II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre.
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II- Comportement des interfaces dans
les alliages base-Cuivre.
La transformation martensitique conduit à l’apparition d’interfaces entre les deux phases
austénite et martensite mais également entre les variantes de martensite apparaissant dans
l’échantillon.
De nombreux auteurs ont étudié le comportement de ces interfaces, afin de mieux comprendre
les propriétés des alliages à mémoire de forme [16, 40, 51]. Dans notre étude, nous nous
sommes attachés au comportement des interfaces lors d’essais superélastiques, dans le cas de
polycristaux et de monocristaux. Les alliages étudiés appartiennent à la famille des alliages
base Cuivre.
Ce chapitre est divisé en trois parties : dans un premier temps, nous explorerons les diverses
théories proposées pour expliquer le comportement des interfaces. Ensuite, nous parlerons de
la stabilisation des interfaces. Enfin, une troisième partie sera consacrée au frottement
intérieur, qui permet d’étudier l’amortissement des alliages à mémoire de forme.
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21- Comportement des interfaces pendant la transformation
martensitique induite pas la contrainte
211- Déformation par déplacement des interfaces
Nous avons vu dans le chapitre 1 que la transformation martensitique induite par la contrainte
conduit à une déformation de l’échantillon. Cette déformation s’opère par un mécanisme de
migration des interfaces intervariantes. Les interfaces se déplacent par glissement.
212- Transformation martensitique dans le cas de monocristaux
En appliquant une contrainte convenablement orientée sur un monocristal d’austénite, il est
possible d’obtenir une unique variante et deux interfaces austénite/martensite. Ensuite, quand
la transformation a totalement eu lieu, il ne reste plus qu’un monocristal de martensite. Le
front de transformation (que l’on peut confondre avec l’interface) est un plan invariant qui se
déplace et balaye la totalité du cristal (figure 212.1).
σ σmonocristal d’austénite monocristal d’austénite
déplacement del’interfaceausténite/martensite
Figure 212.1. Déplacement de l’interface dans un monocristal lors d’une
transformation induite par la contrainte.
Dans le cas d’un polycristal, l’extrémité des variantes est un plan bien délimité. Par contre,
dans le cas d’un monocristal, la présence de dislocations peut provoquer une diminution des
variantes à leurs extrémités (figure 212.2) : la condition de déformation du plan invariant n'est
alors plus respectée [24].
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Figure 212.2. Représentation schématique des
variantes de martensite : martensite composée de
deux variantes dans un monocristal. 1 : matrice ; 2 :
martensite ; HH : interface (d’après [24]).
Saburi et al. [86] ont observé le front de transformation dans le cas d’un monocristal de
CuZnGa. Ils ont cherché à contrôler la transformation afin de forcer une unique interface à
croître. Sous l’effet d’un gradient de température, le front de transformation se propage et une
unique interface de déplace.
La figure 212.3 montre le front de transformation entre la phase mère et la phase
martensitique, et l’apparition de variantes de martensite sous forme d’un “ peigne ”.
Martensite austénite
Figure 212.3. Représentation schématique du front de transformation entre la phase mère et la
phase martensitique lors d’un gradient de température (d’après [86]).
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213- Etude à l’état mixte
Une plaquette unique
Pendant la transformation, l'échantillon se trouve dans un état mixte pour lequel les deux
phases martensite et austénite cohabitent. Si on applique une contrainte, une ou plusieurs
aiguilles de même orientation cristallographique apparaissent. Ces plaquettes disparaissent
lors de la transformation inverse et l'échantillon retrouve sa forme initiale (figure 213.1).
x
x1
0
x2
x
x1
0
F
∆x(1) ∆x
austénite
x
x1
0
x
x1
0
(a) (d) (c) (d)
Figure 213.1. Représentation schématique des séquences de transformation : (a) austénite ; (b) germination et
croissance initiale ; (c) épaississement de la plaquette ; (d) apparition d’une nouvelle plaquette [50].
Position de l'interface à un instant donné
Afin d'étudier plus facilement le comportement des interfaces et l’interaction de ces interfaces
avec les défauts présents dans le matériau, Lovey et al. [49] ont effectué l'étude de
monocristaux de CuZnAl.
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L'interaction des interfaces avec les défauts joue un rôle crucial dans la phénoménologie de la
transformation (monocristal avec une unique interface) : la présence de défauts empêche la
croissance d’une unique plaquette et la transformation se produit par germination successive
de nouvelles plaquettes. Dans un cas idéal, pour lequel il n’y a pas de défaut dans le cristal,
l’application d’une très faible contrainte permet l’apparition d’une variante qui peut alors
traverser tout le cristal sans s’arrêter. De même, l’énergie mise en jeu est très faible et, de
même, l’hystérésis est très faible ( une fraction de degrés).
Lovey at al. ont déterminé l’interaction des interfaces avec les défauts par des mesures de
thermoélasticité intrinsèque (pour une transformation induite par la température) ou de
pseudoelasticité intrinsèque. Il s’agit de déterminer la position de l'interface en fonction de la
température ou de la contrainte (selon le type de transformation). La thermoélasticité
intrinsèque (pseudoélasticité intrinsèque dans le cas d’une martensite induite par la contrainte)
est donnée par le terme µ :
µ = dT
dx
σ
dans le cas d’une transformation thermique, (6)
µ = d
dx T
σ
dans le cas d’une transformation induite par une contrainte. (6’)
Afin d’effectuer ces mesures, l’échantillon a été placé sous un microscope optique et un
gradient de température (variable) lui a été appliqué. On a choisi un axe x (sur la surface de
l’échantillon) perpendiculaire à l’interface. On mesure la position de l’interface par rapport à
l’origine de cet axe, prise de façon arbitraire. La relation x(T) détermine le cycle d’hystérésis.
Dans le cas de la transformation induite par la contrainte, une température uniforme est
maintenue et on applique une contrainte. L’évolution du cycle d’hystérésis est également
suivie sous microscope optique.
Les figures 213.2 montrent l’évolution de la température ou de la contrainte (selon le type de
transformation) en fonction de l’allongement de l’éprouvette.
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Inte
rfac
e po
sitio
n x
(a) (b)
Figures 213.2. Mesure de la position de l’interface en fonction de : (a) la température ; (b) la contrainte [4, 50].
Pseudoélasticité intrinsèque
Prenons le cas de la pseudoélasticité intrinsèque. La première plaquette apparaît à une position
x=x1. La contrainte τc nécessaire pour l’apparition de cette plaquette est :
τc=τo(1) +∆τn (7)
avec τo(1) la valeur de la contrainte à la position x1 quand les phases sont à l’équilibre
thermodynamique, énergies d’interface incluses. ∆τn dépend du processus de germination, de
la contrainte associée au changement de forme de la transformation et au frottement de
l’interface quand la plaquette “ traverse ” l’échantillon. A cet instant, si la contrainte appliquée
est constante, la plaquette s’épaissit jusqu’à une valeur ∆x. A cause de la pseudoélasticité
intrinsèque, la contrainte appliquée doit augmenter afin de forcer la croissance de la plaquette.
La relation entre la contrainte appliquée et l’épaississement de la plaquette est la suivante :
τc=τo(1) +1/2∆τh+∆τ(x) (8)
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1/2∆τh est la contrainte nécessaire pour surmonter le frottement de l’interface et ∆τ(x) est
associée à la pseudoélasticité intrinsèque. Quand la contrainte appliquée augmente, une
nouvelle plaquette germe et croît à une position x=x2.
Lors de la décharge, les plaquettes disparaissent.
214- Influence des paramètres extérieurs sur la superélasticité
Nous avons vu dans le chapitre 1 que l’hystérésis mesurée entre la transformation
martensitique et la transformation inverse était la somme d’une énergie mécanique, d’une
énergie chimique, ainsi que d’une énergie de frottement [29]. La transformation martensitique,
exothermique, dissipe de l’énergie et la libère sous forme de chaleur.
La transformation est donc sensible aux paramètres extérieurs, tels que la température de
l’essai et la vitesse de variation de la déformation. Certains auteurs ont étudié l’effet
superélastique afin de déterminer l’influence de ces paramètres sur la transformation, dans le
cas du CuAlNi (Otsuka [68]), ou du CuZnAl (Van Humbeeck [99]).
Influence de la température
Nous avons également vu que la contrainte critique σc, nécessaire à l’induction de la
martensite, augmente linéairement avec la température selon la loi de Clausius-Clapeyron.
Otsuka et al. [68] ont également observé une augmentation de l’hystérésis en fonction de la
température, dans le cas de la transformation β1→β’ 1 du CuAlNi. Dans le cas d’autres
transformations (du type β’→α’, γ’→β″, etc...), ils ont trouvé une comportement linéaire de
l’hystérésis en fonction de 1/T (figure 214.1).
Pelegrina et al. [72] considèrent qu’une augmentation de la température induit une
augmentation de l’énergie libérée. Par conséquent, les contraintes augmentent avec la
température, ainsi que l’hystérésis [29, 68].
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2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5 6 7 8 9 10 11
01020
200
250
300
350
H(M
Pa)
1/T (x 10 K )-3 -1
β’ α’
β’’α’
β’
γ’ β’’
β β’
Figure 214.1. Mesure de l’hystérésis H en fonction de 1/T pour plusieurs transformation
dans le cas du CuZnAl [68].
Influence de la vitesse
La croissance des plaquettes est également contrôlée par la vitesse. Otsuka et al. [70] ont
observé une augmentation de l’hystérésis en fonction de la vitesse, toujours dans le cas du
CuAlNi (figure 214.2). Ils expliquent cette évolution par l’augmentation de la vitesse de
propagation des interfaces, vi, et par l’augmentation de la vitesse de germination de la
martensite, �N .
Les essais effectués par Van Humbeeck [99] sur le CuZnAl (figure 214.3) ont été conduits à
température ambiante, à l’air. L’échange entre l’échantillon et le milieu extérieur est donc très
important et explique la forme de ses courbes (lors de la décharge). Il a mesuré, non
l’hystérésis mais la surface de la boucle afin de mesurer l’énergie dissipée lors de la
transformation.
Van Humbeeck a émis l’hypothèse que l’évolution de l’hystérésis serait due au caractère
exothermique de la transformation martensitique et au caractère endothermique de la
transformation inverse.
Pour de faibles vitesses de déformation, la transformation peut être considérée comme
isotherme. La chaleur est évacuée facilement vers l’extérieur et la température de l’échantillon
est identique à celle du bain.
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10-4 10-3 10-2 10-1 15
10
15
20
1/H
yste
resi
s (k
g/m
m )
x1
0
Strain Rate (min)
-2-1
2
-1
Figure 214.2. Mesure de 1/H en fonction de la vitesse de variation de la déformation pour
la transformation γ’ 1 →β″1 du CuAlNi [68].
Pour des vitesses de déformation plus élevées, la transformation peut être considérée comme
étant adiabatique. Lors de la transformation martensitique, la température de l’échantillon est
supérieure à la température de l’essai et la contrainte augmente. Par contre, lors de la
transformation inverse, la température de l’échantillon est inférieure à la température de
l’essai et la contrainte diminue. Il y a donc augmentation de la largeur de la boucle
d’hystérésis [25].
Ces auteurs n’ont pas observé d’évolution de la contrainte critique avec la vitesse de variation
de la déformation.
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σ (MPa)
100
04 8 %
e
a
σ (MPa)
100
04 8 %
e
b
100e = 6.7x10 sec-3 -1
σ (MPa)
04 8 %
e
d
e = 3.3x10 sec-2 -1
e = 3.3x10 sec-5 -1
e = 1.3x10 sec-3 -1
σ (MPa)
100
04 8 %
e
c
. .
. .
Figure 214.3. Effet superélastique mesuré pour plusieurs vitesses de déformations, à température ambiante,
dans le cas du CuZnAl [99].
215- Effet caoutchoutique
Ahlers [1] a utilisé la remise en ordre à courte distance pour expliquer l’effet caoutchoutique.
Il a étudié l’effet caoutchoutique d’un alliage de CuZnAl lors d’une transformation CC à CFC.
Il a supposé que la déformation de la martensite, qui conduit le déplacement des interfaces
martensite/martensite, menait à l’apparition de nouvelles variantes de même structure, mais
possédant une énergie libre plus importante. Le mécanisme qui provoquait cette augmentation
d’énergie libre proviendrait d’une modification de l’ordre à courte distance et d’un
agencement de paires isolées d’atomes.
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IM1 M2
M2
Ordre nnn Ordre nn
M1
P1
I
Ordre nnn Ordre nn
M1 M2F
M2
P2
1
nn
1 1
1 1
2
2
2
2
1 1
1 1
2
2
34
4
3
4
3
nnn
(a) (b)
Figure 215. (a) Structure CFC obtenue après déformation de Bain (modèle de Ahlers [1]). Deux paires
d’atomes, originaires de deux variantes de martensite, sont ordonnées de manière différente : nn (ordre 1) pour
la variante M1ou nnn (ordre2) pour la martensite M2. (b) Représentation schématique des deux variantes M1 et
M2 à l’équilibre (position P1) et lors du déplacement de l’interface I (position P2).
Deux variantes distinctes M1 et M2 possèdent des paires d’atomes ordonnées de manière
différente : nnn (seconds voisins) et nn (premiers voisins) (figure 215). Quand l’interface se
déplace, une partie de variante de martensite M1, correspondant au volume balayé par
l’interface, se transforme en variante de martensite M2 et ses paires d’atomes prennent l’ordre
nnn. Cependant, les autres paires d’atomes de la variante M2 ont gardé l’ordre nn. La variante
M2 possède donc des paires d’atomes hors d’équilibre. Il y a alors augmentation de l’énergie
libre et création d’une force de rappel qui tend à ramener l’interface à sa position initiale [1,
2].
22- Stabilisation des interfaces
221- Effet de la stabilisation
Toute diffusion apparaissant dans le matériau peut entraîner des perturbations de la
transformation, et principalement une stabilisation de la martensite, totale ou partielle. De
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nombreux travaux ont été effectués pour mieux connaître les effets de ces perturbations et
remonter à leurs causes [53, 91].
Une stabilisation de la martensite, lors d’un vieillissement de la martensite, a pour
conséquence directe :
¾ une augmentation des températures de transformation inverse As et Af (figure221) [57],
¾ une diminution de la quantité de martensite transformée lors de la transformation inverse
[92],
¾ une diminution de l'amortissement par rapport à une martensite non stabilisée.
Dans le cas d’une stabilisation totale, l’échantillon demeure martensitique, même pour des
températures largement supérieures à la température de transformation Ms.
102 103 104 105 106
Aging Time, t/s
(553, 308) (553, 293)
(453,323)
(453, 313)
(T , T )q a
0
5
10
15
20
∆As
/K
Figure 221. Effet de la stabilisation sur la température de transformation
As (∆As : variation de la température As) dans le cas du CuZnAl, avec
Tq température de trempe et Ta température du revenu (d’après [54]).
Tan et al. [96]. ont étudié l’effet d’un vieillissement en martensite (pour T<Ms) dans le cas du
CuZnAl par des mesures de résistivité électrique. Ils trouvent que la résistivité électrique
augmente avec le temps de revenu et en déduisent que la quantité de martensite stabilisée
augmente avec le temps du vieillissement. La transformation n’existe plus pour des temps
assez longs.
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222- Cause du phénomène de stabilisation
La complexité de la microstructure (joints de grain, dislocations, précipités, impuretés...)
influence les propriétés macroscopiques et rend difficile toute théorie.
Cependant, trois hypothèses ont été avancées afin d'expliquer le phénomène de stabilisation
[35, 91]. Il serait dû à :
¾ un piégeage des interfaces entre les variantes par les lacunes de trempe en sursaturation,
¾ une remise en ordre de la martensite, ce qui est directement lié à la présence de lacunes en
sursaturation (la mise en ordre est contrôlée par la migration des lacunes),
¾ une modification de la structure des fautes d'empilement de la martensite par condensation
des lacunes de trempe.
Cependant, la troisième cause, proposée par Scarsbrook et al. [91] est restée longtemps
controversée et a été rejetée. En effet, des expériences ont démontré qu'il n'y a pas de
différences de fautes d'empilement entre une martensite stabilisée et une martensite non
stabilisée. Cependant les deux premières causes énumérées ci-dessus ne sont pas suffisantes
pour expliquer la stabilisation.
Delaey et al. [26] ont alors suggéré que la stabilisation pouvait être également due à une
déviation du plan d'habitat de la martensite.
Blocage par les lacunes
Nous venons de voir que la stabilisation est essentiellement due à la quantité de lacunes de
trempe en présence dans la solution solide.
La différence d'énergie de formation des lacunes entre la phase β (E=0.65eV) et la martensite
(1.3 eV) laisse clairement penser que la sursaturation en lacunes est plus importante pour la
phase martensitique que pour la phase austénitique (pour une concentration en lacunes
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donnée). Ces lacunes se condensent (ou s'amassent) au niveau des interfaces : les interfaces se
bloquent et il y a stabilisation [15, 91].
Mantel [53] a mis en évidence l’importance de la vitesse de balayage en température sur le
blocage des interfaces par les lacunes, par des essais de résistivité électrique, de mesures
d’enthalpie et d’émission acoustique. Il a étudié la progression de la transformation inverse,
dans le cas d’alliages de CuZnAl, pour une même vitesse de chauffage moyenne lors de
chauffage avec des échelons de température différents. Chaque échelon conduit à un
déplacement des interfaces. Il a trouvé le résultat suivant : la stabilisation est plus importante
lorsque les échelons de température sont faibles que pour des grands échelons.
Morin [59] a observé des résultats similaires par des études de frottement intérieur. Il a
proposé l’explication suivante : les lacunes s'amassent dans les régions correspondant aux
positions extrêmes du volume balayé par l'interface. Ces interfaces s'ancrent à l'une des
positions extrêmes quand la condensation de lacunes est suffisante : il y a diminution de
l'amortissement (et augmentation du module).
Mise en ordre
Le paramètre d’ordre à longue distance peut être défini par la probabilité d’occupation des
sites par les atomes en négligeant les arrangements atomiques à courte distance. Mantel [53] a
étudié l’influence des lacunes sur la remise en ordre de la martensite.
La concentration de lacunes en sursaturation, produites par la transformation ou retenues lors
de la trempe, favorise un réarrangement atomique à longue distance en agissant directement
sur la mobilité des atomes [7, 76].
Lors de la transformation martensitique, la martensite hérite de l’ordre de la phase mère.
Janssen et al. [35] ont étudié la remise en ordre de la martensite dans le cas d’alliages de
CuZnAl, vieillis à une température TB>Ms pendant un temps tB.
Lors du vieillissement, il se produit une lente remise en ordre à courte distance [48, 100]. La
martensite se réordonne en un nouvel ordre que certains auteurs ont qualifiés d’Ordre X [25,
58].
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Moreau [58] a émis cette hypothèse dans le cadre de son étude de la transformation β1→α’ 1
du CuAlBe et a supposé qu’on pouvait l’appliquer à la transformation β1→β’ 1. En se basant
sur la théorie d’Ahlers [1] sur l’effet caoutchoutique, il a considéré la remise en ordre des
paires d’atomes de martensite et surtout la permutation des paires d’atomes Cu-Al et/ou Cu-
Be comme l’une des causes de la stabilisation de la martensite.
Il a étudié particulièrement le vieillissement sous contrainte de la martensite. Pour cela, il a
maintenu sous contrainte (déformé à 10%) un monocristal de CuAlBe avec une température
de transformation Ms=-95°C pendant 24 heures à 75°C. Quand il relâche la contrainte, une
déformation résiduelle de la maille d’austénite apparaît. Par contre, quand le vieillissement
s’effectue à température ambiante, la déformation résiduelle est très faible. Il y aurait donc un
effet de la température sur la stabilisation de la martensite (phénomène thermiquement activé).
Lorsque la transformation inverse s’opère, l’austénite hérite du nouvel ordre de la martensite,
différent de celui qui existait avant la transformation martensitique (figure 222.1).
β1 β’ 1
σ
diffusion
βx β’ x
σ
diffusion
Ordre DO3
Figure 222.1. Mécanisme d’héritage de
l’ordre dans le CuAlBe [58].
Lorsque que l’austénite subit un vieillissement (sans contrainte), elle retrouve son ordre initial
avant vieillissement.
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L’hypothèse de la remise en ordre à courte distance de Ahlers [1] est reprise également par
Marukawa et al. [54] qui a mesuré l’évolution des températures de transformation Ms et As en
fonction de la température de trempe Tq sur un échantillon de CuZnAl ordonné B2 (figure
222.2). La diminution des températures de transformation ne peut être seulement due à une
remise en ordre à longue distance. Il émet donc l’hypothèse que la stabilisation a son origine
dans le changement d’énergie libre entre les deux phases, dont la contribution la plus
importante est la remise en ordre à courte distance.
350 400 450 500 550 600270
280
290
300
310
320
330
340
As MsM
s, A
s /K
Tq /K
Figure 222.2. Mesure des températures de
transformation Ms et As en fonction de la
température de trempe Tq sur un échantillon
ordonné B2 [54].
Déviation du plan d’habitat
La microstructure de la martensite stabilisée, comme les relations cristallographiques existant
entre les différentes variantes de martensite et la phase mère, ne correspondent pas exactement
aux conditions d’invariance du plan d’habitat. Il y aurait donc déviation du plan d’habitat en
plus du phénomène de piégeage des interfaces par les lacunes et de la remise en ordre.
Le réarrangement atomique, dû à la remise en ordre, provoque une modification des
paramètres du réseau de la martensite (ceci après vieillissement) et entraîne une déviation du
plan d'habitat. Il y a diminution de la distorsion orthorhombique et l'angle β se rapproche de
90°C. On obtient une augmentation de la compacité. Après la stabilisation, les paramètres du
réseau deviennent quasi constants [26].
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223- Eviter le phénomène de stabilisation
Après le traitement thermique d’homogénéisation, la trempe provoque l'apparition de lacunes
en sursaturation. Un vieillissement en phase β, juste après trempe, permet d’éliminer ces
lacunes et d’effectuer une remise en ordre qui retarde la stabilisation.
23- Amortissement
231- Généralités
L’amortissement dans les alliages à mémoire de forme a été étudié par des mesures de
frottement intérieur.
On applique une contrainte ou une déformation sinusoïdale et on mesure la dissipation de
l'énergie lors d'une période. On définit les coefficients suivants :
¾ le facteur de qualité Q-1,
¾ l’angle de déphasage ϕ entre la contrainte et la déformation,
¾ le décrément logarithmique des oscillations δ,
δ = π.Q-1 = π.tan ϕ = 1/n ln (Ao/An) = ½ ∆W/W (9)
avec Ao et An l’amplitude des oscillations 1 et (n+1), ∆W, l'énergie dissipée lors d'un cycle et
W l'énergie totale élastique (lors d'un cycle).
L'étude du frottement intérieur conduit à une meilleure compréhension de la relation existant
entre la microstructure (incluant les défauts) et d’autres propriétés fonctionnelles des alliages à
mémoire de forme (pseudoélasticité, effet mémoire de sens, effet mémoire double sens).
En effet, les alliages à mémoire de forme présentent de fortes valeurs d'amortissement, reliées
à la présence d’interfaces entre les variantes (en phase martensitique), ainsi que d’interfaces
entre la phase austénitique et la phase martensitique (pendant la transformation
martensitique). Ces interfaces peuvent se déplacer sous l’action d’une contrainte ou d’une
variation de la température [65].
Dans des expériences à haute fréquence (kHz), l’amortissement peut être également dû à la
présence de dislocations.
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On note trois étapes dans l’évolution du frottement intérieur d’un polycristal en fonction de la
température, à basse fréquence (Hz) (figure 231b) :
¾ première étape : à basse température, la valeur de l'amortissement est assez élevée (de
l’ordre de 10-2). L’échantillon se trouve en phase martensitique et possède un grand nombre
d'interfaces intervariantes.
¾ deuxième étape : pendant la transformation martensitique, un maximum d'amortissement
est observé. On se trouve dans l'état mixte, avec un grand nombre d'interfaces entre la
phase austénitique et la phase martensitique puis en phase martensitique.
¾ troisième étape : à haute température, en absence d'interfaces, l'amortissement est très
faible.
Parallèlement, le module passe par un minimum pendant la transformation martensitique.
Dans le cas d’échantillon monovariant, l’amortissement en phase martensitique passe
également par les trois mêmes étapes (figure 231a). On observe également un maximum plus
étroit et moins élevé. De surcroît, la valeur de l’amortissement de la martensite est nettement
inférieur à celle l’amortissement d’un polycristal martensitique. En absence d’interfaces, le
frottement de la martensite est donc très faible. Il semble donc que l’amortissement à 1Hz ne
soit pas dû aux dislocations présentes dans l’échantillon [62].
Une diminution de la mobilité des interfaces entraîne une diminution du frottement intérieur.
Dans sa thèse, Delorme [27] a étudié le frottement intérieur d’alliages du type Fer-Nickel. Il a
démontré que l’arrêt du chauffage (ou du refroidissement) dans le domaine de transformation
conduisait à une chute de l’amortissement. Mercier et al. [56] ont trouvé des résultats
identiques dans des alliages TiNi. Van Humbeeck [98], quant à lui, a étudié la décroissance de
l’amortissement en fonction du temps sur des alliages à base-Cuivre, à température constante,
mais après un arrêt des oscillations.
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________56
L'amortissement est généralement fonction de la composition de l’alliage et de l’histoire de
l’échantillon. Pour cette raison, il s’avère difficile de comparer les mesures d’un auteur à
l’autre. Il est relié aux défauts de structures (lacunes, dislocations), présents dans la phase
martensitique, et à la concentration de ces différents types de défauts.
δ/10-2
- ∆TT
10
5
0100 200 300
T(K)
-.1
0
-.5
δ/10-2 - ∆T
T
10
5
0100 200 300
T(K)
-.2
-.1
0
.1
δ =3.6x10m-2
15
20
25
(a) (b)
Figure 231. Amortissement et module en fonction de la température dans le cas du CuZnAl : (a) pour un
monocristal, (b) pour un polycristal (�T = 1°C/min, ε =1.1x10-4, f = 1Hz) (d’après [60]).
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________57
232- Les différents modèles
L’amortissement, notamment dans les alliages à mémoire de forme, dépend de paramètres
externes, tels que la vitesse de balayage en température, �T , l'amplitude σo et la fréquence f
des oscillations [103]. Différents modèles ont été définis afin de mieux prendre en compte
l’influence de ces différents paramètres sur l’amortissement, pendant la transformation
martensitique ou en phase martensitique. Le frottement intérieur peut s’exprimer en fonction
de la contrainte oscillante appliquée, σ=σo sinωt, et de la composante anélasticité dεan
irréversible, présente pendant un cycle. ω est la pulsation (ω=2πf) et G le module élastique. La
fréquence utilisée est de l’ordre du Hz.
δσ
σ ε( )TG
do
an= ∫2 (10)
Cette composante anélastique provient de la déformation de réseau et prend la forme
suivante :
d kn
tdtanε
∂∂
= (11)
avec k une constante, n la fraction volumique de martensite.
Belko et Postnikov [9, 80] ont été les premiers à déterminer l’influence de divers paramètres
sur le frottement intérieur pendant la transformation martensitique du CoNi, ainsi que sur le
pic de transformation. Leurs résultats montrent que le frottement intérieur associé à la
transformation martensitique augmente avec la vitesse en température �T et augmente
également quand la fréquence diminue.
Ils en ont déduit que le frottement intérieur est proportionnel à la quantité de martensite
transformée par unité de température ∂∂n
T.
En vue de ces considérations, ils ont déterminé la valeur du frottement intérieur :
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_________________________________58
δω
∂∂
=Gba
kT
n
TT
2
� (12)
avec, b, une constante, a, la déformation de transformation, G, le module de cisaillement, ω,
la fréquence angulaire.
On remarque la dépendance du frottement intérieur envers la température.
Delorme et Gobin [27] ont repris cette étude et sont partis d'expériences de plasticité de
transformation, sur un alliage Fer-Nickel-Chrome, afin de déterminer l'expression de la
déformation de transformation dεp :
d k dnpε σ= (13)
Selon eux, dεan obéit à la même loi et augmente donc de façon linéaire avec la fraction
volumique transformée et la contrainte appliquée.
La fraction volumique de la phase transformée par unité de température peut s'écrire de la
façon suivante :
∂∂
∂∂
n
t
n
TT= � (14)
On émet l'hypothèse que la fraction volumique par unité de température de martensite formée
dans la direction de la contrainte, ∂∂n
T, est constante lors d'une oscillation. On obtient alors le
résultat suivant :
δ πω
= Gkdn
dT
T�(15)
Dans le cas de forces motrices assez faibles, une déformation de cisaillement, proportionnelle
au taux de volume transformé, apparaîtrait pendant la transformation. Dans ce cas, la
contrainte oscillante activerait certains systèmes de glissement, alors privilégiés, et
favoriserait la croissance de certaines variantes de martensite. On observe, dans ce cas, une
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________59
déformation plastique macroscopique dans le sens de la contrainte appliquée. On peut alors
déterminer l'expression de k :
kG
t
t=α ε( )2
∆(16)
avec α, la fraction de variantes orientées par la contrainte, ∆Gt, la force motrice moyenne de la
transformation.
Le modèle de Delorme laisse toutefois quelques doutes, notamment par l'existence de
différence entre les résultats expérimentaux et la théorie. En effet, la théorie proposée n'est
valable que si on peut négliger l'effet de la contrainte oscillante appliquée. D'autres études ont
tenté de palier ces difficultés en présentant de nouveaux modèles et Delorme a développé une
nouvelle théorie qui prenait en compte l'influence de la contrainte sur le frottement intérieur.
Selon eux, la contrainte appliquée, σo, ne contribue à la transformation que dans le cas où sa
direction correspond à la direction des variantes transformées. Il en résulte que la déformation
anélastique, dεan, est indépendante de la contrainte σo.
d kdnanε = (17)
Ce qui donne finalement l'expression suivante :
δ∂∂ ωσ
= 4Gkn
T
T
o
�
(18)
Dejonghe et al [22] ont poursuivi cette étude en considérant que la fraction volumique
transformée par unité de temps dépendait également de la contrainte. Le frottement intérieur
ne se résume pas, selon eux, à un unique terme dépendant de la vitesse �T et de la fréquence.
En effet, quand on annule �T , le frottement intérieur diminue mais ne s’annule pas. On devrait
donc obtenir une relation du type :
δ = α �T +β (19)
α et β sont des valeurs positives et quand �T s’annule, il ne reste que le second terme : β.
On considère à présent l’influence de la contrainte que le taux de martensite transformée et
l'équation n° 14 devient alors :
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_________________________________60
dn
dt
n
TT
n= +∂∂
∂∂σ
σ�
� (20)
Le matériau pourrait alors se transformer sous l'action de la contrainte oscillante. De plus, on
considère également la martensite formée pendant une oscillation.
A l'expression de δ donnée par Delorme s'ajoute le terme dépendant de la contrainte et
l'expression du frottement intérieur devient alors :
δ π∂∂ ω π
σ∂∂σ
σσ
= + −
. . .
�
k Gn
T
T no
c
o
2
31
3
(21)
avec k une constante, σc, la contrainte critique nécessaire pour faire bouger les interfaces, σo,
l'amplitude des oscillations (contrainte dynamique appliquée).
Si la contrainte oscillante devient très supérieure à la contrainte critique, le terme en contrainte
s’annule et on retrouve la formulation de Delorme. Pour des mesures de températures
constantes, on obtient alors un faible pic d'amortissement dont la hauteur dépend de la
contrainte oscillante σo.
Bidaux et al. [12] ont développé un autre modèle en se basant sur la loi de Clausius-
Clapeyron. Leur modèle redéfinit le rôle de la contrainte oscillante sur la transformation et se
base sur son influence sur le taux de martensite transformée. On trouve donc l'équation
suivante :
∂∂
∂∂
α σn
t
n
TT= +( � . � ) (22)
avec α (αε
=v
S
t
∆), le facteur de Clausius-Clapeyron, v le volume molaire et ∆S le changement
d'entropie de la transformation.
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________61
Q-1
Tr
Q-1
PT
Q-1
int
Mf Ms
Figure 232. Représentation schématique de l’amortissement et du module en fonction
de la température [102].
Stoiber et al. [94, 95] ont étudié les effets de la microstructure et notamment de la taille des
grains, ainsi que ceux de l'effet mémoire double sens sur le frottement intérieur. Selon eux, le
maximum d'amortissement dépend entièrement de la microstructure et décroît avec la taille
des grains. De même l'effet mémoire double sens a pour effet de diminuer le maximum du pic
et de l'élargir.
On retrouve dans chaque théorie le terme en contrainte et le terme en �T
f. Cependant
l’amortissement dépend également de la microstructure du matériau étudié. Morin [61] a alors
décomposé le frottement intérieur en trois parties :
δ = δ1 + δ2 + δ3 (23)
¾ δ1 ne dépend pas de la vitesse de balayage ni du nombre d'oscillations.
¾ δ2 diminue avec les oscillations. Un maximum léger apparaît lors de la transformation.
¾ δ3 dépend de la vitesse de balayage dans la zone de transformation et vérifie le modèle de
Delorme.
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________62
Bidaux et al. [12] ont repris cette théorie avec des termes légèrement différents et considèrent
la décomposition suivante (figure 232) [74, 75] :
δ δ δ δtot Tr PT= + + int (24)
La contribution δint , dite "intrinsèque", correspond à l'amortissement généré par les deux
phases en présence et peut s'écrire en fonction de l'amortissement intrinsèque de la phase
mère,δaust, et de la phase martensitique δmart. Elle dépend donc seulement de la microstructure
de chaque phase.
On a donc :
δ δ δint ( )= + −V Vmart aust1 (25)
V étant la fraction volumique de la phase martensitique.
Il faut noter que l'amortissement intrinsèque de la phase mère est en général inférieur à celui
de la phase martensitique. On explique ce phénomène de la façon suivante : selon Van
Humbeeck [102], les dislocations seraient plus mobiles dans la phase martensitique que dans
la phase austénitique, ce qui conduirait à un amortissement plus important. Cependant, cette
hypothèse ne se vérifie pas dans le cas de monocristaux. Morin et al. [63] ont alors suggéré
que le fort amortissement viendrait des interfaces. Néanmoins, l'amortissement est également
dépendant de la présence de défauts dans la phase martensitique et de la mobilité de ceux-ci
(problèmes d'ancrage).
La contribution δPT est associée à la transformation de phase et ne dépend donc pas de la
vitesse de la température �T .
Selon Dejonghe et al. [22], δPT correspond à un maximum de mobilité des interfaces lors de
la transformation et donc à un maximum de fraction volumique transformée par unité de
contrainte, ∂
∂σn
T( ). Pour une température constante ou pour une fréquence très élevée, le
terme "transitoire" s'annule et il ne reste que la contribution qui dépend de l'amplitude.
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________63
δPT correspondrait au maximum d'amortissement rencontré lors d'une mesure en isotherme.
La contribution δTr, terme transitoire, est la contribution la plus importante du frottement
intérieur. Il dépend de la vitesse de balayage �T , de la fréquence f et de l’amplitude σ0 des
oscillations. De plus, il n’existe que lors du chauffage ou du refroidissement.
D'autres modèles, pour des études de frottement intérieur à haute fréquence, ont été proposés
mais nous ne les développeront pas ici :
¾ celui de Mercier et Melton [55] suggère un mécanisme de dislocations, qui tient compte de
l'effet de l'anisotropie sur l'énergie élastique des dislocations (pour de faibles fréquences);
¾ celui de Koshimizu [43, 44] a déterminé l'expression du frottement intérieur par une
approximation de Landau (calculs théoriques) (pour des fréquences de l’ordre du kHz).
¾ celui de Kustov [46, 47] sépare δPT en deux termes : l'un dépendant de l'amplitude, l'autre
indépendant de l'amplitude (mesures effectuées à des fréquences de l'ordre de 100kHz).
233- Les principaux résultats en frottement intérieur
Deux types de mesures de frottement intérieur ont été effectuées : des mesures à basse
fréquence (de l’ordre du Hz) et des mesures à de hautes fréquences (de l’ordre du kHz).
Dans un premier temps, nous allons étudier les résultats obtenus lors d’essais à basse
fréquence.
Influence de la vitesse de la température
Le maximum d’amortissement, associé à la transformation martensitique et mesuré à de
faibles fréquences, dépend de la vitesse de balayage en température. Le pic observé est
d’autant plus important que cette vitesse est grande (figure 233.1) [32].
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________64
Figure 233.1. Evolution du maximum d’amortissement en fonction de la vitesse de
balayage en température dans le cas du CuZnAl (ε =4x10-4, f =5Hz) (d’après
[32]).
Cependant, Van Humbeeck et al. [98] ont observé que l’amortissement du CuZnAl décroissait
quand on arrêtait les oscillations pendant la transformation martensitique. Ils ont mesuré
l'amortissement en fonction du temps à une vitesse�T nulle, pour des fréquences comprises
entre 5 et 80Hz. Ils ont alors noté que l’amortissement passe par un maximum avant de
décroître (figure 233.2).
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________65
Figure 233.2. Amortissement en fonction du temps à �T = 0 pour différentes
températures (ε = 2.4x10-4, f =40Hz) (d’après [98]).
Selon Morin et al. [64]. La décroissance enregistrée par le frottement intérieur semblerait due
à un phénomène de migration des défauts ponctuels (lacunes) et de piégeages des interfaces
martensite/martensite par ces défauts qui s’accumuleraient le long des interfaces [109].
Néanmoins, le frottement intérieur peut être restauré par un début de chauffage ou
refroidissement. De même, lorsque l’on effectue un arrêt des cycles de déformation, ou alors
quand l’amplitude des oscillations est modifiée, le frottement intérieur est restauré (figures
233.3 et 233.4) [56, 60].
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________66
Figure 233.3. Restauration de
l’amortissement après une variation de la
déformation (T= 20°C, ε = 2.4x 10-4 puis
9.6x10-4, f = 40Hz) (d’après [98]).
Figure 233.4. Restauration de l’amortissement après un arrêt
des oscillations (T= 20°C, ε = 2.4x 10-4, f = 40Hz) (d’après
[98]).
TK
K T-1 -1
ln t 320 300 280 260
3.0 3.5
10
5
Figure 233.5. Temps pour lequel le maximum
d’amortissement est atteint en fonction de 1/T (ε = 2.4x
10-4, f = 40Hz) (d’après [98]).
Van Humbeeck a trouvé un comportement linéaire (en échelle logarithmique) du temps pour
lequel le maximum d’amortissement est atteint en fonction de l’inverse de la température
(figure 233.5). Plus la température est élevée, plus la vitesse de diffusion des lacunes est
importante. Par conséquent la stabilisation est plus rapide.
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________67
Influence de l’amplitude des oscillations
L’amortissement du CuZnAl dépend étroitement de l’amplitude des oscillations.
Van Humbeeck et al. [98] ont mesuré l’amortissement en fonction du temps et pour plusieurs
valeurs de déformation (figure 233.6). Le temps pour lequel l’amortissement atteint sa valeur
maximale est reporté en fonction de l’amplitude de déformation (figure 233.7). Ils ont trouvé
un comportement linéaire du temps en fonction de la déformation. Le processus d’ancrage
s’atténue quand l’amplitude augmente et le temps nécessaire pour la stabilisation est plus
long.
η
1 2 3 4 5 ks2 0.6x10-4
1.2x10-4
2.4x10-4
4
4.8x10-4
e = 9.6x10-4
6
102
t0
t ks
6
4
2
2 4 6 8 ex104
Figure 233.6. Mesure de l’amortissement du CuZnAl
en fonction de la température et pour plusieurs
valeurs d’amplitude (T= 20°C, f = 40Hz) (d’après
[98]).
Figure 233.7. Temps pour lequel le maximum de
l’amortissement est atteint en fonction de l’amplitude
e (T= 20°C, f= 40Hz) (d’après [98]).
Influence de la fréquence
Dans le cas des résultats présentés ci-dessous, on voit nettement une dépendance du
frottement intérieur vis-à-vis de la fréquence (figure 233.8).
Haouriki [32] a mesuré l’amortissement en fonction du temps pour plusieurs fréquences de
0.1 à 7Hz. Il a trouvé une évolution du maximum d’amortissement avec la fréquence, ainsi
qu’une évolution du temps pour lequel ce maximum est atteint. Il a émis l’hypothèse d’un
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________68
piégeage des interfaces par des lacunes. Ce piégeage serait proportionnel au nombre
d’oscillations du pendule ; il existerait alors un balayage des lacunes par les interfaces.
.5
0
-.5
-1
7Hz
2Hz
5Hz
1Hz
0.5Hz
0.1Hz
7Hz
1Hz
9
8
7
6
5
4
3
2
1
02 4 6 8 10 12 14 16 18 20
temps en ks
T=253Kε=4x10-4
TgΦ
x 1
02
Figure 233.8. Influence de la fréquence sur l’amortissement et le module du
CuZnAl mesurés en fonction du temps à température constante (T = -20°C, ε =
4x10-4) (d’après [32]).
Influence de la déformation nominale
L’application d’une déformation nominale superposée aux oscillations a été étudiée par
Haouriki [32] pendant la transformation inverse d’un alliage CuZnAl (figure 233.9). Il a
observé une brusque augmentation de l’amortissement, ainsi qu’une diminution du module. Il
a expliqué ce comportement par une croissance de certaines variantes au détriment d’autres
variantes, ce qui provoquerait un déblocage des interfaces piégées par les lacunes. Après
quelques minutes de mesures, les lacunes piégeraient à nouveau les interfaces.
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________69
Figure 233.9. Effet d’une déformation nominale superposée aux oscillations pendant la
transformation inverse pour un alliage de CuZnAl à une température de 323K (ε =4x10-4,
f=0.05Hz, �T =0.15K/min) [32].
Résultats au kHz
Certains auteurs [44, 106] ont montré que le frottement intérieur mesuré à haute fréquence ne
dépendait ni de la fréquence des oscillations, ni de la vitesse de la température. Cependant,
l’amplitude des oscillations reste, même à haute fréquence, un facteur très influent sur la
valeur du frottement intérieur.
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________70
COOLING RATE 20K/MIN
TEMPERATURE(K)
FR
EQ
UE
NC
Y(H
Z)
INT
ER
NA
L F
RIC
TIO
N
X 1
000
1
2
3
4
1: STRAIN AMP. 2.7x10
2: - - 9.5x10
3: - - 2.9x10
4: - - 9.5x10
-5
-6
-6
-7
4000
3898
3694
3796
3592
3490
7.0
5.6
4.2
2.8
1.4
0.0210 242 274 306 338 370
Figure 233.10. Mesure de l’amortissement et du module sur de CuZnAl en fonction du
temps et pour plusieurs valeurs d’amplitude (et pour de hautes fréquences) [44]).
Figure 233.11. Mesure de l’amortissement en fonction de l’amplitude sur du CuZnAl
(pour des fréquences de l’ordre du khz) (d’après [42]).
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________71
L’effet de l’amplitude a été étudié par Koshimizu [44] et par Dejonghe [21] pour des
fréquences de l’ordre du kHz. Ils ont mesuré l’amortissement en fonction de la température
pour plusieurs déformation (entre 10-7 et 10-4) (figure 233.10) et ont défini trois domaines
d’amplitude (figure 233.11) et expliquent l’évolution de l’amortissement en fonction de
l’amplitude par des mouvements de dislocations [20]:
¾ pour de très faibles amplitudes, on a un désancrage des dislocations (domaine C).
¾ à amplitude intermédiaire : on a une interaction entre les dislocations et les points d'ancrage
(domaine B). L’amortissement reste relativement stable.
¾ pour de fortes amplitudes, les interfaces intervariantes peuvent se déplacer :
l’amortissement augmente (domaine A).
24- Conclusion
De nombreuses études ont été effectuées afin de mieux cerner le comportement des interfaces
et leur influence sur les propriétés des alliages à mémoire de forme.
La transformation martensitique s’opère par déplacement des interfaces entre la martensite et
l’austénite. Deux types de transformation sont possibles : une transformation thermique, avec
des variantes autoaccommodantes, et une transformation induite par une contrainte, pour
laquelle la croissance des variantes est orientée. Certaines expériences ont été alors effectuées
sur des monocristaux, dans lesquels il n’existe plus qu’une unique variante et une unique
interface que l’on peut plus aisément étudier.
De nombreux auteurs ont étudié la stabilisation des interfaces. Trois causes principales ont été
mises en évidence pour expliquer ce phénomène : un piégeage des interfaces par les lacunes,
une remise en ordre de la martensite et une déviation du plan d’habitat.
La stabilisation des interfaces peut être étudiée par des essais de frottement intérieur.
L’amortissement a été mesuré lors de la transformation martensitique ou en fonction du temps
en phase martensitique, pour plusieurs matériaux et en particulier pour le CuZnAl. L’accent a
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________
_________________________________72
été mis sur l’interaction qui pouvait exister entre les défauts ponctuels (lacunes) et les
interfaces en mouvement. Ces études ont permis de corréler la quantité de lacunes de trempe
avec la stabilisation, plus ou moins rapide, de la martensite.
Le frottement intérieur peut être restauré, soit en appliquant une variation de température ou
de déformation, soit en arrêtant les oscillations pendant un temps donné.
De nombreux modèles, exposés dans ce chapitre, ont été élaborés afin de rendre compte de
l’influence de différents paramètres, tels la fréquence, la température et l’amplitude des
oscillations.
Malgré les différentes interprétations proposées pour expliquer la stabilisation des interfaces,
il plane toujours un doute quant à la cause réelle de ce phénomène. Notre travail a
principalement constitué en une réflexion sur le déplacement des interfaces pendant la
transformation martensitique sous contrainte et l’interaction des interfaces avec les défauts
existant dans le matériau.