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    Linterarmes aux tats-UnisRivalits bureaucratiques,

    enjeux oprationnelset idologie de la jointness

    Etienne de Durand

    Novembre 2007

    FocusFocus stratgistratgiqque n3ue n3

    Laboratoirede Recherche

    sur la Dfense

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    LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche, dinfor-

    mation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en1979 par Thierry de Montbrial, lIfri est une association reconnue dutilitpublique (loi de 1901). Il nest soumis aucune tutelle administrative,dfinit librement ses activits et publie rgulirement ses travaux.

    En 2005, lIfri a ouvert une branche europenne Bruxelles. Eur-Ifri estun think tank dont les objectifs sont denrichir le dbat europen par une

    approche interdisciplinaire, de contribuer au dveloppement dides nou-velles et dalimenter la prise de dcision.

    Les opinions exprimes dans ce texte nengagent que la responsabilitde lauteur.

    Texte tabli par Eric Sangar

    ISBN : 978-2-86592-220-8 Tous droits rservs, Ifri, 2007

    IFRI EUR-IFRI27 RUE DE LA PROCESSION 22-28 AVENUE DAUDERGHEM

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    Focus stratgique

    Les questions de scurit exigent dsormais une approcheintgre, qui prenne en compte la fois les aspects rgionaux et globaux,les dynamiques technologiques et militaires mais aussi mdiatiques ethumaines, ou encore la dimension nouvelle acquise par le terrorisme ou lastabilisation post-conflit. Dans cette perspective, le Centre des tudes descurit se propose, par la collection Focus stratgique , dclairer

    par des perspectives renouveles toutes les problmatiques actuelles dela scurit.

    Associant les chercheurs du centre des tudes de scurit de lIfriet des experts extrieurs, Focus stratgique fait alterner travauxgnralistes et analyses plus spcialises, ralises en particulier parlquipe du Laboratoire de Recherche sur la Dfense (LRD).

    ** *

    Le Laboratoire de Recherche sur la Dfense (LRD)

    Etabli lIfri, au sein du Centre des tudes de scurit, leLaboratoire de Recherche sur la Dfense (LRD) runit des expertscivils et militaires (officiers dactive en dtachement) afin de confronter demanire originale des points de vue diffrents. Indit dans ses objectifscomme dans son fonctionnement, le LRD a pour vocation traiter lesquestions traditionnelles de dfense, mais aussi aborder laproblmatique plus large de la scurit dans toutes ses dimensions. Il alambition de produire des travaux indpendants destins tous lesacteurs de la scurit.

    ** *

    Lauteur

    Responsable du Centre des tudes de scurit et du Laboratoirede Recherche sur la Dfense de lIfri, Etienne de Durand suit plusparticulirement les politiques de dfense et de scurit franaise etamricaine, le dbat autour de linnovation technique et militaire (RMA) etles interventions militaires contemporaines. Il enseigne l'Institut d'EtudesPolitiques de Paris.

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    Introduction

    hme lanc pendant les annes 1980 et constamment repris depuis,rig en obligation imprieuse et presque en dogme pendant lre

    Rumsfeld, linterarmisation ou jointness sinscrit en ralit dans un dbatancien et mme rcurrent qui, par-del MacNamara, remonte aux dbutsde la guerre froide et mme en-de. Outre ses consquencesoprationnelles, tant relles quespres, la poursuite de linterarmisation

    ou plus rigoureusement linterarmisation reprsente toutefois biendavantage quune simple rforme technique : en fonction des objectifsquelle vise, unification vritable des armes ou fdration souple, la jointness peut exiger une refonte en profondeur des structures et desorganisations, de lentranement jusquaux programmes darmement,refonte qui elle-mme ne manque pas dentraner toute une srie deconsquences budgtaires, culturelles et au final politiques.

    T

    Parce que linterarmes opre trois niveaux distincts, en tant quepratique oprationnelle, en tant que discours et en tant quinstrument ouvhicule de rforme du Pentagone, il importe de ne pas seulement

    prsenter les progrs raliss et les difficults rencontres aujourdhui parles armes amricaines, mais de replacer lensemble dans son contextehistorique et idologique , puis den apprcier la porte globale et lesimplications, fcondes comme problmatiques.

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    De vieilles querelles

    exigence de linterarmisation est proclame dautant plus fortement auxEtats-Unis quelle dsigne un objectif idal trs loign des ralits

    quotidiennes, presque comme si linjonction chouait dissimuler lapoursuite des traditionnelles disputes entre services. De fait, lhistoriquedes relations entre les armes amricaines est assez difiant cet gard,puisque les querelles interarmes ont vu le jour pratiquement avec la

    cration de larme amricaine moderne au XXe sicle1

    . Reprables ds laguerre contre lEspagne en 1898, puis pendant les annes 1930, cespremiers pisodes dune longue saga ont exhib demble troiscaractristiques fondamentales que lon retrouve jusqu aujourdhui dansle dbat sur linterarmes : mfiance politique envers quelque chosecomme un tat-major gnral ; rivalits bureaucratiques et budgtairesdbouchant soit sur linnovation par la comptition, soit sur le partage desresponsabilits et des bnfices matriels et symboliques ; enfin tentativesde rformes imposes par le pouvoir civil. Dclines diffremment selon lescirconstances et les problmatiques du moment, ces tendancesrcurrentes parce quenracines aux origines de la culture stratgiquenationale se retrouvent tout au long de la priode qui va de la Deuxime

    Guerre mondiale aujourdhui, aprs avoir nanmoins connu une inflexionconsidrable la faveur de la loi Goldwater-Nichols.

    L

    Le nud initial : libralisme politique et prussianisme militaire

    En matire stratgique et militaire, la tradition amricaine procde de deuxorigines passablement contradictoires. Dun ct, le libralisme politiquehrit des Lumires et de Grande-Bretagne a entran ds lorigine unegrande mfiance vis--vis des militaires en gnral et des armespermanentes en particulier, perues comme linstrument par excellence dela tyrannie , en loccurrence lautorit de la Couronne britannique. Le

    principe politique de lquilibre et mme de la concurrence des pouvoirs,organis par la Constitution, sest ainsi accompagn dun anti-militarismeassez vif pendant lessentiel du XIXe sicle, lui-mme reflt dans lafaiblesse des investissements consentis par la nation en matire dedfense. La parenthse de la guerre de Scession une fois referme, lesEtats-Unis reviennent en effet un format darme drisoire tant au regardde limmensit de leur territoire que de leurs quivalents europens. Portepar une logique commerciale, puis par un certain engouement populaire etnationaliste la fin du sicle, la Navy sen tire relativement mieux.Globalement, toutefois, les Etats-Unis demeurent pour lessentiel unepuissance civile, conomique et marchande, davantage tourne vers la

    1Lederman (1999).

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unismise en valeur de la frontierque vers les aventures extrieures, et dont lascurit est en quelque sorte gratuitement assure par lloignementgographique comme par la domination navale britannique. Conqutes surle Mexique ou expditions punitives en Afrique du Nord ou en Asie neconstituent cet gard que des exceptions ponctuelles qui ne modifient enrien le caractre secondaire des questions de scurit sur la scnepolitique amricaine.

    Il en rsulte un retard militaire vident, quil sagisse delorganisation gnrale, des quipements terrestres ou des effectifs. Encontrepoint, et en dpit dun quotidien largement domin par le maintien delordre sur la frontier, le corps des officiers est tout entier imprgn de latradition europenne de la grande guerre , dabord dans lombre deNapolon, puis, aprs la victoire allemande de 1870, dans le sillage delcole prussienne. Une lecture trop rapide de Clausewitz et surtout deJomini se conjugue ainsi lexprience fondatrice de la guerre de

    Scession pour former une culture militaire domine par le paradigme deGrant , soit la recherche de lanantissement total de ladversaire par la

    bataille dcisive, du fort au fort, afin dobtenir une reddition complte2.

    Incidemment, et prcisment parce quil procde de la guerre totale, cemodle favorise la libert oprationnelle du chef militaire. Ce nest dailleurspas par hasard quEmory Upton se rclame de Moltke et approuveparticulirement la mfiance de ce dernier lgard des interfrences

    civiles3.

    Culture politique et tradition militaire se fondent ainsi en une culturestratgique particulire, une American Way of War qui combine

    paradoxalement mfiance anglo-saxonne et librale lendroit delinstitution militaire, par exemple dnonciation du militarisme prussien pendant la Premire Guerre mondiale, et prussianisme oprationnel dans lequel la guerre est pense comme une parenthse, aberrante certesmais brve, qui ncessite que les considrations politiques (politics, c'est--dire la comptition politique interne) soient mises de ct jusqu la victoirefinale. En dautres termes, il est normal que le chef militaire jouisse, dans lerespect des objectifs qui lui ont t assigns, de la plus grande autonomieoprationnelle possible, et quen particulier les impratifs purement militaires ne soient pas entravs par des considrations politiquesintempestives. En parallle, et se rclamant des Pres fondateurs, lesresponsables politiques amricains ont donc toujours refus et dnonc la

    possibilit dun grand tat-major gnral sur le modle du GrosseGeneralstab allemand, immdiatement souponn de mettre en pril laprminence de lautorit civile. Allant plus loin encore, les lites politiques,Congrs en tte, ont longtemps et systmatiquement favoris et mmeorganis une vritable comptition entre les armes. Outre quellesinscrivait parfaitement dans la logique librale de lquilibre des pouvoirspolitiques et du march des ides, cette mise en concurrencegarantissait la fois lindpendance oprationnelle de chaque arme et la

    2Sur linfluence de Jomini, dailleurs relaye en matire navale par Mahan, voir

    Colson (1993) ; sur le paradigme de Grant , voir Weigley (1973).3

    Ambrose (1964) nos remerciements Thomas Rid pour nous avoir indiqucette rfrence. Voir galement Cohen (1995).

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unisprminence finale du pouvoir politique civil. Ainsi, lorsquil fait de lasparation nette entre sphre civile de responsabilit et sphre militaire decomptence la garantie non seulement du fonctionnement dmocratiquedes institutions mais encore de lefficacit et du professionalisme militaire, le politologue Samuel Huntington dcrit une sorte didal-typepour les relations civilo-militaires dans les dmocraties modernes mais sefait aussi lcho de lAmerican Way of Waret de sa prgnance aux Etats-

    Unis4.

    En dpit de telle ou telle exception historique, lalliance dulibralisme politique et du prussianisme militaire nen rsume pas moinslune des caractristiques fondamentales de la culture stratgiqueamricaine. Pour toutes ces raisons, on comprend que linterarmes revteune importance singulire et quil ait constitu depuis un demi-sicle unthme saillant du dbat stratgique amricain : situ la charnire deloprationnel et du stratgique, il touche la fois aux relations civilo-

    militaires, domaine minemment politique, lefficacit oprationnelle,souci national, et aux prrogatives de chaque arme, obsessionbureaucratique et institutionnelle. Cest bien ces trois niveaux diffrentsdanalyse quil convient de suivre le cheminement difficile delinterarmisation aux Etats-Unis.

    Les rivalits entre armes pendant la guerre froide,de Key West Desert One

    Ds les origines, les relations entre arme de terre et marine se sontrvles difficiles, et le dveloppement de forces ariennes, dabord au

    sein mme de lArmy et de la Navy, puis de faon de plus en plusautonome jusqu linstitutionnalisation de lAir Force en 1947, a encoreaggrav les tensions entre armes ou interservice rivalries, jusqureprsenter une caractristique majeure de la politique de dfense et desoprations militaires conduites par les Etats-Unis pendant toute la guerrefroide. En un certain sens, le thme de linterarmes a encadr toute lapriode, puisque cette dernire souvre avec le National Security Act de1947, qui tablit le Joint Chiefs of Staff, et se conclut quelques annesaprs le Goldwater-Nichols Defense Reorganization Actde 1986.

    Dj marques par la coopration imparfaite entre Army et Navypendant la guerre contre lEspagne ou par la carrire tumultueuse de Billy

    Mitchell, les relations entre armes se caractrisent demble par lamfiance et la volont dauto-suffisance exhibes par les services etquautorise dailleurs la puissance matrielle des Etats-Unis. Ainsi chaquearme se dote-t-elle en propre de tous les moyens quelle estimencessaire et entend-elle mener seule sa guerre. En dpit de lacration du Joint Chiefs of Staff en 1942, afin de coordonner lactionmilitaire globale du pays, ou du soutien de tout premier plan fourni parlaviation tactique aux forces terrestres, la Deuxime Guerre mondiale secaractrise en effet par un certain autisme de la part de chaque arme :lAir Force se focalise sur le bombardement stratgique, lArmy surlAllemagne et la Navy sur le Japon. Lorsquelle savre indispensable, la

    4Huntington (1957).

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Uniscoopration se traduit soit par une unification relative au profit du servicedominant, ainsi du front europen plac sous lautorit dEisenhower pourlArmy, soit par des oprations et des structures parallles, autrement dit unpartagedu thtre : le Pacifique central va lAmiral Nimitz, le Pacifique

    sud au gnral MacArthur

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    . En dpit dindniables succs sur le terrain, parexemple en matire de close-air support(CAS) ou appui arien rapproch,la Seconde Guerre mondiale ne consacre pas linstitutionnalisation de lacoopration interarmes, bien au contraire, lloignement gographique, lesspcificits des thtres europen et pacifique et donc des oprations,enfin les victoires remportes contribuant mme renforcer aprs coup cessolipsismes militaires dans leurs convictions comme dans leursprrogatives.

    Ds 1945, la baisse des crdits accompagnant la dmobilisationcomme les disputes concernant la paternit de la victoire et le rle joupar chacun poussent ainsi les armes se recentrer sur leur cur de

    mtier , bombardement stratgique ou supriorit navale, en ngligeantimmdiatement les leons durement apprises pendant le conflit, quilsagisse de la ncessit des tches subalternes (protection desconvois, transport) ou de la coopration interarmes (CAS), et ce alorsmme que Dwight Eisenhower, auditionn par le Congrs, explique quelinterdpendance et la complmentarit des armes constituentlenseignement majeur de la guerre et quen consquence les oprations

    interarmes doivent devenir la norme6.

    Lexprience acquise durant quatre annes de guerre, lapparitionde larme nuclaire et les dbuts de la guerre froide conduisent

    lAdministration Truman et le Congrs rorganiser lensemble delappareil de dfense amricain avec le National Security Actde 1947, quicre ple-mle la CIA, le NSC et lUS Air Force, mais qui surtoutinstitutionnalise le Joint Chiefs of Staff ou comit des chefs dtat-major , organis pendant la guerre, et unifie les Dpartements de lArmeet de la Marine lintrieur dun nouveau Dpartement de la Dfense,dirig par un Secrtaire lui-mme plac statutairement au-dessus desSecrtaires traditionnels. Toutefois, ce mouvement dunification se heurte lopposition rsolue de la Navy, qui craint de perdre son infanterie (lesMarines) au profit de lArmy et son aviation au profit de lAir Forcenouvellement cre, et nentend pas abandonner cette dernire lamission de bombardement stratgique. Cest finalement sous la pression

    conjugue du Prsident, du Secrtaire la Dfense et des deux autresarmes quest trouv en mars 1948 un accord : le Key West Agreementprcise ainsi les roles and missions, les prrogatives et domaines rservsde chacun et lUSAF de se voir reconnatre la matrise exclusive dubombardement stratgique et de presque toutes les plateformes ariennesautres que navales, lArmy ne conservant en propre que les aronefslgers destins la reconnaissance et lvacuation mdicale. Laffairerebondit lanne suivante et se transforme en une crise interarmes etpolitique aigu, lorsque le nouveau Secrtaire la Dfense, Louis Johnson,acquis aux thses de lAir Force, dcide dannuler le programme de

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    Lederman (1999).6 Wolk (1988).

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unis super porte-avions au profit du bombardier B-36, et quen ractionltat-major de la Navymenace de dmissioner en masse et mobilise sonprofit le Congrs. Aprs plusieurs mois de campagne publique associantdnonciations calomnieuses et fuites diverses, cette rvolte desamiraux se conclut par des auditions au Congrs pendant lesquelles legnral Omar Bradley, alors prsident du JCS, et donc lArmy, se rangentderrire lAir Forcecontre la Navy. En parallle, sont adopts en aot 1949des amendements la loi de 1947 qui tendent renforcer le pouvoir duSecrtaire la Dfense.

    Par-del ces pripties et prcisment parce quil rsulte decompromis prement ngocis, le systme pniblement mis en place entre1945 et 1949 par la loi de 1947 et laccord de Key West savre stable aupoint de demeurer en vigueur jusquen 1986. Cette stabilit est toutefoisimparfaite, car lquilibre ainsi atteint savre rgulirement sous-optimal. At cre en effet une sorte de confdrationhybride, dans laquelle les

    servicespriment sur linterarmes et par maints aspects les militaires surles civils. Parce que la loi le dsigne collectivement comme principalconseiller militaire du Prsident, du Secrtaire la Dfense et du NSC, leJCS fonctionne sur la base du consensus, ce qui confre chacun desquatre chefs et leurs tats-majors respectifs un pouvoir de veto. Toutdsaccord au sein du JCS devant tre notifi aux autorits civiles afinquelles tranchent, les armes sont fortement incites sentendre eninterne ou tout du moins ne pas exposer leurs diffrends lextrieur.Prime en consquence la logique du plus petit dnominateur commun,avec en corollaire le partage toujours quilibr des ressources et desmissions, limpossibilit dfinir des priorits ou promouvoir desprogrammes non directement soutenus par une arme, enfin la lenteur duprocessus de prise de dcision le tout dbouchant sur un conseil

    stratgique de faible qualit au service de lautorit civile7. Ces effets

    ngatifs engendrs par la domination sans partage des intrtsbureaucratiques de chaque arme se traduisent galement, au niveauoprationnel, par labaissement des grands commandementsgographiques ou fonctionnels (unified commands) comme lEUCOM ou leSAC au profit des tats-majors des servicesqui fournissent les troupes, lesquipements et les adjoints directs des responsables de cescommandements unifis sachant dailleurs que les carrires se font et sedfont au sein de la maison-mre , les tats-majors et les fonctions

    interarmes sont peupls dofficiers sans avenir et dmotivs8.

    Or, ces dysfonctionnements multiples sur fond de rivalitsinstitutionnelles et budgtaires font rgulirement surface tout au long de laguerre froide, propos de tel ou tel programme darmement majeur ou, defaon plus spectaculaire, loccasion des guerres et des interventionsamricaines. Ds les annes 1950, Army et Navy unissent leurs forcescontre lUSAF et soulignent, aprs la Core, les contre-performances enmatire de CAS dune institution qui a tout mis sur le bombardement

    7Comme le confirme James Schlesinger, Secrtaire la Dfense entre 1973 et

    1975 : Advice proffered by the JCS was generally irrelevant, unread, and largely

    disregarded - cit par DePuy (1995).8 Sur tous ces aspects, voir Roman et Tarr (1998).

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unisstratgique. Le Corps des Marinesen profite pour conforter lexistence desa propre aviation, et lArmypour se lancer dans les hlicoptres. La Navypour sa part fait ses dlices de la vulnrabilit grandissante des bases debombardiers et tire parti de labandon de la doctrine des reprsaillesmassives pour lancer les premiers SNLE et rcuprer progressivement une

    part substantielle de la mission nuclaire9. Si, dans ce dernier cas, lacomptition inter-armes sest traduite par une innovation majeure etpositive, il nen a pas toujours t ainsi, quand par exemple RobertMacNamara tente, avec un succs mitig, de contraindre les sister services rationaliser leurs choix dquipements en dveloppant des plateformescommunes. Un temps conforte par les tudes conduites par les whiz kids,ces civils experts en system analysis, la qute dune plus grande efficiencyse heurte assez vite des quipes dexperts militaires tout aussicomptents. De Dwight Eisenhower Henry Kissinger et JamesSchlesinger en passant par Robert MacNamara, les responsables civilsportent tous le mme constat : le Pentagone est irrformable et les intrts

    des armes inattaquables de front.

    En outre, ces blocages institutionnaliss entrent pour une part nonngligeable dans la srie dchecs que connaissent les armesamricaines pendant deux dcennies. Au Vietnam, tandis que lArmy etlUSMC ne parviennent pas saccorder sur la stratgie adopter au sol,les oprations ariennes fonctionnent sur le principe des route packages,avec des chanes de commandement spares, non seulement pour laNavy et lUSMC, mais encore pour le SAC, responsable des B-52.Procdures distinctes, quipements incompatibles et communicationsdfectueuses se soldent par des tirs fratricides et des pertes inutiles. De

    mme linvasion de la Grenade et lintervention au Liban en 1983 sont-ellesmarques par lincapacit des armes oprer et mme communiquerentre elles : un dtachement de Marines isols sur lle de la Grenade doitainsi utiliser une cabine tlphonique et appeler le Pentagone pour obtenirun appui-feu de la part de navires tout proches Cest toutefois loprationDesert One, une tentative avorte de raid commando en Iran afin dedlivrer les otages amricains, qui constitue lexemple le plus significatif etle plus retentissant en matire de dysfonctionnements de tous ordres :formation insuffisante des pilotes et procdures incompatibles, partage quilibr de la mission entre armes, absence de chane de

    commandement claire10

    De la rforme Goldwater-Nichols la guerre du Golfe

    Cette accumulation de revers dans la foule de la dfaite au Vietnamsuscite en retour, lintrieur comme lextrieur des armes, un puissantmouvement de rforme qui sattaque entre autres aux intrts deparoisse des armes et au systme mis en place la fin des annes1940. Limpulsion dcisive une fois donne par le prsident du JCS lui-

    9

    Sapolsky (1972).10

    Sur tous ces exemples, voir Luttwak (1985) et Gabriel (1979), et les titresvolontairement provocateurs de leurs ouvrages.

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    11, sengagent pendant quatre ans une polmique publique et une

    rsistance pied--pied de lAdministration Reagan, des services et de laNavyen particulier son Secrtaire, John Lehman, fait traditionnellementvaloir quun renforcement des pouvoirs du Chairman du JCS risque de

    crer une autorit militaire unique et donc trop puissante, remettant ducoup en cause le principe du contrle du pouvoir civil12

    . Finalement adopten 1986 sous un parrainage bipartisan, le Goldwater-Nichols DefenseReorganization Act porte principalement sur quatre points et cherchedabord promouvoir la jointness au plus haut niveau. En premier lieu,lautorit du Secrtaire la Dfense se voit renforce face aux prrogativesdes Secrtaires de chaque arme. En second lieu, tandis que les servicechiefssont relgus un rle consultatif interne, le Chairmandu JCS ouCJCS devient le seul conseiller militaire de lautorit civile, quil sagisse deplans stratgiques ou oprationnels, de disponibilit (readiness), debudgets, dquipements et de doctrine interarmes ou encore dedlimitation des comptences des armes. Ltat-major interarmes lui est

    dsormais personnellement rattach et comprend un vice-chairman. Sansaller jusqu crer un vritable chef dtat-major des armes, la loiGoldwater-Nichols fait ainsi passer le systme militaire de la confdrationsouple la fdrationorganise. En outre, le JCS comme son prsidentsont dsormais exclus de la chane de commandement oprationnel, lescommandants rgionaux ou CINCs tant directement rattachs auSecrtaire la Dfense, qui peut nanmoins placer les CINCs souslautorit du CJCS sil le souhaite. Enfin, la loi de 1986 revoit la gestion decarrire des officiers, cre une filire interarmes spcifique et fait duneexprience interarmes pralable un passage oblig pour la promotion au

    grade de gnral13

    .

    Pense dans un cadre gostratgique encore domin par la guerrefroide, cette rforme trouve sappliquer dans un contexte tout faitdiffrent mais qui nen semble pas moins valider rtroactivement leschangements intervenus en 1986. Parce quil tranche nettement avec lesdeux dcennies qui lont prcd et intervient paralllement au dclin delURSS, lincontestable succs de lopration Desert Storm reprsente eneffet un tournant majeur qui fonde la rputation de quasi-invincibilit desarmes amricaines pendant les annes 1990 la loi Goldwater-Nicholsest dailleurs assez largement crdite de ce retour la victoire. A yregarder de plus prs, cependant, lopration Tempte du dsert nevalide que partiellement les concepts demploi et les doctrines professs

    par les armes ( maneuver warfare , AirLand Battle ), tout en exhibantune coordination interarmes bien plus factice que relle. Au niveaustratgique, le systme fonctionne plutt bien, dans la mesure o lePrsident comme le JCS sabstiennent dinterfrer au quotidien dans laprparation et la conduite des oprations. Il faut toutefois noter que lesdcisions les plus importantes rejet du premier plan doprations etdploiement subsquent du VIIe Corps en renfort, arrt des

    11Au cours dune audition huis clos de la commission des forces armes de la

    Chambre en 1982, puis lors de dclarations publiques, le gnral David Jones senprend directement au fonctionnement du JCS voir Locher (2001).12

    Ibid., ainsi que Lehman (1995).13 Sur tous ces points, voir Lederman (1999).

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unisbombardements sur Bagdad suite lincident du bunker Al-Firdos, cessez-le-feu procdent toutes dune intervention de Washington et, ce nest pasun hasard, relvent le plus souvent de ce que lon nappelle pas encore la

    doctrine Powell 14

    .

    Sur le thtre lui-mme, la jointness est plus un idal quuneralit : en dpit des marges de manuvre que lui laisse Washington, legnral Schwarzkopf, qui commande le CENTCOM, dlgue une largepartie de son autorit ses subordonns, les component commanders, quipour leur part raisonnent et oprent selon des logiques darmes. Pireencore, le CENTCOM cde aux rcriminations des uns et des autres, bientraditionnelles dans leur volont de se partager la mission comme lethtre. Ainsi les Marinesobtiennent-ils, aprs des protestations auprs de

    Norman Schwarzkopf, un secteur propre et un objectif valorisant15

    menacer Kowet-City et fixer larme irakienne pour faciliter le mouvementtournant de lArmy. Les VIIe et XVIIIe corps de lArmyse voient attribuer desmissions en adquation parfaite avec leurs capacits mais aussi leursprfrences choc frontal dannihilation ici, dbordement en profondeur l tandis que lUSAF met en application son concept rnov debombardement stratgique, en sappuyant dailleurs initialement sur unepremire planification conduite Washington par le colonel Warden et lasection Checkmatede ltat-major de lAir Force. Une fois encore, tout sepasse comme si chaque arme livrait sa guerre, en accord avec sesaptitudes et ses penchants. Deux exemples sont particulirement clairants cet gard, la coopration air-sol dune part et lchec partiel du planglobal doprations de lautre.

    Les cinq semaines de campagne arienne nentranent pas defriction air-sol majeure, en dpit des rcriminations ponctuelles descommandants terrestres rclamant la destruction de lartillerie et desfrappes de prparation lencontre de la premire ligne de larmeirakienne. LUSAF conduit simultanment des frappes stratgiques dans laprofondeur et un pilonnage systmatique et assez efficace de larmeirakienne (mission dinterdiction) : si lobjectif fix par le CENTCOM, savoir une rduction de 50 % du potentiel terrestre irakien, nest jamais

    atteint, la prparation arienne nen demeure pas moins satisfaisante16

    . Lasituation toutefois se dgrade avec loffensive au sol, qui oblige lUSAF etles forces terrestres dplacer continuellement la FSCL (Fire SupportCoordination Line), autrement dit la ligne de partage entre la zone deresponsabilit de lAir Force et celle de lArmy, qui a entre autres pourfonction de minimiser les occurrences de tirs fratricides. Labsence deprocdures souples de coordination, la sparation rigide entre interdiction et CAS et la volont de lArmy de prserver une zonedaction pour ses hlicoptres se soldent ainsi par une friction majeure,qui voit des aviateurs patrouillant en-de de la FSCL dans limpossibilitdengager les cibles dopportunit quils dtectent et suspendus lautorisation des forces terrestres. De la sorte, de nombreuses unitsirakiennes voient leur retraite couverte par lavance trop rapide des forces

    14Gordon et Trainor (1995).

    15

    Ibid.16 Cohen et Keaney (1993).

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unisterrestres de la coalition et donc de la FSCL. De mme, laction au solchoue-t-elle au final. Parce que les Marinesprogressent trop vite et troploin et donc ne sen tiennent pas leur mission de fixation, et parce quenparallle le VIIe corps de Franks droule son offensive de flanc enprivilgiant la sret comme face au Pacte de Varsovie, le mouvement dedbordement cens encercler et dtruire larme irakienne tourne court :une large partie de celle-ci parvient schapper et lun des objectifsessentiels assigns aux forces, savoir la destruction de la Garderpublicaine, pilier du rgime, nest ralis qu moiti.

    En dfinitive, et comme le souligne merveille le titre ambivalent de

    louvrage de rfrence sur le sujet17

    , Desert Stormfut dabord la guerredes gnraux , livre par eux mais aussi, figurativement cette fois, entreeux. Les oprations procdent pour lessentiel des seuls militaires, quiretrouvent leur traditionnelle libert daction, mais la planification comme laconduite sont loccasion de nombreux affrontements entre services et la

    jointnessde faire bien davantage figure didal que de ralit. Si donc larforme de 1986 a bien entran une fdralisation du systmestratgique urbi et orbi, Washington avec la promotion du Chairmancontre les service chiefset travers le monde avec le renforcement desCINCs, celle-ci ne fait que se superposer au niveau oprationnel unsystme confdral qui se maintient discrtement en ltat lombre des

    CINCs18

    . En ce sens, et alors que la jointnessdevient pendant les annes1990 une vritable figure impose du discours, il apparat progressivementque la loi Goldwater-Nichols na pas rempli tous les objectifs qui taient lessiens et que les armes sont parvenues prserver une large part de leursprrogatives.

    17Gordon et Trainor (1995).

    18A cet gard, labsence de Joint Forces Commanderen dessous du CENTCOM,

    Norman Schwarzkopf ayant cumul les deux fonctions, a sans doute jou un rletrs dfavorable voir Weitz (2004).

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    Discours et pratiquesde linterarmes

    aux Etats-Unis aujourdhui

    es annes 1990 et surtout 2000 sont loccasion dune acclrationmarque de linterarmisation, mais cette fois moins au niveau

    stratgique quaux niveaux organisationnel et oprationnel. A partir de1997 et plus encore sous limpulsion de Donald Rumsfeld, ladoptionofficielle des thmatiques de la RMA se traduit par la promotion presquetous azimuts de lintgration interarmes : la jointness est prsentecomme un lment essentiel de la transformation militaire et place aucentre de mouvement de rforme lanc par le Secrtaire la Dfense.Trs prolifique en termes de rorganisation administrative et de productiondoctrinale, linterarmisation par le haut (top-down) rencontre toutefoisses limites en matire de politique dquipements et de planificationstratgique. A un autre niveau, les oprations en Afghanistan et en Irakmettent en lumire la fois les progrs dj accomplis et le potentielconsidrable que recle une meilleure intgration des mouvements et des

    feux interarmes.

    L

    La jointness , impratif catgorique du credo RMAiste

    Prenant appui sur les succs disproportionns obtenus pendantla guerre du Golfe, le mouvement de la RMA (Revolution in Military Affairs)se fait laptre dune incorporation rapide des avances de la technologiedans le domaine militaire et de la ncessit faire voluer en consquenceles structures, les quipements et les politiques dacquisition. Dans cetteperspective, le conservatisme intellectuel de la hirarchie militaire, encoreplus prgnant en priode de rductions budgtaires, et linertiebureaucratique du Pentagone reprsentent les principaux obstacles

    lavnement de la RMA19. Lajointnessest donc prne par les partisans dela RMA deux niveaux diffrents : en tant que ncessit oprationnelleinduite par les progrs technologiques et seule mme de les exploiter defaon optimale, et en tant que rforme institutionnelle destine surmonterle conservatisme militaire et promouvoir linnovation.

    A cet gard, et quelles que soient les exagrations et les limitationsde la RMA, il convient de remarquer demble que ce discours se fonde surdindniables ralits technologiques et des gains oprationnels qui ne lesont pas moins. Conjugues aux progrs des capteurs et de la dtection,

    19Arquilla (1997).

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unislopportunit dune rupture nette avec le pass. De faon quelque peudcale, cette querelle des Anciens et des Modernes voit saffronter lafois de purs arguments intellectuels et les prfrences respectives de

    lArmyet de lAir Force22

    .

    Aussi nest-il pas toujours facile de dmler, au sein du discours dela RMA, ce qui participe dune dfense habile des intrts de lUSAF et dulobby industriel, pour lesquels diminuer les effectifs terrestres est la clefpermettant de financer la modernisation, et ce qui relve dune authentiquevision rformiste de lappareil de dfense. Pousse dans ses implicationsles plus distantes et les plus rvolutionnaires, la transformation suppose lapromotion vritable de linterarmes et donc le dpassement des intrtsparticuliers de tel ou tel acteur de la dfense. Par-del lappel tirerpleinement parti des potentialits offertes par la technologie endveloppant les synergies entre armes et en passant de la coordination lintgration, les rvolutionnaires les plus convaincus veulent remettre

    en cause le monopole des servicessur les programmes dquipement afinde promouvoir des solutions innovantes mais qui sont sous-exploitesparce que hors cadre pour chaque arme prise individuellement. Ainsiles UAVs ou le systme JSTARS de dtection des cibles au sol chappent-ils lgalement lArmy sans pour autant tre vritablement soutenus parlAir Force, domine par les pilotes de chasse, initialement trs rserve lendroit des drones et traditionnellement ddaigneuse envers lesplateformes lentes et vulnrables. Dans la mesure o chaque arme estfocalise sur son cur de mtier, supriorit arienne ici et manuvreblinde-mcanise l, toute capacit qui sen loigne sensiblement tend tre relgue aux marges sans pour autant tre abandonne : lAir Force

    ne veut pas voir lespace militaire lui chapper mais finance tout de mmeen priorit les chasseurs Afin dchapper lternel retour du mme ,entendons la modernisation par reproduction terme terme des structureset des parcs de matriels, les partisans de la RMA entendent disqualifierles plateformes de guerre froide (legacy systems) et dgager ainsi lesmarges de manuvre ncessaires une modernisation vritable etaudacieuse. Dans cette optique, limpratif de la jointness fait figure lafois de but oprationnel vritable et dargument bien rd afin daffaiblirlemprise des services sur lexpression des besoins sans quil y aitdailleurs contradiction, dans la mesure o il faut bien trouver desressources pour financer un systme C4I pleinement interarmes et donc synergtique .

    La jointness sous lre Rumsfeld :enjeu bureaucratique et promotion de lunification

    Le passage de Donald Rumsfeld au Pentagone sest, entre autreschoses, caractris par un dveloppement sans prcdent de la jointness,avec dun ct la prolifration bureaucratique des organisationsinterarmes, de lautre lmergence depuis le terrain de pratiquesoprationnellesjoint. Pour autant, ce mouvement double, impos den-haut

    22Voir par exemple Biddle (1996) et les ractions suscites par cet article, toujours

    dans la revue International Security(Fall 1997) ; voir en parallle, pourlinterprtation des institutions concernes, Hallion (1993) et Scales (1994).

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Uniset surgi den-bas (top downet bottom up), na pas empch la rsurgencedes intrts de clocher , en particulier pour ce qui touche auxquipements, et a galement induit des externalits ngatives inattenduesau niveau de la doctrine et mme de la direction stratgique de la dfenseamricaine.

    Dans la foule de la lgislation Goldwater-Nichols, lajointnesssestprogressivement impose la fois institutionnellement et idologiquement.Les circonstances se sont tout dabord charges de renforcer lautorit coutumire du CJCS. Aprs lamiral William Crowe, se succdent eneffet ce poste les gnraux Colin Powell et John Shalikashvili. Le senspolitique et lautorit du premier, aurole de prestige aprs la guerre duGolfe, se conjuguent la faiblesse relative de lAdministration Clinton, ses maladresses initiales (volont dintgration officielle des homosexuels,redfinition ambitieuse de la mission somalienne) et son inexprience enmatire de dfense pour expliquer que linstitution militaire ait fait bloc

    derrire son Chairman, au point dailleurs de susciter de nombreusesinterrogations face une possible drive des relations civilo-militaires et

    une perte de contrle civil23

    . En parallle mais en interne, Colin Powellorganise la monte en puissance de ltat-major interarmes etlabaissement parallle des tats-majors darmes, dsormais exclus desrunions du JCS. Lui-mme et son successeur se placent au centre dusystme de planification avec le Joint Strategic Planning System ettendent lautorit du Joint Requirements Oversight Council (JROC),empitant ainsi sur les prrogatives des armes en matire de capacits etdquipements. John Shalikashvili complte lensemble en lanant uneambitieuse production doctrinale interarmes, qui a toutefois tendance

    dboucher sur des documents aussi consensuels institutionnellementquindigents sur le fond : crit littralement huit mains, puisquon yretrouve les formules favorites de chaque arme, Joint Vision 2010fournitune excellente illustration de cette drive de la jointness vers le sloganpolitiquement correct.

    En sens inverse, et loin de sacrifier seulement la mode dumoment, Donald Rumsfeld arrive au Pentagone convaincu de la validit dela RMA, dans sa version raliste telle que dfendue par exemple parlOffice of Net Assessment dAndy Marshall, mais aussi dtermin imposer au DoD des rformes profondes, et en particulier la promotion dela jointness, pour les raisons la fois oprationnelles et bureaucratiques

    exposes plus haut. Il sagit, en les dcloisonnant et en favorisant uneintgrationcontinue(seamless) des capacits, de permettre aux forces detirer pleinement parti des avances technologiques en amliorant laconnaissance de lespace de bataille et en acclrant la boucle OODA et plus gnralement le tempo des oprations. Il sagit galementdinstrumentaliser linterarmes dans le sens de lunification, et den faireun vritable cheval de Troie contre ce qui est peru comme limmobilisme

    militaire face la transformation24

    . Sous prtexte quil est illogique desentraner sparment alors que lon combat ensemble, on essaie

    23Cohen (1995).

    24

    Owens (2006), qui justement oppose intgration des capacits et unification desorganisations.

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unisdenlever aux armes leurs missions traditionnelles de prparation desforces ( train, equip, prepare ), pourtant confirmes par la loi Goldwater-Nichols, afin de gagner la haute main sur la politique dacquisition. Enfin, etparce quelle participe alors de la focalisation sur le seul combat classiquede haute intensit , la jointness est donc bien au cur du projetrumsfeldien de transformation du Pentagone. Comme avec le dbat desannes 1990, on note cependant une certaine ambivalence quant laremise en cause tous azimuts des intrts des armes : semblentparticulirement concernes les forces terrestres, dont le Secrtaire laDfense entend rduire les effectifs et les budgets afin de financer latransformation. De fait, sont trs rapidement supprims lhlicoptre dereconnaissance arme Comanche et le canon automoteur Crusader, tousdeux des systmes de lArmy, mal dfendus au Congrs en raison deretombes industrielles centres sur un petit nombre dEtats, en outrefocaliss sur laction en profondeur, et donc jugs redondants par rapportaux capacits existantes.

    Toutefois, loin de sen tenir certaines arrire-penses assezpartiales lencontre des forces terrestres, la promotion de la jointnessbatson plein pendant lre Rumsfeld et touche lensemble des activits duPentagone. Au niveau organisationnel, le Joint Forces Command estdvelopp et lOffice of Force Transformation cr, tandis que la revuequadriannuelle de dfense de 2001 lance le projet dunits et dtats-majors interarmes constitus et permanents (Standing Joint Task Forces,Standing Joint Headquarters). En parallle, la spcialit interarmes crepar la loi Goldwater-Nichols au sein des carrires militaires voit sonemprise tendue en 2002 et en 2005 par le Congrs, avec une extensionaux rserves et une spcification trs pousse des qualifications

    interarmes que doivent obtenir les officiers25.

    Au niveau doctrinal, la priode se caractrise par une vritableprolifration des textes interarmes, en sus dune prolixit comparable ausein de lArmy, de lUSMC et de lAir Force on compte ainsi pas moins de22 documents doctrinaux interarmes majeurs : un Capstone Concept forJoint Operations , 4 operating concepts, 8 functionnal concepts et 9 integrating concepts . Parce quils sont censs reflter les directivesdOSD (Office of the Secretary of Defense), rassembler les points de vuedes quatre armes et dans le mme temps simposer au sommet deldifice doctrinal, ces textes prsentent souvent une qualit ingale, fruit

    de limpossibilit confronter les ides. Comme pour Joint Vision 2010, onobtient des positions minimales dictes par lexigence de consensus, avecdes exceptions heureuses qui concernent souvent des domainesvritablement interarmes ou des champs nouveaux et traditionnellementregards comme marginaux, linstar de la stabilisation et de la

    reconstruction26

    . Outre une rception souvent indiffrente de la part desmilitaires, ces textes semblent systmatiquement entachs dun souponde partialit chaque arme estimant ses propres prfrences sous-

    25

    Buckley (2007).26 Voir par exemple SSTR-JOC (2006).

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unisreprsentes

    27 et donnent limpression de dboucher davantage sur

    lautopromotion des tats-majors interarmes que sur des concepts

    utilisables28

    . Le bilan de la jointness comme vhicule de rforme lintrieur du Pentagone nest donc en dfinitive pas trs impressionnant : si

    lon excepte le Comanche et le Crusader, cibles faciles parce quebnficiant dun faible soutien au Congrs, la transformation a finalementlaiss pour lessentiel intacts les grands programmes dquipements desarmes, comme latteste la QDR 2006, dailleurs interprte par les expertscomme ayant consacr lchec de Donald Rumsfeld en la matire. Demme, la prolifration des textes doctrinaux interarmes sest ajoute auxdoctrines darmes sans sy substituer, concourrant au final produire undifice doctrinal proprement gigantesque et donc une utilisationinversement proportionnelle. En termes dorganisation comme de doctrine,la promotion de la jointness, voulue afin de rendre les forces plus ractives et agiles , semble donc stre paradoxalement traduite parla mise en place dune bureaucratie supplmentaire.

    Intgration oprationnelle et dsintgration stratgique

    En parallle linterarmisation promue den haut, de par la volontdu Secrtaire la Dfense, de rels progrs ont t raliss en matire decoopration et mme dintgration interarmes oprationnelle, mais cettefois mergeant depuis le terrain, essentiellement sous limpulsion despratiques dveloppes loccasion des campagnes conduites enAfghanistan et en Irak. Dans le premier cas, linnovation semble tre venuedabord de la CIA, dtermine agir immdiatement tandis que les armesse prparaient une campagne longue culminant par le renversement desTaliban au printemps 2002. La mise au point de procdures improvises

    permettant aux forces spciales dclairer les cibles ennemies et ainside soutenir les forces terrestres de lAlliance du Nord a constitu uneinnovation purement empirique et non planifie : clbre aprs coup parcertains comme une nouvelle faon de faire la guerre , au point

    dailleurs de susciter un vritable dbat29

    , la campagne de lautomne 2001a t en ralit largement improvise et pas par le Pentagone, ce qui na

    pas manqu de susciter lirritation de Donald Rumsfeld.30

    Limplication plus grande chelle des armes sest dailleurs solde, loccasion delopration Anaconda, par des problmes aigus de coordination entre Armyet Air Force suscitant immdiatement des rcriminations de part et

    dautre31

    . Tirant les leons de cette exprience malheureuse, les services

    rvisent les modalits de leur coopration dans la perspective de linvasionde lIrak. Lopration Iraqi Freedom voit ainsi le dveloppement deprocdures originales dintgration des feux ariens dans la manuvreterrestre et lutilisation grande chelle du push CAS (demande

    27De Durand, Irondelle (2006) la culture et lhistoire de lArmydepuis la cration

    du TRADOC expliquent en particulier linfluence prpondrante quelle joue enmatire de doctrine, et le ressentiment conscutif des autres armes.28

    Le jugement du gnral Paul Van Riper est sans appel : [] the process hasled to the creation of an excess of concepts, most of which in my view aredevoid of meaningful content - cit par Owens (2006).29

    Biddle (2003).30

    Woodward (2006).31 Jansen (2004).

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unisurgente de soutien arien en labsence de personnels totalement

    qualifis32

    ). Les modalits dintgration sont en effet revues dans le sensde la dconcentration et de la dcentralisation, permettant ainsi un simplechef de section de demander directement et dobtenir rapidement un

    soutien arien important. Lefficacit du Joint CASet des frappes dans laprofondeur est telle quil ne parat pas exagr daffirmer que le plan decampagne entier supposait lintgration sans faille (seamless) descapacits interarmes, et que la lgret du dispositif terrestre comme savitesse de progression reposait en particulier sur la permanence,labondance et la qualit du soutien arien preuve la neutralisation distance des units de la Garde rpublicaine lors de leur mouvement versla troue de Kerbala.

    En ce sens, la phase offensive de lopration Iraqi Freedom asembl valider en premire approche la transformation et donc la brutalitavec laquelle Donald Rumsfeld a impos ses vues une hirarchie

    militaire rcalcitrante pendant la planification de la campagne33. Conuepar le Secrtaire la Dfense comme une dmonstration de la validit dela transformation et de lajointness, linvasion de lIrak a nanmoins conduitce dernier court-circuiter et affaiblir le Joint Chiefs of Staff et sonprsident en sappuyant sur les CINC rebaptiss COCOM ou Combatant Comanders en loccurrence le gnral Tommy Franks. Latendance sest poursuivie tout au long de loccupation de lIrak et mmeamplifie aujourdhui, preuve le choix du renforcement ou surgeprnpar le gnral Petraeus, commandant local, contre lavis du JCS, etlimportance politique prise par ce mme gnral Washington. Au final, etce nest pas l lun des moindres paradoxes de lhritage de Donald

    Rumsfeld, la volont de rtablir lautorit des responsables civils et depromouvoir la jointness au sein du Pentagone sest solde parlabaissement du JCS dans llaboration et la conduite de la stratgieamricaine et par la dpendance politique de lAdministration Bush vis--vis de lautorit professionnelle du seul gnral Petraeus. En outre, et auniveau cette fois de la planification militaire gnrale, la QDR 2006 sembleelle aussi dfaire dun ct ce quelle promeut de lautre : paralllement laconstitution de plusieurs SJTF (Standing Joint Task Forces) et au soutienritr lidal de jointness, la QDR 2006 organise une vritablespcialisation gographique entre les armes. Comme le prcise le texte,le Force Planning Construct ne sapplique pas de la mme manire

    chaque service, ni dailleurs chaque zone34

    . Ainsi, alors que la Navyvoit

    son rle traditionnel dans le Pacifique encore renforc, avec un minimumde 60% de ses moyens aronavals et sous-marins concentrs dans lazone, lArmy et lUSMC, somms de prendre en charge les oprationsSSTR, la contre-insurrection et une partie des fonctions dvolues jusquiciaux forces spciales, se retrouvent de factoconsigns demeure dans le Grand Moyen Orient , puisque ces missions concernent presqueexclusivement la longue guerre . De mme, les forces spciales, en

    32Il sagit des Air Liaison Officer(ALO), Forward Air Controller(FAC) ou Enlisted

    Terminal Attack Controller(ETAC).33

    Gordon et Trainor (2006), Ricks (2006).34

    QDR 2006, p. 39 : [] all parts of the construct do not apply equally to allcapability portfolios .

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unischarge de cette dernire depuis 2004, semblent devoir se consacreressentiellement ses aspects globaux et clandestins. Quant lUSAF,outre sa fonction de rserve globale pour les autres armes, elle estgalement oriente pour lavenir vers la zone Pacifique, comme lindique lavolont affiche daugmenter sensiblement ses moyens de frappe longueporte.

    En dautres termes, et dans le contexte dune guerre explicitementdcrite comme longue, il apparat que chaque serviceest appel de faon

    durable se spcialiser gographiquement35

    . Au vrai, il en a toujours tainsi, EUCOM et PACOM relevant en gnral respectivement de lArmyetde la Navy. En lespce, cependant, la spcialisation risque fort de ne pastre simplement gographique, mais bien fonctionnelle, do son caractreindit, puisque chaque grande zone correspond un certain type de dfi oude priorit : technologies de rupture et comptition entre grandespuissances ici, contre-insurrection et stabilisation l. De la sorte

    risqueraient de se dvelopper des armes diffrentes, la spcialisationgographique mergente entrant en contradiction avec lobjectif de jointness poursuivi par le Pentagone. Comment en effet assurerlinterarmisation, depuis lentranement et la doctrine jusquaux pratiques etaux quipements, ds lors que les armes oprent dans des contextesfondamentalement diffrents ? Davantage que de matriels interoprables,la jointness requiert une culture militaire commune, qui passe par uneapprhension partage des menaces et des rponses il ne suffira pas parexemple daugmenter le nombre de contrleurs ariens parmi lesforces terrestres pour favoriser une orientation interarmes au sein duneAir Forcequi serait largement focalise sur la neutralisation des dfenses

    antiariennes chinoises. Incidemment, un bouleversement comparable au11 septembre, par exemple la fin de la longue guerre , pourrait bienlaisser une ou plusieurs armes dpourvues de mission. Lultra-spcialisation qui pourrait se profiler semble donc porteuse dune re-diffrenciation fonctionnelle allant elle-mme lencontre de la jointness . Au final, le bilan des annes Rumsfeld en matiredinterarmisation apparat fortement contrast.

    35Voir Krepinevich (2006), tout fait explicite sur ce point.

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    Leons et implications

    u gard la diversit des enjeux que rassemble et recouvre le thmede la jointness comme au caractre inachev et contingent des

    volutions constates, il est assez difficile de tirer des conclusionsconcernant le devenir de linterarmes aux Etats-Unis. Sil semble bien quelintgration des capacits oprationnelles soit dsormais largementaccepte et que linnovation empirique, drive de lexprience acquise,

    aille justement dans le sens dune synergie interarmes au plus bas niveaudengagement, le devenir du projet de transformation et donc de lidologiede la jointnessparat nettement moins assur. Pass dune confdrationdarmes rivales une fdration concurrentielle par le biais de la loiGoldwater-Nichols, le systme militaire amricain demeure encorepassablement loign dune unification vritable. En revanche, aussi bienen matire doprations que de doctrines ou dorganisations, plusieursenseignements gnraux se dgagent de lexprience amricaine qui, pourcertains, sont susceptibles dintresser lappareil de dfense franais.

    E

    Un bilan quivoque

    Au niveau de la pratique oprationnelle, tout dabord, et commeloffensive amricaine du printemps 2003 la amplement dmontr, il ne faitgure de doute que lintgration interarmes, et le close-air supportexemplairement, jouent comme un vritable dmultiplicateur de force, dslors que les procdures de coordination ont t dconcentres un niveausuffisamment bas pour assurer la ractivit et la souplesse du dispositif. Auvrai, les potentialits nouvelles offertes par lintgration interarmes lchelon tactique ne font que prolonger une tendance presqueimmmoriale, dj observable avec la rforme de larme romaine parMarius ou le dveloppement du combat interarmes pendant les guerres

    napoloniennes36

    . Alors que les mmes armes tendent squilibrer de

    part et dautre du champ de bataille, artillerie contre artillerie ou infanteriecontre infanterie, elles atteignent leur plein rendement lorsquelles sontopposes dautres armes, artillerie contre infanterie dcouvert parexemple, ce qui suppose soit de bnficier dune supriorit matrielle etnumrique incontestable, soit de matriser mieux et plus vite queladversaire lagencement et le squencement des diffrentes capacitsou spcialits. Parce que les possibilits en matire dintgrationdpendent du degr de cohsion sociale et dorganisation militaire,discipline et systme de commandement, mais aussi et de plus en plus dela technologie, il a parfois t malais didentifier le bon niveau

    36

    Les armes de terre anglo-saxonnes parlent de combat toutes armes , all-arms combat.

    - 25 -

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unisdintgration, interarmes ou interarmes, dans un contexte oprationneldonn, comme lont abondamment dmontr les errements tactiques avantet pendant la Premire Guerre mondiale. Ce nest ainsi que partraumatismes successifs et ttonnements divers que les armesoccidentales sont parvenues mettre au point des dispositifs adapts augigantesque accroissement de la puissance de feu engendr parlindustrialisation, essentiellement en dispersant les troupes et en

    dconcentrant le combat interarmes37

    . On redcouvre aujourdhui la mmeproblmatique transpose lchelle interarmes, mais entrane cette foispar les progrs en matire de dtection et de guidage.

    Si elle sappuie sur des prcdents historiques et des progrstechnologiques indniables, cette volution soulve toutefois presqueautant de problmes quelle nen rsout. Font en particulier question laplace respective des feux de prcision distance et de la manuvre, lecaractre plus ou moins substituable ou optimal des diffrentes

    plateformes, tir direct contre tir indirect, voilures tournantes et voilures fixes,aviation et artillerie, et donc les rles et les missions des armes de terre et

    de lair38

    . On peut ainsi estimer que le rle premier des forces desurface doit dsormais consister dbusquer ladversaire, en sorte quilsoit contraint de sexposer aux feux de prcision, ou linverse soutenirque les frappes longue porte ne peuvent jouer quun rle secondaire

    face des forces terrestres bien prpares et correctement employes39

    .Quoi quil en soit, le dbat ne devrait plus porter sur la primaut de telle outelle arme mais bien sur les modalits de leur association en amont et delintgration de leurs capacits sur le terrain. Les divisions actuelles entrearmes rsultent la fois de la spcificit du milieu et de la tradition ; la

    technologie tempre la premire au point que lon passe de la coopration lintgration et la seconde devrait paratre accessoire, du moins pourqui sous-estime limportance et la prgnance de la culture de chaqueinstitution militaire. Enfin, il convient de rappeler que ces amliorationsoprationnelles, pour spectaculaires quelles apparaissent, demeurentcantonnes un domaine de validit limit quoique bien balis : la guerreclassique dite de haute intensit . En ce sens, la rvolution promise estdabord de niveau opratif car ses apports, quoique utiles, ne permettentpas dobtenir par exemple des rsultats stratgiques en contexteasymtrique comme lintervention amricaine en Irak en a apport ladmonstration.

    Au niveau cette fois des organisations et des doctrines, le bilan dela jointness apparat beaucoup plus mitig. Promue comme vhicule derforme et de transformation du Pentagone, la dimension interarmessemble stre dabord traduite par une prise de pouvoir subreptice de labureaucratie joint et par des proccupations defficience procdantdune vision trs oriente de lappareil de dfense. A lorigine, c'est--direavant le 11 septembre, il sagit bien, sous couvert dune plus grandeefficacit oprationnelle, de sacrifier les forces existantes, en particulier

    37Voir Lupfer (1981), Travers (1990), Goya (2004).

    38Hubin (2003).

    39

    Pour une dfense solide de ces deux points de vue, voir respectivementLambeth (2000) et Biddle (2003).

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unisterrestres, au profit dinvestissements long terme. En parallle,lmergence tous azimuts de la doctrine interarmes fait courir un risquedappauvrissement conceptuel, puisque les savoirs et les expriencespropres chaque arme doivent tre mis en conformit avec les directivesmanant den-haut , c'est--dire la fois dOSD (Office of the Secretaryof Defense) et des instances interarmes (JFCOM) et ce alors quelessentiel de linnovation provient actuellement den bas , c'est--dire delexprience accumule sur le terrain par les armes. Non seulement parceque trop de doctrine tue la doctrine, mais encore parce que la prolifrationdes documents joint touffe la tradition bien amricaine de laconfrontation dides et de la comptition intellectuelle et budgtaire entreservices, il est craindre que le rsultat ne se rvle dcevant, soit endbouchant sur une doctrine fdre autour du plus petit dnominateurcommun, limage de Joint Vision 2010, soit en rigidifiant en dogme descompromis difficilement obtenus et ne souffrant donc pas la critique, soitenfin en promouvant une doxa impose den haut et donc dcorrle des

    ralits oprationnelles. L encore, et prcisment au moment o lesdifficults rencontres en Irak ont substitu la mode du joint lengouement pour linteragency , il se peut que les Etats-Unis aientatteint un point dinversion, limpratif de jointness tant devenu contre-productif au point dentraver la diffusion de linnovation comme sil taitimpossible de rester mi-chemin entre lintgration cooprative descapacits et lunification complte des armes. Enfin, un autre niveau,celui-l bien plus grave, convergent aujourdhui en une trangecombinatoire la rforme brutalement impose par Donald Rumsfeld, lerenforcement constant des COCOMs et autres commandants locaux,labaissement parallle mais paradoxal du JCS, puis la reprise en main duPentagone par les militaires, dans la foule des dboires rencontrs en Irak

    et de la dmission du Secrtaire la Dfense combinatoire dont il estbien difficile de prvoir les consquences, une exception prs toutefois, laperte de contrle civil.

    Pour une transposition prudente

    Vritable antienne du dbat stratgique amricain, avec donc sapart daspects incantatoires, la jointness recouvre des spcificitsdifficilement transposables ailleurs et ce pour des raisons la foishistoriques et structurelles. Historiquement, les relations entre armesamricaines ont t parmi les plus tumultueuses et ont donc forcmentlaiss des traces et des souvenirs dont les effets perdurent jusqu

    aujourdhui. Par-del ces aspects culturels et subjectifs, les relations entrearmes sont rendues objectivement difficiles par la taille et les ressourcespropres aux quatre services, qui peuvent chacun prtendre lgitimement presque toutes les missions, mais aussi, et contrairement la plupart despays, en raison de labsence de tradition dominante engendre par lagographie dune nation longtemps protge. Lindterminationgopolitique, labondance des moyens et la tradition politique des checksand balances se sont ainsi combines pour produire une culturestratgique bien particulire, faite de comptition interne et de rivalitsentre les armes, encore aggraves depuis 60 ans par la positioninternationale du pays et labondance relative des ressources consacres la dfense. Pour toutes ces raisons, il sest moins agi de combler les trous capacitaires des forces amricaines, mme si cette dernire

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unisproccupation ntait pas absente, que de rduire les redondances et lestransformer en synergies.

    En ce sens, il serait videmment dangereux et probablement

    trompeur de prtendre transposer terme terme les conclusions et lesenseignements dgags partir du cas amricain. Toutefois, et en dpit deces rserves et du caractre surdtermin de la thmatique interarmesaux Etats-Unis, les armes amricaines demeurent le point de rfrencedes appareils de dfense occidentaux. Il faut donc bien sinterroger pourfinir sur les armes franaises, et plus exactement sur les vertus et lesdangers ventuels qui vont de pair avec la monte en puissance delinterarmes au niveau national. Le thme de linterarmisation sest en effetimpos depuis deux ans dans le paysage stratgique franais, avec parexemple le renforcement des pouvoirs du CEMA par le dcret de 2005, letransfert de responsabilits des tats-majors darmes vers ltat-majorinterarmes et la cration du CICDE (Centre interarmes de concepts, de

    doctrines et d'exprimentations). Outre que cette rforme entrane auxyeux de certains spcialistes des problmes en matire de relations civilo-militaires40, lexemple amricain devrait inciter une certaine prudencequant aux vertus tous azimuts de linterarmes.

    Pour ce qui est tout dabord de la dimension oprationnelle delinterarmisation, il parat indniable que les armes franaises ont tout gagner une meilleure intgration de leurs capacits respectives. Ilsagirait moins par l de rationaliser les moyens et de rduire lesredondances que de combler les trous capacitaires en partageant bon escient certaines fonctions, voire certains quipements. Dj ralise

    au niveau national, avec par exemple le regroupement du service desessences, et en discussion au niveau europen pour ce qui est dutransport stratgique, la dmarche gagnerait sans doute tre pousseplus loin, en particulier dans le domaine de la coopration air-sol :laugmentation du nombre de contrleurs ariens qualifis oprationnels et le dveloppement de boucles courtes en termes decommandement et de conduite permettraient ainsi soit de pallier le manquedappuis-feux organiques, soit dassurer une bonne protection desdispositifs au sol disperss sur dimmenses territoires, soit enfin derenforcer en gnral la puissance de feu disponible en cas dengagementmajeur. En outre, lintgration des capacits des armes parat dautantplus prometteuse en Europe quelle devrait engendrer un gain defficacit

    budget constant.

    Concernant par ailleurs lextension et, pourrait-on dire au vu delexemple amricain, la quasi-prolifration des administrations et desprocessus interarmes, depuis les tats-majors et les bureaux spcialiss jusquaux documents de doctrine, il convient de distinguer entre ce quiressortit la correction lgitime de lacunes diverses et ce qui constitue uneffet de mode porteur de duplications inutiles. Il ne fait gure de doute quecertains aspects de la programmation et de la rflexion, et donc certainescapacits, passent systmatiquement au second plan parce que situs en

    40Gautier (2005).

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    E. de Durand / Linterarmes aux Etats-Unisdehors du cur de mtier des trois armes, et quen consquence letraitement de certaines thmatiques comme lespace ou la contre-prolifration relvent de plein droit du domaine interarmes. En revanche,on ne saurait sans risque ngliger les savoir-faire propres chaque arme,quelles forgent sur le terrain de lexprience et de lentranementquotidiens. Parce que linnovation vritable se construit le plus souvent de bas en haut 41, au sein des forces, et non au-dessus ou ct de celles-ci, il parat hasardeux dasservir un niveau interarmesdominant les politiques dacquisition ou encore lensemble du travaildoctrinal. Le prcdent amricain devrait en effet inciter une certainerserve quant la tentation dun difice doctrinal complet, depuis le niveautactique propre chaque arme jusquaux concepts demploi gnraux,entre autres interarmes : la qualit, la lisibilit et donc lutilit de laproduction doctrinale amricaine sont sans rapport avec son volume.Militairement dangereuse, linterarmisation tous azimuts est en outre malvenue politiquement, tant il est vrai quen France les rationalisations ne

    sont le plus souvent que le faux nez de rductions de crdits opres danslurgence et qui, sans souci de cohrence stratgique et oprationnelle, serduisent de simples expdients budgtaires.

    Plutt que de voir dans linterarmes le juge ordinaire enmatire dquipements, dentranement et de doctrines, ce qui en feraitselon toute probabilit linstrument dune rationalisation forcment oriente la baisse et guide par la logique bureaucratique du partage quilibr ,il est prfrable que linterarmes agisse dune part comme un mcanismede promotion des besoins ngligs par les armes, et assume de lautre,mais en tant que de besoin, la fonction darbitre suprme dpartageantles querelles institutionnelles. Dans cette logique, le dveloppement delinterarmes nest pas cens tre efficient, mais efficace : il doit moinsrechercher des conomies que combler des lacunes capacitaires. Pourlheure, la prudence commande ainsi de favoriser lintgrationoprationnelle des capacits interarmes tout en se tenant bonnedistance de lidologie du tout interarmes.

    41Rosen (1991).

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    Si vous tes intress(e) par dautres publications de la collection, veuillezconsulter la section Focus stratgique sur le site Internet de lIfri :

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    Philippe Coquet : Les oprations bases sur les effets. Focusstratgique n 1, Ifri, octobre 2007

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    Pierre Razoux : Aprs lchec - les rorientations de Tsahal depuis ladeuxime guerre du Liban. Focus stratgique n 2, Ifri, septembre 2007

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