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:.

Cyrille Lesourd

Institut de droit comparé

Unniversité de Mc Gill, Montréal

avril 1999

LE CONTROLE DES CLAUSES DE FIXATION UNILATERALE DU PRIX

DANS LES CONTRATS DE VENTE COMMERCIAUX: ETUDE COMPAREE

Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l'obtention de la

maitrise en droit (LL. M.)

© Cyrille Lesourd, 1999.

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L'auteur conserve la propriété dudroit d'auteur qui protège cette thèse.Ni la thèse ni des extraits substantielsde celle-ci ne doivent être imprimésou autrement reproduits sans sonautorisation.

0-612-55104-0

REMERCIEMENTS

Alors que s'achève mon mémoire, je tiens à remercier l'université de Mc Gill et

plus précisement le département de droit de m'avoir offert le temps et cette merveilleuse

documentation sans laquelle rien n'eût été possible. Je remercie également le professeur

Daniel Jutras pour ses commentaires éclairants, ses critiques judicieuses et sa grande

disponibilité. Enfinje tiens à remercier ceux qui me sont les plus chers, mes amis dont les

encouragements m'ont maintes fois réconforté, mes parents sans la patience desquels

cette "tapisserie de Pénélope" n'aurait jamais vu le jour et enfin Julia Apostle dont les

conseils, le soutien et l'affection ont été essentiels à la finalisation de ce mémoire.

RESUME

Cette étude vise à apporter un regard nouveau quant à la résolution des problèmes

posés par l'existence de droits contractuels discrétionnaires. A cette fin, nous nous

intéresserons à la situation plus spécifique des clauses de fixation unilatérale du prix dans

les contrats de vente commerciaux.

En partant de l'évolution de la question en droit français, nous procéderons à une

mise en parallèle de ses solutions avec celles retenues par le ~~common law" aussi bien

anglais qu'états-unien. Nous passerons ainsi de la question de la reconnaissance de la

validité de tels contrats et de telles clauses à celle du contrôle de leur exercice à travers la

mise en place d'un régime de responsabilité du titulaire du droit. Nous nous intéresserons

enfin au critère même de cette responsabilité qui s'avérera mixte, c'est à dire combinant à

la fois des éléments objectifs et subjectifs.

II

ABSTRACT

The following study seeks to propose a new approach to the resolution of those

legal problems that arise where discretionary clauses are contained \vithin contracts. To

this en~ a specific legal scenario will he employed~ namely where provisions which

unilateraly state the priee are inserted within commercial contracts of sale.

The paper begins with a consideration of how these clauses have been treated by the

French civil law system and then proceeds to compare this approach with that adopted

by the common law systems of England and the United States. The initial question is

that of the validity of the provisions themselves~ and of the contracts that contain them.

After resolving this first issue, the paper then considers whether a regime might be

introduced which would seek to control the impact of the clauses through the

introduction oflega! responsibility for the party in whose favour the provision is created.

Finally~ the study addresses the precise nature of this potential responsibility, which is

likely to be ofa mixed character~ combining both objective and subjective elements.

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION...•.•....••........•..............•......•...............•.............••....................................1

1: LE CONTROLE DE LA CLAUSE DE FIXATION UNILATER~LE

DU PRIX LORS DE LA FORMATION DES CONTRATS DEVENTE COMMERCIAUX 10

A:L'EXIGENCE D'UN PRIX DETERMINE 11

1: La détermination du prix dans les contrats de vente entre commercants 12

a) En droit civil francais 13

b) En "common law" 15

~ Angleterre 15

> Etats-Unis 17

c) La CVIM 20

2: Indétermination du prix et contrat-cadre 22

) E d . "1 fr . ., ...a n rOlt CIVl ancaIs _.:>

h) E .. 1 .H ..,..,.n common aw _ __ _ 1

B: LE PROBLÈME DU CARACTÈRE UNILATÉRAL DE LA FIXATIONDU PRIX 28

1: En droit civil français 29

2:En hcommon la\v" 34

II: LE CONTROLE DE LA DETERJ\!IINATION Ul\~ATERALEDU PRIX LORSDE L'EXECUTION DES CONTRATS DE V~NTECOMMERCIAUX ....•••.••....•..38

A: RECHERCHE D'l.J1'i FO!\cTIEMENT A LA RESPONSABILITE DUTITULAIRE DU DROIT 42

1: Obstacle théorique: la liberté contractuelle 43

a) Principe 44

b) Aménagements 47

2 Ob 1 . l' .,. -de d' 5?: stac e pratIQue: a secunte ,un Igue es transactIons _

a) Contenu 52

b) Dérogations 56

> L 'interprétation 58

> La responsabilité délictuelle 64

B: LE CRITERE DE L•.:\ RESPONSABILITE CONTRACTUELLE 67

1: Approche finaliste: absence de critère 68

~ La bonnefoi 69

~ L'abus de droie 78

2: Critère objectif 81

3: Critère subjectif 86

CONCLUSIOl' 96

BIBLIOGRAPHY 97

INTRODUCTION

H La liberté absolue, c'est le droit pour le plusfort de dominer. Elle maintient donc lesconflits quiprofitent à l'infustice. Lafusticeabsolue passe par la suppression de toutecontradiction: elle détruit la liberté. "

A.Camus, L 'Homme Révolté

La question du contrôle des droits contractuels discrétionnaire a connu récemment

en droit français une évolution remarquable dans l'hypothèse plus spécifique des clauses de

fixation unilatérale du prix dans les contrats de vente commerciaux.

Les solutions retenues seront mises en perspective avec celles de "'common law"

envisagé quant à deux de ses modèles, celui états-unÏen qui prévoit explicitement la

nécessité ainsi que les instruments d'un tel contrôle et celui anglais pour lequel cette

question ne fait l'objet d'aucun traitement spécifique.

Notre approche s'effectuera principalement sous Pangle de la théorie générale des

contrats au sein de laquelle la vente occupe encore de nos jours une place importante aussi

bien au niveau philosophique que pratique. En effet, en tant que forme d'échange

nécessitant le recours à un numéraire, elle est le principal mode de disposition des biens en

ce qu'elle procède à un transfert de propriété moyennant une somme d'argent.

L'hypothèse qui nous intéressera ici renvoie à un rapport d'affaire entre deux

individus donnant lieu, de façon non nécessairement exclusive, à un ensemble de ventes.

Celles-ci s'étalant sur une période relativement étendue, le prix ne peut être établi à

l'avance car il est susceptible de varier dans des proportions trop importantes qui

déjoueraient les prévisions des parties. Elles renvoient donc à plus tard sa fixation. Pour

plus de commodité, elles introduisent dans l'accord une clause relative au mode futur de

détermination du prix.

Bien que "la catégorie des contrats commerciaux n'existe pas en tant que telle"r en

droit français, les contrats que nous qualifierons de tels, le sont soit du fait de la qualité de

commerçant des deux parties, soit de la nature même de l'acte pour ceux plus particuliers

qui s'inscrivent dans le cadre d'une opération commerciale. Ceci nous permet d'exclure

toutes les législations et solutions jurisprudentielles spécifiques à la protection du

consommateur.

Nous passerons ici rapidement en revue les fondements juridiques de la vente en

droit civil français, en "common law" anglais et états-unien ainsi qu'en droit international

afin de définir le cadre légal de notre étude.

En France, le modèle de la vente repose sur le schéma classique de l'échange isolé

et instantané lié à l'économie essentiellement rurale du dix-neuvième sièc~e. Outre les

dispositions générales applicables à tout type de contrat, le Code civil français consacre à

la vente ses articles 1582 à 1685. Elle y est considérée de façon globale, avec cependant

1 F. Collart Dutilleui et P. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, 3e éd., Paris, Précis Dalloz, 1996 à lap.20.

2

des dispositions spécifiques concernant certains objets (fonds de commerce, immeuble à

construire) et certains types de vente (vente à la boule de neige, sur catalogue). Le Code de

commerce ne contient qu'un seul article relatif à la vente2, qui ne se rapporte qu'au mode

probatoire qu'il assouplit par rapport à celui de droit commun. TI n'existe donc pas en

droit français de règles de fond spécifiques à la vente commerciale qui obéit à des textes

similaires à ceux de la vente civile3•

Au contraire, dans les pays de "common law", la vente est tout d'abord envisagée

dans une perspective commerciale4• En effet, les règles qui lui sont applicables restent

marquées par l'absorption du "law merchant" au dix-huitième siècle. C'est ainsi que

l'accent est mis sur les notions de "bargain" et de "consideration" pour l'approche

doctrinale dominante.

En l'absence de codification, il n'existe pas à proprement parler de droit des

contrats spéciaux en "common law", d'autant plus que cette notion, telle que comprise dans

la tradition civiliste, correspond à un héritage du droit romain qui ne connaissait pas de

théorie générale du contrat. Ce droit n'ayant pas été réceptionné par la "corumon law", c'est

autour d'une théorie générale où la vente prédomine que s'est développée la matière

contractuelle. Le droit du contrat tel qu'il a été défini par la jurisprudence, principale source

de normes, coexiste avec des lois spécifiques à la vente commerciale.

2 art. 109 Code du commerce: UA l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver partous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi",3 B. Nicholas, "The French Law ofContract" dans Contract Law Today, D. Harris et D. Talion, dir., Oxford,Clarendon Press, 1990 à la p. 16: "(...) the applicable law will be the ordinary civil Iaw".4 Conclusion, ibid. à la p. 386: "English contract law is modelled on commercial transactions, which aretreated by the j udges as paradigm ofcontract".

3

En Angleterre, il s'agit du Sale ofGoods Act de 18935, modifié en 1979 et 1994, qui

possède une importante valeur normative en tant qt:e réception du ,o;law merchant".

Aux Etats-Unis, plusieurs tentatives d'hannonisation ont donné lieu à des

codifications privées visant à faire la synthèse des solutions jurisprudentielles en la matière,

dont la valeur normative est en eUe-même secondaire: il s'agit du Uniform Commercial

Code6 et du Restatement (2d) ofContracts7•

En droit international, nous mentionnerons ici une source de règles qui nous

intéressera en ce qu'elle est susceptible de régir des contrats se rapportant aux ventes

mobilières passés dans certains des pays de notre étude. Il s'agit de la Convention de

Vienne sur la vente internationale de marchandises de 19808 qui a vocation à s'appliquer,

soit si le vendeur et l'acquéreur sort établis dans deux pays ayant ratifié la convention, soit

lorsque les règles de droit international privé conduisent à l'application de la loi d'un pays

ayant ratifié la convention. Celle-ci a été ratifiée par la France en 1988, par les Etats-Unis

en 1986 mais pas par l'Angleterre bien qu'elle ait participé à sa rédaction.

Nous envisagerons ici les contrats de vente commerciaux dont une clause confère

soit de façon expresse, soit indirectement le droit de fixer unilatéralement et donc

exclusivement le prix à l'une des parties au contrat. Il est à noter que ce sera généralement

au créancier de l'obligation, c'est à dire au vendeur, qu'un tel pouvoir sera confié. De telles

5 (R.-U.) 56 & 57 Vict., c. 71.6 UNIFORM COMMERCIAL CODE 1978 OFAClAL TEXT WlTH COMMENTS (1978).7 RESTATEMENT(SECONO) OFCONTRAcrS (Tent. DraftNo. 5,1970).8 Final Act ofthe United Nations Conference on Contracts for the [nternational Sale ofGoods, U.N.Ooc.AlConf. 97/18, Annex 1 (1981).

4

clauses peuvent revêtir différentes formes en ce que la facwté de fixation peut être

explicitement unilatérale dans certaines hypothèses mais peut également se révéler telle lors

de la mise enjeu de la·claUse alors que tel qu'il était formulé dans le contrat, le mécanisme

paraissait échapper à la volonté des parties.

~ Clause conferant expressément la possibilité de fixer unilatéralement le prix à l'une

des parties: Rares seront en pratique les clauses qui renvoient de façon explicite au seul

libre arbitre d'un des contractants. Celui-ci sera généralement un minimum encadré

sans que l'on sache véritablement quelles sont les contraintes réelles pesant sur lui.

C'est ainsi que les clauses de renvoi au tarif fournisseur présentent une objectivité qui

peut paraître toute relative, celui-ci pouvant librement modifier ses prix. Il est

cependant clair que le vendeur est le seul à même de fixer le prix de ses marchandises

et que sa marge de négociation est limitée par le coût de revient du produit. fi faut

ajouter à cela sa marge de profit dont le caractère raisonnable du coefficient peut être

apprécié par référence à ceux pratiqués par ses concurrents sur le marché. La possibilité

de prendre en considération, dans certaines hypothèses, l'existence d'un réseau réduit

la marge de manœuvre en ce qu'elle permet de contrôler les prix pratiqués par

référence à ceux des autres membres. Il s'agit alors d'une opération à trois éléments,

fournissant ainsi un moyen de contrôler de façon objective la fixation du prix. C'est

ainsi que la Cour de cassation, dans l'arrêt HuareP, a condamné une compagnie

pétrolière en ce que les prix pratiqués à l'égard d'un de ses revendeur étaient très

supérieurs à ceux consentis à ses commissionnaires.

5

~ Autres clauses ayant des conséquences similaires: Il s'agit essentiellement des clauses

renvoyant au prix du marché. Cela dépend de la nature du marché: si le cocontractant

est en situation de monopole ou d'oligopole comme c'est le cas dans certains secteurs

économiques comme en matière d'hydrocarbure, le prix du marché ne résulte pas du

libre jeu de l'offre et de la demande. Dans cette situation, une des parties peut donc

faire librement varier le prix sans que son apparence d'objectivité en soit affectée.

Le droit civil français dans son souci de protection va jusqu'à se montrer suspicieux

quant aux clauses "à dire d'expert". L'impartialité de celui-ci à l'égard des parties fait

l'objet d'une préoccupation absente de la "common law".

L'utilité de telles clauses peut être envisagée quant au coût des négociations, à la

répartition des risques et/ou comme un échappatoire à la rigidité d'un certain nombre de

règles de l'ordre juridique national.

~ Limiter le coût des négociations: Plus la relation contractuelle a vocation à durer, plus

le nombre de problèmes susceptibles d'apparaître est important. Bien que le contrat soit

un acte de prévision, il n'est pas possible de tout appréhender. Afin d'anticiper sur

toutes les difficultés qui peuvent naître au cours de la 'Vie du contrat, il faut procéder à

des études coûteuses lO, débourser des frais d'avocat importants quant à la rédaction du

contrat, prévoir des clauses d'indexation dont l'évolution de l'indice peut s'avérer

9 Casso corn., 3 nov. 1992, Huard, l.C.P. 1993 II 22164.

6

contraire aux attentes des parties et cela sans même pouvoir pour autant avoir la

certitude d~être exhaustif L'inclusion d'une telle clause permet d'écourter la phase des

négociations précontractuelles. Selon Goldberg~ ''the parties could attempt to increase

their share of the gains before signing the contract by improving their information on

the future course of costs and priees. The more theyeach spend on this search~ the

smaller the pie"ll. Un tel calcul ne semble cependant valable que dans 1~hypothèse où

le contrat connaît une vie paisible. En effe4 selon Gergen~ en cas de contestation, ~'a

fixed term often is better than an open term because parties cao determine appropriate

performance together better and more cheaply than cao courts" 12.

~ Réduction des risques: C'est l'incertitude quant à la valeur future du bien qui incite Les

parties à recourir à ce type de clause. Lorsqu'un prix est fixé dès rorigine de la

relation, il s'agit, si le contrat a vocation à s'étendre dans le temps, d'une sorte de

contrat aléatoire. Chacune des parties assumant que le prix du marché est susceptible

de varier dans un sens comme dans l'autre, accepte d'être, quelle que soit l'évolution

postérieure des circonstances, liée par ce prix. La survenance d'un événement imprévu

peut grandement influer sur le prix, laissant un des contractants dans une position

délicate tandis que l'autre ne reçoit pas plus que ce qui était prévu à l'origine. Plutôt

que de voir peser les risques de fluctuation de façon exclusive sur l'une ou l'autre, elles

vont préférer les partager. En procédant ainsi, elles s'isolent du marché dont les

10 M.P. Gergen, "The Use ofOpen Tenns in Contract" (1992) 92 Colum. L. Rev. 997 à la p. 1007; V.P.Goldberg, "Priee Adjustment in Long-Tenn Contracts" [1985] Wis. L. Rev. 527 aux p. 531-32.Il V.P. Goldberg, ibid. à la p. 532.12 M.P. Gergen, supra note 10 à la p. 1000.

7

variations seront amorties. En conférant une plus grande souplesse à la détermination

du prix, les parties assurent une plus grande viabilité à leur relation.

~ Echapper à l'application de règles étatiques: il s'agit d'un problème lié à la rigidité

des règles de droit internes en matière de modification du prix ou plus largement de

révision du contrat. Les tribunaux refusent la révision pour imprévision au nom du

principe du nominalisme monétaire aussi bien en droit anglais qu'en droit français 13•

Ce principe que l'on peut rattacher à l'ordre public économique, vise principalement à

éviter l'inflation et à garantir la sécurité juridique des transactions. Il est cependant à

noter que le droit administratif français a admis une solution inverse14 et qu'un certain

nombre d'auteurs préconise la suppression de cette règle en droit privé15• En l'absence

de clauses explicites, voir par exemple celles de "hardship" qui permettent une

modification du contenu contractuel en cas de bouleversement des circonstances

extérieures, le prix, quel que soit sa disproportion par rapport à la valeur réelle du bien

calculée par rapport au prix du marché, ne peut être modifié. Ce type de clause autorise

donc les réajustements automatiques de façon indirecte et permet ainsi de contourner

ces règles trop strictes.

lJ pour le droit anglais: P.S. Atiyah, "Contract and Fair Exchange" (1985) 35 V.T.L.l. 1 aux p. 12-13; pour ledroit français: Casso civ. 6 mars 1876, Canal de Craponne, O. 1876.1.193 [ci-après Canal de Craponne]"qu'il n'appartient jamais aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur paraître leur décision, de prendreen considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer desclauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants".14 •

Cons. d'Etat, 30 mars 1916, Gaz de Bordeaux, O. 1916.3.25, S. 1916.3.17.IS P. Stoffel-Munck, Regards sur la théorie de ['imprévision, Presse universitaire d'Aix-Marseille, 1994.

8

Les arguments précédemment énumérés en faveur de l'utilité de ce type de clauses

sont cependant contrebalancés par les principales craintes que l'on peut éprouver à leur

égard, à savoir qu'elles aient été imposées par un abus de position dominante en ce que

celles-ci n'ont pas été librement consentie, et/ou que le créancier profite de la discrétion qui

lui est laissée pour en tirer un profit injustifié. C'est ainsi que les problèmes posés par les

clauses de fixation unilatérale du prix dans les contrats de vente commerciaux ont fait

l'objet d'un important contentieux en droit français. Son évolution récente nous permet de

dégager deux grands axes autour desquels s'ordonnera notre analyse comparative de ceux­

ci ainsi que de leur résolution, résultant d'une distinction entre plusieurs instants de la vie

du contrat. En effet, il y a eu un déplacement du contrôle exercé par les tribunaux, qui est

passé de leur contenu à leur mise en œuvre, de la formation où seules les questions de

validité du contrat contenant une telle clause ou de la clause elle-même pouvaient être

débattues CD, à l'exécution du contrat, c'est à dire à l'appréciation critique de son utilisation

à travers la mise en place d'un mécanisme de responsabilité civile afin d'en tempérer les

conséquences indésirables (II).

9

1: LE CONTROLE DE LA CLAUSE DE FIXATION UNILATERALE DU PRIX

LORS DE LA FORMATION DES CONTRATS DE VENTE COMMERCIAUX

Nous nous situons ici au stade de la création de l'accord par lequel les parties qui

projettent une vente, en définissent les modalités, tout en laissant le prix indétenniné. Sa

fixation est cependant directement ou indirectement confiée de façon exclusive à l'une

d'entre elles.

Postérieurement, Pacheteur qui est le débiteur de l'obligation de payer le prix,

considérant que le montant fixé est excessif': va tenter d'être excusé de l'exécution de son

obligation ou d'être autorisé à conclure un contrat similaire mais à un prix inférieur, soit

avec son cocontractant originel, soit avec un tiers. A cette fin, un certain nombre

d'arguments juridiques sont à sa disposition.

Le premier consiste à faire déclarer nul le contrat, en ce que celui-ci ne remplirait

pas les exigences de validité du droit positif. Le premier accord de volontés serait donc nul

en tant que vente ne contenant pas de prix dès son origine et, le fait d'y remédier

postérieurement constitue un nouveau contrat de vente qui, en l'absence de son

consentement explicite ne serait pas valable. Il s'agit donc ici de contester le caractère

bilatéral du contrat qui est de son essence en matière de vente. Une telle argumentation

n'est acceptable que s'il existe effective.ment une exigence légale d'un prix déterminé dans

les ventes commerciales dès l'échange des consentements. La question renvoie au problème

général de l'attitude des tribunaux face à l'absence d'un prix, celui-ci étant a priori

nécessaire à la réalisation de la vente.

10

TI lui est également loisible de s'attaquer plutôt qu'à la validité même du contrat, à

celle de la seule clause relative au prix. S'il n'arrive pas forcément ainsi à mettre fin à la

relation, il peut néanmoins espérer trouver un certain appui des tribunaux. En effet, une

telle clause confère un pouvoir très important à l'un des cocontractants qui peut ne pas

trouver de justification en dehors de l'ascendant dont celui-ci disposait lors des

négociations. De ce fait, une telle clause peut paraître a priori suspecte et justifier ainsi, si

ce n'est le refus par les tribunaux de donner effet au contrat, tout du moins sa suppression.

Ce_s deux problèmes sont alors imbriqués en ce que si la clause est déclarée abusive,

le prix ne peut plus être fixé en référence à l'intention des parties.

Nous reprendrons ici, pour répondre à ces deux questions, la division proposée par

Ghestin16 entre la nécessité structurelle d'un objet déterminé pour la formation du contrat

CA) et celle de la protection de l'une des parties soumise par le contrat à l'arbitraire de

l'autre (B).

A: L'EXIGENCE D'UN PRIX DETERlvllNE

Dans l'hypothèse qui nous intéresse, le problème naît du fait que le débiteur de

l'obligation de paiement du prix est engagé, bien qu'il ignore quel est le contenu de sa

prestation.

C'est ainsi que l'on peut s'interroger sur la possibilité, pour un contrat de vente,

d'être formé, alors même que le contenu des obligations principales ou substantielles des

11

parties n'est pas déterminé. En d'autres termes, l'exigence d'un prix détenniné lors de la

formation est-elle une condition de validité du contrat de vente commercial? (1)

Sous ce seul angle, nous verrons qu'il existe en apparence une profonde opposition

entre l'approche adoptée par le droit civil français et celles de "common law" quant à la

possibilité de maintenir un contrat de vente incomplet. C'est ainsi que pour avoir une image

plus exacte du droit positif français qui a lui aussi dû prendre en compte cette nécessité, il

faut quitter le droit strict de la vente. C'est à travers une requalification de certains de ces

contrats en contrats-cadre que la difficulté a été contournée (2).

Nous observerons ici les différentes techniques qui ont été utilisée dans les trois

systèmes étudiés afin d'assouplir leur exigence de détermination du prix afin que de tels

contrats dont le caractère incomplet résulte de la nature même de l'opération envisagée,

puissent être maintenus.

1: La détermination du prix dans les contrats de vente entre commerçants

Il ne peut y avoir de vente sans prix. Cependant, le prix n'est nécessaire qu'à

l'exécution du contrat, lorsque la vente doit être matériellement effectuée. Dans notre

hypothèse, si le contrat lors de sa formation n'en contient pas, il existe néanmoins une

clause en prévoyant les modalités de fixation.

Nous traiterons ici de la question de savoir si l'absence de prix lors de l'échange des

consentemen~ est rédhibitoire.

16 J. Ghestin et B. Deché, Traité des contrats, la vente, Paris, L.G.O.J., 1990 à la p. 428.12

Voilà un problème que nous chercherons à résoudre à travers l'étude des solutions

retenues par le système civiliste français Ca) et par les systèmes de "common law" anglais et

états-unien (b) qui semblentiavoir admis des solutions opposées.

Nous verrons ensuite comment les dissensions entre les approches adoptées par ces

différents systèmes ont été mises en exergue par les problèmes liés à l'interprétation des

dispositions de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises (c).

a) En droit civil français

Comme nous l'avons mentionné précédemment I7, le régime des contrats de vente

commerciaux, en France, ne diflère pas, quant à ses fondements textuels, de celui des

contrats de vente de droit commun. C'est ainsi que l'exigence de détermination du prix est

régie par l'artic~e 1591 du Code civil au terme duquel "le prix de la vente doit être déterminé

et désigné par les parties". TI s'agit là d'une solution trop rigoureuse que la jurisprudence a,

par la 'suite~ assouplie en admettant que le simple fait que le prix soit détenninable puisse

être suffisant18•

Cette solution est inspirée de l'article 1129 de ce même Code civil, relatif à la

détermination de l'objet dans les contrats en général, et dont le contenu est le suivant: "Il

faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce. La

quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu'elle puisse être déterminée". Il s'agit là

d'une condition de validité dont l'absence entraîne la nullité de l'acte. En effet, selon

17 voir Introduction ci-dessus.18 Casso corn., 24 mars 1965, D.S. 1965, Jur.474.

l3

l'article 1108, l'objet, au côté de la cause, du consentement et de la capacité, est une

condition de validité de la convention.

Cette question ne semble pas, a priori, intéresser notre étude en ce.qu'il existe bel et

bien dans le contrat une clause prévoyant un mode de fixation. A défaut d'être déterminé,

celui-ci semble tout du moins déterminable, le contrat de vente étant ainsi valide

juridiquement.

On peut cependant être renvoyé à notre problématique si par la suite, le mécanisme

de fixation est paralysé, ce qui sera le cas si l'indice de référence vient à disparaître ou si le

créancier se refuse à faire jouer son droit. De même, la présence d'un tel mode de

détermination dans le contrat n'offre aucune garantie quant à sa légalité. En effet, comme

nous le verrons par la suite, les clauses de fixation unilatérale du prix peuvent être annulées

du fait de leur caractère potestatir9• Nous nous retrouvons alors dans toutes ces hypothèse

face à un contrat de vente sans prix.

Le juge français peut-il, dans un telle situation, pallier à cette absence en fixant un

prix selon des critères objectifs extérieurs au contrat, ou doit-il simplement constater

l'absence d'accord entre les parties et refuser ainsi tout effet juridique à la convention

invoquée?

fi semble que ce soit vers cette seconde orientation que penche le droit positif

français. Le juge y adopte une conception stricte du principe de l'autonomie de la volonté

au terme de laquelle les parties sont liées en fonction de ce qu'elles ont voulu et de ce qui

est exprimé dans le contrat. Le juge ne peut intervenir pour refaire le contrat à leur place,

donc, si celui-ci est incomplet, il n'y a pas de contrat valide.

14

A ce titre, le prix ne fait aucunement l'objet d'un traitement spécifique dans les

contrats de vente alors qu'en ce qui concerne les contrats engendrant essentiellement des

obligations de faire, tels que ceux de louage de service ou de mandat salarié, le juge

français se reconnaît le pouvoir de fixer le prix à défaut d'accord des parties20•

b) En ~~common law"

Sur cette question, les approches anglaises et états-uniennes présentent un grand

nombre d'analogies entre elles: c'est la protection du consentement des parties qui guide la

solution21•

;> Angleterre

Il n'a pas semblé dans un premier temps, selon la jurisprudence anglaise, que,

si le mode de fixation est paralysé, il soit possible de recourir à un "prix raisonnable"

pour compléter le contrat. Bien que ron se retrouve devant un contrat sans prix, le

fait que les parties aient fait dépendre leur volonté d'être engagé d'un mécanisme

spécifique, son dysfonctionnement devrait entraîner l'annulation de la convention22•

C'est ainsi que dans ce type de situation, il semble que ce soit à l'article 9 du Sale of

t9 voir ci-dessous.20 J. Ghestin, "Reflexion sur le domaine et le fondement de la nullité pour indétermination du prix.", O. S.1993 chrono 251 à la p. 253; J. Belot, "La détermination du prix dans les contrats", (1982) R. R. J. 349 à la p.354: "Il est admis depuis fort longtemps que le juge intervienne, a propos de certains contrats, pour fixer unprix que les parties n'avaient pas estimé utile de mentionner".21 Institut de droit comparé, Université de Paris n , D. TalIon, dir., La détermination du prL'C dans lescontrats: étude de droit comparé, Paris, A. Pedone, 1989 à la p. 30.

15

Goods Acjl3 auquel il peut être fait analogie~ celui-ci prévoyant que~ si le prix ne peut

être fixé par le tiers désigné, le contrat est nul.

Cette approche commercialement critiquable a été limitée par la jurisprudence

postérieure24 qui a fait prévaloir l'intention d'être lié sur l'indétermination de certains

termes du contrat. L~exigence de détermination a donc été aménagée afin de répondre aux

réalités du commerce qui nécessitent une certaine souplesse des instruments contractuels.

C'est ainsi que selon Corbisier~ "la théorie de l'autonomie de la volonté a donc été

appréhendée Outre-Manche de manière à tenir compte de la possible divergence entre les

perceptions légale et commerciale du concept de détermination,,25.

La question de l'indétermination du prix lors de la formation du contrat est visée à

l'article 8 du Sale ofGoods Act. Le fait qu'au terme de son alinéa premier ~'the price in a

contract of sale may be fixed by the contract, or may be left to be jixed in a manner agreed

by the contract, or may be determined by the course of dealing between the parties" [nos

italiques], de par sa généralité, laisse entendre que tout mode de fixation convenu par les

parties doit être considéré comme valable, écartant ainsi toute incertitude. Le prix

déterminable suit donc le même régime que celui déterminé.

Dans l'hypothèse où aucun mode n'est expressément prévu, les alinéa 2 et 3

prévoient une solution supplétive qui permet au juge de compléter le contrat sans

22 Lord Buckmaster, in May & Butcher v. R. (1934),2 Ka, 17n (HL) [ci-après May & Butcher].23 Art. 9 S.G.A.: "(1) Where there is an agreement to sell goods on the tenns that the price is to be fixed by thevaluation ofa third party, and he cannot or does not make the valuation, the agreement is avoided; but that ifthe goods or any part ofthem have been delivered to and appropriated by the buyer he must paya reasonableprice for them. (2) Where the third party is prevented from making the valuation by the fault ofthe seller orthe buyer, the party not at fault may maintain an action for damages against the party at fault".24 Héllas & Co. Ltel. v. Arcos Ltd [1932] AU ER 494, 38 Corn. Cas. 23, 147 LT 503 (HL); Foley v. ClassiqueCoaches, Ltd. [1934] 2 KB 1, [1934] AU ER 88 (CA).25 L Corbisier, "La détennination du prix dans les contrats commerciaux portant vente de marchandises,réflexion comparative" [1988] R.I.D.C. 767 à la p. 795.

16

prix: "(2) Where the priee is not determined as mentioned in subseetion (1) above the

huyer must pay a reasonable priee. (3) What is reasonable is a question of fact

dependent on the circumstances ofeach particular case" [nos italiques].

Le fait d'inclure une règle supplétive selon laquelle, en rabsence de prix~ celui du

marché est sous entendu, permet de sauver les contrats dans les hypothèses où ils ne

prévoient pas de mode de fixation du prix. Cette approche est critiquable en ce qu'elle part

d'une présomption favorable au maintien du contrat et qui peut être difficile à renverser

alors que les parties n'ont peut être jamais voulu recourir à un tel prix. Cependant, on peut

considérer qu'il leur revient de formuler explicitement leur refus d'être soumises à celui-ci,

manifestant ainsi leur intention de n'être pas liées en l'absence d'un prix déterminé selon le

mode convenu.

~ Etats-Unis

Nous envisagerons ici la question de l'indétermination du prix en deux étapes: tout

d'abord sous l'angle de la théorie générale du contrat afin de voir si un contrat sans prix

lors de sa formation, peut être néanmoins "enforceable" c'est à dire recevoir des effets

juridiques, puis quant à l'attitude du juge face à l'absence de prix en matière commerciale.

Le principe reste, selon l'analyse de la jurisprudence par Corbin26, que les cours

"cannot enforce a contract unless it can detennine what it is". De cela il conclut que

26 A.L. Corbin, Corbin on contracts, St. Paul, West Pub. Co., 1952 aux p. 143 et s.17

"vagueness of expression, indefiniteness and uncertainty as to any of the essential terms of

an agreement, may prevent the creation ofan enforceable contract'~.

La solution semble, au départ, la même que celle adoptée par le Code civil français:

le fait pour un contrat de ne pas être complet empêche le juge de lui donner des effets

juridiques. Le "common law'~ états-unien, qui ne connaît pas d~équivalent au concept

civiliste d'objet, a eu recours à d~autres types de règles pour pallier aux imprécisions

laissées dans le contrat quant au contenu exact des obligations des parties.

Selon cette approche, si un tel élément est resté indéterminé~ c'est que les parties ne

sont pas arrivées à un accord. fi s~agÎt donc de savoir si les parties ont bien voulu s'engager

dans un contrat de vente et il n~y a pas besoin d'aller au delà. Pour Burton, il s'agit de

l'idée que "the definiteness and mutuality requirements indicate that the contract formation

depends on a real commitment by each party,,27.

Cette approche a été reprise de façon générale par le U.C.C. dont l'alinéa 3 de la

section 2-204 prévoit que "even though one or more terms are left open, a contract for sale

does not fail for indefmiteness if the parties have intended ta make a contract and there is a

reasonably certain basis for giving an appropriate remedy".

Elle est également formulée négativement mais avec une référence explicite au prix

à l'alinéa 4 de la section 2-305 qui dispose:

Where, however, the parties intend not to be bound unless the priee be fcxed or agreed and il isnot]rxed or agreed, there is no contracta In sueh a case the buyer must return any goods alreadyreeeived or if unable to do so, must pay their reasonable value at the tirne of delivery and thesaler must return any portion ofthe priee paid in account [nos italiques].

27 S.J. Burton, "Breaeh ofContract and the Cornrnon Law Duty to perform in Good Faith" (1980) 94 Harv. L.

Rev. 369 à la p. 387.18

Contrairement au droit français où cette règle est appliquée de façon formelle, c'est

à dire de façon systématique, le "common law" états-unien adopte une approche d'avantage

substantielle. En effet, le juge va s'interroger sur la finalité de la règle, qui est de protéger le

consentement des contractants, puis, tenter d'en établir l'existence à travers l'analyse de

l'ensemble du contrat. S'il en ressort que les parties ont librement entendu être engagées de

la sorte, l'exigence de détermination est écartée. La rigueur du principe de l'

"unenforceabilit,y' du contrat dont le contenu est indéterminé semble très relative en

matière commerciale et tout particu1ièrement en matière de vente. L'absence du prix n'est

donc nullement rédhibitoire en "common Iaw" états-unien, sauf s'il résulte du contrat que

les parties ont entendu en faire une condition de sa formation.

Tout dépend donc de l'analyse que fera le juge de l'exigence du prix en l'espèce.

S'il lui semble que les parties ont conditionné leur accord à celui-ci, en son absence Le

contrat sera nul. Au contraire si les éléments du contrat démontrent suffisamment que son

indétermination tient à son caractère secondaire, Le contrat sera maintenu et un prix trouvé.

Cette question n'a cependant pas été abordée par La jurisprudence relative à la

fixation unilatérale du prix dans les contrats de vente commerciaux, bien que selon Burton,

"many of the contracts in which good faith performance is of central importance once

would have been unenforceable for indefmiteness or lack of mutuality,,28.

A coté de cela, il existe aux Etats-Unis, comme en Angleterre, des règles

supplétives à la volonté des parties permettant au juge de compléter le contrat sans prix

dans Le D.C.C., à l'alinéa 1 de la section 2-305 consacrée au "open price term":

19

The parties if they so intend. ean eonc/ude a eontraet for sale even though the priee is notsetlled ln sueh a case the priee is a reasonnable priee al the lime ofdelêvery if (a) nothing issaid as to the priee; or (b) the priee is left to be agreed by the parties and they fail ta agree; or(e) the priee is to be fixed in terms of sorne agreed market or other standard as set or reeordedbya third person or agency and it is not set or reeorded [nos italiques}.

il ne semble pas qu'en droit états-unien, si le mécanisme de fixation est paralysé, le

contrat doive systématiquement disparaître. S'il existe une véritable volonté d'être engagé,

peu importe le mode de fixation, 1Ul prix pouvant toujours être trouvé.

On peut toujours si l'on adopte une approche économique, trouver 1Ul prix en

matière commerciale, du moins pour les produits standards, du fait de l'existence d'1Ul

marché. il s'agit du "reasonable priee" qui est consacré aussi bien en "common law"

anglais qu'états-unien.

En droit français, par contre, le juge ne peut substituer un tel prix en l'absence d'un

texte l'y autorisant explicitement. En présence d'un contrat ne contenant aucun mode de

fixation, ou si celui-ci s'avère impossible à mettre en œuvre, il ne dispose pas d'alternative

à Pannulation.

c) LaCVIM

La Convention de Vienne dont la vocation est de créer un régime international

uniforme de vente, n'a cependant pas tranché quant au problème de l'absence de prix. Elle

se contente de reproduire la divergence aperçue précédemment entre l'approche française et

celle de "common law" .

28 lbid.20

~

Au tenne de son article 1429, le contrat ne peut être considéré comme fonné que si

le prix a été fixé, expressément ou implicitement, ou si des indications ont été données,

pennettant de le déterminer' Ce texte semble proche de l'analyse civiliste française en ce

qu'un contrat ne contenant aucune référence au prix y est nul.

La rédaction de cet article semble avoir été des plus houleuse en ce qu'une minorité

composée principalement des représentants des pays de "common law", se refusait à y voir

une condition de formation du contrat. C'est ainsi que fut inséré dans la partie relative aux

obligations de l'acheteur, un article 55 ayant trait à la fixation du prix en cas de silence du

contrat:

Si la vente est valablement conclue sans que le prix des marchandises vendues ait été fIxé dansle contrat expressément ou implicitement ou par une disposition pennettant de le détenniner, lesparties sont réputées, sauf indication contraire, s'être tacitement référées au prix habituellementpratiqué au moment de la conclusion du contrat, dans la branche commerciale considérée, pourles marchandises vendues dans des circonstances comparables.

Il y a donc un conflit manifeste entre le contenu des articles 14 et 55 de la

convention en ce que ceux-ci couvrant une situation analogue, prévoient des solutions

divergentes. La doctrine a émis sur la question des opinions contradictoires suivant les....

solutions de son droit interne et, bien que la convention doive faire l'objet d'une

interprétation uniforme, il semble que le juge ne puisse faire abstraction de son propre droit

quant à sa compréhension du texte.

La coexistence de ces articles reflète une situation intéressante de pluralisme

juridique, démontrant ainsi une résistance à toute volonté unificatrice. Chaque tradition

29 Art. 14 al.l: •• Une proposition de conclure un contrat adressée à une ou plusieurs personnes détenninéesconstitue une offre si elle est suffisament précise et si elle indique la volonté de son auteur d'être lié en casd'acceptation. Une proposition est suffisament précise lorsqu'elle désigne les marchandises et, expréssementou implicitement, fiXe la quantité et le prix ou donne des indications permettant de le détenniner".

21

reste fortement attachée à sa conception de l'exigence d'un prix dans la vente. Cependant

comme nous allons le voir par la suite, le droit français parvient à des solutions analogues à

travers la requalification du contrat.

2: Indétermination du prix et contrat-cadre

En France, la seule façon dont sont envisagés les contrats de vente tient à leur

validité fonnelle, au respect des exigences légales au moment de la naissance de la

convention. L'application de cette méthode pose deux types de problèmes. D'une part, de

par son caractère général, cette approche s'avère incompatible avec certains types de

contrats complexes qui se prêtent mal à cette idée d'unicité de temps. Leur contenu pouvant

varier au cours de la relation, ils comprennent une part d'incertitude, de souplesse. D'autre

part, se pose le problème de l'instant qui sera choisi comme étant celui du passage de la

phase précontractuelle à celle de la naissance du contrat.

Dans le cadre des contrats donnant lieu à une ou des ventes, contenant une clause de

fIXation unilatérale du prix, deux instants peuvent être choisis. Tout d'abord, celui où les

parties s'entendent sur les modalités de l'opération, leur contenu restant sur certains points

indétenniné. Ensuite, celui où la vente est finalisée, c'est à dire lorsque l'ensemble de ses

composantes sont fixées. Le contenu des droits et des obligations dont l'existence prête à

désaccord entre les parties, .une fois déterminé, rétroagÎt. Le contrat ainsi défini reste alors

identique jusqu'à son exécution ou son annulation. C'est ainsi que, selon Rouhette, le Code

civil français considère le temps "abstraitement, comme le cadre homogène, indifférencié et

22

vide dans lequel les événements naissent et se continuent dans la stabilité ou alternent par

rupture,,30. Si un élément est laissé indéterminé, soit la convention est déclarée nulle, soit

plein effet lui est donné sans que par la suite cette validité puisse être remise en cause.

C'est ainsi qu'en France, dans le cadre des contrats à exécution successive, la partie qui

voulait échapper à son obligation de paiement du prix, une fois celui-ci fixé, cherchait à

faire déclarer nul, dès son origine, l'accord qui ne contenait pas de prix.

Placé devant une alternative aussi radicale, le juge français a fait dans certaines

situations une analyse spécifique de l'accord contenant les modalités de fixation du prix. En

effet, s'il n'est pas dénué de tout lien avec la passation postérieure des ventes, il peut, de

par sa complexité, prétendre à une existence juridique autonome surtout lorsque ron se

place dans une relation contractuelle à long terme comme dans les contrats de distribution.

C'est ainsi que, si en France un régime distinct de celui propre à la vente lui a été appliqué

Ca), il ne semble pas pouvoir en être distingué en '''common law" (b).

a) En droit civil français

Au début des années soixante-dix, la Cour de cassation entreprit d'annuler pour

indétermination du prix, sur le fondement de l'article 1591 du Code civil, un certain

nombre de contrats d'approvisionnement exclusif 3l. Le fait que ceux-ci contenaient une

clause relative aux modalités de fixation du prix, a entraîné l'assimilation du régime de ces

accords à celui des contrats de vente.

30 G. Rouhette, "La révision conventionnelle du contrat", [1986] R.I.D.C. 369.3l Casso corn., 27 avr. 1971, D.1972, Jur. 353; 12 févr. 1974, D.1974, Jur. 414.

23

Reprochant à la Cour de cassation d'avoir annulé des conventions qui n'étaient pas

des ventes, c'est sur le fondement employé et à travers lui sur la qualification du contrat

qu'une violente réaction doctrinale s'est faite jo~2.

En ce qui concerne la nature de l'accord, il semble que désormais, le droit français

ait opéré une distinction entre l'accord principal ou contrat-cadre et ses contrats

d'applications qui eux seuls sont à proprement parler des ventes.

La spécificité du contrat-cadre ainsi que son autonomie par rapport aux contrats

d'application ont été consacrés par le droit positif et notamment un arrêt de la Cour d'appel

de Paris qui en donne la définition suivante:

[...1il est constant que le contrat de concession automobile qui, dans ses modalités habituelles,peut se définir comme un contrat complexe par lequel une société, fabricante ou importatrice devéhicules automobiles, réserve à une société distributrice la vente de ses produits dans unterritoire déterminé moyennant certaines sujétions, est manifestement un contrat-cadre dans lecontexte duquel viennent s'insérer des contrats d'application consistant dans des ventesindividuelles de véhicules automobiles; que le contrat-cadre de base définit le contenu descontrats individuels qui vont progressivement et concrètement remplir ce cadre; que le conlrat­cadre de base, sans être lui-même un contrat de vente, fût-ce à exécution successive, définit lecontenu des contrats individuels de vente qui vont progressivement et concrètement remplir cecadre [...][nos italiques]33.

Au terme de l'étude que lui a consacré le Centre de recherche sur le droit des

affaires, le contrat-cadre est défini par la doctrine comme étant le "·contrat dont la

réalisation de l'objet - pour laquelle les contractants se sont d'ores et déjà engagés -

implique la conclusion, le plus souvent entre les mêmes parties, de contrats d'applications

dont ils fixent Les modalités,,34.

32 voir conclusion de l'avocat général M. Jéol sous Casso corn 22 janv. 1991, D.S. 1991, lur. 175; I.M.Leloup, "La création de contrats par la pratique commerciale" dans L'évolution contemporaine du droit descontrats, Journée René Savatier, Paris, P.U.F., 1986, 167 à la p. 168.33 C.A. Paris, 20 oct. 1981: I.C.P. éd.CI 1982, suppl. no 2.34 Institut de droit comparé, A. Sayag, dir., Le contrat-cadre /- Exploration comparative, Paris, Litec, 1994 àla p. 79.

24

il s'agit ici d'envisager les hypothèses où les ventes s'inscrivent dans un schéma

relationnel plus général entre les contractants, c'est à dire quand la nature des prestations

"annexes" est telle que sa finalité ne peut être réduite aux seules ventes.

li y a derrière cela l'idée d'une intégration dans une perspective plus générale que

celle qui consisterait à ne prendre en compte que les ventes. Cette analyse de la situation

semble permettre d'écarter le problème de l'indétermination du prix en tenant mieux

compte des spécificités de ce type d'accord commercial. En effet, alors que dans le contrat­

cadre, le prix est par nature indéterminé, il semble que celui-ci soit fixé dès la formation

des contrats de vente. Par cette division de l'opération en un ensemble contractuel, le droit

français contourne la rigueur de l'exigence d'un prix déterminé dès la formation du contrat.

C'est ainsi que plutôt que d'adapter le droit de la vente à ce type de situation, les tribunaux

français ont préféré créer une nouvelle catégorie sui generis relevant de la théorie générale

du contrat. Ils ont donc opéré un changement de fondement quant à la question de

l'indétermination du prix dans les contrats de bière et de pompiste en passant de l'article

1591 à l'article 1129 du Code civies, du droit spécial de la vente à la théorie générale du

contrat.

Ils n'ont cependant pas poussé immédiatement jusqu'au bout leur raisonnement,

i'objet du contrat restant, selon eux, indéterminé, alors que seul le prix pouvait être

considéré comme tel. Venant de constater qu'il ne s'agissait pas d'un contrat de vente, cette

question n'aurait plus dû être pertinente car l'objet était désormais distinct du pn.x. Le lien

de causalité entre les deux contrats semble donc bien difficile à rompre!

35 CasSo corn. Il octobre 1978, O.S. 1979 Jur. 135.25

TI est manifeste dans ce type de contra~ que, du fait des investissements effectués, il

existe une véritable volonté de contracter. Cependant pour des considérations de politique

judiciaire, la Cour de cassation et ce malgré la résistance des juges du fond, a adopté une

conception rigide de l'exigence de détennination de l'objet. C'est ainsi que, malgré le

changement de fondement, c'est à travers le recours à robjet, l'absence de prix qui était

sanctionné.

La Cour de cassation revint sur sa position par sa décision dans l'affaire Alcatet36

dans laquelle elle affirme que la référence au "tarif' fournisseur ne s'oppose pas à ce que le

prix soit "déterminable", l'exigence de l'article 1129 étant ainsi respectée. Elle donne ainsi

plein effet à son changement de quaIification.

Cette approche fut définitivement consacrée par quatre arrêts de son Assemblée

Plénière du 1 décembre 1995 au terme desquels, "lorsqu'une convention prévoit la

conclusion de contrats ultérieurs, l'indétermination du prix de ces contrats dans la

convention initiale n'affecte pas, sauf dispositions légales particulières, la validité de ceUe-

b) En "common law"

En "common law'\ que ce soit en Angleterre ou aux Etats Unis, il n'existe pas à

proprement parler d'équivalent à la notion de contrat-cadre38• L'accord n'est analysé que

comme une promesse unilatérale de contracter n'ayant pas en elle-même d'effets

36 Casso 1 civ. 29 nov. 1994, A/calel, I.C.P. 1995 II 22371; D.S. 1995, Iur. 122 [ci-après A/calel] .37 Casso Ass. Plén., 1 déc. 1995, D.S. 1996, Iur. 13.

26

juridiques. fi ne s'agirait alors que d'une offre ouverte qui serait rendue parfaite et le

contrat formé une fois que celle-ci serait acceptée, c'est à dire chaque fois qu'un prix est

fixé par le cocontractant auquel l'offrant s'est adressé. En contrepartie de cette situation, il

semble que l'offrant soit susceptible de la retirer à tout moment précédent son acceptation.

Une telle analyse semble cependant critiquable dans le cadre des contrats de

distribution dans lesquels le fournisseur procure des avantages en contrepartie du maintien

de cette offre. En effet, une aide au financement, le transfert d'un savoir-faire voire même

la simple concession d'une exclusivité territoriale peuvent constituer une "considération"

ou contrepartie suffisante pour que l'offre ne puisse être retirée de façon discrétionnaire. Il

y aurait dès lors un contrat valablement formé. L'adoption d'une telle approche ne répond

cependant ici à aucune nécessité pratique en ce que, comme nous l'avons vu auparavant,

l'exigence de détermination du prix a été aménagée afin de tenir compte de ce type de

situations.

B: LE PROBLEME DU CARACTERE UNILATERAL DE LA FIXATION DU PRIX

Dans l'hypothèse qui nous intéresse, un mode de détermination du prix est prévu

dans le contrat qui devrait écarter le problème de [' indétennination. En effet, ['existence

d'une clause unilatérale de fixation du prix, à défaut de permettre sa détermination à

['avance, est un mécanisme qui peut jouer à chaque fois qu'une vente est envisagée39. Le

principe de liberté contractuelle et son corollaire, celui de ['autonomie de la volonté qui

38 lnstitut de droit comparé, A. Sayag, dir., supra note 34 à la p. 221 .

27

jouent selon la doctrine "classique" un rôle prépondérant en matière commerciale où les

parties, de par leur expérience, sont considérées comme à même de défendre leurs intérêts,

portent à considérer a priori une telle clause comme valide.

De par l'importance du pouvoir qu'elle confère à un des contractants, l'autre étant

lié par l'accord, sa validité peut être contestée devant les tribunaux. Si l'on admet que les

parties au contrat puissent prévoir un mécanisme de fixation du prix, cela signifie-t-il pour

autant que tous doivent être admis tels quels? Si la réponse semble positive lorsqu'une telle

clause a été librement négociée, sa présence peut à première vue être considérée comme

suspecte et justifier une inversion de la présomption.

La véritable question que pose la présence d'une telle clause correspond aux

situations où, bien que nous soyons en matière commerciale, il existe un grand déséquilibre

entre les pouvoirs de négociation respectifs des parties. La présence d'une telle clause, en

ce qu'elle est susceptible d'exercer une très large influence sur le contenu obligationnel du

contrat, reflète-t-elle le résultat du libre jeu des négociations ou l'utilisation de son

ascendant par l'un des contractants pour obtenir les conditions qui lui seraient les plus

favorables sans que celles-ci aient une contrepartie?

C'est ainsi qu'une approche protectrice du débiteur peut justifier le refus de donner

effet à une telle clause.

Nous analyserons ici les problèmes liés à l'existence d'une clause de fixation

unilatérale du prix dans le système civiliste français Ca) ainsi qu'en "common law" (b), tout

39 J. Ghestin et B. Deché, supra note 16 à la p. 438: "Lorsque le contrat fait dépendre le prix de la volonté del'une des parties, son exécution est parfaitement possible".

28

-d~abord quant au problème de rexclusion d~une des parties de son processus de

détermination puis, quant aux justifications à 1~origine de celle-ci.

1: En droit civil français

La raison principale qui explique l'attitude hostile du droit français à l'égard des

clauses conférant un pouvoir de fixation unilatérale du prix au vendeur, tient à la volonté de

protection de l'acquéreur. Le paiement du prix est son obligation principale et celui-ci est

considéré de façon générale dans une situation défavorable par rapport à celle du vendeur.

Cette propension est illustrée par l'article 1602 du Code civil au tenne duquel "tout

pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur". C'est ainsi que pour une

jurisprudence constante "il n'est pas nécessaire que le montant en soit fixé (...) d'une

manière absolue, il suffit pour la formation de la vente, que le prix puisse être déterminé en.'

vertu des clauSes du contrat, par voie de relation avec des éléments qui ne dépendent pas de,

la volonté, ~i de l'une, ni de l'autre des parties" [nos italiques]40.

li semble donc que, faire dépendre la détermination du prix de la volonté d'une

seule des parties et a fortiori de celle du vendeur, ne réponde pas à l'exigence française de

détermination.

Avant que la Cour de cassation n~ait substitué l'article 1129 du Code civil français à

earticle 1591, la doctrine41 évoquait également la possibilité de sanctionner l'incorporation

de clauses relatives à la fixation unilatérale du prix sur le fondement de l'article 1174 selon

40 CasSo Req. 7 janv. 1925, D. 1925 57.

29

lequel "toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative

de la part de celui qui s'oblige". La notion de condition potestative est elle-même définie à

l'article 1170 du Code civil comme étant "celle qui fait dépendre l'exécution de la

convention d'un événement qu'il est au pouvoir de rune ou de Pautre des parties

contractantes de faire arriver ou d'empêcher".

Confronté à son impossibilité de contrôler les fixations subjectives du prix dans les

contrats de vente42, le juge français préférera annuler la clause et indirectement le contrat,

aucun mode supplétif de fixation ne pouvant être trouvé. Ce n'est donc pas l'exercice de

cette clause qui prête à caution mais son existence même. Les questions semblent même

liées en ce que ne se reconnaissant pas le pouvoir d'en contrôler l'exercice, le juge va en

rechercher la validité quant à l'existence d'un consentement au prix.

Cette question peut être retrouvée dans la jurisprudence intermédiaire relative aux

contrats de distribution qui exigeait que le prix puisse être librement débattu ou négocié

lors de chaque vente43• tvlême s'il ne s'agissait que d'une exigence abstraite qui n'était pas

très réaliste au vu du rapport de force entre les parties, cette condition visait à rétablir une

certaine objectivité dans la fixation du prix afin de s'assurer que les deux parties avaient

bien consenti à celui-ci. En l'absence d'une possibilité de négocier, la volonté d'être lié est

considérée comme faisant défaut en ce qu'il n'y aurait pas de manifestation du

consentement du débiteur quant à la vente proprement dite. Cette exigence revenait à nier

toute signification et efficacité à la clause qui en confiait la fixation au fournisseur.

41 J. Ghestin, "L'indétermination du prix de vente et la condition potestative (de la réalité du consentement à

la protection de Pune des parties contre l'arbitraire de l'autre)" D. S. 1973 chrono 293 .

30

En cherchant à protéger la partie mise à l'écart en lui garantissant la possibilité de

négocier le prix, la juridiction suprême s'est engagée dans une casuistique des plus

complexe à laquelle la distinction entre les obligations de donner et de faire44, en opérant

une nouvelle division au sein même des contrats-cadre qui était peu facile à mettre en

œuvre, n'a fait qu'ajouter à la confusion.

Le juge français fait donc prévaloir la protection de l'acheteur sur la sécurité

juridique des transactions. Cela pourrait tenir à ce que, sachant ses pouvoirs limités en

matière d'intervention dans la sphère contractuelle, il a voulu assurer à l'acheteur la

possibilité de défendre lui-même ses intérêts à travers l'exigence de négociation du prix. En

effet, le fait de renoncer à l'avance à la négociation du prix lui semble suspect. Il y a donc

assimilation du prix unilatéral à celui arbitraire.

Une telle approche semble avoir été influencée par la réalisation que, même en

matière commerciale, il peut y avoir un grand déséquilibre entre les pouvoirs de

négociation des parties, permettant à l'une d'entre elle d'en tirer un avantage excessif. Au

delà de la protection de l'acquéreur dans la vente, des considérations plus spécifiques aux

forces respectives des parties peuvent entrer en ligne de compte.

C'est ainsi qu'outre un certain conservatisme, on peut voir des raisons de politique

judiciaire derrière la position de l'ancienne jurisprudence française. Pour Belot, "ce n'est

pas tant le souci de rigueur juridique qui a conduit la jurisprudence à étendre le domaine de

42 Un parallèle est possible avec les clauses conférant la fixation du prix à un tiers, voir B. Nicholas,"Certainty of Priee" dans Comparative and private international law, Essays in honor ofJohn HenryMerryman on his Seventieth Birthday, Berlin, Duncker & Humblot, 1990,247.43 Casso corn 22 janv. 1991, supra note 32; l.C.P. 1991.[1.21679.44 roid.; Casso corn., 16juillet 1991, l.C.P. 1992.II.21796.

31

l'article 1129 du Code civil que celui d'intervenir au profit de la partie présumée la plus

faible dans le contrat',45.

La prise en compte de l'existence d'un rapport de force entre les parties par le droit

repose, selon Carbonnier, sur une perspective élargie sur la situation:

Une analyse que l'on peut regarder comme sociologique est devenue familière même auxjuristes. Teintée de marxisme sans être idéologiquement marxiste, elle cherche dans le contrat lalutte d'intérêts, le rapport des forces économiques. C•••) C'est un bien commun de la sociologiedes contrats que de distinguer C•••) entre l'économiquement fort, le pOlentior, et['économiquement faible, à protéger. Cette vision du contrat comme un champ de tensionséconomiques est exacte pour une très grande part: elle aurait, néanmoins, besoin d'êtreapprofondie46.

Le fait que cette jurisprudence ait débuté au cours des années soixante-dix qui ont

vu l'apparition de nombreuses lois consuméristes est révélateur de l'état d'esprit des

tribunaux. Même en matière commerciale, il peut exister une très grande disparité entre les

parties justifiant une intervention judiciaire. C'est ainsi que l'analyse de ce type de clause

peut être rapproché de celui des clauses abusives47, leur prohibition semblant devoir

~5 J. Belot, supra note 20 à la p. 353.~6 J. Carbonnier, Flexible Droit, 8e éd., Paris, L.G.D.J., 1995 à la p. 311.47 voir loi no 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de produits et deservices. Au terme de l'article 35: "1) Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels,peuvent être interdites, limitées ou règlementées, [...] les clauses re/atêves au caractère déterminé oudéterminable du prix ainsi qu'à son versement, à la consistance de la chose ou à sa livraison, à la charge desrisques, à l'étendue des responsabilités et garanties, aux conditions d'exécution, de résiliation, résolution oureconduction des conventions, lorsque de telles clauses apparaissent imposées aux non-professionnels ouconsommateurs par un abus de puissance économique de l'autre partie et conférent à cette dernière unavantage excessif.2) De telles clauses abusives, stipulées en contradiction avec les dispositions qui précedent ,sontréputées non écrites" [nos italiques].voir depuis la loi no 95-96 du 1 février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats etrégissant diverses activités d'ordre économique et commercial (J.O. 2 févr. 1995, 1755; O.S. 1995, lég. 119)prise en application de la directive communautaire no 93-13-CEE du 5 avril 1993 concernant les clausesabusives dans les contrats conclus avec les consommateurs qui définit l'abus à son article 1, également articleL. 132-1 du code de la consommation: "Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnneisou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non­professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatifentre les droits et obligations des parties aucontrat".

32

s'étendre à l'ensemble de la matière contractuelle de par la définition extensive du non-

professionnel, adoptée par lajurisprudence48•

La jurisprudence française a depuis assoupli son approche. Les décisions récentes

relatives à l'indétermination du prix dans les contrats-cadre, tout en considérant de telles

clauses comme valides désormais au stade de la formation du contrat-cadre, opèrent un

contrôle postérieur de leur exercice49• li apparaît désormais que, bien que le droit de fixer le

prix de manière unilatérale fasse L'objet d'un "préjugé assez faible de validité'~5o, il soit

possible, en contrepartie des avantages financiers ou autres qui lui sont conférés, pour

l'acheteur de se placer sous la dépendance économique de l'autre partie et de s'en remettre

ainsi à elle quant à la fixation du prix sous réserve qu'elle en use sans discrimination5l .

Une telle soLution va à l'encontre de l'approche que préconisait une partie de la

doctrine. En effet, selon Ghestin, "l'appréciation du caractère arbitraire de l'intervention de

la volonté de l'une des parties dans la détermination du prix ne doit pas être faite en

fonction de l'exécution effective du contrat. Autrement dit, la validité de celui-ci ne peut

dépendre de ce qu'en définitive le prix payé est jugé normal ou abusif,52. La même idée est

reprise par Malaurie pour lequel "ce serait alors retirer toute sécurité au contrat. C'est au

moment où il est conclu qu'il faut se placer pour apprécier sa validité: la vente est nulle du

48 CasSo 1ère civ. 3 et 30 janv. 1996, D.S. 1996, Jur. 228.49 voir la deuxième partie du devoir quant à l'exercice de ce controle, ci-dessous.50 C. Jamin, "Réseaux intégrés de distribution: De l'abus dans la détennination du prix au contrôle despratiques abusives" J.C.P. 1996.1.3959 à la p. 344.51 J. Ghestin, supra note 20 à la p. 252.52 J. Ghestin et B. Deché, supra note 16 à la p. 448; voir également G. Cornu ("L'évolution du droit descontrats en France" dans Journées de la société de Iegislation comparée 1979,447 à la p. 455) pour lequel "lasupposition de faiblesse ne se double pas nécessairement d'une présomption d'abus. Pour protéger, il n'est

33

seul fait que le contrat permet à une partie de soumettre l'autre à son pouvoir, et pas

seulement quand ce pouvoir a été exercé de façon abusive"s3.

2: En '~common law"

En "common law" anglais, il n'est fait aucune distinction quant à l'intervention du

juge, entre le fait que la détermination du prix se fasse selon un procédé objectif ou

subjectif. La fixation unilatérale du prix y est donc valable54•

fi semble en aller de même aux Etats-Unis où, selon la section 2-311 alinéa 1 du

U.C.C., "an agreement to sale which is otherwise sufficiently definite to be a contract is no!

made invalid by the lact that if leaves particulars ofperformance to he specified by one of

the parties. Any such specification must be made in good faith and within limits set by

commercial reasonableness"[nos italiques]. La validité d'un tel mode de détermination

semble donc acquise, seul son exercice pouvant faire L'objet de limitations.

Si telle est bien l'intention des parties, rien ne s'oppose à ce que le prix soit

déterminé unilatéralement. C'est donc le principe de la liberté contractuelle et à travers lui

la sécurité juridique des transactions que cherche à privilégier le "common law".

Cependant, cette attitude de "laissez-faire" peut être amenée à céder devant les exigences

de justice contractuelle. S'il semble a priori qu'en matière commerciale l'intervention

judiciaire doive être minimale en ce que les parties sont supposées à même de défendre

pas nécessaire de supposer que le plus faible risque d'être berné. Sa propre faiblesse - même non exploitée­suffit à lui mériter une protection".S3 P. Malawie, note sous C.A. Paris 3e ch., 22 nov. 1972, D. S. 1974, Jur. 93 à la p. 100.

34

leurs propres intérêts lors des négociations, l'idée que l'une d'entre elles puisse user de son

ascendant pour obtenir de son cocontractant des avantages excessifs n'est pas non-plus

systématiquement écartée en ~'common law".

C'est principalement à la notion d' "unconscionability" à laquelle une telle analyse

renvoie, notion dont la formulation qui nous intéresse revient à Lord Denning dans l'arrêt

Lloyds Bank v. Bundyss. Partant du principe selon lequel "no bargain will be upset which is

the result ofthe ordinary interplay offorces. There are many hard cases which are caught in

this rule", il lui apporte un correctifdans les termes suivant:

Gathering aIl together, l would suggest that through aIl these instances there runs a singlethread. They rest on "inequality ofbargaining power". By virtue ofit, the English law givesreliefto one who without independent advice, enters ioto a contract on terms which are veryunfair or transfers property for a consideration which is grossly inadequate, when hisbargaining power is grievously impaired by reason of his own needs or desires, or by hisown ignorance and infirmity coupled with undue influences or pressures brought to bear onhim by or for the benefit ofthe other6

Il s'agit là d'un argument qui peut être soulevé par une partie cherchant à échapper à

l'une de ses obligations contractuelles et dont la finalité est, selon Finn, •.;. to discem the

point at which one person's inability to conserve ms own interests is 50 significant and

manifest ta the other as to make it inappropriate for the other ta insist tha"t the fonner be

held responsible for the disadvantage which might befall mm from dealing with that

other,,57. Il constate une évolution intéressante du droit en la matière qui justifierait de

54 Lord Dunedin, dans May & Butcher, supra note 22: "As long as you have something certaïn it does notmatter. For instance, with regard to price it is a perfectly good contract to say that the price is to he settled bythe buyer".55 Lloyds Bank v. Bundy, [1975] QB 326, [1974] 3 Ali ER 75756 Ibid.

57 P.O. Finn, "Commerce, the Common law and MoraIity" (1989-90) 17 Melb. U. L. Rev. 87 à la p. 98.35

dépasser la simple protection du béotien58 et permettrait une utilisation accrue de ce

concept en matière commerciale. "Historically it has tended to foeus upon protecting a

person because of bis own weakness. Today the pressure would seem to be to protect a

person because of another's stren~ to curb self-interested power rather than to aid an

inept and incompetent interest"S9.

Cette notion fait cependant l'objet d'une utilisation inégale au sein des pays de

"common law", l'Angleterre et les Etats Unis où elle figure à la section 2-302 du UC.C. 60,

étant très éloignés sur cette question61, ces derniers ayant adopté une approche beaucoup

plus large de la notion ainsi que des situations dans lesquelles celle-ci peut jouer.

il semble que les remarques qui ont été faites à propos de l'analyse du problème

sous l'angle de la prohibition des clauses abusives en France62, vaillent également ici. Au

stade de la formation, la seule présence d'une telle clause n'est pas suffisante pour

considérer le contrat comme déséquilibré. De plus, comme nous le verrons par la suite, le

droit états-lUlien prévoit un mode de résolution spécifique aux problèmes posés par ce type

de clause.

58 J.P. MaIlor, "U~conscionability in Contracts Between Merchants" (1986) 40 Southwestem L.I. 1065 à la p.1066: "Although unconscionability is applied most often and mast agressively ta protect consumers, thedoctrine is by no means applicable only to consumers".59 P.O. Finn, supra note 57 à la p. 94.60 U.C.C. sect. 2-302: "1) [fthe court as a matter oflaw fmds the contract or any clause ofthe contract to beunconscionable at the time it was made the court may refuse ta enforce the contract, or it may 50 limit theapplication ofany unconscionable clause, or it may enforce the remainder of the contract without theunconscionable clause, or it may 50 limit the application ofany unconscionable clause as to avoid anyunconscionable result".61 P.O. Finn, supra note 57 à la p. 93: Celui-ci semble constater une "revitalisation of the unconscionabledealing's jurisdiction. Though it languishes in England, it has won an expensive endorsement in the UnitedStates (...)"; à la p. 94: ''tbere is by no means uniformity between the common law countries as ta when thedisadvantaged position ofone party should author this protective responsability in the other".62 voir ci-dessus.

36

fi: LE CONTROLE DE LA DETERMINATION UNILATERALE DU PRIX LORS

DE L'EXECUTION DES CONTRATS DE VENTE COMMERCIAUX

Comme nous l'avons vu précédemment, les problèmes soulevés par les clauses de

fixation unilatérale qu prix dans les contrats de vente commerciaux sont pluratLx et

imbriqués si l'on se place au niveau de la formation de l'accord par lequel la clause est

consentie pour y contester sa validité. De ce fait, au stade empirique de la formation un

certain nombre de règles plus générales relatives à la validité même de ces clauses ou du

contrat peuvent être invoquées pour échapper à l'application de ces clauses. Leur rigidité

les rend d'un usage malaisé en ce qu'aucune ne traite de façon complète, explicite et

spécifique des problèmes liés à la fixation unilatérale du prix dans les contrats de vente

commerciaux. L'inadaptation des règles provenant du droit commun des contrats, a

conduit, dans les faits, à leur perversion en ce qu'elles ont été amenées à régir des situations

pour lesquelles elles se montraient inadaptées63• En effet, elles correspondaient à une

1

comprépension (délibérément?) erronée de la nature de l'opération à des fins

L

protectionnistes, qui était d'autant plus problématique que sa sanction était radicale: la

disparition de l'acte. C'est ainsi qu'au delà de la question relative à la nature du contrôle et

de son fondement, le revirement français de 199564 a apporté également un changement

quant à la nature de la sanction, "l'abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu'à

63 J. Belot, supra note 20 à la p. 361: "Les règles posées aux articles 1591 et 1129 du Code civil sont maladaptées à la moralisation de la convention: destinées à sanctionner l'une des conditions objectives de lafonnation du contrat, elles ne peuvent, sans dénaturation, être appliquées afin d'assurer la protection d'unepartie contre l'autre".64 Cass Ass. Pl., 1 dec 1995, supra note 37.

37

résiliation ou indemnisation,,65. Nous essayerons de démontrer que les trois systèmes

étudiés permettent désormais dans certains cas à la partie invoquant un prix fixé

abusivement, d'échapper à son obligation de paiement en mettant fm au rapport contractuel

ou permettent d'obtenir des dommages-intérêts à raison du préjudice qu'a pu lui causer la

fixation "abusive" du prix.

On peut également éprouver une certaine gêne quant au procès fait à ces clauses,

apparemment a priori, en ce que, afin de sanctionner les excès postérieurs auxquelles elles

ont pu donner lieu, le juge va les déclarer nulles dès la conclusion de la convention, voire

même annuler le contrat alors qu'à ce stade s'il est fait abstraction de l'évolution

postérieure des faits, rien ne justifie une telle solution. Cependant, de pat la latitude

qu'elles laissent, de telles clauses, ne sont pas par elles-mêmes abusives, mais recèlent une

potentialité d'abus qui ne peut se manifester que lorsqu'elles sont mises en jeu66• On ne

peut présumer que le bénéficiaire en fera un usage opportuniste. La simple probabilité d'un

déséquilibre ne peut justifier l'annulation systématique de la convention. Le contrôle de

telles clauses ne peut donc se faire a priori mais doit s'opérer postérieurement à la

détermination du prix par l'une des parties pour vérifier qu'il n'y a pas eu de sa part une

utilisation excessive de son droit ayant entraîné un bouleversement du contrat.

Il semble qu'au terme des solutions admises par le droit positif des trois systèmes

faisant l'objet de notre étude, de telles clauses sont désormais considérées comme valables,

leur présence dans l'accord finalisant la volonté des parties n'influençant aucunement la

65 lbid.

38

reconnaissance de ses effets juridiques. Dans la situation qui nous intéresse, la mise en jeu

du droit fait disparaître tout obstacle à l'exécution en ce que le contrat est désormais

formellement complet. Ce n'est donc plus leur validité qui peut être contestée, mais l'usage

qui en est fait.

La disparition d'une telle approche ne prive pas les parties de tout recours mais a

entraîné une modification de l'analyse juridique de la situation ainsi qu'un déplacement du

contrôle. Nous passons ainsi de la question du contrôle de la validité du contrat au stade

initial de sa formation, à celui de rutilisation faite de la clause par le créancier lors de son

exécution. Sa fixation unilatérale fera donc l'objet d'un contrôle au seul stade de

l'exécution vers laquelle, selon la célèbre formule de Savigny, '~oute l'attente des parties

est orientée,,61. C'est là que le contrat se finalisera et où l'intervention du juge peut s'avérer

nécessaire.

Le fait de distinguer différents instants dans la vie du contrat tient à une influence

de la sociologie sur le juridique. En effet selon Carbonnier, "[l'analyse juridique] devrait

davantage tenir compte de l'exécution: le moment de l'exécution, non pas seulement celui

de la formation a une valeur sociologique. li arrive que la partie économiquement la plus

faible puisse reprendre l'avantage dans l'exécution par le contact qu'elle a, précisément à

ce moment là, avec l'objet du contrat,,68.

L'équilibre du contrat lors de la formation peut donc se modifier postérieurement et

la seule présence d'une clause conférant à l'une des parties le droit de fixer unilatéralement

66 voir pour la distinction entre les clauses abusives et potentiellement abusives A. Karimi. les clauses

abusives et la théorie de l'abus de droit. thèse Strasbourg [II. 1995.67 Cité par J. Mestre, "D'une exigence de bonne foi à un esprit de collaboration" obs. R.T.D. civ. 1986, 100 àla p. 101.

39

le prix, ne signifie pas pour autant que le contrat soit déséquilibré ab initio. C'est ainsi qu'il

y a eu un passage d'une défiance et de l'annulation des clauses de fixation unilatérale, à

leur tolérance, grâce à la mise en place d'un contrôle de leur exercice. Si une telle évolution

est récente en droit français, il semble qu'elle soit établie depuis la première moitié du

vingtième siècle en "common law", du moins états-unien.

Si dans les faits, la présence d'un tel contrôle par les tribunaux ne peut donc être

nié, la question se pose cependant de savoir quel est son fondement, sa nature ainsi que son

étendue. Au premier abord, les parties ont voulu confier une totale liberté d'action au

titulaire de la faculté. L'admission d'un tel contrôle ne va donc pas de soi, en ce qu'elle

heurte un certain nombre des présupposés de l'analyse "classique" du contrat en tant

qu'accord de volontés de par l'ingérence qu'elle entraîne. Se pose donc la question de la

latitude dont dispose le titulaire d'un droit quant à ses choix, ceux-ci paraissant

formellement illimités.

Un tel contrôle bénéficie d'un fondement textuel exprès aux Etats-Unis. En effet, au

terme de l'alinéa 2 de la section 2-305 du U.C.C., "a price to be fixed by the seller or the

buyer means a price for him ta fix in good faith". En droit français, c'est à la jurisprudence

qu'il est revenu d'en fixer les critères. C'est lors de sa décision dans l'affaire Alcatel que la

Cour de cassation69 les a formulés en rejetant la demande au motif que les parties

n'alléguaient pas que le bailleur "eût abusé de l'exclusivité qui lui était réservée pour

majorer son prix dans le but d'en tirer un profit illégitime et ainsi méconnaître son

68 J. Carbonnier, supra note 46.69 Alcarel, supra note 36.

40

obligation d'exécuter le contrat de bonne foi". En Angleterre, une telle situation ne semble

pas faire l'objet d'une quelconque spécificité quant à sa résolution.

Le changement du moment du contrôle ainsi que de ses instruments ne présente

cependant aucune garantie quant à ses résultats pratiques. C'est ainsi que pour Jamin,

"l'actuel revirement a privé nombre de distributeurs intégrés d'un appui dont ils pourraient

ne pas retrouver l'équivalent car il n'est pas certain que le recours à l'abus lors de la

détermination du prix puisse leur être d'un quelconque secours,,70.

Il s'agira donc d'étudier, après avoir écarté les arguments théoriques et pratiques qui

s'opposent à la mise enjeu de la responsabilité du créancier pour en dégager le fondement

CA), les critères possibles de celle-ci (B).

A: RECHERCHE D'UN FONDEMENT A LA RESPONSABILITE DU TITULAIRE DU

DROIT

Notre analyse portera, dans cette partie, sur le problème du contrôle de l'exercice

d'un droit subjectif à savoir, s'il est possible et sur quel fondement son titulaire peut voir sa

responsabilité engagée. Comme nous le verrons, de nombreux obstacles d'ordre aussi bien

philosophique que pratique, s'opposent à toute intervention, le créancier bénéficiant ainsi

d'une complète impunité dans l'exercice de son droit. Cependant, il semble qu'il ne peut

être nié que de nombreuses entorses ont été faite à ces limites.

Le principal obstacle à l'admission d'un contrôle de l'exercice discrétionnaire des

droits contractuels a trait à une conception absolutiste des droits au terme de laquelle ceux-

41

ci, une fois conférés, ne devraient faire l'objet d'aucune limitation. Nous étudierons donc

ici les présupposés théoriques qui font obstacle au contrôle de ces clauses c'est à dire, à la

possibilité pour le créancier de voir sa responsabilité engagée dans le cadre de l'exercice

d'un droit contractuel, ainsi que les techniques utilisées pour les contourner ou les infléchir.

L'idée d'un contrôle de l'exercice d'un droit contractuel d'apparence

discrétionnaire au stade de l'exécution, heurte un certain nombre de préoccupations

inhérentes au "common law" selon Swnmers: "(misplaced) concem about certainty,

prejudice favouring narrow, definite and detailed mIes, fear of judicial moralism, anti-

patemalism, the ideology of free contract, and regard for "arms-Iength" bargaining,,71,

préoccupations que nous retrouverons également sous des formes plus ou moins

développées en droit civil français.

Cette liste d'arguments semble pouvoir être scindée en deux autour des idées de

liberté (1) et de sécurité (2). Celles-ci correspondent à une approche objective de la

situation, approche qui consiste à s'en tenir à la lettre du contrat et en un refus d'intrusion

au sein de la sphère privée dont relèvent les motivations des parties.

1: Obstacle théorique: la liberté contractuelle

Nous étudierons dans un premier temps ce en quoi un tel principe s'oppose à tout

contrôle Ca), puis les aménagements qui lui ont été apporté (b).

70 C. Jamin, supra note 50 à la p. 343.71 R.S. Summers, "Good Faith in General Contract Law and the Sales Provisions of the Uniform CommercialCode" (1968) 54 Va. L. Rev. 195 à la p. 266, bien qu'il fasse référence à ses notions en tant qu'obstacle àl'admission de la bonne foi, il semble qu'elles reflètent une tendance générale du "common law".

42

a) Principe

L'exercice d'une faculté discrétionnaire apparaissant a priori sans limite,

Padmission d'un contrôle de celui-ci est liée à la place accordée à la protection des "libertés

individuelles" dans les systèmes étudiés. Selon Lücke, cette question est centrale à la

perception de la justice des "common lawyers"n contrairement à celle du juriste civiliste

qui "sees himself at ms most exalted as a scholar or when he is chosen to assist his ruler, as

a faithfull servant, in the ruler's noble task which is ta arder the lives of his subjects that

faimess, decencyand good faith prevail among them in their dealings,,73. Cette distinction

qui peut paraître caricaturale, reflète la plus grande réceptivité du droit civil français, tout

du moins en théorie, à l'idée d'un tel contrôle.

Cette perception des différences fondamentales entre les différents systèmes

juridiques nationaux voire les différentes traditions juridiques, dépend également

grandement de la catégorie des juristes dont l'on recherche l'opinion en ce qu'il existe un

grand décalage entre l'approche "universitaire" du droit, d'avantage philosophique,

empirique et abstraite, et celle qu'en ont les praticiens, davantage pragmatique. Alors que la

place de la doctrine fut historiquement prépondérante en droit civil français, le "cornmon

law" quant à lui, s'est essentiellement, comme l'a démontré Weber74, organisé autour des

avocats, la doctrine n'y ayant fait qu'un\~ apparition tardive à la fin du dix-neuvième siècle.

C'est donc un certain réalisme qui y prévaut bien qu'il existe les mêmes tendances qu'en

72 H.K. LUcke, "Good Faith and Contractual Perfonnance" dans Essays on Contract, , P.D. Finn, dir, NorthRyde, N.S.W., Law Book, 1987, 155 à la p. 174: "Good faith would see this approach replaced by somethingsimilar to the civillaw doctrine ofabuse ofrights which would be a gain for the common law".73 Ibid. à la p. 17l.74 M. Weber, Sociologie du droit, Paris, P.U.f., 1986 aux p. 142 et s.

43

France. Cette approche ne comporte pas de véritable pouvoir explicatif en ce qu'elle est par

trop simplificatrice, mais fait cependant apparaître les dominantes de ces deux traditions.

La notion de liberté revêt des significations différentes en "common law" et en droit

civil français ou plutôt y revêt une intensité variable. C'est ainsi que, quant à son analyse

des conceptions du droit, il semble pour Fouillee que ce soit le droit français qui attache la

plus grande importance à l'idée de liberté:

L'Angleterre envisage plutôt le coté utilitaire C•••), le droit n'est guère que la protection assuréeà l'intérêt, le moyen de le légitimer et de le satisfaire. En France, sous l'influence de laph.ilosophie du XVIIIième siècle, on a cherché le fondement du droit dans l'idée de liberté: ledroit est à la fois la conséquence et la condition de notre liberté; c'est la faculté d'agir, unegarantie donnée à l'individu contre l'État's.

On retrouve ainsi en France, principalement à partir de la fin du dix-neuvième, une

conception libérale qui a été rattachée à la Déclaration des Droits de l'Homme et du

Citoyen76 ainsi qu'à l'influence postérieure de la philosophie kantienne77. L'intrusion du

juge dans la sphère contractuelle heurte la défiance à l'égard du pouvoir judiciaire issue de

la Révolution que traduit la maxime: "Dieu nous garde de l'équité des Parlements,,78. Ceci

justifie le fort encadrement de son activité par le législateur à travers l'obligation qui lui est

faite de viser un texte pour rendre ses décisions. Selon Radulesco, '~cette construction

devait beaucoup aux préoccupations spécifiques de l'époque, concernant la liberté civile,

75 M. Fouillee, Idée moderne du droit en Allemagne, en Angleterre et en, Paris, Hachette, 1878 à la p. 2.76 J.H. Crabb, "The French Concépt ofAbuse of Rights" (1964) 6 Inter-Am. L. Rev. 1 à la p. 5: "The FrenchRevolution with its Declaration ofthe Rights of Man gave strong impulses ta the development of the cult ofthe individual, who was idealized as a supreme, self-sufficient entity rather than as the prime cel[ ofsornelarger social reality to which his rights might properly he subjected".77 G. Rouhette, "The Binding Nature ofObligations" dans Contract Law Today, O. Harris et O. Talion, dir.,Oxford, Clarendon Press, 1990 à la p. 58.78 G. Boyer, "La notion d'équité et son rôle dans la Jurisprudence des Parlements", Mél. MAURY, 1960, t.2 àla p. 257.

44

particulièrement la liberté d'opinion et de foi. Elle est dans la ligne logique de la restriction

du domaine juridique, de l'interventioImisme en vue d'une organisation politique

libérale,,79. Elle semble depuis s'être tempérée au contact d'autres aspirationsso•;

TI s'agit donc entre les deux systèmes d'une application différente d'une même

notion liée à des contextes historico-culturels distincts. En France, la notion de liberté sert~

de garantie contre l'intrusion du juge, elle est davantage un frein à son activité. En

"common Iaw" au contraire, elle fonde son intervention en ce que le pouvoir judiciaire est

supposé veiller à sa préservation et à cette fin, il doit pouvoir s'affranchir du formalisme

des règles de droit. Selon Hamson, "en Grande-Bretagne, le souci est (...) de libérer le juge

des contraintes de la règle juridique"Sl .

Un autre obstacle naît de ce que Lücke appelle la "liberté de motivation" de la

doctrine classique. Celle-ci qui résulte de la distinction positiviste entre le droit et la

1

morale, a été ferInulée par Wills en ces termes: "any right given by contract may be

exercised against the giver by the person to whom it is granted, no matter how wicked,

cruel or meanl.the motive may be which determines the enforcement of the right,,82. C'est

ainsi qu'au terme des premières décisions états-uniennes sur la question, fut affirmé que:

"malicious motives make a bad worse; but they cannot make that wrong which, in its own

essence, is 1awful"S3. Le fait d'agir dans le cadre de son droit offre à son titulaire une

excuse paralysant le jeu de sa responsabilité, quelle que soit l'ampleur du dommage causé

79 D-G. Radulesco, Abus des droits et matière contractuelle, thèse Paris, 1935 à la p. 72.80 M. Fouillee, supra note 75: "C...) mais contre cette idée qui se rattache elle-même à la thèse individualiste,une lente et profonde réaction s'est opérée C••.). On s'est aperçu que cette liberté couvrait bien des injustices".81 A. Tune, "Standards juridiques et unification du droit" [1970] R.LO.C. 247 à la p. 258.82 Allen v. Food [1898] A.C. 1,46

45

ainsi que ses motivations. La seule limite objective serait alors celle prévue par les parties

donc, tant que le titulaire du droit agit à l'intérieur de son cadre formel, il reste protégé.

Cette position résulte du très fort individualisme du "common law" qui entraîne une

conception absolutiste des droits84 au terme de laquelle ceux-ci ne peuvent faire l'objet

d'une quelconque limitation, une fois reconnus. Le juge ne peut donc pas contrôler les

motivations du comportement des parties tant que celui-ci s'inscrit dans le cadre dessiné

par le contrat. Les individus sont donc libres de choisir les finalités qu'ils poursuivent sans

que la valeur intrinsèque de celles-ci puisse faire l'objet d'une quelconque appréciation. Le

principe de liberté peut alors être compris comme le refus de toute valeur suprême pouvant

servir d'étalon ou de critère d'appréciation renvoyant à un idéal abstrait.

b) Aménagements

On ne peut cependant nier, dans la jurisprudence voire, dans le droit en général des

différents systèmes étudiés, la coexistence de telles valeurs avec d'autres d'ordre

"patemaliste,,85. C'est ainsi qu'Atiyah, dans le cadre du "common law", a mis en évidence

cette situation en ces termes:

83 Jenkins v. Fowler, (1855) 24 Pa. 308 à la p. 310.84 L. Josserand, De l'esprit des droits et de leur relativité, Paris, Dalloz, 1927 à la p.183: "les droits sont àleurs yeux des moyens d'action dont on peut se servir jusqu'au bout, des armes suceptibles d'une utilisationquelconque dans les limites objectives, tracées par la loi ou la coutume. Le rôle du legislateur n'est nullementd'assurer le lègne d'une justice distributive, mais bien de mettre chacun à même de développer librement etpleinement ses facultés, de donner toute sa mesure; ce résultat sera obtenu grace aux droits qui peuvent êtreexercés dans toutes les directions en vue d'un but quelconque et toujours impunément".8S J. Hospers, "Le libertarianisme et le paternalisme légal" [1985] R.R.J. 538 à la p. 540: "Le paternalismelégal est la conception selon laquelle la loi devrait (au moins de temps en temps) exiger d'un peuple qu'ilagisse contre son désir, pour son bien, et aussi le protéger des conséquences indésirables de ses propresactions".

46

No modem contract scholar would deny that respect for individual free choice remains animportant value ofWestem societies, but 1 suspect most ofthese scholars would argue that thelaw must aIso accommodate countervailing values deriving from the pursuit of collective goalsand from paternalistic beliefthat collective judgements about the best interest ofindividuals aresometimes more likely to be correct than the individual's ownjudgment86

Dans le même sens, il a été démontré par un certain nombre d'historiens du droit

que les présupposés de l'approche "classique" n'étaient nullement, en France, en accord

avec la pensée des rédacteurs du Code civil. Ceux-ci auraient eu une conception

relativement pessimiste de l'individu, soumis à ses passions et donc agissant de façon

purement égoïste, qui rendrait nécessaire un certain encadrement de son comportement. On

pourrait rattacher cette idée au fait, qu'à la suite de la rupture du "pacte social" par la

Révolution française de 1789, il était nécessaire de protéger les individus contre leurs

passions au titre de la raison 87.

L'approche absolutiste de l'étendue des droits contractuels admet désormais, quel

que soit le système étudié, des tempéraments, ceux-ci pouvant être regroupés au sein de

deux approches.

La première repose sur une analyse économique de la situation. La seule chose qui

importe alors est la maximisation de l'opération. Le paramètre utilisé est la création de

richesses. Cette approche qui provient des Etats-Unis, offre un instrument d'analyse

objectif qui d~ par son universalité permettrait une certaine unification des solutions et si

elle était reprise, liie convergence des systèmes juridiques.

86 P.S. Atiyah., "The Liberal Theory ofContractU dans Essays on Contract, Oxford, Clarendon Press, 1990,121 à la p. 146.87 G. Rouhette, supra note 77 à la p. 41; C. Jamin, "Révision et intangibilité du contrat ou la doublephilosophie de l'article 1134 du Code civil" [1998] Droit et patrimoine (no 58 mars) 46 à la p. 51.

47

La seconde approche, au contraire, reflète la spécificité culturelle de chaque système

juridique. Elle renvoie aux valeurs d'une collectivité donnée qui sera en général nationale

mais peut être plus spécifique.

li s'agit ici de recontextualiser le contrat dans son environnement social,

d'apprécier le comportement des parties sur la base de normes extérieures qui seront

intégrées par le juge au rapport obligationnel.

Reiter, partant de l'idée qu'il existe un décalage entre la théorie contractuelle et la

perception qu'en ont ses acteurs, se fait l'avocat d'une certaine "socialisation du droit"

selon laquelle "contract powers should be controlled (... ) and boundaries of decency ought

fairly to be imposed upon each,,88. La méthode employée pour sanctionner les abus est la

référence aux "standards of appropriate behaviour relevant in the community,,89. L'idée est

de replacer dans son contexte le rapport contractuel afin de faire référence à des nonnes

externes. Cette approche semble proche de celle adoptée par le U.C.C. qui donne comme

définition de la bonne foi en matière commerciale au paragraphe 2-103(1): "honesty in fact

and the observance ofreasonnable commercial standards of fair dealing in the trade".

O'Connor, après voir fait une SYnthèse du droit anglais, la définit en ces termes:

The princip le of good faith in English Iaw is a fundamental principle derived from the rulepacta sunt servanda, and other legal roIes, distinctively and directly related to honesty, faimessand reasonableness, the application of which is determined at a particular time by the standardsof honesty, faimess and reasonnabless prevailing in the cornmunity which are consideredappropriate for formulation in new or revised legal rules90

La notion a alors un contenu relatif en ce que "what good faith requires differs

industry by industry, depending on customary practice and expectations. It will differ as

88 B.J. Reiter, "Good faith in contracts" (1983) 17 Val. U. L. Rev. 70S à la p. 730.89 Ibid. à la p. 706.

48

contracts tend more to the discrete or the relational. It will differ depending upon whether it

is among professionals, among consumers, or between consumers and professionals. It will

differ over time,,91 .

L'utilisation d'un standard92 constitue donc un instrument souple entre les mains du

juge.

Le droit français n'est pas dénué de textes y faisant référence. C'est ainsi que l'on

peut trouver la consécration de celui du bon père de famille à earticle 1137 du Code civi193.

Selon Lyon-Caen, "il y a une étroite connexité entre cette obligation générale d'exécuter de

bonne foi et l'obligation de se comporter en bon père de famille,,94.

La solution est ainsi ancrée dans les faits et non le résultat d'une nonne générale et

abstraite que l'on cherche à rattacher à la situation. C'est ~~le procédé qui prescrit au juge de

prendre en considération le type moyen de conduite sociale correcte pour la catégorie

déterminée d'actes qu'il s'agit de juger',95, "l'instrument par lequel un certain système

renvoie à un autre système,,96. "Le standard donne une mesure moyenne de conduite

sociale, susceptible de s'adapter aux particularités de chaque hypothèse déterminée,,97. "TI

90 J.f. O'Connor, Good Faith in English Law, Dartmouth, 1989 à la p. 102.91 B.J. Reiter, supra note 88 à la p. 714.

92 Il s'agit là d'un concept d'origine états-unienne qui fut présenté pour la première fois par R. Pound lorsd'une communication adressée à un congrès de l'American Bar Association de 1919. voir à ce sujet, A. Tune,supra note 81 à la p. 248.93 Art. 1137 du code civ.: " L'obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n'aitpour objet que l'utilité de l'une des parties, soit qu'elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui quien est chargé ày apporter tous les soins d'un bon père defamille.Cette obligation est plus ou moins étendue relativement à certains contrats, dont les effets, à cet égard, sontexpliqués sous les titres qui les concernent" [nos italiques].94 G. Lyon-Caen, UDe l'évolution de la notion de bonne foi", R.T.O. civ. 194675 à la p. 83.9S Stati, Le standardjuridique, thèse, Paris, 1927 à la p. 45.96 P. Jestaz, rapport de synthèse, (1988) R. R. J. 1182 à la p. 1187.97 AI Sanhoury, "Le standard juridique" dans le Recueil d'études sur les sources du droit en l'honneur deFrançois Gény, Paris, 1935, t.2, 144 à la p. 145.

49

est avant tout un instrument de mesure, un élément de référence, un critère de

détermination,,98.

Le standard favorise donc l'adéquation des solutions jurisprudentielles à l'évolution

des valeurs ainsi que des besoins d~une société donnée en ce que, selon le doyen

Malmstrom, il permet "aux juges de supprimer l'application d'une règle conventionnelle si

l'application de cette règle est contraire aux bonnes mœurs en l'espèce ou injuste,,99. Selon

David, "le standard réintroduit la vie et la morale dans le droit" LOO. La promotion du

standard se rattache à la lutte pour la liberté du juge à l'égard du texte de la loi selon

Lambert et Al_SanhOurylOl.

Malgré ses qualités indéniables, le recours au standard fait l'objet d'un certain

nombre de critiques.

Selon le doyen Malmstrom, "la difficulté que le standard pose au juristes vient de ce

qu'il définit un comportement juridique en faisant appel à un comportement non

juridique,,102. il s'agit donc d'un standard objectif dont l'origine se situe à l'extérieur du

droit étatique que le système juridique consacre, auquel il reconnaît une valeur normative.

Son utilisation entraîne inévitablement une certaine imprévisibilité des solutions. Cette

technique n'offre aucune garantie, en ce que, à la clarté et la rigidité de la règle antérieure

se substituent des standards versatiles. C'est ainsi que Ripert fait preuve d'une certaine

ironie lorsqu'il commente les principales qualités attribuées au standard: "'Plasticité,

98 N. Dion, Les obligationsfiduciaires des dirigeants de sociétés commerciales: droit des États Unisd'Amérique et droitfrançais, thèse Orléans, 1992 à la p. 12.99 A. Tune, supra note 81 à la p. 255.tOO Ibid. à la p. 259.tOI Ibid à la p. 249.

50

élasticité ce sont des mots flatteurs dont on pare l'arbitraire. La règle ne peut être créée pour

chacun des cas particuIiers,,103. Cette critique se retrouve chez Moore Dickerson pour

laquelle "because there is, however, no method to identify the correct community, this

analysis is doubly inadequate to help business people predict which standard will be

applied"104. C'est ainsi qu'il a été reproché à cette notion de ne pas permettre un

développement scientifique du droit lO5•

2: Obstacle pratique: la sécurité juridique des tr=tnsactions

Après avoir passé en revue les obstacles que cette préoccupation oppose à la

responsabilité du titulaire du droit (a), nous verrons que ceux-ci sont aisément dépassables

dans l'hypothèse qui nous intéresse (b).

a) Contenu

Pour la doctrine classique, seule l'existence d'un tel droit est sujette à discussion,

son exercice étant par essence libre et donc assujetti à aucun contrôle quant à ses

motivations ou à son contenu. Dans le contrat, la norme comportementale a pour

car~ctéristique d'être aménagée par les pfu"ties. Il ne s'agit donc pas d'un droit subjectif

déterminé légalement mais conventionnellement. Comprise de façon stricte, une telle

102 Ibid à la p. 255.103 G. Ripert, «Abus ou relativité des droits" R. C. lég. et de jur., 1929, 33 à la p. 41.104 C. Moore Diekerson, "From behind the Looking Glass: Good faith, Fidueiary Dury and Permitted Harm"(1995) 22 Fla. St. U.L. Rev. 955 à la p. 998.lOS A. Tune, supra note 81 à la p 249.

51

approche interdit au juge de compléter le contrat en invoquant une volonté implicite des

parties car il serait tenu par la lettre même.

Cette tendance a été mise en évidence par un juge états-unien selon lequel, "the

common Iaw was much more prone in the past to induige in literai interpretations of

contracts, even where it was rather clear that the promisor invoked a meaning that was

quite abusive and unreasonable"lo6.

Le droit anglais reste en principe favorable au respect des obligations contractuelles

telles qu'établies par les parties pour des raisons pratiques, en ce que:

the predictability of the legal outcome of a case is more important than absolute justice. It isnecessary in commercial setting that businessmen at least should know where they stand. (...)We are worried that if our courts become too ready ta disturb contractual transactions thencommercial men will not know how to plan their business life [...]107.

Certitude et prévisibilité sont donc au centre de ses préoccupationsL08 du fait, entre

autre, de l'importance du créditL09• De telles préoccupations de sécurité juridique ont été

également, en France, opposées à l'admission de la théorie de l'abus de droit llo.

L'accent est placée en matière commerciale sur la possibilité de négocier sur un

pied d'égalité ("arm's lengili bargaining"). Cette idée peut être rapprochée de la maxime

caveat emptor lll ("acheteur prend garde") en "common law", bien qu'elle ait connu un

106 Weinstein v. Sheer, 120 A. 679 à la p. 680 (N.J. (923)107 R. Goode, "The Concept of 'Good Faith' in English Law" Saggi, Conferenze e Seminari 2 (Centro di studie ricere di diritto comparato e streniero, Roma, (992)108 H.K. Ulcke, supra note 72 à la p. 165: "C...) it was fear oflegal uncertainty which had prompted the courtsto allow promisees to enforce contractual rights to the full, rather than restrict such enforcement ta what isreasonable and equitable".109 J.P. Mallor, "Unconscionability in Contracts Between Merchants" (1986) 40 Sw. L.l. 1065 à la p. 1084.\10 Pour une liste non exhaustive voir D-G. Radulesco supra note 79 à la p. 58.III R.H. Jerry, "The Wrong Side ofthe Mountain: a Comment on Bad Faith's Unnatural History" (1994) 72Tex. L. Rev. 1317 à la p. 1330, selon lui, cette doctrine est considérée "as evidence that courts are notinterested in the fairness of contracts".

52

certain nombre d'aménagements depuis la fin du dix-neuvième siècle1l2• L'idée est donc

ici, qu'aussi inique que puisse sembler" la solution, elle a l'avantage de rendre les

conséquences prévisibles..Les,contractants sont donc implicitement supposés s'être engagés

en connaissance de cause, et ils soilt les seuls juges de l'économie du contrat. C'est donc à

eux auxquels il devrait appartenir de protéger leurs intérêts. Ce contexte tend à faire

prévaloir la sécurité juridique des transactions sur la protection des contractants

vulnérables, pour satisfaire les attentes des requérants et permettre une meilleure

planification ainsi qu'une confiance accrue, favorable à la prospérité économique.

Jamin fait cependant justement remarquer que "[c)'est le plus souvent celui qui est

en situation de domination qui se plaint du manque de sécurité [...],,113. Une règle aussi

rigide priverait les agents économiques en position d'infériorité de tout recours et

entraînerait leur élimination progressive. Une telle approche, de par l'intangibilité qu'elle

confère aux droits contractuels a fait dire à Josserand qu'il s'agissait de " la loi de Darwin,

se réalisant dans· le domaine juridique; les droits assurent le jeu de la concurrence vitale; ils

réalisent laséiection de l'espèce par l'élimination des faibles, par le triomphe des plus forts

et des plus avlsés,,1l4.

Assez rapidement, une certaine résistance à l'approche libérale de la question s'est

faite jour aux États-Unis, devant les résultats excessifs auxquels celle-ci pouvait aboutir: "if

one party to a contract has the unrestrained power to say what it means, the other has no

right except by sufferance C.•.) and human language is not strong enough to place them in

112 F. Kessler et E. Fine, "Culpa in Contrahendo, Bargaining in Good Faith, and Freedom ofContract: aComparative Study" (1964) 77 Harv. L. Rev. 401.113 C. Jamin, supra note 50 à la p. 343.114 L. Josserand, De l'esprit des droits et de leur relativité, supra note 84 à la p. 285.

53

that situation,,1l5. En Angleterre, il ne semble pas y avoir de place pour un tel changement

étant donné que: "over vast ranges of human activity, absolute rights are the indispensible

baseline against which various kinds ofmarket transactions are conducted [...],,116.

L'évolution contemporaine du droit commercial tend, selon certains auteurs, vers un

plus grand protectionnisme en FranceIl7. En Angleterre, Brownsword fait part de la

nécessité d'une évolution similaire lorsqu'il affirme que "C...) the place where a good faith

principle requirement most urgently needs to be incorporated into English contract law -

namely, in commercial rather than in consumer law" 118.

Cependant, mêmes les situations où les contractants sont matériellement sur un pied

d'égalité présentent certains risques d'opportunisme. Le titulaire du droit cherche à y

invoquer l'interprétation de la clause qui lui est la plus favorable, en profitant de son

manque de précision. Si toute omission est interprétée comme un blanc-seing, les dérives

peuvent être nombreuses surtout lorsqu'il s'agit de contrats qui, de par leur nature, sont

incomplets Ll9• L'effet d'un tel état du droit entraînerait une fuite par les commerçants des

juridictions étatiques au bénéfice d'autres modes de résolution des litiges. C'est ainsi que

David constate qu'une approche trop rigide a pour conséquence que "les commerçants se

détournent des lois, qu'ils soumettent leurs litiges à l'arbitrage avec des clauses d'amiable

115 Industrial & General Trust. Ltd. v. Tad, 73 N.E. 7 à la p. 9 (N.Y. 1905).116 R.A. Epstein) "Rights and "Right Talk"" (1992) 105 Harv. L. Rev. 1106 à la p. 1109.117 F. Collart Dutilleul et P. Delebecque, supra note l à la p. 21: "(... ) le droit civil est en train de devenirmoins protecteur que le droit commercial".118 R. Brownsword, "Two Concepts ofGood Faith" (1994) 7 J. Cont. L. 197 à la p. 201.119 C. Jamin, supra note 87 à la p. 50: "les agents qui s'engagent aujourd'hui dans des relations contractuellesde longue durée sont dans l'obligation de géré un très grand" nombre d'incertitudes qui limitent la rationalitéde leurs choix. Aussi la tendance est-elle à conclure des contrats-cadre qui sont le modèle même des contratsincomplets, parce que le contenu de nombreuses clauses demeure ouvert ou indéterminé afin de réserverl'avenir".

54

composition, pour que soit rendue tout simplement une justice fondée sur des standards de

bonne foinl20. Une telle situation peut être perçue différemment selon que l'on y voit la

perte d'un certain nombre de garanties ou une incitation à s'entendre entre elles quant à la

résolution du différent.

b) Dérogations

Selon Pico~ l'exécution répond à la question: "comment les parties doivent-elles

remplir leurs obligations?nI21. Elle pose ainsi une question d'ordre qualitatif que Pothier

avait traduit en ces termes: "s'obliger à faire quelque chose c'est s'obliger à le faire

utilementnl22. Un tel contrôle vise à empêcher, selon Carbonnier, qu'une partie s'enfermât

dans la lettre du contrat pour en éluder l'espritl23. Il est alors exigé du contractant plus que

de s'abstenir de nuire, il doit également rechercher une certaine efficacité. Le fait d'être

passifpeut donc à ce titre être sanctionné.

Dans une perspective libérale, il apparaît un paradoxe entre le fait que l'étendue de

la protection est susceptible d'être négociée et celui que les parties en position de faiblesse

qui sont celles qui précisément auraient besoin d'être protégées, ne peuvent se procurer une

telle garantie car elles ne disposent pas de moyens financiers ou d'un pouvoir de

négociation suffisant. L'imposition par les tribunaux d'obligations supplémentaires risque

de se heurter à l'économie du contrat telle qu'elle a été planifiée par les parties. L'étendue

120 A. Tune, supra note 81 à la p. 259.121 Y. Pieod, Le devoir de loyauté dans l'exécution du contrat, thèse Dijon, 1989.122 Pothier, De la vente, Paris, 1825, no 202 .123 J. Carbonnier, Droit civil: les obligations, tA, 16e éd., Paris, P.U.F, 1992, no 113.

55

des obligations respectives des parties ne doit cependant pas dépendre uniquement de leurs

négociations, mais également de la situation structurelle des parties rune par rapport à

l'autre ainsi que de la nature de eopération. Plus une partie sera dans un état de

dépendance, moins elle sera à même de négocier une protection accrue du fait de la fragilité

de sa position. L'autre partie risque dans ces cas là, d'être incitée à agir de façon

opportuniste du fait que son cocontractant ne bénéficie au niveau formel, d'aucune

protection juridique suffisante. Dans la situation présente, l'existence même d'une clause

conférant un pouvoir de fixation unilatérale du prix à l'une des parties crée un état de

dépendance, de faiblesse relative qui semble pouvoir justifier l'exigence d'une plus grande

diligence du créancier en ce que celle-ci ne serait que la contrepartie de la vulnérabilité

acceptée par le débiteur.

C'est ainsi que selon Gergen, les "courts imply a duty to mind the other party's

interest when a contract gÏves a party discretion in performance and circumstances create a

conflict between that party's interest in performance and the parties' joint interest,,124.

Il semble que le juge puisse grâce à deux techniques, dégager de tels standards

comportementaux qui permettraient de voir la responsabilité du créancier engagée, bien que

rien de tel n'ait été prévu par les parties. A cette fin, il peut intégrer ceux-ci au contrat à

travers une interprétation créatrice ou au contraire, se placer à l'extérieur de la sphère

contractuelle pour déclarer le créancier responsable sur le terrain délictuel.

124 M.P. Gergen, "A Cautionary Tale About Contractual Good Faith in Texas" (1994) 72 Tex. L. Rev. 1235 àla p. 1271.

56

> L'interprétation

L'interprétation répond à la question: "à quelles obligations les parties sont-elles

tenues?" et en cela ne connaît comme seule limite que la volonté contraire et explicite des

parties. Elle est une illustration du principe de liberté contractuelle si le juge doit s'en tenir

à la seule volonté présumée des contractants.

L'interprétation peut donc servir à résoudre un certain nombre de problèmes posés

par la bonne foi, en effet selon Simler, "pour peu que la convention soit obscure, les

questions d'interprétation et d'exécution de bonne foi se rapprochent singulièrement, soit

qu'une ambiguïté véritable enlève à l'inexécution ou la mauvaise exécution son caractère

prétendument déloyal, soit que la déloyauté dans l'exécution tente de s'abriter derrière une

ambiguïté prétendue,,125. La nécessité d'une telle intervention tient, selon Josserand, à ce

que:

pratiquement, les parties ne prévoient pas expressément toutes les éventualités possibles; leuraccord formel est limité à l'essentiel; pour le surplus, c'est la loi ou c'est le juge qui, en cas deconflit, interprètent leur volonté ou la suppléent; et ils doivent poursuivre cette double tâche nonpoint arbitrairement mais conformément à l'esprit du contrat et de l'institution, dans unsentiment d'équilibre et d'équité: en thèse générale les droits issus des conventions ne sontpoints des attributs discrétionnaires mais des prérogatives causées, qui ne doivent donc êtreutilisées qu'avec mesure et à bon escientl26

Cette idée est illustrée par l'article 1135 du Code civil au terme duquel "les

conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites

que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature". Cet article est

125 P. Simler, Juris-c1asseur civil, art. 1156-1164, fasc. 29 à 36 (1984), no 16.126 L. Josserand cité par Karimi, supra note 66 à la p. 99.

57

cependant rarement utilisé seul par la jurisprudence mais généralement associé à d'autres

règles plus précises d'interprétation.

Loussouarn, dans son rapport de synthèse consacré à la bonne foi, dégage quatre

fonctions de celle-ci dans le cadre de l'exécution contractuelle dont une fonction

d'interprétation à coté de celles complétive, limitative ou modulatrice et d'adaptation du

contrat127• Si cette classification a l'avantage d'une certaine clarté théorique, les frontières

entre ses différentes composantes sont loin d'être évidentes. En effet, dans la situation qui

nous intéresse, c'est l'idée de fonction limitative qui semble la plus adaptée, en ce que ce

principe sert à restreindre l'exercice d'un droit par le créancier. Elle est donc ici un

instrument permettant au juge de contrôler le comportement des parties au cours de

l'existence du rapport contractuel. Un tel résultat peut également être obtenu de façon

indirecte à travers ses soi-disant "autres" fonctions. La bonne foi peut ainsi être envisagée

dans ses dimensions interprétative et complétive, en ce qu'il s'agit ici de trouver une limite

ou un standard qui ne soient pas fonnulés explicitement dans le contrat et qu'au delà de la

simple interdiction, cette notion peut ainsi mettre à la charge d'un des contractants des

obligations positives. n ne s'agit pas, dans la situation, présente pour le juge d'interpréter

le contrat afin de lui donner effet mais au contraire, de s'y opposer ou plutôt d'en tempérer

les conséquences en y ajoutant une exigence. Il s'agit donc de poser une limite objective

par le biais de la création d'un droit corrélatif. L'interprétation limitative est également

sous cet angle constructive. C'est ainsi que, selon Justice Steyn, "in the absence of a

doctrine of good faith, English law has to resort to the implication of terms by the reason

127 Y. Loussouam, rapport de synthèse dans La bonnefoi, Trav.Ass.H. Capitan4 1.43 (1992) 7 aux p. 16-17.58

of the nature ofthe contracf,128. Sous couvert d'interpréter le contrat à travers l'emploi des

"implied terms", le juge le refait dans une certaine mesure, incluant des renvois à des

normes objectives qui n'étaient pas forcément dans l'intention des parties.

Aux Etats-Unis, Perillo constate que dans le cadre des ~'requirements contracts" ou

contrats d'approvisionnement, l'utilisation de la notion d'abus de droit entraîne des

solutions dont le "result can be obtained by the process of contract interpretation rather than

a court-imposed doctrine of abuse of right. One of the rules of contract interpretation is

designed to deter abuses of rights. As Corbin states, "if the words of agreement can be

interpreted so that the contract will be fair and reasonable, the court will prefer that

interpretation,,,,129.

La question qu'il faut alors se poser quant à la mise en place de telles obligations est

de savoir si celles-ci doivent être reconnues à titre exceptionnel ou au contraire ne sont que

l'illustration d'une autre conception du contrat davantage tournée vers la collaboration. En

effet, Le contrat est envisagé par l'approche "classique" comme étant la rencontre d'intérêts

antagonistes. Le contrat du Code civil "reste le résultat de la conjonction circonstancielle

d'Jintérêts opposés" selon Terré I3o. Selon Gutteridge, "our law has not hesitated to place the

seaI of its approval upon a theory of the extent of individuals rights which cao only be

described as the consecration of the spirit of unrestricted egoism,,131. Selon une telle

12S The Hon. MT Justice Steyn, "The Role ofGood Faith and Fair Dealing in Contract Law: A Hair-ShirtPhilosophy'r' [1991] Denning LJ. 131 à la p. 133.129 J.M. Permo, "Abuse of Rights: a Pervasive Legal Concept" (1995) 27 Pac. L.J. 37 à la p. 75.130 F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, 5e éd., précis Dalloz, 1993, no 414.131 H.C. Gutteridge, "Abuse of Rights" (1933) 5 Cambridge L.I. 22 à la p. 42.

59

analyse, la responsabilité du créancier ne peut être reconnue qu'à titre exceptionneL Cette

conception du rapport contractuel semble cependant susceptible d'être remise en cause au

profit d'une approche davantage solidariste qui permettrait d'inclure de façon plus

systématique de telles obligations quant à certains types de contrat.

il semble que la pratique des affaires ait rend~ pour certains types d'accords portant

sur des ventes, obsolète le paradigme sur lequel s'est bâtie la théorie contractuelle de la

plupart des systèmes juridiques. A cette approche libérale selon laquelle chacune des

parties est uniquement motivée par son intérêt égoïste, il est possible de substituer la

nécessité de prendre en compte celui de son cocontractant.

L'évolution de la matière contractuelle a entraîné une modification de l'analyse

doctrinale du contrat à travers la place prépondérante qu'y tient désormais l'idée de

coopération. Celle-ci permet de porter une attention accrue à la situation du débiteur. Plutôt

que de prévoir des règles spécifiques visant à garantir sa protection, celle-ci semble mieux

assurée par une modification de l'analyse du rapport contractueL Nous chercherons ici à

voir ce qu'il en est dans les trois systèmes étudiés.

L'opposition entre deux conceptions du contrat a été mise en évidence par la

doctrine états-unienne et tout particulièrement par fan Macneil lorsqu'il mit l'accent, au

début des années soixante-dix, sur la distinction entre "discrete" et "relational

transaction"l32. Tandis que le premier type correspond à un contrat de durée limitée dont le

contenu des obligations est aisément identifiable et dont les risques sont répartis librement

132 LR. MacneiI, The New Social Contract, Yale University Press, 1980; "Values in contract: internaI andexternal" (1983-84) 78 Nw. U. L. Rev. 340.

60

entre les parties, le second exige une plus grande collaboration de celles-ci. C'est dans

cette seconde catégorie que semble se situer la situation étudiée.

Brownsword envisage la reconnaissance d'une telle analyse du contrat par le droit. (

anglais133. C'est ainsi que certains a~teurs sont favorables à l'admission explicite d'un

principe de bonne foi 134. Il semble que celle-ci dépasserait, de par ses effets, la seule

question d'ordre terminologique en ce qu'elle permettrait d'étendre certaines solutions à

des domaines où aucune règle spécifique n'existe mais où une intervention pourrait paraître

opportune.

En France, un des plus grands partisans de l'utilité de la reconnaissance d'un

principe de bonne foi en tant que fondement de l'exécution contractuelle fut Demogue pour

lequel les rédacteurs du Code civil n'auraient pas été insensibles à une autre conception du

contrat:

Les contractants fonnent une sorte de microcosme. C'est une petite société ou chacun doittravailler dans un but commun qui est la somme des buts individuels poursuivis par chacuncomme dans la·-société civile ou commerciale. Alors à l'opposition entre le droit du créancier etl'intérêt du débiteur tend à se substituer une certaine union. Le créancier quant à la prestationqu'il doit recevoir n'est pas seulement créancier, il peut avoir un devoir de colIaboration l3S

•1

Selon Mestre, "le contrat est de moins en moins perçu comme un choc de volontés

librement exprimées, comme un compromis entre des intérêts antagonistes, âprement

défendus. Il apparaît de plus en plus comme un point d'équilibre nécessaire, voire même

comme la base d'une collaboration souhaitable entre contractants,,136 On retrouve la même

idée chez Josserand pour lequel chacun des parties "doit conformer sa conduite à l'idéal

133 R. Brownsword, supra note ll8.134 R. Brownsword, "Good Faith in Contract revisited" (1996) 49 CUIT. Leg. Probs. lll; J.F. O'Connor, supranote 90.135 R. Demogue, traité des obligations en général, t. VI, no 3 à la p. 9.

61

commun, elle doit respecter et assurer l'équilibre contractuel,,137. L'aspect commercial avec

son modèle contractuel dominant qu'est le contrat d'entreprise, prévaudrait alors sur

l'approche '~privatiste"de la vente.

Deux notions de "common law", entendu ici en tant que tradition juridique,

semblent susceptibles d'être utilisées à des fins analogues. EUes ne visent que certains

types de relations contractuelles, non pas en se fondant sur la forme du contrat, mais sur la

nature de la relation entre les parties. n s'agit des contrats créant des "fiduciary duties" ou

obligations fiduciaires et des contrats uberrimaefidei. L'idée est alors que l'existence d'un

état de dépendance réciproque ou unilatéral entraîne une augmentation du standard

comportemental exigible des parties, une prise en considération accrue des intérêts du

cocontractant en dehors de toute négociation spécifique de celle-ci.

Cette approche correspond à l'aspiration de l' "Equity" à définir sa propre

conception des conduites aIlant à l'encontre des canons généralement acceptés ou même

nécessaires aux accords entre les hommes 138. Ce standard correspond à "something stricter

than the moraIs of the market place,,139 et bien qu'il n'ait pas été créé à cet effet, il peut

"regulate contractual dealings between the parties to the relationship,,14o. Un tel devoir n'est

reconnu que dans certains types de relation. Traditionnellement, il s'agit de celles de

136 J. Mestre, "L'évolution du contrat en droit privé français" dans L'évolution contemporaine du droit descontrats, Journée René Savatier, Paris, PUF, 1986,41 à la p. 45.137 L. Josserand, supra note 84 à la p. 306.138 P.O. Finn, "Equity and Contract" dans Essays on Contract, PaulO. Finn éd., 1986, 104 à la p. 105.139 Cardozo dans Meinhardv. Salmon (1928) 249 N.Y. 458, 164 N.E. 545 à la p. 546.140 P.O. Finn, supra note 138 à la p. 107.

62

confiance telles que entre "solicitor and client, guardian and wards~ and religious adviser

and disciple"141 • li a été étendu aux relations d~affairesI42.

Dans le même ordre d'idée figurent les contrats uberrimaefidei dont l'exemple type

est le contrat d~assurance, qui imposent également une plus grande prise en compte des

intérêts du cocontractant.

> La responsabilité délictuelle

On pourrait également envisager la situation sous l'angle de la responsabilité

délictuelle: si aucune obligation particulière n'est prévue par le contrat, ni même à titre

supplétif par la loi, est-il loisible au débiteur invoquant un préjudice de se fonder sur les

règles de la responsabilité délictuelle?

il est évident que malgré l'existence d'un contrat entre deux individus, tout

dommage causé par l'un d'entre eux à l'autre n'entraîne pas de façon systématique sa

responsabilité contractuelle. li apparaît donc nécessaire qu'il y ait un lien suffisamment

ténu entre le comportement ayant donné lieu au dommage et la relation contractuelle, pour

que la situation ait pu être envisagée par les parties et soit donc régie par leur convention.

Le fait que le contrat n'exclut pas expressément un chef de responsabilité, implique-t-il

pour autant que Pindemnisation relève de son domaine? Il semble a priori que la réponse

doive être positive: la fixation du prix entraînant un dommage déraisonnable à L'acheteur,

semble devoir relever de la matière contractuelle.

141 H. Collins, The Law ofContract, 2e éd., Buttersworth., 1993 à la p. 198.142 Hospital Products Lui. v. United states Surgical Corp. (1984) 55 ALR 417 à la p. 455.

63

il Y a cependant actuellement une évolution dans le domaine de la responsabilité

civile en '''common law', à travers le développement du domaine des "torts" au détriment

du contrat.

Contrairement au droit français où la frontière entre ces deux fondements reste, en

principe, stricte, il est possible en "common law' pour un cocontractant d'invoquer une

faute de nature délictuelle pour être indemnisé d'un dommage apparu au cours d'une

relation contractuelle. L'existence de droits et d'obligations contractuels spécifiques ne fait

pas pour autant disparaître les "duties" servant comme fondement de ['indemnisation en

matière de '<>tOrts,,143. Il semble selon l'analyse d'Atiyah qu'il s'agisse [à d'un recours du

juge pour contourner la rigidité des règles classiques du contrat:

There seem to be two reasons why today it is evident that contract and tort are merging. First,because the use of collective values to impose solutions on the parties in case of contract hasbecome less illegitimate than it used to seem under the influence of cIassical contract theory;and secondly, at a more technical and doctrinal level, because modem judges are happier withthe fluidity of tort techniques than they are with the perceived rigidities and inadequacies ofcontract law. Hence, tort Iaw is increasingly used to resolve problems which could equally beresolved by contract law if the judges were more willing than they seem to be to adapt contractlaw to modem ideas and values l44

La création d'obligations nouvelles peut donc apparaître en dehors du droit

contractuel. La bonne foi, si tant est qu'elle soit exclue en matière contractuelle pourrait

alors y trouver refuge.

Cependant, la question du passage de la responsabilité pour manquement au

principe de bonne foi du domaine du "contract" à celui des '<>torts" semble également, voire

143 Esso Petroleum Co. Ltd v. Mardon [1976] 2 AIl ER 5, [1976] QB 801; Batty v. Metropolitan PropertyRealisations Ltd [1978] Q.B. 554.144 P.S. Atiyah, "The Modem RoIe ofContract Law" dans Essays on Contract, Oxford, Clarendon Press,1990, 1 à la p. 9.

64

principalement, guidée par 1~ intérêt du demandeur en ce que certains chefs de dommage,

alors qu'ils sont exclus de la matière contractuelle sont indemnisés en matière délictuelle

("emotional, exemplary damages").

Probablement afin de contourner certains des obstacles juridiques qui paralysaient

les mécanismes d'indemnisation, la jurisprudence états-unïenne a, à travers la

reconnaissance d'un "devoir" de bonne foi, admis la responsabilité du titulaire du droit en

matière délictuelle. Une telle tendance est apparue au cours des années quatre-vingt, suite à

la reconnaissance d'un "devoir" spécifique de bonne foi dans le cadre des contrats

d ~assurance.

Les tribunaux ayant opéré une lecture étroite des obligations des parties, se sont

refusés à appliquer la notion de bonne foi en matière contractuelle et l'ont parallèlement

admise sur le terrain de la responsabilité délictuelle l45•

L'extension de cette notion fut préconisée par la Cour Suprême de Californie selon

laquelle:

In holding that a tort action is avaiIable for breach of the [good faith] convenant in an insurancecontract, we have emphasized the "special relationship" between insurer and insured,characterized by elements of public interest, adhesion, and fiduciary responsability... No doubtthere are other relationship with similar characteristics and deserving ofsirnilar treannent l46

Cette approche semble désormais abandonnée. La plupart des états qui l'avaient

adoptée ont procédé à des revirements de jurisprudence147 et les commentaires de la section

145 English v. Fischer, 660 S.W. 2d 521 (Tex.1983)146 Seaman Direct BuyingService Inc. v. Standard Oil Co. 36 Cal. 3d 752 à la p. 768, 686 P.2d 1158 à la p.1164,206 Cal. Rptr. 354 à la p. 362 (1984).147 en Californie en 1988 par la décision Foley v. Interactive Data Corp 47 Cal. 3d 654, 765 P.2d 373,254CaL Rptr. 211 (1988).

65

1-203 du U.C.C. ont depuis été amendés, excluant explicitement toute action en matière

délictuelleI48•

B: LE CRITERE DE LA RESPONSABILITE CONTRACTIJELLE

Comme nous l'avons vu précédemment, l'approche absolutiste préconisée par la

doctrine "classique" ne doit pas moins admettre certaines limites, lorsqu'il est possible de

mettre à la charge du créancier une obligation contractuelle qui servira à la mise en jeu de

sa responsabilité.

Pour un certain nombre d'auteurs I49, ce type de situation n'est en rien spécifique et

l'utilisation des mécanismes classiques de la responsabilité civile suffit à résoudre la

question. il ne s'agirait alors que d'une faute particulière et le problème serait donc

uniquement formel.

Il s'agÏrn ici de s'efforcer de dégager un critère permettant au juge de résoudre de

façon cohérente, ce type de litige. A cette fin, nous envisagerons trois approches. La

première, partant de l'impossibilité de trouver un critère fonctionnel, sera fmaliste (1).

Malgré son pouvoir explicatif, sa dimension prospective reste faible. Nous chercherons

alors à dégager un test objectif (2) qui, quel que soit le critère retenu, semble s'avérer

insuffisant. C'est ainsi qu'il faudra lui combiner un test subjectif (3) afin de dégager un

mécanisme pleinement satisfaisant.

148 UCC, 1994 Cumulative Pocket Part s 1-203 crot., 1 U.L.A.; PEB Commentary No.lO, Feb. 10, 1994.

66

1: Approche finaliste: absence de critère

La recherche de cohérence par l'approche "classique" quant aux solutions ayant

sanctionné l'utilisation faite d'un droit contractuel dans le droit positif, passe par leur

incorporation au cadre strict de sa conception du rapport contractuel et l'utilisation des

instruments d'analyse ou concepts qu'elle a développé. A défaut, ces solutions en

constitueront un parasite, une aberration qui peut être justifiée en l'espèce et être ainsi

tolérée en tant que telle mais n'en repose pas pour autant sur un fondement juridique. Elles

restent alors des exceptions dont la quantité, en l'absence d'une quelconque unité, n'est pas

à elle seule de nature à renverser le principe selon lequel le créancier est libre de poursuivre

son seul et unique intérêt et ne peut de ce fait, être déclaré responsable. Ainsi, les partisans

de l'approche absolutiste ne vont-ils pas jusqu'à nier les interventions judiciaires, mais

refusent d'y voir la consécration d'une quelconque règle en matière contractuelle. n ne

s'agit, selon eux, que de solutions isolées par lesquelles pour des raisons de politique

judiciaire, le juge déroge au droit, entendu dans un sens strict. Il s'agit donc de simples

exceptions au principe, basées sur des considérations de justice ou de moralité, c'est à dire

où le juge s'autorise à modifier l'application d'une règle de droit sur la base de ses

convictions personnelles. Il n'y aurait dès lors aucune garantie formelle pour le débiteur qui

verrait son indemnisation dépendre entièrement du bon vouloir de la juridiction.

C'est ainsi que les solutions obtenues, malgré la diversité de leurs fondements, ne

semblent pas inconciliables avec une justification unique si, afin de rendre cette

149 H. Mazeaud et A. Tune, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle,t.1, 6e éd., Paris, Montchrétien, 1965 à la p. 659.

67

jurisprudence cohérente, on la fonde, non sur les mécanismes juridiques employés, mais sur

leur finalité, c'est à dire l'intervention du juge en équité. On peut rapprocher ce type

d'analyse de l'approche finaliste du droit préconisée par Gény:

Il ne semble pas que, même du point de vue technique, le procédé des concepts et laconstruction soient vraiment indispensables pour l'acquisition ou la mise en œuvre des solutionsjuridiques. Il suffit pour en être assuré d'observer que le plus grand nombre des règles de droits'établit et se développe par des raisons intrinsèques de justice ou d'utilité, qui suffisent àconférer toute la fermeté et toute la cohésion nécessaires, alors que les représentations purementconceptuelles qu'on prétendait y adjoindre, ne feront souvent qu'égarer la recherche ensubstituant les écarts désordonnés de la pensée à l'emprise, seule féconde et sûre, des réalités 150.

Notre analyse reposera ici sur les deux notions que sont la bonne foi et l'abus de

droit en tant qu'instrument d'équité.

~ La honnefoi

Il s'agit d'une notion juridique polymorphe consacrée explicitement par les

systèmes français et états-unÏen qui n'en donnent pas de définition fonctionnelle. Il existe

du fait de cette imprécision, plusieurs niveaux de compréhension de la notion de bonne foi

selon le domaine juridique concerné, du moins lorsqu'il s'agit de la mettre en œuvre. Il

s'agit d'un principe général selon certains qui, lié à la notion de justice, serait inhérent à

l'ensemble du droit ISI tandis que pour d'autres, il ne serait qu'un simple correctif

n'intervenant que dans certaines situations spécifiques. En tant que principe ayant une

dimension d'ordre éthique ou morale, il pennet au juge de déroger aux textes lorsqu'il se

trouve confronté à une injustice flagrante. En cela, il est un instrument de justice

150 F. Gény, Science et technique en droit privé positif, t.3, Paris, recueil Sirey, 1921-30, n0220.151 Volansky, Essai d'une définition expressive du droit basée sur l'idée de bonnefoi, thèse Paris, 1929.

68

• substantielle car il pennet de contourner certaines règles du droit positif dont l~application

entraînerait une solution indésirable. .'

Le principe de bonne foi en droit des contrats, malgré ses racines historiques en

droit romain, trouve un écho favorable en "common law", du moins états-unienne, tandis

qu'une certaine résistance lui est opposée quant à son admission par le système anglais. En!

France, malgré sa présence dans le Code civil~ cette notion n'a connu une véritable

existence dans le cadre de l'exécution contractuelle que depuis les années soixante-dix. n

s'agit là d'une notion longtemps restée en jachère, bien que visée expressément dans le

Code civil quant à l'exécution contractuelle152, à l'article 1134 alinéa 3 au terme duquel, les

conventions doivent être exécutées de bonne foi. Le traitement de cette notion dans les

manuels consacrés au droit des obligation reste assez succinct153 malgré un renouveau de

l'intérêt doctrinal154.

Selon Delebecque, "la bonne foi est une limite à l'efficacité des clauses

contractuelles"15:. -te problème réside en ce que la notion est à cheval sur le droit et la

morale, une sorte de correctif qui aurait un fonctionnement autonome. Il semble qu~elle soit

considérée par la doctrine française comme un "résidu d'équité que le droit ne peut

élirniner,,156. L'hostilité de la doctrine face à une notion aussi fuyante tient au fait qu'elle ne

peut être réduite à un ensemble fini de règles mais constitue une catégorie ouverte. C'est

IS2 Il semble qu'il s'agisse là en fait d'une utilisation nouvelle de la notion, d'une découverte plus que d'uneredécouverte. A ce sujet voir Bénabent qui parlant de l'évolution récente de la notion compare le Code civilau "sol égyptien: on a beau le retourner de toutes parts depuis bien longtemps, on y fait toujours desdécouvertes nouvelles" (A. Bénabent, "la bonne foi dans l'exécution du contrat", rapport français dans Labonnefoi, Trav. Ass. Capitant, t.43 (1992),291).IS3 P. Malaurie et L. Aynes, cours de droit civil, les Obligations, 4e éd., Paris, CUJAS, 1993-94, no 622 à lap. 339; f. Terré, P, Simler, Y. Lequette, supra note 130, no 414-17 aux p. 321 et s.154 voir les thèses récentes qui lui sont consacrées: R. Desgorces, La bonnefoi dans le droit des contrats: roleactuel et perspectives. thèse Paris II, 1992; Y. Picod, supra note 121.IS5 P. Delebecque, note sous Cass.civ. 1,6 décembre 1989, J.C.P. 1990 II 21534.

69

ainsi que selon Ghestin, "la bonne foi est une notion essentiellement morale. Elle ne peut

agir sur le droit positifqu'au travers des mécanismes techniques qui constituent à la fois ses

moyens d'action et ses limites"157. Selon Desgorces, elle est "souvent perçue comme le

moyen juridique déguisant une intervention judiciaire arbitraire dans l'économie du contrat.

Sous prétexte de bonne foi le juge serait amené à défaire ce que les parties ont

préalablement négocié et VOulU,,158.

Toute tentative de cohérence doctrinale se heurte donc à la fmalité première de ce

principe qui est de conférer une plus grande latitude au juge quant à la solution de l'espèce

qu'il doit trancher. Si cette technique présente des avantages en ce que "le sens de la règle

est régulièrement adapté à l'évolution de la société, le juge peut introduire dans sa solution

des considérations morales, et son intuition et son expérience permettent de donner une

réponse plus pratique et peut-être plus confonne aux réalités que le seul raisonnement

logique", elle souffre du défaut corrélatifen ce qu'elle "contraint l'interprète à se demander

pour chacune des espèces qui lui sont soumises, quel est le contenu de la bonne foi,,159.

Celui-ci n'étant pas prédéterminé, lli"'l certain arbitraire est à craindre en ce que sa

détermination par le juge n'est encadrée par aucun texte. De cela naît le risque de décisions

contradictoires auquel ne peut pallier la Cour de cassation qui semble se refuser à tout

156 G. Lyon-Caen, supra note 94 à la p. 83.157 J. Ghestin, La notion d'erreur dans le droit positifactuel, thèse Paris, 1963.158 R. Desgorces, supra note 154 à la p. 20.159 Ibid. à la p. 35.160 Cass.civ.lere, 4 avril 1981 cité par Desgorces, ibid. à la p. 36. Bien que l'espèce relevait de la loi sur lesurendettement, la solution au terme de laquelle "l'appréciation de la bonne foi relève du pouvoir souveraindes juges du fond" semble pouvoir être étendue au delà.

70

L'extension du rôle de la bonne foi au cours des trente dernières années~ en France,

semble symptomatique d'une évolution du rôle du juge dans les pays civilistes. Cette

tendance peut être illustrée par l'article 6:2 du nouveau Code civil hollandais selon lequel

"good faith shall not only supplement the parties' obligations, but may aIso modify or

extinguish them. A mIe which would bind the parties by virtue of law, usage, or legal act

shaH not apply if under the circumstances this would be unreasonable according to good

faith". il s'agit là pour Lando d'une ''unusual provision. Since Napoleon, the Code has been

regarded as infallible. The Dutch Civil Code now tells the courts that they may derogate

from the Code when it would be unreasonable to follow the Code, a thing which the courts

in ail the code countries have done now and then, but never admitted tha! they dief' [nos

italiques] 161.

Un principe de "good faith" est admis par la jurisprudence aux E1:ats-Unis. On le

retrouve dans le D.C.C. à la section 1-203 qui prévoit: "Every contract or duty within this

Act imposes an obligation of good faith in its performance and enrorcement". Son

intégration dans le code est due à Karl Llewellyn, l'un des principaux rédacteurs, dont

rinspiration ne provenait pas du "common law" mais du droit civil allemand162 auquel il

était familier l63.

161 0. Lando, "Eight Principles of European Contraet Law" dans Making Commercial Law, Essays in HonourofRoy Goode, Cranston, dir., Oxford, Clarendon Press, 1997, 103 à la p. 122.162 S. Riesenfeld, "The influence ofGerman Legal Theory on Arneriean Law: The Heritage of Savigny andhis Disciples" (1989) 37 Am. J. Camp. L. L à la p. 6: "The thought pattern of the modem common law legalarchiteets and that ofthe modem Pandeetists merge in Llewellyn; that is aIl that can be said, but it says a lot".163 E.A. Farnswo~ "Good Faith in Contraet Performance", dans Good Faith and Fault in Contract Law,Beatson et Friedman, dir., Clarendon Press Oxford, 1995, 155 ; "Duties ofGood Faith and Fair Dealingunderthe UNIDROIT Principles, relevant International Conventions and National Laws" (L 993-95) L-3 TuL

71

Ce principe a été formulé dans des termes assez similaires dans le Restatement (2d)

ofContracts qui, à sa section 205, dispose: "every contract imposes upon each party a duty

of good faith and fair dealing in its performance and its enforcement". Son introduction y

est justifiée, selon Braucherl64, par sa présence dans le D.C.C. ainsi que sa reconnaissance

par la jurisprudence états-unienne.

Cette notion existait donc déjà dans la jurisprudence antérieure 165 et il est possible

que l'évolution des techniques de compilation des décisions, à travers le passage à

l'informatique, ait permis de la retrouver166• En effet, le nombre de décisions judiciaires

rendues annuellement par les juridictions étatiques et fédérales, est tel que pendant

longtemps, leur publication faisait l'objet d'un certain arbitraire. Seules celles considérées

comme opportunes en ce qu'elles s'inscrivaient dans les catégories juridiques préétablies,

étaient publiées. Le passage sur bande de données a permis de redécouvrir des moyens qui

avaient été longtemps considérés comme accessoires tels que ceux fondés sur la notion de

bonne foi167.

J. Int'[ & Comp. L. 47 à la p. 52: "Llewellyn who had taught in Leipzig, was inspired C•••) by the Treu undGlauben provision of the German Civil Code".164 Transcript ofthe 1970 Proceedings of the American Law Institute cité par R.S. Summers, "The GeneralDuty ofGood Faith - Its Recognition and Conceptualisation" (1982) 67 Comell L. Rev. 810 aux p. 814-15.165 lndustrial & General Trust v. Tod, 73 N.E. 7 (N.Y. 1905); Kirke La Shelle Co. v. Paul Armstrong Co., 188N.E. 163 (N.Y.1933).166 S.J. Burton et E.G. Andersen, Contractual Good Faith;fàrmation, performance, breach, enforcement,Little, Brown and Company 1995; E.A. Farnsworth, "Duties ...", supra note 163 à la p. 52 plus voir sur laquestion de l'influence sur le développement des concepts juridiques aux États-Unis des techniques declassification des décisions R.C. Berring, "Legal Research and Legal Concepts: Where Form MoldsSubstance" (1987) 75 Cal. L. R. 15.167 S.J. Burton et E.G. Andersen, ibid. à la p. 33: "Doctrinal research on national scale was guided until mid­century largely by the West Publishing Company's "key number" system. In fact, West did not spot the goodfaith trend and begin locating the relevant cases together until sorne time in the 19605. Before then, scolarsprobably came across good faith cases only intermittently in the advance sheets and on specifie researchprojects, placing sorne in casebooks and passing others around informally. Things changed greatly with theadvent ofMead Data Central's LEXIS mode ofresearch in the late 1970s and, soon thereafter, WESTLAW".

72

L~approche adoptée par Summers de la notion, illustre de façon intéressante l~idée

selon laquelle il ne s'agirait que d'un instrument de justice contractuelle. Celui-ci part

d'une question très pragmatique: "in case ofdoubt, a lawyer will determine more accurately

what the judge means by using the phrase "good faith" if he does not ask what good faith

itself means, but rather asks: What C...) does the judge intend to rule out by his use of this

phraseT~ De cela il déduit que la bonne foi "is best understood as an "excluder"-it is a

phrase which has no general meaning or meanings of its own, but which serves to exclude

many heterogeneous forros ofbad faith,,168.

C'est donc la finalité de la notion qui doit être mise au premier plan et il ne sert à

rien de chercher à en dégager un test unique. Si certains apprécient le pragmatisme de cette

approche qui permet d'atteindre une solution ''without involving the use of fictions often

resorted by the courts when good faith obligation is not available,,169, d'autres lui

reprochent son arbitraire170•

Une telle approche se situe dans la continuité de ranalyse réaliste du droit états-

unienne qui depuis le début du siècle, se refuse, devant les contradictions et divergences de

la jurisprudence, à décrire le droit comme un système cohérent mais met plutôt l'accent sur

l'activité dujugel71•

168 R.S. Swnmers, supra note 71 à la p. 200.169 Renard Constructions (ME) Plu Ltd v Ministerfor Public Works (1992) 26 NSWLR 234, 266G170 M.C. Bridge, "Does Anglo-canadian Contract Law need a Doctrine ofGood Faith ?" (1984) 9 Cano Bus.L.J. 385 à la p. 398: "(...) it seems tantamount to saying that the good faith duty is breached whenever ajudgedecides that it has been breached (...)".171 J.S. Ziegel, "What can the Economie Analysis of Law teach Commercial and Consumer Law Scholars?"dans Commercial and Consumer Law: National and International Dimensions, Cranston et Goode, dir.,Oxford, Clarendon Press, New York, Oxford University Press, 1993,249 à la p. 251. Il s'agit selon lui de"the rejection of formaI theories of law which treat law as a science based upon a set ofprinciples from whichsolutions can be derived effortlessly to solve aH problems. In the US, the rejection began in the 19205 with theemergence ofthe realist school ofjurisprudence".

73

La bonne foi est donc envisagée ici négativemen~ comme prohibition de certains

comportements de mauvaise foi qui ne sont pas forcément préétablis. fi s~agit donc d~une

catégorie hétérogène de comportements répréhensibles.

En Angleterre~ on trouve trace d~une telle notion dans une opinion de Lord

Mansfiel~ à la fin du dix-huitième siècle~ dans laquelle il se réfère au "good faith" comme

étant "the governing principle (...) applicable to all contract and dealings"l72.

Dès le dix-neuvième~ cette approche fut rejetée par le droit positif 173.

De nos jours, selon Lando, "the common law of England does not recognize any

general duty to act in accordance with good faith and fair dealing,,174. Il y a donc ici une

divergence d'approche par rapport aux Etats-Unis, en ce que I~AngJeterre se refuse~ même

en matière commerciale, à reconnaître un tel principe du fait de sa généralité. Cela ne

signifie pas pour autant qu'elle soit indifférente à ce type de considérations. En effe~ dans

L'affaire Intertoto Library Ltd v Stilleto Ltd175, Lord Justice Bingham fit remarquer que

"English law has, characteristically~ commited itselfto no such overriding principle but has

developped solutions in response to demonstrated problems ofunfairness,,176.

La première référence qui y a été faite en doctrine date d~un article de Powell de

1956177. Selon lui, une telle notion, bien qu'elle n'ait pas fait l'objet d'une reconnaissance

explicite, en tant que telle, par le droit anglais, sous-tend un certain nombre de solutions

basées sur des fondements hétérogènes. fi existerait donc une même tendance, mais se

172 Carter v. Boehm, 97 Eng. Rep. 1162 à la p. 1164 (K.B. 1766)173 H.K. Lücke, supra note 72 à la p. 157.174 O. Lando, supra note 161 à la p. 123.175 [1981] 1 Q.B. 433.176 Ibid. à la p. 439.

74

dissimulant derrière d'autres concepts. Afin d'illustrer son argumentation, il adopte une

analyse comparative visant à démontrer que des solutions analogues à celles atteintes par

les systèmes juridiques ayant adopté une telle notion, se retrouvent en droit anglais. On

retrouve cette idée chez Atiyah pour qui, si le "good faith is not openly recognized as a

principle ofEnglish contract law, C...) it can hardly be disputed that the general idea ofgood

faith permeates various principles [...],,178. C'est ainsi qu'en rabsence d'une reconnaissance

explicite, il est possible de la retrouver de façon latente derrière un certain nombre de

concepts qui permettent d'atteindre un résultat analogue.

La rigueur du "common law", liée à son formalisme, est tempérée, en matière

commerciale, par des règles plus souples d'interprétation, ainsi que par le recours à l'

"Equity". Celle-ci est administrée conjointement avec le "common law", entendu ici non

pas en tant que système juridique mais comme l'ensemble des règles jurisprudentielles

rendues par les cours royales, depuis la fin du dix-neuvième siècle. Elle opère des

corrections aux résultats atteints à travers la seule application des solutions de "common

law", grâce à un certain nombre de règles spécifiques et substantielles qui ont vocation à

prévaloir sur ces dernières. En effet, l' "Equity" de par la souplesse de ses règles et sa

recherche de justice contractuelle a permis un certain nombre de dérogations au rejet de

principe par le droit anglais d'un contrôle des droits discrétionnaires. C'est là que la notion

de bonne foi reconnue par Lord Mansfield, aW'aÏt trouvé refuge suite aux attaques de la

doctrine positivistel79• C'est ainsi que, selon Corbisier, "la distinction entre common law et

177 R. Powell, "Good Faith in Contracts" [1956] CUIT. Leg. Probs. 16.178 P.S. Atiyah, "The Liberal Theory ofContract" dans Essays on Contract, Oxford, Clarendon Press, 1990,121 à la p. 128.179 H.K. LUcke, supra note 72 à la p. 158.

75

equity, toujours bien présente à l'esprit des juges anglais, est probablement à l'origine de la

non-reconnaissance explicite de la bonne foi en tant que principe à la fois libérateur et

limitatifde Paction des parties,,180.

Le droit anglais se trouve cependant dans une situation inconfortable concernant la

notion de bonne foi, du fait de sa présence dans un certain nombre de textes internationaux.

Si elle n'a pas ratifié la convention de Vienne, l'Angleterre a néanmoins participé à

sa rédaction et c'est ainsi que, récemment, un auteur anglais, commentant l'article 7 au

terme duquel "pour l'interprétation de la présente convention, il sera tenu compte de son

caractère international et de la nécessité de promouvoir l'uniformité de son application

ainsi que d'assurer le respect de la bonne foi dans le commerce internationaf' [nos

italiques] a pu écrire que Pidée selon laquelle la bonne foi devrait être appliquée à

l'exécution contractuelle, serait "disturbing for the English lawyer,,181.

L'Angleterre s'interroge également sur l'opportunité de son admission suite à la

directive communautaire du 5 avril 1993 sur les clauses abusives l82 qui fait désormais

partie de son droit positif interne. L'article 3 dispose que "a contractual tenu which has not

been individually negociated shall be regarded as unfair if, contrary to the requirement of

good faith, it causes a significant imbalance in the parties' rights and obligations arising

under the contract, to the detriment of the consumer"[nos italiques]. Il s'agit là de la

1801. Corbisier, supra note 25 à la p. 803.181 B. Nicholas, "The United Kingdom and the Vienna Sales Convention: Another Case of SplendidIsolation?" 9 Saggi, Conferenze e Seminari 9 (Centro di studi e ricerce di diritto comparato e strniero, Roma1993)182 H. Beale, "Legislative Control ofFairness: The Directive on Unfair Terms in Consumer Contracts", GoodFaith and Fau/t in Contract Law, Beatson et I. Friedman, dir., Clarendon Press OxforcL 231; The Hon. MrJustice Steyn, supra note 128.

76

traduction littérale du concept çiviliste, cette notion, comme nous venons de le voir, n'ayant

pas de signification juridique propre en "common law" anglais.

~ L'abus de droit

1

La théorie de l'abus de droit a été envisagée par certains auteurs comme n'étant

qu'une simple particularisation, une facette de la responsabilité contractuelle. Pour eux,

l'abus est "le rénovateur du délit civil,,183. Ainsi, Planiol qui était un fervent opposant à la

théorie de l'abus de droit, convient du fait que "tout le monde est d'accord; seulement là où

les uns disent: il y a usage abusif d'un droit, les autres disent: il y a un acte accompli sans

droit. On défend une idée juste avec une formule fausse,,184. Analysant la jurisprudence

relative à l'abus de droit, Capitant en conclut qu' "il importe de bien noter que la

jurisprudence considère toujours l'abus de droit comme constituant une faute, au sens de

l'article 1382 du pode civil,,185.

fi s'agit là d'un concept dont l'origine est française et dont Ghestin donne la.

défmition suivante: "usage mauvais que l'on fait d'un droit subjectif,186.

La notion d'abus semble connaître un nouvel essor dans le cadre de l'exécution

contractuelle parallèlement à celui de la bonne foi et ceci de façon notable dans 1'hypothèse

qui nous intéresse, de l'exercice discrétionnaire des droits contractuels. En France, la notion

de bonne foi dispose cependant d'un certain avantage sur cene d'abus de droit, en ce

183 M-O. Ga~ Essai sur l'abus de droit, thèse Lille Il 1991 à la p. 8.184 A. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, IDe éd., t.2, L.G.D.J., Paris, no 871.185 H. Capitant, "Sur l'abus de droit", R.T.D. civ. 1928,367.186 J. Ghestin, "L'abus dans les contrats" Gaz. Pal. 1981,379.

77

qu'elle est fondée sur un texte. Il est à noter qu'ici ces deux notions semblent se recouper

en ce qu'elles sont conduites à s'appliquer à une même situation.

Nous nous intéresserons donc à l'abus de droit en France, où il a été consacré par la

jurisprudence et aux Etats-Unis où des propositions doctrinales ont été avancées quant à

son admission où tout du moins quant à l'utilité de son pouvoir explicatif.

En France, selon Gain, il existe une dualité quant à l'analyse de la notion:

Cette dualité s'appuie d'abord sur la différence de nature entre Jurisprudence et Doctrine. Elles'appuie ensuite sur la réception légèrement différée des thèmes, ce phénomène ayant suscité enDoctrine la tentation de trouver un critère général de l'abus. La doctrine ne s'est jamais remisede n'avoir pas été à l'origine directe de la théorie. Elle a donc tenté de démontrer soit l'mutilitéou l'incongruité de la création jurisprudentielle, soit au contraire, que le caractère quasimentinconscient de celle-ci s'expliquait par une lecture approfondie des bons auteurs, et unejustification théorique qu'elle seule était en mesure de délivrer187

fi existerait donc, selon cette analyse, un décalage entre la construction doctrinale

du concept et l'usage qui en est fait par les tribunaux. En ce qui concerne ce dernier, selon

Gain, il s'agit "d'un mécanisme régulateur, échappant par nature à toute définition,,18~. Il

s'agit là d'une analyse proche de celle proposée pour la bonne foi par Summers l89• Sous

une autre dénomination, on retrouverait là encore un fondement juridique à l'intervention

du juge dans la sphère contractuelle.

La jurisprudence française sel:lble considérer les notions d'abus de droit et de bonne

foi comme interchangeables. En effet, dans l'arrêt Alearel, la Cour de cassation a considéré

qu'''[une partie] n'avait pas abusé de l'exclusivité qui lui était réservée pour majorer son

187 M-O. Gain, supra note 183 à la p. 7.188 Ibid. à la p. 6.189 voir ci-dessus.

78

tarifdans le but d~en tirer un profit illégitime, et ainsi méconnu son obligation d'exécuter le

contrat de bonne foi" [nos italiques] 190. C'est ainsi que pour un certain nombre d'auteurs, il

y a assimilation des notions de bonne foi et d'abus de droit en matière contractuelle. Chez

Karimi, "l'application de la théorie de la bonne foi coïncide avec celle de la théorie de

l'abus de droit aux droits contractuels,,191. Lyon-Caen est même allé jusqu'à dire que cette

notion absorbait toute la question de la bonne foi en matière contractuelle192. Loin d'en être

le démembrement, elle en serait la particularisation quant à la question du contrôle de

l'exercice des droits contractuels.

Perillo se fait l'avocat de l'admission explicite de l'abus de droit en droit américain

afin de dégager un fondement commun à un ensemble de décisions en apparence

hétérogènes 193. Il opère à cette fin un parallèle entre la jurisprudence états-unïenne et le

développement historique qu'a connu cette notion en France, en partant du droit de

propriété pour arriver au contrat. Sa conclusion ou plutôt son analyse de la notion conduit

également à la consécration de cette notion en tant que mécanisme régulateur spécifique:

The doctrine of abuse of rights like other doctrines, such as impossibility of performance, caUsupon the Queen of goddesses, Equity, to rectify the inability of mere humans to anticipateeverything that could occur in the future, and to expend the social or transaction costs,necessary to detennine in advance how those occurences should be dealt with l94

fi envisage un de ses aspects correspondant à la situation de mauvaise foi dans

l'exécution contractuelle et plus particulièrement celle qui nous intéresse ici du "bad faith

190 A/care/, supra note 36.191 A. Karimi, supra note 66 à la p. 293.192 G. Lyon-Caen, supra note 94 à la p. 83.193 J.M. Perillo, supra note 129 à la p. 52: "It can serve both as a free-standing concept and as the underlyingrationale for the application ofthe doctrines to particular cases".194 Ibid. à la p. 49.

79

exercise of discretionn, dont la spécificité, à ses yeux, justifie une approche sous l'angle de

rabus de droit et non sous celui de la bonne foi. il défend Pintérêt d'une telle adoption en

ce que, ''while analysis in terms of good faith produces a satisfactory result, a further

analysis in terms of principal's abuse of bis power to detennine compensation, separates

this kind ofcase from its chameleon-like cousins in the universe ofgood faith,,195.

Cette lecture des notions de bonne foi et d'abus de droit, si elle est la seule

pertinente lorsque L'on cherche à regrouper de façon cohérente, l'ensemble des solutions

rendues sur ces fondements, s'avère insuffisante dans l'hypothèse qui nous intéresse. Nous

démontrerons ainsi qu'il est possible de dégager un critère permettant de résoudre plus

spécifiquement le problème de la responsabilité du créancier, dans le cadre de la mise en

jeu de clauses discrétionnaires.

2: Critère objectif

Selon Farnsworth, rapplication d'un principe de bonne foi implique "an implied

term of the contract so that another party to the contract will not be deprived of his

reasonable expectationsn196. L'idée des "attentes raisonnables" est pour lui le critère du

standard de bonne foi qui n'est admissible qu'en tant qu'objectirI97•

195 Ibid. à la p. 71.196 E.A.Farnsworth, "Good Faith Performance and Commercial Reasonableness Under the UnifonnCommercial Code" (1963) 30 U. Chi. L. Rev. 668 à la p. 669.197 Ibid. à la p. 677: "Only to the extent that the test is objective do commercial practices become vital inestablishing the standards ofgood faith".

80

Le fait de décevoir les attentes raisonnables de son cocontractant est sanctionné en

"common law" sur le fondement de la théorie du "reliance" mise en évidence par Fuller et

Perdue dans leur célèbre article consacré aux fondements de l'indemnisation en matière

contractuelle198. il s'agit donc là d'un des chefs de dommage admis en "common law", qui

correspond au comportement prévisible que les parties sont en droit d'espérer l'une de

l'autre. il existe en général, si l'on s'en tient au seul point de vue des parties au contrat, une

tendance chez chacune d'entre elles à un certain optimisme, entraînant l'espoir d'une

maximisation des avantages susceptibles d'en être retirés. A cette idée, Atiyah apporte un

tempérament en refusant "(to) assume that businessmen expect the law to protect their full

expectations when they enter into contracts,,199.

Cette notion n'est pas sans équivalence dans la littérature juridique civiliste2oo.

C'est ainsi que selon Weber, "dans les théories empiriques inspirées de Comte, les

"attentes" que les intéressés sont en droit d'avoir étant donné la conception moyenne des

obligations d'autrui, doivent servir de normes décisoires souveraines supérieures à la loi et

remplacer des concepts comme celui d' "équité" et autres qui sont trop vagues,,201.

On retrouve cette même idée dans la doctrine française chez Jarnin qui propose

comme critère de l'abus, le fait pour la partie devant fixer le prix de se réserver "un profit

qui ne permet plus à l'autre de retirer celui qu'elle est aussi en droit d'attendre de

l'exécution du contrat,,202. Cette approche est condamnée par Vogel pour lequel l'abus ··ne

198 L. Fuller et W.R. Perdue, "The Reliance Interest in Contract Damages" (1936) 46 Yale L. Rev. 52, 373.199 P.S. Atiyah, "The Economic Analysis of Contract" dans Essays on COn/ract, Oxford, Clarendon Press,1990, 150 à la p. 172.200 J. Carbonnier, "Introduction" dans L'évolution contemporaine du droit des contrats, Journée RenéSavatier, Paris, P.U.F., 1986,29 à la p. 35.201 M. Weber, supra note 74 à la p. 228.202 C. Jarnin, supra note 50 à la p. 344.

81

peut être apprécié du point de vue du distributeur: une règle selon laquelle serait abusif un

prix qui ne permettrait pas au distributeur de réaliser des profits conduirait à protéger des

distributeurs inefficaces,,203.

Un problème se pose lorsque le comportement du créancier dévie manifestement

des prévisions du débiteur. Est-ce le comportement même ou ses conséquences qui sont

visés par la notion? Sommes nous en face d'une obligation de moyens ou résultar04? C'est

à dire que, dès qu'une partie subit un dommage auquel elle ne pouvait raisonnablement

s'attendre, peut-elle demander à être indemnisée? Est-ce que l'ampleur du préjudice peut

justifier l'intervention judiciaire?

S'il s'agit d'une obligation de résultat, a priori tout dommage devrait donner lieu à

indemnisation. Nous verrons ici qu'aucun système n'adopte une solution aussi extrême. Il

semble plutôt que ceux-ci soient plus spécifiques à travers l'exigence d'un dommage

qualifié.

Contrairement au droit de "common law" qui est essentiellement tourné vers

l'indemnisation d'où l'importance des "remedies", le droit français reste en matière de

responsabilité civile marqué par l'idée de sanction et donc attaché à la notion de faute.

203 L. Vogel, "Plaidoyer pour un revirement: contre l'obligation de détennination du prix dans les contrats dedistribution" O.S. 1995, chrono 155 à la p. 162.204 La distinction entre les obligations de moyens et de résultat a été fonnulée par R. Demogue (Obligations,VI no 399) en ces termes: "Si le débiteur promet un résultat ( ...), il est responsable si le résultat n'est pasatteint, saufà prouver la force majeure. Mais le débiteur peut n'avoir promis qu'un moyen ( ... ). Si je veuxobtenir une indemnité C•.•) je devrai prouver qu'il devait prendre des précautions qu'il n'a pa prises C.•.) Maisil pourra prouver qu'il n'a pu prendre les précautions prévues".

82

C'est ainsi que la doctrine se refuse à inférer l'existence d'une faute de la seule existence

d'un dommage2os.

Dans son article consacré à la bonne foi en matière contractuelle, Moore Dickerson

part de la constatation que les commentateurs "viewed good faith from the perspective of

the active participant, that is, from the perspective of the person in control,,206. Elle

reproche à cette approche d'avoir "swung the law towards an analysis that systematically

favors the stronger party in the contractual or organizational relationship, and that prevent

us from considering the harm inflicted on the weaker party,,207. Selon elle, un certain

nombre de préjudices peuvent apparaître au cours de la relation contractuelle, sans que le

droit n'offre une indemnisation de ceux-ci. li s'agit là du concept de "permitted harm".

Tous les dommages causés au débiteur ne peuvent donc être indemnisés, il faut un

dommage exceptionnel ou qualifié. Selon Karimi, "le caractère anormal des dommages

causés par l'exercice d'un droit est un moyen objectif servant à constater l'abus,,208.

Quant au montant de l'indemnisation, il faut distinguer entre le montant des gains

du vendeur, des pertes de racheteur et le prix du marché. Le profit supplémentaire qu'a pu

tirer le créancier d'une fixation "excessive" n'est pas forcément symétrique à la perte subie

par le débiteur qui ne peut être réduite à la différence entre le prix payé et celui du marché.

li se peut même que celle-ci ait été répercutée sur ses propres acheteurs, rendant ainsi nul le

préjudice subi. Il ne faut également pas perdre de vue que pour les ventes s'inscrivant dans

20S H. Mazeaud et A. Tunc, supra note 149 à la p. 465: "les rédacteurs du Code civil ont vu dans la faute unecondition propre de la responsabilité, distincte du préjudice comme elle est distincte du lien de causalité".206 C. Moore Dickerson, supra note 104 à la p. 956.207 Ibid à la p. 961.20S A. Karimi, supra note 66 à la p. 57.

83

le cadre d'une opération plus large, les reventes peuvent ne pas être sa seule source de

profit.

Certains auteurs ont cherché à trouver des limites dans l'analyse même du droit.

L'idée de départ était donc de déterminer l'étendue de certains droits qui paraissaient

comme absolus, en replaçant l'individu dans son contexte social au sein duquel, sa sphère

d'autonomie admet un certain nombre de limites, liées aux exigences d'une cohabitation

paisible. li semble qu'il y ait eu chez certains auteurs un dérapage, à travers le passage d'un

contrôle de cette faculté individuelle à une véritable confiscation de celle-ci au nom de la

société et de valeurs communautaristes. Selon ce raisonnement, le droit étant confié à

l'individu en vue d'une finalité précise, tout détournement de celui-ci ferait perdre au

comportement la protection du système juridique étatique. La tentative visant à fixer une

limite objective à chaque type de droit a été un échec. Perillo fait cette constatation

lorsqu'il réfute toute définition renvoyant à une finalité sociale du droit ou plutôt, la

possibilité pour le juge de trouver une limite inhérente à chaque droit: "In an ideal world

that does not exist, it might be possible to spell out ex ante the exact confmes of each

right,,209.

De toute façon, le fait qu'il ne s'agisse pas dans notre hypothèse d'un droit

d'origine légale mais au contraire conventionnelle, rend la tâche d'autant plus difficile.

Selon une approche économique, seule serait condamnable l'utilisation d'un droit

contractuel pour augmenter les profits d'une des parties au détriment de ceux de l'autre,

84

lorsque la somme de ceux-ci est inférieure à celle qui résulterait d'une répartition plus

équitable, c'est à dire lorsque le bénéfice qû'elle en tire est moindre que la perte corrélative

que subit son cocontractant. li s'agit de la seule situation véritablement problématique car,. ,dans tous les autres cas de figure, 'les profits dégagés permettent d'indemniser les débiteur

tout en conservant un excédent.

Pour décider de la responsabilité du créancier il est également loisible de

s'intéresser à la question de savoir laquelle des parties est la plus à même de supporter la

charge des pertes. Celle-ci trouve sa réponse, non pas dans celle qui dispose des ressources

les plus importantes, mais dans celle pour laquelle le coût de l'assurance est moindre. li

serait possible d'opérer à ce titre un report du préjudice. Dans le même ordre d'idée, quant

il s'agit de décider quelle partie devra supporter le coût du manque à gagner, se pose la

question des effets d'une condamnation quant à la continuation de leurs activités. En effet,

si seule une d'entre elles se retrouve en état de cessation de paiement ou de faillite, le juge,

sera davantage enclin à l'épargner.

La plàpart des critères que nous venons d'envisager semblent également valables.

Cependant, quel que soit celui retenu, il restera trop général ou systématique, la

responsabilité ne devant être engagée qu'à titre exceptionnel du fait de l'immunité de

principe que confère la clause. C'est ainsi qu'à sa dimension objective, il va falloir ajouter

une dimension subjective permettant d'écarter l'obstacle du droit.

209 lbid. à la p. 49.85

3: Critère subjectif

Selon Mestre, si on peut exiger des contractants un certain dépassement de leur

individualisme, on ne peut leur demander un altruisme absolu négateur de leurs propres

intérêts, ni même un dévouement chronique et illimité210. De cela il résulte que les cas de

responsabilité sont, en pratique, plus réduits que ceux qui résulteraient de la seule approche

objective de la faute. Cette situation tient à l'existence de la clause qui vise à garantir une

certaine protection au créancier.

L'idée est ici que le créancier ne peut être exonéré de sa responsabilité lorsque son

comportement est injustifié au regard des circonstances de l'espèce, en ce que ses

motivations pour agir sont considérées comme répréhensibles. Cette idée conduit à la mise

en place d'une double exigence qui combine les dimensions objective et subjective c'est à

dire un jugement sur le comportement du créancier ainsi que ses motivations. La dimension

objective venant d'être traitée, nous nous intéresserons ici à la seule perspective subjective.

Il s'agit donc ici de réprimer la mauvaise foi éventuelle du créancier. Il faut à cette

fin procéder à une enquête d'ordre psychologique sur les motivations de son comportement.

Selon Riper!, la morale nous enseigne qu'il faut s'inquiéter des sentiments qui animent les

~ujets de droit afm de "protéger ceux qui sont de bonne foi", de "frapper ceux qui agissent

par malice ou par dol" et de "poursuivre la fraude et même la pensée frauduleuse,,211. Un

210 J. Mestre, "Bonne foi et équité, même combat t" obs. RTDC civ, 1990,652.211 G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, 4e éd., Paris, L.G.D.J., 1949.

86

certain nombre de concepts ont été utilisés afin de faire tomber sur la base d'une analyse

subjective l'obstacle du droit.

En droit anglais, selon Brownsword, "contractors may legitimatly pursue their own

interests, prioritising their own interest against those of the other side, subject orny to such

mjnimal constraints as those pertaining to fraud and coercion,,212. Selon Vidal, "il y a

fraude chaque fois que le sujet de droit parvient à se soustraire a l'exécution d'une règle

obligatoire par remploi à dessein d'un moyen efficace qui rend ce résultat inattaquable sur

le terrain du droit positif,213.

On pourrait également envisager d'utiliser la notion de dol comprise non pas en tant

que vice du consentement au stade de la formation de l'accord, mais en tant que délit civil

lors de son exécution214. il serait même plus exact de parler alors de faute dolosive, celle-ci

étant visée avec la faute lourde à l'article 1150 du Code civil relatif à l'indemnisation215.

L'idée est alors que la faute intentionnelle n'est pas couverte par l'immunité du droit.

Enfin, nous retrouvons la bonne foi et l'abus de droit. L'analyse tendant à les

assimiler semble faire complètement abstraction de l'histoire de ces deux notions ainsi que

de leur domaine juridique respectif: La notion d'abus de droit est apparue au milieu du dix-

neuvième, tout d'abord en matière de propriété. Fondée à l'origine sur l'article 1382 du

Code civi1216, c'est tout d'abord sur le terrain délictuel qu'elle fut usitée, pour être étendue

212 R. Brownsword, supra note 118 à la p. 212.213 J. Vidal, cité dans Desgorces, supra note 154 à la p. 58.214 C.A. Colmar, 2e ch. civ., 30 janvier 1970, D.S. 1970, Jur. 297 à la p. 298: "le critérium du dol est lamalhonnêteté qui inspire les manoeuvres et non la tromperie; (...) la persane victime d'un dol n'est pasnécessairement trompée, la notion de dol débordant l'erreur et la violence".215 Art. 1150 Code civ.: "Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a puprévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée".216 Art. 1382 Code civ.: "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui parla faute duquel il est arrivé, à le réparer".

87

progressivement à la matière contractuelle217. C'est cette approche historique et textuelle

qui justifie qu'elle soit susceptible d'en être distinguée.

il semble également que les critères permettant de caractériser l'existence de ces

deux notions, diffèrent. En effet, selon Hartkamp, "in France, the restrictive function of

good faith has been accepted only in isolated cases, and not as a general principle. In order

to achieve the same result as would derive from the application of the restrictive function,

one must show a violation ofa stricter standard, to wit, an abuse of right,,218. Selon Perillo,

l'intérêt de faire prévaloir ranalyse des décisions à travers la notion d'abus de droit plutôt

que sous l'angle de la bonne foi est que cette dernière "is 50 multifarious as to provide little

guidance to the court. Abuse of rights thinking, although itself somewhat elastic, provides a

steadier rudder,,219. Pour certains auteurs, il existe donc une véritable différence entre ces

deux notions. Selon Ghestin, "la sanction de l'acte abusif trouve bien un fondement dans

l'article 1382 du Code civil. Mais il a fallu préalablement faire tomber la présomption de

licéité de l'acte en démontrant l'abus, ce qui permet de faire apparaître la faute,,22o. C'est

ainsi que, pour Karimi, "les théories de l'abus de droit et de la responsabilité civile jouent

des rôles différents: l'abus de droit lève l'immunité du titulaire d'un droit contre tout les

reproches dans l'exercice de ce dernier et la responsabilité civile intervient ensuite pour

déclarer responsable ce titulaire du droit pour les dommages qu'il a causé,,221.

217 voir G. Ripert, supra note 211, no 101, qui procède par un raisonnement a fortiori pour étendre la théoriedu domaine délictuel à l'ensemble de la responsabilité civile: "On ne peut admettre que le droit contractuelsoit supérieur par sa nature au droit légal et, à ce titre, non susceptible d'abus".218 A. Hartkamp, "The Concept ofGood Faith in the UNIDROIT principles for International CommercialContracts" (1993-95) 1-3 TuL 1. Int'l & Comp. L. 65 à la p. 69.219 Ibid. à la p. 77.220 J. Ghestin et G. Goubea~ Traité de droit civil, Introduction générale, 3e éd., L.G.D.J., Paris, 1990, no713.221 A. Karimi, supra note 66 à la p. 68.

88

L~absence d'intérêt légitime serait le critère de l~abus de droit selon Josserand, en ce

qu'il permet "d'allier l'élément subjectif à rélément objectif. Elément subjectif: la

recherche d'un intérêt. Elément objectif: l'appréciation de la légitimité de cet intérêt,,222.

Le recours à 1~abus présente également un certain intérêt pratique car il permet à la

Cour de cassation d'exercer un contrôle sur la décision des juges du fond en ce qu'il

s'agirait désormais non plus d'une question de fait mais de droit223• Cependan~ en

l'absence de définition légale de la notion, les juges se contentent généralement d ~en

constater l'existence sans le caractériser.

Aux Etats-Unis, en l'absence de reconnaissance d'un concept d'abus de droit par la

jurisprudence, la notion de bonne foi lui reste assimilable en ce qu'employée dans les deux

sens.

La recherche de l'existence d'un abus dans l~exercice d~un droit a pendant

longtemps été assimilée à celle des intentions du détenteur du droi~ c'est à dire aux

situations où le préjudice résulte d~un usage délibérément malveillant du droit. Il s'agit ici

d~un contrôle éminemment subjectif visant à sanctionner les atteintes les plus flagrantes

c~est à dire~ celles où le créancier a cherché à causer un dommage à son cocontractant.

li est possible que les motivations soient plurales~ certaines d ~ entre elles étant

répréhensibles tandis que les autres sont justifiées. La question se pose alors de choisir sur

lesquelles l'accent doit être mis~ à savoir, s'il faut que le débiteur ait agi exclusivement

avec l'intention de nuire ou, si la seule existence d~une telle intention, cohabitant avec

222 L. Josseran~ De ['abus des droits, A.Rousseau, Paris, 1905 à la p. 57.223 C. Jamin, supra note 50 à la p. 344.

89

d'autres motifs, doit y être assimilée. La plus célèbre affaire française en matière d'abus du

droit de propriété, rarrêt Clément-BayarJ1.24 semble faire prévaloir l'intention néfaste sur

les autres motivations bien que la question n'y ait pas été ouvertement adressée. Le titulaire

du terrain adjacent qui avait causé un dommage dans le cadre de la jouissance de son droit

de propriété, cherchait à vendre son terrain. Cet argument n'a pas été pris en compte quant

au résultat de la décision qui a considéré l'intention de nuire comme étant le motif exclusif.

La doctrine lorsqu'elle s'intéresse à la question, semble adopter une approche plus claire,

en effet, selon Brethe, "sans doute l'intention de nuire ne suffit pas, il est nécessaire qu'elle

soit l'unique but du titulaire du droit: il n'y a abus que s'il a agi exclusivement pour nuire,

par pur caprice ou malice, sans aucune utilité pour lui,,225.

Les conséquences pratiques d'une telle approche sont cependant critiquées dans

tous les pays qui l'ont admise. En France, "la jurisprudence et la doctrine à peu près

unanimes considèrent la seule intention de nuire comme un critère trop restrictif,226.

L'approche subjective basée sur les motivations du créancier peut être envisagée de

façon plus large, l'intention de nuire ne constituant qu'une prohibition minimale. C'est

ainsi que la Cour de cassation227 a cassé la décision de la cour d'appel de Colmar qui avait

sanctionné l'usage d'un droit "inspiré par l'égoïsme et maintenue par entêtement". La

juridiction suprême a reproché aux juges du fond d'avoir statué de la sorte "tout en

224 CasSo Req.~ 3 aout 1915, Clément-Bayard~ S. 1920.1.300, D. 1917.1.79.22S J. Brethe, note sous Cass. corn. 7 mai et 24 nov. 1924, S. 1925, 2, 217 à la p. 221.226 A. Karimi, supra note 66 à la p. 113.227 Casso 3e civ., 12 octobre 1971, O.S. 1972, Jur. 210.

90

admettant que [le demandeur] n~avait pas agi avec l'intention de nuire et sans rechercher si

le refus (...) avait été opposé de mauvaise foi ou avec une légèreté blamable".

En droit états-unien, Burton envisage également la possibilité d~utiliser un standard

subjectifpour apprécier l~absencede bonne foi du créancie~8.Il en dégage trois types de la

jurisprudence: "wrongful motives"~ "dishonestY~ et "intentional action on impermissible

reasons". En ce qui concerne la coexistence des motivations blâmables avec celles tolérées~

il se base sur la décision de la cour d~appel de l~nlinois dans l'affaire Dayan v. McDonald's

COrp.229 dans laquelle "the court refused to hold C...) that an improper motive would

constitute bad faith when the discretion-exercising party aIso had a good reason"no.

Une telle approche est également critiquée quant à ses résultats aux Etats-Unis, par

Burton qui souligne que "overemphasis on a subjective standard of good faith, however,

can lead to undue passivity by judges and presumably jurors, leaving the non-discretion-

exercising party~s interest in nonarbitrary and foreseeable action in contract performance

unprotected,,23 1•

Au delà de ses résultats, c'est la méthode même qui peut paraître critiquable. Une

telle approche~ de par sa recherche éminemment subjective, semble constituer un obstacle

quant à son admission en "common law" anglais. En effet, selon SteYn, "the emphasis of

English Law on an objective approach ta contractual issues tends ta make England

228 S.J. Burton et E.G. Andersen, supra note 166 à la p. 74.229 125 Ill. App. 3d 972,466 N.E. 2d 958 (1984).230 S.J. Burton et E.G. Andersen, supra note 166 à la p. 77.231 Ibid. à la p. 83.

91

somewhat an infertile sail for the development of a generalized duty of good faith in the

performance ofcontracts,,232.

Un des problèmes posés par l'analyse subjective de l'abus réside dans le fait qu'il

n'est jamais aisé de rapporter la preuve de l'intention d'un individu et donc, qu'il faut le

plus souvent, en pratique, inférer celle-ci de données objectives. Faute de pouvoir dégager

un critère précis quant à la dimension subjective, l'approche française risque d'être néfaste

à l'indemnisation du débiteur. Le "common law", à l'aide d'une analyse économique de la

situation, offre un moyen intéressant de résoudre ce problème.

On retrouve le critère de la légitimité dans la jurisprudence de la Cour de cassation

en matière de contrat-cadre. Celui-ci fut pour la première fois mentionné dans une affaire

où, selon ses termes "[une partie] n'avait pas abusé de l'exclusivité qui lui était réservée

pour majorer son tarif dans le but d'en tirer un profit illégitime, et ainsi méconnu son

obligation d'exécuter le contrat de bonne foi" [nos italiques]233. Lors d'une décision

postérieure, la Cour d'appel de Paris a repris cette définition lorsqu'elle constata que "la

référence expresse à un tarif dont l'existence n'est pas contestée en l'espèce, répond à

l'exigence légale du caractère déterminable du prix, dès lors que la franchisée ne soutient

pas que la Sté Intexal ait abusé de l'exclusivité qui lui était réservée pour majorer son tarif

dans le but d'en tirer un profit illégitime et ait ainsi méconnu son obligation d'exécuter de

bonne foi" [nos italiquesf34.

232 The Hon. Mr Justice Steyn., supra note 128 à la p. 132.233 Alearel, supra note 36•234 C.A. Paris. 5e ch. civ. 31 mars 1995, O.S. 1995, Jur. 582.

92

Ripert considère ainsi qu'il y a abus de droit par le créancier "s'il trouve dans

l'exercice de sa créance un enrichissement qui est injuste, puisqu'il est pour lui le résultat

du hasard et pour le débiteur source de ruine,,235.

L'usage qui est fait d'un droit contractuel, s'il entraîne des effets anormaux, doit

donc pouvoir être justifié. L'absence de critère précis quant à la légitimité de l'acte, si elle

permet une certaine souplesse, présente le risque corrélatif de n'offrir aucune garantie.

Cette exigence variera, ainsi que ses effets sur le contentieux selon le degré d'exigence des

tribunaux quant à ce qui en est constitutif.

Aux Etats-Unis, la définition de la bonne foi que donne Burton236 semble quant à

notre question, avoir un certain pouvoir explicatif. Après avoir dénoncé l'incapacité des

tribunaux et de la doctrine à dégager un critère susceptible de distinguer l'exécution de

bonne foi de celle de mauvaise foi237, il propose une analyse à travers la notion de "forgone

opportunity".

Celle..'ci a vocation à s'appliquer dans la situation qui nous intéresse, c'est à dire, où

le contrat corlfère un pouvoir discrétionnaire à l'une des parties. Plutôt que d'envisager la

question de la bonne foi dans la seule perspective de la partie dépourvue de contrôle, par

référence à ses "attentes raisonnables" quant au bénéfice que le contrat doit lui conférer, il

faut selon lui, également prendre en considération le coût de l'exécution pour l'autre

contractant. C'est ainsi que celui-ci peut, de bonne foi, priver l'autre partie des avantages

23S G. Ripert, supra note 211, no 89.236 S.I. Burton, supra note 27 à la p. 369.237 Ibid: "Yet neither courts nor commentators have articulated an operational standard that distinguishes goodfaith performance from bad faith performance".

93

escomptés pour des motifs légitimes238• li s'agit donc de vérifier que le contractant n'a pas

trahi la confiance qui avait été placée en lui en se servant de sa discrétion pour tenter de

faire peser sur l'autre cocontractant les conséquences d'un contrat qui tourne à son

désavantage ou plutôt, de lui interdire de nier l'existence même du contrat en cherchant à

récupérer un profit auquel il avait renoncé lors de la passation de l'accord.

Nous retrouvons alors un test en deux étapes. La première porte sur une analyse

objective de la situation, visant à établir quelles pouvaient être les attentes raisonnables du

contractant qui fait grief d'un manquement à une obligation de bonne foi. Il s'agit là alors

d'un mécanisme "classique" de responsabilité "objective". Ensuite, et seulement s'il

s'avère que celles-ci ont été déçues, il faut procéder à une investigation subjective quant

aux: motifs de la partie exerçant le pouvoir discrétionnaire. C'est ici qu'est susce~tiblede se

situer l'abus. Selon Brownsword, "when discretion is driven by market-plaYing reasons,

there is bad faith,,239. En effet, toujours selon lui, "entry into a contract is at the same time

exit from the market, at least exit from the market for the purpose of speculative advantage-

taking,,240.

L'idée est donc que le droit discrétionnaire confère à son titulaire une complète

latitude quant à sa mise en œuvre. Cependant, si le résultat dévie de façon significative de

celui qui aurait pu être objectivement escompté, il semble que le titulaire doive rendre

compte de ses choix, s'il veut échapper à l'indemnisation du préjudice. Le fait de chercher

à obtenir un profit non justifié par des nécessités qui lui sont propres mais par l'évolution

238 Ibid à la p. 385: "the fact that a discretion-exercising party causes the dependent party to lose sorne or aIlof its anticipated benefit from the contract thus is insufficient to establish a breach ofcontract by failing toperform in good faith".239 R. Brownsword, supra note 118 à la p. 221 .240 Ibid. à la p. 222.

94

du marché ou toute autre raison sans rapport direct avec le contexte contractuel, devrait

entraîner la mise en jeu de sa responsabilité.

95

••

CONCLUSION

L'analyse comparée de la question du contrôle des clauses de fixation unilatérale du

prix dans les contrats de vente commerciaux, entérine l'évolution récente du droit français.

Cependant, faute de définition explicite des critères retenus, les tribunaux disposent d'une

grande latitude quant à la rigueur de leur exigence. C'est ainsi que, plus que des

instruments eux-mêmes, c'est de l'orientation de la politique judiciaire en la matière que

dépendra l'évolution future du contentieux. il semble toutefois qu'à travers le changement

de nature du contrôle, il y ait eu un relâchement parallèle du protectionnisme.

96

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