Interview croisée Stephan Eicher & Avril (nov. 2012)

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    TWO

    PEOPLEIN A

    ROOM

    STEPHAN EICHER & AVRILARTICLE JEAN-FRANOIS LE PUIL

    INTERVIEW JEAN-FRANOIS LE PUIL & FRANCK VERGEADE

    PHOTOGRAPHIES JULIEN BOURGEOIS

    Si les annes 2000 furent celles du coulage pic pour l'industrie du disque,l'un assista la plonge de loin en se cantonnant un rle de compositeurde l'ombre dans son studio parisien Members Only, quand l'autre esquivales coups de balai pour renatre sur son label historique, Barclay.Le premier, Avril, se rappelle notre bon souvenir en collaborantau nouvel album du second, Stephan Eicher, qui en profite pour confirmerson tincelante forme post-Taxi Europa(2003). Rencontre croise entredeux saltimbanques qui ont plus en commun qu'on ne le croit.

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    981. Fred Avril Magnon va sur ses sept ans. Ila lge de se faire embobiner limaginaire latl franaise par le robuste petiot Vic Le Vikingou les dbilos de Papivole. En Suisse et en Alle-magne, cest une autre forme de navet, dugenre proto-wave, qui permet au jeune Ste-phan Eicher et son petit frre Martin de ven-dre un demi-million dexemplaires du premiermaxi de leur groupe Grauzone, le toxique Eis-br. 16 octobre 2012. Cest la face B de ce single,Ich Lieb Sie, que fredonne Avril lorsquon luidemande si Grauzone la influenc au momentde dmarrer le projet lectronique avec lequelil a sorti sur le label F Communications deuxalbums dhyper-pop multicolore That HorseMust Be Starving(2002) et Members Only(2004)

    avant de disparatre des radars mdiatiques.Tu connais Ich Lieb Sie ? Cest rare a Unechanson presque doo wop, je ne savais pas que tulavais entendue, rtorque Eicher. Linterviewvient de commencer et la complicit entre lesdeux hommes est manifeste. Mieux, unimmense respect parat circuler dose galeentre le grand chien fou au regard pressant etle noble artiste conome de ses gestes. Leur ren-contre lors de la crmonie de remise du PrixConstantin 2002 en dit long ce sujet Pro-puls prsident du jury de cette premire di-tion, Stephan Eicher ne dcle parmi les pr-tendants quun seul disque novateur etimmunis contre le gain dune future Victoirede la Musique : That Horse Must Be Starving.Manuvrant avec aplomb en pouvant comp-

    ter sur le soutien imaginaire de feu PhilippeConstantin, linsigne patron de label franaisqui le signa sur Barclay au milieu des annes80, Stephan Eicher obtient gain de cause etAvril dcroche la timbale. Sauf qu lheure deremettre le prix, lambiance est hsitante. Le

    jeune le ctronicien ne se sent pas laise enpleine lumire et le musicien expriment sedemande si le laurat naura pas peur dcorner

    sa rputation naissante en posant sur la photoavec lui, Eicher, cet esthte altier que la condi-tion de chanteur populaire condamne spanouir en porte--faux. Une dcennie plustard, les voil runis au gnrique dun mmealbum, LEnvole, onzime effort du Suisse lamouche pointue. Un disque fort dune colos-sale dlicatesse, sans cesse grandi par uneintensit rougeoyante car bride, et dont lesauteurs vaquent leurs motions avec lapudeur et la compassion de ceux pour qui lesilence et la brume sont de bon aloi(in La Relve,monument auprs duquel on na pas fini de serecueillir). En plus dAvril, Stephan Eicher aenrl pour enrober sa voix de grenier une tri-pote de musiciens patents (cf. chronique p.

    70), comme autant dassistants dvolus unrle bien dtermin. Celui dtoffer unemusique prcise et prcieuse comme lanuance, qui sonde dans son expression les mys-tres et la profondeur de notre intimit cesparoles de Philippe Djian sont quand mmeterribles, chaque vers est un legs fait notreesprit , tout en prnant dans son excutionlouverture et le plus chaleureux des partages.Mais trve de branlage, lheure est venue derenouer le fil dune conversationparfois dcou-sue, quoique toujours fervente.

    Fred, quand as-tu entendu pour la premirefois une chanson de Stephan Eicher ?Fred Avril : Je devais avoir dix-sept ans. Ctaitgrce une trs jolie fille, qui mavait offert

    lalbum Engelberg(1991) en cassette. Je lai cou-te dans mon walkman, le soir, et jai t trs tou-ch. Javais dj entendu la radio un ou deuxsingles, mais cette entremise fminine a changma perception.Stephan Eicher : a ne mtonne pas, les fillesadoraient a. (Sourire.)FA : Je ressentais cette sensibilit, un accs hyperfminin. Ce que jentendais tait plus pop que ce

    que jcoutais lpoque, mais a ma plu et jaivite fait le lien avec Grauzone, que jai dcouvertdans les clubs dix-huit ans. Ctait incroyable dese dire que ctait le mme mec qui avait fait lesdeux. Plus tard, jai repris Eisbrpour une com-pilation suisse (ndlr. Ich Mchte Ein Eicher Sein,2005). Je voulais emmener loriginal ailleurs,avec Eve au chant, qui lui donne justement unedimension fminine indite.

    Mme question pour toi, Stephan.SE : Ctait grce mes amis du groupe NovaNova, dont japprciais la chouette arrogance(Sourire.) Ils taient signs sur F Com et montemmen un soir au Rex Club, o Laurent Garnierfaisait des soires. L-bas, on ma fil des disques,

    parmi lesquels le premier EP dAvril, Now ItsSpring(2000), avec ce ct trs symphonique. Jyai dcouvert une autre forme darrogance je doisprciser que, pour moi, larrogance dans lart estune bonne chose. La musique, cest quoi ? Danslordre : mlodie, harmonie, rythme et couleur.Sur ce maxi dAvril, jai entendu un retournement: dabord la couleur, puis le rythme, lharmonie etenfin la mlodie qui se retrouve crase par lamajest des autres lments. Ctait quelquechose dextra-terrestre. lpoque, je pensais quectait le futur de la musique car le futur meparaissait tre lectronique. Pour ma part, javaisrepris des guitares acoustiques parce que mme sije men tais un peu occup auparavant, le futurntait plus de mon ressort. (Sourire.)

    Aprs une premire rencontre en 2002, vousavez mis prs de dix vous retrouver.SE : Cest Sylvain Taillet (ndlr. directeur artis-tique chez Barclay) qui a recr le lien. Ctait uneide de maison de disques, en fait. Je vais trehonnte avec toi, Fred : mon ide de dpart taitde travailler avec Four Tet.FA : Et jimagine que cest lui qui ta redirig versmoi ? (Rires.) Four Tet mavait contact pour que

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    je lui donne lautorisation dinclure lun de mesmorceaux sur une compilation.SE : Quand jai vu Fred dbarquer au rendez-vous, je me suis vite rendu compte que a allaitfonctionner. Cest sa faon de shabiller qui maplu. Il est arriv en costume, or, javais prvuddicter des rgles pour la ralisation deLEnvole, et lune delles tait de chanter et joueren costume. Je me suis dit quil comprendraitau moins ce principe-l.FA : Il y a eu dautres rgles plus intressantes,comme celle du 2 & 4" : Stephan a interdit lescaisses claires sur les deuxime et quatrimetemps de la mesure.SE : Ce grand coup sur la caisse claire tant labase de la musique pop rock.

    FA : Pourquoi cette rgle, dailleurs, quest-ce quites pass par la tte ?SE : On en revient Four Tet. Un soir, je viensassister lun de ces DJ-set, mais jarrive 23h etlui ne joue qu 3h du matin. Jattends dans leclub en coutant pendant deux heures unemusique qui me plat beaucoup, et quand je sors,je me rends compte que durant tout ce mix, il nya jamais eu une seule caisse claire sur lesdeuxime et quatrime temps, seulement lepied ou des cymbales. Je me suis alors dit :Putain, quest-ce que je me sens bien. Pourquoi se sou-mettre au fascisme du poum tchak, poum tchak ? Cette

    faon de clouer la musique, cest presque du milita-risme.Pourtant, Grauzone, ce ntait que a, maisje me suis demand ce que donnerait mamusique aujourdhui sans cette convention.

    Rsultat, elle sest allge et oriente vers le futur une lumire a perc. Fred en a tout de mmesouffert, de cette rgle.FA : Ctait super chiant, en fait. (Rires.) Mais cesont souvent les contraintes qui te rendent cratif.SE : Oui, ctait ncessaire. Je me rveille seule-ment quand quelque chose devient impossible.Aujourdhui, quest-ce qui peut te rendre encorecratif ? Chez Fred, tu peux ouvrir des pro-

    grammes qui te permettent daccder musicale-

    ment tout ! Sauf que depuis que je suis petit, letout me donne mal au ventre. Si javais la pos-sibilit de bouffer tous les bonbons, je le faisais,mais javais mal au ventre aprs. (Sourire.) Je suisrendu un moment de ma carrire o jai unedizaine de disques derrire moi, et je veux conti-nuer tre excit, je veux Pour tre honnte, lasimplicit dans lart me fait chier.FA : Less is a bore (ndlr. maxime popularisepar larchitecte postmoderne Robert Venturi).SE : Une autre rgle concernait les cordes. Quest-ce quon a pu sengueuler l-dessus avec Fred. Ilest trs fort pour tout ce qui est couleurs decordes, mais je nen voulais pas sur le disque. Jaidonc fini par inventer une autre rgle, Kill yourdarlings, qui annule toutes les autres. (Sourire.)Elle a notamment servi pour le titre Disparatre,

    o les cordes font vraiment sens.FA : Au prix de longues ngociations, jai russi en placer deux ou trois reprises.SE : Ce sont dailleurs les seules faiblesses dudisque. (Rires.) Je dis cela de manire positiveparce que je pense que les faiblesses sont aussiintressantes que le reste. Un mix qui me satisfaitcompltement nest pas le bon mix final, je pr-fre quand quelque chose me dplat encore.

    Sur le premier single, Le Sourire, tu as une tri-

    ple casquette, Fred : auteur, compositeur etproducteur. Comment en es-tu arriv l ?FA : Pour les paroles, je suis parti de deux ou troisphrases que javais en stock. Je dois avoir environcinq cents textes qui tranent dans mon ordinateur.

    Est-ce dire que tu te projettes encore dans unrle de performer malgr toutes ces annespasses dans lombre ?FA : Je ressens un besoin irrationnel de crer enpermanence, cest comme un TOC. Jai la chancede pouvoir composer des mlodies sans instru-ment et jcris beaucoup, beaucoup de choses. Jenai jamais t aussi cratif quaujourdhui et jecompte bien ltre de plus en plus. Mais le pro-blme, cest de savoir simposer une de adline. Jefais pas mal de musique de films, et par miracle,

    tout est prt temps dans ces cas-l. Mais pour cequi est de finir un morceau pour moi-mme, jenarrive pas trouver le temps ni la pressionncessaire. Jen ai un peu honte, mais bon, cestlhistoire de ma vie, ce sont des rencontres, desprojets diffrents Je suis quelquun dassezaltruiste, jadore mintresser lunivers desautres et la faon dont je pourrais les servir aumieux. Je suis une sorte de serviteur.

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    SE : Je ne suis pas daccord. Je tai vu utiliser mesmusiciens, ceux que javais engags, comme tespropres toiles. Tu as une ide assez prcise de ceque tu veux obtenir.FA : Oui, de ce point de vue, ce sont les musiciensqui deviennent mes serviteurs.SE : Cest effrayant quel point Fred a une visioncirconstancie de ce quil veut, trs tt dans leprocessus. Je le perois comme un architecte quivoit dj la maison finie avant mme que les tra-vaux ne commencent. Il envisage avec acuit unemlodie dans son imaginaire, mais aprs, alemmerdedaller chercher le bton et les maons

    pour la construire.FA : Cest un peu a, je moccupe de la maison desautres en dlaissant la mienne.

    Ton troisime album est donc l, dans ta tte,mais a tembte de ty mettre.FA : Disons que jai beaucoup trop de possibilits,de pistesSE : Jai eu la chance de pouvoir couter quelques-unes de ses nouvelles pices, et jespre quelles sor-tiront un jour, je le pousse dans ce sens. (Sourire.)

    Comment tes-tu occup ces dernires annes,Fred ?FA : Mine de rien, composer des musiques defilms prend beaucoup de temps. Jai fait cellepour le ralisateur Johnny To avec Xavier Jamaux

    (ndlr. Sparrow, 2008) et celle de Sound Of Noise(2010), un film sudois. Jai aussi fait un truc pourles crations originales de Canal+ (ndlr. Les VoiesImpntrables, 2012), et l, je suis sur un projetproduit par Thomas Langmann, Les Reines DuRing, et un film amricain, The Lifeguard, avecKristen Bell. Au milieu de tout cela, le travailavec Stephan ma beaucoup apport, jy ai red-couvert une certaine forme de simplicit, quipeut aussi tre source de richesses, malgr ce quelon disait tout lheure.

    En dehors du single, vous avez collabor d if-frents niveaux sur dautres titres.SE : Parfois, il prenait du recul et revenait versnous avec des ides qui nous chamboulaient.Une composition comme Tous Les Barstait dj

    bien bauche, mais elle a pris son envol grceau travail harmonique de Fred, qui nous a lencore obligs briser les rgles. Ctait assez tou-chant dailleurs. Dautres fois, cela se jouait uni-quement sur le discours. Pour Du, il ma pris partie en me demandant doser. Globalement, jechante mieux et je joue mieux en prsence deFred, et cest prcisment la dfinition dun bonproducteur. Le processus peut tre douloureuxet fatigant, mais la fin, le rsultat est satisfai-

    STEPHAN EICHER : JE SUIS RENDU UN MOMENT DE MACARRIRE O JAI UNE DIZAINE DE DISQUES DERRIREMOI, ET JE VEUX CONTINUER TRE EXCIT, JE VEUXPOUR TRE HONNTE, LA SIMPLICIT DANS LART ME

    FAIT CHIER.

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    sant comme chez le dentiste en fait. (Sourire.) certains moments, il fallait aussi reprendre lesrnes, lui faire par exemple comprendre quenous ntions pas au cinma et que le son de sescinquante cordes, six saxophones et douze guita-ristes allait tre difficile reproduire sur scne.On a mme sampl les cors des Alpes ! (Rires.) Demon point de vue, cest un peu comme enmusique classique : quand je conois un titre,jajoute un lment mon rpertoire, que je vaisemmener chez les gens aprs. Je fais de lamusique pour monter sur scne, cest l que leschansons prennent vie.

    Alors que Fred na pas cette perspective.FA : Non, moi je suis plutt de la gnration post-Sgt. Peppers. Cest une autre philosophie. Maisjaime aussi faire de la scne.

    JUKE-BOX

    Tout lheure, tu voquais ton envie de travail-ler avec Four Tet. Est-ce que tu souhaitais revenirvers quelque chose de plus lectronique ?SE : Non, pas forcment. Ce qui ma fascin chezFour Tet, cest un album folk quil a produit, celuide James Yorkston (ndlr. Just Beyond The River,2004). Dans la lecture, cest du folk, mais dans laprofondeur, cest un disque qui a grandi avecKraftwerk et compagnie. On retrouve cette mmesurface chez Avril. Pour Le Sourire, je lui ai confique lambiance tait quand mme trs folk.

    Ctait le monde lenvers, Fred tait arriv avecun plan la Eicher, plus Eicher que a, tu meurs.(Sourire.) Il a alors fabriqu cette intro, genrebande originale de film de science-fiction desannes 60. L, je me suis dit que ce garon avait uncerveau intressant. Mais, encore une fois, je nepense plus uvrer sur la musique du futur.Dailleurs, il faut arrter avec les guitares acous-tiques, toutes ces jeunes filles-l, arrtez (Rires.)FA : Mais enfin, Stephan, cest fini tous ces partispris de styles ! Aujourdhui, ce sont les personna-lits qui ont pris le pouvoir. Ces personnalits sedveloppent travers des sons, des attitudesmusicalesSE : Quand mme, jouer de la guitare acoustiquecomme je le faisais il y a vingt ans, je ne sais pas sicest le futur. Je ne pense pas. Ou alors, je veux un

    autre futur. Mais cest vrai, cest avant tout unequestion dattitude, on en a parl souvent dailleurs.FA : Sans oublier que le march actuel estdomin par la thune et queSE : Oh, mince, tu nes pas au courant ?! Jai unegrande nouvelle pour toi : il ny a plus de sous dansla musique ! (Rires.) Mais tu sais quoi, cest unechance, car aujourdhui, les gens font de lamusique pour faire de la musique, et pas pourgagner de largent. Je le vois autour de moi, il y a de

    la jeunesse la maison, et elle ne se met pas jouerpour devenir clbre, mais pour faire du bruit. Eta, cest le dbut de toutes les bonnes musiques

    Fred, quelles sont les personnalits quitintressent aujourdhui ?FA : Jaime bien Mina Tindle, je la trouve intres-sante. Sur scne, il se passe un truc. Sinon, pleinde choses, mais l, cest dur de citerSE : Tu mas envoy des trucs de jazz spectacu-laires. Encore ce matin, jai cout Ken Nordine,un pote qui a fait un album o chaque chansoncorrespond une couleur (ndlr. Colors: A SensuousListening Experience, 1966). Quand Fred me la jou

    dans son studio, a ma enrichi un point

    Pour illustrer ton album, tu as fait appel despeintres canadiens, Michael Dumontier etNeil Farber, qui ont appartenu au collectif TheRoyal Art Lodge. Tu nous en parlais dj dansle hors-srie que nous tavions consacr en2007, la sortie dEldorado.SE : Je suis persuad que lavenir passe par la col-lectivit et plus par lindividu. Ce sont les collec-tivits qui vont survivre. Et si la peinture est sre-ment lart le plus solitaire qui soit, jadorais lideque ces Canadiens puissent lexercer en groupe.Les illustrations ont t penses au format 45tours. En plus de les inclure dans le CD et levinyle, je voulais que chaque chanson tlchar-ge sur iTunes ait sa propre pochette, comme

    pour former un juke-box virtuel. Jai voulu quily ait plein dhommages de ce type sur ce nouveaudisque, parce que jai limpression que le supportphysique est comme un vieil arbre qui va dispa-ratre. Cest peut-tre mon dernier CD, alors jaipris soin de faire les bonnes pauses, de trouver labonne continuit dans le tracklisting. Je voulaisaussi que LEnvoledure trente-trois minutes, enrfrence aux 33 tours le LP en fait trente-qua-tre au final. Mme si je ne suis pas un intgristedu vinyle, en couter pendant deux heures relvedu rel plaisir, alors qucouter des Mp3 pendantune heure me fait saigner les oreilles. Pour le mas-tering, le gars ma dabord conseill de le faire enpensant au format Mp3, mais moi jai dit : Nonnon, tu me le masterises pour le CD parce que monpublic est aussi vieux que moi, achte encore des disques,

    et cest aussi lui qui continue de te faire vivre.(Rires.)

    Ces dernires annes, notamment avec lardition de ton premier mini-LP Spielt NoiseBoys(1980) sur le label Born Bad Records, pasmal de gens ont dcouvert un autre StephanEicher. a ta amus ?SE : La rdition de Born Bad a t trs bien ra-lise, ctait un chouette travail. En revanche,celle de Grauzone (ndlr. Grauzone 1980-1982

    Remastered, 2010, sur le label suisse mital-U) a ttrs mal faite, le mastering est affreux, sans par-

    ler du choix des titres. Pour en revenir ta ques-tion, cest surtout en France quil y a un d calage.En Allemagne, je suis plus connu pour Grauzoneque pour Djeuner En Paix(1991). a ma toujourstonn que la France nait pas eu plus vent decette premire priode, et laccueil de ces rdi-tions ma fait trs plaisir. En trente ans, onchange Le disque de Grauzone re ste coutable.Avec mon frre, Martin, on a commenc sur lequatre-pistes Teac de notre pre et on a encoreplein de bandes qui tranent chez nous mais quivont sabmer, alors quand on ma parl dunerdition, jai rv de les retravailler avec monfrre, mais cest compliqu. Dj, il ne croit pas la stro, il veut tout travailler en mono. (Sou-rire.) Cela dit, nous travaillons sur le secondalbum de Grauzone. On a mme recontact lun

    des membres de lpoque, qui est ok pour repartir.Imagine, quarante ans aprs, ce serait un record.Plus fort que toi, Fred ! (Sourire.) Je retrouvedailleurs en Fred un peu de mon petit frre. Mar-tin fait de la musique tous les jours, mais jai bienpeur quil ne la sorte jamais Quand tu rentreschez lui, il faut laisser le tlphone lentre parcequil veut tre sr que personne nenregistre. Levrai talent dans la famille Eicher, cest lui. Je neveux pas utiliser le mot gnie, mais ce quil faitpeut sincrement te couper les jambes Moi,jarrive un peu tricher. (Sourire.) Et a fait trenteans que personne na rien remarqu.---------------------------------------------

    AVRIL: AUJOURDHUI, CESONT LES PERSONNALITSQUI ONT PRIS LE POUVOIR.CES PERSONNALITS SEDVELOPPENT TRAVERSDES SONS, DES ATTITUDESMUSICALES

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