hors d'oeuvre

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Hors-d’œuvre

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collection d'exergues

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Hors-d’œuvre

Amer [amεR] n.m.

1. Liqueur apéritive obtenue par infusion d’herbes ou d’écorces amères (ex: gentiane)2. Marque fixe et visible servant de point de repère dans le paysage

Le Petit Robert

« La réalité serait-elle, dans son essence, obsessionnelle? Etant donné que nous construisons nos mondes en associant des phénomènes, je ne serais pas surpris qu’au tout début des temps il y ait eu une association gratuite et répétée fixant une direction dans le chaos et instaurant un ordre »

Witold Gombrowicz, Cosmos

« L’idée de Bartlebooth était d’aller peindre cinq cents marines dans cinq cents ports différents. [...] Imaginons un homme dont la fortune n’aurait d’égale que l’indifférence à ce que la fortune permet généralement, et dont le désir serait, beaucoup plus orgueilleusement, de saisir, de décrire, d’épuiser, non la totalité du monde - projet que son seul énoncé suffit à ruiner - mais un fragment constitué de celui-ci: face à l’inextricable incohérence du monde, il s’agira d’accomplir jusqu’au bout un programme, restreint sans doute, mais entier, intact, irreductible »

Georges Perec, La Vie mode d’emploi

« Cherchant des hygrophoroïdes, trouvé abortivus. Retournant chercher d’autres abortivus, trouvé ostreatus en bon état. Vers le Sud pour voir les oiseaux, repéré des mellea. Chercher c’est partir de zéro, pas seulement regarder »

John Cage, Le Livre des champignons

Marque n.f.

1. Signe matériel, empreinte mis(e), fait(e) sur une chose pour la distinguer, la reconnaître, ou pour servir de repère2. Nom servant à distinguer les produits d’un fabricant

Le Petit Robert

« Dans la qualité singulière de cette minute depuis longtemps révolue, niche aujourd’hui encore l’avenir, d’une manière si éloquente que nous pouvons le découvrir rétrospectivement »

Walter Benjamin, Petite histoire de la photographie

« La vie est unique, mais les paroles d’avant la mémoire font ce qu’on en dit »

Jacques Roubaud, Autobiographie, chapitre X

« Il serait difficile même pour un saint de rêver d’avant sa naissance »

Kamo no Chomei, Notes de ma cabane de moine

« Ce mur n’était qu’une tranche de vie antérieure »

Jean Echenoz, L’Occupation des sols

« Pourquoi avoir refait La Rosière de Pessac en 1979? Parce qu’en 1968 quand j’ai tourné le film, j’ai regretté qu’il n’existe pas le même film tourné en 1896, l’année où cette tradition qui remonte au moyen-âge a été ranimée et instituée et qui correspond à peu près à l’invention du cinéma. J’ai rêvé à ce qu’auraient pu faire les frères Lumière, en muet, sur cet évènement. J’ai rêvé qu’un autre opérateur aurait filmé la cérémonie de la Rosière pendant la guerre de 14-18. On aurait vu les poilus, le village, et les gens tels qu’ils étaient à l’époque. J’imaginais le même film en 1936, au moment du front populaire, quand le maire de Pessac était communiste, je crois, ou en tout cas socialiste. Et puis il y aurait eu la Rosière sous l’occupation avec les Allemands regardant passer le défilé. En 1968, ce n’est qu’une fois le film fini que j’ai pensé à cela. Quel extraordinaire témoignage sur le temps offriraient tous ces films. Et je me suis dit, en matière de boutade, que j’aimerais bien refaire le même film tous les ans, comme un fonctionnaire qui fait son travail. Une façon de dire aux gens: si vous avez envie de savoir comment ça se passait avant, restez, vous allez voir. Et ce qu’ils vont voir, c’est l’évolution de la France. Mais c’est aussi l’évolution du cinéma »

Jean Eustache, « Entretien avec Alain Philippon »,

in Jean Eustache

Motif n.m.

1. Mobile psychologique, raison d’agir2. Ornement isolé ou répété servant de thème décoratif

Le Petit Robert

« Le 22 décembre 1922, la Société en commandite F. Moureaux et H. Porte devient la Société Anonyme de la Distillerie de la Suze, basée à Maisons-Alfort, près de Paris. [...] Plusieurs milliers de fresques publicitaires à l’effigie de Suze vont fleurir sur l’ensemble du territoire français durant l’entre-deux guerres. Fernand Moureaux, à la tête de la distillerie de la Suze, a donné l’ordre, en 1922, de placer un panneau pour la marque dans chaque village de France »

Jean-Louis Clade et Charles Jollès, La Gentiane, l’aventure de la fée jaune

« Une fois le lancement de la marque réalisé, le produit étant mis en vente à peu près partout et, à défaut d’une affiche atteignant le plus haut degré de perfection, étant comme une synthèse absolue de la marque et réunissant dans une parfaite harmonie, les qualités de pénétration de l’image et du mot, l’affiche de lettres, simple, claire, incisive, pourra parfaitement suffire. Il ne s’agit plus alors de faire entrer dans la mémoire des gens le nom du produit, mais simplement de le leur rappeler inlassablement, de tenir la masse des consommateurs sous l’impression continuelle de la marque, ne serait-ce que pour éviter qu’une autre vienne prendre sa place dans l’esprit du public »

Traité pratique de publicité, mécanismes et moyens, 1922

« La publicité est une technique d’impregnation. Au sens physique, il s’agit d’une pénétration. [...] Il n’y a pas de différence entre les buts de la propagande et ceux de la publicité. Les moyens de pression, également, sont semblables. L’intention est de convertir, de modifier un jugement, de susciter une perception nouvelle. Les techniques employées sont comparables: les “supports” les plus variables, de l’imprimé à l’image télévisée, une nécessité de répétition usant du slogan afin de créer un état obsessionnel où l’individu se laisse investir »

Philippe Schuwer, Histoire de la publicité

« [Les publicités murales] ont perdu leur agressivité, leur efficience, leur portée commerciale. Elles sont devenues autre chose. Les vieilles publicités murales n’ont plus de message »

Deidi Von Schaewen, Murs

« toute peinture qui se respecte est double, (porter vers) le visible et (dévoiler) ce qui lui a permis de devenir visible. en venant à brest j’ai appris qu’une partie de la ville était reconstruite directement sur les ruines de la guerre, la reconstruction devenant une sorte de phénomène d’une sédimentation naturelle. la ville actuelle serait ainsi plus élevée que la précédente d’environ une quinzaine de mètres. si je regarde la toile de cézanne de l’art institute de chicago, le golfe de marseille vu depuis l’estaque, 1886-1890, j’ai l’impression qu’elle recouvre le paysage avec saint jean de patmos de poussin, 1640. que recouvre la baie de l’estaque, début été 1908, de braque, sinon celle de cézanne. non qu’il existe une trajectoire linéaire ou que l’un ou l’autre représenterait un progrès, mais les œuvres se croisent et se superposent. je n’ai pas l’impression d’effacer le carré noir mais j’ai la certitude d’avoir à donner ma façon d’envisager cette question de la limite de la peinture, après malévitch ou rodchenko qu’en l’occurrence je n’oppose pas. souvent ce sentiment, en tout cas pour le cubisme par rapport à cezanne de devoir repartir de plus loin dans le temps, de reprendre mes marques pour trouver mon pied d’appel »

claude rutault, la peinture fait des vagues

« Personnification de la mémoire, Mnémosyne s’unit à Zeus pendant neuf nuits de suite et de cette relation naquirent les neuf Muses »

Le Petit Robert des noms propres

« un préambule linguistique (le titre de l’œuvre) empreint d’une connotation visuelle qui impose le contenu et les paramètres du projet. [...] c’est la trouvaille d’un titre ou d’une idée qui en a déclenché la mise en œuvre. [...] Parfois ce sont les choses les plus laides qui détiennent le plus gros potentiel. J’ai vraiment adoré prendre ces photos le temps d’un après-midi. Je trouve excitant de répondre à un “self-assignment” (auto-assignation) et de partir à la recherche de sujets. J’ai roulé en voiture jusqu’à des petites villes comme Santa-Anna, Downey, des endroits comme ça. J’étais à la fois exalté et dégouté par tout ça »

Ed Ruscha, cité in Ed Ruscha Photographe

« Une des critiques anciennes de l’Art de mémoire insistait sur son caractère artificiel, l’opposant strictement, comme Montaigne par exemple, à la mémoire naturelle, dans son fonctionnement libre, et qui ne saurait être soumise à la dictature d’une règle, d’une stratégie, et d’une volonté. Il semble cependant que la méthode s’appuyait sur certains aspects du phénomène mémoriel qui se retrouvent bel et bien dans la mémoire naturelle. On n’a pas manqué de remarquer, par exemple, que le recours des mnémonistes de la Renaissance aux jeux de mots, et la place qu’ils leur donnaient dans la mise en œuvre de leur art, ressemblaient étrangement à des phénomènes décrits par Freud plus tard »

Jacques Roubaud, Quel avenir pour la mémoire?

© Benoit Galibert, 2009