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NOTE DINFORMATION OXFAM - RSUM 13 DCEMBRE 2016
www.oxfam.org
Singapour, au cinquime rang du classement mondial dOxfam des pires paradis fiscaux. Photo : Singapore Travel Guide
LA BATAILLE DES PARADIS FISCAUX Droit dans le mur : limpasse de la concurrence fiscale
SOUS EMBARGO jusquau mardi 13 dcembre, 00:01 GMT
Les recettes fiscales sont l'un des principaux outils disposition
des tats pour lutter contre la pauvret et les ingalits. Toutefois,
les grandes entreprises pratiquent l'vasion fiscale un niveau
industriel, privant les tats des ressources ncessaires pour lutter
contre la pauvret et investir dans la sant, l'ducation et l'emploi.
Le prsent rapport braque les projecteurs sur les pires paradis
fiscaux auxquels ont recours les entreprises. Ceux-ci illustrent une
dangereuse concurrence fiscale, qui voit certains tats rduire de
manire considrable la charge fiscale des entreprises, dans
l'espoir d'attirer les investissements privs. Il appelle les tats
cooprer pour y mettre un terme avant quil ne soit trop tard.
2
RESUME : LA BATAILLE DES PARADIS FISCAUX
L'EVASION FISCALE DES
ENTREPRISES EXCACERBE LA
CRISE DES INEGALITES
Cette anne, Oxfam a rvl que 62 personnes dtenaient elles seules
autant que les 3,6 milliards de personnes les plus pauvres1. Cette
statistique difiante illustre l'ampleur d'une crise des ingalits qui sape
la croissance conomique et la lutte contre la pauvret, tout en
dstabilisant des socits travers le monde. Le prsent rapport analyse
l'un des principaux facteurs de cette crise des ingalits, savoir la
concurrence fiscale et le nivellement par le bas de limposition des
multinationales qui en rsulte. S'appuyant sur de nouvelles recherches, il
identifie les 15 paradis fiscaux permettant les formes les plus extrmes
d'vasion fiscale de la part des entreprises. Le rapport sarrte
galement sur les consquences dommageables des taux dimposition
en baisse et autres exonrations dimpts offertes aux socits travers
le monde. Enfin, il prconise des actions concrtes pouvant tre mises
en uvre par les tats, dans l'intrt de leurs citoyens, pour mettre un
terme lre des paradis fiscaux et ce nivellement par le bas.
Les rgimes fiscaux bien conus, qui redistribuent les richesses et
contribuent au financement des dpenses publiques, constituent l'un des
outils les plus efficaces disposition des tats pour rduire les ingalits
et la pauvret tout en soutenant la croissance2. Les impts sur les
bnfices des entreprises, en particulier des grandes entreprises
prospres, sont l'une des formes de fiscalit les plus progressives. Ils
gnrent des recettes supplmentaires pour les budgets nationaux qui,
lorsqu'elles sont investies dans les services publics, rduisent les
ingalits en redistribuant les richesses sous forme de revenus
virtuels au bnfice des plus pauvres. Cela donne aux populations les
outils et les capacits ncessaires pour sortir de la pauvret, comme des
services de sant et d'ducation de qualit.
l'inverse, lorsque les tats rduisent la charge fiscale des grandes
entreprises, deux options s'offrent eux : rduire les dpenses
essentielles et indispensables pour lutter contre les ingalits et la
pauvret, ou combler le manque gagner en augmentant d'autres
impts touchant des tranches moins aises de la socit, comme la taxe
sur la valeur ajoute (TVA). Les impts indirects tels que la TVA, qui
psent de manire disproportionne sur les plus pauvres, reprsentent
en moyenne 67 % des recettes fiscales en Afrique subsaharienne. Leur
impact est encore plus lourd pour les femmes3. Paralllement,
l'augmentation des bnfices rsultant de la rduction de la charge
fiscale des entreprises profite aux actionnaires et aux propritaires des
3
entreprises, trs majoritairement aiss, ce qui creuse encore davantage
le foss entre les riches et les pauvres.
Les tats accordent souvent de faibles taux d'imposition et dautres
exonrations fiscales aux entreprises dans l'espoir d'attirer des
investissements. Pourtant, les faits dmontrent que les taux d'imposition
sur les socits ne reprsentent pas le dterminant principal du choix
dinvestissement dune entreprise. Le rapport du Forum conomique
mondial sur la comptitivit mondiale identifie 12 raisons qui poussent
les entreprises investir dans un pays4. Les plus importantes sont la
qualit des infrastructures du pays, la prsence d'une main-d'uvre
qualifie et en bonne sant, ainsi que la stabilit sociale. Les
contributions fiscales des entreprises sont essentielles pour financer ces
investissements.
LES RECETTES DE LIMPOT SUR
LES SOCIETES EN BAISSE
PARTOUT DANS LE MONDE
Au cours des dernires dcennies, les contributions fiscales des grandes
entreprises ont progressivement diminu, consquence du nivellement
par le bas de limpt sur les socits dans lesquels les tats se sont
engags. Sur les 30 dernires annes, les bnfices nets dclars par
les plus grandes entreprises du monde ont plus que tripl en termes
rels, passant de 2 000 milliards de dollars en 1980 7 200 milliards de
dollars en 20135. Cette augmentation ne s'est pas accompagne d'une
hausse correspondante des contributions fiscales des entreprises, en
partie du fait de leur recours aux paradis fiscaux.
Pour les pays en dveloppement, il est absolument crucial de mettre un
terme au nivellement par le bas de la fiscalit des entreprises et de
prserver les recettes qui sy rattachent. Dans les pays pauvres, les
recettes fiscales issues de limposition des entreprises reprsentent une
part deux fois plus grande de lassiette fiscale globale que dans les pays
riches6. En 2014, des recherches du FMI ont rvl que les pays en
dveloppement taient jusqu' trois fois plus vulnrables que les pays
riches face aux effets ngatifs des rgles et pratiques fiscales des autres
pays. Selon une rcente tude de l'universit des Nations unies, plus un
pays est pauvre, plus les entreprises sont susceptibles de dtourner
leurs bnfices vers dautres pays qui offrent des mesures incitatives
(comme des taux d'imposition infrieurs)7.
L'vasion fiscale des entreprises prive les pays en dveloppement de
prs de 100 milliards de dollars chaque anne. Cette somme permettrait
largement de financer l'ducation des 124 millions d'enfants actuellement
dscolariss, ainsi que des programmes de soins de sant qui pourraient
sauver la vie de six millions d'enfants8. Action Aid estime que les pays en
dveloppement perdent 138 milliards de dollars supplmentaires en
raison des incitations fiscales offertes aux grandes entreprises par les
pays en dveloppement eux-mmes9.
4
Le prsent rapport s'intresse deux lments cls du nivellement par le
bas de limpt sur les socits. En premier lieu, en s'appuyant sur de
nouvelles recherches menes par Oxfam, il recense et analyse les 15
paradis fiscaux auxquels les entreprises ont recours et qui sont les plus
nfastes pour l'ensemble du systme dimposition des socits. En
deuxime lieu, le rapport illustre la faon dont le reste du monde
s'engage dans une concurrence dangereuse et autodestructrice sur les
taux d'imposition et les exonrations fiscales en faveur des entreprises.
Enfin, il propose des actions que les tats doivent mettre en uvre sans
tarder pour y mettre fin avant que limpt sur les socits ne soit
dfinitivement enterr.
LES PIRES PARADIS FISCAUX
DANS LE MONDE
Les paradis fiscaux sont la manifestation ultime du nivellement par le bas
de limpt sur les socits au niveau mondial et ils existent dans toutes
les rgions du monde. Pour le prsent rapport, Oxfam a men de
nouvelles recherches pour identifier les pires paradis fiscaux dans le
monde auxquels les entreprises ont recours.
Tableau 1 : Classement Oxfam des 15 principaux paradis fiscaux pour les
entreprises
1 Bermudes
2 les Camans
3 Pays-Bas
4 Suisse
5 Singapour
6 Irlande
7 Luxembourg
8 Curaao
9 Hong Kong
10 Chypre
11 Bahamas
12 Jersey
13 Barbade
14 le Maurice
15 les Vierges
britanniques
Ces pays10 doivent leur place dans cette liste leurs pratiques favorisant
les formes les plus extrmes d'vasion fiscale des entreprises, entranant
une concurrence sur la rduction de limpt sur les socits. Pour la
dresser, les chercheurs dOxfam ont valu les pays selon 22 indicateurs
regroups sous six thmatiques fiscales : le volume des bnfices
artificiellement transfrs vers ces pays, un taux dimposition des
socits infrieur la moyenne, les indicateurs dune planification fiscale
agressive (incitations fiscales comme les patent box), labsence de
5
retenue la source (intrts ou royalties), des rgles insuffisantes sur la
taxation des socits trangres contrles et le manque de contribution
aux efforts internationaux de lutte contre lvasion fiscale 11.
Ces paradis fiscaux entranent une perte considrable de recettes
fiscales pourtant prcieuses, et leur utilisation est devenue une pratique
courante pour de nombreuses entreprises. L'analyse ralise par Oxfam
rvle que 90 % des plus grandes entreprises au monde sont prsentes