Introduction à la Science politique
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Introduction à la Science
politique
Cours de Jean-Marie Donegani Professeur des Universités à Sciences Po
Charte de l’enseignement
• L’une des 5 disciplines fondamentales à Sciences Po
(Histoire, économie, droit, sociologie, science politique)
• L’enseignement a pour but de fournir les références
théoriques, les outils d’analyse et les modes de
raisonnement constitutifs de la discipline
• Ce module fondamental doit permettre d’initier à une
démarche scientifique et de développer la capacité à
prendre position dans les controverses
• Il s’appuie sur les données descriptives des sciences
sociales et sur l’apport normatif de la théorie politique
Dispositif pédagogique
• Un cours magistral de 2 heures hebdomadaires
(disponible en ligne) et une conférence de méthode de
2 heures hebdomadaires sur 12 séances (du mardi 22
janvier au mardi 16 avril).
• Validation : notation en contrôle continu + examen
final (dissertation en 4 heures)
• Professeur : [email protected]
• Assistant : [email protected]
Présentation de la discipline
• Ecole libre des Sciences politiques fondée par Emile
Boutmy en 1872 pour former des élites et restaurer
l’influence politique et morale de la France
• Les sciences politiques sont les disciplines permettant
de gouverner rationnellement (géographie, droit, histoire
militaire et diplomatique, sciences administratives)
• Aujourd’hui on parle de LA science politique et non plus
DES sciences politiques. C’est une discipline constituée
qui dispose d’un savoir cumulatif et est régulée par des
institutions (Conseil national des Universités, section du
CNRS, agrégation du supérieur)
Présentation de la discipline
• C’est une discipline qui a pour objet la politique
• Elle a donc nécessairement des implications politiques
– « Désenchanter » la politique
– Mettre au jour les contraintes de l’action politique
• Elle est elle-même politisée
– Différentes écoles, différentes problématiques
– Qui renvoient à des conceptions différentes du politique
Bibliographie de base
• Astrid von Busekist, Penser la politique, Presses de Sciences Po, 2010
• Jean-Marie Donegani et Marc Sadoun, Qu’est-ce que la politique ?, Gallimard, Folio-Essais, 2007
• Jean-Yves Dormagen et Daniel Mouchard, Introduction à la sociologie politique, de Boeck, 2007
• Jacques Lagroye et al., Sociologie politique, Presses de Sciences Po/Dalloz, 2006
• Yves Schemeil, Introduction à la science politique. Objets, méthodes, résultats, Presses de Sciences Po/Dalloz, 2012
Plan de la 1ère leçon
• I. Politique et science politique
• II. La science politique entre sociologie et
philosophie
• III. La diversité des approches
I. Politique et Science politique
• La politique et l’Etat
• La politique et le pouvoir
• La politique et la qualification des relations
sociales
La politique n’est pas réductible à l’Etat
• L’Etat désigne le cadre territorial de l’action publique et
l’agencement institutionnel qui permet la décision
• La politique est une réalité pérenne et universelle. L’Etat
est une invention particulière située dans le temps et
l’espace
• De nombreux phénomènes politiques ne sont pas
réductibles au périmètre de l’action étatique (grèves,
manifestations etc.)
• Définir la politique par l’Etat c’est réduire la science
politique à l’étude des normes juridiques
Le politique n’est pas extensible au pouvoir
• La lutte pour le pouvoir n’est qu’un des aspects
de la politique
• Cette définition est trop large
• La politique implique le pouvoir mais le pouvoir
n’implique pas la politique
La politique est une qualification des relations
sociales
• Les phénomènes politiques sont des faits sociaux et un fait social n’a pas de signification préétablie
• La politisation résulte d’un codage des faits sociaux opéré dans une situation d’interactions conflictuelles et de rapports de force
• Le critère du politique, c’est l’organisation des contraintes et des arbitrages nécessaires à la coexistence des différences génératrices de conflits.
Le critère du politique
• C’est le rapport de force entre les différents groupes qui fournissent chacun leur propre détermination du politique qui fait surgir la détermination objective du politique.
La détermination concrète d’une relation sociale comme relation politique ne peut donc surgir que de la combinaison d’une détermination subjective qui est le fait des différents acteurs politiques et d’une détermination objective fournie par le rapport de forces qu’ils représentent à un moment donné.
J. Leca, « Le repérage du politique », Projet, 71, 1, janv 1973, p. 11-24
Conclusion de la 1ère partie
• La politique est le contrôle des luttes dans un ordre conflictuel
• Le pouvoir politique est le médiateur central de la société
• Il est l’instance spécialisée dans l’arbitrage ( pas forcément impartial) des conflits
II. La science politique entre
sociologie (description) et
philosophie (évaluation)
• La construction sociologique de l’objet politique
• L’intégration de la dimension normative du
politique
• Le contexte culturel de la démarche scientifique
La construction sociologique de l’objet
politique
• Rupture avec le sens commun
• Construction de l’objet
• Explication et compréhension
• Les présupposés de la démarche sociologique
Rupture avec le sens commun
• L’observation scientifique est conquise contre le « sens commun ». Passage du fait social à l’objet sociologique
• Plus difficile dans les sciences sociales que dans les sciences de la nature car le chercheur est lui-même immergé dans la société
• La condition première du caractère scientifique d’un énoncé sociologique est de rompre avec la familiarité du social, la « sociologie spontanée » Il faut donc…
Traiter les faits sociaux comme des choses :
« Est chose tout ce que l’esprit ne peut arriver à comprendre qu’à la condition de sortir de lui-même par voie d’observation ou d’expérimentation » (Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, 1895)
Mais la sociologie peut-elle confirmer le sens commun ?
Exemple de l’enquête de Samuel A. Stouffer sur les soldats américains en 1945
Construction de l’objet
• L’objet social n’est pas l’objet sociologique
• L’objet sociologique est construit par les interrogations
du chercheur (exemple : Asiles de Erving Goffman,
1974)
• C’est ainsi que l’on échappe à l’emprise du sens
commun
• Mais il faut distinguer l’approche qui vise à expliquer les
faits sociaux par d’autres faits sociaux (exemple du
Suicide de Durkheim) et celle qui cherche à les
comprendre (exemple de L’éthique protestante et
l’esprit du capitalisme de Weber)
Explication et compréhension
• L’explication repose essentiellement sur la méthode
des corrélations statistiques. Emile Durkheim.
• C’est un modèle nomologique qui cherche à établir des
lois de causalité comme dans les sciences de la nature
• La compréhension repose sur l’analyse des
significations que les acteurs sociaux adjugent à leurs
actions. Max Weber.
• C’est un modèle herméneutique qui recherche le sens
des faits produits pas les acteurs sociaux et qui fait une
plus grande place aux valeurs qu’ils mobilisent
Les présupposés de la démarche sociologique
• L’homme est un être social
• Les groupes sociaux se différencient et transmettent les
caractéristiques de leur spécificité d’une génération à
l’autre
• L’homme n’est pas toujours et partout le même
• Les rapports entre les groupes engendrent le plus
souvent des relations de concurrence, de contrôle et de
domination.
La prise en compte de la dimension normative
du social et du politique
• La sociologie des Pères fondateurs avait une visée normative
• Jugement de valeur et rapport aux valeurs
• La théorie politique prend en compte les répertoires normatifs qui ordonnent le légitime et l’illégitime
La visée normative de la sociologie
• La sociologie des Pères fondateurs avait une visée normative
(Robert Nisbet, La tradition sociologique (1966), trad. fr., 1984)
• Elle répondait à l’interrogation : « Comment une société d’individus
est-elle possible ? »
• Elle a été bâtie sur l’opposition entre communauté et société
(Ferdinand Tönnies, Communauté et société. Catégories
fondamentales de la sociologie pure (1887), trad. fr., Paris, Retz,
1977)
Jugement de valeur et rapport aux valeurs
• Impératif de neutralité axiologique
• Mais le chercheur a un rapport aux valeurs comme tous
les acteurs sociaux
• Dans le choix des objets comme dans leur traitement ce
rapport aux valeurs est inévitable
• Et il y a même des jugements de valeur qui sont
scientifiquement légitimes (Leo Strauss)
La théorie politique permet de saisir les cadres
normatifs de l’action
• La science politique ne se réduit pas à l’approche
sociologique
• Elle prend en compte la dimension normative du
politique et la définition du légitime et de l’illégitime (Luc
Boltanski, Laurent Thévenot, L’Amour et la Justice comme
compétence, Paris, Métaillié, 1990)
• Et met au jour les cadres de pensée dans lesquels
s’inscrivent les processus politiques
– Exemple des théories de la participation et de la mobilisation
– Exemple des liens entre chômage et comportements politiques
– Exemple des théories de la représentation
Le contexte culturel de la science politique
• Ordre ancien et ordre moderne
La science politique ancienne est orientée vers la recherche du bien et la
détermination du meilleur régime. L’observateur doit s’intégrer à la réalité qu’il
observe et juge.
La science politique moderne est orientée vers la description axiologiquement neutre
des phénomènes. L’observateur doit faire sécession à l’égard du réel. Mais
inévitabilité d’une réflexion sur le normatif.
• Le politique et la politique Le politique comme dimension inhérente aux relations sociales
La politique comme activité spécialisée
Conclusion :La diversité des
approches
• Le paradigme de la croyance
• Le paradigme de la domination
• Le paradigme de l’intérêt
Le paradigme de la croyance
• Le paradigme le plus ancien : le pouvoir repose sur sa
sacralité
• Mais qui n’a pas disparu avec la modernité
– Les types wébériens de légitimité
– L’analyse durkheimienne du lien social comme rapport sacré
– L’étude des idéologies comme religions séculières
– L’explication des comportements politiques par les croyances et
les valeurs
Le paradigme de la domination
• La politique n’est que rapport de forces, contrainte et
domination
• Cette domination s’exerce en modernité par l’appareil
d’Etat
• Mais aussi par l’intériorisation des habitus qui tendent à
rendre « normales » les différences de statut et de
pouvoir
• La politique est donc toujours violence, même si c’est
une violence symbolique, « euphémisée » et intériorisée
par les assujettis
Le paradigme de l’intérêt
• L’intuition de la modernité politique : la société résulte
d’un pacte utilitaire et elle est destinée à satisfaire les
intérêts des sociétaires
• Le présupposé de l’approche par « l’individualisme
méthodologique » : la société est la résultante des
actions individuelles qui sont mues par l’intérêt des
acteurs
• C’est un paradigme répandu mais qui est difficilement
falsifiable (même les actes altruistes sont supposés
répondre à la satisfaction d’un intérêt individuel)
Plan du cours
• Première partie: Systèmes et régimes
• 2. Société et politique
• 3 Légitimations et figurations du pouvoir
• 4 Etat et domination
• 5 Démocratie et séparation
• 6 Totalitarisme et incorporation