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Le INSTITUT DES DROITS DE L'HOMME DU BARREAU de BORDEAUX HUMAN RIGHTS INSTITUTE OF THE BAR OF BORDEAUX JOURNAL électronique électronique DES DROITS MARS 2003 DE L'HOMME 03/03 SOMMAIRE-SUMMARY L’arrêt du mois L’arrêt du mois OCALAN c. TURQUIE 12/03/2003 I- PEINE DE MORT ; PREVUE PAR LA LOI {ART 2} ; TRIBUNAL COMPETENT {ART 2} ; DROITS ET LIBERTES N'ADMETTANT AUCUNE DEROGATION {ART 2} ; II - TRAITEMENT INHUMAIN ; PEINE INHUMAINE ; III- CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; VOIES LEGALES ; AUSSITOT TRADUITE DEVANT UN JUGE OU AUTRE MAGISTRAT ; IV- TRIBUNAL IMPARTIAL ; TRIBUNAL INDEPENDANT ; DROITS DE LA DEFENSE ; PROCEDURE PENALE ; PROCES EQUITABLE ; SE DEFENDRE AVEC L'ASSISTANCE D'UN AVOCAT ; EGALITE DES ARMES Violation de l'art. 3 en ce qui concerne le prononcé de la peine de mort ; Violation de l'art. 5-4 ; Violation de l'art. 5-3 ; Violation de l'art. 6-1 ; Violation des art. 6-1+6-3 et 6-3-c ; ;……………………..2 La Chronique du procès équitable ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; BIENS ; RESPECT DES BIENS ; JASIUNIENE c. LITUANIE 6 mars 2003 Violation de l'art. 6-1 ;Violation de l’article 1 du Protocole n° 1………………………………………….26 TRIBUNAL ETABLI PAR LA LOI ; PROCEDURE PENALE ; VICTIME POSOKHOV c. RUSSIE 04/03/2003 Violation de l’article 6 § 1……………….29 PROCES EQUITABLE ; PROCEDURE CIVILE ; EGALITE DES ARMES A.B. C. SLOVAQUIE 04/03/2003 Violation de l’article 6 § 1……………………………31 L’admissibilité des preuves ou leur appréciation, matière relève du droit interne et des juridictions nationales. La Cour ne disposant que de pouvoirs limités pour connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par les juridictions nationales, estime qu’il n’y a pas eu de violation distincte de l’article 6 § 1 quant à l’allégation relative au caractère arbitraire du rejet de la demande de la requérante RECOURS EFFECTIF ; GRIEF DEFENDABLE Le fait qu’un grief ait pu être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes n'implique pas que les allégations de manquement aux exigences de l'article 1 du Protocole n o 1 n'étaient pas défendables et dès lors qu'elles l'étaient requérante était donc en droit de disposer d'un recours pour les faire valoir. DACTYLIDI c. GRECE 27/03/2003

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Le INSTITUT DES DROITS DE L'HOMME DU BARREAU de BORDEAUX HUMAN RIGHTS INSTITUTE OF THE BAR OF BORDEAUX

JOURNAL électroniqueélectronique

DES DROITS MARS 2003

DE L'HOMME 03/03 SOMMAIRE-SUMMARY

L’arrêt du moisL’arrêt du mois OCALAN c. TURQUIE 12/03/2003 I- PEINE DE MORT ; PREVUE PAR LA LOI {ART 2} ; TRIBUNAL COMPETENT {ART 2} ; DROITS ET LIBERTES N'ADMETTANT AUCUNE DEROGATION {ART 2} ; II - TRAITEMENT INHUMAIN ; PEINE INHUMAINE ; III- CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; VOIES LEGALES ; AUSSITOT TRADUITE DEVANT UN JUGE OU AUTRE MAGISTRAT ; IV- TRIBUNAL IMPARTIAL ; TRIBUNAL INDEPENDANT ; DROITS DE LA DEFENSE ; PROCEDURE PENALE ; PROCES EQUITABLE ; SE DEFENDRE AVEC L'ASSISTANCE D'UN AVOCAT ; EGALITE DES ARMES Violation de l'art. 3 en ce qui concerne le prononcé de la peine de mort ; Violation de l'art. 5-4 ; Violation de l'art. 5-3 ; Violation de l'art. 6-1 ; Violation des art. 6-1+6-3 et 6-3-c ; ;……………………..2

La Chronique du procès équitable

ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; BIENS ; RESPECT DES BIENS ;

JASIUNIENE c. LITUANIE 6 mars 2003 Violation de l'art. 6-1 ;Violation de l’article 1 du Protocole n° 1………………………………………….26 TRIBUNAL ETABLI PAR LA LOI ; PROCEDURE PENALE ; VICTIME POSOKHOV c. RUSSIE 04/03/2003 Violation de l’article 6 § 1……………….29 PROCES EQUITABLE ; PROCEDURE CIVILE ; EGALITE DES ARMES A.B. C. SLOVAQUIE 04/03/2003 Violation de l’article 6 § 1……………………………31 L’admissibilité des preuves ou leur appréciation, matière relève du droit interne et des juridictions nationales. La Cour ne disposant que de pouvoirs limités pour connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par les juridictions nationales, estime qu’il n’y a pas eu de violation distincte de l’article 6 § 1 quant à l’allégation relative au caractère arbitraire du rejet de la demande de la requérante RECOURS EFFECTIF ; GRIEF DEFENDABLE Le fait qu’un grief ait pu être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes n'implique pas que les allégations de manquement aux exigences de l'article 1 du Protocole no 1 n'étaient pas défendables et dès lors qu'elles l'étaient requérante était donc en droit de disposer d'un recours pour les faire valoir. DACTYLIDI c. GRECE 27/03/2003

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Violation de l'art. 6-1 et de l'art. 13………33 LIBERTE D'EXPRESSION ; INGERENCE {ART 10} ; DEFENSE DE L'ORDRE {ART 10} ; SECURITE NATIONALE {ART 10} ; INTEGRITE TERRITORIALE ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 10} ; PRESOMPTION D'INNOCENCE ; PREVISIBILITE {ART 10} C.S.Y. C. TURQUIE Violation de l’article 10 ; YASAR KEMAL GÖKÇELI C. TURQUIE Violation de l’article 10 Non-violation des articles 6 § 2 et 7 04/03/2003……………..36 LIBERTE D'EXPRESSION ; INGERENCE {ART 10} ; PREVUE PAR LA LOI {ART 10} ; PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI (ART 10) ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 10} ; PROPORTIONNALITE ; PROTECTION DES DROITS D'AUTRUI (ART 10) LESNIK C. SLOVAQUIE 11.3.2003 Non-violation de l’article 10…...40

BIENS RESPECT DES BIENS NOTION DE BIENS La Cour rappelle que l’article 1 du Protocole no 1 ne garantit pas le droit d’acquérir des biens.: “the hope that a long-extinguished property right may be revived cannot be regarded as a “possession” within the meaning of Article 1 of Protocol No. 1; nor can a conditional claim which has lapsed as a result of the failure to fulfil the condition” JANTNER c. SLOVAQUIE 04/03/2003 Non-violation art. 1 du Protocole no 1- Non-violation de art. 14…….……….42 RESPECT DES BIENS ; PROPORTIONNALITE ; ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE ADMINISTRATIVE La Grèce et le droit de propriété SATKA ET AUTRES C. GRECE 27/03/2003 Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1…………………………………….44 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; BIENS La Roumanie et le droit de propriété retrouvé (suite) POPOVICI ET AUTRES c. ROUMANIEViolation de l’article 6 § 1 Non-violation de l’article 1 du Prot. n° 1 STOICESCU c. ROUMANIE - CHIRIACESCU c. ROUMANIE Violations de l’article 6 § 1 Violation de l’article 1 du Protocole n° 1 04/03/2003………………47 TOUS LES ARRETS MARS 2003 (23)…………………………………50

AVOCATS EN PERIL IRAN - Qasem Sholeh Sadi, avocat et professeur de sciences politiques, arrêté à l'aéroport international de Téhéran le 24 février 2003………………………………..56

L’arrêt du moisL’arrêt du mois

OCALAN c. TURQUIE 12/03/2003

I- PEINE DE MORT ; PREVUE PAR LA LOI {ART 2} ; TRIBUNAL COMPETENT {ART 2} ; DROITS ET LIBERTES N'ADMETTANT AUCUNE DEROGATION {ART 2} ; II - TRAITEMENT INHUMAIN ; PEINE INHUMAINE ; III- CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; VOIES LEGALES ; AUSSITOT TRADUITE DEVANT UN JUGE OU AUTRE MAGISTRAT ; IV- TRIBUNAL IMPARTIAL ; TRIBUNAL INDEPENDANT ; DROITS DE LA DEFENSE ; PROCEDURE PENALE ; PROCES EQUITABLE ; SE DEFENDRE AVEC L'ASSISTANCE D'UN AVOCAT ; EGALITE DES ARMES ; Violation de l'art. 3 en ce qui concerne le prononcé de la peine de mort ; Violation de l'art. 5-4 ; Violation de l'art. 5-3 ; Violation de l'art. 6-1 ; Violation des art. 6-1+6-3 et 6-3-c ; Non-violation de l'art. 5-1 ; Non-violation de l'art. 2 ; Non-violation de l'art. 14+2 ; Non-violation de l'art. 3 en ce qui concerne l'exécution de la peine de mort ; Non-violation de l'art. 3 en ce qui concerne les conditions de détention ; Non-violation de l'art. 34 ;

ÖCALAN c. TURQUIE

12/03/2003 Cour (première section) n° 00046221/99 Préjudice moral - constat de violation suffisant ; frais et dépens : 100 000 EUR - procédure de la Convention Opinions séparées : Türmen (dissidente) Droit en cause Constitution, article 143 ; Loi no 4390 du 22 juin 1999, articles 1 et 3 ; Code pénal, article 125 ; Code de procédure pénale, articles 128 et 144 ; Loi

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no 466 du 15 mai 1964 sur l'octroi d'indemnités aux personnes illégalement arrêtées ou détenues Jurisprudence : affaire Bankovic et autres c. Belgique (déc.), n° 52207/99, §§ 59-60 et 67, CEDH2001-XII ; affaire Çinar c. Turquie, requête no 17864/91, décision de la Commission du 5 septembre 1994, D.R. 79, p. 5 ; affaire Freda c. Italie, no 8916/80, décision de la Commission du 7 octobre 1980, D.R. 21, p. 250 ; affaire Kalachnikov c. Russie (déc.) no 47095/99, § 95,CEDH 2001-XI ; affaire Klaus Altmann (Barbie) c. France, no 10689/83, décision de la Commission du 4 juillet 1984, D.R. 37, p. 225 ; affaire Luc Reinette c. France, no 14009/88, décision de la Commission du 2 octobre 1989, D.R. 63, p. 189 ; affaire Messina c. Italie (déc.), no 25498/94, CEDH 1999-V ; affaire P.K. c. Finlande (déc.), no 37442/97, 9 juillet 2002 ; affaire Stocké c. Allemagne, avis de la Commission du 12 octobre 1989, série A no 199, p. 24, § 167, p. 24-25, § 169 ; arrêt Aksoy c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2282, § 78 ; arrêt Al-Adsani c. Royaume-Uni [GC], no 35763/97, § 55, CEDH 2001-XI ; arrêt Albert et Le Compte c. Belgique du 10 février 1983, série A no 58, p. 13, § 22 ; arrêt Amann c. Suisse [GC], no 27798/95, § 56, CEDH 2000-II ; arrêt Artico c. Italie du 13 mai 1980, série A no 37, p. 16, § 33 ; arrêt Benham c. Royaume-Uni du 10 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, p. 753, § 41 ; arrêt Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 33202/96, 28 mai 2002, § 27 ; arrêt Bouamar c. Belgique du 29 février 1988, série A no 129, p. 21, § 49 ; arrêt Bozano c. France du 18 décembre 1986, série A n° 111, p. 23, § 54, §§ 54 et 59 ; arrêt Brandstetter c. Autriche du 28 août 1991, série A no 211, p. 27, §§ 66-67 ; arrêt Brannigan et McBride c. Royaume-Uni du 26 mai 1993, série A 258-B, pp. 55-56, §§ 62-63 ; arrêt Brennan c. Royaume-Uni, no 39846/98, §§ 38-40, CEDH 2001-X ; arrêt Brogan et autres c. Royaume-Uni du 29 novembre 1988, série A no 145-B, p. 33, § 61 et § 62 ; arrêt Bulut c. Autriche du 22 février 1996, Recueil 1996-II, pp. 380-381, § 47 ; arrêt Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p.1855, § 79 ; arrêt Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], no 28657/95, § 124, CEDH 2002-VI ; arrêt Çiraklar c. Turquie du 28 octobre 1998 (Recueil 1998-VII, p. 3073-3074, § 40 ; arrêt Colozza et Rubinat c. Italie du 12 février 1985, série A n°

89, p. 15, § 28 ; arrêt Cruz Varas et autres c. Suède du 20 mars 1991, série A no 201, p. 37, § 104 ; arrêt Findlay c. Royaume-Uni du 25 février 1997, Recueil 1997-I ; arrêt Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A no 154 ; arrêt Imbrioscia c. Suisse du 24 novembre 1993, série A no 275, p. 13, § 36 et p. 14, § 38 ; arrêt Incal c. Turquie du 9 juin 1998 Recueil 1998-IV, p. 1547 et p. 1572-1573, § 71 ; arrêt Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A no 25, p. 65, §§ 161 et 162 ; arrêt John Murray c. Royaume-Uni du 8 février 1996, Recueil 1996-I, pp. 54-55, § 63 ; arrêt Johnston et autres c. Irlande du 18 décembre 1986, série A no 112, p. 22, § 45 ; arrêt Kamasinski c. Autriche du 19 décembre 1989, série A no 168, p. 39, § 88 ; arrêt Kremzow c. Autriche du 21 septembre 1993, série A no 268-B, p. 42, §§ 48 et 52, et p. 44, § 63 ; arrêt Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96, § 92et § 94, CEDH 2000-XI ; arrêt Loizidou c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2231, § 43 ; arrêt Magee c. Royaume-Uni, n° 28135/95, §§ 44-45, CEDH 2002-I ; arrêt McCann c. Royaume-Uni du 27 septembre 1995, série A no 324, pp. 45-46, § 147 ; arrêt Murray c. Royaume-Uni du 28 octobre 1994, série A no 300-A, p. 27, § 58 ; arrêt Pfeifer et Plankl c. Autriche du 22 avril 1998, série A no 227, p. 16, § 37 ; arrêt Pullar c. Royaume-Uni du 10 juin 1996, Recueil 1996-III, p. 796, § 45 ; arrêt Quaranta c. Suisse, 24 mai 1991, série A no 205, p. 16, § 30 ; arrêt Raninen c. Finlande du 16 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, p. 2821-2822, § 55 et § 56 ; arrêt Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, § 52, CEDH 2000-V ; arrêt S. c. Suisse du 28 novembre 1991, série A no 220, p. 16, § 48 ; arrêt Sakik et autres c. Turquie du 26 novembre 1997, Recueil 1997-VII, §§ 12, 44, 45, 53 et 60 ; arrêt Salman c. Turquie [GC], no 21986/93, § 132, CEDH 2000-VII ; arrêt Selmouni c. France du 28 juillet 1999, Recueil 1999-V, § 101 ; arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A no 161, p. 34, § 88, p. 35, § 89, p. 40, §§ 102, 103 et 104 : arrêt Stocké c. Allemagne du 19mars 1991, série A n° 199, p. 19, § 54 ; arrêt Sunday Times c. Royaume-Uni du 6 novembre 1980 (article 50), série A no 38, p. 13, § 23 ; arrêt Tyrer c. Royaume-Uni du 25 avril 1978, série A no 26, p. 16, § 32 ; arrêt Van Oosterwijck c. Belgique du 6 novembre 1980, série A no 40, pp. 18-19, §§ 36-40 ; arrêt Vernillo c. France du 20 février 1991, série A

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no 198, pp. 11-12, § 27 ; arrêt Wassink c. Pays-Bas du 27 septembre 1990, série A no 185-A, p. 11, § 24 ; arrêt Weeks c. Royaume-Uni du 2 février 1987, série A no 114, p. 30, § 61 ; arrêt Winterwerp c. Pays-Bas du 24 octobre 1979, série A no 33, p. 24, § 60 ; arrêt Yagci et Sargin c. Turquie du 8 juin 1995, série A n° 319-A, p. 17, § 44 Sources externes Avis no 233 (2002) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur le « Projet de protocole à la Convention européenne des Droits de l'Homme relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances » ; « Lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme », adoptées le 15 juillet 2002, article X § 2 ; Conseil économique et social des Nations unies, Résolution 1984/50 du 25 mai 1984 sur les « Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort » ; Cour interaméricaine des Droits de l'Homme, Avis consultatif OC-16/99 du 1er octobre 1999 concernant « le droit à être informé sur l'assistance consulaire dans le cadre des garanties du procès équitable » Détention La Cour dit, à l’unanimité : • qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 1 (interdiction de toute privation de liberté irrégulière) de la Convention européenne des Droits de l’Homme en ce que l’arrestation et la détention du requérant n’ont pas été irrégulières au regard de la Convention ; • qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 (droit d’être aussitôt traduit devant un juge) de la Convention en ce que le requérant n’a pas été aussitôt traduit devant un juge après son arrestation ; • qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 (droit de faire contrôler à bref délai la légalité de la détention) de la Convention en raison de l’absence de recours qui aurait permis au requérant de faire contrôler la légalité de sa garde à vue. Procès équitable La Cour dit : • par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 en en ce que le requérant n’a pas été jugé par un tribunal indépendant et impartial ; • et, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable)

de la Convention combiné avec l’article 6 § 3 b) (droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense) et c) (droit à l’assistance d’un défenseur de son choix) en ce que le requérant n’a pas bénéficié d’un procès équitable. Peine de mort La Cour dit : • à l’unanimité qu’il n’y a pas eu violation de l’article 2 (droit à la vie) de la Convention ; • à l’unanimité qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention quant à l’application de la peine de mort ; • et, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention en ce que la peine de mort a été prononcée à l’issue d’un procès inéquitable. Traitement et conditions subis par le requérant La Cour dit, à l’unanimité : • qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention quant aux conditions dans lesquelles le requérant a été transféré du Kenya en Turquie et à ses conditions de détention sur l’île d’Ýmralý. Autres griefs La Cour dit également, à l’unanimité : • qu’il n’y a pas eu violation de l’article 14 de la Convention (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 2 quant à l’application de la peine de mort ; • qu’il n’y a pas eu violation de l’article 34 de la Convention (droit de recours individuel). Enfin, la Cour dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément les autres griefs que le requérant tire des articles 7 (pas de peine sans loi), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion), 10 (liberté d’expression), 13 (droit à un recours effectif), 14 et 18 (limitation de l’usage des restrictions aux droits). Il s’agit de l’arrêt attendu concernant Abdullah Öcalan, ancien dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), actuellement détenu à la prison d’Ýmralý (Bursa, Turquie). Au moment des faits en question, les juridictions turques avaient décerné sept

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mandats d’arrêt à l’encontre de M. Öcalan, et Interpol avait émis un avis de recherche (bulletin rouge) le concernant. On reprochait au requérant d’avoir fondé une bande armée en vue de mettre fin à l’intégrité territoriale de l’Etat et d’avoir été l’instigateur d’actes de terrorisme ayant abouti à des pertes en vies humaines. Le 9 octobre 1998, il fut expulsé de Syrie, où il résidait depuis de longues années. Il se rendit alors en Grèce, en Russie et en Italie, puis revint en Russie et en Grèce avant d’entrer au Kenya où, le soir du 15 février 1999, dans des circonstances en litige entre les parties, il fut emmené à bord d’un avion à l’aéroport de Nairobi et arrêté par des agents turcs. L’avion décolla ensuite pour la Turquie. Le requérant eut les yeux bandés pendant la majeure partie du vol. A son arrivée en Turquie, le requérant dut porter une cagoule pendant son transfèrement à la prison d’Ýmralý, où il fut maintenu en garde à vue du 16 au 23 février 1999 et interrogé par les forces de l’ordre. Il ne bénéficia pas de l’assistance d’un avocat pendant cette période et fit plusieurs déclarations de nature à l’incriminer lui-même, qui contribuèrent à sa condamnation. Des membres des forces de l’ordre empêchèrent son avocat en Turquie de se rendre auprès de lui. Le 23 février 1999, on refusa à seize autres avocats l’autorisation de lui rendre visite. Le 23 février 1999, le requérant comparut devant un juge de la cour de sûreté de l’Etat d’Ankara, qui ordonna sa mise en détention provisoire. Le premier entretien du requérant avec ses avocats fut limité à 20 minutes et se déroula en présence – dans la même pièce – de membres des forces de l’ordre et d’un juge. Les entrevues ultérieures entre le requérant et ses avocats eurent lieu à portée d’ouï e de membres des forces de l’ordre. Après les deux premières visites, les contacts entre M. Öcalan et ses avocats furent limités à deux visites par semaine, d’une durée d’une heure chacune. Les autorités pénitentiaires refusèrent aux avocats du requérant l’autorisation de fournir à celui-ci une copie des documents versés au dossier, à l’exception de l’acte d’accusation. Ce n’est qu’à l’audience du 2 juin 1999 que la cour de sûreté de l’Etat décida d’autoriser le requérant à consulter le dossier sous la surveillance de deux

greffiers, et de permettre aux avocats de l’intéressé de transmettre à leur client des copies de certains documents. Par un acte d’accusation présenté le 24 avril 1999, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat d’Ankara reprocha au requérant d’avoir mené des activités visant à provoquer la sécession d’une partie du territoire de la Turquie et d’avoir formé et dirigé dans ce but une bande armée. Il requit la peine capitale en vertu de l’article 125 du code pénal turc. Le 29 juin 1999, le requérant fut reconnu coupable des charges portées contre lui et condamné à mort en vertu de l’article 125. La Cour de cassation confirma cette décision. Le 30 novembre 1999, la Cour européenne des Droits de l'Homme demanda aux autorités turques, en application de l'article 39 du Règlement de la Cour (mesures provisoires), "de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la peine capitale ne soit pas exécutée, afin que la Cour puisse poursuivre efficacement l'examen de la recevabilité et du fond des griefs que le requérant formule sur le terrain de la Convention". En octobre 2001, l’article 38 de la Constitution fut modifié dans le sens que la peine capitale ne pourrait plus être prononcée ni exécutée sauf en temps de guerre ou de danger imminent de guerre, ou en cas d’actes terroristes. Par la loi no 4771 publiée le 9 août 2002, la Grande Assemblée nationale de Turquie décida d’abolir la peine de mort en temps de paix. Le 3 octobre 2002, la cour de sûreté de l’Etat d’Ankara commua la peine capitale infligée au requérant en réclusion à perpétuité. Une action en annulation des dispositions abolissant la peine capitale en temps de paix pour les auteurs d’actes terroristes fut rejetée le 27 décembre 2002 par la Cour constitutionnelle. Le 9 octobre 2002, deux syndicats qui étaient intervenus dans la procédure pénale formèrent un pourvoi contre l’arrêt commuant la peine capitale infligée au requérant en réclusion à perpétuité. Cette procédure est toujours pendante. Le requérant présente notamment les griefs suivants : • il allègue que le fait d’infliger et/ou d’appliquer la peine de mort emporte ou emporterait violation des articles 2, 3 et 14 de la

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Convention, et que les conditions dans lesquelles il a été transféré du Kenya en Turquie et détenu sur l’île d’Ýmralý s’analysent en un traitement inhumain contraire à l’article 3 ; • selon lui, il a été privé de sa liberté au mépris des voies légales, il n’a pas été traduit aussitôt devant un juge et n’a pas eu accès à un recours qui lui aurait permis de contester la légalité de sa détention, en violation de l’article 5 §§ 1, 3 et 4 ; • sur le terrain de l’article 6 § 1, il soutient ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable, en ce qu’il n’a pas été jugé par un tribunal indépendant et impartial en raison de la présence d’un juge militaire au sein de la cour de sûreté de l’Etat, en ce que les juges auraient été influencés par les comptes rendus hostiles des médias sur son affaire et en ce que ses avocats n’ont pas eu un accès suffisant au dossier pour leur permettre de préparer convenablement sa défense ; • il se plaint sous l’angle de l’article 34 que ses avocats à Amsterdam n’ont pas pu prendre contact avec lui après son arrestation et/ou que le gouvernement turc a omis de répondre à une demande de la Cour européenne des Droits de l’Homme l’invitant à fournir certains renseignements. Il invoque également les articles 7, 8, 9, 10, 13, 14 et 18 de la Convention. Résumé de l’arrêt rendu par une chambre composée de sept juges, Mme Elisabeth Palm (Suédoise), présidente, Article 5 de la Convention Article 5 § 4 de la Convention (droit de faire contrôler à bref délai la légalité de sa détention) Dans une exception préliminaire, le Gouvernement a allégué que les griefs du requérant au regard de l’article 5 §§ 1, 3 et 4 devaient être rejetés pour non-épuisement des voies de recours internes. « 68. La Cour relève que dans sa décision du 14 décembre 2000 sur la recevabilité de la requête, elle a lié l'exception préliminaire du Gouvernement concernant notamment cette question à l'examen sur le fond du grief présenté sur le terrain de l'article 5 § 4.

69. Sur ce point, la Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle une voie de recours doit exister avec un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie, sans quoi lui manquent l'accessibilité et l'efficacité requises par l'article 5 § 4. Rien n'impose d'user de recours qui ne sont ni adéquats ni effectifs (arrêts Sakik et autres c. Turquie du 26 novembre 1997, Recueil 1997-VII, p. 2625, § 53 ; arrêt Vernillo c. France du 20 février 1991, série A no 198, pp. 11-12, § 27, et Johnston et autres c. Irlande du 18 décembre 1986, série A no 112, p. 22, § 45). De plus, le recours prévu à l'article 5 § 4 doit revêtir un caractère judiciaire, ce qui suppose « que l'intéressé ait (...) l'occasion d'être entendu lui-même ou, au besoin, moyennant une certaine forme de représentation, sans quoi il ne jouira pas des garanties fondamentales de procédure appliquées en matière de privations de liberté » (arrêt Winterwerp c. Pays-Bas du 24 octobre 1979, série A no 33, p. 24, § 60). Par ailleurs, selon les principes de droit international généralement reconnus, certaines circonstances particulières peuvent dispenser le requérant de l'obligation d'épuiser les recours internes qui s'offrent à lui (arrêt Van Oosterwijck c. Belgique du 6 novembre 1980, série A no 40, pp. 18-19, §§ 36-40). 70. La Cour rappelle aussi son constat dans l'arrêt Sakik et autres c. Turquie (précité, § 53) quant à « l'absence d'exemple de personne en garde à vue ayant obtenu qu'un juge statuât sur la légalité de sa détention ou la libérât, à la suite d'un tel recours » dans la procédure devant les cours de sûreté de l'Etat. Cependant, elle observe aussi – comme le fait valoir le Gouvernement – que, par le biais d'une modification de l'article 128 du code de procédure pénale turc intervenue en 1997, la possibilité de contester devant un juge toute décision de placement en garde à vue a été clairement prévue en droit turc. Il en résulte qu'un tel recours existe en théorie. Quant au fonctionnement de ce recours dans la pratique, la Cour note que le Gouvernement n'a fourni aucun exemple de décision d'un juge annulant le placement en garde à vue d'un prévenu par le parquet d'une cour de sûreté de l'Etat avant la fin du quatrième jour (délai légal maximum ordonné par le parquet). 71. La Cour estime qu'elle n'est pas appelée à statuer sur ce point pour les besoins de la

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présente affaire, puisque de toute façon, les circonstances particulières observées en l'espèce ont rendu impossible pour le requérant l'utilisation effective de ce recours. 72. D'une part, les conditions de la garde à vue et notamment l'isolement total de l'intéressé l'empêchaient de faire usage par lui-même de ce recours. Le requérant n'avait pas de formation juridique et il n'a eu aucune possibilité de consulter un avocat lors de sa garde à vue. Or, le recours prévu à l'article 5 § 4 doit revêtir un caractère judiciaire, ainsi que la Cour l'a rappelé ci-dessus (paragraphe 69). On ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que le requérant fût en mesure de contester, dans ces conditions, sans l'assistance de son avocat, la légalité et la durée de sa garde à vue. 73. D'autre part, quant à la possibilité pour les avocats constitués par le requérant ou par ses proches parents de contester le placement en garde à vue de ce dernier sans l'avoir consulté, la Cour observe que les déplacements du seul avocat du requérant qui avait un mandat pour le représenter ont été entravés par les policiers (paragraphe 21 ci-dessus). Les autres avocats, engagés par la famille du requérant, se sont trouvés dans l'impossibilité de prendre contact avec lui pendant sa garde à vue. De plus, vu les circonstances exceptionnelles de l'arrestation du requérant, c'était ce dernier lui-même qui était le principal détenteur de renseignements directs concernant les incidents à Nairobi, qui auraient été utiles afin de contester, à ce stade de la procédure, la légalité de l'arrestation. 74. Enfin, pour ce qui est exclusivement de la durée de la garde à vue du requérant, la Cour tient compte de la gravité des accusations portées contre l'intéressé et du fait que la durée de sa garde à vue était conforme à la législation nationale. Elle estime que dans ces conditions, une opposition sur ce point devant un juge d'instance était loin de présenter des chances d'aboutir à une remise en liberté. 75. S'agissant de la voie d'indemnisation prévue par la loi no 466 et invoquée par le Gouvernement, la Cour estime que ce recours ne saurait satisfaire les exigences de l'article 5 § 4 pour deux motifs : en premier lieu, elle note que la loi no 466 ne prévoit que la possibilité d'intenter une action en responsabilité contre l'Etat pour toute détention illégale ou injustifiée. Au demeurant, le droit d'être détenu

« selon les voies légales » et le droit d'être « aussitôt traduit devant un juge » après son arrestation se distinguent de celui de recevoir un dédommagement pour une détention. Les paragraphes 1 et 3 de l'article 5 de la Convention concernent les deux premiers droits, et le paragraphe 5 de l'article 5 le dernier droit (voir, mutatis mutandis, Yagci et Sargin c. Turquie, arrêt du 8 juin 1995, série A no 319-A, p. 17, § 44). Le tribunal invité à statuer sur la légalité de la détention en application de la loi no 466 intervient ultérieurement aux faits litigieux et ne possède donc pas la compétence d'ordonner la libération en cas de détention illégale, comme l'exige l'article 5 § 4 (arrêt Weeks c. Royaume-Uni du 2 février 1987, série A no 114, p. 30, § 61). En deuxième lieu, la Cour relève que, hormis les cas – étrangers à la présente espèce – de non-lieu, d'acquittement ou de jugement dispensant d'une peine, toutes les hypothèses de réparation visées par la voie d'indemnisation prévue par la loi no 466 supposent que la privation de liberté ait enfreint la loi. Or ici, la détention litigieuse s'est déroulée dans le respect de la loi turque, comme le Gouvernement en convient d'ailleurs (voir, dans le même sens, l'arrêt Sakik et autres c. Turquie précité, § 60). 76. En conclusion, la Cour rejette l'exception préliminaire du Gouvernement quant à l'article 5 § 4 et estime qu'il y a eu violation de cette disposition. Pour les mêmes motifs, elle rejette l'exception préliminaire quant aux griefs tirés de l'article 5 §§ 1 et 3 (paragraphe 65 in fine ci-dessus). » Article 5 § 1 de la Convention (interdiction de toute privation de liberté irrégulière) …« 3. Appréciation de la Cour a) Principes généraux 86. La Cour rappelle qu'en matière de « régularité » d'une détention, y compris l'observation des « voies légales », la Convention renvoie pour l'essentiel à la législation nationale et consacre l'obligation d'en observer les normes de fond comme de procédure, mais elle exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de l'article 5 : protéger l'individu contre l'arbitraire. Il y va du respect dû non seulement au « droit à la liberté », mais aussi au « droit à la sûreté » (voir, entre autres, les arrêts Bozano

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c. France (précité) p. 23, § 54, et Wassink c. Pays-Bas du 27 septembre 1990, série A no 185-A, p. 11, § 24). La Cour avait déjà souligné l'importance de garanties effectives, telles que le recours d'habeas corpus, pour assurer une protection appréciable contre les comportements arbitraires et les détentions au secret (voir, par exemple, l'arrêt Brannigan et McBride c. Royaume-Uni du 26 mai 1993, série A 258-B, pp. 55-56, §§ 62-63). 87. Par ailleurs, il incombe au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux tribunaux, d'interpréter et d'appliquer le droit interne. Comme, au regard de l'article 5 § 1, l'inobservation du droit interne entraîne un manquement à la Convention, la Cour peut et doit toutefois exercer un certain contrôle pour rechercher si le droit interne a bien été respecté (arrêts Benham c. Royaume-Uni du 10 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, p. 753, § 41, et Bouamar c. Belgique du 29 février 1988, série A no 129, p. 21, § 49). 88. La Cour admet qu'une arrestation effectuée par les autorités d'un Etat sur le territoire d'un autre Etat, sans le consentement de ce dernier, porte atteinte au droit individuel de la personne à la sûreté selon l'article 5 § 1 (voir, dans le même sens, Stocké c. Allemagne, avis de la Commission du 12 octobre 1989, série A no 199, p. 24, § 167). 89. La Cour rappelle que « la Convention ne fait pas obstacle à une coopération entre les Etats membres, dans le cadre de traités d'extradition ou en matière d'expulsion, visant à traduire en justice des délinquants en fuite, pour autant que cette coopération ne porte atteinte à aucun droit particulier consacré par la Convention » (ibidem, p. 24-25, § 169). 90. En ce qui concerne les relations en matière d'extradition entre un Etat partie et un Etat non partie à la Convention, la Cour estime que les normes établies par un traité d'extradition ou, en l'absence d'un tel traité, la coopération entre les Etats concernés figurent aussi parmi les éléments pertinents pour établir la légalité de l'arrestation mise en cause par la suite devant elle. La livraison d'un fugitif résultant d'une coopération entre Etats ne constitue pas, en tant que telle, une atteinte à la légalité de l'arrestation, donc ne pose pas de problème sous l'angle de l'article 5 (dans le même sens, voir Freda c. Italie, no 8916/80, décision de la Commission du 7 octobre 1980,

D.R. 21, p. 250 ; Klaus Altmann (Barbie) c. France, no 10689/83, décision de la Commission du 4 juillet 1984, D.R. 37, p. 225 ; Luc Reinette c. France, no 14009/88, décision de la Commission du 2 octobre 1989, D.R. 63, p. 189). La Cour rappelle que « le souci d'assurer un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu est inhérent à l'ensemble de la Convention. Les voyages de par le monde devenant plus faciles et la criminalité prenant une plus grande ampleur internationale, toutes les nations ont un intérêt croissant à voir traduire en justice les délinquants présumés qui fuient à l'étranger. Inversement, la création de havres de sécurité pour fugitifs ne comporterait pas seulement des dangers pour l'Etat tenu d'abriter la personne protégée : elle tendrait également à saper les fondements de l'extradition » (arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A no 161, p. 35, § 89). 91. La Cour note en outre que la Convention ne contient pas de dispositions sur les conditions dans lesquelles une extradition peut être accordée, ni sur la procédure à appliquer avant même que l'extradition ne puisse être accordée. La Cour estime que, même une extradition déguisée, sous réserve qu'elle soit issue d'une coopération entre les Etats concernés et que l'ordre d'arrestation trouve sa base légale dans un mandat d'amener décerné par les autorités de l'Etat d'origine de l'intéressé, ne saurait être, en tant que tel, contraire à la Convention (voir la jurisprudence de la Commission en ce sens, Illich Sánchez Ramirez c. France, décision précitée). 92. Séparément de la question de savoir si l'arrestation emporte une violation du droit de l'Etat où l'intéressé avait trouvé refuge – question qui ne relève de l'examen de la Cour que si l'Etat d'accueil est un Etat contractant de la Convention –, la Cour exige qu'il soit démontré devant elle, par des éléments de preuve qui vont « au-delà de toute doute raisonnable », que les autorités de l'Etat vers lequel le détenu est transféré aient procédé à l'étranger à des activités contraires à la souveraineté de l'Etat d'accueil, donc au droit international (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Stocké c. Allemagne précité, p. 19, § 54).

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b) Application au cas d'espèce 93. Pour ce qui est de la responsabilité de la Turquie dans l'arrestation du requérant, la Cour rappelle ses considérations dans la décision Bankovic et autres précitée (§§ 59-60 et 67) : « En ce qui concerne le « sens ordinaire » des termes pertinents figurant dans l'article 1 de la Convention, la Cour considère que, du point de vue du droit international public, la compétence juridictionnelle d'un Etat est principalement territoriale. Si le droit international n'exclut pas un exercice extraterritorial de sa juridiction par un Etat, les éléments ordinairement cités pour fonder pareil exercice (nationalité, pavillon, relations diplomatiques et consulaires, effet, protection, personnalité passive et universalité, notamment) sont en règle générale définis et limités par les droits territoriaux souverains des autres Etats concernés (...) Ainsi, par exemple, la possibilité pour un Etat d'exercer sa juridiction sur ses propres ressortissants à l'étranger est subordonnée à la compétence territoriale de cet Etat et d'autres (...). De surcroît, un Etat ne peut concrètement exercer sa juridiction sur le territoire d'un autre Etat sans le consentement, l'invitation ou l'acquiescement de ce dernier. (...) (...) En conformité avec la notion essentiellement territoriale de juridiction, la Cour n'a admis que dans des circonstances exceptionnelles que les actes des Etats contractants accomplis ou produisant des effets en dehors de leur territoire peuvent s'analyser en l'exercice par eux de leur juridiction au sens de l'article 1 de la Convention. » En l'espèce, l'arrestation du requérant a été effectuée par les membres des forces de l'ordre turques à l'intérieur d'un avion, dans la zone internationale de l'aéroport de Nairobi. Le requérant, dès sa remise par les agents kenyans aux agents turcs, s'est effectivement retrouvé sous l'autorité de la Turquie et relevait donc de la « juridiction » de cet Etat aux fins de l'article 1 de la Convention, même si, en l'occurrence, la Turquie a exercé son autorité en dehors de son territoire. La Cour estime que les circonstances de la présente affaire se distinguent de celles de l'affaire Bankovic et autres susmentionnée, notamment en ce que le requérant a été physiquement contraint à revenir en Turquie

par des fonctionnaires turcs et a été soumis à leur autorité et à leur contrôle dès son arrestation et son retour en Turquie (voir, à cet égard, les décisions précitées Illich Sánchez Ramirez c. France et Freda c. Italie). 94. En ce qui concerne la conformité de l'arrestation au droit national turc, la Cour constate que les juridictions pénales turques avaient décerné sept mandats d'arrêt à l'encontre du requérant, et qu'Interpol avait émis un avis de recherche (bulletin rouge) le concernant. Dans tous ces documents, on reprochait au requérant d'avoir fondé une bande armée afin de porter atteinte à l'intégrité territoriale de l'Etat et d'avoir été l'instigateur de plusieurs actes de terrorisme ayant abouti à la perte de vie humaines, infractions prévues et punies par le code pénal turc. Après son arrestation, le requérant a été traduit devant le juge, à l'issue du délai légal de garde à vue. Par la suite, il a été accusé, jugé et condamné pour avoir enfreint l'article 125 du code pénal. Il s'ensuit que son arrestation et sa détention se sont déroulées conformément aux ordres émanant des juridictions turques et « en vue [de le conduire] devant l'autorité judiciaire compétente » sur la base de « raisons plausibles de [le] soupçonner » d'[avoir] commis une infraction. 95. La Cour doit se prononcer, à la lumière de l'argumentation des deux parties, sur la question de savoir si la détention du requérant au Kenya a découlé d'actes commis par les agents turcs au mépris de la souveraineté du Kenya et du droit international (thèse du requérant) ou si elle a résulté d'une coopération entre les autorités turques et kenyanes (thèse du Gouvernement). 96. La Cour examinera tout d'abord l'intervention effective des autorités kenyanes dans cette affaire. Il est vrai que le requérant est entré au Kenya sans déclarer son identité à la police des frontières. Cependant, les autorités kenyanes, une fois informées de la présence du requérant à l'ambassade de Grèce à Nairobi, ont invité l'ambassadeur de Grèce, qui l'accueillait à Nairobi, à faire sortir le requérant du territoire kenyan. Alors que le requérant partait du Kenya et, plus particulièrement, durant son transfert de l'ambassade de Grèce à l'aéroport, des agents kenyans sont intervenus et ont séparé le requérant de l'ambassadeur grec. La voiture

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dans laquelle se trouvait le requérant était conduite par un agent kenyan, qui l'a menée à l'avion où les agents turcs attendaient pour l'arrêter. 97. La Cour note en outre que rien dans l'arrestation du requérant par les agents turcs dans un avion à l'aéroport de Nairobi n'a été perçu comme une atteinte à la souveraineté du Kenya par les autorités de ce pays. Cette arrestation n'a entraîné aucun différend international entre le Kenya et la Turquie ni aucune détérioration de leurs relations diplomatiques. Les autorités kenyanes n'ont formulé aucune protestation contre le Gouvernement turc sur ce point, n'ont réclamé aucune réparation de la part de la Turquie, telle que, par exemple, la restitution de l'intéressé ou une indemnisation. 98. La Cour observe, en revanche, que les autorités kenyanes ont adressé au gouvernement grec une protestation formelle, accompagnée d'une demande de rappel immédiat de l'ambassadeur grec, estimant que le requérant s'était introduit illégalement au Kenya avec l'aide d'agents grecs et y avait résidé de façon irrégulière. Elle constate que le requérant n'était pas le bienvenu au Kenya et que les autorités de ce pays désiraient son départ. 99. Ces éléments de l'affaire amènent la Cour à admettre la thèse du Gouvernement : elle considère qu'à l'époque des faits, les autorités kenyanes avaient décidé soit de remettre le requérant aux autorités turques soit de faciliter cette remise. 100. La Cour n'est pas convaincue par l'affirmation du ministre kenyan des affaires étrangères le 16 février 1999 selon laquelle les autorités du Kenya n'avaient rien à voir avec l'arrestation et le transfert du requérant, comme celui-ci le fait valoir (paragraphe 11 ci-dessus). S'il est vrai que le requérant n'a pas été arrêté par les autorités kenyanes, il ressort des éléments dont dispose la Cour que des fonctionnaires kenyans sont intervenus pour séparer le requérant de l'ambassadeur de Grèce et l'emmener à l'aéroport, immédiatement avant son arrestation à bord de l'avion. 101. Au vu de ces éléments et en l'absence de tout traité d'extradition liant la Turquie et le Kenya qui aurait institué une procédure formelle à suivre, la Cour estime qu'il n'est pas

établi au-delà de tout doute raisonnable que l'opération menée en l'espèce en partie par les agents turcs et en partie par les agents kenyans aurait constitué une violation par la Turquie de la souveraineté du Kenya et, par conséquent, du droit international. 102. La Cour estime enfin que le fait que les mandats d'arrêt n'aient pas été notifiés au requérant avant qu'il ne soit détenu par les membres des forces de l'ordre turques dans un avion à l'aéroport de Nairobi n'enlève pas à son arrestation ultérieure sa base légale en droit turc (voir, dans le même sens, Illich Sánchez Ramirez c. France, décision précitée). 103. Il en résulte que l'arrestation du requérant en date du 15 février 1999 et sa détention doivent être tenues pour conformes aux « voies légales » au sens de l'article 5 § 1 c) de la Convention. Partant, il n'y a pas eu violation de l'article 5 § 1 de la Convention. » Article 5 § 3 de la Convention (droit d’être aussitôt traduit devant un juge) « 106. La Cour a déjà admis à plusieurs reprises par le passé que les enquêtes au sujet d'infractions terroristes placent sans nul doute les autorités devant des problèmes particuliers (arrêts Brogan et autres c. Royaume-Uni du 29 novembre 1988, série A no 145-B, p. 33, § 61, Murray c. Royaume-Uni du 28 octobre 1994, série A no 300-A, p. 27, § 58, et Aksoy c. Turquie (précité), p. 2282, § 78). Cela ne signifie pas toutefois que celles-ci aient carte blanche, au regard de l'article 5, pour arrêter et placer en garde à vue des suspects, à l'abri de tout contrôle effectif par les tribunaux internes et, en dernière instance, par les organes de contrôle de la Convention, chaque fois qu'elles choisissent d'affirmer qu'il y a infraction terroriste (arrêt Sakik et autres c. Turquie précité, p. 2623-2624, § 44) 107. La Cour relève que la garde à vue litigieuse a débuté avec l'arrestation du requérant très tard le 15 février 1999 ou très tôt le 16 février 1999. Le requérant a d'abord été placé en garde à vue pour quatre jours, jusqu'au 20 février 1999. A cette date, sa garde à vue a été prolongée de trois jours par décision du juge, soit jusqu'au 23 février 1999. Le procureur a interrogé le requérant le 22 février 1999. Le requérant a comparu la première fois devant le juge assesseur le 23 février 1999 et ce dernier – qui était sans nul

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doute un magistrat au sens de l'article 5 § 3 (voir, par exemple, l'arrêt Sakik et autres c. Turquie précité, §§ 12 et 45) –, a ordonné sa mise en détention provisoire. La durée globale de la garde à vue du requérant avant qu'il n'ait été traduit devant un juge s'élève donc à sept jours au minimum. 108. La Cour rappelle que dans l'arrêt Brogan, elle a jugé qu'une période de garde à vue de quatre jours et six heures sans contrôle judiciaire allait au-delà des strictes limites de temps fixées par l'article 5 § 3, même quand elle a pour but de prémunir la collectivité dans son ensemble contre le terrorisme (arrêt Brogan et autres c. Royaume-Uni précité, p. 33, § 62). 109. La Cour ne saurait accepter la thèse du Gouvernement selon laquelle les mauvaises conditions météorologiques auraient joué un rôle essentiel durant les sept jours que le requérant a passés sans comparaître devant un juge. Il n'a pas été démontré devant elle, preuves à l'appui, que le juge assesseur a tenté de parvenir jusqu'à l'île où était détenu le requérant afin de le faire comparaître devant lui avant la fin de la période globale de garde à vue de sept jours. La Cour observe sur ce point que la procédure de garde à vue a suivi son cours normal en droit interne. En plus des quatre jours ordonnés par le parquet lui-même, le juge a accordé un délai supplémentaire de trois jours après avoir examiné l'affaire sur dossier. Il est difficilement concevable que le juge ait accordé ce délai supplémentaire tout en ayant l'intention de faire comparaître le requérant devant lui avant son expiration. 110. La Cour ne saurait donc admettre qu'il ait été nécessaire de détenir le requérant pendant sept jours avant qu'il ne soit traduit devant un juge. Partant, il y a eu violation de l'article 5 § 3. » Article 6 de la Convention Indépendance et impartialité de la cour de sûreté de l’Etat d’Ankara qui a condamné le requérant … « 114. La Cour rappelle que, dans ses arrêts Incal c. Turquie du 9 juin 1998 (Recueil 1998-IV, p. 1547) et Çiraklar c. Turquie du 28 octobre 1998 (Recueil 1998-VII, p. 3073-3074, § 40), elle a noté que certaines caractéristiques du statut des juges militaires siégeant au sein

des cours de sûreté de l'Etat qui avaient condamné les intéressés rendaient leur indépendance et leur impartialité sujettes à caution. Les requérants condamnés pouvaient légitimement redouter qu'eu égard à la présence d'un juge militaire au sein de la cour de sûreté de l'Etat, celle-ci ne se laissât indûment guider par des considérations étrangères à la nature de leur cause. Il y va de la confiance que les tribunaux d'une société démocratique se doivent d'inspirer aux justiciables, à commencer, au pénal, par les prévenus. Pour se prononcer sur l'existence d'une raison légitime de redouter dans le chef d'une juridiction un défaut d'indépendance ou d'impartialité, le point de vue de l'accusé entre en ligne de compte mais sans pour autant jouer un rôle décisif. L'élément déterminant consiste à savoir si les appréhensions de l'intéressé peuvent passer pour objectivement justifiées (arrêt Incal c. Turquie, Recueil 1998-IV, p. 1572-1573, § 71). 115. Le requérant a, semble-t-il, indiqué qu'il acceptait la compétence de la cour de sûreté de l'Etat (paragraphe 34 ci-dessus). Selon le Gouvernement, il faut donc considérer qu'il a renoncé à son droit à un tribunal indépendant et impartial. 116. Il convient de rappeler que la renonciation à un droit garanti par la Convention – pour autant qu'elle soit licite – doit se trouver établie de manière non équivoque (arrêt Pfeifer et Plankl c. Autriche du 22 avril 1998, série A no 227, p. 16, § 37). Cependant, la déclaration du requérant ne saurait s'interpréter comme une renonciation sans équivoque à son droit à un tribunal indépendant et impartial, puisque ses avocats ont bien mis en question l'indépendance et l'impartialité de la cour en raison de la présence d'un juge militaire. En outre, le fait d'accepter qu'une juridiction a « compétence » pour conduire une instance n'implique pas nécessairement – voire pas du tout – une reconnaissance de l'indépendance et de l'impartialité de cette juridiction. Dès lors, la Cour estime que le requérant ne saurait passer pour avoir renoncé à son droit. 117. Il est vrai que la cour de sûreté de l'Etat se composait de trois juges civils au moment où le requérant a été condamné. A la suite d'une

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modification de la Constitution (paragraphes 39-40 ci-dessus), le juge militaire a été remplacé par un magistrat civil avant que les avocats du requérant aient présenté leurs conclusions sur le fond de l'affaire. En outre, ledit magistrat civil avait siégé en tant que juge suppléant et avait suivi le procès depuis le début. 118. Toutefois, pour la Cour, le remplacement de dernière minute du juge militaire n'était pas de nature à réparer la lacune dans la composition de la juridiction de jugement qui l'a amenée à constater une violation sur ce point dans les arrêts Incal et Ciraklar précités. En premier lieu, le remplacement est survenu une semaine seulement avant la condamnation du requérant et deux mois après le début du procès. En outre, deux audiences préliminaires et six audiences sur le fond avaient déjà été tenues avant le 23 juin 1999, date du remplacement, et l'accusation avait déjà présenté l'intégralité de son dossier à l'encontre du requérant à ce stade de la procédure. En un mot, la majeure partie du procès s'était déjà déroulée avant que le juge militaire ne cesse ses fonctions au sein de la cour de sûreté. La Cour juge inutile de spéculer sur le point de savoir si le juge militaire a véritablement exercé une influence sur les autres magistrats siégeant à la cour au cours du procès, puisque dans les affaires Incal et Ciraklar, c'était sa présence même avant le remplacement qui posait problème. 119. Certes, un changement dans la composition d'une juridiction de jugement au cours de la procédure ne soulève pas nécessairement de questions sous l'angle de l'article 6 § 1 (voir, à cet égard, P.K. c. Finlande (déc.), no 37442/97, 9 juillet 2002). Toutefois, en l'espèce, c'est la présence même du juge militaire durant la majeure partie du procès qui soulève des questions et non le changement de composition. 120. En outre, dans le cadre de son appréciation, la Cour ne peut ignorer le caractère exceptionnel du procès lui-même, qui concerne un accusé très connu, engagé dans un long conflit armé avec les autorités turques militaires et condamné à mort. La présence d'un magistrat militaire – qui, très certainement, a été jugée nécessaire eu égard à la compétence et l'expérience de l'intéressé dans le domaine militaire – ne pouvait que

soulever des doutes dans l'esprit de l'accusé quant à l'indépendance et àl'impartialité de la cour. 121. Dans le contexte décrit ci-dessus, la Cour conclut que la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara qui a condamné le requérant n'était pas un tribunal indépendant et impartial au sens de l'article 6 § 1 de la Convention, lequel a donc été violé à cet égard. » Equité de la procédure devant la cour de sûreté de l’Etat … « 3. Appréciation de la Cour 139. La Cour estime qu'afin de déterminer si les droits de la défense du requérant ont été respectés dans la procédure pénale en cause, il convient d'examiner en premier lieu les questions concernant son assistance par un défenseur, ainsi que les possibilités d'accéder au dossier du procès offertes à l'intéressé et à ses avocats. a) Assistance par un défenseur i. Non-assistance du requérant par son conseil lors de sa garde à vue 140. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle l'article 6 peut jouer un rôle avant la saisine du juge du fond si et dans la mesure où l'inobservation initiale de ses dispositions risque de compromettre gravement le caractère équitable du procès (arrêt Imbrioscia c. Suisse du 24 novembre 1993, série A no 275, p. 13, § 36). Les modalités de l'application de l'article 6 §§ 1 et 3 c) durant l'instruction dépendent des particularités de la procédure et des circonstances de la cause. Si l'article 6 exige normalement que le prévenu puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police, ce droit, que la Convention n'énonce pas expressément, peut toutefois être soumis à des restrictions pour des raisons valables. Il s'agit de savoir dans chaque cas si, à la lumière de l'ensemble de la procédure, la restriction a privé l'accusé d'un procès équitable (arrêt John Murray c. Royaume-Uni du 8 février 1996, Recueil 1996-I, pp. 54-55, § 63). 141. La Cour observe qu'en l'espèce, le requérant a été interrogé durant sa garde à vue en Turquie de près de sept jours, entre le 16 février 1999 et le 23 février 1999, par les membres des forces de l'ordre, par un procureur de la République et par un juge

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assesseur de la cour de sûreté de l'Etat. Durant cette période, le requérant n'était pas assisté d'un conseil. Or, il a fait plusieurs déclarations qui l'incriminaient lui-même, lesquelles sont devenues par la suite des éléments clés de l'acte d'accusation ainsi que des réquisitoires et qui ont largement contribué à sa condamnation. 142. Quant à la question de savoir si le requérant avait renoncé à consulter un avocat, la Cour note que le lendemain de l'arrestation du requérant, son avocat en Turquie, Me Feridun Çelik (qui avait déjà un mandat valable), demanda à pouvoir lui rendre visite. Mais les membres des forces de l'ordre ont entravé les déplacements de Me Çelik. En outre, le 22 février 1999, seize avocats désignés par sa famille ont demandé à la cour de sûreté de l'Etat l'autorisation de rendre visite au requérant mais, le 23 février 1999, les autorités leur ont opposé un refus. 143. Dans ces conditions, selon la Cour, le fait de refuser l'accès à un avocat pendant une période aussi longue, alors que les droits de la défense peuvent fort bien subir une atteinte irréparable, exerce des effets néfastes sur les droits de la défense que l'article 6 reconnaît à l'accusé (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Magee précité, §§ 44-45). ii. Entretien avec ses défenseurs hors de portée d'ouïe d'un tie rs 144. La Cour observe qu'il n'est nullement contesté par les parties que la première visite des avocats du requérant à celui-ci s'est déroulée sous la surveillance et à portée de vue et d'ouïe des membres des forces de l'ordre ainsi que d'un juge, qui se trouvaient tous dans la même pièce que le requérant et ses conseils. Les membres des forces de l'ordre ont limité cette visite à vingt minutes. Le procès-verbal de la visite a été remis à la cour de sûreté de l'Etat. 145. Quant aux visites ultérieures, la Cour constate qu'aucun membre des forces de l'ordre ni aucun magistrat ne se trouvaient dans la même pièce que le requérant et ses conseils. Le requérant fait observer que les agents de l'établissement pénitentiaire se trouvaient dans une pièce voisine de celle où il s'entretenait avec ses conseils, que la porte entre les deux pièces était toujours laissée ouverte et que ses entretiens avec ses avocats se déroulaient à portée de vue et d'ouïe des ces agents. Le Gouvernement n'en disconvient pas, tout en

précisant que les restrictions étaient conformes à la législation interne et avaient pour but d'assurer la sécurité du requérant. La Cour observe que, selon la législation nationale applicable à l'époque des faits à la procédure devant les cours de sûreté de l'Etat, un magistrat pouvait être présent lors des entretiens entre l'accusé et son avocat durant la période antérieure à l'ouverture de l'action pénale (paragraphe 54 ci-dessus). Après avoir examiné les versions des faits présentées par les parties, la Cour admet que les rencontres entre le requérant et ses avocats après la première visite se sont déroulées à portée d'ouïe des membres des forces de l'ordre, même si ceux-ci ne se trouvaient pas dans la pièce où ces entretiens ont eu lieu. 146. La Cour rappelle sa jurisprudence établie en la matière selon laquelle le droit, pour l'accusé, de communiquer avec son avocat hors de portée d'ouïe d'un tiers figure parmi les exigences élémentaires du procès équitable dans une société démocratique et découle de l'article 6 § 3 c) de la Convention. Si un avocat ne pouvait s'entretenir avec son client sans une telle surveillance et en recevoir des instructions confidentielles, son assistance perdrait beaucoup de son utilité, alors que le but de la Convention consiste à protéger des droits concrets et effectifs (arrêt S. c. Suisse du 28 novembre 1991, série A no 220, p. 16, § 48). L'importance de la confidentialité des entretiens entre l'accusé et ses avocats pour les droits de la défense a été affirmée dans plusieurs textes internationaux, y compris les textes européens (voir arrêt Brennan c. Royaume-Uni, no 39846/98, §§ 38-40, CEDH 2001-X). Cependant, comme il a été indiqué ci-dessus (paragraphe 140), l'accès d'un accusé à son avocat peut être soumis à des restrictions pour des raisons valables. Il s'agit de savoir dans chaque cas si, à la lumière de l'ensemble de la procédure, la restriction a privé l'accusé d'un procès équitable. 147. Dans la présente affaire, la Cour accepte, en l'absence d'une explication convaincante de la part du Gouvernement, que l'impossibilité de s'entretenir hors de la portée d'ouïe des autorités a concerné tous les contacts du requérant avec ses avocats. Elle considère que cette restriction, exercée tant lors de l'instruction préparatoire que lors du procès, a inévitablement empêché le requérant de

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parler à ses avocats en toute liberté et de leur poser des questions qui s'avéreraient importantes pour l'organisation de sa défense. Dès lors, les droits de la défense ont été grandement atteint. 148. La Cour observe à cet égard que le requérant avait déjà fait des dépositions avant de s'entretenir avec ses avocats, et en a fait d'autres, lors des audiences devant la cour de sûreté de l'Etat après les avoir consultés. La concordance de toutes ces dépositions était primordiale pour sa défense contre les accusations graves dont il devait répondre. Dès lors, la Cour considère que le requérant avait besoin de s'entretenir avec ses avocats hors de portée d'ouïe de tiers. 149. Quant à la nécessité d'assurer la sécurité du requérant, invoquée par le Gouvernement afin d'expliquer la surveillance des rencontres entre le requérant et ses avocats, la Cour observe que ces derniers étaient mandatés par l'intéressé lui-même et qu'il n'existait pas de raisons de les soupçonner de constituer une menace pour la vie de leur client. Les avocats ne pouvaient voir le requérant qu'après avoir été fouillés plusieurs fois. Une simple surveillance visuelle de la part des fonctionnaires de la prison, accompagnée par d'autres mesures, aurait été suffisante afin d'assurer la sécurité du requérant. 150. Il échet d'écarter aussi l'argument du Gouvernement selon lequel le requérant ne s'est pas plaint personnellement devant la cour de sûreté de l'Etat de n'avoir pu consulter ses avocats en privé. La Cour rappelle que la renonciation à l'exercice d'un droit garanti par la Convention doit se trouver établie de manière non équivoque (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Pfeifer et Plankl précité, p. 16, § 37). Or la Cour constate que les avocats du requérant se sont effectivement plaints devant la cour de sûreté de l'Etat des difficultés qu'ils avaient rencontrées lors des entretiens avec leur client (paragraphe 37 ci-dessus). 151. Dès lors, la Cour considère que l'impossibilité pour le requérant de s'entretenir avec ses avocats hors de portée d'ouïe des agents des forces de l'ordre a porté atteinte à ses droits de la défense que lui garantit l'article 6 § 3 c). iii. Le nombre et la durée des visites de ses conseils au requérant

152. La Cour note qu'après les deux premières visites de ses avocats, à un intervalle de deux semaines environ, les contacts du requérant avec ceux-ci ont été limités à deux visites par semaine, d'une durée d'une heure chacune. 153. La Cour rappelle que l'article 6 § 3 c) reconnaît à tout accusé le droit de « se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur (...) », mais il n'en précise pas les conditions d'exercice. Il laisse ainsi aux Etats contractants le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de le garantir, la tâche de la Cour consistant à rechercher si la voie qu'ils ont empruntée cadre avec les exigences d'un procès équitable (arrêt Quaranta c. Suisse, 24 mai 1991, série A no 205, p. 16, § 30). A cet égard, il ne faut pas oublier que la Convention a pour but de « protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs », et que la nomination d'un conseil n'assure pas à elle seule l'effectivité de l'assistance qu'il peut procurer à l'accusé (arrêt Artico c. Italie du 13 mai 1980, série A no 37, p. 16, § 33). La Cour souligne aussi que les modalités d'application de l'article 6 §§ 1 et 3 c) durant l'instruction dépendent des particularités de la procédure et des circonstances de la cause ; pour savoir si le résultat voulu par l'article 6 – un procès équitable – a été atteint, il échet de prendre en compte l'ensemble des procédures internes dans l'affaire considérée (arrêt Imbrioscia c. Suisse précité, p. 14, § 38). 154. La Cour observe qu'en l'espèce, les accusations portées contre le requérant s'étendaient à de nombreux actes de violence perpétrés par une organisation illégale armée, qu'on lui reprochait d'être le chef de cette organisation et le principal instigateur de ses actes. La Cour note aussi que la présentation de ces accusations, qui étaient d'une grande complexité, a donné lieu à un dossier exceptionnellement volumineux (paragraphe 32 ci-dessus). Afin de préparer sa défense contre ces accusations, le requérant avait besoin, selon la Cour, de l'assistance d'un défenseur qui soit d'une efficacité en rapport avec la complexité de l'affaire. La Cour considère que le rythme de deux fois une heure par semaine imposé au requérant pour s'entretenir avec ses avocats, dans le cadre d'un procès d'une telle portée, était une restriction qui n'était pas

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justifiée dans les circonstances particulières de l'affaire. 155. Quant à l'argument du Gouvernement selon lequel les visites ont eu lieu selon les fréquences et les horaires des navettes entre l'île d'Imrali et la côte, la Cour estime que l'on peut comprendre que le Gouvernement ait choisi de détenir le requérant dans une prison sur une île loin de la côte, pour les raisons de sécurité exceptionnelles liées à cette affaire. Elle considère que la limite de deux visites d'une heure par semaine est plus difficilement justifiable. La Cour note en effet que le Gouvernement n'explique pas pourquoi les autorités n'ont pas permis aux avocats de rendre visite à leur client plus fréquemment et pourquoi elles n'ont pas mis à leur disposition des moyens de transport plus adéquats, ce qui aurait prolongé largement la durée de chaque visite. Or, pareilles mesures relèveraient en effet de la « diligence » que les Etats contractants doivent déployer pour assurer la jouissance effective des droits garantis par l'article 6 (arrêt Colozza précité, p. 15, § 28). 156. Pour ce qui est de l'argumentation du Gouvernement selon lequel les avocats du requérant organisaient des conférences de presse après chaque visite et se comportaient comme les porte-parole du PKK, la Cour estime que pareille éventualité ne saurait justifier la restriction litigieuse, les droits de la défense ne pouvant être limités pour des raisons qui ne concernent pas directement le procès. En outre, il n'est pas démontré devant la Cour qu'un quelconque reproche ait été formulé au plan interne à l'encontre des avocats du requérant pour avoir agi en qualité de porte-parole du PKK. 157. Par conséquent, la Cour estime que la limitation du nombre et de la durée des entretiens du requérant avec ses avocats est l'un des éléments qui ont rendu difficile la préparation de sa défense, contrairement aux dispositions de l'article 6 de la Convention. b) Accès du requérant au dossier 158. La Cour relève d'emblée qu'il n'est pas contesté que les autorités pénitentiaires n'ont pas autorisé les avocats du requérant à lui fournir copie des documents du dossier, sauf l'acte d'accusation qui lui avait été officiellement notifié. C'est seulement lors de l'audience du 2 juin 1999 que la cour de sûreté de l'Etat a permis au requérant de consulter le

dossier sous la surveillance de deux greffiers et à ses avocats de lui transmettre copie de certains documents. 159. En l'espèce, il y a lieu de rechercher si l'impossibilité pour le requérant d'obtenir, jusqu'au 2 juin 1999, la communication des pièces versées au dossier, à l'exception de l'acte d'accusation, ont enfreint les droits de la défense garantis par l'article 6 § 1 combiné avec ceux consacrés par l'article 6 § 3 (voir, entre autres, l'arrêt Pullar c. Royaume-Uni du 10 juin 1996, Recueil 1996-III, p. 796, § 45). La Cour réaffirme à cet égard que, selon le principe de l'égalité des armes – l'un des éléments de la notion plus large de procès équitable –, chaque partie doit se voir offrir la possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de désavantage par rapport à son adversaire. Dans ce contexte, la Cour attribue une importance aux apparences autant qu'à la sensibilité accrue aux garanties d'une bonne justice (voir, notamment, l'arrêt Bulut c. Autriche du 22 février 1996, Recueil 1996-II, pp. 380-381, § 47). 160. En l'espèce, trois éléments semblent essentiels à la Cour. En premier lieu, le raisonnement suivi par la Cour dans les affaires Kamasinski et Kremzow et invoqué par le Gouvernement, d'après lequel il n'est pas incompatible avec les droits de la défense de limiter à l'avocat d'un accusé l'accès au dossier de la juridiction saisie (arrêts Kremzow c. Autriche du 21 septembre 1993, série A no 268-B, p. 42, § 52 ; et Kamasinski c. Autriche du 19 décembre 1989, série A no 168, p. 39, § 88) ne saurait jouer en l'espèce. Afin que ce principe soit applicable, il faut que les éléments de preuve soient soumis à l'accusé avant les débats litigieux et qu'il puisse, par l'intermédiaire de son avocat, formuler des observations à leur sujet en plaidoirie (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Kremzow c. Autriche précité, p. 44, § 63). Tout au contraire, en l'espèce, le requérant n'a pu examiner personnellement, avant les audiences, les éléments de preuve présentés par l'accusation à son encontre. Ses avocats, lorsqu'ils ont formulé leurs commentaires sur ces éléments de preuve, n'avaient pas recueilli les observations de leur client issues d'un examen direct. Le fait que le requérant a été autorisé le 2 juin 1999 à consulter le dossier sous la surveillance de

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deux greffiers était loin de remédier à cette situation, vu le volume considérable des documents concernés et le peu de temps qui restait à l'intéressé. 161. En outre, le requérant, de par la position qu'il occupait dans le mouvement armé en question, le PKK, était l'une des principales personnes en mesure d'évaluer, du point de vue de sa défense, la pertinence de nombreux éléments de preuve présentés par le parquet. Sur la question de savoir qui était responsable, au sein du PKK, de quels actes et dans quelle mesure, le requérant était nettement mieux placé et mieux informé que ses conseils. Il échet de noter que le parquet reprochait au requérant l'entière responsabilité morale de plusieurs centaines d'actes de violence dont le requérant n'était pas l'auteur matériel. On peut raisonnablement avancer que par un examen direct et suffisant des pièces à conviction, il aurait pu déceler des éléments utiles pour sa défense autres que ceux présentés par ses conseils seuls. 162. Enfin, le grand nombre et le volume important des pièces, et la limitation du nombre et de la durée des visites de ses avocats, ont pu empêcher ces derniers de lui faire part de leur analyse quant à la portée de tous ces éléments de preuve. 163. La Cour estime donc que le fait que le requérant n'a pas bénéficié d'un accès approprié aux documents du dossier, à part l'acte d'accusation, a aussi contribué à compliquer la préparation de sa défense, au mépris des dispositions de l'article 6 § 1 combinées avec celles du paragraphe 3 b). c) Accès des avocats au dossier du procès 164. Il est contesté devant la Cour que les conseils du requérant ont eu un accès suffisant au dossier du procès pour assurer convenablement la défense de leur client. Le requérant met l'accent sur la non-transmission d'une copie du dossier à ses avocats lors de la notification de l'acte d'accusation, l'extrême rapidité du procès, le volume exceptionnellement important du dossier de l'affaire, les problèmes pour faire des photocopies ainsi que les difficultés pratiques occasionnées par les mesures spéciales de sécurité. En revanche, le Gouvernement estime que les avocats du requérant ont obtenu copie de tous les documents du dossier qu'ils

estimaient utiles pour la préparation de la défense. La Cour est donc invitée à établir si en l'espèce, l'accès des avocats du requérant aux pièces du dossier a été restreint ou non, formellement ou en pratique et, dans l'affirmative, si ces restrictions ont affecté l'équité de la procédure en cause. 165. La Cour observe que l'acte d'accusation a été notifié au requérant et à ses avocats le 24 avril 1999. Le dossier du procès a été mis à la disposition des conseils du requérant le 7 mai 1999, sans toutefois qu'une copie en ait été fournie. Les avocats du requérant ont terminé de photocopier les documents le 15 mai 1999. Ils étaient en possession de l'ensemble du dossier de l'affaire à partir de cette dernière date. Deux semaines plus tard, le 31 mai 1999, les audiences devant la cour de sûreté de l'Etat ont débuté. Les conseils du requérant ont été invités à présenter, lors de la huitième audience sur le fond tenue le 23 juin 1999, leurs conclusions finales en réponse au réquisitoire du parquet. 166. La Cour rappelle que le principe de l'égalité des armes constitue un élément de la notion plus large de procès équitable, qui englobe aussi le droit fondamental au caractère contradictoire de la procédure pénale. Le droit à un procès pénal contradictoire implique, pour l'accusation comme pour la défense, la faculté de prendre connaissance des observations ou éléments de preuve produits par l'autre partie, ainsi que de les discuter. La législation nationale peut remplir cette exigence de diverses manières, mais la méthode adoptée par elle doit garantir que la défense jouisse d'une possibilité véritable de commenter les accusations (arrêt Brandstetter c. Autriche du 28 août 1991, série A no 211, p. 27, §§ 66-67). La Cour rappelle aussi avoir considéré que, pour les besoins de l'article 6 de la Convention, une période de trois semaines suffisait pour permettre au requérant et à son avocat de rédiger leur réplique contre un document de quarante-neuf pages (arrêt Kremzow c. Autriche précité, p. 42, § 48). 167. Dans la présente affaire, la Cour observe que les avocats du requérant ont reçu un dossier de 17 000 pages environ deux semaines avant le commencement des débats devant la cour de sûreté de l'Etat. Eu égard à l'impossibilité de communiquer les documents

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du dossier à leur client avant le 2 juin 1999 et d'obtenir sa contribution dans l'examen et l'appréciation du contenu du dossier en raison des limitations imposées au nombre et à la durée de leurs visites, les avocats du requérant se sont trouvés dans une situation particulièrement difficile pour la préparation de la défense. La suite de la procédure n'a pas permis de pallier ces difficultés : le procès s'est poursuivi à un rythme soutenu ; les audiences, qui ont duré jusqu'au 8 juin 1999, se sont déroulées sans interruption ; le 23 juin 1999, les avocats du requérant étaient invités à présenter leurs conclusions sur tous les éléments du dossier, y compris sur les preuves recueillies lors des audiences. 168. La Cour considère que l'accès tardif des avocats du requérant au dossier, ajouté aux autres difficultés rencontrées par la défense et détaillées ci-dessus (paragraphes 143, 151, 157 et 163), a rendu difficile l'usage des droits de la défense que l'article 6 reconnaît à l'accusé (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Magee précité, §§ 44-45). C. Conclusion de la Cour quant à l'article 6 169. La Cour constate en conséquence que le requérant n'a pas été jugé par un tribunal indépendant et impartial, ni assisté par ses avocats lors de son interrogatoire durant la garde à vue, qu'il n'a pu communiquer avec eux hors de portée d'ouïe de tiers, qu'il a été dans l'impossibilité d'accéder directement au dossier jusqu'à un stade très avancé de la procédure, que des restrictions ont été imposées au nombre et à la durée des visites de ses avocats, et que ceux-ci n'ont eu un accès approprié au dossier que tardivement. La Cour considère que l'ensemble de ces difficultés a eu un effet global tellement restrictif sur les droits de la défense que le principe du procès équitable, énoncé à l'article 6, a été enfreint. Il y a donc eu violation de l'article 6 § 1 combiné avec l'article 6 § 3 b) et c). 170. Quant aux autres griefs soulevés au regard de l'article 6 de la Convention, la Cour estime avoir déjà répondu à l'essentiel des doléances portant sur la procédure suivie contre le requérant devant les juridictions internes. Elle considère donc qu'il ne s'impose pas d'examiner les autres griefs tirés de l'article 6 relativement à l'équité de la procédure. »

Articles 2, 3 et 14 de la Convention (peine de mort) Le requérant soutient que le fait d’infliger et/ou d’appliquer la peine de mort emporte violation de l’article 2 – qu’il convient d’interpréter comme n’autorisant plus la peine capitale – et constitue une peine inhumaine et dégradante au sens de l’article 3 de la Convention. Il allègue également que son exécution serait discriminatoire, et donc contraire à l’article 14. Question préliminaire A. Question préliminaire 172. Dans ses observations complémentaires du 19 septembre 2002, le Gouvernement a informé la Cour que la Constitution avait été modifiée de sorte que la peine de mort ne pouvait plus être ordonnée ou appliquée autrement qu'en temps de guerre ou de danger imminent de guerre ou qu'à titre de sanction d'actes de terrorisme, et que la Grande Assemblée nationale de Turquie avait aboli la peine capitale par la loi no 4771, entrée en vigueur le 9 août 2002. Cette loi prévoit l'abolition de la peine capitale en temps de paix, en apportant des modifications notamment au code pénal (paragraphes 7 et 47 ci-dessus). En outre, la peine de M. Öcalan a par la suite été commuée en réclusion à perpétuité par la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara, laquelle estima que les infractions reprochées au requérant et réprimées par l'article 125 du code pénal avaient été commises en temps de paix et constituaient des actes de terrorisme. De l'avis du Gouvernement, les griefs présentés par le requérant sous l'angle de l'article 2 de la Convention doivent à présent être déclarés irrecevables du fait de l'abolition de la peine de mort en Turquie. 173. Le requérant allègue en réponse que la Cour doit néanmoins poursuivre son examen des questions soulevées sur le terrain de l'article 2. En effet, le risque que la peine capitale lui soit appliquée n'a pas totalement disparu, étant donné, notamment, que la commutation de peine fait l'objet d'un recours (paragraphe 47 ci-dessus). 174. La Cour peut, certes, déclarer une requête irrecevable à tout stade de la procédure en application de l'article 35 § 4 de la

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Convention. Toutefois, en l'espèce, le requérant a été condamné à mort et est détenu depuis plus de trois ans en isolement, attendant que l'on décide de son sort. Jusqu'à récemment (paragraphes 5 et 47 ci-dessus), on pouvait craindre que la sentence fût appliquée. En outre, le grief de l'intéressé ne porte pas uniquement sur l'exécution, mais également sur le prononcé même de la peine capitale. En conséquence, la Cour juge plus approprié d'examiner au fond les questions soulevées par la peine de mort. Partant, elle rejette l'exception soulevée par le Gouvernement. » Fonds 2. Appréciation de la Cour a) Sur l'application de la peine de mort 184. La Cour rappelle l'argument du Gouvernement selon lequel le requérant ne risque plus d'être exécuté. Dans une lettre du 19 septembre 2002 adressée à la Cour, le Gouvernement déclare qu'« il n'est plus possible d'exécuter la condamnation à mort d'Abdullah Öcalan, confirmée par la Cour de cassation turque dans l'arrêt qu'elle a rendu le 22 novembre 1999 » (paragraphe 47 ci-dessus). La Cour relève que la peine de mort a été abolie en Turquie (ibidem). En outre, la peine du requérant a été commuée en réclusion à perpétuité (ibidem). De surcroît, l'action devant la Cour constitutionnelle contestant la constitutionnalité de la législation qui abolit la peine capitale a été rejetée (ibidem). Dès lors, la Cour estime que toute menace d'application de la peine de mort a effectivement disparu. 185. Certes, une autre action judiciaire contestant la commutation de peine est toujours pendante devant les juridictions turques. L'arrêt rendu le 3 octobre 2002 par la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara a fait l'objet d'un recours présenté par deux syndicats, qui soutenaient que la situation créée par les activités du PKK dans le Sud-Est de la Turquie devaient s'analyser en une situation de guerre (paragraphe 47 ci-dessus). Toutefois, eu égard à l'évolution décrite ci-dessus ainsi qu'aux déclarations formulées par le Gouvernement dans sa lettre à la Cour du 19 septembre 2002, on ne peut plus prétendre, nonobstant le recours susmentionné, qu'il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risque d'être exécuté. A cet égard, il faut également garder à

l'esprit que la Turquie est à présent signataire du Protocole no 6 (paragraphe 55 ci-dessus), et qu'en cette qualité, elle est tenue de ne pas appliquer la peine capitale en raison de l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article 18 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités de « s'abstenir d'actes qui priveraient [ledit Protocole] de son objet ou de son but ». 186. Dans ces conditions, les griefs soulevés par le requérant au regard des articles 2, 3 et 14 concernant l'application de la peine de mort doivent être rejetés. Dès lors, il n'y a pas eu violation de ces dispositions à cet égard. b) Sur le prononcé de la peine de mort 187. Il reste à déterminer si la condamnation à mort, en soi, a emporté violation de la Convention. i. Quant à l'article 2 188. La Cour estime d'emblée qu'aucune question distincte ne se pose à cet égard sur le terrain de l'article 2 et préfère examiner ce point sous l'angle de l'article 3. ii. Quant à l'article 3 lu à la lumière de l'article 2 *) Portée juridique de la pratique des Etats contractants concernant la peine de mort 189. La Cour rappelle que la Convention doit se comprendre comme un tout et qu'il y a lieu de lire l'article 3 en harmonie avec l'article 2. S'il faut interpréter l'article 2 comme autorisant la peine capitale, nonobstant l'abolition presque complète de celle-ci en Europe, on ne saurait affirmer que l'article 3 inclue une interdiction générale de la peine de mort, car le libellé clair de l'article 2 § 1 s'en trouverait réduit à néant (arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A no 161, p. 40, § 103). En conséquence, la Cour doit d'abord répondre aux observations du requérant, qui affirme que la pratique des Etats contractants en la matière peut passer pour témoigner de leur accord pour abroger l'exception prévue par la deuxième phrase de l'article 2 § 1, laquelle autorise explicitement la peine capitale dans certaines conditions. 190. La Cour rappelle qu'il ne faut pas perdre de vue le caractère spécifique de traité de garantie collective des droits de l'homme que revêt la Convention, et que celle-ci ne saurait s'interpréter dans le vide. Elle doit autant que faire se peut s'interpréter de manière à se concilier avec les autres règles de droit

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international dont elle fait partie intégrante (voir, mutatis mutandis, les arrêts Al–Adsani c. Royaume-Uni [GC], no 35763/97, § 55, CEDH 2001-XI, et Loizidou c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2231, § 43). La Cour doit cependant se pencher d'abord sur les questions d'interprétation et d'application des dispositions de la Convention soulevées en l'espèce. 191. Elle rappelle qu'elle a admis dans l'affaire Soering c. Royaume-Uni qu'une pratique établie au sein des Etats membres pourrait donner lieu à une modification de la Convention. Dans cette affaire, la Cour a jugé qu'une pratique ultérieure en matière de politique pénale nationale, sous la forme d'une abolition généralisée de la peine capitale, pourrait témoigner de l'accord des Etats contractants pour abroger l'exception ménagée par l'article 2 § 1, donc pour supprimer une limitation explicite aux perspectives d'interprétation évolutive de l'article 3 (arrêt précité, § 103). Elle a toutefois estimé que le Protocole no 6 montrait que les Parties contractantes, pour instaurer l'obligation d'abolir la peine capitale en temps de paix, avaient voulu agir par voie d'amendement, selon la méthode habituelle, et, qui plus est, au moyen d'un instrument facultatif laissant à chaque Etat le choix du moment où il assumerait pareil engagement. La Cour a donc conclu que l'article 3 ne saurait s'interpréter comme prohibant en principe la peine de mort (ibidem, §§ 103-104). 192. Le requérant conteste le point de vue adopté par la Cour dans l'arrêt Soering. A titre principal, il prétend que ce raisonnement est vicié puisque le Protocole no 6 ne représente qu'un des moyens par lesquels la pratique des Etats peut être mesurée et qu'il est avéré que l'ensemble des Etats membres du Conseil de l'Europe ont, de facto ou de jure, totalement aboli la peine de mort pour tous les délits et en toutes circonstances. Il soutient que d'un point de vue doctrinal, rien ne s'oppose à ce que les Etats abolissent la peine de mort à la fois en suivant une pratique abrogative du droit d'invoquer la seconde phrase de l'article 2 § 1 et en reconnaissant formellement ce processus par la ratification du Protocole no 6. 193. La Cour rappelle que la Convention est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions de vie actuelles, et que le niveau

d'exigence croissant en matière de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique, parallèlement et inéluctablement, une plus grande fermeté dans l'appréciation des atteintes aux valeurs fondamentales des sociétés démocratiques (arrêt Selmouni c. France du 28 juillet 1999, Recueil 1999-V, § 101). 194. Elle réaffirme que, pour déterminer s'il faut considérer un traitement ou une peine donnés comme inhumains ou dégradants aux fins de l'article 3, elle ne peut pas ne pas être influencée par l'évolution et les normes communément acceptées de la politique pénale des Etats membres du Conseil de l'Europe dans ce domaine (arrêt Soering précité, p. 40, § 102). En outre, les notions de traitements et peines inhumains et dégradants ont considérablement évolué depuis l'entrée en vigueur de la Convention en 1950 et, du reste, depuis l'arrêt que la Cour a rendu dans l'affaire Soering en 1989. 195. De même, la Cour observe que le traitement juridique de la peine de mort a considérablement évolué depuis qu'elle s'est prononcée sur l'affaire Soering. D'une abolition de fait dans vingt-deux Etats contractants constatée dans cette affaire en 1989, on est passé à une abolition de jure dans quarante-trois des quarante-quatre Etats contractants – notamment, très récemment, dans l'Etat défendeur – et à un moratoire dans le dernier pays qui n'a pas encore aboli cette peine, à savoir la Russie. Cet abandon pratiquement total en Europe de la peine de mort en temps de paix se traduit par la signature du Protocole no 6 par l'ensemble des Etats membres et par la ratification de ce Protocole par quarante et un d'entre eux, la Turquie, l'Arménie et la Russie excepté. En témoigne également la politique du Conseil de l'Europe, qui exige des nouveaux Etats membres, comme condition préalable à leur admission dans l'Organisation, qu'ils s'engagent à abolir la peine capitale. Du fait de cette évolution, les territoires relevant de la juridiction des Etats membres du Conseil de l'Europe forment à présent une zone exempte de la peine de mort. 196. Il est tout à fait possible de considérer que cette franche tendance traduit à présent un accord des Etats contractants pour abroger, ou du moins modifier, la deuxième phrase de l'article 2 § 1, particulièrement lorsque l'on

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tient compte du fait que tous les Etats contractants ont déjà signé le Protocole no 6 et que quarante et un d'entre eux l'ont ratifié. On peut se demander s'il est nécessaire d'attendre la ratification du Protocole no 6 par les trois Etats membres restants pour conclure que l'exception relative à la peine de mort prévue à l'article 2 § 1 a été substantiellement modifiée. Eu égard à la convergence de tous ces éléments, on peut dire que la peine de mort en temps de paix en est venue à être considérée comme une forme de sanction inacceptable, voire inhumaine, qui n'est plus autorisée par l'article 2. 197. Tout en exprimant cette idée, la Cour garde à l'esprit l'ouverture à la signature du Protocole no 13 à la Convention, qui donne à penser que les Etats contractants ont choisi de poursuivre leur politique d'abolition selon la méthode habituelle, c'est-à-dire par voie d'amendement du texte de la Convention. Toutefois, ce Protocole cherche à étendre l'interdiction de la peine de mort en prévoyant son abolition en toutes circonstances – c'est-à-dire aussi bien en temps de paix qu'en temps de guerre. Ce pas ultime vers l'abolition totale de la peine de mort peut être vu comme la confirmation de la tendance abolitionniste établie par la pratique des Etats contractants. Elle ne va pas nécessairement à l'encontre de la thèse selon laquelle l'article 2 a été amendé en tant qu'il autorise la peine de mort en temps de paix. 198. Pour la Cour, on ne saurait exclure, à la lumière de l'évolution en la matière, que les Etats sont convenus, par leur pratique, d'amender la deuxième phrase de l'article 2 § 1 dans la mesure où cette disposition autorise la peine de mort en temps de paix. Dans ces conditions, on peut tout aussi bien prétendre que l'exécution de la peine de mort doit être considérée comme un traitement inhumain et dégradant contraire à l'article 3. Toutefois, il est inutile que la Cour parvienne à une conclusion définitive sur ce point puisque, pour les raisons suivantes, il serait contraire à la Convention, même si l'article 2 de celle-ci devait être interprété comme autorisant toujours la peine de mort, d'exécuter une telle peine à l'issue d'un procès inéquitable. *) Procédure inéquitable et peine de mort 199. Pour la Cour, les attitudes qui ont actuellement cours au sein des Etats

contractants vis-à-vis de l'abolition de la peine de mort, telles qu'elles ressortent de l'analyse exposée ci-dessus, doivent être prises en compte lorsqu'on en vient à examiner la compatibilité d'une sentence capitale avec les articles 2 et 3. Ainsi qu'elle l'a dit ci-dessus, elle se fondera sur l'hypothèse que la peine de mort est autorisée dans certaines circonstances. 200. Comme elle l'a déjà souligné à propos de l'article 3, la manière dont la peine de mort est prononcée ou appliquée, la personnalité du condamné ou une disproportion à la gravité de l'infraction, ainsi que les conditions de la détention vécue dans l'attente de l'exécution, figurent parmi les éléments de nature à faire tomber sous le coup de l'article 3 le traitement ou la peine subis par l'intéressé (arrêt Soering précité, p. 41, § 104). 201. Puisque l'article 2, qui garantit le droit à la vie, se place parmi les articles primordiaux de la Convention – l'un de ceux auxquels aucune dérogation ne saurait être autorisée en temps de paix en vertu de l'article 15 – et consacre l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l'Europe, il faut donc en interpréter les dispositions de façon étroite (voir, mutatis mutandis, l'arrêt McCann c. Royaume-Uni du 27 septembre 1995, série A no 324, pp. 45-46, § 147) ; la même remarque vaut a fortiori pour la deuxième phrase de l'article 2. 202. Quand bien même l'article 2 autoriserait-il encore aujourd'hui la peine de mort, la Cour estime qu'il est interdit d'infliger la mort de façon arbitraire en vertu de la peine capitale. Cela découle de l'exigence que « le droit de toute personne à la vie [soit] protégé par la loi ». Un acte arbitraire ne saurait être régulier au regard de la Convention (arrêt Bozano précité, §§ 54 et 59). 203. Il découle également de l'exigence contenue dans l'article 2 § 1 que la mort ne peut être donnée qu'en vertu de « l'exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal », et que le « tribunal » qui inflige cette peine doit être un tribunal indépendant et impartial au sens de la jurisprudence de la Cour (arrêts Incal c. Turquie (précité), Çiraklar (précité), Findlay c. Royaume-Uni du 25 février 1997, Recueil 1997-I, et Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A no 154) ; par ailleurs, les normes d'équité les plus strictes et les plus rigoureuses doivent être

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observées dans la procédure pénale tant en première instance qu'en appel. L'exécution de la peine capitale étant irréversible, ce n'est que par l'application de telles normes qu'une mort arbitraire et illégale peut être évitée (voir, à cet égard, la résolution 1984/50 de l'ECOSOC et les décisions du Comité des droits de l'homme des Nations unies, citées aux paragraphes 59 à 62 ci-dessus, ainsi que l'Avis consultatif OC-16/99 du 1er octobre 1999 de la Cour interaméricaine des Droits de l'Homme concernant « le droit à l'information sur l'assistance consulaire dans le cadre des garanties d'un procès équitable », §§ 135-136, et l'arrêt Hilaire, Constantine and Benjamin et al. v. Trinidad and Tobago, §§ 146-148, mentionnés aux paragraphes 63 et 64 ci-dessus). Enfin, l'exigence contenue dans l'article 2 § 1 selon laquelle la peine doit être « prévue par la loi » implique non seulement que la sentence ait une base légale en droit interne mais aussi que le critère de la qualité de la loi soit pleinement respecté, c'est-à-dire que la base légale doit être « accessible » et « prévisible » selon l'acception donnée à ces termes dans la jurisprudence de la Cour (Amann c. Suisse [GC], no 27798/95, § 56, CEDH 2000-II, et Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, § 52, CEDH 2000-V). 204. Il découle de l'interprétation de l'article 2 développée ci-dessus que l'exécution d'un condamné à mort qui n'a pas bénéficié d'un procès équitable n'est pas autorisée. 205. Il reste à examiner les implications de l'interprétation ci-dessus pour la question soulevée au regard de l'article 3 quant au fait de prononcer la peine de mort. 206. La conclusion ci-dessus sur l'interprétation à donner à l'article 2 en cas de procès inéquitable doit guider la Cour lorsqu'elle examine la question de l'infliction de la peine de mort en de telles circonstances. 207. Pour la Cour, prononcer la peine capitale à l'encontre d'une personne à l'issue d'un procès inéquitable équivaut à soumettre injustement cette personne à la crainte d'être exécutée. La peur et l'incertitude quant à l'avenir engendrées par une sentence de mort, dans des circonstances où il existe une possibilité réelle que la peine soit exécutée, doivent être sources d'une angoisse considérable chez l'intéressé. Ce sentiment d'angoisse ne peut être dissocié de l'iniquité de

la procédure qui a débouché sur la peine laquelle, considérant qu'une vie humaine est en jeu, devient illégale au regard de la Convention. Eu égard au rejet par les Parties contractantes de la peine capitale, qui ne passe plus pour avoir sa place dans une société démocratique, toute condamnation à mort en de telles circonstances doit, en soi, être tenue pour une forme de traitement inhumain. iii. Conclusion 208. La Cour relève qu'il y a un moratoire sur l'exécution de la peine de mort en Turquie depuis 1984 et qu'en l'espèce le gouvernement turc s'est conformé à la mesure provisoire ordonnée par la Cour en application de l'article 39 consistant à surseoir à l'exécution du requérant (paragraphe 5 ci-dessus). Elle prend acte en outre du fait que le dossier du requérant n'a pas été envoyé au Parlement pour que celui-ci approuve la condamnation à mort, comme l'exigeait alors la Constitution turque. 209. A cet égard, la Cour tient également compte de l'affaire Çinar c. Turquie (no 17864/91, déc. 5.9.94, D.R. 79, p. 5) dans laquelle la Commission a rejeté un grief de violation de l'article 3 dans une affaire où le requérant avait été condamné à mort en Turquie. Dans son raisonnement, la Commission a pris en compte le moratoire déjà ancien sur l'application de la peine de mort et a conclu dans les circonstances de cette affaire que le risque que la peine fût exécutée était illusoire. 210. La Cour n'est pas convaincue que l'on puisse parvenir à la même conclusion dans le cas de M. Öcalan. En effet, les antécédents politiques de celui-ci en tant que fondateur et dirigeant du PKK, engagé dans une campagne continue de violence ayant fait des milliers de victimes, en ont fait la personne la plus recherchée de Turquie. Sa singularité, par rapport aux autres personnes condamnées pour des crimes passibles de la peine de mort, se manifeste de manière évidente dans les conditions d'isolement strict dans lesquelles il est détenu. Eu égard à la notoriété du requérant, le fait qu'il a été condamné pour les crimes les plus graves réprimés par le code pénal turc et la controverse politique générale en Turquie – qui a précédé la décision d'abolir la peine de mort – sur la question de savoir s'il fallait l'exécuter, il ne fait aucun doute que le risque que la sentence soit appliquée était réel.

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En vérité, ce risque est le nud de la présente procédure jusques et y compris l'arrêt que voici, comme le prouve la décision de la Cour d'indiquer une mesure provisoire en vertu de l'article 39 (paragraphe 5 ci-dessus). Le risque a existé pendant plus de trois ans pendant la détention du requérant à Imrali, du 25 novembre 1999, date de l'arrêt rendu par la Cour de cassation confirmant la condamnation du requérant, jusqu'à l'arrêt récent de la Cour constitutionnelle du 27 décembre 2002 confirmant la validité de la loi abolissant la peine de mort. Après quoi, comme la Cour l'a constaté (paragraphe 184 ci-dessus), ce risque a pratiquement disparu. 211. La Cour rappelle ses conclusions concernant les griefs du requérant au regard de l'article 6 de la Convention. Elle a estimé que l'intéressé n'avait pas été jugé par un tribunal indépendant et impartial et qu'il y avait eu violation des droits de la défense au titre de l'article 6 § 1 combiné avec le paragraphe 3 b) et c), puisqu'il n'avait pas eu accès à un avocat pendant sa garde à vue, qu'il n'avait pas été en mesure de communiquer avec ses avocats hors de portée d'ouïe de fonctionnaires, que des restrictions avaient été imposées au nombre et à la durée des visites de ses avocats, qu'il n'avait pu consulter le dossier qu'à un stade avancé de la procédure et que ses avocats n'avaient pas eu suffisamment de temps pour prendre dûment connaissance du dossier (paragraphe 169 ci-dessus). 212. La peine capitale a donc été infligée au requérant à l'issue d'une procédure inéquitable qui ne saurait être jugée conforme aux stricts critères d'équité requis dans des affaires impliquant une condamnation à mort. En outre, l'intéressé a dû supporter les conséquences de cette condamnation pendant plus de trois ans. 213. Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut que le fait de prononcer la peine de mort à l'encontre du requérant à l'issue d'un procès inéquitable s'analyse en un traitement inhumain contraire à l'article 3. » Article 3 de la Convention (conditions de détention) 218. La Cour rappelle tout d'abord que l'article 3 consacre l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques (arrêt Soering précité, p. 34, § 88). Elle est

parfaitement consciente des énormes difficultés que rencontrent à notre époque les Etats pour protéger leur population de la violence terroriste. Cependant, même en tenant compte de ces facteurs, la Convention prohibe en termes absolus la torture ou les peines ou traitements inhumains ou dégradants, quels que soient les agissements de la victime. L'article 3 ne ménage aucune exception. Même l'article 15 de la Convention ne permet pas d'y déroger en temps de guerre ou en cas d'un autre danger national (arrêt Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p.1855, § 79). 219. Pour tomber sous le coup de l'article 3, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité dont l'appréciation dépend de l'ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge, de l'état de santé de la victime, etc. (voir, par exemple, l'arrêt Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A no 25, p. 65, § 162). De plus, la Cour, afin d'apprécier la valeur des éléments de preuve devant elle dans l'établissement des traitements contraires à l'article 3, se sert du critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable ». Une telle preuve peut résulter d'un faisceau d'indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants. Le comportement des parties lors de la recherche des preuves entre en ligne de compte dans ce contexte (ibidem, p. 65, § 161). 220. Selon la Cour, un traitement est « inhumain » au sens de l'article 3 notamment s'il a été appliqué avec préméditation pendant une longue durée, et s'il a causé soit des lésions corporelles, soit de vives souffrances physiques ou mentales (voir, entre autres, Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96, § 92, CEDH 2000-XI). En outre, en recherchant si une peine ou un traitement est « dégradant » au sens de l'article 3, la Cour examinera si le but était d'humilier et de rabaisser l'intéressé et si, considérée dans ses effets, la mesure a ou non atteint la personnalité de celui-ci d'une manière incompatible avec l'article 3 (arrêt Albert et Le Compte c. Belgique du 10 février 1983, série A no 58, p. 13, § 22). Pour qu'une arrestation ou une détention d'une personne dans le cadre d'une poursuite judiciaire soient dégradantes au sens de l'article 3, l'humiliation ou l'avilissement dont elles s'accompagnent

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doivent se situer à un niveau particulier et différer en tout cas de l'élément habituel d'humiliation inhérent à chaque arrestation ou détention (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Raninen c. Finlande du 16 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, p. 2821-2822, § 55). 221. Le port des menottes, l'un des types de traitement en cause en l'espèce, ne pose normalement pas de problème au regard de l'article 3 de la Convention lorsqu'il est lié à une arrestation ou une détention légale et n'entraîne pas l'usage de la force ou une exposition publique au-delà de ce qui est raisonnablement considéré comme nécessaire dans les circonstances de l'espèce. A cet égard, il importe par exemple de savoir s'il y a lieu de penser que l'intéressé opposera une résistance à l'arrestation, ou tentera de fuir, de provoquer blessure ou dommage. En outre, le caractère public du traitement ou le seul fait que l'intéressé soit humilié à ses propres yeux peuvent constituer des éléments pertinents à cet égard (arrêts Tyrer c. Royaume-Uni du 25 avril 1978, série A no 26, p. 16, § 32 et Raninen précité, p. 2822, § 56). 222. La Cour estime par ailleurs que le fait de bander les yeux d'un détenu, le rendant ainsi artificiellement aveugle pendant de longues périodes, réparties sur plusieurs jours, peut engendrer, combiné avec d'autres mauvais traitements, de fortes pressions psychologiques et physiques sur lui. Elle doit examiner l'effet de ce traitement dans les circonstances particulières de chaque affaire (voir, mutatis mutandis, Salman c. Turquie [GC], no 21986/93, § 132, CEDH 2000-VII). 223. Dans la présente affaire, la Cour observe que le requérant a dû porter des menottes dès son arrestation dans l'avion par les agents des forces de l'ordre turques jusqu'à son arrivée à la prison à l'île d'Imrali. Elle note également que le requérant était soupçonné d'être le chef d'un mouvement armé séparatiste, qui menait une lutte armée contre les forces de l'ordre en Turquie et qu'il était présumé dangereux. La Cour accepte, comme l'affirme le Gouvernement, que le port de menottes imposé au requérant comme l'une des mesures de sécurité prises pendant la phase d'arrestation n'avait pas d'autre but que de l'empêcher de tenter de fuir ou de causer blessure ou dommage à lui-même ou autrui.

224. En ce qui concerne le bandeau que le requérant a dû porter sur les yeux durant son voyage de Kenya en Turquie, la Cour observe que les membres des forces de l'ordre l'avaient mis dans le but d'éviter d'être reconnus par l'intéressé. Ils pensaient également pouvoir ainsi empêcher le requérant de tenter de s'évader ou de se blesser lui-même ou de blesser un tiers. Le requérant n'a pas été interrogé par les membres des forces de l'ordre lorsqu'il avait le bandeau sur les yeux. La Cour accepte l'explication du Gouvernement selon laquelle les membres des forces de l'ordre, en prenant cette précaution, ne visaient pas à humilier et rabaisser le requérant, mais avaient pour mission d'assurer le bon déroulement de son transfert, lequel, il faut l'admettre, nécessitait beaucoup de prudence et de précautions, vu la personnalité du requérant et les réactions qu'avait suscitées son arrestation. Le fait que le requérant a été photographié avec un bandeau sur les yeux dans l'avion qui le ramenait en Turquie ne change pas l'appréciation de la Cour sur ce point. Elle rappelle que l'arrestation du requérant avait donné lieu à des craintes pour sa vie et ces photos, prises pour les besoins de la police selon le Gouvernement, avaient servi à rassurer les personnes intéressées par le sort du requérant. La Cour note enfin que sur les photos prises en Turquie juste avant d'être transféré à la prison, le requérant ne porte pas de bandeau sur les yeux. 225. Selon le requérant, il a été mis sous l'effet de sédatifs durant son transfert de Kenya en Turquie. Il soutient que ces drogues lui ont été administrées soit à l'ambassade de Grèce à Nairobi avant de prendre l'avion, soit dans l'avion qui l'a ramené en Turquie. Le Gouvernement n'accepte pas la deuxième suggestion. La Cour note qu'aucun élément de preuve dans le dossier ne vient démontrer avec plus de précision que les agents des forces de l'ordre turques auraient administré des drogues au requérant. Considérant que le requérant semble pencher lui aussi vers l'hypothèse qu'il a été drogué avant de prendre l'avion de Nairobi pour la Turquie, la Cour estime que cette allégation quant aux agents turcs n'est pas établie. 226. La Cour observe aussi que le requérant a indiqué aux responsables du CPT, qui ont eu un entretien avec lui après sa garde à vue, qu'il

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n'avait pas subi de mauvais traitements lors de son transfert en Turquie et lors de sa garde à vue (paragraphe 27 ci-dessus). Par ailleurs, à l'audience du 31 mai 1999, le requérant s'est exprimé devant la cour de sûreté de l'Etat comme suit : « Depuis le jour de mon arrestation jusqu'à aujourd'hui, je n'ai été victime d'aucune torture, d'aucun mauvais traitement ou d'aucun propos dégradant. » Même si ces déclarations ne sont pas déterminantes à elles seules pour l'établissement des faits, compte tenu de la vulnérabilité du requérant qui était jugé à l'époque pour des infractions passibles de la peine de mort, elles vont dans le même sens que la thèse du Gouvernement. 227. Enfin, la Cour, au vu de la conformité de l'arrestation du requérant au droit turc, ne saurait retenir sa thèse selon laquelle son « enlèvement » à l'étranger pour ses opinions politiques constituait un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3. 228. Cela étant, la Cour considère qu'il n'est pas établi, par des preuves « au delà de tout doute raisonnable », que l'arrestation du requérant ainsi que les conditions de son transfert du Kenya en Turquie aient eu des effets dépassant l'élément habituel d'humiliation inhérent à chaque arrestation ou détention et aient atteint le degré minimum de gravité requis par l'article 3 de la Convention. Partant, il n'y a pas eu violation de cette disposition sur ce point. B. Les conditions de détention sur l'île d'Imrali 229. Toujours sous l'angle de l'article 3, le requérant soutient que les conditions de sa détention sur l'île d'Imrali sont inhumaines. A cet égard, il fait observer notamment que le fait qu'il est le seul détenu de la prison, les restrictions importantes apportées à ses contacts avec ses avocats, la détérioration de son état de santé en prison, les possibilités très limitées d'exercice physique dans son lieu de détention et les restrictions à l'accès aux médias constituent un traitement contraire à cette disposition de la Convention. 230. Quant aux conditions de détention sur l'île d'Imrali, le Gouvernement précise d'emblée que le requérant n'a jamais été placé en isolement cellulaire. Il a reçu la visite de

médecins, de ses avocats et des membres de sa famille. Photographies à l'appui, il affirme que l'intéressé se trouve dans une cellule convenablement équipée. Le Gouvernement fait de nouveau observer que le requérant a été jugé et condamné pour avoir été à la tête d'une grande organisation séparatiste armée, laquelle continue à le considérer comme son chef. Toutes les restrictions apportées aux visites d'avocat et aux communications téléphoniques visent à empêcher que le requérant continue à diriger l'organisation en cause à partir de son lieu de détention. 231. La Cour rappelle à cet égard, outre sa jurisprudence citée ci-dessus (paragraphes 218-220), que l'article 3 de la Convention impose à l'Etat de s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d'exécution de la mesure ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l'emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate, notamment par l'administration des soins médicaux requis (arrêt Kudla précité, § 94 ; Kalachnikov c. Russie (déc.) no 47095/99, § 95,CEDH 2001-XI). 232. La Cour rappelle aussi que l'isolement sensoriel complet combiné à un isolement social total peut détruire la personnalité et constitue une forme de traitement inhumain qui ne saurait se justifier par les exigences de la sécurité ou toute autre raison. En revanche, l'interdiction de contacts avec d'autres détenus pour des raisons de sécurité, de discipline et de protection ne constitue pas en elle-même une forme de peine ou traitement inhumains (voir, entre autres, Messina c. Italie (déc.), no 25498/94, CEDH 1999-V). 233. Pour ce qui est de la présente affaire, la Cour admet d'emblée que la détention du requérant pose d'extraordinaires difficultés aux autorités turques. Le requérant, chef d'un mouvement armé séparatiste de grande ampleur, est considéré comme le terroriste le plus dangereux de Turquie par les autorités turques. Les réactions suscitées par son arrestation et par son procès ont montré qu'un nombre très élevé de gens le haïssaient et

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souhaitaient sa mort. D'autres réactions suscitées par les mêmes événements ont également permis de constater qu'un nombre important de gens voyaient en la personne du requérant l'un des principaux dirigeants du mouvement pro-kurde. On peut raisonnablement prévoir que ces gens ne manqueront pas de tenter de faire évader le requérant de son lieu de détention. Dans ces conditions, la Cour comprend que les autorités turques aient dû prendre des mesures extraordinaires de sécurité afin de détenir le requérant : ce dernier est l'unique détenu d'une prison qui est le seul établissement sur une île loin de la côte. La Cour observe ensuite que, sans conteste, la cellule du requérant est dotée d'équipements qui ne souffrent aucune critique. Compte tenu des photos à sa disposition et aussi des constats effectués par les délégués du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), qui ont visité le lieu d'emprisonnement du requérant lors de leur mission en Turquie du 2 au 14 septembre 2001, la Cour note que la cellule qu'occupe seul le requérant est assez grande pour un détenu et dispose d'un lit, d'une table, d'un fauteuil et d'une bibliothèque. La cellule est également dotée d'une climatisation et d'un coin toilette et possède une fenêtre qui donne sur une cour interne. Selon la Cour, ces conditions ne soulèvent aucune question sous l'angle de l'article 3 de la Convention. 234. Pour ce qui est de l'isolement du requérant, la Cour observe que celui-ci ne saurait être considéré comme étant détenu en isolement sensoriel ou en isolement cellulaire. Il est vrai qu'il ne peut avoir des contacts qu'avec le personnel travaillant dans cet établissement pénitencier, puisqu'il y est le seul détenu. Le requérant dispose de livres, de journaux, et plus récemment, d'un poste de radio. Il n'a pas d'accès aux émissions télévisées ni au téléphone. En revanche, il reçoit les visites de médecins deux fois par jour et la visite de ses avocats une fois par semaine (ses avocats pouvaient le rencontrer deux fois par semaine lors de son procès). Hormis les difficultés pour accéder à la prison d'Imrali, il ne semble pas que les visites des parents du requérant fassent l'objet de restrictions. 235. La Cour prend note des recommandations du CPT selon lesquelles

l'isolement social relatif du requérant ne devrait pas durer trop longtemps et que les effets de cet isolement devraient être atténués par l'accès de l'intéressé à la télévision et aux communications téléphoniques avec ses avocats et ses proches parents. Cependant, la Cour tient aussi compte des préoccupations du Gouvernement selon lesquelles le requérant pourrait utiliser les communications avec l'extérieur pour reprendre contact avec des membres du mouvement armé séparatiste dont il était le chef. On ne saurait affirmer que ces craintes sont sans fondement. La Cour est également sensible aux inquiétudes du Gouvernement quant aux difficultés que poserait la protection de la vie du requérant dans une prison ordinaire. 236. Tout en partageant les soucis du CPT concernant les effets à long terme de l'isolement social imposé au requérant, la Cour considère que les conditions générales de la détention du requérant à la prison d'Imrali n'ont pas atteint le seuil minimum de gravité nécessaire pour constituer un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention. En conséquence, il n'y a pas eu violation de cette disposition de ce chef. Article 34 de la Convention (droit de recours individuel) Le requérant se plaint d’avoir été entravé dans l’exercice de son droit de recours individuel dans la mesure où le Gouvernement a omis de répondre à la demande de la Cour l’invitant à fournir des renseignements et où ses avocats à Amsterdam ne purent le contacter après son arrestation. Il allègue la violation de l’article 34 de la Convention. 239. La Cour est invitée à se prononcer sur la question de savoir si les deux faits signalés par le requérant ont réellement entravé l'exercice efficace de son droit de recours (voir, par exemple, l'arrêt Cruz Varas et autres c. Suède du 20 mars 1991, série A no 201, p. 37, § 104). 240. En ce qui concerne l'absence de communication entre le requérant et ses avocats à Amsterdam après son arrestation, la

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Cour note que ce fait ne l'a pas empêché de présenter ses griefs à la Cour. Un groupe de représentants composé des avocats choisis par le requérant, dont les avocats en question, saisirent la Cour par la suite et présentèrent toutes les allégations du requérant concernant la période à laquelle il n'avait pas de contact avec ses avocats (paragraphes 5-7). Rien n'établit donc que l'exercice du droit de recours individuel du requérant ait été gêné à un degré notable. 241. Quant à l'absence de réponse de la part du Gouvernement à la deuxième demande de renseignements de la Cour, qui portait sur les détails du procès engagé contre le requérant par un acte d'accusation demandant l'application de la peine de mort, la Cour note en premier lieu que son examen sur cet aspect de l'affaire a été quelque peu retardé en raison du refus du Gouvernement de fournir les renseignements sollicités jusqu'à la demande d'observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête. Cependant, la Cour estime que, dans les circonstances particulières de l'affaire et sans préjuger de son opinion sur la nature obligatoire des mesures provisoires prises en vertu de l'article 39 de son règlement, ce refus n'a pas emporté violation du droit de recours individuel du requérant pour les raisons suivantes : ultérieurement, dans le cadre de ses observations sur la recevabilité de la requête, le Gouvernement a fourni les renseignements demandés par la Cour (paragraphe 5). En outre, le refus en question du Gouvernement n'a pas empêché le requérant d'étayer ses griefs concernant les poursuites pénales dont il a fait l'objet. D'ailleurs, ces griefs, qui relèvent en principe de l'article 6 de la Convention, ont été examinés par la Cour, qui a conclu à une violation sur ces points (paragraphe 169). 242. La Cour rappelle également à cet égard que les renseignements demandés au Gouvernement concernaient l'équité de la procédure qui aurait pu aboutir à l'exécution de la peine capitale infligée au requérant. Comme elle l'a indiqué dans son analyse sur le terrain des articles 2 et 3 (paragraphes 184-185 ci-dessus), le risque que le requérant soit exécuté a en réalité disparu à la suite de l'abolition de la peine de mort en Turquie et de l'arrêt rendu le 27 décembre 2002 par la Cour constitutionnelle.

243. En conclusion, il n'y a pas eu violation de l'article 34 in fine. » Autres griefs Enfin, la Cour estime qu’il ne s’impose pas de statuer séparément sur les griefs relevant des articles 7, 8, 9, 10, 13, 14 et 18 de la Convention, pris isolément ou combinés avec les dispositions susmentionnées de la Convention.

La Chronique du procès équitable

ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ;

BIENS ; RESPECT DES BIENS ; JASIUNIENE c. LITUANIE

6 mars 2003

Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l’article 1 du Protocole n° 1

06/03/2003 n° 00041510/98 Violation de l'art. 6-1 ; Non-lieu à examiner l'art. 13 ; Violation de P1-1 en ce qui concerne la non-exécution ; Non-violation de P1-1 quant aux autres griefs Jurisprudence : Burdov c. Russie, arrêt du 7 mai 2002, n° 59498/00, §§ 34-35 et § 40, CEDH 2002-III ; Ex-roi de Grèce et autres c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], n° 25701/94, 28 novembre 2002, § 105 ; Hornsby c. Grèce, n° 18357/91, 19 mars 1997, § 40, CEDH 1997-II ; Polacek et Polackova c. the République tchèque décision [GC], n° 38645/97, 10 juillet 2002, §§ 61-70 La défunte mère de Stasë Jasiûnienë possédait une maison dans une station balnéaire de la mer Baltique. A la suite de l’occupation de la Lituanie par les Soviétiques en 1940, le terrain fut nationalisé puis la maison démolie dans les années soixante. Le conseil municipal de Palanga émit le 25 septembre 1992 une décision réintégrant la requérante et sa sœur dans leurs droits sur le terrain de leur mère. Cette décision ne fut toutefois pas mise en œuvre, et aucune indemnisation ne fut versée. En janvier 1995, la requérante engagea contre l’autorité locale une procédure en vue de récupérer le terrain. Le tribunal de district rejeta son action mais estima qu’elle aurait dû se voir proposer une autre parcelle de terrain à titre de réparation. Elle interjeta appel. Le tribunal régional cassa le jugement du tribunal

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de district le 3 avril 1996 et renvoya l’affaire devant l’autorité locale. La requérante refusa la parcelle de terrain qui lui était proposée en échange. Elle donna pour instructions à des huissiers de justice de procéder à l’exécution de l’arrêt du tribunal régional, mais ils ne furent pas en mesure de le faire. Le gouverneur de comté la prévint que si elle ne choisissait pas une autre parcelle, elle s’en verrait attribuer une d’autorité. Le 31 décembre 1997, elle se plaignit auprès du Premier ministre que les parcelles de terrain proposées se trouvaient à la périphérie de Palanga et étaient donc d’une valeur inférieure à celle que possédait sa mère. La requérante fut informée le 30 août 1999 qu’elle n’avait pas réussi à prouver que sa mère était propriétaire de la parcelle en cause et qu’aucune décision ne pourrait être prise en matière de réparation tant qu’une telle preuve n’aurait pas été apportée. La requérante alléguait que la nationalisation et la destruction de la propriété de sa défunte mère par les autorités soviétiques ainsi que le fait que les autorités lituaniennes ne lui aient pas restitué la propriété ni octroyé de réparation avaient emporté violation de l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété), pris isolément et combiné avec l’article 14 (interdiction de la discrimination). Elle se plaignait en outre que le défaut d’exécution de l’arrêt du tribunal régional du 3 avril 1996 avait enfreint les articles 6 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif). La Cour européenne des Droits de l’Homme réaffirme que le droit à un tribunal consacré par l’article 6 de la Convention serait illusoire s’il était possible qu’un jugement définitif ne soit pas exécuté, et ce au détriment d’une partie. Le tribunal régional n’a pas nié le bien-fondé de la revendication de la requérante à l’égard des biens, mais s’est borné à demander aux autorités de choisir la forme de réparation qu’elles allaient proposer à cette dernière. En n’exécutant pas l’arrêt de cette juridiction, les autorités lituaniennes ont privé l’article 6 § 1 de tout effet utile. Il y a donc eu violation de cette disposition. Il n’y a pas lieu de statuer sur le grief tiré de l’article 13 étant donné que les exigences de cette disposition sont englobées par celles de l’article 6 § 1.

La Cour indique qu’elle n’a pas compétence pour examiner le grief de la requérante tiré de la nationalisation du terrain et de la destruction de la maison de sa mère car il se rapporte à des événements antérieurs à la date d’entrée en vigueur de la Convention et du Protocole n° 1 à l’égard de la Lituanie. Il n’y a donc pas eu à ce titre violation de l’article 1 du Protocole n° 1, pris isolément ou combiné avec l’article 14 de la Convention. Pour ce qui est du grief de la requérante selon lequel elle n’a pu récupérer le terrain en cause à la suite de la restauration de l’Etat lituanien, la Cour répète que la Convention ne garantit pas en tant que tel le droit à la restitution de biens. L’espoir de voir renaître un droit de propriété éteint depuis longtemps ne saurait passer pour un « bien » aux fins de l’article 1 du Protocole n° 1. Il apparaît clairement que la requérante n’avait aucun espoir légitime de récupérer le terrain en vertu de la législation interne applicable et que les autorités étaient seulement tenues de lui fournir une réparation sous forme de terre ou d’argent. L’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention n’est donc pas applicable à ce grief. L’article 14 ne pouvant être invoqué isolément, il n’est pas non plus applicable. Il n’y a donc pas eu violation à ce titre de l’article 1 du Protocole n° 1, que ce soit isolément ou combiné avec l’article 14. Concernant la non-exécution par les autorités de l’arrêt du tribunal régional, la Cour répète qu’un droit peut passer pour un bien aux fins de l’article 1 du Protocole n° 1 s’il est suffisamment établi pour pouvoir être exécuté. L’arrêt du tribunal régional a reconnu à la requérante un droit exécutoire assimilable à un bien. L’impossibilité où elle s’est trouvée d’obtenir l’exécution de cet arrêt a donc constitué une ingérence dans son droit au respect de ses biens. Les autorités nationales ont empêché la requérante de recevoir la réparation qu’elle pouvait raisonnablement espérer obtenir et le Gouvernement n’a fourni aucune explication plausible pour justifier cette ingérence. Dès lors, la Cour dit à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention pour ce qui est de la non-exécution de l’arrêt du tribunal régional, et alloue à la requérante 9 000 euros (EUR) pour dommage matériel. Elle conclut toutefois que cette violation n’a pas provoqué de

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discrimination à l’encontre de l’intéressée. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Jasiûnienë v. Lithuania (no. 41510/98) Violation Article 1 of Protocol No. 1: The applicant, Stasë Jasiûnienë, is a Lithuanian national, born in 1923 and living in Palanga. Her late mother had owned a house in a tourist resort by the Baltic Sea. Following the Soviet occupation of Lithuania in 1940, the land was nationalised and the house demolished in the 1960s. The Palanga City Council gave a decision on 25 September 1992 restituting the rights of the applicant and her sister to their late mother’s land. The decision was not implemented, however, and no compensation was offered. In January 1995 the applicant brought proceedings against the local authority for recovery of the land. The District Court dismissed her action, but held that she should have been offered an alternative parcel of land in compensation. She appealed. The Regional Court quashed the District Court’s judgment on 3 April 1996 and referred the case back to the local authority. The applicant refused an offer of an alternative parcel of land. She instructed bailiffs to enforce the Regional Court’s judgment, but they were unable to do so. The County Governor warned her that if she did not choose an alternative parcel of land, she would be allotted one without her consent. On 31 December 1997 she complained to the Prime Minister that the alternative parcels of land on offer were located in the outskirts of Palanga and therefore of inferior value to her late mother’s plot. The applicant was informed on 30 August 1999 that she had failed to prove her mother’s ownership of the original plot and that no decision on compensation could be made until such proof was provided. The applicant alleged that the nationalisation and destruction of her late mother’s property by the Soviet authorities and the failure by the Lithuanian authorities to return it or award her compensation breached Article 1 of Protocol No. 1 (protection of property), taken alone and in conjunction with Article 14 (prohibition of discrimination). She complained, further, that the non-

enforcement of the Regional Court’s judgment of 3 April 1996 breached Articles 6 (right to a fair hearing) and 13 (right to an effective remedy). The European Court of Human Rights reiterated that the right to a court enshrined in Article 6 of the Convention would be illusory if a final binding judgment were allowed to remain inoperative to the detriment of one party. The Regional Court had not denied the merits of the applicant’s claim to the property, but merely required the authorities to choose the form of compensation to be made to her. By failing to execute that court’s judgment, the Lithuanian authorities had deprived Article 6 § 1 of the Convention of all useful effect. There had accordingly been a violation of that Article. It was unnecessary to rule on the complaint under Article 13 because the requirements of that provision were absorbed by those of Article 6 § 1. The Court pointed out that it had no power to examine the applicant’s complaint about the nationalisation of her late mother’s land and the destruction of her house because it related to events prior to the date of entry into force of the Convention and Protocol No. 1 with regard to Lithuania. There had therefore been no violation of Article 1 of Protocol No. 1, taken alone or in conjunction with Article 14 of the Convention, in that respect. In respect of the applicant’s complaint that she could not recover the land in kind following the re-establishment of the Lithuanian State, the Court reiterated that the Convention did not guarantee, as such, the right to restitution of property. The hope that a long-extinguished property right might be revived could not be regarded as a "possession" for the purposes of Article 1 of Protocol No. 1. It was clear that the applicant had no legitimate expectation of recovering the land under the applicable domestic legislation and that the authorities were only required to afford her compensation in the form of land or money. Article 1 of Protocol No. 1 to the Convention was therefore inapplicable to this complaint. As Article 14 could not be relied on in isolation, it did not apply either. There had therefore been no

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violation of Article 1 of Protocol No. 1, taken alone or in conjunction with Article 14. Regarding the authorities’ failure to enforce the Regional Court’s judgment, the Court reiterated that a claim could amount to a possession for the purposes of Article 1 of Protocol No. 1 if it was sufficiently established to be enforceable. The Regional Court’s judgment had provided the applicant with an enforceable claim amounting to a possession. Her inability to enforce that judgment constituted an interference with her right to peaceful enjoyment of her possession. The national authorities had prevented the applicant from obtaining the compensation she could reasonably have expected to receive and the Government had advanced no plausible justification for that interference. The European Court of Human Rights held unanimously that there had been a violation of Article 1 of Protocol No. 1 to the European Convention on Human Rights with regard to the non-enforcement of the Regional Court’s judgment and awarded the applicant 9,000 euros (EUR) for pecuniary damage. It did not, however, find that the applicant had been discriminated against on account of that violation. (The judgment is in English only.)

TRIBUNAL ETABLI PAR LA LOI ; PROCEDURE PENALE ; VICTIME

POSOKHOV c. RUSSIE 04/03/2003

Violation de l’article 6 § 1 Cour (deuxième section) n° 00063486/00 Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens - demande rejetée Articles 6-1 ; 34 ; 41 Jurisprudence : Amuur c. France, arrêt du 25 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, p. 846, § 36 ; Buscarini c. Saint-Marin (déc.), n° 31657/96, 4 mai 2000, non publié ; Dalban c. Roumanie [GC], n° 28114/95, § 44, CEDH 1999-VI ; E. c. Autriche, n° 10668/83, Commission décision du 13 mai 1987, Décisions et rapports 52, p. 177 Sergueï Vitalievitch Posokhov travaillait pour le service des douanes de Taganrog, où il supervisait au poste de douane d’un port le

dédouanement des biens importés. En 1996, des poursuites pénales furent ouvertes contre lui au motif qu’il aurait fait entrer en contrebande des quantités considérables de vodka. Le 22 mai 2000, le tribunal de district de Neklinovski, dans la région de Rostov, composé du juge Kink et de deux magistrats non professionnels (narodnye zasedateli), Mmes Streblianskaï a et Khoviakova, jugea le requérant coupable de complicité de non-paiement de droits de douane et d’abus d’autorité. Le requérant interjeta appel. Il contesta la composition de la juridiction qui avait rendu le jugement, en invoquant une atteinte aux règles de nomination des magistrats non professionnels. Il fit notamment valoir que, si la loi fédérale sur les magistrats non professionnels des tribunaux fédéraux de droit commun (la loi sur les magistrats non professionnels) autorisait ces derniers à être convoqués une fois par an pour une période maximale de 14 jours ou pour la durée nécessaire à une affaire donnée, Mmes Streblianskaï a et Khoviakova avaient agi en qualité de magistrat non professionnel en 2000 pendant 88 jours au moins avant son procès et, en outre, le mandat de Mme Streblianskaï a avait expiré. Le requérant vit rejeter ses recours, de même que ses deux demandes de contrôle juridictionnel (prineseniye protesta v poryadke nadzora), où il se plaignait aussi de ce que les noms des magistrats non professionnels n’avaient pas été tirés au sort comme l’exigeait la loi applicable. S’agissant de son grief antérieur relatif à la durée du mandat des magistrats non professionnels, le requérant fut informé que ledit mandat avait été prolongé par un décret présidentiel du 25 janvier 2000 dans l’attente de nouvelles nominations. Le 2 octobre 2001, le requérant fut informé que la liste des magistrats non professionnels du district de Neklinovski pour la période allant du 10 au 22 mai 2000 avait été établie le 4 février 2000. A la suite d’une demande de contrôle juridictionnel de l’affaire, le jugement du 22 mai 2000 fut annulé et l’affaire réexaminée. Le 2 juillet 2001, le tribunal de district de Neklinovski jugea le requérant coupable des

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mêmes infractions mais le dispensa de purger la peine car il y avait prescription. Ce jugement fut ensuite lui-même annulé à la suite d’une nouvelle demande de contrôle, au motif que les tribunaux n’étaient pas en mesure de statuer sur la culpabilité du requérant puisque l’ensemble de l’affaire était prescrite. Le 4 octobre 2002, l’autorité du district de Neklinovski informa le requérant qu’il n’existait aucune trace écrite de l’adoption de listes de magistrats non professionnels avant le 4 février 2000. Le requérant allègue avoir été condamné par un tribunal composé au mépris des dispositions pertinentes du droit interne. Il invoque l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial). Il s’est d’abord plaint de ce que les deux magistrats non professionnels avaient agi en cette qualité avant son procès pour un mandat supérieur à la durée maximale de 14 jours par an, contrairement à l’article 9 de la loi applicable, et que leurs noms n’avaient pas été tirés au sort, au mépris de l’article 5 de la loi. Par la suite, il s’est également plaint de l’absence de preuves établissant que les intéressées avaient jamais été nommées magistrats non professionnels, même avant l’adoption de la loi sur les magistrats non professionnels. La Cour européenne des Droits de l’Homme est particulièrement frappée par le fait que l’autorité du district de Neklinovski – l’organe chargé de la nomination des magistrats non professionnels – ait confirmé n’avoir aucune trace d’une liste de magistrats non professionnels nommés avant le 4 février 2000. L’autorité n’a donc fourni aucune justification juridique à la participation de Mmes Streblianskaï a et Khoviakova à l’administration de la justice le jour du procès du requérant, étant donné que la liste adoptée le 4 février 2000 n’a pris effet que le 15 juin 2000. Estimant que le tribunal de district de Neklinovski ne saurait passer pour un « tribunal établi par la loi », la Cour européenne des Droits de l’Homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 et alloue au requérant 500 euros pour préjudice moral. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)

Posokhov v. Russia (no. 63486/00) Violation Article 6 § 1 Sergey Vitalyevich Posokhov was born in 1966 and lives in Taganrog (Russia). Mr Posokhov worked for the Taganrog Customs Board, supervising the clearance of imported goods at a seaport customs post. In 1996 criminal proceedings were brought against him for the alleged smuggling of considerable amounts of vodka. On 22 May 2000, Neklinovskiy District Court of the Rostov Region, composed of Judge Kink and two lay judges (narodnye zasedateli), Ms Streblyanskaya and Ms Khovyakova, found the applicant guilty of being an accessory in the avoidance of customs duties and of abuse of office. However, the applicant was not required to serve his sentence, partly because of the expiry of a statutory limitation period and partly because of a 1997 amnesty law. In his appeal the applicant challenged the bench that had delivered the judgment, alleging a breach of the rules on the appointment of lay assessors. In particular, he submitted that, whereas the Federal Law on the Lay Judges of the Federal Courts of General Jurisdiction (the Lay Judges Act) allowed lay judges to be called once a year for a maximum period of 14 days, or for as long as a specific case lasted, Ms Streblyanskaya and Ms Khovyakova had been acting in this capacity in 2000 for at least 88 days prior to his trial and that Ms Streblyanskaya’s term of office had expired. The applicant’s appeals were dismissed, as were his two requests for supervisory review (prineseniye protesta v poryadke nadzora) in which he also complained that the lay judges’ names had not been drawn by lot as required by the Lay Judges Act. Concerning the applicant’s earlier complaint concerning assessors’ term of office, he was informed that a Presidential Decree of 25 January 2000 had extended their terms of office pending new appointments. On 2 October 2001 the applicant was informed that the list of lay judges for the Neklinovskiy District for the period 10 to 22 May 2000 had been compiled on 4 February 2000.

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Following an application for a supervisory review of the case, the judgment of 22 May 2000 was quashed and the case re-examined. On 2 July 2001, Neklinovskiy District Court found the applicant guilty of the same offences but relieved him from serving the sentence under the statute of limitations. This judgment was also quashed, however, following a further application for supervisory review, on the ground that the courts were not in a position to decide on the applicant’s guilt because the whole case was time-barred. On 4 October 2002, Neklinovskiy District Authority informed the applicant that there was no record of any adoption of lay assessors’ lists before 4 February 2000. The applicant alleged that he was convicted by a court composed in breach of the relevant domestic law. He relied on Article 6 § 1 (right to a fair hearing by an independent and impartial tribunal). He initially claimed that the two lay judges had, contrary to section 9 of the Act, been acting as lay judges prior to his trial for longer than the maximum 14 days per year and that their names had not been drawn by lot, in breach of section 5 of the Act. He subsequently also complained that there was no proof that they had ever been appointed as lay judges, even before the enactment of the Lay Judges Act. The European Court of Human Rights noted that it was particularly struck by the fact that Neklinovskiy District Authority – the body responsible for the appointment of lay judges – had confirmed that it had no list of lay judges appointed before 4 February 2000. The authority had thus failed to present any legal grounds for the participation of Ms Streblyanskaya and Ms Khovyakova in the administration of justice on the day of the applicant’s trial, bearing in mind that the list adopted on 4 February 2000 only took effect on 15 June 2000. Finding that Neklinovskiy District Court could not be regarded as a "tribunal established by law", the European Court of Human Rights held, unanimously, that there had been a violation of Article 6 § 1 and awarded the applicant EUR 500 for non-pecuniary damage. (The judgment is in English only.)

PROCES EQUITABLE ; PROCEDURE

CIVILE ; EGALITE DES ARMES

A.B. C. SLOVAQUIE04/03/2003 Violation de l’article 6 § 1

L’admissibilité des preuves ou leur appréciation, matière relève du droit interne et

des juridictions nationales La Cour ne disposant que de pouvoirs

limités pour connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par les juridictions nationales, estime qu’il n’y a

pas eu de violation distincte de l’article 6 § 1 quant à l’allégation relative au caractère

arbitraire du rejet de la demande de la requérante

Cour (quatrième section) n° 00041784/98 Applicabilité Article 6 applicable Violation de l'art. 6-1 quant au refus de désigner un avocat ; Non-violation de l'art. 6-1 quant au caractère arbitraire allégué de la décision ; Non-lieu à examiner l'art. 13 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 1 000 EUR pour préjudice moral et 100 EUR pour frais et dépens. - procédure nationale Jurisprudence : Ankerl c. Suisse, arrêt du 23 octobre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, pp. 1567-1568, § 38 ; Artico c. Italie, arrêt du 13 mai 1980, série A n° 37, § 35 ; Athanassoglou et autres c. Suisse [GC], n° 27644/95, § 43, CEDH 2000 ; Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], n° 28957/95, § 124, 11 juillet 2002 ; De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique (satisfaction équitable), arrêt du 10 mars 1972, série A n° 14, § 16 ; Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, arrêt du 27 octobre 1993, série A n° 274, p. 19, § 33 ; Moreira de Azevedo c. Portugal, arrêt du 23 octobre 1990, série A n° 189, § 66 ; P., C. et S. c. Royaume-Uni, n° 56547/00, § 91, 16 juillet 2002 ; Werner c. Autriche, arrêt du 24 novembre 1997, Recueil 1997-VII, p. 2514, § 72 La requérante une augmentation de sa pension d’invalidité en vertu de la loi de 1991 sur la réhabilitation extra-judiciaire, conçue pour redresser certaines atteintes aux droits de propriété et sociaux intervenues entre 1948 et 1990. Sa demande fut rejetée parce qu’elle n’avait pas soumis un certificat de son ancien

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employeur attestant qu’elle avait été licenciée pour des raisons de persécution politique. Elle interjeta appel en vain. Ayant reçu ledit certificat le 14 octobre 1996, elle soumit une nouvelle demande d’ajustement de sa pension d’invalidité. Le 30 octobre 1996, sa demande fut de nouveau rejetée par l’autorité administrative compétente parce que son contrat d’emploi avait pris fin au cours de la même année que celle où elle avait obtenu le droit de percevoir une pension d’invalidité. Elle sollicita un contrôle juridictionnel de cette décision et demanda qu’un avocat soit désigné pour la représenter au cours de la procédure, en expliquant que son handicap l’empêchait de comparaître en personne et que l’affaire était susceptible de soulever des questions de droit complexes. La requérante fut citée à comparaître à une audience fixée au 25 février 1997. Elle fut informée que, la représentation n’étant pas obligatoire, le tribunal ne pouvait désigner un avocat pour assurer sa défense. Le 14 février 1997, elle renouvela sa demande de désignation d’un avocat et demanda que l’audience soit reportée au lieu de se tenir sans qu’elle puisse y assister. Le 1er avril 1997, le tribunal régional confirma la décision administrative et, le 29 septembre 1997, la Cour suprême écarta le recours de l’intéressée contre le jugement du tribunal régional. Cette dernière forma en vain un pourvoi en cassation. La requérante allègue que son droit à un procès équitable a été méconnu au motif qu’elle a demandé en vain la désignation d’un avocat, que les tribunaux ont statué sur son affaire en son absence et que leurs décisions étaient arbitraires. Elle invoque l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable). La Cour européenne des Droits de l’Homme estime qu’en ne rendant aucune décision formelle sur la demande de désignation d’un avocat formulée par la requérante et en jugeant l’affaire en l’absence de l’intéressée, les juridictions internes ont privé celle-ci de la possibilité de faire valoir ses droits sur un pied d’égalité avec le défendeur. Par conséquent, elle dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

La Cour rappelle que l’article 6 ne réglemente pas l’admissibilité des preuves ou leur appréciation, matière qui relève donc au premier chef du droit interne et des juridictions nationales. Etant donné qu’elle ne dispose que de pouvoirs limités pour connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par les juridictions nationales, la Cour estime qu’il n’y a pas eu de violation distincte de l’article 6 § 1 quant à l’allégation relative au caractère arbitraire du rejet de la demande de la requérante. La Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner de surcroît l’affaire sous l’angle de l’article 13. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) A.B. v. Slovakia (no. 41784/98) Violation Article 6 § 1 The applicant claimed an increase in her invalidity pension under the Extra-Judicial Rehabilitations Act of 1991 which was designed to redress certain infringements of property and social rights which had occurred between 1948 and 1990. Her claim was dismissed because she had not submitted a certificate from her former employer certifying that she had been dismissed for reasons of political persecution. She appealed unsuccessfully. She received the certificate on 14 October 1996, whereupon she resubmitted her claim for an adjustment of her invalidity pension. On 30 October 1996 it was dismissed again by the relevant administrative authority because her contract of employment had been terminated in the course of the same year as she had acquired the right to an invalidity pension. She sought judicial review of this decision and requested a lawyer to be appointed to represent her in the proceedings, explaining that her disability prevented her from attending court in person and that the case might raise complex questions of law. The applicant was summoned to a hearing scheduled for 25 February 1997. She was informed that as representation was not compulsory the court could not appoint a defence lawyer to assist her. On 14 February 1997 she repeated her request for a lawyer to be appointed and asked for the hearing to be adjourned rather than held in her absence. On 1 April 1997 the Regional Court upheld the administrative decision, and the Supreme

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Court dismissed the applicant’s appeal against the Regional Court’s judgment on 29 September 1997. She unsuccessfully lodged an appeal on points of law. The applicant alleged that her right to a fair hearing had been infringed in that her requests for a lawyer to be appointed had not been granted; the courts had determined her claim in her absence; and their decisions had been arbitrary. She relied on Article 6 § 1 (right to a fair trial). The European Court of Human Rights found that, by failing to take a formal decision on the applicant’s request for a lawyer to be appointed and proceeding with the case in her absence, the domestic courts had deprived the applicant of the opportunity of presenting her case on equal terms with the defendant. It accordingly held unanimously that there had been a violation of Article 6 § 1 (right to a fair trial within a reasonable time). The Court reiterated that Article 6 did not lay down any rules on the admissibility of evidence or the way it should be assessed, which were therefore primarily matters for regulation by national law and the national courts. As it therefore had only limited powers to examine errors of fact or law allegedly committed by national courts, it found that there had been no separate violation of Article 6 § 1 on account of the allegedly arbitrary dismissal of the applicant’s claim. . (The judgment is in English only.)

RECOURS EFFECTIF ; GRIEF DEFENDABLE

Le fait qu’un grief ait pu être rejeté pour

non-épuisement des voies de recours internes n'implique pas que les allégations de

manquement aux exigences de l'article 1 du Protocole no 1 n'étaient pas défendables et dès lors qu'elles l'étaient requérante était donc en droit de disposer d'un recours pour les faire

valoir. DACTYLIDI c. GRECE

27/03/2003 Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 13

Cour (première section) n° 00052903/99 Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 13 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 8 000 euros (EUR) pour dommage moral et 10 000 EUR pour frais et dépens.- procédure de la Convention Jurisprudence : Antonetto c. Italie (déc.), no 15918/89, 16.12.1999, non publiée ; Chahal c. Royaume-Uni, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, pp. 1869-1870, § 145 ; Dactylidi c. Grèce (déc.), no 52903/99, 28 février 2002, non publiée ; Doustaly c. France, arrêt du 23 avril 1998, Recueil 1998-II, p. 857, p. 39 ; Hertel c. Suisse, arrêt du 25 août 1998, Recueil 1998-VI, p. 2334, § 63 ; Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI ; Ilhan c. Turquie [GC], no 22277/93, § 97, CEDH 2000-VII ; Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96, § 157, CEDH 2000-XI ; Richard c. France, arrêt du 22 avril 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, p. 824, § 57 ; Silver et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 25 mars 1983, série A no 61, p. 42, § 113 ; Varipati c. Grèce, no 38459/97, 26.10.1999, § 26 Marouso Dactylidi est propriétaire d’une maison sur l’île de Santorin (Cyclades), dans la commune d’Imeroviglio. En raison de sa qualification de commune traditionnelle, celle-ci est soumise à des conditions spécifiques et des limitations de construction dans le but de conserver son caractère pittoresque. De 1987 à 1992, un voisin de la requérante obtint plusieurs permis de bâtir du bureau d’urbanisme de Thira. Il procéda à des constructions en violation de ces permis, et sur réclamations de la requérante, le bureau d’urbanisme effectua des rapports de descentes sur les lieux (åêèÝóåéò áõôï øßáò) constatant que les constructions étaient illégales et devaient être démolies. Ce voisin ayant obtenu des révisions des permis de bâtir régularisant les constructions litigieuses, la requérante saisit le Conseil d’Etat d’un recours en annulation le 24 août 1992. Son action fut rejetée par un arrêt du 26 octobre 1999. Dans l’intervalle, les révisions des permis furent révoquées, et le voisin de la requérante saisit le 14 avril 1995 le Conseil d’Etat d’un recours en annulation des actes de révocation. La requérante intervint dans cette procédure qui

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prit fin par un arrêt du 26 octobre 1999 faisant droit au recours du voisin de Mme Dactylidi. La requérante continua à entreprendre des démarches auprès des services compétents afin que les constructions litigieuses soient démolies, et dénonça à plusieurs reprises l’inertie des autorités compétentes. Sur le fondement de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) de la Convention européenne des Droits de l’Homme, la requérante se plaignait de la durée des procédures engagées devant le Conseil d’Etat. Par ailleurs, invoquant l’article 13 (droit à un recours effectif), elle se plaignait de n’avoir pas disposé d’un recours pour faire valoir ses droits et obtenir la destruction des constructions litigieuses. La Cour européenne des Droits de l’Homme relève que la première procédure a duré sept ans, deux mois et deux jours, et que la seconde procédure a duré quatre ans, six mois et 12 jours, pour un seul degré de juridiction chacune. Elle observe que la requérante a fait preuve de diligence dans la conduite des procédures, et constate que la lenteur de celles-ci résulte essentiellement du comportement de la juridiction saisie. Estimant qu’on ne saurait estimer pour « raisonnables » les durées écoulées en l’espèce, la Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1. QUANT AU GRIEF TIRE DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION,

Extraits de Extraits de l’arrêt rendu par une chambre composée de sept juges, Madame Françoise Tulkens (Belge),présidente :

« 47. La Cour rappelle que l'article 13 de la Convention garantit l'existence en droit interne d'un recours permettant de s'y prévaloir des droits et libertés de la Convention tels qu'ils peuvent s'y trouver consacrés. Cette disposition a donc pour conséquence d'exiger un recours interne habilitant à examiner le contenu d'un « grief défendable » fondé sur la Convention et à offrir le redressement approprié (voir, parmi beaucoup d'autres, Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96, § 157, CEDH 2000–XI).

La portée de l'obligation que l'article 13 fait peser sur les Etats contractants varie en

fonction de la nature du grief du requérant. Toutefois, le recours exigé par l'article 13 doit être « effectif » en pratique comme en droit (voir, par exemple, Ilhan c. Turquie [GC], no 22277/93, § 97, CEDH 2000-VII).

L'« effectivité » d'un « recours » au sens de l'article 13 ne dépend pas de la certitude d'une issue favorable pour le requérant. De même, l'« instance » dont parle cette disposition n'a pas besoin d'être une institution judiciaire, mais alors ses pouvoirs et les garanties qu'elle présente entrent en ligne de compte pour apprécier l'effectivité du recours s'exerçant devant elle. En outre, l'ensemble des recours offerts par le droit interne peut remplir les exigences de l'article 13, même si aucun d'eux n'y répond en entier à lui seul (voir, parmi beaucoup d'autres, Silver et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 25 mars 1983, série A no 61, p. 42, § 113 ; Chahal c. Royaume-Uni, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, pp. 1869-1870, § 145).

48. En l'occurrence, la Cour rappelle que, dans sa requête initiale, la requérante s'était plainte d'une atteinte à ses droits patrimoniaux. Elle soutenait que le fait de ne pas pouvoir obtenir la démolition des constructions litigieuses la privait de la vue dont elle jouissait auparavant et réduisait la valeur marchande de sa propriété. La Cour rejeta ce grief pour non-épuisement des voies de recours internes (Dactylidi c. Grèce (déc.), no 52903/99, 28 février 2002, non publiée). Cette conclusion n'implique pas que les allégations de manquement aux exigences de l'article 1 du Protocole no 1 n'étaient pas défendables. La Cour reconnaît qu'elles l'étaient (voir Antonetto c. Italie (déc.), no 15918/89, 16.12.1999, non publiée). La requérante était donc en droit de disposer d'un recours pour les faire valoir.

49. Il s'impose dès lors de déterminer si l'ordre juridique hellénique offrait à la requérante un recours effectif au sens de l'article 13 de la Convention lui permettant d'exposer son grief défendable et d'obtenir réparation.

50. La Cour note que le Gouvernement se borne à invoquer les recours dont disposerait

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la requérante à l'encontre de M. Or, c'est l'inertie de l'administration qui fait grief à la requérante et la question qui se pose en l'espèce est celle de savoir si l'intéressée dispose en droit interne d'un recours lui permettant d'obliger l'administration à se conformer aux décisions prises par ses propres organes. La Cour relève à cet égard que le Gouvernement n'affirme pas qu'il existe une telle voie de recours.

51. Par ailleurs, à supposer même qu'une action contre M. eût été utile, la Cour note que l'effectivité des recours proposés par le Gouvernement n'a pas été établie, s'agissant notamment des recours civils alors que la présente affaire porte sur un litige administratif. De plus, le Gouvernement n'a pu produire aucun exemple de la pratique interne attestant qu'il aurait été possible à la requérante d'obtenir la démolition des constructions litigieuses en utilisant les recours en question.

52. Dès lors, la Cour estime qu'en l'espèce il y a eu violation de l'article 13 de la Convention en raison de l'absence en droit interne d'un recours qui eût permis à la requérante d'obtenir la démolition des

constructions litigieuses. »

Marouso Dactylidi owns a house on the island of Santorini (Cyclades), in the village of Imeroviglio. The village is classed as national heritage and special conditions and restrictions apply to its buildings in order to preserve its picturesque character. Between 1987 and 1992 one of the applicant’s neighbours obtained planning permission for a number of buildings from the Santorini Town and Country Planning Office. However, the building works did not comply with the planning permission and, following complaints by the applicant, a planning inspector visited the premises and issued reports stating that the buildings were in breach of the planning permission that had been granted and should be demolished. The applicant applied to the Legal Council of State on 24 August 1992 for an order quashing amended planning permission obtained by her neighbour that made the

building works lawful. Her application was dismissed on 26 October 1999. Meanwhile, the amended planning permission was withdrawn and the neighbour applied to the Legal Council of State on 14 April 1995 for an order quashing the decision to withdraw it. The applicant intervened in those proceedings, which ended with a judgment of 26 October 1999 allowing the neighbour’s appeal. The applicant continued to press the relevant authorities to secure the demolition of the premises and made several complaints alleging inaction on their part. Relying on Article 6 (right to a fair trial with a reasonable time) of the European Convention on Human Rights, the applicant complained of the length of the proceedings before the Legal Council of State. She also complained under Article 13 (right to an effective remedy) that she had not had a remedy by which to assert her rights and secure the demolition of the buildings. The European Court of Human Rights noted that the first set of proceedings had lasted seven years, two months and two days and the second set four years, six months and 12 days, in each case for a single level of jurisdiction. The applicant had conducted the proceedings diligently and the delays had occurred essentially as a result of the conduct of the court concerned. The length of the proceedings could not be regarded as "reasonable" and the Court accordingly held, unanimously, that there had been a violation of Article 6 § 1. As to the complaint of a violation of Article 13 of the Convention, the Court observed that in her initial application the applicant had complained under Article 1 of Protocol No. 1 of an interference with her right to the peaceful enjoyment of her property. She had argued that the fact that she was unable to have the buildings concerned demolished had deprived her of the view she had previously enjoyed and reduced the market value of her property. The Court had dismissed that complaint for failure to exhaust domestic remedies, but that did not mean to say that her allegation of a failure to comply with Article 1 of Protocol No. 1 was not arguable. The Court took the view that it was. The applicant was therefore entitled to a remedy enabling her to bring her case. Since she complained of

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inaction on the part of the authorities, it was necessary to determine whether she had a remedy under domestic law that would enable her to compel the authorities to comply with the decisions that had been taken by their own institutions. The Court noted in that connection that the Government had not claimed that any such remedy existed. It accordingly concluded, unanimously, that there had been a violation of Article 13 of the Convention.

LIBERTE D'EXPRESSION ; INGERENCE {ART 10} ; DEFENSE DE L'ORDRE {ART 10} ; SECURITE NATIONALE {ART 10} ;

INTEGRITE TERRITORIALE ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE

DEMOCRATIQUE {ART 10} ; PRESOMPTION D'INNOCENCE ;

PREVISIBILITE {ART 10}

C.S.Y. C. TURQUIE Violation de l’article 10

YASAR KEMAL GÖKÇELI C. TURQUIE Violation de l’article 10 Non-violation des

articles 6 § 2 et 7 04/03/2003

Cour (deuxième section) C.S.Y. c. TURQUIE n° 00027214/95 04/03/2003 Violation de l'art. 10 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; 1 500 euros pour frais et dépens Droit en cause Constitution, article 28 ; Code de procédure pénale, article 86

Cour (deuxième section) YASAR KEMAL GÔKCELI c. TURQUIE n° 00027215/95 ; 00036194/97 04/03/2003 Violation de l'art.

10 ; Non-violation de l'art. 6-2 ; Non-violation de l'art. 7 ; Préjudice moral - constat de

violation suffisant Droit en cause Code pénal, article 312 ; Constitution, article 28 ;

Code de procédure pénale, article 86

Jurisprudence : Akdivar et autres c. Turquie (article 50), arrêt du 1er avril 1998, Recueil

1998-II, p. 723, § 47 ; Butler c. Royaume-Uni (déc.), n° 41661/98, 27 juin 2002, non publiée

; Castells c. Espagne, arrêt du 23 avril 1992,

série A n° 236, § 46, p. 23 ; Ceylan c. Turquie

[GC], n° 23556/94, § 28, § 37, CEDH 1999-IV ; Comingersoll S.A. c. Portugal [GC], n°

35382/97, CEDH 2000-IV, §§ 31-37 ; Daktaras c. Lituanie, n° 42095/98, § 41, § 42, CEDH 2000-X ; Elsholz c. Allemagne [GC],

n° 25735/94, § 74, CEDH 2000-VIII ; Englert c. Allemagne, arrêt du 25 août 1987, série A

n° 123, p. 55, § 39 ; Erdogdu et Ince c. Turquie [GC], n°s 25067/94 et 25068/94, § 59,

CEDH 1999-IV ; Fressoz et Roire c. France [GC], n° 29183/95, § 45, CEDH 1999-I ;

Gerger c. Turquie [GC], n° 24919/94, § 50, 8 juillet 1999 ;

Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], n° 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI ;

Ibrahim Aksoy c. Turquie, n°s 28635/95, 30171/96 et 34535/97, p. 1568, § 58 ; § 60, 10 octobre 2000 ;Incal c. Turquie, arrêt du 9 juin

1998, Recueil 1998-IV, p. 1567, § 54, p. 1568, § 58, § 78 ; Leutscher c. Pays-Bas, arrêt du 26

mars 1996, Recueil 1996-II, p. 436, § 31 ;Lingens c. Autriche, arrêt du 8 juillet 1986,

série A n° 103, p. 26, §§ 41-42 ; Lutz c. Allemagne, arrêt du 25 août 1987, série A n° 123, pp. 25-26, § 62 ; Marziano c. Italie, n°

45313/99, 28 novembre 2002 ; News Verlags GmbH & CoKG c. Autriche, n° 31457/96, §

52, CEDH 2000-I ; Nikolova c. Bulgarie [GC], n° 31195/96, § 79, CEDH 1999-II ; Nilsen et Johnsen c. Norvège [GC], n° 23118/93, § 43,

CEDH 1999-VIII ; Nölkenbockhoff c. Allemagne, arrêt du 25 août 1987, série A n°

123, pp. 80-81, § 39 ; Oberschlick c. Autriche, arrêt du 23 mai 1991, série A n° 204, p. 28, § 65 ; Öztürk c. Turquie [GC], n° 22479/93, § 64, CEDH 1999-VI ;S.W. c. Royaume-Uni,

arrêt du 22 novembre 1995, série A n° 335-B, p. 42, § 35 ; Société X c. Royaume-Uni, n°

9615/81, décision de la Commission du 5 mars 1983, Décisions et rapports (DR) 32, p. 231 ;

Sunday Times c. Royaume-Uni (n° 2), arrêt du 26 novembre 1991, série A n° 217, p. 28, § 49 ; Sürek c. Turquie (n° 1) [GC], n° 26682/95, § 52, CEDH 1999-IV ; U.W. c. Allemagne, n° 21128/92, décision de la Commission du 11

janvier 1995, DR 80, p. 94 ; Vereniging Weekblad Bluf ! c. Pays-Bas, arrêt du 9 février 1995, série A n° 306, p. 12, § 27 ;Wingrove c.

Royaume-Uni, arrêt du 25 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1957, § 58 ; Zana c.

Turquie, arrêt du 25 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VII, p. 2539, § 10.

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Zubani c. Italie [satisfaction équitable] [GC], n° 14025/88, § 23, 16 juin 1999

C.S.Ysociété d’édition publia deux articles de Yaºar Kemal Gökçeli, écrivain turc, dans l’ouvrage « La liberté d’expression et la Turquie » paru le 2 février 1995. Ces articles, intitulés « Le ciel noir sur la Turquie » et « Que ton oppression augmente », avaient déjà été publiés à l’étranger. L’ouvrage était un recueil d’articles critiquant et commentant la politique menée par les autorités turques sur le « problème kurde » depuis la fondation de la République. La saisie de ce livre fut ordonnée le 2 février 1995 par le juge assesseur de la cour de sûreté de l’Etat au motif que les articles incriminés incitaient expressément le peuple à l’hostilité et à la haine fondée sur la distinction de race et d’origine. Des policiers se rendirent le jour même dans les bureaux de la société requérante afin de lui notifier la saisie. Toutefois, tous les exemplaires du livre ayant été distribués, ils ne purent les saisir. L’opposition contre l’ordonnance de saisie formée par l’éditeur et l’auteur des articles fut rejetée. Deux actions pénales furent intentées contre l’éditeur et l’auteur des articles incriminés, sur le fondement des articles 8 de la loi relative à la lutte contre le terrorisme et 313 § 2 du code pénal. La première action concernant l’article « Que ton oppression augmente » donna lieu à l’acquittement des accusés par la cour de sûreté de l’Etat le 1er décembre 1995. Quant aux poursuites relatives à l’article intitulé « Le ciel noir sur la Turquie », par un arrêt du 7 mars 1996, la cour de sûreté de l’Etat déclara les requérants coupables d’une infraction prévue à l’article 312 ; l’éditeur fut condamné à une amende de 3 491 666 livres turques (TRL) avec sursis, et l’auteur à un an et huit mois d’emprisonnement ainsi qu’une amende de 466 666 TRL avec sursis. La cour retint que, pris dans son ensemble, l’article visait à attiser la haine et l’hostilité entre les citoyens d’origine turque et ceux d’origine kurde, et à créer une discrimination basée sur l’appartenance à une race et à une région. Le 18 octobre 1996, la Cour de cassation confirma le jugement de première instance. Dans l’affaire C.S.Y., la société requérante soutenait que la saisie du livre « La liberté

d’expression et la Turquie » avait violé son droit à la liberté d’expression que consacre l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Dans l’affaire Yaºar Kemal Gökçeli , le requérant se plaignait de l’atteinte portée à son droit à la liberté d’expression résultant de sa condamnation pénale pour avoir écrit un article, et invoquait à cette fin l’article 10 de la Convention. Sur le fondement de l’article 6 § 2, il se plaignait également d’une violation de la présomption d’innocence en ce que le juge assesseur et la cour de sûreté de l’Etat auraient fondé la décision de saisie sur l’hypothèse que les articles incriminés constituaient une infraction. Enfin, le requérant soutenait que sa condamnation était contraire à l’article 7 (pas de peine sans loi). La Cour européenne des Droits de l’Homme relève que les mesures contestées constituent des ingérences dans le droit au respect de la liberté d’expression des requérants, et qu’elles étaient prévues par la loi. La condamnation de Yaºar Kemal Gökçeli se fondait sur l’article 312 du code pénal et la saisie de l’ouvrage sur l’article 28 de la Constitution turque et l’article 86 du code de procédure pénale. Eu égard au caractère sensible de la lutte contre le terrorisme ainsi qu’à la nécessité pour les autorités d’exercer leur vigilance face à des actes susceptibles d’accroître la violence, la Cour estime que ces ingérences poursuivaient deux buts compatibles avec l’article 10 § 2 : l’unité et la sécurité nationale ainsi que l’intégrité territoriale. Selon la Cour, les articles litigieux ont la forme d’un discours politique, tant par leur contenu que par les termes utilisés. Usant de mots à connotation gauchiste, leur auteur critique, blâme les actions militaires des autorités dans le Sud-Est de la Turquie, condamne la politique suivie par celles-ci, qui aurait consisté à chasser les Kurdes de leurs terres et à briser leur résistance et leur lutte d’autonomie culturelle et identitaire. La Cour note que les termes des articles ont un contenu factuel, une tonalité émotionnelle empreinte d’une agressivité certaine et de virulence ; certains passages, particulièrement acerbes, brossent un portrait des plus négatif des autorités turques et donnent au récit une connotation hostile. Toutefois, la Cour considère qu’il s’agit là d’un reflet de

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l’attitude intransigeante adoptée par l’une des parties au conflit plutôt que d’une incitation à la violence. Dans l’ensemble, la teneur des articles ne saurait passer pour inciter à l’usage de la violence, à la résistance armée, ou au soulèvement ; c’est là, aux yeux de la Cour, un élément essentiel à prendre en considération. Les articles en cause renferment d’ailleurs le message selon lequel « il faut adopter une voie pacifiste pour résoudre le problème kurde ». Par ailleurs, la Cour relève la sévérité de la peine infligée à l’auteur de ces articles. Partant, la Cour considère que la saisie de l’ouvrage et la condamnation pénale de l’auteur des articles sont des mesures qui n’étaient pas « nécessaires dans une société démocratique ». Elle conclut à l’unanimité dans ces deux affaires, à la violation de l’article 10 de la Convention. Quant à la violation de la présomption d’innocence invoquée par Yaºar Kemal Gökçeli, la Cour relève que la saisie de l’ouvrage constituait une mesure provisoire en vue d’une procédure ultérieure. La décision du juge ordonnant la saisie décrivait un « état de suspicion » et ne renfermait pas un constat de culpabilité. Par ailleurs, la procédure ultérieure ne révèle aucun préjugement. Dès lors, la Cour conclut à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 §2 de la Convention. Sur la violation de l’article 7 alléguée par Yaºar Kemal Gökçeli : compte tenu de la conclusion à laquelle elle est parvenue quant à la prévisibilité de la loi énoncée à l’article 10 § 2, la Cour conclut à l’unanimité, à la non-violation de cette disposition. Dans ces deux affaires, la Cour estime que le constat d’une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par les requérants. . (Ces arrêts n’existent qu’en français.) (1) C.S.Y. v. Turkey Violation Article 10 (2) Yaºar Kemal Gökçeli v. Turkey Violation Article 10 Non-violation Articles 6 § 2 and 7 C.S.Y., a publishing house, is a private company whose registered office is in Istanbul. Yaºar Kemal Gökçeli is a Turkish writer who was born in 1926 and lives in Istanbul.

The applicant company published two articles by Yaºar Kemal Gökçeli in the book Freedom of Expression and Turkey, which was published on 2 February 1995. The articles, entitled "The black sky over Turkey" and "May your oppression increase", had already been published abroad. The book was a collection of articles criticising and commenting on the Turkish authorities’ policy on the "Kurdish problem" since the foundation of the Republic of Turkey. On 2 February 1995 a judge of the National Security Court made an order for the seizure of the book on the ground that the articles in question expressly incited hostility and hatred based on a distinction according to race and ethnic origin. On the same day police officers went to the applicant company’s office to serve the seizure order. However, as all the copies of the book had been distributed, they were unable to seize them. An application by the editor of the book and the author of the articles to set aside the seizure order was refused. Two sets of criminal proceedings were brought under section 8 of the Prevention of Terrorism Act and Article 313 § 2 of the Criminal Code against the editor and the author of the articles. The first set of proceedings, concerning the article "May your oppression increase", ended when the defendants were acquitted by the National Security Court on 1 December 1995. As regards the proceedings concerning the article "The black sky over Turkey", in a judgment of 7 March 1996 the National Security Court found the defendants guilty of an offence under Article 312 of the Criminal Code. The editor was given a fine of 3,491,666 Turkish liras (TRL), which was suspended, and the author was sentenced to one year and eight months’ imprisonment and a fine of TRL 466,666, likewise suspended. The court observed that, taken as a whole, the article had sought to stir up hatred and hostility between citizens of Turkish origin and citizens of Kurdish origin, and to create discrimination on the grounds of race and region of origin. On 18 October 1996 the Court of Cassation upheld the first-instance judgment. In the case of C.S.Y. the applicant company submitted that the seizure of the book

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Freedom of Expression and Turkey had infringed its right to freedom of expression as enshrined in Article 10 of the European Convention on Human Rights. In the case of Yaºar Kemal Gökçeli v. Turkey the applicant, relying on Article 10 of the Convention, complained of interference with his right to freedom of expression on account of the fact that he had been convicted of a criminal offence for writing an article. Under Article 6 § 2, he further complained of a breach of the presumption of innocence in that the judge and the National Security Court had based their decision to seize the book on the assumption that the articles in issue were in breach of the law. Lastly, the applicant contended that his conviction had contravened Article 7 (no punishment without law). The European Court of Human Rights noted that the measures complained of amounted to interferences with the applicants’ right to respect for freedom of expression, and that they were prescribed by law. Yaºar Kemal Gökçeli’s conviction had been based on Article 312 of the Criminal Code and the seizure of the book on Article 28 of the Turkish Constitution and Article 86 of the Code of Criminal Procedure. Having regard to the sensitivity of the fight against terrorism and to the need for the authorities to be alert to acts capable of fuelling violence, the Court held that the interferences had pursued two aims that were compatible with Article 10 § 2: unity and national security, and territorial integrity. The Court found that the articles in question were written in the form of a political speech, both in the content and the terms used. Using words with leftist connotations, the author criticised and reprimanded the military actions of the authorities in south-east Turkey and condemned the policy they had adopted, which, in his view, consisted of driving the Kurds away from their lands and shattering their resistance and their struggle for their autonomy in terms of culture and identity. The Court noted that the terms used in the articles were factual in content and emotional in tone with a distinctly aggressive and virulent note. Certain particularly acerbic passages painted an extremely negative picture of the Turkish authorities

and gave the narrative a hostile tone. However, the Court considered that this was more a reflection of the hardened attitude of one side to the conflict than a call to violence. On the whole the content of the articles could not be deemed to constitute an incitement to violence, armed resistance or an uprising: in the Court’s view, that was an essential factor to be taken into consideration. Moreover, the articles in question contained the message that "peaceful means are necessary to resolve the Kurdish problem". The Court also noted the severity of the penalty imposed on the author. It accordingly considered that the seizure of the book and the criminal conviction of the author of the articles were measures that were not "necessary in a democratic society". It held unanimously in both these cases that there had been a violation of Article 10 of the Convention. With regard to Yaºar Kemal Gökçeli’s allegation of a breach of the presumption of innocence, the Court noted that the seizure of the book was an interim measure with a view to bringing proceedings subsequently. The decision of the judge ordering seizure referred to a "state of suspicion" and did not contain a finding of guilt. Moreover, the subsequent proceedings did not reveal any prejudgement. Accordingly, the Court held unanimously that there had not been a violation of Article 6 § 2 of the Convention. Concerning Yaºar Kemal Gökçeli’s allegation of a breach of Article 7, having regard to its conclusion regarding the foreseeability of the law, referred to in Article 10 § 2, the Court held unanimously that there had not been a violation of this provision. In both these cases the Court held that the finding of a violation in itself afforded adequate just satisfaction for the non-pecuniary damage sustained by the applicants. The Court awarded C.S.Y. 1,500 euros for costs and expenses. (These judgments are available only in French).

LIBERTE D'EXPRESSION ; INGERENCE {ART 10} ; PREVUE PAR LA LOI {ART

10} ; PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI (ART 10) ; NECESSAIRE DANS

UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 10} ; PROPORTIONNALITE ;

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PROTECTION DES DROITS D'AUTRUI (ART 10)

LESNIK C. SLOVAQUIE 11.3.2003

Non-violation de l’article 10 Cour (quatrième section) n° 00035640/97 Non-violation de l'art. 10 Opinions séparées Bratza et Maruste ( dissidente) Jurisprudence : Janowski c. Pologne [GC], n° 25716/94, §§ 30 et 33, CEDH 1999-I ; Nikula c. Finlande, n° 31611/96, §§ 44 et 48, 22 mars 2002 . Tammer c. Estonie, n° 41205/98, § 67, 6 février 2001 En décembre 1991, Alexej Lešnik, demanda en vain l’ouverture de poursuites pénales pour escroquerie contre un autre homme d’affaires. Il déposa ensuite plainte à la police pour harcèlement et écoutes téléphoniques. Une procédure pénale fut par la suite diligentée à son encontre pour vol de biens appartenant à l’homme d’affaires en question. Le 6 décembre 1993, le requérant adressa une lettre au procureur près le tribunal de district, l’accusant d’avoir forgé de toutes pièces l’affaire à son encontre, à la manière des agents de l’ancienne Sécurité d’Etat, et d’avoir injustement rejeté sa plainte et illégalement ordonné la mise sur écoute de sa ligne téléphonique. Il écrivit également au procureur général, reprochant au procureur d’avoir abusé de ses pouvoirs et peut-être de s’être laissé corrompre. Le 25 avril 1995, M. Lešnik fut condamné pour outrage à magistrat à une peine d’emprisonnement de quatre mois, assortie d’un sursis pendant une période probatoire d’un an. Il interjeta en vain appel. Sa licence commerciale fut révoquée le 28 octobre 1996 au motif qu’il avait été condamné au pénal, mais cette décision fut annulée le 4 juin 1997. Le requérant s’inscrivit en tant que propriétaire d’une nouvelle entreprise au registre du commerce le 18 février 1998 et se vit délivrer une nouvelle licence commerciale le 6 avril 1998. Invoquant l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention européenne des Droits de l’Homme, le requérant se plaint d’avoir été condamné pour avoir critiqué les actes d’un procureur qu’il considérait comme illégaux. Il soutient en outre que l’ingérence

était disproportionnée, sa licence commerciale ayant été révoquée à la suite de sa condamnation. La Cour européenne des Droits de l’Homme juge que l’ingérence dans le droit de M. Lešnik à la liberté d’expression était prévue par la loi au sens de l’article 10 § 2 de la Convention. Elle relève que la procédure pénale dirigée contre l’intéressé visait le but légitime que constitue la protection de la réputation et des droits du procureur de district. Même si les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard des fonctionnaires qu’à l’égard de particuliers, on ne saurait dire que les fonctionnaires s’exposent sciemment à un contrôle de leurs faits et gestes et de leurs paroles aussi strict que les hommes politiques. Les procureurs sont des fonctionnaires qui ont pour tâche de contribuer à la bonne marche de la justice et il est dans l’intérêt général qu’ils bénéficient de la confiance du public. Il peut donc parfois se révéler nécessaire de les protéger contre des accusations infondées. Les individus sont en droit de critiquer la manière dont la justice est administrée et les fonctionnaires concernés, mais cette critique ne doit pas dépasser certaines limites. Les lettres de M. Lešnik contenaient des jugements de valeur qui ne se prêtent pas à la démonstration de leur exactitude ainsi que des accusations de comportement illégal et abusif. Les juridictions internes lui ont à juste titre demandé d’étayer ces allégations au moyen de preuves pertinentes. Elles les ont jugées dénuées de fondement et rien de permet de dire que cette conclusion était arbitraire. De plus, l’atteinte à la réputation du procureur ne pouvait qu’être renforcée par la publication des passages pertinents des lettres dans un journal, ce à quoi le requérant avait contribué en fournissant les documents en cause. M. Lešnik n’a pas réussi à montrer qu’il avait subi un quelconque dommage du fait du retrait de sa licence commerciale ; il aurait en tout état de cause pu demander une indemnisation en vertu de la législation applicable. Bien que sa peine n’ait pas été en soi insignifiante, elle se situait parmi les plus légères qui pouvaient être prononcées. Sachant que les autorités nationales jouissaient d’une certaine marge de manœuvre en la matière, l’ingérence dénoncée n’était pas disproportionnée au but légitime

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poursuivi et pouvait passer pour nécessaire aux fins de l’article 10 § 2 de la Convention. Dès lors, la Cour dit, par cinq voix contre deux, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 10 de la Convention. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Lešník v. Slovakia (application no. 35640/97) No violation Article 10 The applicant, Alexej Lešník, is a Slovakian national, born in 1940 and living in Košice. On 2 December 1991 he made a request for criminal proceedings to be brought against a fellow businessman for fraud, which was refused. He subsequently complained to the police that he was being harassed and his telephone tapped. Criminal proceedings were later brought against him for stealing from the businessman in question. On 6 December 1993 he wrote a letter to the District Prosecutor accusing him of fabricating the case against him in accordance with the practice of former State Security agents; unfairly dismissing his criminal complaint; and illegally ordering his telephone to be tapped. He also wrote a letter to the General Prosecutor complaining that the District Prosecutor had misused his powers and had possibly accepted bribes. On 25 April 1995 Mr Lešník was convicted of (verbally) attacking a public official and sentenced to four months’ imprisonment, suspended for a probationary period of one year. He unsuccessfully appealed. His trading licence was revoked on 28 October 1996, on the ground that he had been convicted of a criminal offence, but the decision was quashed on 4 June 1997. He registered as the owner of a new business on 18 February 1998 and received a new trading licence on 6 April 1998. The applicant complained, under Article 10 (right to freedom of expression) of the European Convention on Human Rights, that he had been convicted for criticising the actions of a public prosecutor which he had deemed to be unlawful. He further submitted that the interference had been disproportionate because his trading licence was revoked following his conviction. The European Court of Human Rights found that the interference with Mr Lešník’s freedom of expression had been prescribed by

law within the meaning of Article 10 § 2 of the Convention. It noted that the criminal proceedings against him had pursued the legitimate aim of protecting the District Prosecutor’s reputation and rights. Even though the limits of acceptable criticism of civil servants was broader than for private individuals, civil servants could not be said to expose themselves knowingly to close scrutiny of their every word and deed to the extent of politicians. Public prosecutors were civil servants whose task was to contribute to the proper administration of justice and it was in the general interest that they should enjoy public confidence. It might therefore be necessary to protect them from unfounded accusations. Individuals were entitled to criticise the administration of justice and the officials involved, but such criticism should not overstep certain limits. Mr Lešník’s letters had contained value judgments, which were not susceptible of proof, but also accusations of unlawful and abusive conduct. The domestic courts had rightly requested him to support those allegations with relevant evidence. They found them to be unsubstantiated and there was nothing to suggest that their finding was arbitrary. Moreover, the harm done to the public prosecutor’s reputation could only have been exacerbated by the publication of the relevant parts of the letters in a newspaper, to which the applicant had contributed by supplying the relevant documents. Mr Lešník had failed to show that he had suffered any damage as a result of having his trading licence revoked and could, in any event, have claimed compensation under the relevant legislation. Although his sentence was not insignificant in itself, it was situated in the lower part of the applicable scale. Bearing in mind that a certain margin of interference was left to the national authorities in such matters, the interference complained of had not been disproportionate to the legitimate aim and could be regarded as necessary for the purposes of Article 10 § 2 of the Convention. The Court accordingly held, by five votes to two, that there had not been a violation of Article 10 of the Convention. (The judgment is available only in English.)

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BIENS RESPECT DES BIENS

NOTION DE BIENS

La Cour rappelle que l’article 1 du Protocole no 1 ne garantit pas le droit d’acquérir des

biens. “the hope that a long-extinguished property right may be revived cannot be regarded as a “possession” within the meaning of Article 1

of Protocol No. 1; nor can a conditional claim which has lapsed as a result of the

failure to fulfil the condition”

JANTNER c. SLOVAQUIE 04/03/2003

Non-violation de l’article 1 du Protocole no 1

Non-violation de l’article 14

Cour (quatrième section) n° 00039050/97 Non-violation de P1-1 ; Non-violation de l'art. 14 Jurisprudence : García Ruiz c. Espagne [GC], n° 30544/96, § 28, CEDH 1999-I ; Gratzinger et Gratzingerova c. République tchèque (déc.) [GC], n° 39794/98, § 69, CEDH 2002-... ; Cha'are Shalom Ve Tsedek c. France [GC], n° 27417/95, § 86, CEDH 2000-VII Kopp c. Suisse, arrêt du 25 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1988-II, p. 540, § 59 ; Malhous c. République tchèque (déc.) [GC], n° 33071/96, 13 décembre 2000, CEDH 2000-XII ; Polacek et Polackova c. République tchèque (déc.) [GC], n° 38645/97, § 69 ; Van der Mussele c. Belgique, arrêt du 23 novembre 1983, série A n° 70, § 48 Armand Jantner quitta la Tchécoslovaquie pour l’Allemagne en 1968 et vécut alternativement à partir de 1990, dans les deux pays. Il aurait passé l’essentiel de l’année 1992 en Tchécoslovaquie. Le 25 septembre 1992, il fixa sa résidence permanente à l’adresse de son amie à Krompachy. Il resta inscrit à cette adresse jusqu’au 22 juin 1994. Le 28 septembre 1992, il demanda la restitution des biens de son père et de son oncle en vertu de la loi de 1991 sur la propriété foncière. Il fut débouté au motif qu’à l’époque des faits, il ne résidait pas de manière permanente sur le territoire de l’ex-République fédérative

tchèque et slovaque comme l’exigeait l’article 4 § 1 de la loi sur la propriété foncière. Le 29 novembre 1996, le tribunal régional de Košice confirma cette décision, ajoutant qu’en vertu de l’article 4 § 1 de la loi de 1982 sur l’enregistrement du lieu de résidence des citoyens, on ne pouvait vivre de manière permanente à plus d’une adresse à la fois. Le requérant ayant négligé de mettre fin à l’inscription de son domicile principal en Allemagne avant de faire inscrire son adresse de Krompachy comme lieu de sa résidence permanente, son séjour dans l’ex-Tchécoslovaquie devait passer pour temporaire. Le tribunal régional releva aussi, entre autres, que d’après un rapport de police, l’inscription du requérant à Krompachy n’aurait eu qu’un caractère formel. Le 30 juillet 1999, la Cour suprême refusa de réexaminer l’affaire car il n’existait aucun recours contre l’arrêt du tribunal régional. Le requérant allègue en particulier que son droit au respect de ses biens a été méconnu et qu’il a subi une discrimination en raison du rejet de sa demande de restitution de ses biens. Il invoque l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété) et l’article 14 (interdiction de la discrimination). La Cour européenne des Droits de l’Homme estime qu’elle ne saurait substituer son point de vue à celui du tribunal régional de Košice sur la question du respect par le requérant de la condition de résidence permanente posée par l’article 4 § 1 de la loi de 1991 sur la propriété foncière. Par conséquent, en vertu de la loi pertinente, telle qu’appliquée et interprétée par les autorités internes, le requérant n’avait ni un droit ni une prétention s’analysant en une espérance légitime d’obtenir la restitution des biens en question et n’avait donc aucun « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1. La Cour rappelle en outre que l’article 1 du Protocole no 1 ne garantit pas le droit d’acquérir des biens. Cette disposition ne saurait pas non plus s’interpréter comme imposant des restrictions à la liberté de la Slovaquie de choisir quand restituer des biens qui lui ont été transférés avant qu’elle ne ratifie la Convention européenne des Droits de l’Homme. Par conséquent, ni les décisions contestées par le requérant ni l’application en l’espèce de la loi de 1991 sur la propriété

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foncière ne portent atteinte au droit de l’intéressé au respect de ses biens. La Cour conclut donc, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 1 du Protocole no 1. Ayant conclu que la procédure litigieuse ne portait pas sur les « biens » du requérant au sens de l’article 1 du Protocole no 1, la Cour dit en outre, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 14. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Jantner v. Slovakia (no. 39050/97) No violation Article 1 of Protocol No. 1 No violation Article 14 Armand Jantner, a Slovakian and German national, left Czechoslovakia for Germany in 1968. In 1990 he started living part-time in both countries, spending, he claims, most of 1992 in Czechoslovakia. On 25 September 1992 he registered his permanent residence at his friend’s address in Krompachy. He remained registered at this address until 22 June 1994. On 28 September 1992 he lodged a claim for restitution of his father’s and uncle’s property under the Land Ownership Act of 1991. His claim was dismissed on the ground that, at the relevant time, he had not been living permanently within the territory of the former Czech and Slovak Federal Republic as required by Section 4(1) of the Land Ownership Act. On 29 November 1996 Košice Regional Court upheld the decision, adding that, under Section 4(1) of the Citizens’ Residence Registration Act of 1982, citizens could not permanently live at more than one address at the same time. As the applicant failed to terminate the registration of his main home in Germany prior to the registration of his permanent residence in Krompachy, his stay in the then Czechoslovakia had to be regarded as temporary. The Regional Court further held, among other things, that a police report indicated that the applicant’s registration in Krompachy had been of a formal nature. On 30 July 1999 the Supreme Court refused to re-examine the case as there was no remedy available against the Regional Court’s judgment.

The applicant alleged, in particular, that his right to the peaceful enjoyment of his

possessions was violated and that he was discriminated against as a result of the dismissal of his claim for restitution of property. He relied on Article 1 of Protocol No. 1 (protection of property) and Article 14 (prohibition of discrimination).

Excerpts from judgement given by a Chamber, ,M. Matti Pellonpää (Finnish), président,

I. ALLEGED VIOLATION OF

ARTICLE 1 OF PROTOCOL No. 1 … 27. The Court recalls that the

Convention institutions have consistently held that “possessions” within the meaning of Article 1 of Protocol No. 1 can be either “existing possessions” or assets, including claims, in respect of which an applicant can argue that he has at least a “legitimate expectation” that they will be realised. On the other hand, the hope that a long-extinguished property right may be revived cannot be regarded as a “possession” within the meaning of Article 1 of Protocol No. 1; nor can a conditional claim which has lapsed as a result of the failure to fulfil the condition (see the recapitulation of the relevant principles in Malhous v. the Czech Republic (dec.) [GC], no. 33071/96, 13 December 2000, ECHR 2000-XII and Gratzinger and Gratzingerova v. the Czech Republic (dec.) [GC], no. 39794/98, § 69, to be published in ECHR 2002, with further references).

28. In the present case the applicant’s action did not concern his “existing possessions” and the applicant did not have the status of an owner but was merely a claimant, like the applicants in the case of Gratzinger and Gratzingerova v. the Czech Republic cited above.

29. It therefore remains to be determined whether the applicant had a “legitimate expectation” that a current, enforceable claim would be determined in his favour. In this respect the Court notes that Section 4(1) of the Land Ownership Act of 1991 entitled the applicant to claim the restitution of his relatives’ property provided that, inter alia, he met the requirement of permanent residence within the then Czech and Slovak Federal Republic.

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30. As to the applicant’s argument that the domestic authorities decided on his action erroneously, the Court notes that in its judgment of 29 November 1996 the Kosice Regional Court recalled that under Section 4(1) of the Citizens’ Residence Registration Act of 1982 citizens cannot permanently reside at more than one address at the same time. As the applicant failed to terminate the registration of his main abode in Germany prior to the registration of his permanent residence in Krompachy, his stay in the then Czechoslovakia was to be regarded as temporary. Reference was made to the relevant case-law and to the practice of the Ministry of the Interior.

31. In addition, the evidence available indicated that the applicant’s stay at his friends’ address in Krompachy had lacked the attributes of permanent residence within the meaning of Section 3(2) of the Citizens’ Residence Registration Act, and that his registration at that address had been formal. The Regional Court concluded that by the date of expiry of the deadline for lodging his claim on 31 December 1992 the applicant had not resided permanently within the former Czech and Slovak Federal Republic as required by Section 4(1) of the Land Ownership Act.

32. Having regard to the information before it and considering that it has only limited power to deal with alleged errors of fact or law committed by the national courts (see García Ruiz v. Spain [G.C.] no. 30544/96, § 28, ECHR 1999-I and Kopp v. Switzerland, judgment of 25 March 1998, Reports of Judgments and Decisions 1988-II, p. 540, § 59), the Court considers that it cannot substitute its view for that of the Kosice Regional Court on the applicant’s compliance with the permanent residence requirement laid down in Section 4(1) of the Land Ownership Act of 1991.

33. Thus under the relevant law, as applied and interpreted by domestic authorities, the applicant neither had a right nor a claim amounting to a legitimate expectation in the sense of the Court’s case-law to obtain restitution of the property in question and therefore no “possession” within the meaning of Article 1 of Protocol No. 1.

34. The Court further recalls that Article 1 of Protocol No. 1 does not guarantee the right to acquire property (see e.g. Van der Mussele v. Belgium, judgment of 23 November

1983, Series A no. 70, § 48). It also cannot be interpreted as imposing any restrictions on the Contracting States’ freedom to choose conditions under which they accept to restore property which had been transferred to them before they ratified the Convention.

35. Consequently, neither the decisions complained of by the applicant nor the application of the Land Ownership Act of 1991 in his case amounted to an interference with his right to the peaceful enjoyment of his possessions.

36. There has therefore been no violation of Article 1 of Protocol No. 1.

40. The Court recalls that Article 14 only complements the other substantive provisions of the Convention and the Protocols. It has no independent existence since it has effect solely in relation to “the enjoyment of the rights and freedoms” safeguarded by those provisions. Although the application of Article 14 does not presuppose a breach of those provisions – and to that extent it is autonomous – there can be no room for its application unless the facts at issue fall within the ambit of one or more of the latter (see Jewish liturgical association Cha’are Shalom Ve Tsedek v. France [GC], no. 27417/95, § 86, ECHR 2000-VII; Polacek and Polackova v. the Czech Republic (dec.) [GC], no. 38645/97, § 69).

41. Since the Court has found above that the proceedings complained of did not concern the applicant’s “possessions” within the meaning of Article 1 of Protocol No. 1, Article 14 of the Convention cannot be combined with that provision in the particular circumstances of the case.

The Court further held, unanimously, that there had been no violation of Article 14. (The judgment is in English only.)

RESPECT DES BIENS ;

PROPORTIONNALITE ; ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE

ADMINISTRATIVE

La Grèce et le droit de propriété

SATKA ET AUTRES C. GRECE27/03/2003

Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1

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Cour (première section) n° 00055828/00 Exception préliminaire rejetée (ratione temporis, non-épuisement) ; Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 Jurisprudence : arrêt Immobiliare Sarffi c. Italie du 28 juillet 1999, no 22774/93, CEDH 1999-V ; arrêt Malama c. Grèce, no 43622/98, 1er mars 2001, § 41, CEDH 2001-II ; arrêt Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce du 9 décembre 1994, série A no 301-B La requête a été introduite par 88 ressortissants grecs, tous propriétaires ou héritiers de propriétaires de terrains situés à Kalamaria, faisant partie d’un domaine de 330 000 m2 réquisitionné par l’armée grecque en 1914 et sur lequel celle-ci bâtit une caserne (caserne Kodra). A leur demande, une indemnité leur fut judiciairement attribuée pour la perte de l’usage des terrains concernant la période allant de 1914 à 1928, date à laquelle l’Etat expropria leurs propriétés. L’indemnité d’expropriation fixée ne leur ayant été versée, le Conseil d’Etat annula l’expropriation en 1953. L’Etat ne fit rien pour se conformer à cet arrêt impliquant pour lui de lever l’expropriation ou de rendre les terrains à leurs ayants-droit. De 1953 à 1974, certains requérants perçurent des indemnités pour la perte de l’usage de leurs propriétés. Par un décret du 15 janvier 1983, le domaine fut qualifié « d’espace vert » et toute construction y fut interdite. Devant l’impossibilité de récupérer leur propriété et de toucher une indemnité, les requérants proposèrent à l’Etat de leur octroyer d’autres terrains en échange, mais le ministère de l’Economie refusa cette proposition en 1989. La réquisition fut maintenue jusqu’au 31 juillet 1991, date à laquelle l’armée restitua l’intégralité des terrains aux requérants. Ces derniers tentèrent d’en reprendre possession et d’en délimiter la surface par des poteaux, mais la municipalité de Kalamaria en ordonna la destruction et porta plainte contre eux. En 1993, des modifications du plan d’aménagement du territoire considérées par certains requérants comme une nouvelle expropriation, les poussèrent à saisir le tribunal de grande instance de Thessalonique. En 1996, le tribunal reconnut qu’il y avait expropriation et fixa à leur profit le montant de l’indemnité

leur étant due à ce titre. Toutefois, la municipalité de Kalamaria refusa de leur verser l’indemnité ainsi fixée, si bien qu’en avril 2000, la cour d’appel de Thessalonique révoqua cette expropriation. Par des décrets de 1995 et 1999, l’Etat qualifia les terrains litigieux d’espace culturel, de loisir et de sport. Invoquant l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété), les requérants se plaignaient d’avoir été privés de l’usage de leurs biens depuis 1914. Par ailleurs, sur le fondement de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable), ils reprochaient aux autorités d’être intervenues dans les procédures par des actes administratifs qualifiant les terrains litigieux d’espaces publics. En outre, ils se plaignaient de la durée de la procédure d’indemnisation et affirmaient que celle-ci n’est pas encore terminée en raison de l’attitude des autorités. La Cour européenne des Droits de l’Homme rappelle que la Grèce a admis le droit de recours individuel en novembre 1985. Les faits s’étant déroulés avant cette date se trouvent en dehors de la compétence de la Cour, elle pourra toutefois les prendre en considération dans l’appréciation de la situation des requérants postérieure à cette date. La Cour note que les révocations des expropriations en 1953 et 2000, ainsi que la fin de la réquisition en 1991 et la restitution des terrains, reviennent à reconnaître que les requérants sont encore juridiquement propriétaires de ces biens. Toutefois, elle note qu’ils ne purent et ne peuvent toujours pas disposer des terrains en raison, d’une part des qualifications différentes qui leur ont été données par décrets successifs, et d’autre part, du comportement de la municipalité de Kalamaria, démontrant la volonté des autorités de s’approprier ces terrains à la longue, sans engager dans un délai raisonnable une procédure d’expropriation, ni verser d’indemnité aux requérants. Bien que propriétaires, les requérants sont depuis 1991 dans l’impossibilité d’exploiter leurs biens car il est de notoriété publique que ceux-ci passeront dans l’avenir sous le contrôle de l’Etat. Ainsi, ils ont supporté et continuent de supporter une charge spéciale et exorbitante qui a rompu le juste équilibre devant régner entre l’intérêt général et la sauvegarde du droit au

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respect des biens. Dès lors, la Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention. Quant aux interventions successives et répétées de l’Etat, la Cour estime qu’elles privèrent de tout effet utile les décisions judiciaires rendues en faveur des requérants et les empêchèrent en réalité de voir que la contestation les opposant à l’Etat soit décidée par un tribunal, conformément au principe de la prééminence du droit. Par ailleurs, la Cour considère que le grief tiré de la durée de la procédure d’indemnisation doit être considéré comme absorbé par le précédent. Par conséquent, la Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Elle estime que la question de la satisfaction équitable ne se trouve pas en état et la réserve en entier. The application was lodged by 88 Greek nationals, all of whom were owners or the heirs of owners of land in Kalamaria that formed part of a 330,000 square metre estate that was requisitioned by the Greek Army in 1914 for the construction of the Kodra barracks. They applied for and obtained a court order for compensation for the loss of the use of the land for the period from 1914 to 1928, when the State expropriated their properties. Since the applicants were not paid the compensation awarded for the expropriation, the Legal Council of State set the expropriation order aside in 1953. The State made no attempt to comply with the judgment, which would have required it either to lift the expropriation order or to return the land to the rightful owners. From 1953 to 1974 some of the applicants received compensation for the loss of the use of their land. By a decree issued on 15 January 1983 the estate was declared "green belt" and building was prohibited. Since they had not succeeded in recovering their property or obtaining compensation, the applicants invited the State to grant them other land in exchange, but the Ministry of the Economy rejected that proposal in 1989. The land remained requisitioned until 31 July 1991, when the Army returned the entire property to the applicants. The applicants attempted to retake possession and to mark out the boundaries with posts, but the Kalamaria

Town Council ordered the removal of the posts and lodged a complaint against the applicants. In 1993 changes were made to the regional development plan. Some of the applicants regarded the proposed changes as amounting to a further act of expropriation. Accordingly, they applied to the Salonika Court of First Instance. In 1996 the Court of First Instance declared that there had been an expropriation and assessed the amount of compensation due to the applicants. However, the Kalamaria Town Council refused to pay, with the result that in April 2000 the Salonika Court of Appeal set aside the expropriation order. In 1995 and 1999 the State decreed that the land was to be reserved for culture, leisure and sport. Relying on Article 1 of Protocol No. 1 (protection of property) the applicants complained that they had been deprived of the use of their properties since 1914. They also complained under Article 6 § 1 (right to a fair trial within a reasonable time) that the authorities had intervened in the proceedings by issuing administrative decrees classifying the land concerned as being for public use. Lastly, they complained of the length of the proceedings for compensation which, as a result of the authorities’ conduct, were still continuing. The European Court of Human Rights observed that Greece had accepted the right of individual application in November 1985. Events that had taken place prior to the date of acceptance fell outside the Court’s jurisdiction, but it could nonetheless take them into consideration when assessing the applicants’ situation after that date. The Court noted that the setting aside of the expropriation orders in 1953 and 2000, coupled with the fact that the requisition had come to an end in 1991 with the properties being returned, amounted to an admission that the applicants were still the owners in law. However, they continued to be unable to use the land owing, firstly, to the various ways in which it had been classed by successive decrees and, secondly, to the conduct of the Kalamaria Town Council, which conduct showed that the authorities’ aim was to appropriate the land over the long-term, without bringing expropriation proceedings within a reasonable time or paying

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compensation to the applicants. Although they were the owners of the land, the applicants had been unable to use it even after 1991, as it was public knowledge that it would come under State control in the future. Thus, the applicants had borne and continued to bear an individual and excessive burden which had upset the fair balance that had to be struck between the general interest and the protection of the right to the peaceful enjoyment of possessions. Accordingly, the Court held unanimously that there had been a violation of Article 1 of Protocol No. 1 to the Convention. As regards the repeated State intervention, the Court considered that it had rendered the judicial decisions in favour of the applicants ineffective so that in practice the applicants had been prevented from obtaining a judicial determination of their dispute with the State, as they were entitled to under the rule of law. The Court also considered that the complaint concerning the length of the compensation proceedings had to be regarded as having been absorbed by the preceding complaint. Consequently, it held unanimously that there had been a violation of Article 6 § 1 of the Convention. The question of just satisfaction was not ready for decision and was reserved in its entirety.

ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE

CIVILE ; BIENS

La Roumanie et le droit de propriété retrouvé (suite)

POPOVICI ET AUTRES c. ROUMANIE

Violation de l’article 6 § 1 Non-violation de l’article 1 du Protocole n° 1

STOICESCU c. ROUMANIE CHIRIACESCU c. ROUMANIE

Violations de l’article 6 § 1 Violation de l’article 1 du Protocole n° 1

04/03/2003 Cour (deuxième section) CHIRIACESCU c. ROUMANIE n° 00031804/96 04/03/2003 Exception préliminaire rejetée (victime) ; Violation de l'art. 6-1 du fait de l'absence d'un procès équitable ; Violation de l'art. 6-1 en raison du refus du droit d'accès à un tribunal ; Non-lieu à examiner l'art. 13 ; Violation de P1-1 ; Dommage matériel - réparation pécuniaire ;

Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens. Droit en cause Code de procédure civile, article 330 Jurisprudence : Boc c. Roumanie, n° 33353/96, § 34, 17 décembre 2002, non publié ; Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, §§ 31-44, §§ 61-62, § 70, §§ 73-74, CEDH 1999-VII ; Ciobanu c. Roumanie, n° 29053/95, 16 juillet 2002, § 50, § 57 ; Hodos et autres c. Roumanie, n° 29968/96, § 42, 21 mai 2002, non publié ; Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, 26 octobre 2000, § 146, CEDH 2000-XI Cour (deuxième section) STOICESCU c. ROUMANIE n° 00031551/96 04/03/2003 Violation de l'art. 6-1 du fait de l'absence d'un procès équitable ; Violation de l'art. 6-1 en raison du refus du droit d'accès à un tribunal ; Non-violation de l'art. 6-1 du fait du manque allégué d'indépendance et d'impartialité ; Violation de P1-1 ; Dommage matériel - réparation pécuniaire ; Préjudice moral - réparation pécuniaire Droit en cause Code de procédure civile, article 330 Jurisprudence : Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, §§ 31-44, §§ 61-62, § 70, §§ 73-74, CEDH 1999-VII ; Ciobanu c. Roumanie, n° 29053/95, 16 juillet 2002, §§ 44, 45 ; Didier c. France (déc.), n° 58188/00, 27 août 2002 ; Falcoianu c. Roumanie, n° 32943/96, 9 juillet 2002, §§ 37, 38 ; Gautrin et autres c. France, arrêt du 20 mai 1998, Recueil 1998-III, pp. 1030-1031, § 58 ; Kadubec c. Slovaquie, arrêt du 2 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998 - VI, § 56 ; Revoldini et autres c. Luxembourg (déc.), n° 50595/99, 18 janvier 2001 Cour (deuxième section) POPOVICI ET DUMITRESCU c. ROUMANIE n° 00031549/96 04/03/2003 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; BIENS Violation de l'art. 6-1 ; Non-violation de P1-1 Droit en cause Jurisprudence : Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, §§ 31, 34, 35, 40-44, §§ 61-62, CEDH 1999-VII Popovici et autres : Irina Margaret Popovici, Sanda Popovici et Maria Margareta Dumitrescu

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sont des ressortissantes roumaines. Mmes Popovici sont nées respectivement en 1930 et 1932. Mme Dumitrescu est décédée en 1997, mais la procédure devant la Cour est continuée par son héritière, Maria Cristina Mauc Dumitrescu, ressortissante française et roumaine, résidant à Villebon sur Yvette (France). La requête porte sur un immeuble situé à Predeal que construisit le père des requérantes. L’immeuble fut nationalisé en 1965, et transféré à l’administration du service roumain de renseignement en 1992. Stoicescu : Stefan Stoicescu est un ressortissant roumain, né en 1940 et résidant à Bucarest. La requête porte sur une maison située à Bucarest construite par sa tante, et que l’Etat nationalisa en 1950. Selon les informations fournies par le requérant, l’Etat a vendu ce bien à des tiers. Chiriacescu : Maria Chiriacescu était une ressortissante roumaine née en 1900 et résidait à Bucarest. Elle est décédée en 1996, mais sa petite fille Maria Cristina Chiriacescu a exprimé le souhait de continuer l’instance. La requête porte sur un immeuble situé à Bucarest, constitué d’une maison composée de deux appartements et du terrain y afférent, que l’Etat nationalisa en 1950. En 1997, une décision lui restitua un des deux appartements et lui accorda une indemnité pour le deuxième appartement, celui-ci ayant été vendu à un tiers. La requérante contesta cette décision. Dans ces trois affaires, les requérants dénonçaient le refus des juridictions nationales de leur restituer les immeubles dont ils étaient propriétaires et qui avaient été nationalisés par l’Etat. Invoquant l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable), ils se plaignaient du refus de reconnaître aux tribunaux compétence pour trancher une action en revendication. Sur le fondement de l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété), ils se plaignaient en outre de l’atteinte portée au droit au respect de leurs biens. Dans l’affaire Stoicescu, le requérant soutenait également que la Cour suprême de justice n’était pas indépendante et impartiale, celle-ci ayant modifié sa jurisprudence suite à un discours du Président de la Roumanie demandant que les décisions de justice annulant les nationalisations faites sous le régime communiste ne soient pas exécutées. Dans l’affaire Chiriacescu, la requérante alléguait qu’elle n’avait pas disposé

d’un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention. Popovici et autres : Estimant que le refus de reconnaître compétence aux tribunaux pour trancher une action en revendication est en soi contraire au droit d’accès à un tribunal, la Cour européenne des Droits de l’Homme conclut à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1. Par ailleurs, la Cour relève que la procédure ne se rapportait pas à un « bien actuel » des requérantes, et celles-ci n’ont pas établi avoir une « espérance légitime » quant à la propriété du bien revendiqué. La Cour considère qu’elles n’étaient pas titulaires d’un bien et conclut à l’unanimité à la non-violation de l’article 1 du Protocole n° 1. Elle leur alloue conjointement 6 000 euros (EUR) pour dommage moral et 120 EUR pour frais et dépens. Stoicescu et Chiriacescu : La Cour estime qu’en annulant des décisions de justice définitives la Cour suprême de justice a méconnu le principe de sécurité des rapports juridiques et le droit des requérants à un procès équitable. Par ailleurs, la Cour rappelle que l’exclusion par la Cour suprême de l’action en revendication des requérants de la compétence des tribunaux est en soi contraire au droit d’accès à un tribunal. Partant, la Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 sur ces deux points. Quant au grief tiré de l’absence d’indépendance de la Cour suprême, soulevé dans l’affaire Stoicescu, la Cour estime que les déclarations du président roumain s’adressaient à l’administration, et que rien ne permet de dire qu’elles auraient influencé les juges ayant statué dans l’affaire du requérant. Quant au grief tiré de la violation de l’article 13, soulevé dans l’affaire Chiriacescu, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de l’examiner. D’autre part, la Cour constate que les droits de propriété des requérants avaient été établis par des jugements définitifs, et que ces droits n’étaient dès lors pas révocables. Les arrêts de la Cour suprême ont eu pour effet de les priver de leurs biens. Dans ces conditions, la Cour estime que le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu a été rompu, et que les requérants ont supporté et continuent de supporter une charge spéciale

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exorbitante. Par conséquent, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 1 du Protocole n° 1. Dans l’affaire Stoicescu, la Cour dit que la Roumanie doit restituer le bien au requérant dans les trois mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif. A défaut d’une telle restitution, elle devra lui payer 270 000 EUR pour dommage matériel. Par ailleurs, elle lui alloue 6 000 EUR pour dommage moral. Dans l’affaire Chiriacescu, la Cour alloue à la requérante 70 000 EUR pour dommage matériel, ainsi que 3 000 EUR pour dommage moral et 1 400 EUR pour frais et dépens. (Ces arrêts n’existent qu’en français.) (3) Popovici and Others v. Romania (no. 31549/96) Violation Article 6 § 1 No violation Article 1 of Protocol No. 1 (4) Stoicescu v. Romania (no. 31551/96) Violations Article 6 § 1 (5) Chiriacescu v. Romania (no. 31804/96) Violation Article 1 of Protocol No. 1 Popovici and Others: Irina Margaret Popovici, Sanda Popovici and Maria Margareta Dumitrescu are Romanian nationals. The first two applicants were born in 1930 and 1932 respectively. Mrs Dumitrescu died in 1997, but the proceedings before the Court were continued by her heir, Maria Cristina Mauc Dumitrescu, a French and Romanian national who lives in Villebon sur Yvette (France). The application concerned a property in Predeal built by the applicants’ father. The building was nationalised in 1965 and transferred to the Romanian Intelligence Service in 1992. Stoicescu: Stefan Stoicescu is a Romanian national who was born in 1940 and lives in Bucharest. The application concerned a house in Bucharest, built by his aunt, which the State nationalised in 1950. According to information provided by the applicant, the State then sold the property to third parties. Chiriacescu: Maria Chiriacescu was a Romanian national who was born in 1900 and lived in Bucharest. She died in 1996, but her granddaughter Maria Cristina Chiriacescu stated that she wished to continue the proceedings. The application concerned a property in Bucharest, consisting of a house divided into two flats

and the adjoining land, which the State nationalised in 1950. In a decision of 1997 one of the flats was returned to her and she was awarded compensation for the second flat, which had been sold to a third party. The applicant contested that decision. In these three cases the applicants complained of the national courts’ refusal to return their former property, which had been nationalised by the State. Relying on Article 6 § 1 (right to a fair hearing), they complained of the refusal to recognise that the courts had jurisdiction to settle actions over title to property. They complained further, under Article 1 of Protocol No. 1 (protection of property), of an infringement of their right to the peaceful enjoyment of their possessions. In the Stoicescu case the applicant also argued that the Supreme Court of Justice was not independent or impartial as it had departed from its previous case-law following a speech by the President of Romania requesting the authorities not to execute decisions by which the courts had declared null and void the nationalisation of property under the communist regime. In the Chiriacescu case the applicant submitted that she had not had an effective remedy within the meaning of Article 13 of the Convention. Popovici and Others: Finding that the refusal to recognise that the courts had jurisdiction to settle actions over title to property was in itself contrary to the right of access to a tribunal, the European Court of Human Rights held unanimously that there had been a violation of Article 6 § 1. The Court noted that the proceedings had not concerned "existing property" of the applicants and that they had failed to establish that they had a "legitimate expectation" of owning the property claimed. The Court found that they were not the owners of a possession and held unanimously that there had not been a violation of Article 1 of Protocol No. 1. It awarded them 6,000 euros (EUR) jointly for non-pecuniary damage and EUR 120 for costs and expenses. Stoicescu and Chiriacescu: The Court held that, by quashing court judgments which had become final, the Supreme Court of Justice had infringed the principle of legal certainty and the applicants’ right to a fair trial. Furthermore, the Supreme Court’s refusal to

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recognise that the courts had jurisdiction to hear the applicants’ action to establish title to the property was in itself contrary to the right of access to a tribunal. Accordingly, the Court held unanimously that there had been a violation of Article 6 § 1 in both those respects. With regard to the complaint, raised in the Stoicescu case, that the Supreme Court was not independent or impartial, the Court held that the statements of the Romanian President had been addressed to the authorities and that there was nothing to suggest that they had influenced the judges who had dealt with the applicant’s case. With regard to the complaint based on a violation of Article 13, raised in the Chiriacescu case, the Court held that it was not necessary to examine it. The Court also found that the applicants’ rights of property had been established by final judgments and had therefore been irrevocable. The judgments of the Supreme Court had had the effect of depriving them of their property. In the circumstances, the Court considered that the fair balance that had to be struck between the demands of the general interest of the community and the requirements of the protection of the individual’s fundamental rights had been upset and that the applicants had borne and continued to bear an individual and excessive burden. Consequently the Court held unanimously that there had been a violation of Article 1 of Protocol No. 1. In the Stoicescu case the Court held that Romania should return the property to the applicant within three months of this judgment becoming final, failing which the State would have to pay the applicant EUR 270,000 for pecuniary damage. It also awarded the applicant EUR 6,000 for non-pecuniary damage. In the Chiriacescu case the Court awarded the applicant EUR 70,000 for pecuniary damage, EUR 3,000 for non-pecuniary damage and EUR 1,400 for costs and expenses. (These judgments are available only in French).

TOUS LES ARRETS DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE

L’HOMME MARS 2003 (23)

4 mars 2003 Cour (deuxième section) YASAR KEMAL GÔKCELI c. TURQUIE n° 00027215/95 ; 00036194/97 04/03/2003 LIBERTE D'EXPRESSION ; INGERENCE {ART 10} ; DEFENSE DE L'ORDRE {ART 10} ; SECURITE NATIONALE {ART 10} ; INTEGRITE TERRITORIALE ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 10} ; PRESOMPTION D'INNOCENCE ; PREVISIBILITE {ART 10} Violation de l'art. 10 ; Non-violation de l'art. 6-2 ; Non-violation de l'art. 7 ; Préjudice moral - constat de violation suffisant Droit en cause Code pénal, article 312 ; Constitution, article 28 ; Code de procédure pénale, article 86 Jurisprudence : Akdivar et autres c. Turquie (article 50), arrêt du 1er avril 1998, Recueil 1998-II, p. 723, § 47 ; Butler c. Royaume-Uni (déc.), n° 41661/98, 27 juin 2002, non publiée ; Castells c. Espagne, arrêt du 23 avril 1992, série A n° 236, § 46, p. 23 ; Ceylan c. Turquie [GC], n° 23556/94, § 28, § 37, CEDH 1999-IV ; Daktaras c. Lituanie, n° 42095/98, § 41, § 42, CEDH 2000-X ; Englert c. Allemagne, arrêt du 25 août 1987, série A n° 123, p. 55, § 39 ; Erdogdu et Ince c. Turquie [GC], n°s 25067/94 et 25068/94, § 59, CEDH 1999-IV ; Fressoz et Roire c. France [GC], n° 29183/95, § 45, CEDH 1999-I ; Gerger c. Turquie [GC], n° 24919/94, § 50, 8 juillet 1999 ; Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], n° 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI ; Ibrahim Aksoy c. Turquie, n°s 28635/95, 30171/96 et 34535/97, § 60, 10 octobre 2000 ; Incal c. Turquie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, p. 1567, § 54, p. 1568, § 58, § 78 ; Leutscher c. Pays-Bas, arrêt du 26 mars 1996, Recueil 1996-II, p. 436, § 31 ; Lutz c. Allemagne, arrêt du 25 août 1987, série A n° 123, pp. 25-26, § 62 ; Marziano c. Italie, n° 45313/99, 28 novembre 2002 ; News Verlags GmbH & CoKG c. Autriche, n° 31457/96, § 52, CEDH 2000-I ; Nilsen et Johnsen c. Norvège [GC], n° 23118/93, § 43, CEDH 1999-VIII ; Nölkenbockhoff c. Allemagne,

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arrêt du 25 août 1987, série A n° 123, pp. 80-81, § 39 ; Oberschlick c. Autriche, arrêt du 23 mai 1991, série A n° 204, p. 28, § 65 ; Öztürk c. Turquie [GC], n° 22479/93, § 64, CEDH 1999-VI ; S.W. c. Royaume-Uni, arrêt du 22 novembre 1995, série A n° 335-B, p. 42, § 35 ; Wingrove c. Royaume-Uni, arrêt du 25 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1957, § 58 ; Zana c. Turquie, arrêt du 25 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VII, p. 2539, § 10. Cour (deuxième section) CHIRIACESCU c. ROUMANIE n° 00031804/96 04/03/2003 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCES EQUITABLE ; BIENS ; PRIVATION DE PROPRIETE ; PROPORTIONNALITE ; VICTIME Exception préliminaire rejetée (victime) ; Violation de l'art. 6-1 du fait de l'absence d'un procès équitable ; Violation de l'art. 6-1 en raison du refus du droit d'accès à un tribunal ; Non-lieu à examiner l'art. 13 ; Violation de P1-1 ; Dommage matériel - réparation pécuniaire ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens. Droit en cause Code de procédure civile, article 330 Jurisprudence : Boc c. Roumanie, n° 33353/96, § 34, 17 décembre 2002, non publié ; Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, §§ 31-44, §§ 61-62, § 70, §§ 73-74, CEDH 1999-VII ; Ciobanu c. Roumanie, n° 29053/95, 16 juillet 2002, § 50, § 57 ; Hodos et autres c. Roumanie, n° 29968/96, § 42, 21 mai 2002, non publié ; Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, 26 octobre 2000, § 146, CEDH 2000-XI Cour (deuxième section) STOICESCU c. ROUMANIE n° 00031551/96 04/03/2003 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCES EQUITABLE ; BIENS ; PRIVATION DE PROPRIETE ; PROPORTIONNALITE ; TRIBUNAL INDEPENDANT ; TRIBUNAL IMPARTIAL Violation de l'art. 6-1 du fait de l'absence d'un procès équitable ; Violation de l'art. 6-1 en raison du refus du droit d'accès à un tribunal ; Non-violation de l'art. 6-1 du fait du manque allégué d'indépendance et d'impartialité ; Violation de P1-1 ; Dommage matériel -

réparation pécuniaire ; Préjudice moral - réparation pécuniaire Droit en cause Code de procédure civile, article 330 Jurisprudence : Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, §§ 31-44, §§ 61-62, § 70, §§ 73-74, CEDH 1999-VII ; Ciobanu c. Roumanie, n° 29053/95, 16 juillet 2002, §§ 44, 45 ; Didier c. France (déc.), n° 58188/00, 27 août 2002 ; Falcoianu c. Roumanie, n° 32943/96, 9 juillet 2002, §§ 37, 38 ; Gautrin et autres c. France, arrêt du 20 mai 1998, Recueil 1998-III, pp. 1030-1031, § 58 ; Kadubec c. Slovaquie, arrêt du 2 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998 - VI, § 56 ; Revoldini et autres c. Luxembourg (déc.), n° 50595/99, 18 janvier 2001 Cour (deuxième section) POPOVICI ET DUMITRESCU c. ROUMANIE n° 00031549/96 04/03/2003 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; BIENS Violation de l'art. 6-1 ; Non-violation de P1-1 Droit en cause Jurisprudence : Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, §§ 31, 34, 35, 40-44, §§ 61-62, CEDH 1999-VII Cour (deuxième section) ÔZKUR ET GÔKSUNGUR c. TURQUIE n° 00037088/97 04/03/2003 TRAITEMENT INHUMAIN ; AUSSITOT TRADUITE DEVANT UN JUGE OU AUTRE MAGISTRAT ; CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (réglement amiable) Cour (deuxième section) C.S.Y. c. TURQUIE n° 00027214/95 04/03/2003 LIBERTE D'EXPRESSION ; INGERENCE {ART 10} ; SECURITE NATIONALE {ART 10} ; INTEGRITE TERRITORIALE ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 10} Violation de l'art. 10 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Remboursement partiel frais et dépens Articles 10 ; 41 Droit en cause Constitution, article 28 ; Code de procédure pénale, article 86 Jurisprudence : Castells c. Espagne, arrêt du 23 avril 1992, série A n° 236, § 46, p. 23 ; Comingersoll S.A.

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c. Portugal [GC], n° 35382/97, CEDH 2000-IV, §§ 31-37 ; Elsholz c. Allemagne [GC], n° 25735/94, § 74, CEDH 2000-VIII ; Fressoz et Roire c. France [GC], n° 29183/95, § 45, CEDH 1999-I ; Gerger c. Turquie [GC], n° 24919/94, § 50, 8 juillet 1999 ; Ibrahim Aksoy c. Turquie, n°s 28635/95, 30171/96 et 34535/97, § 60, 10 octobre 2000 ; Incal c. Turquie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, p. 1567, § 54 ; Incal précité, p. 1568, § 58 ; Lingens c. Autriche, arrêt du 8 juillet 1986, série A n° 103, p. 26, §§ 41-42 ; News Verlags GmbH & CoKG c. Autriche, n° 31457/96, § 52, CEDH 2000-I ; Nikolova c. Bulgarie [GC], n° 31195/96, § 79, CEDH 1999-II ; Nilsen et Johnsen c. Norvège [GC], n° 23118/93, § 43, CEDH 1999-VIII ; Öztürk c. Turquie [GC], n° 22479/93, § 64, CEDH 1999-VI ; Société X c. Royaume-Uni, n° 9615/81, décision de la Commission du 5 mars 1983, Décisions et rapports (DR) 32, p. 231 ; Sunday Times c. Royaume-Uni (n° 2), arrêt du 26 novembre 1991, série A n° 217, p. 28, § 49 ; Sürek c. Turquie (n° 1) [GC], n° 26682/95, § 52, CEDH 1999-IV ; U.W. c. Allemagne, n° 21128/92, décision de la Commission du 11 janvier 1995, DR 80, p. 94 ; Vereniging Weekblad Bluf ! c. Pays-Bas, arrêt du 9 février 1995, série A n° 306, p. 12, § 27 ; Wingrove c. Royaume-Uni, arrêt du 25 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, p. 1957, § 58 ; Zubani c. Italie [satisfaction équitable] [GC], n° 14025/88, § 23, 16 juin 1999 Cour (deuxième section) POSOKHOV c. RUSSIE n° 00063486/00 04/03/2003 TRIBUNAL ETABLI PAR LA LOI ; PROCEDURE PENALE ; VICTIME Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens - demande rejetée Articles 6-1 ; 34 ; 41 Jurisprudence : Amuur c. France, arrêt du 25 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, p. 846, § 36 ; Buscarini c. Saint-Marin (déc.), n° 31657/96, 4 mai 2000, non publié ; Dalban c. Roumanie [GC], n° 28114/95, § 44, CEDH 1999-VI ; E. c. Autriche, n° 10668/83, Commission décision du 13 mai 1987, Décisions et rapports 52, p. 177 Cour (quatrième section)

MOLNAROVA AND KOCHANOVA c. SLOVAQUIE n° 00044965/98 04/03/2003 Conclusion Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention Articles 6-1 ; 41 Jurisprudence : Arvelakis c. Grèce, n° 41354/98, § 34, 12 avril 2001 ; Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], n° 28957/95, § 124, 11 juillet 2002 ; Guincho c. Portugal, arrêt du 10 juillet 1984, série A n° 84, § 40 ; Pélissier et Sassi c. France [GC], n° 25444/94, § 67, CEDH 1999-II ; Philis c. Grèce (n° 2), arrêt du 27 juin 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, p. 1083, § 35 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE Cour (quatrième section) A.B. c. SLOVAQUIE n° 00041784/98 04/03/2003 Applicabilité Article 6 applicable PROCES EQUITABLE ; PROCEDURE CIVILE ; EGALITE DES ARMES Violation de l'art. 6-1 quant au refus de désigner un avocat ; Non-violation de l'art. 6-1 quant au caractère arbitraire allégué de la décision ; Non-lieu à examiner l'art. 13 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 1 000 EUR pour préjudice moral et 100 EUR pour frais et dépens. - procédure nationale Jurisprudence : Ankerl c. Suisse, arrêt du 23 octobre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, pp. 1567-1568, § 38 ; Artico c. Italie, arrêt du 13 mai 1980, série A n° 37, § 35 ; Athanassoglou et autres c. Suisse [GC], n° 27644/95, § 43, CEDH 2000 ; Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], n° 28957/95, § 124, 11 juillet 2002 ; De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique (satisfaction équitable), arrêt du 10 mars 1972, série A n° 14, § 16 ; Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, arrêt du 27 octobre 1993, série A n° 274, p. 19, § 33 ; Moreira de Azevedo c. Portugal, arrêt du 23 octobre 1990, série A n° 189, § 66 ; P., C. et S. c. Royaume-Uni, n° 56547/00, § 91, 16 juillet 2002 ; Werner c. Autriche, arrêt du 24 novembre 1997, Recueil 1997-VII, p. 2514, § 72 Cour (quatrième section) JANTNER c. SLOVAQUIE n° 00039050/97 04/03/2003 BIENS Non-violation de P1-1 ; Non-violation de l'art. 14 Jurisprudence :

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García Ruiz c. Espagne [GC], n° 30544/96, § 28, CEDH 1999-I ; Gratzinger et Gratzingerova c. République tchèque (déc.) [GC], n° 39794/98, § 69, CEDH 2002-... ; Cha'are Shalom Ve Tsedek c. France [GC], n° 27417/95, § 86, CEDH 2000-VII Kopp c. Suisse, arrêt du 25 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1988-II, p. 540, § 59 ; Malhous c. République tchèque (déc.) [GC], n° 33071/96, 13 décembre 2000, CEDH 2000-XII ; Polacek et Polackova c. République tchèque (déc.) [GC], n° 38645/97, § 69 ; Van der Mussele c. Belgique, arrêt du 23 novembre 1983, série A n° 70, § 48 6 mars 2003 JASIUNIENE c. LITUANIE n° 00041510/98 06/03/2003 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; BIENS ; RESPECT DES BIENS ; RATIONE TEMPORIS Violation de l'art. 6-1 ; Non-lieu à examiner l'art. 13 ; Violation de P1-1 en ce qui concerne la non-exécution ; Non-violation de P1-1 quant aux autres griefs Jurisprudence : Burdov c. Russie, arrêt du 7 mai 2002, n° 59498/00, §§ 34-35 et § 40, CEDH 2002-III ; Ex-roi de Grèce et autres c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], n° 25701/94, 28 novembre 2002, § 105 ; Hornsby c. Grèce, n° 18357/91, 19 mars 1997, § 40, CEDH 1997-II ; Polacek et Polackova c. the République tchèque décision [GC], n° 38645/97, 10 juillet 2002, §§ 61-70 Cour (première section) FERRETTI c. ITALIE n° 00060660/00 06/03/2003 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable) Cour (première section) IPSILANTI c. GRECE n° 00056599/00 06/03/2003 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE PENALE Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée Jurisprudence : Cardarelli c. Italie, arrêt du 27 février 1992, série A no 229-G, p. 75, § 19

; Di Pede c. Italie, arrêt du 26 septembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, § 27 Cour (première section) KOUMOUTSEA ET AUTRES c. GRECE n° 00056625/00 06/03/2003 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE ADMINISTRATIVE Violation de l'art. 6-1 Jurisprudence : Doustaly c. France, arrêt du 23 avril 1998, Recueil 1998-II, p. 857, p. 39 ; Richard c. France, arrêt du 22 avril 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, p. 824, § 57 Cour (quatrième section) LESNIK c. SLOVAQUIE n° 00035640/97 11/03/2003 LIBERTE D'EXPRESSION ; INGERENCE {ART 10} ; PREVUE PAR LA LOI {ART 10} ; PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI (ART 10) ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 10} ; PROPORTIONNALITE ; PROTECTION DES DROITS D'AUTRUI (ART 10) Non-violation de l'art. 10 Opinions séparées Bratza et Maruste ( dissidente) Jurisprudence : Janowski c. Pologne [GC], n° 25716/94, §§ 30 et 33, CEDH 1999-I ; Nikula c. Finlande, n° 31611/96, §§ 44 et 48, 22 mars 2002 . Tammer c. Estonie, n° 41205/98, § 67, 6 février 2001 12/03/2003 Cour (première section) OCALAN c. TURQUIE n° 00046221/99 12/03/2003 INTRODUIRE UN RECOURS ; GARANTIES PROCEDURALES DE CONTROLE ; CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; VOIES LEGALES ; AUSSITOT TRADUITE DEVANT UN JUGE OU AUTRE MAGISTRAT ; TRIBUNAL IMPARTIAL ; TRIBUNAL INDEPENDANT ; DROITS DE LA DEFENSE ; PROCEDURE PENALE ; PROCES EQUITABLE ; SE DEFENDRE AVEC L'ASSISTANCE D'UN AVOCAT ; EGALITE DES ARMES ; PEINE DE MORT ; PREVUE PAR LA LOI {ART 2} ; TRIBUNAL COMPETENT {ART 2} ; DROITS ET LIBERTES N'ADMETTANT AUCUNE DEROGATION {ART 2} ; TRAITEMENT INHUMAIN ; PEINE

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INHUMAINE ; ENTRAVER L'EXERCICE DU DROIT DE RECOURS Exception préliminaire rejetée (non-épuisement) ; Violation de l'art. 5-4 ; Non-violation de l'art. 5-1 ; Violation de l'art. 5-3 ; Violation de l'art. 6-1 ; Violation des art. 6-1+6-3 et 6-3-c ; Non-violation de l'art. 2 ; Non-violation de l'art. 14+2 ; Non-violation de l'art. 3 en ce qui concerne l'exécution de la peine de mort ; Violation de l'art. 3 en ce qui concerne le prononcé de la peine de mort ; Non-violation de l'art. 3 en ce qui concerne les conditions de détention ; Non-lieu à examiner les art. 7, 8, 9, 10, 13 et 14 ; Non-violation de l'art. 34 ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; frais et dépens : 100 000 EUR - procédure de la Convention Opinions séparées : Türmen (dissidente) Droit en cause Constitution, article 143 ; Loi no 4390 du 22 juin 1999, articles 1 et 3 ; Code pénal, article 125 ; Code de procédure pénale, articles 128 et 144 ; Loi no 466 du 15 mai 1964 sur l'octroi d'indemnités aux personnes illégalement arrêtées ou détenues Jurisprudence : affaire Bankovic et autres c. Belgique (déc.), n° 52207/99, §§ 59-60 et 67, CEDH2001-XII ; affaire Çinar c. Turquie, requête no 17864/91, décision de la Commission du 5 septembre 1994, D.R. 79, p. 5 ; affaire Freda c. Italie, no 8916/80, décision de la Commission du 7 octobre 1980, D.R. 21, p. 250 ; affaire Kalachnikov c. Russie (déc.) no 47095/99, § 95,CEDH 2001-XI ; affaire Klaus Altmann (Barbie) c. France, no 10689/83, décision de la Commission du 4 juillet 1984, D.R. 37, p. 225 ; affaire Luc Reinette c. France, no 14009/88, décision de la Commission du 2 octobre 1989, D.R. 63, p. 189 ; affaire Messina c. Italie (déc.), no 25498/94, CEDH 1999-V ; affaire P.K. c. Finlande (déc.), no 37442/97, 9 juillet 2002 ; affaire Stocké c. Allemagne, avis de la Commission du 12 octobre 1989, série A no 199, p. 24, § 167, p. 24-25, § 169 ; arrêt Aksoy c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2282, § 78 ; arrêt Al-Adsani c. Royaume-Uni [GC], no 35763/97, § 55, CEDH 2001-XI ; arrêt Albert et Le Compte c. Belgique du 10 février 1983, série A no 58, p. 13, § 22 ; arrêt Amann c. Suisse [GC], no 27798/95, § 56, CEDH 2000-II ; arrêt Artico c. Italie du 13 mai 1980, série A no 37, p. 16, § 33 ; arrêt Benham c. Royaume-Uni du 10 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions

1996-III, p. 753, § 41 ; arrêt Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 33202/96, 28 mai 2002, § 27 ; arrêt Bouamar c. Belgique du 29 février 1988, série A no 129, p. 21, § 49 ; arrêt Bozano c. France du 18 décembre 1986, série A n° 111, p. 23, § 54, §§ 54 et 59 ; arrêt Brandstetter c. Autriche du 28 août 1991, série A no 211, p. 27, §§ 66-67 ; arrêt Brannigan et McBride c. Royaume-Uni du 26 mai 1993, série A 258-B, pp. 55-56, §§ 62-63 ; arrêt Brennan c. Royaume-Uni, no 39846/98, §§ 38-40, CEDH 2001-X ; arrêt Brogan et autres c. Royaume-Uni du 29 novembre 1988, série A no 145-B, p. 33, § 61 et § 62 ; arrêt Bulut c. Autriche du 22 février 1996, Recueil 1996-II, pp. 380-381, § 47 ; arrêt Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p.1855, § 79 ; arrêt Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], no 28657/95, § 124, CEDH 2002-VI ; arrêt Çiraklar c. Turquie du 28 octobre 1998 (Recueil 1998-VII, p. 3073-3074, § 40 ; arrêt Colozza et Rubinat c. Italie du 12 février 1985, série A n° 89, p. 15, § 28 ; arrêt Cruz Varas et autres c. Suède du 20 mars 1991, série A no 201, p. 37, § 104 ; arrêt Findlay c. Royaume-Uni du 25 février 1997, Recueil 1997-I ; arrêt Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A no 154 ; arrêt Imbrioscia c. Suisse du 24 novembre 1993, série A no 275, p. 13, § 36 et p. 14, § 38 ; arrêt Incal c. Turquie du 9 juin 1998 Recueil 1998-IV, p. 1547 et p. 1572-1573, § 71 ; arrêt Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A no 25, p. 65, §§ 161 et 162 ; arrêt John Murray c. Royaume-Uni du 8 février 1996, Recueil 1996-I, pp. 54-55, § 63 ; arrêt Johnston et autres c. Irlande du 18 décembre 1986, série A no 112, p. 22, § 45 ; arrêt Kamasinski c. Autriche du 19 décembre 1989, série A no 168, p. 39, § 88 ; arrêt Kremzow c. Autriche du 21 septembre 1993, série A no 268-B, p. 42, §§ 48 et 52, et p. 44, § 63 ; arrêt Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96, § 92et § 94, CEDH 2000-XI ; arrêt Loizidou c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2231, § 43 ; arrêt Magee c. Royaume-Uni, n° 28135/95, §§ 44-45, CEDH 2002-I ; arrêt McCann c. Royaume-Uni du 27 septembre 1995, série A no 324, pp. 45-46, § 147 ; arrêt Murray c. Royaume-Uni du 28 octobre 1994, série A no 300-A, p. 27, § 58 ; arrêt Pfeifer et Plankl c. Autriche du 22 avril 1998, série A no 227, p. 16, § 37 ; arrêt Pullar c. Royaume-Uni

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du 10 juin 1996, Recueil 1996-III, p. 796, § 45 ; arrêt Quaranta c. Suisse, 24 mai 1991, série A no 205, p. 16, § 30 ; arrêt Raninen c. Finlande du 16 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, p. 2821-2822, § 55 et § 56 ; arrêt Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, § 52, CEDH 2000-V ; arrêt S. c. Suisse du 28 novembre 1991, série A no 220, p. 16, § 48 ; arrêt Sakik et autres c. Turquie du 26 novembre 1997, Recueil 1997-VII, §§ 12, 44, 45, 53 et 60 ; arrêt Salman c. Turquie [GC], no 21986/93, § 132, CEDH 2000-VII ; arrêt Selmouni c. France du 28 juillet 1999, Recueil 1999-V, § 101 ; arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A no 161, p. 34, § 88, p. 35, § 89, p. 40, §§ 102, 103 et 104 : arrêt Stocké c. Allemagne du 19mars 1991, série A n° 199, p. 19, § 54 ; arrêt Sunday Times c. Royaume-Uni du 6 novembre 1980 (article 50), série A no 38, p. 13, § 23 ; arrêt Tyrer c. Royaume-Uni du 25 avril 1978, série A no 26, p. 16, § 32 ; arrêt Van Oosterwijck c. Belgique du 6 novembre 1980, série A no 40, pp. 18-19, §§ 36-40 ; arrêt Vernillo c. France du 20 février 1991, série A no 198, pp. 11-12, § 27 ; arrêt Wassink c. Pays-Bas du 27 septembre 1990, série A no 185-A, p. 11, § 24 ; arrêt Weeks c. Royaume-Uni du 2 février 1987, série A no 114, p. 30, § 61 ; arrêt Winterwerp c. Pays-Bas du 24 octobre 1979, série A no 33, p. 24, § 60 ; arrêt Yagci et Sargin c. Turquie du 8 juin 1995, série A n° 319-A, p. 17, § 44 Sources externes Avis no 233 (2002) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur le « Projet de protocole à la Convention européenne des Droits de l'Homme relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances » ; « Lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme », adoptées le 15 juillet 2002, article X § 2 ; Conseil économique et social des Nations unies, Résolution 1984/50 du 25 mai 1984 sur les « Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort » ; Cour interaméricaine des Droits de l'Homme, Avis consultatif OC-16/99 du 1er octobre 1999 concernant « le droit à être informé sur l'assistance consulaire dans le cadre des garanties du procès équitable » 25 mars 2003

Cour (deuxième section) HEGEDUS c. HONGRIE n° 00043649/98 25/03/2003 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable) Cour (deuxième section) GREGORIOU c. CHYPRE n° 00062242/00 25/03/2003 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens - demande rejetée Opinions séparées Non Articles 6-1 ; 41 Jurisprudence : Laino c. Italie [GC], n° 33158/96, § 18, CEDH 1999-I ; Philis c. Grèce (n° 1), arrêt du 27 août 1991, série A n° 209, p. 25, § 74 Cour (quatrième section) ORZEL c. POLOGNE n° 00074816/01 25/03/2003 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE Violation de l'art. 6-1 ; Non-lieu à examiner art. 3 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire Opinions séparées Non Jurisprudence : Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], n° 28957/95, § 124, CEDH 2002-VI ; Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII ; Malinowska c. Pologne, n° 35843/97, § 84, 14 décembre 2000, non publié ; Nasri c. France, arrêt du 13 juillet 1995, série A n° 320-B, § 48 Cour (quatrième section) R.O. c. POLOGNE n° 00077597/01 25/03/2003 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée Jurisprudence : Malinowska c. Pologne, n° 35843/97, § 84, 14 décembre 2000, non publié ; Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII ; Hertel v Suisse arrêt du 25 août 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VI, p. 2334, § 63 ; Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], n° 28957/95, § 124, CEDH 2002-VI 27 mars 2003 Cour (première section)

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DACTYLIDI c. GRECE n° 00052903/99 27/03/2003 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE ADMINISTRATIVE ; RECOURS EFFECTIF ; GRIEF DEFENDABLE Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 13 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 8 000 euros (EUR) pour dommage moral et 10 000 EUR pour frais et dépens.- procédure de la Convention Jurisprudence : Antonetto c. Italie (déc.), no 15918/89, 16.12.1999, non publiée ; Chahal c. Royaume-Uni, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, pp. 1869-1870, § 145 ; Dactylidi c. Grèce (déc.), no 52903/99, 28 février 2002, non publiée ; Doustaly c. France, arrêt du 23 avril 1998, Recueil 1998-II, p. 857, p. 39 ; Hertel c. Suisse, arrêt du 25 août 1998, Recueil 1998-VI, p. 2334, § 63 ; Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI ; Ilhan c. Turquie [GC], no 22277/93, § 97, CEDH 2000-VII ; Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96, § 157, CEDH 2000-XI ; Richard c. France, arrêt du 22 avril 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, p. 824, § 57 ; Silver et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 25 mars 1983, série A no 61, p. 42, § 113 ; Varipati c. Grèce, no 38459/97, 26.10.1999, § 26 Cour (troisième section) DIAS DA SILVA ET GOMES RIBEIRO MARTINS c. PORTUGAL n° 00053997/00 27/03/2003 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention Jurisprudence : Comingersoll S.A. c. Portugal [GC], no 35382/97, § 24, CEDH 2000-IV ; Scopelliti c. Italie, arrêt du 23 novembre 1993, série A no 278, p. 10, § 31 ; Silva Pontes c. Portugal, arrêt du 23 mars 1994, série A no 286-A, p. 15 § 39 Cour (première section) SATKA ET AUTRES c. GRECE n° 00055828/00 27/03/2003 RESPECT DES BIENS ; PROPORTIONNALITE ; ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE ADMINISTRATIVE Exception préliminaire rejetée (ratione temporis, non-épuisement) ;

Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 Jurisprudence : arrêt Immobiliare Sarffi c. Italie du 28 juillet 1999, no 22774/93, CEDH 1999-V ; arrêt Malama c. Grèce, no 43622/98, 1er mars 2001, § 41, CEDH 2001-II ; arrêt Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce du 9 décembre 1994, série A no 301-B

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AVOCATS EN PERIL IRAN

Qasem Sholeh Sadi

avocat et professeur de sciences politiques, arrêté à l'aéroport international de Téhéran le 24 février 2003

Qasem Sholeh Sadi, 58 ans, a été arrêté à l'aéroport international de Téhéran le 24 février 2003, à 5 heures du matin. Cet avocat actuellement détenu au secret, ne soit soumis à la torture ou à d'autres formes de mauvais traitements. Qasem Sholeh Sadi, avocat et professeur de sciences politiques à l'Université de Téhéran, s'est rendu en France le 6 décembre 2002, après avoir publié une lettre ouverte adressée au Guide spirituel de la République islamique d'Iran, l'ayatollah Sayed Ali Khamenei. Dans cette lettre, Qasem Sholeh Sadi critiquait un certain nombre des mesures adoptées par l'ayatollah Ali Khamenei et remettait en cause sa légitimité en tant que Guide spirituel, sur un ton respectueux et sans inciter à la violence ni à la haine raciale. Il a diffusé ce texte par l'intermédiaire de son propre site internet (http://www.sholehsadi.com/default.php). À son retour en Iran, le 24 février 2003, Qasem Sholeh Sadi a immédiatement été appréhendé. Après avoir été arrêté, Qasem Sholeh Sadi a été autorisé à passer un appel téléphonique chez lui depuis l'aéroport pendant trente secondes. Le lendemain de son interpellation, le 25 février, il a téléphoné à sa famille et lui a indiqué qu'il était détenu à la prison d'Evin. Le 26, Qasem Sholeh Sadi a de nouveau appelé les siens, puis, au cours des six jours qui ont suivi, personne n'a reçu de ses nouvelles. Enfin, dans la matinée du 4 mars, il aurait indiqué qu'il avait été transféré dans le quartier ouvert au public de la prison d'Evin. Cette dernière information n'a pas été confirmée, et les proches de Qasem Sholeh Sadi craignent qu'elle ne soit fausse. Le 4 mars toujours, un avocat choisi par la famille s'est rendu à la prison d'Evin pour s'entretenir avec Qasem Sholeh Sadi, afin que celui-ci puisse signer un document le désignant officiellement comme son avocat. Toutefois, bien que Qasem Sholeh Sadi se trouve dans la partie de la prison ouverte au public, l'homme de loi n'a pas été autorisé à le rencontrer. Aussi, sa famille craint que Qasem Sholeh Sadi ne soit pas détenu à Evin, et qu'il n'ait été contraint à donner de fausses informations dans son appel téléphonique. INFORMATIONS GÉNÉRALES En Iran, l'exercice de la liberté d'expression et d'association est limité par des dispositions légales ainsi que par des irrégularités qui entachent l'administration de la justice. Cette situation a donné lieu à une série de procès inéquitables et à l'incarcération de personnes qu'Amnesty International considère comme des prisonniers d'opinion. Lorsque Qasem Sholeh Sadi a été arrêté, des membres du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire étaient en visite dans le pays. ACTION RECOMMANDÉE : dans les appels que vous ferez parvenir le plus vite possible aux destinataires mentionnés ci-après (en anglais, en français, en langue persane, en arabe ou dans votre propre langue) : – exhortez les autorités judiciaires à permettre immédiatement à la famille et à l'avocat de Qasem Sholeh Sadi de lui rendre visite, conformément aux articles 32 et 35 de la Constitution iranienne et à l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l'Iran est partie ; – cherchez à obtenir l'assurance que Qasem Sholeh Sadi n'est pas actuellement soumis à des

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actes de torture ni à d'autres formes de traitements ou de châtiments cruels, inhumains ou dégradants, qui sont prohibés par l'article 7 du PIDCP et par l'article 38 de la Constitution iranienne ; – efforcez-vous d'obtenir d'urgence des éclaircissements sur la nature des charges retenues contre Qasem Sholeh Sadi, et indiquez que celui-ci ne devrait être inculpé que d'infractions communément reconnues comme telles au sein de la communauté internationale ; – dites que si les charges retenues contre Qasem Sholeh Sadi présentaient un lien avec les idées que celui-ci a exprimées dans sa lettre ouverte du 6 décembre 2002, cet homme serait de fait un prisonnier d'opinion et devrait, à ce titre, être libéré immédiatement et sans condition. APPELS À :

Guide spirituel de la République islamique d'Iran : His Excellency Ayatollah Sayed Ali Khamenei The Presidency, Palestine Avenue Azerbaijan Intersection Téhéran, République islamique d'Iran Courriers électroniques : [email protected] (Indiquez dans le champ Objet de votre courrier électronique : « For the attention of the office of His Excellency, Ayatollah al Udhma Khamenei, Qom ») Formule d'appel : Your Excellency, / Excellence,

Président de la République islamique d'Iran : His Excellency Hojjatoleslam val Moslemin Sayed Mohammad Khatami The Presidency, Palestine Avenue Azerbaijan Intersection Téhéran, République islamique d'Iran Courriers électroniques : [email protected] (merci de renvoyer votre message s'il ne parvient pas à son destinataire du premier coup) Formule d'appel : Your Excellency, / Monsieur le Président de la République,

Responsable du pouvoir judiciaire : His Excellency Ayatollah Mahmoud Hashemi Shahrudi Ministry of Justice, Park-e Shahr Téhéran, République islamique d'Iran Fax : +98 21 879 6671 (numéro peu fiable ; veuillez préciser « Care of Director of International Affairs, Judiciary ») Courriers électroniques : [email protected] (cette adresse est celle du Bureau des relations publiques du pouvoir judiciaire ; veuillez demander que votre message soit transmis à HE Ayatollah Shahrudi) Formule d'appel : Your Excellency, / Monsieur le Ministre,

Forces de police : Dans la mesure du possible, adressez votre appel à l'« Islamic Republic of Iran Police Force » (« Forces de police de la République islamique d'Iran »), à l'adresse suivante : [email protected] Formule d'appel : Dear Sir, / Monsieur,

COPIES À :

Ministre des Affaires étrangères : His Excellency Kamal Kharrazi Ministry of Foreign Affairs Sheikh Abdolmajid Keshk-e Mesri Avenue

Secrétaire de la Commission islamique iranienne des droits humains (CIDH) : Mr Mohammad Hassan Zia'i-Far Secretary, Islamic Human Rights

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Téhéran, République islamique d'Iran Fax : +98 21 390 1999 (ce numéro est peu fiable ; veuillez précisez : « Care of the Human Rights Department, Foreign Ministry »)

Commission PO Box 13165-137 Téhéran, République islamique d'Iran Fax : +98 21 204 0541

Président de la Commission de l'article 90 (Commission parlementaire créée en vertu de l'article 90 de la Constitution) : Chairperson, Article 90 Commission (Komisyon-e Asl-e Navad) Majles-e Shura-ye Eslami Imam Khomeini Avenue Téhéran, République islamique d'Iran Télégrammes : Majles, Téhéran, Iran Télex : 21 42 32 ICAI IR Fax : +98 21 646 1746 (Ce numéro peut se révéler difficile à obtenir ; merci de vous montrer persévérant.)

Dignitaire religieux influent : Grand Ayatollah al-Uzma, Haj Sheikh Yusef Saanei Courriers électroniques : [email protected] Dignitaire religieux influent : Grand Ayatollah al-Uzma Makarem Shirazi Courriers électroniques : [email protected]

DOCUMENT PUBLIC ÉFAI – 030151 – MDE 13/006/2003

AU 62/03

Tunisian Human Rights Lawyers and Associations under Siege

(New York, March 17, 2003) – Lawyers in Tunisia are paying a stiff price for their growing human rights activism, Human Rights Watch said today. In a briefing paper released today, Human Rights Watch documents a series of recent measures that heighten pressure on lawyers who criticize the government. “Lawyers, like all Tunisians who publicly demand respect for human rights, are facing a campaign of intimidation, violence and legal maneuvers waged by a government determined to silence them,” said Hanny Megally, executive director of Human Rights Watch’s Middle East and North Africa division. In December, plainclothes police assaulted several lawyers in separate incidents in downtown Tunis with complete impunity. Tunisian authorities have also refused to legalize two human rights organizations founded recently by lawyers. And the independent-minded leadership of the national Bar Association is currently fighting a lawsuit challenging its authority to call a strike. To read the Human Rights Watch report, please see: http://www.hrw.org/backgrounder/mena/tunisia031703.htm For more information on Tunisia, please see: http://www.hrw.org/mideast/tunisia.php

INSTITUT.DES.DROITS.DE.L'HOMME.

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DES.AVOCATS. EUROPÉENS. LUXEMBOURG

L’Institut a pour objet : - l’étude des droits de l’homme et plus particulièrement de la Convention européenne

des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et ses protocoles ainsi que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

- la formation des avocats en droit international des droits de l'homme en vue de la

défense devant les juridictions internationales et notamment les Cours et Tribunaux pénaux internationaux.

- la défense et les interventions en faveur des avocats victimes de leur combat pour les

droits de l’homme dans le monde. - l'organisation de manifestations, colloques, séminaires et participation à des

publications relatives aux droits de l'homme. - l'attribution d'un Prix des droits de l'homme à un avocat. Peuvent y adhérer : 1°/ Les barreaux des pays membres du Conseil de l’Europe, les organisme de défense

des droits de l'homme qui en émanent ou toute personne morale ayant le même objet statutaire. 2°/ Tout avocat inscrit à un barreau d’un état membre du Conseil de l’Europe ou juriste

membre d’une institution de l’Union européenne ou du Conseil de l’Europe, présenté par deux membres associés au moins, est admis en cette qualité par une décision du conseil d'administration réunissant la majorité des voix.

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