Jdc 275 Complet Bd2 0

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LE JOURNAL Trimestriel n° 275 HIVER 2014 De l’économie à la science : l’héritage de 14-18 Les trous noirs sortent de l’ombre Le graphène, nouvelle star de la recherche OUI, le CNRS soutient les recherches sur le Jenre

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Journal Trimestriel (hiver 2014)

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  • LE JOURNALTrimestriel n 275 HIVER 2014

    De lconomie la science :

    lhritage de 14-18

    Les trous noirs sortent de lombre

    Le graphne, nouvelle star de la recherche

    OUI, le CNRS soutient les recherches sur le Jenre

  • Rdaction : 3, rue Michel-Ange 75794 Paris Cedex 16

    Tlphone :b E-mail : [email protected]

    Le site Internet : https://lejournal.cnrs.fr Anciens numros :

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    Directeur de la publication : Alain Fuchs

    Directrice de la rdaction : Brigitte Perucca

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    Rdacteur en chef : Matthieu Ravaud

    Chefs de rubrique : Fabrice Demarthon, Charline Zeitoun

    Rdacteurs : Claire Debves, Yaroslav Pigenet

    Assistante de la rdaction et fabrication : Laurence Winter

    Ont particip ce numro : Stphanie Arc, Kheira Bettayeb,

    Julien Bourdet, Jean-Philippe Braly, Laure Cailloce, Simon Castran, 'HQLV'HOEHFT/DXULDQQH*HUR\ Sylvain Guilbaud, Denis Guthleben,

    Aurlie Sobocinski, Philippe Testard-Vaillant,

    Clmentine Wallace Secrtaire de rdaction :

    Isabelle Grandrieux Conception graphique :

    Cline Hein Iconographes :

    Anne-Emmanuelle Hry, Marie Mabrouk, Audrey Diguet, Nathalie Lambert

    Impression : Groupe Morault, Imprimerie de Compigne

    2, avenue Berthelot Zac de Mercires BP 60524 60205 Compigne Cedex

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    Photos CNRS disponibles : [email protected] ;

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    LE JOURNALTrimestriel n 275 HIVER 2014

    De lconomie la science :

    lhritage de 14-18

    Les trous noirs sortent de lombre

    Le graphne, nouvelle star de la recherche

    OUI, le CNRS soutient les recherches sur le Jenre

    En couverture, une modlisation numrique du graphne. PHOTO : PASIEKA/SPL/COSMOS

    LE JOURNAL

    DITORIAL

    Par Brigitte Perucca, directrice de la communication du CNRS

    A prs plusieurs mois dabsence, CNRS Le journal revient. Entirement repens et rnov, enrichi de plus de vingt pages, avec une maquette sobre et lgante organise en quatre rubriques, ce QRXYHDXSURMHWHVWSOXVDPELWLHX[DXVVLPDLVQHVDFULHULHQFHTXLIDLWOLQWUWGXQPDJD]LQHGDQVOHTXHOOHVVFLHQWLTXHVYRQWMHOHV-pre, se reconnatre : un traitement de linformation qui cherche plus FODLUHUHWFRQWH[WXDOLVHUTXHQMROLYHU

    Cette refonte de votre magazine accompagne larrive dun nouveau mdia lanc par la direction de la communication : CNRSlejournal.fr. $YHFODFUDWLRQGHFHVLWHJUDWXLWHWFRQIRUPPHQWVDPLVVLRQGHGLXVLRQGHVFRQQDLVVDQFHVOH&156VRUWGHVDUVHUYHSRXULQYHVWLUOXQLYHUVGHVPGLDVQXPULTXHV/REMHFWLIHVWFODLUHPHQWDFK

    partager largement avec les amateurs de science, les professeurs et leurs lves, les tudiants et tous les citoyens curieux, des FRQWHQXVTXHQRXVGHVWLQLRQVMXVTXHOla communaut des agents du CNRS, cher-cheurs, ingnieurs et techniciens, ceux des labos comme ceux des bureaux. Avec ce nouveau site, le CNRS opre une petite rvolution pour toucher le plus grand nombre : tous nos contenus, articles, dos-siers, billets, vidos, diaporamas et info-graphies pourront tre lus, vus et com-ments sur les rseaux sociaux.

    Parce que nous sommes conscients que les recherches sont de plus en plus pointues, que les rsultats ont besoin dtre replacs dans un rcit qui les dpasse et les englobe, CNRS Le journal, dans sa version numrique comme dans

    OHPDJD]LQHYHXWDLGHUOHVGFU\SWHU(QDOHUWHVXUOHVVFLHQFHVmergentes, nos journaux entretiendront cette facult dmerveille-ment et cette curiosit qui guident les chercheurs eux-mmes, en DFFRUGDQWQRWDPPHQWXQHSODFHSUSRQGUDQWHOLPDJH

    Les citoyens daujourdhui rejettent un scientisme arrogant, mais ont toujours soif de sciences ouvertes sur le monde, sur les question-nements et sur les controverses. Cest pourquoi CNRS Le journal ne se drobera pas face aux dbats qui divisent : quil sagisse du genre ou des gaz de schiste, la socit a besoin dinformations VFLHQWLTXHVDEOHV/H&156FUGLEOHHWQRQSDUWLVDQDPELWLRQQH GHGRQQHUGXVHQVODVFLHQFH

    3HIVER 2014 N 275

    Les citoyens ont soif de sciences ouvertes sur le monde.

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  • SOMMAIRE

    4 CNRS LE JOURNAL

    GRAND FORMAT 17

    CARNET DE BORDHerv Le Goff nous raconte un souvenir de recherche . . . . . . . . 64

    LA CHRONIQUE DE DENIS GUTHLEBENLa cristallographie, de Platon nos jours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .66

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    EN PERSONNE 5Jean-Pierre Bourguignon met le cap sur Bruxelles . . . . . . . . . . . .6Pascale Launois, pro de la cristallo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8Rachid Yazami, laurat du prix Draper 2014 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10Les maths franaises en force Soul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11Un jour avec lquipe de Curiosity . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

    EN ACTION 41Les tweets et les SMS passent la fouille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44LAfrique poursuit le combat contre la mningite . . . . . . . . . . . . 45GLWLRQVFLHQWLTXHbXQQRXYHDXFRQWUDWDYHF(OVHYLHU . . . . . . 46Sur le chantier de la rplique de la grotte Chauvet . . . . . . . . . . 48Mieux diagnostiquer la schizophrnie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49Lillusion tactile, une rvolution en marche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50Les SHS en renfort des entreprises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52Les cellules pDC, un nouvel eldorado pour la mdecine . . . . 54

    LES IDES 55Le genre, cest de la science . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58Peut-on chapper au syndrome GHOLQQRYDWLRQSHUPDQHQWH" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59Le cancer touche aussi les cosystmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60Quelles politiques pour mieux valuer OHVULVTXHVOLVOLQQRYDWLRQ" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61Michel Wieviorka, un sociologue lre numrique . . . . . . . . . 62

    14Georges Chapoutier, le chercheur et la souris

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    42Les trous noirs sortent de lombre

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    Lhritage de 14-18 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .18Quand le laser rvle le pass . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Les promesses du graphne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

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    Chapouthier, le chercheur et la sourisILLUSTRATION : S. ROY-COLAGENE.COM, POUR CNRS LE JOURNAL

    EN PERSONNE

    5HIVER 2014 N 275

  • b) in dcembre 2013, Stanford. Depuis la clbre uni-versit californienne o il donne une srie de conf-rences, Jean-Pierre Bourguignon jongle entre le tl-phone et un dluge de courriels envoys des quatre coins du monde. Objet de toute cette agitation : sa nomination la tte du Conseil europen de la recherche (ERC), ODJHQFHEUX[HOORLVHGHQDQFHPHQWGHODUHFKHUFKH bDQVFHVWGRQFXQPDWKPDWLFLHQIUDQDLVTXLVXF-cde la sociologue autrichienne Helga Nowotny : Je me rjouis de cet excellent choix, a ragi cette dernire. Avec

    VRQSURODFDGPLTXHLQWHUQDWLRQDOet de grand renom, le professeur Jean-Pierre Bourguignon sera en mesure de poursuivre le travail accom pli jusqu prsent.

    Cr en 2007, lERC comptabilise DXMRXUGKXLSOXVGHbFDQGLGD-WXUHVUHXHVSRXUbSURMHWVUHWH-nus, huit Prix Nobel et trois mdaills )LHOGVSDUPLOHVFKHUFKHXUVQDQ-FVHWGHVFLWDWLRQVGDQVbSX-blications de revues prestigieuses. La stratgie de lagence est clairement DFKHODTXDOLWGHVSURMHWVWDQWle principal critre de slec tion, les chercheurs peuvent proposer ce quils souhaitent, et notamment des projets permettant dexplorer de nouveaux champs. Cest donc dune

    DJHQFHHQSOHLQHVVRUIRUWHGHSUVGHbHPSOR\V et dun budget annuel de 1,7 milliard deuros, dont hrite le nouveau prsident de lERC.

    6SFLDOLVWHGHJRPWULHGLUHQWLHOOHIngnieur de lcole polytechnique et docteur en math-matiques, Jean-Pierre Bourguignon dmarre sa carrire HQDX&156TXLOQHTXLWWHUDSOXVb Grce cet HPSORLVWDEOHGFURFKOJHGHbDQVMDLSXWRXWGHVXLWHPDWWHOHUGHVTXHVWLRQVVFLHQWLTXHVGLFLOHVSOX-tt que de devoir courir dun job lautre. Autre anne marquante : 1972, quil passe aux tats-Unis. m(Q)UDQFHje ntais pas considr comme un vrai mathmaticien, car je ne faisais pas de gomtrie algbrique ni de thorie des nombres, raconte-t-il. Alors quaux tats-Unis, de grands mathmaticiens se sont intresss mes

    travaux. &HWWHFRQDQFHFRQWULEXHUDVUHPHQWVRQVWDWXWDFWXHOGHJUDQGVSFLDOLVWHGHJRPWULHGLUHQ-tielle. Jean-Pierre Bourguignon sinstallera deux autres fois ltranger : Bonn, en Allemagne, en 1976-1977, avant de se voir attribuer la mdaille de bronze du CNRS, puis en 1980, aux tats-Unis, Princeton et Stanford.

    Globe-trotter des mathmatiquesCest alors quil est lu prsident de la Commission de mathmatiques du Comit national du CNRS, tout juste bDQV Je devais dfendre les maths face dautres dis-ciplines reprsentes par des acadmiciens quin-TXDJQDLUHV&HIXWWUVIRUPDWHXU} se souvient-il. Cette exprience russie lui ouvrira les portes de nombreux DXWUHVSRVWHVUHVSRQVDELOLWVDXOGHVDFDUULUHSUVLGHQFHV GHV 6RFLWV PDWKPDWLTXHV IUDQDLVH et europenne, du Comit dthique du CNRS, participation ODFUDWLRQGHORUJDQLVDWLRQGHVFLHQWLTXHV(XUR6FLHQFHGHQRPEUHX[FRQVHLOVGX&156VFLHQWLTXHSROLWLTXHeuropenne et internationale) Puis, ds 1986 (et durant YLQJWVL[DQVLOHQVHLJQHUDOFROHSRO\WHFKQLTXHbm Jy ai t le tuteur de nombreux lves venus de Chine, pays TXHMDLGMYLVLWbIRLVGHSXLVHWMDLGHVFRQWDFWVrguliers avec diverses institutions l-bas. (QLOUHRLWOHSUL[3DXO/DQJHYLQGHO$FDGPLH

    des sciences de Paris. Mais lautre grand tournant de sa carrire aura lieu en 1994 : il est nomm directeur de OQVWLWXWGHVKDXWHVWXGHVVFLHQWLTXHVSRVWHTXLOQHTXLWWHUDTXHQXQUHFRUGGHORQJYLW%DVGDQV lEssonne, lIHS se veut lhomologue europen du clbre

    Nomination. Ancien directeur de lInstitut des hautes WXGHVVFLHQWLTXHV(IHS), Jean-Pierre Bourguignon vient dtre nomm prsident du Conseil europen de la recherche (ERC).

    6RQSDUFRXUVHQGDWHV1947 Nat Lyon

    1969 Entre au CNRS

    1994 Devient directeur de lInstitut GHVKDXWHVWXGHVVFLHQWLTXHV

    2007 Est nomm la prsidence GX&RPLWGWKLTXHGX&156

    2014 Devient prsident du Conseil europen de la recherche

    EN PERSONNE

    6CNRS LE JOURNAL

    Le mathmaticien

    Jean-Pierre Bourguignonmet le cap sur Bruxelles

    PAR JEAN-PHILIPPE BRALY

  • Institute for Advanced Study de Princeton. Immdiatement, Jean-Pierre Bourguignon se montre trs RHQVLISRXU\DWWLUHUOHVPHLOOHXUVchercheurs : rnovation des infras-tructures, lancement de collabora-tions europennes et surtout cra-tion dun vritable savoir-faire pour collecter des fonds aux quatre coins du monde. m-DLGSDVVHUSOXVGHbIRLVSDU5RLVV\} lance lancien directeur sans frontires, que le phy-sicien Nikita Nekrasov dcrit comme un phnomne quantique : beaucoup dnergie et dim-pulsion, et c ompltement dlocalis . En 1997, son dyna-misme est rcompens par le prix du Rayonnement fran-DLVSRXUOHVVFLHQFHVSK\VLTXHVHWPDWKPDWLTXHV

    Cette russite la tte de lIHS aura donc sans doute beaucoup pes dans la balance face aux trente autres candidats en lice pour prsider lERC. Pour Michle Leduc, qui lui a succd en 2011 la prsidence du Comit dthique du CNRS, cette nomination est une excellente QRXYHOOHOHSUHVWLJHGHFHVFLHQWLTXHGHWUVKDXWYROses jugements rigoureux et son respect des valeurs thiques vont encore renforcer et amliorer lERC . II

    En entrant au CNRS 21ans, jai pu tout de suite matteler des questions scientiques difficiles.

    EN PERSONNE

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    Comment il voit ses nouvelles responsabilits

    4XHOOHHVWYRWUHPLVVLRQSUHPLUHODWWHGHO(5&"-HDQ3LHUUH%RXUJXLJQRQ Les moyens QDQFLHUVHWPDWULHOVVRQWGMDFTXLVHWsubstantiels pour la priode 2014-2020. Ainsi, ma premire tche consiste surtout PDVVXUHUTXHOHIDQWDVWLTXHVXFFVGHO(5&VHSRXUVXLYHVXUOHSODQGHODTXDOLWVFLHQWLTXH-HYHLOOHUDLQRWDPPHQWFHTXHOHVPHLOOHXUVFKHUFKHXUVHXURSHQVcontinuent candidater pour obtenir nos QDQFHPHQWVDYHFXQHDWWHQWLRQWRXWHSDUWLFXOLUHDXFRPEOHPHQWGXGFLWDFWXHOGHFDQGLGDWXUHVIPLQLQHV

    &RPPHQWYR\H]YRXVYRWUH IRQFWLRQGHSUVLGHQW"-3% Je vois dans ce poste une respon-VDELOLWORQJWHUPHSRXULGHQWLHUOHVvolutions possibles et imaginer une orga-QLVDWLRQIXWXUHGHODUHFKHUFKHOFKHOOHHXURSHQQH-HVRXKDLWHUDLVTXHSXLVVHQWVHQJDJHUGHVGLVFXVVLRQVVXUFHVXMHWDYHFOHVVWUXFWXUHVQDWLRQDOHVTXLQDQFHQW la recherche et emploient les chercheurs. 2QQHSHXWSDVFRXULUOHULVTXHGHSHUGUHune gnration de chercheurs en Europe.

    (QTXRLODIRQFWLRQGXSUVLGHQW GHO(5&DWHOOHYROX"-3% Par rapport mes prdces-VHXUVMHUHPSOLVODIRLVOHSRVWHGHchair-man du conseil et de secrtaire gnral HQLQWHUIDFHDYHFODJHQFHH[FXWLYHGHO(5&HWMHYDLVWUHFRQVHLOOHUVSFLDOGHla commissaire europenne et rsider %UX[HOOHV&HWWHQRXYHOOHRUJDQLVDWLRQLQGLTXHTXHO(5&IDLWYUDLPHQWSDUWLHLQ-tgrante de la stratgie globale de la Commission europenne en matire de recherche : il est un des piliers du pro-gramme Horizon 2020. Il demeure indis-SHQVDEOHTXHOH&RQVHLOVFLHQWLTXHGHlERC, et donc son prsident, garde toute lindpendance de dcision ncessaire.

  • Javais envie dune physique qui se pratique chelle humaine. Cest pour cette raison que Pascale Launois sest tourne, dans les DQQHVbYHUVODSK\VLTXHGHVVROLGHVHWla FULVWDOORJUDSKLH Et quon la retrouve au-jourdhui trs engage dans lAnne internatio-nale qui vient de dmarrer, consacre cette GHUQLUHGLVFLSOLQHbDQVGLUHFWULFHGHUHFKHUFKHDXb&156HOOHFRGLULJHXQHTXLSHdune trentaine de personnes au Laboratoire GHSK\VLTXHGHVVROLGHV/361, Orsay. Dune discipline lautrem$SUVXQb'($GHSK\VLTXHWKRULTXHFHQWU sur la physique des particules, jai ralis que les expriences engagent tellement de monde quil PHVHUDLWGLFLOHGHQDYRLUXQHYLVLRQJOREDOH FRQHWHOOHJe me suis donc tourne vers la phy-VLTXHGHVVROLGHV1RVH[SULHQFHVVHIRQWDYHFquelques personnes, et nous pouvons, sans tre thoriciens, interprter nos rsultats de manire DSSURIRQGLH}Pascale Launois achve sa thse HQbDX/DERUDWRLUH/RQ%ULOORXLQ//%2, 6DFOD\TXHOOHLQWJUHFRPPHFKHUFKHXVHDXb &156TXHOTXHVPRLVSOXVWDUG6HVSUHPLHUVtravaux et sa thse seront rcompenss par la PGDLOOHGHEURQ]HGX&156HQb&HVWORUVGXQVWDJHSRVWGRFWRUDODXb/36RHOOHHVWPDLQ-WHQDQWLQVWDOOHGHSXLVTXHOOHFRPPHQFH sintresser la cristallographie et aux quasi-cristaux, une nouvelle organisation de la matire condense, dans laquelle les atomes sont RUGRQQVPDLVODGLUHQFHGHVFULVWDX[GHmanire non priodique.

    vrai dire, je ne suis pas cristallographe au sens strict : je nai jamais suivi de cours de cristal-lographie ni dtermin une structure cristalline. Mais je me suis intresse aux outils de la cristal-lographie pour tudier la structure de la matire, ordonne ou dsordonne, et les relations entre structure, organisation et proprits physiques , explique-t-elle, avant dajouter avec enthou-siasme : Au laboratoire, nous avons le plus grand SDUFGHGLUDFWRPWUHVUD\RQVb;GH)UDQFH}

    Aprs les quasi-cristaux, la chercheuse sest WRXUQHYHUVOHVIXOOHUQHVGHVDVVHPEODJHV

    de carbone qui ressemblent des ballons de IRRWEDOO3XLVGHSXLVXQHGRX]DLQHGDQQHVvers les nanotubes de carbone, des tuyaux XOWUDQVDX[SURSULWVPXOWLSOHVm'HSXLVWURLVDQVMWXGLHOHDXFRQQHGDQVFHVQDQRWXEHV indique-t-elle. (OOHSHXW\JOLVVHUVDQVIURWWH-ment, ce qui pourrait avoir des applications pour la dsalinisation de leau.

    Avec son quipe de recherche, elle travaille galement sur les imogolites, des nanotubes EDVHGHJHUPDQLXPRXGHVLOLFLXPHWGDOXPL-nium qui, contrairement aux nanotubes de car-bone, existent dans la nature, dans les sols volcaniques. Ils sont dots de proprits

    Pascale Launois,

    pro de la cristalloPAR DENIS DELBECQ

    CRISTALLOGRAPHIEScience qui tudie lorganisation des atomes dans la matire pour en comprendre et en utiliser les proprits.

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    EN PERSONNE

    CNRS LE JOURNAL

  • DQWLVWDWLTXHVbTXLDYDLHQWWWUVWXGLHVSDU.RGDNSRXUOHVSHOOLFXOHVSKRWRbSHXYHQW piger des mtaux lourds dans les sols, et pour-raient stocker de leau, prcise Pascale Launois. $YHFOTXLSHGH6WSKDQH5ROVGHOQVWLWXWLaue-Langevin, Grenoble, nous tudions, HQWUHDXWUHVODVWUXFWXUHGHOHDXFRQQHGDQVces nanotubes, la manire dont elle y pntre et leur dynamique.

    La got de la transmissionAnime par la passion de transmettre, la cher-cheuse consacre beaucoup dnergie lorgani-VDWLRQFWIUDQDLVGHO$QQHLQWHUQDWLRQDOHGHla cristallographie. Elle en gre le site Web, avec ODLGHGXQFROOJXHGX&1560DUF%ODQFKDUGGHlIMPMC33DULVHWVHVWPPHPLVHmbWZHHWHUb}pour loccasion : m1RXVYRXORQVPRQWUHUDX[WX-diants et au grand public la richesse et la diversit de notre science et comme elle est vivante.

    En ce moment, elle prpare par ailleurs, un SHXSDUIPLQLVPH}SODLVDQWHWHOOHXQHFRQI-UHQFHGHYXOJDULVDWLRQVXU5RVDOLQG)UDQNOLQ cette chercheuse britannique qui a grandement contribu la dcouverte de la structure de O$'1}galement trs implique avec ses tu-diants, m3DVFDOH/DXQRLVGIHQGVRQTXLSHHWsait toujours se rendre disponible,UDFRQWH(UZDQ3DLQHDXGHYHQXFKDUJGHUHFKHUFKHDX/36aprs trois annes de postdoctorat, dont deux passes ses cts. 3DUIRLVRQDXUDLWHQYLHGHOXLdire de prendre plus de temps pour elle.

    La chercheuse ne cde pourtant pas sur ses passions : karat, randonnes, voyages lointains et lectures. Ainsi, il y a trois ans, elle est partie en )LQODQGHDYHFVRQPDULHWOXQHGHVHVGHX[OOHVbm1RXVDYRQVFDPSXQHQXLWSDUbr&MHQDLgard un souvenir extraordinaire. Jai toujours eu XQHYULWDEOHIDVFLQDWLRQSRXUOH*UDQG1RUG}Une attirance que lon retrouve dans son got pour les polars de lIslandais Arnaldur Indridason, TXLIRQWSDUWLHGHVHVOLYUHVGHFKHYHW II

    1. Unit CNRS/Univ. Paris-Sud. 2. Unit CNRS/CEA. 3. Institut de minralogie, de physique des matriaux et de cosmochimie (CNRS/UPMC/IRD/MNHN).

    'eSuis le 6bManYier, 0arie+lne %eauYais est Girectrice Ge caEinet Gu SrsiGent Gu CNRS, $lain )uchs. $uSaraYant Girectrice GlJue Ge la communication Gu CNRS, elle a t enb2012 charJe Ge mission au sein Gu caEinet Ge la ministre Ge la Recherche *eneYiYe )ioraso.

    /e laEoratoire Ceisam, GiriJ Sar %runo %uMoli, a reu en ManYier le troShe InSi Ge linnoYation 2013. Ce laEoratoire Ge chimie molculaire est loriJine Gu GSt Ge Tuator]e Iamilles Ge EreYets et Ge la cration Ge trois entreSrises.

    4uator]e scientiTues Gu CNRS, Gont .atell %erthelot, Iont Sartie Ges lauratsb2013 Ges ConsoliGator *rants, ce Tui en Iait lorJanisme le Slus rcomSens Sar l(RC lors Ge cet aSSel, et mme lors Gu eb3CR' Gans son ensemEle.

    lache

    Alain Fuchsreconduit la prsidence du CNRS

    Lors du Conseil des ministres du 26 fvrier, Alain Fuchs a t nomm prsident du CNRS pour un second mandat de quatre ans. Ce chimiste a consacr ses travaux de recherche la modlisation et la simulation molculaire des XLGHVFRQQV,ODWSURIHVVHXU luniversit Pierre-et-Marie-Curie et directeur de recherche au CNRS. Jusquen 2010, il a dirig lcole nationale suprieure de FKLPLHGH3DULV,ODJDOHPHQWIRQG le Laboratoire de chimie physique dOrsay. Chevalier des Palmes acadmiques, il a t nomm chevalier de la Lgion dhonneur. Durant son premier mandat, Alain Fuchs a rapproch le CNRS des universits et des grandes coles pour concevoir une politique de recherche commune et participer lmergence des grands

    sites universitaires de demain ; il a galement fortement positionn lorganisme comme un acteur incontournable du programme des ,QYHVWLVVHPHQWVGDYHQLU3RXUFHWWHnouvelle mandature, Alain Fuchs sest donn trois principaux objectifs : renforcer la prsence et la visibilit de la recherche franaise linternational, crer les conditions du renouvellement des thmatiques de recherche via linterdisciplinarit, promouvoir et renforcer le transfert des rsultats de la recherche. Trs respectueux de la FRQDQFHTXHODVRFLWSRUWHDX&156 Alain Fuchs souhaite conforter la prennit dune institution dont les valeurs sont reconnues par le grand public : la recherche fondamentale dsintresse au service de laccroissement des connaissances et de la prosprit du pays.

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    EN PERSONNE

    HIVER 2014 N 275

    Le site de lAnne de la cristallographie www.aicr2014.fr

    5HWURXYH]3DVFDOH/DXQRLVVXU7ZLWWHU @PascaleLaunois

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    AM

  • 250articles publis dans des

    revues comit de lecture, chapitres de livres et comptes

    rendus consacrs aux batteries rechargeables,

    leurs composants et leurs performances

    500000 $ le montant quil partagera avec ses corcipiendaires

    du prix Draper 2014, les Japonais Akira Yoshino et

    Yoshio Nishi et lAmricain John Goodenough

    7distinctions VFLHQWLTXHV

    internationales dcernes

    depuis 1999

    Dont

    2remises par

    la Nasa

    Dont

    37pour le CNRS

    Plus de

    50familles de brevetsdposs comme inventeur

    ou co-inventeur dans le domaine des

    batteries

    Rachid Yazami,laurat du prix Draper 2014

    En dtachement la Nanyang Technological University de Singapour, ce directeur de recherche au CNRS vient de se voir dcerner le prix Charles Stark Draper 2014 par la National Academy of Engineering. Considre comme le prix Nobel des ingnieurs, cette distinction rcompense notamment son invention en 1980 des anodes lithium-graphite. Celles-ci permettront plus tard la fabrication des batteries rechargeables lithium-ion que lon retrouve aujourdhui dans la plupart des tlphones et autres appareils nomades.

    PAR YAROSLAV PIGENET

    6RXUFHV1DWLRQDO$FDGHP\RI(QJLQHHULQJ:RUOGQWHOOHFWXDO3URSHUW\$VVRFLDWLRQ 2FHHXURSHQGHVEUHYHWV*RRJOH6FKRODU&156

    29 ansde carrire

    au CNRS

    Dont

    16comme directeur

    de recherche

    T

    ERRA

    N T

    ANG

    /NAE

    15 milliards de $

    de chiffre daffaires annuel pour le march

    des batteries lithium-ion

    EN PERSONNE

    10CNRS LE JOURNAL

  • Les maths franaises en force Soul PAR CHARLINE ZEITOUN

    JEAN-FRANOIS LE GALL 54 ANS Probabiliste, passionn par le mouvement brownien (connu pour dcrire le dplacement erratique dune particule dans un uide, il est professeur au Laboratoire de mathmatiques dOrsay1. Laurat du prix Love en 1997, mdaill dargent du CNRS en 2009, il est trs heureux davoir la chance de parler de ses travaux une si vaste audience lors de lICM . Ses pronostics pour la mdaille )ields" Les statistiques semblent favorables mes compatriotes : six chercheurs franais ont t laurats lors des cinq dernires ditions.

    FRANK MERLE 51 ANS Spcialiste des quations aux drives partielles, il mne des travaux dun fort impact sur la rsolution des problmes ondulatoires en physique. Professeur au Laboratoire analyse, gomtrie, modlisation2 et lInstitut des hautes tudes scientiques, il a reu en 2005 la mdaille dargent du CNRS et le Bcher Memorial Prize of the American Mathematical Society. Trs honor davoir t choisi pour une confrence plnire, il est ravi de sadresser lensemble de la communaut des mathmaticiens , et non aux seuls spcialistes de son domaine, ce qui relve en soi dune certaine forme de vulgarisation scientique .

    1. Unit CNRS/Univ. Paris-Sud. 2. Unit CNRS/Univ. de Cergy-Pontoise. 3. Unit CNRS/UPMC/Univ. Paris-Diderot. IL

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    b/e prochain Congrs international des math-maticiens (ICM), qui se tiendra Soul du 13 au 21 aot, a choisi des Franais pour donner trois des vingt et unes trs prises confrences SOQLUHV-HDQ)UDQRLV/Hb*DOO)UDQN0HUOHHWBenot Perthame. Ce rendez-vous incontour-nable de milliers de chercheurs sannonce donc comme un trs bon cru pour la France, dautant que, parmi les orateurs des sessions thma-tiques, prs dun sur cinq est rattach lcole franaise, et notamment au CNRS. Cette dl-JDWLRQ GH b FRQIUHQFLHUV SOQLHUV HWbGDQV OHVVHVVLRQVWKPDWLTXHV ODSOXV

    nombreuse aprs celle des tats-Unis, illustre la vitalit de la recherche tricolore dans cette discipline. Quant aux futurs laurats des mdailles Fields, souvent considres comme les prix Nobel des mathmatiques et toujours dcernes au dbut du Congrs, le suspense reste entier. Seuls les mathmaticiens de moins GHbDQVRUDWHXUVRXQRQO&0VRQWHQOLFHDe deux quatre mdailles sont attribues chaque dition du Congrs, qui se tient tous les quatre ans seulement. En 2010, la France avait t honore par celles de Cdric Villani et de Ng Bo Chu. II

    BENOT PERTHAME 54 ANS Il se consacre aux mathmatiques appliques, en particulier aux mthodes utilisables en biologie, pour modliser par exemple le dveloppement des tumeurs et leur traitement, ou lvolution darwinienne. Directeur du Laboratoire Jacques-Louis-Lions3, professeur lUPMC, il a reu la mdaille dargent du CNRS en 1994 et le prix *.bSacchi Landriani en 1997. Donner cette confrence plnire lICM est une reconnaissance au niveau international qui me donne envie, plus que jamais, de minvestir avec mes collaborateurs dans nos recherches.

    EN PERSONNE

    11HIVER 2014 N 275

  • Astrophysique. Reportage au Fimoc, Toulouse, lun des centres de contrle du rover martien Curiosity. /HVVFLHQWLTXHV\UHRLYHQW les donnes recueillies par les instruments SAM GC et ChemCam et y laborent OHVLQVWUXFWLRQVTXLOHXUseront envoyes.

    PAR SIMON CASTRAN

    + DBUT DE JOURNE AU FIMOC6LFHUWDLQVVRQJHQWGMODQGHMRXUQHFHQHVWSDVOHFDVGHODGL]DLQHGLQJQLHXUVHWGHFKHUFKHXUVGX)LPRFOHFHQWUHGRSUDWLRQGHVLQVWUXPHQWVIUDQDLVGHODPLVVLRQ0DUV6FLHQFH/DERUDWRU\06/LQVWDOODX&QHV7RXORXVH(WSRXUFDXVHm&RPPHQRXVWUDYDLOORQVHQSDUWHQDULDWDYHFOH-HW3URSXOVLRQ/DERUDWRU\ -3/GH3DVDGHQDHQ&DOLIRUQLHWRXWHOTXLSHHVWOKHXUHDPULFDLQHLQGLTXHOHSODQWR-ORJXH2OLYLHU)RUQLGHOQVWLWXWGHUHFKHUFKHHQDVWURSK\VLTXH HW SODQWRORJLH UDS WRXWSURFKHGX&QHV/DYDQWDJHFHVWTXHORUVTXLOHVWKHXUHVGXPDWLQ3DVDGHQDFHVWGMODSUVPLGL7RXORXVH1RXVSRXYRQVGRQFFRPPHQFHUWUDYDLOOHUVXUOHVGRQQHVDYDQWOHGEXWGHODMRXUQHRFLHOOH}OHXUDUULYHOHVVFLHQWLTXHVGFRXYUHQWOHVLQIRUPDWLRQVTXH&XULRVLW\DHQYR\HVDX[VDWHOOLWHV052HW2G\VVH\HQRUELWHDXWRXUGH0DUVDXFRXUV GHOHXUVGHX[WURLVSDVVDJHVTXRWLGLHQVDXGHVVXVGXURYHUTXLOVRQWHQVXLWHUHQYR\HVHQGLUHFWLRQGHOD7HUUH$X)LPRFFKDTXHMRXU-QHFRPPHQFHSDUXQEULHQJGHVDQWm2QFKHUFKHQRWDPPHQWVDYRLUVLOHVLQVWUXPHQWV

    RQWIRQFWLRQQQRUPDOHPHQWRXVLXQHDFWLYLWQDSDVGXUSOXVORQJWHPSVTXHSUYX}H[-SOLTXH&KDUOHV

  • WRXWVHSDVVHELHQHWTXDQGLOFRPPHQFHWUDQVPHWWUHVHVUVXOWDWVWRXWVDUUWHRQ QDSOXVULHQOIDXWGRQFDWWHQGUHOHSDVVDJHVXLYDQW GH O RUELWHXU OH OHQGHPDLQPDWLQ SRXUREWHQLUODVXLWH}+ RUNION AU SOMMET&HVWOHGEXWGHODSUHPLUHUXQLRQGXMRXUDYHF3DVDGHQDm&HVWDXVVLODSOXVLPSRUWDQWHOH6RZJ6FLHQFH2SHUDWLRQV:RUNLQJ*URXS&HVWFHPRPHQWTXHOHVVFLHQWLTXHVVOHF-WLRQQHQWOHVDFWLYLWVTXHOHURYHUDFFRPSOLUD OHOHQGHPDLQSRXUVXLW&KDUOHV
  • Vous venez de publier, n 2013, avec Franoise Tristani-Potteaux, Le Chercheur et la Souris, un ouvrage qui retrace votre carrire de biologiste, mais qui voque aussi votre implication dans la dfense des droits des animaux. Pourquoi ce livre"Georges Chapouthier :'DERUGSDUYHQXODQGHPDcarrire, jai eu envie de raliser une sorte de bilan en UHYHQDQWFKURQRORJLTXHPHQWVXUPHVWUDYDX[HWVXUOHVOLHQVHQWUHPPRLUHDQ[LWHWSLOHSVLH0DLVMDLDXVVLHXHQYLHGYRTXHUOYROXWLRQGHPRQUDSSRUWDX[DQL-PDX[GHSXLVOHQIDQFHMXVTXPRQHQJDJHPHQWOD)RQGDWLRQ'URLWDQLPDOWKLTXHHWVFLHQFH(QVXLWHMDLVRXKDLWSDUOHUGHPRQGRXEOHSDUFRXUVGHELRORJLVWHHWGHSKLORVRSKHSDUFHTXLOPDSHUPLVGHUFKLUVXUXQSDUDGR[HFRPPHQWSHXWRQODIRLVPHQHUGHVH[S-ULHQFHVVXUOHVDQLPDX[HQWDQWTXHQHXURELRORJLVWHHWGIHQGUHOHXUVGURLWV"OPDSDUXLPSRUWDQWGHUHODWHUPRQYFXVXUFHVXMHWComment vous tes-vous intress la cause des animaux"G. C. :-DLWRXMRXUVWDWWLUSDUOHUJQHDQLPDO(WFHWWHV\PSDWKLHQHPDMDPDLVTXLWW(QIDQWMHFRQVLGUDLVOHVDQLPDX[FRPPHGHVSHUVRQQHV3XLVFRPPHQRWUHVRFL-WYDORULVHOHVDYRLUFHWWHV\PSDWKLHVHVWGVODFODVVHGH6eWUDQVIRUPHHQSDVVLRQSRXUOHVVFLHQFHVQDWXUHOOHV2USDUWRXWRQPHQVHLJQDLWTXLO\DXQHFRXSXUHHQWUHOKRPPHWUHGHOXPLUHHWODQLPDOREMHW'XFRXSMDLDGRSWFHPRGOH$SUVDYRLUIDLWOFROHQRUPDOHVXS-ULHXUHMHVXLVHQWUHQDX&156FRPPHFKHUFKHXU

    HQQHXURELRORJLH-HFRQVLGUDLVDORUVODQLPDOFRPPHXQV\VWPHXWLOHSRXUOHGYHORSSHPHQWGHODUHFKHUFKHHQPHWWDQWGHFWODTXHVWLRQPRUDOHGHVRQWUDLWHPHQW0DLVSHXSHXMHVXLVUHYHQXPHVSUHPLHUVVHQWLPHQWV(WMDLHXODFKDQFHGHUHQFRQWUHU-HDQ&ODXGH1RXWXQKLVWRORJLVWHYLFHGR\HQGHOD3LWL6DOSWULUHTXLDYDLWFRIRQGHQOD/LJXHIUDQDLVHGHVGURLWVGHODQLPDO/)'$-DLDLQVLUFKLVXUODFRQGLWLRQDQLPDOHGDERUGHQIDLVDQWXQHWKVHGWDWHQSKLORVRSKLHVRXVODGLUHFWLRQGH)UDQRLV'DJRJQHWSXLVHQSXEOLDQWQRWDPPHQW$XERQYRXORLUGHOKRPPHODQLPDOHQOHWRXWSUHPLHUOLYUHHQ)UDQFHVXUOHVGURLWVGHODQLPDOEt en vous engageant au sein de la LFDA, vous tes donc devenu militant"G. C. :1RQMHQHGLUDLVSDVPLOLWDQW0DLVRXLMHPHVXLVWUVYLWHLQYHVWLOD/)'$DXMRXUGKXL)RQGDWLRQ'URLWDQLPDOWKLTXHHWVFLHQFHSUVLGHSDU/RXLV6FKZHLW]HUJen ai t le secrtaire gnral de 1999 2002, puis le vice-SUVLGHQWGH(WMHVXLVDFWXHOOHPHQWWRXMRXUVPHPEUHGXFRQVHLOGDGPLQLVWUDWLRQ&HODGLWODFWLRQGHFHWWHIRQGDWLRQFRPSRVHGXQLYHUVLWDLUHVGHSKLOR-VRSKHVGDUWLVWHVGHMXULVWHVVHVLWXHXQLTXHPHQWVXUOHSODQGHODSHQVHQRXVSXEOLRQVGHVOLYUHVHWGHVDUWLFOHVQRXVRUJDQLVRQVGHVGEDWVHWGHVFROORTXHVFRPPHFHOXLGHODQGHUQLHUVXUOHVFDSDFLWVGHVRXUDQFHGHODQLPDOet nous avons, en 2012, interrog les candidats llection SUVLGHQWLHOOHVXUOHVWDWXWGHODQLPDO1RWUHIRQGDWLRQYLVHDGRSWHUXQHSRVLWLRQUDLVRQQDEOHHQQHWRPEDQWQLGDQVXQH[WUPHQLGDQVODXWUH

    1. Georges Chapouthier est directeur de recherche mrite au CNRS au Centre motion-remdiation et ralit virtuelle (unit CNRS/UPMC/APHP Piti-Salptrire/CRICM).

    Biologie. Comment peut-on la fois mener des expriences VXUOHVDQLPDX[HQWDQWTXHFKHUFKHXUHWGIHQGUHOHXUVGURLWV" Cest le grand paradoxe auquel a t confront tout au long de sa carrire Georges Chapouthier1, neurobiologiste et philosophe, et quil voque longuement dans son dernier ouvrage Le Chercheur et la Souris.

    Georges Chapouthier,

    le chercheur et la souris

    PROPOS RECUEILLIS PAR STPHANIE ARC

    EN PERSONNE

    14CNRS /(-2851$/

  • Le fait davoir d recourir lexprimentation animale ne vous a-t-il jamais fait douter de votre activit de chercheur"G. C. :1RQSDVUHOOHPHQW&HUWHVFHVWFXOSDELOLVDQWORUVTXHSDUH[HPSOHSRXUDPOLRUHUGHVPGLFDPHQWVFRQWUHOSLOHSVLHRQGRLWGFOHQFKHUGHVFULVHVFKH]GHVURQJHXUV0DLVMHPHVXLVWRXMRXUVGLWTXHGDXWUHVIHUDLHQWOHVH[SULHQFHVGHWRXWHIDRQHWSHXWWUHDYHFPRLQVGHUHVSHFW&HODPDVXUWRXWSRXVVGIHQGUHODFDXVHGHVDQLPDX[-DLDLQVLGYHORSSFHVXMHWXQHSRVLWLRQGHQWUHGHX[GOLFDWHWHQLUPDLVTXLHVWPRQDYLVODVHXOHSRV-VLEOHVLORQYHXWFRQFLOLHUUHFKHUFKHVFLHQWLTXHHWUHVSHFWGHODQLPDO&HVHUDLWFHUWHVPHUYHLOOHXVHPHQWPRUDOGHSURVFULUHWRXWHH[SULHQFH0DLVODUHFKHUFKHVFLHQWLTXHHWPGLFDOHQHSHXWPDOKHXUHXVHPHQWSDVVHQSDVVHUWRWD-OHPHQWDXMRXUGKXL/RUVTXXQHTXHVWLRQFRQFHUQHOHFRUSVGDQVVDWRWDOLWSDUH[HPSOHTXDQGRQFKHUFKHSURGXLUHXQHPROFXOHTXLIDLWGRUPLURXTXLDQHVWKVLHDXFXQDXWUHPRGOHQHSHUPHWHQFRUHG\USRQGUH(QWDQWTXWUHVKXPDLQVFHVWGLUHHQWDQWTXWUHVPRUDX[QRXVDYRQVWRXWHIRLVOHGHYRLUGHSURWJHUOHVDQLPDX[FRQWUHOHVGRX-OHXUVTXHQRXVSRXUULRQVOHXUFDXVHU'DERUGSDUFHTXLOVVRQWQRVFRXVLQVYXTXHQRXVVRPPHVGHVFKLPSDQ]VPRGLVFHVWGLUHGRWVGXQmVXSHUFHUYHDX}HQVXLWHSDUFHTXHQRXVGHYRQVSURWJHUWRXWWUHTXLSRXUUDLWVRXI-IULU/DUHFKHUFKHQHGRLWWUHWKLTXHTXHSDUFHTXHOOHHVWSUDWLTXHSDUGHVWUHVTXLVHYHXOHQWWKLTXHVMais alors comment protger les animaux dans la recherche"G. C. :7RXWGDERUGHQDSSOLTXDQWODIDPHXVHUJOHGLWHGHVWURLVm5}SRXU5GXLUH5DQHU5HPSODFHU2QSHXWHWRQGRLW WHQWHUGHUHVWUHLQGUHDXPLQLPXPOHUHFRXUV

    Le Chercheur et la Souris, Georges Chapouthier et Franoise Tristani-Potteaux, CNRS ditions, 2013

    SouraQce aQiPale Ge la scieQce au droit. Colloque iQterQatioQal, Thierry $uret 9an 'er .ePp et Martine Lachance (dir.), ditions Yvon Blais, 2013

    .aQt et le ChiPSaQ]. Essai sur ltre huPaiQ, la Porale et lart, Georges Chapouthier, Belin, coll. Pour la science , 2009

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    . GO

    DEF

    ROY/

    CNRS

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    EN PERSONNE

    15+9(5 N 275

  • OH[SULPHQWDWLRQHQUGXLVDQWOHQRPEUHGDQLPDX[XWLOL-VVOIDXWUDQHUOHVSURWRFROHVH[SULPHQWDX[GDQVFHEXWHWTXDQGFHVWSRVVLEOHUHPSODFHUFHUHFRXUVSDUGDXWUHVPWKRGHVGDQDO\VHIRXUQLHVSDUODWHFKQRORJLHFXOWXUHVFHOOXODLUHVPRGOHVLQIRUPDWLTXHVHWFAvez-vous constat une volution favorable de leur statut"G. C. :2XLLOVHVWFRQVLGUDEOHPHQWDPOLRUSDUUDSSRUWPHVGEXWVROHVFKHUFKHXUVWDLHQWOLEUHVGHIDLUHFHTXLOVYRXODLHQW(WFHODSRXUGHX[W\SHVGHUDLVRQV'DERUGGHVUDLVRQVDGPLQLVWUDWLYHV'HVORLV2, qui nous sont sou-YHQWVRXHVSDUO(XURSHGX1RUGSOXVVHQVLEOHODTXHV-WLRQGXUHVSHFWDQLPDOTXHO(XURSHGX6XGHQFDGUHQWVWULFWHPHQWOH[SULPHQWDWLRQHQ)UDQFH/DTXDOLWGHVDQLPDOHULHVHVWFRQWUOH/HFKHUFKHXUTXLVRXKDLWHPHQHUGHVH[SULHQFHVDYHFGHVDQLPDX[GRLWREWHQLUXQHhabilitation qui, depuis quelques annes, suppose des FRQQDLVVDQFHVGWKLTXH'HVFRPLWVGWKLTXHVHPHWWHQWHQSODFHGDQVOHVFHQWUHVGHUHFKHUFKHTXLYULHQWODFRQIRUPLWGHVH[SULHQFHVDX[UJOHPHQWV(QVXLWHHWFHVWIRQGDPHQWDOOHVHVSULWVRQWYROX0PHVLFHUWDLQVFKHUFKHXUVQHVLQWUHVVHQWSDVVSFLDOHPHQWODQLPDOFHWKPHHVWSULVDXVULHX[3RXUDPOLRUHUOHVFKRVHVGH

    WUVQRPEUHXVHVGLVSRVLWLRQVSHXYHQWHQFRUHWUHSULVHVVXUOHSODQSUDWLTXHGDQVOHVDQLPDOHULHVPDLVDXVVLORUVGHODFRQGXLWHPPHGHVH[SULHQFHV4XDQWODIRUPD-WLRQPRUDOHGHVFKHUFKHXUVHWGHVDQLPDOLHUVFHUWHVHVTXLVVHDXMRXUGKXLHOOHHVWHQFRUHLQVXVDQWHHWGRLWWUHDSSURIRQGLH0DLVWRXWFHODYDGDQVOHERQVHQVVous avez crit ce livre avec Franoise Tristani-Potteaux, philosophe et docteur en sciences de la communication. 4ue vous a apport cette collaboration"G. C. :&HODDWWUVIUXFWXHX[)UDQRLVHVLQWUHVVHGHprs la neurobiologie et elle est sensibilise la cause DQLPDOH1RXVWLRQVGRQFHQSKDVHVXUOHIRQGKRUPLVquelques divergences sur Descartes, dont elle est une IHUYHQWHOHFWULFH6HORQPRLSDUH[HPSOHFHVWQRWDP-PHQWODFRQFHSWLRQSRVWFDUWVLHQQHODQLPDOPDFKLQHTXLDDXWRULVOHVVFLHQWLTXHVFRQVLGUHUOHVDQLPDX[FRPPHGHVLPSOHVREMHWVGH[SULHQFH3DUDLOOHXUVFHVWGOLFDWGFULUHVHXOVXUVRLPPH)UDQRLVHPDDSSRUWXQHGLVWDQFHSUFLHXVHSDUIRLVFULWLTXHHWPDDXVVLSHUPLVGHFKDQJHUPRQUHJDUGVXUPDSURSUHYLH3DUH[HPSOHMHPHWURXYDLVFRQIRUPLVWHGDQVPHVYLUDJHVSURIHVVLRQQHOVHOOHPHYR\DLW DXFRQWUDLUHDOOXPLPSXOVLI(QQVDPDHXWLTXHVDPDQLUHGHPLQWHUUR-JHUPDSHUPLVGHUHWURXYHUGHVIUDJPHQWVGHPPRLUHHQIRXLVQRWDPPHQWGHPRQHQIDQFHII

    2. Voir notamment le dcret n 2001-486 du 6 juin 2001 portant publication de la Convention europenne sur la protection GHVDQLPDX[YHUWEUVXWLOLVVGHVQVH[SULPHQWDOHVRXGDXWUHVQVVFLHQWLTXHV

    On peut et on doit tenter de restreindre au minimum le recours lexprimentation en rduisant le nombre danimaux utiliss.

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    EN PERSONNE

    16CNRS LE JOURNAL

  • GRAND FORMAT

    17HIVER 2014 N 275

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    ILLUSTRATION : S. ROY-COLAGENE.COM, POUR CNRS LE JOURNAL

  • GRAND FORMAT

    18CNRS LE JOURNAL

  • /HQRYHPEUHDSUVMRXUVGHFRPEDWOD*UDQGH*XHUUHVDUUWHHQQ(OOHDFKDQJGQLWLYHPHQWODIDFHGXPRQGHGHVJQUDWLRQV HQWLUHVRQWWIDXFKHVOFRQRPLHHVWJHQRX[OHVTXLOLEUHVJRSROLWLTXHVVRQWERXOHYHUVV/RQGHGHFKRFGHODJXHUUHDXUDDXVVLGHSURIRQGHVUSHUFXVVLRQVVRFLDOHVHWFXOWXUHOOHVHWPPHVFLHQWLTXHVFDUODUHFKHUFKH DSULVXQHSDUWDFWLYHDXFRQLW(QTXWHVXUOHWUVORXUGKULWDJHGH

    Lhritage de 14-18UNE ENQUTE RALISE PAR PHILIPPE TESTARD-VAILLANT ET DENIS GUTHLEBEN

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    19+9(5N 275

  • bL HQRYHPEUHbKHXUHVGXPDWLQOHVFORFKHVGHWRXWHVOHVJOLVHVGH)UDQFHVHPHWWHQWFDULOORQQHUSRXUFOEUHUODQQRQFHGHODUPLVWLFH0DLVFHVWSHXGLUHTXHODJXHUUHTXHOHVWDWVPDMRUVDYDLHQWSUYXHFRXUWHHWTXLDGXUbPRLVDIDLWSOHXYRLUXQGOXJHGHPDOKHXUVVXUOHVVRFLWVEHOOLJUDQWHV 4XHFHVRLWVXUOHSODQGPRJUDSKLTXHJRSROLWLTXHFRQRPLTXHVRFLDORXFXOWXUHOFHVbMRXUVGHQIHURQWWRXWFKDQJ(WOHVEOHVVXUHVRXYHUWHVSDUOHFRQLWYRQWPHWWUHGXWHPSVVHUHIHUPHUUn bilan humain extrmement lourdOKHXUHGHVFRPSWHVGDQVXQH(XURSHSULYHGHPLOOLRQVGHQDLVVDQFHVOHELODQKXPDLQHVWH[WUPHPHQWORXUG YRLUOLQIRJUDSKLHFLFRQWUH$LQVLOD)UDQFHHOOHVHXOHGQRPEUHPLOOLRQGHmWXVOHQQHPL}0DOJUODUDQQH[LRQGHO$OVDFH/RUUDLQHSHUGXHHQbOHGFLW

    GHVQDLVVDQFHVTXDWUHDQVGXUDQWDFUHXVXQHEUFKHGDQVODS\UDPLGHGHVJHV&HTXLH[SOLTXHTXHSRXUFRPSHQVHUOHVHHWVGHODVDLJQHTXLODHFWHO+H[DJRQHFRQQDWGDQVOHVDQQHVbXQHIRUWHYDJXHGLPPLJUDWLRQSULQFLSDOHPHQWFRQVWLWXHGH3RORQDLVGWDOLHQVHWG(VSDJQROVHWGHYLHQWODGHX[LPHGHVWLQDWLRQGHVPLJUDQWVDSUV OHVWDWV8QLV/D*UDQGH%UHWDJQHSOHXUHTXDQWHOOHbWRPPLHV\FRPSULVOHVVROGDWVGHVGRPLQLRQV/$OOHPDJQHDSHUGXSOXVGHPLOOLRQVGKRPPHVO$XWULFKH+RQJULHSUVGHbPLOOLRQO(PSLUHUXVVHbPLOOLRQV/DYLROHQFHJXHUULUHDJDOHPHQWIDX

    FKQRPEUHGHVROGDWVQRQ(XURSHQVHWGXUHPHQWIUDSSOHVFLYLOVGRQWRQHVWLPHbPLOOLRQVOHQRPEUHGHPRUWVFHGFRPSWHPDFDEUHVDMRXWHQWSRXU O HQVHPEOHGX9LHX[&RQWLQHQWTXHOTXHbPLOOLRQV GLQYDOLGHVSDUPLOHVTXHOVGHVFHQWDLQHVGHPLOOLHUVGDYHXJOHVGDPSXWVGHmJXHXOHVFDVVHV}bPLOOLRQVGRUSKHOLQVHQYLURQbPLOOLRQVGHMHXQHVYHXYHVHWSOXVLHXUVPLOOLRQVGHSDUHQWVLQFRQVRODEOHV

    /DVLWXDWLRQFRQRPLTXHHWQDQFLUHQHVWSDVPRLQVSURFFXSDQWH3DUGHOOHVVWLJPDWHVPDWULHOVWUVVSHFWDFXODLUHVHQ)UDQFHOHFRQLWDUXLQGHVFHQWDLQHV GHPLOOLHUVGHEWLPHQWVGYDVWbPLOOLRQVGKHFWDUHVGHWHUUHVDJULFROHVHWGWUXLWSOXVGHbNLORPWUHVGHURXWHVOH9LHX[&RQWLQHQWVRUWWUVDSSDXYULGHOKRUULEOHPOHGHVDQQHVb&HUWHVOSUHXYHDUHQIRUFFHUWDLQVVHFWHXUVLQGXVWULHOVFRPPHODURQDXWLTXHODFKLPLHHWODXWRPRELOH0DLVHOOHDEDOD\OHV\VWPHWDORQRUHWDYHFOXLODVWDELOLWGHVPRQQDLHV/H9LHX[&RQWLQHQWHQSOHLQHGEFOHQDQFLUH&HVWTXHmWRXVOHVSD\VRQWIDLWODJXHUUHFUGLWJUFHGHVHPSUXQWVLQWULHXUVHWDXVVLODUJHPHQWH[WULHXUVSRXUOD)UDQFHH[SOLTXHVDEHOOH'DYLRQPHPEUHGXODERUDWRLUHGHQWLWVUHODWLRQVLQWHUQDWLRQDOHVHWFLYLOLVDWLRQVGHO(Xrope14XHFHVRLWSRXUFRQGXLUHOHRUWGHJXHUUHRXSRXUUHPERXUVHUOHVGHWWHVQDQFHUODUHFRQVWUXFWLRQYHUVHUGHVLQGHPQLWVDX[VLQLVWUVHWGHVSHQVLRQVDX[YLFWLPHVHWELHQVUSD\HUOHVUSDUDWLRQVGDQVOHFDVGHO$OOHPDJQHOHVSD\VHXURSHQVGRQWOHVUVHUYHVGRUVRQWSXLVHVRQWIDLWHWIRQWPDUFKHUODSODQFKHELOOHWVOVLPSULPHQWXQHPRQQDLHTXLQDSUDWLTXHPHQWDXFXQHYDOHXULQWULQVTXHHWUHSRVHVXUODFRQDQFHGHVDJHQWVFRQRPLTXHVTXLOXWLOLVHQW}/LQDWLRQTXLVRXHVXUO(XURSHHWHQHDXOGHVPRLVSUHQGXQHIRUPHSDUR[\VWLTXHGDQVO$OOHPDJQHYDLQFXHRHQQRYHPEUHbbGROODUFRWHPLOOLDUGVGH

    1. Unit CNRS/Univ. Paris-Sorbonne/Univ. Paris-I. 2.(QUHIXVDQWGHUDWLHUOHWUDLWGH9HUVDLOOHVHQPDUVOH6QDWDPULFDLQHPSFKHOHVWDWV8QLVGHVLJHUOD6RFLWGHVQDWLRQV

    3KRWRFRORULVHGHVROGDWVORUVGXQHWUYHGDQVXQHWUDQFKH9HUGXQHQ

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    La guerre a tout chang, que ce soit sur le plan dmographique, gopolitique, conomique, social ou culturel.

    GRAND FORMAT

    CNRS LE JOURNAL

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    Un long travail de deuilSortir de la guerre ne consiste pas uniquement dposer les armes, ngocier des traits et reprendre des activits du temps de paix. Cest aussi se dsengager mentalement du conit. Un intense processus de deuil, amorc ds les annes de guerre, se dploie en France entre 1920 et 1930. Cimetires pour rassembler les morts au combat, dication de mmoriaux nationaux et de monuments aux morts (on dnombre 38000bmonuments aux morts de la Grande Guerre en France), plaques commmoratives apposes dans les entreprises et les btiments publics, rues rebaptises du nom des batailles et des combattants, etc. : les initiatives voues perptuer le souvenir du conit et pallier labsence des corps sont lgion. Le 11 novembre devient un jour fri enb1922, et la amme est allume pour la premire fois sous larc de triomphe de la place de ltoile Paris, qui abrite la tombe du Soldat inconnu, le 11 novembreb1923. Les associations danciens combattants, dont certaines ont vu le jour pendant la guerre, sont la pointe de cet activisme mmoriel. la n des annesb1920, la Confdration nationale des anciens combattants et victimes de la guerre, qui englobe les plus importantes associations, dont lUnion fdrale des mutils, plutt gauche, et lUnion nationale des combattants, plutt droite, regroupent plus de trois millions de membres. Exaltant pour certains la fraternit des tranches et se reconnaissant dans une gnration du feu, les anciens combattants revendiquent dabord le droit de parler au nom des morts, souligne lise Julien, de lInstitut de recherches historiques du Septentrion1. Par ailleurs, pour que cette guerre soit la der des ders, ils sassignent pour mission civique de diuser un message paciste dans lensemble de la population. Ils sadressent en particulier aux jeunes, qui reprsentent lavenir, pour leur faire connatre les horreurs de la guerre et en viter ainsi le retour . Ce qui explique que, au-del des clivages politiques, la plupart des anciens combattants soutiendront la signature des accords de Munich, conclus enb1938 entre Hitler, Mussolini, le Britannique Chamberlain et le Franais Daladier, dans le but de clore la crise des Sudtes et dempcher la guerre.

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    Si la Seconde Guerre mondiale a clat, cest parce quon a dtruit lEurope de Versailles.

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    HIVER 2014 N 275

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    La guerre lorigine de la crise de 29?Le jeudi 24 octobre 1929, Wall Street, dont les cours atteignent des sommets spculatifs sans rapport avec la situation de lconomie relle, vacille, puis seondre. Le mal gagne trs vite toute la plante. Une lointaine rplique de la Grande Guerre" La crise de 1929 est issue dun faisceau de facteurs qui, combins, provoquent un ralentissement souterrain des conomies europennes, auquel la Bourse de New York ragit la premire, rappelle lhistorienne Isabelle Davion. Si lon peut considrer quil sagit avant tout dune crise propre ladaptation du capitalisme la production de masse, certaines causes profondes sont indirectement lies la guerre de 14-18, qui fait de Wall Street la premire Bourse mondiale, alors quelle peine encore rguler le systme montaire international.

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    La science, entretranches et paillasses

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    CNRS LE JOURNAL

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    HIVER 2014 N 275

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    La recherche na pas seulement pay un lourd tribut la guerre : elle a aussi vu son avenir hypothqu

    3UHIRQGDWHXUGX&156-HDQ3HUULQVHPRELOLVHDSUVODJXHUUHSRXUPHWWUHHQSODFHXQHFRRUGLQDWLRQQDWLRQDOHGHODUHFKHUFKH

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    GRAND FORMAT

    CNRS LE JOURNAL

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    Le Sabre et lprouvette. Linvention dune science de guerre, , '.$uEin et P.Bret (dir.), $gns 9inot ditions, 2003

    Rves de Savants. tonnantes inventions de lentredeuxguerres, '.GuthleEen, $rPand Colin, 2011

    Histoire du CNRS de nos Mours. 8ne ambition nationale pour la science, '.GuthleEen, $rPand Colin, 2013

    'e la science la dfense nationale, P.Painlev, CalPann-Lvy, 1931

    $UWLFOHVYLGRVLQIRJUDSKLHVELOOHWV5HWURXYH]QRWUHGRVVLHUFRPSOHWVXU ODJXHUUHGHVXUlejournal.cnrs.fr

    ([SULHQFHGHVSHFWURVFRSLH ODLGHGXJUDQGOHFWURDLPDQWFRQVWUXLWVRXV ODGLUHFWLRQG$LP&RWWRQ HWDFKHYHQ

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    ENQUTE

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    30CNRS LE JOURNAL

  • Patrimoine. La spectroscopie Raman est une technique qui utilise un rayon laser pour analyser des objets patrimoniaux et des uvres dart. Depuis plusieurs annes, des chercheurs tudient ainsi des peintures rupestres, des pices de muse et des vitraux sans les dtriorer.

    TEXTE AUDREY DIGUET ET CYRIL FRSILLON/

    PHOTOS CYRIL FRSILLON, CHRISTOPHE LEBEDINSKY

    ET LUC RONAT-CNRS PHOTOTHQUE

    Quand le laserrvle le pass

    1. Lquipe du laboratoire Monaris (CNRS/UPMC, ex-Ladir) discute du choix des zones analyser sur les vitraux de la Sainte-Chapelle, datant du XIIIe sicle, sur lle de la Cit, Paris.

    1

    PORTFOLIO

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  • 2. La composition des verres est analyse grce au spectromtre 5DPDQDQGLGHQWLHUOHVSLFHV de vitraux datant du Moyen ge qui ont t remplaces ou restaures au cours du XIXe sicle.

    3. Le laser du spectromtre (point vert lumineux), plac cette fois lextrieur, analyse les vitraux de la rosace.

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    32CNRS LE JOURNAL

  • 4. Les montagnes uKhahlamba-Drakensberg du parc national de Giants Castle, en Afrique du Sud, abritent de nombreuses peintures rupestres du peuple San, vieilles GHbDQVFLODWWH de mesure du spectromtre focalise le laser sur une peinture reprsentant un lion en train de sauter. Le laser nabme pas les uvres analyses.

    5. Grce au spectromtre Raman portable, les chercheurs ont pu dterminer ltat de conservation et la composition des pigments de ces peintures San sur grs.

    k/521$7&1563+2727+48(&/(%('16.@. Lide de cet ouvrage naurait pas surgi sans elles , explique Danielle Tartakowsky au dbut de son ouvrage. Historienne, spcialiste des manifestations de rue, elle sattache montrer que les droites franaises sont descendues battre le pav plus souvent quon ne le croit dordinaire. Avec parfois des mouvements dune ampleur exceptionnelle, comme ce fut le cas des rassemblements catholiques contre le Cartel des gauches en 1924-1925 ou de la manifestation gaulliste du 30 maib1968 Paris. Jusquaux derniers chapitres, portant sur les dls enb1984 pour la dfense de l cole libre et sur la manif pour tous de lan dernier, ce livre tmoigne des liens mouvants que les initiateurs des actions de rue entretiennent avec la droite parlementaire et de la place des catholiques dans cette culture.

    Les Droites et la Rue. Histoire dune ambivalence de nos jours, Danielle Tartakowsky, La Dcouverte

    k'52/(/%63Interdit dans les biberons depuis

    2010 en France, le bisphnol A sera banni de lensemble des contenants alimentaires partir de 2015.

    LES IDES

    61HIVER 2014 N 275

  • permanence Le Collge dtudes mondiales que jai cr en 2011 comporte par ailleurs deux chaires ddies au dveloppement des nouvelles technologies de linforma-tion. Cest pour toutes ces raisons que le sociologue plutt classique que je suis est vritablement entr dans lre du numrique, et que jai pris conscience tout la fois des questions majeures que soulvent ces technologies et des possibilits quelles ouvrent aux chercheurs en sciences humaines et sociales (SHS).

    Que peuvent apporter les Big Data, par exemple, aux SHS"M. W. : Ces normes banques de donnes, dont les plus importantes ne sont pas consultables en Open Access (libre DFFVRUHQWXQHPDVVHGLQIRUPDWLRQVIDQWDVWLTXHGDQVquantit de domaines : politique, sant, histoire, littrature, consommation Grce des outils dont la puissance crot exponentiellement, on peut connatre en quelques clics ORFFXUUHQFHGXPRWm'LHX}GDQVOXYUHGH3URXVW/HVBig Data nous mettent aussi en face dun formidable para-doxe : avec des donnes gigantesques, il devient possible de mieux comprendre et connatre lexprience indivi-duelle de chacun. Les Big Data induisent une autre manire de travailler, mais elles permettent, ou permettront bien-tt, de prvoir des comportements dachat, de calculer la probabilit pour une personne davoir ou de transmettre une maladie gntique, de connatre celle de conduite acci-dentelle pour des automobilistes, de rcidive pour des FULPLQHOV&HODYDPRGLHUWRXWHQRWUHYLHFROOHFWLYHWUDQV-IRUPHUSDUH[HPSOHOHGURLWPHWWUHQDXYRLOHGLJQRUDQFHqui permet de traiter les individus comme abstraitement gaux. Nous allons vers une individualisation qui doit beau-coup ces immenses ensembles de donnes.

    Nest-ce pas inquitant"M. W. : De tels usages ont de quoi alarmer. Les Big Data ne sont pas Big Brother, mais la protection de donnes personnelles convoites pour leur valeur marchande ou

    Vos recherches portent habituellement sur le racisme, le terrorisme, la violence Or votre dernier livre, LImpratif numrique, explore la monte en puissance des nouvelles technologies. Pourquoi cet intrt pour le numrique"Michel Wieviorka : Les responsabilits que jexerce la tte de la Fondation Maison des sciences de lhomme (FMSH) mamnent ctoyer des sociologues, philo-sophes ou linguistes qui sont plongs au cur du num-rique. Je rencontre galement des bibliothcaires dont il bouleverse le travail, des diteurs quil conduit repenser leur modle conomique, des responsables de systmes informatiques qui doivent remodeler leur offre en

    LImpratif numrique, Michel Wieviorka, CNRS ditions, coll. Dbats , 2013

    Sociologie. Une analyse des enjeux que soulve lavnement du numrique dans le domaine des sciences humaines et sociales, en compagnie de Michel Wieviorka.

    Michel Wieviorka,un sociologue lre numriquePAR PHILIPPE TESTARD-VAILLANT

    DR

    LES IDES

    62CNRS LE JOURNAL

  • dans des rseaux ouverts, y compris au grand public. Un collgue historien a rcemment trouv par ce biais un manuscrit trs prcieux. Le chercheur ne doit donc pas se sentir menac ou dlgitim par le fait que tout un chacun a accs Internet. Pour autant, le dialogue dgal gal avec des internautes qui ne sont pas des cher-cheurs professionnels fait courir le risque dun manque GHULJXHXUVFLHQWLTXHRXGXQHGLOXWLRQGHODUH[LRQcomme le soulignent ceux qui sont le plus hostiles une telle dmocratisation. Et il va sans dire que le terrain, PPHGLFLOHPHQWDFFHVVLEOHGRLWUHVWHUOHIRQGHPHQWde la recherche en SHS.

    Que proposent aujourdhui les grandes universits et organismes de recherche de jeunes chercheurs en SHS dsireux de se servir du numrique pour dvelopper leurs projets"M. W. : Aux tats-Unis, des universits ont cr de grands centres de digital humanities (humanits numriques) placs sous lautorit dun chercheur en SHS et fdrant des quipes de recherche pluridisciplinaires. En France, les structures mises en place partir de 2011 dans le cadre la Trs grande infrastructure de recherche (TGIR) Huma-Num vont dans ce sens. Ces consortiums tmoignent dune conception renouvele de la recherche, fonde sur des formes innovantes de collaboration entre laboratoires et destine faciliter le tournant numrique des SHS.II

    stratgique constitue un enjeu en termes de liberts. Dans ce contexte, le chercheur en SHS a toute lgitimit apporter des connaissances susceptibles dclairer le dbat public et dinspirer la dcision politique. Encore faut-il quil ait accs aux donnes et quil dispose des ressources pour les traiter.

    La rupture numrique, par ailleurs, ne risque-t-elle pas de voir la sociologie tomber dans le quantitativisme"M. W. : Les milliards de donnes que gnrent les Big Data SRVHQWHHFWLYHPHQWSUREOPH&HWWHVXUDERQGDQFHrisque de susciter une sorte divresse et une approche exagrment quantitative de questions historiques, socio-logiques, anthropologiques, dorienter la recherche vers un appauvrissement thorique. La technologie numrique IDFLOLWHSURORQJHGPXOWLSOLHODUH[LRQPDLVHOOHQHSHXWSDVODUHPSODFHU3HQVHUOHFRQWUDLUHVHUDLWVDFULHUODFUL-WLTXHHWODULJXHXUVFLHQWLTXHVXUODXWHOGHOLQIRUPDWLTXHSymtriquement, il est galement possible que des cher-cheurs bien forms en SHS soient happs par les entre-prises qui disposent de donnes, quils y produisent des connaissances, un savoir renouvel par de nouveaux para-GLJPHVSDUODGQLWLRQGHQRXYHDX[REMHWVGHQRXYHDX[TXHVWLRQQHPHQWVDXSURWGHFHVHQWUHSULVHVHWGHVSRX-voirs politiques auxquels elles sont ventuellement lies.

    Le monde virtuel en tant que tel peut-il constituer un terrain denqute fertile pour les SHS"M. W. : Bien sr. Je pense notamment aux travaux de Dana Diminescu, qui dirige le programme TIC-Migrations de la FMSH. Cette sociologue est partie du constat que les mi-grants du XXIe sicle sont connects et se constituent en rseaux . Elle a construit, avec une vaste quipe de cher-cheurs dissmins dans le monde, un atlas qui prsente une par une les e-diasporas quelle a tudies partir des sites Web de chaque collectivit, ce qui claire dun jour nouveau le phnomne migratoire.

    Le numrique ore-t-il aux SHS de nouvelles possibilits de convivialit intellectuelle"M. W. : Oui. Beaucoup de chercheurs en SHS mettent dj en discussion leur travail sur Internet en envoyant, par exemple, un projet darticle des collgues inscrits sur telle ou telle liste. Mais, au lieu de travailler entre pairs et experts dune mme niche, rien nempche de sinscrire

    La technologie numrique facilite, prolonge, dmultiplie la rexion, mais elle ne peut pas la remplacer.

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    LES IDES

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  • CARNET DE BORD

    64CNRS LE JOURNAL

  • de mon hiver 2007, pendant la mission arctique de Tara. Sur la photo, je suis avec dautres membres de lquipe, ski sur la banquise par - 30 C. Nous avons dbarqu du bateau pour rcolter des donnes sur lpaisseur de la banquise. Au loin, derrire, notre golette est prise dans les glaces. Nous lavions laisse sy faire prendre dessein, un an plus tt, au large de la Sibrie. Depuis, son bord, nous drivions vers le Groenland, ports par une plaque de glace, sous laction des

    vents et des courants marins. Cette drive transpolaire, lexplorateur norvgien Fridtjof Nansen lavait prouve au pril de sa vie, bord de son voilier Fram, il y a 120 ans. Quant moi, jai pass lhiver sur Tara, avec dix personnes de toutes nationalits, pour une longue nuit polaire de quatre mois. Mme si jamais nos vies nont t en danger contrairement Nansen, parti vers linconnu cela reste la mission la plus impressionnante de WRXWHPDYLHGHVFLHQWLTXHHWGHPDULQ

    Le site de la mission Tara taraexpeditions.org

    PHOTO : V. HILAIRE/TARA EXPDITIONS

    Je me souviensHerv Le Goff, chercheur au Laboratoire docanographie et du climat (Locean) PROPOS RECUEILLIS PAR CHARLINE ZEITOUN

    CARNET DE BORD

    65HIVER 2014 N 275

  • linitiative de lAssemble gnrale des Nations unies, consciente que la compr-hension que lhumanit a de la nature matrielle du monde repose, en particulier, sur la connais-sance de la cristallographie , une anne interna-tionale vient couronner le centenaire de cette discipline qui tudie lorganisation des atomes dans la matire. Cent ans : pourquoi se montrer aussi frileux et ne pas augmenter la mise jusqu bDQV5HWRXUDXIVe sicle avant notre re : Ce quil me faut essayer maintenant, cest de vous faire voir la structure et lorigine de chacun de ces lments. Linvitation, formule dans /Hb7LPH de Platon, introduit un sublime exercice de pense sur la structure des lments.

    Une qute millnaireLa mditation platonicienne a travers les sicles. En crivant les premires lignes trs ins-pires des Atomes,SDUXHQb-HDQ3HUULQOXLfait encore cho : Il y a vingt-cinq sicles peut-tre, sur les bords de la mer divine, o le chant des ades venait peine de steindre, quelques philosophes enseignaient dj que la matire changeante est faite de grains indestructibles $ORUVGH3ODWRQ3HUULQPPHFRPEDW"YLdemment pas. Mais, ce moment-l, un point commun relie encore le philosophe au phy-sicien : ni lun ni lautre nont pu distinguer la structure de ces grains . Dans le cas de Platon, RQOHFRPSUHQGUDDLVPHQW3RXU-HDQ3HUULQ FHQHVWHQUHYDQFKHTXXQHDDLUHGHWHPSV il a crit son ouvrage trop tt. Le physicien Pierre-Gilles de Gennes la constat a posteriori : Il y a dans ce livre quelque chose qui se termine comme la vie de Mose : avant lentre dans OD7HUUHSURPLVH

    Les portes du pays de Canaan commencent HQHHWVRXYULUHQ(Q$OOHPDJQH0D[YRQ/DXHPHWHQYLGHQFHOHIDLWTXHOHVUD\RQVb;VRQW

    GLUDFWVSDUOHVFULVWDX[/DQQHVXLYDQWHHQ$QJOHWHUUHOHV%UDJJXQSUHb:LOOLDP+HQU\HWVRQOVb:LOOLDP/DZUHQFHbHQWUHSUHQQHQWOH[-ploration de certaines structures cristallines telles que le diamant. Leurs travaux dbouchent sur une loi de mesure des distances entre les plans atomiques, laquelle ils ont laiss leur nom. La cristallographie moderne prend ainsi son envol, et ses pres connaissent une conscration imm-diate : le prix Nobel de physique est attribu /DXHGVDX[%UDJJHQHWLOVQHVRQWque les premiers dune longue liste.3RXUTXRLXQWHOHQJRXHPHQW"$YDQWWRXW

    SDUFHTXLOVDJLWGXQHDYDQFHVFLHQWLTXHDXVVLconsidrable que stimulante : en pntrant la structure des matriaux, la cristallographie a ouvert un champ immense de connaissances. Et ce champ na fait que slargir mesure de lam-OLRUDWLRQGHVJQUDWHXUVGHUD\RQVb;SXLVGHODGFRXYHUWHGHQRXYHOOHVPWKRGHVbOHVGLUDF-WLRQVOHFWURQLTXHHWQHXWURQLTXHbSRXUOWXGHde structures toujours plus complexes.

    De la mdecine lhistoire'HSXLVFHQWDQVGHVFKHUFKHXUVGLUDFWHQWGRQF tire-larigot avec des instruments toujours plus RQUHX[(WTXDQGLOVRQWQLils vont Stockholm toucher OHXUUFRPSHQVH$K(OOHHVWEHOOHODFULVWDOORJUDSKLHEh bien oui, justement, elle est belle. Belle parce quelle se proccupe de com-prendre ce qui se passe MXVTXDX[FRQQVGHODPD-tire, et de rpondre des questions qui se posaient dj lorsque rsonnait le chant des ades.

    Mais belle aussi quand elle tente dallger le far-deau qui pse sur nos paules. Car qui dit cristal-lographie dit aussi, et de plus en plus au cours des dernires dcennies, nouveaux matriaux, environnement, traitements mdicaux, lectro-nique et mme connaissance du pass. Car la cristallographie est galement une prcieuse auxiliaire de lhistoire les historiens nont MDPDLVIURLGDX[\HX[HQRUDQWSDUH[HPSOHun autre regard sur les dcouvertes archolo-giques. Ne serait-ce que pour cette raison, elle PULWDLWELHQVRQDQQHLQWHUQDWLRQDOHII

    de Platon nos jours

    de Denis Guthleben,historien au CNRS

    En pntrant la structure des matriaux, la cristallographie a ouvert un champ immense de connaissances.

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    LA CHRONIQUE

    66CNRS LE JOURNAL

  • partir du 4 mars,la dcouverte des sciences se poursuit sur

    lejournal.cnrs.fr

    Donner du sens la science CONCE

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