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12 > Le Devoir, lundi 24 septembre 19 73 4v* «/««IL
DISQUES
Charlebois, Aznavour, duvet Ferrépar Gisèle Tremblay
Robert Charlebois disait récemment qu'il était fati-gué de crier et d’entendre crier, précisant: “Quand quelqu'un a vraiment quelque chose de fort à dire, il n’a pas besoin de crier”. C’était il y a un mois, peu après avoir lancé sur le marche un microsillon, “La Solidaritu- de" (Barclay 80173), qui se situe précisément à ce car-refour.
On retrouve en effet sur une face des rythmes rock, et mê-me une sorte de retour aux sources du genre avec “Cau-chemar” et “Entre deux joints”; et sur l’autre, déli-bérément regroupées, des mu-siques plus douces dominées par la sonorité classique du piano, dont se détachent “In-somnie”, “Avril sur mars”, “Le piano noir”. Il n’est pas étonnant, dans la circons-tance que soit jointe aux se-condes une chanson (“Vivre en ce pays”) de Pierre Cal- vé, auteur-compositeur dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne s'est guère éloigné des rythmes de la rêverie.
La majorité des textes (neuf sur onze) ne sont pas de Char-lebois, ainsi que près de la moitié des musiques. “J’ai voulu m’offrir ce luxe une fois, a-t-il expliqué; la pro-chaine fois, les textes et les musiques seront tous de moi”. Au-delà de cette justifica-tion, on peut penser cepen-dant qu’entre deux rives il avait besoin que d’autres l'ai-dent à jeter un pont.
Il est assez significatif à cet égard que le côté rock du disque soit d’une qualité qu’on sent figée; c’est-à-dire que les chansons sont bonnes, tout à fait dans la tradition de liberté culturelle propre à Charlebois, mais qu’elles n'ont pas ce caractère nova-teur auquel il nous avait habi-tués et qu’elles constituent même pour une bonne part un rappel du passé.
Cette face du disque se ter-mine d'ailleurs sur “Cajun Stripper” dont certains ont dénoncé la finale trop méca-nique, ce solo de percussion qui s'arrête comme un phono qu'on débranle. Peut-être, après tout, Charlebois avait- il effectivement l’impression de tourner en rond et crai-gnait-il de devenir, à la fin, victime d’une inspiration ma-chinale.
Or, sur l’autre face, toutes les musiques sont de Charle-bois, sauf pour la chanson de Calvé. “Je suis un trouba-dour perdu/Venu d’un autre moyen âge, lui fait dire Claude Gagnon dans “Alchi-mie”. Vigneault, déjà, disait la même chose. Il y a, à par-tir de cette chanson, une cu-rieuse progression des tex-tes: la peur de rentrer dans le rang (“Insomnie”), la las-situde de devoir convaincre (“Adieu Alouette”), la tenta-tion du scepticisme (“Vivre en ce pays”), l'angoisse de-vant la solitude (“Avril sur mars”), et la mort (“Le pia-no noir”).
Charlebois disait encore que le meilleur musicien du monde, une fois qu’il a montré sa virtuosité, qu’a-t-il prou-vé sinon cette virtuosité mê-me? Et il ajoutait: “Alors qu’un homme intelligent, on peut l’écouter parler pendant des heures sans se lasser”. Sur la seconde face Charlebois cherche à retrouver le sens de la parole, la musique des textes. Charlebois rentre en lui-même. Ce disque est une invitation au suivant. Il y ex-prime, à l’inverse, le même besoin que Véronique Sanson dont le prochain microsillon, a-t-elle annoncé, sera plus violent, “pour réapprendre la vraie douceur”.
•Avec Charles Aznavour
(Barclay 85003/04), on change complètement de niveau d’ex-pression et il faut se le rap-peler. Cet album double, pré-senté sous le titre “Aznavour chez lui, à Paris”, a été enregistré à l’Olympia en no-vembre dernier. Le maître de la romance y chante quel-ques-uns de ses grands suc-cès des dernières années: “Désormais”, “Mourir d’ai-mer”, “Les plaisirs démo-dés”, “Idiote, je t’aime”, “Emmenez-moi”, “Que c’est triste Venise”.
Certes, ici comme ailleurs, Aznavour apparaît trop sou-vent comme une machine à produire, rabâchant des thè-mes usés dont il a, à satiété, éprouvé les effets sur les fou-les, pressant jusqu’à la der-nière goutte le fruit auquel tant de fervents mordent avec la dernière complaisance, ex-ploitant jusqu’à la caricature ses propres qualités. Jamais il n’est plus irritant, par ex-emple, que quand il termine des chansons déjà proches du sanglot par des confiden-ces sentimentales dites d’un ton outré.
Mais Aznavour n’est pas qu'un vulgaire “crooner”. Il y a, dans cette récolte, des ti-tres dignes de lui et qui font honneur au genre. Comme “A ma femme”. “Mourir d'ai-mer". “Les jours heureux”, “Emmenez-moi” et en géné-ral toutes les chansons où sur le thème éternel du temps qui passe, qui a inspiré tous les épicuriens depuis Horace, il se contente de composer des images simples portées par la sensualité diffuse de sa voix, sans rien forcer de l’image ou de la voix. •“Seul en scène, Léo Ferré
73” (Barclay 85005/06) est aussi un album double dont l’enregistrement a été réali-
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sé à l’Olympia en novembre 1972. Presque toutes les chan-sons avaient déjà été enregis-trées antérieurement, notam-ment sur “Il n’y a plus rien” (Barclay 80157) dont les oeu-vres sont ici reerise? en en-tier, quoique dans un ordre différent: y compris ce long poème en prose, “Il n’y a plus rien”, qu’il rend cette fois sur un ton trop récité, alors qu’on s’attendrait au contrai-re en présence du public. Ce-lui-ci d’ailleurs, à deux ex-ceptions près, est étrange-ment sage si l’on compare aux enregistrements publics précédents de Ferré.
Parmi les chansons moins récentes, on retrouve “La fleur de l’âge”, “La mélanco-lie”, “Vingt ans”, “Avec le temps”. Sans compter, oh sur-prise!, le très beau “Comme à Ostende”, qu’on doit à la collaboration de Gaussimon, auteur de la nouvelle et aussi émouvante “Ne chantez pas la mort”. L’album contient en outre ce bel objet, d’une vir-tuosité amère, que Ferré avait présenté l’automne der-nier à Montréal et qui s’inti-tule “Le crachat”. Et pour ne rien manquer du meilleur, il y a enfin cette chanson bouleversante sur le couple: “Les amants tristes”.
Patrick Juvet et sa ”Musi- ca” (Barclay 80170) arrive dans tout ça avec la juste conscience de ce qu’il fait. Un nom connu dans le désert de la jeune chanson françai-se. Ce qu'il fait: le genre de
chansonnettes dont une station radiophonique comme CKAC peuple les ondes. Comme, précisément, “La musica” qui donne son titre au disque.
Les autres: “Je vais me marier Marie”, “Au même en-droit, à la même heure”,■ Comme un ballon rond”, “A la lumière du jour”, “Sonia”, “Le coeur sauvage”, “Ro-mantiques, pas morts”... Ju-vet est un fabricant de “tubes” comme ils disent là-bas. Tou-tes les orchestrations sont ri- goureusements identiques: les évolutions de la batterie sont réglées au métronome. Un plaisir bien mince ou un aga-cement bien vif, au choix.
•Raymond Lefebvre et son
grand orchestre ont déjà fait seize (16) disques de musique de danse avec des airs popu-laires dont les titres finale-ment importent peu. Le numéro dix-sept (17) (Riviera 70037) a ceci de particulier qu’il com-prend, parmi d’autres (“Rien qu'une larme”, “Tu te recon-naîtras”, “Fio Maravilla”, “La Dolce”), une chanson qué-bécoise: “J’ai rencontré l’hom-me de ma vie”, de François Cousineau/Luc Plamondon/ Diane Dufresne. Avec des vio-lons et un banjo.
•Emmanuelle a tiré de son
microsillon deux chansons qu’elle a réunies sur un 45 tours (SOLT 204): “Parle- moi de notre pays” et “Et c’est pas fini”, toutes deux de Stéphane Venne. Avis aux amateurs.
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