La-bas prof OK - BIBLIO - HACHETTE · pas le simple fait de la course : elle est aussi liée à...

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Là-bas Grit Poppe Livret pédagogique correspondant au livre élève n° 89 établi par Isabelle de Lisle, agrégée de Lettres modernes, professeur en collège

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Là-bas

Grit Poppe

L i v r e t p é d a g o g i q u e correspondant au livre élève n° 89

établi par Isabelle de Lisle,

agrégée de Lettres modernes, professeur en collège

Sommaire – 2

S O M M A I R E

R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3  Partie I, chapitres 1 et 2 (pp. 11 à 24) .................................................................................................................................................... 3  Partie I, chapitre 29 (pp. 81 à 83) .......................................................................................................................................................... 6  Partie II, chapitres 11 à 16 (pp. 121 à 139) .......................................................................................................................................... 10  Partie III, chapitres 7 et 8 (pp. 165 à 174) ............................................................................................................................................ 12  Retour sur l’œuvre (p. 178) ................................................................................................................................................................. 16  Réponses aux questions du groupement de textes (pp. 195 à 204) ..................................................................................................... 17  

S É Q U E N C E D I D A C T I Q U E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 9  

P I S T E S D E R E C H E R C H E S D O C U M E N T A I R E S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 0  

B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 1  

Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays. © Hachette Livre, 2014. 43, quai de Grenelle, 75905 Paris Cedex 15. www.hachette-education.com

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R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S

P a r t i e I , c h a p i t r e s 1 e t 2 ( p p . 1 1 à 2 4 )

◆ Avez-vous bien lu ? u L’héroïne du roman se nomme Anja Sander ; elle a 14 ans et est en 3e (« Anja Sander, 3e B »). v a) Ronny. b) La mère d’Anja. c) Anja. d) Frau Faulkner.

◆ Étudier un début in medias res (l. 1 à 8) w « Anja », le prénom du personnage principal, est le premier mot du roman. Ainsi, l’auteur nous invite dès le début à nous identifier à la jeune fille. On devine que le roman va raconter son histoire et qu’elle est le personnage le plus important. x On peut relever trois verbes de perception : surprendre (« surprit […] dans son champ de vision ») et entrevoir (« entrevit ») font appel à la vue, tandis que entendre (« entendit ») concerne l’ouïe. Les trois verbes se rapportent à « Anja » et donnent ainsi au lecteur l’impression que les événements sont perçus de son point de vue à elle. Le lecteur adopte donc le regard d’Anja, ce qui facilite son identification au personnage central. On pourra aborder, en cours, l’étude des points de vue et parler ici de « point de vue interne ». y Les deux incises sont composées d’un verbe de parole (« dit » et « demanda ») suivi de son sujet et d’un complément circonstanciel de manière (« d’un ton brusque », « un peu à cran ») qui vient préciser le ton de la réplique. Les incises, tout en caractérisant la façon dont les propos sont énoncés, expriment l’état d’esprit des personnages : Anja et sa mère sont en proie à des émotions violentes, voire à une angoisse. U Le dialogue vient illustrer le « stress » mentionné dans le récit. La « sueur » évoquée n’est peut-être pas le simple fait de la course : elle est aussi liée à l’angoisse de la mère transmise à Anja. Le dialogue rend plus concrète cette peur. Il contribue également à faire vivre l’action en nous donnant à entendre les personnages. L’entrée en matière est vivante. V Le roman s’ouvre sur un passage narratif qui associe le passé simple (« tourna », « surprit », « entrevit », « entendit ») et l’imparfait (« était », « balançait », « courait »). Le passé simple permet d’exprimer des actions limitées dans le temps et qui s’enchaînent ; les connecteurs temporels « et » (l. 1) et « Puis » (l. 5) indiquent cet enchaînement chronologique. L’imparfait exprime une action non limitée dans le temps ; dans notre passage, on peut relever deux valeurs qui viennent préciser sa fonction générale. Les imparfaits « était » et « balançait » sont descriptifs, alors que « courait » évoque une action de second plan. Cette alternance du passé simple et de l’imparfait, en créant deux plans (premier plan : action principale centrée sur Anja ; second plan : description et action secondaire rapportées aux autres personnages), contribue à donner du relief à la scène d’ouverture.

◆ Étudier le traitement du temps W Les expressions « Durant l’heure d’éducation civique », « Un jour » et « Depuis quelque temps » sont des groupes nominaux (classe grammaticale) compléments circonstanciels de temps (fonction). « Durant l’heure d’éducation civique » et « Depuis quelque temps » sont, plus précisément, des groupes nominaux prépositionnels. Ces expressions sont placées en tête de phrase pour attirer l’attention du lecteur car elles marquent, toutes les trois, un décrochement chronologique. Ainsi, l’épisode des chaussettes ne se déroule pas durant le cours portant sur les demandes de sortie du territoire, et il est important que le lecteur repère bien les retours en arrière. X L’expression « Durant l’heure d’éducation civique » introduit le récit d’un cours de Frau Faulkner portant sur les demandes de sortie du territoire et s’achevant par une interrogation-surprise sur les « dix avantages du socialisme ». Le complément circonstanciel de temps « Un jour » ouvre le récit de l’épisode des chaussettes : Ronny adopte une attitude provocante en retirant puis jetant ses chaussettes rouges.

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L’expression « Depuis quelque temps » introduit un résumé des divers manquements d’Anja aux règles du collège : aller manger une glace avec Ronny au lieu de participer au cours d’EPS, fixer un faux rendez-vous à son professeur principal, déchirer la lettre du directeur. Ces événements constituent des retours en arrière par rapport au récit principal. La leçon d’éducation civique a eu lieu avant que la mère d’Anja ne vienne chercher sa fille au collège. L’épisode des chaussettes et le récapitulatif des actes de provocation constituent des retours en arrière par rapport à la leçon d’éducation civique. at Dans le chapitre 2, on peut relever deux passages qui constituent un retour en arrière clairement annoncé par un indice temporel : – Le premier, introduit par « Un jour », évoque une scène dans le parc au cours de laquelle la mère d’Anja apprend à sa fille incrédule que des « punaises », c’est-à-dire des micros, ont été installées dans leur appartement. – Le second passage est un bilan annoncé par l’adverbe « Régulièrement » ; il s’agit du comportement récurrent de la mère d’Anja qui, « pas le moins du monde » découragée par l’échec de ses tentatives, ne cesse de dénoncer les dysfonctionnements de la RDA. Les deux retours en arrière sont enchâssés dans un récit-cadre : Anja et sa mère se sont réfugiées chez elles après avoir échappé aux deux policiers de la Stasi. ak La demande de sortie du territoire, qui est un événement antérieur au fil de l’histoire, n’est pas introduite par un connecteur temporel mais insérée dans un dialogue. C’est la mère d’Anja qui rapporte l’événement : « J’ai sans doute commis une erreur », dit-elle dans un premier temps ; puis les faits se précisent : « je leur ai écrit », « j’ai fait une demande ». Le passé composé exprime, dans ses répliques, une action antérieure par rapport au présent de la scène-cadre. al L’expression « Une fois arrivées à l’appartement » est un groupe participial (classe grammaticale) apposé au pronom « Elles » (fonction). Elle signale une ellipse : on passe sans transition de la scène dans le bus à celle dans l’appartement ; on ne voit pas les deux personnages quitter le bus et regagner leur domicile. am Le dernier paragraphe du chapitre 1 est une anticipation sur ce qui va se passer par la suite, « Là-bas ». Les deux verbes sont au présent du conditionnel. Ce temps exprime un futur par rapport à une action rapportée au passé, ce qui correspond bien à l’anticipation. On pourra montrer que l’anaphore de « Plus tard » vient souligner la prolepse.

◆ Étudier le personnage principal an Anja réussit bien en mathématiques : « elle parviendrait peut-être à maintenir sa moyenne de 15/20 jusqu’au prochain bulletin ». Mais elle est une adolescente rebelle qui ne se plie pas aux règles du collège. Elle est souvent absente : « Sécher les cours faisait partie du jeu », le jeu en question consistant à se montrer le plus provocant possible pour « marquer un point ». Ronny et Anja se livrent à cette dangereuse compétition car la rébellion est leur façon d’être : « ils avaient célébré leur insoumission en se tapant une coupe glacée dans un café ». En « trois minutes », Anja répond à la consigne de Frau Faulkner, ce qui prouve qu’elle domine le sujet (« dix avantages du socialisme ») ; mais sa rébellion (« si on mentionne aussi les inconvénients, ça fait des points en plus ? ») montre que son intelligence lui confère à la fois un sens de la répartie et un recul suffisant pour critiquer les « avantages » du régime. Anja va jusqu’à proposer un faux rendez-vous à son professeur principal et déchirer la lettre du directeur reçue au courrier. Non seulement elle se permet de telles entorses à la règle, mais encore elle n’en éprouve ni mauvaise conscience ni inquiétude : « elle avait pressé sa main contre sa bouche pour ne pas rire », « elle avait jeté les morceaux dans la cuisinière et les avait contemplés se consumer dans les flammes ». La distance qu’Anja manifeste par rapport au contenu des enseignements dispensés se voit dans sa réaction au contrôle sur les avantages du socialisme, mais aussi sur son cahier d’IMPS. En effet, en collant une image de « Buster Keaton, assis sur les décombres d’une carcasse de voiture, imperturbable », elle associe implicitement cette « carcasse » au « mode de production socialiste », le thème de la matière enseignée. ao Les relations d’Anja et de sa mère sont complexes. D’une part, en effet, elles ne se disent pas tout : Anja ne raconte pas à sa mère qu’elle n’assiste pas à tous les cours du collège et préfère « une coupe

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glacée dans un café » à un cours de sport ; elle n’hésite pas à déchirer le courrier que le directeur adresse à sa mère. Elle n’a pas envie de parler de sa vie de collégienne et, quand sa mère l’interroge sur sa journée, elle reste évasive et se contente de dire : « Comme d’habitude. » De son côté, la mère d’Anja ne raconte pas à sa fille tout ce qu’elle entreprend. Si Anja sait qu’elle a distribué des tracts, joué du tambour pour protester contre l’arrestation de Théa et multiplié les lettres de réclamation, elle n’est pas au courant de la démarche qui leur vaut l’intervention de la Stasi. D’ailleurs, la mère a du mal à avouer à sa fille ce qui a déclenché la venue des policiers, prélude à leur arrestation, comme en témoigne l’aveu différé dans le chapitre 2. Anja en veut à sa mère et peut se montrer agressive, « irritée ». Elle désapprouve les habitudes de cette dernière (« Encore une lettre de réclamation ») et reste « dubitative », fortement contrariée par ce qu’on lui cache (« Non seulement sa mère ne lui avait rien dit, mais elle ne lui avait même pas demandé son avis. Elle avait pris sa décision dans son dos ! »). Mais, d’autre part, Anja et sa mère sont très attachées l’une à l’autre. Ainsi, prévoyant son arrestation sans en deviner l’imminence, la mère a organisé le départ de sa fille : « Tu pourras aller t’installer chez oncle Olaf et tante Simone », « J’ai tout arrangé avec eux ». Elle se soucie de son avenir : « Tu mènerais une vie bien meilleure là-bas », c’est-à-dire à l’Ouest où habitent les grands-parents de la jeune fille. Quand la Stasi arrive, elle tente de protéger sa fille en rappelant qu’« elle doit aller à l’école », qu’elle est « innocente ». Quant à Anja, elle ne veut pas « laisser partir sa mère toute seule avec ces types ». D’une certaine façon, elle se comporte comme une mère pour sa propre mère. Quand elle se retrouve dans les locaux de la Stasi, elle se prend à rêver à son retour (discours indirect libre) à la maison : « Peut-être qu’ils allaient aussi libérer sa mère, et toutes les deux pourraient enfin rentrer à la maison. » La complicité de la mère et de sa fille, leur profonde affection se voient dans la scène du bus lorsque, ayant échappé aux deux policiers de la Stasi, elles se retrouvent l’une contre l’autre : « Mère et fille échangèrent un sourire. Anja se tenait tellement collée contre sa mère qu’elle pouvait respirer son parfum et l’odeur fleurie de son shampoing. » Après la lecture des chapitres 1 à 5, on pourra poser les questions complémentaires suivantes : A) Comment Anja se comporte-t-elle envers les personnes qui incarnent l’autorité ? On a vu qu’Anja était rebelle et que ni sa mère ni le directeur de l’école ne pouvaient exercer une quelconque autorité sur elle. Quand les policiers de la Stasi viennent les arrêter, elle et sa mère, elle ne se laisse pas impressionner et demande sans hésiter, comme par protestation : « Et pourquoi ? » De même, dans les locaux de la Stasi, elle refuse de répondre aux questions concernant sa mère (« Anja gardait le silence et baissait les yeux ») et adopte même « un air de défi », n’hésitant pas à regarder le policier « droit dans les yeux ». Dans la voiture, elle demande par deux fois où on l’emmène, puis elle réitère cette question quand elle est présentée à la « femme aux cheveux bouclés et jaune paille » : « Pourquoi ? », « Pourquoi est-ce que je suis ici ? », « Je suis où ? », « Où est-ce qu’on va m’emmener ? ». Mais cette rébellion n’est pas, chez Anja, un signe d’aveuglement ; à la fin du chapitre 5, elle manifeste « en déglutissant » une angoisse qui témoigne de sa lucidité. Lors de la scène dans l’appartement, elle se plie à la demande des policiers quand elle juge qu’il lui faut s’adapter à la situation : « C’est bon, je viens. » Elle se montre solide et déterminée à protéger sa mère, mais la peur ne l’épargne pas et elle a « froid dans le dos ». B) Anja vous semble-t-elle plutôt optimiste ou plutôt pessimiste ? Justifiez votre réponse. Certes, on peut relever, dans les chapitres, tout un champ lexical de la peur, mais Anja reste un personnage résolument optimiste. À plusieurs reprises, elle tente de voir la situation du bon côté et imagine une issue rapide et favorable : « Qu’entendaient-ils par là ? Sans doute rien de bien grave » ; « une porte bien capitonnée par laquelle elle était entrée et ne tarderait pas à ressortir » ; « Une fois rentrée à la maison, elle ferait un gâteau aux pommes et attendrait sa mère » ; « Le gâteau aux pommes, elles le confectionneraient ensemble » ; « Peut-être que, d’ici quelques jours, elles seraient chez Grand-Père et Grand-Mère ».

◆ Étudier la mise en place de l’intrigue ap Dès les premières lignes du roman, on voit Anja et sa mère tenter d’échapper à leurs « poursuivants ». L’un d’eux est décrit comme « le petit gros à la veste à carreaux ». On retrouve, ensuite, les officiers de la Stasi dans une « Wartburg couleur de boue ». Puis, au restaurant, les « deux des types qui étaient à leurs trousses » sont encore là.

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En complément, vous pourrez faire travailler les élèves sur les chapitres 3 à 5 et leur faire observer que, dans la suite du roman, la Stasi est plus présente encore : – Au début du chapitre 3, « quatre hommes » mal habillés ont fait irruption dans l’appartement ; l’un d’eux est « le petit gros qu’elles avaient semé la veille ». – Dans le chapitre 4, Anja est séparée de sa mère et interrogée par « le plus grand des deux hommes ». – Un « chauffeur » particulièrement silencieux fait son apparition dans le chapitre 5 ; il mène Anja dans « un bâtiment en brique rouge » et la confie à « une femme aux cheveux bouclés et jaune paille ». Tous ces personnages se relaient pour décider du sort d’Anja. L’autorité qu’ils représentent est celle de la Stasi, la police d’État de la RDA, chargée de détecter et corriger toute dissidence. aq Anja, au début du chapitre 1, tente de comprendre ce qui se passe et demande à sa mère si c’est « à cause du tambour ». On comprend, un peu plus loin, que la mère d’Anja a attiré l’attention sur elle en distribuant des tracts au son du tambour afin de protester contre l’arrestation de son amie Théa. Lorsque Anja et sa mère ont pu regagner leur appartement, cette dernière explique qu’elle a effectué une demande de sortie du territoire et que c’est, sans doute, la cause de l’intervention de la Stasi. On trouve, dans le chapitre 4, l’explication des poursuites : l’article 220 du Code pénal rend répréhensible son « comportement hostile et négatif ». Les policiers tentent de compléter leur acte d’accusation en obtenant, par la menace, des renseignements d’Anja : « Donnez-nous des noms. » ar Les deux dernières phrases du chapitre annoncent que la situation du personnage principal va se dégrader. Les expressions « seule au monde » et l’adverbe « Là-bas », qui occupe, en italique, une phrase à lui tout seul, touchent le lecteur et l’inquiètent. Quel est cet endroit que l’on ne peut nommer ? Qu’est-ce qui le rend innommable ? as L’angoisse d’Anja et de sa mère, la mystérieuse arrestation de Théa et la présence inquiétante de la Stasi suffisent à présenter la RDA comme un pays menaçant. Les représentants de l’ordre y exercent leur autorité de façon agressive et abusive. Le simple fait qu’Anja ne comprenne pas ce qui se passe, qu’il faille entrer chez soi sans allumer la lumière montre que les citoyens ordinaires ne vivent pas sereinement. On comprend également que la Stasi, alors qu’elle surveille la mère, n’hésite pas à inquiéter aussi la jeune fille en se tenant à la sortie du collège. Plus tard, ses agents ne ménageront pas Anja. Par ailleurs, l’évocation des cours complète le tableau. On y voit des professeurs inquiets, désireux de ne pas avoir d’ennuis. Ainsi, si Anja apprécie Frau Falkner, c’est parce que « jamais elle ne se dérob[e] lorsqu’il s’agi[t] d’aborder les sujets épineux », alors que Herr Busse, le professeur d’IMPS, n’a pas hésité à confier le cahier de son élève aux agents de la Stasi. Terrorisés, les enseignants se font les complices de la police d’État, et le contenu des cours prend la forme d’une propagande, comme en témoigne l’interrogation-surprise sur les « dix avantages du socialisme ».

◆ À vos plumes ! bt Le sujet prend appui sur le roman. En se rappelant l’inquiétude des personnages après l’arrestation de Théa, les élèves pourront imaginer ce qui a pu arriver à Anja et à sa mère. On pourra leur demander d’indiquer s’ils ont lu ou non le chapitre suivant. On veillera à ce que les attentes du sujet soient bien prises en compte : réflexions et sentiments (au pluriel) de Ronny, récit au passé et insertion d’un dialogue.

P a r t i e I , c h a p i t r e 2 9 ( p p . 8 1 à 8 3 )

◆ Que s’est-il passé entre-temps ? u a) Gonzo. b) Frau Gabler. c) Frau Dobel. d) Herr Engel. e) Doreen. v Anja se retrouve dans un foyer de transit où les adolescents sont accueillis avant d’être affectés dans un autre centre. Elle travaille dans un atelier où elle assemble des caches de diapositives. Après avoir été punie pour avoir parlé à Tom, elle est envoyée dans un « bâtiment ancien » transformé en établissement d’État où les adolescents sont scolarisés et exercent en même temps une activité manuelle en vue d’une professionnalisation. Bien qu’elle soit une élève de 3e, Anja est inscrite en 4e et passe une bonne partie de son temps à travailler en cuisine.

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w Alors qu’elle vient d’entrer dans le dortoir du foyer, Anja s’approche de la fenêtre et voit une voiture pénétrer dans la cour. Accompagné d’un « type en uniforme », en sort un jeune garçon aux cheveux « noirs comme le jais ». Il semble à Anja que le nouveau venu est menotté. Anja, de la fenêtre, fait un signe de la main à Tom, qui lui répond « par un hochement de tête ». x Anja est punie parce qu’elle a parlé à Tom qui est venu la voir dans l’atelier. Or il est interdit de communiquer avec un adolescent de l’autre sexe. y Tom raconte E.T. de Steven Spielberg et Anja a l’impression d’assister à la projection du film. Les deux adolescents font semblant de mener la vie ordinaire des jeunes de leur âge.

◆ Avez-vous bien lu ? U L’enveloppe sur laquelle Anja reconnaît l’adresse de sa mère est vide. V Anja est envoyée à Torgau parce qu’elle a blessé Frau Dobel en lui lançant une chaise au visage.

◆ Étudier les rebondissements du récit W Le chapitre 29 est riche en rebondissements : – Alors qu’Anja ne reçoit jamais de courrier, voici qu’une lettre lui est destinée. – Alors qu’elle avait simplement l’intention d’aller se réfugier aux toilettes pour pleurer, Anja lance une chaise sur Frau Dobel et la blesse. – La lettre pour laquelle Anja va être sévèrement punie n’est qu’une enveloppe dont on a vidé le contenu. – Anja est envoyée à Torgau. X Durant toute la première partie du roman, Anja s’efforce de se plier à la règle imposée et de ne pas se faire remarquer, quitte à ne pas être appréciée de ses camarades. Cette attitude soumise, en opposition avec celle de l’adolescente rebelle au lycée (chap. 1 et 2), fait partie d’une stratégie qui vise à préparer son évasion. Anja attend d’obtenir une permission de sortie pour s’enfuir. Mais la chaise que la jeune fille lance au visage de son éducatrice, à la fin du chapitre 29, anéantit tous ses efforts. Déjà, à la fin du chapitre 18, la permission désirée avait été annulée parce qu’elle avait pris la défense de Doreen. Cette fois-ci, le rêve de sortie ou de fugue est remplacé par la perspective d’un emprisonnement plus violent encore. at La dernière phrase du chapitre (« C’est bon, tu vas à Torgau ! ») est renforcée par la comparaison « comme une sirène d’alarme ». La première proposition indique l’achèvement de la partie, alors que « tu vas à Torgau », employant un présent à valeur de futur imminent, est tourné vers la deuxième étape du roman. Anja en a fini avec cette maison de rééducation (« C’est bon »), mais sa descente aux Enfers se poursuit. Depuis son arrestation, elle a connu deux foyers. Dans le premier, une simple « gare de triage » comme le présentait Gonzo, un éducateur, Herr Engel, montrait un semblant de bienveillance envers les adolescents. Dans le deuxième, aucune douceur, aucune compréhension ; Anja se tient à l’écart et prépare sa fuite. Le mot « Torgau » annonce un établissement plus dur encore. Torgau, dont l’évocation achève la deuxième partie, n’est pas un lieu inconnu du lecteur car cet établissement particulièrement inhumain a déjà été mentionné. Tom, le rebelle irréductible, y a été envoyé. Le lecteur se demande donc à quoi peut ressembler cet établissement tristement renommé (dans la fiction du roman mais aussi dans l’histoire de la RDA). Le foyer dans lequel Anja était enfermée comme dans une forteresse apparaît déjà comme un milieu hostile ; alors qu’en est-il de Torgau ? Par ailleurs, le lecteur s’inquiète pour l’héroïne de l’histoire, qui, différente de ses camarades, n’est pas toujours capable de maîtriser ses réactions. Si elle a pu lancer une chaise à la figure d’une éducatrice dans un foyer ordinaire, comment réagira-t-elle une fois enfermée à Torgau ?

◆ Étudier une scène ak La surprise est un des moteurs de l’intensité dramatique. La première phrase surprend, en effet, d’abord parce qu’elle est isolée ; de surcroît, si la précision du jour n’apporte rien, elle nous montre que ce mercredi a été différent des autres puisqu’il s’est gravé dans la mémoire d’Anja (point de vue interne). Le lecteur est également frappé par le contraste entre la précision du jour et l’imprécision du

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démonstratif « Cela », un pronom qui ne renvoie à rien de désigné auparavant. De même, la deuxième phrase accroche avec l’emploi du pronom « elle » sans antécédent exprimé dans le chapitre. Les deux phrases créent une attente chez le lecteur. On se demande ce que représente le pronom démonstratif « Cela », quel événement désigne le verbe « arriva », de quelle enveloppe et de quelle « écriture manuscrite » il s’agit. Autant d’interrogations qui suscitent la curiosité du lecteur et son envie de poursuivre le récit pour en apprendre davantage. L’accélération du temps exprimée par l’adverbe « Tout de suite » placé en tête de la deuxième phrase contribue également à accroître la tension dramatique. En outre, l’auteur sollicite l’imagination du lecteur en employant le démonstratif « Cela ». En effet, on a l’impression que l’événement majeur qui a gravé ce mercredi-là dans la mémoire du personnage est tellement difficile à cerner et à nommer qu’il est préférable de le voiler sous un démonstratif vague. Il s’agit aussi de ne pas dévoiler trop rapidement ce qui s’est passé afin d’entretenir le suspense. al Dans le passage délimité, trois temps viennent exprimer les actions rapportées dans le récit : – le passé simple exprime les actions de premier plan : « vint », « voulut », « cria », « scruta », « put », « dut », « parvint », « s’avança », « recula », « frappa », « contenta », « insinua », « s’insinuèrent » ; – l’imparfait exprime des actions de second plan, non limitées dans le temps : « avait », « vouait », « éructait », « parvenaient », « Pensait », « disait », « Était », « accusait », « Allait » ; – le plus-que-parfait exprime une action antérieure à celles du récit principal : « était venu ». am On relève, dans le passage délimité, les trois types de phrases : – des phrases complexes comportant une principale et sa subordonnée : « Anja ne s’était même pas rendu compte qu’elle s’était levée » ; « Elle mit plusieurs et interminables secondes à comprendre que ce bourdonnement provenait de ses oreilles » ; « C’était son cœur qui cognait à l’intérieur de ses oreilles » ; – des phrases simples comportant chacune une seule indépendante : « Elle retomba sur sa chaise » ; « Les pieds en métal grincèrent sur le sol » ; « Son cœur se mit à battre plus vite » ; « Frau Dobel commença par distribuer le courrier dans la salle commune » ; « On entendit des bruissements de papier, des chuchotements, des soupirs et des gloussements » ; « Anja restait figée sur sa chaise, dans l’expectative » ; « Quelque chose se mit à bourdonner » ; « “Pas le moment de tomber à la renverse”, pensa-t-elle » ; – une phrase nominale : « Un son affreux ». Les phrases simples sont nettement les plus nombreuses ; elles sont, de surcroît, brèves et juxtaposées. Cette simplicité ajoutée à l’asyndète crée un effet quasi cinématographique de ralenti. L’action est décomposée, et chaque détail est mentionné : « Les pieds en métal grincèrent sur le sol. » Cette syntaxe épurée jusqu’à la parataxe rend compte des émotions d’Anja ; la jeune fille n’est plus capable d’élaborer une pensée construite et elle ne perçoit que des bribes décousues (l’asyndète et l’énumération des bruits l’expriment) de son environnement. an Anja semble étrangère à ce qui lui arrive et elle subit les événements sans pouvoir en maîtriser le cours : – elle perçoit le monde extérieur comme s’il était filtré : « Ah oui, Anja Sander…, entendit-elle de très loin » ; « Elle distinguait sa voix, mais ne comprenait pas les mots » ; « Les mots qu’il éructait lui parvenaient comme à travers du coton. Elle dut faire un effort pour les comprendre et ne parvint qu’à discerner : “… coups et blessures… acte terroriste !” » ; – elle se perçoit elle-même comme une personne étrangère : « Je la voudrais, s’il vous plaît, s’entendit-elle articuler d’une voix de robot » ; – elle a perdu la mémoire : « Pourquoi ? Anja ne s’en souvenait plus » ; « L’instant d’après, elle ne savait plus ce qui s’était passé » ; « Elle tenait toujours la chaise dans ses mains, mais ne se rappelait pas l’avoir balancée » ; « Elle s’était vraisemblablement enfuie de la pièce en courant, même si, plus tard, elle n’avait plus aucun souvenir de l’endroit où elle avait voulu se réfugier » ; – elle ne maîtrise pas ses réactions : « Anja ne s’était même pas rendu compte qu’elle s’était levée » ; « pensant vraiment y aller pour s’y enfermer et attendre les larmes » (elle ne va pas aller aux toilettes comme elle le pense mais lancer la chaise) ; « Ce qui arriva ensuite, elle le vécut comme si elle n’était pas vraiment concernée. Comme si son moi avait rétréci au point de ne plus pouvoir le sentir ». ao Anja est étrangère à la scène qui se déroule et ne maîtrise pas ses réactions car elle est sous le coup d’une émotion violente. La découverte de l’enveloppe sur laquelle figure l’écriture manuscrite de sa mère l’a profondément bouleversée, au point de dissoudre tous ses repères et de fausser sa perception du monde et d’elle-même.

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On peut également penser que les mauvais traitements infligés à Anja, la solitude dans laquelle elle vit, le vide affectif que constitue un environnement hostile peuvent expliquer les troubles émotionnels et comportementaux de la jeune fille. En ce sens, cette scène contribue à dénoncer les méfaits de la rééducation en RDA.

◆ Étudier la critique de la RDA (partie II, chap. 1 à 3) ap Les adolescents accueillis dans les foyers de rééducation reçoivent une éducation scolaire minimale car la priorité est accordée à une formation professionnelle concrète, directement efficace. Ainsi, on voit Anja monter des caches pour diapositives dans le premier foyer et travailler en cuisine dans le deuxième, non pas pour apprendre un art délicat mais pour tartiner à la chaîne du saindoux sur des tranches de pain. Alors qu’elle était en 3e dans son collège, Anja est d’office inscrite en 4e, ce qui constitue une régression. Loin de chercher à la faire progresser, le système éducatif s’efforce de limiter ses capacités aux seuls besoins en main-d’œuvre de la RDA et de lui en inculquer les valeurs grâce au travail manuel, bien plus valorisant que le travail intellectuel au regard de l’idéologie socialiste. À Torgau, les poèmes de Rilke, un des grands poètes allemands, sont méprisés par l’éducatrice, qui supprime à Anja son recueil. Tous ces éléments dénoncent un système éducatif qui cherche à contrôler et formater plutôt qu’à élever et éveiller. aq On peut interpréter de deux manières l’interdiction de tout lien à Torgau. D’une part, il peut s’agir d’une précaution : les adolescents sont considérés comme de dangereux malfaiteurs (Anja n’a que 14 ans !), et tout objet pourrait leur servir d’armes. D’autre part, les éducateurs craignent peut-être que les jeunes n’attentent à leurs jours. Dans les deux cas, cette interdiction montre le caractère inhumain de Torgau. ar L’auteur dénonce la violence physique et psychologique exercée par les responsables sur les adolescents, qu’ils considèrent comme de dangereux criminels ou des objets. Toute jeunesse, toute humanité même leur sont interdites. La violence physique est présente à Torgau ; dès son arrivée, Anja reçoit un coup de pied. Ensuite, c’est l’humiliation qui semble dominer. Alors que la pudeur est essentielle à la dignité humaine, notamment durant l’adolescence, les éducateurs n’hésitent pas à demander à Anja de se déshabiller. On l’examine comme un objet : « on sondait tous ses orifices comme si son corps était un récipient ». Le comportement des éducateurs de Torgau est plus cruel et humiliant que dans le précédent foyer, mais il n’est pas fondamentalement différent. En effet, Frau Dobel sait se montrer cruelle, que ce soit avec Doreen (chap. 18), au moment du décès de sa grand-mère, ou avec Anja, dont elle a compris l’attachement pour sa mère (« Voyons, qu’avons-nous d’autre… Ah oui, Anja Sander… »). Le ton mielleux qu’elle adopte souligne la cruauté des propos (« Mais je vais malheureusement devoir te décevoir, Anja. Comme tu le sais, ta mère est une ennemie du peuple. Étant donné qu’elle a enfreint les lois de notre pays, nous avons donc maintenant le devoir de… comment dire… de te rééduquer pour faire de toi une bonne citoyenne. Estime-toi déjà heureuse que j’accepte de te transmettre le bonjour de ta mère. Tu peux comprendre ça, n’est-ce pas ? ») plus qu’il ne l’atténue. Grit Poppe dénonce de manière plus générale un système qui prive de liberté des individus pour des raisons politiques et qui les humilie. On voit également l’image que la RDA se fait de sa jeunesse ; les responsables, les adultes qui défendent le système ne voient, dans la génération suivante, qu’une main-d’œuvre au service de leur idéologie ; l’éducation ne consiste pas à éveiller la jeunesse mais à la formater pour la rendre utile au système en place, car, dans cette idéologie, ce n’est pas la société qui est faite pour les citoyens mais les citoyens qui sont au service d’une société définie à l’avance.

◆ À vos plumes ! as Il s’agit, ici, de s’appuyer sur les informations données dans le chapitre, mais aussi, peut-être, sur des recherches (les sites consacrés à Torgau, par exemple ; cf. p. 205). On attend la prise en compte des faits, mais aussi une réflexion portant notamment sur l’éducation et sur la société.

Réponses aux questions – 10

P a r t i e I I , c h a p i t r e s 1 1 à 1 6 ( p p . 1 2 1 à 1 3 9 )

◆ Que s’est-il passé entre-temps ? u Anja retrouve Gonzo à Torgau ; elle avait fait sa connaissance dans le premier foyer. v La jeune fille est tabassée car, ne courant pas assez vite, elle oblige tout le groupe à effectuer des tours supplémentaires : « Demain, t’as intérêt à courir plus vite, Becker, sinon, ça va être ta fête, et cette fois tu vas vraiment déguster. » w • Faux : les seaux sont destinés aux besoins naturels des prisonnières, ce qui explique l’odeur de « chlore et de merde ». • Vrai. • Faux : Anja connaît un poème de Rilke intitulé « La Panthère » ; elle le récite à l’éducatrice au lieu du règlement intérieur qu’elle aurait dû apprendre. • Faux : dans sa cellule, Anja a l’impression qu’une panthère, celle du poème de Rilke, lui tient compagnie. • Faux : l’atelier est surveillé par un éducateur nommé Herr Möller. Herr Engel était présent dans le deuxième foyer. • Vrai. • Vrai. • Faux : surprises à discuter, Anja et Gonzo doivent monter et descendre l’escalier jusqu’à épuisement. C’est quand elle entend son amie chanter dans sa cellule et qu’elle la reconnaît qu’Anja, qui a osé lui parler, est condamnée à faire des pompes sous le regard cruel de Frau Feist. • Vrai. • Vrai. • Faux : Anja a amélioré ses performances à l’atelier. Elle se fait de moins en moins remarquer. • Vrai.

◆ Avez-vous bien lu ? x Anja est envoyée au cachot car elle a communiqué, même très brièvement, avec un garçon qui doit être Tom : « À peine lui avait-elle rendu son sourire et fait un signe que, déjà, l’éducateur se mit à hurler. / Elle passa les huit jours suivants au cachot. » y Anja est conduite à l’hôpital car, après avoir embrassé Tom, elle a glissé sur l’eau savonneuse et fait une mauvaise chute dans l’escalier. Elle s’est évanouie et ne reprend conscience que dans la voiture qui la conduit à l’hôpital. U Hospitalisée et sous la seule surveillance d’un garde endormi, Anja a l’occasion inespérée de s’échapper. Consciente des risques qu’elle prend, elle s’enfuit.

◆ Étudier l’éducation à Torgau (chap. 11) V Anja tient à se réveiller de bonne heure pour ne pas « se retrouver la dernière devant la porte » car elle ne veut pas être responsable d’une punition collective. On a vu, dans le chapitre 10, la jeune Becker frappée par ses camarades pour leur avoir infligé, par sa lenteur, des tours de course supplémentaires (cf. question 4). L’expression « en aucun cas », constituant déjà une négation hyperbolique, est répétée et mise en italique. Dans la deuxième phrase, l’expression est placée en tête de phrase, ce qui lui donne plus de poids encore. W Si Anja tient absolument à ne pas être la dernière, c’est que le système des punitions collectives accroît la tension entre les détenues. Désireuse de passer inaperçue, elle ne veut pas être à l’origine d’un surcroît de souffrance. On pourrait croire qu’Anja se montre solidaire des autres et se soucie du bien commun, mais, en réalité, elle ne veut simplement pas être tabassée comme l’a été la jeune Becker. Ce type d’éducation crée, par sa dureté, une sorte de jungle où le chacun-pour-soi prend le pas sur le bien commun. À Torgau, les détenues se mettent à craindre autant leurs camarades que les éducateurs, ce qui accroît leur solitude et leur détresse psychologique.

Là-bas – 11

X Quand elle s’aperçoit que Gonzo, enfermée dans une pièce pour copier cinq cents fois sa punition, n’a pas regagné le dortoir, Anja ne peut interroger personne car il n’est pas bon de manifester, devant les éducateurs, une quelconque amitié pour une codétenue. Quand elle a parlé à son amie la première fois, elle a dû effectuer cinquante pompes (chap. 7). En outre, Anja n’a pas d’autre amie que Gonzo et ne peut donc pas s’adresser aux autres pensionnaires en toute confiance. at On peut relever : « À Torgau, l’amitié n’était pas chose courante. Chacun ne se préoccupait que de soi-même. Pas tant d’ailleurs par méchanceté que par pur instinct de survie. » Cette phrase souligne l’amitié d’Anja et de Gonzo tout en dénonçant le système éducatif de Torgau dans lequel, ayant perdu toute humanité (l’amitié, l’altruisme), les adolescents agissent par « pur instinct de survie ». ak Quand elle se retrouve dans une situation intolérable, Anja, pour se protéger et éviter de sombrer dans l’angoisse, imagine une panthère qui est une sorte de double positif d’elle-même. Quand la panthère est là, Anja se sent solide et prête à surmonter toutes les épreuves. La panthère, issue du poème de Rilke qu’elle a appris par cœur, représente la liberté et l’affirmation de soi. On peut aussi penser qu’Anja, pour éviter de trop souffrir, s’abandonne à une forme de folie dans laquelle elle ne perçoit plus la frontière entre la réalité et la fiction. al Le système éducatif de Torgau vise, en jugulant les rébellions des adolescents, à anéantir leur personnalité. Déjà, dès son arrivée dans le centre, le fait de demander à Anja de se tenir nue devant les éducateurs la réifiait. Le principe de la punition collective détruit tout lien social, les pensionnaires n’hésitant pas à répercuter sur leurs camarades la violence qu’elles subissent. Anja se sent seule et se montre prête à endurer les punitions (monter et descendre les escaliers) pour parler un moment avec Gonzo. Aucune activité enrichissante ou éducative n’est proposée aux détenues ; bien au contraire, tout est répétitif et vide de sens, qu’il s’agisse de l’enchaînement des tours de stade ou du montage des commutateurs pour les lave-linge. C’est une façon d’abêtir au lieu d’éduquer, de détruire les intelligences des adolescents. La pratique violente de l’entraînement physique n’a d’autre but que de détruire les personnalités jugées trop récalcitrantes : « il leur hurlait dessus et les houspillait jusqu’à l’épuisement » ; « jusqu’à ce que les premières craquent et se mettent à pleurer » ; « Elle avait alors l’impression de devenir quelqu’un d’autre et de moins souffrir ; quelque chose au plus profond d’elle-même se transformait en un être qu’elle ne connaissait pas ». On pense aussi à la présence de la panthère, double d’Anja, qui apparaît dans les moments de grande détresse et laisse entendre que l’adolescente glisse vers la folie pour s’échapper d’une réalité insupportable. On a aussi l’impression que l’éducation de Torgau pousse les adolescents à adopter un comportement suicidaire. Ainsi, Gonzo, sous prétexte d’être hospitalisée, n’hésite pas à se blesser avec du verre ou à avaler un crayon, au risque de se détruire elle-même.

◆ Étudier une scène de retrouvailles (chap. 14) am Tom ne semble pas certain de reconnaître Anja, et son appel prend la forme d’une interrogative hésitante : « An-ja ? » C’est encore plus net pour la jeune fille qui, à la fin du chapitre 11, n’est pas certaine d’avoir fait signe à Tom. Dans le chapitre 14, elle prononce son nom sur un ton interrogatif (« Tom ? ») et hésite à le reconnaître : « Devant elle se tenait à nouveau ce garçon qui lui avait fait un signe de la main et qui ressemblait à Tom. Sauf que… ce n’était pas lui. À moins que… » On peut avancer deux explications à cette reconnaissance difficile. D’une part, sous le coup de l’émotion, le doute s’installe, car les adolescents, dans leur grande détresse, craignent une déception. D’autre part, les jeunes gens ont changé ; Torgau les a laminés. Anja a les mains d’« une femme de cent dix ans » et Tom, dont la désinvolture nous avait auparavant frappés, est inquiet ; on le voit lancer « derrière lui un regard fébrile ». Ainsi cette scène contribue-t-elle à dénoncer les effets néfastes du système éducatif de Torgau. an Quand elle entend qu’on l’appelle, Anja a tout d’abord l’impression d’avoir une hallucination : « Avait-elle rêvé ? Le fait d’inhaler constamment du savon de Marseille produisait-il des effets secondaires inconnus ? » ; « À tous les coups, une hallucination due au savon de Marseille ». Ses émotions sont intenses et se traduisent par des réactions physiques fortes : « L’espace de quelques secondes, elle vit danser des cercles multicolores devant ses yeux » ; « Son cœur se mit à cogner comme un fou » ; « sous sa peau, ça pulsait autant que sous la sienne ».

Réponses aux questions – 12

Elle a du mal à parler et ses répliques sont très brèves : « Tom ? » ; « Moi pareil, articula Anja avec difficulté ». Elle est très heureuse de retrouver Tom et éprouve le besoin de le toucher. D’abord elle lui caresse le visage, puis elle s’approche de la grille, ce qui rend le baiser possible. Ce baiser lui procure enfin une grande joie, au point qu’elle en oublie ses souffrances et l’horreur de sa condition de détenue : les barreaux semblent se volatiliser. En même temps, Anja est inquiète car elle n’a pas le droit de communiquer avec Tom. Un simple signe à la fin du chapitre 11 lui ayant valu huit jours de cellule, Anja est anxieuse : « Elle ne put s’en empêcher, la tentation était trop forte. Elle se retourna » ; « Elle jeta un œil inquiet et furtif vers le haut de l’escalier et tendit l’oreille. Personne en vue. Pas un bruit. Avec mille précautions, elle s’avança alors vers lui ». L’intensité des émotions est telle qu’Anja en perd ses repères et hésite entre des pôles contradictoires : « C’était comique et dingue, à la fois à se tenir les côtes et à chialer. » ao Le premier baiser échangé est particulier car il a lieu dans un établissement qui interdit toute communication entre les détenus. Mais c’est surtout la présence des barreaux qui rend le moment original : l’amour et la séparation s’expriment en même temps. Le lecteur est heureux cependant de voir que l’amour triomphe puisque les barreaux semblent se volatiliser « comme par enchantement ». ap On relève : « bon sang », « dingue » (fou), « se tenir les côtes » (rire intensément), « chialer » (pleurer). Le recours au langage familier montre que la scène est racontée du point de vue d’Anja (point de vue interne), ce qui permet au jeune lecteur de s’identifier avec le personnage principal.

◆ Étudier la progression du récit aq Sur le billet figure l’adresse des amis chez qui Tom se rendra prochainement quand il aura purgé sa peine à Torgau. Anja retient l’adresse et avale le papier. Le lecteur émet plusieurs hypothèses quant à la suite de l’histoire : Tom sera libéré et rejoindra ses amis, d’une manière ou d’une autre (libération ? fugue ?) ; Anja va quitter Torgau et rejoindre le jeune garçon à Leipzig. Le dénouement commence à se profiler. ar Le dernier paragraphe marque l’achèvement de la deuxième partie : d’abord, Anja, qui court ou pédale tout au long du chapitre 16, finit par s’arrêter (« elle s’arrêta enfin »). Les lieux hostiles ont disparu : l’établissement de Torgau et la ville ont fait place à « une route de campagne, perdue au milieu de nulle part ». L’image de la nuit qui « commen[ce] à tomber » rappelle le rideau qui se baisse à la fin d’un acte au théâtre. Par ailleurs, le dernier paragraphe prépare la suite en formulant les interrogations du lecteur. Les deux questions qui achèvent la deuxième partie trouveront leur réponse dans la troisième et dernière partie.

◆ À vos plumes ! as La scène est racontée du point de vue d’Anja, et il s’agit de présenter le point de vue de Tom qui a retrouvé son amie mais n’a pas assisté à sa chute dans l’escalier. Il ne sait donc pas ce qui s’est passé exactement, et sans doute reconstitue-t-il la scène à partir des voix qu’il a pu entendre.

P a r t i e I I I , c h a p i t r e s 7 e t 8 ( p p . 1 6 5 à 1 7 4 )

◆ Que s’est-il passé entre-temps ? u C’est Gonzo qui a expliqué à Anja qu’il fallait se trouver « une mamie d’adoption ». Sans doute, comme le dit Gonzo, y a-t-il beaucoup de vieilles dames car les veuves de guerre sont nombreuses à la fin des années 1980. v Les événements se déroulent dans l’ordre suivant : g, f, a, e, d, b, c.

◆ Avez-vous bien lu ? w a) Anja. b) Tom. c) Anja. d) La mère d’Anja. x Le 9 octobre (« Deux jours plus tôt, à la manif du 7 octobre »), Anja retrouve sa mère qui la cherche en se tenant dans un tramway, une pancarte à la main : « RECHERCHE ANJA (15 ANS) ».

Là-bas – 13

◆ Étudier la représentation des événements historiques (chap. 7) y On peut relever : – « La foule, innombrable, avait envahi tout l’espace » ; – « Ce jour-là, il ne restait pas le moindre centimètre carré de libre au sol pour qu’il puisse y picorer des grains » ; – « cette masse de gens évoqua à Anja une mer agitée » ; – « elle était noire, comme avant la tempête » ; – « tous ces gens » ; – « la cohue » ; – « Lorsque la foule se mit en mouvement, Anja agrippa le bras de Tom, comme si lui seul pouvait la sauver de la noyade » ; – « La foule emplissait toute l’avenue. À perte de vue, devant et derrière eux, partout il y avait du monde ! Anja se laissait porter par le courant » ; – « cette marée humaine qui progressait vers la gare principale, comme si tous ces gens avaient décidé de partir en voyage en même temps ». Différents procédés viennent souligner le grand nombre : • Procédés grammaticaux : – le recours au pluriel indéfini : « gens » ; – les termes collectifs qui suggèrent des personnes indifférenciées : « foule », « masse », « monde » ; – l’emploi du déterminant indéfini : « tout l’espace », « tous ces gens », « toute l’avenue ». • Procédés stylistiques : – l’énumération qui crée un effet d’accumulation : « À perte de vue, devant et derrière eux, partout » ; – les adjectifs qualificatifs hyperboliques : « innombrable », « pas le moindre » ; – la comparaison : « cette masse de gens évoqua à Anja une mer agitée », « elle était noire comme avant la tempête », « comme si tous ces gens avaient décidé de partir en voyage en même temps » ; – la métaphore qui prolonge la comparaison avec la mer (métaphore filée) : « la sauver de la noyade », « Anja se laissait porter par le courant ». U L’auteur insiste sur le grand nombre de personnes pour montrer l’ampleur du mouvement de contestation, car il ne s’agit plus maintenant d’une poignée de dissidents (comme la mère d’Anja jouant du tambour) mais d’une manifestation massive de gens déterminés. Par ailleurs, cette insistance sur le nombre contribue à expliquer le comportement des forces de l’ordre et des dirigeants de la RDA. Il est plus facile d’arrêter et d’enfermer une personne isolée ou un petit groupe que de faire plier une foule. Mais le rappel de la « solution chinoise », qui est une allusion aux événements de la place Tien Anmen, montre qu’en octobre 1989 tout le monde a encore en tête la sanglante répression chinoise de juin et espère que le gouvernement de RDA ne viendra pas à bout des manifestations en tirant sur la foule. V On peut noter plusieurs réactions face aux forces de police : – La provocation : Mandy n’hésite pas à s’adresser aux policiers pour les provoquer : « Dites, les gars, vous ne comptez quand même pas nous frapper, hein ? » – La crainte : Anja s’efforce d’écarter son amie quand celle-ci provoque la police : « Anja courut la rattraper et passa son bras sous le sien pour l’éloigner. » De manière générale, la foule a peur de ce qui risque de se passer et l’auteur note que « l’atmosphère [est] étrangement tendue », que « la menace qui plan[e] dans l’air » est « aussi dense que le smog de Leipzig ». Chaque mouvement des policiers est surveillé et interprété, comme le montre la réaction de Mandy : « Les flics sont juste devant et ils foncent sur nous. » On percevait déjà cette tension inquiète dans le tramway emprunté par les jeunes gens pour rejoindre la manifestation : « Certains discutaient entre eux à voix basse, et la plupart des visages semblaient graves et préoccupés. » – Le désir d’être rejoints par les forces de police : « Rejoignez-nous ! Rejoignez-nous » est un des slogans qui circulent. Rico exprime également ce désir : « Si eux aussi se mettent de notre côté, on sera au complet ! » À la fin du chapitre, les forces de l’ordre ne représentent plus une menace : « La chaîne de policiers, qui désormais s’étaient rangés au bord de la route, n’impressionnait plus personne. » W La police, chargée de maintenir l’ordre au nom de l’État socialiste, est bien sûr perçue comme une force hostile : « ces mecs ne daignent même pas nous regarder ». Mais les jeunes gens sont conscients que le rapport de force est en train de s’inverser sous l’effet de la propagation du mouvement de protestation : « Finalement, ce sont eux [les forces de l’ordre] qui sont du mauvais côté ». Enfin, Anja et ses

Réponses aux questions – 14

amis comprennent que les forces de l’ordre sont des Allemands comme eux, victimes d’un système qui décide de leurs actes : « Dis-toi bien que, tout à l’heure, ils devront peut-être affronter leurs propres frères et sœurs ou leurs potes du club de foot ! » ; « ne crois pas qu’ils sont venus ici de leur plein gré. Ils ont probablement aussi peur que toi et moi » ; « Et, s’ils n’obéissent pas aux ordres, on les envoie direct à la prison militaire, dit Rico. Ils sont carrément coincés, là ! ». X Le dialogue entre les jeunes gens imaginé par l’auteur a une fonction didactique dans la mesure où il nous présente diverses perceptions des forces de police : celle de Mandy qui ne voit qu’hostilité ; celle de Tom qui, plus réfléchi, a analysé la situation politique et repéré l’inversion du rapport de force (« ce sont eux qui sont du mauvais côté ») ; celle d’Anja reprise sur un ton familier par Rico qui distingue dans les policiers « des êtres humains comme les autres ». On voit que Grit Poppe veut rendre compte fidèlement des événements tels qu’ils étaient perçus en 1989 afin d’instruire son lectorat. Mais elle va plus loin et guide la réflexion de ses lecteurs en les amenant à adopter un point de vue mesuré et réfléchi. La réaction trop dangereuse et peu efficace de Mandy est écartée au profit de la sagesse d’un Tom capable de comprendre ce qui se passe. N’oublions pas, en outre, que le lecteur, s’identifiant à Anja, se range à son avis quand la jeune fille rappelle que les policiers « ont probablement aussi peur que toi et moi » et qu’ils n’agissent pas « de leur plein gré ». L’auteur, par un jeu sur la double énonciation, amène ses lecteurs à ne pas se laisser piéger par leurs premières impressions mais à prendre de la hauteur par rapport aux événements (Anja oublie un temps ce que la Stasi et les gardiens lui ont fait subir) et à adopter une attitude compréhensive et surtout humaniste, ce qui n’empêche pas la fermeté : « Maintenant ou jamais ! » at « La démocratie, maintenant ou jamais » ; « Maintenant, plus que jamais » : ces slogans expriment l’opposition à un régime totalitaire et le désir d’une liberté individuelle dans un régime démocratique. Les adverbes soulignent la détermination, la volonté de ne pas céder. « Nous sommes le peuple ! » : il s’agit, là aussi, de demander la démocratie (du grec démos, « le peuple »). C’est également un rappel du projet initial de l’Allemagne de l’Est : République démocratique allemande. Les manifestants veulent dire que peuple n’est pas un simple mot politique manié par le Parti, mais qu’ils sont le vrai visage du peuple est-allemand et qu’ils entendent avoir leur mot à dire. « Nous ne bougerons pas d’ici ! » : ce slogan exprime la détermination des manifestants qui ne comptent pas reculer devant les forces de l’ordre. « Gorbi ! » : le surnom affectueux de Gorbatchev, le réformateur soviétique, rappelle, d’une part, que les événements se déroulent en sa présence, puisqu’il est venu commémorer la fondation de la RDA, et, d’autre part, que les Allemands veulent s’engager, eux aussi, dans le mouvement de la perestroïka initié par leur allié. On ne peut pas non plus s’empêcher d’y voir un clin d’œil au cours de l’Histoire, les Russes étant déjà intervenus dans les pays de l’Est (1953 : intervention soviétique pour mettre fin aux insurrections et grèves en RDA ; 1968 : sanglant printemps de Prague), mais il s’agissait alors de juguler dans le sang les protestations. « Pas de violence ! » : les manifestants clament leur non-violence tout en demandant aux forces de l’ordre d’agir de même. Plus profondément, c’est le régime de la terreur et de la répression (cf. le parcours exemplaire d’Anja) que rejette la foule. « Rejoignez-nous ! » : c’est une invitation lancée aux forces de l’ordre afin que l’unité du peuple de RDA se fasse contre les politiques. ak « Et… attends… c’est dingue, on dirait que… mais oui, ils… » ; « Pas du tout, ils se retirent ! Ils font marche arrière et nous laissent passer ! » ; « La chaîne de policiers, qui désormais s’étaient rangés au bord de la route, n’impressionnait plus personne » : à la surprise générale des Allemands de l’Est habitués à la répression, les forces de l’ordre laissent passer la foule des manifestants, ce qui signifie qu’elles ne s’opposent plus à leurs revendications démocratiques. De leur côté, les Allemands de l’Est, parce qu’ils constituent une foule solidaire, n’ont plus rien à craindre du système. Ce passage du chapitre 7 annonce la victoire de la contestation et l’effondrement du régime en place. Il se passera la même chose lors de l’effondrement du Mur de Berlin.

◆ Étudier le dénouement al Grit Poppe fait de l’apparition de la mère d’Anja un moment fort du dénouement en soulignant le caractère inattendu, voire saugrenu des circonstances :

Là-bas – 15

– la présence du tramway au milieu de la foule ; le participe « immobilisé » montre qu’il a d’ailleurs perdu sa vocation première et qu’il n’est plus qu’un objet fixe, surprenant au milieu du mouvement général (« tumulte ») ; – le fait que le tramway soit vide contraste avec la présence d’une unique voyageuse. Le groupe prépositionnel adverbial « depuis longtemps » souligne cette présence saugrenue ; – le fait que le tramway soit éteint contraste avec « le seul wagon toujours éclairé », l’adverbe « toujours » se faisant l’écho de « depuis longtemps » ; – l’attitude de la femme solitaire « brandiss[ant] une pancarte au-dessus de sa tête ». am La toute fin du chapitre 7 apporte l’élément de résolution qui permet de dénouer l’histoire : Anja, séparée de sa mère au début du roman, la retrouve. Le chapitre 8 présente la situation finale en rapprochant trois personnages pour confondre deux intrigues : Anja et sa mère (intrigue familiale), Anja et Tom (intrigue amoureuse). an La lumière et la blancheur de la bougie symbolisent l’espoir et un nouveau départ. Si, à la fin du chapitre 7, Tom prend une bougie mais ne l’allume pas, cela signifie probablement qu’il est solidaire du mouvement qui porte l’espérance d’une société meilleure mais que tout n’est pas au mieux puisque Anja n’a pas encore retrouvé sa mère. Le roman se termine sur la bougie que Tom a finalement allumée pour la tendre à Anja. Cette fois-ci, le dénouement est pleinement heureux et la flamme en est le symbole. ao Le dénouement est sous le signe de la réunion et du renouveau. En effet, Anja et sa mère sont réunies, Anja présente Tom à sa mère, les forces de police ont sympathisé avec les manifestants. De surcroît, l’effondrement du régime de la RDA sera le point de départ de la réunification de l’Allemagne. L’Histoire et l’intrigue sont toutes deux tournées vers l’avenir. En effet, de nouvelles relations sont désormais à inventer : celles entre les citoyens (sur un plan politique) ; celles entre Anja, Tom et sa mère. La phrase finale (« À partir d’aujourd’hui, tout va changer ») concerne à la fois le destin des personnages fictifs et le cours historique des événements.

◆ À vos plumes ! ap Le sujet propose l’écriture d’un épilogue qui marquera, par la reprise de la scène du restaurant, la clôture du roman. On valorisera les copies des élèves qui auront su reprendre les éléments – la fiction et l’Histoire – pour écrire leur conclusion.

◆ Lire l’image aq Considéré comme l’un des plus grands, si ce n’est le plus grand, violoncellistes du XX

e siècle, le Russe Mstislav Rostropovitch (1927-2007), parce qu’il soutient en 1970 les opposants au régime soviétique, sera exclu d’un certain nombre d’événements musicaux. Il choisit alors de s’exiler aux États-Unis. Fervent défenseur des droits de l’homme et de la liberté d’expression, il se rend spontanément à Berlin et joue des suites de Bach au pied du Mur le 11 novembre 1989, soit deux jours après son « effondrement ». Sa présence représente le triomphe pacifique (la musique) des valeurs qu’il défend. On pourra commenter : – le contraste entre le sérieux du musicien, qui représente la tradition, et le Mickey souriant, qui symbolise la culture américaine, de même que les graffitis ; – le public, qui est très proche du violoncelliste : bien que très célèbre et âgé, Rostropovitch reste accessible et partage les valeurs des jeunes qui l’écoutent ; il semble même en être le porte-parole ; – la date qui figure sur le Mur et qui inscrit la musique classique dans la modernité, assurant la continuité d’une culture et de ses valeurs.

Réponses aux questions – 16

R e t o u r s u r l ’ œ u v r e ( p . 1 7 8 )

u Les propositions justes sont : – Ville située dans le district de Leipzig. – Prison où siégeait le tribunal militaire allemand en 1939-1945. – Point de rencontre des troupes américaines et russes en 1945. – Centre de rééducation pour la jeunesse de 1964 à 1989. v

Niveau de langue familier Niveau de langue courant Niveau de langue soutenu Rigoler Boui-boui Râler Jacasser Planter Trimer

Rire Fuir Restaurant Protester Discuter Plainte Haine Attente Abandonner Fixé Travailler dur

Esquiver Se récrier Récrimination Inimitié Expectative rivé

On pourra également proposer : w Placez ces étapes de l’intrigue amoureuse dans l’ordre chronologique : 1. Tom est envoyé à Torgau. 2. Anja est envoyée à Torgau. 3. Anja aperçoit Tom par la fenêtre du dortoir. 4. Anja aperçoit Tom devant une église, dans un camion de police. 5. Tom et Anja parlent d’une cellule à l’autre. 6. Tom vient voir Anja dans l’atelier. 7. Tom et Anja s’embrassent à travers une grille. 8. Anja présente Tom à sa mère. 9. Anja avale le papier que Tom lui a donné. 10. Anja est hospitalisée. 11. Tom donne une bougie blanche à Anja. 12. Anja fait la connaissance des amis de Tom. Les événements se déroulent dans l’ordre suivant : 3, 6, 5, 1, 2, 7, 9, 10, 12, 4, 8, 11.

Là-bas – 17

R é p o n s e s a u x q u e s t i o n s d u g r o u p e m e n t d e t e x t e s ( p p . 1 9 5 à 2 0 4 )

◆ Document 1 : Victor Hugo, Les Misérables A. La misère prend plusieurs formes dans le passage, et Victor Hugo semble mettre en scène ses personnages de façon à présenter une analyse complète de la situation, comme il a pu le faire auparavant dans son court roman Claude Gueux. Zola procédera de la même manière dans L’Assommoir. On peut relever : – la faim : les deux frères n’ont « pas mangé depuis tantôt ce matin » ; – le froid : « il avisa, toute glacée sous une porte cochère, une mendiante » ; – l’abandon et les mauvais traitements : « Vous êtes donc sans père ni mère ? », et Gavroche d’ajouter son propre commentaire quand il apprend que les petits ne savent pas où se trouvent leurs parents : « Des fois, cela vaut mieux que de le savoir » ; – la mendicité et la prostitution : « La croissance vous joue de ces tours. La jupe devient courte au moment où la nudité devient indécente ». B. La détresse de la mendiante est immense, plus grande encore que celle des deux petits en larmes, car elle réagit à peine au cadeau de Gavroche ; elle n’est même plus capable de remercier l’enfant qui se prive de son cache-nez : « À un certain degré de détresse, le pauvre, dans sa stupeur, ne gémit plus du mal et ne remercie plus du bien. » Victor Hugo dénonce, ici, les effets de la misère : les pauvres sont privés de leur dignité ; ils sont déshumanisés. C. La loi du plus fort semble régner, et la réalité est une jungle où seuls les plus forts (les chiens) ou les plus débrouillards (Gavroche) peuvent survivre. La dernière phrase du passage laisse également entendre que les chiens sont moins malheureux que les enfants, que leur condition est meilleure, puisqu’ils parviennent à se nourrir. De cette façon, Victor Hugo dénonce le comportement des adultes qui traitent les enfants moins bien que les animaux.

◆ Document 2 : Carson McCullers, Le cœur est un chasseur solitaire A. On voit que Mick mène une vie difficile : le piano qu’elle aimerait acheter n’est pas neuf ; elle devra l’acheter à crédit et n’est pas certaine de pouvoir payer toutes les échéances ; elle rêve de musique mais doit travailler dans un magasin. B. On relève : « aurait », « apprendrait », « jouerait », « mettrait », « viendraient », « seraient étendus » (passif), « aurait dit » (conditionnel passé), « s’arrangerait », « servirait ». Le recours au conditionnel montre que Mick rêve son futur et que ce qu’elle imagine risque de ne jamais se réaliser. Ce mode, exprimant à la fois les rêves et les déceptions de l’héroïne, rend la fin du roman particulièrement poignante.

◆ Document 3 : Christine Arnothy, J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir A. Les personnages ont très soif et ils se précipitent pour boire. Le verbe laper et la disparition de la pudeur suggèrent une déshumanisation due à la souffrance et au tragique de la situation. On voit également la peur : « Notre joie se changea soudain en épouvante. » La souffrance des chevaux vient s’ajouter à ce que vivent les personnages. B. La situation est dangereuse car les bombardements continuent. Des mines peuvent aussi exploser au passage des personnes. La ville est en ruine et le parcours est difficile (passage délicat sur une planche). Même l’immeuble dans la cave duquel elles s’abritent risque de s’effondrer. C. La solidarité s’exprime d’abord dans la scène de la douche : « Un morceau de savon fit la ronde et des regards pleins de reconnaissance se dirigeaient vers Ilus qui l’avait apporté et le prêtait de bon cœur. » Puis, sur le chemin du retour, c’est Pista qui aide tout le monde à passer sur la planche. Enfin, la narratrice va donner à boire aux chevaux alors que l’eau est précieuse et que les réfugiés ont pris de grands risques pour aller la chercher.

Réponses aux questions – 18

◆ Document 4 : Maxim Leo, Histoire d’un Allemand de l’Est A. La presse de RDA filtre les informations et déforme les faits pour les faire correspondre à l’idéologie du Parti. On opposera ce que le narrateur lit dans le Spiegel et les mêmes événements relatés par les sources officielles d’information de RDA concernant l’insurrection ouvrière du 17 juin 1953. B. Maxim se montre très distant par rapport au régime ; il a compris que le mensonge était de rigueur de part et d’autre et il se plie à cette situation sans état d’âme : « Je pratiquais une sorte d’absence de relation avec cet État », « la réalité de ce pays ne m’intéressait plus ». Les parents de Maxim, ayant vécu la construction du pays, ont rêvé une société meilleure et, de ce fait, vivent mal cette dérive et les compromissions qu’elle entraîne pour les membres du Parti : « Anne a souffert chaque fois qu’elle a courbé l’échine » ; « elle se sentait liée à la RDA, elle voulait que les choses bougent ». Leur différence d’attitude s’explique par la différence de génération : les parents étaient présents lors de la fondation de la RDA ; Maxim, quant à lui, fait partie des jeunes qui ne trouvent pas leur place dans ce régime.

◆ Document 5 : Lola Lafon, La Petite Communiste qui ne souriait jamais A. La dernière phrase réunit trois moments différents : le résultat obtenu, le transport en ambulance et l’intervention chirurgicale. Ce resserrement exprime la précipitation des événements. B. La dernière phrase montre toute la souffrance endurée par la jeune fille ainsi que les risques qu’elle a pris pour que son pays obtienne la médaille d’or. Sa vie est particulièrement en danger dans la dernière proposition (« on craint pour son cœur »), et le lecteur mesure la pression exercée sur elle. On voit, dans cette dernière phrase, que Nadia se sacrifie ou est sacrifiée et on devine, sous les mots, la condamnation d’une dictature qui conduit à cette situation extrême. C. « Nadia » est sujet des verbes d’action « prend » et « invente », le second notamment indiquant sa capacité à tracer son propre destin. Les verbes à l’infinitif peuvent sembler des ordres qu’elle se donne pour vaincre sa souffrance, mais ils se comprennent également comme des injonctions répétées par l’entraîneur et gravées dans l’esprit de l’athlète. L’emploi de la deuxième personne (« tes jambes ») et surtout l’apostrophe « chérie » font entendre une autre voix que celle de Nadia. L’ambiguïté du passage permet au lecteur d’infléchir le texte (et la scène) dans un sens ou dans un autre.

◆ Document 6 : Nadia Comaneci aux JO de Montréal Le photographe a choisi de représenter Nadia Comaneci au cours d’un saut, quand elle ne touche plus le sol. Ce moment ainsi que les cheveux et la position des bras donnent l’impression que l’athlète vole. On voit aussi « la petite communiste qui ne souriait jamais » sérieuse et appliquée, comme le suggérait le titre du roman de Lola Lafon. Sa silhouette, sa queue-de-cheval, les cheveux échappés et le ruban dénoué lui donnent également un air enfantin et spontané, ce que peuvent démentir les muscles des jambes rappelant les longues heures d’entraînement. Ces trois caractéristiques (légèreté, sérieux, enfance) mises en avant par le photographe expliquent l’immense succès que la jeune gymnaste roumaine a obtenu en 1976. La suite de son existence sera triste car le public ne lui reconnaîtra pas le droit de grandir et de perdre sa silhouette enfantine.

Là-bas – 19

S É Q U E N C E D I D A C T I Q U E

QUESTIONNAIRES ÉTUDE DE LA LANGUE TECHNIQUE LITTÉRAIRE EXPRESSION ÉCRITE

1. Partie I, chap. 1 et 2 Tout bascule

• Les verbes de perception • Les temps du récit au passé • Les classes grammaticales des groupes de mots

• Technique et rôle du dialogue • Un début in medias res • Le traitement du temps dans le récit • Présentation du personnage principal et de l’intrigue dans un incipit

• Récit dans lequel sont insérés dialogue et expression des sentiments

2. Partie I, chap. 29 Incarcérée ?

• Les temps du récit au passé • Les types de phrases

• La notion de « scène » • Les rebondissements dans un récit • La tension dramatique • Le récit argumentatif

• Récit argumentatif • Expression des sentiments

3. Partie II, chap. 11 à 16 « Là-bas »

• Procédés de style • Les niveaux de langue

• Le récit argumentatif • La progression du récit • Les transitions

• Récit d’un événement du roman avec changement de point de vue • Expression des sentiments

4. Partie III, chap. 7 et 8 « Tout va changer »

• Expression du grand nombre • La représentation de l’Histoire • Le dénouement d’un récit • Étudier un symbole

• Suite de texte : rédaction d’un épilogue

Pistes de recherches documentaires – 20

P I S T E S D E R E C H E R C H E S D O C U M E N T A I R E S

• En lien avec le professeur d’histoire : l’histoire de la RDA et les étapes ayant mené à la chute du Mur de Berlin. • La représentation de l’école et, plus généralement, de l’éducation dans les romans. • Les systèmes éducatifs dans le monde. • La représentation de l’emprisonnement dans les romans. • La représentation de la foule dans les romans et en peinture.

Là-bas – 21

B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E

– Christian Chelebourg et Francis Marcouin, La Littérature de jeunesse, Armand Colin, 2007. – Sandrine Kott, Histoire de la société allemande au XX

e siècle (vol. 3 : La RDA), La Découverte, 2011. – Maxim Leo, Histoire d’un Allemand de l’Est, traduit par Olivier Mannoni, Actes Sud, 2010. – Eugen Ruge, Quand la lumière décline, traduit par Pierre Deshusses, 10-18, 2013. – La RDA et l’Occident (1949-1990), Colloque international, Sorbonne nouvelle (Institut allemand), Paris, 1999.