble pas de prime abord
être totalement exclue, d’une part par le législateur (Paragraphe I), et d’autre part par la
doctrine (Paragraphe II).
26 Ibid.
18
Paragraphe I. – Une protection des professionnels par le droit de la consommation non exclue par le législateur
38. Il convient de rappeler en tout premier lieu que l’article L. 132-1 du Code de la
consommation a fait l’objet d’une première rédaction figurant dans la loi du 10 janvier
197827, avant d’être modifié par la loi du 1er février 199528. La première version définis-
sait la clause abusive comme celle qui est imposée au non professionnel ou consomma-
teur par un abus de la puissance économique du professionnel conférant à ce dernier un
avantage excessif.
39. La référence au « non professionnel » n’était pas sans causer quelques pro-
blèmes d’interprétation : fallait-il l’assimiler ou non à un consommateur ? Il s’avère
qu’en vérité, la redondance des termes, « non-professionnels ou consommateurs », n’a
servi qu’à concilier les députés et les sénateurs dans le choix du vocabulaire le plus ap-
proprié29.
40. La seconde version, issue de la rédaction de 1995, définit la clause abusive
comme celle qui a « pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel
ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des par-
ties au contrat ».
41. Il est important de noter que, par ce nouveau dispositif, le législateur a, en écri-
vant « du non professionnel ou du consommateur » à la place de « du non professionnel
ou consommateur », souhaité étendre la protection contre les clauses abusives aux pro-
fessionnels30. En effet, au Sénat, le rapporteur du projet destiné à devenir la loi du 1er
février 1995 relevait que le nouvel article L. 132-1 permettrait de viser « également des
professionnels qui contractent dans un domaine qui leur est parfaitement étranger31 ».
Le rapporteur de ce même projet à l’Assemblée nationale affirmait quant à lui qu’ « il
s’agissait de prendre en compte la situation d’un professionnel concluant un contrat
27 Loi 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits
et de services. 28 Loi n° 95-96 du 1er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et
régissant diverses activités d’ordre économique et commercial. 29 Paisant G., « La protection par le droit de la consommation », in Les Clauses abusives entre pro-
fessionnels, Economica, 1998, p. 20. 30 Paisant G., op. cit., p. 21. 31 Rapp. Fosset, Doc. Sén. N° 64, 1re sess. ord. 1994-95, p. 26.
19
pour ses besoins personnels ou dans le cadre de son activité professionnelle mais hors
de sa spécialité32 ».
42. Il apparaît donc bien clair que le législateur avait avant tout souhaité introduire
une disposition permettant de rétablir l’équilibre dans la relation contractuelle entre un
fort et un plus faible, c’est-à-dire celui qui se caractérise par son infériorité technique,
juridique, ou encore économique.
43. Il convient désormais de voir que la doctrine ne semblait pas non plus hostile à
une protection des professionnels par ce dispositif.
Paragraphe II. – Une protection des professionnels par le droit de la consommation non exclue par la doctrine
44. Il est vrai que certains auteurs ne sont pas favorables à la protection des profes-
sionnels par le droit de la consommation. C’est le cas notamment de Gilles Paisant, pour
qui le droit de la consommation, et cela à travers le Code de la consommation, n’a pas
vocation à régir indistinctement les rapports à la fois entre professionnels et consomma-
teurs et entre professionnels. Selon lui, « seule une catégorie de contractants est proté-
gée ;; et elle l’est contre l’autre33 ». Il est également de ceux qui considèrent que les pro-
fessionnels sont mieux à mêmes d’apprécier « la pertinence ou l’opportunité des con-
trats qu’ils signent et de veiller à la sauvegarde de leurs propres intérêts34 » que les con-
sommateurs35.
45. Ainsi, selon eux, la protection contre les clauses abusives prévue par l’article L.
132-1 du Code de la consommation devrait rester limitée à une protection des consom-
mateurs et ne devrait pas être étendue aux professionnels, ne serait-ce que pour une
question de cohérence et de sécurité juridique.
46. Pourtant, pour d’autres auteurs, comme Denis Mazeaud, il convient de relever
qu’au-delà des qualités de consommateur ou de professionnel, il s’agit avant tout de
32 Rapp. Charié, Doc. Ass. Nat. N°1775, 10e lég., p.12. 33 Paisant G., « La protection par le droit de la consommation », op. cit., p. 28. 34 Ibid. 35 Calais-Auloy J., Temple H., Droit de la consommation, Dalloz, 8e éd, 2010, p. 13.
20
« restaurer l’équilibre contractuel lorsque celui-ci a été rompu de façon significative en
raison de la profonde inégalité qui régnait, lors de la négociation du contrat, entre le
créancier et le débiteur de la clause litigieuse36 ».
47. Par ailleurs, à l’argumentation avancée par Gilles Paisant selon laquelle les pro-
fessionnels sont « en mesure d’apprécier la pertinence ou l’opportunité des contrats
qu’ils signent et de veiller à la sauvegarde de leurs propres intérêts », il répond qu’un
sous-traitant ou un franchisé peuvent, de la même façon qu’un consommateur, ne pas
« apprécier la portée, voire le sens, d’une clause d’exclusion de garantie ou d’une clause
compromissoire qui leur a été plus ou moins imposée par leur cocontractant profession-
nel37 ».
48. Enfin, à l’argumentation qui relève de l’insécurité juridique, il avance que refu-
ser la protection aux professionnels risquerait de « consacrer une grave insécurité juri-
dique au détriment de contractants […] victimes d’abus et d’excès de la part de leurs
cocontractants38 ».
49. Ainsi, il semble selon lui que certains professionnels sont bel et bien, lors de la
conclusion de contrats, dans la même situation d’infériorité technique et juridique qu’un
consommateur. On comprend dès lors que le professionnel mérite tout autant protection
que le consommateur et que pour une partie de la doctrine, il serait injuste et risqué de
n’accorder au professionnel en situation de dépendance économique vis-à-vis d’un
autre, aucune protection contre les clauses qu’il pourrait se voir imposer.
50. Toutefois, il convient de voir que la jurisprudence s’est montrée rigoureuse dans
l’admission d’une protection des professionnels contre les clauses abusives.
36 Mazeaud D., « L’attraction du droit de la consommation », op. cit. p. 95. 37 Ibid. 38 Ibid.
21
Section II. – Une protection des professionnels par le droit de la consommation majoritairement écartée par une jurisprudence rigoureuse
51. La jurisprudence a démontré que la question de la protection des professionnels
contre les clauses abusives par le droit de la consommation se posait véritablement : elle
s’est dans un premier temps montrée assez hésitante (Paragraphe I) avant de se montrer,
en définitive, plutôt restrictive dans l’admission d’une protection des professionnels
(Paragraphe II).
Paragraphe I. – Une jurisprudence passée hésitante
52. Afin de déterminer si les professionnels méritaient d’être protégés ou non par le
dispositif de protection prévu à l’article L. 132-1 du Code de la consommation, la Cour
a eu à interpréter cette notion de « non professionnel ».
53. Elle a dans un premier temps, par une décision en date du 28 avril 198739, fait
preuve de bienveillance à l’égard d’un professionnel en situation d’infériorité à qui était
imposée une clause abusive. Il s’agissait dans cette espèce d’un agent immobilier faisant
l’acquisition d’un système d’alarme et la Cour de cassation avait considéré que
« l’activité d’agent immobilier était étrangère à la technique très spéciale des systèmes
d’alarme » et que, celui-ci « était dans le même état d’ignorance que n’importe quel
autre consommateur ». Le contrat en cause « échappait à la compétence professionnelle
de cet agent immobilier », et la première chambre civile avait donc décidé que la clause
litigieuse devait être réputée non écrite. La Cour retenait alors comme critère de protec-
tion « la vulnérabilité du contractant découlant de son incompétence au regard de l’objet
du contrat40 ». Ainsi, le professionnel protégé était celui qui agissait en dehors de sa
sphère de compétence, de sa spécialité.
54. Cette jurisprudence n’a pas été sans entraîner quelques interrogations, et la ques-
tion s’est notamment posée de savoir si ce critère de la sphère de compétence devait être
39 Cass. civ 1e, 28 avril 1987, n° 85-13.674. 40 Mazeaud D., op. cit.
22
retenu en toutes circonstances. C’est ainsi que Gilles Paisant se demande « si cette prise
en compte de l’ignorance est concevable pour les petits entrepreneurs, commerçants ou
artisans contractant en dehors de leur spécialité » : « ce critère est-il encore pertinent
pour les entreprises plus importantes, celles qui ne peuvent sérieusement se prétendre
dans un état d’infériorité par rapport à leur cocontractant ? » Cette question en entraînait
bien d’autres, et notamment celles-ci : comment mesurer l’état d’ignorance du profes-
sionnel, ou encore faut-il raisonner en fonction du chiffre d’affaires ?
55. Malgré ces quelques difficultés et questionnements, cette jurisprudence a été
maintenue jusqu’en 1993, date à laquelle la Cour de cassation s’est montrée beaucoup
moins accueillante en faveur d’une protection des professionnels.
56. Ainsi, par une décision en date du 24 novembre 199341, la Cour affirme simple-
ment que le caractère abusif de la stipulation en cause ne peut être invoqué « à propos
d’un contrat de vente conclu entre professionnels ». La Cour semble ainsi se référer
uniquement à la qualité du contractant et non plus à sa vulnérabilité ou son ignorance.
57. Ces décisions révèlent une position évolutive de la Cour, à la fois accueillante
dans un premier temps et fermée à toute protection du professionnel, de par sa seule
qualité, dans un second temps.
58. Cette jurisprudence est celle qui s’appliquera jusqu’en 1995, date à laquelle la
Cour a délivré l’interprétation toujours en vigueur, et qui apparaît pour le moins restric-
tive.
Paragraphe II. – Une jurisprudence actuelle restrictive
59. La Cour de cassation retient désormais, et ce, depuis une décision du 24 janvier
199542, le critère du « rapport direct ». Dans cette espèce, il s’agissait d’une société
commerciale d’imprimerie qui cherchait à faire déclarer non écrite une clause limitative
de responsabilité du contrat qui la liait à EDF et la Cour de cassation a considéré que les
dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation « ne s’appliquent pas
41 Cass. Civ 1e, 24 novembre 1993, n° 91-17.753. 42 Cass. Civ 1e, 24 janvier 1995, n° 92-18.227.
23
aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec
l’activité professionnelle exercée par le cocontractant ».
60. Cette formule suggère, comme l’affirme Gilles Paisant, une « interprétation a
contrario43 » : le professionnel qui pourra bénéficier de la protection de l’article L. 132-
1 est celui qui conclut un contrat ne présentant pas de rapport direct avec son activité
professionnelle.
61. Cette solution peut sembler à première vue être un assez bon compromis entre
les solutions développées plus haut : la jurisprudence n’exclut pas les professionnels de
la protection consumériste en raison de leur qualité, mais seulement si l’objet du contrat
conclu a un rapport direct avec leur activité professionnelle.
62. Cependant, comme le relève Denis Mazeaud, « on peut se demander si ce critère
du rapport direct qui, à en croire certains, témoignerait de la volonté d’ouverture de la
Cour de cassation, n’est pas un simple leurre et si, en réalité, la solution du droit positif
n’aboutit pas à l’éviction quasi inéluctable du professionnel44 ».
63. De fait, la Cour de cassation semble être très stricte quant à l’application du cri-
tère du rapport direct et semble ne quasiment jamais admettre la protection des profes-
sionnels. C’est ainsi que, à titre d’exemple, la Cour de cassation a, dans une décision du
3 janvier 199645, refusé la protection à un verrier qui « consommait de grandes quantités
d’eau », victime d’une clause abusive au sein de son contrat de fourniture d’eau du fait
du rapport direct entre ce contrat et son activité professionnelle.
64. C’est pourquoi Jean-Pierre Pizzio affirme très justement que les actes sans rap-
port direct, « détachables de la profession sont peu nombreux » : il semble bien que, mis
à part les actes accomplis par le professionnel « avant la création ou après la cessation
de l’activité » et ceux qui concernent « la protection du patrimoine commercial du pro-
fessionnel46 », les contractants professionnels devront compter sur les mécanismes de
43 Paisant G., op. cit., p. 25. 44 Mazeaud D., « L’attraction du droit de la consommation », RTD Com, 1998op.cit., p. 95. 45 Cass. Civ. 1e, 3 janvier 1996, n° 93-19.322. 46 Pizzio, J.-P., « La réglementation sur les clauses abusives ne s'applique pas aux contrats de four-
nitures de biens ou de services en rapport direct avec l'activité d'un professionnel : fourniture d’électricité », D. 1995, p. 310.
24
droit commun pour tenter de trouver une protection contre les abus dont ils peuvent se
trouver victimes.
65. L’application du dispositif de protection prévu à l’article L. 132-1 du Code de la
consommation aurait pu s’appliquer aux relations entre professionnels, étant donné que
certains professionnels peuvent très bien se voir imposer, à l’instar des consommateurs,
des clauses non négociées par un professionnel en situation de supériorité. Le législateur
et la doctrine ne l’avaient pas exclu, or la jurisprudence s’est montrée rigoureuse à
l’égard des professionnels, en refusant quasi systématiquement de leur appliquer
l’article L. 132-1 du Code de la consommation. Cette protection des professionnels par
le droit de la consommation est dérisoire, mais cela peut s’expliquer en partie par le fait
que le droit de la consommation est un droit spécial dont la raison d’être est avant tout
de protéger les consommateurs contre … les professionnels !
66. Les professionnels pourraient alors se tourner vers le droit commun pour tenter
de se protéger contre les excès et abus qu’ils pourraient subir. Or il s’agit désormais de
démontrer que cette protection par le droit commun est, elle aussi, insuffisante et qu’elle
s’avère incontestablement lacunaire.
25
Chapitre II. – Une protection lacunaire par le droit commun des contrats
67. Il est vrai que le droit commun des contrats offre une certaine protection aux
contractants professionnels contre le déséquilibre qui pourrait résulter du contrat même.
Dans cette conception, et selon les mots de Denis Mazeaud, « le contrat apparaît devoir
être le creuset de l’intérêt commun des contractants et, comme tel, ne peut être ni le
siège d’un individualisme exacerbé, ni le terreau d’un altruisme négateur des intérêts
particuliers47 ».
68. Il semble alors évident que la présence d’une clause dans un contrat, bien que
conclu entre professionnels, serait source d’injustice contractuelle, puisqu’elle engen-
drerait au profit du contractant en position de force un avantage sans véritable contre-
partie.
69. Il s’agit tout d’abord de constater qu’une protection des professionnels peut être
envisageable par la mise en œuvre des instruments d’équilibre du droit commun des
contrats (Section I) avant de voir que cette protection est en réalité illusoire (Section II).
Section I. – Une protection envisageable par les instruments d’équilibre du droit
commun des contrats
70. Les instruments d’équilibre du droit commun des contrats qui permettent une
certaine protection des professionnels contre les clauses abusives sont puisés dans la
théorie générale. Il s’agit principalement des concepts de loyauté (Paragraphe I) et
d’équilibre contractuel (Paragraphe II).
71. Leur application permet en effet dans une certaine mesure de faire échec à
l’efficacité des clauses abusives dans les rapports entre professionnels. Il convient toute-
fois de noter que cette présentation ne saurait être exhaustive, mais tente de donner un
47 Mazeaud D., « La protection par le droit commun », in Les Clauses abusives entre profession-nels, Études Juridiques, Economica, 1998, p. 34.
26
aperçu des principaux mécanismes de droit commun des contrats offrant une protection
aux professionnels.
Paragraphe I. – Une protection imposée par l’exigence de loyauté
72. L’exigence de loyauté, qui découle de l’article 1134 alinéa 3 du Code civil, per-
met de lutter non seulement contre les clauses clandestines (A) mais aussi contre un
déséquilibre entre les droits et pouvoirs des parties (B).
A. – L’exigence de loyauté, instrument de protection contre les clauses
clandestines
73. Le recours à cette exigence de loyauté, telle qu’elle figure à l’article 1134 al 3
selon lequel les conventions « doivent être exécutées de bonne foi » permet aux profes-
sionnels d’être protégés contre les clauses clandestines, c’est-à-dire celles qui sont sti-
pulées à leur insu.
74. Ainsi, la bonne foi s’oppose à ce qu’un des contractants puisse imposer à son
partenaire des clauses qui ne sont ni connues ni acceptées de ce dernier. D’une manière
générale, la validité et l’efficacité des clauses sont soumises à des conditions de transpa-
rence48. Selon les termes de Nancy Vignal, « il est incontestable que chacune des fu-
tures parties à un contrat est tenue de clarifier le contenu de celui-ci […]49 ».
75. De nombreuses décisions ont permis de sanctionner l’insuffisance d’information
du partenaire sur l’étendue des droits et obligations nés du contrat50. Les juges veillent
ainsi à ce que ce dernier soit parfaitement informé des engagements souscrits par lui-
même ainsi que son cocontractant51 et n’hésitent pas à écarter toute stipulation considé-
rée comme insuffisamment éclairée.
76. Sont contrôlés l’apparence formelle de la clause, notamment son graphisme, sa
lisibilité, son emplacement dans les documents contractuels, et la signature de
48 Ibid., p. 37. 49 Vignal N., La Transparence en droit privé des contrats (Approche critique de l’exigence), préf.
J. Mestre, PUAM, 1998, p. 64. 50 Vignal N., Ibid., p. 75. 51 Cass. com. 13 octobre 1992, n° 90-19.535, CCC, janvier 1993, p. 2, n° 1, note L. Leveneur.
27
l’instrumentum dans lequel elle figure. C’est ainsi que la Cour de cassation a eu
l’occasion de considérer qu’une clause d’exclusion de garantie, stipulée dans les condi-
tions générales d’un contrat de location, était inopposable car le contractant n’avait pas
bénéficié « d’une information suffisante et intelligible52 » sur son existence.
77. L’exigence de loyauté permet ainsi de protéger les professionnels contre des
clauses dont ils n’avaient pas eu connaissance ou qu’ils n’avaient acceptées, mais cette
exigence permet également de protéger les professionnels contre un déséquilibre des
droits et des pouvoirs que le contrat confère.
B. – L’exigence de loyauté, instrument de protection contre un déséquilibre entre les droits et pouvoirs des parties
78. Rappelons en premier lieu, et selon les termes de Denis Mazeaud, qu’« était re-
çue l’idée que, pour répondre à la double aspiration de justice et de sécurité qui anime
tout contractant, le contrat devait nécessairement être l’œuvre de la volonté commune
des parties au contrat. Dans cette mesure, les contrats et les clauses qui octroyaient à un
contractant, le plus souvent artisan et donc maître du contrat, le pouvoir de déterminer
unilatéralement l’objet de l’obligation de son cocontractant étaient voués à la nullité53 ».
79. Il s’agissait ainsi de protéger le contractant dépendant contre la volonté unilaté-
rale de son partenaire. Or, il est important de relever que ces contrats ne sont plus né-
cessairement voués à la nullité, notamment depuis les fameux arrêts d’Assemblée Plé-
nière du 1er décembre 1995 sur la détermination du prix54. En effet, depuis ces arrêts,
l’article 1129 du Code civil n’est plus applicable à la détermination du prix et le con-
tractant peut fixer unilatéralement l’objet de l’obligation principale de son cocontrac-
tant, à savoir le prix d’un contrat d’application d’une convention cadre. La Cour de cas-
52 Cass. civ, 27 fév. 1996, n° 93-21.845, CCC, 1996, n° 94, obs. L. Leveneur. 53 Mazeaud D., op. cit., p. 38. 54 A.P., 1er décembre 1995, n° 91-15.578, n° 93-13.688, n° 91-15.999, n° 91-19.653, Simler P.
« La détermination du prix : rapport de synthèse », RTD Com, 1997, p. 75.
28
sation a par la suite décidé, dans une autre affaire, qu’un établissement bancaire pouvait
modifier par sa seule volonté le taux de l’intérêt convenu dans un contrat de crédit55.
80. Une seule décision semble avoir résisté à ce mouvement unilatéraliste, en affir-
mant que le montant de l’indemnité fixée dans une clause de remboursement anticipé
doit être déterminable par référence à des éléments extérieurs à la volonté du prêteur56.
Malgré cette décision, isolée, il semble bien que les clauses de prix et de variation du
taux d’intérêt soient valables alors même que leur mise en œuvre relève de la volonté
unilatérale d’un contractant.
81. Ainsi, la protection du partenaire « faible » au contrat dépend essentiellement de
la manière dont la jurisprudence exploite les notions de bonne foi et d’abus de droit : le
contractant « fort » ne sera passible de sanctions judiciaires que s’il exerce de manière
déloyale son pouvoir de fixer seul l’objet de l’obligation de son partenaire, c’est-à-dire
s’il commet un abus de droit.
82. C’est ainsi que la jurisprudence a, à plusieurs reprises, utilisé ces concepts de
bonne foi et d’abus de droit pour protéger le contractant professionnel faible. Elle a no-
tamment utilisé cette notion de bonne foi pour faire échec aux clauses qui confèrent à un
contractant le pouvoir de décider seul de l’efficacité du contrat57. La Cour de cassation a
ainsi décidé que le droit de repentir qu’engendre la clause de dédit et qui permet à un
contractant de défaire unilatéralement le lien contractuel ne doit pas être exercé de mau-
vaise foi, auquel cas la clause ne produirait aucun effet58.
83. On peut également noter que l’exigence de bonne foi s’oppose aussi à ce qu’un
contractant puisse, par l’usage d’une clause d’agrément ou de consentement, faire échec
à la cession conventionnelle d’un contrat en exerçant son pouvoir de dire non de ma-
nière déloyale, en refusant d’accepter la personne du cessionnaire. La Cour de cassation
considère que le cédé se rend coupable d’un abus lorsque ce refus est illégitime. Elle
55 Cass. com. 9 juillet 1996, n° 94-176.12. 56 Cass. civ. 1re, 9 mai 1996, n° 94-20.516. 57 Mazeaud D., op. cit. p. 39. 58 Cass. civ. 11 mai 1976, n° 75-10.854.
29
admet, notamment en matière de baux commerciaux59, que le juge du fond accorde
l’autorisation de cession au preneur60.
84. Enfin, on peut souligner que l’exigence de loyauté contractuelle permet égale-
ment au juge de neutraliser les clauses résolutoires expresses, clauses qui confèrent à un
contractant le droit de rompre unilatéralement le contrat inexécuté. La jurisprudence
retient là encore, et parmi d’autres techniques de protection, la mauvaise foi du créan-
cier61.
85. L’exigence de loyauté apparaît ainsi comme le premier instrument de droit
commun des contrats jouant un rôle non négligeable dans la protection des profession-
nels contre les clauses abusives. Il s’agit désormais de voir qu’un autre moyen intervient
également dans cet objectif de protection des professionnels : l’exigence d’équilibre
contractuel.
Paragraphe II. – Une protection imposée par l’exigence d’équilibre contractuel
86. Cette exigence d’équilibre contractuel permet d’assurer une protection des pro-
fessionnels, tout d’abord au nom de l’équité (A) et ensuite au nom de la cause (B).
A. – Une protection assurée au nom de l’équité
87. C’est bien au nom de l’équité que le législateur a conféré au juge le pouvoir de
réviser les clauses pénales manifestement excessives ou dérisoires, et cela en vertu de
l’article 1152 alinéa 2 du Code civil selon lequel « le juge peut, même d'office, modérer
ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou
dérisoire […] ».
88. Afin de modérer une peine manifestement excessive, la Cour de cassation a con-
sidéré que le juge devait se fonder « sur la disproportion manifeste entre l’importance
59 Auque F., « Le départ anticipé du preneur à bail commercial », RDI, 1997, p. 39. 60 En ce sens, Cass. civ. 18 février 1924, D. 1924.I.17 ; Cass. civ. 3e, 9 mars 1967, Bull. civ. III, n°
111 ; Cass. civ. 3e, 18 oct. 1989, n° 88-11.336. 61 Cass. com. 7 janvier 1963, Bull. III, n° 16.
30
du préjudice effectivement subi et le montant conventionnellement fixé62 ». Ainsi,
« puisque la mission du juge consiste à restaurer l’équilibre du contrat rompu par la pré-
sence d’une clause pénale, la motivation de sa décision doit nécessairement s’articuler
sur l’existence et l’importance du déséquilibre dont la clause est la cause63 ».
89. Le juge dispose ainsi, et ce depuis 1975, du pouvoir de rétablir l’équilibre du
contrat lorsque la clause est manifestement excessive, mais également lorsqu’elle est
manifestement dérisoire. C’est sur cette deuxième option que la Cour de cassation a eu
l’occasion de statuer : il s’agissait d’une affaire où les juges du fond avaient augmenté
le montant de la clause pénale ; par la suite un pourvoi avait été formé, que la Cour de
cassation a rejeté en considérant que « l'indemnité prévue en cas de violation de la
clause de non-concurrence étant une clause pénale, c'est à bon droit que la cour d'appel
a décidé qu'elle pouvait user de la faculté reconnue au juge par l'article 1152 alinéa 2 du
Code civil, d'en augmenter le montant si elle l'estimait dérisoire64 ». Il est intéressant de
noter à cette occasion que le caractère dérisoire de la clause pénale semble surprenant,
eu égard à son objectif : dissuader son partenaire contractuel de ne pas exécuter ses
obligations.
90. Une certaine protection existe ainsi au nom de l’équité, mais c’est davantage
grâce à la très importante notion de cause que la jurisprudence va découvrir un réel ins-
trument de protection des professionnels.
B. – Une protection assurée au nom de la cause
91. Rappelons en premier lieu qu’aux termes de l’article 1131 du Code civil,
« l’obligation sans cause … ne peut avoir aucun effet », car lorsqu’une personne sous-
crit une obligation, elle le fait en considération d’un certain but. En posant que
l’obligation sans cause est dépourvue d’effet, l’article 1131 indique clairement que,
62 Cass. com. 11 février 1997, n° 95-10.851. 63 Mazeaud D., op. cit., p. 41. 64 Cass. soc, 5 juin 1996, n° 92-42.298.
31
pour que le lien d’obligation se noue valablement, il faut non seulement la volonté de
celui qui s’oblige, mais encore que cette volonté ait une cause65.
92. Il s’agit désormais de voir que cet article est venu au secours du professionnel
faible en donnant aux juges le moyen d’écarter certaines stipulations déséquilibrées au
sein de contrats entre professionnels.
93. Déjà en 1990, la Cour exploitait cette notion de cause comme un « instrument de
contrôle des déséquilibres flagrants66 ». Dans cette affaire67, la première chambre civile
avait réputé non écrite, sous le visa de l’article 1131, la clause d’un contrat d’assurance-
responsabilité prévoyant que la garantie ne serait due par l’assureur que si la réclama-
tion de la victime intervenait dans une période dite de « validité » du contrat et serait
donc exclue si elle survenait une fois le contrat résilié ou non renouvelé68. Une telle
stipulation aboutissait à « priver l’assuré du bénéfice de l’assurance en raison d’un fait
qui ne lui est pas imputable et à créer un avantage illicite, comme dépourvu de cause, au
profit du seul assureur, qui aurait alors perçu les primes sans contrepartie ». C’est ainsi
que la Cour de cassation s’est appuyée sur la notion de cause pour « gommer des con-
trats d’assurance une stipulation qui rompt manifestement l’équilibre contractuel69 ».
94. Dans une autre décision70, non moins importante, la chambre commerciale de la
Cour de cassation a, sous le même visa, condamné les clauses de dates de valeur, con-
sistant dans les contrats bancaires à différer les dépôts et à anticiper les retraits. L’idée
était en effet qu’était dépourvue de cause, en présence de telles écritures, l’obligation
que le client de la banque pouvait avoir de payer des agios en raison de sa position arti-
ficiellement débitrice71.
65 Terré F., Simler P., Lequette Y., Droit civil, Les Obligations, Dalloz, 10e éd., 2009, p. 357, n°
336. 66 Mazeaud D., « La protection par le droit commun », in Les Clauses abusives entre profession-
nels, Études juridiques, Economica, 1998, p. 42. 67 Cass. civ 1e, 19 décembre 1990, n° 88-12.863. 68 Mestre J., « L’article 1131 du code civil au service de la lutte contre les clauses abusives dans
les relations entre professionnels », RTD Civ. 1997, p. 418. 69 Mestre J, « Des engagements nécessairement causés à ceux relativement abstraits », RTD Civ.
1991, p. 325. 70 Cass. com. 6 avril 1993, Bull.civ. IV. n° 138, p. 94. 71 Mestre J., « L’article 1131 du code civil au service de la lutte contre les clauses abusives dans
les relations entre professionnels », op. cit.
32
95. La Cour a ensuite à nouveau exploité cette notion dans la très célèbre affaire
Chronopost en date du 22 octobre 199672. Les faits sont simples : une société avait con-
fié, à deux reprises, un pli renfermant sa soumission à une adjudication à la société
Chronopost. Or, la société Chronopost n’ayant pas réussi à remettre ces plis à temps,
comme elle s’y était engagée, le lendemain de leur envoi avant midi, elle fut assignée en
réparation de ses préjudices par l’expéditeur. Elle lui oppose alors la clause du contrat
limitant l’indemnisation du retard au prix du transport. Les juges du fond acceptèrent de
faire produire effet à cette stipulation, l’analysant en une clause limitative de responsa-
bilité tout en observant que la société Chronopost n’avait pas commis de faute lourde ou
a fortiori dolosive73. Mais c’est en se fondant sur l’article 1131 du Code civil que la
Cour de cassation a censuré les juges du fond au motif que « spécialiste du transport
rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, la société Chronopost s’était
engagée à livrer les plis de la société Blanchereau dans un délai déterminé, et qu’en
raison du manquement à cette obligation essentielle, la clause limitative de responsabili-
té du contrat, qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non
écrite ». Ainsi, en jugeant que l’obligation essentielle du contrat souscrit par Chronopost
n’est pas seulement d’acheminer la marchandise mais aussi d’accomplir sa prestation
avec célérité, la Cour de cassation a considéré que la clause limitant la responsabilité de
Chronopost en cas de retard dans la livraison devait être réputée non écrite.
96. Ce recours à la cause et l’arrêt Chronopost en général ont suscité de nombreuses
critiques doctrinales. C’est ainsi que Christian Larroumet affirmait qu’ « il faut souhai-
ter que l’arrêt Chronopost ne soit qu’une bavure sans conséquence à l’avenir74 ». En
effet, selon lui, « le raisonnement de la chambre commerciale est faux » et « la cause de
l’obligation n’avait strictement rien à faire dans cette espèce ».
97. En revanche, selon Denis Mazeaud, « l’exploitation du concept de cause ne pa-
raît guère choquant75 ». Il considère cependant que, ce qui peut être surprenant est « le
rôle particulièrement dynamique assigné à la cause par la Cour de cassation ». Il ajoute
72 Cass. com. 22 octobre 1996, n° 93-18.632. 73 Mestre J., « L’article 1131 du code civil au service de la lutte contre les clauses abusives dans
les relations entre professionnels », op. cit. 74 Larroumet C., « Obligation essentielle et clause limitative de responsabilité », D. 1997, p. 145. 75 Mazeaud D., « La protection par le droit commun », in Les Clauses abusives entre profession-
nels, op. cit. p. 44.
33
que « dans l’arrêt, elle n’est plus simplement une garantie abstraite et désincarnée
contre les déséquilibres objectifs, c’est-à-dire les engagements souscrits sans contrepar-
tie réelle ;; elle acquiert une dimension subjective qui conduit à l’appréhender comme
l’instrument du contrôle de l’utilité, de l’intérêt du contrat en considération desquels le
contractant s’était engagé76 ».
98. Malgré ces débats doctrinaux, il apparaît bien que l’exploitation de la notion de
cause permet de rétablir un équilibre contractuel minimum, en tentant d’éviter qu’à
l’obligation souscrite par un contractant réponde un engagement qui ne soit obligatoire
et contraignant qu’en apparence.
99. De manière plus générale, les notions de loyauté et d’équité semblent bien assu-
rer une certaine protection des professionnels contre les clauses abusives. Cependant, il
convient désormais de démontrer que cette protection n’est qu’illusoire.
Section II. – Une protection illusoire des professionnels contre les clauses abusives
100. La protection qu’offre le droit commun apparaît imparfaite, illusoire, tant en ce
qui concerne la protection par l’exigence de loyauté (Paragraphe I) que par l’exigence
d’équilibre contractuel (Paragraphe II). Ainsi les arrêts étudiés plus haut, bien
qu’importants, ne sauraient assurer une protection efficace et effective des profession-
nels contre les clauses abusives.
76 Mazeaud D., op. cit. p. 45.
34
Paragraphe I. – L’illusion d’une protection efficace des professionnels par
l’exigence de loyauté
101. Les instruments de protection relevant de l’exigence de loyauté, à savoir la
bonne foi et l’abus de droit, sont loin d’être des armes infaillibles pour lutter contre les
clauses abusives dans les rapports entre professionnels.
102. En effet, en ce qui concerne le contrôle judiciaire des clauses qui confèrent à un
contractant le pouvoir de déterminer unilatéralement l’objet de l’obligation principale
ou accessoire de son cocontractant, les professionnels semblent peu protégés. Ainsi,
pour les clauses de prix, il est probable que le recours à la notion d’abus ne soit d’aucun
secours au professionnel qui se trouve à la merci de son partenaire77. Il lui sera sans
doute assez difficile de démontrer que « l’exercice de ce pouvoir unilatéral a dégénéré
en abus, sans compter que la notion de prix abusif demeure encore une énigme, ce qui
ne simplifie pas la mise en œuvre de la protection78 ».
103. Dans d’autres hypothèses encore de déséquilibres contractuels flagrants, les no-
tions d’abus de droit et de bonne foi ont fait preuve de peu d’efficacité en termes de
protection. Ainsi, en matière de baux commerciaux et en ce qui concerne plus précisé-
ment les clauses susceptibles de faire obstacle au départ anticipé du preneur, on ne
trouve dans la jurisprudence de la Cour de cassation qu’une seule illustration. La Cour
considère en effet comme abusif le refus injustifié du bailleur d’autoriser le transfert du
bail corrélativement à la cession du fonds, en application d’une clause d’agrément, et
elle permet aux tribunaux d’autoriser le preneur à passer outre ce refus, qui n’est pas
discrétionnaire79. Pourtant, à l’exception de cette solution, certes constante80, la Cour de
cassation rejette tout recours général à l’abus.
104. Un autre arrêt démontre encore que la bonne foi n’a pas été d’un grand secours
aux professionnels victimes d’un déséquilibre contractuel. Dans cette espèce, une clause
accordait un droit de résiliation unilatérale à un contractant au cas où son partenaire
77 Jamin C., « Réseaux intégrés de distribution : de l’abus dans la détermination du prix au con-
trôle des pratiques abusives », JCP G, 1996, I 3959. 78 Mazeaud D., op. cit. p. 48. 79 Auque F., « Le départ anticipé du preneur à bail commercial », RDI, 1997, op. cit. 80 Cass. civ. 18 février 1924, D.1924.I.17 ; Cass. civ 3e. 9 mars 1967, Bull.civ. III, n° 111 ; Cass.
civ 3e. 18 octobre 1989, n° 88-11.336, op. cit.
35
modifierait à hauteur de 25 % la composition de son capital social. Cette modification
s’étant produite, le bénéficiaire de la clause résolutoire exerça son droit de résiliation
unilatérale : il mit fin au contrat à durée déterminée qui le liait à son partenaire. Les
juges du fond considérèrent que la résiliation était abusive, la clause résolutoire ayant
été mise en œuvre de mauvaise foi. En effet, il semblait bien que le bénéficiaire de la
clause avait, en réalité, exploité la modification du capital de son cocontractant pour
mettre fin précipitamment au contrat81. La Cour de cassation a pourtant censuré cette
décision, au double visa des articles 1134 et 1184 du Code civil : « En se déterminant
par de tels motifs impropres à caractériser l’abus de la résiliation, la cour d’appel n’a
pas donné de base légale à sa décision82. »
105. Il résulte de ces illustrations que la protection octroyée par l’utilisation des no-
tions d’abus de droit et de bonne foi semble bien être pour le moins imparfaite, sinon
illusoire. Il en est de même de la potentielle protection par l’exigence d’équilibre con-
tractuel.
Paragraphe II. – L’illusion d’une protection efficace des professionnels par l’exigence d’équilibre contractuel
106. On peut constater que la protection potentielle apportée par l’exigence
d’équilibre contractuel est en réalité illusoire.
107. Tout d’abord, on peut voir que, certes, l’article 1152 al 2 du Code civil permet
aux professionnels d’obtenir la modération des clauses pénales manifestement exces-
sives, mais ceux-ci restent tout de même soumis à toutes les clauses qui prévoient le
paiement de sommes d’argent à titre de prix ou d’indemnité, et cela même si le montant
apparaît disproportionné par rapport au dommage subi par le créancier.
108. C’est ainsi que la Cour de cassation a eu l’occasion de décider83, malgré le désé-
quilibre engendré par la clause, que le bénéficiaire d’une promesse de cession d’actions,
qui avait décidé de ne pas acquérir, devait payer intégralement l’indemnité
81 Mazeaud D., op. cit., p. 49. 82 Cass. com. 14 janvier 1997, n° 95-12.769. 83 Cass. civ 1e., 5 décembre 1995 n° 93-19.874.
36
d’immobilisation prévue, alors que le promettant avait renoncé à vendre et ne subissait,
dès lors, aucun préjudice84.
109. La rigueur de la Cour de cassation a par ailleurs encore été notée dans le cas où
le vendeur d’un fonds de commerce souhaitait obtenir la modération, sur le fondement
de l’article 1152 al 2, de l’important dédit qu’il s’était engagé à verser à l’acquéreur, au
cas où il reviendrait sur son engagement de vendre85. La Cour a considéré dans cette
espèce que la clause en question « ne s’analysait pas en une clause pénale, mais en une
faculté de dédit, excluant le pouvoir du juge de diminuer ou de supprimer l’indemnité
convenue ». Ainsi, puisque la clause de dédit n’est pas une clause pénale, elle doit être
intégralement payée, malgré un montant démesuré.
110. Ainsi, bien que l’article 1152 alinéa 2 du Code civil octroie au pouvoir judiciaire
un pouvoir de révision, il laisse les professionnels encore bien démunis contre bon
nombre de clauses abusives.
111. On peut se rappeler que la notion de cause avait également été utilisée pour pro-
téger les professionnels contre des clauses entraînant un profond déséquilibre contrac-
tuel, notamment dans l’arrêt Chronopost, fondamental en la matière. Or, on peut se po-
ser la question de la véritable portée de cet arrêt.
112. La clause limitative de réparation a eu beau être réputée non écrite par l’arrêt
Chronopost, elle n’en a pourtant pas moins été effacée des contrats conclus entre Chro-
nopost et ses clients et continue de limiter la réparation de ceux qui « s’inclinent devant
la loi contractuelle86 ». C’est ainsi que, quelque temps après la décision, les conditions
générales nationales applicables au service Chronopost (article 7), indiquaient qu’ « en
cas de non-respect des délais de livraison de son fait, Chronopost s’engage[ait] à rem-
bourser exclusivement le prix du transport, sur demande écrite de l’expéditeur 87» et
qu’elles indiquent toujours (article 7.2) qu’ « en cas de retard à la livraison de son fait,
Chronopost s’engage à régler une indemnité qui ne peut excéder le prix du transport,
droits, taxes et frais divers exclus ».
84 Mazeaud D., op. cit. p. 49. 85 Cass. civ 3e. 9 janvier 1991, n° 89-15.780. 86 Mazeaud D., op. cit., p. 47. 87 Molfessis N., « Remarques sur l’efficacité des décisions de justice (à propos des effets de l’arrêt
Chronopost) », RTD Civ. 1998, p. 213.
37
113. Il convient ainsi de garder à l’esprit que cette décision n’a finalement intéressé
que le seul contrat qui liait la société Chronopost à la société Blanchereau, demandeur
initial.
114. On constate ainsi à travers ces différents exemples que la protection des profes-
sionnels contre les clauses abusives qu’offre le droit commun est pour le moins impar-
faite.
115. Les professionnels apparaissent ainsi privés de toute protection à la fois par le
droit de la consommation qui n’a initialement pas vocation à protéger les profession-
nels, mais également par le droit commun, puisque l’exploitation des notions issues du
droit commun des contrats s’avère très clairement insuffisante. C’est pourquoi on peut
penser que l’introduction du terme « déséquilibre significatif » au sein du Code de
commerce, à l’article L. 442-6-1-2° serait opportune. Elle permettrait, comme en droit
de la consommation, de lutter contre les déséquilibres significatifs entre les droits et
obligations des parties au contrat, qui résultent de la liberté unilatérale de la partie forte
au contrat. Cette protection des professionnels apparaît même véritablement nécessaire.
38
TITRE II. – LA NECESSITE DE PROTECTION DE LA PARTIE FAIBLE DANS LES RAPPORTS ENTRE PROFESSIONNELS
116. La protection du professionnel faible s’avère nécessaire en raison du fait qu’un
professionnel peut, tout aussi bien qu’un consommateur, se révéler être en position
d’infériorité vis-à-vis d’un autre professionnel et se voir imposer des clauses unilatéra-
lement déterminées par le professionnel « fort ».
117. Au-delà de cette justification, il convient de voir que ces problématiques de dé-
séquilibre entre les droits et obligations des parties et de protection de la partie faible
sont loin d’être propres à la France puisque bien d’autres États ont élaboré et mis en
œuvre des mécanismes pour lutter contre ces situations d’inégalités entre professionnels
(Chapitre I). La nécessité d’adopter un dispositif protecteur des professionnels apparaît
de ce fait encore plus grande : la France a fait le choix d’une réforme au sein du Code
de commerce (Chapitre II).
39
Chapitre I. – Une protection du professionnel « faible » assurée en droit comparé
118. Tous les systèmes juridiques des pays de l’Union européenne connaissent un
dispositif de protection contre les clauses abusives pour ce qui concerne les relations
entre professionnels et consommateurs, et cela en application de la directive européenne
de 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels
et consommateurs88. Pourtant, la principale question reste celle de savoir si une pareille
protection mérite d’être étendue aux relations entre professionnels.
119. Parmi les États membres accordant une protection contre les clauses abusives
aux professionnels, l’Allemagne et le Royaume-Uni sont emblématiques. Ils considèrent
la protection des professionnels comme importante et prévoient un véritable arsenal de
lutte contre les clauses abusives.
120. Il s’agira donc d’étudier, à titre d’exemple, les systèmes de protection des pro-
fessionnels émanant des législations allemande et britannique (Section I), avant de voir
qu’un véritable principe général de protection de la partie faible figure dans le futur
Cadre commun de référence (Section II).
Section I. – Exemples tirés des législations allemande et britannique
121. De nombreux États membres de l’Union ont élaboré et mis en œuvre des dispo-
sitifs de contrôle des clauses contractuelles imposées par un cocontractant à son parte-
naire économique, dans des situations de déséquilibre ou encore d’inégalité entre les
parties.
88 Directive du 5 avril 1993, 93/13/CEE, JOCE, L. 95/28, 21 avril 1993.
40
122. Du point de vue du droit comparé, les exemples allemand et britannique sem-
blent être les plus importants et représentatifs : l’exemple allemand prévoit un dispositif
de lutte contre les clauses abusives à la fois adapté et efficace, qui a inspiré bien
d’autres systèmes juridiques européens, à savoir le droit néerlandais, luxembourgeois,
portugais, polonais, ou encore hongrois. Quant au système britannique, il semble inté-
ressant à étudier, car il prévoit une législation protectrice à la fois des consommateurs et
des professionnels contre les clauses abusives et a entrepris une démarche dans le sens
d’une extension du régime de la protection contre les clauses abusives aux petites entre-
prises.
123. Le premier système, allemand, est fondé sur une tradition ancienne du contrôle
judiciaire des conditions générales « déraisonnables » (Paragraphe I), tandis que le se-
cond, britannique, propose des solutions innovantes, notamment en ce qui concerne la
protection des petites entreprises, et cela par une refonte d’ensemble du droit anglais et
écossais des clauses abusives (Paragraphe II).
Paragraphe I. – L’exemple allemand ou le contrôle de conditions générales
« déraisonnables »
124. Le législateur allemand a été le premier à adopter un texte traitant de la question
des clauses abusives dans le cadre de la loi relative aux conditions générales contrac-
tuelles (AGB-Gesetz) du 9 décembre 1976. Par cette loi, il a pris acte de l’importance
du recours aux contrats d’adhésion et aux clauses standardisées.
125. Depuis la loi pour la modernisation du droit des obligations du 26 novembre
2001, les dispositions relatives aux clauses abusives, issues de la loi du 9 décembre
1976, figurent désormais dans le BGB, aux paragraphes 305 et suivants relatifs aux
conditions générales d’affaires.
126. Afin de comprendre le sort réservé à tel ou tel type de clause, il convient d’abord
d’étudier le domaine du contrôle du juge ou champ d’application de la législation (A),
avant de voir quels sont les critères de ce contrôle (B).
41
A. – Champ d’application de la législation allemande
127. Il s’agit de distinguer le champ d’application ratione materiæ (1) et ratione per-
sonæ (2) de cette législation.
1. – Champ d’application ratione materiæ
128. Le champ d’application matériel est délimité par le paragraphe 305 du BGB,
selon lequel les dispositions s’appliquent aux « conditions générales des contrats » défi-
nies comme « toutes les conditions contractuelles préformulées pour un grand nombre
de contrats que l’une des parties soumet à l’autre lors de la conclusion d’un contrat ».
Le texte vise ainsi les conditions générales et les contrats-types et exclut les conventions
et clauses contractuelles individuellement négociées entre les parties89.
129. Le contrôle du contenu de ces « conditions générales des contrats » s’opère sui-
vant une norme générale définissant le critère du caractère abusif des clauses standardi-
sées mais également suivant un catalogue de clauses standardisées interdites90.
130. Le paragraphe 307 du BGB dispose que ces conditions « sont inefficaces lors-
que, contrairement aux impératifs de la bonne foi, elles désavantagent le partenaire con-
tractuel du stipulant de manière déraisonnable ».
131. De même, il est précisé que « dans le doute, il y a lieu d’admettre un désavan-
tage déraisonnable lorsqu’une disposition :
1. n’est pas compatible avec l’essence de la loi, de laquelle elle s’écarte, ou
2. restreint tellement des droits ou obligations découlant de la nature du
contrat que la réalisation du but contractuel est menacée ».
132. Le catalogue de clauses standardisées figure, quant à lui, au paragraphe 308 qui
dresse une « liste grise » de clauses « interdites avec faculté d’appréciation » et au para-
89 Bauerreis J., « Le nouveau droit des conditions générales d’affaires », in « Le nouveau droit al-
lemand des obligations. L’impact de la réforme dans les relations d’affaires franco-allemandes », RID comp. 2002, p. 1015.
90 Sauphanor-Brouillaud N., « Observations sur les clauses abusives », Petites Affiches, 12 février 2009, n° 31, p. 54.
42
graphe 309 qui dresse une liste « noire » de clauses « interdites sans faculté
d’appréciation91 ».
133. Ainsi, les paragraphes 305 et suivants du BGB, qui résultent de la codification
de la loi générale allemande sur les contrats de 1976 tendent à « protéger les contrac-
tants contre l’abus de pouvoir de fait dont dispose un partenaire de déterminer unilatéra-
lement le contenu de la convention92 ». Cependant, il ne s’agit pas d’une loi de protec-
tion des seuls consommateurs.
2. – Champ d’application rationæ personæ
134. Le champ d’application de la législation allemande n’est pas limité aux contrats
conclus par un consommateur, mais concerne également ceux qui se trouvent conclus
entre professionnels.
135. Cependant, la nécessaire prise en compte des spécificités de l’activité de
l’entreprise a conduit le législateur à l’exclure du champ des catalogues de clauses
« noires » ou « grises93 ». Ainsi, le paragraphe 310 du BGB énonce que « les para-
graphes 305 al 2 et 3 ainsi que les paragraphes 308 et 309 ne s’appliquent pas aux con-
ditions générales d’affaires qui sont employées envers un entrepreneur, envers une per-
sonne morale de droit public ou bien envers un patrimoine spécial de droit public […] ».
136. Malgré cette disposition, il convient de voir qu’une clause figurant dans des
conditions générales stipulées envers un entrepreneur pourrait être considérée comme
abusive sur le fondement de la norme générale du paragraphe 307 du BGB.
137. Une fois envisagé le champ d’application de la législation allemande permettant
de comprendre le domaine de contrôle du juge, il convient d’étudier les critères de ce
contrôle.
91 Pédamon M., « Le contrat en droit allemand », LGDJ, 2e éd., n° 116 et suiv. 92 Licari F.-X., « Quelques réflexions et propositions au sujet des clauses “déraisonnables ” ou
“abusives” dans les contrats conclu entre professionnels, à la lueur du droit comparé et des propositions savantes », in Mélanges en l’honneur de Philippe Le Tourneau, D. 2008, p. 667.
93 Ibid. p. 668
43
B. – Les critères du contrôle
138. Le juge apprécie le caractère déraisonnable d’une clause en suivant des principes
directeurs (1). La jurisprudence a également apporté de nouveaux éléments dans
l’appréciation de ce caractère déraisonnable (2).
1. – Appréciation du caractère déraisonnable par l’application de prin-cipes directeurs
139. Rappelons en premier lieu que selon le paragraphe 307 du BGB, « les disposi-
tions des conditions générales d’affaires sont inefficaces lorsque, contrairement aux
impératifs de la bonne foi, elles désavantagent le partenaire contractuel du stipulant de
manière déraisonnable. Un désavantage déraisonnable peut résulter de ce qu’une dispo-
sition n’est pas claire et compréhensible […] ».
140. Ce premier alinéa se présente comme le cœur du dispositif légal en ce sens qu’il
désigne le destinataire de la protection (le partenaire du stipulant), le critère et le seuil
d’intervention du contrôle judiciaire (le désavantage déraisonnable), ainsi que les con-
séquences d’une contravention aux exigences des paragraphes 307 à 309 du BGB
(l’inefficacité)94.
141. Cette disposition apparaît assez imprécise quant aux éléments permettant
d’apprécier le caractère déraisonnable et cette imprécision est voulue : pour l’apprécier,
le juge doit s’appuyer sur les valeurs de l’ordre juridique et la prise en compte des inté-
rêts en présence.
142. La pesée des intérêts en présence vise en premier lieu à identifier les intérêts des
parties au contrat. En principe, l’utilisateur peut formuler ses conditions générales
comme il le souhaite. La pertinence de la clause n’est pas une condition de son efficaci-
té, mais l’absence d’un fondement objectif à son existence constitue un indice de son
caractère déraisonnable. À cet égard, il faut distinguer deux questions, en recherchant en
premier lieu s’il existe un motif à la dérogation au droit positif et ensuite si le contenu
de la stipulation insérée repose sur un fondement objectif.
94 Ibid., p. 670.
44
143. Ensuite, il s’agit de rechercher les critères qui permettront d’émettre un juge-
ment lors de la pesée des intérêts et de procéder à la pesée elle-même, qui permettra de
connaître de l’efficacité ou de l’inefficacité de la clause. Il faut, pour cela, comparer les
intérêts respectifs des parties au contrat. La jurisprudence et la doctrine ont considéré
qu’il s’agissait des intérêts typiques de la catégorie partie aux contrats de cette nature et
non des intérêts individuels du contractant particulier. Comme le rappelle François-
Xavier Licari, « le repérage comme la pesée des intérêts sont détachés des circonstances
particulières du cas concret : l’approche est généralisante et orientée vers la typicité95 ».
144. On peut enfin voir que la mesure du raisonnable d’une stipulation se fait à la
lueur de deux principes directeurs qui sont, d’une part les principes de nécessité et de
proportionnalité (a) et d’autre part, le principe de transparence (b).
a. – Les principes de nécessité et de proportionnalité
145. Le principe de nécessité (Grundsatz der Erforderlichkeit) implique que le stipu-
lant ne limite les droits de son cocontractant que dans la stricte limite du nécessaire et
que, le cas échéant, une mesure compensatoire soit prévue.
146. Le principe de proportionnalité (Grundsatz der Verhältnismässigkeit), quant à
lui, suppose que l’intérêt du stipulant de nature à justifier la dérogation soit mesuré à
proportion de l’importance du contenu équitable de la disposition supplétive écartée.
b. – Le principe de transparence
147. Le désavantage déraisonnable peut provenir d’une rédaction ambiguë,
« opaque », (« intransparent ») de la clause. Cette solution est codifiée au paragraphe
307 al.1, seconde phrase.
148. De cette exigence de transparence (Transparenzgebot) découle le devoir pour le
stipulant de rédiger les clauses le plus clairement possible afin que le citoyen moyen
soit en mesure d’évaluer l’effet désavantageux d’une clause sans recourir à un conseil
juridique.
95 Ibid., p. 671.
45
149. Ces principes directeurs, qui découlent principalement du dispositif légal de pro-
tection, peuvent être complétés par des apports jurisprudentiels permettant d’apprécier
le caractère déraisonnable de telle ou telle clause.
2. – Apport de la jurisprudence dans l’appréciation du caractère
déraisonnable
150. Un des apports principaux de la jurisprudence en ce qui concerne la question du
caractère déraisonnable des clauses abusives est celui de l’interdépendance des stipula-
tions.
151. Cette question de l’interdépendance des stipulations vise la situation dans la-
quelle une clause pourra trouver son explication et sa justification dans une autre clause
en sens opposé. La Cour fédérale de justice allemande a eu l’occasion de se prononcer
sur ce sujet. Ainsi, elle considère que lorsque les juges examinent le caractère raison-
nable d’une clause, ils doivent aussi « apprécier l’ensemble du contenu du contrat, y
compris ses parties individuelles96 ».
152. Cette directive ne signifie pas que l’évaluation doive porter sur l’ensemble des
clauses ou sur le contrat lui-même, mais que celles-là constituent un contexte dont la
disposition examinée ne peut être isolée97.
153. Le droit allemand présente ainsi un système de protection des professionnels
contre les clauses abusives assez original et qui a le mérite d’être efficace.
Paragraphe II. – L’exemple britannique ou l’apport de solutions innovantes pour
les petites entreprises
154. Le Royaume-Uni dispose également d’une législation de protection des contrac-
tants en matière de clauses abusives. Ainsi, deux grandes lois traitent des clauses abu-
sives : l’Unfair Contract Terms Act de 1977 (UCTA) et l’Unfair Terms in Consumer
Contracts Regulations de 1999 (UTCCR).
96 BGH 2 déc. 1992, NJW 1993, 532 ; Ulmer Brandner/Hensen-Brandner, AGBG, 1997, § 9, n° 85. 97 Licari F-X., op. cit., p. 691.
46
155. Ces deux lois ont des champs d’application différents : le UCTA de 1977
s’applique tant aux contrats de consommation qu’aux contrats conclus entre deux pro-
fessionnels, mais ne traite que de certaines clauses abusives, à savoir les clauses exclu-
sives ou limitatives de responsabilité. Le UTCCR de 1999, quant à lui, concerne spéci-
fiquement les contrats conclus avec les consommateurs, puisqu’il introduit en droit an-
glais la directive du 5 avril 1993 sur les clauses abusives98.
156. Or les Law Commissions anglaise et écossaise ont considéré que la protection
accordée par les lois existantes couvrait un champ trop étroit, car principalement limité
aux consommateurs. Or, selon elles, les petites entreprises se heurtent souvent à des
dispositions qui sont abusives, sans que ces lois leur permettent de les remettre en
cause.
157. Un rapport des Law Commissions, intitulé « Unfair Terms in Contracts », a
alors suggéré une refonte d’ensemble du droit anglais et écossais des clauses abusives.
Il propose des solutions innovantes, notamment la protection des petites entreprises.
158. Cette extension de la protection aux petites entreprises s’est imposée du fait
qu’elles n’étaient pas protégées (A). Toutefois, elles devront répondre à certains critères
pour pouvoir être soumises à la nouvelle réglementation (B).
A. – L’extension de la protection aux petites entreprises du fait de la consta-tation de professionnels « faibles » non protégés
159. Le rapport a suggéré d’étendre la protection prévue pour les consommateurs à
cette autre catégorie de parties faibles – les petites entreprises (« Small businesses ») –
exclues de la définition de « consommateur ». Il a été fort justement constaté qu’une
petite entreprise était souvent dans la même situation d’ignorance et de faiblesse qu’un
consommateur et qu’elle n’avait pas toujours les moyens de recourir à un conseil juri-
dique.
160. En effet, d’après les chiffres fournis par le rapport, au Royaume-Uni, 69 % des
entreprises n’ont pas d’employés, 20 % n’en ont pas plus de quatre et 5 % en ont entre
98 Sauphanor-Brouillaud N., « Observations sur les clauses abusives », op. cit. p. 54.
47
quatre et neuf. Ces entreprises « Small businesses » ne doivent pas être confondues avec
la catégorie plus large des « Small and Medium Sized Enterprises » pouvant présenter
jusque deux cent cinquante employés99.
161. Par ailleurs, cette volonté d’extension de la protection aux petites entreprises
s’expliquait aussi pour d’autres raisons. Les Law Commissions ont ainsi découvert que,
parmi les clauses les plus souvent imposées aux petites entreprises de manière abusive,
figuraient non seulement, les clauses limitatives de responsabilité – dont la protection
est déjà assurée par le UCTA – mais également les clauses résolutoires, d’autant plus
rigoureuses qu’elles peuvent souvent être invoquées pour le moindre manquement, ou
encore des clauses visant à transférer les risques – tel celui de force majeure ou de man-
quement des tiers – sur la petite entreprise, qui s’avère pourtant être la moins bien pla-
cée pour les supporter.
162. Ces constations ont conforté les Law Commissions dans leur objectif de refonte
du droit afin de protéger ces petites entreprises, exclues de toute protection et pourtant
assimilables à une partie faible. Elles doivent cependant répondre à certains critères.
B. – Les critères de protection
163. Le critère principal proposé par le rapport est celui du nombre d’employés – qui
doit être de neuf au maximum – et non du chiffre d’affaires. Il est assorti d’un critère
secondaire, fondé sur la valeur du contrat (« transaction value limit ») et sur sa nature.
Ainsi, les contrats portant sur un montant plus important que cinq cent mille livre ster-
ling sont exclus, ainsi que ceux portant sur des services financiers, déjà soumis à la ré-
glementation du « Financial Services Authority » (FSA). Sont également écartés les
contrats déjà expressément exclus par le UCTA, à savoir le contrat d’assurance, le trans-
fert d’un intérêt sur un bien immobilier ou d’un droit relatif à la propriété intellectuelle,
droit des sociétés, sûretés ou encore droit maritime100.
99 Fauvarque-Cosson B., « Vers une réforme du droit anglais des clauses abusives ? », RDC, 1er
juillet 2005, n° 3, p. 891. 100Ibid.
48
164. Si l’entreprise satisfait à ces critères, elle sera alors en mesure de contester une
clause à partir du moment où elle n’est pas essentielle et surtout si elle n’a pas été négo-
ciée individuellement, et ce à l’instar du droit allemand101.
165. Enfin, on peut noter que le rapport prévoit des dispositions particulières pour
certains contrats, notamment les contrats de travail, de vente ou de fourniture de biens,
et suggère de maintenir le contrôle qui existe déjà dans le UCTA pour les clauses exclu-
sives ou limitatives de responsabilité en matière délictuelle.
166. Ainsi, en Allemagne comme au Royaume Uni, les personnes morales et / ou les
entrepreneurs bénéficient d’une protection contre les clauses abusives par le droit com-
mun des contrats. Cette problématique des clauses abusives entre professionnels, et du
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui en est le fonde-
ment, est d’une importance telle qu’elle se trouve également au cœur des travaux menés
en Europe pour l’élaboration d’un « Cadre commun de référence » d’un droit européen
des contrats.
Section II. – L’instauration d’un principe général de protection du professionnel « faible » au sein du « Cadre commun de référence »
167. Tout d’abord, il convient de rappeler la raison d’être de ce Cadre commun de
référence. En effet, à la fin de l’année 2008, un projet universitaire de Cadre commun
de référence a été rendu, composé de principes, de définitions et de règles de droit des
contrats. Deux groupes de travail ont participé à ce projet de Cadre commun de réfé-
rence : le « study group », qui a élaboré un projet de Cadre commun de référence
s’inspirant des principes Lando102 et l’ « acquis group », qui a eu pour mission de ras-
101 Riffault-Silk J., « Le déséquilibre significatif, une approche comparatiste », Concurrences, n° 2-
2011, p. 22. 102 Dans les années 1980, le professeur danois Lando a réuni un groupe de travail composé
d’universitaires de différents pays membres de l’Union européenne, afin d’élaborer des principes de droit européen des contrats (Principles of European contract law). Il est principalement influencé par les diffé-rents droits nationaux européens, par la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises de 1980 et par les principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international.
49
sembler l’acquis communautaire – c’est-à-dire les textes de droit européen existant –
pour les harmoniser dans un cadre plus rationnel. L’ensemble de ces travaux a été, en
2008, rassemblé dans un « draft of common frame of reference », dans sa version an-
glaise.
168. La principale question qui se pose dans l’optique de ce Cadre commun de réfé-
rence est de savoir si une protection contre les clauses abusives telle qu’elle existe pour
les consommateurs mérite d’être étendue aux relations entre professionnels et d’y figu-
rer à titre de principe général.
169. Cette protection des professionnels semble légitime (Paragraphe I) et les lignes
directrices guidant ce projet méritent d’être étudiées (Paragraphe II).
Paragraphe I. – Une légitime protection des professionnels contre les clauses abusives au sein du « Cadre commun de référence »
170. Tous les systèmes juridiques de l’Union européenne connaissent un dispositif de
protection contre les clauses abusives dans les relations entre professionnels et con-
sommateurs, et cela par transposition de la Directive de 1993 concernant les contrats
conclus avec les consommateurs.
171. En ce qui concerne l’étendue de cette protection aux professionnels, les tradi-
tions nationales sont divergentes : il serait donc intéressant et utile de les harmoniser
afin d’avoir un principe général commun (A). De plus, afin de conforter l’idée selon
laquelle cette protection des professionnels est légitime et serait nécessaire au plan eu-
ropéen, on peut constater que les trois projets élaborés pour l’harmonisation d’un droit
des contrats en Europe – les Principes du droit européen des contrats, le Projet acadé-
mique de cadre commun de référence et le Projet de cadre commun de référence – sont
unanimes pour consacrer un instrument de protection contre les clauses abusives dans
les relations entre professionnels103 (B).
103 Riffault-Silk J., op. cit. p. 23.
50
A. – Une nécessité d’harmonisation des traditions nationales divergentes
172. Les traditions nationales sont, en ce qui concerne la question de protection
contre les clauses abusives, profondément divergentes.
173. Ainsi, le droit allemand connaît depuis longtemps un système de protection de
tout contractant, consommateur ou professionnel, assujetti à des conditions générales
déraisonnables. C’est, comme nous l’avons vu104, ce que prévoit le paragraphe 307 du
BGB, selon lequel « les dispositions des conditions générales d’affaires sont inefficaces
lorsque, contrairement aux impératifs de la bonne foi, elles désavantagent le partenaire
contractuel du stipulant de manière déraisonnable [… ] ».
174. De nombreux droits se sont inspirés du droit allemand. À titre d’exemple, le
droit néerlandais, qui a suivi le modèle allemand105, prévoit au sein des articles 6:231 et
suivants du Nouveau code civil néerlandais, un dispositif très proche. L’article 6:233
dispose en effet qu’ « une stipulation faisant partie de conditions générales est annu-
lable :
a. si elle est déraisonnablement onéreuse pour l’autre partie, compte tenu de la na-
ture du contrat et de son contenu, de la manière dont les conditions ont été établies, et
des intérêts réciproquement évidents des parties, et des autres circonstances de
l’espèce ;
b. si l’utilisateur n’a pas offert au cocontractant une possibilité raisonnable de
prendre connaissance des conditions générales ».
175. Ensuite, on constate que le droit anglais prévoit un autre modèle puisqu’il pro-
tège les consommateurs en application du UTCCR et du UCTA, et les professionnels
pour certains types de clauses seulement par le UCTA106. Il a ensuite été question
d’étendre la protection prévue par le UTCCR pour les consommateurs aux petites entre-
prises, qui seraient alors assimilables à des consommateurs.
104 Supra, § 124 et s. 105 Witz C., « La protection contre les clauses abusives : quel modèle pour le futur Cadre commun
de référence ? », RDC, 1 avril 2009, n° 2, p. 883. 106 Supra, § 154 et s.
51
176. Enfin, certaines législations européennes, comme la législation italienne, réser-
vent la protection contre les clauses abusives au consommateur. Le législateur italien a
ainsi extrait du Codice civile les dispositions de transposition de la directive sur les
clauses abusives, qui figurent désormais aux articles 33 et suivants du Codice del con-
sumo. Ce « transport de normes107 », selon les termes d’Élise Poillot, a été fort critiqué
par la doctrine italienne. Ainsi, le professeur Guido Alpa avait souhaité maintenir les
textes traitant des clauses abusives dans le Codice civile, au motif que « l’interprète, au
regard de la localisation de ces dispositions au sein du Codice civile, aurait pu en donner
une interprétation extensive en y incluant aussi les rapports contractuels conclus entre
les professionnels et les parties qui pouvaient être assimilées à des consommateurs en
raison de leur situation, ainsi des petits entrepreneurs […]108 ». De plus, selon un autre
auteur italien, Cristina Amato, « l’application par analogie des règles issues du Code de
la consommation serait possible, à tout le moins dans toutes les situations où l’on peut
identifier un critère justifiant l’application de ce droit “sectoriel”, tel que le déséquilibre
entre les parties109 ». Il apparaît ainsi clairement qu’une partie de la doctrine italienne
semble plutôt défavorable à l’application de la législation sur les clauses abusives au
seul consommateur.
177. Cet aperçu des quelques législations européennes nous montre bien qu’elles sont
divergentes quant à leurs dispositifs de protection. Toutefois, il ne semble pas y avoir de
doute quant à la volonté de ces différents pays d’aller dans le sens d’une protection du
professionnel contre les clauses abusives, et non du seul consommateur. Il semblerait
alors opportun d’harmoniser ces différents dispositifs, afin d’avoir une solution com-
mune.
178. Il s’agit à présent de constater que les projets pour l’harmonisation d’un droit
des contrats en Europe sont unanimes pour consacrer un instrument de protection des
professionnels contre les clauses abusives.
107 Poillot E., Droit européen de la consommation et uniformisation du droit des contrats, préf. P. de Vareilles-Sommières, LGDJ, 2006, n° 811.
108 Alpa G., II commento, I contratti, 2005, n° 11, p. 1058 cité et traduit par É. Poillot, Droit euro-péen de la consommation et uniformisation du droit des contrats, op. cit., n° 809.
109 Amato C., « Le nouveau code italien de la consommation : innovation aboutie ou première es-quisse, RDC, 1er octobre 2007, p. 1281.
52
B. – Les projets pour l’harmonisation d’un droit des contrats en Europe,
unanimes pour la consécration d’un instrument de protection des pro-fessionnels contre les clauses abusives
179. Ce souhait d’introduire un principe général de protection du professionnel contre
les clauses abusives au niveau européen ne fait pas de doute, puisqu’il figure au sein de
tous les projets pour l’harmonisation d’un droit des contrats en Europe.
180. Ainsi, les Principes de droit européen des contrats issus de la Commission Lan-
do prévoient un article 4:110 relatif aux clauses abusives qui n’ont pas été l’objet d’une
négociation individuelle selon lequel :
« 1. Une clause qui n’a pas été l’objet d’une négociation individuelle peut être
annulée par une partie si, contrairement aux exigences de la bonne foi, elle crée
à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des par-
ties découlant du contrat, eu égard à la nature de la prestation à procurer, de
toutes les autres clauses du contrat et des circonstances qui ont entouré sa con-
clusion.
2. Le présent article ne s’applique pas :
a. à une clause qui définit l’objet principal du contrat, pour autant que la
clause est rédigée de façon claire et compréhensible ;
b. ni à l’adéquation entre la valeur respective des prestations à fournir par
les parties. »
181. Ce texte viserait ainsi à protéger tout contractant contre une clause abusive non
négociée.
182. Ensuite, Le projet de cadre commun de référence élaboré par l’Association Hen-
ri Capitant et la Société de législation comparée prévoit un article 4:208 selon lequel :
« 1. La nullité ou la révision d’une clause qui crée un déséquilibre contractuel
excessif peut être poursuivie à la demande du contractant au détriment duquel
elle est stipulée lorsque :
a. il était dans une situation de dépendance ou de faiblesse ;
53
b. ou que la loi protège spécialement ce contractant, notamment en raison
de sa qualité de consommateur.
2. Le présent article ne s’applique pas :
a. ni à une clause qui définit l’objet principal du contrat, pour autant que la
clause est rédigée de façon claire et compréhensible ;
b. ni à l’adéquation entre la valeur respective des prestations à fournir par
les parties. »
183. Ce texte protège également tout contractant contre une clause abusive lorsqu’elle
est stipulée dans les deux cas prévus.
184. Le Draft Common Frame of Reference comporte plusieurs dispositions relatives
aux clauses abusives puisque les articles 9:401 à 9:411 y sont consacrés. Il est intéres-
sant de constater que les articles 9:404, 9:405 et 9:406 sont consacrés à la signification
du mot « abusif » respectivement dans les contrats entre professionnel et consommateur,
entre parties non professionnelles et entre professionnels.
185. Il est ainsi intéressant de comparer les articles 9:404 et 9:406. Ainsi, le premier
prévoit que « dans un contrat entre un professionnel et un consommateur, une clause est
abusive aux fins de la présente section lorsqu’elle émane du professionnel et qu’elle
désavantage le consommateur de façon significative contrairement aux exigences de la
bonne foi », tandis que le second prévoit que « dans un contrat entre professionnels, une
clause n’est abusive aux fins de la présente section, que si elle fait partie de clauses
standardisées émanant de l’une des parties et qu’elle est de telle nature que son applica-
tion s’écarte manifestement des bonnes pratiques commerciales contrairement aux exi-
gences de la bonne foi ». On s’aperçoit ainsi que le critère du caractère abusif n’est pas
le même suivant les relations entre professionnels - consommateurs ou entre profession-
nels. Toutefois, une protection des parties est envisagée dans les deux cas.
186. Enfin, les principes de l’Acquis communautaire rédigés par le groupe acquis
communautaire comportent un article 6:301 intitulé « caractère abusif des clauses »,
selon lequel « une clause contractuelle, qui n’a pas été individuellement négociée, est
considérée comme abusive si, à l’encontre de l’exigence de bonne foi, elle désavantage
54
l’autre partie en créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des par-
ties au contrat ».
187. Ce texte envisage donc la clause abusive indépendamment de la qualité de con-
sommateur ou de professionnel.
188. Ces différents projets proposent ainsi un cadre juridique pour assurer la protec-
tion contre les clauses abusives. Il convient dès à présent d’étudier les lignes directrices
du contrôle de ces clauses, qui émanent des différents projets.
Paragraphe II. – Les lignes directrices du contrôle des clauses abusives dans les relations entre professionnels
189. Il apparaît que ces projets de textes présentent des points de convergence (A)
mais également de divergence (B).
A. – Les points de convergence au sein des projets pour l’harmonisation d’un
droit des contrats en Europe
190. Les différents projets évoqués pour l’harmonisation d’un droit des contrats en
Europe se réfèrent à une définition commune de l’abus (1) et sont également accordés
sur l’importance limite relative au contrôle de l’abus (2).
1. – Une référence commune relative à la définition de l’abus
191. Ces différents projets se sont manifestement tous inspirés de la fameuse direc-
tive de 1993, relative à la protection des consommateurs contre les clauses abusives,
selon laquelle une clause est abusive lorsque « elle crée au détriment du consommateur
un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du con-
trat110 ».
110 Directive du 5 avril 1993, 93/13/CEE, JOCE, L. 95/28, 21 avril 1993, op. cit, art. 3.
55
192. C’est ainsi que les Principes de droit européen des contrats définissent l’abus en
se référant au déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en vio-
lation du principe de bonne foi.
193. La proposition émanant du groupe constitué sous l’égide de l’Association Capi-
tant et de la Société de législation comparée se réfère, quant à elle, au déséquilibre con-
tractuel excessif, sans cette fois de référence à la bonne foi.
194. Enfin, le projet académique de Cadre commun de référence se montre plus pré-
cis en distinguant, pour définir l’abus, s’il s’agit d’un contrat entre un professionnel et
un consommateur, d’un contrat entre deux non professionnels, ou d’un contrat entre
deux professionnels. Ainsi, entre un professionnel et un consommateur, la clause est
abusive lorsqu’elle désavantage le consommateur de façon significative, et entre deux
professionnels, l’abus se définit en référence aux clauses standardisées et à la violation
du principe de bonne foi.
195. Bien que les définitions ne soient pas strictement les mêmes, il est assez frappant
de constater que l’abus se définit principalement comme le déséquilibre significatif ou
encore excessif entre les droits et obligations des parties.
196. Ces projets prévoient également une limite commune en ce qui concerne le con-
trôle de l’abus.
2. – Une limite commune relative au contrôle de l’abus
197. On retrouve dans ces différents projets la même limite selon laquelle le contrôle
de l’abus ne peut pas porter sur l’objet principal du contrat ou l’adéquation entre la va-
leur respective des prestations. Il faut ainsi éviter, par exemple, que le contrôle de l’abus
puisse déboucher sur une révision judiciaire du prix111.
198. Ainsi, il est prévu au sein des Principes de droit européen des contrats et du pro-
jet de Cadre commun de référence sous l’égide de l’Association Henri Capitant et de la
111 Witz (C.), op. cit, p. 883.
56
Société de législation comparée que « le présent article ne s’applique pas […] ni à
l’adéquation entre la valeur respective des prestations à fournir par les parties112 ».
199. De même, l’article 9:407 du Draft Common Frame of Reference relatif aux ex-
clusions de l’examen de l’abus, prévoit en son deuxième alinéa que « les clauses d’un
contrat qui sont rédigées de façon claire et compréhensible ne sont susceptibles d’être
jugées abusives ni quant à la définition de l’objet principal du contrat ni quant à
l’adéquation du prix à payer ».
200. Bien qu’il y ait des points de convergence entre ces projets, de nombreux points
de divergence sont également à soulever.
B. – Les points de divergence au sein des projets pour l’harmonisation d’un
droit des contrats en Europe
201. Les principaux points de divergence au sein des différents projets demeurent le
champ d’application du mécanisme de protection (1) et les modes de conclusion des
clauses (2).
1. – Divergences quant au champ d’application du mécanisme de pro-tection
202. Tous les professionnels méritent-ils protection ? À cette question, les projets
répondent de manière sensiblement différente.
203. En effet, selon les Principes européens de droit des contrats et le projet acadé-
mique de Cadre commun de référence, tous les professionnels, quelle que soit leur force
économique, ont vocation à être protégés. Rappelons brièvement à ce titre que les Prin-
cipes européens de droit des contrats envisagent les « parties au contrat » sans tenir
compte de leur qualité. Quant au projet académique de Cadre commun de référence, il
vise les trois possibilités de rapports contractuels, à savoir entre professionnels, entre
consommateurs ou entre un professionnel et un consommateur. Aucune restriction
n’apparaît ainsi quant au champ d’application de la protection.
112 Article 4:110, 2, b des Principes de droit européen des contrats et article 4:208, 2, b du Projet
de Cadre commun de référence (Association Henri Capitant et Société de législation comparée).
57
204. En revanche, le projet de Cadre commun de référence élaboré sous l’égide de
l’Association Capitant et la Société de législation comparée n’entend pas protéger tous
les professionnels. L’article contenu dans ce projet précise que, pour que le contrôle
puisse jouer, il faut que le cocontractant ait été dans une situation de dépendance ou de
faiblesse ou qu’il ait la qualité de consommateur113. Les cocontractants qui ne répondent
à aucun de ces critères ne pourront donc pas se prévaloir du caractère abusif d’une
clause contractuelle.
205. L’autre principale divergence entre ces projets est assez liée à celle du champ
d’application et a trait au mode de conclusion des clauses.
2. – Divergences quant au mode de conclusion des clauses
206. Selon les Principes de droit européen des contrats, les clauses négociées indivi-
duellement par les parties échappent au contrôle, ce qui se conçoit dans la mesure où la
volonté des parties, issue de la négociation, doit être respectée, sauf si le contrat place le
cocontractant dans une « situation de dépendance ou de faiblesse114 ».
207. Le Projet académique de Cadre commun de référence est un peu plus restrictif
quant à l’admission du contrôle. En effet, il faut qu’on soit en présence d’une clause
standardisée pour que celle-ci puisse être privée d’effet pour abus ;; l’absence de négo-
ciation individuelle ne suffit pas.
208. Enfin, le projet de Cadre commun de référence élaboré sous l’égide de
l’Association Capitant et la société de législation comparée prévoit que toutes les
clauses peuvent être l’objet d’un contrôle, même si elles ont été négociées individuelle-
ment. Cependant, il faut se rappeler que tous les professionnels ne sont pas protégés, ce
qui explique qu’il n’y ait pas de restriction en ce qui concerne le mode de conclusion
des clauses.
209. Il est intéressant de noter que, de manière générale, ces projets sont inspirés de
différentes traditions nationales. Les Principes de droit européen des contrats et le Projet
113 Article 4:208 al.1 du Projet de Cadre commun de référence (Association Henri Capitant et So-
ciété de législation comparée). 114 Article 4:208 al 1, a) du Projet de Cadre commun de référence, op. cit.
58
académique de Cadre commun de référence prévoient un mode de protection justifié par
les conditions particulières de conclusion des clauses contractuelles. Ils se rapprochent
en cela de la tradition allemande qui exclut du contrôle les clauses contractuelles indivi-
duellement négociées entre les parties. L’autre projet de Cadre commun de référence,
élaboré sous l’égide de l’Association Capitant et la société de législation comparée, se
rapprocherait davantage du modèle anglais, qui envisage d’étendre la protection aux
petites entreprises.
210. La nécessité de protéger le professionnel dans notre droit ne fait plus de doute.
Par ailleurs, cette étude comparative permet de comprendre que le droit français est loin
d’être le seul à se soucier de cette problématique, puisqu’elle est envisagée par tous les
droits européens – nous avons seulement étudié les plus emblématiques – et devrait fi-
gurer à titre de principe général en droit européen.
211. Le professionnel faible est à protéger et le choix du droit français fut celui de
l’instauration du déséquilibre significatif au sein du Code de commerce, a priori oppor-
tun.
59
Chapitre II. – L’instauration d’un mécanisme de protection du professionnel
faible en droit français : le choix d’une réforme de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce
212. Selon l’ancien article L. 442-6-I, 2, b) du Code de commerce, en vigueur avant
2008, et issu de la loi NRE du 15 mai 2001115 :
« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice
causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatri-
culée au répertoire des métiers : […]
D'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou
de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commer-
ciales ou obligations injustifiées […]. »
213. Dans l’article L. 442-6-I-2°, issu de la loi LME du 4 Août 2008, est désormais
sanctionné le « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties », no-
tion qui remplace celles « d’abus de relation de dépendance » et de « puissance
d’achat » donnant lieu à des « conditions commerciales injustifiées ».
214. Il s’agit dans un premier temps de voir quelles motivations ont conduit à intro-
duire la notion de « déséquilibre significatif » au sein de cet article (Section I) afin de
savoir pourquoi la modification était nécessaire, et ensuite de tenter d’analyser ce choix
du « déséquilibre significatif », d’inspiration consumériste (Section II).
Section I. – Les motivations de la modification de l’article L. 442-6, I, 2-b)
215. La réforme de l’article L. 442-6 du Code de commerce souhaite principalement
répondre à un « souci de simplification et d’effectivité116 ». Ainsi, l’introduction du
115 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.
60
terme de « déséquilibre significatif » à la place des notions d’« abus de relation de dé-
pendance » et de « puissance d’achat » semble motivée par le manque d’efficacité de cet
article (Paragraphe I) et le souhait d’adopter un dispositif général efficace (Paragraphe
II).
Paragraphe I. – L’introduction de la notion de « déséquilibre significatif » motivée par le manque d’efficacité de l’ancien article L. 442-6, I, 2, b)
216. Les réformes adoptées en 2008, notamment par la loi LME, ont été portées par
différents rapports, dont le rapport Hagelsteen. En effet, missionnée par le ministère de
l’Économie le 15 novembre 2007, Marie Dominique Hagelsteen a rendu le 12 février
2008 un rapport intitulé « La négociabilité des tarifs et des conditions générales de
vente », qui procède à un historique et à un bilan de l’ensemble du droit des pratiques
restrictives117.
217. Ce rapport Hagelsteen évoque, à propos de l’article L. 442-6, I, 2, b) qu’il
« s’agit d’un instrument dont on pourrait penser qu’il est particulièrement adapté à la
régulation des relations entre les fournisseurs et la grande distribution, eu égard au rap-
port de forces existant au profit de celle-ci. Mais il demeure, en pratique, très peu appli-
qué118 ».
218. En effet, les bilans effectués par la Direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes et par la Commission d’examen des pra-
tiques commerciales, mettent en évidence la rareté des cas d’application de ce texte119
qui n’a donné lieu qu’à quelques arrêts d’appel et à une décision de la Cour de cassation
en date du 23 octobre 2007120.
116 Arhel P., Loi de modernisation de l’économie, LPA, 7 Août 2008, p. 4. 117 Claudel E., « Réformes du droit français de la concurrence : le grand jeu ? », RTD Com. 2008,
p. 698. 118 Rapport de Marie Dominique Hagelsteen, La négociabilité des tarifs et des conditions géné-
rales de vente, 12 février 2008, p. 29. 119 CEPC, Rapport d’activité 2007-2008, p. 137. 120 Cass. com. 23 octobre 2007, n° 06-14.981.
61
219. Dans cet arrêt, la chambre commerciale de la Cour de cassation reproche aux
juges du fond de s’être déterminés, pour admettre l’existence d’une situation de dépen-
dance économique « par des motifs impropres à établir que le loueur de camion avec
chauffeur ne disposait pas de la possibilité de substituer à son donneur d’ordre un ou
plusieurs autres donneurs d’ordre lui permettant de faire fonctionner son entreprise de
transport dans des conditions techniques et économiques comparables à celle résultant
des relations contractuelles nouées avec le transporteur principal, sans rechercher […]
s’il n’avait pas librement décidé de ne pas engager une nouvelle collaboration avec ce
dernier ».
220. Cet attendu révèle l’exigence d’une démonstration préalable d’une relation de
dépendance, entendue comme l’impossibilité de substituer à son cocontractant un ou
plusieurs autres opérateurs qui lui permettent de faire fonctionner son entreprise dans
des conditions techniques et économiques comparables à celles qui résultent des rela-
tions contractuelles nouées121. Or il apparaît que cette définition s’inspire clairement
d’un arrêt de la chambre commerciale en date du 3 mars 2004122, qui concernait l’état
de dépendance économique au sein des pratiques anticoncurrentielles visé par l’article
L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce et non la relation de dépendance.
221. Cela dénote, comme l’avait déjà relevé la Commission d’examen des pratiques
commerciales dans son précédent rapport123, une « tendance à réduire cette notion la
relation de dépendance à la dépendance économique et à transposer, par voie de consé-
quence, la définition retenue par la jurisprudence sur le fondement de l’article L. 420-2
alinéa 2 du Code de commerce ». Or, l’état de dépendance économique au sens du droit
des pratiques anticoncurrentielles est assujetti à des conditions si rigoureuses qu’il est
exceptionnel qu’il soit accueilli par les autorités de concurrence124.
222. Ainsi, il apparaît que l’exigence de démonstration préalable d’une relation de
dépendance ou de puissance d’achat faisait obstacle à l’application de l’ancien article L.
442-6, I, 2, b). La notion de « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des
121 CEPC, Rapport d’activité 2007-2008, op. cit. p. 37. 122 Cass. com. 3 mars 2004, n° 02-14.529. 123 CEPC, Rapport d’activité 2006-2007, p. 154. 124 Malaurie-Vignal M., « Le nouvel article L. 442-6 du Code de commerce apporte-t-il de nou-
velles limites à la négociation contractuelle ? », CCC n° 11, novembre 2008, p. 5.
62
parties » est venue remplacer celle « d’abus de la relation de dépendance » ou de « puis-
sance d’achat » de telle sorte qu’il n’est désormais plus nécessaire de prouver un état de
dépendance ou une puissance d’achat125.
223. Dans l’espoir de disposer d’une notion plus efficace, le déséquilibre significatif a
ainsi pris la place de l’abus de relation de dépendance, qui avait lui-même antérieure-
ment été présenté comme la solution idéale126.
224. La mesure consistant à remplacer la prohibition de l’abus de relation de dépen-
dance par le déséquilibre significatif s’explique également par le souhait du législateur
d’adopter un dispositif général.
Paragraphe II. – L’introduction de la notion de « déséquilibre significatif » motivée par la volonté du législateur d’adopter un dispositif de
protection général
225. On retrouve au sein du rapport d’activité de la Commission d’examen des pra-
tiques commerciales de 2007-2008127 les deux grandes orientations possibles pour la
réécriture du texte.
226. Une des possibilités présentées consiste à établir une liste d’abus. Les avantages
sont évidents : les pratiques abusives sont expressément visées, la mise en œuvre par les
juridictions ne peut être que simplifiée et peut avoir un rôle dissuasif pour les entre-
prises. Il résulte pourtant de cette option un inconvénient majeur : la règle ne saurait être
applicable dans d’autres hypothèses que celles qui sont visées.
227. L’autre méthode consiste à énoncer une règle générale, permettant
d’appréhender tout comportement qui entre dans le champ de cette définition. Elle
« présente l’intérêt d’une adaptation aux pratiques inédites sans nouvelle intervention
législative ». Cette formule présente elle aussi un inconvénient, qui est de mettre en
œuvre une règle générale. En effet, une telle disposition octroie aux juridictions une
125 Malaurie-Vignal M., « La LME affirme la liberté de négociation et sanctionne le déséquilibre significatif », CCC n° 10, Octobre 2008, p. 3.
126 Fourgoux J.-L. , « Déséquilibre significatif et cohérence du droit des pratiques restrictives », Concurrences, n° 2-2011, p. 7.
127 CEPC, Rapport d’activité 2007-2008, op. cit, p. 142.
63
marge d’appréciation bien plus importante que lorsqu’il s’agit d’appliquer des règles
précises.
228. La volonté du législateur a pourtant été d’adopter un dispositif général. Bien
qu’il se soit montré peu intéressé par la question de l’équilibre contractuel, ce qui ex-
plique la pauvreté des débats en la matière128, on retrouve toutefois des éléments à
l’appui.
229. On retrouve ainsi dans les débats parlementaires une formule de Luc Chatel se-
lon laquelle « il est préférable de conserver une définition souple et générale de l’abus
qui pourra s’appliquer dans un grand nombre de situations différentes […] ». De plus,
selon Jean-Paul Charié, « les hypothèses de déséquilibre significatif entre les parties
sont innombrables, il faut éviter de les énumérer dans la loi ».
230. La volonté du législateur apparaît ainsi d’adopter un dispositif général, à savoir
« le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties », notion inspirée
du dispositif consumériste, tel qu’il figure à l’article L. 132-1 du Code de la consomma-
tion.
Section II. – Un choix rédactionnel d’inspiration consumériste : Pourquoi ? Quels impacts ?
231. La réforme opérée par la loi LME de 2008 traduit très clairement le choix d’un
rapprochement avec le droit de la consommation en reprenant le terme de « déséquilibre
significatif » de l’article L. 132-1 du Code de la consommation (Paragraphe I). Cepen-
dant, la simple transposition de cette notion soulève déjà quelques difficultés
d’interprétation (Paragraphe II).
128 Malaurie-Vignal M., « Le nouvel article L. 442-6 du Code de commerce apporte-t-il de nou-
velles limites à la négociation contractuelle ? », CCC, n° 11, Novembre 2008, op .cit, p. 1.
64
Paragraphe I. – Le choix d’un rapprochement avec le droit de la consommation
232. Ce rapprochement avec le droit de la consommation est volontaire. Ainsi, lors
des débats parlementaires, le Professeur D. Fasquelle, député à l’Assemblée nationale,
avait proposé la notion « d’obligations disproportionnées », et non celle de « déséqui-
libre significatif ». Cette proposition a été rejetée par le rapport Charié au motif qu’il
s’agissait d’un retour en arrière129.
233. Cela peut s’expliquer au regard de l’évolution du droit de la consommation. En
effet, dans le régime antérieur à la réforme issue de la loi du 1er février 1995130, trois
critères étaient requis afin d’établir le caractère abusif d’une clause : l’imposition de la
clause, la dépendance économique et l’avantage excessif à celui qui l’impose. La notion
de clause abusive pouvait être rattachée à l’absence de liberté de l’une des parties dans
la conclusion du contrat ou à l’absence d’un consentement éclairé.
234. Ces critères pouvaient être remis en cause, car comme l’affirme Guy Raymond,
« l’abus de puissance économique ne figurait pas dans la directive européenne et beau-
coup avaient considéré que cette condition faisait double emploi d’une part avec la no-
tion de professionnel, d’autre part avec l’avantage excessif : il allait de soi, selon cer-
tains, que s’il y avait avantage excessif c’était en raison d’un abus de puissance écono-
mique131 ».
235. L’article L. 132-1 du Code de la consommation issu de la loi de 1995, offrait
ainsi l’avantage de simplifier considérablement les critères d’appréciation du caractère
abusif de la clause. Désormais, un seul critère était mis en place, celui du déséquilibre
significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du con-
sommateur. Il n’était ainsi plus question de dépendance économique, ni d’avantage ex-
129 Malaurie-Vignal M., « Le nouvel article L. 442-6 du Code de commerce apporte-t-il de nou-
velles limites à la négociation contractuelle ? », CCC n° 11, novembre 2008, op. cit. p. 5. 130 Loi n° 95-96 du 1er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats
et régissant diverses activités d’ordre économique et commercial. 131 Raymond G., Fasc. 820, « Clauses abusives », Jurisclasseur Concurrence-Consommation, 05,
2012, p. 23.
65
cessif. « La philosophie qui sous-tend cette nouvelle rédaction conduit à dire que c’est
moins la notion de vice du consentement qui inspire cette législation que la notion
d’abus du droit et surtout l’équilibre des prestations contractuelles […]. S’il y a rupture
d’égalité, il y a abus de la part du plus fort à l’égard du plus faible, le consommateur
étant assimilé au plus faible et le professionnel au plus fort132 ».
236. Le législateur semble, en 2008, avoir voulu suivre ce mouvement initié par le
droit de la consommation.
237. Au-delà de ce rapprochement, et selon Marie Malaurie-Vignal, « la réforme ne
signifie pas que le professionnel est un consommateur. Mais l’adoption d’une notion
commune avec le droit de la consommation traduit une unité fondamentale de la relation
fournisseur-distributeur-consommateur. L’idée est que si l’on maltraite le fournisseur ou
le distributeur, le consommateur est également victime. L’évolution du droit de la con-
currence interne et communautaire traduit cette unité fondamentale de la relation de
distribution. Le consommateur est au cœur de cette relation ».
238. La réforme de la Loi LME du 4 août 2008 traduit indiscutablement cette volonté
de rapprochement avec le droit de la consommation. Pourtant, on ne peut nier que les
secteurs du droit de la consommation et du droit de la concurrence ne sont absolument
pas les mêmes et des doutes surgissent déjà quant à l’interprétation que l’on pourrait
avoir de cette nouvelle notion introduite au sein de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de
commerce.
Paragraphe II. – Premières hésitations sur la transposition de la notion de « déséquilibre significatif » au sein du Code de commerce
239. La notion de « déséquilibre significatif », utilisée en droit de la consommation
pour lutter contre les clauses abusives est transposée telle quelle dans le Code de com-
merce. Le déséquilibre significatif, tel qu’il figure dans le Code de la consommation en
tant qu’instrument de lutte contre les clauses abusives imposées aux consommateurs, est
soumis à une application encadrée. Le déséquilibre significatif du Code de commerce
132 Ibid.
66
peut-il être appréhendé de la même façon ? Il est permis d’en douter, et ce à plusieurs
égards.
240. Ainsi, en droit de la consommation, l’article L. 132-1 s’applique dans les con-
trats conclus entre professionnels et consommateurs ou non professionnels, ceux-ci
étant chacun clairement identifiés : le professionnel est « la personne physique ou mo-
rale qui agit dans le cadre d’une activité habituelle et organisée de production, de distri-
bution ou de prestation de service133 » ; le consommateur, quant à lui, est « une per-
sonne physique qui se procure ou qui utilise un bien ou un service pour un usage non-
professionnel134 ».
241. Il est vrai que la notion de non-professionnel avait entraîné quelques doutes135 :
fallait-il l’assimiler au consommateur ou l’interpréter différemment ? La jurisprudence a
apporté son interprétation pour retenir que sont exclus du champ d’application de
l’article L. 132-1 du Code de la consommation les contrats qui ont un rapport direct
avec l’activité professionnelle du contractant136.
242. Le « déséquilibre significatif » tel qu’il figure au sein de l’article L. 442-6, I, 2°
du Code de commerce a vocation à s’appliquer entre professionnels et non entre profes-
sionnels et consommateurs. Mais qu’entendre par professionnel ? Est-il possible d’avoir
une définition du professionnel « faible » aussi claire et précise que celle du consomma-
teur ?
243. C’est à cette question que Thomas Génicon répond : « Je pense que n’existe pas
l’équivalent de la figure du consommateur dans les relations entre professionnels. Pour-
quoi ? Parce que si l’on arrive assez bien à définir le consommateur aujourd’hui, je ne
crois pas qu’on puisse parvenir à trouver une définition technique équivalente pour les
professionnels “faibles”. Ce qu’on arrive au mieux à identifier, ce n’est pas une per-
sonne, mais une situation (un rapport de force déséquilibré)137. » Ici réside une première
133 Calais-Auloy J., Temple H., Droit de la consommation, Précis Dalloz, 8e éd, 2010, p. 4. 134Ibid., p. 8 135 Supra, § 39 et s. 136 Cass. civ 1e, 24 janvier 1995, n° 92-18.227. 137 Génicon T., Mazeaud D., « Protection des professionnels contre les clauses abusives », RDC,
1er janvier 2012 n° 1, p. 276.
67
hésitation importante : pourra-t-on définir le professionnel faible et aboutir à un contrôle
généralisé des clauses abusives ?
244. En second lieu, il convient de relever que le droit de la consommation a
l’expérience de ce qu’est une clause abusive138. D’une part, on sait que certaines clauses
ne peuvent être abusives, à savoir les clauses légales ou réglementaires et les clauses
principales et financières139. Les clauses légales ou réglementaires sont celles dont le
contenu est imposé ou autorisé par un texte de même nature : elles échappent en prin-
cipe au contrôle de l’abus. En effet, dire qu’une clause légale est abusive reviendrait à
dire que la loi est illicite, ce qui est impossible, et dire qu’une clause réglementaire est
abusive reviendrait à constater l’illégalité d’un acte administratif, ce qui échapperait au
pouvoir du juge judiciaire.
245. Les clauses principales et les clauses financières ne sont pas non plus soumises
au contrôle de l’abus. Il résulte en effet de l’article L. 132-1 alinéa 7 du Code de la con-
sommation que « l’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la défini-
tion de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au
bien vendu ou au service offert, pour autant que les clauses soient rédigées de façon
claire et compréhensible140 ». Il résulte de ce texte deux règles importantes : la première
est que le principe reste la liberté contractuelle et que le juge ne saurait se prononcer sur
la définition de l’objet principal du contrat ;; la seconde est que le contrôle de l’équilibre
ne peut être un contrôle de la lésion. Comme l’affirme Xavier Lagarde, « l’idée est que
sur ce point, la meilleure protection du consommateur vient du libre jeu de la concur-
rence, qui tire les prix vers le bas, bien plus que d’un contrôle judiciaire de l’adéquation
du prix au service rendu141 ».
246. D’autre part, deux sortes de clauses apparaissent comme susceptibles d’être abu-
sives selon une synthèse de la jurisprudence, à savoir celles qui menacent l’économie de
la convention et celles qui octroient un avantage au professionnel142. Les clauses qui
138 Sauphanor-Brouillaud, « Clauses abusives dans les contrats de consommation : critères de
l’abus », CCC n° 6, Juin 2008, étude 7. 139 Lagarde X., « Qu’est-ce qu’une clause abusive ? Étude pratique », JCP G n° 6, 8 février 2006, I
110, p. 3. 140 Annexe 2, p. 114 141 Lagarde X., art. cité, p. 3. 142 Lagarde X., art. cité, pp. 4-5.
68
respectent l’économie du contrat sont celles qui permettent de garantir la réalisation
effective de l’équilibre désiré par les parties. Les clauses qui menacent une telle réalisa-
tion doivent être considérées comme abusives. Ensuite, pour les clauses qui octroient un
avantage au professionnel, on peut constater que l’identification de l’avantage procède
d’une comparaison entre le contrat tel qu’il est et le contrat tel qu’il serait, sans la clause
examinée. L’avantage résulte ainsi du fait que la clause améliore la situation du profes-
sionnel en comparaison de ce qu’elle serait sans l’application des dispositions en cause.
247. Les clauses abusives en droit de la consommation sont ainsi assez bien identi-
fiables. Il est relativement aisé de reconnaître celles qui sont susceptibles d’être abu-
sives et celles qui ne peuvent pas l’être. Qu’en est-il en droit commercial ? Peut-on
transposer ces critères d’application ou non ? Quels critères poser ?
248. Eu égard à ces premières hésitations, il est désormais légitime de penser que la
transposition du terme de « déséquilibre significatif » en droit de la concurrence au sein
de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce est opportune mais peut être trop au-
dacieuse.
69
CONCLUSION
249. Le législateur a mis en place un système autonome de protection des profession-
nels contre les clauses abusives au sein de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de com-
merce : ce dispositif a transposé l’esprit et les termes du droit de la consommation au
sein du droit des professionnels. Et comme l’affirme Denis Mazeaud, on ne peut que
« se féliciter de la mise en place d’une règle spéciale en ce qu’elle permet de corriger
certaines inexactitudes, certaines approximations qui avaient été commises au nom de la
protection des professionnels contre les clauses abusives143 ». En effet, pour protéger les
professionnels en 2008, les seuls moyens qui pouvaient être utilisés étaient issus du
droit commun des contrats. Or ils se sont avérés insuffisants pour assurer une protection
efficace du professionnel « faible ». De ce point de vue, l’introduction du terme de dé-
séquilibre significatif au sein du Code de commerce apparaît bel et bien opportune.
250. Par ailleurs, une approche comparatiste nous permet de voir que d’autres pays
européens ont adopté des systèmes de protection des professionnels contre les clauses
abusives et que tous les projets d’harmonisation européens font référence à cette protec-
tion des professionnels qui s’avère nécessaire. Notre droit français a fait de même en
introduisant cette protection au sein de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce.
Cela s’avérait opportun.
251. Pourtant, de trop nombreuses questions se posent déjà : quelle interprétation
adopter ? Comment mettre en œuvre cette notion ? Ainsi, l’introduction du terme de
déséquilibre au sein du Code de commerce ne crée-t-elle pas plus de problèmes qu’elle
n’en résout ? Cette transposition peut aisément faire l’objet d’une remise en cause.
143 Mazeaud D., « Protection des professionnels contre les clauses abusives », RDC, 1er janvier
2012 n° 1, p. 276.
70
PARTIE II –
LA REMISE EN CAUSE DE LA TRANSPOSITION DU TERME DE « DESEQUILIBRE SIGNIFICATIF » AU SEIN DE L’ARTICLE L.
442-6, I, 2° DU CODE DE COMMERCE
252. La loi LME du 4 août 2008 a introduit dans le Code de commerce une règle qui,
manifestement inspirée du dispositif consumériste de lutte contre les clauses abusives,
est « susceptible d’exercer une forte emprise sur les contrats d’affaires144 ». Ses con-
tours suscitent pourtant de nombreuses interrogations qui soulèvent des difficultés
d’application (Titre I). Par ailleurs, l’utilisation de cette notion de « déséquilibre signifi-
catif » n’est pas sans entraîner certains risques (Titre II).
TITRE I. – LES DIFFICULTES D’APPLICATION DE L’ARTICLE L. 442-6, I, 2° DU CODE DE COMMERCE
253. La notion de déséquilibre significatif n’est pas nouvelle dans notre législation :
elle figure déjà au sein de l’article L.132-1 du Code de la consommation. Pourtant, et
comme l’affirme Nicolas Mathey, « bien que l’inspiration consumériste des dispositions
de la loi de modernisation de l’économie ne fasse aucun doute, la portée de l’analogie
avec la notion du droit de la consommation reste source d’interrogation145 ».
254. L’interprétation de ce déséquilibre significatif n’est pas une tâche facile car il
apparaît comme une notion aux contours pour le moins incertains (Chapitre I). L’étude
de la jurisprudence nous permettra d’appréhender la façon dont les tribunaux consu-
laires l’envisagent (Chapitre II).
144 Chagny M., « Droit des contrats », JCP G, 3 mai 2010, 516, p. 3. 145 Mathey N., « Le déséquilibre significatif : approches civiliste et consumériste », CCC n° 5, mai
2013, dossier 3, p. 3.
71
Chapitre I. – Une interprétation difficile du déséquilibre significatif : une notion aux contours incertains
255. Il semble souhaitable, « afin d’assurer un minimum de prévisibilité au droit dans
une matière où les sanctions peuvent être non négligeables146 » de tenter d’élaborer une
analyse de la notion de déséquilibre significatif afin de savoir comment l’interpréter
(Section I) et d’essayer de savoir quels peuvent être les comportements prohibés (Sec-
tion II).
Section I. – Tentative d’élaboration d’une grille d’analyse de la notion de déséqui-libre significatif
256. Le premier réflexe pour tenter d’interpréter cette notion serait de se tourner vers
le droit de la consommation, mais « ce réflexe ne serait pas forcément le bon147 ». De
nombreux éléments peuvent nous pousser à croire que ces notions doivent s’interpréter
de la même façon et qu’il pourrait s’agir de notions jumelles (Paragraphe I). Or, il
s’avère qu’au-delà de l’identité des termes, on doit admettre qu’il s’agit en vérité de
« faux jumeaux » (Paragraphe II).
Paragraphe I. – Une croyance légitime en de « vrais jumeaux »
257. De nombreux éléments, peuvent, de prime abord, nous faire penser que les no-
tions de déséquilibre significatif en droit de la consommation et en droit des affaires
sont les mêmes.
258. Avant toute chose, rappelons que le législateur a repris au sein de l’article L.
442-6, I, 2° du Code de commerce la notion juridique de déséquilibre significatif entre
146 Ibid., p. 5. 147 Behar-Touchais M., « La sanction du déséquilibre significatif dans les contrats entre profes-
sionnels », RDC, 1 janvier 2009, n° 1, p. 202.
72
les droits et obligations des parties telle qu’elle figure à l’article L. 132-1 du Code de la
consommation, reprenant lui-même les termes de l’article 3 de la directive 93/13/CEE
du 5 avril 1993. Ainsi, « les deux mots clés étant les mêmes, ils ne peuvent signifier le
contraire à un code de distance148 ». Il existe en effet des analogies entre les situations
envisagées, outre l’identité des termes.
259. Un premier point commun résulte de l’inégalité du rapport de force entre les
parties : « Dans un cas, il permet de ne pas négocier, c’est la pratique du contrat
d’adhésion, tandis que dans l’autre, la négociation est nécessaire mais reste déséquili-
brée. Dans tous les cas, on reconnaît que le contrat n’est pas nécessairement juste et
équilibré149. » Ainsi, il ne fait pas de doute que l’introduction du déséquilibre significa-
tif à l’article L. 442-6, I, 2° a pour objectif de protéger la partie la plus faible de la rela-
tion contractuelle. « De même que les consommateurs, les professionnels en situation de
faiblesse doivent être protégés des abus commis par leurs partenaires en situation de
force150. »
260. Ensuite, on peut voir que la Commission d’examen des pratiques commerciales
(CEPC), créée en 2001 par la loi NRE151, dispose d’un rôle que l’on peut rapprocher de
celui de la Commission des clauses abusives pour la protection des consommateurs,
instituée par la loi du 10 janvier 1978152. Ainsi, la CEPC est appelée, en application de
l’article L. 440-1 du Code de commerce à rendre des avis ou à formuler des recomman-
dations concernant notamment la conformité au droit de pratiques et contrats portés à sa
connaissance.
261. Cette analogie a été renforcée par la décision du Conseil constitutionnel en date
du 13 janvier 2011153 rendue sur question prioritaire de constitutionnalité. En effet, le
Tribunal de commerce de Bobigny, par une décision du 13 juillet 2010, a souhaité poser
148 Catala P., « Des contrats déséquilibrés », Études à la mémoire de Fernand Charles Jeantet,
Lexis Nexis, éd. 2010, p. 86. 149 Mathey N., « Le déséquilibre significatif : approches civiliste et consumériste », op. cit, p. 2. 150 Utzschneider Y., Lamothe A., « Que penser d’une règle de protection contre les clauses abu-
sives dans le Code de commerce ? », RDC, 1er juillet 2009 n° 3, p. 1261. 151 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. 152 Loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de pro-
duits et de services, dite « loi Scrivener ». 153 Cons. const., 13 janvier 2011, déc. n° 2010-85 QPC, Darty.
73
une question préjudicielle de constitutionnalité, ce que la Cour de cassation, par arrêt du
15 octobre 2010154 a accepté, en considérant que la question était sérieuse155.
262. La principale difficulté résidait dans l’imprécision de la notion de déséquilibre
significatif alors que l’amende civile pouvait faire peser sur l’auteur de l’abus une sanc-
tion très lourde, de nature quasi répressive. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel
a d’abord admis l’application du principe de légalité des délits et des peines en la ma-
tière et a ensuite considéré que « le législateur s’est référé à la notion juridique de désé-
quilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui figure à l’article L. 132-
1 du Code de la consommation … ;; qu’en référence à cette notion, dont le contenu est
déjà précisé par la jurisprudence, l’infraction est définie dans des conditions qui permet-
tent au juge de se prononcer sans que son interprétation puisse encourir la critique
d’arbitraire ». Le Conseil constitutionnel reconnaît également un rôle important à la
Commission d’examen des pratiques commerciales qui peut être saisie pour avis par le
juge.
263. Cette décision a suscité de nombreuses critiques156, notamment celle de Daniel
Mainguy pour qui « nul ne sait ni ne peut savoir ce que sera l’avenir de ce texte et celui
de son interprétation et le premier à tout en ignorer est le Conseil constitutionnel qui n’a
livré qu’une toute petite partie, la plus évidente et la plus mauvaise, des interprétations
possibles157 ».
264. Si c’est un alignement sur le droit de la consommation qui est prôné, alors
l’interprétation de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce devrait se faire comme
en matière de droit de la consommation158. Or la majorité des auteurs159 s’accordent à
154 Cass. com. 15 octobre 2010, n° 10-40.039. 155 Fourgoux J.-L., « Déséquilibre significatif : une validation par le Conseil constitutionnel qui
marie droit de la concurrence et droit de la consommation en matière de clauses abusives », CCC n° 3, mars 2011, étude 5, p. 2.
156 Notamment : Berg-Moussa A., « Notion de déséquilibre significatif et action du ministre : point d’étape et nouveaux questionnements », JCP E n° 9, 1er mars 2012, 1139, p. 2 ; Mainguy D., « Le Conseil constitutionnel et l’article L. 442-6 du Code de commerce », JCP E n° 7, 17 février 2011, 1136, pp. 5-6 ; Fourgoux J-L., op. cit. pp. 2-3.
157 Mainguy D., op. cit. , p. 6. 158 Fourgoux J-L., « Déséquilibre significatif : une validation par le Conseil constitutionnel qui
marie droit de la concurrence et droit de la consommation en matière de clauses abusives », op. cit., p. 3. 159 A titre d’exemple : Behar-Touchais M., « La sanction du déséquilibre significatif dans les con-
trats entre professionnels », RDC 1er janvier 2009, n° 1, p. 202 ; Saint-Esteben R., « L’introduction par la loi LME d’une protection des professionnels à l’égard des clauses abusives : un faux ami du droit de la
74
penser que cette analogie entre le déséquilibre significatif au sein du Code de la con-
sommation et au sein du Code de commerce présente bien des limites et qu’on ne peut
interpréter l’un à la lumière de l’autre.
265. En effet, et selon Pierre Catala, « on doit admettre qu’il s’agit de faux jumeaux,
ne fût-ce qu’à raison de leur contexte. L’un est issu du droit de la consommation, l’autre
s’introduit dans le droit de la concurrence, deux systèmes juridiques qui n’ont en com-
mun ni les mêmes finalités, ni les mêmes techniques160 ».
Paragraphe II. – La révélation de « faux jumeaux161 »
266. Bien que l’identité des termes frappe à première lecture, il est incontestable qu’il
existe des différences manifestes entre le déséquilibre significatif envisagé pour la pro-
tection des consommateurs et celui qui figure dans le Code de commerce, et qui est en-
visagé pour la protection des professionnels.
267. Tout d’abord, il est important de constater que le droit de la consommation vise
à protéger les intérêts du consommateur dans ses rapports avec le professionnel. Il s’agit
d’une « sauvegarde unilatérale dont un seul des opérateurs bénéficie162». Le droit de la
concurrence, quant à lui, ne reconnaît aucune victime désignée a priori : le texte est
rédigé de manière bilatérale163, c’est-à-dire qu’il sanctionne aussi bien les déséquilibres
significatifs imposés par le distributeur à son fournisseur que ceux qu’un fournisseur
impose à son distributeur. C’est pourquoi l’article L. 442-6, I, 2° du Code de com-
consommation », RDC 1er juillet 2009, n° 3, p. 1275 ; Catala P., « Des contrats déséquilibrés », Études à la mémoire de Fernand Charles Jeantet, Lexis Nexis, éd. 2010, p. 84 ; Mainguy D., « Le Conseil constitu-tionnel et l’article L. 442-6 du Code de commerce », JCP E n° 7, 17 février 2011, 1136, p. 6 ; Fourgoux J-L., « Déséquilibre significatif : une validation par le Conseil constitutionnel qui marie droit de la con-currence et droit de la consommation en matière de clauses abusives », CCC n° 3, mars 2011, étude 5, p. 2 ; Mathey N., « Le déséquilibre significatif : approche civiliste et consumériste », CCC n° 5, mai 2013, dossier 3, p. 4.
160 Catala P., Ibid. p. 84. 161 Ibid. 162 Ibid. p. 85 163 Behar-Touchais M., « La sanction du déséquilibre significatif dans les contrats entre profes-
sionnels », RDC, 1er janvier 2009 n° 1, p. 202.
75
merce164 emploie le terme « partenaire commercial », visant indistinctement le fournis-
seur ou le distributeur.
268. Ensuite, à la différence de l’article L. 132-1 du Code de la consommation,
l’article L. 442-6 du Code de commerce évoque le fait de « soumettre ou de tenter de
soumettre » un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significa-
tif entre les droits et obligations des parties. Par ce seul mot, « soumettre », la loi carac-
térise la puissance de l’un et l’infériorité de l’autre. Comme l’affirme Robert Saint-
Esteben, « cette référence à un élément subjectif et “personnel” à côté du simple effet
objectif de la pratique, constitue une différence radicale avec le système des clauses
abusives pour les consommateurs dont la structure est désormais et certainement pure-
ment objective : « sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet […]165 ».
269. Il est pourtant important de relever qu’il ne s’agit pas d’établir, comme le pré-
voyait l’ancien article L. 442-6, I, 2°, b) du Code de commerce, un « état de dépen-
dance » ou un « abus de puissance ou d’achat » préalablement à l’abus. Cependant,
« une ou plusieurs obligations acceptées par le professionnel sans l’exercice à son égard
de la moindre contrainte ou pression résultant d’un rapport de force, ne sauraient être
« abusives », au sens du Code de commerce, faute d’avoir été « soumises », et ce,
qu’elle que soit la conséquence objective pour la partie qui les a acceptées166 ».
270. Enfin, et il ne s’agit pas d’une différence de moindre importance, le Code de
commerce ne reproduit pas la disposition prévue à l’alinéa 7 de l’article L. 132-1 du
Code de la consommation, selon laquelle « l’appréciation du caractère abusif des
clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation du
prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert ». L’article L. 442-6, I, 2°
du Code de commerce octroie ainsi au juge le pouvoir d’apprécier un déséquilibre non
pas seulement juridique mais aussi financier. Cet article semble alors bel et bien autori-
ser la recherche et la sanction judiciaire de la lésion qualifiée dans les contrats entre
professionnels. Cela peut sembler surprenant pour une loi qui prônait le retour à la libre
négociation des prix…
164 Annexe 2, Article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, p. 114 165 Saint-Esteben R., « L’introduction par la loi LME d’une protection des professionnels à l’égard
des clauses abusives : un faux ami du droit de la consommation », RDC, op. cit., p. 2. 166 Ibid.
76
271. En tout dernier lieu, on peut relever quelques différences supplémentaires entre
le dispositif consumériste et celui que propose le Code de commerce.
272. L’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce ne sanctionne pas seulement les
clauses accessoires, comme le prévoit la législation sur les clauses abusives en droit de
la consommation167. Le dispositif consumériste, visant les clauses, suppose ainsi un
examen clause par clause, tandis que pour les professionnels, la référence au déséqui-
libre significatif entre les droits et obligations des parties semble conduire à exercer un
contrôle global168.
273. Une dernière différence réside enfin dans la sanction prévue par les textes : la
clause abusive est « réputée non écrite » dans le dispositif consumériste, tandis qu’elle
« engage la responsabilité de son auteur » en droit des affaires. En outre, l’article L.
442-6 prévoit un régime spécifique de poursuite conférant les pouvoirs d’action au mi-
nistre de l’Économie169 et au ministère public, ce qui n’est pas le cas dans le dispositif
consumériste.
274. Inutile d’insister, le fait que le droit de la consommation ne peut servir de fil
conducteur pour l’interprétation du déséquilibre significatif en droit de la concurrence
ne fait désormais plus de doute.
167 Behar-Touchais M., « La sanction du déséquilibre significatif dans les contrats entre profes-
sionnels », op. cit, p. 2 ; Mainguy D., « le Conseil constitutionnel et l’article L. 442-6 du Code de com-merce », op. cit., p. 5.
168 Chagny M., « De l’abus de la relation de dépendance au déséquilibre significatif », Concur-rences n° 2-2011, p. 4 ; Pichon de Bury M., Minet C., « Incidences de la suppression de l’article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce et de l’introduction de la notion de “déséquilibre significatif” par la LME », CCC n° 12, Décembre 2008, étude 13, p. 4 ; Saint-Esteben R., op. cit., p. 3.
169 Le ministre de l’Économie a le pouvoir d’agir en justice pour mettre en œuvre l’infraction de « déséquilibre significatif ». Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitu-tionalité qui a donné lieu à une décision du 13 mai 2011 (Cons. const., 13 mai 2011, déc. n° 2011-126 QPC), dans laquelle il reconnaît que l’action du ministre visant à obtenir la nullité des conventions illi-cites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices causés par des pratiques abusives est conforme à la Constitution, sous réserve toutefois que les parties au contrat, à savoir notam-ment les fournisseurs lésés, soient informées de l’introduction de l’action.
Voir : Titone T., Coulon F., « Première définition jurisprudentielle de la notion de déséquilibre si-gnificatif dans les relations entre professionnels », RLDA, 1er décembre 2012, pp. 1-2 ; Berg-Moussa A., « 3 questions, “le déséquilibre significatif dans les relations commerciales” : précisions et questionne-ments », JCP E n° 1, 5 janvier 2012, 1, p. 2 ; Mathey N., « Nouvelles décisions sur le déséquilibre signi-ficatif », CCC n° 3, mars 2012, comm. 62, pp. 2-4 ; Berg-Moussa A., « Notion de déséquilibre significatif et action du ministre : point d’étape et nouveaux questionnements », JCP E n° 9, 1er mars 2012, 1139, pp. 7-10.
77
275. Il convient désormais de tenter de trouver quels pourraient être les comporte-
ments prohibés par ce nouveau texte sanctionnant le déséquilibre significatif entre les
droits et obligations des parties.
Section II. – Tentative d’élaboration d’un guide des comportements prohibés
276. Il s’agit désormais de s’interroger sur les types de clauses qui seraient suscep-
tibles d’entraîner un déséquilibre significatif. Certaines clauses, créant par elles-mêmes
un déséquilibre significatif, pourraient être qualifiées de clauses noires (Paragraphe I),
tandis que d’autres, seulement susceptibles de créer un déséquilibre significatif, pour-
raient être qualifiées de clauses grises (Paragraphe II).
Paragraphe I. – Tentative d’identification de clauses noires
277. Les clauses noires, c’est-à-dire celles qui suffiraient à identifier le déséquilibre
significatif entre les droits et obligations des parties par leur simple stipulation au sein
d’une convention se trouvent, pour certaines, au sein du Code de commerce et, pour
d’autres, dans les avis et bilans de la CEPC et de la DGCCRF. Il n’est pas inutile de
préciser, pour rappel, que si la CEPC n’a pas de pouvoir décisionnel, elle a une compé-
tence générale en matière de relations commerciales entre professionnels et peut être
consultée pour avis. Ses avis ne s’imposent pas au juge, mais constituent néanmoins des
« guides utiles170 », notamment pour savoir quelles clauses peuvent, à son sens, consti-
tuer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties..
278. Tout d’abord, certaines sont tout simplement présentes au sein du Code de
commerce, et la DGCCRF précise que la notion de déséquilibre significatif peut bel et
bien recouvrir des situations déjà prévues à d’autres alinéas de l’article L. 442-6 du
Code de commerce. C’est ainsi qu’elle affirme que « la notion nouvelle de déséquilibre
170 Titone T., Coulon F., « Première définition jurisprudentielle de la notion de déséquilibre signi-
ficatif dans les relations entre professionnels », op.cit., p. 4.
78
significatif entre les droits et obligations des parties a vocation à appréhender toute si-
tuation, qu’elle comporte ou non des pratiques décrites par un autre alinéa de l’article L.
442-6 du Code de commerce171 ».
279. Les premières clauses noires identifiables résultent des 4° et 7° de l’article L.
442-6, I du Code de commerce. Ces articles sanctionnent respectivement le fait
« d’obtenir ou de tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale totale ou par-
tielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les
prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des
obligations d’achat et de vente » et de « soumettre un partenaire à des conditions de
règlement qui ne respectent pas le plafond fixé […] ou qui sont manifestement abusives,
compte tenu des bonnes pratiques et usages commerciaux […]. Est notamment abusif le
fait, pour le débiteur, de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date
d’émission de la facture172 ». Ces comportements, qui apparaissent comme particuliè-
rement graves, méritent d’être appréhendés par la notion de déséquilibre significatif.
280. On trouve également, à titre de « clause noire », la clause du « client le plus fa-
vorisé », prévue à l’article L. 442-6, II, d) qui dispose : « Sont nuls les clauses ou con-
trats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne im-
matriculée au répertoire des métiers, la possibilité : d) De bénéficier automatiquement
des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontrac-
tant173 ». Cette clause vise ainsi à assurer au distributeur que son fournisseur
n’accordera pas de conditions commerciales plus favorables à l’un de ses concurrents.
Une telle clause mérite également, eu égard à sa gravité, d’être appréhendée par le dé-
séquilibre significatif.
281. Par ailleurs, on peut voir que la DGCCRF et la CEPC ont contribué à
l’établissement de ce guide des comportements prohibés en fournissant des exemples de
clauses qui peuvent être considérées comme des clauses noires, car elles créent par
elles-mêmes un déséquilibre significatif.
171 Pecnard C., « Le déséquilibre significatif : tentative d’approche pratique », Concurrences n° 2-
2011, p. 11. 172 Article L. 442-6, I, 4° et 7°, Annexe 2, p. 114 173 Article L. 442-6, II, d), Annexe 2, p. 114
79
282. Les premières clauses, non issues du Code de commerce, pouvant être identi-
fiées comme des clauses noires sont celles qui « dénotent la volonté de certains distribu-
teurs de refuser a priori toute négociation commerciale. Sont visées la pratique
d’imposition d’un contrat pré rédigé sans possibilité de le modifier et la clause imposant
les conditions générales d’achat en lieu et place des conditions générales de vente174 ».
283. Ces pratiques méritent d’être condamnées sur le fondement du déséquilibre si-
gnificatif et l’ont déjà été par la CEPC : elles s’apparentent clairement aux contrats
d’adhésion réprimés en droit de la consommation, et démontrent à elles seules l’absence
de négociation.
284. Par ailleurs, la DGCCRF a identifié trois catégories de clauses litigieuses ren-
contrées dans les contrats, à savoir celles qui transfèrent sur un partenaire une charge ou
un risque incombant à l’autre, celles qui entraînent une asymétrie d’obligations entre les
partenaires, et celles qui privent un partenaire de l’un de ses droits175.
285. Elle présente également quelques types de clauses pouvant entraîner un déséqui-
libre significatif entre les droits et obligations des parties. À titre d’exemple, on peut
retenir la clause de retour des produits dégradés par la clientèle, alors que le distributeur
est propriétaire des produits vendus dans ses magasins, la clause visant au renversement
de la charge de la preuve lorsque le distributeur se considère comme libéré d’une obli-
gation, ou encore la clause de rupture des engagements d’achat en cas de sous-
performance du produit par rapport aux objectifs fixés pour la vente176.
286. À côté de ces clauses noires, qui entraînent per se un déséquilibre si important
qu’elles peuvent être analysées individuellement, il convient d’identifier des clauses
grises, susceptibles de créer un déséquilibre significatif mais qui nécessitent une analyse
plus subjective, impliquant une analyse globale des droits et obligations respectives des
parties177.
174 Pecnard C., op. cit., p. 12. 175 Bilan d’activité de la DGCCRF pour 2009, présenté par le Secrétaire d’Etat Hervé Novelli, 1er
juin 2010. 176 Rev. Conc. consom. n° 166, décembre 2009. 177 Pecnard C., op. cit., p. 13.
80
Paragraphe II. – Tentative d’identification des clauses grises
287. La détermination de clauses grises nécessite une analyse au cas par cas et une
approche globale. En effet, il convient de rappeler que le déséquilibre créé par une
clause en apparence licite peut être démontré par l’étude d’une autre clause du contrat.
Le déséquilibre engendré par une clause peut également être compensé par un avantage
prévu au sein d’une autre clause. Il convient ainsi de « reconstituer la logique des par-
ties au contrat qui ont envisagé leur relation dans sa globalité178 ».
288. Selon cette approche, plusieurs clauses pourraient être qualifiées de « clauses
grises ». Un premier exemple peut résulter de la question de la réduction des délais de
paiement. En effet, un distributeur peut stipuler un délai de paiement à trente jours de la
date d’émission de sa facture de prestations de services, en conformité avec « les bonnes
pratiques et usages commerciaux179 ». Toutefois, une telle stipulation doit être étudiée à
la lumière de celle qui est relative aux délais de paiement des produits du fournisseur.
Ainsi, il est important de constater qu’un délai de paiement de marchandises supérieur à
celui des factures de services du distributeur permettrait à celui-ci de bénéficier
d’importants avantages sur trésorerie et entraînerait corrélativement une augmentation
de la charge financière de ses fournisseurs et donc un déséquilibre significatif entre les
droits et obligations des parties. Cette question des délais de paiement a été envisagée
par la CEPC qui l’aborde dans plusieurs avis180.
289. Ensuite, la CEPC et la DGCCRF ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur la
question des pénalités prévues en cas de retard dans le paiement ou dans la livraison et
ont considéré que le montant disproportionné de ces pénalités pouvait tomber sous le
coup de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce181.
290. On peut également constater que de nombreux contrats proposés par les distribu-
teurs stipulent des clauses de garantie extensives relatives à la conformité et à la traçabi-
lité des produits fondées sur des documents rédigés unilatéralement par le distributeur et
178 Ibid. p. 14. 179 Article L. 442-6, I, 7° du Code de commerce, Annexe 2, p. 114 180 CEPC, avis n° 09-06 (09041502), n° 09-10 (09052004) et n° 09-12 (09102805). 181 CEPC, avis n° 09-01 ; DGCCRF, Revue conc. consom., n° 166, op. cit.
81
dont le fournisseur n’a pas toujours connaissance182. Lorsque ces clauses ne sont pas
respectées, s’ensuit généralement un refus de marchandises lors de leur livraison ou
bien leur retour immédiat aux frais du fournisseur. Ces clauses n’apparaissent pas en
elles-mêmes déséquilibrées, mais il est nécessaire de prendre en compte le caractère
disproportionné des garanties demandées et le caractère arbitraire des procédures de
refus ou de retour afin de savoir si un déséquilibre significatif entre les droits et obliga-
tions des parties peut être ou non caractérisé.
291. Enfin, le fait pour un fournisseur de conditionner la livraison d’une référence
incontournable de sa gamme de produits à la commande d’un ou plusieurs autres pro-
duits que le distributeur ne souhaite pas acquérir, peut être révélateur d’un déséquilibre
significatif entre les droits et obligations des parties, et cela selon l’avis de la CEPC183.
292. Quelle interprétation faut-il donner de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de com-
merce et comment analyser le déséquilibre significatif ? La doctrine a très justement
souligné une « similitude imparfaite184 » entre le droit de la consommation et le droit de
la concurrence. Si la proximité de ce texte avec le droit de la consommation semble
évidente, il est pourtant impossible de se contenter d’une approche consumériste et il est
absolument nécessaire de tenir compte des différences de texte et de contexte entre les
deux déséquilibres significatifs, l’un figurant à l’article L. 132-1 du Code de la con-
sommation et l’autre à l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce.
293. Le texte est flou, l’article peu cohérent, certains auteurs parlent même au sujet
des dispositions de l’article L. 442-6 d’un « millefeuille indigeste185 ». Certaines dispo-
sitions du Code de commerce permettent toutefois de fournir des exemples de ce que
peut-être le déséquilibre significatif. La DGCCRF et la CEPC se sont également attelées
à donner des illustrations du déséquilibre significatif, mais c’est à la jurisprudence qu’il
182 Pecnard C., op. cit., p. 15. 183 CEPC, avis n° 09-13 (09120908). 184 Fourgoux J.-L., « Déséquilibre significatif et cohérence du droit des pratiques restrictives »,
Concurrences n° 2-2011, p. 6. 185 Ibid. p. 8.
82
revient, « à partir des cas d’espèce, d’élaborer une grille de lecture adaptée aux spécifi-
cités de la matière186 ».
294. L’interprétation des tribunaux était très attendue pour tenter de clarifier cette
notion.
186 Mathey N., « Le déséquilibre significatif : approches civiliste et consumériste », CCC n° 5, Mai
2013, dossier 3, p. 5.
83
Chapitre II. – Une interprétation difficile de la notion de déséquilibre significatif : apports de la jurisprudence
295. Les décisions sont encore rares mais leurs enseignements utiles. Le raisonne-
ment suivi par les juridictions consulaires nous apporte ainsi de précieuses indications
sur la façon dont la nouvelle règle figurant à l’article L. 442-6, I, 2° du Code de com-
merce est mise en œuvre (Section I) et interprétée (Section II).
Section I. – Quelle application du déséquilibre significatif ?
296. La plupart des décisions qui se fondent sur l’article L. 442-6, I, 2° du Code de
commerce concernent les rapports entre la grande distribution et ses fournisseurs. Les
premières illustrations de pratiques ou comportements susceptibles de tomber sous le
coup de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce (Paragraphe I) figurent dans des
décisions rendues à la suite des procédures initiées, en novembre 2009, par le ministre
de l’Économie contre neuf grands distributeurs : on parle des « assignations Novelli ».
Le ministre avait alors déclaré souhaiter « construire une jurisprudence187 ».
297. Ces décisions, outre les illustrations du déséquilibre significatif qu’elles appor-
tent, dénotent l’approche sectorielle du déséquilibre significatif (Paragraphe II) que re-
tiennent les juridictions consulaires.
Paragraphe I. – Clauses et pratiques constitutives d’un déséquilibre significatif : analyse des premières illustrations jurisprudentielles
298. Les décisions rendues sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de
commerce fournissent des exemples intéressants de déséquilibres significatifs. Il s’agit
187 Laurin B., « 3 questions, L’interprétation de la notion de déséquilibre significatif dans les rela-
tions fabricant-distributeur », JCP E n° 43, octobre 2011, 553 p. 2.
84
donc de revenir sur les principaux jugements rendus jusqu’à présent, notamment à la
suite des assignations Novelli.
299. Il ne s’agit pas ici de recenser toutes les clauses et pratiques constitutives d’un
déséquilibre significatif et d’établir un catalogue188 mais de tenter de dresser une typo-
logie des clauses abusives illustrée par certains exemples jurisprudentiels.
300. En premier lieu, les clauses le plus souvent contestées sont celles qui, non symé-
triques, mettent à la charge de la partie qui n’a pas établi le contrat type, pré rédigé, des
obligations déséquilibrées en faveur de l’autre partie.
301. Les clauses contestées par la décision du Tribunal de commerce de Lille en date
du 6 janvier 2010189 semblent en être une illustration. Ainsi, les clauses qui prévoient la
pratique d’acomptes mensuels sur remise permettant au distributeur de bénéficier « d’un
différentiel de deux à trois mois défavorable au fournisseur », celles qui prévoient un
système de pénalités en cas de retard de paiement des acomptes calculé sur la base d’un
taux usuraire, et l’imposition d’un paiement par virement au fournisseur, alors que le
« principe de réciprocité doit être recherché dans la négociation » sont de nature à créer
un déséquilibre significatif, de même que l’absence de « clause de modification du
montant des acomptes en cours de contrat au cas où le volume d’affaires avec le four-
nisseur viendrait à baisser de manière significative ».
302. Le Tribunal de commerce de Lille a également considéré, dans sa décision du 7
septembre 2011190, que les modalités asymétriques de révision du prix constituent un
déséquilibre significatif et il affirme que « la réciprocité de renégociation mise en avant
par Auchan est déséquilibrée dans ses modalités d’application ».
303. Par ailleurs, le Tribunal de commerce de Meaux, dans sa décision du 6 décembre
2011191, a considéré que la clause relative aux délais de paiement des factures émises
par le fournisseur était de nature à créer un déséquilibre significatif. Il considère égale-
188 Liste des clauses constitutives d’un déséquilibre significatif dans les principaux arrêts rendus
par les juridictions consulaires jusqu’à présent, Annexe 3, p. 119 189 TC Lille, 6 janvier 2010, min. éco. c/ Castorama, Jurisdata n° 2010-000338. 190 TC Lille, 7 septembre 2011, SAS Eurauchan, Jurisdata n° 2011-020988. 191 TC Meaux, 6 décembre 2011, min.éco. c/ Provera, RG n° 2009/02295.
85
ment que la clause qui prévoit une résiliation du contrat en cas de « défaut de perfor-
mance d’un produit » est de nature à créer un déséquilibre significatif.
304. Ensuite, le transfert d’un risque légalement supporté par le distributeur est éga-
lement considéré comme créateur d’un déséquilibre significatif entre les droits et obli-
gations des parties192. C’est ce qu’a notamment considéré le Tribunal de commerce de
Meaux dans sa décision du 24 janvier 2012193 en contestant la clause « retour des in-
vendus » et en retenant que cette disposition est de nature à consacrer le transport du
risque d’invendus à la charge du fournisseur alors que le distributeur détient la propriété
du stock et les conditions de sa commercialisation : elle crée ainsi un déséquilibre signi-
ficatif.
305. Les principales décisions rendues, et qui concernent principalement des contrats
conclus entre la grande distribution et ses fournisseurs, apportent ainsi quelques
exemples de clauses créant un déséquilibre significatif, ce qui permet dans une certaine
mesure de clarifier la notion de déséquilibre significatif telle que la prévoit l’article L.
442-6, I, 2° du Code de commerce. Elles permettent également de constater que les tri-
bunaux de commerce sont assez souples quant à la caractérisation du déséquilibre
puisqu’ils semblent admettre assez facilement que certaines clauses sont à même de
créer un « déséquilibre significatif ». Il semble désormais intéressant de voir que les
tribunaux semblent adopter une approche sectorielle de ce déséquilibre.
Paragraphe II. – Une approche sectorielle du déséquilibre significatif par la jurisprudence
306. Il est important de relever que, dans certains secteurs, on trouve aisément dans
les contrats des clauses qui, la plupart du temps, sont considérées par les tribunaux
comme constitutives d’un déséquilibre significatif. Ainsi, dans le secteur du disque par
exemple, on trouve fréquemment des clauses de retour des invendus ou de réévaluation
192 Titone T., Coulon F., « Première définition jurisprudentielle de la notion de déséquilibre signi-
ficatif dans les relations entre professionnels », RLDA, 1er décembre 2012, p. 4. 193 TC Meaux, 24 janvier 2012, min.éco. c/ EMC, n° 2009/02296.
86
des stocks en cas de baisse de prix des produits194. Dans le secteur de la mode et du luxe
également, les parties s’accordent généralement sur une clause de retour des produits
démodés ou encore invendus.
307. Ces clauses pourraient être constitutives d’un déséquilibre significatif, mais dans
la mesure où elles ne sont pas imposées par l’une des parties et bel et bien acceptées par
les deux parties, elles ne sont pas contestées.
308. Dans les relations autres que celles qui existent entre la grande distribution et ses
fournisseurs, il s’avère que la jurisprudence se montre plus respectueuse de la force
obligatoire du contrat, et n’admet pas toujours le déséquilibre significatif.
309. C’est ainsi que dans une décision en date du 19 janvier 2011195 qui concernait un
contrat entre La Poste et l’un de ses sous-traitants en charge du transport d’envoi pour
son compte et qui prévoyait des pénalités très importantes pouvant aller jusqu’à 100 %
du coût de la prestation en cas de retard ou de non-exécution, la Cour d’appel de Paris a
considéré que cette stipulation « ne caractérisait pas […] un déséquilibre significatif
dans les droits et obligations des parties, étant relevé que le sous-traitant était tenu à
une obligation de résultat et que ces pénalités visaient des manquements à cette obli-
gation ».
310. Dans une autre affaire également, la Cour d’appel de Versailles196 a refusé de
reconnaître l’existence d’un déséquilibre significatif dans les clauses d’un contrat de
location de longue durée qui portait sur du matériel informatique et prévoyait d’une
part, la reconduction tacite, d’année en année, sauf dénonciation par l’une ou l’autre
partie avec un préavis, et d’autre part, que le locataire devait restituer le matériel et que
ce dernier devait être en bon état et n’avoir subi qu’une usure normale197.
311. Ainsi, il est intéressant de constater que le déséquilibre significatif peut ne pas
être retenu par la Cour, eu égard au secteur dans lequel la clause s’insère.
194 Pecnard C., « Le déséquilibre significatif : tentative d’approche pratique », op. cit., p. 14 ; Ti-
tone T., Coulon F., op. cit., p. 5. 195 CA Paris, pôle 5, ch. 4, 19 janvier 2011, France Logistique c/ La Poste, n° 08/08300. 196 CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 12 mai 2011, Réemploi Manutention Continue c/ GA Capital
Equipement Finance, n° 10/00800. 197 Titone T., Coulon F., op. cit., p. 5.
87
312. De manière plus générale, l’étude de ces décisions permet de savoir quelle ap-
plication de la notion de déséquilibre significatif a été faite par les tribunaux, ce qui
permet de donner un « premier éclairage utile aux praticiens198 ».
313. Ces décisions apportent aussi, au-delà des exemples de clauses révélant ou non
un déséquilibre significatif, certains éclaircissements sur l’interprétation de l’article L.
442-6, I, 2° du Code de commerce.
Section II. – Éclaircissements sur l’interprétation de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce
314. Les décisions rendues jusqu’à présent sur le fondement de l’article L. 442-6, I,
2° du Code de commerce nous apportent des éléments intéressants sur la démarche
adoptée par les tribunaux ainsi que sur l’interprétation de cette disposition.
315. Il apparaît ainsi que la jurisprudence accorde, dans son analyse, une importance
particulière au caractère négocié des clauses contestées (Paragraphe I). On retrouve éga-
lement à travers les différentes décisions un penchant jurisprudentiel à une analyse
clause par clause et non globale comme le laissait supposer la doctrine (Paragraphe II).
Paragraphe I. – Une importance accordée au caractère non négocié des clauses
316. Comme le rappelle Robert Saint-Esteben, l’article L. 442-6, I, 2° du Code de
commerce fait référence, à côté de l’élément objectif constitué par le résultat, à un élé-
ment subjectif caractérisé par le comportement consistant à « soumettre ou tenter de
soumettre le partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significa-
tif199 ».
198 Ibid. 199 Saint-Esteben R., « L’introduction par la loi LME d’une protection des professionnels à l’égard
des clauses abusives : un faux ami du droit de la consommation », op. cit., p. 2.
88
317. Cette tentative de soumission ou cette soumission à des obligations créant un
déséquilibre significatif a conduit les tribunaux à s’interroger sur le caractère négociable
ou non négociable des accords concernés.
318. Pour caractériser le déséquilibre significatif, le Tribunal de commerce de Lille
avait retenu, dans sa décision en date du 6 janvier 2010200, que les clauses litigieuses
n’avaient pas « été véritablement négociées » et qu’elles avaient été imposées « unilaté-
ralement au fournisseur ». De même, dans sa décision du 7 septembre 2011201, ce même
tribunal avait considéré qu’en l’espèce, « Eurauchan avait cherché à imposer, de gré
ou de force, une convention unique type et pré-rédigée qui laissait peu de place à une
négociation […] ». Il précisait, concernant la clause du taux de service fournisseur que
« les dispositions étaient proposées par Eurauchan à la signature des fournisseurs sur
un document type pré-rédigé […] ; que le taux de 98,5 % était uniforme ;; qu’il
n’était pas prévu de concertation ni d’emplacement pour personnaliser le taux et les
modalités de calcul […] ».
319. Le Tribunal de Meaux, quant à lui, dans ses deux décisions en date du 6 dé-
cembre 2011 et du 24 janvier 2012202, se fonde également sur l’absence de négociation
pour justifier le déséquilibre significatif. Il affirme, à propos de la clause « retour des
invendus » de la seconde espèce, que « le fait que la reprise d’invendus soit demeurée
licite n’autorise pas qu’elle soit imposée systématiquement et abusivement ».
320. Ainsi, il apparaît très clairement que ces décisions sanctionnent les clauses non
négociées203, imposées de manière systématique et abusive à la partie « faible ».
321. Comme le font remarquer Thierry Titone et Frédéric Coulon, les tribunaux
« vont même plus loin en décidant que l’emploi systématique du contrat type sans réelle
négociation est un élément à prendre en compte dans l’évaluation de la sanction204 ».
200 TC Lille, 6 janvier 2010, min. éco. c/ Castorama, op. cit. 201 TC Lille, 7 septembre 2011, SAS Eurauchan, op. cit. 202 TC Meaux, 6 décembre 2011, min.éco. c/ Provera, op. cit. ; 24 janvier 2012, min.éco. c/ EMC,
op. cit. 203 Mathey N., « Première application du nouvel article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce »,
CCC n°3, mars 2010, comm.71, p. 8. 204 Titone T., Coulon F., « Première définition jurisprudentielle de la notion de déséquilibre signi-
ficatif dans les relations entre professionnels », op. cit., p. 3.
89
C’est ainsi que le Tribunal de commerce de Meaux précise qu’il « tiendra compte du
contexte de souscription du contrat ».
322. Les tribunaux de commerce de Lille et de Meaux se sont ainsi prononcés sur des
contrats types, d’adhésion, ce qui démontre une approche assez similaire à celle du droit
de la consommation en matière de clauses abusives.
323. L’absence de négociation est considérée, dans la décision du 7 septembre 2011
du Tribunal de commerce de Lille205 comme une « circonstance aggravante ». Il n’est
pas inutile de rappeler qu’en vertu de l’article L. 442-6 du Code de commerce, les con-
ditions générales de vente constituent le socle de la négociation. Elles sont, comme le
rappelle Robert Saint-Esteben, « un élément d’appréciation précieux pour caractériser
l’abus entre professionnels206 ».
324. Le seul tribunal à admettre une position différente est le Tribunal de Créteil qui,
dans ses deux décisions du 13 décembre 2011207, privilégie une approche in concreto208.
Le tribunal a en effet refusé de se prononcer sur la nullité des clauses litigieuses « sans
faire référence à des faits précis ». Il a ajouté qu’il ne pouvait « généraliser à l’ensemble
des fournisseurs sur la base des cent vingt-quatre contrats en statuant de manière géné-
rale sans référence à des contrats précis et donc à des fournisseurs précis ».
325. La Cour d’appel de Paris devrait trancher à l’avenir cette divergence de position
entre les différents tribunaux consulaires.
326. Au-delà de cet apport de la jurisprudence sur le caractère non négocié des
clauses, il s’agit désormais de voir que les tribunaux de commerce semblent davantage
s’intéresser à certaines clauses qu’à l’économie globale du contrat.
205 TC Lille, 7 septembre 2011, SAS Eurauchan, op. cit. 206 Saint-Esteben R., « L’introduction par la loi LME d’une protection des professionnels à l’égard
des clauses abusives : un faux ami du droit de la consommation », op. cit., p. 4. 207 TC Créteil, 13 décembre 2011, min.éco. c/ Système U (1e espèce), RG n° 2009/01017 ;
min.éco. c/ Galec (2e espèce), RG n° 2009/01018. 208 Titone T., Coulon F., « Première définition jurisprudentielle de la notion de déséquilibre signi-
ficatif dans les relations entre professionnels », op. cit., p. 3.
90
Paragraphe II. – Un penchant jurisprudentiel pour une analyse clause par clause du déséquilibre significatif au sein du contrat
327. La doctrine semblait unanime sur le fait que, de l’article L. 442-6, I, 2° du Code
de commerce, découle l’exercice d’un contrôle global de l’ensemble des obligations des
parties, et non une analyse clause par clause209. Une analyse globale semblait effective-
ment être préférable en droit commercial, car, comme le rappelle Christophe Pecnard,
« le déséquilibre d’une clause peut être compensé par un avantage concédé dans une
autre ».
328. Il apparaît pourtant que la jurisprudence adopte une position contraire210.
329. En effet, afin de caractériser le déséquilibre significatif, les tribunaux se sont la
plupart du temps attachés à certaines clauses particulières des contrats, et non à la rela-
tion contractuelle dans sa globalité. C’est ainsi qu’ils se sont intéressés, entre autres, à la
contestation de clauses relatives aux délais de paiement, à la résiliation pour inexécution
contractuelle, à la clause sur les changements de tarifs. Ces clauses ont été considérées
comme de nature à créer un déséquilibre significatif, mais dans le cadre d’une analyse
relativement isolée, spécifique et non globale.
330. L’analyse du déséquilibre significatif dans l’ensemble des droits et obligations
des parties selon une approche globale apparaît ainsi clairement absente au sein des dé-
cisions jurisprudentielles. Selon Michel Ponsard, cette situation est assez regrettable. Il
affirme ainsi : « S’il apparaît légitime de commencer par analyser la clause pour appré-
cier son caractère significativement déséquilibré ou non, il me semble que dans un se-
cond temps, l’analyse devrait porter sur l’impact de cette clause dans l’ensemble des
droits et obligations des parties. En effet, il n’est pas rare dans une négociation, que
l’une des parties fasse une concession dans une clause en faveur de l’autre partie pour
compenser cette concession sur une autre clause. Surtout le bilan n’a pas nécessairement
à être équilibré, la seule prohibition consiste dans le déséquilibre. Ainsi le juge aurait-il
raison de sanctionner une clause d’un contrat alors que la partie victime de ce déséqui-
209 Supra, § 272. 210 Berg-Moussa A., « Notion de déséquilibre significatif et action du ministre : point d’étape et
nouveaux questionnements », op. cit., p. 7.
91
libre a connu une croissance constante de son chiffre d’affaire et de son revenu211 ? » Il
semble ainsi rejoindre l’analyse de Christophe Pecnard212.
331. Il convient toutefois de noter que dans l’affaire Darty213, le Tribunal de Bobigny
a relevé, pour l’une des clauses incriminées, « que les autres clauses […] n’étaient pas
propres à compenser une telle clause ». Le Tribunal semble ainsi s’orienter vers une
approche globale mais ne la retient que pour une seule clause et ne « précise pas sur
quoi il a fondé l’absence de compensation au plan de l’ensemble des droits et obliga-
tions214 ». La Cour d’appel de Nancy avait également, dans une décision en date du 14
décembre 2011, analysé l’économie générale du contrat sur la période totale de la rela-
tion pour écarter la qualification de clauses créant un déséquilibre significatif215.
332. L’exigence de preuve d’un déséquilibre entre les droits et obligations des parties
a été rappelée dans une décision rendue par le Tribunal de commerce d’Évry le 6 février
2013216. Il a notamment été considéré qu’ « une clause ne pourra être déclarée abusive
et interdite pour la seule raison qu’elle est favorable ou très favorable à l’une des par-
ties ;; qu’il ressort en effet clairement de ce texte que le déséquilibre prohibé doit
s’apprécier au niveau des “droits et obligations des parties” c’est-à-dire de l’ensemble
du contrat ;; que ce déséquilibre pourrait résulter de l’accumulation d’ “obligations”,
c’est-à-dire de clauses parfaitement licites dont seul le nombre ou le poids créeraient
l’excès prohibé ».
333. Le Tribunal de commerce d’Évry, en adoptant une telle décision, est peut-être le
précurseur d’une évolution jurisprudentielle qui inversera la tendance et consacrera de
manière plus affirmée une analyse globale, et non clause par clause, rejoignant ainsi les
analyses doctrinales. Affaire à suivre…
211 Ponsard M., « Le déséquilibre significatif : bilan et perspectives », CCC n° 5, mai 2013, dossier
4, p. 8. 212 Supra, § 272. 213 TC Bobigny, 29 mai 2012, Darty, n° 2009F01541. 214 Ponsard M., « Le déséquilibre significatif : bilan et perspectives », op. cit., p. 9. 215 CA Nancy, 14 décembre 2011, n° 10/02664. 216 TC Evry, 6 février 2013, 3e ch, min.éco. c/ SNC Spal Boissons et autres, n° 2009F00727.
92
334. La jurisprudence a permis, dans une certaine mesure, d’éclairer cette notion de
déséquilibre significatif en donnant des illustrations concrètes de clauses révélant un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Comme l’affirme Gaël
Chantepie, l’intérêt de ces décisions « réside d’abord dans les nouvelles illustrations des
pratiques commerciales susceptibles d’être contestées217 ».
335. L’analyse de la jurisprudence permet également d’y déceler une certaine mé-
thode d’interprétation : un attachement au caractère négocié ou non des accords pour
caractériser le déséquilibre significatif et une analyse le plus souvent spécifique, non
globale. Toutefois, il apparaît que cette interprétation n’est pas uniforme.
336. D’une part, elle n’est pas uniforme entre les décisions de jurisprudence elles-
mêmes : l’incertitude quant à la question de savoir s’il faut ou non procéder à une ana-
lyse globale en est un exemple assez représentatif. On peut aussi relever l’exemple de
divergence des tribunaux sur la question de la possibilité de se prononcer in abstracto
sur une convention type, non négociée.
337. D’autre part, il existe également des divergences d’interprétation entre la doc-
trine et la jurisprudence : la doctrine prônait une analyse globale, tandis que la jurispru-
dence fait majoritairement une interprétation clause par clause.
338. Il convient cependant de noter, pour relativiser ce constat, que les décisions se
fondant sur l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce sont très récentes, puisque la
plus ancienne date seulement de 2010. Par ailleurs, et comme le rappelle également Mi-
chel Ponsard, il ne s’agit que « de décisions de première instance pour la plupart et il
faut donc rester prudent sur leur portée218 ». Ainsi, aucune jurisprudence n’est encore
véritablement établie.
339. Il n’en demeure pas moins qu’il résulte des analyses doctrinales et jurispruden-
tielles des hésitations et des incertitudes sur l’interprétation qu’il faut retenir. Il convient
désormais de voir que l’utilisation de cette notion de déséquilibre significatif et même
217 Chantepie G., « Appréciation du déséquilibre significatif au sens de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce », JCP E n° 40, 6 octobre 2011, 1701, pp. 4-5.
218 Ponsard M., « Le déséquilibre significatif : bilan et perspectives », op. cit., p. 6.
93
simplement sa place au sein de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce ne sont
pas sans créer certains risques.
94
TITRE II. – LES RISQUES LIES A L’UTILISATION DU TERME DE « DESE-QUILIBRE SIGNIFICATIF » DANS LES RELATIONS ENTRE PROFESSION-
NELS
340. L’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce dans sa nouvelle rédaction issue
de la loi LME du 4 août 2008 est susceptible de créer un risque d’insécurité pour les
professionnels (Chapitre I) mais également un risque de destruction du droit des con-
trats (Chapitre II).
95
Chapitre I. – Un risque d’insécurité juridique pour les professionnels
341. Il semble clair que les professionnels sont soumis à un risque d’insécurité juri-
dique résultant des difficultés d’interprétation219 de la notion même de déséquilibre si-
gnificatif. Mais il convient de voir que l’article L.442-6, I, 2° tel qu’il a été introduit par
la Loi LME du 4 août 2008 dans le Code de commerce présente un réel risque
d’insécurité juridique du fait d’un champ d’application très large (Section I), et d’une
absence totale d’illustration (Section II).
Section I. – Un risque d’insécurité dû à un champ d’application étendu résultant de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce
342. Le risque d’insécurité découle du fait que le champ d’application de l’article
L.442-6, I, 2° du Code de commerce a été conçu par le législateur de manière très large,
qu’il s’agisse du champ d’application personnel (Paragraphe I) ou du champ
d’application matériel (Paragraphe II). En d’autres termes, une insécurité résulte de ce
texte en raison du fait qu’on en perçoit difficilement les limites220.
Paragraphe I. – Un large champ d’application personnel
343. Le risque d’insécurité découle en partie du fait qu’on ne sait pas exactement, au
premier abord, qui sont les professionnels concernés par l’article L.442-6, I, 2° du Code
de commerce. De cette manière, on peut se demander si ce texte aura vocation à devenir
un texte de droit commun ou s’il ne concernera in fine que la grande distribution.
344. L’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce en lui-même apporte les éléments
permettant de déterminer son domaine ratione personae. L’auteur de la pratique est
219 Supra, § 255 et s. 220 Génicon T., « Protection des professionnels contre les clauses abusives », RDC 1er janvier 2012
n° 1, p. 276.
96
défini comme « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au
répertoire des métiers », tandis que la victime visée est « tout partenaire
cial221 ».
345. Tout d’abord, le terme de « partenaire » qui permet d’identifier la victime, paraît
« englober, tout à la fois, celui avec lequel existent déjà des relations et celui avec le-
quel des relations sont susceptibles d’être nouées222 ».
346. Ensuite, il convient de voir que, selon Muriel Chagny, « l’adjectif commercial »
accolé au terme de « partenaire », « doit être compris en cohérence avec l’interprétation
extensive retenue par la Cour de cassation en ce qui concerne la relation commerciale
visée à l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce223 ». Ainsi, dans une décision en
date du 6 février 2007224, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait admis
l’existence d’une relation commerciale « quel que soit le statut juridique de la victime
du comportement ».
347. A titre d’exemple, on peut voir que la Cour de cassation a censuré une décision
des juges du fond dans laquelle ils avaient considéré que les prestations réalisées par un
architecte, issues d’une création purement intellectuelle et exclusive de toute acquisition
antérieure en vue de la revente, constituaient une activité par essence civile225. Elle a
également considéré dans une autre décision que « le régime juridique des sociétés
d’assurances mutuelles, comme le caractère non lucratif de leur activité, ne sont pas de
nature à les exclure du champ d’application des dispositions relatives aux pratiques res-
trictives de concurrence dès lors qu’elles procèdent à une activité de service226 ».
348. L’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce en lui-même et l’application que
la Cour de cassation a pu en faire dénotent assez clairement un champ d’application
personnel très large. Ainsi, semblent être exclus uniquement les professionnels dont la
221 Article L.442-6, I, 2° du Code de commerce, Annexe 2, p. 114 222 Chagny M., « De l’abus de la relation de dépendance au déséquilibre significatif », Concur-
rences n° 2-2011, p. 3. 223 Chagny M., Ibid. 224 Cass. com. 6 février 2007, n° 03-20.463. 225 Cass. com. 16 décembre 2008, n° 07-18.050. 226 Cass. com. 14 septembre 2010, n° 09-14.322.
97
profession en elle-même interdit de se livrer à des opérations de commerce, comme les
médecins227 ou encore les notaires228.
349. Ce risque d’insécurité découle encore d’un champ d’application matériel qui
semble très large.
Paragraphe II. – Un large champ d’application matériel
350. En visant un « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des par-
ties », la nouvelle règle posée par l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce semble
avoir une portée bien plus large que le dispositif consumériste. En effet, là où l’article
L.132-1 du Code de la consommation écarte la vérification de l’adéquation du prix au
sein de son alinéa 7229, l’article L.442-6, I, 2° vise les « obligations » sans aucune dis-
tinction ou exclusion, autorisant ainsi un contrôle des stipulations les plus diverses, mais
encore de l’économie centrale du contrat, entrainant ainsi le contrôle d’un déséquilibre
aussi bien juridique que financier.
351. De nombreux auteurs semblent en effet s’accorder sur le fait que la loi LME a
visé avant tout le déséquilibre financier et économique du contrat230, même si la ques-
tion est très débattue231. Ainsi, selon Robert Saint-Esteben, « il est vrai que, sans une
application aux conditions de prix, le texte perdrait l’essentiel de son intérêt et de sa
portée puisque la négociation entre professionnels porte d’abord sur les conditions fi-
nancières ». La volonté du législateur semble véritablement être celle de contrôler les
abus qui peuvent résulter de la liberté de négocier les prix et les conditions de vente.
227 Cass. com. 23 octobre 2007, n° 06-16.774. 228 Cass. com. 20 janvier 2009, n° 07-17.556. 229 Article L.132-1, alinéa 7 du Code de la consommation, Annexe 1, p. 112 230 Notamment : Saint-Esteben R., « L’introduction par la loi LME d’une protection des profes-
sionnels à l’égard des clauses abusives : un faux ami du droit de la consommation », RDC, 2009 n° 3, p. 3 ; Buy F., « Entre droit spécial et droit commun : l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce », LPA, 2008, n° 252, p. 4.
231 Cousin M., « La négociabilité des tarifs et des conditions de vente après la LME : quels garde-fous ? », JCP E, n° 43, 2008, 2288.
98
352. En outre, il convient de relever que l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce
ne contient aucune restriction quant au type de contrat232, contrairement à d’autres dis-
positions du droit des pratiques restrictives de concurrence. A titre d’exemple, l’article
L.442-6, I, 1° semble concerner les contrats de services et l’article L.442-6, I, 4° paraît
quant à lui viser uniquement les contrats de vente et de services. Il résulte de ce constat
que le contrôle mis en place par l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce peut être
mis en œuvre indépendamment de la qualification du contrat.
353. En plus du fait que cet article dispose d’un champ d’application très large qui le
rend difficile à appréhender, il est dénué de toute illustration qui pourrait faciliter sa
mise en œuvre.
Section II. – Un risque d’insécurité dû à une absence totale d’illustration
354. Le nouvel article L.442-6, I, 2° du Code de commerce, tel qu’il résulte de la loi
LME du 4 août 2008 est source d’insécurité en ce qu’il ne propose aucune illustration
de situations créant un « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des par-
ties ». Ce dispositif apparaît ainsi peu structuré et précis, notamment en comparaison à
celui prévu en droit de la consommation (Paragraphe I). Un dispositif plus structuré au
sein du Code de commerce aurait sans doute été souhaitable afin de comprendre la por-
tée véritable de cet article (Paragraphe II).
Paragraphe I. – Un dispositif peu structuré et précis en comparaison à celui prévu en droit de la consommation
355. L’article L.132-1 du Code de la consommation, dont est assez largement inspiré
l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce propose un dispositif structuré et ce, plus
particulièrement depuis la loi LME.
232 Chagny M., « De l’abus de la relation de dépendance au déséquilibre significatif », Concur-
rences n° 2-2011, p. 3.
99
356. L’article L.132-1 du Code de la consommation a ainsi prévu l’adoption d’un
décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission des clauses abusives, en vue
de déterminer deux listes de clauses : une liste grise de clauses présumées abusives et
une liste noire de clauses abusives en toute circonstance. Tel est l’objet du décret du 18
mars 2009 entré en vigueur le 21 mars 2009 et codifié aux articles R.132-1 et R.132-2
du Code de la consommation.
357. Aux termes de l’article R.132-1 du Code de la consommation, douze clauses
sont désormais interdites dans les contrats en raison de la gravité des atteintes qu’elles
portent à l’équilibre contractuel. Sont notamment considérées comme irréfragablement
abusives les clauses qui subordonnent, dans les contrats à durée indéterminée, la résilia-
tion par le consommateur au versement d’une indemnité au profit du professionnel233 ou
encore celles qui imposeraient au consommateur la charge de la preuve qui, en vertu du
droit applicable devrait incomber à l’autre partie du contrat234.
358. L’article R.132-2 prévoit quant à lui une nouvelle liste de dix clauses présumées
abusives, à charge pour le professionnel d’apporter la preuve contraire. A titre
d’exemple, est considérée comme une clause présumée abusive la clause ayant pour
objet ou pour effet de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans
préavis d'une durée raisonnable235. Le renversement de la charge de la preuve est la ca-
ractéristique de cette liste grise. La clause est ainsi abusive, sauf lorsque le profession-
nel est à même de démontrer l’absence d’abus dans le cas particulier.
359. Le code de la consommation prévoit de cette manière un dispositif assez précis
qui permet de percevoir ce qu’il faut entendre par « clause ayant pour objet ou pour
effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ». Les
articles R.132-1 et R.132-2 délivrent ainsi de véritables illustrations qui permettent
d’appréhender la notion de déséquilibre significatif dans les relations entre profession-
nels et consommateurs.
233 Article R.132-1, 11° du Code de la consommation. 234 Article R.132-1, 12° du Code de la consommation. 235 Article R.132-2, 4° du Code de la consommation.
100
360. Il semble alors regrettable qu’un dispositif similaire ne soit pas prévu pour
l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce, qui laisse en vérité les professionnels
dans l’impossibilité de savoir comment interpréter cette disposition.
Paragraphe II. – L’opportunité d’un dispositif plus structuré au sein du Code de commerce
361. Il aurait sans doute été opportun de prévoir un dispositif plus clair permettant de
mieux appréhender le nouvel article L.442-6, I, 2° du Code de commerce. Il aurait ainsi
été possible, comme le prévoit Jean-Louis Fourgoux, « d’adopter comme principe de
base l’interdiction des clauses abusives entre professionnels en énumérant à titre
d’exemple les clauses d’ores et déjà interdites par l’article L.442-6 II du Code de com-
merce236».
362. Ainsi, l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce aurait rappelé qu’ « engage
la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout
producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
2° de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations
créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
363. A titre d’exemple, pourrait être considérée comme une clause abusive entre pro-
fessionnels celle qui prévoit la possibilité pour tout producteur, commerçant, industriel
ou personne immatriculée au répertoire des métiers « de bénéficier rétroactivement de
remises, de ristournes ou d'accords de coopération commerciale237 », « d'obtenir le
paiement d'un droit d'accès au référencement préalablement à la passation de toute
commande238 », ou encore « d'obtenir d'un revendeur exploitant une surface de vente au
détail inférieure à 300 mètres carrés qu'il approvisionne mais qui n'est pas lié à lui, di-
rectement ou indirectement, par un contrat de licence de marque ou de savoir-faire, un
droit de préférence sur la cession ou le transfert de son activité ou une obligation de
non-concurrence post-contractuelle, ou de subordonner l'approvisionnement de ce re-
236 Fourgoux J-L., « Déséquilibre significatif et cohérence du droit des pratiques restrictives »,
Concurrences n° 2-2011, p. 8. 237 Article L.442-6, II, a) du Code de commerce. 238 Article L.442-6, II, b) du Code de commerce.
101
vendeur à une clause d'exclusivité ou de quasi-exclusivité d'achat de ses produits ou
services d'une durée supérieure à deux ans239 ».
364. Prévoir un principe d’interdiction des clauses abusives entre professionnels as-
sorti d’illustrations, de la même manière qu’en droit de la consommation aurait ainsi
peut-être permis d’être face à un dispositif plus clair et compréhensible et de gagner en
sécurité juridique.
365. En outre, et comme le soulève Jean-Louis Fourgoux, cela aurait peut-être permis
d’éviter la saisine du Conseil constitutionnel240 de la fameuse question prioritaire de
constitutionalité : « L'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce porte-t-il atteinte aux
droits et libertés garantis par la Constitution, plus précisément, au principe de légalité
des délits et des peines consacré par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen de 1789 ?241 ».
* * *
366. L’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce présente un champ d’application
très large, qu’il s’agisse du champ d’application matériel ou personnel. Ne prévoyant
aucun exemple de clauses abusives, contrairement au dispositif consumériste, cet article
apparaît clairement source d’insécurité juridique.
367. Par ailleurs, il convient désormais de voir que ce texte est envisagé par certains
auteurs comme susceptible de détruire le droit des contrats à terme. Cela dépend cepen-
dant de la portée que l’on peut accorder à ce dispositif. En effet, s’il on considère qu’il
s’agit d’un texte de droit spécial qui ne concerne que la grande distribution, sa dangero-
sité est à relativiser. En revanche, s’il on considère qu’il s’agit d’un texte de droit com-
mun, ce texte présente alors un véritable risque de destruction du droit des contrats242.
239 Article L.442-6, II, e) du Code de commerce. 240 Fourgoux J-L., Ibid. 241 Cons. const. 13 janvier 2011, déc. n° 2010-85 QPC. 242 Mazeaud D., Génicon T., « Protection des professionnels contre les clauses abusives », RDC,
2012, n° 1, p. 276.
102
Chapitre II. – Un risque de destruction du droit des contrats : l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, « une machine À faire exploser le
contrat243 » ?
368. S’il on considère que le texte de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ne
concerne pas uniquement la grande distribution mais peut être envisagé comme un texte
de droit commun, alors ce dernier peut véritablement être considéré comme une « ma-
chine à faire exploser le contrat 244».
369. Ce texte ouvre en effet la possibilité au juge de « se lancer dans une chasse au
déséquilibre contractuel245 » : celui-ci dispose d’un pouvoir de réadaptation du contrat
(Section I) et d’un pouvoir de contrôle de la lésion qualifiée (Section II).
Section I. – L’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ou un véritable pouvoir de réadaptation du contrat confié au juge
370. L’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce apparaît comme un nouveau fon-
dement pour solliciter la renégociation d’un contrat déséquilibré (Paragraphe I), mais
l’admission de la théorie de l’imprévision par cet article est à relativiser (Paragraphe II).
Paragraphe I. – Une admission de la théorie de l’imprévision par l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ?
371. Le changement de circonstances en cours d’exécution d’un contrat, autrement
appelé « imprévision » peut « impacter l’utilité économique d’une relation commerciale
devenue excessivement inéquitable pour l’une des parties 246».
243 Mazeaud (D.), Génicon (T.), Ibid. 244 Mazeaud D., Ibid. 245 Mazeaud D., Ibid.
103
372. Pourtant, les parties ne disposent pas aujourd’hui, en droit français, de véritables
outils juridiques permettant de solliciter et d’obtenir une révision judiciaire ou encore la
caducité du contrat au titre de l’imprévision.
373. Depuis le XIXe siècle, la jurisprudence Canal de Craponne247 refuse de recon-
naître au juge le pouvoir de réviser un contrat pour imprévision. La jurisprudence a tenu
sa position, en statuant au visa de l’article 1134 du code civil et en considérant que
« dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse apparaître
leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier
les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été libre-
ment acceptées par les contractants ». Il convient cependant de relever que la Cour de
cassation semble avoir pris en compte, mais ce de manière parcellaire, le changement de
circonstances économiques affectant la relation contractuelle, sur le fondement des no-
tions traditionnelles de bonne foi et de cause.
374. Il n’en demeure pas moins que le seul outil efficace offert aux parties reste la
possibilité d’intégrer à leur contrat une clause de révision.
375. On peut pourtant constater que l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce
semble pouvoir être envisagé comme un nouveau fondement permettant de solliciter
une renégociation du contrat. Cet article, qui permet d’engager la responsabilité du pro-
fessionnel qui tente de « soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » a été prévu par le
législateur dans le but de rétablir l’équilibre des obligations entre les parties. En effet,
l’équilibre doit être rétabli au profit de la partie considérée comme la plus faible.
376. L’analyse de la jurisprudence démontre toutefois que les contrats ne sont pas
remis en cause dans leur ensemble, mais que les juridictions ont tendance à procéder à
une analyse clause par clause.
246 Titone T., Coulon F., Dary M., « Circonstances économiques et déséquilibre contractuel », JCP
E n° 23, 9 juin 2011, 1435, p. 2. 247 Cass. civ., 6 mars 1876, D. 1876, I, p. 193.
104
377. Il est alors légitime de se demander si l’article L.442-6, I, 2° ne remettrait pas en
cause la non immixtion du juge dans le contrat aux fins de le réviser, posée par le fa-
meux arrêt Canal de Craponne…
Paragraphe II. – Une admission de la théorie de l’imprévision à relativiser
378. La jurisprudence rendue à ce jour permet de donner quelques exemples montrant
que le juge a le pouvoir de rétablir l’équilibre contractuel. Il est intéressant à ce titre de
revenir sur la décision rendue par la Cour d’appel de Paris en date du 19 janvier 2011248,
par laquelle elle avait réévalué la valeur et déterminé un prix « rééquilibré » des presta-
tions de services de coopération commerciale convenues entre les parties, la réduisant
alors de moitié249.
379. Il convient toutefois de relativiser cette immixtion du juge. En effet, le juge peut
aller assez loin dans le contrôle de l’équilibre contractuel, sans toutefois aller jusqu’à
véritablement admettre la théorie de l’imprévision. Il convient de voir alors que dans
l’arrêt rendu par le Tribunal de commerce de Lille le 6 janvier 2010250, le tribunal avait
pour la première fois, rappelons-le, fait application des dispositions de l’article L.442-6,
I, 2° du Code de commerce et avait sanctionné les pratiques mises en place par un dis-
tributeur en matière de paiement des acomptes sur remises.
380. Celui-ci avait ainsi fait plusieurs critiques, et avait notamment considéré que
pour être équilibré, le contrat devait contenir une clause prévoyant une modification du
contrat au cas où le volume d’affaires avec le fournisseur viendrait à baisser de manière
significative. Selon le tribunal, il serait ainsi opportun que certains contrats prévoient à
l’avance les conséquences d’une évolution significatives du volume d’affaires. Il ne
s’agit pas à proprement parler d’une admission de la théorie de l’imprévision car la
baisse des commandes n’est pas nécessairement le résultat d’un changement de circons-
tances économiques, mais le contrôle de l’équilibre contractuel n’en demeure pas moins
assez poussé.
248 CA Paris, 19 janvier 2011, n° 07-22.152. 249 Titone T., Coulon F., Dary M., op. cit., p. 7. 250 TC Lille, 6 janvier 2010, JurisData n° 2010-000338.
105
381. Selon Nicolas Mathey, « une telle évolution qui pourrait rejoindre le mouvement
en faveur d’un devoir de renégocier un contrat dans certains cas doit être sérieusement
envisagée dans un souci de justice contractuelle mais aussi dans le respect des engage-
ments donnés 251».
382. Ainsi, même si certains peuvent voir dans l’application de l’article L.442-6, I, 2°
du Code de commerce une possible destruction du droit des contrats, il semble que les
juges n’aillent pas jusqu’à véritablement admettre la théorie de l’imprévision.
Section II. – L’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ou l’admission de la
lésion qualifiée
383. La lésion est « le préjudice résultant pour l’une des parties à un contrat, d’un
défaut d’équivalence entre l’avantage qu’elle obtient et le sacrifice qu’elle consent252 ».
Le contrôle de la lésion n’est pas admis en droit français : « chaque individu étant le
meilleur juge de ses intérêts, ceux-ci sont en principe parfaitement respectés par les en-
gagements qu’il a volontairement souscrits253 »
384. Dans le cas de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce, il ne s’agirait pas
d’un contrôle de la lésion mais de la lésion qualifiée ou en d’autres termes du déséqui-
libre, produit d’un rapport de dépendance entre les parties. Cette admission de la lésion
qualifiée apparaît pour le moins risquée (Paragraphe I). Il conviendra également de re-
marquer que le dispositif prévu au sein du Code de commerce protègerait alors les pro-
fessionnels contre la lésion qualifiée, tandis que le Code de la consommation priverait le
consommateur d’une telle protection (Paragraphe II).
251 Mathey N., « Première application du nouvel article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce »,
CCC n° 3, mars 2010, comm 71. 252 Flour J., Aubert J-L., Savaux E., Les obligations, 1. L’acte juridique, Sirey, 13e Ed., 2008, p.
206. 253 Terré F., Simler P., Lequette Y., Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 10e Ed., 2009, p.
317.
106
Paragraphe I. – Une admission risquée du contrôle de la lésion qualifiée
385. Le texte de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce semble bien autoriser
le contrôle de la lésion qualifiée, qui permet de lutter contre le déséquilibre résultant
d’un rapport de dépendance.
386. Selon les termes mêmes de Thomas Génicon, « je me dis que ce texte-là consti-
tue peut-être l’occasion manquée d’introduire dans le Code civil la lésion qualifiée
(…)254 ». Cependant, la possible admission de la lésion qualifiée dans notre droit sou-
lève bien des questionnements.
387. En effet, elle aboutirait, sans aller jusqu’à une destruction du droit des contrats, à
un bouleversement du droit français des contrats puisqu’elle entrainerait la disparition
de la notion de cause255. Certes, l’admission de la lésion qualifiée pourrait entrainer cer-
tains avantages, mais elle présenterait également certains inconvénients.
388. Ainsi, comme le constate Denis Mazeaud, la cause objective protège les intérêts
du contractant uniquement contre les déséquilibres structurels, c’est-à-dire qu’elle vise
les cas dans lesquels il n’y a pas de contrepartie ou que celle-ci est illusoire ou dérisoire.
La lésion qualifiée, quant à elle, a un champ bien plus large, car elle permet au juge de
sanctionner les déséquilibres économiques excessifs et les avantages déloyaux. Cepen-
dant, elle présente des inconvénients, notamment en ce qu’elle suppose, pour être mise
en œuvre, la preuve d’une situation de dépendance tandis que le jeu de la cause objec-
tive n’impose pas qu’une telle preuve soit rapportée256.
389. Le projet Terré ainsi que les projets européens semblent admettre la lésion quali-
fiée, mais de nombreux auteurs ne semblent pas favorables à l’abandon de la notion de
cause du droit français, notamment en ce qu’elle présente une grande flexibilité.
390. En admettant la lésion qualifiée, il ne fait pas de doute que l’article L.442-6, I,
2° du Code de commerce bouleverse le droit des contrats.
254 Génicon T., « Protection des professionnels contre les clauses abusives », RDC, 1er janvier
2012, n° 1, p. 276. 255 Mazeaud D., Génicon T., « L’équilibre contractuel : trop c’est trop ? », RDC, 1er octobre 2012,
n° 4, p. 1469. 256 Ibid.
107
391. Il convient en outre de remarquer que la lésion qualifiée n’est pas admise dans le
cadre de l’article L.132-1 du Code de la consommation, qui envisage également la sanc-
tion du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Paragraphe II. – Constat d’une infériorité de la protection des consommateurs en comparaison à celle accordée aux professionnels
392. Selon les termes mêmes de Denis Mazeaud, « si on veut respecter la logique la
plus élémentaire, de même que les professionnels dépendants et dominés, il faut aussi
que les consommateurs puissent être protégés contre la lésion qualifiée, sinon ce serait
une incohérence absolue257 ».
393. Or, l’article L.132-1 du Code de la consommation ne prévoit pas une telle pro-
tection. Il convient en effet de rappeler qu’en vertu de l’article L.132-1 al 7, « l'appré-
ciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la défi-
nition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au
bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon
claire et compréhensible ».
394. L’admission de la lésion qualifiée par l’article L.442-6, I, 2° du Code de com-
merce permet encore une fois de démontrer que l’article L.132-1 du Code de la con-
sommation ne peut être étendu aux professionnels. La notion de déséquilibre significatif
dans l’un et l’autre article n’entraine définitivement pas les mêmes conséquences et le
dispositif consumériste ne peut être transposé tel quel en droit des affaires.
257 Mazeaud D., « Protection des professionnels contre les clauses abusives », RDC, 1er janvier
2012, n° 1, p. 276.
108
CONCLUSION
395. La transposition du terme de « déséquilibre significatif » au sein du Code de
commerce peut ainsi largement être remise en cause.
396. Son interprétation est des plus délicates. Il était légitime de penser qu’elle pou-
vait être interprétée de la même manière qu’en droit de la consommation. Or, de nom-
breux éléments ont révélé que le déséquilibre significatif prévu par le Code de la con-
sommation et celui prévu par le Code de commerce ne sauraient en aucun cas être iden-
tiques : le texte du Code de commerce est rédigé de manière bilatérale, vise le fait de
« soumettre ou tenter de soumettre » un partenaire commercial, ouvre la possibilité d’un
contrôle aussi bien juridique que financier … Les différences apparaissent in fine nom-
breuses et importantes.
397. En outre, l’interprétation qui en a été faite par la jurisprudence n’est pas des plus
limpides. Les tribunaux consulaires ont certes, permis d’apporter certains éclaircisse-
ments, mais ils ne s’accordent pas toujours sur l’interprétation à adopter, de telle sorte
qu’aucune interprétation uniforme ne peut se dégager de ces décisions.
398. Au-delà des difficultés d’application de l’article L.442-6, I, 2° du Code de com-
merce, ce dernier créée une véritable insécurité juridique pour les professionnels qui ne
peuvent aisément saisir les limites de cet article et qui ne disposent d’aucune illustration
ou liste de clauses, leur permettant de savoir lesquelles sont permises ou non. Il est in-
déniable qu’une liste de clauses grises ou noires permettrait de gagner beaucoup en
termes de prévisibilité et de sécurité juridique.
399. En dernier lieu, certains auteurs vont même jusqu’à considérer que cet article
L.442-6, I, 2° du Code de commerce est susceptible de détruire notre droit des contrats
en permettant au juge de se « lancer dans une chasse au déséquilibre contractuel et donc
de réviser les contrats après coup258 ».
258 Mazeaud D., Génicon T., « Protection des professionnels contre les clauses abusives », RDC,
1er janvier 2012, n° 1, p. 276.
109
CONCLUSION GENERALE
400. La reprise du « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties
au contrat » de l’article L.132-1 du Code de la consommation au sein de l’article L.442-
6, I, 2° du Code de commerce semblait de prime abord opportune : les professionnels
méritent protection autant que les consommateurs en ce qu’ils peuvent se trouver en
situation d’infériorité vis-a-vis de leur cocontractant – ce qu’atteste l’étude du droit
comparé qui révèle que des dispositifs de protection ont été adoptés dans d’autres Etats
Membres – et ni le droit de la consommation, ni le droit commun n’étaient à même
d’assurer une telle protection en France.
401. Or, l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce, bien que reprenant la formule
de « déséquilibre significatif » ne peut être envisagé comme la transposition pure et
simple du dispositif protecteur du Code de la consommation : cela s’explique simple-
ment par le fait que le droit de la consommation et le droit de la concurrence sont
« deux systèmes juridiques qui n’ont en commun ni les mêmes finalités, ni les mêmes
techniques259 ».
402. Comment dès lors fallait-il interpréter cette notion ? Partant du constat que le
droit de la consommation et le droit de la concurrence sont deux systèmes juridiques
différents, était-il alors véritablement opportun de transposer le dispositif consumériste
au sein du Code de commerce ?
403. Cette notion peut effectivement être remise en cause. La jurisprudence nous
livre, certes, quelques illustrations de clauses pouvant tomber sous le coup de l’article
L.442-6, I, 2° du Code de commerce mais peine à en donner une interprétation uni-
forme.
259 Catala P., « Des contrats déséquilibrés », Etudes à la mémoire de Fernand Charles Jeantet, Lexis
Nexis, éd. 2010, p. 84.
110
404. La jurisprudence ne délivre ainsi aucune interprétation suffisamment claire pour
les professionnels, qui ne peuvent en plus de cela, se référer à aucune liste prévue par
l’article lui-même, qui devient une véritable source d’insécurité juridique.
405. Peut-être pourrions-nous alors nous poser la question de savoir comment remé-
dier à cette insécurité juridique ? Serait-il opportun de maintenir l’article L.442-6, I, 2°
du Code de commerce ou faudrait-il consacrer une protection de droit commun contre
les clauses abusives ?
406. Pour répondre à la première des interrogations, il semble que le dispositif prévu
par l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce puisse être maintenu en l’état. Le pro-
blème n’est pas tant le terme même de déséquilibre significatif, mais l’interprétation
qu’il faut en donner. Ainsi, le dispositif prévu par le droit de la consommation illustré
par des listes de clauses noires et grises, respectivement irréfragablement présumées
abusives et simplement présumées abusives est un dispositif qui fonctionne et qui donne
une idée claire des clauses interdites. Il apparaît que le dispositif prévu au sein du Code
de commerce serait davantage viable, s’il était assorti de listes de clauses. Cela permet-
trait ainsi aux professionnels de savoir si la clause envisagée est ou non abusive.
407. En outre, et au-delà de la nécessité d’illustrer l’article L.442-6, I, 2° du Code de
commerce, celui-ci mériterait également d’avoir un champ d’application mieux défini.
Cela permettrait notamment de répondre à la question de savoir si ce texte concerne
uniquement la grande distribution ou s’il peut être envisagé comme un texte de droit
commun.
408. Pour répondre ensuite à la seconde interrogation, il pourrait être opportun
d’envisager un texte de droit commun permettant de lutter contre les clauses abusives.
L’avant-projet de réforme de droit des obligations et de la prescription, autrement appe-
lé avant-projet Catala, prévoyait ainsi en son article 1122-2 que « la clause qui crée dans
le contrat un déséquilibre significatif au détriment de l’une des parties peut être révisée
ou supprimée à la demande de celle-ci, dans les cas où la loi la protège par une disposi-
tion particulière, notamment en sa qualité de consommateur ou encore lorsqu’elle n’a
pas été négociée ». Cela permettait ainsi au consommateur d’obtenir la révision ou sup-
111
pression d’une clause abusive, négociée ou non, et à tout contractant, même profession-
nel, d’obtenir la révision ou suppression d’une clause non négociée.
409. L’instauration d’un article unique visant à la fois les relations consommateur-
professionnel ou les relations entre professionnels semble être une proposition intéres-
sante, qui permettrait d’éviter un éparpillement de la protection et de gagner en clarté
dans le domaine de la protection contre les clauses abusives.
410. Il n’en demeure pas moins que dans chaque cas, il est essentiel de délimiter de
manière claire le champ d’application du texte et de l’illustrer dans un souci de sécurité
juridique.
112
ANNEXES
ANNEXE I -
ARTICLE L. 132-1 DU CODE DE LA CONSOMMATION
MODIFIE PAR LA LOI N°2010-737 DU 1ER JUILLET 2010 - ART. 62
Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou con-sommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission instituée à l'article L.
534-1, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant
un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du carac-
tère non abusif de la clause litigieuse.
Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu
égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être re-
gardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.
Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat.
Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux
ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement
ou non ou des références à des conditions générales préétablies.
Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161,1163 et
1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment
de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de
même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de
celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux
contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
113
L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni
sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rému-
nération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées
de façon claire et compréhensible.
Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées
abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.
Les dispositions du présent article sont d'ordre public.
114
ANNEXE II -
ARTICLE L. 442-6 DU CODE DE COMMERCE
MODIFIE PAR LA LOI N°2010-874 DU 27 JUILLET 2010 - ART. 14 (V)
I. – Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatricu-lée au répertoire des métiers :
1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quel-
conque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifes-
tement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut
notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans
contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale,
d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de
magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou
d'achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des
chiffres d'affaires ou en une demande d'alignement sur les conditions commerciales
obtenues par d'autres clients ;
2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des par-ties ;
3° D'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage, condition préalable à la passation
de commandes, sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné
et, le cas échéant, d'un service demandé par le fournisseur et ayant fait l'objet d'un ac-
cord écrit ;
4° D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale to-tale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ;
115
5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie,
sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la
durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des
accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de
produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle
qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut
de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque caté-
gorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum
de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment
en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la facul-
té de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou
en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une
mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de
celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée
du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas ;
6° De participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de re-
vente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou ex-
clusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ;
7° De soumettre un partenaire à des conditions de règlement qui ne respectent pas le plafond fixé au neuvième alinéa de l'article L. 441-6 ou qui sont manifeste-ment abusives, compte tenu des bonnes pratiques et usages commerciaux, et s'écartent au détriment du créancier, sans raison objective, du délai indiqué au huitième alinéa de l'article L. 441-6. Est notamment abusif le fait, pour le débi-teur, de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d'émis-sion de la facture ;
8° De procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d'office du mon-
tant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-
respect d'une date de livraison ou à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette
n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur n'ait été en mesure
de contrôler la réalité du grief correspondant ;
9° De ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions
116
prévues à l'article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou tout demandeur de presta-
tions de services qui en fait la demande pour l'exercice d'une activité professionnelle ;
10° De refuser de mentionner sur l'étiquetage d'un produit vendu sous marque de
distributeur le nom et l'adresse du fabricant si celui-ci en a fait la demande conformé-
ment à l'article L. 112-6 du code de la consommation ;
11° D'annoncer des prix hors des lieux de vente, pour un fruit ou légume frais, sans
respecter les règles définies aux II et III de l'article L. 441-2 du présent code ;
12° De ne pas joindre aux fruits et légumes frais destinés à la vente ou à la revente
à un professionnel établi en France, lors de leur transport sur le territoire national, le
document prévu à l'article L. 441-3-1 ;
13° De bénéficier de remises, rabais et ristournes à l'occasion de l'achat de fruits et
légumes frais en méconnaissance de l'article L. 441-2-2.
II. – Sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un com-merçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité :
a) De bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopéra-
tion commerciale ;
b) D'obtenir le paiement d'un droit d'accès au référencement préalablement à la pas-
sation de toute commande ;
c) D'interdire au cocontractant la cession à des tiers des créances qu'il détient sur lui
;
d) De bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant ;
e) D'obtenir d'un revendeur exploitant une surface de vente au détail inférieure à
300 mètres carrés qu'il approvisionne mais qui n'est pas lié à lui, directement ou indirec-
tement, par un contrat de licence de marque ou de savoir-faire, un droit de préférence
sur la cession ou le transfert de son activité ou une obligation de non-concurrence post-
contractuelle, ou de subordonner l'approvisionnement de ce revendeur à une clause
117
d'exclusivité ou de quasi-exclusivité d'achat de ses produits ou services d'une durée su-
périeure à deux ans.
L'annulation des clauses relatives au règlement entraîne l'application du délai indi-
qué au deuxième alinéa de l'article L. 441-6, sauf si la juridiction saisie peut constater
un accord sur des conditions différentes qui soient équitables.
III. – L'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente
par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé
de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier
constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mention-
née au présent article.
Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent
demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au
présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des
clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également
demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2
millions d'euros. Toutefois, cette amende peut être portée au triple du montant des
sommes indûment versées. La réparation des préjudices subis peut également être de-
mandée. Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au
commerçant, à l'industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se
prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation.
La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa déci-
sion ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. Elle peut également
ordonner l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les
opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de
l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne condamnée.
La juridiction peut ordonner l'exécution de sa décision sous astreinte.
Les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions
dont le siège et le ressort sont fixés par décret.
Ces juridictions peuvent consulter la Commission d'examen des pratiques commer-
118
ciales prévue à l'article L. 440-1 sur les pratiques définies au présent article et relevées
dans les affaires dont celles-ci sont saisies. La décision de saisir la commission n'est pas
susceptible de recours. La commission fait connaître son avis dans un délai maximum
de quatre mois à compter de sa saisine. Il est sursis à toute décision sur le fond de l'af-
faire jusqu'à réception de l'avis ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de quatre mois
susmentionné. Toutefois, des mesures urgentes ou conservatoires nécessaires peuvent
être prises.L'avis rendu ne lie pas la juridiction.
IV. – Le juge des référés peut ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation des
pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire.
119
ANNEXE III -
CLAUSES ET COMPORTEMENTS ABUSIFS CREANT UN DESEQUILIBRE SIGNIFICATIF ENTRE LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES :
PRINCIPALES ILLUSTRATIONS JURISPRUDENTIELLES
TC Lille, 6 janvier 2010, min. éco. c/ Castorama, Jurisdata n° 2010-000338260
Les juges ont considéré que les pratiques suivantes créaient ou étaient de nature à créer
un déséquilibre significatif entre les parties :
- Le paiement mensuel des acomptes sur remise : la pratique d’acomptes
mensuels sur remises – ristournes de fin d’année – mise en place par le distribu-
teur a créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et
est abusive. L’exigence du paiement mensuel des acomptes ainsi que l’accord
dérogatoire en matière de délais de paiement dont bénéficiait le distributeur, en
l’espèce Castorama, permettait à celui-ci de bénéficier d’un différentiel de deux
à trois mois en sa faveur et au détriment de ses fournisseurs.
- Un système de pénalités en cas de retard de paiement des acomptes : ces
pénalités étaient calculées sur la base d’un taux usuraire.
- L’obligation de paiement par virement : l’usage exclusif du virement
commercial à échéance imposé par le distributeur renforce le déséquilibre cons-
taté en matière de paiement de ristournes ; cette obligation est abusive.
- L’absence de modification des acomptes en cours de contrat : pour être
équilibré, le contrat devrait, selon le tribunal, contenir une clause prévoyant une
modification du contrat au cas où le volume d’affaires avec le fournisseur vien-
drait à baisser de manière significative.
260 Mathey (N.), « Première application du nouvel article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce »,
CCC n° 3, mars 2010, comm. 71, pp. 6-9. ; Berg-Moussa (A.), « Notion de déséquilibre significatif et action du ministre : point d’étape et nouveaux questionnements », JCP E n° 9, 1er mars 2012, 1139 p. 4. ; Laurin (B.), « 3 questions, l’interprétation de la notion de déséquilibre significatif dans les relations fabri-cant-distributeur », JCP E n° 43, 27 octobre 2011, 553, p. 2.
120
TC Lille, 7 septembre 2011, SAS Eurauchan, Jurisdata n° 2011-020988261
Dans cette espèce, les clauses contestées et de nature à créer un déséquilibre signi-
ficatif entre les droits et obligations des parties étaient :
- Les clauses relatives à l’évolution tarifaire : il ne s’agissait pas d’une
clause mais d’une combinaison de clauses. Le contrat prévoyait que toute aug-
mentation des tarifs du fournisseur, en cours d’année, devait être notifiée à Eu-
rauchan, être justifiée par des éléments objectifs et acceptée par le distributeur, à
défaut de quoi, la relation pouvait être rompue par le distributeur. Inversement,
la baisse des matières premières permettait au distributeur, en l’espèce à Au-
chan, de dénoncer la convention si le fournisseur ne répercutait pas cette baisse
dans ses tarifs, contraignant son partenaire à renégocier. Ces différentes clauses
conduisaient à rendre plus difficile l’augmentation des tarifs du fournisseur que
leur baisse et cette différence de traitement serait, pour le tribunal de commerce
de Lille, constitutive d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations
des parties.
Les juges lillois ont ainsi considéré que « (…) la réciprocité de renégocia-
tion mise en avant par Eurauchan est déséquilibrée dans ses modalités
d’application, qu’inscrit dans la convention unique un tel désavantage en défa-
veur des fournisseurs dans les obligations réciproques affecte un des éléments
déterminants de la relation commerciale, à savoir la formation du prix ;; qu’il
crée ainsi un déséquilibre significatif final de l’ensemble des droits et obliga-
tions des partenaires lorsqu’ils sont soumis à des variations fortes et brutales de
leurs prix de revient ».
- La clause relative au taux de service fournisseur : la convention prévoyait
un système de pénalités en cas de non-respect par le fournisseur d’un taux de
service minimum. Le taux retenu était d’une grande sévérité : 98,5%.
Le tribunal a considéré que « cette obligation de taux de service a un carac-
tère contraignant et pénalisant pour un grand nombre de fournisseurs ;; qu’elle
est dépourvue de réciprocité et de contrepartie ;; qu’il y a une trop grande dispro-
261 Mathey (N.), « Déséquilibre significatif dans les relations de distribution », CCC n° 11, No-
vembre 2011, comm. 234, pp. 4-6 ; Berg-Moussa (A.), op. cit. p. 5 ; Laurin (B.), op. cit., p. 2.
121
portion entre le manquement et la sanction (pénalité) ;; qu’elle est déséquilibrée
au profit d’Eurauchan ;; qu’elle affecte à travers la livraison des produits, les pé-
nalités financières et la situation des comptes, des éléments essentiels de la rela-
tion commerciale ;; que par l’importance économique des pénalités en jeu,
l’obligation d’un taux de service de 98,5% mise à la charge du fournisseur con-
tribue donc bien dans son ensemble à soumettre ou tenter de soumettre un parte-
naire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les
droits et obligations des parties ».
TC Meaux, 6 décembre 2011, min.éco. c/ Provera, RG n° 2009/02295262
Dans cette affaire, étaient contestées :
- La clause relative à la résiliation pour inexécution contractuelle, notam-
ment en cas de « sous-performance du produit ».
Le tribunal de commerce a considéré que « le défaut de performance d’un
produit est directement fonction des conditions dans lesquelles le distributeur le
présente à la vente (…) ; que la clause ainsi rédigée apparaît purement potesta-
tive ;; qu’il s’ensuit nécessairement un déséquilibre significatif dans la relation
contractuelle ».
- La clause relative aux délais de paiement des factures émises par le four-
nisseur.
Selon le tribunal, « la société Provera n’est pas fondée à facturer ses presta-
tions avant même leur réalisation quand ses achats sont, quant à eux, payés de
trente à soixante jours après réception de la marchandise (…) ; une telle pratique
crée un déséquilibre de trésorerie au détriment du fournisseur et il existe de ce
fait un déséquilibre significatif au détriment du fournisseur ».
262 Berg-Moussa (A.), op. cit., p. 5 ; Mathey (N.), « Nouvelles décisions sur le déséquilibre signifi-
catif », CCC n° 3, mars 2012, comm. 62, p. 4.
122
TC Créteil, 13 décembre 2011, 1e et 2e espèces, min.éco. c/ Système U, RG
n°2009/01017 et min.éco. c/ Galec, RG n° 2009/01018
Dans ces deux affaires, le Tribunal de commerce de Créteil a jugé irrecevable
l’action du ministre, en se référant à la réserve énoncée par le Conseil constitutionnel263,
et l’a en conséquence débouté de l’ensemble de ses demandes, pour deux raisons :
- Le tribunal ne peut pas statuer de manière générale sans référence à des
contrats précis et donc à des fournisseurs précis.
- Pour les contrats versés aux débats, le ministre n’a pas justifié avoir in-
formé les fournisseurs concernés.
TC Créteil, 13 décembre 2011, 1e espèce, min.éco. c/ Système U, RG n°
2009/01017264
Etaient contestées dans cette espèce :
- La distorsion de traitement résultant des modalités de mise en œuvre des
pénalités pour livraisons tardives.
- L’imposition de pénalités pour retard de livraison de produits en promo-
tion
- L’imposition de pénalités forfaitaires pour non conformité
263 Cons. const. 13 mai 2011, déc. n° 2011-126 QPC. 264 Mathey (N), « Nouvelles décisions sur le déséquilibre significatif », op. cit., p. 4.
123
TC Créteil, 13 décembre 2011, 2e espèce, min.éco c/ GALEC, RG n°
2009/01018265
Etaient contestées dans cette espèce :
- La clause du contrat-cadre annuel qui exclut l’application des conditions
générales de vente des fournisseurs, à toute livraison de produits ou prestations
de service du fournisseur, au profit des conditions d’achat du Galec.
- La distorsion en matière de délais de paiement entre le Galec et ses four-
nisseurs.
- Les clauses du contrat-cadre annuel qui imposent des pénalités pour
paiement avec retard des ristournes et des prestations de service, d’un montant
manifestement déconnecté de la réalité économique du préjudice qu’elles enten-
dent prévenir.
- La clause qui met à la charge des fournisseurs les coûts inhérents à la
destruction par les consommateurs des produits et / ou de leurs emballages.
TC Meaux, 24 janvier 2012, min. éco. c/ EMC, n° 2009/02296
Les clauses contestées dans cette affaire sont :
- La clause « retour des invendus » : selon le tribunal, cette disposition
consacrerait le transport du risque d’invendus à la charge du fournisseur alors
que le distributeur détient la propriété du stock et les conditions de sa commer-
cialisation. Cette clause est de portée générale et est imposée systématiquement
et abusivement par le distributeur. Elle crée ainsi un déséquilibre significatif
entre les droits et obligations des parties au profit du distributeur.
265 Mathey (N.), op. cit., p. 4.
124
- La clause « changement de tarifs et conditions » : le déséquilibre de trai-
tement des hausses et des baisses de prix est contesté. Il n’y avait en l’espèce
aucune liberté de négociation.
TC Bobigny, 29 mai 2012, Darty, n° 2009F01541266
Les juges ont considéré que les pratiques suivantes créaient ou étaient de nature à
créer un déséquilibre significatif entre les parties :
- La clause de « protection de stock » : cette clause prévoit qu’en cas de
baisse de tarif d’un produit, le fournisseur établira au client un avoir correspon-
dant à l’écart entre le précédent prix et le nouveau prix multiplié par le nombre
de produits en stock chez le client.
Pour le tribunal, en établissant, en cas de changement de tarif, un avoir
compensant la dépréciation de stock, le fournisseur fait rétroagir la baisse de ta-
rif, ce qui constitue un avantage certain pour le distributeur, alors qu’il est pro-
priétaire de la marchandise qu’il a achetée, et que le stock qu’il a constitué ré-
sulte de sa seule politique commerciale.
Cette clause donne ainsi un pouvoir discrétionnaire d’appréciation à la so-
ciété Darty, lui conférant un avantage créant un déséquilibre significatif dans les
droits et obligations des parties.
- La clause de « produits obsolètes-mévente d’un produit » : elle prévoit
qu’en cas d’obsolescence d’un produit, d’arrêt de fabrication ou de mévente, le
fournisseur pourra établir, à son initiative, un avoir au bénéfice du client corres-
pondant à l’écart entre le prix auquel le produit a été acheté par le client et un
prix conforme à la situation nouvelle du marché à l’achat, multiplié par le
nombre de produits en stock chez le client.
Selon le tribunal, « […] traditionnellement, le risque de mévente est intégré
dans la négociation commerciale ;; qu’en effet, lorsqu’il négocie son prix
266 Ponsard (M.), « Le déséquilibre significatif : bilan et perspectives », CCC n° 5, mai 2013, dos-sier 4, p. 7.
125
d’achat, le distributeur intègre le risque de mévente et minimise son risque en
négociant ce prix à la baisse ; que dans cette clause le déséquilibre provient du
fait que le distributeur détient presque tous les leviers lui permettant d’agir sur le
niveau des ventes ;; […] que les autres clauses dans les contrats ne sont pas
propres à compenser une telle clause, […] ;; que cette clause qui est à l’initiative
de Darty concerne l’ensemble des fournisseurs ; que le déséquilibre de cette
clause ainsi institué est donc significatif ».
126
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CEPC, Rapport d’activité, 2006-2007.
CEPC, Rapport d’activité, 2007-2008.
Rapport de Marie Dominique Hagelsteen, La négociabilité des tarifs et des conditions
générales de vente, 12 février 2008.
Bilan d’activité de la DGCCRF pour 2009, présenté par le Secrétaire d’Etat Hervé No-
velli, 1er juin 2010.
AVIS DE LA CEPC
- avis n° 09-01
- avis n° 09-06 (09041502)
- avis n° 09-10 (09052004)
- avis n° 09-12 (09102805)
- avis n° 09-13 (09120908).
134
JURISPRUDENCE
Jurisprudence française
Décisions de la Cour de cassation :
Cass. civ., 6 mars 1876, D. 1876, I, p. 193.
Cass. civ. 18 février 1924, D. 1924.I.17.
Cass. com. 7 janvier 1963, Bull. III, n° 16.
Cass. civ. 3e. 9 mars 1967, Bull. civ. III, n° 111.
Cass. civ 3e. 11 mai 1976, n° 75-10.854.
Cass. civ 1e, 28 avril 1987, n° 85-13.674.
Cass. civ. 3e.18 octobre 1989, n° 88-11.336.
Cass. civ 1e. 19 décembre 1990, n° 88-12.863.
Cass. civ 3e. 9 janvier 1991, n° 89-15.780.
Cass. civ 1e. 14 mai 1991, n° 89-20.999.
Cass. com. 13 octobre 1992, n° 90-19.535.
Cass. com. 6 avril 1993, Bull. civ. IV. n° 138, p.94.
Cass. Civ 1e, 24 novembre 1993, n° 91-17.753.
Cass. civ 1e, 24 janvier 1995, n° 92-18.227.
Cass. A.P.. 1er décembre 1995,
- n° 91-15.578, Bulletin 1995, A.P. n° 7, p. 13
- n° 93-13.688, Bulletin 1995, A.P. n° 9, p. 16
- n° 91-15.999, Bulletin 1995, A.P. n° 7, p. 13
- n°91-19.653, Bulletin 1995, A.P., n° 8, p. 15.
Cass. civ 1e. 5 décembre 1995 n° 93-19.874.
135
Cass. Civ. 1e, 3 janvier 1996, n° 93-19.322.
Cass. civ. 27 fév. 1996, n° 93-21.845.
Cass. civ. 1re, 9 mai 1996, n° 94-20.516.
Cass. soc. 5 juin 1996, n° 92-42.298.
Cass. com. 9 juillet 1996, n° 94-176.12.
Cass. com. 22 octobre 1996, n° 93-18.632.
Cass. Civ 1e, 22 octobre 1996, n° 94-15.615.
Cass. com. 14 janvier 1997, n° 95-12.769.
Cass. com. 11 février 1997, n° 95-10.851.
Cass.com. 17 juin 1997, n° 95-14.105.
Cass. com. 23 juin 1998, n° 95-16.117.
Cass. com. 8 octobre 2002, n° 99-18.619.
Cass. com. 3 mars 2004, n° 02-14.529.
Cass. com. 6 février 2007, n° 03-20.463.
Cass. com. 23 octobre 2007, n° 06-14.981.
Cass. com. 23 octobre 2007, n° 06-16.774.
Cass. com. 16 décembre 2008, n° 07-18.050.
Cass. com. 20 janvier 2009, n° 07-17.556.
Cass. com. 13 avril 2010, n° 09-66.309.
Cass. com. 22 juin 2010, n° 09-67.814.
Cass. com. 14 septembre 2010, n° 09-14.322.
Cass. com. 15 octobre 2010, n° 10-40.039.
136
Décisions de Cour d’appel :
CA Paris, pôle 5, ch. 4, 19 janvier 2011, France Logistique c/ La Poste, n° 08-08.300.
CA Paris, 19 janvier 2011, n° 07-22.152.
CA Versailles, 12e ch, sect.2, 12 mai 2011, Réemploi Manutention Continue c/ GA Ca-
pital Equipement Finance, n° 10/00800.
CA Nancy, 14 décembre 2011, n° 10/02664.
Décisions de première instance :
TC Lille, 6 janvier 2010, min. éco. c/ Castorama, JurisData n° 2010-000338.
TC Lille, 7 septembre 2011, SAS Eurauchan, JurisData n° 2011-020988.
TC Meaux, 6 décembre 2011, min.éco. c/ Provera, RG n° 2009/02295.
TC Créteil, 13 décembre 2011, 1e espèce, min.éco. c/ Système U, RG n° 2009/01017.
TC Créteil, 13 décembre 2011, 2e espèce, min.éco c/ GALEC, RG n° 2009/01018.
TC Meaux, 24 janvier 2012, min. éco. c/ EMC, n° 2009/02296.
TC Bobigny, 29 mai 2012, Darty, n° 2009F01541.
TC Evry, 6 février 2013, 3e ch, min.éco. c/ SNC Spal Boissons et autres, n°
2009F00727.
Décisions du Conseil constitutionnel :
Cons. const., 13 janvier 2011, déc. n° 2010-85 QPC.
Cons. const., 13 mai 2011, déc. n° 2011-126 QPC.
Jurisprudence communautaire
CJUE, 4 juin 2009, affaire C-243/08.
137
INDEX
(Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes)
C
Cadre commun de référence, 167 et s.
Cause, 91 et s.
Clauses abusives, 244 et s.
Clauses grises, 287 et s.
Clauses noires, 277 et s.
Conditions générales déraisonnables, 124 et s., 173.
Consommateur, 240, 243.
Consumérisation, 14.
D
Déséquilibre significatif
- Champ d’application, 343 et s., 350 et s.
- Interprétation, 255 et s., 295 et s., 314 et s.
- Transposition, 27 et s., 231 et s., 249.
E
Equilibre contractuel, 46, 106 et s.
Equité, 87 et s.
I
Imprévision, 371 et s.
Insécurité juridique, 48, 341 et s., 354 et s.
138
L
Lésion qualifiée, 270, 383 et s.
Loyauté, 72 et s., 101 et s.
N
Non professionnel, 39 et s., 52 et s., 241.
P
Professionnel, 30, 61 et s., 116, 240, 243.
U
UCTA, 154 et s., 161, 163, 175.
UTCCR, 154 et s., 175.
139
TABLE DES MATIERES
ABREVIATIONS ........................................................................................................... 1
SOMMAIRE ................................................................................................................... 4
INTRODUCTION .......................................................................................................... 6
PARTIE I – L’OPPORTUNITE DE LA TRANSPOSITION DU TERME DE « DESEQUILIBRE SIGNIFICATIF » AU SEIN DE L’ARTICLE L. 442-6, I, 2° DU CODE DE COMMERCE ...................................................................................... 16
TITRE I. – DES MOYENS INSUFFISANTS DE PROTECTION DES PROFESSIONNELS
CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES ................................................................................ 16
CHAPITRE I. – UNE PROTECTION DERISOIRE PAR LE DROIT DE LA CONSOMMATION .
.................................................................................................... 17
Section I. – Une protection envisageable des professionnels contre les clauses abusives par le droit de la consommation ......................................... 17
Paragraphe I. – Une protection des professionnels par le droit de la
consommation non exclue par le législateur ................................................... 18
Paragraphe II. – Une protection des professionnels par le droit de la
consommation non exclue par la doctrine ...................................................... 19
Section II. – Une protection des professionnels par le droit de la consommation majoritairement écartée par une jurisprudence rigoureuse ............................................................................................................................ 21
Paragraphe I. – Une jurisprudence passée hésitante ....................................... 21
Paragraphe II. – Une jurisprudence actuelle restrictive ............................... 22
140
CHAPITRE II. – UNE PROTECTION LACUNAIRE PAR LE DROIT COMMUN DES
CONTRATS .................................................................................... 25
Section I. – Une protection envisageable par les instruments d’équilibre du
droit commun des contrats .............................................................................. 25
Paragraphe I. – Une protection imposée par l’exigence de loyauté ............ 26
A. – L’exigence de loyauté, instrument de protection contre les clauses
clandestines ................................................................................................. 26
B. – L’exigence de loyauté, instrument de protection contre un
déséquilibre entre les droits et pouvoirs des parties ................................... 27
Paragraphe II. – Une protection imposée par l’exigence d’équilibre
contractuel ........................................................................................... 29
A. – Une protection assurée au nom de l’équité ..................................... 29
B. – Une protection assurée au nom de la cause .................................... 30
Section II. – Une protection illusoire des professionnels contre les clauses abusives .............................................................................................................. 33
Paragraphe I. – L’illusion d’une protection efficace des professionnels par
l’exigence de loyauté ...................................................................................... 34
Paragraphe II. – L’illusion d’une protection efficace des professionnels par l’exigence d’équilibre contractuel .................................................................. 35
TITRE II. – LA NECESSITE DE PROTECTION DE LA PARTIE FAIBLE DANS LES
RAPPORTS ENTRE PROFESSIONNELS .......................................................................... 38
CHAPITRE I. – UNE PROTECTION DU PROFESSIONNEL « FAIBLE » ASSUREE EN
DROIT COMPARE ........................................................................... 39
141
Section I. – Exemples tirés des législations allemande et britannique ......... 39
Paragraphe I. – L’exemple allemand ou le contrôle de conditions générales
« déraisonnables » .......................................................................................... 40
A. – Champ d’application de la législation allemande ............................... 41 1. – Champ d’application ratione materiæ ........................................ 41 2. – Champ d’application rationæ personæ ....................................... 42
B. – Les critères du contrôle ....................................................................... 43 1. – Appréciation du caractère déraisonnable par l’application de
principes directeurs ............................................................................ 43 a. – Les principes de nécessité et de proportionnalité ................... 44 b. – Le principe de transparence .................................................... 44
2. – Apport de la jurisprudence dans l’appréciation du caractère
déraisonnable ...................................................................................... 45
Paragraphe II. – L’exemple britannique ou l’apport de solutions innovantes
pour les petites entreprises .............................................................................. 45
A. – L’extension de la protection aux petites entreprises du fait de la
constatation de professionnels « faibles » non protégés ............................. 46
B. – Les critères de protection .................................................................... 47
Section II. – L’instauration d’un principe général de protection du professionnel « faible » au sein du « Cadre commun de référence » ........... 48
Paragraphe I. – Une légitime protection des professionnels contre les clauses
abusives au sein du « Cadre commun de référence » ..................................... 49
A. – Une nécessité d’harmonisation des traditions nationales divergentes 50
B. – Les projets pour l’harmonisation d’un droit des contrats en Europe,
unanimes pour la consécration d’un instrument de protection des
professionnels contre les clauses abusives ................................................. 52
Paragraphe II. – Les lignes directrices du contrôle des clauses abusives dans
les relations entre professionnels .................................................................... 54
142
A. – Les points de convergence au sein des projets pour l’harmonisation
d’un droit des contrats en Europe ............................................................... 54 1. – Une référence commune relative à la définition de l’abus .......... 54 2. – Une limite commune relative au contrôle de l’abus .................... 55
B. – Les points de divergence au sein des projets pour l’harmonisation d’un
droit des contrats en Europe ....................................................................... 56 1. – Divergences quant au champ d’application du mécanisme de
protection ............................................................................................ 56 2. – Divergences quant au mode de conclusion des clauses .............. 57
CHAPITRE II. – L’INSTAURATION D’UN MECANISME DE PROTECTION DU
PROFESSIONNEL FAIBLE EN DROIT FRANÇAIS : LE CHOIX D’UNE
REFORME DE L’ARTICLE L. 442-6, I, 2° DU CODE DE COMMERCE . 59
Section I. – Les motivations de la modification de l’article L. 442-6, I, 2-b) ... ............................................................................................................................ 59
Paragraphe I. – L’introduction de la notion de « déséquilibre significatif »
motivée par le manque d’efficacité de l’ancien article L. 442-6, I, 2, b) ....... 60
Paragraphe II. – L’introduction de la notion de « déséquilibre significatif »
motivée par la volonté du législateur d’adopter un dispositif de protection
général ........................................................................................... 62
Section II. – Un choix rédactionnel d’inspiration consumériste : Pourquoi ? Quels impacts ? ................................................................................................. 63
Paragraphe I. – Le choix d’un rapprochement avec le droit de la
consommation ........................................................................................... 64
Paragraphe II. – Premières hésitations sur la transposition de la notion de
« déséquilibre significatif » au sein du Code de commerce ........................... 65
CONCLUSION .............................................................................................................. 69
143
PARTIE II – LA REMISE EN CAUSE DE LA TRANSPOSITION DU TERME DE « DESEQUILIBRE SIGNIFICATIF » AU SEIN DE L’ARTICLE L. 442-6-I-2° DU CODE DE COMMERCE ...................................................................................... 70
TITRE I. – LES DIFFICULTES D’APPLICATION DE L’ARTICLE L. 442-6, I, 2° DU CODE
DE COMMERCE ........................................................................................................... 70
CHAPITRE I. – UNE INTERPRETATION DIFFICILE DU DESEQUILIBRE SIGNIFICATIF :
UNE NOTION AUX CONTOURS INCERTAINS .................................... 71
Section I. – Tentative d’élaboration d’une grille d’analyse de la notion de déséquilibre significatif .................................................................................... 71
Paragraphe I. – Une croyance légitime en de « vrais jumeaux » ................ 71
Paragraphe II. – La révélation de « faux jumeaux » .................................... 74
Section II. – Tentative d’élaboration d’un guide des comportements
prohibés ............................................................................................................. 77
Paragraphe I. – Tentative d’identification de clauses noires ...................... 77
Paragraphe II. – Tentative d’identification des clauses grises ..................... 80
CHAPITRE II. – UNE INTERPRETATION DIFFICILE DE LA NOTION DE DESEQUILIBRE
SIGNIFICATIF : APPORTS DE LA JURISPRUDENCE............................ 83
Section I. – Quelle application du déséquilibre significatif ? .................... 83
Paragraphe I. – Clauses et pratiques constitutives d’un déséquilibre
significatif : analyse des premières illustrations jurisprudentielles ................ 83
Paragraphe II. – Une approche sectorielle du déséquilibre significatif par la
jurisprudence ........................................................................................... 85
144
Section II. – Éclaircissements sur l’interprétation de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce ...................................................................................... 87
Paragraphe I. – Une importance accordée au caractère non négocié des
clauses ........................................................................................... 87
Paragraphe II. – Un penchant jurisprudentiel pour une analyse clause par
clause du déséquilibre significatif au sein du contrat ..................................... 90
TITRE II. – LES RISQUES LIES A L’UTILISATION DU TERME DE « DESEQUILIBRE
SIGNIFICATIF » DANS LES RELATIONS ENTRE PROFESSIONNELS............................... 94
CHAPITRE I. – UN RISQUE D’INSECURITE JURIDIQUE POUR LES PROFESSIONNELS 95
Section I. – Un risque d’insécurité dû à un champ d’application étendu
résultant de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ........................... 95
Paragraphe I. – Un large champ d’application personnel ........................... 95
Paragraphe II. – Un large champ d’application matériel ................................ 97
Section II. – Un risque d’insécurité dû à une absence totale d’illustration . 98
Paragraphe I. – Un dispositif peu structuré et précis en comparaison à celui
prévu en droit de la consommation................................................................. 98
Paragraphe II. – L’opportunité d’un dispositif plus structuré au sein du Code de commerce ......................................................................................... 100
CHAPITRE II. – UN RISQUE DE DESTRUCTION DU DROIT DES CONTRATS : L’ARTICLE
L. 442-6, I, 2° DU CODE DE COMMERCE, « UNE MACHINE À FAIRE
EXPLOSER LE CONTRAT » ? ......................................................... 102
145
Section I. – L’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ou un véritable pouvoir de réadaptation du contrat confié au juge ..................................... 102
Paragraphe I. – Une admission de la théorie de l’imprévision par l’article
L.442-6, I, 2° du Code de commerce ? ......................................................... 102
Paragraphe II. – Une admission de la théorie de l’imprévision à relativiser ....
......................................................................................... 104
Section II. – L’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ou l’admission
de la lésion qualifiée ........................................................................................ 105
Paragraphe I. – Une admission risquée du contrôle de la lésion qualifiée 106
Paragraphe II. – Constat d’une infériorité de la protection des consommateurs en comparaison à celle accordée aux professionnels ......... 107
CONCLUSION ............................................................................................................ 108
CONCLUSION GENERALE .................................................................................... 109
ANNEXES ................................................................................................................... 112
ANNEXE I - ARTICLE L. 132-1 DU CODE DE LA CONSOMMATION MODIFIE PAR LA LOI
N°2010-737 DU 1ER JUILLET 2010 - ART. 62 .............................................................. 112
ANNEXE II - ARTICLE L. 442-6 DU CODE DE COMMERCE MODIFIE PAR LA LOI N°2010-
874 DU 27 JUILLET 2010 - ART. 14 (V) ....................................................................... 114
ANNEXE III - CLAUSES ET COMPORTEMENTS ABUSIFS CREANT UN DESEQUILIBRE
SIGNIFICATIF ENTRE LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES : PRINCIPALES
ILLUSTRATIONS JURISPRUDENTIELLES ....................................................................... 119
BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 126
INDEX ......................................................................................................................... 137
TABLE DES MATIERES ......................................................................................... 139