JOANNY BRICAUD-J-k Huysmans Et Le Satanisme

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Huysmans Et Le Satanisme

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  • J.-K. Huysmans et le satanisme

    Joanny BricaudOeuvre du domaine public.En lecture libre sur Atramenta.net

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  • J.-K. HUYSMANS ET LE SATANISME

    Parler de Satanisme au xxe sicle voil qui doit sembler un anachronisme. C'est, la plupart du temps, bnvolement s'exposer des sourires d'ironie, de scepticisme et de ddain.

    Ceux-l mme qui croient qu' des poques dj anciennes, le Prince du Mal put pouvanter les mes simples, se persuadent volontiers qu'il n'oserait s'aventurer en ce sicle de lumires et de progrs. Sorcelleries et sabbats, pactes, possessions et envotements, incubes et succubes, toutes choses qui firent trembler les ges de foi, sont bel et bien finies. Satan est relgu dans les brumes du pass. Tout au plus, le tolre-t-on encore dans Faust, sous le rouge pourpoint de Mphistophls !

    Erreur, profonde erreur !

    Le Satanisme fut mme fort la mode il y a quelques annes.

    Il ne se passait gure de mois, que la presse ne nous entretnt d'envotements, de messes noires, clbres par des sclrats, mystiques rebours, maniaques du sacrilge, perptrant secrtement les rites immondes du Satanisme.

    D'irrfutables documents attestent, en effet, de nos jours, l'existence du Satanisme. Les messes noires, les envotements, qui furent les scandales des sicles passs, sont pratiqus aujourd'hui encore.

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  • Tout comme Dieu, Satan a ses fidles dvots, qui lui rendent un

    culte, en de tnbreux sanctuaires.

    Un des mieux renseigns sur ces effroyables rites, aussi bien pour le pass que pour le prsent, tait sans contredit J.-K. Huysmans, l'auteur de L-Bas.

    Quand, en 1890, il publia ce livre, qui fit un bruit norme dans les lettres, et avec lequel il atteignit la grande renomme, l'horreur de la banalit, du dj vu, qui l'avait conduit jusqu' l'extase devant l'artificieldans A Reboursen lui faisant, par exemple, admirer la forme d'une orchide parce que cette fleur a l'air de fumer sa pipe, devait l'entraner jusqu'au trs rare, au trs trange, au monstrueuxdans L-Basen lui faisant dcrire les sacrilges obscnits de la messe noire et du Satanisme contemporain.

    Huysmans avait l'obsession du document. Les grimoires, les in-folios, les pices authentiques des procs de sorcellerie, conservs dans les archives des bibliothques, lui fournirent, sur la Magie au moyen ge, des documents prcis, d'o sortirent de remarquables pages.

    Pour la Magie moderne, il se documenta dans les milieux occultistes et spirites.

    Il assista, d'abord en sceptique, aux sances spirites ; mais son scepticisme dut s'vanouir devant l'vidence d'incontestables faits de matrialisations, d'apports, et de lvitation d'objets.

    Il connaissait, au Ministre de la Guerre, un chef de bureau, M. Franois, qui tait un extraordinaire mdium. Trs souvent, runissant quelques amis dans son appartement de la rue de Svres, Huysmans tentait, avec l'aide de M. Franois, des vocations.

    Un de ses familiers, M. Gustave Boucher, a racont dans une

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  • petite brochure, non mise dans le commerce, les troublantes pripties d'une sance de spiritisme au cours de laquelle les assistants crurent tre tmoins de la matrialisation du Gnral Boulanger [Gustave Boucher : Une sance de Spiritisme chez J.-K. Huysmans. Niort, 1908. Une plaquette in-32 carr, tire 200 exemplaires numrots, non mis dans le commerce.].

    De toutes ces expriences, il lui resta l'impression d'une intelligence trangre et d'une volont externe, se manifestant aux vocateurs ; mieux, il acquit la conviction qu'il y avait, malgr la diversit des pratiques, des points communs entre le Satanisme et les vocations du spiritisme. Enfin, un astrologue parisien, Eugne Ledosle Gevingey de L-Baset un ancien prtre habitant Lyon, l'abb Boullan, achevrent de le documenterfaussement parfois, nous le verronssur le Satanisme moderne.

    Le Matin a publi, quelque temps aprs la mort de Huysmans, la lettre dans laquelle l'crivain demandait l'abb Boullan des renseignements. Par retour du courrier ce dernier lui rpondit que son concours lui tait assur.

    La correspondance entre Huysmans et l'abb Boullan est volumineuse ; elle date du 6 fvrier 1890 au 4 janvier 1893, date de la mort mystrieuse de ce dernier. Mais n'anticipons pas.

    L-Bas parut en 1890. C'tait une dfense en rgle du surnaturel, base sur deux ordres de faits :

    1 Une srie de faits purement historiques, se rapportant l'histoire de Gilles de Rais et la sorcellerie du moyen ge ;

    2 Une srie de faits relatifs au Satanisme moderne.

    Les Spirites, les Occultistes, les Rose-Croix satanisent plus ou moins, affirmait Huysmans : A force d'voquer des larves, les occultistes qui ne peuvent, bien entendu, attirer les Anges, finissent

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  • par amener les Esprits du Mal ; et, qu'ils le veuillent ou non, sans mme le savoir, ils se meuvent dans le diabolisme [Cf. L-Bas, page 427.]. En tout cas, ajoutait-il, si le Diable n'y est pas toujours, il en est bien prs !

    La Messe de Satan, la Messe Noire se clbre de nos jours, disait-il encore, et il en faisait une truculente description. Un chanoine, Docre, la clbrait. Dans son ardeur sacrilge, ce monstrueux sacerdote s'tait fait tatouer, sous la plante des pieds, l'image de la croix, de faon toujours marcher sur le Sauveur ! Il entretenait, dans des cages, des souris blanches, nourries d'hosties consacres et de poisons doss avec science, dont le sang servait aux pratiques de l'envotement. L'incubat et le succubat taient frquents dans les clotres. L'arme de Satan se recrutait surtout dans le sacerdoce ; Il n'y a pas, sans prtre sacrilge, de Satanisme mr, disait Huysmans. Le chanoine Docre tait disait-on, un prtre des environs de Gand.

    La vrit est que si Huysmans assista la messe noire, le rcit qu'il en a fait n'est nullement une relation de choses vues. Certains dtails sont emprunts des documents anciens tirs des Archives de Vintras.

    Mais la messe noire se disait. Malheureusement pour les curieux, cette messe maudite avait pour temples des locaux hermtiquement ferms, et, pour fidles, des gens lis par un secret absolument inviolable. Quant au chanoine Docre, il tait fait avec diverses personnalits et notamment deux ecclsiastiques que Huysmans avait beaucoup connus. L'un fut, ainsi qu'il l'a crit dans L-Bas, chapelain d'une reine en exil ; il s'est pendu il y a quelques annes. L'autre, qui habitait en Belgique, Bruges, tait un prtre encore exerant, dans ce bijou gothique qu'est la chapelle du Saint-Sang, o l'on montre aux fidles, tous les vendredis, le sang de Jsus-Christ qui aurait t rapport des Croisades par un comte de Flandre.

    Tout en gardant la physionomie trs exacte du chapelain qui se suicida, il assembla en un seul et mme personnage les dtails

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  • absolument certains qu'il possdait sur l'un et l'autre de ces deux prtres. Il y ajouta plusieurs traits relats dans des rapports dj classs, comme la fameuse affaire de la voyante diabolique, Cantianille [Mme Cantianille B....., du diocse de Sens, morte il y a quelques annes seulement, fut, ds l'ge de deux ans, pourrie de larves. La maladie psychique atteignit son paroxysme quinze ans, o elle fut place dans un couvent de Mont-Saint-Sulpice, et viole par un jeune prtre, qui la voua au diable.], o il prit le dtail de la croix tatoue sous la plante des pieds pour la mieux fouler.

    Renvoye du couvent, elle fut exorcise par un certain abb Thorey, d'Auxerre, dont la cervelle ne parat pas avoir bien rsist ces pratiques. Ce fut bientt, Auxerre, de telles scnes scandaleuses, que Cantianille fut chasse du pays et l'abb Thorey frapp disciplinairement par son vque.

    Le malheureux prtre crivit deux volumes sur sa pnitente, et l'affaire alla Rome. Quant Cantianille, elle garda jusqu' la fin de sa vie le funbre don de propager sa maladie psychique.

    En opposition au chanoine Docre, Huysmans rvlait un certain docteur Johanns, qui n'tait autre que l'abb Boullan.

    A la question : Quel est ce docteur ? Huysmans fait rpondre par un des personnages de son livre : C'est un trs intelligent et trs savant prtre. Il a t suprieur de communaut et a dirig, Paris mme, la seule revue qui ait jamais t mystique. Il fut aussi un thologien consult, un matre reconnu de la jurisprudence divine ; puis il eut de navrants dbats avec la Curie du Pape, Rome, et avec le Cardinal Archevque de Paris. Ses exorcismes, ses luttes contre les incubes qu'il allait combattre dans les couvents de femmes, le perdirent [Cf. L-Bas, page 283.].

    Quel tait donc en vrit cet abb Boullan, qui Huysmans s'tait adress pour la documentation de son livre, et qu'il affirmait missionn par le Ciel pour briser les manigances infectieuses du

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  • Satanisme, pour prcher la venue du Christ glorieux et du divin Paraclet [L-Bas, page 395.] ?

    Un procs en escroquerie, jug en 1865 devant la Chambre des appels correctionnels de Paris, va nous faire connatre de curieux dtails sur notre abb et sur les tranges doctrines qu'il professait.

    Prtre du diocse de Versailles, docteur en thologie, ancien suprieur d'une communaut de Strasbourg, auteur de plusieurs ouvrages canoniques, traducteur de la Vie de la Sainte Vierge de la clbre visionnaire Catherine Emmerich, fondateur du Rosier de Mariedont fut accus, un jour, M. Naquet d'avoir t l'assidu collaborateurl'abb Boullan tait un cerveau inquiet et assoiff d'absolu. Jeune encore, il avait eut, en 1856, s'occuper d'une religieuse de Saint-Thomas de Villeneuve, Soissons, la soeur Adle Chevalier. Cette religieuse racontait qu'abandonne par tous les mdecins, elle avait t gurie miraculeusement d'une ccit et d'une congestion pulmonaire, par l'intercession de Notre-Dame de la Salette. C'tait au mois de janvier 1854 que le miracle s'tait produit : elle tait alors soeur postulante chez les religieuses de Saint-Thomas de Villeneuve.

    La nouvelle s'en tait rapidement rpandue dans tout le diocse et l'vque de Soissons avait dlgu son vicaire gnral pour procder une enqute. Les conclusions du rapport rdig par cet ecclsiastique taient nettes et prcises : Aprs avoir mrement rflchi sur les circonstances dans lesquelles Adle Chevalier a obtenu le recouvrement de la vue et la gurison pulmonaire qui s'tait prsente avec des caractres de gravit si alarmants, je n'hsite pas croire une intervention surnaturelle de la mre de Dieu.

    A partir de cette poque, la soeur Chevalier affirma qu'elle ne cessait d'tre inspire de la grce divine, qu'elle tait en communication avec la Vierge, dont elle recevait frquemment des rvlations par une voix mystrieuse.

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  • En 1856, la suprieure de la Communaut des dames de Saint-Thomas l'envoya Notre-Dame de la Salette, o l'appelaient, disait-elle, des voix surnaturelles.

    Les Pres de la Salette examinrent son tat et en furent si frapps qu'ils demandrent l'vque de Grenoble l'autorisation de la confier la direction de l'abb Boullan dont la science thologique et mystique leur tait, disaient-ils, bien connue.

    L'abb Boullan eut foi, ds les premiers jours, dans l'tat surnaturel de sa pnitente. Il conclut au miracle, et il fut dcid, qu'il se rendrait Rome pour prsenter ledit miracle l'examen du Pape et du Sacr Collge.

    Mais cette mission ne fut pas la seule qu'il alla accomplir Rome.

    Vers la mme poque, il avait eu s'occuper de la direction d'une demoiselle Marie Roche, qui lui avait t confie par l'vque de Rodez : elle aussi prtendait avoir une mission divine et recevoir du ciel des inspirations prophtiques. Des vnements de la plus haute gravit lui avaient t annoncs qui devaient frapper d'tonnement toute l'Europe. Une partie de ces prophties s'appliquait au Pape qui devait mourir de mort violente ; une autre l'empereur des Franais qui, s'il n'accomplissait pas les ordres que Marie Roche tait charge de lui rvler, devait prir de la main de ses officiers, pour faire place Henri V. Cette Marie Roche fut conduite Rome par l'abb Boullan, prsente au Sacr Collge, admise mme expliquer sa mission devant le Pape.

    De retour de Rome, aprs deux annes, l'abb Boullan retrouva Adle Chevalier et reprit sa direction. Prtendant avoir reu de la Vierge une rvlation dans laquelle elle lui ordonnait de fonder une oeuvre religieuse qui s'appellerait : Oeuvre de la rparation des mes, et en avoir crit les rgles sous une dicte divine, la soeur Chevalier s'occupait d'organiser cette oeuvre.

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  • D'accord avec son directeur, elle l'installa Bellevue, dans le dpartement de Seine-et-Oise, avec l'approbation de plusieurs prlats hauts placs.

    Bientt, on signala dans l'intrieur de la communaut des pratiques bizarres. L'abb Boullan y gurissait, par des procds tranges, des maladies diaboliques, dont auraient t atteintes les religieuses : une des soeurs tant tourmente par le Dmon, l'abb, pour l'exorciser, lui crachait dans la bouche ; une autre, il faisait boire de son urine mlange celle de la soeur Chevalier ; une troisime il ordonnait des cataplasmes de matire fcale.

    De plus, des ecclsiastiques crivaient l'abb Boullan et la soeur Chevalier pour leur demandermoyennant financescomment ils pourraient se concilier la faveur de la Sainte Vierge ; des femmes du monde, enfin, les consultaient sur des cas de conscience incroyables.

    Il y eut bientt, auprs de l'vque de Versailles, des plaintes nombreuses. Une instruction fut ouverte contre l'abb Boullan et la soeur Chevalier, accuss d'escroquerie et d'outrage public la pudeur. Sur ce dernier chef, le Tribunal correctionnel de Versailles rendit une ordonnance de non-lieu, et les condamna seulement pour escroquerie trois ans de prison.

    Rendu la libert, l'abb Boullan continua ses pratiques d'exorcisme. Mand l'archevch de Paris, o on le sommait de s'expliquer sur le cas d'une pileptique qu'il disait avoir gurie l'aide d'une relique de la robe sans couture du Christ conserve Argenteuil, le cardinal Guibert, aprs avoir entendu ses explications sur les cures des sortilges et les doctrines dont il tait le propagateur, le frappa d'interdit. Il se rendit aussitt au Vatican pour protester contre la mesure disciplinaire qui le frappait, mais il en fut chass : le Vatican avait eu horreur de ce prtre qui osait soutenir avoir reu du ciel la mission de combattre l'enfer par la profanation de l'hostie et par l'ordure.

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  • A la suite de ces aventures, notre abb quitta l'glise. Il s'en vint

    Lyon auprs du clbre prophte et mystique : Eugne Vintras, dont il avait fait la connaissance Bruxelles. Vintras a laiss une rputation discute et troublante ; mais ceux qui l'ont connu peuvent tmoigner de la saintet de sa vie. Fils d'ouvrier, ouvrier lui-mme, sans fortune, sans ducation, dpourvu de tout ce qui paraissait indispensablement ncessaire l'accomplissement d'une grande oeuvre, l'Esprit rvlateur le cultiva, le faonna, le ptrit pour ainsi dire, l'leva la hauteur de sa mission et le fit atteindre aux plus hauts sommets de la rvlation et de la mystique.

    Prophte, ceux qui le connurent subirent le charme de son verbe et de sa majest imprative ; il exerait une puissance de fascination extraordinaire. Mystique, il s'levait de terre, devant tmoins, lorsqu'il priait ; sa doctrine, il l'appuyait sur des miracles.

    Sur son autel se produisaient des phnomnes tranges : quand il consacrait, les hosties sortaient du calice et restaient suspendues dans l'espace ; d'autres, gardaient des stigmates sanglants [Nous avons en notre possession des cahiers contenant la reproduction exacte des 250 premires hosties miraculeuses apparues avec des signes sanglants sur l'autel du prophte Vintras. Sur ces 250, 125 furent saisies en 1842 par l'vque de Bayeux ; les autres, jusqu' ces derniers temps, taient conserves Lyon dans une chapelle particulire, et n'taient, malgr les annes, ni dtriores ni corrompues.].

    Boullan se rallia la doctrine d'Eugne Vintras, et la mort de ce dernier, survenue en 1875, se prtendit son successeur ; mais il ne fut pas reconnu par la majorit des Vintrasistes qui le considrrent comme schismatique.

    Comme Vintras, l'abb Boullan avait le don de fascination et il ne tarda pas d'accomplir aussi d'incroyables prodiges. Il gurissait, au moyen de pierres prcieuses, des enfants nous, et plusieurs femmesdont une Parisienne des plus cites dans le monde artistique

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  • furent soulages d'une maladie de matrice rpute incurable par les plus savants docteurs, par l'imposition sur les ovaires d'hosties consacres. La manire dont il s'y prenait pour combattre les envotements et les malfices a t rvle par Huysmans dans L-Bas.

    Ceux qui ont connu ce petit vieillard allgre, aux yeux de flamme, avec un front d'inspir et une mchoire puissante, entendent encore sa parole sybilline et voient encore son regard de feu, qui semblait fouiller dans les cerveaux.

    Il vivait trs retir Lyon, rue de la Martinire, chez un architecte, M. Misme, excellent vieillard proccup de retrouver l'lixir de Paracelse. Il avait avec lui deux voyantes : Mme Laure et Mme Thibaut.

    Mme Thibaut, paysanne au regard d'aigle, au verbe villageois, et qui, depuis des annes, ne mangeait que du pain tremp dans du lait, avait fait pied les plerinages les plus lointains, et n'avait qu' soulever les prunelles au-dessus de ses lunettes pour apercevoir les lgions de l'invisible. Huysmans a trac d'elle un exact portrait dans la Cathdrale, sous le nom de Mme Bavoil.

    C'est Lyon, dans l't de 1891, que Huysmans vint voir l'abb Boullan. Il visita le modeste sanctuaire o celui-ci combattait, l'aide des sacrifices tablis par lie Vintras, ses ennemis de Paris, de Bruges et de Rome.

    Revtu de la grande robe rouge Vintrasienne que serrait la taille une cordelire bleue, tte nue et pieds nus, il prononait le Sacrifice de gloire de Melchissdech qui devait confondre ses ennemis. Huysmans qui assista plusieurs de ces combats, dclara en avoir emport le souvenir le plus tragique.

    Les envoteurs se vengeaient de Boullan en ne le laissant jamais tranquille. Il dsignait entre autres, parmi ses ennemis acharns, les

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  • occultistes parisiens : le marquis Stanislas de Guaita, Oswald Wirth et le Sar Pladan, fondateurs de l'Ordre kabbalistique de la Rose-Croix.

    Nous croyons, pour l'intelligence de ce qui va suivre, qu'il ne sera pas compltement inutile de nous arrter quelques instants sur la mystrieuse fraternit des Rose-Croix kabbalistes et la personnalit de ses tranges fondateurs.

    Fonde en la fin du quatorzime sicle, par Chrtien Rosencreuz, la socit des Rose-Croix, qui fit surtout parler d'elle au dbut du dix-septime sicle, en France et en Allemagne, tait une confrrie alchimique, mdicale, kabbalistique et gnostique.

    Les Frres de la Socit taient dous de pouvoirs tendus, et leur grand secret portait principalement sur les quatre points suivants : transmutation des mtaux ; art de prolonger la vie ; connaissance de ce qui se passe dans les lieux loigns ; application de la kabbale et de la science des nombres la dcouverte des choses les plus caches.

    Dans le courant du dix-neuvime sicle la socit semblait devoir s'teindre, lorsque vers 1888, elle fut rnove sous le nom d'Ordre kabbalistique de la Rose-Croix par des hritiers directs de ses traditions.

    En apparence (et extra) disait la Constitution Secrte de l'Ordre, la Rose-Croix rnove est une socit patente et dogmatique pour la diffusion de l'occultisme.

    En ralit (et intus) c'est une socit secrte d'action pour l'exhaussement individuel et rciproque ; la dfense des membres qui la composent ; la multiplication de leurs forces vives par rversibilit ;

    la Ruine des Adeptes de la Magie Noire, et enfin la lutte pour

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  • rvler la thologie chrtienne les magnificences sotriques dont elle est grosse son insu.

    La Rose-Croix tait dirige par un Suprme Conseil dont faisaient partie des littrateurs et des occultistes connus : le Sar Pladan, Stanislas de Guaita, Papus, Paul Adam, Barlet, l'abb Alta, Polti, Albert Jounet.

    Stanislas de Guaita tait leur chef.

    Pote, il avait dbut dans les lettres par des vers adresss du lyce de Nancy quelques jeunes revues littraires de Paris. Maurice Barrs, qui fut son ami intime, nous a racont jadis leurs longues annes passes ensemble lire les parnassiens et rver.

    Il tomba sur les livres d'liphas Lvy que lui indiqua, dit-on, Catulle Mends. Ils furent pour lui une rvlation.

    Dsormais, il abandonna les cnacles des potes pour s'enfermer dans ce petit rez-de-chausse de l'avenue Trudaine, Paris, o il vivait entour de vieux grimoires et de livres de prix, manuscrits de Kabbale et de Magie, dormant le jour, travaillant la nuit, s'aidant de morphine, de cafine et de haschich, tout entier crire ses Essais de Sciences Maudites.

    Aventurier du mystre, il aima risquer sa sant et sa raison en des conflits avec l'inconnu. Les larves hantaient sa maison et Paul Adam, Laurent Tailhade et le dlicat pote douard Dubus assistrent, chez lui, d'tranges sances.

    A ce redoutable voisinage, le cerveau de Dubus ne rsista pas : il devint dment. Guaita ne survcut gure non plus ces apparitions insolites. Lorsque nous le vmes, il tait dj malade. Il allait se retirer en son chteau d'Alteville, en Lorraine, o il devait mourir peu aprs.

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  • L'abb Boullan, qui se donnait comme un haut initi des sciences divines et du plus pur occultisme, devait fatalement rencontrer de Guaita et ses amis. Ce fut, croyons-nous, par l'intermdiaire du marquis d'Alveydre qu'ils firent connaissance vers 1885. Ils furent d'abord trs lis. Comment se brouillrent-ils ? Nous l'ignorons [Nous possdons, provenant de la Bibliothque de l'abb Boullan, la premire dition de l'ouvrage de St. de Guaita : Au Seuil du Mystre, avec la ddicace :Au docteur Jean-Baptiste Boullan,

    Hommage de respectueuse et fraternelle affection en Jeschou.

    Stanislas de Guaita.

    Les Occultistes de Paris, Guaita particulirement, crivait-il Huysmans, sont venus ici m'arracher les secrets de la puissance. Guaita, mme, s'agenouilla devant Mme Thibault et la conjura de lui donner sa bndiction : Je ne suis qu'un enfant qui apprend disait-il.

    Pendant plus de quinze jours nous lui fmes une famille. A peine tait-il parti, emportant le manuscrit du Sacrifice de Gloire, le livre magique par excellence, qu'une nuit je me rveillai frapp au coeur. Mme Thibault, chez qui je courus, me dit :

    C'est Guaita. Je m'affaissai en criant : Je suis mort. Aprs quelque secours, je pus me redresser et me fis porter l'autel qui est toute ma force ; je dis le Sacrifice de Gloire qui rompt la complicit des mchants ; je pris les saintes espces, et, ranim, je me recouchai et dormis. Guaita lui-mme, pratiquant la reconnaissance rebours, me fit savoir qu'il avait voulu exercer contre moi la puissance que je lui avais octroye...].

    Toujours estil que Boullan accusait ces derniers de le vouloir tuer par des moyens occultes tels que l'envotement.

    Il eut une fois la jambe traverse jusqu' l'os par des effluves

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  • fluidiques. Une autre fois, l'autel manqua tre renvers, il tait devenu le point de contact, le lieu d'explosion des deux fluides antagonistes, celui de Boullan et celui des envoteurs.

    Huysmans racontait lui-mme, qu'aprs la publication de L-Bas, il n'avait pas chapp aux attaques des occultistes de la Rose-Croix. Plusieurs fois, disait-il, il aurait t en danger de mort, sans l'intervention de l'abb Boullan. Un jour (il tait alors chef de division au Ministre de l'intrieur), il reut de Lyon une lettre l'informant de n'aller son bureau sous aucun prtexte. Il suivit ce conseil, et bien lui en prit. Le jour mme, une lourde glace surmontant le bureau qu'il occupait au Ministre, s'abattit sans qu'on st pourquoi ni comment, fracassant tout et criblant le cabinet d'clats de verre.

    Il et videmment t tu.

    De cela, Huysmans accusait nettement le marquis de Guaita.

    Huysmans disait encore, parlant de Guaita et de Pladan, qu'ils avaient tout tent contre lui, avant et surtout aprs son roman L-Bas.

    Je suis certain, affirmait-il, qu'ils ont fait tout ce qu'ils ont pu pour me nuire. Et il racontait que chaque soir, la minute prcise o il allait s'endormir, il recevait sur le crne et sur la face des coups de poings fluidiques.Je voudrais croire, ajoutait-il, que je suis tout bonnement en proie de fausses sensations purement subjectives, dues l'extrme sensibilit de mon systme nerveux ; mais j'incline penser que c'est bel et bien affaire de magie. La preuve, c'est que mon chat qui ne risque pas, lui, d'tre hallucin a des secousses, la mme heure et de la mme sorte que moi !

    Ces fluides, Huysmans les comparait au souffle d'une machine d'lectricit statique. Ils l'importunaient et l'empchaient de dormir.

    Il se rendit Lyon, auprs de l'abb Boullan, lequel, aid de Mme

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  • Thibault, accomplit le Sacrifice de Gloire et le libra du malfice.

    Aprs la mort de Boullan, Huysmans affirmait que la sensation bizarre de chaque soir avait redoubl, et que les attaques fluidiques avaient repris de plus belle. Il dut avoir recours Mme Thibault qui restait, disait-il, son unique bouclier par sa saintet hors d'atteinte et qui le dlivra dfinitivement.

    La lutte entre Boullan et ses ennemis dura jusqu'en 1893, date de sa mort.

    Il se proposait de partir pour Paris, o il devait faire des confrences sur la kabbale, la salle des Capucines, lorsqu'une mort mystrieuse le terrassa dans la nuit du 4 janvier 1893.

    A en croire les amis de l'abb Boullan sa mort tait due des pratiques magiques : il avait t frapp par des mains invisibles et criminelles, armes de foudres occultes, de forces redoutables et inconnues.J'tais Lyon, disait Huysmans, lorsque parvint chez Boullan une des lettres de la Rose-Croix, signe de Guaita, condamnant mort par les fluides celui qui vient de mourir. Mme Thibault assistait par la voyance aux coups repousss de Lyon Paris. Boullan, l'hostie la main, invoquait les grands Archanges pour qu'ils pulvrisent ces ouvriers d'iniquit !

    Il semble d'ailleurs que Boullan ait eu de funestes pressentiments, en juger par les craintes dont il fit part dans une lettre adresse Huysmans et qui jette sur cet vnement un jour trange. En voici quelques fragments :

    Quis est Deus ?

    Lyon, 2 janvier 1893.

    Bien cher ami J.-K. Huysmans,

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  • Nous avons reu avec joie votre lettre qui nous apportait vos voeux de cette nouvelle anne. Elle s'ouvre sous de tristes pressentiments, cette anne fatidique, dont les chiffres 8-9-3 forment un ensemble d'annonces terribles.... .......................................................................................................................................

    3 janvier.Ma lettre en tait l hier au soir, pour attendre celle de la chre Mme Thibault ; mais cette nuit un accident terrible a eu lieu. A trois heures du matin, je me suis veill suffoqu ; j'ai cri : Madame Thibault, j'touffe, deux fois. Elle a entendu, et en arrivant prs de moi, j'tais sans connaissance. De 3 heures 3 heures 1/2 j'ai t entre la vie et la mort.

    A Saint-Maximin, Mme Thibault avait rv de Guaita, et le matin, un oiseau de mort avait cri. Il annonait cette attaque. M. Misme avait rv cela. A 4 heures, j'ai pu reprendre mon sommeil, le danger avait disparu......... ....................................................................................................................................................

    Dr J.-A. Boullan.

    Il devait trouver la mort mme, le lendemain ! Voici son agonie relate par Mme Thibault, elle-mme, dans une lettre qu'elle adressait Huysmans. Nous la prendrons au moment o nous a laiss Boullan.

    ... A quatre heures, aprs avoir bu une tasse de th, il a transpir beaucoup ; j'ai rallum le feu ; je lui ai fait chauffer une chemise qu'il a mise, et tout est rentr dans son tat normal.

    Il s'est lev comme d'habitude, et il s'est mis crire, aussitt le jour venu, son article pour La Lumire que Lucie Grange lui avait demand, puis une lettre un ami ; il voulait porter cela la poste lui-mme, je n'ai pas voulu ; je lui ai dit qu'il faisait trop froid pour lui........ ...............................................................................................

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  • ...................................................... L'heure du dner est venue ;

    il s'est mis table et a bien dn ; il tait trs gai ; mme il est all rendre sa petite visite quotidienne aux dames Gay, et lorsqu'il est rentr il m'a demand si j'allais tre bientt prte pour la prire. Nous arrivons pour prier ; quelques minutes aprs, il se sent mal l'aise ; il pousse une exclamation et il dit : Qu'est-ce que c'est ?. En disant cela, il s'affaissait sur lui-mme. Nous n'avons eu que le temps, M. Misme et moi, de le soutenir et de le conduire sur son fauteuil, o il put rester pendant la prire que j'ai abrge pour pouvoir le faire coucher plus vite.... .................................................................................................................................................... La poitrine est devenue plus oppresse, la respiration plus difficile ; au milieu de toutes ces luttes, il avait une maladie de foie et de coeur. Il me disait : Je vais mourir. Adieu. Je lui rpondais : Mais, mon Pre, vous n'allez pas mourir ; et votre livre que vous avez faire ? Il faut bien que vous le fassiez [L'abb Boullan s'apprtait, parat-il, publier le Zohar en franais.] ! Il tait content que je lui dise cela... il m'a demand de l'eau du Salut. Aprs avoir bu une gorge, il nous disait : C'est cela qui me sauve. Je ne m'effrayais pas trop : nous l'avions vu tant de fois aux portes de la mort et se remettre quelques heures aprs ! Je croyais que ce ne serait que passager. Il nous a parl jusqu'au moment de la dernire crise... Je lui dis : Pre, comment vous trouvez-vous ? Il me jeta son dernier regard d'adieu. Il n'a plus pu nous parler. Il est entr en une agonie qui a dur peine deux minutes...

    Il est mort en saint et en martyr ; toute sa vie n'a t qu'preuves et souffrances depuis seize ans et plus que je le connais............... .................................................................................................................................................... j'apprhendais un triste dnouement avec toutes ces luttes qu'il avait soutenues pour lui et pour d'autres. Je suis tonne qu'il soit venu jusqu'ici. Je crois qu'il avait rempli sa tche. Sa mort m'avait t montre depuis plus de six ans, et, au moment o j'allais prendre le train Saint-Maximin pour

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  • partir aux Saintes-Maries, un oiseau est venu me jeter plusieurs cris. Il n'tait pas jour. Il tait six heures du matin. J'ai dit tout haut devant quelques personnes : Ah ! mon Dieu ! une mort que cet oiseau m'annonce. Et j'ai senti que c'tait le pauvre Pre. Je repoussais cette inspiration ; je ne m'attendais pas qu'elle allait arriver cinq jours aprs ma rentre Lyon...... ....................................................................................................................................................

    La mort mystrieuse de l'abb Boullan fut l'occasion d'une vive polmique entre crivains occultistes : Huysmans et Jules Bois d'une part, et Stanislas de Guaita de l'autre. Nous avons dit plus haut que Huysmans attribuait nettement cette mort aux pratiques magiques de Stanislas de Guaita. Jules Bois, de son ct, accusa formellement de Guaita et ses collgues de la Rose-Croix d'avoir envot l'abb Boullan.

    Tous les honntes gens ont t de mon ct quand j'ai dvoil les agissements sataniques des Rose-Croix de Paris, disait Huysmans.

    Jules Bois crivait dans le Gil Blas :

    ... Je crois de mon devoir de relater les faits : l'trange pressentiment de Boullan, les visions prophtiques de Mme Thibault et de M. Misme, ces attaques, parat-il, indiscutables, des Rose-Croix Wirth, Pladan, Guaita, contre cet homme qui est mort.

    On m'a assur que M. le marquis de Guaita vit seul et sauvage ; qu'il manie les poisons avec une grande science et la plus merveilleuse sret ; qu'il les volatilise et les dirige dans l'espace ; qu'il a mmeM. Paul Adam, M. Dubus, M. Gary de Lacroze l'ont vuun esprit familier enferm chez lui dans un placard et qui en sort visible sur son ordre...

    Ce que je demande sans incriminer qui que ce soit, c'est qu'on claircisse les causes de cette mort. Le foie et le coeur par o Boullan

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  • fut frapp, voil les points que les forces astrales pntrent.

    Maintenant que des illustres savants tels que MM. Charcot, Luys et particulirement de Rochas reconnaissent la puissance des envotements, duss-jemoi qui suis un adepte de la magiebraver les fureurs homicides, je veux de nettes explications ; je les veux comme doivent les vouloir MM. Pladan, de Guaita et Wirth, afin que leur conscience soit lgre [Gil Blas, du 9 janvier 1893.] !

    Le lendemain de la publication par Jules Bois, dans le Gil Blas, des accusations que l'on vient de lire, Huysmans les confirmait par l'intermdiaire de M. Blanchon, du Figaro, auquel il disait au cours d'une interview : Il est indiscutable que de Guaita et Pladan pratiquent quotidiennement la magie noire. Ce pauvre Boullan tait en lutte perptuelle avec les esprits mchants qu'ils n'ont cess, pendant deux ans, de lui envoyer de Paris. Rien n'est plus imprcis que ces questions de magie ; mais il est tout fait possible que mon pauvre ami Boullan ait succomb un envotement suprme.

    Le 11 Janvier, Jules Bois revint la charge dans le Gil Blas.

    Je tiens affirmer, crivait-il, que je ne suis pas l'ennemi de M. de Guaita ; et je ne reois pas non plus de mot d'ordre. Je n'ai eu avec le mage de l'avenue Trudaine, jusqu'ici, que les plus courtois rapports ; mais devant les prsomptions importantes qui m'ont t fournies, j'ai cru de mon devoir, et tout honnte homme l'aurait fait ma place, d'affirmer que M. de Guaita avait maintes fois, depuis plusieurs annes, menac le docteur Boullan qui vient de mourir de cette mort si mystrieuse et si subite, et qu'il y avait, dans l'esprit de Boullan, la hantise, l'obsession, la douleur perscutrice de ces menaces.

    Je ne veux pas en dire plus, mais ce que je dis l, je le maintiens entirement. Le soir de mon article, M. J.-K. Huysmans a t plus particulirement atteint par les fluides...

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  • Stanislas de Guaita protesta, par une note parue dans le Figaro, contre ces accusations d'envotement.

    Jules Bois rpliqua, dans le Gil Blas du 13 janvier, en ces termes :

    M. Stanislas de Guaita prtend que les envotements ne sont point son fait.

    Eh bien, en voici un qui est trs clairement avou, et par lui-mme, dans son propre livre Le Serpent de la Gense, la page 477. Cet envotementle plus terrible parce qu'il est collectiftait dirig depuis longtemps dj contre l'abb Boullan, dit le docteur Baptiste, ce vieillard qui les douleurs et les preuves de sa vie avaient enlev bien des forces.

    M. de Guaita a crit ceci :

    ... Ds le retour de M. Wirth, examen fait des pices nouvelles, les occultistes runis en Tribunal d'honneur, prononcrent la condamnation du docteur Baptiste l'unanimit des voix (23 mai 1889). Elle lui fut signifie le lendemain...

    ... Que M. de Guaita ne vienne pas nous dire que sa condamnation tait une condamnation platonique... La haine inexorable qu'il avait voue au docteur Boullan, haine dont il avait cr le rseau serr et menaant dans le coeur de tous ses amis, lui Guaita, cette haine inexorable se resserrait de plus en plus, comme un tau de courroux contre cette victime solitaire.

    De cette condamnation, il y a l'une de ces trois conclusions tirer :

    1 Ou M. de Guaita a plaisant... il n'y avait pas de quoi et je dois dire que ce n'est point son habitude... ;

    2 Ou M. de Guaita est insens, condamnant quelqu'un en l'air,

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  • sans efficacit, sans qu'il y ait une sanction ses paroles ;

    3 Ou M. de Guaita a crit, en toute connaissance de cause et d'effet, une sentence dont il savait la porte et dont il pouvait diriger les funestes applications. Condamnant Boullan, il tait sr, dans ce cas, de faire excuter cette condamnation. Et alors je laisse mes lecteurs et lui-mme, Stanislas de Guaita, le soin de qualifier une aussi cruelle conduite...

    Cette fois, de Guaita s'mut. Aux accusations de Huysmans et de Jules Bois, il rpondit, dans le Gil Blas du 15 janvier :

    Voici plusieurs jours que la presse colporte sur mon compte certains ragots, d'un ridicule plus infamant, en vrit, pour les malveillants ou les nafs qui ont lanc ce canard, que pour moi-mme, aux trousses duquel il s'acharne.

    Nul n'ignore plus que je me livre aux pratiques de la plus odieuse sorcellerie ; que je suis la tte d'un Collge de Rose-Croix, fervents du Satanisme, et qui dvouent leurs loisirs l'vocation du Noir Esprit ; que ceux qui nous gnent tombent, l'un aprs l'autre, victimes de nos malfices ; que moi, personnellement, j'ai fru distance nombre de mes ennemis, qui sont morts envots, en me dsignant pour leur assassin...

    Ce n'est pas tout. Je manipule et dose les plus subtils poisons avec un art infernal, c'est convenu ; je les volatilise avec un bonheur particulier, en sorte d'en faire affluer, des centaines de lieues d'loignement, la vapeur toxique, vers les narines de ceux-l dont le visage me dplat ; je joue les Gilles de Rais au seuil du vingtime sicle ; j'entretiens des relations d'amiti et autres avec le redoutable Docre, le chanoine chri de M. Huysmans ; enfin, je tiens prisonnier en un placard un esprit familier qui en sort visible sur mon ordre !

    Est-ce assez ?Point. Tous ces beaux renseignements ne sont qu'une prface. L'affaire o l'on en veut venir, c'est que l'ex-abb

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  • Boullance thaumaturge lyonnais dont la mort rcente a fait quelque bruitn'a succomb qu' mes infmes pratiques, mes efforts combins avec ceux de mes noirs confrres, les Frres de la Rose-Croix.

    On va mme jusqu' laisser entendre qu'il serait expdient de pratiquer l'autopsie du dfroqu, de qui certaines lettres, rendues publiques avec l'assentiment de M. J.-K. Huysmans leur destinataire, me dnoncent positivement comme le magicien provocateur de la crise cardiaque qui a ravi au monde des dmoniaques son Roi des Exorcistes.

    Car il faut bien dire que M. Boullan, dont j'ai dmasqu dans mon dernier livre (avec preuves l'appui) les oeuvres et les doctrines, souffrait ds longtemps d'une double atteinte au coeur et au foie. Cette affection suivait son cours normal, avec des hauts et des bas. Mais, chaque nouvelle atteinte, notre pontife criait l'envotement nouveau.

    M. Boullan est mort : paix sa cendre !... J'ai dit d'ailleurs ce que j'ai cru devoir dire, touchant nos relations et les vnements qui succdrent... Cette parenthse tant close, revenons ce qui me concerne personnellement.

    Les allgations produites dans les journaux, ces jours derniers, seraient abominables, si elles ne respiraient la plus intense bouffonnerie.

    Me dfendre de pareils cancans, allons donc ? Le bon sens public en a fait justice et je n'ai peur que d'une chose, pour les auteurs de ces naves calomnies : c'est que, curieux d'pater les badauds et de divertir les sceptiques, ils n'aient fait rire beaucoup plus leurs dpens qu'aux miens.

    J'avais d'abord l'ide de m'en tenir au silence du plus parfait ddain... Je me disais : laissons tomber ces plaisanteries d'un got

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  • fcheux, et que nul ne rditera. Je me trompais. De toutes parts, en dpit mme de la diversion du Panama, des feuilles quotidiennes reproduisent gravement ces pauvrets !...

    Donc, mon intention tait de me taire. Mais ces sottes histoires menacent enfin de s'terniser. La patience a des bornes et c'est dcidment trop de ridicule pour une fois :

    On me demande grands cris des explications... Les meilleures, en pareil cas, se donnent sur le pr. C'est du moins mon avis.

    Mais qui m'en prendre ?

    A M. Huysmans d'abord : tout seigneur, tout honneur ! A M. Huysmans, qui, dans son roman L-Bas, et depuis la publication de ce livre, n'a cess de se faire l'cho central de ces invraisemblables calomnies ; M. Huysmans, qui a permis qu'on publit les folles lettres o M. Boullan me dsigne comme son perscuteur ; M. Huysmans enfin, dont la rectification parue dans un journal du matin souligne en quelque sorte les calomnies qu'on lui prtait mon endroit, plutt qu'elle ne les attnue.

    Donc M. Huysmans tout d'abord. Puis ensuite, M. Jules Bois, qui m'a pris partie par trois fois dans le Gil Blas.

    En consquence j'ai envoy des tmoins ces deux derniers...

    Jules Bois riposta, toujours, dans le Gil Blas :

    M. Stanislas de Guaita, le chef de la Rose-Croix, rpond enfin.

    Il se dfend mme et mal ; je dirai plus, il s'accuse encore. Il s'emptre dans les piges qu'il tend et le magicien noir dcrit en connaissance de cause ses propres malfices ; il se mire dans ses envotements...

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  • Mais quand il s'agit de se dfendre de ce soupon de satanisme, M. de Guaita recule et tente une diversion.

    Il change de terrain ; il sort de la discussion ; il quitte la plume et prend l'pe, dont il se croit plus sr.

    Eh bien, je puis lui rpondre hautement que si je l'ai attaqu de face, si je soutiens qu'il a poursuivi d'une haine implacable ce vieillard qui maintenant n'est plus, je serai devant lui, Stanislas de Guaita, sur le pr, avec la mme audace.

    On ne calomnie pas, Monsieur de Guaita, quand on dfend un mort et quand on protge une ide ! Vous, vous jugez, vous condamnez, vous excutez votre sentence. Votre tribunal, s'il n'est pas horrible, n'est qu'une triste bouffonnerie, et puisque vous vous dclarez mage, je vous citerai l'exemple de vos matres, de nos matres, de Jsus, de Boudha, de Pythagore, de Platon, de Socrate, qui ne surent que mourir et pardonner.

    Et maintenant, paix Boullan, qu'il repose dsormais tranquille ; sa querelle renat entre les vivants, et M. Stanislas de Guaita sait bien que nous ne sommes pas des hommes politiques, que contre lui nous ne commencerons pas une guerre mesquine de petits papiers...

    Le duel avec Huysmans n'eut pas lieu ; tout se borna un change de tmoins, Huysmans ayant dclar qu'il n'avait jamais song discuter le caractre de parfait galant homme de M. de Guaita (Procs-verbal du 14 janvier 1893). Quant Jules Bois, il tint parole. Les deux adversaires descendirent sur le pr, la Tour de Villebon, o ils changrent deux balles sans rsultat [M. Paul Foucher, neveu de Victor Hugo, qui fut un des tmoins de Jules Bois dans son duel avec Stanislas de Guaita, a racont, dans une de ses chroniques du Sud-Ouest Toulouse, les incidents singuliers qui accompagnrent cette rencontre.

    Au moment de partir pour la Tour de Villebon, Jules Bois dit

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  • Paul Foucher : Vous verrez qu'il arrivera quelque chose de singulier. Des deux cts, nos partisans prient pour nous et s'adonnent des conjurations !].

    Un vnement trange, raconte le chroniqueur, se produisit en effet sur la route de Versailles. L'un des chevaux du landau s'arrta subitement et se mit trembler, flageolant sur ses jambes comme s'il avait aperu le dmon en personne. Il fallut changer de cheval. Cette fois le second cheval s'abattit. Ils durent changer de voiture. Le cheval qui conduisait cette seconde voiture s'abattit comme les deux premiers ; le vhicule fut renvers et Jules Bois arriva sur le terrain tout meurtri et tout sanglant. Le diable, disait M. Paul Foucher, paraissait rellement s'en tre ml !

    Nous avons vu que l'abb Boullan ne mritait pas cette rputation de saint qui lui avait t faite. Nous savons aussi qu'il se livrait, sa manire, aux pratiques sataniques ; et Huysmans put s'en convaincre dans la suite, lorsqu'aprs la mort de Boullan, il prit connaissance des papiers laisss par ce dernier. De notre ct, les documents que nous avons eu entre les mains, et les faits que nous connaissons, ne nous ont laiss aucun doute cet gard.

    Aussi put-il documenter Huysmans d'une faon presque complte sur les rites secrets du Satanisme, mais en renversant parfois les rles, et en mettant sur le compte du chanoine Docre ou des occultistes de la Rose-Croix kabbalistique, ses propres pratiques dmoniaques.

    C'est ainsi qu'il mit sur le compte du chanoine Docre l'action de nourrir, avec des hosties consacres, des souris blanches dont le sang devait plus tard servir aux envotements de haine, alors que c'est lui-mme, Boullan, qui pratiquait ce sortilge impie.

    Il se livrait aux rites secrets de l'incubat et du succubat qu'il qualifiait d'union de vie, enfin il s'adonnait aux pratiques de la sorcellerie et de la gotie la plus noire [On peut voir dans une

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  • brochure publie par Papus en 1893 et intitule Peut-on envouter ? une photogravure reprsentant un Pacte d'envotement au XIXe sicle, avec ces mots d'explication : Reproduction photographique d'un document arrach un sorcier contemporain : l'ex-abb Boullan.].

    Il y avait de tout dans ses pratiques : du mysticisme dlirant, de l'rotomanie, de la scatologie, du sadisme et du satanisme [Consulter ce sujet dans le Serpent de la Gense de St. de Guaita, le chapitre consacr aux Modernes Avatars du Sorcier.].

    On conoit qu'avec un tel informateur, Huysmans fut, en ses recherches sur le satanisme, document d'une manire peu prs complte.

    Mais il s'en faut qu'il ait tout dit dans son livre. Nous savons qu'il possdait sur la religion rebours des documents qu'il n'a jamais publis. Ceux qu'il a donns dans L-Bas n'taient, disait-ilcompars ceux qui taient rests en manuscrits dans sa bibliothqueque des pistaches, des drages, des flans la crme, des batilles, comme on dit en termes ecclsiastiques.

    Peut-tre les aurait-il un jour publis, s'il ne s'tait converti.

    L'ordre surnaturel, qui ne lui tait apparu que par le ct diabolique, devait se rvler lui par le ct mystique, divin. Mais, jusqu' la fin de sa vie, il fut hant par le Satanisme. C'tait un de ses principaux sujets de conversation.

    Mme Myriam Harry a racont, dans la Revue de Paris [Revue de Paris, 15 mai 1908.], une visite qu'elle fit Huysmans en dcembre 1902 : La conversation ayant dvi, crit-elle, il entama un de ses thmes favoris, celui du Satanisme, des incubes et des succubes. Il parlait de ces tres mystrieux avec familiarit ; il prcisait comme s'il s'agissait de commensaux habituels.

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  • Mais, demandai-je un peu ahurie, c'est donc l des cratures humaines ?

    Non, rpliqua-t-il avec tranquillit. Pas exactement. Ce sont des larves, des espces de diablotins d'essence terrestre, mais engendrs par un pch spirituel. Aussi, pullulent-ils dans les couvents. Vous n'en avez jamais vu ? Il y en a plein cette bote ; vous auriez pu en rencontrer dans l'escalier. Vous n'avez pas remarqu cette odeur de soutane ? Il y a beaucoup de prtres et une oblate dans cette maison... La larve, c'est peut-tre ce qu'on pourrait appeler le microbe ecclsiastique...

    Huysmans s'amusait-il me mystifier, ou bien tait-il devenu fou ? Inquite, je regardais tantt lui, tantt la porte. Mais non, rien dans sa figure ne trahissait le dsquilibre, et son raisonnement tait logique. Sans doute, n'tais-je pas mre pour le royaume de l'invisible.

    Une des preuves principales de l'existence du Satanisme tait pour Huysmans les vols d'hosties consacres. Pour quiconque observe, disait-il, les vols d'hosties consacres dans les glises de campagne, les prcautions prises par les vques, les tranges rvlations venues de Suisse, de Belgique, et aussi de France, disent assez qu'il se passe des choses o la police ne peut rien voir, mais qui ont leur importance.

    Et il citait l'appui de son opinion de nombreux cas de vols d'hosties qu'il avait rcolt dans les Semaines Religieuses de France. A quelques mois de distance, les mmes attentats s'taient reproduits dans la Nivre, dans le Loiret, dans l'Yonne, dans le diocse d'Orlans o 13 glises avaient t spolies, dans le Rhne, tel point que dans le diocse de Lyon l'archevque invitait, par un communiqu, les curs de ses paroisses veiller particulirement aux Saintes Espces.

    A l'tranger il en tait de mme, et il racontait qu'aux approches de

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  • la Semaine Sainte qui est l'poque partout attendue par les Sataniques pour commettre leurs monstrueux sacrilges, toutes les hosties du Monastre de Notre-Dame des Sept Douleurs, Rome, avaient disparu ; il en avait t de mme l'glise paroissiale de Varse en Ligurie et au couvent des religieuses de Santa Maria delle Grazie, Salerne.

    A quoi bon chercher si loin : Notre-Dame de Paris, pendant la semaine de Pques, une vieille femme tapie dans la chapelle Saint-Georges, situe droite du coeur, dans l'abside, avait profit d'un moment o la cathdrale tait quasi vide pour se ruer sur le tabernacle et emporter deux ciboires contenant 50 hosties consacres.

    Cette femme avait certainement des complices, car elle devait tenir cach sous son manteau, un ciboire dans chaque main et, moins d'en dposer un sur le sol et risquer ainsi d'tre aperue, elle ne pouvait elle-mme ouvrir l'une des portes de sortie pour s'chapper de l'glise.

    D'autre part, il est vident que cette femme avait commis ce vol pour s'emparer des hosties, car, dans la plupart des grandes villes, les ciboires ne reprsentent plus maintenant une valeur suffisante pour tenter les gens, et, dans les glises de campagne, o sont parfois conservs de vieux vases d'argent ou d'or, le larron qui les drobe, pour leur mtal, prend toujours soin de se dbarrasser des hosties parce qu'elles peuvent le trahir, en les essaimant le long du chemin, pendant sa fuite.

    Enfin, disait Huysmans, pourquoi des gens droberaient-ils des hosties ? Aucune rponse n'est possible si l'on n'admet pas que les hosties sont emportes pour tre employes des oeuvres de magie noire. Que voulez-vous, par exemple, que des libres penseurs fassent d'hosties qui, pour eux, ne sont que des azymes sans valeur ? Ils n'achteraient pas vingt-cinq centimes le lot soustrait Notre-Dame ! Il faut donc que ceux qui les acquirent croient rellement qu'elles sont la Chair mme du Christ.

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  • Or, dans cette condition, cette Chair ne peut tre utilise que pour

    des actes d'excration, des crmonies sacrilges, et nous sommes bien obligs de conclure, par le seul fait qu'on La vole, l'existence certaine du Satanisme.

    Et puis, il possdait le tmoignage de plusieurs prtres qui lui avaient fait l'aveu que des jeunes filles taient venues en confession leur raconter qu'elles avaient reu l'offre, en change de sommes d'argent, de se laver la bouche avec un mlange astringent qu'on se chargeait de leur fournir, avant de communier, afin de rendre l'hostie intacte.

    Pour quelle oeuvre, ajoutait Huysmans, ces hosties pourraient-elles servir sinon pour des rites sataniques ?

    Nous avons dit que plusieurs des documents, que possdait Huysmans, taient rests indits. Il avait des liasses de correspondances, authentiques et signes, entre autres : la confession d'un mauvais prtre, au Saint-Office, crite par lui-mme. C'tait un assemblage d'immondices et de sacrilges, de sordides dmences aboutissant au crime. En effet, si l'on en croit ce prtre lui-mmeGilles de Raiz moderneil sacrifia un enfant, qui, de plus, tait de lui.

    Ce prtre sataniste se plaisait multiplier dans les clotres de femmes les phnomnes de l'incubat. Devant certains troubles inexplicables des soeurs, qui se disaient visites la nuit par des dmons, plusieurs mres abbesses s'adressrent ce prtre dont la rputation comme thologien et mystique leur tait bien connue. Il rpondait aussitt qu'il se chargeait de l'affaire, mais une condition : qu'on n'en dt rien aux confesseurs du couvent.

    Arriv auprs des malades, il se servait de fumigations spciales et de pratiques sacrilges, qui, au lieu de gurir les nonnes, perfectionnaient leur mal. Il leur enseignait les mthodes d'auto-

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  • hypnose et d'auto-suggestion leur permettant de rver qu'elles avaient des rapports avec les saints, avec Jsus-Christ. Il leur indiquait des poses spciales, des procds occultes pour que des entits de l'au-del, ou mme son propre corps astral, lui, russisse mieux les visiter, les possder. Dans leur exaltation mystique, ces religieuses croyaient avoir affaire des saints ! La correspondance entre le prtre sataniste et ces pauvres filles tait droutante par la navet des aveux et l'abomination des conseils. L'trange, disait Huysmans, c'est que ce prtre n'tait pas un vulgaire rotomane, et qu'il agissait trs sincrement sur des tres invisibles qu'il pouvait volont dchaner ou restreindre.

    Bien que Huysmans ait toujours soigneusement cach le nom de ce prtre, nous pouvons dire qu'il n'tait autre que l'abb Boullan lui-mme, celui qui accusait des pires manoeuvres de magie noire les occultistes de la Rose-Croix. Cette correspondance tait la sienne que Huysmans avait trouve dans ses papiers aprs sa mort.

    Les dtails de cette confession taient si horribles, que Huysmans ne voulut pas qu'elle ft un jour, peut-tre, livre la publicit ; et, quelque temps avant sa mort, alors qu'il souffrait dj du terrible mal qui devait l'emporter, il la brla.

    Il fit de mme des nombreux documents qu'il possdait concernant les prtres satanistes, diseurs de messes sacrilges, de messes noires, et qui auraient t, nous en sommes persuads, du plus haut intrt pour l'tude du satanisme contemporain.

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  • FIN

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    J.-K. HUYSMANS ET LE SATANISME