HYPNOSE HISTOIRE DE L’HYPNOSE · J’ai pu me familiariser avec la technique employée par...
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HISTOIRE DE L’HYPNOSE / 29
deux appréhensions simultanées distinctes
de la même situation : l’une correspondant
à la suggestion, l’autre à une perception
réelle mais ne pouvant s’exprimer en rai-
son de la mise en place d’une barrière am-
nésique. Lors de ce séjour aux USA, j’ai pu
entrer en relation avec le Pr Martin Orne,
célèbre pour ses travaux concernant ce
qu’il appelait les « demandes implicites de
la situation expérimentale » (« demand cha-
racteristics »). Utilisant des simulateurs,
il mit en évidence que si la plupart des
conduites du sujet hypnotisé pouvaient être
mises en scène par des simulateurs, cer-
taines autres leur échappaient. C’était tout
28 / HYPNOSE & THÉRAP IES BRÈVES
Lorsque j’ai commencé à m’intéresser
à ce sujet, l’hypnose, il n’y avait que très
peu de thérapeutes faisant appel à cette
pratique. Le plus célèbre était le Dr Léon
Chertok, psychiatre dirigeant le service de
médecine psychosomatique de l’Elan
Retrouvé, auteur du livre L’Hypnose, un
des rares livres, alors récent, parlant de
ce sujet. En fait, le mot n’évoquait que le
music-hall et en général les parasciences
pour la plupart des gens. Ceci dit, cela ne
me surprenait pas beaucoup compte tenu
de la quasi-absence de références sérieuses
sur ce sujet. Au niveau de mes collègues
psychologues, l’idée qui prévalait était que
l’hypnose était une technique dépassée
abandonnée par Freud. J’ai pris connais-
sance des travaux américains grâce au
Dr Chertok qui voulait que dans le cadre
du Laboratoire d’hypnose, dont il m’avait
confié le poste de chercheur, nous nous
alignions sur les travaux des principaux
chercheurs américains.
LE RÔLE CONSIDÉRABLE DES ÉCHELLES DE STANFORD
J’ai pu me familiariser avec la technique
employée par Hilgard dans son laboratoire
à l’Université de Stanford en Californie. A
ce propos, notons que sa célébrité au niveau
de l’hypnose est aussi largement fondée sur
les échelles de Stanford, référence « objec-
tive » pour la mesure de la profondeur de
l’hypnose. Ces échelles, qu’il a su créer avec
André Weitzenhoffer, ont joué un rôle
considérable dans le développement d’une
approche scientifique de l’hypnose. Ces ou-
tils, comme vous le savez, sont toujours de-
mandés par les referees des revues scien-
tifiques afin d’avoir une détermination
objective de l’état des patients dans les ex-
périences impliquant l’hypnose. Quant à la
notion d’observateur caché, très contro-
versée, elle s’insère dans une théorie glo-
bale de la dissociation psychique entraînant
HISTOIRE DE L’HYPNOSE
Propos recueillis par Gérard FITOUSSI
AVEC DIDIER MICHAUX
Didier Michaux, psychologue
et hypnothérapeute,
fondateur de l’IFH, nous
raconte l’histoire de l’hypnose
à travers son itinéraire
personnel et trace quelques
perspectives pour l’avenir.
DIDIER MICHAUX
Docteur en psychologie. En 1972, il étudie,
avec le Pr Ernest Hilgard, puis avec Martin Orne
et Theodore Barber. Sa thèse de doctorat, en 1982,
est intitulée « Aspects expérimentaux et cliniques
de l’hypnose ». De 1975 à 1989, il collabore avec
Léon Chertok et intègre le CNRS de 1983 à 1989.
En 1991, il crée l’Institut Français d’Hypnose
(IFH). Professeur associé de psychologie clinique
à Paris X, il enseigne de 1991 à 1998. En 2003,
il réédite deux textes fondateurs du marquis de
Puységur. Directeur scientifique (1999-2004), du
GEAMH (Groupement pour l’étude des appli-
cations médicales de l’hypnose), puis président.
Il est président d’honneur de l’Institut Français
d’Hypnose.
... les suggestionspeuvent être
induites par des approches
différentes...
particulièrement le cas pour ce qu’il appe-
lait la « trance logic », c’est-à-dire pour la
possibilité de tolérer un manque de logique.
Ainsi le sujet véritablement hypnotisé
pouvait, en réponse à la suggestion, voir en
même temps une même personne devant
lui (suggestion) et à côté de lui (réalité). Les
simulateurs ne pouvaient adopter cet illo-
gisme. Cette démonstration par le biais
des comparaisons entre sujets simulateurs
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dans une sorte de cocon nous faisant ou-
blier l’hostilité générale à propos de ce
thème. Et je pense que cela, ainsi que ma
position de chercheur, m’a beaucoup aidé
à aller de l’avant.
RENCONTRE ET COLLABORATION AVEC LE DOCTEUR CHERTOK
C’est au détour de l’Afrique que j’ai
rencontré le Dr Chertok. Après avoir effec-
tué une mission comme enseignant dans
le cadre de la coopération au Sénégal, en
Casamance, pendant laquelle j’avais réa-
lisé plusieurs enquêtes concernant les ef-
fets thérapeutiques de différentes tech-
niques de soin traditionnelles – guérisseurs
coraniques, guérison par le Ndöp, appel
à la sorcellerie –, j’ai proposé à mon retour
observer que le mot hypnose était lui-
même problématique, source de contro-
verses sur son existence ou inexistence.
Cette observation me donna envie d’en sa-
voir plus sur ce sujet, d’où mon premier
contact avec Léon Chertok. Le hasard fai-
sait qu’il était alors à la recherche d’un psy-
chologue pouvant travailler dans le cadre
d’un laboratoire en création. Il en avait ren-
contré plusieurs mais son choix se porta
sur moi, peut-être en raison du chemine-
ment qui m’avait amené vers lui.
Nous avons travaillé pendant plus de
dix ans ensemble sur les principaux thèmes
suivants :
- traduction, validation, adaptation des
échelles de Stanford, mise au point d’une
échelle dite de « Paris » finalisée avec
le Pr Jean-Michel Petot ;
- étude phénoménologique de l’hypnose,
mise en évidence d’une indépendance re-
lative mais réelle entre hypnose (état de
conscience) et suggestion ;
- étude relative à l’analgésie hypnotique en
prenant appui sur la douleur ischémique ;
objectivation des relations entre l’attitude
par rapport au type de stimulation dou-
loureuse et l’efficacité de l’analgésie.
Et en collaboration avec des labora-
toires de physiologie :
- étude de l’efficacité des suggestions ther-
miques sur la température centrale du sujet,
avec le Pr J. Durand et le Dr J. Raynaud ;
- étude des effets de la suggestion hypno-
tique sur le réflexe nociceptif de flexion,
avec le Pr Jean-Claude Willer.
et sujets réellement hypnotisés fut à l’ori-
gine de nombreuses expériences destinées
à en vérifier le bien-fondé.
Parmi les contestataires, citons Theo-
dore Barber, psychiatre à Boston, qui se
présentait comme principal détracteur
des travaux de Hilgard et de Orne. Les ex-
périences de Barber mettent en évidence
l’importance de différentes variables sur
les réponses du sujet. Il s’agit principale-
ment des attentes, des attitudes, des mo-
tivations... Barber pensait que l’idée d’une
modification de l’état de conscience pen-
dant la situation dite « hypnotique » n’était
qu’une illusion. Les conflits entre Barber,
Hilgard et Orne, à propos de la notion d’état
de conscience, étaient souvent spectacu-
laires. Ces différents points de vue m’ont
particulièrement été utiles car ils permet-
tent de voir à quel point les suggestions peu-
vent être induites par des approches très
différentes, et à quel point il fallait pou-
voir différencier les réponses selon leur ni-
veau de volontarité.
UNE MEILLEURE RECONNAISSANCE DE L’HYPNOSE OUTRE-ATLANTIQUE
Contrairement à ce que j’évoquais pré-
cédemment pour la France, aux Etats-Unis
l’hypnose avait une véritable reconnais-
sance en raison particulièrement de son uti-
lisation thérapeutique dans les névroses
de guerre. Elle était largement pratiquée
par les psychologues et différents métiers
médicaux. Une formation brève était don-
née dans le cycle des études médicales. Au
niveau thérapeutique, des techniques sug-
gestives classiques ainsi qu’un courant
d’hypnoanalyse développé par Lewis Wol-
berg (1964) étaient les pratiques les plus
courantes. Parmi les autres « foyers » où
l’hypnose était étudiée, citons au niveau
recherche le Pr Jean Lassner, anesthésiste
qui s’intéressait activement à l’hypnose et
intervenait concrètement comme rédacteur
des résumés en français de la revue Inter-
national Journal of Clinical and Experimen-
tal Hypnosis. On peut citer aussi Raymond
30 / HYPNOSE & THÉRAP IES BRÈVES
... l’hypnose unetechnique pouvantintervenir dans
différentes approchesthérapeutiques... ... mon premier
contact avec Léon Chertok...
de Saussure qui a rédigé avec Chertok un
livre consacré à Mesmer (Naissance du psy-
chanalyste : de Mesmer à Freud), et aussi
Franklin Rauski qui travaillait sur un
thème voisin : Mesmer ou la révolution thé-
rapeutique. Je dois dire que le Dr Chertok
savait solliciter et obtenir la participa-
tion de divers thérapeutes et de diverses
personnalités scientifiques. Une réunion
par semaine permettait ces rencontres
fructueuses avec des personnalités intéres-
sées ou même hostiles. De ce fait, et du fait
de ces contacts avec les chercheurs amé-
ricains, nous, l’équipe du laboratoire, étions
un article à la revue Psychopathologie
africaine portant sur la démarche thérapeu-
tique du Ndöp. Je proposais d’expliquer
ce rituel comme un moyen de mise en
hypnose permettant une modification des
représentations et de l’attitude du sujet par-
ticulièrement dans son rapport à l’esprit
possesseur et au groupe. Rencontrant Andras
Zempleni, un des principaux chercheurs
français participant à cette revue, il me fit
Outre le Dr Chertok, et à partir du mo-
ment où j’ai commencé à mettre en place
des formations, j’ai progressivement été
amené à intégrer de nouvelles approches
venant de différents courants. Evidem-
ment les approches développées par
Milton Erickson et ses disciples ont joué
un rôle déterminant. Je citerai tout par-
ticulièrement Hypnotic Realities qui, à
travers les réflexions de Milton Erickson
et de Ernest et Sheila Rossi, permet
d’appréhender de toutes nouvelles
manières de pratiquer la suggestion et
l’hypnose. D’autres courants comme
l’hypnoanalyse développée par Wolberg,
les approches cognitives, l’onirisme ou
encore les approches stratégiques, m’ont
permis de concevoir l’hypnose comme
une technique pouvant intervenir dans
différentes approches thérapeutiques
et ainsi mieux s’adapter au patient et à
ses difficultés.
LES ANNÉES CNRS FACE AUX RÉSISTANCES...
Après avoir été intégré comme chercheur
au CNRS en 1983, j’y ai travaillé jusqu’en
1989. J’ai pu constater dans ce cadre un
manque total d’ouverture à mon sujet de
recherches, avec bien sûr tous les préju-
gés déjà évoqués et pour certains la tenta-
tion d’approches « naïves » ne pouvant en
rien répondre aux problèmes posés par
l’hypnose. Pour n’en donner qu’un exem-
ple : l’un de mes responsables souhaitait
pour mesurer l’hypnose que j’installe un
poids au bout d’une ficelle elle-même at-
tachée aux épaules d’une personne rece-
vant des suggestions de chute en arrière ;
à son avis, la quantité de mouvements four-
nirait une mesure objective de la sugges-
tibilité de cette personne. Bien sûr ceux qui
sont familiers avec l’hypnose savent qu’un
tel mouvement qui se répète et dure dans
le temps est plus une mesure de résistancequ’une mesure de profondeur de l’hypnose.
Face à cette situation, et compte tenu des
attitudes pleines d’a priori négatifs de
mes collègues chercheurs, j’ai décidé de
quitter mon poste au CNRS pour créer
une structure me permettant de dévelop-
per librement mes activités de recherche
et d’enseignement. Au début avec Léon
Chertok dans le cadre du GEAMH, puis in-
dépendamment de celui-ci dans le cadre
de l’IFH.
LES RECHERCHES À L’INSTITUT PAUL SIVADON
J’ai été amené à travailler aussi à l’Ins-
titut Paul Sivadon. Initialement, le Labo-
ratoire d’hypnose se trouvait rue du
Rocher, dans une antenne de l’Institut
psychiatrique La Rochefoucauld - Insti-
tut Paul Sivadon. Le Dr Chertok avait été
nommé médecin chef de cette antenne et
avait obtenu l’aide de l’Institut en ce qui
concerne l’accueil d’un laboratoire de re-
cherche portant sur l’hypnose dans une
partie de ces locaux. Les salaires étaient
liés à des contrats de recherche. Les années
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Cambrure. © Adélaïde Motte
HISTOIRE DE L’HYPNOSE / 35
DES « GUÉRISSEURS » DE L’ENFANCE À LA DIMENSION PSYCHOSOMATIQUE DE L’HYPNOSE
Pour revenir à mon parcours personnel,
pendant mon enfance et mon adolescence
passées dans une petite ville de Norman-
die, j’ai vécu dans un environnement dans
lequel on entendait parler de différents
types de personnages auxquels les gens fai-
saient appel en cas de brûlures (barreurs
de feu), d’entorses, etc. Parmi ces « gué-
risseurs » certains en avaient fait un mé-
tier, d’autres exerçaient bénévolement et
se présentaient avec une spécialité très pré-
cise. Dans certains cas je connaissais les
personnes, ayant eu recours à leurs ser-
vices, et je ne pouvais m’empêcher de
penser qu’il y avait là la preuve que le corps
réagissait à ces situations curieuses pour
peu qu’on lui fournisse un protocole sup-
posé actif et un contexte explicatif : la foi
en Dieu et ses miracles, le magnétisme et
ses effets sur le corps, la sorcellerie, etc.
Ce sont ces premiers contacts avec ces tech-
niques traditionnelles qui m’ont incité à
m’intéresser à la dimension psychosoma-
tique de l’hypnose. L’intérêt de l’hypnose
et de la suggestion étant de nous permet-
tre de ne plus avoir à mettre en place des
rituels thérapeutiques fondés sur des
croyances mystico-religieuses pour obte-
nir ces effets suggérés.
Comme beaucoup de mes collègues, ce
thème m’a accaparé pendant toute ma vie
professionnelle. Dans la thérapie bien
sûr, dans le travail de recherche évoqué
précédemment, puis dans la formation pro-
fessionnelle continue. Ce dernier aspect,
qui a pris une place de plus en plus im-
portante dans ma vie depuis plus de trente
ans, m’a permis de rencontrer des gens pas-
sionnés par le sujet mais aussi par son uti-
lisation thérapeutique dans le domaine de
la psychothérapie, dans le traitement des
douleurs et de divers troubles somatiques.
Cela m’a permis aussi de voir à quel point
passèrent et progressivement la dimension
recherche céda le pas à la clinique puis à
la formation. Les formations initialement
centrées sur l’hypnothérapie prirent
comme credo l’idée d’une approche ou-
verte ne se référant à aucun courant ex-
clusif mais axée sur une approche multi-
factorielle, intégrative, comme évoqué
précédemment. En réponse au développe-
ment de l’activité de formation, une unité
d’hypnothérapie fut mise en place à l’Ins-
titut Paul Sivadon sous la responsabilité
du Dr Edouard Collot. Des réunions heb-
domadaires ainsi que divers séminaires en-
cadraient l’activité de cette équipe de
cinq à huit personnes échangeant sur leur
pratique clinique. L’appellation de l’Ins-
titut pourrait faire croire que nous rece-
vions des patients psychotiques, cela s’est
produit à quelques reprises à la demande
des patients et de leurs thérapeutes psy-
chiatres, mais les personnes que nous
rencontrions étaient essentiellement des
patients névrotiques.
LA FAUSSE IMAGE DE L’HYPNOSE AUPRÈS DU PUBLIC
Le plus difficile pendant ces années était
cette obstination du public à ne considé-
rer que les aspects spectaculaires de
l’hypnose et à vouloir considérer cet état
comme parapsychologique ou comme
une résurgence des transes mystico-reli-
gieuses, alors même que tout l’intérêt de
l’hypnose est de permettre une approche
alternative psychologique et physiolo-
gique de ces mêmes phénomènes. Par
exemple, suite à une interview avec un
journaliste semblant comprendre ce que
peut être une utilisation psychothéra-
peutique de l’hypnose, nous avions eu la
surprise de trouver son article précédé
d’une image effrayante d’une personne im-
mobilisée assise et effondrée avec deux
chaînes partant de ses pieds et aboutis-
sant aux yeux de l’hypnotiseur. Ques-
tionné, le journaliste nous dit alors qu’il
n’avait pas décidé du choix iconogra-
34 / HYPNOSE & THÉRAP IES BRÈVES
... l’image de l’hypnose...
... la pratique deMesmer n’a pas
grand-chose à voiravec l’hypnose aujourd’hui...
phique. Ainsi l’image bien plus puissante
qu’un texte écrit continuait à véhiculer
une image qui contredisait ce même texte.
Autre exemple, je rencontrais parfois un
collègue psychologue dans le train, je
lui expliquais en détail en quoi consistait
l’hypnose, lui-même chercheur me disait
comprendre en quoi l’étude de ce phéno-
mène pourrait présenter un intérêt majeur
pour la compréhension du fonctionnement
psychologique humain. Mais la fois sui-
vante, il m’a dit, signe d’un oubli complet
des éléments échangés précédemment :
« Didier, j’ai pensé à toi, il y avait à la té-
lévision une émission sur la parapsycho-
logie. » Les informations conceptuelles
glissaient sans les modifier sur la repré-
sentation sociale de l’hypnose. J’ai d’ail-
leurs à plusieurs reprises évoqué ce pro-
blème dans mes publications.
l’hypnose est une pratique enseignable et
susceptible d’être utilisée utilement par
la plupart des thérapeutes, dans la mesure,
bien sûr, où ils l’intègrent à leur approche
professionnelle initiale.
AUX ORIGINES DE L’HYPNOSE, AVEC MESMER ET PUYSÉGUR
Je me suis posé la question des origines
de l’hypnose. D’où vient cette pratique et
que pouvons-nous déduire de cette connais-
sance ? En ce qui concerne Mesmer, plu-
sieurs ouvrages ont été écrits à ce propos.
Ceci dit la pratique de Mesmer, si elle est
HISTOIRE DE L’HYPNOSE / 37
car en hypnose les recherches sont longues
et complexes. Mais à supposer qu’un tel
travail me soit possible, j’aimerais mettre
au point une mesure de l’hypnose non fon-
dée sur la suggestibilité, j’aimerais aussi
contribuer à mieux faire comprendre la na-
ture complexe de l’hypnose. De plus, en
cette époque où l’on insiste sur la néces-
sité de lutter contre la douleur et en même
temps sur celle de limiter l’utilisation des
produits chimiques, l’hypnose, en raison
de ses effets analgésiques largement démon-
trés, se présente comme un outil précieux.
J’aimerais aider au dépassement de certains
a priori contre-productifs. Tels ceux de cer-
tains organismes financeurs qui décident
de l’attribution des fonds de formation pro-
fessionnelle et qui, aujourd’hui, refusent
de soutenir l’acquisition de cette pratique
par les personnels paramédicaux en pré-
tendant que cette pratique relèverait d’un
exercice illégal de la médecine. Surprenante
allégation fondée sur quelques jugements
liés non aux outils utilisés par les rares per-
sonnes ayant été condamnées pour ce motif,
mais à leur refus du traitement médical de
leurs patients. Remarquons au passage que
la situation aurait été la même s’ils avaient
présentée comme l’origine de l’introduc-
tion de pratiques de transe dans le do-
maine médical, n’a pas grand-chose à voir
avec l’hypnose telle que nous l’entendons
et la pratiquons aujourd’hui. En revanche,
Puységur met en place une pratique diffé-
rente qu’il appelle le somnambulisme ou
« sommeil lucide ». Le choix de ce mot s’ex-
plique par analogie au somnambulisme
naturel survenant pendant le sommeil et
qui se traduit par l’apparition de compor-
tements vigiles pendant que la personne
Les éléments évoqués par Puységur à
propos de ses somnambules ne sont d’ail-
leurs pas sans préfigurer certaines concep-
tions ericksoniennes, particulièrement
tout ce qui concerne la richesse de l’incons-
cient (appelé « Nature » par Puységur ?)
et la façon dont on peut faire appel à cette
richesse à des fins thérapeutiques. En ce
qui concerne la question des origines, et
ce en quoi ces origines ont pu influer sur
la forme et le contenu de ces pratiques,
nous avons cru pouvoir constater les
liens étroits entre le somnambulisme et
divers aspects des conduites convulsion-
naires antérieures (convulsionnaires des
Cévennes, de Saint-Médard).
Il me semble que les ouvrages que
j’ai coordonnés autour de la dissociation,
ou de la transe, étaient des prolégo-
mènes à une réflexion de fond sur les dif-
férents aspects de l’hypnose. Il serait pas-
sionnant d’organiser à nouveau une ré-
flexion et des recherches approfondies
sur ces thèmes, englobant des modèles
cliniques, des recherches psychologiques
et neurophysiologiques, et réaliser ainsi
différents approfondissements sur l’anal-
gésie hypnotique, les techniques de dis-
sociation, la pragmatique de la commu-
nication, etc.
L’HYPNOSE ET LA FORMATION COMMEOUTILS PRÉCIEUX POUR L’AVENIR
Pour le futur, compte tenu de mon âge,
il m’est difficile d’envisager de nouveaux
projets sur lesquels je pourrais m’investir,
36 / HYPNOSE & THÉRAP IES BRÈVES
... les différents aspects
de l’hypnose...
dort. Puységur choisit cette appellation en
mettant l’accent sur l’état de veille dans le-
quel cette séquence apparaît. Un peu
comme lorsqu’aujourd’hui nous parlons
parfois de « veille paradoxale » pour par-
ler de l’hypnose. Contrairement à Mesmer,
il ne fait de la « crise » qu’une manifesta-
tion plutôt pathologique, comme il le dit
dans ses Mémoires. En fait, Puységur met
en place une relation très particulière axée
sur un partage de connaissances entre lui
et certains de ces sujets : les « somnam-
bules ». Ces sujets sont perçus par le mar-
quis comme accédant à une connaissance
thérapeutique, supérieure, venant d’un
accès facilité à des connaissances pré-
sentes chez le sujet et liées à la Nature.
H Y P N O S E& T H É R A P I E S B R È V E S
La revue diffuse chaque trimestre la richesse et la variété du travail issu de l'hypnose. Aux quatre numéros par an s'ajoute un hors-sérieannuel à thème unique. Principalementdestinée aux professionnels de la santé et de la relation d'aide, la revue s'adresse à tous ceux qui souhaitent bénéficier de nouveaux outils pratiques et "changer de point de vue" dans les domaines de la médecine et de la psychologie.
EDITIONS MÉTAWALK45, avenue Franklin-Roosevelt77210 Avon +33 (0)1 60 96 47 78 * [email protected]
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38 / HYPNOSE & THÉRAP IES BRÈVES
prescrit de l’eau et non de l’hypnose à la
place du traitement médical. Mais de toute
façon, qui a décrété que l’hypnose était un
acte médical ? Est-ce que Mesmer réunis-
sant des patients autour d’un baquet faisait
vraiment œuvre de médecin ? Est-ce que
Puységur, vrai père fondateur, noble et of-
ficier, était médecin ? Non, bien sûr, de même
pour l’abbé Faria. Il faudra attendre plus de
soixante ans pour trouver un vrai médecin
en la personne de James Braid. L’assimila-
tion de l’hypnose à un acte médical sem-
ble dater de la fin du XIXe siècle mais sans
que véritablement cette assimilation soit jus-
tifiée. En tant que responsable d’un insti-
tut de formation, il me semble que la solu-
tion n’est pas de permettre ou d’interdire
d’une façon brutale la pratique de l’hypnose
à tel ou tel corps de métier. Mais d’orien-
ter les formations à cette pratique dans le
sens d’un complément des qualifications
des thérapeutes dans leur domaine : méde-
cins, psychologues et paramédicaux…
Ainsi les patients sont et seront à l’abri d’un
usage maladroit de cette pratique.
Je pense et j’espère que les études en
neurosciences permettront de donner les
réponses demandées par les chercheurs
désireux de disposer d’outils permettant
de différencier les sujets en fonction de
leur hypnotisabilité en cours de séance.
Une telle mesure, obtenue en situation, per-
mettrait ensuite un examen beaucoup
plus pertinent des différents aspects des
caractéristique et comportement du sujet
hypnotisable. En espérant qu’un certain
nombre des observations faites à l’aide de
ces nouveaux outils connaissent le sort des
études sur les ondes alpha, qui après une
série de résultats faisant apparaître que le
lien observé lors de la première séance
d’hypnose entre ces ondes et l’hypnotisa-
bilité, s’était finalement révélé essentiel-
lement dû à une variable parasite : le ni-
veau d’anxiété lié à la situation. Les liens
disparaissant si les mesures étaient prises
lors de sessions ultérieures (J.L. Evans).
Lorsque dans les années 1970 j’ai décidé
d’accepter le poste de chercheur que me
proposait le Dr Chertok, je ne m’imaginais
pas les difficultés que pouvait recéler ce
domaine de recherches. Les années ont
passé, démontrant chaque jour un peu
plus l’intérêt de l’hypnose tant pour mo-
difier la perception des stimulations no-
ciceptives, que pour apporter un complé-
ment dynamique dans les approches psy-
chothérapeutiques. Ce changement était un
des objectifs de mon travail de formateur,
il l’était aussi pour l’ensemble de mes col-
lègues formateurs. Loin de constituer une
mode, ce qui impliquerait un surgissement
rapide, il s’agit d’une progression réelle et
durable en raison de la richesse de ses ap-
ports communicationnels et de la variété
de ses approches thérapeutiques.
Rire. © Adélaïde Motte