Hepato gastro polycopié

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Faculté de Médecine René Descartes – Paris 5

DCEM – POLE 2

Coordination : R JIAN

Version 1.0 – 15 Janvier 2005

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Avant-propos

Le présent thésaurus d'hépato-gastroentérologie de la Faculté de médecine René

Descartes - Paris V rassemble la totalité des objectifs pédagogiques définis par le programme

officiel du 2ème cycle des études médicales visant à privilégier l'acquisition de compétences

cliniques et thérapeutiques permettant aux étudiants d'exercer des fonctions hospitalières du

3ème cycle et d'acquérir les compétences professionnelles de la filière dans laquelle ils

s'engageront.

Il s'inscrit dans des nouvelles modalités d'enseignement visant à favoriser le

développement de l'auto-apprentissage et du raisonnement médical. Les données théoriques

rassemblées ici ne peuvent donc être assimilées isolément mais dans le cadre de la totalité de

l'enseignement délivré au cours du 2ème cycle médical, à savoir les stages hospitaliers et les

enseignements dirigés.

Il s'agit de la première édition de ce programme qui a été réalisée dans l'urgence

relative et comportera d'inévitables imperfections qui seront corrigées au cours des rééditions

successives. Il s'agit d'un travail collaboratif qui a engagé l'ensemble des enseignants de la

faculté de médecine Paris V et de ses quatre sites hospitaliers principaux.

Les connaissances théoriques et la compréhension des données médicales s'y

rapportant ne peuvent se limiter à ces textes. L'étudiant est invité à parfaire ses connaissances

au travers d'autres documents qu'il a pour mission de trouver de sa propre initiative.

A côté du présent ouvrage, d'autres documents peuvent être consultés dans ce but :

- les objectifs pédagogiques de l'hépato-gastroentérologie disponibles sur les sites

Internet de la faculté (www.necker.fr) l'université et de la Société Nationale

Française de Gastroentérologie (www.snfge.asso.fr) ;

- le polycopié d'hépatologie (édition novembre 2004) disponible sur le site Internet

de la Faculté (www.necker.fr) ;

- le Traité « hépato-gastro-entérologie » ; Ellipses édition, 2001.

Toute suggestion qui pourrait contribuer à l'amélioration de ce thésaurus sera la

bienvenue.

Bon apprentissage.

Professeur R. JIAN Coordonnateur du pôle 2 de l'enseignement du DCEM

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TABLE DES MATIERES

Reflux gastro-œsophagien et hernie hiatale 3 Dysphagie 3 Tumeurs de l'œsophage 3 Ulcère gastrique et duodénal et gastrite 3 Vomissements 3 Tumeurs de l'estomac 3 Pancréatite chronique 3 Pancréatite aiguë 3 Tumeurs du pancréas 3 Diarrhée aiguë 3 Diarrhée chronique 3 Maladie de crohn et rectocolite hémorragique. 3 Tumeurs du côlon et du rectum 3 Constipation 3 Colopathie fonctionnelle 3 Hémorragie digestive 3 Pathologie hémorroïdaire 3 Syndrome occlusif 3 Hernies pariétales 3 Litiase 175 Appendicite 3 Péritonite aiguë 3 Diverticulose colique et sigmoïdite 3 Hépatites virales aigues 3 Hépatites chroniques 3 Anomalies biologiques hepatiques chez un sujet asymtomatique 3 Cirrhose et complications 3 Hémochromatose 3 Ascite 3 Ictère 3 Alcoolisme et foie 3 Tumeurs du foie, primitives et secondaires 3 Chimiothérapie des cancers digestifs 3

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Reflux gastro-œsophagien et hernie hiatale Stanislas Chaussade

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Cochin

Objectifs (question N° 280 du programme officiel) • Diagnostiquer un reflux gastro-œsophagien et une hernie hiatale. • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

QUESTIONS CLEFS 1-Quelle est la valeur diagnostic des symptômes du RGO 2-Quels sont les signes atypiques du RGO ? 3-Comment interpréter un compte rendu d’endoscopie digestive ? 4-Quels sont les autres causes d’oesophagite ulcérée ? 5-Quels sont les liens entre RGO et Helicobacter pylori (Hp) ? 6-Quel est le lien entre hernie hiatale et RGO ? 7-Quelle est l’histoire naturelle du RGO ? 8-Quelles sont les complications du RGO ? 9-Quelles sont les indications de l’endoscopie digestive, de la manométrie oesophagienne et de la pH-métrie ? 10-Comment évaluer la sévérité d’un RGO et quels sont les objectifs du traitement ? 11- Existe il un traitement non médicamenteux du RGO ? 12-Quand prescrire un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) ? 13-Existe il des différences entre les différents IPP ? 14-Que faire lorsque le patient est soulagé par les IPP ? 15-Quand peut-on arrêter un traitement par les IPP ? 16-Lors d’un traitement par les IPP, que faire si signes fonctionnels persistent ? 17-Quelle est la tolérance au long cours des IPP ? 19-Quelle est la place du traitement chirurgical du RGO ? 20-Y a t’il une place pour le traitement endoscopique du RGO?

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1 RAPPEL ANATOMIQUE L'œsophage est un conduit musculaire long de 25 à 30 cm et large de 2 à 3 cm. Il fait suite au pharynx et s'abouche à l'estomac par le cardia, situé à 40 cm des arcades dentaires. Ainsi l'œsophage traverse 3 régions :

• La région du cou : œsophage cervical commençant à la 3ème vertèbre cervicale, • Le thorax : œsophage thoracique, • La partie haute de l'abdomen : œsophage abdominal ou sous-diaphragmatique.

L'œsophage débute et se termine par des épaississements musculaires, les sphincters : le sphincter supérieur de l'œsophage mesure 3 cm : de type strié, le sphincter inférieur de l'œsophage (SIO) occupe les 4 derniers cm de type lisse. Deux facteurs anatomiques vont concourir à éviter les remontées du contenu gastrique (RGO), il s'agit de :

• l'angle de His, (angle de jonction entre la grande courbure et le cardia) • les piliers musculaires du diaphragme qui forment une sorte de pince autour du SIO.

Œsophage cervical (5 à 6 cm) Œsophage thoracique (20 cm) Œsophage abdominal ( 2 cm)

Pharynx

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2 DEFINITION DU RGO ET DE LA HERNIE HIATALE

2.1 Définition du RGO pathologique Le RGO désigne le passage, à travers le cardia, d’une partie du contenu gastrique dans l’œsophage. Un RGO physiologique existe chez tous les sujets, essentiellement après les repas. Par définition, il ne s'accompagne ni de symptôme, ni de lésion muqueuse oesophagienne. On appelle par convention RGO le reflux pathologique, caractérisé par des symptômes et/ou des lésions désignées sous le terme d’œsophagite ulcérée. Le reflux du contenu gastrique (acide + pepsine) est alors dans la majorité des cas anormalement fréquent et/ou prolongé. Les symptômes peuvent évoluer sans lésions au niveau de la muqueuse oesophagienne; plus rarement, un RGO ayant provoqué une œsophagite ulcérée peut être asymptomatique.

2.2 Définition de la hernie hiatale La hernie hiatale est la protrusion, permanente ou intermittente, d’une partie de l’estomac dans le thorax à travers le hiatus œsophagien du diaphragme On distingue la hernie hiatale par glissement (plus de 85 % des cas) dans laquelle le cardia est intra-thoracique et la hernie hiatale par roulement dans laquelle la grosse tubérosité forme une poche intra-thoracique, para-oesophagienne alors que le cardia reste intra-abdominal (figure 1). Figure 1

Les deux types de hernie

hiatale :

a) par glissement;

b) par roulement.

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3 PHYSIOPATHOLOGIE et EPIDEMIOLOGIE-

3.1 Physiopathologie (figure 2) Figure 2

Physiopathologie du reflux

gastro-oesophagien :

Différents facteurs qui

peuvent être impliqués à la

fois dans la survenue et la

durée des épisodes de reflux.

La physiopathologie du RGO est multifactorielle mais fait intervenir principalement une défaillance du SIO aboutissant à une baisse de pression transitoire ou permanente de ce sphincter. Les mécanismes du RGO sont indiqués sur la figure 3. Les épisodes de RGO s’observent surtout lors des relaxations transitoires du SIO qui sont des relaxations spontanées, survenant en dehors de toute déglutition. Les formes les plus sévères du RGO sont associées à une pression du SIO effondrée.

Figure 3 : Mécanismes du RGO au niveau du SIO

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La hernie hiatale n’est ni nécessaire ni suffisante, un RGO pouvant exister sans hernie hiatale et une hernie hiatale sans RGO. Mais, lorsqu'elle est volumineuse, la hernie hiatale est souvent un facteur aggravant d'un RGO par le biais d'une altération la clairance acide de l'oesophage. Une stase gastrique ou une hyperpression abdominale (telle qu'on peut l'observer dans une surcharge pondérale importante ou lors d'efforts de toux) sont également des facteurs favorisant un RGO. La sécrétion gastrique acide est le plus souvent normale au cours du RGO.

3.2 Epidémiologie – facteurs favorisants Le RGO est une affection fréquente touchant environ 20% de la population française à raison d’un épisode de pyrosis par semaine. La prévalence du RGO ne varie pas en fonction du sexe et de l’âge du patient. Le RGO est favorisé par l’obésité. Il est fréquent au cours de la grossesse. Contrairement à des idées reçues, les facteurs associés au mode de vie semblent jouer un rôle mineur dans le RGO. La prévalence de l’infection à Helicobacter pylori (Hp) semble d’autant plus faible que le RGO semble sévère car la gastrite provoquée par l’infection diminue les capacités sécrétoires d’acide et les patients infectés ont probablement un reflux acide moins sévère. Hp ne joue aucun rôle dans les anomalies motrices responsables du RGO.

4 SIGNES CLINIQUES On peut distinguer :

• les signes typiques et atypiques du RGO • les signes digestifs et extra digestifs du RGO • les complications du RGO

4.1 Signes fonctionnels digestifs typiques Le pyrosis (brûlure rétrosternale ascendante) et les régurgitations acides (remontées du contenu gastrique acide jusqu’au niveau pharyngé survenant sans effort de vomissement et sans nausées) sont des symptômes quasi pathognomoniques de RGO. Leur spécificité est telle qu'ils permettent le diagnostic clinique de RGO. Leur caractère postural et/ou post-prandial, est un élément supplémentaire très évocateur. Néanmoins, des brûlures épigastriques et/ou rétro sternales, et des régurgitations acides sont présentes chez plus de la moitié des malades atteints de RGO. Une dysphagie parfois douloureuse est plus rare comme symptôme dominant (5% des cas environ) et impose la réalisation d’une endoscopie. Le pyrosis ou la brûlure épigastrique constituent le symptôme prédominant chez environ la moitié des malades, alors que les régurgitations acides constituent plus rarement le symptôme dominant. L'existence d'un pyrosis associé ou non à des régurgitations acides permet de porter le diagnostic de RGO avec une quasi-certitude. La fréquence des signes fonctionnels du RGO n’est pas différente en fonction de la présence ou non d’érosions oesophagiennes en endoscopie. En résumé, chez un malade de moins de 50 ans présentant une symptomatologie typique, sans symptôme d'alarme ni manifestation atypique, le diagnostic de RGO peut être porté sur des données purement cliniques sans recours aux explorations complémentaires. Au-delà de 50 ans, une endoscopie digestive haute préalable à la mise en route d'un traitement doit être pratiquée.

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4.2 Signes fonctionnels atypiques Diverses manifestations atypiques digestives ou extra-digestives peuvent être engendrées par le RGO. Elles constituent parfois les symptômes prédominants, voire isolés du RGO . Les manifestations atypiques du RGO ne s’accompagnent généralement pas des symptômes typiques du RGO (moins de 50% des cas). Dans tous les cas, la démarche diagnostique doit être : 1-de ne pas méconnaître une pathologie organique (gastrique, cardiaque, pulmonaire ou ORL) 2-de reconnaître l’existence d’un RGO 3-de tenter d'établir une relation entre le reflux et les symptômes du patient Il est indispensable de reconnaître le RGO puisque son traitement est susceptible d'améliorer ou de faire disparaître les symptômes.

4.2.1 Les signes digestifs atypiques : Environ 20 % des malades qui présentent une oesophagite érosive à l'endoscopie ont des douleurs épigastriques. Des brûlures épigastriques sans trajet ascendant font partie des symptômes de RGO. Ces malades sont souvent considérés comme ayant des douleurs d’origine gastrique (dyspeptiques). Une dysphagie doit faire pratiquer une endoscopie.

4.2.2 Les signes atypiques extra digestifs Ils sont indiqués sur le tableau 1. Dans les manifestations atypiques, la pratique d'une endoscopie haute de première intention est conseillée. Elle permet, en cas de découverte d'une oesophagite, de retenir comme quasi certaine l'existence d'un RGO sans établir pour autant une relation de causalité entre RGO avec oesophagite et symptômes. L'absence d’œsophagite ne permet pas d'écarter le diagnostic de RGO puisque, à titre d'exemple, on peut noter que le pourcentage d’œsophagites est de 10 à 30 % en cas de manifestations ORL et de 40 % en cas d'asthme. La pH-métrie des 24 heures avec marqueurs d'événements a un intérêt diagnostique majeur chez les malades présentant des symptômes atypiques, en particulier en l'absence d’œsophagite. Cependant, une pH-métrie normale n'écarte pas le diagnostic de RGO. La stratégie diagnostique doit être discutée séparément selon que le malade se plaint de douleurs thoraciques ou de symptômes respiratoires ou ORL. Diagnostic des douleurs thoraciques Chez les malades présentant des douleurs thoraciques d'allure angineuse, il est indispensable de rechercher en première intention une pathologie cardiovasculaire et en particulier coronarienne, même si le malade présente des symptômes de RGO associé. Cette enquête cardiologique doit être rigoureuse, y compris chez un sujet jeune. Elle doit comporter une épreuve d'effort voir une coronarographie avec stimulation pharmacologique pour rechercher un angor microvasculaire à coronaires normales. En l'absence de pathologie coronarienne décelable, il est utile de pratiquer une pH-métrie des 24 heures qui authentifie l'existence du RGO dans 30 à 60 % des cas. L'apport de la pH-métrie pour le diagnostic de RGO dépend de l'existence ou non de symptômes typiques associés aux manifestations douloureuses thoraciques et de l'existence ou non d'une oesophagite. En présence de symptômes typiques et/ou d’œsophagite, le gain diagnostique est faible. Si la pH-métrie est normale, un traitement empirique ou un test thérapeutique peut être proposé. Diagnostic des manifestations respiratoires et ORL Chez les patients ayant des symptômes extradigestifs, la pH-métrie a un intérêt discuté.

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Aucune étude n’a montré une relation de causalité entre les épisodes de reflux et les symptômes, ni n’a pu déterminer les malades qui bénéficieraient d'un traitement. En pratique, la pH-métrie avec enregistrement conjoint au niveau de l’œsophage inférieur et au niveau de l'œsophage supérieur pourrait être limitée aux malades avec symptômes ORL rebelles et pulmonaires à type d'asthme et de toux chronique sans cause décelée et chez lesquels il n'existe pas d’œsophagite. On peut discuter l'opportunité de ne pratiquer la pH-métrie qu'après échec d'un traitement empirique par des inhibiteurs de la pompe à proton pendant une période de 8 semaines. En résumé, chez un malade présentant des manifestations atypiques, en particulier extra digestives, pouvant être en rapport avec un RGO, une endoscopie doit être pratiquée après avoir éliminé une pathologie extradigestive afin de rechercher des lésions d’œsophagite. La pH-métrie est proposée pour étayer le diagnostic de RGO en l'absence de signes d’œsophagite. Elle peut être utile pour établir une relation entre les symptômes extra digestifs et les épisodes de reflux, notamment chez les malades présentant des douleurs thoraciques non rattachées à une cause cardiaque et dans certaines manifestations respiratoires ou ORL rebelles. Une fibroscopie gastrique ou une pH-métrie normale n'écarte pas le diagnostic de RGO+++.

Tableau 1 : Manifestations atypiques du RGO

Manifestations ORL Manifestations pulmonaires

Manifestations cardiaques

Enrouement chronique

Toux nocturne Douleurs pseudo angineuses

Brûlures et paresthésies pharyngées

Dyspnée asthmatiforme Douleurs thoraciques retro sternales

Pharyngite chronique

Toux chronique, post prandiale ou nocturne

Laryngospasme

Apnées obstructives nocturnes

Globus hystericus, impression de corps étranger laryngé

Halitose (niveau de preuve faible)

Otalgies Laryngite peptique Ulcère de contact Granulomes des cordes vocales Erythème et œdème inter-aryténoïdiens

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5 DIAGNOSTIC DU RGO

5.1 Conduite du diagnostic en présence de symptômes de RGO Avant 50 ans, en présence de symptômes typiques et s’il n’existe pas de signe d’alarme (dysphagie, amaigrissement, anémie), aucun examen complémentaire n’est nécessaire. Si les symptômes de RGO sont atypiques, l’endoscopie est indiquée en première intention. Elle permet le diagnostic lorsqu’elle découvre une œsophagite. En l’absence d’œsophagite, lorsque les symptômes sont atypiques ou lorsque des symptômes typiques résistent au traitement médical, une pH-métrie peut être indiquée pour faire le diagnostic de reflux acide pathologique. Après 50 ans, on préconise d’emblée de procéder à une endoscopie haute afin de ne pas méconnaître une autre cause, une lésion associée ou un endobrachyœsophage.

5.2 Utilité des différents examens complémentaires Il s’agit d’examens morphologiques et d’explorations fonctionnelles.

5.2.1 La fibroscopie gastrique : Comment interpréter un compte rendu d’endoscopie digestive haute ? La fibroscopie gastrique permet le diagnostic du RGO et de ses complications. L'endoscopie est un facteur prédictif de la réponse thérapeutique à court et à long terme. Elle doit être réalisée chez un patient informé des bénéfices et des complications de cet acte. Elle peut être effectuée avec ou sans anesthésie générale. La fibroscopie gastrique peut être normale au cours d’un authentique RGO. L’endoscopie permet le diagnostic de l’œsophagite par reflux et de ses complications. L’endoscopie permet de définir la présence d'une oesophagite associée à un RGO. Seule l’existence d’érosions ou d’ulcérations permet le diagnostic de RGO. L’existence d’une oesophagite érythémateuse n’a aucune signification pathologique. En l’absence d’ulcérations ou d’érosions, il est inutile de pratiquer des biopsies oesophagiennes. En effet il n’existe pas de signes histologiques permettant de diagnostiquer un RGO pathologique. L’examen est cependant normal environ une fois sur deux à trois au cours des RGO symptomatiques. L’endoscopie permet de diagnostiquer les complications du RGO. Seule l'endoscopie permet de détecter la présence d'un EBO qui peut être identifié chez 10 à 15 % des malades bénéficiant de cet examen pour un RGO symptomatique. D’autres complications comme l’existence d’une sténose oesophagienne ou d’un ulcère dit de Barrett peuvent aussi être diagnostiquée au cours de l’endoscopie. L'endoscopie est un facteur prédictif de la réponse thérapeutique. L'endoscopie réalisée avant l'instauration du premier traitement permet d'identifier les malades porteurs d'une oesophagite peu sévères dont le risque de développer une complication est quasi nul et chez lesquels le traitement pourra être dirigé uniquement selon l'évolution symptomatique. En effet, il est probable que les malades porteurs d'une oesophagite de grade 1 ou 2 (suivant la classification de Savary, voir plus loin) ne développeront pas de complications telles que sténose ou oesophagite compliquée. A l'opposé, les malades avec des lésions circonférentielles présentent un risque de développer des sténoses ou un EBO. Pour cette raison, ces malades justifient une surveillance endoscopique à un intervalle de quelques années. Le résultat de l'endoscopie peut prédire la réponse thérapeutique lors d'un

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traitement au long cours. Les malades ayant une oesophagite plus sévère présentent une récidive plus précoce et en général plus sévère après l'arrêt du traitement médicamenteux initial. De plus, la sévérité initiale de l'endoscopie permet également de prédire la sévérité de la récidive d’œsophagite, qui est en général identique ou inférieure lorsque le grade initial est faible. Quelle est la signification de la découverte d’une hernie hiatale (HH)? Il est bien démontré que la présence d'une HH par glissement est beaucoup plus fréquente chez les malades atteints de RGO que chez les sujets témoins. La HH favorise le reflux par au moins deux mécanismes différents. Le pilier droit du diaphragme agit comme un sphincter externe entourant le SIO (faire un schéma), et cette fonction est particulièrement importante lorsque survient une augmentation de la pression intra-abdominale; lorsqu'une HH est présente, le sphincter interne lisse et le sphincter externe strié (diaphragme) se trouvent« dissociés ». De plus, la HH peut former une sorte de réservoir capable de retenir un peu de matériel acide immédiatement disponible en cas de RGO. Une HH est trouvée chez 70 à 85 % des sujets ayant une oesophagite sévère ou compliquée de sténose alors qu'elle est présente dans 40 à 60 % des cas d’œsophagite non compliquée. La HH peut favoriser le RGO; sa prévalence augmente avec l'âge. En résumé, l'endoscopie est l'examen le plus précis pour le diagnostic de l’œsophagite associée au RGO et de ses complications. Elle a un rôle pronostique, tant en ce qui concerne la réponse immédiate au traitement que le risque de récidive sous traitement au long cours et devrait être réalisé idéalement au moment du diagnostic, avant le début d'un traitement antisécrétoire. L’endoscopie permet d’affirmer le diagnostic de RGO lorsqu’elle découvre une œsophagite définie par des pertes de substance au moins épithéliales (érosives), rarement profondes (ulcérées) (figure 7).

Figure 4 : Les différents

stades de l'oesophagite :

a) minimes ulcérations au

dessus de la ligne Z,

b) raghades du tiers

inférieur de l'oesophage,

c) ulcérations confluentes,

d) ulcérations

interrompant la continuité

de la muqueuse

malpighienne en isolant des

îlots,

e) endobrachyoesophage.

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Figure 5 : Oesophagite érosive

Oesophagite ulcérée circonferentielle

5.2.2 LA PHMETRIE OESOPHAGIENNE La pH-métrie œsophagienne des 24 heures est l’exploration fonctionnelle la plus sensible pour diagnostiquer un RGO pathologique. Il s’agit d’un examen réaliser en ambulatoire sur 24 heures. Sa sensibilité dans le diagnostic du RGO n’est pas de 100%. Il peut exister cependant une variabilité des résultats chez un même malade avec le temps.

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5.2.3 LA MANOMETRIE OESOPHAGIENNE La manométrie œsophagienne n’objective pas le RGO mais des facteurs favorisant comme l’effondrement de la pression du SIO. Son intérêt principal est d’objectiver des anomalies motrices associées au RGO. Cet examen n’a aucun intérêt dans le diagnostic du RGO.

6 HISTOIRE NATURELLE ET COMPLICATIONS

6.1 HISTOIRE NATURELLE Dans la majorité des cas, le RGO est une affection sans gravité et qui le reste au cours

de son évolution. Néanmoins, cette affection a un retentissement important sur la qualité de

vie des patients (similaire à celui de l’angine de poitrine). Les œsophagites sévères se

caractérisent par des ulcérations étendues, confluentes ou circonférentielles, par un ou des

ulcères de l’œsophage, ou par une sténose peptique. L’œsophagite sévère expose au risque

d’hémorragie digestive ou plus rarement d’anémie et de sténose œsophagienne. Ces

complications sont parfois révélatrices du RGO en particulier cher le sujet âgé.

Le RGO est souvent une affection chronique. Au terme d'un suivi de 5 à 10 ans,

environ deux tiers des patients se plaignent de symptômes persistants, imposant un

traitement intermittent ou continu. Des chiffres encore plus élevés sont observés dans les

oesophagites sévères. L'évolution d'une forme bénigne de RGO, sans lésions sévères

d'oesophagite, vers une forme grave ou compliquée semble rare. La survenue des

complications est plus fréquente chez les sujets âgés et en cas d'oesophagite sévère, mais

elle est difficile à prévoir à l'échelon individuel.

6.2 L’ENDOBRACHYOESOPHAGE (EBO) Objectifs de cette question :

-connaître la définition de l’EBO

-connaître la séquence EBO – cancer

-connaître les facteurs de risques de l’EBO

-connaître les indications et les recommandations de la surveillance

endoscopique -connaître les bénéfices et les limites des différents traitements de l’EBO

L’EBO est défini par le remplacement de l’épithélium malpighien du bas oesophage par un épithélium métaplasique cylindrique. La définition classique de l'EBO est fondée sur une longueur de muqueuse métaplasique supérieure ou égale à 3 cm sur toute la circonférence au-dessus de la jonction oesogastrique. Il s'agit donc d'une définition essentiellement endoscopique. Il est admis que ce diagnostic endoscopique doit être confirmé par des biopsies faites au-dessus de la jonction oesogastrique. Récemment, une nouvelle définition de l'EBO a été proposée, fondée non plus sur la longueur de muqueuse cylindrique notée en endoscopie, mais uniquement sur la constatation, sur des

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biopsies réalisées au-dessus ou même au niveau de la jonction oesogastrique, d'une muqueuse spécialisée de type intestinal +++. Cette définition a abouti à la reconnaissance d'EBO courts (short segment Barrett's esophagus) visibles en endoscopie mais mesurant moins de 3 cm de haut, et même d'EBO « ultra-courts » (ultra-short Barrett's esophagus), quand ce sont des biopsies systématiques de la jonction oesogastrique qui révèlent la muqueuse spécialisée, en l'absence de toute anomalie endoscopique L’existence d’une métaplasie intestinale dans le bas œsophage augmente le risque d’adénocarcinome du bas œsophage. Cette transformation d’une muqueuse métaplasique en un adénocarcinome est un phénomène lent s’étendant sur plusieurs années et passant par plusieurs étapes. L’EBO est un facteur de risques de l’adénocarcinome du bas œsophage dont l’incidence est croissante aux USA et en Europe. Une surveillance endoscopique de l’EBO est recommandée

Endoscopie d’un EBO

Figure 6 :

Endobrachyoesophage :

caractérisé par l'ascension

de la muqueuse cylindrique

(en rouge sur l'image de

droite) dans l'oesophage, à la

place de la muqueuse

malpighienne (en blanc sur

l'image de droite)

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Evolution de l’EBO vers l’adenocarcinome du bas oesophage

6.3 LA STENOSE PEPTIQUE . C’est la dysphagie. Elle peut être révélatrice du RGO, c’est-à-dire ne pas avoir été précédée par des épisodes de pyrosis et/ou des régurgitations. Son traitement repose sur des dilatations de l’œsophage associé à un traitement par les inhibiteurs de la pompe à protons.

Sténose peptique de l’oesophage

Métaplasie Intestinale

(Barrett)

Dysplasie de bas grade

Dysplasie de haut grade

(= carcinome in situ)

Cancer invasif

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7 TRAITEMENT DU RGO

7.1 Traitement médical

7.1.1 Généralités Les options thérapeutiques possibles sont la neutralisation du contenu acide (antiacides), l’inhibition de la sécrétion gastrique acide (par les antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine [anti-H2] et surtout les inhibiteurs de la pompe à protons [IPP]), la protection de la muqueuse œsophagienne (alginates). Les traitements sont le plus souvent utilisés seuls en traitement intermittent, à la demande ou au long cours en fonction de la fréquence des symptômes. Les objectifs thérapeutiques sont +++ :

• le soulagement des symptômes et un retour à une qualité de vie normale, dans tous les cas ;

• la cicatrisation des lésions, uniquement dans les oesophagites sévères ou compliquées; • la prévention des récidives dans les formes symptomatiques à rechutes fréquentes et

les oesophagites sévères ou compliquées. Dans la majorité des cas, les lésions d'oesophagite ne sont pas sévères. Elles ne sont pas corrélées à l'intensité des symptômes et s'aggravent rarement au cours de leur évolution. De telles lésions ne constituent pas un critère de sévérité du RGO. On ne recommande pas le contrôle de la cicatrisation de ces lésions et leur surveillance ultérieure par des endoscopies répétées. Dans une minorité des cas, une oesophagite sévère est présente. Cette éventualité est plus fréquente chez les patients de plus de 60 ans. Ces lésions sévères constituent un facteur prédictif de difficultés de cicatrisation, de rechutes et de complications. On recommande un contrôle endoscopique de leur cicatrisation.

7.1.2 Moyens

Les mesures hygièno diétetiques sont souvent préconisées, leur intérêt n’est pas démontré. La réduction pondérale, l’arrêt du tabac et de l’alcool sont recommandés mais ne modifie pas les symptômes de RGO. La surélévation de la tête du lit est une mesure utile pour le RGO nocturne dont l’efficacité est démontrée. Les antiacides et les alginates ont une efficacité démontrée mais limitée sur les symptômes du RGO. Ils n'ont pas d'effet sur les lésions oesophagiennes. Ils sont particulièrement bien adaptés à une utilisation, à la demande, au moment des douleurs. La prise d'antiacides doit être recommandée à distance d'autres médicaments dont ils peuvent diminuer l'absorption intestinale. Les antagonistes des récepteurs H2 à l'histamine (anti-H2) sont efficaces dans le traitement symptomatique du reflux et les oesophagites non sévères. Ils n'ont pas d'indication dans le traitement des lésions sévères d'oesophagite et dans les formes compliquées. En traitement d'entretien, leur efficacité, est souvent décevante. Une dose journalière analogue à celle utilisée dans l'ulcère gastro-duodénal doit être prescrite avec une prise biquotidienne. La place

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des anti-H2 dans le traitement du RGO s'est considérablement réduite malgré leur bonne sécurité d'emploi, du fait de l'efficacité très supérieure des IPP. Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) ont une efficacité supérieure à celle de toutes les autres classes thérapeutiques sur les symptômes et les lésions d'oesophagite. Il n'est guère contestable que les inhibiteurs de pompe à protons (IPP) ont représenté une avancée thérapeutique majeure des deux dernières décennies, notamment pour le traitement du reflux gastro-œsophagien (RGO) sous toutes ses formes, avec ou sans œsophagite, compliqué ou non. Ainsi, une méta-analyse portant sur plus de 7 000 patients atteints d'œsophagite modérée ou sévère a montré des taux de cicatrisation de 84 ± 11 % avec les IPP de première génération (oméprazole, lansoprazole ou pantoprazole) contre 52 ± 17 % pour les antagonistes H2 (anti-H2) ; les proportions de sujets asymptomatiques à l'issue de ce traitement initial étaient de 77 ± 10 % versus 48 ± 15 % respectivement pour les IPP et les anti-H2. Les résultats obtenus avec les IPP de nouvelle génération (rabéprazole et ésoméprazole) sont très proches des précédents. Ces résultats se maintiennent lors du traitement d'entretien. Cette supériorité est particulièrement nette dans les oesophagites sévères et les sténoses peptiques. En revanche, les IPP ne permettent pas de faire régresser les lésions d'endobrachyoesophage. L'efficacité symptomatique des IPP à demi-dose a été démontrée dans les formes modérées de RGO, aussi bien en traitement d'attaque que d'entretien. Dans l'ensemble, les IPP sont bien tolérés et dépourvus d'effets secondaires significatifs. Une hypergastrinémie et une hyperplasie des cellules endocrines fundiques peuvent être induites par les IPP mais sont sans conséquence clinique significative, avec un recul d'environ 10 ans. L'implication d'Helicobacter pylori dans la physiopathologie du RGO et la survenue d'une gastrite atrophique n'est pas clairement établie. Dans l'état actuel des connaissances, on considère qu'il n'est pas justifié de prendre en compte l'infection par Helicobacter pylori dans la prise en charge thérapeutique du RGO et qu'il n'y a pas de niveau de preuve suffisant pour recommander la recherche systématique et l'éradication de ce germe en cas de traitement antisécrétoire prolongé.

7.1.3 Stratégie thérapeutique Le traitement initial doit être arrêté lorsqu'il permet la disparition des symptômes, sauf en cas d'oesophagite sévère ou compliquée. Dans les cas, fréquents, de récidives très espacées des symptômes (sans oesophagite ou avec une oesophagite non sévère), le patient peut être traité de façon intermittente et selon des modalités identiques à celles ayant permis la rémission initiale. Par contre, des rechutes fréquentes ou précoces à l'arrêt du traitement, retentissant sur la qualité de vie, imposent un traitement d'entretien par IPP à doses adaptées (à pleines doses ou à demi doses). C'est dans ces cas de dépendance au traitement médical que la chirurgie peut être envisagée. Un traitement à la demande des symptômes est possible lorsque ceux-ci sont peu fréquents. Les œsophagites ont pour traitement initial les anti-sécrétoires, essentiellement représentés par les IPP. Les récidives à l’arrêt du traitement antisécrétoire sont d’autant plus fréquentes que l’œsophagite était plus sévère. Ces récidives posent le problème de l’alternative entre traitement médical au long cours et chirurgie. Les IPP représentent le traitement médical au long cours des œsophagites sévères. La nécessité d’un traitement médical au long cours ou la persistance de régurgitations fait discuter une indication chirurgicale.

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Tableau : Différents IPP présent sur le marché français et différents dosages

disponibles

DCI Nom commercial Dosage usuel Demi dose Omeprazole MOPRAL

+Génériques 20 mg 10 mg

Esomeprazole INEXIUM 40mg 20mg Lanzoprazole OGAST

LANZOR 30mg 15mg

Pantoprazole EUPANTHOL INIPOMP

40mg 20mg

Rabeprazole PARIET 20mg 10mg

7.2 Traitement chirurgical Le traitement chirurgical a pour objectif de reconstituer une barrière antireflux. C'est le seul traitement susceptible d'agir sur l'histoire naturelle du RGO. Il a bénéficié, ces dernières années, d'un regain d'intérêt avec le développement de l'abord coelioscopique. Les principes de la chirurgie restent cependant inchangés : réduction d'une éventuelle hernie hiatale et"manchonnage" du bas oesophage par la grosse tubérosité de l'estomac réalisant une valve antireflux. Un bon niveau de preuve existe pour conclure à l'efficacité des fundoplicatures et pour les préférer à tous les autres procédés proposés dans le traitement chirurgical de première intention du RGO. Un contrôle satisfaisant des symptômes et des anomalies objectives du RGO est rapporté dans 80 à 90 % des cas, avec un recul de 5 à 20 ans. La mortalité postopératoire est très faible (0% dans les essais comparatifs ; 0,1 à 0,8% dans les séries publiées). La morbidité est difficile à apprécier du fait de l'hétérogénéité des techniques et des critères d'évaluation. La fréquence de la dysphagie persistante varie de 1 à 8 %. Celle des troubles dyspeptiques, dont la nature est souvent mal précisée, est très variable d'une série à l'autre. Les interventions réalisées par voie d'abord coelioscopique ont, du moins à moyen terme, la même efficacité que celles réalisées par laparotomie mais leur morbidité pariétale et la durée d'hospitalisation qu'elles induisent sont moindres. La voie d'abord coelioscopique est donc recommandée. Dans les formes rebelles au traitement médical, devenues rares, l'indication du traitement chirurgical ne doit être posée que dans les cas de RGO dûment prouvé. Dans les formes atypiques, le RGO doit être prouvé et sa responsabilité sur les symptômes fortement suspectée, sinon démontrée. Le choix entre poursuite du traitement médical prolongé et chirurgie est difficile en l'attente des études prospectives contrôlées en cours de publication ou de réalisation. Le contexte clinique (comorbidité, facteurs de risque, âge) et le choix éclairé du patient sont les principaux éléments qui doivent intervenir dans la décision. La meilleure acceptabilité de la voie d'abord coelioscopique ne doit pas modifier les indications du traitement chirurgical du RGO.

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7.3 Le traitement endoscopique Il est en cours d’évaluation. Plusieurs méthodes existent (radiofréquence, injection de polymères, suture par voie endoscopique…). Dans l’état actuel des connaissances, ces traitements ne doivent être effectués que dans le cadre d’essais contrôlés.

Figure 9 : Deux principales

interventions anti-reflux :

a) Fundoplicature complète

(intervention de Nissen;

b) Hémifundoplicature

postérieure (intervention de

Toupet).

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Zone de l'estomac Cellules glandulaires Produits de sécrétion

Fundus • Cellules peptiques • Cellules pariétales

Pepsine

HCl

Antre Cellules G Gastrine Tout l'estomac Cellules muqueuses

Cellules D Mucus

Somatostatine

Les glandes fundiques

Dans la partie moyenne des tubes glandulaires : cellules bordantes

ou pariétales sécrétant HCl et le facteur

intrinsèque.

Cellules à mucus

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DYSPHAGIE Stanislas Chaussade

Service d’Hépato gastroentérologie – Hôpital Cochin Objectifs (question N° 308 du programme officiel) Devant une dysphagie, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.

La dysphagie est une sensation de blocage ou de gêne ressentie lors du passage des aliments dans l’œsophage. Elle impose toujours une endoscopie oeso-gastro-duodénale qui doit être effectuée de première intention pour éliminer une lésion organique de l’oesophage. La dysphagie doit être distinguée de : • l’odynophagie qui est une douleur rétrosternale provoquée par la progression des aliments

dans l’œsophage, • la sensation de satiété précoce décrite parfois par les malades comme un blocage

épigastrique • la dysphagie oro-pharyngée haute. Les causes principales des dysphagies sont : le cancer de l’oesophage, la sténose peptique par reflux acide, les oesophagites infectieuses et l’achalasie primitive de l’oesophage.

1 ORIENTATION DIAGNOSTIQUE

1.1 INTERROGATOIRE L’interrogatoire a une importance capitale et permet d’orienter rapidement vers une étiologie. L’interrogatoire précise : • L’évolution de la dysphagie : elle peut être continue, s’aggravant progressivement ou

intermittente marquée par d’épisodes de blocage séparés d’intervalles libres ; • Ses caractères : elle peut être élective pour les solides, survenant aussi bien pour les

solides que pour les liquides, ou parfois paradoxale plus marquée pour les liquides, elle peut être temporaire, disparaissant par certaines manoeuvres de compression cervicale ou permanente ;

• Ses circonstances de survenue : âge, notion d’intoxication alcoolo-tabagique chronique, exposition à des agents irritants pour l’oesophage (médicaments, caustique, radiation) immuno-dépression, affection maligne ou

• Le contexte clinique à la recherche d’une maladie générale (diabète, sclérodermie) ; • L’existence de symptômes oesophagiens associés : reflux gastro-oesophagien, douleurs

à l’alimentation (odynophagie), douleurs rétrosternales, régurgitations alimentaires, fausses routes, toux immédiate à l’alimentation, dysphonie, douleurs thoraciques à l’alimentation, hyperscialorrhée, hoquet, otalgie ;

Le retentissement nutritionnel : la notion de perte de poids est capitale ainsi que le pourcentage de perte pondérale par rapport au poids initial.

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1.2 L’EXAMEN CLINIQUE Il recherche des ganglions sus claviculaires, une tuméfaction d’un diverticule cervical, une hépatomégalie métastatique, une ascite, …

1.3 EXAMENS COMPLEMENTAIRES L’examen essentiel et systématique est l’endoscopie oeso-gastro-duodénale. Elle recherche une cause organique de la dysphagie. Les autres explorations ne sont pas systématiques et doivent être demandées en fonction des résultats de l’endoscopie et du contexte clinique. En présence d’une lésion intrinsèque ou extrinsèque à l’endoscopie, des explorations complémentaires seront demandées pour compléter l’enquête étiologique ou réaliser un bilan d’extension (transit oeso-gastro-duodénal, écho-endoscopie, tomodensitométrie thoracique). En l’absence de lésion organique ou de suspicion de telle lésion, une manométrie oesophagienne sera effectuée (cet examen ne doit jamais être envisagé en première intention). La pH-métrie n’est effectuée qu’après l’endoscopie et la manométrie lorsqu’un reflux sans lésion d’oesophagite peptique est suspecté.

2 ETIOLOGIE

2.1 CAUSES LESIONNELLES La dysphagie prédomine sur les solides, elle s’aggrave progressivement et retentit sur l’état général. La fibroscopie trouve une lésion sténosante dont la nature est souvent d’emblée évidente. Des biopsies sont indispensables. En cas de négativité, elles doivent être répétées.

2.1.1 LES STENOSES TUMORALES

2.1.1.1 CANCER DE L’OESOPHAGE Essentiellement chez l’homme de 50 ans, carcinome épidermoide ou adénocarcinome, la dysphagie est le premier signe précédé parfois par les blocages, au début, simple sensation de gêne à la déglutition, gêne rétro sternale associée ou non à une douleur à la déglutition, odynophagie. L’amaigrissement est très précoce et très important à préciser. Elle est au début intermittente puis permanente, partielle ou totale, si le cancer est évolué, la dysphagie s’associe à des douleurs postérieures, à une modification de la voix ou dysphonie, voire une toux à l’alimentation par fistule oesotrachéale.

2.1.1.2 CANCER DU CARDIA Il s’agit d’une tumeur située à la jonction oeso-gastrique souvent une lésion préexistante d’endobrachyœsophage due au reflux gastro-œsophagien. Le cancer du cardia est rapidement obstructif et entraîne une dysphagie marquée et un amaigrissement.

2.1.1.3 LES AUTRES TUMEURS OESOPHAGIENNES Il s’agit de tumeurs malignes rares (lymphomes, fibrosarcomes, léiomyosarcomes, rhabdomyosarcomes, mélanomes et métastases oesophagiennes) ou il peut s’agir de tumeurs bénignes : tumeurs stromales (léiomyomes le plus souvent).

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2.1.1.4 TUMEURS EXTRINSEQUES Développées au contact de l’oesophage (adénopathie, tumeur bronchique, médiastinale, médiastinite carcinomateuse) qui peuvent être responsables d’une sténose de l’oesophage dont la muqueuse est normale. C’est le scanner et l’écho-endoscopie qui permettent le diagnostic.

2.1.2 LES STENOSES NON TUMORALES

2.1.2.1 LA STENOSE PEPTIQUE Il s’agit d’une complication rare et sévère des oesophagites ulcérées du reflux gastro- oesophagien. Après une longue période de reflux gastro oesophagien acide, le patient signale progressivement la diminution du reflux et l’apparition d’une dysphagie étalée sur plusieurs années avec un amaigrissement très modéré. La sténose siège le plus souvent au niveau de la jonction tiers moyen - tiers inférieur de l’oesophage. Le diagnostic est endoscopique, des biopsies répétées doivent être systématiques. Le transit oeso-gastro-duodénal montre un rétrécissement court, bien centré, se raccordant progressivement avec la muqueuse oesophagienne voisine.

2.1.2.2 LES AUTRES STENOSES OESOPHAGIENNES BENIGNES - STENOSES CAUSTIQUES : 2 à 12 semaines après l’ingestion accidentelle ou volontaire d’un acide fort ou d’une base forte - STENOSES POST-CHIRURGICALES : développées sur anastomose oesophagienne - STENOSES RADIQUES : survenant plusieurs mois ou années après l’irradiation du médiastin.

2.1.3 LES OESOPHAGITES NON STENOSANTES Une dysphagie peut être observée au cours des oesophagites sans qu’il n’existe une sténose à l’endoscopie ou à la radiologie.

2.1.3.1 OESOPHAGITE PEPTIQUE Conséquence habituelle du reflux gastro-œsophagien : ulcération à l’endoscopie au niveau de la jonction oeso-gastrique remontant plus ou moins sur l’oesophage

2.1.3.2 OESOPHAGITES INFECTIEUSES Surviennent essentiellement chez les malades immunodéprimés. La dysphagie et l’odynophagie associées peuvent limiter considérablement l’alimentation : les trois agents infectieux identifiés sont le CANDIDA, le CYTOMEGALOVIRUS et l’HERPES-VIRUS

2.1.3.3 OESOPHAGITES MEDICAMENTEUSES Elles se manifestent par une douleur rétrosternale brutale et intense, accentuée par la prise alimentaire. Les médicaments le plus souvent en cause sont la doxycycline, les nouveaux biphosphonates (alendronate). Ces oesophagites sont favorisées par la prise d’un comprimé « à sec » et au coucher.

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2.1.4 LES DIVERTICULES ET ANNEAUX OESOPHAGIENS

2.1.4.1 DIVERTICULE DE ZENKER Il siège à la face postérieure de la jonction pharyngo-oesophagienne, se manifeste chez un sujet âgé par une dysphagie haute intermittente et des régurgitations d’aliments non digérés qui soulagent le patient, ces régurgitations peuvent être déclenchées par la rotation de la tête ou la pression sur une région particulière du cou.

2.1.4.2 ANNEAU DE SCHATZKI Il s’agit d’un diaphragme incomplet du bas oesophage constitué d’éléments musculaires recouvrant la muqueuse qui pourrait être favorisée par le reflux gastro-œsophagien.

2.2 CAUSES FONCTIONNELLES Le diagnostic de dysphagie d’origine fonctionnelle ne peut être porté qu’après constatation à la fibroscopie oeso-gastro-duodénale, du caractère normal de la muqueuse oesophagienne. Les dysphagies fonctionnelles sont liées à un trouble moteur oesophagien primitif ou secondaire mis en évidence par la manométrie oesophagienne.

2.2.1 LES TROUBLES MOTEURS OESOPHAGIENS PRIMITIFS

2.2.1.1 ACHALASIE OU CARDIOSPASME Il s’agit d’une affection nerveuse dégénérative d’étiologie inconnue. Caractérisée anatomiquement par une altération de l’innervation intrinsèque de l’oesophage avec raréfaction des plexus nerveux de Meissner et Auerbach. Il existe une perte des ganglions nerveux de l’oesophage inférieur entraînant une absence de péristaltisme oesophagien et de relaxation du sphincter inférieur de l’oesophage. La dysphagie est présente chez tous les patients, elle affecte d’emblée les liquides et les solides. Elle est plus rarement paradoxale affectant sélectivement les liquides. Elle est variable d’un jour à l’autre, capricieuse, elle se manifeste au début par des blocages intermittents, les régurgitations alimentaires sont possibles en fin de repas, elles peuvent entraîner des fausses routes, des quintes de toux. Des douleurs thoraciques par distension considérable de l’oesophage sont possibles, pendant longtemps, il n’existe pas d’amaigrissement. A un stade évolué, la dysphagie devient permanente et entraîne un amaigrissement Le diagnostic de l’affection repose sur la manométrie : l’anomalie constante est l’absence d’ondes péristaltiques propagées (achalasie), qui sont remplacées par des complexes non propulsifs, associée à un trouble de relaxation du sphincter inférieur de l’oesophage lors de la déglutition dont le tonus de base est normal, ou augmenté dans 50% des cas (cardiospasme). Des contractions sont possibles, spontanées ou déclenchées par la déglutition, parfois très vigoureuses, mais elles ne sont jamais propagées. Le traitement repose sur la dilatation pneumatique ou la chirurgie (séromyotomie de Heller) qui peut être réalisée sous coelioscopie.

2.2.1.2 LA MALADIE DES SPASMES DIFFUS DE L’OESOPHAGE Dans cette affection, la dysphagie est variable, capricieuse et modérée, il peut exister une dysphagie paradoxale plus marquée pour les liquides que pour les solides, des douleurs (spasmes). Ces contractions simultanées alternent cependant avec un péristaltisme normal et des relaxations du sphincter inférieur de l’œsophage normales.

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2.2.2 LES TROUBLES MOTEURS OESOPHAGIENS SECONDAIRES Il s’agit principalement de la sclérodermie et de l’achalasie secondaire (pseudo-achalasie qui correspondent le plus souvent à des compressions tumorales de la région cardiale à développement essentiellement sous-muqueux ou péri-oesophagien (tumeur du cardia, tumeur de voisinage) Figure 1 Manométrie oesophagienne normale : une déglutition déclenche une onde de contraction oesophagienne qui se propage le long de l'oesophage en même temps que le sphincter oesophagien inférieur s'ouvre (baisse de pression à ce niveau d'enregistrement).

Figure 1 bis Relation entre le péristaltisme oesophagien et la progression d'un bolus dans l'oesophage. Le bolus est schématisé par la zone grisée. La survenue d'une contraction d'amont puis sa propagation (reconnue par le recueil d'une augmentation de pression sur les différentes voies d'enregistrement) assurent la progression du bolus.

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Figure 2 Profil manométrique typique d'une achalasie (ou mégaoesophage) avec l'existence de contractions constamment simultanées et jamais propagées alors qu'existent au niveau du sphincter inférieur une hyperpression et une abscence de relaxation en réponse à une déglutition. Dans les formes évoluées d'achalasie, les contractions oesophagienne sont de petite amplitude aux différents d'enregistrement.

Figure 3 : Aspects endoscopique et radiologique d’une achalasie

Figure 4 : Aspect radiologique d’un spasme diffus

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Tumeurs de l'œsophage

Paul-Henri Cugnenc et Franck Zinzindohoué

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou Objectifs (question N° 152 du programme officiel) Diagnostiquer une tumeur de l'œsophage.

Points importants : • Les tumeurs oesophagiennes les plus fréquentes sont des tumeurs malignes au

premier rang desquelles se trouvent les carcinomes épidermoïdes. • Le pronostic des cancers de l’œsophage est l’un des plus sombre. Tous stades

confondus, la survie est régulièrement inférieure à 10 % à 5 ans chez les malades opérés.

• La gravité est le fait du taux de récidive important mais aussi de la comorbidité liée aux facteurs de risques que sont la consommation excessive de tabac et d’alcool.

1 Rappel anatomique L’œsophage est un organe cervico-thoraco-abdominal fait d’un segment cervical étendu de C6 à T1, d’un segment thoracique de T1 à T10 et d’un segment abdominal de T10 à L1. Il est habituel de délimiter 3 segments oesophagiens, chacun d’environ 8 cm de long :

• le tiers supérieur s’étend de C6 à T4 soit de 15 à 23 cm des arcades dentaires, • le tiers moyen de T4 à T8 soit entre 23 et 31 cm des arcades dentaires, • le tiers inférieur de T8 à L1 soit de 31 à 39 cm des arcades dentaires.

Les 3 repères importants sont donc la bouche oesophagienne à 15 cm des arcades dentaires, l’étage des crosses (aorte, azygos, bronche souche gauche) à 23 cm des arcades dentaires et les veines pulmonaires à 31 cm des arcades dentaires.

2 Epidémiologie Le cancer de l’œsophage est au 3ème rang des cancers digestifs en France et représente 15 % des cancers digestifs. Son incidence standardisée est la plus forte d’Europe, 15 pour 100 000 habitants/an en France. Il est au 10ème rang pour l’ensemble des cancers et c’est le 7ème cancer chez l’homme. Le sexe ratio varie en fonction des régions, il est de 12 hommes pour 1 femme. Rare avant 40 ans, sa fréquence augmente régulièrement pour atteindre un maximum entre 55 et 69 ans. L’incidence est maximale dans le nord-ouest de la France, Normandie et Bretagne. Du fait de l’existence de facteurs de risque non liés à la consommation alcoolo-tabagique, il existe une répartition géographique mondiale inégale avec des pics d’incidence en Chine du Nord, en Iran et en Afrique du Sud où elle atteint 150/100 000 habitants/an.

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3 Anatomopathologie

3.1 Aspect microscopique : Classiquement, il s’agit dans 90% des cas d’un cancer épidermoïde (65% actuellement),dans 8% des cas, d’un adénocarcinome (principalement au niveau du 1/3 inf) (30% actuellement) et dans 2% des cas d’un carcinome anaplasique, d’un mélanome, d’un léiomyosarcome, de métastases, de lymphome...

3.2 Aspect macroscopique : Le cancer de l’œsophage est le plus souvent infiltrant, parfois ulcéré ou bourgeonnant.

4 Localisation

4.1 1/3 supérieur de C6 à T4 : 10% Une extension à la sphère ORL et à la trachée est possible. Du fait de cette localisation cervicale, il est rapidement symptomatique. Les exérèses sont mutilantes car elles imposent une oesphago-pharyngo-laryngectomie totale (OPLT) avec une perte de la voix et un trachéostome définitif.

4.2 1/3 moyen de T4 à T8 : 60% Une extension à la trachée, à la carène, à la bronche souche gauche, à l’aorte et à l’anse du récurrent gauche sous la crosse est possible. Lors de l’exérèse, la thoracotomie première est parfois indiquée pour vérifier la résécabilité de la lésion. L’intervention de référence est alors une oeso-gastrectomie polaire supérieure avec 3 voies d’abord (thoracique, puis abdominale et cervicale) avec anastomose oeso-gastrique au cou.

4.3 1/3 inférieur de T8 à L1 : 30% Une extension au péricarde, aux piliers du diaphragme et au cardia est possible. L’exposition chirurgicale est facilitée par une voie abdominale pure qui permet une exérèse oesophagienne inférieure associée à une gastrectomie totale ; l’anastomose oeso-jéjunale est réalisée après une large phrénotomie dans le médiastin inférieur. Il est aussi possible de faire une résection par 2 voies d’abord, abdominale et cervicale, dite « Blunt » (aveugle) car l’oesophagectomie est faite à l’aveugle sans thoracotomie donc sans curage médiastinal moyen ni supérieur. L’anastomose oeso-gastrique est cervicale.

5 EXTENSION

5.1 Locale L'écho-endoscopie, qui est un examen invasif (réalisé sous anesthésie), et dont les performances sont dépendantes de l’opérateur, apprécie au mieux l’extension en hauteur et en profondeur, dans la paroi (avec ses possibilités de résurgences sous-muqueuses à distance) et dans les tissus environnants. Il n’y a pas de séreuse sur l’œsophage cervical et intrathoracique.

5.2 Régionale Elle peut atteindre l’arbre trachéo-bronchique, l’aorte, les nerfs récurrents, l’oreillette gauche, la région hiatale et le cardia.

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5.3 Ganglionnaire • 1/3 supérieur : vers les chaînes jugulo-carotidiennes, sus-claviculaires et récurentielles • 1/3 moyen : vers les chaînes médiastinales et inter-trachéobronchiques. • 1/3 inférieur : vers les chaînes médiastinales, coeliaques et le ganglion de Troisier à la

confluence du canal thoracique avec la veine sous-clavière gauche. Dans tous les cas, l’extension peut se faire très à distance ; un cancer du 1/3 inférieur pouvant métastaser au niveau des chaînes ganglionnaires cervicales.

5.4 Métastases viscérales Elles concernent le foie, le poumon, les os, le péritoine et les ganglions distants.

6 Causes et facteurs de risque Les facteurs de risque des cancers oesophagiens sont nombreux et bien connus.

6.1 L’alcool et le tabac sont des facteurs de risques indépendants dont l’association est synergique. Tableau du risque relatif de cancer de l’œsophage en fonction de la consommation d’alcool et de tabac alcool en gramme/j / tabac en cigarettes/j 0-9 10-29 >30 40-80 80-120 >120

7,5 11 50

8,5 13 80

35 80 155

Jusqu’à 30% de cancers O.R.L. (+++) ou bronchique sont associés au cancer de l’œsophage de façon synchrones ou métachrones en raison de facteurs de risque communs.

6.2 Autres facteurs de risque - Les traumatismes de l'œsophage : brûlures thermiques, chimiques (20% sténoses peptiques, 10% oesophagites, les brûlures caustiques (20% à 20 ans), l’endobrachyoesophage, l’achalasie. - Les carences vitaminiques (E, C, � carotène), riboflavine et rétinoïdes. - Les régimes carencés en végétaux frais, et protéines animales (Iran). - La consommation régulière de résidus d'opium. - Les excès de nitrate et de nitrite (Chine) avec production de nitrosamines qui est un carcinogène. - Les mycotoxines et les lésions virales (papillomavirus : HPV type 16 et 18) - Les radiations ionisantes - La maladie coeliaque - La tylose (hyperkératose palmo-plantaire héréditaire) - Le syndrome de Plummer-Wilson, Certaines agrégations familiales sans que des facteurs génétiques n’aient été mis en évidence à ce jour.

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7 DIAGNOSTIC

7.1 Circonstances de découverte - dysphagie, progressive, aux solides puis aux liquides, aphagie ; - douleurs rétrosternales ; - odynophagie : sensation de corps étranger, gène à la déglutition ; - dysphonie (atteinte récurrentielle), toux à la déglutition (fistules oesotrachéale ou bronchique) ; - hématémèse, anémie ferriprive ; - amaigrissement, altération de l’état général ; - au cours du bilan d’une lésion ORL ou bronchique dont on recherche une lésion oesophagienne associée. Il faut se souvenir qu’il s’agit en fait, dans la grande majorité des cas, d’une maladie générale, complication de la maladie alcoolique et du tabagisme.

7.2 Diagnostic Endoscopie oeso-gastrique avec biopsies multiples , au mieux après des colorations sensibilisatrices (bleu toluidine, lugol). Il faut préciser : - le niveau de la tumeur par rapport aux arcades dentaires, - son étendue (hauteur et circonférence), - la présence de résurgences sous-muqueuses, ou de zones de dysplasie adjacentes.

7.3 Diagnostic différentiel

Ne se pose qu’avant l'endoscopie. - obstacles organiques : tumeur bénigne, compressions extrinsèques, diverticules, anneau de Schatzki, sténoses fibreuses ; - obstacles oro-pharyngés ; - troubles moteurs (maladie de Chagas, achalasie..) ; - oesophagites ; - maladie de système (sclérodermie, LED…).

8 Bilan préthérapeutique Seuls 10 à 20% des malades sont opérables au moment du diagnostic ! Le bilan pré-thérapeutique a pour but de faire le bilan d’extension et d’évaluer l’opérabilité des malades.

8.1 Extension

8.1.1 Extension locale : On recherche particulièrement une paralysie récurrentielle (examen O.R.L. et endoscopie), un envahissement trachéo-bronchique, une fistule oeso-trachéale ou oeso-bronchique (fibroscopie bronchique et biopsies multiples) et des lésions associées des voies aériennes et digestives supérieures.

8.1.2 Extension à distance : Il faut distinguer les extensions ganglionnaires (sus-claviculaire, chaînes cervicales,

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coeliaque), les métastases viscérales (poumon, foie, os…) et les extensions péritonéales (ascite, nodules de carcinose perceptibles au TR).

8.1.3 Les moyens d’exploration Outre l’examen ORL et la fibroscopie bronchique peuvent être demandés : - TOGD. Il n’a aucun intérêt pour le bilan d’extension. Il est parfois demandé pour préciser la localisation et de l’étendue de la lésion, visualiser une fistule oeso-trachéale et l’estomac dont on pourra se servir pour faire une plastie de remplacement (gastroplastie de remplacement oesophagien). - Tomodensitométrie (TDM) cervico-thoraco-abdominale. Toujours réalisée mais peu performante pour les petites tumeurs. Elle permet l’étude des rapports avec l’aorte, l'oreillette gauche, la trachée et la bronche souche gauche et d’objectiver des adénopathies ou des métastases hépatiques ou pulmonaires. - L'écho-endoscopie. Elle ne peut franchir les grosses tumeurs et elle est surtout utile pour l’étude des petites tumeurs. Elle permet l’étude de la paroi en 7, voir 9 couches et celle des ganglions médiastinaux et coeliaques, de l’extension locale sur 360°, les rapports avec les organes de voisinage et de rechercher des résurgences sous-muqueuses à distance. - L’échographie abdominale et la radio de thorax ont peu de place dans la mesure où la TDM s’impose.

8.1.4 Au terme de ces examens on réalise la classification de la lésion. Classification T.N.M. - Tis : Cancer in situ - T 1 : atteint la sous-muqueuse - T 2 : atteint la musculeuse - T 3 : atteint l’adventice - T 4 : atteint les structures de voisinage - NO : absence de ganglions envahis. - N1 : ganglions locaux - N2 : ganglions régionaux - M O : absence de métastases à distance - M 1 : métastases à distance ou adénopathies cervicales ou coeliaques pour les cancers 1/3 moyen. Classification en stades Stades TNM Survie à 5 ans 0 I

Tis, N0, M0 T1, N0, M0

80% 50%

IIA IIB

T2 ou T3, N0, M0 T1 ou T2, N1, M0

35%

III T3 ou T4, N1, M0 15% IV tous T, tous N, M1 <5% Classifications spéciales pour les cancers superficiels Les cancers T1 muqueux :

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m1 : in situ ou dysplasie sévère m2 : micro invasif (dans la lamina propria) m3 : envahissant la muscularis mucosae Les cancers T1 intra muqueux : sm1 : sous muqueuse superficielle sm2 : sous muqueuse moyenne sm3 : sous muqueuse profonde Statut ganglionnaire : T1a : sans franchissement de la muscularis mucosae : des ganglions sont envahis chez moins de 4% des malades T1b : avec franchissement de la muscularis mucosae : des ganglions sont envahis chez 30 à 60% des malades

8.2 Opérabilité Il repose sur un examen clinique, complété par un bilan biologique explorant l’équilibre électrolytique, la fonction rénale, la fonction hépatocellulaire, l’hémostase, la crase sanguine et l’état nutritionnel. Il comporte aussi, selon les cas, des explorations fonctionnelles soit systématiques comme l’exploration de la fonction respiratoire en cas de thoracotomie, soit ciblées sur l’état du patient comme les explorations cardiaques. Il est indispensable, dans l’évaluation du pronostic opératoire, de prendre en compte l’importance des tares associées (pulmonaires, hépatiques, vasculaires, cardiaques, état nutritionnel…) qui peuvent faire récuser un malade pour une intervention alors-même que sa lésion est résécable.

8.2.1 La fonction respiratoire : E.F.R. (un VEMS < 1 litre contre-indique la thoracotomie) et gaz du sang, fibroscopie bronchique si il s’agit d’un carcinome épidermoïde ou si la lésion siège sur les 2 premiers 1/3 de l’œsophage. Arrêt du tabac 10 jours avant l’intervention.

8.2.2 La fonction cardiaque : Epreuve d’effort, scintigraphie myocardique, coronarographie…

8.2.3 La fonction hépatique : Signes d’hypertension portale, d’insuffisance hépato-cellulaire, de cirrhose (score de Child-Pugh). Signes biologiques d’hépatite alcoolique aiguë

8.2.4 L’état nutritionnel et bucco-dentaire : Mesure du poids et de l’amaigrissement par rapport au poids de forme (mauvais pronostic si >10%, protidémie, électrophorèse des protides, carences…). On utilisera la classification OMS

9 Evolution

9.1 L’évolution spontanée se fait vers une aphagie totale, une fistule oeso-trachéale ou bronchique, des douleurs thoraciques postérieures, des métastases ganglionnaires et à distance, une fistulisation de la

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tumeur dans la plèvre ou dans le médiastin (médiastinite carcinomateuse) et le décès du malade.

9.2 L’évolution post-opératoire Sur 100 malades, 20 seront opérés. Parmi ces 20 malades, 55% ont une résection à visée curative R0. 5% décèdent en post-opératoire, les autres sortirons vers J21. 40% des malades seront vivant à 1 an, 30% sans récidive. 20% seront vivants à 2 ans et 10% à 5 ans. Il s’agit de 10% des 20% de malades opérables. Les facteurs pronostics sont : - l’accessibilité à la chirurgie, - l’envahissement ganglionnaire La survie des malades opérés, est de 30% à 5 ans si ils sont NO et < 5% si ils sont N1.

10 Principes thérapeutiques

10.1 La chirurgie Le seul traitement curatif est chirurgical. Il faut noter cependant des guérisons rapportées dans la littérature avec de la radio-chimiothérapie seule. La morbidité opératoire est le fait des complications pleuro-pulmonaires, des cardiopathies ischémiques, des fistules anastomotiques (thoraciques surtout), des décompensations oedémato-ascitique chez le cirrhotique (qui doit être retenue comme une contre-indication formelle à la chirurgie). L’œsophage est un organe à cheval sur le cou, le thorax et l’abdomen. L’oesophagectomie totale nécessite le sacrifice du larynx, aussi réalise-t-on une oesophagectomie sub-totale ou oesogastrectomie polaire supérieure avec gastroplastie ascensionnée dans le médiastin postérieur (lit de l'oesophage) pour toute les tumeurs qui restent à distance de la bouche de Killian. On rétablit la continuité digestive par une anastomose oeso-gastrique cervicale (intervention d’Akyama avec abord thoracique premier puis abdominal et cervical, ou intervention dite blunt en l’absence d’abord thoracique), entre les premiers centimètres de l'oesophage laissés en place et la plastie gastrique (parfois on recourt à une plastie colique en cas d’impossibilité d’utiliser l’estomac) ou par une anastomose oeso-gastrique au sommet du thorax (intervention de Lewis-Santi) avec abord abdominal premier, puis thoracique droit. La taille des marges de résection est importante pour diminuer les récidives locales : >10 cm : 0% ; 8 à 10 cm :7%, <5cm :20%. Le choix des incisons et de l’étendue de la résection oesophagienne est fonction de la nature et du siège de la tumeur.

10.2 Radiothérapie chimiosensibilisée - Elle est exclusive chez les malades inopérables : Cobaltothérapie de 60 à 70 Grays sur la tumeur, 45 Grays sur les aires ganglionnaires, fractionnés en 6 semaines et associée à une perfusion de 5FU continu et de Cis-Platine. Elle obtient 27% de survie actuarielle à 5 ans dans les meilleurs cas. - Elle peut être combinée à la chirurgie. Dans ce cas, une radiochimiothérapie de 45 Grays est effectuée avec réévaluation puis décision de chirurgie ou de poursuite de la radiothérapie. - La radiothérapie seule n’est envisagée qu’en cas de contre-indication à la chimiothérapie ou dans le cadre d’un traitement palliatif antalgique en cas de lyse osseuse, part exemple.

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10.3 Traitements combinés à la chirurgie : Ce sont des traitements à visée curative : chimiothérapie préopératoire 5 FU continu et Cis-Platine (néo-adjuvante trois cures) ou radiochimiothérapie (voir plus haut), puis chirurgie.

10.4 Traitement endoscopique à but curatif : Exérèse des lésions m1 et m2. La photothérapie dynamique est en cours d’évaluation. La curithérapie à haut débit de dose en complément de l’endoscopie pour les m3 et sm1 à 3 peut être proposée.

10.5 Traitements palliatifs : Leur but premier est de permettre au malade de s’alimenter, parfois de couvrir une fistule oeso-trachéale ou bronchique. - Endoscopie : laser, endoprothèses oesophagiennes (tube de Célestin ou prothèses auto-expensibles), prothèses trachéales pour une fistule oeso-trachéale, - Gastrostomie d’alimentation : par voie endoscopique si la lésion reste franchissable, sinon par voie radiologique. La prise en charge de la douleur, et de la dimension psychologique et sociale du malade ne doivent pas être ignorées.

10.6 Surveillance et évolution postopératoire Une surveillance post-thérapeutique est un peu illusoire et doit être d’avantage un accompagnement car il n’existe pas de traitement de rattrapage. Il s’agira de mettre en place les traitements palliatifs utiles. Rythme de la surveillance : Tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans : Gastroscopie, Radiographie du thorax, tomodensitométrie. Durant cette surveillance, il faut penser au dépistage des cancers métachrones des voies aériennes et digestives supérieures : ORL, broncho-pulmonaires.

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Ulcère gastrique et duodénal et gastrite

Christophe Cellier

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou

Objectifs (question N° 290 du programme officiel) • Diagnostiquer un ulcère gastrique, un ulcère duodénal, une gastrite. • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

Les situations d'urgence et la planification de leur prise en charge sont traitées dans hémorragie digestive, péritonite …

Cet ED comporte également une partie de la question N°174 : prescription et surveillance des anti-inflammatoires non stéroïdiens

LES POINTS IMPORTANTS • La maladie ulcéreuse gastrique ou duodénale est une affection chronique

évoluant par poussées. • Le rôle pathogène d’une infection chronique par Helicobacter pylori (Hp) est

maintenant bien démontré et son éradication permet de prévenir les récidives. • Les ulcères secondaires à la prise d’Aspirine et d’AINS sont en augmentation

croissante. Ils surviennent plus fréquemment chez des sujets âgés, polymédicamentés avec des pathologies cardiaques, respiratoires, rénales ou hépatiques associées.

• Le syndrome ulcéreux typique consiste en des épigastralgies rythmées par les repas avec un intervalle entre le repas et la douleur d’évolution périodique.

• Le diagnostic de la maladie ulcéreuse gastro-duodénale nécessite la réalisation d’une endoscopie digestive haute qui permet le diagnostic de l’ulcère, sa localisation, et la réalisation de biopsies pour rechercher une infection à Hp associée et d’éliminer un cancer en cas d’ulcère gastrique.

• Les principales complications des ulcères gastro-duodénaux sont l’hémorragie digestive (la plus fréquente), la perforation et la sténose.

• Le traitement de la maladie ulcéreuse repose sur l’éradication d’Hp associant deux antibiotiques et un inhibiteur de la pompe à protons à double dose.

• Une prévention des ulcères iatrogènes (Aspirine et autre AINS) peut être proposée chez tout patient de plus de 65 ans, en cas d’antécédents d’ulcère et/ou d’hémorragie digestive et chez les sujets atteints de pathologies favorisant la survenue d’ulcère (cardiopathie, insuffisance respiratoire, insuffisance rénale et hépatopathie) ou de trouble de la coagulation.

• La chirurgie de la maladie ulcéreuse est maintenant quasi exclusivement réservée aux complications (hémorragie après échec de l’endoscopie, perforation ou sténose).

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1 DEFINITION – ANATOMOPATHOLOGIE

L’ulcère chronique est une lésion de la paroi digestive creusant plus ou moins profondément et atteignant le plan de la couche musculaire. Il est limité et entouré par une réaction inflammatoire. Lors de la cicatrisation de l’ulcère, il y a réépithélialisation en surface et constitution au fond d’un socle scléreux. Sur le plan anatomopathologique, il est donc différencié des pertes de substances superficielles de la muqueuse (abrasion, érosion, exulcération) qui n’atteignent jamais la couche musculaire et ne laissent pas de cicatrice fibreuse.

2 EPIDEMIOLOGIE

2.1 Fréquence La prévalence de la maladie ulcéreuse est d’environ 10 % et son incidence est de 3 nouveaux cas pour 100 000 habitants et par an. L’ulcère duodénal est 5 fois plus fréquent que l’ulcère gastrique. La prédominance est masculine avec un sexe ratio de 3/1 pour l’ulcère duodénal, et voisin de 1 pour l’ulcère gastrique. La maladie ulcéreuse est plus fréquente entre 50 et 70 ans. La survenue de lésions gastriques ou duodénales au cours de la prise de médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens est d’environ 5 % à cours terme et 30 % en cas de prise prolongée. Les localisations gastriques iatrogènes sont plus fréquentes après 65 ans.

2.2 Facteurs favorisant Des antécédents familiaux de maladie ulcéreuse sont présents chez 25 % des patients. Un tabagisme actif augmente le risque d’ulcère et retarde sa cicatrisation. Le stress n’a pas de rôle démontré hormis dans des situations telles que un polytraumatisme, un séjour en réanimation ou en neurochirurgie.

3 PHYSIOPATHOLOGIE DE LA MALADIE ULCEREUSE La maladie ulcéreuse résulte d’un déséquilibre entre les facteurs d’agression et les facteurs protecteurs de la muqueuse gastrique. Les trois principaux facteurs d’agression de la muqueuse gastrique ou duodénale sont l’acidité gastrique, l’infection chronique par Hp et les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens.

3.1 1 - Rôle d’Helicobacter Pylori Hp est le facteur physiopathologique essentiel de la maladie ulcéreuse. C’est une bactérie spiralée gram (-) qui s’implante à la surface de l’épithélium gastrique antrale chez plus de 90 % des sujets atteints de maladie ulcéreuse. Grâce à un équipement enzymatique (uréase) produisant de l’ammoniaque qui neutralise localement l’acidité gastrique, Hp survit durablement dans l’estomac et adhère aux cellules à mucus. Il s’agit d’une bactérie extra-cellulaire qui ne pénètre pas dans les cellules gastriques. Elle déclenche une réaction immunitaire locale et des anticorps sériques qui ne permettent pas cependant une éradication spontanée. Après une phase aiguë, l’infection devient chronique et entraîne une gastrite chronique qui prédomine au niveau de l’antre mais peut s’étendre au fundus. Cette gastrite peut évoluer vers une atrophie glandulaire associée à une métaplasie intestinale et évoluer vers une dysplasie favorisant la survenue d’un adénocarcinome gastrique. La prévalence de l’infection par Hp dans les pays développés est d’environ 40 % à l’âge adulte. Dans les zones

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de niveau socio-économiques sous-développé, elle est de 90 %. La transmission est inter-humaine (oro-fécale dans les pays sous-développés ou oro-orale dans les pays développés) et survient dans l’enfance avec un rôle prépondérant des contacts étroits entre les individus. La relation de cause à effet entre l’Hp, gastrite antrale et maladie ulcéreuse est certaine. L’éradication d’Hp permet la guérison de la gastrite et prévient les récidives de la maladie ulcéreuse. L’Hp induit une maladie ulcéreuse par plusieurs mécanismes : augmentation de la sécrétion gastrique acide, libération post-prandiale de gastrine, altération des protéines du mucus, induction de réactions immunologiques cyto-toxiques. Les facteurs de virulence du germe, de susceptibilité de l’hôte et environnementaux sont également impliqués. L’infection par Hp est également impliquée dans la survenue de lymphome gastrique et d’adénocarcinome gastrique.

3.2 Ulcères iatrogènes La toxicité gastrique de l’Aspirine et des anti-inflammatoires non stéroïdiens est liée à une altération de la perméabilité de la muqueuse gastrique favorisant la rétro-diffusion des ions H+. Elle est due à l’inhibition de la ciclo-oxygénase (COX), enzyme impliqué dans la synthèse de prostaglandine qui protège la muqueuse gastrique en stimulant le flux sanguin, la production de mucus et la synthèse de bicarbonate. La mise sur le marché récente d’anti-inflammatoires inhibant de façon sélective l’iso-enzyme inductible (COX2) impliqué dans l’inflammation respectant l’iso-enzyme constitutif (COX1) impliqué dans la muco-protection semble réduire la gastro-toxicité de ces médicaments.

4 DIAGNOSTIC

4.1 Diagnostic clinique Dans 90 % des cas, la maladie ulcéreuse gastro-duodénale chronique est diagnostiquée en dehors d’une complication. Le diagnostic, suspecté par l’interrogatoire et la négativité de l’examen physique, repose sur l’endoscopie haute. Les ulcères iatrogènes sont fréquemment révélés par une hémorragie digestive. La douleur ulcéreuse typique et épigastrique, sans irradiation, à type de crampe, de torsion ou de faim douloureuse, post-prandiale est séparée de la fin du repas par un intervalle libre de 1 à 5 heure. La douleur est calmée par ingestion d’aliments. Elle évolue spontanément par poussée de deux à quatre semaines pendant lesquelles la douleur est quotidienne et par des phases de rémission complète spontanée de plusieurs semaines à plusieurs mois (périodicité). Le syndrome ulcéreux typique, rythmé par les repas et périodique est très spécifique mais sa sensibilité est médiocre car plus de 50 % des ulcères se manifestent par des symptômes atypiques. La symptomatologie de la maladie ulcéreuse est fréquemment atypique : brûlures épigastriques, localisation ou irradiation atypique, horaires irréguliers, absence de périodicité. Des nausées et des vomissements peuvent être observés en cas de localisation pylorique. Dans 20 % des cas, la maladie est asymptomatique et est découverte lors d’une endoscopie réalisée pour une autre raison ou révélée par une complication (hémorragie ou perforation).

4.1.1 Interrogatoire et examen clinique L’examen clinique est le plus souvent normal. L’interrogatoire est essentiel et recherche les antécédents familiaux et personnels, les habitudes (alcool, tabac), et les traitements en cours

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(aspirine, AINS, anti-coagulants).

4.1.2 Diagnostic positif L’endoscopie digestive est l’examen clé du diagnostic de la maladie ulcéreuse gastro-duodénale. Elle permet de préciser le site de l’ulcère, sa taille, la présence d’une hémorragie et également de réaliser des biopsies pour rechercher l’Hp ou en cas d’ulcère gastrique.

4.1.3 Endoscopie digestive haute L’endoscopie est réalisée à jeun, le plus souvent après une simple anesthésie pharyngée. Elle peut être effectuée dans certains cas sous sédation. • Au cours de la maladie ulcéreuse, l’ulcère a la forme d’une perte de substance à fond

blanchâtre, bordée d’un bourrelet œdémateux. Au niveau de l’estomac, il siège habituellement au niveau de l’antre et principalement au niveau de la jonction antro-fundique (petite courbure angulaire). L’ulcère est rond, ovalaire ou plus rarement linéaire. L’aspect régulier et non induré des berges avec des plis convergents est en faveur du caractère bénin de l’ulcération. Compte tenu du risque de cancer se présentant comme un ulcère, il est néanmoins nécessaire de réaliser de multiples prélèvements sur les berges de l’ulcération. Au niveau du bulbe et du duodénum, l’ulcère siège le plus fréquemment au niveau bulbaire. Il est habituellement rond, parfois triangulaire ou linéaire. Dans certains cas, la maladie ulcéreuse est présente sur les faces antérieures et postérieures réalisant le « kissing » ulcère. A ce niveau, les biopsies de l’ulcère sont inutiles car il n’existe aucun risque de cancérisation. Des érosions multiples (bulbite érosive) ont la même signification qu’un ulcère duodénal classique.

• Dans les ulcères liés à la prise d’aspirine ou d’AINS, les pertes de substance sont plus souvent multiples et superficielles et prédominent au niveau de l’estomac.

Des biopsies antrales, et éventuellement fundique, doivent être systématiquement réalisées pour rechercher une gastrite associée à l’Hp. La mise en évidence de l’infection par Hp s’effectue par un examen anatomopathologique des biopsies antrales avec une coloration spécifique. Cette recherche a une sensibilité et une spécificité proches de 100 %. La mise en culture des prélèvements pour antibiogramme n’est réalisée qu’en cas de résistance après une ou deux tentatives d’éradication. Le test rapide à l’uréase (résultat au décours de l’endoscopie), repose sur le virage d’un indicateur coloré du fait de l’alcalinisation du milieu par transformation de l’urée en ammoniaque et CO2 en raison de l’activité uréasique du fragment biopsique maintenu à 37°. Ce test n’a d’intérêt que du fait de sa rapidité d’obtention et n’est que rarement réalisé en pratique courante. Les tests non invasifs pour rechercher l’Hp (test respiratoire à l’urée) ne sont indiqués que pour vérifier l’éradication afin d’éviter d’imposer au malade une nouvelle endoscopie.

4.1.4 Autres explorations Le transit baryté œsogastroduodénal n’est plus qu’exceptionnellement indiqué en cas de sténose rendant la progression de l’endoscope impossible. L’étude de la sécrétion gastrique acide basale et stimulée n’a plus d’indication en dehors d’une suspicion de gastrinome (syndrome de Zollinger Ellison).

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4.2 Diagnostic différentiel Avant la réalisation de l’endoscopie, les douleurs peuvent faire évoquer une pathologie biliaire, pancréatique, colique ou extra-digestive (coronarienne ou pulmonaire). Un reflux gastro-œsophagien peut se manifester par des douleurs épigastriques. Le principal diagnostic différentiel est celui de la dyspepsie fonctionnelle (traitée au chapitre « troubles fonctionnels intestinaux »). Lorsque l’endoscopie met en évidence un ulcère gastrique, le principal diagnostic différentiel est celui d’un cancer gastrique ulcéré. L’aspect endoscopique en faveur d’une lésion néoplasique sont la présence d’irrégularités et d’une induration des berges, une attraction des plis au contact de l’ulcération. Il est impératif de réaliser systématiquement au moins 8 à 10 biopsies sur les berges de tout ulcère gastrique et de contrôler la cicatrisation par endoscopie et biopsies. D’autres tumeurs gastriques comme les lymphomes et les tumeurs stromales peuvent se révéler par un syndrome ulcéreux. Le diagnostic est porté par l’examen anatomopathologique des biopsies et dans certains cas par une écho-endoscopie. Le gastrinome ou syndrome de Zollinger Ellison est exceptionnel. Le diagnostic peut être suspecté devant une maladie ulcéreuse sévère, résistant à un traitement habituel avec des lésions ulcéreuses multiples ou atypiques (ulcère, ou duodénite ulcérée post-bulbaire). L’association à une œsophagite, une diarrhée et des antécédents personnels ou familiaux de néoplasie endocrine peuvent être présents. La tumeur (gastrinome) siège le plus souvent au niveau du pancréas ou parfois dans la paroi duodénale. Elle a un potentiel malin avec présence de métastases ganglionnaires et hépatiques dans plus de la moitié des cas. Elle s’intègre dans le cadre d’une néoplasie endocrine multiple de type I dans 20 % des cas. Le diagnostic est orienté par la mise en évidence d’un débit acide gastrique basal élevé (supérieur à 15 mmol/heure) et est affirmé par une gastrinémie augmentée à jeun et après injection intraveineuse de sécrétine et par la mise en évidence de la tumeur responsable (scanner et/ou écho-endoscopie). Une hyperparathyroïdie, qui est le plus souvent associée à une néoplasie endocrine multiple de type I, peut également être à l’origine d’une maladie ulcéreuse.

5 EVOLUTION ET PRONOSTIC

5.1 Evolution spontanée En l’absence de traitement, la douleur régresse dans 60 % des cas en 4 à 6 semaines. Il n’y a pas toujours de parallélisme entre la cicatrisation anatomique de l’ulcère et la disparition des douleurs. En cas de maladie ulcéreuse régressant spontanément ou après un traitement par anti-sécrétoire, la récidive ulcéreuse survient dans l’année dans 70 % des cas en l’absence d’éradication d’Hp.

5.2 Complications

5.2.1 Hémorragie digestive Il s’agit de la plus fréquente des complications de la maladie ulcéreuse qui survient chez près de 30 % des patients. La prise en charge et le traitement de cette complication seront traités

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au chapitre « Hémorragies Digestives ».

5.2.2 Perforation Une perforation, parfois révélatrice, survient dans environ 5 % des cas. Elle se manifeste par une péritonite aiguë. Son diagnostic et son traitement seront traités dans le chapitre « Péritonites ».

5.2.3 Sténose En cas d’ulcère prépylorique ou bulbaire, l’évolution vers une sténose pylorique est possible. Il s’observe surtout chez les patients non traités avec le développement progressif d’une fibrose péri-ulcéreuse. Le diagnostic est évoqué devant des vomissements post-prandiaux tardifs associés à un clapotage gastrique à jeun. L’endoscopie permet de poser le diagnostic, de réaliser des biopsies pour éliminer une sténose néoplasique et dans certains cas de dilater à l’aide d’un ballonnet la sténose. En cas de sténose infranchissable, une exploration radiologique barytée peut être utile.

5.2.4 Cancérisation Le risque de cancérisation ne concerne que l’ulcère gastrique. Le schéma évolutif est celui d’un ulcère avec une gastrite chronique atrophique sur lequel survient une dysplasie puis un cancer. Ce risque estimé à environ 2 % des ulcères gastriques justifie une surveillance endoscopique et histologique de tout ulcère gastrique et le recours à la chirurgie en cas d’absence de cicatrisation après traitement médical bien conduit.

6 TRAITEMENT DE LA MALADIE ULCEREUSE Le traitement médical vise à soulager un syndrome douloureux, cicatriser l’ulcère et prévenir les récidives et les complications. Il repose sur la diminution de la sécrétion gastrique acide et l’éradication d’Hp.

6.1 Modalités du traitement médical

6.1.1 Antisécrétoires gastriques Les antagonismes des récepteurs H2 (anti-H2) ont maintenant été supplantés par les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) qui inhibent de façon plus puissante et prolongée la sécrétion gastrique acide. Les IPP ont très peu d’effets secondaires ou d’interactions médicamenteuses.

6.1.2 Muco-protecteurs et anti-acides Les agonismes des prostaglandines (cytotec) ont proposés en association aux AINS pour prévenir les complications gastro-duodénales induites par ceux-ci. Leurs fréquents effets secondaires en limitent l’utilisation. Le sucralfate n’est plus prescrit en dehors de la prévention des ulcères de stress, en réanimation (sans preuve de son efficacité). Les anti-acides n’ont qu’un intérêt antalgique avant la confirmation endoscopique du diagnostic.

6.1.3 Antibiotiques Les schémas thérapeutiques les plus efficaces pour éradiquer Hp associé à un IPP prescrit en double dose et en deux prises journalières à deux antibiotiques sont : amoxycilline 1 g x 2/j,

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imidazolé (métronidazole ou tinidazole) 500 mg x 2/j, claritromycine (500 mg x 2/j) pendant 7 à 10 jours. Le taux d’éradication d’Hp est d’environ 70 % en France. Les effets secondaires (diarrhée et intolérance digestive, allergie) surviennent dans 20 % des cas. Une observance parfaite du traitement est indispensable au succès de l’éradication et est une des principales causes d’échec du traitement.

Dénomination commune

internationale

Spécialités Posologie habituelle

cimétidine Tagamet® Cimétidine

800 mg 800 mg

ranitidine Azantac® Raniplex®

300 mg 300 mg

famotidine Pepdine® 40 mg

Antagonistes des récepteurs

histaminiques H2 (Anti-H2)

nizatidine Nizaxid® 300 mg

oméprazole Mopral® Zoltum®

20 mg 20 mg

lanzoprazole Lanzor® Ogast®

30 mg 30 mg

pantoprazole Eupantol® Inipomp®

40 mg 40 mg

rabèprazole Pariet® 20 mg

Inhibiteurs de la pompe à protons

(IPP) esoméprazole Inexium 20 mg

6.2 Conduite pratique et résultat du traitement médical

6.2.1 Traitement de la maladie ulcéreuse Les stratégies diagnostiques et thérapeutiques des maladies ulcéreuses duodénales et gastriques sont résumées dans les figures ci-dessous. Le traitement initial associe un IPP à double dose (par exemple oméprazole 20 mg matin et soir, amoxycilline et claritromycine selon les modalités définies ci-dessus. Les douleurs régressent habituellement quelques jours et la cicatrisation de l’ulcère est obtenue dans près de 90 % des cas en moins de 4 semaines. Si l’éradication d’Hp est obtenue, ce traitement permet la survenue des récidives à long terme dans plus de 90 % des cas. L’arrêt des médicaments gastro-toxiques (aspirine et AINS) et des médicaments anticoagulants ou anti-aggrégants plaquettaires doit être préconisé. En cas de nécessité absolue, ils peuvent être poursuivis sous traitement anti-sécrétoire avec une surveillance médicale attentive.

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Stratégie diagnostique et thérapeutique de la maladie ulcéreuse duodénale

SYMPTOMES EVOCATEURS

Endoscopie gastroduodénale + biopsies antrales pour recherche d’Hp

IPP + antibiotiques (Supprimer, si possible, gastrotoxiques et anticoagulants)

PERSISTANCE OU RECIDIVE DES SYMPTOMES

endoscopie + biopsies antrales et fundiques

Si Hp + Si Hp – (situation exceptionnelle)

IPP + antibiotiques Eliminer un gastrinome ou une hypercalcémie IPP

ECHEC

Traitement par IPP, lors des poussées ou prolongé Traitement chirurgical

Stratégie diagnostique et thérapeutique de la maladie ulcéreuse gastrique

SYMPTOMES EVOCATEURS

Endoscopie gastroduodénale + biopsies de l’ulcère + biopsies antrales pour recherche d’Hp

IPP + antibiotiques* (Supprimer, si possible, gastrotoxiques et anticoagulants)

endoscopie de contrôle + biopsies antrales et fundiques

PERSISTANCE ou RECIDIVE

Vérifier absence de prise d’AINS IPP + antibiotiques si persistance d’Hp

Endoscopie de contrôle + biopsies

PERSISTANCE

Chirurgie Pour l’ulcère duodénal non compliqué (non hémorragique par exemple) chez un sujet ne présentant pas de pathologie à risque associée (cardiopathie, insuffisance rénale, insuffisance hépatique ou insuffisance respiratoire), de moins de 65 ans et sans trouble de la coagulation (spontanés ou liés à des prises médicamenteuses), le traitement d’attaque peut être interrompu

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après les 7 jours de trithérapie (deux antibiotiques + anti-sécrétoire à double dose). La poursuite du traitement anti-sécrétoire (à simple dose) pendant trois semaines supplémentaires et le contrôle endoscopique (six semaines après la fin du traitement anti-sécrétoire) sont recommandés en cas de poursuite d’un traitement par anti-coagulant, aspirine ou AINS, de complication inaugurale ou de persistance des symptômes malgré un traitement initial bien conduit. En l’absence d’une endoscopie de contrôle, l’éradication d’Hp doit être contrôlée par un test respiratoire (cf ci-dessus) réalisé quatre semaines après l’arrêt des IPP et des antibiotiques. En cas d’ulcère gastrique, un traitement anti-sécrétoire (IPP à dose classique) complémentaire de quatre semaines est préconisé après la trithérapie initiale de 7 jours. Un contrôle endoscopique avec des biopsies systématiques sur la cicatrice de l’ulcère doit être effectué six semaines après la fin du traitement anti-sécrétoire. En l’absence de cicatrisation, un nouveau traitement de six semaines est prescrit par un IPP associé à un traitement antibiotique différent (remplacement de la claritromycine par un imidazolé) en cas de persistance de l’infection par Hp. Un nouveau contrôle endoscopique est réalisé douze semaines avec réalisation de biopsies systématique. En l’absence de cicatrisation à ce terme, un traitement chirurgical peut être proposé. En l’absence d’infection par Hp, une éradication de principe est cependant recommandé. En cas d’ulcère duodénal non lié à Hp, et persistant malgré une tentative d’éradication d’ Hp. Un traitement préventif peut être proposé en utilisant des anti-H2 ou des IPP dans certains cas.

6.2.2 Echec d’éradication d’Helicobacter Pylori L’échec d’éradication d’Hp peut être reconnu par la pratique du test respiratoire (maintenant disponible et remboursé par la sécurité sociale). Après une ou deux tentatives d’éradication inefficaces, la réalisation de biopsies avec antibiogramme peut être préconisée pour adapter le traitement antibiotique. En pratique courante, après un premier échec de l’association classique, il est recommandé de remplacer la claritromycine par un imidazolé pendant une durée de 10 à 14 jours. En cas de nouvel échec, de nouveaux antibiotiques (quinolones, refabutine), sont en cours d’évaluation. En cas d’échec d’éradication, un traitement d’entretien par IPP au long cours peut être préconisé chez les patients traités au long cours par anticoagulants ou AINS, ou avec un risque vital important en cas de complication (sujet âgé, insuffisance cardiaque ou respiratoire) et en cas de survenue d’une complication inaugurale (hémorragie) non traitée chirurgicalement.

6.2.3 Traitement de l’ulcère iatrogène Le traitement repose sur l’arrêt des médicaments responsables (aspirine ou AINS) et la prescription d’un IPP pendant quatre semaines. Si le maintien du traitement gastro-toxique est nécessaire, un IPP sera associé pendant toute la durée du traitement. En cas d’infection associée à l’Hp, son éradication est recommandée car l’infection potentialise l’action gastro-toxique de l’aspirine et des AINS. Une prévention de la gastro-toxicité des AINS par IPP est préconisé chez les sujets de plus de

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60 ans, en cas d’antécédents d’ulcère gastro-duodénal et/ou d’hémorragie digestive, en cas de pathologie cardiaque, respiratoire, rénale ou hépatique sévère ou de prise d’anticoagulants.

6.3 Traitement chirurgical Le traitement chirurgical est maintenant quasi exclusivement réservé aux complications de la maladie ulcéreuse duodénale. Pour l’ulcère gastrique, la chirurgie est proposée pour les ulcères gastriques chroniques non cicatrisés après au moins douze semaines de traitement médical ou en cas de dysplasie sévère sur les berges de l’ulcère. Le traitement consiste en une gastrectomie partielle avec un rétablissement de la continuité par une anastomose gastro-duodénale ou une anastomose gastro-jéjunale. Les indications du traitement chirurgical de l’ulcère duodénal à froid ont quasiment disparu. Ce traitement visait à réduire la sécrétion gastrique en sectionnant le nerf vague, soit par une vagotomie fundique, ou une vagotomie tronculaire associée à une antrectomie. Les complications sont actuellement les motifs les plus fréquents d’indication chirurgicale de la maladie ulcéreuse. En cas d’ulcère hémorragique et après échec d’un traitement médical et endoscopique (voir chapitre « Hémorragies Digestives), un traitement chirurgical doit être proposé. Il associe une vagotomie tronculaire associée à une pyloroplastie et à une suture hémostatique de l’ulcère ou une vagotomie tronculaire avec antrectomie enlevant l’ulcère. La perforation est une indication quasi formelle du traitement chirurgicale de la maladie ulcéreuse. Le traitement consiste le plus souvent à une excision suture de la perforation. Dans certains cas, lorsque le diagnostic est fait précocément chez un sujet jeune et en l’absence de signe évident de péritonite, un traitement initial peut être proposé et consiste en une aspiration gastrique, des anti-sécrétoires par voie intraveineuse et des antibiotiques. Les sténoses ulcéreuses pyloriques ou bulbaires cicatricielles nécessitent le plus souvent un traitement chirurgical avec dérivation gastro-jéjunale ou vagotomie et antrectomie. Celles-ci sont habituellement proposées après échec d’une dilatation endoscopique.

7 GASTRITES AIGUES ET CHRONIQUE

7.1 GASTRITES AIGUES Il s’agit d’une inflammation aiguë de la muqueuse gastrique définie par des lésions endoscopiques et histologiques. Les gastrites aiguës peuvent être cliniquement latentes ou bien se manifester par des douleurs épigastriques. L’endoscopie et les biopsies montrent des lésions souvent diffuses, multiples et de degrés variables : œdème, lésions pétéchiales et purpuriques, érosions superficielles, lésions ulcéro-nécrotiques … Ces lésions aiguës sont susceptibles de cicatriser en quelques jours ou parfois d’entraîner des complications hémorragiques ou perforatives. Les causes les plus fréquentes sont l’alcool, les médicaments (aspirine et AINS), la primo-infection à Hp, l’injection de caustique et les défaillances multi-viscérales (gastrite de stress).

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7.2 Gastrite chronique

7.2.1 Définition, histologie Une gastrite chronique signifie la présence à l’examen histologique de la muqueuse gastrique, de lésions inflammatoires et atrophiques plus ou moins étendues (muqueuse antrale et muqueuse fundique) et plus ou moins sévères. La gastrite chronique est susceptible d’aboutir à la disparition des glandes gastriques (atrophie gastrique). Schématiquement, on peut observer à l’examen histologique d’une gastrite chronique : - des signes d’activité comportant une infiltration du chorion et de l’épithélium par des

polynucléaires neutrophiles ; la gastrite peut être légère, modérée ou sévère ; elle est généralement caractéristique de l’infection par Hp ;

- des signes d’inflammation comportant une infiltration du chorion par des lymphocytes ; cette infiltration peut être légère, modérée ou sévère ;

- des signes d’atrophie caractérisés par une réduction des glandes gastriques ; elle peut être légère, modérée ou sévère ;

- une métaplasie intestinale ainsi qu’une fibrose du chorion peuvent se développer et s’associer à des signes histologiques de dysplasie qui peut être légère, modérée ou sévère. la dysplasie sévère est synonyme de cancer débutant.

7.2.2 Causes des gastrites chroniques Les causes des gastrites chroniques sont l’infection par Hp, le reflux biliaire, la prise d’aspirine au long cours et des manifestations auto-immunes (maladie de Biermer ou gastrite lymphocytaire ou varioliforme). La gastrite secondaire à Hp a une localisation antrale préférentielle et comporte une infiltration du chorion par des polynucléaires et des lymphoplasmocytes définissant l’activité et l’inflammation qui sont caractéristiques de l’infection. Chez l’enfant et l’adulte jeune, la présence d’une formation de nodules lymphoïdes dans le chorion n’est pas exceptionnelle.

7.2.3 La filiation gastrite chronique atrophique – dysplasie – cancer La gastrite chronique atrophique peut s’accompagner d’une dysplasie épithéliale pouvant aboutir au développement d’un adénocarcinome. Une surveillance endoscopique et histologique des malades atteints de gastrite chronique atrophique avec dysplasie peut être proposée. Il n’y a pas de consensus concernant l’indication d’éradication d’l’Helicobacter Pylori à titre préventif du cancer. Cependant quand cette infection est mise en évidence, une éradication peut légitimement être proposée.

7.3 Gastrites chroniques spécifiques

7.3.1 Maladie de Biermer Elle se manifeste par une anémie, macrocytaire, non régénérative, parfois associée à des signes neurologiques et à une glossite. Elle peut se révéler par une macrocytose isolée. La maladie de Biermer est liée à une atrophie gastrique fundique. L’aspect endoscopique est parfois évocateur avec un aspect en « fond d’œil » confirmé par les biopsies fundiques. L’atrophie peut être confirmée par achlorydrie au tubage gastrique, associée à une hypergastrinémie. L’atrophie des cellules pariétales fundiques empêche la sécrétion du facteur

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intrinsèque nécessaire à l’absorption de la vitamine B12 au niveau iléal. Cela peut être confirmé par le test de Schilling que la prise orale de facteur intrinsèque normalise. La maladie de Biermer résulte d’un mécanisme immunologique avec mise en évidence d’anticorps sériques anti-cellules pariétales (non spécifiques) et anti-facteur intrinsèque. Le traitement comporte une administration parentérale de vitamine B12 (1 mg tous les 6 mois). Le principal risque évolutif est la survenue d’un cancer gastrique qui justifie une surveillance endoscopique.

7.3.2 Maladie de Ménétrier La maladie de Ménétrier ou gastropathie hypertrophique géante est une affection rare caractérisée par un épaississement de la muqueuse (2 mm ou plus), dû à une hyperplasie de l’épithélium muco-sécrétant. Elle peut se manifester par une exsudation protéique anormale par l’estomac, induisant une hypoprotéinémie avec amaigrissement et œdème des membres inférieurs. Elle peut se compliquer d’hémorragie ou de cancer. En cas d’infection associée à HP, l’éradication doit être proposée.

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Vomissements

Christophe Cellier

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou

Objectifs (question N° 345 du programme officiel) • Devant des vomissements de l'adulte, argumenter les principales hypothèses

diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents. • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi de l'évolution.

LES POINTS IMPORTANTS • Le diagnostic de vomissement est souvent facile il doit être distingué des

régurgitations ou d’un mérycisme. • Les causes des vomissements sont multiples mais fréquemment bénignes en

rapport avec une gastro-enetérite infectieuse ou un excès alimentaire. Le contexte clinique permet le souvent une orientation diagnostique.

• Les vomissements aigus sont fréquemment d’origine digestive. L’essentiel est de ne pas méconnaître une urgence chirurgicale. Les causes neurologiques ou iatrogènes doivent être évoquées en particulier chez le sujet âgé ou polymédicamenté.

• Les vomissements chroniques correspondent le plus souvent à une obstruction intestinale dont le siège sera précisé par les explorations morphologiques. Les troubles moteurs gastriques ou intestinaux sont rares. Dans certains cas, les vomissements chroniques sont secondaires à une maladie psychiatrique

1 DIAGNOSTIC

1.1 Diagnostic positif Le diagnostic repose sur l’interrogatoire. Le vomissement est un rejet actif, avec une contraction du diaphragme et des muscles de la paroi abdominale, de tout ou partie du contenu gastrique par la bouche.

1.2 Diagnostic différentiel Les vomissements doivent être distingués des régurgitations et du mérycisme. - les régurgitations sont des remontées passives dans la bouche du contenu gastrique ou

œsophagien. Leur cause est le reflux gastro-œsophagien, plus rarement une achalasie, une tumeur de l’œsophage ou un diverticule de Zenker.

- Le mérycisme est une remontée volontaire des aliments dans la bouche où ils sont à

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nouveau mastiqués (rumination). Les régurgitations et le mérycisme ne sont pas précédés des nausées.

2 COMPLICATIONS

2.1 Troubles hydroélectrolytiques Ils surviennent si les vomissements sont abondants et répétés. Cliniquement, il existe une déshydratation extracellulaire. Biologiquement, on note une hémoconcentration, une insuffisance rénale fonctionnelle et une alcalose métabolique avec hypokaliémie et hypochlorémie.

2.2 Complications respiratoires Les vomissements peuvent être associés à des troubles de la déglutation ou de la vigilance (anesthésie, ivresse aiguë) et induire une pneumopathie d’inhalation siégeant habituellement à droite.

2.3 Complications mécaniques - Le syndrome de Mallory Weiss est une déchirure longitudinale de la muqueuse située au

niveau du cardia. Il complique les vomissements habituellement violents et répétés (grossesse, intoxication éthylique aiguë). Classiquement, ces vomissements sont d’abord alimentaires puis suivis d’une hématémèse d’abondance variable. Le diagnostic est confirmé par la fibroscopie œsogastrique qui met en évidence l’ulcération longitudinale du cardia, parfois recouverte d’un caillot.

- Rupture spontanée de l’œsophage (syndrome de Boerhaave) est une complication exceptionnelle de vomissement. Le diagnostic repose sur l’apparition brutale au cours d’effort de vomissement d’une douleur thoracique aiguë irradiant dans le dos et le cou, associée à une odynophagie ou une dysphagie, une dyspnée, une chute tensionnelle et un emphysème sous-cutané. La radiographie de thorax peut mettre en évidence l’emphysème sous-cutané, le pneumodiastin ou un épanchement pleural. Le diagnostic est confirmé par la tomodensitométrie thoracique.

3 CAUSES On distingue les vomissements aigus des vomissements chroniques.

3.1 Causes de vomissements aigus

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Tableau 1. Causes de vomissements aigus Causes digestives Gastro-entérite aiguë et toxi-infection alimentaire

Occlusion complète ou partielle Lithiase biliaire (colique hépatique, cholécystite aiguë) Ulcère gastroduodénal Appendicite aiguë Hépatite aiguë Pancréatite aiguë ou chronique Péritonite Infarctus mésentérique Iléus postopératoire

Causes médicamenteuses et toxiques

Antimitotiques Digitaliques, Opiacés, Théophylline Inhalation de toxiques industriels ou d’oxyde de carbone Intoxication alcoolique aiguë

Causes neurologiques Méningite Hémorragie méningée ou cérébro-méningée Hypertension intracrânienne Syndrome labyrinthique Migraine

Causes métaboliques et endocriniennes

Acidocétose diabétique Insuffisance rénale aiguë Hypercalcémie Insuffisance surrénale aiguë

Causes diverses Infarctus du myocarde Colique néphrétique Torsion de kyste ovarien Glaucome aigu Mal des transports

3.1.1 Vomissements aigus bénins Ce sont les plus fréquents. Ils peuvent être liés à une gastro-entérite infectieuse et être associée à une fièvre et/ou une diarrhée. L’examen clinique est normal et les vomissements cèdent en quelques heures à quelques jours.

3.1.2 Vomissements aigus évoluant dans un contexte d’urgence avec une cause digestive. Le diagnostic est orienté par la présence d’autres signes digestifs (douleurs abdominales, diarrhée, ou arrêt du transit) et l’examen abdominal (douleurs provoquées, défense, contracture, météorisme, diminution des bruits hydroaériques, anomalies au toucher pelvien). Une radiographie d’abdomen sans préparation est indiquée pour rechercher un pneumo-péritoine ou des niveaux hydro-aériques. Un bilan biologique (numération formule sanguine, lipasémie), et éventuellement échographie abdomino-pelvienne (ou scanner) permettent de préciser le diagnostic.

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3.1.3 Causes neurologiques Les vomissements d’origine neurologique surviennent en jets sans nausée préalable. Le diagnostic repose sur la présence de céphalées, d’un syndrome méningé, de signe neurologique de localisation ou de syndrome vestibulaire associé. Des examens (ponction lombaire, tomodensitométrie cérébrale, IRM) préciseront le diagnostic.

3.1.4 Causes médicamenteuses et toxiques Une recherche auprès du patient ou de son entourage recherchera des prises médicamenteuses ou toxiques susceptibles d’induire des vomissements (surdosage en digitaliques, chimiothérapie en cours par exemple).

3.1.5 Autres causes Les urgences gynécologiques (torsion du kyste ovarien), néphrologiques (colique néphrétique) ou cardiaque (infarctus du myocarde, ou embolie pulmonaire) doivent être également évoquées en fonction du contexte clinique. Une migraine accompagnée (céphalées intenses) à topographie hémi-crânienne avec photophobie précédant les vomissements, un glaucome aigu, un mal transport peuvent s’accompagner de vomissements, mais l’interrogatoire permet d’évoquer le diagnostic.

3.2 Causes de vomissements chroniques Tableau 2. Causes de vomissements chroniques Obstruction du tractus digestif Sténose antro-pyloro-bulbaire Ulcère antro-pylorique ou duodénal Tumeur gastrique (carcinome, lymphome, tumeur bénigne) Sténose inflammatoire (maladie de Crohn, tuberculose) Sténose duodénale Tumeur duodénale Compression extrinsèque (pancréas) Sténose de l’intestin grêle Tumorale (lymphome, adénocarcinome) Inflammatoire (Crohn, entérite radique, prise d’AINS) Ischémique Compression extrinsèque (tumeur abdominale, carcinose péritonéale) Causes digestives non obstructives Ulcère gastroduodénal, cancer gastrique, fistule gastrocolique Pancréatite chronique Trouble de la motricité gastro-intestinale Gastroparésie idiopathique ou secondaire Pseudo-obstruction intestinale chronique idiopathique ou secondaire Causes extradigestives Grossesse (1er trimestre) et complications de la grossesse Causes neurologiques, médicamenteuses, métaboliques ou toxiques Vomissements psychogènes

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Tableau 3. Démarche diagnostique devant des vomissements chroniques

Grossesse, migraine

Médicaments, toxiques

Gastro-entérite aiguë

Orientation vers une

cause précise

Lésions digestives Affections pancréatiques

et péritonéales

Affections neurologiques

Troubles moteurs digestifs

Vomissements psychogènes

Interrogatoire, examen physique et bilan biologique*

ASP

Endoscopie digestive haute

Transit du grêle

Echographie et/ou

bd i l

TDM ou IRM

b l

Explorations motrices

Evaluation psychatrique

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3.2.1 Obstruction du tractus digestif Les vomissements sont post-prandiaux, plus ou moins tardifs selon le siège de l’obstacle, associés à une sensation de réplétion gastrique, de douleurs abdominales soulagées par les vomissements. L’examen clinique met en évidence un météorisme, une masse abdominale, des ondulations péri-statiques, une voussure épigastrique avec un clapotage gastrique à jeun. Un cliché d’abdomen sans préparation met en évidence une stase gastrique ou des niveaux hydro-aériques intestinaux. Une endoscopie digestive haute après aspiration gastrique ou un transit œsogastro-duodénal permettent habituellement de préciser la nature de l’obstacle antro-pyloro-bulbaire ou duodénal. En cas d’obstacle sur l’intestin grêle, ou au niveau du côlon, une échographie ou une tomodensitométrie abdominale, un transit du grêle et une coloscopie devront être discutés.

3.2.2 Causes digestives non obstructives Un trouble moteur digestif tel qu’une gastroparésie peut être évoqué si les explorations digestives sont négatives et en fonction du contexte (diabète insulino-dépendant par exemple). La gastro-parésie peut être quantifiée par une scintigraphie (de l’évacuation d’un repas marqué). La pseudo-obstruction intestinale chronique est exceptionnelle et est due à des anomalies de l’innervation ou de la musculature intestinale. Elle se manifeste par des épisodes répétés d’occlusion complète ou partielle. La manométrie de l’intestin grêle peut permettre le diagnostic, mais est rarement réalisée en pratique. Dans ce contexte, il est souvent difficile, chez les patients avec des antécédents de chirurgie abdominale d’éliminer des épisodes d’occlusion sur bride. La plupart de ces troubles moteurs peuvent idiopathiques ou secondaires à une affection systémique (diabète, neuropathie végétative ou vagotomie).

3.2.3 Causes extra-digestives Chez une femme en âge de procréer, une grosse doit toujours être évoquée ou confirmée par le dosage des béta-HCG. Les vomissements sont souvent modérés, matinaux et en début de grossesse et s’atténuent au cours du deuxième trimestre. Des vomissements survenant plus tardivement au cours de la grossesse doivent faire évoquer d’autres causes en particulier la toxémie gravidique, ou la stéatose hépatique aiguë.

3.2.4 Vomissements psychogènes Ils représentent une cause fréquente de vomissements chroniques. Ils doivent être évoqués devant des vomissements chroniques intermittents, déclenchés par des périodes de stress. Ils surviennent en cours ou à la fin du repas et ne sont pas associés à une altération de l’état général. Les vomissements provoqués s’observent également chez des patients atteints de troubles du comportement alimentaire tels la boulimie ou l’anorexie mentale. Une évaluation psychiatrique est nécessaire dans ce cas.

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4 Traitement symptomatique Les principaux médicaments antiémétiques (action centrale) ou prokinétiques (action périphérique stimulant le péristaltisme digestif) sont utilisés pour traiter symptomatiquement les vomissements. La correction des désordres métaboliques induits par les vomissements est indispensable et nécessite parfois l’utilisation d’une voie parentérale. Dans tous les cas, le traitement tiologique, s’il est possible est nécessaire. Site d’action Classe médicamenteuse

Dénomination commune

Nom de spécialité

Action centrale pure Anti-histaminiques H1 phénothiazines

diphénydramine alizapride, métopimazine, chlorpromazine

Nautamine ® Plitican ® Vogalène ® Largactil ®

Action centrale et périphérique Antidopaminergiques. Antisérotoninergiques 5HT3 (b)

métoclopramide (a), dompéridone ondansétron granisétron dolasetron tropisetron

Primpéran ®, Anausin ®, Prokinyl ® Motilium ®, Peridys ® Zophren ® Kytril ® Anzemet ® Navoban ®

Action périphérique pure Cholinergiques spécifiques Agonistes de la motiline

cisapride (c) érythromycine

Prépulsid ® Erythrocine ®

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Tumeurs de l'estomac

Jean-Luc Bouillot

Service de chirurgie digestive, Hôtel Dieu

Objectifs (question N° 150 du programme officiel) Diagnostiquer une tumeur de l'estomac.

1 INTRODUCTION La grande majorité des tumeurs malignes de l’estomac (95 %) est constituée par les adénocarcinomes qui se développent à partir de l’épithélium. Le cancer de l’estomac est en nette régression dans les pays développés avec néanmoins de fortes inégalités (risque faible aux Etats-Unis, risque fort au Japon). Le pronostic est fonction du degré d’envahissement de la paroi et de l’atteinte ganglionnaire. Le traitement reste essentiellement chirurgical et en dehors de stades précoces, les possibilités de guérison sont faibles.

2 EPIDEMIOLOGIE Le cancer de l’estomac est le quatrième cancer en France, derrière le poumon, le sein et le cancer colo-rectal. Il représente un peu moins de 10 000 nouveaux cas par an. Sa fréquence est en diminution, sauf pour les cancers de la jonction oeso-gastrique ( cancer du cardia). Le cancer de l’estomac touche plutôt l’homme (sexe ratio : 2) entre 50 et 70 ans. Des facteurs alimentaires ont été mis en cause dans l’apparition des cancers de l’estomac : une alimentation trop riche en sel (salaisons, poissons séchés), carencée en acide ascorbique et ß carotène ou contenant des dérivés des nitrates (nitrosamines). La fréquence du cancer augmente depuis le cardia (10%) jusqu’à la région antrale (60 %).

3 CONDITIONS PREDISPOSANTES Certaines affections gastriques prédisposent à l’apparition d’un cancer :

3.1 Gastrite chronique atrophique Le terme de gastrite chronique signifie le présence à l’examen histologique de la muqueuse gastrique, de lésion inflammatoires et atrophiques plus ou moins étendues et plus ou moins sévère. La gastrite chronique est susceptible d’aboutir progressivement à la disparition des glandes gastriques (atrophie gastrique). Cette gastrite chronique est induite par une infection bactérienne : hélicobacter pylori. Une métaplasie intestinale y est souvent associée. L’évolution peut se faire dans un certain nombre de cas vers l’apparition d’une dysplasie (de bas puis de haut grade= cancer in situ) puis du cancer. Sa localisation préférentielle est antrale (comme le cancer) et s’accompagne d’une infiltration du chorion par des polynucléaires et des lymphoplasmocytes.

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3.2 Maladie de Biermer Il s’agit d’une gastrite atrophique auto-immune (anticorps anti cellules pariétale et facteur intrinsèque). Elle se manifeste par une anémie intense, macrocytaire, non régénérative, parfois associée à des signes neurologiques et à une glossite. Parfois, elle est révélée par une simple macrocytose. Elle est liée à une atrophie gastrique fundique décelable par des biopsies réalisées lors d’une endoscopie, confirmée par l’achlorydrie au tubage gastrique et l’hypergastrinémie. L’atrophie des glandes fundiques empêche la sécrétion du facteur intrinsèque et l’absorption de la vitamine B12.

3.3 La maladie de Ménétrier Il s’agit d’une gastrite hypertrophique donnant un épaississement de la muqueuse considérable (hyperplasie de l’épithélium mucosécrétant) et dont le diagnostic est fait par des biopsies profondes à l’anse diathermique. Il s’agit d’une maladie rare se manifestant par une exsudation protéique anormale par l'estomac, conduisant à une hypoprotidémie avec amaigrissement et œdème des membres inférieurs. Le risque de cancérisation est supérieur à 10 %.

3.4 Les polypes adénomateux gastriques Ce sont des lésions précancéreuses rares représentant 5 à 25% des polypes gastriques. Leur exérèse lors d’une endoscopie est indispensable. Comme pour le côlon, leur taille et leur contingent villeux sont de bons indicateurs de transformation maligne.

3.5 Gastrectomie partielle pour lésion bénigne Après gastrectomie partielle pour lésion bénigne, le risque de développer un cancer gastrique est estimé à 5,5 % à 15 ans et justifie une surveillance endoscopique. Le reflux biliaire dans le moignon gastrique est responsable d’une gastrite chronique faisant le lit du cancer.

3.6 Ulcère gastrique chronique La relation entre l’ulcère gastrique chronique et le cancer gastrique n’est pas établie formellement. Cependant, certains cancers peuvent se présenter macroscopiquement sous la forme d’un ulcère et répondre au traitement médical. La découverte d’un ulcère gastrique justifie la réalisation de biopsies nombreuses et répétées afin de ne pas méconnaître un cancer.

4 HISTOLOGIE Les cancers de l’estomac peuvent se développer aux dépends des différents éléments de sa paroi : épithélium, muscle, graisse, tissu lymphoïde. Les adénocarcinomes se développant aux dépends de l’épithélium glandulaire représentent 95 % des tumeurs malignes de l'estomac. L’adénocarcinome typique est fait de tubes étroits, de lobules et de travées. Les cellules cubiques contiennent des inclusions mucipares. Il existe des formes atypiques faites de cellules isolées ou en plage pouvant être mucosécrétantes : une grosse vacuole rejette le noyau en périphérie et donne un aspect en « bague à chaton ».

4.1 Cancer superficiel Le cancer gastrique superficiel est définit comme un cancer gastrique, limité à la muqueuse ou

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à la sous muqueuse. Il s’agit de la forme précoce du cancer gastrique. Les cancers superficiels sont classés macroscopiquement en 3 types : polypoïdes, superficiels, excavés. Le risque d’atteinte ganglionnaire est faible (10 % pour les lésions limitées à la muqueuse, jusqu’à 25 % pour celles atteignant la sous muqueuse). Ces tumeurs sont de meilleur pronostic et leur évolution naturelle se fait vers le cancer invasif.

4.2 Cancer invasif Un cancer gastrique invasif est un cancer atteignant la musculeuse. La classification utilisée pour définir ces cancers est la classification de Borrmann. Quatre types ont été définis : type I polypoïde, type II ulcérant, type III ulcérant et infiltrant, type IV infiltrant (linite). Le type III est le plus fréquent. L’évolution spontanée d’un cancer de l’estomac se fait vers l’extension au travers de la paroi gastrique jusqu’à la séreuse puis vers les organes adjacents (foie, pancréas, mésocôlon transverse, côlon transverse). L’extension lymphatique se fait vers les territoires ganglionnaires de l’estomac (chaîne de l’artère gastrique gauche, chaîne splénique et chaîne hépatique). L’extension lymphatique est fonction du siège du cancer et les atteintes ganglionnaires se font de proche en proche. Les métastases sont principalement péritonéales et hépatiques, plus rarement pulmonaires et osseuses. Enfin, une métastase particulière, la métastase ovarienne d’un cancer de l’estomac porte le nom de tumeur de Krükenberg.

4.3 Une entité particulière : la linite gastrique Il s’agit d’une forme infiltrante de cancer de l’estomac avec des cellules indépendantes (en bague à chaton), un stroma abondant, scléreux, responsable de l’aspect ligneux et représentant 5% des cancer gastrique. Les lésions peuvent être localisées (diagnostic difficile) ou diffuses. Il n’y a pas de symptomatologie propre et le diagnostic est souvent fait lors du TOGD (aspect de microgastrie, estomac en tube rigide, immobile, parfois aspect de sténose isolée). La fibroscopie gastrique peut être normale, avec une muqueuse normale mais souvent l’aspect est celui d’un estomac ne se gonflant pas lors de l’insufflation, rigide avec une petite ulcération. Les biopsies peuvent être normales et nécessite d’être parfois réalisées profondément à l’anse diathermique. Cette forme de tumeur est de très mauvais pronostic.

4.4 Autres tumeurs Les tumeurs malignes de l’estomac peuvent répondre à d’autres histologies :

4.4.1 Lymphomes non Hodgkinien (3 %) ou lymphome du Malt. Il s’agit de tumeurs dérivant du tissu lymphoïde sous muqueux, induites par la présence d’helicobacter pylori. Il existe des lymphomes de bas, moyen et haut grades.

4.4.2 Tumeurs stromales (1%) et autres sarcomes (leyomyosarcome…), pouvant être de haut ou de bas grade de malignité. Souvent latentes, elles peuvent donner des douleurs, compressions et hémorragies.

4.4.3 Tumeurs carcinoïdes, développées à partir des cellules chromaffines, pouvant

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sécréter de la sérotonine.

4.4.4 Exceptionnellement des métastases gastriques d’autres cancers (pancréas…)

4.5 Diagnostic différentiel Les tumeurs bénignes de l’estomac :

• Muqueuses : adénomes, risquant de dégénérer ; • Tumeurs sous muqueuses :Lipomes, schwannomes, autres tumeurs bénignes naissant

des différentes tuniques de l’estomac (leyomyome…)

5 DIAGNOSTIC

5.1 CLINIQUE La sémiologie clinique du cancer gastrique est non spécifique, les signes d’appels peuvent être :

• Un syndrome ulcéreux, le plus souvent atypique avec des douleurs fixes, à horaires invariables, non rythmées par les repas.

• Un syndrome dyspeptique, une plénitude gastrique. • Un amaigrissement, souvent consécutif à une anorexie. • Des vomissements témoignant souvent d’une lésion évoluée, antro-pylorique. • Parfois une dysphagie, témoin d’une lésion haute ou étendue au cardia. • Une anémie ferriprive, due à un saignement occulte. • Parfois, le cancer de l’estomac est découvert devant une complication aiguë :

hémorragie (hématémèse, méléna), une perforation ou une sténose aiguë. • Plus rarement, le cancer peut être découvert lors de l’apparition d’une phlébite, d’une

métastase (hépatique, ganglionnaire, ovarienne), lors de l’exploration d’une forme fébrile pure ou du fait de l’apparition d’un syndrome paranéoplasique (acanthosis nigricans).

5.2 ENDOSCOPIE Le diagnostic de cancer de l’estomac est un diagnostic histologique. Seul les biopsies multiples permettent le diagnostic de cancer gastrique. Tout symptôme gastrique chez un homme de plus de 50 ans impose la réalisation d’une fibroscopie oeso-gastro-duodénale. Toute lésion gastrique doit être biopsiée (au moins 10 biopsies). L’aspect endoscopique habituel est celui d’une tumeur bourgeonnante ulcérée, généralement de grande taille, avec des bords surélevés. Les lésions peuvent avoir l’aspect d’une tumeur bourgeonnante sans ulcération, d’une ulcération chronique ou d’une simple infiltration de la paroi. Le diagnostic précoce est le seul moyen d’améliorer le pronostic de cette tumeur après résection chirurgicale. Les stades superficiels sont le plus souvent asymptomatiques et les manifestations cliniques tardives et peu spécifiques, ce qui fait qu’une majorité de tumeur sont découvertes à un stade avancé. Les lésions précancéreuses doivent donc être surveillées régulièrement et un dépistage de masse réalisé dans les pays de grande prévalence, comme au Japon.

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6 BILAN PREOPERATOIRE

6.1 Examen clinique palpation abdominale à la recherche d’une masse épigastrique et d’une hépatomégalie métastatique, d’adénopathie sus-claviculaire gauche (ganglion de troisier), d’une ascite et au toucher rectal, de nodules péritonéaux dans le cul-de-sac de Douglas.

6.2 Réalisation d’un transit oeso-gastro-duodénal (TOGD) Elle permet de localiser et d’apprécier l’extension de la lésion en préopératoire (atteinte du cardia ou du pylore). On peut voir une grosse lacune irrégulière (image de soustraction) dans les formes végétantes, une infiltration rigide ou une niche (image d’addition) dans les formes ulcérées. Ces images anormales, qui peuvent être associées, sont constantes sur tous les clichés.

6.3 Réalisation d’une écho-endoscopie Il s’agit de l’examen le plus performant afin d’apprécier en préopératoire l’extension en profondeur de la tumeur et de rechercher des adénopathies péri-gastriques suspectes.

6.4 Tomodensitométrie abdominale (TDM) La TDM sera préférée à l’échographie abdominale, à la recherche de métastases hépatiques, d’une ascite, d’un épaississement de la paroi, d’une extension aux organes de proximité ou d’adénopathies métastatiques.

6.5 Une radiographie de thorax à la recherche de métastases pulmonaires.

6.6 Autres examens en fonction des points d’appel (douleurs osseuses…).

6.6.1 Une consultation d’anesthésie et la réalisation des examens préopératoires habituels (hémostase, ECG…)

6.6.2 Le dosage des marqueurs tumoraux (ACE) n’a pas d’intérêt dans le bilan préopératoire, mais pour le suivi du malade. Si les marqueurs sont élevés en préopératoire et négatifs en postopératoire et s’élèvent de nouveau lors du suivi, cela signe la reprise évolutive de la maladie.

7 TRAITEMENT

7.1 CHIRURGIE Le traitement chirurgical est la seule méthode thérapeutique curative du cancer gastrique. Il repose sur une résection de l’estomac ou gastrectomie. Celle-ci peut être totale ou partielle (4/5), associée à un curage ganglionnaire (lymphadénectomie) et résection du grand épiploon (omentectomie). La continuité digestive est rétablie en réalisant une anastomose oeso-jéjunale ou gastro-jéjunale selon le type d’exérèse gastrique. Pour que l’exérèse soit carcinologique, il faut des marges de résection saine d’au moins 5 cm et un curage ganglionnaire complet. En cas de tumeur antro-pylorique, on a le choix entre une gastrectomie totale et une gastrectomie du 4/5, en cas de tumeur fundique, il faut

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impérativement réaliser une gastrectomie totale. Lorsque la tumeur atteint le cardia, si celle-ci s’étend préférentiellement sur l’estomac, on réalise une gastrectomie totale. En revanche, si l’extension remonte plutôt sur l’œsophage, il faut réaliser l’exérèse d’une partie de l’œsophage (oesogastrectomie polaire superieure).

7.2 TRAITEMENT COMPLEMENTAIRE

Après une exérèse à visée curative d’un cancer gastrique, lorsqu’il existe des critères de mauvais pronostic (tumeur envahissant profondément la paroi gastrique ou les ganglions) il est souvent proposé de réaliser une chimiothérapie (le plus souvent faite d’une association de 5FU et Cis-platine) ou une radio-chimiothérapie adjuvante. Cependant, ces traitements n’ont pas fait complètement la preuve de leur efficacité en terme d’augmentation de la survie et doivent être proposés dans le cadre d’études contrôlées.

7.3 TRAITEMENT PALLIATIF. Dans la mesure du possible, il faut enlever la tumeur, à cause du risque de sténose et d’hémorragie digestive. On réalise alors une gastrectomie de « propreté » qui n’a plus pour but de guérir le malade. En cas de tumeur trop volumineuse, non extirpable, il est possible de réaliser une chimiothérapie ou une radio-chimiothérapie première permettant de diminuer la taille de la tumeur et parfois de pouvoir réaliser l’exérèse de celle-ci dans un second temps. En cas de métastase hépatique ou péritonéale, il est possible de réaliser une chimiothérapie palliative permettant d’allonger la survie et d’améliorer le confort de vie du patient. En cas de tumeur sténosante du pylore, on peut être amené à réaliser une dérivation digestive (anastomose gastro-jéjunale) pour permettre au patient de s’alimenter et lorsque le patient n’est pas opérable, de réaliser lors d’une endoscopie la résection partielle au laser de la tumeur ou la mise en place d’une endo-prothèse, afin de permettre au patient de s’alimenter.

7.4 EFFETS SECONDAIRES INDESIRABLES DE LA GASTRECTOMIE

7.4.1 Ulcère anastomotique. En cas de gastrectomie partielle, le reflux du liquide bilio-pancréatique peut entraîner un ulcère anastomotique pouvant entraîner une hémorragie, une perforation et une fistule digestive.

7.4.2 Carence en vitamine B 12. Après gastrectomie totale, la vitamine B 12 n’est plus absorbée du fait de l’absence de sécrétion de facteur intrinsèque. Cette carence en vitamine B 12 entraîne une anémie macrocytaire et mégaloblastique (équivalent d’une anémie de Biermer). Il faut donc réaliser impérativement une prévention de celle-ci par l’injection régulière de vitamine B 12 en intramusculaire (1 mg tous les mois).

7.4.3 Prise en charge nutritionnelle. Après une gastrectomie, les patients doivent avoir un suivi nutritionnel : avoir des apports énergétiques et protéiques suffisants, des repas fractionnés (au moins 5 par jour), une réintroduction progressive des aliments sucrés et une denture en bon état. Plusieurs syndromes peuvent apparaîtrent après une gastrectomie, comme le « dumping syndrome » (malaise général avec gêne épigastrique immédiatement post-prandiale, calmé par

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le décubitus, résultant de l’inondation brutale du grêle par les aliments hypertoniques), syndrome du petit estomac (sensation de plénitude et de tension épigastrique en fin de repas, cédant avec une diminution du volume des repas et un fractionnement plus important de ceux-ci), des troubles tardifs de la glycorégulation (crises d’hypoglycémie fonctionnelles post-prandiales tardives dues à un excés d’apport en glucide d’absorption rapide, disparaissant avec une adaptation de la diététique), une diarrhée (troubles moteurs dus à la vagotomie tronculaire, la pullulation microbienne…)

8 PRONOSTIC Le pronostic des cancers de l’estomac dépend du stade p T N M. (« p » pour pièce) Deux éléments sont péjoratifs, l’envahissement de la séreuse et l’existence d’adénopathie métastatique (en plus des métastases à distance). La survie globale des cancers de l’estomac à 5 ans est de moins de 8 %. Après chirurgie à visée curative, elle est de l’ordre de 25 % à 5 ans. En présence de métastases viscérales, la survie à 5 ans à nulle. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une tumeur superficielle, en l’absence d’envahissement ganglionnaire, la survie est de l’ordre de 90 % à 5 ans Tis : carcinome intra-épithélial T1 : tumeur envahissant la muqueuse ou la sous muqueuse T2 : tumeur envahissant la musculeuse ou la sous séreuse T3 : tumeur envahissant la séreuse T4 : tumeur envahissant les structures adjacentes N0 : pas d’atteinte ganglionnaire N1 : de 1 à 6 ganglions envahis N2 : de 7 à 15 ganglions envahis N3 : plus de 15 ganglions envahis M0 : pas de métastase viscérale M1 : métastase viscérale ou péritonéale Survie à 5 ans : T1N0 : 90% T2N0 : 58% T3N0 : 50% T4N0 : 20% TxN1 : 20% TxN2 : 10% TxN3 et M +: 0

9 CONCLUSION Le cancer de l’estomac reste une tumeur de mauvais pronostic dans notre pays, du fait d’une découverte souvent trop tardive du cancer, à stade ou la chirurgie ne peut plus être curative. L’amélioration des moyens de conservation alimentaire et l’amélioration du dépistage précoce permettront de diminuer encore la fréquence de cette tumeur.

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Enfin le développement des traitements complémentaires permet d’espérer une amélioration de la de survie après chirurgie.

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Pancréatite chronique Philippe Marteau et Sophie Couve

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou Objectifs (question N° 269 du programme officiel) • Diagnostiquer une pancréatique chronique. • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

POINTS IMPORTANTS • L'alcoolisme chronique est la cause essentielle de la pancréatite chronique (PC)

en France. • Le diagnostic de PC est évoqué à l'interrogatoire sur les données suivantes :

homme, alcoolisme chronique, douleurs sus-ombilicales intenses, transfixiantes, diminuées par l'antéflexion et augmentées par les repas, amaigrissement.

• Les calcifications pancréatiques sont pathognomoniques de la PC. Elles se voient sur l'abdomen sans préparation quand elles sont volumineuses et sur la tomodensitométrie plus sensible.

• L'échoendoscopie est l’examen le plus sensible. • Les principales complications de la PC sont les pseudo-kystes, compressions de la

voie biliaire principale, sténoses duodénales, le diabète, la malabsorption et la malnutrition.

• Le sevrage alcoolique est indispensable.

1 INTRODUCTION La pancréatite chronique (PC) est, dans sa forme habituelle, caractérisée par une sclérose associée à une destruction progressive et irréversible du parenchyme pancréatique exocrine. Cette destruction peut être focale, segmentaire ou diffuse et s'associe à des degrés variables à des anomalies des canaux pancréatiques, avec des zones de sténose et de dilatation. Les îlots de Langherans sont longtemps préservés. On admet que le processus initial de la maladie est une précipitation de protéines et de calcium, entraînant des micro-obstructions canalaires. La PC habituelle doit être distinguée de la PC obstructive où il existe, en amont d'un obstacle sur le canal de Wirsung (sténose cicatricielle, tumeur), une dilatation des canaux pancréatiques avec une atrophie parenchymateuse diffuse et régulière. Dans cette affection, les calcifications canalaires sont rares et le parenchyme pancréatique, en aval de l'obstacle, est normal. Les lésions d'amont peuvent régresser après la levée de l'obstacle.

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2 Causes

2.1 l'alcoolisme C'est la cause essentielle de PC. Il existe une relation linéaire entre le niveau de consommation d'alcool et le risque de survenue d'une PC. La durée moyenne de prise d'alcool avant que la maladie ne se manifeste cliniquement est de 10 à 15 ans. La prédominance masculine est considérable (10 hommes pour 1 femme). L'âge de début est en moyenne de 40 ans. La physiopathologie de la PC alcoolique est mal connue. Plusieurs mécanismes sont proposés : −L’alcool altère la sécrétion pancréatique : il existe une diminution de la sécrétion de bicarbonates, une augmentation de la sécrétion de protéïnes et de la viscosité du suc pancréatique aboutissant à la formation de précipités proteïques intra-canalaires qui s’organisent et se calcifient. L’obstruction diffuse des canaux secondaires puis primaires est responsable d’anomalies ductulaires et de mécanismes inflammatoires et fibrosants peri-ductulaires. −La séquence nécrose-fibrose : selon cette théorie il existe une relation entre la nécrose liée à des poussées aiguës et le processus cicatriciel à l’origine de la destruction du parenchyme pancréatique. −La toxicité directe de l’alcool et des phénomènes d’ischémie sont également impliqués. −Un déficit en lithostatine (protéine permettant la solubilisation du calcium dans le suc pancréatique) pourrait favoriser la précipitation des protéines dans les canaux pancréatiques. Ce déficit pourrait être génétiquement transmis et prédisposer au développement des lésions pancréatiques.

2.2 Les autres causes L'hypercalcémie est responsable de 1 % des PC calcifiées et est généralement en rapport avec une hyperparathyroïdie. La pancréatite chronique tropicale se voit exclusivement dans les régions situées entre 30° de latitude au Nord et au Sud de l'Équateur, chez les sujets jeunes et dénutris. Elle semble due à une malnutrition protéique. La pancréatite chronique obstructive est en rapport avec un obstacle, le plus souvent tumoral. Les autres causes sont exceptionnelles et comportent des pancréatites auto-immunes, la pancréatite familiale ou héréditaire, la mucoviscidose, les maladies inflammatoires de l'intestin. La PC reste idiopathique dans 10 % des cas.

3 DIAGNOSTIC

3.1 Diagnostic positif

3.1.1 Signes cliniques La douleur, signe majeur, a les caractères suivants : • Siège : sus-ombilical médian ou latéralisé à gauche, ou épigastrique, ou de l'hypochondre gauche ; plus rarement dorsal. • Irradiation : souvent transfixiante, plus rarement vers la gauche ou en ceinture. • Intensité : souvent très grande. • Position antalgique : antéflexion, avec compression de l'épigastre par le poing. • Horaire : souvent post-prandiale précoce, déclenchée par les repas, ce qui entraîne une

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restriction alimentaire souvent majeure. • Elle n'est pas calmée par les anti-acides et ne s'accompagne pas d'inhibition respiratoire. Elle est parfois atténuée par l'aspirine. Elle peut mener à une toxicomanie. L'amaigrissement est constant en période douloureuse, lié surtout à la peur alimentaire mais également à l'anorexie et parfois à la malabsorption ou à un diabète déséquilibré. La diarrhée graisseuse conséquence de l'insuffisance pancréatique exocrine, survient tardivement dans l’évolution. L'examen physique est souvent négatif, en dehors de la maigreur, dans les pancréatites non compliquées. Il devra rechercher une masse sus-ombilicale qui peut témoigner d'un pseudo-kyste, des signes de cholestase (prurit, ictère) dus à une compression du cholédoque. De plus, il appréciera le degré de dénutrition et recherchera les autres complications de l'éthylisme chronique.

3.1.2 Examens complémentaires morphologiques (tableau 1) • Radiographie de l'abdomen sans préparation (ASP) L'ASP peut montrer des calcifications, signe pathognomonique de la maladie. La probabilité actuarielle pour un malade d'avoir des calcifications est d'environ 55 % à 5 ans, 75 % à 10 ans et 85 % à 15 ans après l'apparition du premier symptôme. • Échographie et tomodensitométrie (TDM) Les principaux signes échographiques et tomodensitométriques de la PC sont donnés dans le tableau 2. Les modification de la structure générale du parenchyme peuvent être focales sous forme de noyau de pancréatite hétérogène avec parfois des calcifications et des images liquidiennes, ou diffuses avec une hyperéchogénicité. L’échographie n'est pas très sensible pour le diagnostic des calcifications pancréatiques. Elle est performante pour la détection de la dilatation du Wirsung, des pseudokystes, de la dilatation des voies biliaires et la thrombose de la veine splénique. Plus de 20 % des examens échographiques ne permettent pas d'analyser le pancréas du fait des gaz. La tomodensitométrie spiralée (ou hélicoïdale) pratiquée avec injection est plus performante. C’est l’examen principal. Tableau 1 – Comparaison des principaux examens utiliséspour le diagnostic de pancréatite chronique

Sensibilité Spécificité Complications Coût * ASP 30 %** 100 % 0 1 Échographie*** 60-70 % 80 % 0 2 Tomodensitométrie 70 à 80% 90 % 0 5 CPRE**** 80% 90 % à 100% + 7 Échoendoscopie5 80 à 90% 85 à 100% ± 2,5

* Par rapport à l'ASP. ** Ce chiffre concerne la présence de calcifications pancréatiques. *** Il faut en plus tenir compte des 10 à 20 % d'échographies où le pancréas n'est pas visualisé. ****Cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique. A la phase précoce de la maladie la performance diagnostique de l’échoendoscopie est

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supérieure à la CPRE. Tableau 2 – Séméiologie comparée des pancréatites chroniques et des cancers pancréatiques en échographie et tomodensitométrie

Pancréatite chronique

Cancer

1. Modifications de la taille (interprétation difficile) • Atrophie + 0 • Hypertrophie globale + 0 • Hypertrophie focale + + 2. Calcifications + 0 3. Modifications du calibre de Wirsung • Dilaté globalement + + • Moniliforme + 0 4. Modification de la structure du parenchyme • Noyau hétérogène + + • Hyperéchogénicité diffuse + 0 5. Présence de collection liquidienne • Pseudokyste + 0 • Ascite + + 6. Retentissement sur les organes de voisinage • Dilatation voies biliaires + + • Hypertension portale segmentaire ou thrombose porte + +

• Échoendoscopie C’est l’examen le plus sensible en particulier dans les formes débutantes. Elle nécessite une anésthésie. Les anomalies parenchymateuses visibles sont l’augmentation de l’échogénicité de la glande qui devient hétérogène, l’apparition d’un aspect lobulé (ou aérolaire) du parenchyme et à un stade évolué les dilatations canalaires et les calcifications. Les pseudo-kystes pancréatiques sont caractérisés par des structures liquidiennes bien limitées anéchogènes. • Cholangiopancréatographie par résonnance magnétique Cet examen a l’avantage de ne pas nécessiter d’anesthésie et de bien visualiser les canaux pancréatiques. • La cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) a un intérêt diagnostique mais n’est pas systématiquement pratiquée du fait de son caractère invasif (risque de déclencher une poussée aiguë). Elle permet de visualiser les déformations caractéristiques des canaux secondaires dans les formes débutantes et du canal de Wirsung dans les formes évoluées : irrégularité, aspect monoliforme, calculs. Sa spécificité est proche de 100%. Elle permet de mettre en évidence le caratère communiquant d’un faux kyste. Elle a aussi parfois un intérêt thérapeutique : dilatation de sténose, ablation de calculs, mise en place de prothèse. • Autres examens morphologiques – L’endoscopie œsogastroduodénale n'a aucun intérêt pour le diagnostic positif de pancréatite ; elle permet néanmoins d'exclure un ulcère gastro-duodénal, cause fréquente de douleurs épigastriques et de détecter des varices œsophagiennes dues à une hypertension portale segmentaire.

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– Le transit œsogastroduoénal peut être utile pour rechercher une compression gastrique ou duodénale, parfois mal appréciée en endoscopie.

3.1.3 Examens complémentaires biologiques et fonctionnels • Les enzymes pancréatiques (amylase, lipase) et urinaires (amylase) peuvent être augmentés au moment des poussées aiguës et lorsqu'il existe un faux kyste ou un épanchement des séreuses. Leur normalité n'exclut pas le diagnostic. • Il faut rechercher systématiquement une cholestase infraclinique en mesurant les α-GT et phosphatases alcalines. • Un diabète doit être systématiquement recherché. • L'examen des selles permet de rechercher une diarrhée et une stéatorrhée. En pratique, les principaux éléments du diagnostic de PC sont la présence de calcifications pancréatiques et/ou d'anomalies de taille et de structure du pancréas, associée à une dilatation irrégulière du canal de Wirsung. Les explorations morphologiques ont largement supplanté les explorations fonctionnelles pour le diagnostic de PC.

3.2 Complications

3.2.1 Poussées de pancréatite aiguë Les poussées de pancréatite aiguë sont fréquentes au début de l'évolution des pancréatites chroniques. Leur tableau ne diffère pas des poussées de pancréatite aiguë d'autre étiologie. La pancréatite aiguë alcoolique survient toujours sur une pancréatite chronique préexistante.

3.2.2 Pseudo-kystes Deux types de pseudo-kystes peuvent apparaître au cours de la pancréatite chronique : les pseudo-kystes nécrotiques, qui succèdent à une poussée aiguë, et les pseudo-kystes par « rétention » à liquide clair qui se développent à partir d'un kyste canalaire. Leur incidence croit avec l'évolution (30 % à 5 ans, 60 % à 15 ans). Les pseudo-kystes nécrotiques se compliquent plus fréquemment d'hémorragie, de surinfection ou de rupture. Leur régression spontanée est possible, principalement en cas de pancréatite non calcifiée, lorsque leur diamètre est inférieur à 6 cm, avant 6 semaines d'évolution et lorsqu'ils sont uniques. Les pseudo-kystes à liquide clair siègent préférentiellement au niveau de la tête du pancréas, et ont un développement intra-pancréatique. Leur principale complication est la compression du cholédoque, parfois responsable d'une cholestase, généralement anictérique. La régression spontanée est très rare. Le diagnostic des pseudo-kystes repose essentiellement sur l'échographie, la tomodensitométrie ou l'échoendoscopie.

3.2.3 Sténoses ou compression de la voie biliaire principale Il s'agit d'une complication fréquente, dont l'incidence est de l'ordre de 20 % après dix ans d'évolution de la PC. Les signes cliniques peuvent comporter un prurit, ou un ictère et beaucoup plus rarement, des poussées d'angiocholite. Ce tableau peut être dû à une compression du cholédoque par une hypertrophie de la tête pancréatique, ou par un pseudo-kyste céphalique. En présence d'une cholestase ictérique ou non chez un sujet ayant une pancréatite chronique, il faut aussi se méfier d'une origine hépatique (cirrhose ou hépatite alcoolique). Le diagnostic de sténose ou compression cholédocienne repose sur l'échographie

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et l'échoendoscopie, plus rarement sur la cholangiopancréatographie IRM ou la CPRE qui comporte un risque d'infection des voies biliaires et n'est donc à faire qu'immédiatement avant l'intervention.

3.2.4 Sténose duodénale ou pylorobulbaire Elle est rare et se manifeste par des vomissements. Elle peut être due à une hypertrophie de la tête du pancréas ou à un pseudo-kyste.

3.2.5 Hémorragies digestives (hématémèse ou méléna) Elles peuvent être la conséquence de la rupture de varices œsophagiennes par hypertension portale segmentaire, par compression ou thrombose de la veine splénique ou par cirrhose associée, ou à des érosions vasculaires ou à la rupture d'un pseudo-anévrisme au sein d'un faux kyste.

3.2.6 Fistules et épanchements des séreuses Ils siègent le plus souvent dans la plèvre gauche ou dans le péritoine. Ils sont le plus souvent en rapport avec une fistule faisant communiquer le système canalaire pancréatique avec la séreuse, et se constituent à l'occasion des poussées aiguës de la pancréatite. Une ascite peut révéler la pathologie pancréatique. Le liquide est habituellement riche en protéines et surtout en amylase ; le dosage d'amylase dans le liquide pleural ou péritonéal doit être fait systématiquement devant un épanchement séreux dont la cause n'est pas évidente.

3.2.7 Insuffisance pancréatique • La probabilité de présenter des troubles de la glycorégulation est de 60 à 80 % après 15 ans d'évolution. Le diabète est insulino-dépendant dans près d'un tiers des cas. • L'insuffisance pancréatique exocrine est une complication tardive, qui survient parallèlement aux troubles de la glycorégulation. Elle se manifeste par un syndrome de malabsorption avec selles grasses et amaigrissement. Elle est rarement révélatrice.

3.3 Démarche diagnostique La démarche diagnostique est résumée dans la figure 1. Les principaux diagnostics différentiels de la PC sont l'ulcère gastro-duodénal, la lithiase biliaire, le cancer du pancréas et certaines colopathies fonctionnelles hyperalgiques. L'interrogatoire, l'examen physique et une première série d'examens complémentaires simples apportent une certitude diagnostique dans 50 à 70 % des cas ; ils permettent également d'exclure le diagnostic d'ulcère gastro-duodénal et de lithiase biliaire. En l'absence de diagnostic, il est raisonnable de faire dans l'ordre une TDM et en cas de doute diagnostique persistant une échoendoscopie. Si une lésion focale nodulaire fait hésiter entre un noyau de pancréatite et un cancer du pancréas, l'examen clef est la ponction pancréatique guidée par l'échographie, la TDM au cours d'une échoendoscopie pour histologie (plus fiable que la cytologie).

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Figure 1 : démarche diagnostique devant une suspicion de pancréatite chronique

4 HISTOIRE NATURELLE

4.1 Chronologie Les premiers signes apparaissent après 10 à 15 ans d'intoxication alcoolique, en général vers 35 à 40 ans ; ce sont des douleurs dans 80 % des cas, et parfois de véritables poussées de pancréatite aiguë. Dans les premières années, douleurs, poussées de pancréatites aiguës, pseudokystes et compressions de la voie biliaire principale sont les manifestations les plus fréquentes. Entre cinq et dix ans, les poussées aiguës sont plus rares mais les pseudo-kystes et les compressions de la voie biliaire principale se voient encore. Au-delà de dix ans, douleurs, pseudo-kystes et compression biliaire diminuent de fréquence ; les calcifications sont pratiquement constantes et l'insuffisance pancréatique exocrine et endocrine peut survenir. C'est à ce stade que l'on peut voir apparaître les autres complications de l'alcoolisme, notamment la cirrhose.

4.2 Mortalité Il existe une surmortalité d'environ 30 %, mais la PC n’est directement responsable du décès dans moins d'un tiers des cas. Les trois causes principales de décès sont les hépatopathies alcooliques, les cancers (ORL, œsophagiens et bronchiques) et les décès post-opératoires.

Douleurs (souvent typiques)AmaigrissementHommeEthylisme chronique

Tomodensitométrie du pancréas

Diagnostic certain (80%) Doute (20%)

Cholangio-pancréatographie IRM (ou CP rétrograde endoscopique)

Rechercher aussi- Cholestase (γ-GT, phosphatases alcalines) - Diabète (glycémie à jeun)- Autres complications de l’alcool

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5 PRINCIPES DU TRAITEMENT MÉDICAL

5.1 Traitement médical Aucun traitement n'est actuellement capable de guérir la PC. Les objectifs du traitement médical sont : (a) d'éviter la progression de la maladie ; (b) de réduire les douleurs ; (c) de compenser l'insuffisance pancréatique éventuelle exocrine et endocrine ; (d) d'assurer un équilibre nutritionnel. • La suppression totale et définitive de toute boisson alcoolisée est essentielle. • Le régime alimentaire tiendra compte de l'état nutritionnel, du degré de tolérance glucidique et de l'importance du syndrome de malabsorption. Dans l'ensemble, il faut assurer un apport calorique élevé, avec des ingesta lipidiques en quantité modérée. • Le traitement du diabète repose sur les anti-diabétiques oraux au début puis rapidement sur l'insuline. • La correction de la malabsorption des graisses repose sur l'administration d'extraits pancréatiques au début et au milieu des repas. • Le traitement des douleurs est difficile. Il repose essentiellement sur l'arrêt de l'alcool, les antalgiques et les anti-cholinergiques. On discute parfois des désobstructions canalaires.

5.2 Traitement chirurgical Le traitement chirurgical est indiqué dans les complications de la maladie et dans les formes où le traitement médical ne permet pas de maîtriser les douleurs. Les interventions de dérivation doivent être préférées aux exérèses dont les indications sont réduites (tableau 3). Tableau 3 – Indications chirurgicales dans la pancréatite chronique

Complications • Pseudo-kyste : dérivation kysto-digestive • Sténose VBP : anastomose bilio-digestive • Sténose duodénale : gastro-entérostomie Douleurs rebelles • Wirsung dilaté : dérivation wirsungo-jéjunale • Wirsung non dilaté : résection pancréatique

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Pancréatite aiguë

Philippe Marteau et Antoine De Leusse

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Gorges Pompidou

Objectifs (question N° 268 du programme officiel) • Diagnostiquer une pancréatite aiguë • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge

POINTS IMPORTANTS • Il existe deux formes de pancréatites aiguës (PA) : œdémateuses et nécrosantes. • Les pancréatites oedémateuses sont les plus fréquentes (80 à 85 %) et ont une

évolution bénigne. • Les pancréatites nécrosantes (15 à 20 %) engagent le pronostic vital. • La cause principale de la PA est la lithiase biliaire. • L'alcool est la 2e cause de PA mais dans ce cas, il s'agit le plus souvent d'une

“poussée” révélatrice ou évolutive d'une pancréatite chronique. • Le diagnostic de pancréatite aiguë est porté sur l’association d’une douleur

abdominale évocatrice et d’une élévation de la lipasémie supérieure à 3N. • Lors de la prise en charge initiale, la tomodensitométrie avec injection de produit

de contraste est utile en cas de doute diagnostique. Sinon, elle est indispensable pour apprécier l'extension et la sévérité des lésions pancréatiques et péri-pancréatiques, évaluées au mieux à J3.

• L'échographie est le premier examen pour reconnaître l'origine lithiasique d'une PA.

• Les critères clinico-biologiques de Ranson et tomodensitométriques de Balthazar permettent d'apprécier le pronostic.

• Le traitement en urgence est avant tout symptomatique (soutien des fonctions vitales) et nutritionnel.

1 DÉFINITION La pancréatite aiguë (PA) se définit classiquement comme une atteinte inflammatoire (pouvant aller jusqu'à la nécrose) du pancréas. Il s'agit d'une affection aiguë ayant une importante mortalité et morbidité ; en revanche, une restitution ad integrum clinique, biologique et morphologique est obtenue à plus long terme si la cause initiale ou les facteurs déclenchants de la maladie sont supprimés. La PA alcoolique survient au contraire presque toujours sur des lésions de pancréatite chronique. La pathogénie exacte de la PA n'est pas connue. L’autodigestion puis la nécrose des tissus

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pancréatiques et péripancréatiques est le principal déterminant de la sévérité de la PA. Elle entraîne des complications systémiques parfois léthales liées à l'inflammation et font le lit de la surinfection bactérienne.

2 FRÉQUENCE La PA est une maladie rare (5 000 cas par an en France). Elle peut survenir à tous les âges, mais surtout chez l’adulte, l’âge médian étant de 60 ans. Il existe une légère prédominance masculine (6 cas sur 10).

3 ÉTIOLOGIE Les principales causes de PA sont rapportées dans le tableau 1.

3.1 lithiase biliaire Elle représente la première cause de PA en France (50 %). La pancréatite résulte d'une migration d'un calcul vésiculaire dans la voie biliaire principale. Les calculs petits (< 5 mm) et nombreux (> 4) sont le plus à risque de migrer. Le risque de récidive est de 25 %. Le « sludge » vésiculaire ou « boue biliaire » expose au même risque. Tableau 1 – Étiologie des pancréatites aiguës • Métaboliques : – alcool ++ – hypertriglycéridémie majeure – hypercalcémie • « Mécaniques » : – lithiase biliaire +++ – post-opératoires + – post-traumatiques – post-pancréatographie rétrograde+ – tumeurs du pancréas+

• Médicamenteuses • Infectieuses (virus, bactéries, parasites) • Diverses - mucoviscidose - vascularites (lupus…) - Maladies cryptogénétiques de l'intestin - ischémie - familiale • Idiopathiques (10 à 20%)

+ à +++ : indiquent les causes les plus fréquentes

3.2 L'alcoolisme chronique L’alcoolisme chronique est la deuxième cause de PA en France (30 à 50 %). La PA alcoolique survient sur une pancréatite chronique préexistante plus ou moins latente.

3.3 Les autres causes Bien que très diverses, elles ne représentent toutes ensemble que moins de 20 % des causes de PA. Les hypertriglycéridémies majeures s'intègrent dans le cadre des hyperlipoprotéinémies de type I, V ou IV. Les hypercalcémies de toute cause (hyperparathyroïdie, myélome) peuvent aboutir à une PA dans 5 à 30 % des cas. Les PA post-opératoires, post-traumatiques et après cathétérisme rétrograde de la papille, sont responsables de 6 % des PA ; elles sont souvent cliniquement et anatomiquement sévères. Les tumeurs pancréatiques et de l'ampoule de Vater ou les tumeurs intracanalaires papillaires

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et mucineuses du pancréas (TIPMP) peuvent se révéler par une PA. Les PA médicamenteuses relèvent souvent d'un mécanisme immunoallergique. Les médicaments pour lesquels une imputabilité forte a été identifiée sont : l’azathioprine, la 6-mercaptopurine, le furosémide, l’acide valproïque, la pentamidine. Les PA infectieuses sont très rares. Les principaux agents responsables sont le cytomégalovirus, le VIH, le virus ourlien, les virus coxsackie, les mycobactéries et le mycoplasme. Dans certaines régions, l'ascaris représente une cause relativement fréquente de PA. Des PA ont été rapportées au cours de certaines maladies systémiques (lupus, vascularites) et des maladies inflammatoires chroniques intestinales. Les pancréatites familiales et génétiques peuvent se manifester avant l'âge de 10 ans, dans un contexte familial plus ou moins évocateur. Une mutation du gène du trypsinogène cationique est détectée chez 50 % des familles. Les gènes impliqués dans les autres cas ne sont pas encore identifiés. Certains cas relèvent de mutations du gène CFTR de la mucoviscidose. Enfin, les PA idiopathiques représentent 10 à 320 % des PA. Cxe diagnostic nécessite d’avoir tout fait pour éliminer des micro-calculs (et notamment une échoendoscopie qui est l’examen le plus sensible dans cette recherche).

4 DIAGNOSTIC

4.1 Diagnostic clinique La douleur abdominale est quasi constante (95 % des cas). Elle est intense, siège au niveau de la partie haute de l'abdomen, irradie de façon transfixiante. Elle s'accompagne habituellement de nausées et de vomissements (80 %), parfois d'un arrêt des matières et des gaz. La position en « chien de fusil » ou la compression de la région épigastrique soulage la douleur dans la forme typique. De début brutal, la crise douloureuse se prolonge en l'absence de traitement plusieurs jours. L'état général peut s'altérer rapidement avec possible survenue d’un état de choc. L'examen clinique de l'abdomen est peu contributif. Une sensibilité et/ou un empâtement épigastrique, plus rarement une défense, sont parfois notés au niveau de l'angle costo-vertébral gauche de l'épigastre ou de l'hypochondre gauche. Le météorisme (75 %) témoigne généralement d'une occlusion fonctionnelle. Le toucher rectal est normal. Un ictère est présent dans 20 % des cas et oriente vers une origine lithiasique. La discordance entre la gravité des signes fonctionnels et généraux et la pauvreté de l'examen clinique doit faire évoquer le diagnostic. Les tableaux trompeurs sont nombreux et peuvent faire errer le diagnostic vers une perforation intestinale, une cholécystite aiguë, une angiocholite (parfois associée à la pancréatite), une occlusion, un infarctus du myocarde ou un infarctus du mésentère.

4.2 Diagnostic biologique Le diagnostic biologique repose avant tout sur le dosage de lipasémie dont une élévation supérieure à 3N est la valeur seuil significative. C'est un signe précoce, apparaissant dans les 2 à 12 heures qui suivent le début des symptômes. L’amylasémie et l’amylasurie sont moins spécifiques (et donc potentielle source d’erreur en cas d’augmentation à moins de 3 fois la normale). L'importance de l'élévation des enzymes pancréatiques n'a pas de valeur pronostique.

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La mesure du trypsinogène de type 2 sur bandelette urinaire pourrait être proposée dans les services d’urgence pour éliminer l’hypothèse d’une pancréatite aiguë, en raison du faible taux de faux négatif. D’autres examens biologiques ont un intérêt pronostique (cf score de Ranson, CRP).

4.3 Diagnostic morphologique

4.3.1 Abdomen sans préparation Il peut être normal ou montrer une dilatation d'une anse grêle proximale (anse sentinelle). Il a pour principal intérêt de vérifier l’absence de pneumo-péritoine.

4.3.2 Radiographie pulmonaire Elle permet parfois d'objectiver un épanchement pleural, le plus souvent gauche, dont la ponction révèle la haute teneur en amylase.

4.3.3 Échotomographie La visualisation du pancréas est souvent difficile et ne peut être effectuée dans le cadre des PA que dans 45 à 60 % des cas en raison de la distension gazeuse intestinale. Elle est utile au diagnostic étiologique en recherchant une lithiase vésiculaire.

4.3.4 Tomodensitométrie (TDM) avec injection de produit de contraste Il s'agit de l'examen le plus performant pour apprécier la gravité et l'extension des lésions pancréatiques et péri-pancréatiques lorsqu’il estréalisé à 72 heures après le début des douleurs. A l'admission du patient, il est indiqué en cas de doute diagnostique ou de forme compliquée d’emblée. Cet examen permet de suivre l'évolution de la PA, de différencier l'œdème de la nécrose, de préciser l'extension de la nécrose, et de mettre en évidence une collection. Un aspect normal en tomodensitométrie n'exclut pas le diagnostic de PA mais témoigne généralement d'une forme relativement bénigne.

4.3.5 Échoendoscopie Elle peut être utile au diagnostic étiologique de la PA lorsqu'elle retrouve une lithiase vésiculaire ou de la voie biliaire méconnue par l'échographie, ou des signes de pancréatite chronique débutante chez un alcoolique ou encore une petite tumeur. Elle sera réalisée à distance de l’épisode de pancréatite aiguë sauf en cas d’angiocholite aiguë ou d’ictère obstructif (lithiase de la voie biliaire principale).

4.4 Diagnostic étiologique Les examens biologiques à visée étiologique sont la recherche d’une hypercalcémie ou d’une hypertriglycéridémie majeure. Une lithiase de la voie biliaire principale doit être une impérativement recherchée. Les arguments en faveur de l'origine lithiasique d'une PA sont : l'âge supérieur à 55 ans, le sexe féminin, la présence d'un ictère, une forte élévation des ASAT, une élévation des phosphatases alcalines, une amylasémie supérieure à 4 000 UI/L. Les examens à visée morphologique (échographie, TDM, et surtout, échoendoscopie) permettent le plus souvent de retrouver le calcul.

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5 PRONOSTIC La PA oedémateuse (80 à 85 % des cas) a généralement une évolution bénigne mais la PA nécrosante (15 à 20 % des cas) a un pronostic sévère (mortalité de 40 %). La recherche de facteurs pronostiques est importante pour rapidement orienter le malade en unité de soins intensifs quand cela est indiqué.

5.1 Critères clinico-biologiques L'indice clinico-biologique actuellement le plus utilisé est celui décrit par Ranson (tableau 2) dont la totalité des critères n'est obtenue qu'à la 48e heure de l'hospitalisation Tableau 2 – Facteurs de gravité de la pancréatite aiguë – Critères de Ranson

À l'admission : À la 48e heure : • Age > 55 ans • Hématocrite : diminution ≥ 10 % • Globules blancs> 16 000 / µL • Azotémie : augmentation > 8 mmol/L • Glycémie > 2 g/L. • Calcémie : < 2 mmol/L • LDH > 350 UI/L. • Troisième secteur > 6 L* • SGOT > 250 UI/L. • PaO2 < 60 mmHg • Déficit en bases** : diminution>5mEq/L

* S'apprécie par le bilan entrées (apports intraveineux), sorties (diurèse, pertes fécales et insensibles). ** S'apprécie par la réserve alcaline. La présence de trois facteurs ou plus est en faveur d'une pancréatite grave et le pronostic s'aggrave parallèlement au nombre de critères positifs. On estime qu'au-delà de 3 critères, le risque de décès est de 33 % ; il passe à 58 % au-delà de 5 critères et atteint 100 % au-delà de 7 critères. Une élévation de la C réactive proteine à plus de 150 mg/L à la 48ème heure est aussi un facteur de mauvais pronostic.

5.2 Critères morphologiques L'autre approche de la gravité des PA repose sur la TDM ou l’IRM en cas de contre indication à l’injection de produit de contraste (insuffisance rénale, allergie …). On utilise l’indices de gravité de Balthazar de la PA qui repose sur l’évaluation de l’aspect du pancréas et de l’étendue de la nécrose (tableau 4)

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Tableau 3 – Index de sévérité tomodensitométrique de la PA selon Balthazar Tomodensitométrie Après injection Stade A : pancréas normal 0 pt Pas de nécrose 0 pt Stade B : élargissement de la glande 1 pt Nécrose < 1/3 glande 2 pts Stade C : infiltration de la graisse pancréatique 2 pts

Nécrose > 1/3 et < 1/2 glande 4 pts

Stade D : une coulée de nécrose 3 pts Nécrose > 1/2 glande 6 pts Stade E : plus d'une coulée de nécrose 4 pts Score total des deux colonnes (max. 10 pts) Pourcentage de mortalité 0-3 3 4-6 6 7-10 17

6 ÉVOLUTION ET PRINCIPES DU TRAITEMENT

6.1 Evolution Malgré les scores de Ranson et de Balthazar (tableaux 3 et 4), l'évolution reste parfois difficile à prévoir. La PA œdémateuse évolue le plus souvent favorablement. Pour la PA nécrosante, plusieurs phases peuvent être distinguées : • La phase immédiate (entre 8 et 10 jours d'évolution) est grave car peuvent apparaître une insuffisance respiratoire, un choc hypovolémique, une insuffisance rénale, une hémorragie digestive, une nécrose intestinale ou gastrique. Ces formes compliquées imposent une prise en charge en réanimation. • La phase secondaire (de 10 jours à 1 mois) est marquée par le risque d'évolution de la nécrose vers une surinfection et/ou l'apparition de collections qui peuvent s'abcéder. La TDM permet de localiser les collections, éventuellement de les ponctionner (si on les considère infectées) et si besoin de guider un geste de drainage percutané radiologique ou chirurgical. • Au-delà d'un mois, l'évolution peut encore se faire vers l'apparition d'abcès et surtout de collections, improprement appelées pseudokystes (cavités dépourvues de paroi propre). Lorsqu'elles sont symptomatiques, ces collections nécessitent généralement une évacuation par drainage per-endoscopique, per-cutané ou chirurgical.

6.2 Traitement médical

6.2.1 Mesures générales • Patient laissé à jeun jusqu’à 48 heures sans douleur. Sonde naso gastrique en aspiration en cas de vomissement Supprimer la douleur ( analgésiques non morphiniques ou morphiniques). • Au cours des formes sévéres Correction d’un choc hypovolémique. Éviter la dénutrition. Dans cette phase de catabolisme intense, la nutrition se fait par voie entérale en site jéjunal (pas de stimulation de la sécrétion pancréatique exocrine) et le plus

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précocément possible. La nutrition parentérale est indiquée si la nutrition entérale n’est pas tolérée. Traiter les complications rénales et respiratoires éventuelles.

6.2.2 Autres mesures thérapeutiques L'aspiration gastrique n'a pour seul mérite que de traiter l'iléus paralytique et ne doit être maintenue que pendant la durée de celui-ci. Il n'a pas été montré de bénéfice des anti-cholinergiques, des anti-sécrétoires gastriques ni de la somatostatine. L'antibiothérapie prophylactique ne diminue pas le taux des complications infectieuses, principale cause de décès dans les PA, et il vaut mieux ne prescrire les antibiotiques que lorsque ces complications sont déclarées.

6.3 Traitement endoscopique et chirurgical

6.3.1 Traitement de la lithiase biliaire (pancréatite biliaire) En cas d’angiocholite ou d’ictère obstructif, la sphinctérotomie endoscopique, lorsqu'elle est possible, doit être proposée en première intention, et réalisée dès que possible, au mieux dans les 48 premières heures. Elle permet l’extraction de lithiase de la voie biliaire principale et doit donc être complétée, à distance de l'épisode aigu, en général 4 à 8 semaines après, par une cholécystectomie. Le traitement chirurgical, en l'absence de traitement endoscopique, consiste à opérer électivement la lithiase biliaire après 2 à 3 semaines. En effet, dans les formes sévères, l'intervention précoce comporte un risque d'aggravation. La chirurgie biliaire permet le traitement complet de la lithiase, quel que soit son siège (cholécystectomie, désobstruction et drainage).

6.3.2 Traitement des abcès pancréatiques Le moment opportun de la chirurgie pancréatique reste controversé mais un geste semble justifié lorsque les données cliniques, et parfois morphologiques, évolutives traduisent la collection ou l'abcédation d'un foyer de nécrose. Il est volontiers précédé par une ponction guidée sous TDM de la collection. Si celle ci n'est pas infectée, on s'arrête là. En cas d'infection, on réalise, en association à une antibiothérapie, un drainage chirurgical ou percutané de la collection. De façon générale, on évite au maximum toute exérèse pancréatique.

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Tumeurs du pancréas D’après les objectifs des universitaires en hépato-gastroentérologie

Objectifs question N° 155 du programme officiel) Diagnostiquer une tumeur du pancréas. Les tumeurs du pancréas sont classées en tumeurs exocrines, tumeurs endocrines et tumeurs développées aux dépens du tissu conjonctif (exceptionnelles). L’adénocarcinome canalaire est la tumeur la plus fréquente (80 % de l’ensemble). On distingue d’autre part, selon l’aspect macroscopique, les tumeurs solides et les tumeurs kystiques (cystadénome et cystadénocarcinome).

1 Adénocarcinome canalaire

1.1 Signes révélateurs Les principaux symptômes révélateurs d’un adénocarcinome du pancréas varient en fonction de la topographie de la tumeur. – les adénocarcinomes de la tête du pancréas se révèlent souvent par un ictère cholestatique, d’apparition progressive, sans fièvre, associé à des douleurs intenses, épigastriques, à irradiation dorsale et une altération de l’état général majeure due à une anorexie souvent associée à un syndrome dépressif. L’ictère peut être précédé d’une cholestase anictérique avec un prurit. On peut palper une hépatomégalie due à la cholestase et surtout une grosse vésicule tendue, signe de valeur lorsqu’il est présent ; – les cancers de la partie gauche du pancréas (corps et queue) se manifestent plus tardivement par des douleurs liées à l’envahissement du plexus solaire. Elles peuvent être extrêmement intenses et les antalgiques courants rapidement inefficaces. L’altération de l’état général est souvent majeure. Il arrive que l’on palpe une masse épigastrique sensible ; – l’apparition ou l’aggravation d’un diabète, initialement non insulinodépendant, doit faire rechercher systématiquement ce cancer chez un homme de plus de 40 ans sans antécédent familial de diabète. Quelle que soit la localisation anatomique, certains cas peuvent se traduire par des douleurs uniquement dorsales d’allure rhumatologique, certains cas peuvent être révélés par une thrombose portale. Le cancer du pancréas peut également se révéler par des métastases, surtout hépatiques, parfois douloureuses, parfois dans un contexte d’altération de l’état général. La présence d’une tumeur pancréatique est alors généralement évidente sur les examens d’imagerie mais la confirmation histologique est nécessaire pour adapter les traitements radiochimiothérapiques. Cette biopsie peut se faire par échographie, scanner ou échoendoscopie. Dans plus de 90 % des cas, le diagnostic d’adénocarcinome est fait à un stade où plus aucun traitement chirurgical à visée curative n’est possible en raison de métastases ou d’un envahissement local d’un vaisseau majeur.

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1.2 Examens biologiques Ils sont peu utiles au diagnostic L’élévation du taux sérique de l’antigène CA19.9 est présente dans 80 % des cas, mais sa valeur prédictive positive est faible, surtout en cas de cholestase. En effet, une cholestase, même due à une pathologie bénigne, peut être associée à une élévation du CA19.9. De plus, le CA19.9 n’est pas sensible pour la détection des petites tumeurs. Ces données expliquent pourquoi, globalement, son utilité diagnostique est faible.

1.3 Imagerie

1.3.1 L’échographie abdominale est l’examen de première intention. Elle peut suffire au diagnostic positif dans les cancers de la tête du pancréas où elle montre une dilatation de l’ensemble des voies biliaires et éventuellement la tumeur. On observe parfois une dilatation du canal pancréatique principal en amont d’une sténose. La tumeur elle-même, sous forme d’une masse hypoéchogène mal limitée déformant le pancréas et envahissant les organes de voisinage, n’est pas toujours visible en échographie. L’échographie peut aussi montrer des métastases hépatiques évidentes. Dans ce dernier cas, il est inutile de faire des examens supplémentaires en dehors de ceux nécessaires à la preuve histologique.

1.3.2 La TDM permet le diagnostic et le bilan d’extension, notamment vasculaire, ganglionnaire et rétropéritonéal. Elle recherche des signes directs (masse focale ou diffuse le plus souvent hypodense) et indirects (dilatation biliaire ou du canal pancréatique principal, atrophie parenchymateuse d’amont). La tumeur n’est pas visible au scanner dans environ 10 % des cas. C’est pourquoi la connaissance des signes indirects est essentielle.

1.3.3 L’échoendoscopie est surtout utile au diagnostic des petites tumeurs (moins de 20 mm). Elle n’a d’intérêt et ne doit être faite que si l’échographie et le scanner ne montrent pas de signes évidents de non-résécabilité. En pratique, elle ne devrait être faite que dans moins de 10 % des cas.

1.3.4 La CPRE n’est réalisée à titre diagnostique que dans des cas particuliers. Son intérêt est thérapeutique.

1.4 Bilan d’extension

1.4.1 L’échographie abdominale recherche des métastases hépatiques, une ascite (carcinose péritonéale) et des adénopathies cœlio-mésentériques et rétropéritonéales.

1.4.2 La TDM précise, outre les éléments précédents, l’extension locorégionale notamment vasculaire. Depuis l’avènement de la technique hélicoïdale, le scanner est l’examen le plus utile au diagnostic et au bilan d’extension des adénocarcinomes pancréatiques.

1.4.3 L’écho-Doppler est utilisé pour déceler un envahissement vasculaire, veineux plus fréquent qu’artériel.

1.4.4 L’échoendoscopie peut apporter des éléments complémentaires pour l’évaluation de l’extension tumorale.

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1.4.5 Pour certains auteurs, la cœlioscopie permet de dépister une carcinose péritonéale ou hépatique non vue sur les autres examens. Des évaluations objectives des examens complémentaires sont à faire pour définir les explorations les plus performantes, les moins coûteuses et les mieux adaptées à la prise de décisions utiles au malade en fonction de paramètres cliniques et de l’espoir thérapeutique (attitude “décisionnelle” plus que diagnostique).

1.5 Stratégie diagnostique et thérapeutique

1.5.1 Tumeur inextirpable en raison de métastases ou de l’envahissement locorégional, surtout vasculaire, ou contre-indication chirurgicale liée au terrain. La ponction guidée sous scanner ou sous échoendoscopie permet d’obtenir une preuve histologique avant de discuter un traitement chimiothérapique ou radiochimiothérapique, dont l’efficacité n’est pas démontrée sur la durée de survie. En revanche, ces traitements semblent améliorer la qualité de vie, notamment les douleurs.

1.5.2 Tumeur apparemment extirpable et terrain ne contre indiquant pas l’intervention : • laparotomie exploratrice (ou cœlioscopie) sans exérèse en cas de métastases hépatiques, de carcinose péritonéale ou d’adénopathies tumorales à distance de la tumeur (cœliaques ou interaortico-caves), passées inaperçues aux examens précédents ; • pancréatectomie partielle adaptée au siège de la tumeur (duodéno-pancréatectomie céphalique ou spléno-pancréatectomie gauche) avec curage ganglionnaire.

1.5.3 Traitement palliatif de l’ictère et du prurit au cours des cancers inextirpables On peut pratiquer une anastomose bilio-digestive chirurgicale ou poser une prothèse biliaire par voie endoscopique ou transhépatique. Le choix entre ces deux méthodes est fonction de l’état général du malade, de l’existence d’une carcinose péritonéale contre-indiquant la chirurgie, de l’association à une sténose digestive. Dans ce dernier cas, l’intervention chirurgicale permet d’associer une dérivation digestive à la dérivation biliaire. La pose de prothèse duodénale sous contrôle endoscopique ou radiologique est désormais possible et peut être associée à une prothèse biliaire.

1.5.4 Autres mesures thérapeutiques utiles Le traitement médical vise à calmer la douleur par des antalgiques (opiacés le plus souvent), des infiltrations splanchniques (par de l’alcool absolu, du phénol, des corticoïdes ou des produits anesthésiques, sous guidage scanographique ou échoendoscopique). L’intérêt de la chimiothérapie et de la radiothérapie à titre palliatif est en train d’être démontré.

1.6 Pronostic Il est très mauvais. Seulement moins de 5 % de l’ensemble des patients sont vivants 5 ans après le diagnostic. Parmi les malades dont la tumeur n’est pas résécable et qui ne sont pas traités par chimiothérapie, 50 % sont morts entre 4 et 5 mois après le diagnostic. Parmi les patients opérés « à visée curative » (c’est-à-dire dont tout le tissu tumoral macroscopiquement visible a été extirpé), le taux de survie à 5 ans est de 10 à 30 %. Le résultat est d’autant meilleur que la tumeur est plus petite et qu’il n’y a pas d’envahissement ganglionnaire histologique.

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2 Tumeurs endocrines Les tumeurs endocrines du pancréas sont classées en fonction de leur caractère non sécrétant ou sécrétant. Les premières se traduisent par un syndrome tumoral. Pour les secondes, la symptomatologie est plus évocatrice en raison des effets des hormones produites par la tumeur. Ces tumeurs peuvent être uniques et sporadiques ou multiples (touchant le pancréas mais aussi l’hypophyse, les parathyroïdes, la thyroïde, les surrénales) et s’intégrer alors dans une néoplasie endocrine multiple (NEM), qui est d’origine génétique. – Insulinome : insuline, hypoglycémie. – Gastrinome : gastrine, syndrome de Zollinger-Ellison – Vipome : VIP, syndrome de Verner-Morrison (diarrhée cholériforme). – Glucagonome : glucagon, diabète, éruption cutanée. – Somatostatinome, calcitoninome ; PPome, carcinoïde du pancréas, etc. Le risque de malignité est exceptionnel pour les insulinomes, de 20 à 40 % pour les gastrinomes, fréquent pour les glucagonomes.

3 Tumeurs kystiques – Cystadénome séreux, tapissé d’un revêtement cubique, qui ne dégénère pas ; – Cystadénome mucineux dont l’épithélium est formé de cellules cylindriques, mucipares, susceptible de dégénérer en cystadénocarcinome de mauvais pronostic. L’indication d’exérèse en cas de cystadénome mucineux est formelle. Cependant, la distinction avec un cystadénome séreux est parfois très difficile et peut justifier des explorations invasives à titre diagnostique en cas de doute. La plupart des tumeurs citées dans les autres paragraphes peuvent (rarement) se présenter sous une forme kystique (adénocarcinome, tumeurs endocrines).

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Diarrhée aiguë

Philippe Marteau

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou

Objectifs (question N° 302 du programme officiel) • Devant une diarrhée aiguë chez l'adulte, argumenter les principales hypothèses

diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents. • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

POINTS IMPORTANTS • Il faut différencier la diarrhée hydrique du syndrome dysentérique car la

conduite à tenir est différente dans ces 2 formes de diarrhée aiguë (DA). • L’origine des DA est principalement infectieuse (penser aussi aux causes

médicamenteuses) et 40 % des diarrhées infectieuses sont d’origine virale • Devant une toxi-infection alimentaire : rechercher d’autres cas dans l’entourage

et s’il en existe déclarer à la DASS (environ 6500 foyers de TIAC déclarés par an en France).

• Une diarrhée banale de moins de 3 jours ne nécessite aucun examen complémentaire et, au plus, un traitement par lopéramide.

• Les indications de la coproculture sont limitées: syndrome dysentérique, DA avec fièvre élevée, persistance de la diarrhée.

• Devant un syndrome dysentérique il faut demander immédiatement une recto-sigmoïdoscopie avec biopsies, coproculture et examen parasitologique des selles

• En cas de prise actuelle ou récente d’antibiotiques : penser à Clostridium difficile et rechercher (demande spécifique) ce germe et sa toxine dans les selles

1 ÉPIDÉMIOLOGIE La diarrhée aiguë (DA) peut se définir comme une modification brutale de la fréquence

et/ou de la consistance des selles, évoluant depuis moins de 3 semaines. L'origine infectieuse est largement prépondérante (ce qui est très différent de la situation des diarrhées chroniques, d’où l’intérêt de bien séparer les deux).

La prévalence des DA infectieuses varie en fonction de la saison, de la localisation géographique, du groupe d'âge et des conditions d’hygiène. Dans le tiers monde, les DA sont responsables de 5 à 10 millions de morts par an et représentent la première cause de mortalité infantile. En milieu occidental ou industrialisé, leur incidence (environ 1 épisode par adulte et par an en France) en fait toujours un problème majeur de santé publique (même si la mortalité est très basse, limitée aux malades fragilisés par leur âge ou des co-morbidités). Les techniques actuelles permettent de découvrir l'origine des DA dans près de 50 % des cas, mais

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ces techniques étant nombreuses, coûteuses et longues, elles ne sont le plus souvent pas mises en œuvre. En effet, les DA sont, en règle générale, sur terrain sain et en pays développé, des maladies courtes, bénignes et guérissant spontanément sans qu'un diagnostic étiologique ne soit utile. En revanche, il existe des formes sévères qu'il est important de reconnaître rapi-dement afin de proposer un traitement adapté.

2 PHYSIOPATHOLOGIE

2.1 Diarrhée bactérienne Deux mécanismes peuvent être impliqués dans les diarrhées microbiennes.

2.1.1 Invasion muqueuse et/ou production d'une cytotoxine Dans ce cas, la DA est liée à la pénétration des micro-organismes dans les cellules de

l'épithélium intestinal et/ou à la production d'une cytotoxine. L'atteinte siège principalement au niveau de l'iléon distal et du côlon. Cette invasion est souvent responsable d'un syndrome dysentérique et de lésions muqueuses macroscopiques (iléite et/ou colite).

2.1.2 Production d'une entérotoxine ou adhésion entérocytaire Une diarrhée hydro-électrolytique peut être liée à une entérotoxine qui stimule l'adényl-

cyclase membranaire et provoque une sécrétion d'électrolytes et d'eau. Il n'existe dans ce cas ni lésion muqueuse histologique, ni bactériémie.

2.2 Diarrhée virale Elle peut être due à des rotavirus, des adénovirus entériques, des calicivirus (incluant le

virus de Norwalk) et des astrovirus. Ils entraînent des anomalies morphologiques de la muqueuse duodéno-jéjunale (atrophie villositaire, allongement des cryptes, dystrophie entérocytaire) responsables d'un syndrome de malabsorption transitoire.

2.3 Diarrhées parasitaires Entamoeba histolytica envahit la paroi colique et produit aussi probablement une

cytotoxine. Giardia lamblia entraîne des lésions microvillositaires et parfois une atrophie villositaire. Cryptosporidium crée une diarrhée de mécanisme mal connu.

3 DIAGNOSTIC

3.1 Clinique

3.1.1 Caractères de la diarrhée et signes associés Il faut savoir séparer le syndrome dysentérique de la diarrhée simple car la conduite à

tenir face à ces deux situations cliniques est différente. Les principaux éléments à faire préciser sont la fréquence des évacuations, la consistance (molle ou liquide), le volume, la présence de pus et/ou sang. Les signes associés à rechercher sont principalement représentés par des vomissements, des borborygmes, des douleurs abdominales et des signes systémiques (fièvre, signes extradigestifs). Le regroupement de ces signes permet d'orienter vers le mécanisme invasif ou sécrétoire de la diarrhée (tableau 1).

Le syndrome dysentérique associe évacuations anormales glairo-sanglantes, faux besoins,

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épreintes (contractions douloureuses du colon terminal) et ténesme (contracture douloureuse du sphincter anal précédant ou suivant chaque évacuation anormale). Histologiquement, il existe des ulcérations accompagnées d'une réaction inflammatoire de la lamina propria.

3.1.2 Contexte de survenue Les données anamnestiques suivantes sont en faveur de l'origine infectieuse d’une DA :

contexte épidémique, vie en collectivité (crèche, institution…), prise récente d'antibiotique, voyage récent en zone à risque, homosexualité masculine, immunodépression, contact avec un animal.

Tableau 1 – Présentation clinique des diarrhées aiguës

DIARRHÉE SÉCRÉTOIRE

(entérotoxine, adhésion)

DIARRHÉE LÉSIONNELLE

(invasion, cytotoxine) Site de l'infection grêle proximal iléo-colon Durée d'incubation quelques heures quelques jours Aspect des selles aqueux glairo-sanglant Volume abondant Modéré Déshydratation importante Modérée Douleurs abdominales modérées intenses, épreintes, ténesme Manifestations systémiques

rares Fréquentes

Principaux germes en cause

Vibrio, E.coli entérotoxinogène

Salmonella, Shigella, Campylobacter, E.coli entéro-hémorragique

3.2 Examens complémentaires Dans la majorité des cas, aucun examen complémentaire n'est nécessaire. Les examens de

selles ou endoscopique ne sont indiqués que dans environ 1% à 2% des DA.

3.2.1 Examen des selles L'examen direct

L'examen direct et le frottis permettent parfois une forte présomption diagnostique en mettant en évidence des bactéries mobiles, des protozoaires flagellés, ou des amibes. La présence de leucocytes fécaux témoigne d'une invasion de la muqueuse ; elle n'a de valeur que positive.

La coproculture Elle se fait à partir de prélèvements frais ou conservés moins de 12 h à 4˚C. La recherche

de Salmonella et Shigella est systématique ; celle de Campylobacter tend à le devenir. D'autres bactéries ne sont recherchées que sur demande spécifique. Il faut donc savoir prescrire une recherche spécifique de Clostridium difficile et sa toxine en cas d'antibiothérapie récente, Yersinia enterocolitica en cas de douleurs abdominales fébriles inexpliquées, Escherichia coli entérohémorragique en cas de diarrhée sanglante, Aeromonas

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hydrophila et Plesiomonas shigelloides en cas de diarrhée sanglante ou de diarrhée hydrique prolongée chez des sujets vivants en institution et Vibrio parahemolyticus en cas d'ingestion de fruits de mer.

Dans certaines situations, l'isolement d'un germe n'a aucune valeur. C'est le cas pour E. coli, saprophyte de la flore intestinale, dont le rôle pathogène ne doit être envisagé que dans des circonstances précises et confirmé alors par un sérotypage ou par la mise en évidence de ses toxines. La présence de Staphylococcus aureus dans les selles n'a aucune valeur ; il en est de même de celle de Candida albicans.

Si on la prescrit dans tous les cas, la coproculture a une très faible rentabilité (1,5 à 2,4 % de positivité), ce qui lui confèrerait un prix de revient très élevé par examen positif (près de 800 €). Son indication doit donc être restreinte aux cas où elle est utile (cf. plus loin).

L’examen parasitologique des selles Il comprend un examen direct au microscope et un examen après concentration. Chaque

parasite nécessite une technique qui lui est propre, ce qui souligne l'importance de fournir au laboratoire les éléments d'orientation (géographique, clinique…). L'examen doit être effectué sur une selle fraîche, au mieux émise au laboratoire. Un seul examen négatif n'a aucune valeur, en raison des difficultés techniques et de l'excrétion parfois intermittente des parasites. Il faut donc savoir répéter les examens à quelques jours d'intervalle.

3.2.2 Rectoscopie et iléo-coloscopie Elle permet de mettre en évidence d’éventuelles lésions, de réaliser un écouvillonnage

rectal et des biopsies. L'examen anatomo-pathologique de ces dernières permet parfois de distinguer une DA infectieuse d'une première poussée de maladie inflammatoire chronique intestinale. Des biopsies peuvent également être mises en culture et permettre d'identifier un germe. La rectoscopie n'a cependant de valeur que positive car les lésions endoscopiques peuvent siéger plus en amont. C'est la raison pour laquelle, dans certaines situations, il faut demander une iléo-coloscopie avec biopsies.

3.3 Indications Une coproculture et un examen parasitologique des selles (à répéter si négatif) seront

prescrits en présence d'une fièvre > 39˚C, de rectorragies, d'une déshydratation sévère, d'un terrain particulier ou si l'évolution se poursuit plus de 5 jours (figure 1).

En cas de syndrome dysentérique ou de DA hydrique d'évolution prolongée, une exploration endoscopique (rectoscopie et/ou iléo-coloscopie) avec biopsies sera réalisée.

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Figure 1 – Démarche diagnostique en présence d'une diarrhée aiguë supposée infectieuse

4 ÉTUDE ANALYTIQUE IL N'EST PAS TOUJOURS POSSIBLE DE FAIRE COÏNCIDER LES MECANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES POUR CHAQUE AGENT PATHOGENE DECRITS CI DESSOUS ET LES SYMPTOMES RENCONTRES EN PRATIQUE.

4.1 Bactéries

4.1.1 Salmonelles Les salmonelles sont responsables de 40 à 80 % des toxi-infections alimentaires

collectives (TIAC) et de 10 à 15 % des diarrhées du voyageur (DdV). Après une incubation de 8 à 36 heures, surviennent typiquement des vomissements, douleurs abdominales, une diarrhée aqueuse et une fièvre qui durent de 2 à 5 jours. La présentation peut aussi être celle de « gastro-entérites », sporadiques ou épidémiques ou d’une une diarrhée glairo-sanglante avec colite ulcérée.

4.1.2 Shigelles Les shigelles sont responsables de grandes épidémies d'armées en campagne ou de camps

(réfugiés, prisonniers) ; 4 à 30 % des DdV; (c) de gastro-entérites sporadiques ; (d) de rares gastro-entérites épidémiques survenant après ingestion d'eau ou d'aliments souillés, ou par contamination inter-humaine. Le tableau clinique est typiquement un syndrome dysentérique franc et fébrile mais il peut s’agir d’une diarrhée sans fièvre.

Diarrhée aiguë supposée infectieuse

Hydrique

NFSIonogrammeCoprocultureParasitologie des selles

OuiNon

Endoscopie basseBiopsies systématiques(mises en culture)

Si antibiothérapie récente : Coproculture avec recherche de C. difficile et toxine Si immunosuppression profonde : • recherche cytomégalovirus : sérologie - virémie - biopsies• recherche parasites et bactéries opportunistes sur selles et biopsies

Syndrome dysentérique

Fièvre > 39°C ?ou Durée > 3 jours ?ou Déshydratation sévère ?

AUCUN EXAMEN

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4.1.3 Campylobacter

Les Campylobacter (jejuni le plus souvent) sont de plus en plus souvent identifiés comme responsables de DA, notamment de TIAC. Ce sont des germes invasifs au niveau de l'iléon et du côlon, responsables de micro-abcès et d'adénopathies mésentériques. Ils provoquent des cas sporadiques, estivaux, frappant surtout les enfants, survenant après contact avec des animaux de ferme, des chats et chiens, ou l'ingestion d'aliments contaminés, dont le lait non pasteurisé et la viande de volaille ; une faible proportion de DdV. Les tableaux cliniques réalisés vont de la diarrhée aqueuse d'intensité modérée, rapidement régressive, au syndrome dysentérique fébrile ; myalgies et arthralgies sont fréquentes. On note 10 % de rechutes.

4.1.4 Yersinia enterocolitica Ce germe est responsable de cas sporadiques et surtout de cas groupés, fréquents en

Europe du Nord, survenant après ingestion d'aliments souillés (produits lactés, porc et mouton mal cuits) ou d'eau contaminée. Il frappe souvent les enfants. C'est un germe invasif, l'atteinte est surtout iléale et colique droite ; l'hypertrophie des follicules lymphoïdes et des ganglions mésentériques est habituelle. Après une incubation de 10 jours ; surviennent des douleurs de la fosse iliaque droite, une fièvre puis une diarrhée liquide, rarement hémorragique ou purulente ; des signes extra-intestinaux (arthralgies, érythème noueux) doivent attirer l'attention. L'évolution est parfois prolongée plusieurs semaines, pouvant prêter à confusion avec une première poussée de maladie de Crohn. L'iléocoloscopie peut montrer une iléite ou une muqueuse colique œdémateuse et fragile. Le diagnostic repose sur la coproculture et sur le sérodiagnostic, en exigeant des taux élevés d'anticorps ou une séroconversion franche.

4.1.5 Escherichia coli

Il faut toujours se rappeler que E. coli est un germe saprophyte et que seuls de rares sérotypes sont pathogènes.

• Les Escherichia coli entéro-invasifs (ECEI), dont il existe plusieurs sérotypes, sont des germes ubiquitaires responsables de DA sporadiques ou de petites épidémies. Le tableau clinique est proche de celui des shigelloses.

• Les Escherichia coli entéro-toxiques (ECET) sont responsables de 50 à 70 % des DdV.

• Les Escherichia coli enteropathogène (ECEP) sont responsables de DA hydriques, survenant par cas sporadiques ou petites épidémies, chez les enfants de moins de deux ans fréquentant les crèches et collectivités.

• Les Escherichia coli entérohémorragiques (ECEH) entraînent des colites, avec diarrhée hémorragique, survenant en cas sporadiques ou petites épidémies, plus sévères chez les nourrissons et les sujets âgés.

4.1.6 Aeromonas hydrophila (eaux douces et saumâtres), et Vibrio parahemolyticus (eaux salées)

Très fréquents en Asie, mais ubiquitaires, ces deux germes sont responsables de petites épidémies, de cas sporadiques et de DdV. Les poissons et les fruits de mer sont le plus souvent en cause. Ils provoquent des DA hydriques par action de toxines et, pour A. hydrophila, des syndromes dysentériques.

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4.1.7 Staphylococcus aureus Il entraîne une DA hydrique d'incubation très brève (2 à 4 heures) en général associée à

des vomissements et sans fièvre ; ces signes guérissent spontanément en quelques heures. La coproculture est souvent négative ; le germe et la toxine sont découverts dans l'aliment contaminant (intoxination).

4.1.8 Clostridium perfringens Le type A est à l'origine de 8 % des TIAC ; l'incubation est courte, la DA reste sans

fièvre. Le type C (très rare) entraîne des entérocolites nécrosantes gravissimes.

4.2 Virus

4.2.1 Les rotavirus sont responsables dans les pays développés de la majorité des DA hivernales survenant sous forme de cas sporadiques, chez les nourrissons et les enfants de moins de trois ans. Ils sont plus rarement en cause chez l’adulte. La DA est bénigne associée à des vomissements et parfois une fièvre modérée ; elle dure de 2 à 6 jours. Les formes sévères avec déshydratation sont possibles, surtout chez le nourrisson.

4.2.2 Les adénovirus sont deuxième cause de gastro-entérite du nourrisson. Le tableau clinique est analogue à celui des rotavirus.

4.2.3 Les calicivirus (virus du groupe Norwalk et apparentés) sont également ubiquitaires mais atteignent les enfants plus âgés et les adultes. La transmission est hydrique et entraîne de petites épidémies de groupe. L'incubation est courte et la durée de la maladie très brève. Elle se manifeste par des vomissements, la diarrhée, des myalgies et une fièvre modérée.

4.3 Parasites

4.3.1 Entamoeba histolytica Ce parasite provoque des épisodes de diarrhée ou des syndromes dysentériques vrais,

essentiellement chez les voyageurs, les immigrants ou leur entourage. Le diagnostic est assuré par l'endoscopie basse (lésions ulcérées) et l'examen microscopique immédiat de sécrétions muqueuses.

4.3.2 Giardia lamblia Il existe des cas sporadiques, de petites épidémies de collectivités et des DdV. Les

symptômes (anorexie, ballonnement, nausées, douleurs abdominales, diarrhée) apparaissent après 8 à 15 jours d'incubation et persistent 10 à 15 jours.

4.3.3 Cryptosporidium sp. Chez les sujets immunocompétents, l'épidémiologie et les manifestations de la DA

provoquée par Cryptosporidium sp sont comparables à celles de G. lamblia. Chez les immunodéprimés et singulièrement au cours du SIDA, ce parasite peut aussi donner des diarrhées profuses et chroniques.

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4.4 Cas particuliers

4.4.1 Toxi-infection alimentaire collective (TIAC) Il s'agit de maladie à déclaration obligatoire. La dissémination peut être importante en

raison de la restauration collective et des techniques modernes d'élevage des volailles. Deux facteurs sont importants pour la gravité: le nombre de germes ingéré (ou la quantité de toxine) et le terrain. Les bactéries responsables sont : Salmonella, Bacillus cereus, Clostridium perfringens et botulinum, Staphylococcus aureus, Vibriocholerae et para-hemolyticus. Lorsque la toxine est présente dans l'aliment (intoxination par S. aureus, B. cereus, C. botulinum), la durée d'incubation est brève (minutes ou heures) et les premiers symptômes consistent généralement en des vomissements, avec peu ou pas de fièvre. Lorsqu'une TIAC est suspectée, il faut la déclarer, demander une coproculture et tenter de récupérer l'aliment suspect pour identifier le germe et/ou sa toxine.

4.4.2 Diarrhée des voyageurs (DdV) Chaque année, un tiers des 16 millions de personnes vivant dans des régions à niveau

d'hygiène élevé et se rendant dans des régions tropicales et/ou à faible niveau d'hygiène développent une DdV. Le risque est d'autant plus élevé que le séjour est long et le voyageur proche des populations autochtones. Le diagnostic est généralement facile. Classiquement, 3 à 4 jours après l'arrivée (mais parfois aussi après le retour), apparition brutale de douleurs abdominales suivies d'une diarrhée et/ou de vomissements. Un syndrome dysentérique est plus rarement observé. Dans la majorité des cas, le nombre de selles ne dépasse pas 5 à 6 par jour. Les signes durent en moyenne 2 à 3 jours et cèdent, en règle générale, spontanément. Parmi les germes responsables, E.coli entérotoxinogène (ETEC) domine largement (60 à 70 % des cas).

4.4.3 Diarrhées post-antibiotiques Clostridium difficile Il est la cause principale des colites pseudo-membraneuses, et de 30 % des colites

post-antibiotiques sans fausses membranes. Il est aussi à l'origine de colites et de diarrhées spontanées, souvent nosocomiales. C. difficile sécrète deux toxines A et B et seules les souches toxinogènes sont responsables de la maladie. Les signes sont une diarrhée liquide de début brutal, une fièvre, des douleurs abdominales, une hyperleucocytose parfois très élevée, qui apparaissent quelques jours (mais parfois beaucoup plus) après le début d'un traitement antibiotique (quel qu’il soit). Des formes graves (diarrhée sanglante, colectasie,…) existent.

Le diagnostic de colite doit être évoqué sur la clinique et confirmé par l'endoscopie. Les lésions n’épargnent le rectum que dans 10 % des cas (intérêt alors d'une coloscopie complète). En cas de colite pseudomembraneuse, la muqueuse est recouverte de fausses membranes saillantes de 2 à 5 mm, recouvrant des ulcérations. Le diagnostic est quasi certain dès l’endoscopie mais confirmé dans les cas difficiles par la mise en évidence dans les selles de C. difficile et/ou d’une de ses cytotoxine. Le traitement repose sur l'arrêt des antibiotiques, la réanimation hydro-électrolytique si nécessaire et l'administration orale de métronidazole ou de vancomycine ; des rechutes surviennent dans 10 à 20 % des cas.

Colite hémorragique post-antibiotique

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Il s'agit d'une affection relativement rare de présentation stéréotypée. Le début est brutal, et survient moins de 7 jours après le début d’une antibiothérapie par un dérivé de la pénicilline. Les signes cliniques associent une diarrhée sanglante à des douleurs abdominales volontiers violentes, pseudo-chirurgicales. Le plus souvent, la température et la VS sont normales et il existe une hyperleucocytose. La coloscopie montre des lésions de siège variable sous forme de fragilité muqueuse et de purpura. Le micro-organisme responsable, Klebsiella oxytoca, peut être isolé par la mise en culture de biopsies intestinales. La guérison totale survient en quelques jours après arrêt de l'antibiotique.

5 DIARRHÉES AIGUËS NON INFECTIEUSES

5.1 Diarrhées médicamenteuses De nombreux médicaments (tableau 3) sont susceptibles d'entraîner une DA. Au moindre

doute, il est nécessaire d'interrompre, si possible, le(s) médicament(s) suspect(s).

Tableau 3 – Les principaux médicaments diarrhéogènes

colchicine chimiothérapie lactulose biguanides antibiotiques veinotoniques antiacides quinidine laxatifs acides biliaires

5.2 Diarrhées allergiques La diarrhée apparaît dans les minutes qui suivent l'ingestion de l'allergène alimentaire. Il

s'y associe parfois des signes cutanés évocateurs (urticaire). Un terrain atopique doit être recherché et l'allergène identifié.

5.3 Diarrhées toxiques La majorité des toxiques, en particulier les savons et les détergents, les acides et les bases,

les organo-phosphorés, les métaux lourds (arsenic, plomb, mercure…) peuvent entraîner des symptômes digestifs associant vomissements, douleurs abdominales et diarrhée. Le contexte (exposition professionnelle, tentative de suicide) et les signes associés orientent généralement l'enquête étiologique. Certains champignons peuvent également entraîner des DA.

5.4 Colites aiguës non infectieuses Elles sont plus rares et leur diagnostic repose sur un ensemble d'arguments :

(a) contexte ; (b) négativité des recherches bactériologiques et parasitologiques (c) aspects endoscopiques et histologiques parfois évocateurs. Les affections en cause sont principalement représentées par : (a) les colites ischémiques, survenant le plus souvent chez le sujet âgé ; (b) les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, survenant préférentiellement chez le sujet jeune ; (c) les colites médicamenteuses, rares, principalement en rapport avec la prise d'anti-inflammatoires non stéroïdiens, de chimiothérapies ou de sels d'or.

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6 TRAITEMENT La grande majorité des DA ne nécessite aucun traitement étiologique. La déshydratation

peut être mortelle et doit être traitée d’urgence et/ou prévenue.

6.1 Réhydratation et apport rapide d'électrolytes Ils sont indispensables lorsqu'il existe une déshydratation et d'autant plus que les sujets

sont d'âge extrême. Souvent, cette compensation peut se faire par voie orale, à l'aide de boissons salées et/ou sucrées ou encore (dans les cas plus sévères) de préparations type O.M.S. (Adiaril®). À l'hôpital, et en cas de déshydratation importante ou de vomissements incoercibles, il est pratique d'administrer par voie intraveineuse une solution de type Ringer-lactate enrichie de KCl.

6.2 Médicaments anti-diarrhéïques Les dérivés opiacés (lopéramide surtout) sont utiles pour le confort des malades, en

diminuant le volume et surtout le nombre des exonérations. Cependant, ils sont déconseillés dans les diarrhées invasives et contre-indiqués dans les colites sévères car ils peuvent alors augmenter le risque de colectasie.

6.3 Antibiothérapie La grande majorité des diarrhées bactériennes guérit spontanément en 3 à 4 jours.

L’utilité des antibiotiques est admise dans les diarrhées invasives. Les antibiotiques les plus efficaces sont le cotrimoxazole et les fluoroquinolones : norfloxacine et ciprofloxacine pendant 5 jours.

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Diarrhée chronique R. Jian, J.C. Rambaud

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou

Objectifs (question N° 303 du programme officiel) Devant une diarrhée chronique, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.

Points importants • Les causes de diarrhée chronique sont très nombreuses et le diagnostic

étiologique requiert une solide expérience clinique et des moyens techniques fiables.

• Un interrogatoire et un examen clinique complets et attentifs, complétés par quelques examens biologiques simples éviteront souvent bien des examens complémentaires inutiles.

• En l'absence d'éléments d'orientation, l'exploration d'une diarrhée chronique débute par des examens morphologiques : iléo-coloscopie et endoscopie haute avec biopsies étagées, transit du grêle.

• L'examen fonctionnel de la digestion n'a aucun intérêt. En revanche, un examen coprologique avec dosage de graisses fécales, ionogramme fécal et recherche de laxatifs est parfois utile.

• L'examen parasitologique des selles est utile dans l'exploration d'une diarrhée chronique, la coproculture ne l'est pas (sauf chez l'immunodéprimé).

• Les diarrhées hydro-électrolytiques sont plus fréquentes que les diarrhées par malabsorption (de nutriments et/ou de vitamines).

• La maladie cœliaque, les lésions inflammatoires du grêle et la pancréatite chronique sont les causes les plus fréquentes des diarrhées par malabsorption

• Les lésions intestinales tumorales, inflammatoires et, infectieuses chez l'immuno-déprimé, sont les causes organiques les plus fréquentes d'une diarrhée hydro-électrolytique.

• Les diarrhées hydro-électrolytiques sont le plus souvent idiopathiques correspondant au syndrome de l'intestin irritable, mais il s'agit d'un diagnostic d'élimination.

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1 INTRODUCTION Sous alimentation de type occidental, habituellement pauvre en fibres alimentaires, une diarrhée se définit par un débit fécal moyen supérieur à 200 g ; une diarrhée devient chronique quand elle évolue pendant plus d'un mois. En pratique clinique, on parle de diarrhée lorsque les selles sont trop nombreuses (> 3 / jour) et/ou liquides, ce qui peut conduire à des erreurs de diagnostic par excès ou par défaut. Il faut donc recourir à la mesure du débit fécal en cas de difficulté diagnostique. Les causes d'une diarrhée chronique, très nombreuses, recouvrent une grande partie de pathologie digestive, mais un interrogatoire et un examen clinique complets, aidés de quelques examens biologiques simples, apportent souvent des éléments d'orientation décisifs. On oppose les diarrhées dites par malabsorption (sous-entendu de nutriments et/ou de vitamines) aux diarrhées hydro-électrolytiques, les plus fréquentes. Les principaux mécanismes d'une diarrhée chronique sont donnés dans le tableau 1, une même affection pouvant relever de plusieurs mécanismes. La diarrhée du syndrome de l'immunodéficience acquise (SIDA), affection qui doit être toujours évoquée en présence d'une altération de l'état général et qui pose des problèmes très spécifiques sera abordée en annexe 1.

Tableau 1 – Classification des diarrhées chroniques Type de la diarrhée

Mécanisme Causes majeures Fréquence

Motrice Accélération du transit TFI*, Hyperthyroïdie +++

Malabsorption Malabsorption entérocytaire, Maldigestion

Maladie cœliaque Insuffisance pancréatique

++ +

Sécrétoire Sécrétion intestinale (hydro-électrolytique)

Vipome**, Colites microscopiques

- +

Osmotique Appel d'eau par hyper-osmolarité intraluminale

Laxatifs (PEG, lactulose) Déficit lactase….

+

Exsudative

Fuite de lymphe ou de plasma

Lymphangiectasies Tumeurs, colites inflammatoires

- ++

Volumogénique Hypersécrétion gastrique et pancréatique

Gastrinome** -

* TFI : troubles fonctionnels intestinaux. ** Tumeur pancréatique sécrétant du vaso-active polypeptide, ou de la gastrine.

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2 DIARRHÉES LÉSIONNELLES

2.1 Orientation, confirmation Les diarrhées comportant des lésions intestinales macroscopiques, le plus souvent ulcérées, méritent d'être individualisées. Elles correspondent à un ou plusieurs des mécanismes décrits dans le tableau 1, mais peu importe ici le mécanisme et le type de la diarrhée : le diagnostic, est aisé, reposant sur l'iléo-coloscopie avec biopsies et, en cas de négativité, sur le transit du grêle et/ou l'entéroscopie. La diarrhée peut s'accompagner d'un syndrome biologique inflammatoire. La présence de sang dans les selles est très évocatrice, mais inconstante.

2.2 Etiologie

2.2.1 Lésions tumorales Il s'agit essentiellement des cancers recto-coliques et des tumeurs villeuses. Des antécédents personnels ou familiaux, des signes fonctionnels ou objectifs d'appel ou d'alarme sont parfois présents, mais ces lésions doivent être recherchées systématiquement chez tous sujets de plus de 45 ans se plaignant d'une diarrhée chronique sans autre élément d'orientation. Beaucoup plus rarement, un lymphome est en cause.

2.2.2 Lésions inflammatoires Elles correspondent à des maladies inflammatoires cryptogénétiques de l'intestin (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique), à une colite ischémique, à une entérocolite radique, médicamenteuse (AINS) ou infectieuse chez l'immunodéprimé.

3 DIARRHÉES MOTRICES

3.1 Orientation La diarrhée hydro-électrolytique est liée à une accélération du transit intestinal dans l'intestin grêle et surtout dans le côlon. Il n'y a pas de malabsorption franche des nutriments (en dehors d'une stéatorrhée modérée). Le caractère moteur de la diarrhée se traduit par des selles fréquentes mais de faible volume, impérieuses, matinales et post-prandiales précoces, par la présence d'aliments non digérés ingérés lors du repas précédent l'émission de la selle, et par une régression spectaculaire de la diarrhée sous l'effet des ralentisseurs du transit (Imodium®, Diarsed®, codéine).

3.2 Confirmation, étiologie Le caractère moteur d'une diarrhée est confirmé par le test au carmin : le temps séparant l'ingestion de deux gélules de carmin et son apparition dans les selles est inférieur à 6 heures (normale 24 à 48 heures) et son élimination totale inférieur à 24 heures. Les causes principales de diarrhée motrice et les éléments du diagnostic étiologique sont données dans le tableau 2. Toutes sont en fait détectées ou fortement suspectées par l'examen clinique

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Tableau 2 – Causes des diarrhées motrices Causes Diagnostic Endocriniennes Cancer médullaire de la thyroïde Hyperthyroïdie Syndrome carcinoïde*

Tumeur palpable, thyrocalcitonine, échographie thyroïdienne TSH Foie tumoral, 5 HIAA urinaire, sérotoninémie, Echographie du foie, transit du grêle

Neurologiques Vagotomie, sympathectomie Neuropathies viscérales et dysautonomies (diabète, amylose)

Anamnèse Anamnèse, hypotension orthostatique, Examen neurologique

Anatomiques Grêle court, fistule gastro-colique

Anamnèse, examens morphologiques.

Diarrhée motrice idiopathique (plus de 80 % des cas)

Contexte de troubles fonctionnels digestifs, élimination des autres causes

* Comprend en plus de la diarrhée motrice, des flushes, parfois une insuffisance cardiaque droite, et presque toujours une hépatomégalie tumorale.

4 DIARRHÉES PAR MALABSORPTION

4.1 Orientation Une diarrhée par malabsorption sous entend une malabsorption de nutriments et/ou de vitamines. La malabsorption est souvent suspectée sur les données de l'interrogatoire et de l'examen clinique : amaigrissement ou maigreur avec conservation de l'appétit, selles grasses, signes cliniques de carences vitaminiques ou nutritionnelles. Les examens biologiques de routine peuvent montrer : une anémie microcytaire (carence martiale), ou macrocytaire (carence en folates ou en vitamine B12) ou mixte (très évocatrice) ; un syndrome ostéomalacique (carence en vitamine D), une baisse du TP (carence en vitamine K).

4.2 Confirmation, étiologie La confirmation de la malabsorption et l'enquête étiologique reposent sur des examens morphologiques choisis en fonction du contexte clinique : endoscopie haute avec biopsies duodénales, transit du grêle, iléo-coloscopie avec biopsies iléales, échographie ou tomodensitométrie pour étude des voies biliaires et du pancréas. La confirmation biologique de la malabsorption sera effectuée à titre pronostique (quantification de la malabsorption) ou lorsque les explorations morphologiques sont négatives mais qu'une malabsorption reste plausible (tableau 3). Une stéatorrhée majeure, supérieure à 30 g/24 h, s'observe dans les lésions pariétales et les résections étendues du grêle ou dans l'insuffisance pancréatique exocrine.

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Tableau 3 – Diagnostic biologique d'une malabsorption.

Stigmates biologiques Anémie ↓ Fer, folates, B12 ↓ Calcémie (vitamine D) ↓ TP (vitamine K) ↓ Albuminémie ↓ Cholestérolémie

Tests dynamiques Graisses fécales > 6 g/24 h Xylosémie <250 mg/l à 2 heures Test de Schilling avec facteur intrinsèque < 10 %

Les principales causes de malabsorption et les éléments majeurs du diagnostic étiologique sont rassemblés dans le tableau 4. Les causes les plus fréquentes sont abordées ci-dessous. Il est finalement rare qu'un syndrome de malabsorption reste totalement inexpliqué (malabsorption illégitime).

4.2.1 Maladie cœliaque • La maladie cœliaque est la cause la plus fréquente de malabsorption de l'adulte et de

l'enfant. Elle est liée à une intolérance digestive à des fragments de protéines contenues dans le gluten des céréales, notamment les gliadines.

• La forme majeure de cette affection, comportant de multiples carences vitaminiques, une dénutrition et un retard staturo-pondéral, est actuellement exceptionnelle. Le diagnostic doit donc être évoqué devant des signes mineurs et dissociés de malabsorption associés à une diarrhée chronique, parfois très discrète. Dans certains cas, seuls les signes carentiels révèlent la maladie (formes sèches). Ainsi, le diagnostic est souvent porté devant une simple anémie (hyposidérémique et plus rarement macrocytaire ou mixte) ou un syndrome ostéomalacique (douleurs osseuses, hypocalcémie, élévation des phosphatases alcalines). Des manifestations extra-digestives peuvent accompagner ou révéler la maladie digestive : dermatite herpétiforme, arthralgies, manifestations auto-immunes diverses.

• Le diagnostic sera confirmé par : - La recherche d’anticorps anti-endomysium ou anti-transglutaminase de type IgA. Ces

examens ont une sensibilité et une spécificité proche de 100 % (elles sont mises à défaut uniquement dans les déficits immunitaires en IgA).

- La gastroscopie avec biopsies duodénales. En effet, l'atrophie villositaire totale est quasiment pathognomonique de cette affection (figure 1). Les lésions histologiques peuvent être plus ou moins étendues sur le grêle, mais prédominent toujours au niveau du duodénum ou du jéjunum proximal. Elles se réparent toujours de bas en haut.

• La prise en charge sera poursuivie en milieu spécialisé et comportera : - La réalisation d’autres explorations en fonction du contexte clinique (transit baryté du

grêle pour déceler des complications, ostéodensitométrie…. - La mise en route d’un régime sans gluten dont l’efficacité confirmera le diagnostic. • Le traitement repose sur le régime visant à supprimer les céréales contenant du gluten

(blé, seigle, orge) ; le riz et le maïs et à un moindre degré l’avoine sont autorisés. Ce

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régime est très difficile à suivre et exige un diagnostic formel et un apprentissage pour en déjouer les nombreux pièges (médicament enrobés de gluten, présence de gluten dans de nombreux plats précuisinés ne contenant a priori pas de céréales…). La résistance au régime sans gluten est le plus souvent liée à une mauvaise observance du régime, mais d'authentiques résistances sont possibles. Le suivi du régime sans gluten est nécessaire pour faire régresser les signes de malabsorption, mais aussi, dans l'espoir de prévenir les complications majeures de cette affection, l’ostéoporose et le lymphome du grêle.

Figure 1 – Biopsies duodénales

A B

A : aspect normal des villosités ; B : atrophie villositaire totale avec hypertrophie des cryptes et infiltrat inflammatoire du chorion au cours d'une maladie cœliaque.

4.2.2 Pullulation bactérienne du grêle Elle doit être évoquée en présence d'un facteur favorisant anatomique (anse borgne, sténose partielle ou diverticules du grêle) ou fonctionnel (sclérodermie, pseudo-obstruction intestinale chronique du grêle, achlorhydrie gastrique). Le diagnostic repose sur un test respiratoire au glucose (en cas de pullulation le glucose est rapidement métabolisé par les bactéries qui produisent de l’hydrogène détectable dans l’air expiré), éventuellement complété par un tubage bactériologique du grêle proximal. Son rôle pathogénique dans la diarrhée sera confirmé par la régression du syndrome de malabsorption sous antibiotiques.

4.2.3 Insuffisance pancréatique (voir chapitre pancréatite chronique).

4.2.4 Maladie de Whipple Elle est due à une infection par Tropheryma whippelii, associe un syndrome de malabsorption et des signes extra-digestifs (polyarthrite, fièvre, manifestations neurologiques). Le diagnostic repose sur les biopsies duodéno-jéjunales. L'évolution est favorable sous traitement antibiotique prolongé.

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Tableau 4 – Principales causes de malabsorption Causes Diagnostic Pré-entérocytaires (luminales) Pancréatites chroniques, cancer du pancréas Cholestase, fistules biliaires Pullulation bactérienne du grêle

ASP, échographie ou scanner Biologie hépatique, échographie Tests respiratoires, transit du grêle

Entérocytaires Maladie cœliaque Déficit immunitaire en immunoglobulines Lambliase Maladie de Whipple Lésions anatomiques du grêle : maladie de Crohn, résections et fistules du grêle, grêle radique, lymphome…)

Biopsies duodénales Dosage des immunoglobulines Parasitologie selles Biopsies duodénales Anamnèse Transit du grêle, Entéroscopie

Post-entérocytaires Lymphangiectasies primitives ou secondaires

Examens morphologiques, biopsies, clairance de l'alpha-1-antitrypsine

5 DIARRHÉES OSMOTIQUES

5.1 Généralités, orientation Une diarrhée osmotique est due à l'ingestion de solutés de faible poids moléculaire, peu ou pas absorbables par le grêle. Cette malabsorption étant soit physiologique (soluté naturellement non absorbable), soit pathologique (déficit enzymatique rendant le soluté non absorbable) (tableau 5). Les solutés malabsorbés entraînent un appel osmotique d'eau et d'électrolytes dans le grêle puis dans le côlon. Si la substance malabsorbée est fermentescible (par les bactéries coliques), d'autres symptômes peuvent accompagner la diarrhée : borborygmes, météorisme, flatulences, douleurs abdominales. Le jeûne supprime la diarrhée, sauf si la substance malabsorbée est avalée « en cachette » par le malade (pathomimie).

5.2 Confirmation, étiologie Le diagnostic repose sur l'interrogatoire, sur la mise en évidence dans les selles substances responsables, ou sur des tests respiratoires spécifiques. Dans les cas difficiles, un ionogramme fécal est utile. Une partie (substances fermentescibles) ou la totalité (ions di- et tri-valents) des solutés malabsorbés se retrouve dans les selles et sont responsable d'un trou anionique : ([Na] + [K] x 2) - 290 mOsm > 50 mOsm.

Tableau 5 – Causes des diarrhées osmotiques Causes Éléments du diagnostic Malabsorption « physiologique » de substances osmotiques Lactulose ou lactitol, mannitol, sorbitol, ions sulfate, phosphate et magnésium

Anamnèse et dosages fécaux

Malabsorption « pathologique » des sucres Déficit en lactase, déficit en saccharase-isomaltase

Tests respiratoires, dosages enzymatiques, épreuve d'exclusion

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6 DIARRHÉES SÉCRÉTOIRES La diarrhée sécrétoire a pour caractères essentiels d'être généralement abondante (> 500 g/24 h), de ne pas céder au jeûne, de donner une osmolarité calculée de l'eau fécale ([Na]+[K]) x 2) voisine de 290 mOsm. Lorsque les débits fécaux sont importants (vipomes), une hypokaliémie, une acidose métabolique, une tubulopathie hypokaliémique et une insuffisance rénale fonctionnelle peuvent s'observer. La liste des causes de diarrhée sécrétoire et les examens permettant de les affirmer est donnée dans le tableau 6.

Tableau 6 – Causes des diarrhées sécrétoires Causes Diagnostic Vipome (tumeur pancréatique endocrine) VIPémie, échographie,

tomodensitométrie Laxatifs irritants, biguanides, colchicine Interrogatoire, dosage dans selles et

urines Lambliase, crypto- et microsporidiose (immunodéprimé)

Parasitologie des selles, biopsies du grêle, sérologie HIV

Adénome villeux hypersécrétant, colites microscopiques (collagène ou lymphocytaire)

Coloscopie avec biopsies étagées systématiques

7 AUTRES TYPES DE DIARRHÉES

7.1 Diarrhées volumogéniques Une diarrhée volumogénique est due à « l'inondation » de l'intestin par les sécrétions digestives hautes (estomac + sécrétion pancréatique réactionnelle). Elle est due principalement à un gastrinome (tumeur duodénale ou pancréatique sécrétant de la gastrine ou syndrome de Zollinger Ellison). La diarrhée, peu abondante, s'accompagne souvent d'une discrète malabsorption par inactivation des enzymes pancréatiques. Le contexte (néoplasie endocrine multiple familiale de type 1, maladie ulcéreuse, œsophagite et surtout duodénite endoscopique) permet d'évoquer le diagnostic, qui sera confirmé par des test spécifiques (tableau 7).

7.2 Entéropathies exsudatives Toutes les lésions diffuses intestinales provoquent une exsudation plasmatique. On parle d'entéropathie exsudative lorsque l'exsudation plasmatique domine le tableau clinique. Œdèmes, polysérite sont alors au premier plan, la diarrhée est souvent très modérée. La biologie traduit la fuite protéique : hypo-albuminémie majeure et hypocalcémie ; lorsqu'il s'agit d'une fuite lymphatique, il existe une lymphopénie et une stéatorrhée. C'est, en effet, le plus souvent un obstacle lymphatique qui est responsable de telles exsudations. Il peut être secondaire à un lymphome, une compression tumorale, ou une péricardite constrictive. Il peut s'agir aussi d'une maladie primitive des lymphatiques (lymphangiectasie primitive ou maladie de Waldman).

7.3 Malabsorption des sels biliaires Toute lésion iléale peut comporter une malabsorption des sels biliaires. Dans certains cas la diarrhée est due à une malabsorption des sels biliaires isolée (iléon normal morphologiquement). Les sels biliaires malabsorbés induisent une diarrhée en perturbant l'absorption hydro-électrolytique colique. Un chélateur des sels biliaires (Questran®) est

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prescrit dans ce type de diarrhée (tableau 7).

7.4 Diarrhées des troubles fonctionnels intestinaux Une diarrhée hydro-électrolytique peut correspondre à un TFI. Dans ce cas, la diarrhée est toujours modérée, évoluant volontiers depuis plusieurs années sans retentissement général ni biologique ; elle peut être isolée, avec ou sans caractères moteurs, ou associée à des douleurs abdominales avec alternance fréquente à une constipation (tableau 7).

7.5 Fausses diarrhées Une fausse diarrhée peut masquer une constipation. Les selles diarrhéiques sont souvent précédées par l'élimination d'un bouchon dur et des scyballes (petites selles dures) sont mêlées aux selles liquides. Le traitement d'épreuve de la constipation améliore alors la diarrhée.

Tableau 7 – Autres types de diarrhées Causes Diagnostic Diarrhées volumogéniques (gastrinome) Tubage gastrique, gastrinémie en période

basale et après injection de sécrétine

Entéropathies exsudatives (lymphangiectasies)

Clairance alpha-1-antitrypsine, tomodensitométrie, lymphographie

Malabsorption des sels biliaires Anamnèse

Diarrhées idiopathiques (intestin irritable)

Clinique ou diagnostic élimination

8 DIARRHÉES DU SIDA Des symptômes digestifs sont retrouvés au cours du SIDA avec une fréquence de 50 à 90

p.100. La diarrhée en est la principale manifestation et son caractère chronique est, pour certains auteurs, un critère suffisant pour porter le diagnostic de SIDA chez un sujet HIV+. La fréquence et la gravité des atteintes digestives sont liées au déficit immunitaire de l'hôte qui permet aux micro-organismes pathogènes souvent opportunistes d'exprimer leur virulence, l'atteinte digestive cachectisante étant elle-même un facteur aggravant de l'immunodépression.

Le taux de lymphocytes T4 permet d'emblée d'orienter l'enquête :T4 entre 150 et 200/µl = Kaposi, lymphome, cryptosporidiose ; T4 < 100/µl = mycobactériose atypique, microsporidiose ; T4 < 50 = cytomégalovirus (CMV). Les explorations doivent être menées par étapes, en commençant par les examens les plus simples et les moins invasifs.

• L'examen répété de selles (coproculture, parasitologie) et du produit d'écouvillonnage rectal doivent être d'indication très large et prescrits en première intention. Ils permettent d'identifier un agent pathogène dans 55 % des cas. Les colorations spéciales permettent la détection par des laboratoires avertis de Cryptosporidium, de Microsporidium et d'Isospora belli. La recherche de C. difficile et de ses toxines doit être largement demandée en raison de la fréquence relativement élevée de la colite pseudo-membraneuse chez ces sujets.

• Lorsque ces recherches sont négatives ou si le traitement spécifique d'un agent pathogène isolé a été inefficace, on peut procéder d'emblée à une endoscopie digestive haute comportant des prélèvements multiples pour études histologiques, bactériologiques, virologiques et parasitologiques.

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• En cas de rectorragies, ténesme et faux besoins, ou lorsque l'exploration haute est négative, la recto-sigmoïdoscopie et, au mieux, l'iléo-coloscopie, permettent d'effectuer des prélèvements à la recherche de l'agent pathogène (CMV, adénovirus, mycobactéries atypiques).

9 DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE

9.1 Etape 1 Un interrogatoire et un examen clinique très minutieux et complets seront effectués. Ils supposent une bonne connaissance des éléments du diagnostic d'une diarrhée chronique décrits dans les chapitres précédents. Les signes cliniques à rechercher et leur signification clinique sont schématisés dans le tableau 8. À l'issue de cette première étape : • le plus souvent, une cause ou un mécanisme est fortement suspecté et sera confirmé

par des examens complémentaires appropriés (tableaux 2 à 7) ; • il est des cas ou aucune orientation diagnostique ne s'impose, l'étape 2 est alors

envisagée.

9.2 Etape 2 Cette phase essentielle, peut être programmée dès la première consultation. • Le bilan sanguin comporte : NFS, V TP, calcémie, glycémie, électrophorèse des protides,

cholestérol, sérologie HIV et TSH. • Un test au carmin sera réalisé en ambulatoire et en phase de diarrhée. • L'examen parasitologique des selles sera réalisé sur des selles émises au laboratoire. • L'examen coprologique sera fait en ambulatoire, sous surcharge en beurre (60 g/ 24

heures). Les selles seront recueillies sur 3 jours pour mesure du débit fécal, dosage des graisses fécales et de la clairance de l'alpha-1-antitrypsine, recherche de laxatifs (et si les selles sont très liquides ionogramme fécal). Il permettra : (a) d'exclure les « fausses diarrhées » des constipations ou une incontinence fécale (parfois qualifiée à tort de diarrhée par le malade) où le volume journalier des selles est < 200 g, et une pathomimie par prise de laxatifs ; (b) de réunir des éléments en faveur d'une malabsorption, d'une entéropathie exsudative, ou d'une diarrhée motrice.

• Les examens morphologiques dominent désormais la démarche diagnostique des diarrhées chroniques du fait de leur rentabilité diagnostique élevée et de leur simplicité. L'endoscopie haute et basse sera souvent réalisée au cours de la même séance sous neuroleptanalgésie avec biopsies étagées systématiques (duodénales et iléo-coliques même en l'absence de toute anomalie macroscopique). Le transit baryté de l'intestin grêle (ou une entéroscopie) et une échographie abdominale peuvent compléter au besoin ce bilan morphologique.

Si une cause est découverte lors de cette étape, son traitement spécifique est envisagé ; si une simple orientation étiologique découle de cette étape, d'autres examens seront demandés (tableaux 2 à 7). Il est exceptionnel, qu'aucune orientation étiologique ne soit apparue : diarrhée hydro-électrolytique idiopathique, malabsorption « illégitime ».

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Tableau 8 – Éléments d'orientation de l'examen clinique

Éléments d'orientation

Cause évoquée

Caractères des selles et de la diarrhée Selles nocturnes Caractères moteurs de la diarrhée Selles grasses Pus, sang dans les selles Diarrhée très abondante

Diarrhée organique Diarrhée motrice Malabsorption, maldigestion Diarrhée lésionnelle Vipome

Antécédents familiaux Polypes ou cancer colique

Cancer colorectal ou tumeur villeuse

Signes associés Carences nutritionnelles et/ou vitaminiques Intolérance au lait Pathologie rhumatismale Pyoderma gangrenosum, érythème noueux Flushes, insuffisance cardiaque droite Hypotension orthostatique, autres signes de neuropathie viscérale ou périphérique Hyperthyroïdie Maladie ulcéreuse, néoplasie endocrine Syndrome rectal Infections ORL et bronchiques fréquentes Facteurs de risque, infections opportunistes Douleurs pancréatiques, alcoolisme Œdèmes importants Irradiation, médicament

Malabsorption, maldigestion Déficit en lactase MICI, Whipple MICI Syndrome carcinoïde Diarrhée motrice neurologique Diarrhée motrice des hyperthyroïdies Gastrinome Tumeur rectale ou MICI Déficit en immunoglobulines SIDA Pancréatite chronique Entéropathie exsudative Diarrhée iatrogène

MICI : maladie inflammatoire cryptogénétique intestinale

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Maladie de Crohn et rectocolite hémorragique. Philippe Marteau et Phillipe Seksik

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou.

Objectifs (question N° 118 du programme officiel) Diagnostiquer une maladie de Crohn et une rectocolite hémorragique.

POINTS IMPORTANTS • La rectocolite hémorragique (RCH) et la maladie de Crohn (MC) sont

caractérisées par une inflammation chronique du tube digestif dont la cause exacte reste inconnue (MICI).

• Les MICI débutent souvent entre 15 et 30 ans. • Dans la RCH, les lésions touchent toujours le rectum et s'étendent plus ou moins

vers l’amont dans le côlon. Elles sont continues et cantonnées à la muqueuse et à la sous-muqueuse.

• Dans la MC, les lésions peuvent toucher tous les segments du tube digestif. Elles prédominent sur l'iléon, le côlon et l'anus et sont souvent discontinues et transpariétales.

• Les symptômes habituels de la RCH sont des émissions glairo-sanglantes fréquentes et des coliques abdominales. Des signes généraux sont présents dans les poussées sévères.

• Les poussées graves de RCH constituent une urgence thérapeutique vitale. • Les signes de la MC dépendent du siège des lésions. Les complications fréquentes

sont les sténoses, abcès et fistules. • Liléocoloscopie et l’analyse histologique des biopsies est un élément clé du

diagnostic des MICI. • Le traitement médical des MICI est purement suspensif et utilise des

médicaments “anti-inflammatoires sur l’intestin” et/ou immunosuppresseurs ou immunomodulateurs.

• La colo-proctectomie guérit la RCH ; cette intervention est en général suivie d’une anastomose iléo-anale avec réservoir iléal.

• La chirurgie est souvent nécessaire au cours de la MC. Les résections intestinales doivent être aussi limitées que possible car la récidive post-opératoire est très fréquente.

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1 PRÉSENTATION Les deux principales maladies inflammatoires cryptogénétiques de l'intestin (MICI) sont la rectocolite hémorragique (RCH) et la maladie de Crohn (MC). Elles ont en commun : – une inflammation intestinale chronique – une évolution prolongée, fluctuante – l'absence d'étiologie reconnue et de traitement médical curateur – l’efficacité suspensive de certains anti-inflammatoires “digestifs”, des corticoïdes, d’immunosuppresseurs et d’immunomodulateurs.

2 ÉPIDÉMIOLOGIE Le risque pour un français d’être atteint au cours de sa vie de l’une de ces deux maladies est d’environ 1/1000. Les régions de grande incidence sont l'Europe du Nord, l'Amérique du Nord, l'Australie et l'Afrique du Ssud. L'incidence de la MC a augmenté de 1960 à 1980 : actuellement les incidences de la RCH et de la MC en France sont respectivement de l'ordre de 5 à 6/100 000 habitants. Les MICI débutent souvent entre 15 et 30 ans. Dix pour cent des patients environ ont un ou plusieurs autres cas dans leur famille. Les patients atteints de RCH sont très souvent non ou anciens fumeurs, alors que ceux qui ont une MC sont souvent des fumeurs.

3 PATHOGENIE L’hypothèse pathogénique principale des MICI est une dysrégulation de la réponse immunitaire muqueuse, dirigée contre des éléments de la flore intestinale, survenant sur un terrain génétiquement déterminé. La dysrégulation du système immunitaire muqueux est caractérisée par une cascade de mécanismes. Le premier est la stimulation anormale des cellules résidentes dans la muqueuse intestinale, à l’origine de l’activation de voies de transduction (voies de NFκ B et des kinases de stress). Cette activation entraîne la production de médiateurs inflammatoires (cytokines et chimiokines) qui sont aussi entre autres impliqués dans le recrutement de nouvelles cellules inflammatoires sanguines dans la paroi intestinale via la surexpression de molécules d’adhésion. Le TNF-� est l’une de ces cytokines (augmentée dans les lésions actives de MC). Tous ces mécanismes concourent à l’infiltration de la paroi intestinale par des cellules pro-inflammatoire activées. En outre, une inhibition des mécanismes de mort naturelle (apoptose), entraîne une augmentation de la survie de ces cellules inflammatoires dans la muqueuse intestinale et participe à la chronicité de l’inflammation. Parmis les facteurs déclenchants et/ou d’entretien de cette inflammation, aucun, en dehors du tabac pour la MC, n’a été clairement identifié. Restent des hypothèses quant au rôle de facteurs environnementaux et notamment celui de la microflore digestive. La recherche d'un agent infectieux spécifique (Mycobacterium, Listeria,…) étant restée négative à ce jour, il semble que ce soit la microflore dans son ensemble qui puisse être impliquée. Des mutations du gène CARD15/NOD2 (impliqué dans la reconnaissance des parois bactériennes par le système immunitaire et la stimulation de NFκ B) sont significativement associées à certaines MC (moins de 20% cependant).

4 ANATOMIE-PATHOLOGIQUE L'anatomopathologie est un des éléments essentiels du diagnostic. L'examen histologique repose le plus souvent sur des prélèvements biopsiques qui n'intéressent que la muqueuse et la

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partie superficielle de la sous-muqueuse. L'étude de pièces opératoires permet une étude de toutes les couches de la paroi.

4.1 Rectocolite hémorragique

4.1.1 Topographie Les lésions de la RCH atteignent constamment le rectum et remontent plus ou moins sur le côlon, réalisant au maximum une pancolite lorsqu'elles atteignent le caecum. Ainsi, la topographie des lésions lors du diagnostic s'établit-elle comme suit : rectites : 40 % ; rectosigmoïdites : 30 % ; RCH atteignant l'angle droit :15 % ; pancolites : 15 %. L'iléon et l’anus ne sont pas atteints par la maladie. Dans la zone malade, les lésions sont continues, uniformes, sans jamais de muqueuse saine intercalaire. La limite supérieure des lésions est nette.

4.1.2 Macroscopie L'aspect macroscopique des lésions telles qu'on peut les voir en endoscopie est celui d'une muqueuse rouge, granitée, fragile, saignant spontanément ou au moindre contact. Des ulcérations peuvent se voir dans les formes plus sévères de la maladie. Au maximum, dans les colites graves, les ulcérations sont profondes et étendues. Les pseudopolypes constituent des cicatrices exubérantes. Au cours de la RCH, on n'observe ni sténose, ni fistule ni sclérolipomatose.

4.1.3 Microscopie Les lésions histologiques se cantonnent à la muqueuse et la partie superficielle de la sous-muqueuse. Elles sont continues et homogènes. Elles comportent habituellement des pertes de substances et dans la muqueuse intercalaire, toujours pathologique, un infiltrat lymphoplasmocytaire du chorion, des abcès cryptiques, une perte de la muco-sécrétion et une modification architecturale des glandes. Il n'y a habituellement pas de sclérose et jamais de granulome tuberculoïde. Il faut souligner que du fait de l'absence de signes histologiques spécifiques, la conclusion de l'examen anatomopathologique ne peut être, au mieux, que « aspect évocateur » ou « compatible avec » le diagnostic de RCH.

4.2 Maladie de Crohn

4.2.1 Topographie Les lésions de la MC siègent avec prédilection sur l'iléon, le côlon et l'anus. Les différentes formes topographiques se répartissent de la façon suivante : iléites pures : 25 % ; iléocolites : 50 % ; colites pures : 25 %. Dix pour cent des patients ont aussi des lésions anales spécifiques de la maladie. De fait, la MC peut atteindre n'importe quel segment du tube digestif, de la bouche à l'anus. Les lésions sont en général hétérogènes au sein d'un segment atteint avec des intervalles de muqueuse saine, et segmentaires, discontinues avec des « sauts » (par exemple : atteinte iléocolique droite et sigmoïdienne).

4.2.2 Macroscopie Les lésions de MC, telles qu'on peut les voir en endoscopie sont : – l'érythème ;

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– les ulcérations de taille variable : aphtoïdes au début, puis souvent serpigineuses ou en carte de géographie. Dans les formes sévères les ulcérations sont profondes; – les sténoses, souvent ulcérées ; – les fistules, se prolongeant dans le méso, la paroi ou un viscère voisin. Dans la MC, l'atteinte est transmurale, avec un fort épaississement pariétal. On observe une sclérolipomatose des mésos.

4.2.3 Microscopie Les ulcérations, parfois prolongées par des fissures ou fistules, reposent sur un tissu inflammatoire, puis scléreux. Entre les ulcérations, la muqueuse est souvent normale ou inflammatoire (infiltrats lympho-plasmocytaires) avec quelques abcès cryptiques. Des follicules lymphoïdes néo-formés se retrouvent dans toutes les couches de la paroi. Le granulome tuberculoïde est un amas de cellules épithélioïdes et de cellules géantes, sans nécrose, avec une couronne lymphocytaire. On en trouve dans 30 à 50 % des cas (aussi ne sont-ils pas indispensables au diagnostic). Leur présence est très évocatrice de MC, bien qu'ils puissent se voir dans d'autres affections (tuberculose intestinale qui est devenue exceptionnelle en France, yersiniose, maladie de Behçet, sarcoïdose…). La sclérose est responsable de l'épaississement de la paroi et des sténoses. Elle siège dans la sous-muqueuse et dans la séreuse. Tableau 1 – Comparaison entre RCH et MC

RCH MC Topographie Atteinte rectale Atteinte anale Distribution des lésions Sténoses Fissures et fistule Granulomes tuberculoïdes

Rectum et côlon constante non continue homogène superficielle non non non

iléon, côlon, anus inconstante oui discontinue hétérogène transpariétale oui oui oui

5 RECTOCOLITE HÉMORRAGIQUE

5.1 Forme habituelle : rectosigmoïdite de faible à moyenne gravité Les signes fonctionnels comportent des émissions glairo-sanglantes urgentes et afécales, associées à des faux besoins et parfois à une constipation, ainsi que des coliques abdominales précédant ces émissions anormales. L'état général est conservé et l'examen physique normal, en dehors du toucher rectal qui perçoit une muqueuse granitée et ramène du sang. Des manifestations extra-digestives de la maladie sont possibles (cf. infra). Il n'y a pas de retentissement biologique dans cette forme, et notamment ni anémie, ni hypokaliémie, ni hypo-albuminémie. Le diagnostic repose sur : – l'iléo-coloscopie qui montre des lésions recto-sigmoïdiennes homogènes à limite

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supérieure nette, le reste du côlon et/ou l'iléon terminal étant normaux. La muqueuse est rouge, granitée, fragile, saignant spontanément ou au contact, éventuellement ulcérée. Les biopsies doivent être faites sur tout le cadre colique, en muqueuse saine et pathologique. Celles prélevées en zone pathologique montrent une muqueuse uniformément inflammatoire avec un infiltrat lymphoplasmocytaire du chorion sans granulome tuberculoïde. – l'élimination des colites infectieuses ou parasitaires fait discuter la coproculture et l'examen parasitologique des selles, nécessaires au moins lors de la première poussée de la maladie ; les biopsies peuvent aider à ce diagnostic différentiel.

5.2 Poussée sévère (dite “colite grave”) Elle réalise un tableau associant: émissions glairo-sanglantes très fréquentes, violentes coliques abdominales, fièvre, amaigrissement, pâleur, tachycardie et souvent, manifestations extra digestives. À l'examen, l'abdomen est diffusément douloureux et parfois, au toucher rectal, on peut percevoir une muqueuse labourée d'ulcérations. La biologie peut montrer à des degrés variables une anémie, une hyperleucocytose à polynucléaires et une hyperplaquettose, une VS augmentée, une hypo-albuminémie, parfois une hypokaliémie. Il s’agit d’une urgence mettant la vie du patient en jeu. Le maade doit être hospitalisé et surveillé par une équipe médico-chirurgicale entraînée. Il faut faire une radiographie de l'abdomen sans préparation pour exclure une colectasie et pour certains, une coloscopie en urgence qui confirmera habituellement la présence d'ulcérations profondes étendues. La TDM est indiquée devant toute suspicion de complication abdominale. Un traitement médical intensif et, en cas d'échec après quelques jours, une colectomie urgente, s'imposent.

5.3 Manifestations extradigestives Elles sont communes à la RCH et à la MC. Parmi les manifestations articulaires, le rhumatisme périphérique e est le plus fréquent. Il comporte des arthralgies d'horaire inflammatoire, parfois des arthrites surtout les grosses articulations. Un rhumatisme aaxial (pelvispondylite rhumatismale ou sacro-iliite isolée) est plus rare. Parmi les manifestations cutanéo-muqueuses, l'érythème noueux et les aphtes buccaux sont le plus fréquents ; on peut aussi voir un pyoderma gangrenosum. Les manifestations oculaires comportent épisclérite, iritis et uvéite. Les manifestations rhumatologiques, oculaires et cutanées évoluent en général parallèlement aux poussées intestinales.

5.4 Evolution et complications La RCH évolue souvent par poussées entrecoupées de rémissions (de durées variables). Plus rarement elle évolue sur un mode chronique continu. La colectasie encore appelée mégacôlon toxique, se voit au cours des poussées graves de la maladie et se définit comme une dilatation gazeuse du côlon (habituellement transverse) dont le diamètre dépasse 6 cm. Cet état pré-perforatif est une urgence thérapeutique. La perforation se manifeste par un tableau de péritonite avec pneumopéritoine, parfois abâtardi par la prescription de corticoïdes. C'est une urgence chirurgicale. L'hémorragie profuse, constitue également une urgence chirurgicale. Le risque d'adénocarcinome rectocolique est augmenté en cas de colite étendue, évoluant depuis plus de 8 ans. Le risque relatif est diversement chiffré, probablement de l'ordre de 10; il augmente avec le temps. Ce cancer est de mauvais pronostic s’il est reconnu avec retard. Il est souvent précédé d'une dysplasie dont le dépistage par coloscopie et biopsies est la base

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actuelle de la surveillance des RCH étendues et anciennes (>8ans).

5.5 Principe du traitement

5.5.1 Traitement médical Les médicaments réduisent l'inflammation aussi longtemps qu'ils sont pris ; dès leur arrêt, la maladie reprend son cours. Ces médicaments sont : – les dérivés aminosalicylés (Pentasa®, Rowasa®, Fivasa®, Dipentum® ou Salazopyrine® qui comporte aussi un sulfamide et dont le risque d’intolérance est plus grand) sont indiqués dans les poussées peu sévères. On les utilise en fonction de l’extenson des lésions sous forme de suppositoires, lavements ou formes orales. Ils sont aussi efficaces pour diminuer le risque de rechute et peut être le risque de dégénérescence. – les corticoïdes, anti-inflammatoires plus puissants, mais dont les effets secondaires peuvent être préoccupants en cas de prescription prolongée. Ils sont le traitement de choix des poussées modérées à sévères. Un régime sans fibre est utile en cours des poussées.

5.5.2 Traitement chirurgical La chirurgie est indiquée : (a) dans les poussées graves après l'échec d'un traitement médical intensif et bref ; (b) dans les perforations ou hémorragies profuses ; (c) en cas de cancer ou de dysplasie sévère ; (d) dans les formes chroniques continues invalidantes résistantes au traitement médical. Trois interventions sont possibles : la proctocolectomie totale, avec confection d'un réservoir iléal anastomosé à l'anus (anastomose iléo-anale); elle ) permet à la fois la guérison définitive de la maladie et la conservation de l'anus naturel ; cette intervention est la plus fréquente. la colectomie totale avec anastomose iléorectale laisse en place le rectum, susceptible de donner de nouvelles poussées et de dégénérer. la proctocolectomie avec iléostomie définitive est rarement utilisée.

6 MALADIE DE CROHN

6.1 Principaux signes cliniques En raison de la diversité de ses localisations, la MC est une affection polymorphe pouvant se manifester par les signes suivants, diversement associés : – une diarrhée habituellement fécale, parfois grasse, parfois sanglante, de fréquence variable, – des douleurs abdominales de siège variable, tantôt à type de colique, tantôt à type de syndrome de Kœnig (douleur et ballonnement post-prandial disparaissant après un bruit de gargouillis), – des douleurs ano-périnéales et parfois un écoulement purulent (fistule), – une anorexie ou une peur de l'alimentation en raison des douleurs et/ou de la diarrhée qu'elle déclenche, – un amaigrissement, – une fièvre, – des manifestations extra-digestives (cf. supra). À l'examen, on peut palper une masse douloureuse, habituellement dans la fosse iliaque

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droite, due à l'épaississement pariétal de la dernière anse iléale. À l'examen proctologique, on peut noter pseudo-marisques ulcérées, fissure, orifices fistuleux, abcès ano-périnéal.

6.2 Principaux tableaux cliniques et évolutifs Ils dépendent de la topographie et de l'étendue des lésions. Les formes iléales donnent une diarrhée modérée non sanglante, post-prandiale, souvent associée à des douleurs de la fosse iliaque droite, parfois de type Kœnig ; on peut palper un “boudin” dans la fosse iliaque droite. Les iléites peuvent aussi se révéler par un tableau aigu, fébrile, pseudo-appendiculaire. Les formes coliques donnent une diarrhée faite de selles plus fréquentes et volontiers sanglantes, avec des coliques. Elles s'accompagnent assez souvent d'une fièvre et de manifestations ano-périnéales et extra-digestives. Les formes iléo-coliques donnent un tableau mixte.

6.3 Examens complémentaires Les examens biologiques peuvent montrer un syndrome inflammatoire (élévation de la VS, de la CRP, polynucléose neutrophile, anémie, thrombocytose), une hypo-albuminémie, signes non spécifiques mais qui, en présence d'une diarrhée ou de douleurs abdominales peu sévères, doivent faire suspecter une affection digestive organique. Les examens morphologiques donnent des résultats dépendants de la topographie. Dans les formes iléales et iléo-coliques le transit baryté du grêle et/ou la tomodensitométrie avec opacification du grêle ou du côlon montrent l'atteinte pariétale du grêle ou du côlon. L'iléocoloscopie est l'examen le plus performant, permettant de voir et de biopsier les lésions décrites plus haut, non seulement dans le côlon mais habituellement aussi dans l'iléon terminal. Les biopsies doivent être multiples sur les zones endoscopiquement malades, mais aussi sur les zones saines, dans lesquelles il est possible de trouver des granulomes tuberculoïdes. Une endoscopie haute peut aussi montrer des lésions gastro-duodénales : là encore, il est nécessaire de faire des biopsies en zones normale et anormale.

6.4 Evolution et complications Sur le plan évolutif, poussées et rémissions alternent à un rythme variable d'un sujet à l'autre, et sont émaillées de complications. Il existe aussi des formes chroniques continues. Les complications font toute la gravité de la maladie et peuvent résulter soit de l'épaississement pariétal par l'inflammation et la sclérose (sténose, compression d'organes de voisinage), soit du caractère pénétrant des ulcérations (fistules, abcès, perforation). Ces complications sont habituellement des indications chirurgicales. La MC à localisation colique augmente également le risque de cancer colique.

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Tableau 2 – Principales complications de la maladie de Crohn Sténose(s) digestive(s) Compression d'organes de voisinage Fistules (ano-périnéales, recto-vaginales, entéro-entérales, entéro-cutanées, entéro-vésicales…) Abcès ano-périnéaux ou intra-abdominaux Perforations Hémorragies Destruction du sphincter anal aboutissant à une incontinence fécale Dénutrition et, chez l'enfant, retard staturo-pondéral Grêle court après résections répétées Cancer colique

6.5 Principes du traitement La conduite du traitement de la maladie de Crohn est différente de celle de la RCH en raison du fort risque de récidive postopératoire plus (50-70 % à 10 ans), susceptible de mener à des résections itératives. Le tabac aggrave la MC et augmente le risque de chirurgie et de résistance aux immunosuppresseurs ; l'arrêt du tabac doit donc être un ojectif majeur. Les malades chez lesquels on l’obtient le risque de rechute et de recours à la chirurgie est divisé par deux. Les corticoïdes sont très efficace pour obtenir la rémission mais exposent aux effets secondaires de ces médicaments. Il existe un risque élevé de corticodépendance. Les formes « topiques » ou biodégradable lors du premier passage hépatique sont mieux tolérés mais moins efficaces. Les salicylés sont bien tolérés mais peu efficaces Des antibiotiques tels que le métronidazole ou la ciprofloxacine sont utiles dans le traitement des lésions ano-périnéales. Les immunosuppresseurs doivent être employés dans les formes chroniques actives cortico-dépendantes. L'azathioprine (Imurel®) à la dose de 2 à 2,5 mg/kg/j et la 6-mercaptopurine (Purinéthol®) à la dose de 1,5 mg/kg/j sont efficaces chez 60 à 70 % des malades atteints d’une forme corticodépendante ou corticorésistante de MC. Les anticorps monoclonaux contre le TNFα sont indiqués dans les formes résistantes et les fistules ano-périnéales. Ils ont une efficacité rapide et fréquente mais exposent à un risque infectieux (notamment de réveil de tuberculose qu’il convient d’écarter avant tout traitement). La nutrition artificielle entérale ou parentérale utilisée en cas de résistance aux traitements médicaux suscités ou de dénutrition sévère (ce qui est devenu rare chez l’adulte). Elle a un effet anti-inflammatoires en diminuant la stimulation antigénique locale d’origine bactérienne et la libération de cytokines, mais également en favorisant la réparation tissulaire par l’amélioration nutritionnelle. La voie entérale doit être privilégiée. La chirurgie est indiquée en cas de complication ou de résistance au traitement médical. Elle consiste le plus souvent en une résection-anastomose, aussi limitée que possible. Elle peut souvent être réalisée par cœlioscopie.

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Tumeurs du côlon et du rectum

M MOZER et S CHAUSSADE

Service d’Hépato gastroentérologie, Hôpital Cochin

Objectifs (question N° 148 du programme officiel) • Diagnostiquer une tumeur du côlon et une tumeur du rectum. • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient. • Ce chapitre reprend également une partie de la question N° 138 Facteurs de risque,

prévention et dépistage des cancers.

Points importants

1-Connaître les principes de la cancérogenèse colique depuis la muqueuse normale jusqu’au cancer colo rectal ? 2-Connaître la définition d’une population à risque moyen, à risque élevé ou à risque très élevé de développer un cancer colo rectal ? 3-Connaître le risque cumulé de cancer du côlon durant la vie chez un patient à risque moyen; à risque élevé, à risque très élevé de cancer du côlon? 4-Quels sont les principes du dépistage du cancer du côlon ? 5-Quelles sont les conditions du succès d’une campagne de dépistage de masse du cancer du côlon dans la population à risque moyen ? 6-Définir les techniques de dépistage du cancer du côlon chez des patients asymptomatiques à risque moyen de cancer du côlon ? 7-Connaître les résultats du test Hemocult II® dans le dépistage du cancer du côlon ? 8-Définir les modalités de dépistage du cancer du côlon chez des patients asymptomatiques à risque élevé et très élevé de cancer du côlon 9-Donnez les bénéfices, les risques et complications d’une coloscopie ? Donnez les modalités d’information des patients devant avoir une coloscopie ? 10-Expliquer les conditions de réalisation d’une coloscopie à un patient ? 11-Connaître les signes cliniques évocateurs d’un cancer du côlon ? 12-Connaître les examens nécessaires au bilan pré opératoire d’un cancer du côlon ? Justifier vos réponses sur l’intérêt de ces examens ? 13-Connaître les principes de la chirurgie du cancer du côlon non métastatique ? 12-Connaître les facteurs pronostics d’un cancer du côlon ? 13-Connaître la classification TNM du cancer du côlon ? 14- Quels sont les indications de la chimiothérapie adjuvante dans le cancer du côlon ? Donnez les bénéfices et les risques de cette chimiothérapie ?

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15-Décrire les grands principes de la chimiothérapie palliative des cancers coliques métastatiques. 16-Décrivez les grands principes de la prise en charge des métastases hépatiques des cancers coliques. 17-Connaître le mode de surveillance d’un cancer du colon stade III chez un patient de 60 ans ? 18-Quels sont les recommandations issues de l’épidémiologie du cancer du côlon permettrant de proposer une prévention primaire (à l’ensemble de la population), une prévention secondaire chez des patients ayant un ATCD personnel ou familiaux de cancer colique ? 19-Connaître les paramètres devant faire suspecter et rechercher un syndrome HNPCC chez un patient présentant un cancer du côlon ?

1 EPIDEMIOLOGIE Environ 36500 nouveaux cas de cancers rectocoliques surviennent chaque année en France (incidence). Ce cancer est responsable de 15 000 décès par an. Les cancers colorectaux représentent en France 15 % de l’ensemble des cancers, c’est le cancer le plus fréquent tout sexe confondu. La France se situe parmi les régions à risque élevé de cancer colorectal, tout comme les autres pays de l’Europe occidentale, l’Amérique du Nord et l’Australie. Il y a en France 200 000 personnes en vie qui ont été atteintes d'un cancer colorectal (prévalence). On peut estimer à 50 000 le nombre de personnes ayant eu un cancer dans les cinq dernières années et à 30 000 celles qui sont traitées du fait d'une reprise évolutive de leur cancer.

2 TOPOGRAPHIE

La classification internationale des maladies permet une étude détaillée de la répartition du cancer du côlon par localisation. Le sex ratio des cancers du caecum, du côlon ascendant et du transverse est voisin de 1 dans tous les groupes d’âge. Les cancers du côlon descendant et du sigmoïde se caractérisent par une prédominance masculine, cette différence n’apparaît qu’au delà de l’âge de 65 ans. L’évolution au cours du temps n’est pas la même : l’augmentation d’incidence est plus marquée pour les cancers du côlon droit que pour les cancers du côlon gauche. L'étude des altérations génétiques dans les cancers vient compléter les données de l'épidémiologie descriptive.

• côlon gauche : les cancers correspondent dans 80% des cas au groupe des tumeurs LOH+ (loss of heterozygosity). Ils se caractérisent par des pertes alléliques notamment sur le bras court du chromosome 17 et le bras long du chromosome 18, associées à une hyperploïdie.

• côlon droit : le mécanisme LOH est plus rare (40% des cas), par contre, 1/3 des cancers du côlon droit présentent un taux élevé d'erreurs de réplication des loci microsatellites, c'est le groupe des cancers MSI+ ou RER +. Ce type d'altérations est pratiquement absent dans le côlon gauche. Ces données suggèrent que l’étiologie du cancer du côlon droit pourrait être différente de celle du cancer du côlon gauche et les enquêtes à visée étiologique doivent permettre d'analyser séparément les résultats pour ces deux localisations.

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3 TERRAIN : SUJETS A RISQUE DE CANCER COLORECTAL

On définit en fonction du risque plusieurs groupes de population dont le risque de cancer du côlon durant la vie (risque cumulé) est différent.

3.1 Sujets à risque moyen (80% des cas de cancer colo rectal) Le cancer du côlon (toute localisation confondue) est caractérisé par une légère prédominance masculine, avec un sex ratio voisin de 1,5. C’est un cancer rare avant 50 ans. Ensuite, l’incidence augmente rapidement avec l’âge. La proportion des cas diagnostiqués double chaque décennie entre 40 et 70 ans chez les hommes et chez les femmes L’âge moyen au diagnostic est de 69,5 ans pour les hommes et de 72,8 ans pour les femmes. L’incidence est identique pour les deux sexes jusqu’à 65 ans, puis le cancer devient prédominant chez les hommes. Sujets à risque moyen= individus de plus de 50 ans des 2 sexes. Risque cumulé de CCR dans le groupe à risque moyen=3%

3.2 Sujets à risque élevé 15% des cas de cancer colo rectal Le risque de cancer colorectal est multiplié par 2 à 3 chez les sujets ayant :

• un antécédent personnel de cancer colorectal • un antécédent personnel d'adénomes > 1cm • un apparenté au 1er degré atteint d'un cancer colorectal< à 60 ans • un apparenté au 1er degré atteint d'un adénome > 1cm. (sans doute) • une rectocolite ulcéro-hémorragique ou une maladie de Crohn étendue au moment du

diagnostic (pancolite) et après 15 à 20 ans d’évolution.

3.3 Sujets à risque très élevé < 5% des cas de cancer colo rectal Le risque est très élevé dans les formes héréditaires :

• polypose adénomateuse familiale (PAF). Mutation du gène APC. • syndrome de cancer colique sans polypose (HNPCC).Mutation des gènes de réparation

de l’ADN. Le risque cumulé de cancer colo rectal est proche de 100% dans la PAF et autour de 50-70% au cours du syndrome HNPCC.

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HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer) Le syndrome HNPCC est une maladie génétique autosomique dominante caractérisée par des mutations des gènes de réparation de l’ADN. Les critères suivants (dits d'Amsterdam II) permettent de porter le diagnostic de syndrome HNPCC et de faire directement la recherche de mutation des gènes de réparation de l’ADN: – au moins trois parents atteints d’un cancer faisant partie du spectre de la maladie : côlon-rectum, estomac, endomètre, ovaire, intestin grêle, uretère ou cavités excrétrices, dont un est parent au premier degré des deux autres ; – au moins deux générations successives touchées ; – un cancer découvert avant l’âge de 50 ans ; Si les critères d'Amsterdam II sont incomplets, la recherche de mutation sera faite en cas de phénotype MSI+ (microsatellite instability) ou RER+ (Replication error) dans l'adénome ou le cancer du sujet atteint. En cas de découverte d’une mutation chez un sujet index, une enquête familiale génétique doit être proposée. PAF (Polypose Adénomateuse Familiale) La PAF est une maladie héréditaire, autosomique dominante, à forte pénétrance (la présence de la mutation entraîne constamment l’apparition du phénotype). Le gène APC, dont la mutation est responsable de la maladie, siège sur le bras long du chromosome 5. Le risque de transmission est de 50% pour chaque enfant. - En l'absence de colectomie préventive, la cancérisation est inéluctable en général avant 40 ans et la PAF est responsable de 1% des cancers colorectaux. - D’autres tumeurs, digestives et extra-digestives, sont fréquemment associées, notamment au niveau du duodénum. - Une colectomie totale ou une coloproctectomie préventive sont indispensables. La recherche de la mutation délétère et une enquête familiale sont nécessaires dès qu’un cas de PAF a été reconnu. La prévention et le dépistage de ces populations sont très différents - PAF : Rectosigmoidoscopie à la puberté jusqu’à l’age de 40 ans. Colectomie prophylactique dés l’apparition de la polypose. - HNPCC : coloscopie tous les 2 ans dés 25 ans ou 5 ans avant l’age du cas index

4 LESIONS PRE NEOPLASIQUES Ces données concernant la filiation adénome adénocarcinome sont essentielles à connaître pour comprendre les stratégies de dépistage du cancer du côlon et la surveillance des patients présentant des polypes. Il existe plusieurs variétés de polypes rectocoliques bénins : l’adénome, le polype hyperplasique, le polype inflammatoire, l’hamartome. Les polypes inflammatoires s’observent au cours des maladies inflammatoires du côlon. Les polypes hyperplasiques ne nécessitent pas de surveillance particulière. Les polypes adénomateux (ou polyadénome ou adénome) résultent de la prolifération des cellules des glandes de Lieberkühn. Ils peuvent être pédiculés ou sessiles. On en distingue trois types histologiques:

• l’adénome tubuleux (75 %)

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• l’adénome tubulo-villeux (20 %) • l’adénome villeux (5 %).

L’adénome est le seul à pouvoir se transformer en cancer.

4.1 Filiation adénome-adénocarcinome La cancérogenèse colique est un processus multiétape. Pour passer de la muqueuse normale à l’adénocarcinome, différentes altération génétiques surviennent au cours du temps. Classiquement les étapes sont : muqueuse normale, adénome, adénome en dysplasie de haut grade, adénocarcinome. La filiation adénome-adénocarcinome ne fait pas de doute.

• On a pu dans quelques cas de malades refusant l'exérèse de leur adénome, assister à leur augmentation de taille et leur transformation maligne. Dans les polyposes adénomateuses familiales opérées à l'occasion de la découverte d'un cancer invasif, on observe tous les stades de la séquence adénome-adénocarcinome.

• L'étude des reliquats adénomateux dans les cancers invasifs représente un moyen indirect d'estimer la proportion des cancers développés sur un adénome. Près de 80% des cancers « polypoides » limités à la sous muqueuse contiennent des reliquats adénomateux.

• A noter l’existence de cancers "non polypoïdes" qui contiennent beaucoup moins souvent de reliquat adénomateux. Une alternative possible à l'existence de ces carcinomes invasifs sans adénome polypoïde macroscopiquement détectable, est la notion d'adénomes "plans", adénomes très petits et très dysplasiques rapidement remplacés par une tumeur invasive.

La prévalence des adénomes est plus élevée chez l'homme que chez la femme. En revanche, on ne retrouve plus cette prédominance masculine pour les adénomes avec dysplasie de haut grade quelle que soit leur taille. Ceci peut signifier que, chez un sujet atteint d'un adénome, l'évolution vers la dysplasie de haut grade est plus fréquente chez la femme que chez l'homme.

4.2 Proportion des adénomes se transformant en adénocarcinome Les adénomes sont très fréquents et augmentent avec l’âge. En France, la prévalence des adénomes varie entre 7% dans la tranche d'âge 45-49 ans et 20% dans la tranche d'âge 65-69 ans. Dans les pays occidentaux, après 65 ans au moins, 1/3 des hommes et 1/4 des femmes ont des adénomes. Cependant, le taux cumulé de cancer colorectal au cours de la vie est seulement de 3 à 4%, ce qui laisse supposer que seule une petite proportion des adénomes se transformera un jour en cancer.

4.3 Facteurs influençant le risque de transformation Les facteurs qui influencent le risque de transformation maligne sont :

• la taille de l'adénome (>1 cm), • leur multiplicité (>3), • le degré de dysplasie ‘(haut grade ou bas grade) • la présence d'un composant villeux

Ces quatre facteurs étant étroitement liés entre eux. On peut estimer que ¼ des adénomes ayant atteints 1 cm de diamètre se transformeront en cancer du vivant des gens.

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Le risque de transformation varie en fonction de la taille : • Exceptionnelle pour les adénomes de moins de 5 mm. • 0,3% pour les adénomes de moins de 10 mm, • 9% lorsqu'il mesurent 10 à 20 mm de diamètre, • 28% lorsqu'il mesurent plus de 20 mm de diamètre.

Dans une série américaine où des polypes de plus de 1 cm de diamètre avaient été laissés en place dans l'intestin, le taux cumulé de cancer était de 25% à 20 ans. La présence de foyers carcinomateux est

• exceptionnelle dans les adénomes purement tubuleux (1,3%). • Est retrouvée dans respectivement 11,6% et 14,4% des cas d'adénomes tubulo-villeux ou

villeux purs.

4.4 Durée de la séquence adénome-adénocarcinome Très peu de données permettent d'estimer la durée de la filiation adénome-adénocarcinome. On peut estimer à 9 ans l'intervalle du temps moyen entre le diagnostic d'un adénome macroscopiquement visible et l’adénocarcinome. Le suivi des patients atteints de PAF (ce qui est une situation particulière) fait apparaître une durée moyenne de 12 ans entre le diagnostic de la maladie et l'apparition du cancer avec des extrêmes allant de 5 à 20 ans. L’âge moyen des sujets atteints d'adénome avec dysplasie légère était de 61,5 ans, avec dysplasie moyenne 64,2 ans, avec dysplasie sévère 66,8 ans, avec transformation maligne 68,3 ans. L'âge moyen des cancers invasifs était de 70,8 ans. La transformation d’un adénome en adénocarcinome est un phénomène multiétape prenant plusieurs années.

4.5 Circonstances de découverte des polypes Les polypes sont habituellement asymptomatiques et peuvent être découverts à l’occasion d'une coloscopie effectuée pour les indications habituelles dont la recherche de sang positive dans les selles (qs). L’examen le plus sensible et le plus spécifique est la coloscopie totale. Cet examen permet de voir les polypes et d’en faire l’exérèse. Les inconvénients de la coloscopie totale sont le risque de perforation (<1/1000) et la nécessité de faire une anesthésie générale dans la plupart des cas. Ceci nécessite une information préalable du patient ( voir feuille d’information au patient en annexe).

4.6 Surveillance après exérèse d’un polype. Seuls les adénomes justifient une surveillance coloscopique. La coloscopie de contrôle doit être faite au bout de 3 ans si

• taille >1 cm • présence d’un contingent villeux • présence de plus de 3 adénomes

Après un examen négatif à 3 ans, les intervalles ultérieurs de surveillance sont de 5 ans. En cas d’adénome sessile, d’adénome de plus de 2 cm ou d’adénomes multiples, une ou plusieurs coloscopies peuvent être nécessaires pour s’assurer que tout tissu adénomateux a été retiré. En cas de transformation cancéreuse limitée, une exérèse endoscopique est suffisante si l’exérèse est complète et certaine, si les marges de sécurité sont supérieures à 1 mm, si le cancer est bien ou moyennement différencié, si il n’y a pas d’embole lymphatique dans la sous-muqueuse. La surveillance des polypes adénomateux doit être interrompue quand il paraît improbable qu’elle prolonge l’espérance de vie ; en pratique, sauf cas particulier, après 75

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ans. Les polypes inflammatoires n’indiquent pas une surveillance coloscopique particulière au cours des maladies inflammatoires du côlon. Il n’y a pas lieu d’effectuer une surveillance coloscopique en cas de polypes hyperplasiques.

5 DEPISTAGE DU CANCER COLO RECTAL La connaissance insuffisante des causes du cancer colorectal ne permet pas actuellement de définir une politique de prévention primaire (touchant l’ensemble de la population).

5.1 Dépistage du cancer colorectal dans la population à risque moyen Le dépistage de masse du CCR dans la population à risque moyen concerne les patients asymptomatiques.

5.1.1 Pourquoi le dépistage de masse du cancer colorectal est-il possible ? Le cancer du côlon se prête parfaitement à son dépistage du fait de :

• Fréquence élevée: 37 000 nouveaux cas par an, • Gravité du cancer colorectal: malgré des progrès importants dans sa prise en charge

(diminution de la mortalité opératoire, augmentation du taux de résécabilité et du stade de diagnostic), on ne guérit actuellement qu’un cancer sur deux,

• Guérison possible si le diagnostic est précoce : l’espérance de vie d’un cancer limité à la paroi est proche de celle d’une population de même structure d’âge et il peut être prévenu par la détection et l’exérèse des adénomes,

• Existence d’une stratégie de dépistage validée permettant de diminuer de manière significative la mortalité par cancer colorectal.

Actuellement, seule une stratégie de dépistage concernant les sujets des 2 sexes de plus de 50 ans peut faire évoluer à court terme le problème posé par le cancer colorectal. Une stratégie de dépistage limitée aux sujets à risque élevé aurait un effet modeste. Dans près de 80 % des cas, le cancer colorectal apparaît chez les sujets n’appartenant pas à un groupe à risque élevé connu.

5.1.2 Recherche d’un saignement occulte dans les selles La recherche annuelle ou biennale d’un saignement occulte dans les selles permet

• de diminuer la mortalité par cancer colorectal par une détection plus précoce des cancers

• de diminuer l’incidence par la détection des adénomes. Ce dépistage inclue des sujets âgés de 50 ans à 74 ans. Le test Hemoccult est actuellement le seul validé parmi les tests de recherche d’un saignement occulte dans les selles, Le test Hemoccult II® est proposé tous les 2 ans. La positivité du test s’observe dans 2 à 3% des cas. La sensibilité du test Hemoccult® dans le diagnostic du cancer colo rectal se situe entre 50 et 60 % +++. Sensibilité du test pour les adénomes: 19 et 23 % pour les adénomes de 1 à 2 centimètres, de 33 à 75 % pour les adénomes de plus de 2 centimètres. Il existe d’autres tests basés sur le même principe, mais les données de la littérature sont rares ou insuffisamment précises. La recherche d'un saignement occulte dans les selles est la méthode qui répond le mieux aux

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critères d’un test de dépistage de masse. Il doit être simple, bien accepté, sans danger et peu coûteux. Le test le plus largement utilisé sur de grand échantillons de population est le test Hemoccult-II®. Il est constitué d’un papier réactif imprégné de guaïac situé dans une petite plaquette en carton. Au moyen d’une spatule fournie avec la plaquette, le sujet prélève et applique lui même sur le disque de papier un petit fragment de selle fraîchement émise (de la taille d’une lentille). On propose de faire 2 prélèvements en deux points différents de la selle sur 3 selles consécutives. Les plaquettes sont ensuite envoyées au centre de lecture. La lecture se fait au dos de la plaquette. L’ouverture d’une languette fait apparaître le papier réactif. La révélation se fait par adjonction de quelques gouttes d’une solution alcoolique d’eau oxygénée. Une réaction positive se traduit par une coloration bleue apparaissant en moins de 60 secondes. La coloration bleue qui indique la positivité du test est discrète et il y a une certaine subjectivité dans son interprétation

5.1.3 Conditions d’efficacité du dépistage • Participation élevée de la population au dépistage • Acceptabilité du test de dépistage.Le taux de participation à chaque campagne doit

être d’au moins 50 % pour observer une diminution significative de mortalité par cancer colorectal en proposant un test biennal.

• Formation des médecins généralistes et des médecins du travail . Le test doit être remis par les médecins puis envoyé par la poste aux personnes qui ne consultent pas

• Lecture du test centralisée • Organisation et évaluation du test de dépistage. Un test de dépistage de masse ne se

conçoit que dans le cadre d’une politique de santé publique sa prescription n’est pas une initiative du médecin.

• Existence d’un système d’assurance qualité du dépistage mais également de la prise en charge diagnostique et thérapeutique des cancers dépistés

• Mise à disposition des moyens nécessaires. La participation est l’élément clé dont va dépendre l’efficacité du programme de dépistage. Avec un test qui, dans l’absolu (taux de participation de 100 %), permet de diminuer de 40 % la mortalité liée à un cancer, on n’observe une diminution de mortalité que de 4 % si la participation est de 10 %. Dans une telle situation quelques individus bénéficient du programme, mais les cliniciens et les autorités sanitaires ne voient pas évoluer de manière significative le problème que pose la maladie dépistée. A une époque où il faut rationaliser au mieux les dépenses de santé, un programme avec un taux de participation bas n’est pas acceptable par la société. Pour qu’une politique de dépistage de masse soit efficace, elle doit être soigneusement organisée pour reproduire les conditions des études expérimentales. On ne peut concevoir et réaliser un programme de dépistage que s’il est organisé avec beaucoup de rigueur et s’il fait l’objet d’une évaluation permanente Critères de qualité d'un programme de dépistage utilisant le test Hemoccult Il ne faut pas oublier que parmi la population incluse dans un programme de dépistage, seule une petite partie des sujets en tirera bénéfice. Parmi 10 000 personnes en bonne santé de plus de 50 ans, il n’ y a que 50 cancers colorectaux asymptomatiques. Certaines personnes ayant un test positif subissent des nuisances du fait des examens complémentaires alors qu'ils n'ont ni cancer, ni adénome. La coloscopie peut être à l'origine de complications graves : hémorragie, perforation. Plus encore que pour la médecine à visée curative, il faut s'assurer

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que le programme est bénéfique pour la population. Tout programme organisé de dépistage doit comprendre un programme d’assurance qualité. On doit absolument savoir si le taux de participation est suffisant, contrôler le taux de positivité du test de dépistage, évaluer la qualité des soins jusqu’au traitement, connaître les effets délétères du dépistage. Les principaux critères de qualité d’un programme de dépistage par le test Hemoccult sont donnés dans le tableau 1.

5.2 Dépistage du cancer colorectal dans la population à risque élevé et très élevé:

5.2.1 Risque élevé : • Antécédents familiaux : coloscopie totale à l’âge de 45-50 ans ou 5 ans avant l’âge du

sujet index, répétée tous les 5 ans si elle est normale. • Pancolite inflammatoire, coloscopie avec biopsies étagées tous les 2 ans après 15 ans

d'évolution.

5.2.2 Risque très élevé : • Porteurs d’une mutation en cas de syndrome HNPCC: coloscopie totale entre 20 et 25

ans ou 5 ans avant l’âge du cancer le plus précoce de la famille, puis coloscopie tous les 2 ans (et pour les femmes examen gynécologique annuel après 30 ans, avec échographie endo-vaginale et frottis aspiratif) jusqu'à 75 ans.

• Porteurs de la mutation APC dans les PAF : sigmoïdoscopie ou coloscopie annuelle à partir de 11-12 ans.

• Les sujets non porteurs de la mutation identifiée dans la famille sont à risque moyen et ne doivent pas être surveillés par endoscopie.

6 ADENOCARCINOMES COLIQUES

6.1 Introduction La localisation est rectosigmoidienne dans 60% des cas, dans le côlon descendant dans 14 % des cas et caecale dans 10% des cas. La forme anatomique habituelle est un adénocarcinome lieberkühnien (95% des cas) développé aux dépens de l’épithélium glandulaire (glandes de Lieberkühn). Les formes indifférenciées et les cancers colloïdes muqueux ne représentent que 5 % des cas. La forme macroscopique la plus fréquente du cancer colique est une tumeur ulcéro-végétante. Elle peut être polypoïde, sessile ou limitée à une partie d’un polype adénomateux. Les formes infiltrantes sont rares. L’extension du cancer se fait en profondeur atteignant successivement la sous-muqueuse, la musculeuse puis la séreuse. L’extension déborde ensuite la paroi intestinale pouvant envahir les organes avoisinants, le péritoine (stade métastatique). L’extension ganglionnaire est fréquente, aux ganglions juxta-coliques et/ou aux ganglions distaux le long des vaisseaux mésentériques. Le siège des métastases est le plus fréquemment le foie puis le poumon rarement l’os et le cerveau.

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La classification qui doit être désormais utilisée est la classification TNM

T : tumeur Tis : tumeur intraepithéliale ou chorion T1 : Tumeur atteignant la sous-muqueuse T2 : Tumeur atteignant la musculeuse T3 : Tumeur atteignant la séreuse T4 : Tumeur dépassant la séreuse et/ou envahissant les organes avoisinants N : ganglion N0 : pas de métastase ganglionnaire Nx : ganglions non évalués ou moins de 12 ganglions examinés N1 : 1 à 3 ganglions envahis N2 : plus de 3 ganglions envahis M : métastase M1 : présence de métastase à distance dont carcinose péritonéale et ganglion sus claviculaire M0 : absence de métastase Stade I : pT1-T2,N0,M0 Stade II : pT3-T4, N0,M0 Stade III : Tous TN1,N2,M0 Stade IV : Tous T tous N, M1

6.2 Diagnostic

6.2.1 Signes cliniques Très longtemps asymptomatique, ce cancer peut se révéler par des signes tardifs traduisant souvent une maladie déjà évoluée. Les symptômes pouvant évoquer un cancer du côlon sont les suivants :

• douleurs abdominales d’apparition récente • troubles du transit intestinal d’apparition récente, ou la modification récente de

troubles anciens du transit intestinal • hémorragies digestives basses • méléna (cancer du colon droit) ou des rectorragies • anémie par carence en fer (ferritine basse) conséquence d’un saignement occulte et

plus souvent révélatrice d’un cancer du côlon droit • altération de l’état général • fièvre au long cours • tumeur abdominale ou un foie métastatique • complication : occlusion intestinale, perforation diastatique en amont d’une tumeur

sténosante, abcès péritumoral. Ce large éventail illustre l’absence de parallélisme anatomoclinique.

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Toute modification récente du transit et la moindre trace de sang dans les selles, chez un patient de plus de 45 ans même en présence d’hémorroïdes, doit faire rechercher un cancer colorectal et nécessite une coloscopie complète.

6.2.2 Examen clinique La palpation de l’abdomen recherchera une masse abdominale, un foie tumoral, une ascite (néoplasique, signe tardif). Le toucher rectal peut palper une tumeur prolabée dans le rectum. La palpation des aires ganglionnaires sera systématique (ganglion de Troisier) à la recherche de localisations métastatiques.

6.2.3 Examens complémentaires Le diagnostic du cancer du côlon repose sur la coloscopie qui permet de visualiser la tumeur et de réaliser des biopsies. La coloscopie se fait avec ou sans anesthésie après préparation colique (purge et régime sans fibres). L’aspect endoscopique classique est une tumeur ulcéro-bourgeonnante fragile, facilement hémorragique et dure sous la pince (à biopsie). L’examen précisera le caractère sténosant ou non franchissable, la hauteur totale de la tumeur et sa localisation précise. On procédera à des biopsies multiples pour examen antomo-pathologique. La coloscopie permet la recherche et les biopsies de tumeurs synchrones ou de polypes. Le lavement baryté n’a pas d’indication dans le diagnostic ou le bilan du cancer du colon. Il peut être pratiqué lorsque la tumeur est infranchissable ou la coloscopie est incomplète. En cas de coloscopie incomplète, celle-ci doit être réalisée dans les 3 à 6 mois suivants l’intervention chirurgicale.

6.3 Bilan pré-thérapeutique Le bilan pré thérapeutique d’un cancer du côlon doit comporter :

• Un examen clinique complet; recherche d’une hépatomégalie, palpation des aires ganglionnaires (Troisier), toucher rectal à la recherche de granulations péritonéales

• Un bilan d’imagerie : une échographie hépatique, une radiographie pulmonaire de face et de profil et éventuellement un examen scannographique abdominal si l'échographie est difficilement interprétable.

• Un dosage d’ACE. Le dosage d’ACE n’a aucun intérêt dans le diagnostic et le dépistage du cancer du côlon+++. Il a une valeur pronostic et sa normalisation 4 à 6 semaines après le geste chirurgical témoigne de l’efficacité de ce traitement.

6.4 Traitement

6.4.1 Chirurgie

6.4.1.1 Cancer du côlon Le cancer du côlon relève d’un traitement chirurgical. Après préparation colique, le traitement chirurgical commence par une exploration de la cavité péritonéale, un bilan d’extension local et métastatique (foie). Le traitement chirurgical des cancers du côlon non compliqués repose sur l’exérèse de la tumeur primitive avec des marges de côlon saines (minimum 5 cm), associée à l’exérèse des vaisseaux et du mésocôlon contenant les canaux et les ganglions

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lymphatiques (curage ganglionnaire). La ligature des vaisseaux à l'origine permet une exérèse large du mésocôlon et des ganglions lymphatiques de drainage. Le type d’intervention dépend du siège tumoral :

• Cancer du côlon droit : hémicolectomie droite avec anastomose iléo-transverse • Cancer du côlon gauche : colectomie segmentaire ou gauche ou sigmoïdectomie

éventuellement étendue au haut rectum, avec rétablissement en général immédiat de la continuité.

La chirurgie sous coelioscopie a démontré sa faisabilité, et avec l'amélioration de la technique, le risque de greffe néoplasique pariétale est réduit. Les résultats semblent similaires à ceux de la chirurgie ouverte.

6.4.1.2 Métastases hépatiques L’exérèse chirurgicale des métastases hépatiques découvertes lors du bilan initial (métastases synchrones) ou développées lors du suivi du malade opéré (métastases métachrones) est réalisable dans 25% des cas environ en fonction de critères anatomiques, techniques et carcinologiques. Cette chirurgie lorsqu’elle est réalisable permet d’obtenir un taux de survie à 5 ans de l’ordre de 30 % contre 6 à 7 % chez les malades non opérés.

6.4.2 Chimiothérapie

6.4.2.1 Chimiothérapie adjuvante : La chimiothérapie adjuvante est délivrée après le traitement chirurgical curatif et vise à diminuer les récidives +++. Sans chimiothérapie adjuvante, les taux de survie à 5 ans des malades avec des tumeurs stade III était de 20 à 45%.L'impact de la chimiothérapie sur la survie sans récidive et la survie globale est aujourd'hui parfaitement démontré pour les cancers du côlon. Le protocole FOLFOX , association de 5FU, acide folinique et oxaliplatine, doit être utilisé (supériorité par rapport au protocole standard de type LV5FU2 démontrée), pendant 6 mois. Les taux de survie à 3 ans sont de 75% sous Folfox. Dans les stades II, une discussion doit être fait au cas par cas en fonction de l’existence de facteur de mauvais pronostic que sont : moins 12 ganglions examinés, stade T4 de la tumeur et présentation clinique de la tumeur (tumeur perforée ou en occlusion). En dehors des contre indications habituelles tout malade atteint d'un cancer du côlon avec atteinte ganglionnaire (stade III) °doit avoir une chimiothérapie adjuvante pendant une période de 6 mois.

6.4.2.2 Chimiothérapie palliative : En cas de métastases hépatiques d’emblée, l’exérèse chirurgicale colique est indiquée si la tumeur est sténosante ou responsable d’hémorragie digestive. Dans les autres cas, on envisagera une chimiothérapie première sans réséquer le côlon. Le traitement palliatif des cancers métastatiques par chimiothérapie entraîne des « réponses » (réduction de la masse tumorale de plus de 50%) dans environ 50% des cas et allonge la survie. La qualité de la vie est aussi améliorée sous chimiothérapie palliative efficace. En cas d'échec d'une première chimiothérapie, il est habituel de prescrire des traitements de 2e voire 3e ligne si l'état général des patients reste satisfaisant. Grâce aux progrès de la chimiothérapie, la médiane de survie ( 50% des malades vivants) des cancers du côlon métastatiques est de l’ordre de 21 mois.

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6.5 Surveillance après traitement curatif Après une chirurgie à visée curative d’un cancer du côlon, les objectifs sont d’augmenter la survie et la qualité de vie. On espère le faire par :

– la découverte de récidives à un stade le plus précoce possible permettant une deuxième résection curative. Ces récidives peuvent être locales (anastomotiques et surtout péri-viscérales) ou métastatiques (surtout hépatiques et péritonéales et plus rarement pulmonaires)

– la recherche d’adénomes et de cancers colorectaux métachrones curables.

Modalités de surveillance d’un sujet opéré à visée curative d’un cancer colorectal, (Conférence de Consensus-Paris 1998). -examen clinique tous les 3 mois pendant 2 ans, puis tous les 6 mois pendant 3 ans; -échographie abdominale tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans, puis annuelle pendant 2 ans; -radiographie pulmonaire annuelle pendant 5 ans; -coloscopie 3 ans après l’intervention puis tous les 5 ans si elle est normale. La surveillance par des dosages répétés de l'ACE est optionnelle. Elle peut être proposée par un dosage de l’ACE à pratiquer tous les 3-4 mois les 3 premières années après le diagnostic du cancer. Toute augmentation de l’ACE même minime doit être contrôlée par un autre prélèvement et doit conduire à la réalisation d’examens complémentaires si elle se confirme. Enfin, le dépistage endoscopique des apparentés au premier degré doit être proposé.

6.6 Pronostic Le taux de survie à 5 ans, tous stades confondus, est de 45 %. Les principaux facteurs pronostiques conditionnant le risque de rechute locale ou à distance et la survie sont :

– la profondeur de l’envahissement pariétal, – l’envahissement ganglionnaire, – la présence de métastases lors du bilan initial.

Ces facteurs pronostiques sont utilisés pour établir la classification TNM Survie à 5 ans

– Stade I : 80-95% – Stade II : 40-60% – Stade III : 20-45 % – Stade IV : 0-20%

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Annexes

Cahier des charges du dépistage du cancer colorectal (pour information) Il prévoit que le dépistage du cancer colorectal avec le test Hemoccult soit proposé tous les 2 ans aux individus âgés de 50 à 74 ans. Sont exclus les sujets présentant des symptômes digestifs, les sujets à risque élevé relevant d’un dépistage par coloscopie (un parent au 1er degré atteint avant 60 ans ou deux parents atteints, rares cancers à transmission héréditaire, antécédent personnel de cancer colorectal ou d’adénome, colite inflammatoire étendue évoluant depuis plus de 15 ans). Sont aussi exclus les sujets ayant eu une coloscopie depuis moins de 5 ans et les sujets atteints d’une maladie grave extra-intestinale. La campagne de dépistage est précédée d’une formation des professionnels concernés. La formation d’environ 50 % des médecins généralistes, par groupe d’une cinquantaine au maximum est un préalable au démarrage de la campagne de dépistage. La campagne de dépistage commence par l’information préalable de la population par lettre individuelle. Dans un premier temps, le test Hemoccult est remis par les médecins traitants et les médecins du travail qui peuvent signaler à la structure de gestion les sujets ne relevant pas du dépistage. L’envoi postal du test, 4 à 6 mois après cette phase initiale avec éventuellement une lettre de relance est assuré par la structure de gestion. Après prélèvement de 2 fragments de selles sur 3 selles consécutives, le test de dépistage est envoyé par la poste dans une enveloppe T au centre de lecture habilité de la zone géographique concernée. Le centre de lecture envoie les résultats à chaque individu, au médecin traitant et à la structure de gestion. La structure de gestion s’assure auprès des médecins traitants que les patients ayant eu un test positif ont une coloscopie dont les résultats sont fournis par les gastroentérologues. La structure de gestion doit aussi fournir au comité régional de pilotage les indicateurs nécessaires à l’évaluation du programme.

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INFORMATIONS MÉDICALES AVANT RÉALISATION D’UNE COLOSCOPIE Madame, Monsieur, La coloscopie est une exploration visuelle, qui sert à mettre en évidence des lésions du côlon. Elle est utile à votre médecin, pour déterminer l’origine de vos symptômes ou pour dépister des lésions pré-cancéreuses. Afin que vous soyez clairement informé(e) du déroulement de cet acte médical, nous vous demandons de lire attentivement ce document d’information. Le médecin est à votre disposition pour vous exposer en complément, toute autre précision que vous souhaiterez. POURQUOI CHOISIR LA COLOSCOPIE ?

C’est actuellement l’examen de référence pour mettre en évidence d’éventuelles lésions du côlon. Elle permet également de les biopsier (prélèvement d’un fragment de tissu pour l’étudier au microscope) ou parfois de les enlever (polypes ...). Toutefois, dans certains cas, l’examen peut être incomplet. Un examen radiologique de l’intestin pourra alors compléter la coloscopie. Par ailleurs, l’ablation de polypes (ou de tumeurs) ne prévient pas une éventuelle récidive. De nouvelles coloscopies pourront donc s’avérer parfois nécessaires. COMMENT ENLEVE-T-ON LES POLYPES ?

Les polypes ont un peu la forme de champignons. Certains peuvent se transformer en cancer. Lorsque leur taille et leur implantation sur la paroi intestinale le permettent, les polypes peuvent être enlevés lors d’une coloscopie. On utilise le plus souvent le bistouri électrique, qui permet de sectionner ou de coaguler les polypes. Dans certains cas, on utilise les rayons laser pour les détruire. Parfois, il sera nécessaire de faire une nouvelle coloscopie pour compléter le traitement ou après avoir discuté des alternatives thérapeutiques (chirurgie...). COMMENT SE PRÉPARER POUR LA COLOSCOPIE ?

Il faut être à jeun strict (sans boire, ni manger, ni fumer), sauf avis contraire du médecin qui réalisera votre examen. Le côlon doit être parfaitement propre, pour permettre un examen précis et réaliser les gestes thérapeutiques utiles. Pour cela, vous devez ingérer un liquide de lavage intestinal avant l’examen. Veuillez suivre à la lettre les instructions qui vous seront données pour cette préparation. Malgré des consignes bien suivies, la préparation peut parfois s’avérer insuffisante et faire renoncer à la poursuite de l’examen. Celui-ci pourra alors être reprogrammé ou complété par un examen radiologique. Si vous devez prendre des médicaments, leurs effets peuvent être modifiés par le lavage intestinal. Ceci concerne également la pilule contraceptive. COMMENT VA SE DÉROULER VOTRE COLOSCOPIE ?

L’examen utilise un appareil souple appelé endoscope qui sera introduit par l’anus. Pendant l’examen, de l’air sera insufflé pour déplisser les parois. D’éventuels prélèvements seront réalisés en cours d’examen si votre médecin le juge nécessaire. Entre chaque patient et suivant la réglementation en vigueur, l’endoscope est désinfecté et l’ensemble des accessoires utilisés (pinces à biopsies ...) est stérilisé ou jeté (matériel à usage unique). Ces procédures font références pour prévenir d’éventuelles transmissions d’infections. Pour améliorer la tolérance de l’examen une anesthésie générale est souvent proposée et programmée. Il est de la compétence du médecin anesthésiste-réanimateur de répondre à vos questions relatives à sa spécialité.

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Il peut vous être demandé(e) de rester hospitalisé dans les suites de l’examen pour surveillance ou en cas de complication. QUELLES COMPLICATIONS PEUVENT SURVENIR PENDANT L’EXAMEN ET LORS DU TRAITEMENT ?

Tout acte médical, investigation, exploration, intervention sur le corps humain, même conduit dans des conditions de compétence et de sécurité conformes aux données actuelles de la science et de la réglementation en vigueur, recèle un risque de complication. Les complications de la coloscopie sont rares : - La perforation de la paroi intestinale, peut rendre une opération nécessaire (avec ses propres risques). - L’hémorragie peut exceptionnellement nécessiter une intervention chirurgicale. Des transfusions de sang ou dérivés sanguins peuvent être nécessaires. - D’autres complications sont possibles mais restent exceptionnelles, telles que les troubles cardio-vasculaires et respiratoires, les infections. Ces complications peuvent être favorisées par vos antécédents médico-chirurgicaux ou par la prise de certains traitements. Toutes ces complications apparaissent le plus souvent lors de l’endoscopie, mais peuvent également se révéler quelques jours après l’examen (douleurs abdominales, sang rouge dans les selles, fièvre, frissons...). Il est alors très important de contacter immédiatement le médecin et/ou l’anesthésiste qui se sont occupés de vous au numéro de téléphone suivant : ................................................................ En cas d’impossibilité de prendre contact avec eux, il est très important de prendre contact très rapidement avec votre médecin traitant.

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Constipation

Raymond Jian

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou

Objectifs (question N° 300 du programme officiel) • Devant une constipation chez l'adulte, argumenter les principales hypothèses

diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents. • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

Ponts importants • La constipation se définit par l’émission de moins de 3 selles par semaine ou de selles

difficiles à évacuer (dyschésie). • Le plus souvent la constipation est idiopathique, mais il ne faut pas méconnaître une

cause curable, en particulier, une cause iatrogène, une hypothyroïdie et surtout un cancer colorectal. Une coloscopie est donc requise en cas de constipation récente ou récemment aggravée, en présence de signes d'alarme associés (rectorragies, syndrome rectal, amaigrissement), ou systématiquement après 45 ans.

• Au sein des constipations idiopathiques, on oppose les constipations terminales (trouble de la défécation) aux constipations de progression (trouble de la motricité colique) mais des tests fonctionnels visant à explorer ces mécanismes (temps de transit colique, manométrie ano-rectale) ne sont requis qu'en l'absence de réponse à un traitement symptomatique.

• La première étape du traitement de la constipation consiste à prescrire du son ou des mucilages. Il convient d’indiquer au malade l'absence de conséquences néfastes de selles peu fréquentes.

• Les laxatifs « stimulants », souvent consommés en auto-médication et sous formes de préparations en apparence « naturelles » doivent être évités.

1 DÉFINITION ET ÉPIDÉMIOLOGIE En théorie, la constipation est définie comme des selles de trop faible abondance (<100 g/jour). En pratique clinique, il n'est pas possible de mesurer le poids des selles. En pratique, le diagnostic de constipation est donc porté sur une fréquence des selles est inférieure à 3 émissions par semaine ou sur une difficulté d'émission des selles (dyschésie). La constipation ainsi définie affecte près de 30 % de la population générale, de façon occasionnelle ou permanente. Seule une partie de ces individus (environ 30 %) consulte pour

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ce symptôme en raison sa sévérité ou de facteurs psychologiques ou culturels La constipation est 3 fois plus fréquente chez la femme que chez l’homme, et sa prévalence augmente régulièrement avec l'âge. Dans la grande majorité des cas, la constipation est idiopathique mais il convient d’écarter soigneusement toutes les causes potentielles. avant d'envisager un traitement symptomatique. Dans les formes sévères, des explorations fonctionnelles sont parfois utiles.

2 PHYSIOPATHOLOGIE Le mécanisme des constipations secondaires est évident, qu'il s'agisse d'obstructions mécaniques ou d'une atteinte de la commande nerveuse ou du muscle lisse du côlon. La physiopathologie des constipations idiopathiques est plus complexe et souvent multifactorielle. On peut cependant opposer schématiquement deux types de constipations idiopathiques.

2.1 Constipation terminale Elle correspond à un trouble de l’exonération et se manifeste typiquement par un syndrome dyschésique (voir plus bas). L'anisme en est la cause principale. Il s’agit d’une contraction paradoxale du sphincter externe de l'anus et du muscle pubo-rectal (qui ferme l'angle ano-rectal) lors de la défécation. Du fait des efforts de défécation répétés qu'il entraîne, l'anisme peut avoir pour conséquence un affaissement progressif du périnée qui génère des lésions des nerfs assurant la commande du sphincter anal, et peut ainsi aboutir à une incontinence fécale.

2.2 Constipation de transit Elle correspond à un ralentissement du transit colique et se manifeste par des selles trop rares et une diminution de la sensation de besoin. Les formes modérées, de loin les plus fréquentes, sont corrigées par un régime enrichi en fibres ou une meilleure hydratation du contenu colique. Certaines formes sévères se caractérisent par l’absence de selles spontanées et une résistance plus ou moins complète à ces mesures thérapeutiques. Au maximum et exceptionnellement, il s'agit d'une inertie colique, véritable paralysie du côlon.

3 DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE Elle a pour objet de préciser la nature réelle des symptômes et de rechercher des éléments permettant de suspecter ou d’écarter une constipation secondaire.

3.1 Préciser les symptômes de la constipation • Chez certains malades, c'est la rareté des selles qui est le motif de consultation. Ces

patients se plaignent alors d'une gène et parfois d'une sensation de ballonnement abdominal soulagés par l'évacuation de selles. Celles-ci sont souvent anormalement dures. L'inconfort abdominal attribué à l'absence de selle est cependant vécu de façon très variable d'un individu à l'autre. Certains sujets ressentent peu de symptômes malgré l'absence de selles pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. À l'opposé, évacuer quotidiennement, si possible à heure fixe, une selle « normale » en volume et consistance fait partie des préoccupations de nombreux consultants, soucieux d'éventuels effets délétères de la rétention intracolique des matières. Pour aboutir à cet « idéal », souvent inculqué dès l'enfance, certains se plient à toutes sortes de régimes alimentaires,

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médications ou pratiques fantaisistes. • Chez d'autres malades, c'est la difficulté d'évacuer les selles (dyschésie) qui amène à

consulter, alors que la fréquence des selles est souvent normale et la sensation de besoin présente. Ces patients se plaignent de devoir faire des efforts prolongés pour évacuer les selles. La défécation est souvent fractionnée, et laisse persister une sensation d'évacuation incomplète. Dans certains cas, le malade doit s'aider de manœuvres digitales, de suppositoires ou de microlavements pour évacuer des selles.

• Certains patients consultent pour une « diarrhée », mais l'interrogatoire retrouve la succession d'un épisode de constipation, puis de l'émission d'un bouchon de selles dures, suivi de plusieurs selles liquides, impérieuses, fonctionnellement plus gênantes que la constipation causale (fausse diarrhée du constipé).

• La constipation peut être la seule plainte digestive ou s'associer à d'autres symptômes fonctionnels digestifs du syndrome de l'intestin irritable : douleurs abdominales, alternance avec des périodes diarrhéiques, flatulences.

3.2 Recherche étiologique

3.2.1 Constipation secondaire Les causes de constipation et les éléments du diagnostic sont indiqués sur le tableau 1. L'interrogatoire et l'examen clinique, au besoin aidé de quelques examens biologiques simples, permettent de porter la plupart de ces diagnostics. En pratique, l'essentiel est d'écarter un obstacle organique (cancer colo-rectal surtout) et de porter l'indication d'une coloscopie. Cet examen doit être préféré au lavement baryté qui est moins sensible (risque de faux négatifs) et n'est réservé qu'aux échecs de la coloscopie complète. Schématiquement, la coloscopie est indiquée : (a) après 45 ans, de façon systématique, en l'absence de coloscopie complète au cours des 5 dernières années ; (b) en cas de constipation d'apparition récente, ou récemment aggravée ; (c) en cas d'association à d'autres signes tels des rectorragies, un syndrome rectal ou un amaigrissement. A l’inverse, cet examen est superflu, en première intention, chez un sujet jeune, dont la constipation est ancienne, isolée, et soulagée par un traitement symptomatique. Lorsque la constipation a débuté dans l'enfance, il faut penser à rechercher une maladie de Hirschsprung (dont le diagnostic est exceptionnel chez l'adulte). Cette maladie rare est due à une agénésie des plexus nerveux sur un segment plus ou moins étendu du rectum et parfois du côlon. Le diagnostic est porté par le lavement baryté (dilatation du côlon au-dessus de la zone d'agénésie), la manométrie (absence de réflexe recto-anal inhibiteur) et la biopsie rectale profonde avec colorations spéciales des plexus nerveux (agénésie ganglionnaire). Cette maladie doit être distingué du mégarectum idiopathique qui débute aussi le plus souvent dans l'enfance et se caractérise par une dilatation majeure du rectum, avec une perte de la sensation de besoin ; le réflexe recto-anal inhibiteur est présent et la biopsie rectale normale.

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Tableau 1 – Étiologie des constipations CAUSES ÉLÉMENTS DU DIAGNOSTIC 1. OBSTACLES COLO-RECTAUX • Sténoses tumorales

– cancer colo-rectal – cancer anal – volumineuses tumeurs bénignes (rare) – tumeur extrinsèque (ovaire, utérus, prostate) – carcinose péritonéale

• Sténoses non tumorales – sigmoïdite diverticulaire – sténose ischémique, radique, crohnienne

Examen abdominal (tumeur, hépatomégalie, ascite) Toucher rectal Anuscopie, rectoscopie Coloscopie et biopsies Échographie pelvienne et scanner

2. CAUSES MÉDICAMENTEUSES – anti-dépresseurs, neuroleptiques – anti-cholinergiques – opiacés – gel d'alumine, sucralfate – cholestyramine

Interrogatoire, ordonnances

3. CAUSES MÉTABOLIQUES – hypothyroïdie – hypercalcémie, hypokaliémie – diabète

Dosage de TSH calcémie, kaliémie, glycémie

4. CAUSES NEUROLOGIQUES • Maladies neurologiques

– accidents vasculaires cérébraux – paraplégie – maladie de Parkinson

• Atteintes exclusive des plexus digestifs – maladie de Hirschsprung

Examen neurologique Manométrie ano-rectale, lavement baryté, biopsie rectale profonde

5. AUTRES CAUSES – Pathologie ano-rectale : fissure anale, rectite – Mégarectum idiopathique

Examen proctologique lavement baryté, manométrie

4 COMPLICATIONS DE LA CONSTIPATION Les complications de la constipation sont exceptionnelles. • Lorsque les selles sont très rares, une véritable « impaction » rectale peut se produire.

Chez l'enfant, ce phénomène est souvent responsable d'oncoprésie (accidents d'incontinence dus à des évacuations « par regorgement »). Parfois se constitue un fécalome caractérisé par la présence de matières dures dans l'ampoule rectale ne pouvant plus être expulsées. Il est fréquent chez le vieillard et le sujet alité. Le tableau associe des faux besoins, des douleurs pelviennes et l'émission de petites selles liquides. Parfois, un véritable tableau occlusif se constitue. Le diagnostic repose sur le toucher rectal (ou exceptionnellement, la radiographie d'abdomen sans préparation lorsque les matières sont très haut situées dans l'ampoule rectale. Le traitement repose sur son évacuation par lavements et/ou extraction manuelle. Une dyschésie peut plus rarement se compliquer d'un prolapsus rectal ou de rectorragies.

• La constipation est fréquemment traitée par auto-médication. Les malades utilisent alors

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souvent des médicaments ou des préparations dites « naturelles » (tisanes) qui contiennent en réalité des laxatifs « stimulants » (tableau 2). La prise de ces laxatifs qui stimulent la sécrétion intestinale est à l'origine d'alternance de phases de constipation et de débâcles diarrhéiques, et peut engendrer une hypokaliémie ou une insuffisance rénale. L'utilisation chronique de ces laxatifs est aussi rendue responsable de lésions des plexus nerveux coliques à l'origine d'une véritable inertie colique d'origine iatrogène.

• La maladie des laxatifs représente une forme extrême, rare, due à l'abus massif de ces laxatifs, en raison d'une personnalité pathologique. Cette maladie psychiatrique fait courir un risque vital en raison de la possibilité de survenue de troubles du rythme secondaires à l'hypokaliémie. Le diagnostic peut en être difficile car ces patients consultent volontiers pour une diarrhée et la prise de laxatifs est souvent niée. La découverte d'une mélanose colique en coloscopie (qui signe la prise prolongée d'anthraquinones) et de la recherche des laxatifs dans les selles et dans les urines sont alors utiles pour le diagnostic.

5 EXPLORATIONS FONCTIONNELLES Elles ne sont pas demandées en première intention, mais sont dans les formes sévères et/ou qui résistent à un traitement symptomatique bien conduit.

5.1 Temps de transit colique des pastilles radio-opaques Cet examen a pour but d’objectiver et de quantifier le ralentissement du transit. Des pastilles radio-opaques sont ingérées 6 jours consécutifs puis leur présence est comptée sur un cliché radiologique de l’abdomen (figure 1). Une stase anormale des pastilles dans le côlon droit ou transverse témoigne d’une constipation de transit, une stase dans le côlon gauche et le sigmoïde plutôt d’un trouble de l’exonération. Assez souvent le transit des pastilles est normale ce qui confirme que la constipation ne se résume pas à un ralentissement du transit colique.

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5.2 Manométrie anorectale Cet examen mesure la pression et la relaxation des sphincters de l’anus. Elle permet de vérifier la présence du réflexe recto-anal (relaxation du sphincter interne en réponse à la distension du rectum), ce qui élimine une maladie de Hirschsprung. et de rechercher un anisme (absence de relaxation du sphincter externe lors de l’expulsion d’un ballonnet).

6 TRAITEMENT DE LA CONSTIPATION Les différents classes de laxatifs et leur mécanismes d’action sont rapportés dans le tableau 2. Il convient en premier lieu de bien expliquer au patient la grande variabilité du rythme défécatoire normal et l'absence de conséquence délétère de selles peu fréquentes. Il faut ensuite conseiller un enrichissement progressif du régime en fibres. Le traitement le plus simple et le moins onéreux consiste à prescrire du son, jusqu'à la dose efficace, habituellement comprise entre 20 et 30 g par jour. Il est préférable d'utiliser du son brut, ou certaines préparations diététiques très riches en son, plutôt que des pains ou galettes au son, qui doivent être ingérées en grandes quantités pour être efficaces et constituent ainsi une source calorique souvent redoutée par les malades. En cas de mauvaise tolérance (ballonnements, gaz), on peut aussi utiliser des mucilages, dont l'efficacité est comparable pour un volume ingéré plus faible (10 à 20 g/j), mais dont le coût est aussi plus élevé. Si ce traitement s'avère insuffisant, on prescrit des laxatifs osmotiques, en conseillant une utilisation occasionnelle, lors des périodes de forte constipation. S'il existe un syndrome dyschésique, il faut conseiller l'utilisation de suppositoires ou micro-lavements qui jouent le rôle de « starter » de la défécation. Une rééducation ano-rectale peut également être tentée en cas d'anisme. L'utilisation de laxatifs dits « stimulants » ou « irritants » (tableau 2) doit être évitée en raison des risques de troubles hydro-électrolytiques et, en cas d'utilisation prolongée, d'aggravation de la constipation. Il est cependant difficile d'éviter leur usage en auto-médication et dans les constipations très sévères.

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Tableau 2 – Classification des médicaments laxatifs TYPE DE LAXATIF*

PRINCIPE D'ACTION

SPECIALITES (exemples)

INDICATION ET TOLÉRANCE

Laxatifs « de lest » – Fibres alimentaires – Son – Mucilages (ispaghule, gomme sterculia, psyllium…)

Augmentation des résidus et de l'eau fécale

Infibran Kellog’s All bran Spagulax, Normacol

• Traitement de fond de toute constipation • Bonne tolérance sauf parfois ballonnement, flatulence

Laxatifs osmotiques – sucres (lactulose, lactitol, sorbitol) – ions (sulfates de soude, de Mg) – Polyethylène-glycol (PEG 3350 ou 4000)

Augmentation de l'eau fécale

Lactulose, Duphalac Sulfate de magnésium Transipeg, Movicol, Forlax

• Traitement occasionnel des constipations sévères • Risque de ballonnement, flatulence avec les sucres, ou de diarrhée si dose excessive

Laxatifs « stimulants » – anthraquinones (séné, bourdaine, dantrone, tamarine, cascara…) – phénolphtaleine – bisacodyl – Docusate de Na

• Sécrétion d'eau et électrolytes dans le grêle et le côlon • Effet stimulant sur la motricité colique

Tamarine, Sénokot Purganol Contalac Jamylène

Risque d'effets secondaires contre-indiquant leur utilisation : – hypokaliémie – déshydratation – lésions des plexus nerveux coliques

Laxatifs émollients – huile de paraffine – huile de vaseline

Effet « lubrifiant »

• Traitement adjuvant dans les constipations bénignes • Risque de suintement anal gênant

Laxatifs rectaux - Sorbitol – glycérine – CO2

Effet de « starter » pour la défécation

Micolax Suppo glycérine Suppo Eductyl

Utile en cas de dyschésie

* Il existe de nombreuses préparations comportant une association de plusieurs types de laxatifs.

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Colopathie fonctionnelle

Raymond. Jian

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou

Objectifs (question N° 229 du programme officiel) • Diagnostiquer une colopathie fonctionnelle. • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

Points importants • Les troubles fonctionnels digestifs (TFD) sont le motif de consultation le plus

fréquent en gastro-entérologie. • Ils sont le plus souvent dus à une anomalie motrice ou sensitive du tube digestif. • Douleurs abdominales, troubles du transit et ballonnements en constituent la

triade symptomatique du syndrome de l'intestin irritable. • L'ancienneté des symptômes, la conservation de l'état général, et la normalité de

l'examen physique sont les 3 éléments essentiels du diagnostic de TFD. • Aucune des anomalies objectives identifiées n'est constante ni spécifique. Le

diagnostic de TFD est donc un diagnostic d'exclusion. • Un piège fréquent consiste à attribuer des symptômes de TFD à des lésions

organiques asymptomatiques (lithiase vésiculaire, diverticulose colique). • Répéter les examens complémentaires en l'absence de modifications des

symptômes est inutile et coûteux. • En revanche, un sujet atteint de TFD peut un jour avoir une affection organique,

ce qui impose de prêter une grande attention à la survenue de tout signe inhabituel dans le suivi de ces malades.

• Les malades atteints de TFD ne sont pas des malades imaginaires. • Écouter le patient, le rassurer sur la bénignité de ses symptômes, et lui expliquer

leur caractère chronique est l'essentiel du traitement des TFD.

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1 DÉFINITION ET ÉPIDÉMIOLOGIE Les troubles fonctionnels digestifs (TFD) sont définis par l'existence de différents symptômes digestifs qui ne s'associent à aucune anomalie anatomique décelable, et à aucune pathologie bien définie. Leur évolution est volontiers chronique mais toujours bénigne. Ils peuvent être regroupés en 3 principaux syndromes : le syndrome de l'intestin irritable, la constipation idiopathique isolée, et la dyspepsie chronique idiopathique (tableau 1). En pratique, il n'est pas rare de constater la coexistence de ces différents syndromes chez un même patient.

Tableau 1 – Troubles fonctionnels digestifs : principales formes symptomatiques

Symptômes Syndrome de l'intestin irritable • Douleurs abdominales

• Troubles du transit (constipation, diarrhée ou alternance des deux)

• Flatulences Constipation idiopathique isolée • Constipation

± ballonnement ± fausse diarrhée

Dyspepsie chronique idiopathique • Lourdeur, pesanteur parfois douleur épigastrique post-prandiale

• Lenteur de « digestion » • Ballonnement épigastrique • Satiété précoce • Nausées, vomissements

Les TFD sont le motif le plus fréquent de consultation en gastro-entérologie (environ 50 %). Ces troubles peuvent conduire à des explorations répétées, représentent une cause majeure d'absentéisme et de consommation médicale (plusieurs centaines de spécialités dans le dictionnaire Vidal concernent cette pathologie). Des études épidémiologiques ont montré que 15 à 30 % des sujets interrogés au sein de la population générale se plaignait, de façon plus ou moins fréquente de symptômes fonctionnels digestifs, mais que seuls 20 à 30 % d'entre eux consultait un médecin pour ce motif. Les TFD constituent donc, en dépit de leur bénignité, un véritable problème de santé publique. Les TFD s'observent à tous les âges de la vie, y compris chez le jeune enfant. Leur pic de fréquence de début se situe vers l'âge de 30 ans. Il est exceptionnel qu'ils débutent après l'âge de 70 ans : le diagnostic de TFD doit donc être porté avec la plus grande réserve au-delà de cet âge. Le syndrome de l'intestin irritable est environ deux fois plus fréquent chez la femme que chez l'homme ; le syndrome dyspeptique a un sex-ratio de 1. Aucun facteur géographique, socio-économique, familial ou héréditaire n'a été mis en évidence dans cette pathologie. Des terminologies impropres sont parfois utilisés pour qualifier les TFD. Celui de « colite » doit être banni car il implique une notion d’inflammation caractérisée absente dans cette entité, celui de colopathie également car les anomalies ne sont pas limitées au côlon. Le terme

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de troubles fonctionnels intestinaux (TFI) est également souvent utilisé, mais il est plus restrictif car il n'implique pas l'estomac.

2 PHYSIOPATHOLOGIE Jusqu'à la dernière décennie, les TFD étaient considérés comme des symptômes d'origine psychique et n'ayant aucun substratum physiopathologique. En fait, de nombreuses anomalies objectives ont été récemment mises en évidence au cours des TFD et pourraient être impliquées dans leur physiopathologie. Aucune n'est constante ni spécifique, ce qui explique qu'elles ne puissent être utilisées à des fins diagnostiques.

2.1 Troubles moteurs Dans les formes où domine la constipation, différents types d'anomalies de la motricité colique ou ano-rectale ont été incriminées. Dans les formes diarrhéiques, on peut observer au niveau du côlon une réponse motrice exagérée lors des repas, une accentuation de l'activité propulsive, ou au contraire une réduction des contractions stationnaires ayant un rôle de frein ; des anomalies sont également présentes au niveau de l'intestin grêle dont le temps de transit est raccourci. Au cours de la dyspepsie, près de 50 % des malades ont un ralentissement de la vidange gastrique, du à une hypomotricité antrale ou à un défaut de coordination antro-pylorique. Des perturbations motrices peuvent aussi expliquer certaines douleurs ressenties par les malades, liées à des contractions d'intensité ou de fréquence anormale au niveau de l'intestin grêle ou du côlon.

2.2 Troubles de la sensibilité Des troubles de la sensibilité viscérale ont été mis en évidence chez les malades se plaignant de TFD. Ainsi, dans le syndrome de l'intestin irritable, il est possible de reproduire les symptômes habituels des patients en gonflant un ballonnet dans le côlon ou l'intestin grêle ; de plus, le seuil douloureux à la distension est abaissé chez ces malades. De la même façon, dans la dyspepsie chronique idiopathique, une hypersensibilité à la distension de l'estomac est présente chez près d'un malade sur deux.

2.3 Troubles psychologiques Les troubles psychiques, dépistés par l'interrogatoire ou par des tests psychométriques, sont fréquents chez ces patients. Cependant, il est possible que ces troubles représentent d'avantage un motif qui pousse certains malades à consulter, qu'une cause réelle de leur symptômes. Il est toutefois fréquent de constater une aggravation des symptômes en période de stress, et une amélioration lors des périodes de repos.

2.4 Intolérance alimentaire L'intolérance alimentaire, si souvent évoquée par les malades, n'est réelle que pour une très faible minorité d'entre eux. L'intolérance au lactose, liée à une absence d'activité lactasique au niveau de l'intestin grêle est l'anomalie la mieux caractérisée et peut s'exprimer par des symptômes voisins de ceux des TFD. On peut estimer qu'en France environ 50 % des adultes ont une alactasie, mais celle-ci reste le plus souvent totalement asymptomatique pour peu que

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les sujets ne soient pas de gros consommateurs de lait. La mise en évidence d'un déficit de l'activité lactasique au niveau de biopsies duodénales ou de la malabsorption du lactose par un test respiratoire ne suffit donc pas au diagnostic d'intolérance au lactose. En pratique, ce diagnostic ne doit donc être retenu que lorsqu'un régime d'exclusion du lactose, pratiqué sur une courte période, entraîne une régression complète des symptômes, ce qui, en pratique, concerne moins de 1 % des sujets consultant pour TFD.

2.5 Autres mécanismes physiopathologiques • La production de gaz intestinaux semble normale chez la plupart des patients atteints de

TFD mais il est possible que les troubles sensitifs mentionnés plus haut expliquent la sensation de ballonnement douloureux si fréquente chez ces malades.

• Les malades rattachent fréquemment le début de leurs symptômes à une infection ou à une parasitose intestinale. On a ainsi parlé de colite post-amibienne ou de colite post-infectieuse, qui correspondraient à des lésions séquellaires d'une infection guérie. Même si ces hypothèses ont un substratum physiopathologique, elles n’ont pas de conséquences pratiques sur la prise en charge.

3 DIAGNOSTIC Le diagnostic des TFD reste un diagnostic d'exclusion du fait de l'absence d'anomalie

objective spécifique. Il n'en demeure pas moins qu'un interrogatoire et un examen clinique attentifs sont essentiels pour limiter au maximum les examens complémentaires.

3.1 Symptomatologie

3.1.1 Douleurs abdominales Elles sont présentes dans plus de 90 % des cas. Parfois diffuses, plus souvent localisées,

elles affectent alors n'importe quel secteur abdominal, variant parfois d'un jour à l'autre chez le même patient ; elles irradient volontiers dans le dos, plus rarement au niveau du thorax ou des creux inguinaux. Elles sont continues ou paroxystiques (coliques). Elles n'ont ni rythme, ni périodicité, évoluant de façon anarchique dans la journée et d'un jour à l'autre ; elles sont rarement nocturnes et insomniantes. Différents facteurs peuvent influencer la douleur : certains aliments (dont la nature varie d'un patient à l'autre), les émotions ou le stress renforcent habituellement les douleurs ; à l'inverse, les restrictions alimentaires diverses, le repos, les vacances diminuent la fréquence et l'intensité des épisodes douloureux. La crise douloureuse est parfois soulagée par l'émission de selles ou de gaz.

3.1.2 Troubles du transit Ils sont retrouvés chez près de 70 % des malades et se répartissent à part égale, en

constipation isolée, diarrhée, et alternance diarrhée et constipation. La constipation évoque parfois un véritable ralentissement du transit avec fréquence des selles inférieure à 3 émissions par semaine. Plus souvent, il s'agit de difficultés d'exonération (selles trop dures, difficiles à émettre, impression d'évacuation incomplète du rectum). La diarrhée est souvent aqueuse, faite de selles volontiers matinales, parfois glaireuses (mucus) mais ne contenant jamais de sang. Des caractères moteurs sont souvent retrouvés : selles impérieuses, post-prandiales avec présence d'aliments ingérés peu de temps avant leur émission, efficacité des ralentisseurs du transit (lopéramide). Ailleurs, les selles diarrhéiques contiennent des éléments

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fécaux durs (scyballes) et les épisodes de diarrhée alternent avec des épisodes de constipation : il s'agit alors d'une fausse diarrhée de constipation.

3.1.3 Flatulences Elles sont présentes chez près d'un malade sur trois, sous forme de ballonnements

abdominaux, tantôt purement subjectif, tantôt objectif avec un météorisme abdominal, ou d'une émission de gaz trop abondants.

3.1.4 Dyspepsie Le syndrome dyspeptique se caractérise par une sensation de pesanteur épigastrique post-

prandiale, une impression de digestion lente, parfois une satiété précoce au cours du repas. Des nausées et plus rarement des vomissements peuvent être observés. L'élément essentiel est le caractère post-prandial de ces symptômes, et leur survenue après un repas d'abondance normale, sans excès de graisses.

3.1.5 Autres symptômes D'autres manifestations sont volontiers associées aux TFD et peuvent dans certains cas

constituer la plainte principale des patients : impression de mauvaise haleine, langue saburrale, éructations, borborygmes, gaz malodorants. L'association de TFD à des symptômes de reflux gastro-œsophagien est également possible. Par ailleurs, le tableau s'enrichit volontiers de symptômes extradigestifs : céphalées ou migraines, myalgies, palpitations, douleurs thoraciques, troubles urinaires, gynécologiques ou généraux (asthénie, anorexie), troubles du sommeil et de l'humeur.

3.2 Diagnostic positif Contrastant avec la richesse des plaintes fonctionnelles, les signes objectifs sont

quasiment absents : l'état général est excellent, le poids est stable. L'examen physique est négatif en dehors de douleurs provoquées au niveau de diverses régions de l'abdomen.

Les éléments du diagnostic positif sont donc : (a) le polymorphisme du tableau symptomatique contrastant avec l'absence totale de signe objectif ; (b) l'ancienneté des symptômes, dont le début remonte parfois à l'enfance, et dont les caractères ne se sont guère modifiés ; (c) la dépendance des ces troubles vis-à-vis du stress ou d'événement socio-affectifs ; (d) parfois, le contexte psychologique : personnalité hypochondriaque ou hystérique, caractère obsessionnel, symptomatologie anxieuse ou dépressive.

3.3 Diagnostic différentiel Cette étape du diagnostic est fondamentale puisqu'elle consiste à éliminer toute autre

cause susceptible d'expliquer les symptômes du patient. Les diagnostics à envisager sont très nombreux et ne peuvent être énumérés ici. Les examens complémentaires nécessaires à ce diagnostic différentiel se discutent au cas par cas selon le contexte clinique. Quelques tests biologiques simples (numération formule sanguine, vitesse de sédimentation, ionogramme sanguin) peuvent être utiles pour aider à la décision de réaliser des explorations morphologiques. Un examen parasitologique des selles est également justifié.

3.3.1 Coloscopie Cet examen a pour but de dépister une lésion organique iléo-colique. Il doit être préféré

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au lavement baryté qui est moins sensible et n'est réservé qu'aux échecs de la coloscopie complète. En cas de diarrhée, des biopsies systématiques du côlon doivent être réalisées si l'aspect macroscopique est normal, pour rechercher une colite microscopique. En présence de douleurs abdominales ou de troubles du transit, la coloscopie est indiquée dans les circonstances schématisées dans le tableau 2.

Tableau 2 – Principaux éléments guidant l'indication de la coloscopie au cours des TFD

• Antécédents familial de cancer ou d'adénomes colo-rectaux • Age > 45 ans (en l'absence de coloscopie complète au cours des 5 dernières années) • Symptômes récents, ou récemment modifiés • Présence de signes d'alarme – rectorragies ou anémie, – syndrome rectal, – amaigrissement

En revanche, il n'est pas nécessaire de proposer cet examen en première intention chez un sujet jeune, dont les symptômes sont anciens, isolés, bien tolérés sur plan général, et soulagés par un traitement symptomatique. La découverte de diverticules non compliqués ou de polypes bénins ne peut expliquer les symptômes et doit être interprétée comme une coïncidence, ces anomalies étant fréquentes dans la population générale. Une mélanose colique témoigne de la prise de laxatifs anthraquinoniques.

3.3.2 Autres explorations • Une endoscopie œso-gastro-duodénale est justifiée en présence d'un syndrome

dyspeptique ou d'épigastralgies, essentiellement pour rechercher un ulcère gastro-duodénal ou un cancer gastrique.

• Si les douleurs surviennent sous forme de crises paroxystiques, une échographie biliaire ou rénale peut être indiquée.

• Les autres explorations sont inutiles sauf si les caractères des symptômes soulèvent un doute diagnostique. Enfin, aucune exploration ne doit être répétée, sauf si la symptomatologie se modifie.

Il est fréquent de voir attribuer les symptômes de TFD à une lithiase vésiculaire découverte lors d'une échographie, ou à des diverticules sigmoïdiens nom compliqués. L'analyse des symptômes permet, en règle générale, d'écarter aisément une pathologie biliaire ou diverticulaire, en raison du caractère chronique des symptômes, de l'absence de crises bien individualisée et de signes infectieux. Il faut savoir résister, dans ces situations, à une demande d'intervention parfois formulée par le malade, car celle-ci est inutile, et l'on observe le plus souvent une persistance ou une réapparition des symptômes après la chirurgie.

4 PRINCIPES DU TRAITEMENT Les TFD constituent une condition sans aucune gravité mais dont l'évolution est

habituellement chronique, et pour laquelle on ne dispose pas de traitement curatif. Le seul but du traitement consiste donc à améliorer le confort somatique et psychologique des patients. Pour cela, il est essentiel de savoir les écouter, de ne pas les considérer comme des malades imaginaires (les signes fonctionnels sont bien réels), et d'essayer de leur expliquer au mieux l'origine de leurs symptômes. La possibilité d'une amélioration spontanée ou d'une fluctuation

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des symptômes même après une longue évolution doit être soulignée. L'imprévisibilité de l'évolution et un fort effet placebo (20 à 60 %) rendent difficiles l'appréciation de l'efficacité des médicaments, que seuls des essais thérapeutiques randomisés contre placebo et en double aveugle peuvent évaluer. En pratique clinique, si l'efficacité à court terme, au moins partielle, de certains médicaments se vérifie souvent, leur maintien à long terme donne des résultats plus aléatoires. La meilleure thérapeutique reste finalement l'écoute du patient et une discussion toujours renouvelée avec lui, l'amenant à accepter ces symptômes. Ceci nécessite du temps et du savoir faire.

4.1 Mesures hygiéno-diététiques Les patients atteints de TFD ont souvent tendance à attribuer leur symptômes aux

aliments ingérés lors de précédents repas ou à des « écarts de régime ». Ceci aboutit à de nombreuses restrictions alimentaires inutiles. De fait, l'intolérance alimentaire vraie est tout à fait exceptionnelle et aucun régime particulier ne doit être conseillé à ces patients. En revanche, il est clairement établi que l'apport de fibres améliore la constipation (et parfois les douleurs abdominales) ainsi que les troubles moteurs intestinaux décrits chez ces patients.

4.2 Traitement médicamenteux Schématiquement, 4 classes de médicaments peuvent être utilisées, correspondant aux

principaux symptômes de cette affection :

4.2.1 Douleurs abdominales Un grand nombre d'anti-spasmodiques ont fait la preuve d'une certaine efficacité par

rapport au placebo. Il s'agit soit de médicaments anti-cholinergiques (Librax®, Riabal®), soit de médicaments agissant directement au niveau de la fibre musculaire comme la mébéverine (Duspatalin®), le phloroglucinol (Spasfon®), ou le bromure de pinaverium (Dicetel®). La trimebutine (Débridat®) qui agit sur les récepteurs opiacés du muscle lisse digestif a fait également la preuve de son efficacité.

4.2.2 Constipation Le principe de son traitement est donné dans la question. Les laxatifs de lest (son,

mucilages) ont également souvent un effet favorable dans les fausses diarrhées de constipation et sur les douleurs abdominales.

4.2.3 Diarrhée Les ralentisseurs du transit ne sont administrés que dans les formes diarrhéiques vraies et

sont surtout efficace dans les formes où existe une accélération du transit intestinal. Il s'agit de médicaments opiacés à action locale comme le lopéramide (Imodium®), préférable au diphenoxylate associé à l'atropine dans le Diarsed®, ou à la codeine. Leur efficacité est en général remarquable. Lorsqu'une malabsorption des sels biliaires est suspectée ou démontrée, on peut utiliser la cholestyramine (Questran®). Les « pansements intestinaux » à base d'argile (Smecta®, Actapulgite®, Bedelix®) sont parfois utilisés, sur des bases essentiellement empiriques.

4.2.4 Flatulences Aucun médicament n'a fait réellement la preuve de son efficacité sur ce symptôme. Il peut

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être néanmoins utile de prescrire certains agents atoxiques et peu coûteux (charbon, polysilane), en espérant un effet placebo.

4.2.5 Dyspepsie On utilise essentiellement les médicaments à action gastrokinétique comme le

dompéridone (Motilium®), le cisapride (Prepulsid®), ou le métoclopramide (Primpéran®). Les anti-acides et les anti-H2 sont souvent prescrits de façon épisodique lorsque les épigastralgies dominent la symptomatologie ; leur efficacité dans cette indication n'est pas clairement établie et une telle prescription n'est justifiée que lorsqu'une partie des symptômes relève d'un reflux gastro-œsophagien..

4.3 Autres traitements Différentes cures thermales ont été proposées pour le traitement des TFD : il est

vraisemblable que l'efficacité de ces cures doit être mis sur le compte de l'effet placebo. La psychothérapie et les psychotropes ont fait la preuve d'une certaine efficacité par rapport au placebo dans les TFD. Ils doivent, en tout cas, être mis en route, après un avis spécialisé, en cas de trouble psychique patent.

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Hémorragie digestive Christophe Cellier

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou

Objectifs (question N° 205 du programme officiel) • Diagnostiquer une hémorragie digestive. • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge • Diagnostiquer une anémie par carence martiale • Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

Cet ED comporte également une partie des questions N°174 : prescription et surveillance des anti-inflammatoires non stéroïdiens N° 222 anémie par carence martiale

LES POINTS IMPORTANTS • Une hémorragie digestive peut se manifester par une hématémèse, un méléna, des

rectorragies, un choc hémorragique ou une anémie hyposidérémique. • La gravité d’une hémorragie digestive s’évalue sur l’état hémodynamique

(fréquence cardiaque et tension artérielle), la fréquence respiratoire et l’état de conscience et le taux d’hémoglobine. L’âge et les pathologies associées (coronaropathie par exemple) sont des facteurs de gravité associés et doivent pris en compte pour une décision de transfusion rapide.

• Une endoscopie haute est l’examen de première intention réalisé devant une hématémèse ou un méléna. Elle doit être effectuée dans un milieu sécurisé (unité de soins intensifs ou réanimation) après avoir restauré un état hémodynamique stable et évacué le sang intra-gastrique par une sonde gastrique.

• L’endoscopie permet d’identifier la lésion responsable du saignement, d’évaluer le risque de récidive et d’effectuer un geste hémostatique. L’hémostase endoscopique est le traitement de première intention des hémorragies digestives par rupture de varices œsophagiennes (ligature ou sclérose) et des ulcères gastro-duodénaux (sclérothérapie, coagulation bipolaire, plasma argon ou mise en place de clips).

• Une hémorragie digestive basse avec mauvaise tolérance hémodynamique doit faire rechercher une lésion haute par mise en place d’une sonde gastrique et endoscopie haute.

• Une hémorragie digestive basse doit faire pratiquer une coloscopie complète hormis chez le sujet jeune où une pathologie hémorroïdaire est mise en évidence.

• Devant une hémorragie digestive avec une endoscopie haute et une coloscopie normales, une cause au niveau de l’intestin grêle doit être recherchée par vidéo-capsule ou entéroscopie.

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1 MODES DE REVELATION - une hématémèse est une hémorragie extériorisée par vomissements. Elle signe une

hémorragie d’origine haute. - un méléna est l’émission dans l’anus digéré noir et fétide, l’origine de l’hémorragie est

généralement située en amont de l’angle colique droit. En cas d’hémorragie haute très abondante, le sang émis par l’anus peut être rouge et noir.

- une rectorragie (ou hématochésie) est l’émission par l’anus de sang rouge non digéré. Elle est le signe d’une hémorragie basse.

- saignement occulte : il résulte le plus souvent d’une hémorragie digestive de faible abondance et au long cours, œsogastro-duodénal, colique ou grêlique, dont la principale urgence est celle du diagnostic étiologique.

- saignement massif non extériorisé : dans certains cas un tableau de choc hémorragique sans extériorisation est au premier plan et une hémorragie digestive doit être recherchée systématiquement par une sonde gastrique et un toucher rectal.

Manifestations cliniques d’une hémorragie digestive Présentation Description Origine hématémèse Rejet de sang rouge ou noir par la

bouche Tractus digestif supérieur (jusqu’à l’angle de Treitz)

Méléna Rejet de sang digéré par l’anus (selles « goudron », nauséabondes)

Tractus digestif supérieur, et inférieur si saignement modéré

rectorragies ou hématochésie

Rejet de sang rouge par l’anus Côlon et rectum. Grêle et tractus digestif supérieur si hémorragie massive

saignement occulte Saignement minime, chronique dépisté par un examen des selles ou une anémie hyposidérémique

Tout le tractus digestif

saignement massif non extériorisé

Tableau de choc hémorragique (diagnostic par sonde gastrique et/ou toucher rectal)

Tractus digestif supérieur essentiellement

Toute hémorragie digestive doit être considérée a priori comme une urgence médicale. En effet la mortalité globale d’une hémorragie digestive aiguë sévère varie de 5 à 30 % selon son abondance, sa cause et le terrain sur lequel elle survient. En dehors d’un saignement occulte et de rectorragie peu abondante et bien supportée, une hospitalisation en milieu spécialisé est nécessaire.

2 MESURES A PRENDRE EN URGENCE Une fois l’hémorragie digestive reconnue, l’urgence est d’évaluer le degré de gravité, de restaurer un état hémodynamique stable avant d’entreprendre la démarche étiologique et le traitement de la cause.

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2.1 Diagnostic positif de l’hémorragie digestive - hématémèse, rejet de sang rouge ou noir par la bouche, est émise lors d’efforts de

vomissements, parfois avec des débris alimentaires. Il faut la différencier de vomissements alimentaires colorés (vin, café, betterave) ; d’un saignement d’origine broncho-pulmonaire (hémoptysie) : aspect rouge et aéré du sang extériorisé au cours d’un effort de toux ; d’une épistaxis postérieure déglutie (examen ORL en cas de doute).

- le méléna, émission de sang digéré par l’anus donne un aspect de selles noires, liquides ou pâteuses (« goudron ») et nauséabonde. Il faut le différencier d’une coloration des selles d’origine alimentaire et surtout médicamenteuse (prise de fer ou de charbon).

Dans tous les cas, il est nécessaire de procéder à l’inspection des vomissements ou des selles, ou de réaliser un toucher rectal pour rechercher un méléna et de mettre une sonde gastrique avec aspiration. Le contenu gastrique qu’elle permet d’aspirer peut avoir trois aspects : sang pur, liquide contenant des débris marrons de vieux sang (marc de café), liquide gastrique clair. S’il s’agit de sang pur, il s’agit d’une hémorragie haute encore active. S’il s’agit de « vieux » sang, il y a bien eu une hémorragie digestive haute qui semble s’être arrêtée. La sonde gastrique peut alors être utilisée pour évacuer l’estomac et préparer l’endoscopie haute. Si le liquide est clair, soit il ne s’agit pas d’une hémorragie digestive haute, soit l’hémorragie s’est arrêtée et le sang est passé dans l’intestin.

2.2 Appréciation de la gravité de l’hémorragie La gravité d’une hémorragie digestive ne peut être appréciée sur la quantité de sang extériorisé, car le patient et son entourage ont tendance à surestimer les volumes. La perte sanguine peut être évaluée sur quatre facteurs objectifs : fréquence cardiaque, tension artérielle, fréquence respiratoire. Tableau 1 : score de Rockall : évaluation du risque de récidive hémorragique ou de décés après l’hospitalisation hémorragie digestive haute.

Score Variable 0 1 2 3 Age

< 60 ans

60 – 79

> 80 ans

Choc non Pouls > 100 TAS>100mmHG

Pouls > 100 TAS<100mmHG

Comorbidité non Non Insuffisance cardiaque Cardiopathie ischémique Comorbidité grave

Insuffisance rénale Insuffisance hépatique Cancer disséminé

Diagnostic Mallory-Weiss pas de lésion visible

Autres diagnostics Tumeur maligne

Signes en faveur d’un saignement récent

Forrest III ou IIc Forrest Ia, IIa ou IIb

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L’interrogatoire recherche une pathologie associée susceptible d’aggraver le pronostic de l’hémorragie digestive (insuffisance coronarienne ou cardiaque, trouble de l’hémostase …). L’hémoglobinémie et/ou l’hématocrite permettent d’évaluer l’importance initiale de la perte sanguine, mais peuvent être faussement rassurantes à la phase initiale de l’hémorragie.

2.3 Prise en charge en urgence

Les mesures d’urgence sont bien codifiées en comportent : - Mise en place d’un ou deux cathéters de gros calibre dans les veines périphériques.

Prélèvements sanguins avec groupe sanguin et RAI, numération formule sanguine, taux de prothrombine, plaquettes, ionogramme, créatininémie. Perfusion de macro-molécules et éventuellement transfusion (culots globulaires iso-groupe iso-rhésus) afin de rétablir un état hémodynamique correct. La décision d’une transfusion dépend du degré de la déglobulisation (hémoglobine inférieure à 8 g/100 ml) mais également du terrain (âge, pathologie associée), de la rapidité de constitution et de la tolérance, de la persistance d’un saignement actif ou de son risque de récidive.

- Oxygénothérapie : Surveillance des signes vitaux (pouls, tension, saturation en oxygène, ECG, diurèse), mise en place d’une sonde gastrique à double lumière avec lavage gastrique à l’eau pour évacuer le sang intra-gastrique et préparer le malade à l’endoscopie en cas de présence de sang.

- Hospitalisation dans un secteur de soins intensifs ou de réanimation en cas d’hémorragie digestive grave ou associée à un terrain sous-jacent à haut risque.

3 ENQUETE ETIOLOGIQUE ET TRAITEMENT Une fois l’état hémodynamique stabilisé, une enquête étiologique et des mesures thérapeutiques spécifiques sont réalisées en fonction du siège et du type de l’hémorragie digestive.

3.1 HEMORRAGIE DIGESTIVE HAUTE Les principales causes d’hémorragie digestive haute sont les ulcères gastro-duodénaux, les varices œsophagiennes dues à l’hypertension portale d’origine cirrhotique et les érosions gastriques aiguës médicamenteuses.

3.1.1 Démarche diagnostique - Interrogatoire du malade et de ses proches On recherche un antécédent d’ulcère gastro-duodénal, de douleurs épigastriques d’allure ulcéreuse, la prise de médicament gastro-toxique (aspirine ou AINS), un antécédent de maladie hépatique ou de varices œsophagiennes, des vomissements ayant précédé l’hémorragie, une intoxication alcoolique, un traumatisme abdominal récent, un antécédent chirurgical sur le tube digestif ou sur l’aorte (prothèse aortique). - Examen physique L’examen abdominal recherche une hépatomégalie, des signes d’hypertension portale et d’insuffisance hépatocellulaire, une douleur épigastrique provoquée, une masse abdominale, la présence d’ascite, un anévrysme de l’aorte abdominale et des signes cutanés associés à une

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maladie hémorragique (hématome, purpura, télangiectasie). - Endoscopie haute (œso-gastro-duodénale) Elle doit être réalisée rapidement. En cas d’hémorragie active persistante malgré le lavage gastrique par la sonde gastrique, il peut être utile de perfuser de l’érythromycine (prokinétique) afin de favoriser l’évacuation des caillots résiduels et permettre une meilleure qualité de l’examen. L’endoscopie doit être réalisée en secteur de soins intensifs, en réanimation chez un malade conscient ou ventilé en cas de troubles de conscience après restauration d’un état hémodynamique correct. Le but de l’endoscopie est d’identifier la nature et le siège de la lésion responsable, d’évaluer le risque de poursuite ou de récidive hémorragique et d’effectuer si besoin un geste d’hémostase.

3.1.2 Causes des hémorragies digestives hautes

3.1.2.1 Ulcère gastrique ou duodénal Dans 10 à 30 % des cas, l’hémorragie révèle l’ulcère. La prise d’aspirine ou d’AINS favorise la survenue d’un ulcère et son saignement. Le traitement est celui de tout ulcère : inhibiteur de la pompe à protons, éradication d’Hp et arrêt des médicaments gastro-toxiques ou anti-coagulants. L’endoscopie permet le diagnostic de la maladie ulcéreuse et d’évaluer le risque de récidive du saignement en fonction de la classification de Forrest. Tableau 2 : classification de Forrest FORREST Type Risque de récidive Traitement

endoscopique I saignement actif I a : artériel

55%

oui

I b : veineux

oui

II saignement récent II a : vaisseau visible 40% oui II b : caillot adhérent 22% oui II c : tache noire

10% non

III pas de saignement

5% non

Lorsque le saignement est actif au moment de l’endoscopie ou s’il existe des signes prédictifs de récidive (vaisseaux visibles ou caillots adhérents), un geste d’hémostase endoscopique est indispensable. La technique consiste en une injection locale d’adrénaline et/ou d’agent sclérosant ou la réalisation d’une méthode thermique (coagulation bipolaire ou plasma argon), ou méthode mécanique avec mise en place de clips. Le traitement endoscopique permet l’arrêt du saignement dans près de 95 % des cas. En cas d’échec du traitement médical et endoscopique, une chirurgie d’hémostase est nécessaire. En cas d’ulcère gastrique, une excision suture de l’ulcère sera réalisée le plus souvent et en cas d’ulcère duodénal, une suture de l’ulcère et une ligature de l’artère gastro-duodénale ou une antrectomie enlevant l’ulcère avec vagotomie tronculaire et anastomose gastro-jéjunale sera réalisée.

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3.1.2.2 Rupture de varices œsophagiennes ou cardio-tubérositaires La rupture de varices œsophagiennes complique le plus souvent une hypertension portale liée à une cirrhose ( alcoolique, virale C ou B …). La mortalité immédiate est élevée (15 à 40 %) soit du fait de l’hémorragie, soit du fait d’une complication associée (encéphalopathie, insuffisance hépato-cellulaire, infection). Le risque de récidive hémorragique est fonction de la taille des varices œsophagiennes, et du degré d’insuffisance hépato-cellulaire. Un traitement médical vaso-actif intra-veineux par somatostatine (ou un analogue) ou glypressine permet l’arrêt de l’hémorragie dans 70 % des cas et de réaliser le traitement endoscopique dans de meilleures conditions. Ce traitement est maintenant pendant 2 à 5 jours. La glypressine est contre-indiquée en cas d’antécédents coronariens ou vasculaires. Le traitement endoscopique en urgence consiste à la mise en place de ligatures élastiques au niveau des varices œsophagiennes responsables du saignement. Dans certains cas, des injections sclérosantes (ætoxysclérol ou colle biologique en cas de varices cardio-tubérositaires seront utilisés). En cas d’échec des traitements médicaux et endoscopiques, une sonde à double ballonnet (sonde de Blackemore) permettant un tamponnement des varices pourra être proposée. Dans certains cas graves, la mise en place d’un shunt porto-cave sous forme d’une prothèse expansible introduite par voie trans-jugulaire (TIPS) peut être discutée. Une chirurgie de dérivation porto-cave en urgence est exceptionnelle en raison de sa mortalité très élevée. Une antibiothérapie prophylactique est systématique après traitement endoscopique d’une rupture de varices œsophagiennes. Après contrôle médical et/ou endoscopique d’une hémorragie digestive par rupture de varices œsophagiennes, une prévention de la récidive est nécessaire. Elle associe éradication des varices œsophagiennes par les techniques de ligature endoscopique et/ou sclérose à des médicaments béta-bloqueurs non cardio-sélectifs (propanolol, nadolol).

3.1.2.3 Gastropathie d’hypertension portale La gastropathie d’hypertension portale peut être responsable d’une hémorragie digestive par un saignement diffus. Dans ce cas, le traitement médical par un médicament intraveineux vaso-actif (glypressine ou dérivé de la somatostatine) permet l’arrêt du saignement. Dans certains cas, il existe une ectasie vasculaire à prédominance antrale dont le traitement nécessite la coagulation au plasma argon.

3.1.2.4 Syndrome de Mallory-Weiss Il s’agit d’une ulcération linéaire longitudinale survenant à la jonction entre l’œsophage et le cardia, au décours d’efforts de vomissements (grossesse, intoxication alcoolique aiguë). L’interrogatoire permet de suspecter le diagnostic avec la séquence vomissement non sanglant puis hématémèse. Le diagnostic endoscopique est aisé. L’hémorragie est rarement importante en dehors de troubles de la coagulation associés. Un geste d’hémostase endoscopique est parfois nécessaire.

3.1.2.5 Lésions aiguës ulcérées gastro-duodénales - lésions aiguës secondaires à la prise de médicaments gastro-toxiques (AINS, aspirine).

Ces ulcérations prédominent au niveau de l’estomac, elles sont multiples et parfois volumineuses. Le traitement repose sur l’arrêt du médicament incriminé, la prescription d’inhibiteur de la pompe à protons associé éventuellement à l’éradication d’Hp. Dans

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certains cas, un traitement hémostatique endoscopique est nécessaire. - Lésions aiguës de « stress ».

Elles surviennent chez les patients après une défaillance viscérale grave, sepsis sévère, chirurgie lourde (neuro-chirurgie, chirurgie cardio-vasculaire) et chez les grands brûlés. Il s’agit d’érosions superficielles multiples ou un aspect de gastrite diffuse congestive hémorragique. Le traitement repose sur la prescription d’inhibiteurs de la pompe protons et celui de la pathologie sous-jacente.

3.1.2.6 Oesophagite ulcérée hémorragique Les lésions ulcérées œsophagiennes peuvent rarement être à l’origine d’une hémorragie abondante.

3.1.2.7 Autres causes Principales causes des hémorragies digestives hautes Lésions Diagnostic Œsophage Varices (30 %)

Mallory-Weiss (10 %) Œsophagite, tumeurs*

Endoscopie œsogastroduodénale

Estomac Duodénum

Ulcères et ulcérations aiguës (35-50 %) Varices, gastropathie hypertensive Tumeurs Hernie hiatale (ulcère du collet) Ulcération simplex de Dieulafoy Tumeur de la Papille* Anévrisme aortique ou prothèse aortique fissuré dans D3

Endoscopie œsogastroduodénale

Foie, voies biliaires Hémobilie* (traumatisme, biopsie) Echographie Tomodensitométrie, Artériographie

Pancréas Tumeur* Kyste, faux-kyste

Echographie Tomodensitométrie

Tous les sites Angiome, angiodysplasies* Anévrisme artériel

Endoscopie œsogastroduodénale Artériographie

* Se manifestent plutôt par une hémorragie chronique.

3.2 HEMORRAGIES DIGESTIVES D’ORIGINE BASSE

3.2.1 Démarches diagnostiques Une hémorragie digestive d’origine basse (grêle, côlon, ano-rectum) est plus rarement abondante. Devant une hémorragie digestive basse avec retentissements hémodynamiques, il est nécessaire de rechercher une hémorragie du tractus digestif supérieur par la mise en place d’une sonde gastrique et la réalisation d’une endoscopie haute. Dans tous les autres cas, l’examen recherche d’abord une lésion ano-rectale avec réalisation d’un toucher rectal, examen proctologique et rectoscopie qui peuvent montrer une pathologie hémorroïdaire hémorragique, une tumeur rectale ou une rectite. Secondairement, après stabilisation hémodynamique et éventuellement transfusion, une coloscopie est réalisée après préparation orale par 4 l de PEG. En l’absence de cause identifiée à la coloscopie, une recherche de lésion

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du grêle pourra être réalisée (voir chapitre hémorragies inexpliquées).

3.2.2 Causes d’hémorragie digestive basse

3.2.2.1 Lésions anales Les hémorroïdes sont la cause la plus fréquente de rectorragies de faible abondance. Il s’agit d’une émission de petite quantité de sang rouge vif juste après la défécation. La découverte d’hémorroïdes, très fréquente, nécessite une exploration complémentaire par une coloscopie afin de ne pas méconnaître une tumeur recto-colique surtout chez le sujet de plus de 50 ans. Le traitement de la maladie hémorroïdaire peut nécessiter un traitement local par mise en place de ligatures élastiques, sclérose ou chirurgie (voir chapitre hémorroïdes).

3.2.2.2 Tumeurs colo-rectales Le cancer recto-colite est responsable de rectorragies le plus souvent minimes ou modérées. Les tumeurs bénignes pré-néoplasiques (adénome, tumeur villeuse) sont rarement responsables de rectorragies hormis pour les lésions les plus volumineuses (supérieures à 2 cm).

3.2.2.3 Les angiodysplasies coliques Elles sont une cause fréquente d’hémorragie récidivante après 60 ans. Ces malformations vasculaires siègent préférentiellement sur le côlon droit ou au niveau de l’intestin grêle. Lors de la coloscopie, un traitement par coagulation au plasma argon ou coagulation bipolaire est réalisée.

3.2.2.4 La colite ischémique C’est une cause fréquente d’hémorragie digestive du sujet âgé. Elle se manifeste par des rectorragies associées ou non à des douleurs abdominales. Endoscopiquement, l’aspect de la muqueuse colique est violacé, parfois ulcéré avec des intervalles de muqueuse saine. Le diagnostic est évoqué devant des facteurs de risque (cardiopathie ischémique, troubles du rythme cardiaque, chirurgie récente de l’aorte abdominale). Dans la majorité des cas l’évolution est spontanément favorable après mise au repos du tube digestif. Certaines formes graves entraînent une nécrose transmurale de la paroi colique et peuvent nécessiter une chirurgie d’exérèse.

3.2.2.5 Autres causes - L’ulcération thermométrique était auparavant une cause fréquente de rectorragies parfois abondantes. Le diagnostic est évoqué en cas de prise rectale de température. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’une ulcération de la face antérieure du rectum à la rectoscopie. L’hémorragie le plus souvent est spontanément régressive. En cas de persistance, un traitement endoscopique ou une suture chirurgicale peuvent être nécessaires. - Les diverticules coliques peuvent être responsables d’hémorragie basse abondante. Elles semblent favorisées par la prise d’aspirine et d’AINS. Leur responsabilité dans la survenue d’une hémorragie est difficile à affirmer en raison de la grande fréquence de la diverticulose. Elle ne sera retenue qu’après élimination d’autres causes ou visualisation d’un saignement d’origine diverticulaire lors de la coloscopie. Dans ce cas, un traitement endoscopique par sclérothérapie à l’adrénaline ou coagulation bipolaire peut être proposée. Dans certains cas,

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une artériographie mésentérique peut être utile pour localiser le saignement. Une colectomie segmentaire enlevant la zone sigmoïdienne peut être proposée en cas de récidive hémorragique si la zone diverticulaire responsable du saignement a été formellement identifiée. - Les maladies inflammatoires cryptogénétiques de l’intestin (rectocolite hémorragique et maladie de Crohn) peuvent être à l’origine de rectorragies isolées ou associées à des troubles du transit. Leur diagnostic repose sur la coloscopie associée à des biopsies (voir chapitre maladies inflammatoires intestinales). - La rectocolite radique peut être responsable d’origine récidivante, exceptionnellement massive. Elle survient au décours d’une irradiation abdomino-pelvienne (cancer de prostate par exemple). Le traitement repose sur une coagulation au plasma Argon des télangiectasies radiques rectales.

3.3 Absence d’hémorragie extériorisée

3.3.1 Choc hémorragique isolé Un choc inaugural sans extériorisation peut parfois révéler une hémorragie digestive massive. La mise en place d’une sonde gastrique et le toucher rectal doivent être réalisés pour rechercher l’hémorragie devant tout choc hypovolémique sans cause évidente.

3.3.2 Anémie ferriprive par saignement occulte Toute lésion du tractus digestif saignant de façon minime et chronique entraîne une anémie par carence martiale. L’anémie est microcytaire, hypochrome, arégénérative, avec sidérémie basse, saturation de la sidérophiline effondrée et capacité de fixation de la sidérophiline augmentée. La ferritinémie est basse. Une anémie doit faire rechercher un saignement chronique digestif, gynécologique ou une malabsorption du grêle. En fonction de l’interrogatoire, des signes fonctionnels et des facteurs de risque, une endoscopie haute puis basse doivent être réalisées.

3.4 Hémorragies digestives inexpliquées après endoscopie haute et coloscopie . Après une endoscopie haute et une coloscopie réalisées dans de bonnes conditions, si aucune cause n’a été identifiée, il faut rechercher une lésion du grêle (après élimination d’une cause pancréatique ou biliaire : wirsungorragie ou hémobilie). Les malformations artério-veineuses (angiodysplasies), sont responsables de la majorité des saignements d’origine grélique (60 %). Les tumeurs du grêle (adénocarcinome, lymphome, tumeur stromale) sont rares (10 % des causes) et surviennent surtout chez les sujets de moins de 60 ans. Le diverticule de Meckel est une cause rare chez l’adulte mais plus fréquente chez l’enfant et l’adulte jeune. Il s’agit d’une hémorragie par ulcération siégeant sur la muqueuse hétérotopique gastrique associée à un diverticule. La scintigraphie abdominale au pertechnetate met en évidence une fixation élective du traceur sur la muqueuse hétérotopique. Le traitement est chirurgical. En cas de suspicion d’hémorragie d’origine grélique, la stratégie diagnostique comporte une exploration radiologique de l’intestin grêle (entéro-scanner ou transit du grêle dont la rentabilité est faible). Actuellement, l’examen de référence est l’exploration endoscopique complète du grêle par la vidéo-capsule endoscopique dont l’utilisation est en pleine

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expansion. En cas de lésion identifié par la vidéo-capsule endoscopique, un traitement endoscopique peut être proposé par une entéroscopie poussée ou à double ballon. Ces malformations artério-veineuses, si elles sont accessibles, seront coagulées endoscopiquement. Dans certains cas, le recours à une chirurgie avec entéroscopie per opératoire est nécessaire. En cas d’hémorragie abondante, une artériographie mésentérique permet de localiser le traitement et dans certains cas, de le traiter par embolisation sélective.

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Pathologie hémorroïdaire Christophe Cellier

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou Objectifs (question N° 273 du programme officiel) • Diagnostiquer une pathologie hémorroïdaire. • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

1 DEFINITION La maladie hémorroïdaire résulte de complications liées aux dilatations veineuses normales sous-muqueuses (hémorroïdes internes) ou sous-cutanées (hémorroïdes externes). Il n’existe pas de parallélisme anatomo-clinique, c’est à dire que la taille et l’aspect du réseau hémorroïdaire ne préjugent pas des symptômes qui peuvent survenir.

2 MANIFESTATIONS CLINIQUES Les manifestations cliniques liées aux plexus hémorroïdaires internes associent à divers degré une procidence anale, des douleurs et/ou des saignements. La procidence peut être permanente ou ne survenir qu’au moment des efforts de poussée de la défécation. La muqueuse de la région suspectinéale peut induire des suintements et être visible lors de l’examen clinique. Les douleurs anales sont à type de tension ou de brûlures : la gêne est intermittente et peut se reproduire par périodes de quelques jours (crises hémorroïdaires). Dans certains cas, un prurit anal est associé à la maladie hémorroïdaire. Les plexus hémorroïdaires externes (et plus rarement les plexus internes) peuvent être le siège d’une thrombose intra-vasculaire entraînant une symptomatologie douloureuse aiguë (thrombose hémorroïdaire).

3 EXAMEN PROCTOLOGIQUE L’examen peut être fait en position genu-pectoral ou en décubitus latéral gauche. Il comporte une inspection de la marge anale en écartant les plis radiés pour exposer les zones cutanées lisses de l’anus. Un toucher rectal est réalisé en utilisant un gel contenant un anesthésique local pour lubrifier le canal anal. Une anuscopie ou une rectoscopie sont réalisées dans un second temps. Celles-ci permettent de préciser la présence d’hémorroïdes internes, d’éliminer une fissure anale ou une tumeur du canal anal. Chez le sujet de plus de 50 ans, ou en présence d’antécédents familiaux de cancer colo-rectal, il est indispensable de réaliser une coloscopie afin de ne pas méconnaître une pathologie tumorale colo-rectale. Les hémorroïdes internes peuvent être classées en quatre stades :

• grade I : hémorroïdes internes congestifs non procidentes • grade II : procidence à la poussée et réintégration spontanée • grade III : procidence à la poussée et nécessité de réintégration digitale • grade IV : procidence permanente non réductible.

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4 DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

4.1 Fissure anale Le principal signe fonctionnel de la fissure est une douleur à type de brûlure, déclenchée ou accentuée par le passage de la selle et qui persiste parfois pendant plusieurs heures après la défécation. Elle est liée à une contracture douloureuse du sphincter anal interne. Les signes associés peuvent être une constipation d’évacuation, des saignements, un prurit. Le déplissement des plis radiés de l’anus permet de voir la fissure en forme de raquette à bord net, à peine surélevée dans les fissures récentes, à fond rouge. Au stade de fissure chronique, le bord s’épaissit en arrière pour former un capuchon mariscal. Le toucher rectal peut être douloureux en raison de la contracture sphinctérienne réflexe. La fissure siège en général au pôle postérieur de l’anus, parfois au pôle antérieur chez la femme. Toute fissure d’aspect inhabituel, indolore, de localisation latérale, remontant dans le canal anal au-dessus de la ligne pectinée, ou associée à une adénopathie inguinale est suspecte. Elle doit faire pratiquer des prélèvements ou des explorations complémentaires visant à identifier une localisation anale de maladie de Crohn, une infection vénérienne ou néoplasique enfin une tuberculose.

4.2 Autres causes de rectorragies d’allure hémorroïdaire La maladie hémorroïdaire, bien qu’étant la cause de loin la plus fréquente ne doit être retenue qu’après avoir éliminé les autres causes et en particulier les tumeurs rectocoliques. Une coloscopie est toujours à envisager surtout après l’âge de 50 ans. Les autres causes proctologiques sont plus rares : fissure anale, excoriation cutanée par grattage, ulcération thermométrique, rectite (inflammatoire, infectieuse, ou iatrogène par prise de suppositoires d’AINS ou après radiothérapie), carcinome épidermoïde de l’anus.

4.3 Prurit anal Il s’agit d’un symptôme fréquent. Le besoin de grattage se produit le plus fréquemment au coucher. Il peut gêner le sommeil, ou survenir durant celui-ci. Le prurit anal est responsable de lésions de grattage qui aggravent le prurit et qui sont à l’origine de tache de sang ou de suintements tachant le linge ou la papier toilette. Dans la plupart des cas, aucune cause locale ou générale n’est retrouvée. Il est nécessaire d’éliminer une oxyurose et de rechercher les œufs par la méthode du scotch-test. On retrouve à l’examen de la marge anale des excoriations, parfois une lichénification sous la forme d’un épaississement cutané blanchâtre de la marge anale. Le traitement comporte l’utilisation d’un savon gras, le port de sous-vêtements en coton, l’utilisation d’un papier toilette doux par tamponnement plutôt que frottement et une régularisation du transit si celui est perturbé. Le traitement local est à base de topique associant dermo-corticoïdes, antibiotiques ou anti-mycosiques.

4.4 Autres lésions spécifiques Les plus fréquentes sont les lésions ano-périnéales de la maladie de Crohn (voir chapitre maladies inflammatoires intestinales) et le carcinome épidermoïde de l’anus.

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Les principaux symptômes de pathologies anales à évoquer en fonction des symptômes sont résumés dans le tableau suivant : Symptômes Diagnostics Saignement Hémorroïdes

Fissure anale Tumeur

Douleur

Fissure anale Thrombose hémorroïdaire Abcès Tumeur MST Trouble de la statique pelvienne Proctalgie idiopathique

Tuméfaction de la marge

Hémorroïdes : procidence, thrombose, marisque Abcès Tumeur Prolapsus rectal Condylomes acuminés (papillomes)

Suintement clair ou fécal

Procidence hémorroïdaire Prolapsus rectal Dermatose de la marge anale Incontinence anale

Ecoulement purulent Fistule anale et autres suppurations MST (gonococcie)

Prurit

Dermatose de la marge anale (eczéma) Oxyurose Incontinence anale Idiopathique

5 TRAITEMENT DE LA MALADIE HEMORROÏDAIRE Les hémorroïdes symptomatiques ou peu symptomatiques ne nécessitent aucun traitement. Lorsque les symptômes sont peu invalidants, ou intermittents, une régularisation du transit par des laxatifs doux et des topiques (suppositoires, pommades et crèmes) à base de spasmolytiques, de corticoïdes et d’anesthésiques est généralement suffisante. En cas de procidence modérée (grade I à III) et/ou de saignements fréquents, il est habituel de proposer des techniques instrumentales : injections sclérosantes, photocoagulation infra-rouge ou surtout ligature élastique des paquets hémorroïdaires. L’hémorroïdectomie chirurgicale est proposée aux échecs des techniques instrumentales et aux formes très évoluées. L’efficacité des veinotoniques et d’autres techniques instrumentales (congélation, coagulation) n’est pas établie. En cas de thrombose hémorroïdaire à la phase aiguë, le traitement antalgique consiste en la prise orale ou en suppositoires d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, des topiques anesthésiques locaux et/ou une excision du caillot à la période douloureuse.

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Syndrome occlusif Anne Berger

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou

Objectifs (question N0 217 du programme officiel) • Diagnostiquer un syndrome occlusif. • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.

Les occlusions intestinales se définissent par une interruption du transit intestinal. Plus que leur siège sur le grêle ou le côlon, c’est la physiopathologie qui commande l’évolution des symptômes, tant cliniques que radiologiques, et donc le diagnostic et la stratégie thérapeutique des multiples variétés d’occlusions. Trois mécanismes peuvent créer une occlusion :

• l’intestin bouché : obstruction • l’intestin étranglé : volvulus ou strangulation • l’intestin paralysé : occlusion inflammatoire fonctionnelle ou paralytique.

Chacun de ces mécanismes peut porter sur le grêle ou sur le côlon seul ou sur les deux en même temps. Quatre symptômes (classique carré de l’occlusion) constituent le point commun de tous les syndromes occlusifs. Ils s’agencent de façon variable en fonction des différents mécanismes et des différentes causes de l’occlusion.

1) les douleurs abdominales 2) les vomissements 3) l’arrêt des matières et des gaz 4) le météorisme abdominal,

Face à un syndrome occlusif, il est urgent de répondre aux questions suivantes :

• s’agit-il d’une occlusion intestinale aiguë ? • cette occlusion est-elle organique ou fonctionnelle ? • quel est son siège et plus encore, quelle est la lésion en cause ? • existe t’il un mécanisme de strangulation exposant rapidement au risque d’ischémie

irréversible et de perforation intestinale ? • doit-on opérer en urgence ou peut-on, au moins en première intention envisager, un

simple traitement médical ? En pratique, il faut :

- savoir reconnaître le syndrome occlusif - savoir apprécier les conséquences locales et générales de l’occlusion - reconnaître le niveau et le mécanisme d’occlusion

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- débuter le traitement médical et poser une éventuelle indication chirurgicale.

1 TABLEAU CLINIQUE « TYPE »

1.1 Clinique : Le diagnostic clinique repose sur quatre signes principaux : (classique carré de l’occlusion) :

1.1.1 Douleurs abdominales : C’est habituellement le premier signe et cette douleur est constante. Les caractères varient selon le mécanisme de l’obstacle, son début peut être brutal ou progressif en fonction de l’étiologie. Il peut s’agir de crises paroxystiques intermittentes traduisant le péristaltisme intestinal exacerbé en amont de l’obstacle.

1.1.2 Vomissements : Réflexes au début, ils sont caractéristiques lorsqu’ils sont abondants, traduisant une intolérance gastrique totale. Précoces dans les occlusions hautes, ils sont plus tardifs dans les occlusions basses. Ils sont alimentaires, bilieux puis fécaloïdes.

1.1.3 Arrêt des matières et des gaz : C’est le symptôme essentiel et c’est lui qui définit le syndrome occlusif. Il peut être difficile à mettre en évidence dans les occlusions par obstruction. Une diarrhée brutale n’est pas un argument contraire au diagnostic. Elle correspondrait à l’évacuation de l’intestin sous l’obstacle, contemporaine de l’installation de l’occlusion. Il faut rechercher le retentissement sur l’état général à l’examen clinique par la soif, l’oligurie, l’accélération du pouls (signe de déshydratation).

1.1.4 Météorisme abdominal A l’inspection, recherche de cicatrice de laparotomie, l’abdomen est-il plat ou météorisé (fonction du siège d’occlusion). Ce météorisme est d’autant plus important que l’obstacle est bas situé. Il traduit la dilatation du côlon et ou du grêle avec des anses pleines de liquide. Existe t‘il des mouvements péristaltiques ? A la palpation, il y a en théorie pas de défense ni contracture, la présence d’une douleur ou d’une défense est un signe de gravité. A l’auscultation, le météorisme peut–être immobile et silencieux en faveur d’une strangulation, La présence de bruits hudro aériques témoignent de la lutte du tube digestif contre un obstacle. A la percussion, il existe habituellement un tympanisme (anses pleines de liquide). Les touchers pelviens sont habituellement normaux (rechercher un fécalome, une tumeur à bout de doigt). Les orifices herniaires sont libres en l’absence de hernie étranglée.

1.2 Examens complémentaires :

1.2.1 Radiologie standard : Trois clichés d’abdomen sans préparation (ASP) sont demandés • Le cliché d’ASP face, debout met en évidence les images qui caractérisent une occlusion

intestinale : image hydro-aérique faite de niveaux liquides horizontaux, surmontés d’une

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bulle ou d’un arceau clair (gaz), témoin de la distension gazeuse et liquidienne. • Le cliché d’ASP face, couché apprécie le calibre des anses, l’aspect du plissement

muqueux, l’épaisseur, et la topographie des images comme sur le cliché debout. • Le cliché d’ASP centré sur les coupoles doit éliminer un pneumopéritoine qui traduirait

une complication de l’occlusion (perforation). Les niveaux hydro-aériques en fonction de l’aspect de leur topographie orientent vers une occlusion du grêle ou du côlon :

Dans les occlusions du grêle, ils sont nombreux de petite dimension indépendant les uns des autres, réalisant des images en terrasse plus larges que hautes, en position médio-abdominale dont les contours sont dessinés par les valvules conniventes. Il n’y a pas de distension colique associée. Cependant, lorsque la dilatation du grêle est essentiellement liquidienne, les images hydro-aériques peuvent être totalement absentes et l’ASP uniquement opaque, faussement rassurant. Dans les occlusions coliques, les clichés simples mettent en évidence une importante distension gazeuse du cadre colique, dont les haustrations sont souvent nettes, entourant les anses grêles sous forme d’images hydro-aériques périphériques, peu nombreuses, plus hautes que larges. L’ampoule rectale (sauf dans certaines colectasies) n’est pas distendue et l’image du segment colique distendu le plus distal permet de présumer du siège de l’obstacle organique en cause. Sur les clichés d’Abdomen sans préparation, on recherche également :

- l’absence d’air, en aval de l’occlusion - l’absence de pneumopéritoine (qs) - les signes d’épanchement intra-péritonéal (grisaille diffuse, anses cernées).

1.2.2 Echographie abdominale : Cet examen est peu réalisé en pratique, car il est habituellement rendu difficile par la distension et/ou la présence de liquide dans les anses.

1.2.3 Tomodensitométrie abdomino-pelvienne : Le scanner abdomino-pelvien avec injection est aujourd’hui l’examen clé dans l’occlusion intestinale aiguë, dès lors que la sémiologie clinique n’impose pas une intervention chirurgicale d’emblée. Le scanner réalisé est initialement sans injection (passage à blanc) puis avec injection s’il n’existe pas d’insuffisance rénale. Il est souvent couplé à un lavement aux hydrosolubles (intérêt dans les occlusions coliques). • Occlusions du grêle : Cet examen permet le diagnostic d’occlusion par simple bride lorsqu’il existe une variation brutale de calibre (syndrome jonctionnel entre deux segments de grêle), le segment proximal étant fait d’anses dilatées à plus de 2,5 cm de diamètre, le segment distal de l’anse grêle et d’un cadre colique collabé. Le diagnostic scannographie d’occlusion par bride simple reste cependant un diagnostic d’élimination, l’obstacle lui-même n’étant pas visible, ce diagnostic est plus difficile à poser lorsque la zone de transition entre les deux segments intestinaux est progressive. Les signes scannographiques de souffrance ischémique du grêle, évocatrice d’un volvulus se voient nettement au niveau des vaisseaux mésentériques qui sont étirés, convergeant vers le site de torsion (signe du tourbillon ou Whirl sign). La souffrance intestinale se manifeste par un épaississement pariétal, circonférentiel marqué (> 3 mm) au niveau des anses distendues,

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avec un aspect de rehaussement en able ou en halo après injection du produit de contraste, un engorgement des vaisseaux mésentériques et la présence non spécifique d’un épanchement liquidien intra-péritonéal. Un infarctus intestinal sévère se traduit par une prise de contraste pariétale intense, une pneumatose pariétale, des anses à contours flous, une infiltration du mésentère, voire une aéroportie. • Occlusions coliques : Le scanner est utilement complété par un lavement (air, produits hydro-solubles ou eau) sous faible pression. Dans l’occlusion pour cancer colique, il met en évidence sur le cadre colique, une sténose courte, excentrée, irrégulière, se réhaussant souvent après injection de produit de contraste et sans remaniement important de la graisse péri-colique. L’analyse du cadre colique d’amont distendu, notamment du caecum, permet de rechercher des signes d’ischémie colique, voire de perforation diastatique débutante (pneumopéritoine, bulles extra-digestives). Le scanner permet en outre de détecter d’emblée l’existence d’adénopathies satellites de la tumeur, de lésions hépatiques évocatrices de métastases ou encore de carcinose péritonéale. L’occlusion par sigmoïdite diverticulaire chronique se traduit au contraire par une longue sténose inflammatoire et symétrique avec des remaniements péricoliques importants, associés ou non à la présence de diverticule. L’occlusion par volvulus colique est facilement identifiable et le scanner permet à la foie de mettre en évidence la torsion du méso-côlon et des pédicules vasculaires et d’analyser la vitalité du segment colique volvulé.

2 OCCLUSIONS FONCTIONNELLES L’interruption d’un péristaltisme (sans obstacle mécanique) sur un segment même limité de l’intestin grêle, peut aboutir à un arrêt du transit et donc à une occlusion. Dans les occlusions fonctionnelles, il n’y a donc pas d’obstacle, la vascularisation intestinale n’est pas compromise, il faut en traiter la cause pour guérir l’occlusion. Les étiologies sont multiples :

2.1 Occlusions réflexes Ces occlusions surviennent en réaction à des syndromes douloureux abdominaux, le type même en est la banale distension abdominale de la colique néphrétique qui peut faire errer le diagnostique. Il importe de ne pas se laisser abuser par la réaction occlusive et d’identifier la cause véritable de la douleur. Ayant compris que le syndrome occlusif n’est que fonctionnel et réactionnel, il importe d’en traiter la cause, l’intestin reprendra alors spontanément sa fonction. Ces occlusions réflexes sont observées également dans la pathologie traumatologique du bassin : (fracture du rachis, du bassin) ou présence d’un hématome rétro-péritonéal. A l’ASP, le météorisme est essentiellement aérique, généralisé à tout le grêle avec présence d’air également dans le côlon. Il s’agit donc d’un météorisme global.

2.2 Occlusions inflammatoires Au contact d’un abcès, d’une lésion inflammatoire péritonéale, le grêle gêné s’immobilise.

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En amont de cette interruption du péristaltisme, obstacle fonctionnel qui peut être aussi efficace qu’une obstruction mécanique, la stase rétrograde apparaît et progresse tant que la cause infectieuse subsiste. Le tableau le plus typique des occlusions inflammatoires fébriles spontanément est représenté par l’appendicite méso-caeliaque. Placée au milieu de l’étage sous-mésocolique, derrière les anses grêles, l’appendicite méso-caeliaque paralyse l’iléon qui le recouvre. Il s’agit donc d’un tableau bâtard, associant la sémiologie de l’occlusion du grêle, une douleur abdominale souvent modérée mais persistante et permanente et des syndromes infectieux (fièvre…). On peut rapprocher de ce tableau des phénomènes analogues à proximité d’un pyosalpinx, d’une pancréatite aiguë (anse sentinelle), ou d’une sigmoïdïte diverticulaire.

2.3 Occlusions par inertie Il s’agit plus d’un trouble moteur que d’une occlusion. • Les pseudo-obstructions intestinales primitives ou secondaires à des affections

neuromusculaires se manifestent par des épisodes occlusifs itératifs. Le diagnostic est porté après exclusion d’un obstacle intrinsèque ou extrinsèque. Le diagnostic est difficile chez des sujets déjà opérés où le tableau clinique peut être dû soit à des troubles moteurs soit une bride.

• Le syndrome d’Ogilvie est une inertie colique aiguë survenant chez un sujet âgé dans un contexte de polypathologie. Le côlon est distendu dans sa totalité. Le scanner avec lavement aux hydrosolubles confirme l’absence d’obstacle et provoque parfois une vidange colique (effet laxatif). Le traitement habituel est la colo-exsufflation par endoscopie doit être réalisée en urgence pour éviter une perforation diastatique d’amont.

• Nous citerons également toutes les occlusions souvent coliques dues à des troubles métaboliques, les prises médicamenteuses, en particulier les neuroleptiques.

3 OCCLUSIONS MECANIQUES

3.1 Occlusions par obstruction Les occlusions par obstruction résultent du rétrécissement puis de l’occlusion complète de la lumière intestinale par une formation tumorale pariétale le plus souvent maligne. Il peut s’agir également d’une compression extrinsèque par exemple d’un adénocarcinome ovarien avec carcinose péritonéale, qui est responsable d’une obstruction souvent au niveau du sigmoïde.

3.1.1 Douleurs : Les douleurs abdominales sont la conséquence de l’hyperstaltisme du segment situé en amont de l’obstacle. Ces douleurs sont concomitantes des ondulations péristaltiques que l’on discerne à jour frisant chez un sujet maigre. L’interrogatoire pourra retrouver des épisodes sub-occlusifs antérieurs, marqués par de telles douleurs et soulagés par l’apparition de borborygmes indiquant la vidange au moins partielle de l’intestin distendu A l’auscultation, ces périodes douloureuses s’accompagnent de bruits hydro-aériques nombreux qui confirment la persistance du péristaltisme exacerbé. La palpation abdominale ne perçoit aucune défense. Elle peut être désagréable en regard du segment d’amont distendu et déclenché des ondes péristaltiques douloureuses.

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3.1.2 Vomissements Ils sont dus aux sécrétions intestinales accumulées en amont de l’obstacle. Ces vomissements sont initialement alimentaires bilieux puis fécaloïdes. Leur caractère fécaloïde est inconstant mais spécifique de l’occlusion intestinale. Puisqu’en cas d’obstruction, la stase d’amont s’accumule de façon progressive et rétrograde, il est évident que plus l’obstacle est haut situé et plus cette stase parviendra tôt à l’estomac, provoquant des vomissements précoces. Ce sera l’inverse en cas d’occlusion basse colique. Ces vomissements et l’accumulation de liquide dans l’intestin (création d’un troisième secteur) peuvent entraîner une déshydratation extra-cellulaire avec oligurie, hypotension artérielle et trouble de la conscience. Ils imposent alors une réanimation urgente avant tout geste chirurgical.

3.1.3 Arrêt des matières et des gaz : Il apparaît après la vidange du segment en aval de l’obstacle devenu complet. Ce maître symptôme est donc précoce dans les occlusions basses (côlon) et tardif dans les occlusions hautes (grêle).

3.1.4 Météorisme : Il exprime l’accumulation rétrograde des sécrétions intestinales dans le segment d’amont qui se distend. Il a une expression à la fois clinique et radiologique. • Expression clinique : La distension abdominale est d’autant plus marquée que

l’occlusion est plus ancienne et qu’il existe une rétention plus volumineuse en amont de l’obstacle. Le caractère spécifique de ce météorisme est de siéger sous une paroi souple, d’être sonore à la percussion (à l’inverse de la matité d’une ascite), animé d’épisodes d’ondulilations péristaltiques visibles à l’inspection et jour frisant, et de s’accompagner de bruits hydro-aériques à l’auscultation. Sa topographie dépend du siège de l’obstacle, au moins au début lorsque la rétention n’est pas généralisée à tout l’intestin d’amont en cadre sur le pourtour de l’abdomen en cas de rétention colique, centrale avec des ondulations péristaltiques bien visibles en cas de rétention siègeant sur le grêle.

• Expression radiologique : Sur les clichés d’abdomen sans préparation debout et couché de face, il est possible d’analyser l’organisation et la topographie de la rétention intestinale en amont de l’obstacle. Cette rétention est composée à la fois d’air et de liquide et siège aux segments intestinaux distendus. Grâce aux deux incidences de face, couché et debout, il est possible d’identifier la topographie de chacun des niveaux liquides. Debout de Face : Ces segments apparaissent du fait de la pesanteur comme une série de niveaux liquides horizontaux blancs sur le négatif radiologique, surmonté d’une distension gazeuse noire sur les clichés radiologiques. Le contraste gazeux permet de distinguer sur les clichés de bonne qualité, une véritable mucographie du segment distendu par cette bulle gazeuse. Le grêle est identifiable par un plissement muqueux fait de plis parallèles assez rapprochés, réguliers et qui vont d’un bord à l’autre de la paroi. Le côlon au contraire est connaissable à ses haustrations qui forment des plis incomplets, épais, espacés et disposés en quinconce d’une paroi par rapport à l’autre. Les niveaux sur le grêle sont disposés de façon ordonnée comme seraient les marches d’un escalier, montant de la fosse iliaque droite (valvule de Bauhin) à l’hypochondre gauche (angle duodéno jéjunal), en position centrale et plus larges que hauts. Les niveaux coliques encadrent l’abdomen et sont souvent plus hauts que larges.

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Face couché, on ne voit pas les niveaux liquides mais la mucographie gazeuse des segments distendus y est habituellement encore plus lisible que sur les clichés debout.

3.1.5 Stratégie diagnostique : • L’interrogatoire recherche :

- épisodes d’occlusions antérieurs - des rectorragies - une modification récente du transit - un amaigrissement.

Il précise les caractères des quatre symptômes du carré de l’occlusion. • A l’examen clinique, il faut systématiquement rechercher :

- des cicatrices abdominales - palper les origines herniaires - réaliser un toucher rectal.

• Les examens complémentaires comportent systématiquement un bilan biologique (retentissement hydro-électrolytique, rénal, bilan préopératoire…) et des clichés d’ASP. La tomodensitométrie avec opacification par voie basse complète souvent ces explorations.

3.1.6 Stratégie thérapeutique : Il s’agit d’une urgence médico-chirurgicale. • Prise en charge médicale :

- mise en place d’une sonde d’aspiration gastrique - perfusion avec compensation des pertes par la sonde gastrique - sonde vésicale pour apprécier les entrées et sorties, si besoin

Cette réanimation courte et adaptée ne doit en aucun cas retarder l’intervention chirurgicale. • Prise en charge chirurgicale : L’intervention chirurgicale a pour but essentiel d’identifier l’obstacle, de réduire la distension d’amont et de permettre le retour d’un transit libre. La voie d’abord utilisée est classiquement une médiane à cheval sur l’ombilic, la voie d’abord coelioscopique se discute au cas par cas. Le geste chirurgical est adapté à l’étiologie (si tumeurs, résection…)

3.1.7 Causes les plus fréquentes : • grêle : tumeur du grêle ou du caecum ; sténose d’une maladie de Crohn, ou d’un grêle radique ; iléus biliaire (lithiase biliaire issue de la vésicule via une fistule vésiculo-intestinale bloquée au niveau de la valvule iléo-caecale) ; corps étranger (bézoard du grêle, parasites) • côlon : tumeur colique ; sténose inflammatoire (Crohn, sigmoïdite, intestin radique) ; corps étranger (rare)

3.2 Occlusions par strangulation Contrairement à l’obstruction, l’obstacle intestinal est ici extrinsèque. L’intestin grêle s’étrangle (strangulation) selon deux mécanismes : - incarcération d’une anse soit dans une brèche péritonéale au contact d’une bride post-opératoire qui forme une sorte de lasso autour de l’anse grêle. Plus rarement, l’absence d’antécédent chirurgical, l’anse grêle peut s’incarcérer dans une fossette congénitale. - volvulus ou torsion d’une anse grêle. Le contexte est le même que précédemment, une bride

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post-opératoire va provoquer la torsion d’une ou plusieurs anses intestinales avec leur méso. La menace engendrée par la strangulation est la même que celle d’une hernie étranglée. Ce n’est pas l’occlusion intestinale, mais bien la menace beaucoup plus rapidement évolutive qu’elle fait peser sur la vitalité des anses étranglées qui est prédominante. Cette menace est avant tout vasculaire puisque les mésos sont étranglés en même temps que l’anse intestinale. Au niveau de l’agent d’étranglement (bride ou spire du volvulus) les veines sont comprimées, d’où l’œdème et l’hypersécrétion au niveau de l’anse prisonnière. L’anse étranglée ne pouvant évacuer son contenu, elle se distend et accumule gaz et sécrétions liquides, ce qui a pour effet d’augmenter la striction et de majorer l’ischémie. Ainsi tout le danger comme tous les symptômes sont conditionnés par la souffrance de l’anse prisonnière dont la distension engendre un cercle vicieux.

3.2.1 Le plus caractéristique de ces tableaux est celui de la strangulation d’une anse grêle sur une bride post-opératoire.

3.2.1.1 Description • La douleur débute brutalement et est très intense, fixe permanente, sans répit d’intensité

croissante et est située au niveau de l’étranglement.²C’est donc une douleur bien différente des obstructions.

• Les vomissements, produits de l’hypersécrétion, gastrique et intestinale, réflexe engendrée par la douleur abdominale, sont habituellement précoces. Ils ne ressemblent donc en rien à la régurgitation d’une stase rétrograde.

• L’arrêt des matières et des gaz correspond à l’arrêt du péristaltisme intestinal engendré par la souffrance de l’anse et peut être remplacé au début par une diarrhée réflexe.

• Le météorisme : Expression clinique : Le météorisme a lui aussi des caractères très différents du météorisme des obstructions. Il se limite à l’anse étranglée. Il peut être indécelable si l’anse étranglée n’est qu’un court segment intestinal. Il s’agit alors d’une occlusion à ventre plat réputé pour sa gravité. L’absence de météorisme pourrait, bien à tort, tranquillisé le praticien. La présence d’une cicatrice et les autres éléments du carré de l’occlusion imposent des clichés d’ASP, qui seuls pourront confirmer le diagnostic. Le météorisme peut être volumineux lorsque l’étranglement affecte plusieurs anses intestinales. Le météorisme a alors la forme d’un ballon (de Von Wahl) tympanique et immobile (absence d’ondulsations péristaltiques et silence à l’auscultation). Tympanisme et immobilité sont des constatations qui à elles seules permettent de faire le diagnostic de strangulation. Expression radiologique : La distension hydro-aérique siège sur l’ASP au niveau de l’anse prisonnière. Vue tôt et en cas d’anse prisonnière, tout peut donc se résumer à la présence de niveaux jumeaux dont l’image hydrique s’effile et se rapproche au pied de l’anse étranglée et donc la mucographie aérienne permet d’affirmer qu’il s’agit de grêle. En cas de paquets d’anses étranglées, il s’agit d’une grappe de niveaux liquides isolés sur un cliché par ailleurs normal. De telles images chez un malade douloureux et porteur d’une cicatrice suffisent au diagnostic et imposent l’intervention chirurgicale.

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3.2.1.2 Stratégie diagnostique : • L’interrogatoire recherche la notion d’intervention abdominale antérieure quel que soit le délai. • Réalisation d’examens complémentaires : bilan pré-opératoire et radiologie (ASP, discuter scanner avec lavement).

3.2.1.3 Stratégie thérapeutique : L’urgence est chirurgicale. • Prise en charge médicale :

- mise en place d’une sonde d’aspiration gastrique - perfusion avec compensation des pertes par la sonde gastrique - sonde vésicale si besoin pour apprécier les rentrées et les sorties

Cette réanimation courte et adaptée ne doit en aucun cas retarder l’intervention chirurgicale • Prise en charge chirurgicale : Elle est liée non pas à l’interruption du transit mais à la nécessité de lever la strangulation avant que la vitalité de l’anse étranglée ne soit compromise et oblige à la résection. Ici encore la prise en charge est médico-chirurgicale. Si on arrive à temps, l’anse ou les anses intéressées sont encore roses et ses parois manifestement encore viables. La section de la bride de l’agent d’étranglement ou la détorsion d’un volvulus lui rendront rapidement une bonne coloration. On vérifiera particulièrement la vitalité au niveau du sillon de strangulation. Inspection générale de l’abdomen, recherche d’autres brides qui pourraient former des pièges ultérieurs et la viscérolyse complète est systématique. Si on arrive plus tard, l’anse étranglée est violette et sa paroi amincie. Toute anse manifestement nécrosée sera réséquée en passant en zone saine et la continuité sera rétablie dans le même temps en l’absence de péritonite associée. Lorsque la vitalité de l’anse est incertaine, après section de l’agent d’étranglement, la ou les anses suspectes seront réévaluées après plusieurs minutes et immersion de celles-ci dans du sérum chaud. Les critères de récupération sont la réapparition de battements de bonne qualité. L’aspect est veineux, l’aspect pariétal (tout particulièrement au niveau du sillon de strangulation). Dans le doute, mieux vaut une résection surtout si elle est limitée, que la réintégration d’une anse douteuse risquant de se nécroser en post-opératoire. Dans les cas où l’étranglement intéresse une grande longueur de grêle, il peut se discuter une conservation même incertaine avec une réévaluation 48 heures plus tard.

3.2.2 Volvulus du côlon pelvien : Ce volvulus survient chez les sujets âgés souvent constipés chroniqueset porteur d’un dolicho-méga-côlon dont la boucle présente comporte deux pieds très rapprochés. La proximité des pieds de l’anse sigmoïde peut être constitutionnelle ou accentuée par la fibrose acquise avec l’âge, qui rétractent les mésos. Cette longue anse lourde au pédicule étroit ne demande qu’à pivoter sur ce pédicule. Cette spire au pied du méso ferme la lumière de l’anse et serre le méso. Elle n’est pas toujours très serrée au départ, d’où la possibilité de pouvoir traiter l’occlusion en urgence sans intervention chirurgicale.

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• Expression clinique : Il s’agit souvent d’un sujet âgé de plus de 50 ans, constipé chronique, hospitalisé pour douleurs et arrêt des matières et des gaz et météorisme abdominal général impressionnant. A l’interrogatoire, on retrouve souvent des épisodes identiques spontanément résolutifs. Il n’y a pas toujours de vomissement au début. Le début des troubles a pu être brutal ou relativement progressif. La douleur établie est fixe et souvent modérée. Le météorisme est volumineux, immobile, tympanique et muet à l’auscultation. Chez le sujet maigre, il dessine typiquement la voussure d’un ballon elliptique dont le grand axe est oblique de la fosse iliaque gauche jusqu’à l’hypochondre droit. Le toucher rectal perçoit une ampoule rectale vide. Il n’y pas de cicatrice et les orifices herniaires sont libres. • Expression radiologie : L’Abdomen sans préparation montre l’image de l’énorme anse sigmoïdienne occupant obliquement l’abdomen, distendue par les gaz. Souvent deux niveaux liquides jumeaux sont visibles dans la fosse iliaque gauche au pied de l’anse volvulée. • Prise en charge thérapeutique : Un lavement aux hydrosolubles ou plus souvent actuellement un scanner avec lavement aux hydrosolubles permet d’affirmer le diagnostic, parfois dévolvuler l’anse par la simple pression du lavement. Il montre au dessus de la charnière recto-sigmoïdienne un obstacle dont l’image effilée évoque immédiatement celle d’un tour de spire. Le lavement peut franchir cette spire de torsion, avec passage du produit de contraste dans l’anse sus-jacente distendue. Si le volvulus n’est pas détordu, il faut mettre en place un tube de Faucher (sonde rectale longue) qui permet le plus souvent de franchir l’obstacle avec issue d’une débâcle de gaz. En cas d’échec, l’anse peut être dévolvulée sous endoscopie. En cas d’échec de cette manœuvre, l’intervention chirurgicale s’impose en urgence pour réaliser une sigmoïdectomie sans rétablissement immédiat de la continuité dans ce contexte.

3.3 Occlusion par invagination

3.3.1 Définition et mécanisme : L’invagination ou intussuception résulte de la pénétration d’un segment intestinal et de son méso dans le segment intestinal d’aval. Une fois amorcé, le péristaltisme ne peut que tendre à augmenter la longueur de cette invagination. Le boudin d’invagination comporte donc de dehors en dedans un cylindre constitué par l’intestin d’amont, un cylindre intermédiaire constitué par la paroi retournée du segment d’aval et un cylindre contenu constitué par l’intestin d’amont et son méso qui a avalé le segment d’amont. La plus fréquente des invaginations est iléo-colique droite. Elle est spontanée chez le nourrisson. Chez l’adulte, il existe presque toujours une tumeur à la tête du boudin d’invagination qui a permis au péristaltisme d’amorcer l’invagination. L’invagination associe un mécanisme d’obstruction et de strangulation progressive du méso

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d’amont qui menace la vitalité de l’anse invaginée.

3.3.2 Stratégie thérapeutique : Le scanner avec lavement aux hydrosolubles permet habituellement le diagnostic pouvant parfois de réduire le boudin. Même si la désinvagination complète est obtenue, il est nécessaire d’intervenir pour ne pas passer à côté d’une tumeur sous-jacente.

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Hernies Pariétales Anne Berger

Service de chirurgie digestive, Hôpital Européen Georges Pompidou

Objectifs (question N° 245 du programme officiel) • Diagnostiquer une hernie inguinale l'adulte. • Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient

LES POINTS IMPORTANTS 1. Le diagnostic d'une hernie repose sur le seul examen clinique. 2. Une hernie non compliquée est peu ou pas douloureuse (gène ou pesanteur), réductible, impulsive et expansive à la toux. 3. La hernie inguinale est située au-dessus de la ligne de Malgaigne ; la hernie crurale est située au-dessous de la ligne de Malgaigne. 4. Il existe 2 types de hernie inguinale : - la hernie congénitale (oblique externe), le trajet est oblique externe en dehors de l'artère épigastrique - la hernie acquise (directe), le trajet est direct en dedans de l'artère épigastrique. 5. La hernie inguinale est très fréquente chez l'homme, la hernie crurale plus fréquente chez la femme 6. La complication essentielle des hernies est l'étranglement dont le traitement est une urgence chirurgicale. 7. Le traitement des hernies est chirurgical.

1 DEFINITION ET EPIDEMIOLOGIE Une hernie pariétale correspond à l’issue de viscères digestifs entourés d’un sac péritonéal à travers un point de faiblesse de la paroi abdominale (collet herniaire). Elle survient spontanément ou après un effort physique. Elle peut être acquise ou congénitale. Les hernies, dont la prévalence est de 3 à 5 %, constituent une des affections chirurgicales les plus répandues. Les hernies inguinales sont de très loin les plus fréquentes (90 %), viennent ensuite les hernies crurales (5 %) et les hernies ombilicales (5 %) ; les hernies de la ligne blanche sont exceptionnelles. Les hernies affectent trois fois plus souvent l'homme que la femme. Chez l'homme, la hernie inguinale domine largement (30 hernies inguinales pour 1 hernie crurale) ; chez la femme, hernie crurale et hernie inguinale ont la même prévalence.

2 RAPPEL ANATOMIQUE La hernie est caractérisée par trois éléments : (a) son trajet pariétal : inguinal oblique externe, inguinal direct, crural, ombilical ; (b) ses enveloppes : sac herniaire en continuité avec le péritoine abdominal au niveau du collet ; (c) son contenu : épiplon, intestin grêle, côlon. Elle se développe au niveau de 3 sites anatomiques précis, points de faiblesse de la <paroi

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abdominale congénital ou acquis.

2.1 Le canal inguinal (figure 1) Le canal inguinal renferme le cordon spermatique chez l'homme ou le ligament rond chez la

femme. Il comporte deux orifices : l'orifice superficiel est limité par les piliers interne, externe et postérieur du grand oblique et les fibres arciformes ; l'orifice profond situé à la partie inférieure de la fossette inguinale externe est constitué par une gaine fibreuse que le fascia transversalis envoie dans le canal inguinal autour du cordon.

Les parois du canal inguinal comportent : - en avant, le grand oblique et ses piliers formant l'orifice superficiel ; - en haut, le petit oblique et le transverse qui passent par-dessus le cordon ; - en bas, l'arcade fémorale ; - en arrière, le fascia transversalis qui est le prolongement du feuillet postérieur de la gaine des

droits. En arrière se trouve l'espace sous péritonéal de Bogros. Le fascia transversalis est renforcé en dedans par une expansion du grand droit (ligament de Henlé), en dehors par le ligament de Hesselbach tendu entre l'arcade de Douglas et l'arcade crurale, et en bas par la bandelette ilio-pubienne de Thomson (renforcement terminal du fascia transversalis se terminant sur l'arcade crurale).

Le cordon spermatique contient le canal déférent, l'artère déférentielle, l'artère spermatique, les plexus veineux, le ligament de Cloquet (reliquat du canal péritonéo-vaginal), des lymphatiques, les rameaux génitaux du nerf petit abdomino-génital et du nerf grand abdomino-génital. Le reliquat du cordon spermatique est représenté chez la femme par le ligament rond.

Figure 1. Anatomie du canal inguinal

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2.2 Le canal crural Le canal crural est le segment du canal fémoral situé au-dessus de l'abouchement de la veine

saphène. Il contient l'artère fémorale, la veine fémorale, et des vaisseaux lymphatiques. Le canal crural s'ouvre en haut dans la fosse iliaque par un orifice, appelé anneau crural, limité : - en avant par l'arcade fémorale ; - en dehors par la bandelette ilio-pectinée ; - en dedans par le ligament de Ginbernat ; - en arrière par le ligament de Cooper.

L'anneau crural est obturé par le fascia transversalis (septum crural).

2.3 L’ombilic La ligne blanche présente à l'ombilic un orifice, l'anneau ombilical recouvert vers l'avant par du

tissu adipeux puis directement par la peau. Vers l'arrière, l'anneau ombilical comporte : - au bord inférieur, des cordons fibreux, vestiges des artères ombilicales et de l'ouraque soulevant

des replis péritonéaux ; - au bord supérieur, le ligament rond, vestige de la veine ombilicale, recouvert du fascia fibreux

ombilical puis du péritoine.

3 CLINIQUE DE LA FORME SIMPLE

3.1 Interrogatoire Modalités d’apparition : effort ? Terrain : bronchitique chronique ? adénome de prostate ? constipation chronique ? Symptômes associés : troubles du transit, amaigrissement récent ? Conditions de vie : sédentarité, sportif ?

3.2 Signes fonctionnels Une hernie simple est peu ou pas symptomatique. Elle est révélée : - par une voussure indolore de découverte par hasard par le patient - par une gêne, une pesanteur inguinale surtout en fin de journée ou à l’effort - plus rarement des douleurs

3.3 Signes généraux : aucun

3.4 Signes physiques Le patient est examiné d'abord en position debout, ce qui permet plus facilement l'extériorisation

de la hernie, puis en position couchée sans oublier le côté controlatéral.

Les caractères de la hernie sont précisés : Inspection : normale ou voussure de la paroi abdominale. Palpation : 3 signes permettent à la fois de diagnostiquer aisément une hernie et d'affirmer

l'absence de complications : - réductibilité : en coiffant de l'index les enveloppes herniaires et en prenant la direction du canal,

on doit réintroduire la totalité du contenu herniaire dans la cavité péritonéale ; - impulsivité à l'effort : la hernie ressort lorsque le malade allongé soulève le tronc

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- expansivité à la toux. Percussion - Auscultation:

- souvent normale - mat : épiploon - tympanique ; grêle ou colon - bruits hydroaériques si structure digestive

Toucher rectal : - adénome prostatique ? - tumeur rectale ?

La hernie est ensuite située par rapport à l'arcade crurale, repérée par la ligne de Malgaigne allant de l'épine iliaque antéro-supérieure à l'épine pubienne.

• Pour la hernie inguinale, Le doigt recouvert de la peau du scrotum, s'engage d'abord dans l'orifice superficiel du canal inguinal, en dehors de l'épine du pubis. Si le doigt ne pénètre pas l'orifice superficiel, il est douteux qu'il existe une hernie. La progression dans le canal inguinal sur quelques centimètres, et au-dessus de la ligne de Malgaigne témoigne d'une hernie inguinale que l’on sentira facilement en faisant tousser le patient : - oblique externe si le trajet est oblique en haut et en dehors, parallèlement à la ligne de Malgaigne

jusqu'à l'orifice profond du canal inguinal ; - directe si la localisation ne correspond pas à l'orifice profond mais est en dedans de lui dans la

fossette inguinale moyenne. Pour la hernie crurale, L'examen est plus facile sur un malade couché, cuisse repliée en

abduction, le membre inférieur pendant hors du lit. La hernie siège au-dessous de la ligne de Malgaigne à la racine de la cuisse.

D'autres éléments sont précisés - les dimensions de l'orifice herniaire - la tonicité des muscles, la résistance du fascia transversalis, - le contenu du sac herniaire (probablement intestinal lorsqu'il est sonore, probablement

épiploïque lorsqu'il est mat). Parfois la hernie est irréductible du fait de son volume ou d’adhérences entre les viscères et les

enveloppes du sac.

4 LES DIFFERENTS TYPES DE HERNIES

4.1 Hernie inguinale

4.1.1 Hernie inguinale congénitale oblique externe • Cette hernie est due à la persistance du canal péritonéo-vaginal. La migration du testicule se fait

au septième mois intra-utérin. Il est accompagné dans cette descente par le canal péritonéo-vaginal mettant en communication le péritoine et la vaginale testiculaire. Le canal est normalement oblitéré à la naissance et représenté par un cordon fibreux vestigial : le ligament de Cloquet.

• Elle s'observe chez le nourrisson et l'enfant et l’adulte jeune. • Son trajet est oblique externe : le doigt coiffé de la peau scrotale remonte selon une direction

oblique, en haut, en dehors et en arrière, au-dessus du ligament inguinal et en dehors de l'artère épigastrique.

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• Le risque d'étranglement est élevé car le collet de ce type de hernie étroit. Il faut rechercher des malformations associées (kyste du cordon, kyste de l'épididyme) ainsi qu'une hernie controlatérale.

4.1.2 Hernie inguinale directe acquise directe • Elle survient en un point faible de la paroi abdominale, le plus souvent au niveau de la fossette

inguinale moyenne (hernie inguinale moyenne). Elle est favorisée par l'hyperpression abdominale : efforts minimes mais répétés, constipation chronique (rechercher une étiologie notamment néoplasie colique), dysurie (rechercher une hypertrophie prostatique), toux chronique (rechercher une bronchite chronique, une néoplasie bronchique), effort brutal.

• Elle survient chez l'adulte, le plus souvent après 50 ans. Le trajet herniaire est direct, antéro-postérieur, au-dessus du ligament inguinal, en dedans de l'artère épigastrique. L'étranglement est rare car il n'y a pas de collet vrai, mais le risque de récidive postopératoire est élevé car la paroi est de mauvaise qualité.

4.1.3 Hernie mixte par glissement associant une hernie oblique externe et directe

4.2 Hernie crurale La hernie crurale se voit le plus souvent chez la femme. Son trajet est situé au-dessous du

ligament inguinal et à la partie interne de l'anneau crural, en dedans des vaisseaux fémoraux. L'étranglement herniaire est un risque majeur et souvent révélateur car l'orifice est étroit, inextensible. L'agent d'étranglement est le ligament inguinal.

4.3 Hernie ombilicale • L'omphalocèle, hernie ombilicale du nouveau-né, est une urgence néonatale. Il correspond à une

aplasie ombilicale avec défect cutané, musculaire et péritonéal de la région ombilicale. La hernie est recouverte d'une membrane amniotique. Il évolue spontanément vers la rupture ou l'infection. Des malformations associées doivent être recherchées : diverticule de Meckel, atrésie, sténose, volvulus du grêle, hernie diaphragmatique, mésentère commun.

• La hernie ombilicale de l'enfant est secondaire à une non-fermeture de l'anneau ombilical. Elle est fréquente chez le garçon et chez le sujet de race noire. Elle peut s'oblitérer spontanément et ce jusqu'à l'âge de deux ans environ. L'intervention ne doit donc pas être trop précoce.

• La hernie ombilicale acquise affecte surtout la femme, après 50 ans. Elle est favorisée par l'obésité, les grossesses répétées, l'ascite.

5 HERNIE ETRANGLEE L'étranglement herniaire est une urgence chirurgicale. Il s'agit d'une constriction brutale et

permanente d'un viscère à l'intérieur du sac. L'agent d'étranglement est : le collet péritonéal pour les hernies inguinales ; l'anneau crural pour les hernies crurales ; l'anneau ombilical pour les hernies ombilicales. L'étranglement complique une hernie connue ou méconnue.

5.1 Signes fonctionnels : - douleur spontanée et vive isolée ou accompagnée de signes digestifs - nausées, vomissements, arrêt des matières et des gaz parfois retardés - parfois la symptomatologie occlusive est prédominante sans douleur inguinale imposant la

palpation systématique des orifices herniaires devant tout syndrome occlusif

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5.2 Signes physiques : - il s’agit d’une hernie : tuméfaction de l’aine (voussure dure et tendue de la hernie) - elle est étranglée :

°la tuméfaction est douloureuse à la palpation (douleur maximum au niveau du collet) °non impulsive à l'effort, non expansive à la toux °irréductible

5.3 Signes généraux : Recherche de signes de deshydratation

5.4 Formes topographiques

5.4.1 Hernie crurale Les hernies crurales s'étranglent souvent (50 % des cas) et les formes révélées par un étranglement

sont fréquentes. L'agent d'étranglement est l'anneau crural, petit et inextensible. La douleur se situe à la racine de la cuisse. La fréquence de cette complication rend obligatoire la cure préventive de toute hernie crurale diagnostiquée.

5.4.2 Hernie inguinale Les hernies inguinales s'étranglent rarement (10 % des cas). Il s'agit surtout des hernies

congénitales obliques externes. Le risque est plus faible pour les hernies directes car il n'y a pas de collet vrai. L'agent d'étranglement est l'anneau péritonéal du collet

5.5 Formes cliniques • L'engouement herniaire est un épisode bref de douleur et d'irréductibilité, suivi d'une réduction

souvent difficile, rarement spontanée. Il a la même valeur pronostique que l'étranglement et doit donc faire poser l'indication opératoire.

• Le pincement latéral est plus fréquent dans les hernies crurales. Il s'agit d'un pincement du bord anti-mésentérique d'une anse. Cette complication est grave car elle comporte une nécrose gagnant rapidement la cavité péritonéale. Le diagnostic difficile car souvent il n'y a pas de hernie évidente.

6 PRINCIPES DU TRAITEMENT • Le traitement d'une hernie est chirurgical. Il peut se faire sous anesthésie générale, sous

rachianesthésie ou même sous anesthésie locale. Il comprend deux temps : la résection du sac herniaire et la réfection pariétale.

6.1 Moyens Intervention par voie inguinale : - les raphies : la technique de référence est l’intervention de Shouldice (suture du fascia transversalis et abaissement du tendon conjoint sur l’arcade crurale) pur les hernies inguinales. Pour les hernies crurales, c’est l’intervention de Mac Vay qui est l’abaissement du tendon conjoint au ligament de Cooper - les prothèses : elles ont l’avantage de permettre une réparation sans tension ( plug, technique de lichtenstein ,PHS…) . Elles sont de plus en plus utilisées Intervention par voie abdominale : cette technique permet de traiter par une seule voie d’abord les hernies bilatérales (intervention de Stoppa)

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Intervention par coeliochirurgie : la mise en place d’une prothèse dans l’espace propréritonéal peut être effectuée par coeliochirurgie par voie trans ou prépéritonéale

6.2 Indications

Hernie inguinale : toute hernie inguinale doit être opérée sauf chez le sujet très âgé et/ou au risque opératoire trop important. Intervention de Shouldice ou prothèse

Hernie crurale : intervention systématique (technique de Mac Vay) ;

Hernie ombilicale : l’intervention consiste à fermer l’anneau ombilical avec conservation de l'ombilic ou omphalectomie selon le volume de la hernie.

Hernie étranglée est une urgence chirurgicale. Il ne faut pas essayer de réduire manuellement la hernie en raison du risque de perforation d’une anse nécrosée. Le traitement chirurgical est précédé d'une réanimation hydro-électrolytique et d'une aspiration digestive continue.

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Lithiase biliaire

Frédéric Prat

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Cochin

Objectifs (question N° 258 du programme officiel) • Diagnostiquer une lithiase biliaire et ses complications. • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge • Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient

C'est une maladie d'une grande fréquence; on estime sa prévalence entre 50000 et 100000 par million d'habitants; elle est le plus souvent asymptomatique. La prévalence varie grandement d'un pays à l'autre mais est assez similaire dans tous les pays de niveau économique comparable et ayant des habitudes alimentaires voisines. Le nombre de cholécystectomies pour lithiase vésiculaire symptomatique est d'environ 50000 par an en France.

7 PATHOGENIE Il existe 2 grandes variétés de lithiase biliaire selon la constitution chimique des calculs: la lithiase cholestérolique et la lithiase pigmentaire noire ou lithiase bilirubinique

7.1 LITHIASE BILIRUBINIQUE Elle ne représente que 20 % environ des calculs biliaires vus en France. Elle est dûe à une hypersecrétion biliaire de bilirubine non conjuguée. Les 2 principaux facteurs étiologiques sont l’hyperhémolyse rencontrée au cours des anémies hémolytiques (maladie de Minkowski-Chauffard, thalassémie majeure, drépanocytose, paludisme, prothèses valvulaires cardiaques) et la cirrhose. Le caractère, calcifié ou non de la lithiase, ne permet pas de préjuger de la composition chimique des calculs. L'aspect des calculs est assez typique pour que le chirurgien en fasse le diagnostic macroscopiquement : calculs généralement noirs, friables, L'analyse chimique, inutile, les définirait plus par leur pauvreté en cholestérol que par leur richesse en bilirubine.

7.2 LITHIASE CHOLESTEROLIQUE (LC) Elle est faite de concrétions dont la composition comprend plus de 75 % du poids sec en cholestérol. On distingue la lithiase cholestérolique pure (20% des cas) et la lithiase mixte, contenant également du bilirubinate de calcium (80% des cas). La bile est une voie d'élimination du cholestérol, mais il faut bien se rappeler qu'il n'y a aucune relation simple entre le contenu en cholestérol de la bile et les concentrations sériques du cholestérol. La seule relation à cet égard est indirecte : l'obésité est un facteur favorisant de

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la LC, et, parallèlement, ces sujets ont souvent une hypercholestérolémie. Le cholestérol est insoluble dans l'eau puisque c'est un lipide ; il existe donc des facteurs de solubilisation indispensables dans la bile, qui sont d'abord les acides biliaires (ou sels biliaires), ensuite les phospholipides ; ces substances forment des micelles quand elles sont mises en milieu aqueux, et à l'intérieur de ces micelles, des molécules hydrophobes peuvent être éliminées en particulier le cholestérol. La lithogenèse comprend 3 étapes: sécrétion par le foie d'une bile sursaturée en cholestérol, cristallisation du cholestérol en excès, enfin agglomération des cristaux en calculs. La LC est une maladie métabolique, où une prédisposition génétique a pu être montrée, et provoquée par un non-respect des proportions idéales entre les facteurs de solubilisation qui viennent d'être décrits et le cholestérol dans la bile: augmentation relative du cholestérol et/ou diminution relative soit des acides biliaires, soit des phospholipides. Quand l'équilibre est rompu la bile est dite sursaturée en cholestérol. La saturation en cholestérol peut être mesurée à partir des concentrations relatives, dans la bile, du cholestérol, des acides biliaires et des phospholipides. On peut définir ainsi un index lithogénique (normalement < 1) parfois aussi exprimé comme index de saturation en cholestérol (normalement < 100 %). Une sursaturation cholestérolique de la bile, facteur potentiel de LC, s'observe en corrélation avec : • l'âge : le risque de LC augmente avec l'âge. • le sexe : — la femme surtout est exposée à la LC car les oestrogènes exercent directement une influence sur la saturation du cholestérol dans la bile : au cours de la phase oestrogénique du cycle normal on observe souvent une bile sursaturée en cholestérol — après 50 ans, 30 à 40 % des femmes ont une LC, latente ou non ; le sex ratio est de 1/3. • l'obésité • les contraceptifs oraux combinés c'est-à-dire les oestroprogestatifs.

8 LITHIASE VÉSICULAIRE NON COMPLIQUÉE

8.1 FORME LATENTE (ASYMPTOMATIQUE) Le diagnostic de lithiase vésiculaire est devenu très fréquent avec la diffusion de l'échographie abdominale. Il est parfois fait de façon fortuite sur un cliché de l'abdomen sans préparation lorsque les calculs sont calcifiés. Mais au total seuls 20 % des calculs biliaires sont calcifiés. C'est aussi parmi ces formes qu'il faut inclure les calculs dépistés à l'occasion de pathologies diverses : maux de tête, nausées ou douleurs abdominales. Le risque d’avoir des douleurs biliaires est estimé à 20% après 10 ans d’évolution de la lithiase et le risque de complication (cholécystite) à 3% à 10 ans. L'attitude actuelle consiste à ne pas traiter une lithiase latente. La seule indication reconnue de cholécystectomie préventive systématique est la vésicule « porcelaine » (voir plus loin).

8.2 FORME REVELEE PAR DES CRISES DE COLIQUE HEPATIQUE Typiquement, il s'agit d'une douleur paroxystique de siège évocateur, dans l'hypocondre droit en regard de la région vésiculaire (croisement du rebord costal droit et du grand droit de l'abdomen). Dans au moins la moitié des cas cependant, la douleur est de siège épigastrique. Elle est généralement caractéristique par le fait qu'elle inhibe l'inspiration profonde, ainsi que par ses irradiations vers l'épaule droite, en bretelle, et vers la pointe de l'omoplate droite. A

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l'examen clinique le seul signe évocateur, mais rare, est la manoeuvre de Murphy positive : un doigt placé en regard de la région vésiculaire et enfoncé légèrement réveille la douleur caractéristique lors de l'inspiration profonde. C'est un signe quasi-pathognomonique mais rare et souvent remplacé par un simple endolorissement de l'hypocondre droit. Pour affirmer le diagnostic de lithiase biliaire on pratiquera une échographie abdominale de première intention.

8.2.1 Echotomographie abdominale et échoendoscopie La lithiase vésiculaire est un diagnostic échographique souvent facile, du fait d'une image hyperéchogène, déclive et mobile avec un cône d'ombre derrière chacun des calculs. L’examen est fait en décubitus dorsal puis latéral gauche chez un patient à jeûn. Les pièges diagnsotiques sont les calculs enclavés (immobiles), les minicalculs sans cône d’ombre ou encore la vésicule scléroatrophique. Les polypes vésiculaires sont en règle assez facilement distingués des calculs. La sensibilité de l'échographie transcutanée est proche de 100% lorsque la lithiase est faite de calculs de plus de 2 millimètres de diamètre. Elle est plus faible lorsque les calculs sont très petits, infra-millimétriques. L'échoendoscopie possède alors une sensibilité supérieure et constitue l'examen de référence pour le diagnostic de minilithiase. Elle doit être demandée lorsqu'on soupçonne une pathologie lithiasique avec échographie abdominale normale. L’exploration échographique permet également de rechercher une complication de la lithiase vésiculaire (cholécystite, lithiase du cholédoque, fistule bilio-digestive se traduisant par une aérobilie,etc). L'état des parois de la vésicule doit être bien précisé: parois fines et normales correspondent généralement à une vésicule saine. parois épaissies témoignent d'une cholécystite chronique, avec parfois vésicule scléro-atrophique, rétractée autour des calculs.

8.2.2 Procédés radiologiques Un cliché de l'abdomen sans préparation (ASP) permet de déceler des calculs biliaires s’ils sont calcifiés. La tomodensitométrie est moins performante que l’échographie abdominale pour le diagnostic de lithiase biliaire. La cholécystographie orale pourra donner plusieurs informations. Mais son intérêt aujourd'hui se limite en pratique aux très rares cas où on envisage la possibilité d'un traitement médical de dissolution de la lithiase. Une exploration de la voie biliaire principale n'est justifiée que lorsqu'il existe des facteurs prédictifs de lithiase associée du cholédoque. En cas de lithiase cholédocienne, Il faut bien se rappeler que l'échographie standard n'est souvent pas capable de bien visualiser et analyser le cholédoque dans sa totalité. L'écho-endoscopie est actuellement l'examen de référence pour ce diagnostic. La cholangiographie par IRM (C-IRM) est aussi une méthode très sensible et non invasive. Si on pense recourir à une solution chirurgicale, la cholangiographie sera généralement inutile avant l'intervention: elle aura lieu en per-opératoire (cholangiographie per-opératoire). Si un traitement endoscopique est envisagé, la cholangiographie sera faite par voie endoscopique rétrograde (CPRE).

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9 LITHIASE VÉSICULAIRE COMPLIQUÉE

9.1 CHOLECYSTITE AIGUE Caractérisée par une inflammation et une infection de la vésicule, elle peut survenir très brutalement. La douleur ressemble à une colique hépatique mais la douleur de l'hypocondre droit est très aiguë, non franchement paroxystique, souvent accompagnée d'une défense de l'hypocondre droit et surtout de fièvre. Il n’y a pas d’ictère. Biologiquement, ; il existe une hyperleucocytose et parfois des perturbations hépatiques modérées. Les hémoculktures sont positives dans 50% des cas. Les germes sont principalement : E coli, klebsiella pneumoniae, streptococcus faecalis (enterocoque), pseudomonas, proteus, anaérobies. Il n’y a pas de parallélisme strict entre l’importance des lésions et l’intensité des symptômes. L’échographie abdominale permet d’affirmer le diagnostic en montrant un épaississement pariétal et souvent une distension vésiculaire, associés à une douleur caractéristique au passage de la sonde (signe de Murphy échographique).

9.2 HYDROCHOLECYSTE C'est une complication rare, généralement la conséquence d'un calcul enclavé dans le canal cystique ou le collet de la vésicule ; dans certains cas la vésicule continue à secréter sans surinfection, entraînant à la longue une dilatation de la vésicule le plus souvent indolente mais parfois douloureuse et très volumineuse. C'est alors un argument pour une intervention rapide.

9.3 COMPLICATIONS INFECTIEUSES LOCOREGIONALES Ce sont plus des complications de la cholécystite que de la lithiase elle-même. On citera : — Les infections locorégionales et même des abcès hépatiques (pyocholécyste suppuré, gangrène vésiculaire). — La rupture de la vésicule biliaire qui aboutit à une péritonite généralisée (péritonite biliaire). — Rarement, une fistule entre la voie biliaire (VB) ou la vésicule et l'intestin ; elle peut se faire à bas bruit et le meilleur signe pour la dépister est une aérobilie, c'est-à-dire de l'air dans les VB, vue en échotomographie ou sur l'ASP ou la TDM. Quand il y a fistule biliaire, une complication peut survenir : l'iléus biliaire, qui correspond à un calcul passé dans l'intestin par la fistule et qui s'est bloqué au niveau de la valvule de Bauhin. Cette éventualité est d'une extrême rareté et n'est donc qu'exceptionnellement l'explication d'une occlusion intestinale.

10 LE CANCER DE LA VESICULE BILIAIRE C'est une affection rare. La relation entre cancer de la vésicule et lithiase biliaire, longtemps controversée, est maintenant bien établie. Le risque est d'autant plus élevé que la lithiase est ancienne et symptomatique. La calcification de la paroi de vésicule (vésicule "porcelaine") est un facteur de risque majeur de cancer vésiculaire que doit faire pratiquer une cholécystectomie prophylactique. En dehors de cette situation exceptionnelle, la relative rareté du carcinome vésiculaire justifie de ne pas traiter systématiquement toute lithiase vésiculaire.

11 LITHIASE CHOLÉDOCIENNE La lithiase cholédocienne, ou lithiase de la voie biliaire principale (VBP), est la principale

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complication de la maladie lithiasique biliaire. En effet, la lithiase cholédocienne correspond le plus souvent à la migration d'un calcul vésiculaire dans la VBP. Une lithiase cholédocienne est présente dans 8 à 13% des cas lors d'une cholécystectomie pour lithiase biliaire symptomatique. Contrairement à la lithiase vésiculaire, la lithiase de la VBP est rarement asymptomatique et doit systématiquement être traitée lorsqu'elle est découverte. Pour cette raison, elle doit toujours être recherchée, d'abord par la collecte de critères prédictifs, puis, si ces derniers sont présents, par les méthodes d'imagerie les plus sensibles. Les manifestations de la lithiase de la VBP sont l'angiocholite, la pancréatite aiguë et la migration simple.

11.1 ANGIOCHOLITE

11.1.1 Définition et forme typique Dans sa forme la plus typique et complète, la migration d'un calcul dans le cholédoque entraîne une obstruction canalaire avec hyperpression intra-canalaire suivie d'une surinfection généralement par contamination rétrograde des voies biliaires par des germes duodénaux, aboutissant à une septicémie. Ce phénomène constitue l'angiocholite, faite de 3 symptômes successifs : Douleur puis fièvre, puis ictère, le tout sur environ 24 à 48 heures. La douleur est peu différente d'une douleur de colique hépatique, quoique plus souvent épigastrique, généralement plus prolongée et moins paroxystique. Quelques heures après la douleur, apparait une fièvre d'origine infectieuse, s'accompagnant souvent de frissons et est faite de la succession de grands pics thermiques. Il faudra pratiquer immédiatement des hémocultures pour isoler le germe en cause. 12 à 48 heures après, au maximum, apparait l'ictère souvent brutal et où prédomine la bilirubine conjuguée. Il s'y associe biologiquement une cytolyse souvent intense, parfois pseudo-hépatitique (transaminases parfois à 20 à 30 fois la normale) et une cholestase d'importance variable. L'angiocholite est une urgence qui implique de faire aussitôt : Des hémocultures qui généralement mettront en évidence le plus souvent un bacille Gram négatif car l'infection est à point de départ intestinal. Une NFS qui montre une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles. Un bilan biologique hépatique associé à un dosage de la lipasémie pour diagnostiquer une pancréatite associée; La recherche de signes de gravité (choc hypovolémique, insuffisance rénale aiguë, signes neurologiques) Une échographie faite en urgence qui montrera en général une lithiase vésiculaire, et souvent une dilatation de la voie biliaire principale (normalement inférieure à 7mm), fréquemment sansd dilatation associée des voies biliaires intra-hépatiques (contrairement aux obstacles canalaiers d'origine tumorale). La lithiase cholédocienne ne sera que rarement objectivée par l'échographie. Le diagnostic est essentiellement clinique, et un traitement efficace doit être entrepris très rapidement. Si l'angiocholite ne régresse pas spontanément après l'admisssion aux urgences, le seul traitement efficace est la décompression des voies biliaires, qui doit être faite très rapidement par voie endoscopique.

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11.1.2 Variétés cliniques

11.1.3 Angiocholite ictéro-urémigène C'est un tableau typique d'angiocholite mais qui est, dans les heures et au maximum dans les jours qui suivent, accompagné d'une insuffisance rénale progressive interprétée d'ailleurs comme un rein de septicémie. Cliniquement c'est un ictère d'installation très rapide et qui devient très intense, dit "flamboyant". Cette intensité de l'ictère, qui peut dépasser 400 µmoles/l relève assez directement de l'insuffisance rénale qui prive l'organisme d'un émonctoire important de bilirubine conjuguée. Il va falloir traiter très rapidement.

11.1.4 Forme fruste ou latente Elle est rare mais possible. Il y a peu de signes cliniques, et ces formes frustes ou latentes existent surtout chez le vieillard. Au cours de l'exploration d'une lithiase on découvre un véritable empierrement cholédocien. Cependant même latente et chez le vieillard, cette lithiase cholédocienne impliquera un geste rapide car des complications risquent d'être très brutales.

11.2 LA PANCREATITE AIGUE BILIAIRE Voir question « pancréatite aiguë »

11.3 LA MIGRATION SIMPLE Il s'agit d'une forme incomplète sans constitution d'un tableau d'angiocholite, associée ou non à une "réaction pancréatique". La douleur est presque toujours présente, la fièvre et l'ictère sont présents ou non, de façon associée ou non, l'ensemble du tableau étant souvent rapidement et spontanément résolutif. Le mécanisme, à la différence de l'angiocholite vraie, est souvent une impaction transitoire d'un calcul dans la papille de Vater, suivie soit de l'élimination spontanée dans le tube digestif par forçage de la papille, soit du désenclavement du calcul qui redevient mobile dans la voie biliaire. Devant ce tableau abâtardi, les signes biologiques de l'angiocholite sont présents de façon atténuée ou dissociée, et régressent rapidement. La prise en charge doit être rapide, mais n'a pas le même caractère d'urgence que l'angiocholite vraie. En particulier, il n'y a généralement pas d'urgence à effectuer un drainage biliaire par voie endoscopique, et on peut prendre le temps d'obtenir une exploration précise de la VBP par échoendoscopie ou C-IRM.

12 TRAITEMENT

12.1 LITHIASE VÉSICULAIRE NON COMPLIQUÉE C'est le cadre des lithiases latentes, y compris celles qui s'accompagnent de signes fonctionnels considérés comme sans relation directe avec la lithiase: nausées, céphalées .... Une attitude abstentionniste est adoptée car beaucoup de lithiases ne se compliqueront jamais ; cela est tout particulièrement vrai pour les vésicules "fonctionnelles" et ayant des parois normales, non épaissies, à l'échographie.

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12.2 FORME SYMPTOMATIQUE Quand il a existé une ou plusieurs crises de colique hépatique, le traitement est chirurgical consiste à l’ablation de la vésicule biliaire (cholécystectomie).

12.2.1 Cholécystectomie traditionnelle. C'est un geste simple, qui n'entraîne aucune séquelle. Les récidives, qui seront cholédociennes, sont d'environ 5% des cas. On admet que plus de la moitié de ces récidives correspond en fait à des calculs résiduels, les autres cas étant des récidives vraies.

12.2.2 Cholécystectomie sous coelioscopie (ou laparoscopie). Depuis le début des années 90, la cholécystectomie est faite dans la grande majorité des cas sous coelioscopie. La morbidité de l'abord laparoscopique n'est pas supérieure et les suites opératoires sont plus courtes (<2 jours en moyenne), avec une reprise plus rapide des activités. Les seules contre-indications formelles à la coelioscopie sont la cirrhose avec insuffisance hépato-cellulaire, les coagulopathies réfractaires, l’insuffisance cardiaque et le choc septique. En dehors de ces contre-indications, la cholécystectomie par laparotomie n'est plus pratiquée actuellement que dans les cas de cholécystite aiguë sévère où la dissection est difficile sous laparoscopie, et souvent sous forme d'une conversion per-opératoire. Les patients doivent être informés préalablement de l’éventualité de la conversion per-opératoire.

12.2.3 Cholangiographie per-opératoire Elle peut être faite au cours d’une cholécystectomie aussi bien sous laparotomie que sous laparoscopie. Pour certains chirurgiens, ce geste est systématique, alors qu’il n’est fait que sélectivement (suspicion de lithiase cholédocienne ou d’anomalie anatomique) pour d’autres.

12.2.4 Les indications résiduelles du traitement médical de dissolution (sels biliaires) Elles sont devenues exceptionnelles en raison de ses multiples inconvénients (durée de traitement, fréquence des contre-indications, faible taux de succès et taux de récidive élevé),. Il est réservé aux très rares contre-indications chirurgicales formelles ou aux refus de la chirurgie. Les autres traitements non chirurgicaux (lithotritie extra-corporelle, dissolution de contact) ont été abandonnés.

12.3 CHOLECYSTITE AIGUE Le traitement associe une antibiothérapie probabiliste adaptée aux germes intestinaux (en général une beta-lactamine) ou au(x) germe(s) identifié(s) dans les hémocultures, et la cholécystectomie. Celle-ci doit être faite rapidement, dans les jours suivant l'admission et non après une période de "refroidissement", qui rend le geste plus difficile.

12.4 LITHIASE CHOLEDOCIENNE Le traitement de la LVBP peut faire appel à trois catégories de techniques: la chirurgie par laparotomie, la plus classique et la plus ancienne; la sphinctérotomie endoscopique, décrite pour la première fois en 1974, associée à de nombreuses méthodes instrumentales d’extraction des calculs; et, depuis une dizaine d'années, la chirurgie par laparoscopie.

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12.4.1 La chirurgie par laparotomie, dite « ouverte » Elle associe une cholécystectomie, une cholédocotomie et la fermeture du cholédoque par une suture simple (cholédocotomie dite « idéale ») ou le plus souvent sur un drain en T (drain de Kehr) qui permet à la fois la cicatrisation dirigée du cholédoque et le contrôle radiologique de la VBP 8 à 10 jours après le geste chirurgical. Le taux de succès est de plus de 90%. Le taux de complications est étroitement lié à l’âge et la mortalité peut dépasser 15% chez les sujets âgés ou à haut risque chirurgical. A distance, on observe un taux de lithiase dite « résiduelle » de la VBP d’environ 5% et des lésions des voies biliaires (fistules, sténoses...) dans moins de 0,5% des cas. La durée d’hospitalisation postopératoire est en moyenne de 10 à 14 jours.

12.4.2 Le traitement endoscopique Il repose sur la sphinctérotomie endoscopique (SE), ou section diathermique du sphincter commun bilio-pancréatique et du sphincter propre de la VBP. Ce geste ouvre un large accès au canal cholédoque, permettant une exploration instrumentale à l’aide de sondes à panier ou à ballonnet inspirées des instruments chirurgicaux. Le taux de succès de cette méthode est de l’ordre de 85% mais dépasse 95% dans les équipes expérimentées et disposant d’un équipement complet. La morbidité liée bau geste est inférieure à 10% et la mortalité liée au geste est de 1%, indépendemment de l'âge. Les complications à long terme de la sphinctérotomie ont une fréquence comparable à celles de la chirurgie ouverte. Les indications classiques de la SE sont: • Lithiase résiduelle (ou récidivante) après cholécystectomie • Pancréatite aiguë biliaire grave avec ictère obstructif • Angiocholite vraie • Malades à haut risque chirurgical ayant une lithiase de la VBP

12.4.3 Le traitement laparoscopique de la LVBP Il s’est développé à la suite de la cholécystectomie laparoscopique, apparue en 1988. Toutefois, contrairement à l’approche laparoscopique de la vésicule, qui s’est très rapidement généralisée, le traitement laparoscopique de la LVBP n’est encore l’apanage que de quelques équipes bien outillées, expérimentées et motivées. Les taux de succès rapportés par certaines équipes sont supérieurs à 80%. Toutefois, il s’agit toujours de malades sélectionnés, de sorte que ces résultats ne peuvent pas être comparés à ceux des séries endoscopiques et de chirurgie ouverte. Les taux de morbidité et de mortalité rapportés sont comparables à ceux de la chirurgie par laparotomie.

12.4.4 Stratégies diagnostique et thérapeutique La mise en oeuvre des différents moyens diagnostiques disponibles dépend du contexte dans lequel se présente une suspicion de lithiase de la VBP et du projet thérapeutique. En dehors des cas d'urgence déjà cités constituant une indication formelle au drainage endoscopique, on peut distinguer schématiquement 3 circonstances: 1) le sujet sans facteur de risque chirurgical ayant une lithiase vésiculaire symptomatique en apparence non compliquée ou une suspicion de lithiase de la VBP; 2) le sujet cholécystectomisé; 3) le sujet à haut risque chirurgical. • Dans la première situation, la probabilité d’une lithiase de la VBP est faible (8 à 10%). Il

n’est donc pas justifié de pratiquer systématiquement des explorations invasives et coûteuses afin de s’assurer de la liberté de la VBP. En revanche, il est utile de rechercher

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des facteurs prédictifs de lithiase de la VBP afin de proposer une exploration à des malades sélectionnés: signes cliniques (douleur, fièvre, ictère), biologiques (perturbations des tests hépatiques notamment) et morphologiques (en particulier le diamètre de la VBP). Lorsqu’aucun facteur n’est présent, le risque de lithiase de la VBP est de 1 à 3%. Aucun examen complémentaire ne doit alors être proposé. Lorsqu' un ou plusieurs facteurs prédictifs de lithiase de la VBP sont présents, le taux de lithiase peut dépasser 30%. Une échoendoscopie, une cholangio-IRM, une CPRE ou une cholangiographie per-opératoire peut alors être envisagée. Si une lithiase de la VBP est présente, le traitement comportera soit une sphinctérotomie endoscopique suivie de cholécystectomie, soit un abord chirurgical de la VBP dans le même temps (coelioscopique ou par laparotomie) que la cholécystectomie. Le choix de l'examen de confirmation de l'existence d'une lithiase de la VBP (échoendoscopie, cholangio-IRM, CPRE ou cholangiographie per-opératoire) dépend des possibilités locales d’accès à ces techniques et du projet thérapeutique (endoscopique ou chirurgical).

• Chez le malade cholécystectomisé, le traitement d’une éventuelle lithiase de la VBP est la sphinctérotomie endoscopique. Elle pourra être précédée d'une échoendoscopie ou d'une cholangio-IRM afin d'éviter un geste invasif inutile en l'absence de calcul.

• Chez le malades à haut risque, le traitement de la lithiase de la VBP sera également le plus souvent une sphinctérotomie endoscopique, en raison de la morbidité opératoire plus faible que celle de l’abord chirurgical de la VBP chez ces malades. Cependant, le choix de la méthode d’exploration n’est pas univoque. Si le risque de la cholédocotomie peut être jugé excessif, celui d’une cholécystectomie peut être considéré comme acceptable. Dans ce cas, l’échoendoscopie est l’examen diagnostique à recommander: négative, elle évitera un geste endoscopique plus invasif. Révélant une lithiase de la VBP, elle conduira à pratiquer une sphinctérotomie, qui pourra dans certaines équipes être réalisée durant la même anesthésie. Si au contraire, le risque opératoire de la cholécystectomie parait excessif (malade nonagénaire par exemple), il est parfaitement licite de proposer de réaliser une CPRE et une sphinctérotomie endoscopique de principe, qui permettra de prévenir en grande partie les risques d’une nouvelle migration lithiasique dans la VBP (mais non celui d’une cholécystite).

• La démarche thérapeutique découle directement de ces considérations diagnostiques. Elle laisse cependant place à des divergences d’appréciation concernant la place respective des traitement chirurgicaux et endoscopiques. La place du traitement endoscopique est à peu près unanimement reconnue dans les situations 2 et 3 : la lithiase « résiduelle » après cholécystectomie, car il serait déraisonnable de pratiquer une seconde intervention alors que la vésicule n’est plus en place et qu’on dispose d’une alternative moins agressive; la LVBP du sujet âgé ou à haut risque, car on a vu que la mortalité liée à la sphinctérotomie était indépendante de l’âge - et relativement peu du terrain viscéral-, au contraire du traitement chirurgical. La majorité des malades ayant une LVBP n’entrent pas dans ces 2 catégories; les 3 options thérapeutiques évoquées sont alors envisageables et doivent être combinées à une attitude pratique concernant la vésicule biliaire lithiasique. A l’heure actuelle, à défaut d’arguments scientifiques solides favorisant clairement l’une de ces options, l’attitude pratique doit donc être fondée sur les équipements et les réseaux de compétences existant localement.

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Appendicite

Jean Pierre Béthoux

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôtel Dieu

Objectifs (question N° 224 du programme officiel) • Diagnostiquer une appendicite chez l'enfant et chez l'adulte. • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.

Inflammation aiguë de l’appendice. Grand polymorphisme clinique. Urgence chirurgicale abdominale la plus fréquente.

1 EPIDEMIOLOGIE - 40 à 60 pour 10 000 habitants en France, - Incidence des appendicites vraies plus faible que celle des appendicectomies, - Fréquence en diminution depuis plusieurs décennies, - Rares chez l’enfant de moins de trois ans, - Atteint essentiellement l’adolescent et l’adulte jeune (1/3 des patients ont entre 17 et 20

ans), - Sexe masculin prédominant avant 25 ans, puis le sex-ratio s’équilibre.

2 ANATOMIE - Naît à la partie inférieure du cæcum, - 2 à 3 cm sous la jonction iléo-cæcale, - Meure 7 à 12 cm de long, - Base d’implantation large à la naissance, rétrécit à partir de 2 ans, - Situation variable en raison des variations de la position du cæcum, après sa migration

embryonnaire, - Appendice sous-hépatique, méso-cœliaque, iliaque, pelvien, - Direction encore plus variable : rétro-cæcale, méso-cœliaque, en péritoine libre ou en

rétro-péritonéal. - Muqueuse de type colique, mais les éléments glandulaires sont rares. - Nombreux follicules lymphoïdes dans la muqueuse et la sous-muqueuse, surtout chez le

sujet jeune.

3 PHYSIOPATHOLOGIE - Infection appendiculaire exceptionnelle par voie hématogène, - Le plus souvent infection par obstruction de la lumière de l’appendice (stercolithe, corps

étranger, parasite),

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- Obstruction - augmentation de pression - pénétration microbienne intra-muqueuse – œdème - hyperhémie - infiltrats (= appendicites catarrhales) – pus – névrose suppurée pan-pariétale (= appendicites phlegmoneuses) – pertes de substances étendues (appendicites ulcérées) – appendicites gangreneuses,

- Perforations appendiculaires (péritonites localisées, ou généralisées en un, deux ou trois temps, selon l’importance des défenses locales).

4 DIAGNOSTIC

4.1 FORME TYPIQUE - Douleur abdominale aiguë spontanée, - Epigastrique, péri-ombilicale puis en fosse iliaque droite, - A type de brûlure ou de colique lancinante, - Début progressif, parfois brutal, - Anorexie, - Constipation, parfois diarrhée, - Nausées, parfois vomissements, - Température à 38°C, - Langue saburrale, érythrose des pommettes (anglo-saxons), - Attitude en psoïtis, - Douleur provoquée et défense en fosse iliaque droite, - Douleur à la décompression de la fosse iliaque droite (signe de Blumberg), - Douleur en fosse iliaque droite lors de la palpation de fosse iliaque gauche (signe de

Rowsing), - Douleur à au toucher vaginal ou au toucher rectal, - NFS : hyper leucocytose avec polynucléose, - ASP : niveau hydroaérique cæcal ou de la dernière anse grêle, grisaille de la fosse

iliaque droite, disparition de l’ombre du psoas droit, - Echographie : épaississement de l’appendice ( image en cocarde plus nette chez

l’enfant), - Scanner abdominal : avec et sans injection, diamètre appendiculaire supérieur à 7 mm,

efficace chez le sujet gras et en cas de doute.

4.2 FORMES COMPLIQUEES - Précoces ou par diagnostic retardé (antibiothérapie intempestive), - Péritonites généralisées d’emblée ou en deux temps après une accalmie trompeuse :

douleurs diffusant depuis la fosse iliaque droite à l’ensemble de l’abdomen, contracture généralisée, toucher rectal très douloureux, fièvre à 39 °C, forte hyper leucocytose. Chirurgie en urgence.

- Péritonites localisées (abcès appendiculaire), avec masse douloureuse en fosse iliaque droite, parfois accessible au toucher rectal, iléus réflexe, rupture possible dans un organe de voisinage ou dans le péritoine (péritonite en trois temps), fistulisation à la peau.

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4.3 FORMES SELON LA LOCALISATION - Appendicites pelviennes, - Appendicites rétro-cæcales, - Appendicites méso-cœliaques, - Appendicites sous hépatiques.

4.4 FORMES SELON LE TERRAIN - Formes du jeune enfant ou du nourrisson : plus souvent péritonites. A part : la forme

toxique. - Formes du vieillard : pseudo tumorale, signes atténués, - Formes de la femme enceinte : pseudo-pyélonéphrites, pseudo-cholécystites.

5 DIAGNOSTIC DIFFERENTIELS - Autres syndromes douloureux abdominaux, - Syndromes urinaires, - Syndromes pulmonaires, - Autres causes médicales (hépatites, diabète, infarctus du myocarde…)

6 TRAITEMENT Il est chirurgical : appendicectomie par laparotomie ou par cœlioscopie, plus ou moins drainage selon la septicité et le degré de complication.

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Péritonite aiguë

Jean-Pierre Béthoux

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôtel Dieu

Objectifs (question N° 275 du programme officiel) • Diagnostiquer une péritonite aiguë. • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge. DEFINITION : inflammation aigue localisée ou diffuse de séreuse péritonéale suite à une agression bactérienne ou chimique .C’est une urgence médicochirurgicale.

1 ANATOMIE : • Péritoine : feuillet pariétal, feuillet viscéral et cavité péritonéale. • Surface considérable avoisine celle de la peau. • Les récessus et les replis péritonéaux définissent les péritonites localisées. • La séreuse péritonéale : mésothélium, lamina pro pria sur un tissu conjonctif vasculo-nerveux. • Grande capacité de sécrétion, absorption et de défense. • Innervation mixte type somatique et viscérale ; afférences somatiques C6L2.

2 PHYSIOPATHOLOGIE :

2.1 AGRESSION PERITONEALE : • Agression mécanique ou chimique : brûlure acide ou biliaire. • Agression bactérienne : par perforation d’un organe creux de l’étage sous méso colique.

2.2 TYPES DE PERITONITES • Primitives : absence de foyer infectieux primaire intra péritonéal .Elles sont souvent mono microbiennes : pneumocoque, streptocoque, Bk. • Secondaires traumatiques ou par perforation d’un organe creux .Elles sont poly microbiennes faites de la flore digestive de l’étage concerné. • Tertiaires : rupture secondaire d’un abcès intra péritonéal, péritonites post opératoires.

2.3 RETENTISSEMENT : • Local : brûlure, exsudation plasmatique ,3°secteur et iléus réactionnel. • Général : hypo volémie, translocation microbienne, choc septique et défaillance multi viscérale.

3 ETIOLOGIES ET CLASSIFICATION

3.1 PERITONITES PRIMITIVES : • P à pneumocoque et à streptocoque.

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• P. tuberculeuse. • P. par infection d’ascite chez le cirrhotique.

3.2 PERITONITES SECONDAIRES : • Perforations gastro-duodénales : d’origine ulcéreuse ou néoplasique • Péritonites biliaires : cholécystites aigues lithiasiques et non lithiasiques. • Péritonites d’origine hépatiques : rupture d’abcès hépatiques. • Perforations intestinales : grêliques ou coliques par diverticules, colites inflammatoires, colites ischémiques ou tumorales. • Péritonites par perforation appendiculaires. • Péritonites génitales : ovariennes, utérines, ou par salpingites. • Péritonites urinaires : rupture vésicales, des voies urinaires. • Péritonites traumatiques : plaies et contusions abdominales ; instrumentales post endoscopiques.

3.3 PERITONITES TERTIAIRES : Péritonites post opératoires : par désunion anastomotiques ou lâchage de suture.

4 DIAGNOSTIC Le diagnostic des péritonites est avant tout clinique ; la symptomatologie est représentée par le syndrome péritonéal.

4.1 SIGNES CLINIQUES :

4.1.1 Signes fonctionnels : • DOULEURS ABDOMINALES : intenses, d’installation brutale ou progressive, le plus souvent permanentes et parfois paroxystiques. Elles peuvent être diffuses ou localisées ; le siège initial a une orientation étiologique. • VOMISSEMENTS : signe le plus précoce mais inconstant ; alimentaire ou bilieux voire fécaloïde dans les formes tardives ; parfois remplacés par des nausées ou un hoquet témoignant de l’irritation diaphragmatique. • TROUBLES DU TRANSIT : diarrhées temporaires initiales suivies d’un arrêt de matières et des gaz par iléus paralytiques.

4.1.2 Signes généraux : • FIEVRE : précoce ou tardive, quasi constante accompagnée parfois de frissons signe de septicémie. • FACIES PERITONEAL : signe de déhydratation. • TACHYCARDIE ET TACHYPNEE.

4.1.3 Signes physiques : • CONTRACTURE ABDOMINALE : signe pathognomonique qui suffit a lui seul de poser le diagnostic de péritonite aigue .Elle concerne les muscles de la paroi abdominale ; permanente, douloureuses et invincible. Elle est visible et palpable localisée ou généralisée aboutissant au classique ventre de bois. Elle peut être précédée par une défense localisée au point de départ de la péritonite.

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• INHIBITION RESPIRATOIRE : disparition réflexe de la respiration abdominale. • DISTENSION ET TYMPANISME ABDOMINALE • SILENCE AUSCULTATOIRE : iléus intestinal paralytique. • TOUCHERS PELVIENS : douloureux.

4.2 SIGNES BIOLOGIQUES : • Hyperleucocytoses à polynucléaire neutrophile : GB supérieur à 15000/mm3 • Amylasémie : 2à3 fois la normale. • CRP : élevée. • Le reste du bilan biologique : ionogramme sanguin, fonction rénale et le bilan d’hémostase sont pratiqués pour évaluer le retentissement systémique et dans le cadre du bilan préopératoire.

4.3 SIGNES RADIOLOGIQUES : • ASP : grisaille diffus, disparition des lignes claires pré péritonéales ; image de pneumopéritoine ; images de niveaux hydroaériques. • ECHOGRAHIE ET TDM ABDOMINALE : intérêt dans les péritonites localisées (abcès intra péritonéaux) et le diagnostic étiologique.

5 FORMES CLINIQUES

5.1 FORMES EVOLUTIVES : • Péritonite sthénique : forme de début. • Péritonite asthénique : forme tardive, toxique, sujet âgé, immunodéprimé. Signes généraux marqués, contrastant avec la pauvreté des signes physiques.

5.2 FORMES ETIOLOGIQUES : • Péritonites appendiculaires : contracture maximum en fosse iliaque droite. • Péritonites par perforation ulcéreuse gastro-duodénale : début brutal, douleur intense épigastrique, contracture, notion de maladie ulcéreuse ou prise de médicaments gastrotoxiques. • Péritonites par perforation colique : sigmoïdites diverticulaires, cancer colique gauche. Symptômes débutent dans la fosse iliaque gauche. Sont d’emblée septiques, la fièvre est constante. • Péritonite d’origine génitale : pelvipéritonite débutant par une douleur hypogastrique bilatérale associée à des pertes vaginales purulentes. Le plus souvent, chez la femme jeune. • Péritonite biliaire : compliquant une cholécystite aiguë lithiasique ou d’emblée, particulièrement grave. Par diffusion ou perforation ou gangrène de la vésicule biliaire. • Péritonite postopératoire : diagnostic difficile, les signes généraux et les troubles psychiques prennent le devant du tableau clinique. La défense et la contracture sont parfois absentes. Pronostic sévère : 40% de mortalité.

5.3 AUTRES FORMES : • Formes localisées. • Péritonites primitives. • Péritonites post traumatiques.

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• Péritonites iatrogènes (post endoscopique).

6 DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL Distinguer les affections générales à retentissement digestif : • Lésions pariétales : atteinte musculaire, zona. • Traumatisme rachidien : responsable de péritonisme, atteinte médullaire C6-L2. • Affection thoracique à expression abdominale : IDM, dissection aortique, péricardite, pleurésie. • Autres syndromes de l’abdomen : pancréatite aiguë, colique néphrétique, colique hépatique, douleurs utéro-ovariennes. • Affection métabolique : coma diabétique, insuffisance rénale, coliques saturnines. • Affections vasculaires : aortites abdominales, syndrome solaire.

7 COMPLICATIONS Pas de guérison spontanée ; des complications sont à craindre en cas de traitement tardif ou mal adapté.

7.1 Complications générales :

• Etat de choc et défaillance multi viscérale. • Insuffisance rénale aiguë. • Insuffisance respiratoire. • Insuffisance hépatique.

7.2 Complications loco-régionales : • Abcès sous phréniques : sous diaphragmatiques, sous hépatiques. • Abcès de la fosse iliaque droite, fosse iliaque gauche et les Abcès pelviens.

8 TRAITEMENT C’est une urgence thérapeutique médico-chirurgicale.

8.1 Réanimation : Elle est systématique • Mise en place d’une sonde d’aspiration naso-gastrique. • Rééquilibre hydro électrolytique et correction de la volémie. • Traiter le choc septique : antibiothérapie adaptée et à large spectre. • Rétablir les grandes fonctions : ventilatoire, rénale, circulatoire.

8.2 Chirurgie : également systématique • Voies d’abord : laparotomie ou laparoscopie. • Lavage péritonéal :

o Evacuation de l’empyème. o Ablation des fausses membranes. o Lavage abondant, 5 à 10 litres de sérum physiologique. o Drainage de la cavité péritonéale.

• Traitement de la cause : Il est variable depuis la suture d’une perforation ulcéreuse gastro-duodénal jusqu'à la colectomie segmentaire sans rétablissement de continuité digestive dans

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les perforations des sigmoïdites diverticulaires. UN PRINCIPE FONDAMENTAL : pas d’anastomose digestive au milieu septique.

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Diverticulose colique et sigmoïdite

Franck Zinzindohoué

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou Objectifs (question N° 234 du programme officiel) • Diagnostiquer une diverticulose colique et une sigmoïdite. • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge. • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

Points importants • La diverticulose colique est faite de diverticules de pulsion qui se forment sur le

cadre colique en commençant par la fin, à partir le charnière recto-sigmoidienne. • Elle se compose de multiples diverticules, par opposition au diverticule solitaire

du caecum. • Il s’agit d’un état prémorbide et non d’une maladie. • Son incidence dans les pays industrialisés est devenue très élevée ce qui explique

la fréquence de ses complications

1 Rappel anatomique Le colon fait suite à l’intestin grêle et est la partie terminale du tube digestif qui précède le rectum. Il comprend successivement le caecum, le colon droit ou ascendant, le colon transverse, le colon gauche ou descendant, le colon iliaque et le colon sigmoïde. La charnière recto-sigmoïdienne est la jonction avec le rectum au niveau du cul de sac de douglas. C’est une zone de haute pression qui précède le rectum sous péritonéal.

2 Epidémiologie

2.1 Données générales La diverticulose est rare avant 40 ans, elle atteint 30% des sujets de 60 ans et plus de 50% des sujets après 80 ans. Elle devient symptomatique dans 10 à 20% des cas. Son Sexe-ratio est voisin de 1. Elle atteint les populations qui ont une alimentation de type occidental, riche en aliments carnés et hydrocarbonnés, et pauvre en fibres. Les populations migrantes ont le même risque que les populations autochtones au bout de quelques années, lorsque leur alimentation est celle de leur région d’accueil.

2.2 Facteurs de risque La modification des habitudes alimentaires est à l’origine de l’apparition de diverticules. En effet, la baisse de la quantité de fibres dans la ration alimentaire rend le bol alimentaire moins

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consistant et sa progression plus difficile d’où une hyperpression intraluminale responsable de l’apparition de diverticules de pulsion sur le colon péritonisé. Il n’existe pas de diverticule sur le rectum, qui est sous péritonéal.

3 Anatomopathologie

3.1.1 Aspect microscopique : Leur paroi est composée de la muqueuse, de la musculaire muqueuse et de la séreuse lorsqu’il ne sont pas sur le bord mésocolique. Ils sont alors fréquemment recouverts par des franges graisseuses. La paroi colique est épaissie par une sclérose hyaline. Il s’y associe une hypertrophie musculaire et une sclérolipomatose.

3.1.2 Aspect macroscopique : Le colon comporte des diverticules muqueux situés au points d’entrée des vaisseaux coliques droits qui constituent autant de zones de faiblesse entre les bandelettes musculaires. Leur nombre, maximal en amont de la charnière recto-sigmoïdienne qui est une zone de haute pression, diminue à mesure que l’on s’en éloigne vers l’amont.

3.1.3 Localisation Les diverticules siègent sur le colon sigmoïde, débutant juste en amont de la charnière recto-sigmoïdienne qui est une zone de haute pression. Il atteignent le colon gauche dans 30% des cas et le colon droit dans 4% des cas.

4 Complications Elles sont infectieuses, hémorragiques et sténosantes.

4.1 Complications infectieuses Classification de Hinchey

• Stade I : abcès péricolique • Stade Iia : abcès à distance • Stade Iib : abcès pelvien complexe ou associé à une fistule • Stade III : péritonite purulente généralisée • Stade IV : péritonite stercorale généralisée

4.1.1 Poussée de sigmoïdite diverticulaire Il s’agit de la complication la plus fréquente. Elles est révélatrice dans 50% des cas, et complique 10 à 20% des diverticuloses. Dans de nombreux cas, le diverticule incriminé contient un stercolite. Le collet se ferme du fait d’un épaississement muqueux dû à l’inflammation et il se forme un empyème dû à la pullulation microbienne. Une inflammation de la paroi colique se constitue alors.

4.1.2 L’abcès péricolique Il fait suite à une perforation du diverticule. Le plus souvent il est de localisation pelvienne, dans le cul de sac de Douglas.

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4.1.3 Les fistules Il s’agit d’un mode de guérison des abcès par leur drainage spontané dans un viscère adjacent, le grêle, le colon, la vessie ou le vagin si il existe une antécédent d’hystérectomie.

4.1.4 Les péritonites Il s’agit de la complication la plus grave. Elle engage le pronostic vital et nécessite un traitement en urgence. Elle peut être inaugurale, en un temps, ou faire suite à la formation d’un abcès secondairement rompu.

4.2 Les hémorragies Elles sont dues à une érosion du sommet du diverticule, sur des vaisseaux coliques dans la paroi. Plus fréquentes à droite, la rareté des diverticules du colon droit explique que lors d’une hémorragie, celle-ci puisse provenir de n’importe quel segment, plus souvent à gauche en nombre absolu.

4.3 Les sténoses Il s’agit de la classique pseudo-tumeur inflammatoire. La paroi est le siège de nombreux micro-abcès et d’un épaississement considérable.

5 Diagnostic

5.1 Circonstances de découverte Asymptomatique dans 80 % des cas, la diverticulose est alors découverte fortuitement à l’occasion d’un lavement opaque ou d’une endoscopie réalisés pour un autre motif. La plupart de ces patients restent sans symptôme ni complication. La diverticulose peut être découverte lors d’une complication infectieuse ou hémorragique.

5.2 Diagnostic Clinique Il ne concerne que les complications. Les symptômes peuvent être non spécifiques faits de douleurs abdominales le plus souvent localisées dans la fosse iliaque gauche. Attribuées à l’augmentation de la pression colique, elles sont souvent aggravées par la prise d’aliments et soulagées par l’émission de gaz ou de selles. L’examen de la fosse iliaque gauche peut montrer une tension sans défense. Les autres symptômes peuvent être des troubles du transit à type de constipation et/ou de diarrhée, des saignements. Ils doivent faire rechercher une complication ou une pathologie associée, en particulier un cancer du colon. Le cancer qui peut s’infecter ou saigner mime parfois en tout point une diverticulite et il est indispensable de redresser le diagnostic. En cas de diverticulite, il peut s’agir d’une douleur de la fosse iliaque gauche, d’une occlusion (une fois sur deux) et d’un syndrome septique avec une fièvre supérieure ou égale à 38,5° C (une fois sur cinq). La fistule colovésicale se reconnaît à la pyurie, la pneumaturie et parfois la fécalurie, et la fistule colovaginale à l’émission de gaz, de pus ou de selles par le vagin. La péritonite est sans spécificité, bien que le début des signes en fosse iliaque gauche puisse orienter vers la portion colique en cause. A la palpation, la douleur est maximale en fosse iliaque gauche, qui est le siège d’une défense. L’abdomen peut être modérément distendu s’il existe un iléus. On sent parfois un empâtement profond correspondant au sigmoïde inflammatoire. Le TR recherche une douleur vive au cul

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de sac de Douglas, et l’on perçoit parfois un bombement qui signe la présence d’un abcès. Cas particuliers Le tableau clinique de la péritonite généralisée compliquant une diverticulose n’a aucune spécificité. Les hémorragies surviennent habituellement de façon isolée et ne s’accompagnent d’aucune douleur ni de signes infectieux. Elles sont parfois inaugurales. Il faudra évoquer alors les différents diagnostics de rectorragie, dont la diverticulose.

6 Diagnostic différentiel Le seul diagnostic différentiel qui doive être systématiquement recherché et éliminé de façon formelle est le cancer du colon.

7 Bilan diagnostique Le diagnostic morphologique repose essentiellement sur l’imagerie. La coloscopie sera faite à distance de l’épisode infectieux (1 mois) pour diminuer le risque de perforation. Elle a pour but de s’assurer du diagnostic et d’éliminer un cancer colique.

7.1 L’imagerie medicale

7.1.1 Le cliché d’abdomen sans préparation Il tend à disparaître au profit du scanner. On y voit des signes indirects tels des niveaux hydroaériques siégeant sur le colon et parfois aussi sur le grêle en cas d’occlusion, une anse sentinelle en fosse iliaque gauche signant un iléus localisé ou un rectum vide de gaz. La présence d’un pneumopéritoine signe une perforation, donc une péritonite, dont le traitement impose une intervention en urgence.

7.1.2 Le lavement opaque Le lavement opaque en urgence est réalisé à la gastrografine et non à la baryte en raison du risque de perforation, et donc passage du produit de contraste dans la cavité péritonéale. Cet examen peut être réalisé dès les premières heures de l'hospitalisation mais il contre-indique la réalisation d’un scanner dans un délais d’au moins 24 heures du fait des artéfacts dus au produit de contraste. Il peut montrer des diverticules pointus, un rétrécissement allongé irrégulier mais centré avec des angles de raccordement, avec des diverticules, voir une sténose, le sigmoïde prenant parfois un aspect en «pile d'assiettes» ou en «accordéon». Du fait des adhérences, l'anse sigmoïdienne est parfois fixe sur les différents temps et les différentes incidences du lavement. Présence de produit opaque en dehors de la lumière colique signe une perforation. La fuite extraluminale peut se présenter sous la forme d’une extravasation de produit de contraste fusant à partir du sommet d'un diverticule perforé et dessinant une cavité péricolique plus ou moins irrégulière, ou ce peut être l’opacification d'un trajet fistuleux péricolique ou vers des organes pelviens ou digestifs.

7.1.3 L’échographie Elle est moins souvent utilisée. La paroi du côlon est identifiée sous la forme d'une image annulaire hypo-échogène sur les coupes transversales. Le centre hyper-échogène correspond au contenu et peut se réduire à une fine ligne lorsque le côlon est vide. Sur une coupe transversale stricte, cette paroi normale mesure 2 à 4 mm d'épaisseur en fonction du degré de

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réplétion du côlon, selon qu’il est plus ou moins distendu. L'épaississement de la musculeuse qui accompagne la diverticulose se voit bien en échographie. La paroi mesure alors plus de 5 mm d'épaisseur. Cet épaississement pariétal n'est cependant pas spécifique de diverticulose et peut s'observer dans une large variété de pathologies coliques telles que tumeur, inflammation, infection, ischémie et hémorragie. Les diverticules ne sont pas toujours visibles mais il est parfois possible de voir des images hyper-échogènes entourées d'un fin liseré hypo-échogène qui correspondent à des diverticules aérés.

7.1.4 TDM abdomino-pelvienne Le scanner est l’examen de référence lorsqu’on suspecte une diverticulite sigmoïdienne. Il est réalisé avec opacification colique transanale aux hydrosolubles, ce qui permet d'objectiver non seulement les modifications intraluminales mais aussi et surtout les anomalies transmurales et la diffusion du processus inflammatoire et infectieux autour du colon. Il montre le plus souvent une prise de contraste des fascia et de la graisse péricolique qui signe l’inflammation locale. Des diverticules sont visibles dans plus de 80 % des cas, et un épaississement de la paroi colique de plus de 4 mm dans 70 % des cas. Les abcès péri-coliques sont diagnostiqués sous la forme de lésions kystiques prenant le contraste en périphérie. Les fistules colovésicales et colovaginales sont les plus fréquentes, mais le trajet est rarement opacifié au scanner. Les fistules internes peuvent intéresser le vagin, les trompes, le grêle, le colon et le psoas, entraînant un abcès du psoas gauche.

7.2 La biologie Il s’agit de signes d’inflammation et de sepsis non spécifiques : hyperleucocytose entre 10 et 15 000 GB/mm3 et augmentation de la CRP et de la VS

8 Evolution sans traitement et pronostic spontané Le risque évolutif, une fois la poussée de diverticulite guérie, est la survenue d’une récidive sur un mode septique grave, tel un abcès ou une péritonite. Les troubles du transit et les douleurs chroniques sont aussi un motif de traitement.

9 Principes thérapeutiques Les diverticules en tant que tels ne se traitent pas. Le traitement médical à pour but de traiter les complications, et par ordre de fréquence, le sepsis. En dehors des péritonites où l’intervention chirurgicale est réalisée en urgence, le traitement chirurgical lorsqu’il est indiqué doit être différé. La survenue d'une seconde poussée est fréquente (45 %) et 90 % des patients garderont des symptômes invalidants. L’indication opératoire est posée, et une résection colique est proposée 1 à 2 mois après une deuxième poussée, après la première poussée chez les sujets de moins de 40 ans, ou après une poussée unique mais sévère (fistule, abcès). La résection de la charnière recto-sigmoïdienne (qui constitue la zone de haute pression) et du sigmoïde (où siègent les diverticules qui se sont compliqués) prévient les récidives. Il est inutile de réséquer toute la longueur de colon portant des diverticules.

9.1 Le traitement médical Le traitement de la sigmoïdite doit être débuté en milieu chirurgical dès que le diagnostic est posé. Le traitement antibiotique dirigé contre des bactéries intestinales aéro et anaérobies consiste en l'administration intraveineuse d'une triple association comportant une

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bétalactamine, un aminoside et un imidazolé. On y associe la mise à jeun du patient, l'administration d'antalgiques et d'antispasmodiques, de la glace sur le ventre, ainsi qu'une rééquilibration hydroélectrolytique. La pose d'une sonde nasogastrique peut se justifier devant un syndrome occlusif. Ce traitement est poursuivi jusqu'à disparition des symptômes soit environ 8 à 10 jours. L'alimentation est réintroduite progressivement en évitant la prise de fibres pendant les premières semaines. Un relais par une antibiothérapie est entrepris pour une durée variable, en général 2 à 3 semaines supplémentaires. Il n’existe pas de traitement préventif des rechutes. On peut néanmoins conseiller une alimentation riche en fibres à distance de l’épisode infectieux. Le traitement des abcès de plus de 3 cm est réalisé par ponction aspiration ou ponction drainage guidé sous contrôle échographique ou TDM. On peut ainsi isoler le germe responsable, et écourter la période symptomatique. Le drain est laissé en place 8 à 10 jours.

9.2 La chirurgie La voie d’abord, par laparotomie ou par coelioscopie, ne change pas le type de résection. En diminuant le préjudice pariétal, la coelioscopie offre un meilleur confort post opératoire et diminue la durée d’hospitalisation. La résection recto-sigmoïdienne emportant la charnière peut être faite en plusieurs temps opératoires selon le contexte. Idéalement on réalise une chirurgie en 1 temps avec rétablissement immédiat de la continuité digestive. La technique en 2 temps consiste à réaliser une colostomie de dérivation protégeant des complications d’une fistule anastomotique. Cette colostomie ne diminue pas le taux de fistule post opératoire, mais en atténue les conséquences infectieuses. Le rétablissement de la continuité est réalisé 4 à 6 semaines plus tard, après avoir vérifié l’intégrité de l’anastomose au moyen d’un lavement opaque. Parfois, la première intervention est réalisée en urgence, lors d’une péritonite. Toute anastomose est alors à proscrire du fait du risque accru de fistule anastomotique. On réalise dans ce cas un montage dit de Hartmann qui consiste en une résection sans anastomose. On réalise la résection du colon perforé. Le moignon rectal est fermé et abandonné dans le pelvis. Le côlon proximal est amené en colostomie terminale en fosse iliaque gauche. L'intervention est terminée par la mise en place systématique d'un drainage du pelvis et du moignon rectal par un sac de Mikulicz, extériorisé par l'extrémité inférieure de l'incision et laissé en place 14 jours. Le rétablissement de continuité est réalisé à froid, et constitue le second temps opératoire et est réalisé 8 à 12 semaines plus tard La technique en 3 temps consisterait à réaliser le rétablissement de continuité d’une intervention de Hartmann sous couvert d’une colostomie refermée 4 à 6 semaines plus tard au cours du 3ème temps opératoire. Le traitement chirurgical des fistules et des abcès réside dans le traitement de leur cause, et donc de la sigmoïdite ou de ses séquelles. Il est indiqué d’interposer le grand épiploon pour isoler l’anastomose des zones cruentées ou fistuleuses. Il est rarement nécessaire de réaliser un geste spécifique sur la vessie ou le vagin, où l’orifice est le plus souvent très petit et cicatrise spontanément. Au total, le traitement chirurgical en urgence se limite à la prise en charges des péritonites, toutes les autres interventions sont réalisées à froid, plusieurs semaines après l’épisode infectieux.

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9.3 Prise en charge des hémorragies digestives diverticulaires Elle est complexe car il est difficile de faire la preuve de l’origine exacte du saignement. Cela revient à faire le diagnostic étiologique de rectorragies. On doit recourir à la coloscopie, l’artériographie parfois lorsque le saignement est abondant. Le plus souvent, la prescription de la purge préalable à la coloscopie permet l’évacuation des caillots, et le tarissement du saignement.

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HÉPATITES VIRALES AIGUES

Stanislas Pol, Hélène Fontaine, Anaïs Vallet-Pichard Unité d'Hépatologie, Hôpital Necker, Paris.

Objectifs (question 83 du programme officiel) • Diagnostiquer une hépatite virale. • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

1 LES VIRUS DES HÉPATITES

1.1 LE VIRUS DE L'HEPATITE B

1.1.1 Les particules virales Le virus de l'hépatite B, ses différentes particules et antigènes ont été identifiés depuis 1965. Le virion (ou particule virale infectieuse) a été décrit par Dane en 1970 ; il comporte une enveloppe externe et une capside (également appelée noyau). L'enveloppe porte des déterminants antigéniques qui définissent l'antigène de surface du virus (antigène HBs). L'antigène HBs induit la synthèse d'anticorps anti HBs qui protègent en règle l'individu contre une nouvelle infection par le virus de l'hépatite B (réalisant ainsi une immunisation active). L'antigène HBs est une protéine complexe et des variations dans sa composition ont permis de décrire différents sous-type du virus dont la répartition est variable suivant les pays. L'antigène HBs est présent à la surface des particules de Dane et sur des enveloppes virales vides, non infectieuses. Habituellement ces enveloppes vides sont en excès par rapport aux particules complètes et elles sont les seules détectées dans le sérum en l'absence de multiplication du virus. Sur l'enveloppe de la particule de Dane a également été localisé un récepteur qui pourrait intervenir dans la pénétration du virus dans les hépatocytes). Dans la particule de Dane se trouve une capside qui porte les déterminants antigéniques de l'antigène HBc (Ag HBc). Cet antigène viral est très immunogène et induit la synthèse précoce et importante d'anticorps anti-HBc de type IgM puis IgG. L'antigène HBc étant essentiellement situé dans la capside virale il n'est pas détecté dans le sérum par les techniques radioimmunologiques standards. Seul l'anti-HBc y est mis en évidence et l'interprétation de ce résultat n'est pas toujours simple quand l'anti HBc est isolé : guérison ou infection persistante ? L'évolution sérologique d'une infection par le VHB est schématiquement présentée page 25 : l'Ag HBs est détecté environ 3 semaines avant les signes cliniques et disparaît généralement dans le mois suivant ; sa persistance au delà de 2 mois fait craindre le passage à la chronicité de l'infection virale. L'anti-HBs est détecté de façon retardée (3 à 6 mois). L'anticorps anti-HBc apparaît dès la début de la symptomatologie et persiste pendant la phase d'infection aiguë puis pendant la phase de guérison : la présence de l'anticorps anti-HBc à elle seule ne permet donc pas de distinguer entre infection actuelle et guérison ; l'intérêt de la recherche de l'anticorps anti-HBc est l'existence d'une "fenêtre" : période schématiquement située entre les deuxième mois et quatrième mois après le début des signes cliniques où

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l'antigène HBs a déjà disparu et où l'anticorps anti-HBs peut ne pas être encore détecté : dans cette situation seul l'anticorps anti-HBc témoigne de l'infection VHB. L'antigène HBe apparaît peu avant l'ictère et disparaît rapidement après le début des signes cliniques, l'anticorps anti-HBe apparait plus précocement que l'anticorps HBs. Au stade d'une hépatite aiguë banale la recherche de l'antigène HBe et de l'anticorps anti-HBe n'apporte cependant pas de renseignement supplémentaire. Le problème pratique est la surveillance de ce malade pour dépister un portage chronique du virus qui se définira par la persistance de l'antigène HBs pendant plus de 6 mois d'évolution.

1.1.2 Portage chronique du virus : Ce portage chronique apparaît dans 5 à 10 % des cas chez les adultes mais de façon beaucoup plus fréquente chez les enfants infectés tôt dans la vie (jusqu'à 80 % chez les nouveaux-nés infectés à la naissance). Lorsque l'antigène HBs est détecté d'une façon chronique dans le sérum, on distingue schématiquement deux phases : multiplication du virus dans les hépatocytes avec excrétion de particules infectieuses ; dans cette situation l'antigène HBe est détecté dans le sérum ainsi qu'une activité enzymatique ADN polymérase ou la présence de l'ADN du virus B dans le sérum. Cette phase de multiplication virale et d'infectiosité du sérum est suivie d'une seconde phase marquée par l'absence de l'antigène HBe et la présence de l'anticorps anti-HBe qui témoignent de l'arrêt de la multiplication du virus, de la faible infectiosité du sérum bien que le malade reste porteur du virus dans les hépatocytes. On considère actuellement que les meilleurs marqueurs de multiplication virale et d'infectiosité du sérum sont, outre l'antigène HBe, la recherche d'une activité enzymatique ADN polymérase et celle de l'ADN VHB dans le sérum (Hybridotest , Pasteur, ou Genostics, Abbott).

1.1.3 Prévalence des infections par le virus de l'hépatite B. Le virus de l'hépatite B est une maladie infectieuse largement diffusée dans le monde : on estime à plus de 200 millions le nombre de porteurs chroniques du virus de l'hépatite B sur le globe ; on distingue schématiquement : — Des régions à forte prévalence de l'antigène HBs (Afrique, Asie du Sud Est) où 5 à 10 % de la population est porteuse chronique du virus de l'hépatite B. — Des régions à prévalence intermédiaire : entre 2 à 5 % de la population générale est porteuse chronique du virus de l'hépatite B (Italie, Afrique du Nord, Espagne du Sud, Grèce, Japon). — Des régions de prévalence faible (Europe du nord et Etats-Unis d'Amérique). On considère par exemple qu'en France environ 0,3 % de la population générale est porteuse chronique de l'antigène HBs.

1.1.4 Mode de transmission du virus de l'hépatite B : — Transfusions sanguines. — Injections intraveineuses (essentiellement chez les toxicomanes). — Relations sexuelles avec une personne infectée par le virus. — Transmission mère-enfant. D'une manière générale le virus de l'hépatite B est donc essentiellement transmis par les secrétions et par le sérum.

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Lorsqu'on étudie la répartition des porteurs chroniques du virus de l'hépatite B en France on peut distinguer de grandes variations de fréquence : l'hépatite B est particulièrement fréquente chez les toxicomanes, chez les homosexuels et chez les prostituées. Il est important de noter que ces "populations à risque" sont donc les mêmes que pour l'infection par le virus du syndrome d'immunodéficience acquise (VIH). En effet on a pu constater qu'environ 80 à 90 % des sujets infectés par le VIH ont également été exposés au virus de l'hépatite B puisqu'ils ont des anticorps (anti-HBs et anti-HBc) qui témoignent d'une infection antérieure ; de plus environ 10 % des sujets infectés par le VIH sont antigène HBs positif et donc infectés par le virus B. Transmission verticale du virus de l'hépatite B : c'est un facteur très important de la dissémination du virus dans des régions comme l'Asie : en effet une femme enceinte infectée au 3ème trimestre de la grossesse peut transmettre le virus à son enfant ; on admet que cette transmission se fait essentiellement au moment de l'accouchement par contamination du sang. Ce risque de transmission est d'autant plus fort que la mère présente des signes de multiplication du virus B : antigène HBe, ADN VHB dans le sérum, activité ADN polymérase. Ce fait a donc deux implications essentielles : la recherche de l'antigène HBs est obligatoire au cours d'une grossesse ; chez une femme porteuse de l'antigène HBs au troisième trimestre de la grossesse on doit organiser une prévention de l'hépatite chez le nouveau-né : immunoglobulines et vaccination. Le risque de portage chronique du virus est en effet particulièrement élevé chez le nouveau-né infecté à la naissance (30 à 80 % des cas).

1.1.5 Distinction entre une hépatite aiguë B et un portage chronique du virus B compliqué par une surinfection liée au virus Delta ou à un autre virus hépatitique. Il est apparu au cours des dernières années qu'un certain nombre d'hépatites "B aiguës" reflétaient en fait un portage chronique asymptomatique du virus B compliqué par la surinfection par un virus C ou par le virus delta, voire par le virus A, avec une symptomatologie d'hépatite aiguë. La distinction entre une hépatite aiguë B et un portage chronique du virus B est basée sur la détection des anticorps anti-HBc de classe IgM qui s'ils sont présents à un taux fort reflètent une hépatite B réellement aiguë récente ; au contraire la présence de l'antigène HBs sans IgM anti-HBc à un taux détectable témoigne d'un portage chronique ancien du virus.

1.2 LE VIRUS "DELTA" Le virus delta est responsable d'hépatites aiguës ou chroniques appelées hépatites D. Ce virus a été isolé (1978) en Italie. Les infections par le virus delta semblent évoluer de façon endémique en Italie, en Amérique du Sud et certaines régions d'Afrique Noire ; elles semblent par contre actuellement rares en Asie. En Europe du Nord et aux Etats-Unis le virus infecte principalement les toxicomanes et les hémophiles. Le virus delta est un virus "défectif" : sa multiplication sur les hépatocytes nécessite la présence du virus B ; une infection delta ne peut donc survenir que chez un patient infecté par le virus B : il peut s'agir d'une infection simultanée par les deux virus ou d'une surinfection par le virus delta chez un porteur chronique du virus B. La particule virale delta est composée de l'enveloppe de surface du virus B (portant l'antigène HBs) et d'un noyau dans lequel sont situés l'ARN viral et la protéine delta. Le diagnostic d'une infection par ce virus repose sur la mise en évidence dans le sérum de l'antigène delta et de l'anticorps anti-delta ; en pratique l'antigène delta n'est détectable que

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pendant quelques jours lors de l'infection. Le virus delta semble avoir une action cytoxique responsable d'hépatites aiguës grave et d'hépatites chroniques actives. Sa mise en évidence est donc souvent un facteur pronostique péjoratif. Le traitement est moyennement efficace (cf. chapitre hépatites chroniques).

1.3 LE VIRUS DE L'HEPATITE A (VHA)

1.3.1 Les particules virales : Le virus de l'hépatite A est un virus totalement différent du virus de l'hépatite B : il s'agit d'un virus ARN, sans enveloppe, pour lequel la virémie est extrêmement brève (environ 1 semaine en moyenne). Cette brièveté rend assez bien compte du peu de risque de transmission par voie sanguine. Contrairement au virus B, le virus A est présent dans les matières fécales mais absent des sécrétions (également à l'opposé du virus B). Le temps d'incubation varie entre 1 à 3 mois.

1.3.2 Les réactions sérologiques permettant d'identifier les hépatites liées au virus de l'hépatite A L'hépatite A entraine l'apparition d'anticorps anti-VHA. Lorsqu'existent de tels anticorps, il faut s'assurer qu'il ne s'agit pas d'anticorps présents antérieurement et qui seraient donc sans rapport avec l'hépatite actuelle. A cet effet il faut titrer les anticorps HAV de classe IgM : leur présence permettra d'affirmer le diagnostic d'hépatite aiguë récente liée au virus de l'hépatite A. Il n'y a pas de portage chronique du VHA ni d'hépatite chronique provoqués par le virus de l'hépatite A.

1.3.3 Prévalence des infections par le virus A. Les infections par le virus de l'hépatite A sont d'autant plus fréquentes et plus précoces que le niveau d'hygiène est bas. En France, on peut estimer qu'à l'âge de 20 à 30 ans le tiers de la population a rencontré le virus de l'hépatite A. Au contraire dans des pays comme l'Afrique la quasi totalité de la population l'a rencontré à cette période.

1.3.4 Le mode de transmission. Le virus A est transmis par voie entérale par les matières fécales. L'hépatite évolue par épidémie. Il n'y a pas de transmission du virus par des sécrétions contrairement au virus de l'hépatite B.

1.4 LE VIRUS DE L'HEPATITE C (VHC) Le diagnostic d'infection par des virus "NonA-NonB" a été pendant longtemps porté par exclusion : il s'agissait d'hépatites n'ayant pas les marqueurs sérologiques de l'hépatite A et de l'hépatite B. Le virus de l'hépatite C (VHC) a été identifié en 1989-90 par la Compagnie Américaine Chiron et plusieurs équipes japonaises puis deux autres virus "NonA-NonB" ont été identifiés, les virus de l'hépatite E et de l'hépatite G. Le virus de l'hépatite C est l'agent étiologique majeur des hépatites NonA-NonB dans leur forme post-transfusionnelle ou sporadique. Le virus de l'hépatite C est un virus à ARN d'environ 10 kb ; il se rapproche du groupe de virus appelés flavi et pesti virus (p.m. les virus de la fièvre jaune et de la dengue font partie du groupe des flavivirus). On distingue schématiquement dans son organisation génétique une

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région appelée "non structurale" qui code pour des protéines probablement impliquées dans la réplication virale et une région dite structurale qui code pour les protéines permettant la synthèse de la capside et de l'enveloppe virale. Une région située dans la partie 5' du génome est très conservée parmi les différents isolats et pourrait jouer un rôle dans la régulation d'expression des protéines virales. Des études très nombreuses de séquences nucléotidiques ont montré qu'il existe au moins 5 sous-types bien distincts de VHC dans le monde. La variabilité génétique est importante dans certaines régions du génome viral et en particulier dans les protéines d'enveloppe, expliquant les difficultés pour certains tests diagnostiques et ultérieurement pour les perspectives de vaccination. La variabilité génétique du VHC a d'importantes implications cliniques. Ainsi le génotype 1b est associé à des maladies plus sévères (cirrhose avec ou sans hépatocarcinome) que d'autres génotypes, à des récidives plus sévères de l'infection virale C sur les greffons hépatiques et à une moins bonne réponse au traitement par Interféron-α. Il faut noter que, malgré la connaissance de la séquence de l'ARN VHC, aucune équipe n'a pu à présent obtenir la culture in vitro du virus ni la visualisation des particules virales en microscopie électronique. Enfin l'ARN du virus de l'hépatite C, contrairement à l'ADN VHB, ne s'intègre pas dans le génome cellulaire des cellules infectées. Les tests diagnostiques Les tests sérologiques sont basés actuellement sur la détection d'anticorps dirigés contre des protéines codées par la région non structurale et contre des protéines codées par la région structurale (essentiellement la capside). Ces tests, dits de "seconde génération" ont permis d'augmenter considérablement la fiabilité des premiers tests et de dégager un grand nombre de notions épidémiologiques. Ils présentent cependant un certain nombre de limitations : — La séroconversion VHC est retardée au cours d'une infection aiguë (environ 4 à 6 semaines). — De rares porteurs chroniques du virus C peuvent être séronégatifs. — La transmission mère-enfant est observée chez environ 5% des enfants nés de mères infectées et virémiques. — Il y a un test actuellement disponible pour la détection d'antigène du virus de l'hépatite C dont les performances sont comparables aux tests génomiques. La détection de l'ARN du virus de l'hépatite C par les techniques de "polymerase chain reaction" est réalisée en routine : elle permet une estimation directe de la multiplication virale. Il est aussi possible de mesurer la virémie quantitative et de carctériser le virus en cause (génotype et sous-type), intéressante (si la virémie est positive) pour préciser les chances de succés thérapeutique, de définir les durées de traitement et d’établir par des analyses phylogénétiques les mécanismes de transmission et d’évolution des quasi-espèces virales. Mode de transmission Les deux modes de transmission majeurs connus actuellement sont la transfusion sanguine (les donneurs de sang sont maintenant testés de façon systématique pour la présence d'anticorps antiVHC) et la toxicomanie utilisant des drogues administrées par voie intra-veineuse. Deux facteurs de transmission apparaissent d'importance plus faible (contrairement au virus B) : — la transmission sexuelle : des cas indiscutables ont été décrits mais elle semble beaucoup plus rare que pour le virus de l'hépatite B.

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— la transmission mère-enfant : on assiste généralement à une disparition des anticorps maternels jusqu'au 12ème mois après la naissance. Des cas de transmissions mère-enfant sont possibles dans environ 5% des cas et chez environ 20% des mères co-infectées par le virus VIH. Prévalence des infections VHC On peut distinguer schématiquement des régions avec une forte endémie comme le Japon ou l'Europe du Sud (Italie du Sud, Espagne où la prévalence varie entre 1,2 à 1,5 % de la population générale), des zones à prévalence moyenne (en Europe du Nord (et en France en particulier) la prévalence se situe autour de 0,5 à 0,6 % de la population générale), et des zones de prévalence très faible (comme l'Australie) où la prévalence de l'infection chronique est de l'ordre de 0,2 à 0,3 %. Évolution des infections VHC Les infections VHC se compliquent fréquemment d'un portage chronique du virus ; environ 50 à 80 % des sujets infectés deviendront porteurs chroniques du VHC. Parmi ces patients infectés de façon chronique, il y a probablement 10 à 20 % de porteurs sains du virus définis par des patients ayant des transaminases constamment normales, un foie histologiquement normal et pourtant une virémie détectable. De plus environ 20 % des porteurs chroniques risquent de développer une cirrhose dans les années qui suivent. Par contre le risque d'évolution du virus de l'hépatite C vers une hépatite fulminante est exceptionnelle.

1.5 LE VIRUS DE L'HEPATITE E (VHE) Le virus de l'hépatite E est un virus à ARN (calicivirus) qui est impliqué dans des formes rares en France d'hépatites évoluant comme les hépatites A par épidémie avec une transmission entérale. Elles ont été surtout décrites en fait en Inde et en Afrique du Nord ; comme l'hépatite A elles ne risquent pas d'évoluer vers la chronicité mais on a pu décrire des hépatites fulminantes chez des femmes enceintes.

1.6 LES NOUVEAUX VIRUS HEPATOTROPES : VHG ET TTV Le virus de l'hépatite C (VHC), isolé en 1988, a permis d'expliquer l'essentiel des hépatites aiguës post-transfusionnelles et des hépatites chroniques antérieurement appelées non A-non B mais ne rendait pas compte de l'essentiel des hépatites résiduelles post-transfusionnelles observées après l’implantation des mesures drastiques d’hémovigilance. Grâce au développement de la biologique moléculaire, le virus de l'hépatite G (VHG ou GBV-C) a été identifié en 1996 et celui du TTV (transfusion-transmitted virus) en 1997.

1.6.1 Le VHG Le VHG a été identifié en 1996 en utilisant des méthodes de criblage immunologique à partir de sujets ayant fait une hépatite non A-non B-non C-non D-non E. Ce virus appelé GBV-C ou VHG, appartient comme le VHC dont il parfaitement distinct, au groupe des flaviviridae. Son organisation génomique est proche de celle précédemment décrite pour le VHC avec lequel il ne partage que 20% d'homologie structurale, définissant un nouveau genre dans cette famille de virus hépatotropes. Sa transmission est principalement parentérale. La transmission materno-foetale et sexuelle semble cependant supérieure à celle observée avec le VHC.

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Il peut être à l'origine d'hépatites aiguës spontanément résolutives ou d'hépatites fulminantes (des mutations spécifiques ont été identifiées expliquant le caractère fulminant associé à certaines souches). Il peut être à l'origine d'infections chroniques avec une fréquence moindre que le VHC (de l'ordre de 20 à 50 %). Le diagnostic d'une infection active repose sur l'identification de l'ARN viral par PCR. Un test sérologique détecte des anticorps contre une protéine d'enveloppe E2. Comme pour d'autres virus (VHA, VHE), l'apparition de ces anticorps neutralisants s'accompagne de la disparition de l'ARN viral chez les sujets ayant une hépatite aiguë ou chronique, ce qui la distingue de l'infection virale C. Les analyses épidémio-sérologiques montrent : 1. une prévalence des anticorps anti-VHG de l'ordre de 1 à 3 % chez les donneurs de sang de même qu'une prévalence comparable de la détection directe de l'ARN du VHG dans cette population; 2. la détection de l'ARN du VHG chez 10 à 20 % des patients ayant des hépatites aiguës ou chroniques sans autre marqueur d'infection active ; 3. la possibilité d'infections multiples notamment par le VHC et le VHG, particulièrement chez les polytransfusés et les toxicomanes intra-veineux (30 % environ): cette co-infection ne s'accompagne pas de lésions histologiques plus sévères que l'infection liée au seul VHC. C'est pourquoi il est actuellement suggéré que le virus de l'hépatite G, en dehors des hépatites fulminantes, peut donner des infections aiguës ou chroniques mais qui n'ont habituellement pas de retentissement clair sur le plan anatomo-pathologique ; 4. l'efficacité de l'Interféron-α pour normaliser l'hypertransaminasémie des patients infectés, mais la rechute semble fréquente à l'arrêt du traitement et indépendante d'une infection associée par le VHC. En résumé des données préliminaires actuellement disponibles, on retiendra de l'infection virale G une prévalence variant de 2 % (USA et Europe du Nord) à 15 % (Afrique de l'Ouest), un rôle pathogène discutable, une détection du virus par une PCR ou des anticorps neutralisants par un test sérologique de type Elisa en cours de développement.

1.6.2 Le TTV En 1997, des chercheurs japonais ont isolé un clone ADN d'un nouveau virus humain par l'analyse du sérum d'un patient ayant une hépatite post-transfusionnelle d'étiologie inconnue : ce nouveau virus a été nommé TTV pour "transfusion-transmitted virus". Les travaux initiaux établissent que le virus TTV est un virus non enveloppé, ayant un ADN simple brin de 3739 nucléotides. L'analyse phylogénétique identifie 4 groupes génétiques différents correspondant aux types 1a et 1b, 2 et 3. Le virus TTV partage de nombreuses caractéristiques des parvovirus bien que sa densité soit moindre, son génome plus grand et qu'il n'ait pas d'homologie de séquence avec les parvovirus connus. L’ADN du TTV est fréquemment détecté chez les donneurs de sang (2 à 10 %), au cours des hépatites fulminantes non A-non G (19 à 41 %) et des hépatites chroniques quelle qu’en soit l’étiologie (cryptogénétique, B ou C) (25 à 45 %). Deux tiers des patients ayant un ADN du TTV détectable ont un antécédent de transfusion ou d'usage parentéral de drogue. La moitié des sujets infectés a des tests biologiques hépatiques normaux et la plupart n'a pas de lésion histologique notable. L'ensemble des études actuelles montre que l'infection par le TTV est : 1. fréquente au Japon comme en Europe ; 2. à transmission parentérale chez deux tiers des patients mais on ne peut exclure une transmission non parentérale ; 3. indépendante des infections par le VHC, le VHB

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ou le VHG ; 4. associée à des infections aiguës spontanément résolutives ou chroniques. Notre connaissance du TTV est préliminaire mais son histoire ressemble à celle du VHG dont l’impact clinique reste à prouver. Le virus TTV semble peu pathogène mais on ne peut éliminer chez des sujets susceptibles un risque d'hépatite fulminante, éventuellement favorisé par des mutants du TTV. Ceci souligne aujourd'hui les difficultés d'interprétation engendrées par l'identification de nombreux génomes viraux par des techniques de biologie moléculaire de sensibilité croissante dans certaines situations pathologiques sans qu'on puisse définitivement en affirmer le rôle causal. C'est ainsi qu'un nouveau virus des hépatites "candidat" a été récemment identifié, le SEN-virus.

2 PHYSIOPATHOGENIE DES HEPATITES VIRALES B Le mécanisme de la nécrose hépatocytaire est très mal connu en l'absence de système de culture du virus in vitro. Il est actuellement admis que le virus n'a pas d'action directement cytotoxique et que la lyse cellulaire est liée à la réponse immunitaire (surtout immunité à médiation cellulaire) dirigée contre les antigènes du virus (surtout HBc) associés ou non à des antigènes d'histocompatibilité ; cela explique la possibilité des lésions hépatiques de gravité très variable suivant les individus : — Hépatite aiguë bénigne : une réponse immunitaire adaptée entraine la nécrose des hépatocytes infectés et l'élimination du virus. — Hépatite aiguë fulminante : une réponse immunitaire trop forte induit une nécrose hépatocytaire masive. — Portage asymptomatique du virus B : le virus ne peut être éliminé (phénomène de tolérance) et il n'y a pas de nécrose hépatocytaire. — Portage chronique du virus avec hépatite chronique : la réponse immunitaire existe mais ne permet pas d'éliminer le virus ; elle est cependant suffisante pour entrainer de la nécrose hépatocytaire.

3 ANATOMIE PATHOLOGIQUE Les lésions déterminées par l'hépatite virale sont représentées par des altérations des hépatocytes et une réaction inflammatoire. Les altérations des hépatocytes sont représentées par la ballonisation et la dégénérescence acidophile. Les hépatocytes ballonisés sont des cellules dont la taille est augmentée, dont la forme est arrondie et dont le cytoplasme est clair et spumeux ; le noyau est normal ou pycnotique. La dégénérescence acidophile est caractérisée par la disparition de la basophilie normale du cytoplasme : sur les coupes colorées par l'hématéine-éosine, le cytoplasme devient rouge foncé ; la taille de la cellule est normale ou diminuée avec des bords concaves ; le noyau est pycnotique, ou fragmenté, ou absent ; lorsque la lésion est maximale, la cellule est transformée en un corps de Councilman. Dans quelques rares cas, surtout chez le nouveau-né et chez l'enfant, les altérations hépatocytaires se traduisent par la formation d'hépatocytes géants : il s'agit d'hépatocytes de grande taille, contenant plusieurs noyaux. L'intensité de ces altérations hépatocytaires varie notablement d'un cas à l'autre. Dans les formes communes, un petit nombre d'hépatocytes est lésé ; les lésions hépatocytaires sont alors apparemment réparties dans tout le lobule ; cette atteinte de tout le lobule, sans prédominance péri-portale ou centrolobulaire est assez caractéristique de l'hépatite virale. Dans les formes plus graves, la nécrose est plus étendue ; en particulier la nécrose peut s'étendre entre un espace porte et une veine centro-lobulaire ou entre deux veines

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centrolobulaires ; on parle alors de nécrose en pont (bridging necrosis) ; on a attribué à la nécrose en pont une signification pronostique fâcheuse car on estimait qu'elle annoncait une évolution vers une cirrhose ; en réalité, la nécrose en pont observée au cours d'une hépatite aiguë est susceptible de guérir complètement (alors que la nécrose en pont observée au cours d'une hépatite chronique active indique que le risque d'évolution vers la cirrhose est très grand). En cas d'hépatite fulminante, la presque totalité ou même la totalité des hépatocytes est nécrosée. La réaction inflammatoire est faite, d'une part, d'une hyperplasie généralisée des cellules de Kupffer, plus nombreuses et plus grosses que normalement, et, d'autre part, d'une infiltration du parenchyme par des cellules mononuclées, lymphocytes ou plasmocytes. Cette infiltration siège dans l'espace porte, et, surtout dans le lobule, au contact des hépatocytes nécrosés (cette infiltration intralobulaire, sans prédominance péri-portale, est assez caractéristique de l'hépatite virale aiguë ; en cas d'hépatite chronique active l'infiltration prédomine dans la région péri-portale). Suivant le degré de cholestase, il existe d'une part des amas pigmentaires à l'intérieur des hépatocytes, et, d'autre part, des thrombis biliaires. Ces deux anomalies sont maximales dans les hépatites cholestatiques et manquent dans la forme anictérique. Une caractéristique importante de l'hépatite virale commune est la remarquable conservation, même si la nécrose hépatocytaire est étendue, du réseau de réticuline. Ce réseau va permettre, lors de la guérison, la régénération des hépatocytes suivant une architecture normale. Dans les rares cas où le réseau réticulinique est détruit, la régénération ne peut plus se faire suivant une architecture normale : la conséquence peut en être une cirrhose post-hépatique. Dans les formes habituelles, la guérison se traduit par la disparition progressive des altérations des hépatocytes et de la réaction inflammatoire. Du fait de la régénération cellulaire, on constate souvent de nombreuses mitoses ; celles-ci peuvent d'ailleurs apparaître très tôt dans l'évolution, alors même que les lésions hépatocytaires sont encore marquées ; dans ces cellules en voie de régénération, il est possible d'observer de la stéatose ; mais celle-ci est toujours modérée. La réaction inflammatoire peut être lente à disparaître ; elle peut s'accompagner d'une prolifération modérée du tissu conjonctif qui peut persister pendant plusieurs mois ; cette prolifération conjonctive modérée ne doit pas être confondue avec le début d'une hépatite chronique active.

4 SYMPTOMATOLOGIE

4.1 INCUBATION L'incubation est de 15 à 50 jours pour l'hépatite A, de 50 à 120 jours pour l'hépatite B et de 15 à 90 jours pour l'hépatite C. A la fin de la période d'incubation de l'hépatite A ou de l'hépatite B, il existe déjà une virémie ; dans le cas de l'hépatite A l'élimination du virus dans les matières fécales est présente également à la fin de l'incubation (mais ne peut, en pratique, être mise en évidence).

4.2 FORME ICTERIQUE COMMUNE L'ictère est parfois précédé d'un syndrome pseudo-grippal de 4 à 10 jours. Les manifestations les plus fréquentes sont la céphalée, l'asthénie, l'anorexie et les douleurs articulaires. Parfois le sujet se plaint de douleurs épigastriques ou de l'hypocondre droit. Chez un petit nombre de malades, il se développe une éruption cutanée de type varié, assez souvent de type urticarien.

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La température est normale ou modérément élevée. A l'examen, le foie peut être sensible à la palpation. Les examens de laboratoire révèlent déjà une série d'anomalies qui seront décrites plus loin. L'ictère s'installe progressivement et va atteindre son maximum en 4 à 8 jours. Son intensité est variable d'un malade à l'autre. Les urines sont peu abondantes et foncées. Les selles sont normales ou décolorées. Le prurit est inconstant. Les signes fonctionnels et généraux de la période pré-ictérique persistent pendant une ou deux semaines, puis s'atténuent progressivement. Le foie est de volume normal ou, chez quelques malades, légérement augmenté ; il est souvent sensible à la palpation. La rate peut être palpable. Quelques angiomes stellaires peuvent être observés. L'ictère décroît progressivement. Sa durée moyenne est de 2 à 6 semaines. L'asthénie disparait peu à peu, généralement avec l'ictère ; cependant, il n'est pas rare de voir les sujets se plaindre d'une asthénie pendant plusieurs semaines ou même plusieurs mois après la disparition de l'ictère. Il est assez fréquent que les médecins attribuent à une hépatite une certaine intolérance à différents aliments, notamment aux graisses : en réalité, il n'existe aucune relation scientifiquement prouvée entre une hépatite virale et de tels troubles.

4.3 AUTRES FORMES CLINIQUES

4.3.1 Formes anictériques. Les symptômes cliniques, en particulier l'asthénie et les arthralgies, sont identiques à ceux de la forme ictérique, à l'exception de la jaunisse. Les anomalies biochimiques, en particulier l'augmentation des transaminases, sont identiques, à l'exception évidemment de l'hyperbilirubinémie. Il existe des formes encore plus frustes, sans aucune manifestion clinique, ni désordre biochimique. Ces formes frustes ou même asymptomatiques sont probablement extrêmement fréquentes. En effet, la majorité des sujets ayant un anticorps contre l'un des virus responsables d'hépatite, n'ont aucun antécédent d'hépatite aiguë ictérigène.

4.3.2 3.2. Formes cholestatiques. Au cours de toute hépatite virale ictérigène, il existe évidemment un certain degré de cholestase. On réserve le nom d'hépatite virale cholestatique aux cas où la cholestase est intense, avec ictère foncé, prurit, élévation importante des phosphatases alcalines. L'évolution de ces formes est généralement lente, mais la guérison est habituellement complète.

4.3.3 Formes prolongées Dans certains cas, l'évolution peut se prolonger au-delà de la 6è semaine et durer 3 ou 4 mois, pour finalement se faire vers la guérison complète. Ces formes prolongées, généralement avec un ictère discret, sont particulièrement fréquentes chez les sujets atteints d'hémopathie maligne ou d'insuffisance rénale et chez les malades traités par hémodialyse ou par immunosuppresseurs ; le risque d'évolution vers une hépatite chronique est élevé.

4.3.4 Formes à rechute Dans certains cas, après une guérison complète ou presque complète, survient une rechute au cours de laquelle les signes cliniques et les anomalies biochimiques réapparaissent ; rarement

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une 3è ou exceptionnellement une 4è rechute peuvent survenir. Ces formes à rechute peuvent évoluer vers une guérison complète.

4.3.5 Formes avec manifestations extra-hépatiques. Ces manifestations sont en rapport avec l'infection virale elle-même ou avec les réactions immunitaires provoquées par le virus. a) Une pleurésie ou une péricardite peuvent survenir dans la période initiale de la maladie,

parfois même avant le développement de l'ictère.

b) Une polyradiculonévrite, ou plus rarement d'autres lésions nerveuses périphériques,

peuvent survenir avant l'ictère.

c) Une anémie hémolytique par autoanticorps est une complication très rare de l'hépatite virale. d) L'aplasie médullaire est une complication exceptionnelle, qui survient tardivement, environ deux mois après le début clinique. e) Certaines hépatites virales B, généralement anictériques, peuvent se compliquer de périartérite noueuse, dont les premières manifestations commencent généralement 3 à 5 mois après le début clinique de l'hépatite. f) Des glomérulopathies, en rapport avec des dépôts de complexes immuns contenant l'antigène HBs, ont été observées chez des sujets atteints d'hépatite virale B.

4.3.6 Formes avec insuffisance hépatocellulaire grave (ou hépatites fulminantes). Ces formes sont caractérisées par l'apparition d'une encéphalopathie hépatique ; celle-ci peut survenir à tous les moments de l'évolution d'une hépatite aiguë dont la symptomatologie était jusqu'alors banale ; dans quelques cas l'encéphalopathie survient au tout début ; il est rare qu'elle survienne plus de 3 semaines après le début de l'ictère. Il existe habituellement une diminution considérable des facteurs II, V, VII et X dont les taux sont inférieurs à 30 p. cent. Il apparaît parfois des ecchymoses, des hémorragies gingivales ou nasales et des hémorragies digestives ; ce syndrome hémorragique est dû en partie au défaut de synthèse des facteurs de coagulation fabriqués par le foie, en partie à des phénomènes de coagulation intravasculaire. Dans quelques cas il se développe une ascite de volume modéré. L'évolution se fait vers la mort en 2 à 4 jours, dans 50 p. cent des cas, si le sujet a moins de 20 ans, dans 75 p. cent des cas entre 20 et 40 ans, dans 90 p. cent des cas entre 40 et 60 ans et dans 100 p. cent des cas au-delà de 60 ans. Le risque d'insuffisance hépatocellulaire grave est d'environ 0,2 à 0,4 p. cent en cas d'hépatite A et de 1 à 3 p. cent en cas d'hépatite B ; le risque semble plus grand chez le sujet âgé que chez le sujet jeune. Une hépatite est dite fulminante si une encéphalopathie apparaît moins de 2 semaines après la survenue de l'ictère et est en général associée à un TP inférieur à 20-30 p. cent (dans le cas contraire, il faut rechercher une encéphalopathie d'une autre origine : métabolique, respiratoire, médicamenteuse). Elle est dite "sub-fulminante" si cette encéphalopathie apparaît entre 2 semaines et 3 mois après le début de l'ictère. Ces formes devront systématiquement conduire à la discussion d'une indication de transplantation hépatique en urgence. L'évolution parfois très rapide de l'hépatite aiguë

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indique une hospitalisation près d'un centre de transplantation hépatique pour tout patient ayant une hépatite aiguë avec un taux de prothrombine inférieur à 50 % ("hépatite aiguë grave").

4.3.7 Hépatite de l'enfant. Dans l'enfance, l'hépatite revêt dans l'ensemble le même aspect que chez l'adulte. Cependant, les signes digestifs de la période pré-ictérique sont souvent très marqués ; la température est souvent élevée, pouvant atteindre 39 ou 40° C. Le foie est souvent augmenté de volume. Chez l'enfant, entre 6 et 12 mois, l'hépatite virale B, ictérique ou anictérique, peut s'accompagner d'une éruption cutanée particulière, l'acrodermatite papuleuse. Le risque d'insuffisance hépatocellulaire grave est plus faible que chez l'adulte, mais n'est pas nul.

4.3.8 Hépatite de la femme enceinte et du nouveau-né. L'hépatite virale n'est pas une gravité particulière pour la femme enceinte en Europe et en Amérique du Nord ; il n'en est pas de même dans certains pays tropicaux ou subtropicaux où l'hépatite virale E fait courir un risque élevé d'hépatite fulminante quand elle survient au cours de la grossesse (20 à 30 % au 3e mois). En cas d'hépatite virale, une interruption de la grossesse peut se produire. Il ne semble pas que l'hépatite virale, même lorsqu'elle survient pendant le 1er trimestre, puisse déterminer des malformations fœtales. En cas d'hépatite aiguë B survenant le 3è trimestre de la grossesse, le risque de contamination du nouveau-né est de l'ordre de 80 p. cent ; pendant le 2è trimestre, il est de l'ordre de 25 p. cent ; pendant le 1er trimestre, il est nul. La contamination du nouveau-né se fait au moment de l'accouchement, soit à l'occasion du passage du virus dans le sang du cordon, soit par contact avec le sang de la mère pendant l'accouchement. L'hépatite du nouveau-né ne débute donc qu'après un délai de 2 à 3 mois après l'accouchement. Il peut s'agir soit d'une hépatite ictérigène simple, soit, le plus souvent, d'une hépatite anictérique ne se traduisant que par l'apparition de l'antigène HBs dans le sang.

5 DIAGNOSTIC - EXAMENS PARACLINIQUES Le diagnostic de l'hépatite virale repose sur trois ordres d'argument. En premier lieu, des arguments d'ordre étiologique : d'une part la notion d'un contage ; d'autre part l'absence d'une autre étiologie possible, en particulier de prise d'un médicament susceptible de déterminer un ictère. En second lieu, des arguments tirés de l'examen clinique, en particulier la notion d'une période pré-ictérique. Enfin, les examens paracliniques, qui seront détaillés ici, fournissent un certain nombre d'arguments supplémentaires.

5.1 EXPLORATION FONCTIONNELLE HEPATIQUE L'anomalie la plus importante pour le diagnotic est l'augmentation marquée des transaminases, généralement supérieure à 10 fois le taux normal. L'hypertransaminasémie survient dès la période pré-ictérique, où elle est souvent maximale ; après le maximum de l'ictère, les transaminases tendent à décroître progressivement ; chez certains malades, où cependant la maladie va évoluer favorablement, une légère élévation des transaminases persiste pendant plusieurs mois. La bilirubinémie varie évidemment en fonction de l'ictère. Elle reste élevée dans les formes cholestatiques. Les phosphatases alcalines sont normales ou modérément élevées, sauf dans les formes cholestatiques où l'on peut observer une forte hyperphosphatasémie. Le temps de Quick et les éléments du complexe prothrombique sont

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modérément perturbés dans les formes communes ; dans les formes avec insuffisance hépatocellulaire grave, des taux inférieurs à 10 pour cent sont habituels. L'albumine est normale ou légèrement abaissée. Les gammaglobulines ou les immunoglobulines IgG et IgM sont normales ou modérément augmentées.

5.2 EXAMENS HEMATOLOGIQUES Une leucopénie avec neutropénie est parfois observée. Assez fréquemment le fer sérique est élevé ; cette hypersidérémie est attribuée à la nécrose des hépatocytes qui libèrent dans le plasma le fer qu'ils contiennent. On voit en tout cas que l'hépatite virale aiguë habituelle n'est jamais une indication à biopsie hépatique.

6 TRAITEMENT ET PROPHYLAXIE

6.1 TRAITEMENT

6.1.1 Généralités — Il n'y a pas de traitement des hépatites virales aiguës. — Le repos strict et un régime alimentaire particulier ne sont pas nécessaires. — A éviter :

- Traitement par corticoïdes : il est formellement contre-indiqué car il risque de favoriser le passage à la chronicité d'une infection virale B. - Alcool : arrêt pendant environ 3 à 6 mois. - Oestroprogestatifs : arrêt généralement conseillé pendant 3 à 6 mois.

6.1.2 Il est actuellement bien montré pour les hépatites B et C que lorsque l'hypertransaminasémie ou les marqueurs de multiplication virale persistent 3 mois après le contage, le pourcentage de passage à la chronicité de l'infection est de l'ordre de 100 %. Ceci justifie, au moins pour le virus de l'hépatite C dont le risque d'évolution vers la chronicité est de l'ordre de 50 à 80 %, des essais de traitement dès la phase aiguë par Interféron-α afin d'éviter l'évolution vers la chronicité. Il est aujourd'hui établi que ce risque diminue à 30 % en cas de traitement précoce.

6.2 PROPHYLAXIE

6.2.1 Hépatite A Du fait de la contamination entérale des mesures d'hygiène sont nécessaires. L'injection d'immunoglobulines (gammaglobulines standards ou enrichies en anti-VHA) ne se discute que rarement et bien sûr chez des sujets séro-négatifs. Un vaccin efficace et bien toléré contre l'hépatite A a été mis sur le marché en 1992-93. En France il est aujourd'hui à réserver presque exclusivement aux sujets séro-négatifs faisant de fréquent séjours en régions endémiques. La vaccination complète (2 injections à un mois d'intervalle + un rappel à un an) revient à quelques 500-600 F non remboursables par la Sécurité Sociale.

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6.2.2 Hépatite B Au stade d'hépatite aiguë la nécessité de la protection de l'entourage est discutée (faible infectiosité du sérum au moment où les symptômes apparaissent, la période de contagiosité étant déjà passée à ce stade). Cependant il parait raisonnable de demander chez le partenaire une recherche d'anti-HBs et anti-HBc. En cas de résultat négatif la prévention est assurée par une injection d'immunoglobulines spécifiques anti HBs associée à une première dose de vaccin contre l'hépatite B (3 injections à 1 mois d'intervalle avec une dose de rappel 1 an après). Au stade de portage chronique du virus B cette prévention doit être systématique et concerne également les enfants. En cas de piqûre accidentelle avec une aiguille souillée la dose d'immunoglobulines spécifiques doit être injectée dans les 48 heures (1 ampoule de 5 ml pour un adulte). Par ailleurs, la vaccination contre le virus de l'hépatite B doit être systématiquement recommandée dans les cas suivants : — Personnel de santé. — Entourage du porteur chronique du virus. — Sujets polytransfusés. — Enfants nés de mère infectée. La vaccination n'est pas contre-indiquée chez le nouveau-né et la femme enceinte. Le prix de chaque injection est d'environ 160 F, remboursés à 70 % par la Sécurité Sociale.

6.2.3 Hépatite C La majorité des hépatites C observées en France était post-transfusionnelles. La détection systématique et légale maintenant du VHC chez tout donneur de sang et à chaque don semble d'ores et déjà porter ses fruits. En effet, le risque d'hépatite post-transfusionnelle liée au virus de l'hépatite C est actuellement proche de zéro (1 p 700 000 culots globulaires transfusés). Au contraire, persiste une transmission liée à l'usage de drogues. L'identification d'une hépatite aiguë C justifie l'administration d'un traitement antiviral précoce qui permet une fréquence élevée de guérison et évite le risque d'infection chronique chez 70 % des sujets infectés.

7 HEPATITES DUES AUX VIRUS DU GROUPE HERPES Les infections dues à certains virus du groupe herpès, en particulier le virus EB (mononucléose infectieuse), le cytomégalovirus et le virus de l'herpès, s'accompagnent avec une fréquence variable d'atteinte hépatique.

7.1 MONONUCLEOSE INFECTIEUSE Au cours de la mononucléose infectieuse, l'atteinte hépatique est constante, mais généralement latente cliniquement. Histologiquement il s'agit d'une infiltration du foie, principalement des espaces portes, par des cellules mononucléées ; l'atteinte des hépatocytes est absente ou discrète. Les phosphatases alcalines sont souvent modérément augmentées ; mais parfois elles sont très élevées, même en l'absence d'ictère. Les transaminases sont normales ou modérément augmentées. Dans quelques rares cas, il peut se développer un ictère. Dans quelques cas exceptionnels, concernant en général des malades atteints d'un déficit immunitaire, la mononucléose infectieuse peut entraîner une nécrose hépatique étendue. Le diagnostic repose sur le contexte clinique, les anomalies hématologiques et la positivité

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des tests de la mononucléose infectieuse.

7.2 INFECTION A CYTOMEGALOVIRUS Au cours des infections à cytomégalovirus du nouveau-né, l'hépatomégalie et l'ictère sont habituels. Dans l'enfance, l'infection entraîne souvent une hépatomégalie, une perturbation des tests hépatiques, mais assez rarement un ictère franc. Chez l'adulte, l'infection à cytomégalovirus peut s'observer après transfusion sanguine (la contamination est dûe au virus contenu dans le sang) et chez les malades ayant un déficit immunitaire (il semble s'agir alors d'une réactivation d'un virus latent) ; la maladie se traduit par une hépatomégalie et un ictère ; histologiquement, il existe des foyers de nécrose ; parfois des cellules contenant des inclusions virales sont observées dans le foie. Le diagnostic repose sur la mise en évidence du virus dans le sang et sur l'augmentation des anticorps à deux prélèvements successifs.

7.3 HERPES Au cours des infections herpétiques disséminées, l'atteinte hépatique est fréquente, sinon constante. Histologiquement, elle se traduit par des foyers de nécrose. Cliniquement, le foie est augmenté de volume ; un ictère peut apparaître. Ces formes disséminées surviennent principalement chez le nouveau-né ; plus rarement chez l'adulte, surtout lorsqu'il existe un déficit immunitaire. Le diagnostic repose sur les autres signes cliniques, en particulier l'existence d'une éruption vésiculeuse, sur la présence d'inclusions nucléaires dans les hépatocytes, sur la mise en évidence du virus dans le sang et enfin sur l'augmentation des anticorps à deux prélèvements successifs.

7.4 VARICELLE Une atteinte hépatique, comportant une nécrose hépatocytaire et une réaction granulomateuse, est exceptionnelle au cours de la varicelle.

8 VIH Une élévation du taux sérique des transaminases est assez fréquemment observée au cours des infections par le VIH. La cause de ces élévations de transaminases est souvent difficile à bien cerner : il peut s'agir d'infections associées (virus de l'hépatite B, virus NonA-NonB) ; on a également évoqué la possibilité d'une toxicité hépatique directe du VIH qui pourrait rendre compte de certaines élévations de transaminases au cours de la primo-infection par ce virus.

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HÉPATITES CHRONIQUES

Stanislas Pol, Hélène Fontaine, Anaïs Vallet-Pichard Unité d'Hépatologie, Hôpital Necker, Paris.

Objectifs (question 83 du programme officiel) • Diagnostiquer une hépatite virale. • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

Points importants • Le terme " Hépatite Chronique " désigne un groupe de maladies, d'évolution chronique, associant une nécrose des hépatocytes et un infiltrat inflammatoire. Les hépatites chroniques ont différentes étiologies et leur présentation clinique et biologique ainsi que leur réponse au traitement diffèrent considérablement. • Le diagnostic d'hépatite chronique peut être porté, d'une manière générale, devant des lésions hépatiques parenchymateuses associant nécrose, inflammation et fibrose présentes depuis un délai théorique (et discutable !) d'au moins 6 mois. • Deux grandes formes d'hépatite chronique peuvent être distinguées : 1. Hépatite chronique dite persistante : elle est le plus souvent d'évolution bénigne, ne

nécessitant pas toujours de traitement ; sa surveillance est indispensable car on ne peut jamais exclure complètement le passage ultérieur à une forme active.

2. Hépatite chronique active : le risque d'évolution vers des lésions de cirrhose est élevé et doit faire discuter un traitement qui varie selon l'étiologie.

• Le diagnostic d'hépatite chronique comprend donc plusieurs temps : 1. Estimation de la sévérité des lésions : elle ne pourra être affirmée que par l'examen

histologique du foie qui est nécessaire au diagnostic. 2. Enquête étiologique afin de rechercher les 3 grandes causes des hépatites : virales :

virus de l'hépatite B, D (ou delta) et C, médicamenteuses et autoimmunes" 3. Discussion d'un éventuel traitement : traitements anti-viraux en cas d'hépatite

chronique active liée à un des virus de l'hépatite, B, D ou C, avec multiplication virale persistante ; traitement immuno-suppresseur (associant corticoïdes et azathioprine) en cas d'hépatite chronique active autoimmune.

4. Prévention de la dissémination, au conjoint et à l'entourage, quand il s'agit d'une infection chronique virale.

5. Dépistage systématique, là encore lorsqu'il s'agit d'un virus hépatitique, d'une infection VIH associée. Cette recherche sera répétée environ tous les six mois chez les sujets qui demeureraient à risque.

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1 ÉPIDÉMIOLOGIE ET CLINIQUE

1.1 INFECTIONS VIRALES B, D et C

1.1.1 Histoire naturelle de l'infection virale B Le risque principal de l'infection virale B, en dehors des hépatites fulminantes (qui représentent moins de 1% des cas) est celui du portage chronique de l'antigène HBs. Il survient chez 5 à 10 % des adultes immunocompétents, jusqu'à 80 % des enfants infectés tôt dans la vie, 40 à 60 % des hémodialysés, 100 % des transplantés et 20 à 40 % des sujets infectés par le VIH. Le portage chronique est dans 1/3 des cas un portage dit sain caractérisé par l'absence d'hépatopathie et de multiplication virale ; dans 2/3 des cas une hépatite chronique est observée, associée à une multiplication virale persistante . Le risque en est l'évolution vers la cirrhose dans 20 à 30 % des cas, exposant elle-même à un risque de développement de carcinome hépatocellulaire, avec une incidence annuelle de 3 %. Ce risque est lié non seulement à la cirrhose elle-même mais aussi à des effets directs du VHB (intégration à l'origine de mécanismes de mutagénèse insertionnelle, transactivation de gènes cellulaires par les protéines virales X et préS2 S). L'évolution naturelle de l'infection chronique par le VHB peut être schématiquement représentée en 3 phases. La première phase, de durée variable (quelques mois à plusieurs années), est marquée par une multiplication active du virus dont les marqueurs sont l'ADN du VHB et l'antigène HBe dans le sérum et la présence de l'antigène HBc dans le noyau des hépatocytes. La deuxième phase est marquée par l'arrêt progressif et spontané de la multiplication virale qui est parfois associé à une accentuation de la nécrose hépatocytaire avec élévation transitoire des transaminases, vraisemblablement due à la réponse immunitaire cytotoxique. L'arrêt spontané de la multiplication virale coïncide souvent dans le temps avec l'apparition de la cirrhose. Les chances d'arrêt spontané de la multiplication virale au cours de l'infection chronique par le virus de l'hépatite B sont de l'ordre de 5 à 10 % par an. Au cours d'une troisième phase, le sujet est toujours porteur chronique du virus (antigène HBs positif) mais les signes de multiplication virale ont disparu et les anticorps anti-HBe sont présents. Les risques sont alors l'aggravation possible de la cirrhose et l'apparition d'un carcinome hépatocellulaire.

1.1.2 Histoire naturelle de l'infection D ou delta Le virus de l'hépatite delta est un virus défectif dépendant pour son organisation et sa multiplication de la présence du virus de l'hépatite B. On ne le cherchera donc que chez des patients AgHBs positif. Il est à l'origine de deux types d'hépatite épidémiologiquement et évolutivement différentes : 1) en cas de coinfection (rencontre simultanée entre le VHB et le VHD), l'évolution se fait le

plus souvent vers une hépatite aiguë, résolutive) s'il ne provoque une hépatite fulminante (5 % des cas)

2) en cas de surinfection (rencontre avec le VHD chez un porteur chronique du VHB) l'évolution se fait dans plus de 90 % des cas vers une hépatite chronique considérée comme plus sévère que l'hépatite chronique B seule, avec des risques identiques de cirrhose et de carcinome hépatocellulaire.

1.1.3 Histoire naturelle de l'infection virale C L'histoire naturelle de l'infection virale C est superposable à celle de l'infection virale B.

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Cependant 4 différences seront soulignées : 1) le risque d'hépatite fulminante est presque nul ; 2) la réalité du portage sain est discutée, mais environ 10 % des patients ayant une

multiplication virale détectable ont un foie histologiquement normal ou des lésions minimes ;

3) le risque de passage à la chronicité est de l'ordre de 50 à 80 % (et sans doute plus élevé dans les populations immunodéprimées) ;

4) l'apparition d'une cirrhose survient dans environ 20 % des cas avec son propre risque de carcinome hépatocellulaire ;

5) il n'y a pas d'extinction spontanée de la multiplication du VHC dans le temps.

1.2 HÉPATITES CHRONIQUES MEDICAMENTEUSES Une liste indicative des médicaments susceptibles d'induire l'apparition d'hépatite chronique est donnée sur le tableau 1.

1.3 HÉPATITES AUTOIMMUNES Il s'agit d'hépatite chronique active survenant surtout chez des femmes et associée à des "marqueurs" d'autoimmunité : incidence élevée d'autoanticorps, association à des maladies autoimmunes, fréquence élevée des antigènes d'histo-compatibilité HLA B8 et DR qui sont des marqueurs génétiques fréquemment associés à une maladie autoimmune. Plusieurs autoanticorps ont été identifiés : 1) anticorps anti muscle lisse (qui sont les plus couramment utilisés pour le diagnostic),

définissant les hépatites auto-immunes de type I. 2) anticorps anti "L.K.M." dirigés contre les microsomes d'hépatocytes et de rein (LKM :

Liver Kidney Microsomes). Ces anti LKM peuvent être divisés en 3 classes (anti LKM, 1, 2 et 3). Les anti LKM1 sont associés à une forme particulière d'hépatite autoimmune de l'enfant et définissent les hépatites autoimmunes de type II. Elles sont très corticosensibles. Chez l'adulte, près de 85 % de ces hépatites autoimmunes de type II sont associées à une infection par le virus de l'hépatite C avec anticorps antiVHC et multiplication virale C. Dans ce cas, il est possible que l'infection virale ait déclenché une réaction autoimmune manifestée par la présence des anticorps anti-LKM1. Ce type d'hépatites autoimmunes pose de façon délicate le problème du traitement : Interféron ? ou corticoïdes ? Les anti LKM1doivent être distingués des anti LKM2 (associés à une hépatite médicamenteuse déclenchée par l'acide tiénilique) et des anti LKM3 associés à une hépatite delta.

2 CLASSIFICATION HISTOLOGIQUE Elle est possible si la biopsie hépatique n'est pas contre-indiquée et ramène un échantillon suffisamment grand. Les éléments histologiques suivants sont recherchés : a) nécrose des hépatocytes ; b) infiltrat inflammatoire dans les espaces portes et/ou dans les lobules hépatocytaires ; c) importance de la fibrose et sa topographie (limitée aux espaces portes ou extensive dans les lobules hépatiques modifiant alors l'architecture du foie).

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Tableau 1. MÉDICAMENTS AYANT ÉTÉ ACCUSÉS DE POUVOIR CRÉER DES HÉPATITES CHRONIQUES ACTIVES (Le point d'interrogation entre parenthèses signifie que la certitude de leur responsabilité n'est pas établie)

DÉNOMINATIONS COMMUNES PRINCIPAUX NOMS DES SPÉCIALITÉS FRANCAISES

Acide acétylsalicylique* Aspirine

Acide tiénilique Diflurex

Alpha-méthyl dopa Aldomet

Amiodarone** Cordarone

Chlorpromazine Largactil (?)

Clométacine Dupéran

Isoniazide* Rimifon

Nitrofurantoïne Furadoïne

Papavérine

Paracétamol* Doliprane

Perhexiline*** Pexid

* Cas semblant bien documentés mais extrêmement rares et seulement après doses très fortes et prolongées. ** Histologie particulière avec inclusions cytoplasmiques type phospholipidose et corps de Mallory possibles. *** L'histologie peut être strictement celle d'une hépatite alcoolique.

2.1 HÉPATITE CHRONIQUE DITE ENCORE SOUVENT PERSISTANTE : L'architecture lobulaire est conservée, on trouve un infiltrat inflammatoire fait de cellules mononucléées dans les espaces portes qui n'envahit pas le lobule hépatique. Les signes de nécrose hépatocytaires sont rares. La fibrose est limitée aux espaces portes. On préfère actuellement parler d'hépatites chroniques d'activité minime ou modérée plutôt que d'hépatites chroniques persistantes.

2.2 HEPATITE CHRONIQUE ACTIVE : L'infiltrat inflammatoire est plus important et surtout s'étend dans le lobule hépatique, rongeant ainsi la lame bordante ; cet infiltrat s'associe à des lésions de nécrose hépatocytaire. Le terme de "piece-meal necrosis" désigne la nécrose d'hépatocytes situés à proximité de zones de fibrose (soit dans les espaces portes, soit dans les lobules) et entourés de cellules mononucléées. Cette lésion pourrait refléter la lyse des cellules secondaires à des mécanismes immunologiques. Il est important d'analyser en particulier la lame bordante hépatocytaire qui est constituée par la rangée d'hépatocytes situés à la jonction entre le lobule hépatique et l'espace porte : la disparition de cette lame bordante reflète le caractère extensif de l'infiltrat inflammatoire et de la fibrose. L'infiltrat inflammatoire et la nécrose sont associés à une fibrose qui a débordé les

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espaces portes et s'étend elle aussi dans les lobules. Dans les formes sévères d'hépatites chroniques actives la nécrose et la fibrose forment un

"pont" entre différents espaces portes et/ou entre des espaces portes et les veines centrolobulaires.

Le risque évolutif des hépatites chroniques actives est la constitution d'une cirrhose du foie qui peut être d'emblée mise en évidence lors du premier bilan d'une hépatite chronique active.

En fait, la distinction hépatite chronique persistante et hépatite chronique active est artificielle car il existe des formes de passge de l’une à l’autre selon l’activité de l’hépatopathie, sa persistance et l’efficacité des mécanismes de fibrolyse contre-balançant les mécanismes de fibrogénèse. A cette classique distinction, on préfère aujourd’hui les scores histologiques semi-quantitatifs. Ces scores (score de Knodell ou score Métavir) permettent l'évaluation de la sévérité de l'hépatopathie (activité nécrotico-inflammatoire et extension de la fibrose). Ils ont un intérêt indiscutable pour l’ information et le suivi des patients. A côté de ces scores histologiques, des tests non invasif de fibrose sont développés permettant chez environ deux tiers des patients dans le cadre des hépatites virales d’éviter la biopsie hépatique.

3 ÉVOLUTION ET NOTION D' "ACTIVITÉ" DE LA MALADIE Quelle que soit l'étiologie il est important de comprendre que le pronostic final de la maladie est lié plus à la persistance ou à l'arrêt de l'activité de l'hépatite qu'à l'importance de la seule fibrose hépatique : des lésions de cirrhose peuvent être mises en évidence par exemple dans le foie d'un malade en rémission clinique et biologique ; inversement la persistance d'une nécrose hépatocytaire associée à un infiltrat inflammatoire est un signe de pronostic défavorable. L'activité sera appréciée sur l'intensité des signes cliniques et biologiques sur l'examen histologique du foie. On voit donc la place essentielle qui revient, en cas d'hépatite chronique (et à la différence des hépatites aiguës virales banales) à la biopsie hépatique. Les principales contre-indications de celle-ci sont rappelées dans le tableau 2. Dans le cas d'une infection par le virus de l'hépatite B l'évaluation de l'importance et de l'éventuelle persistance de la multiplication du virus est devenue essentielle pour décider des indications thérapeutiques et estimer le pronostic chez les porteurs chroniques du virus de l'hépatite B, c'est à dire chez les sujets HBsAg positifs. On dispose en effet de marqueurs de multiplication du virus et donc d'infectiosité du sérum. L'antigène HBe a été pendant longtemps le seul de ces marqueurs de multiplication virale ; actuellement la recherche de l'ADN du virus de l'hépatite B dans le sérum (contenu dans des particules virales infectieuses de Dane) par les techniques d'hybridation puis d’amplification génomique (PCR) est le meilleur test de multiplication virale. On considère que pour des titres d’ADN viral B >100.000 copies/ml, il existe un risque d’activité histologique et donc une indication à un traitement antiviral. En résumé : la mise en évidence chez un sujet infecté par le virus de l'hépatite B de l'antigène HBe et surtout d’un titre d'ADN du virus de l'hépatite B dans le sérum >100.000 copies/ml témoigne de la multiplication virale ; au contraire la mise en évidence de l'anticorps anti-HBe et et surtout d’un titre d'ADN du virus de l'hépatite B dans le sérum <100.000 copies/ml reflète un « portage inactif » du VHB. De nombreuses études ont montré que le risque de développer une hépatite chronique active et une cirrhose est lié à la persistance de la multiplication virale.

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Pour le VHD, les marqueurs de la multiplication virale sont la détection de l'ARN du VHD et de l'IgM antiD dans le sérum et de l'AgD dans le foie. Pour le VHC, la multiplication virale est attestée par la présence de l'ARN du VHC dans le sérum, le foie ou les cellules mononucléées du sang périphérique.

PRINCIPALES CONTRE-INDICATIONS DE LA PONCTION-BIOPSIE HÉPATIQUE TRANSCUTANÉE (Noter que certaines de ces contre-indications disparaissent en cas de biopsie dirigée sous échographie)

ABSOLUES RELATIVES

Absence de matité hépatique

TROUBLES DE L'HÉMOSTASE * (Quick < 50 % et/ou temps d'Ivy > 10 min ; plaquettes < 100 000/mm3 ; temps de lyse des euglobulines < 90 min)

ASCITE

AMYLOSE

FOIE CARDIAQUE

CHOLESTASE EXTRA HÉPATIQUE avec dilatation des voies biliaires intra-hépatiques

Emphysème

Tumeur hypervascularisée

* L'existence de troubles de l'hémostase, si la ponction biopsie hépatique est indispensable, pourra justifier le recours à une biopsie par voie trans-veineuse.

4 SYMPTOMATOLOGIE

4.1 FORME DITE "PERSISTANTE" La maladie est habituellement tout à fait latente et n'est découverte qu'à l'occasion de la constatation d'une discrète augmentation des transaminases ou de la découverte de l'antigène HBs ou des anticorps anti VHC lors d'un don du sang ou d'un examen systématique. L'examen clinique ne révèle généralement aucune anomalie. Les tests d'exploration fonctionnelle hépatique sont généralement normaux sauf l'élévation des transaminases, le plus souvent inférieure à 50 ou 100 UI, et parfois une augmentation discrète des immunoglobulines (surtout IgG). Le diagnostic de certitude repose sur la ponction biopsie hépatique. L'évolution spontanée de la maladie est favorable car généralement, les lésions histologiques persistent indéfiniment, sans s'aggraver. Toutefois, dans certains cas, un passage vers une hépatite chronique active et le développement d'une cirrhose ont été observés et c'est pour cela que le terme de "persistante" tend à être abandonné.

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4.2 FORME "ACTIVE" Les premières manifestations de l'hépatite chronique active peuvent être l'asthénie, des douleurs de l'hypochondre droit, une poussée ictérique ou des manifestations systémiques qui seront décrites plus loin. A l'examen, le foie peut être augmenté de volume et de consistance ferme ; il est parfois sensible à la palpation. La bilirubine est plus ou moins élevée. Les phosphatases sont normales ou modérément élevées. Les transaminases sont en général modérément élevées entre 100 et 300 UI ; dans quelques cas elles peuvent atteindre des taux élevés, supérieurs à 500 unités. Les gammaglobulines sont élevées ; il existe une augmentation polyclonale des trois principales classes d'immunoglobulines, mais en général, l'augmentation des IgG est relativement plus importante que celle des IgA et des IgM ; chez certains malades, à l'augmentation polyclonale, s'ajoute l'augmentation monoclonale d'une immunoglobuline, généralement une IgG. En cas d'hépatite chronique active virale, l'antigène HBs, l'ADN du VHB, l'ARN du VHD ou du VHC sont généralement retrouvés dans le sérum ; en cas d'hépatite chronique autoimmune, les auto-anticorps sont mis en évidence : des anticorps anti-nucléaires dans environ 40 % des cas, des anticorps anti-muscles lisses dans 60 % des cas. Le diagnostic de certitude repose sur la ponction-biopsie ; si le fragment est trop exigu pour permettre un diagnostic histologique, il peut être nécessaire de faire une deuxième ponction-biopsie hépatique. Ces manifestations purement hépatiques de l'hépatite chronique active sont souvent précédées ou accompagnées de manifestations systémiques. Les plus fréquentes sont des éruptions cutanées de morphologie variée, des poussées thermiques, des arthralgies et le syndrome de Sjögren. On peut également rencontrer des pleurésies, des infiltrats pulmonaires, une fibrose pulmonaire, diverses atteintes rénales (en particulier, glomérulopathie et acidose tubulaire rénale), des anémies hémolytiques par auto-anticorps, une thyroïdite, une colite ulcéreuse, et des polynévrites. Ces manifestations systémiques sont relativement fréquentes en cas d'hépatite chronique autoimmune. Elles sont relativement rares en cas d'hépatite chronique active due au virus B, au cours de laquelle on n'observe guère que des arthralgies et des glomérulopathies. Une cryoglobulinémie mixte essentielle (rarement symptomatique) peut être observée dans environ 15 % des cas d'hépatite chronique C et une dysthyroïdie dans environ 5 % des cas. L'évolution de l'hépatite chronique active varie considérablement d'un malade à l'autre ; dans l'ensemble, l'hépatite chronique autoimmune est plus sévère que l'hépatite chronique due au virus B. L'aggravation se fait soit progressivement, soit par poussées. L'aggravation de l'insuffisance hépatocellulaire peut entraîner une encéphalopathie et finalement la mort. Il est habituel qu'il se constitue progressivement une cirrhose : une hypertension portale peu alors se développer et entraîner des hémorragies digestives ; la cirrhose peut se compliquer de carcinome hépatocellulaire, surtout en cas d'hépatite chronique active d'origine virale. Dans le cas particulier des hépatites chroniques actives médicamenteuses, l'arrêt de l'administration du médicament responsable entraîne généralement une amélioration des lésions hépatiques ; cependant, chez certains malades, en particulier en cas d'hépatite chronique active dûe au maléate de perhexiline, les lésions hépatiques peuvent continuer à s'aggraver malgré l'interruption du médicament responsable. Ce n'est guère que dans ce dernier cas qu'on pourrait être amené à discuter la corticothérapie.

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4.3 FORME CHOLESTATIQUE Chez certains malades, l'hépatite chronique active entraîne une cholestase marquée, avec ictère plus ou moins intense, prurit et augmentation des phosphatases alcalines. Tantôt la cholestase est permanente, dominant le tableau clinique, qui ressemble alors d'assez près à celui d'une cirrhose biliaire primitive. Tantôt la cholestase survient par périodes, accompagnant les poussées évolutives de l'hépatite chronique active.

4.4 FORME ASYMPTOMATIQUE Dans un certain nombre de cas, il existe des lésions plus ou moins intenses d'hépatite chronique active, sans aucun signe fonctionnel, en particulier sans asthénie et avec peu ou pas d'anomalies biochimiques, en particulier sans élévation marquée des transaminases. Ces formes asymptomatiques sont découvertes soit à l'occasion d'un examen biologique systématique qui révèle une élévation modérée des transaminases, soit chez un porteur apparemment sain chez qui l'antigène HBs peut être détecté à l'occasion d'un don du sang. Il semble que ces formes asymptomatiques puissent, en l'absence de tout traitement, être longtemps bien tolérées.

4.5 FORME SELON L'ETIOLOGIE Certaines particularités peuvent être remarquées suivant l'étiologie : ♦ Hépatite chronique active virale B :

Souvent un homme de 30 à 50 ans. Manifestations systémiques rares. Antigène HBs présent, Anticorps antinoyaux absents. Risque de transmission sexuelle élevé Risque de carcinome hépatocellulaire élevé en cas de cirrhose (environ 20-30 %).

♦ Hépatite chronique active virale C : Homme ou femme Facteurs de risque principaux : transfusion d'avant 1990, toxicomanie par voie

injectable même épisodique et ancienne Risque de transmission sexuelle très faible mais non nul Risque de carcinome hépatocellulaire élevé en cas de cirrhose (environ 20-30 %).

♦ Hépatite chronique active autoimmune : Le plus souvent une femme. Activité élevée. Manifestations systémiques fréquentes. Antigène HBs absent. Anticorps antinoyau et/ou anti-muscle lisse (ou anti LKM1)

présents à titre élevé. Risque de carcinome hépatocellulaire faible.

5 DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL Une hépatite chronique active B doit être distinguée d'une hépatite virale aiguë quand la maladie est révélée par une élévation importante des transaminases ; celle-ci peut alors être liée soit à une poussée évolutive de la maladie soit à une surinfection par le virus delta (voir aussi le chapitre hépatites virales aiguës). Dans certains cas d'hépatite chronique active, C en particulier, la présence d'une cholestase importante fait discuter une maladie des voies biliaires (cirrhose biliaire primitive ou

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cholangite sclérosante). Une maladie de Wilson (maladie héréditaire avec surcharge en cuivre et symptoma-tologie hépatique et neurologique) doit être systématiquement recherchée devant un tableau d'hépatite chronique sans signe d'infection virale, la D-Pénicillamine permettant d'arrêter l'évolution de la maladie. De même une hémochromatose doit être cherchée par principe devant une hépatite chronique sans étiologie apparente.

6 PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES

6.1 TRAITEMENT DE L'HEPATITE CHRONIQUE B Le rationnel thérapeutique, les indications, les modalités et résultats du traitement de l’infection virale B sont détaillés dans l’annexe « traitements de l’hépatite chronique B ». On retiendra que nous avons le choix entre un traitement par Interféron pégylé pour 48 semaines et/ou un traitement prolongé virosuppresseur par analogues nucléosidique (lamivudine) ou nucléotidique (Adéfovir). Ces traitements permettent une virosuppression efficace et bénéfique pour les patients (régression de l’hépatopathie, réduction des risques de complications de la cirrhose) mais qu’ils ne permettent pas de guérison virologique contrairement aux traitements de l’infection virale C.

6.2 2. TRAITEMENT DE L'HEPATITE D Le but du traitement est l'éradication de l'infection virale. Ses indications sont le traitement d'une hépatite chronique delta, histologiquement prouvée avec présence des marqueurs de réplication virale. Pour le VHD, la multiplication virale est définie par une hypertransaminasémie, la détection des IgM anti-delta et de l'ARN du VHD dans le sérum et de l'Ag delta dans le foie ; ces anomalies coexistent souvent avec une multiplication B faible, voire nulle. Les données ne sont que parcellaires pour le traitement des hépatites D. La réponse au traitement est souvent médiocre et les rechutes sont fréquentes. C'est l'Interféron-α qui est utilisé ; la posologie généralement conseillée est de 9 MU 3 fois par semaine pour 48 semaines. Avec ce type de traitement, la moitié des patients normalisent leurs transaminases et négativent leur virémie D avec une amélioration histologique ; après l'arrêt du traitement, la moitié des patients traités avec ce régime garde des transaminases normales mais la virémie réapparaît le plus souvent ; le traitement de l'hépatite delta apparaît donc relativement décevant. Cependant, la gravité potentielle de l'hépatite D amène à la retenir comme indication à traitement, d'autant que les résultats histologiques à long terme suggèrent un bénéfice histologique notable chez les patients ayant reçu un traitement renforcé. Aujourd’hui, l’interféron pégylé est utilisé avec des résultats encore préliminaires, mais, semble-t-il, supérieurs à ceux de l’interféron standard.

6.3 TRAITEMENT DE L'HEPATITE CHRONIQUE C Le rationnel thérapeutique, les indications, les modalités et résultats du traitement de l’infection virale C sont détaillés dans l’annexe « traitements de l’hépatite C ». On retiendra que le traitement associe l’Interféron pégylé et la ribavirine pour des durées de 24 ou 48 semaines selon les génotypes. Ces traitements permettent une guérison virologique dans environ 50% des cas avec une guérison progressive des lésions histologiques hépatiques autorisée par les capacités de régénération hépatique et de remodelage de la fibrose. La Ribavirine en monothérapie est peu efficace dans le traitement de l'hépatite chronique C et

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pourra être proposée aux patients ayant des contre-indications à l'utilisation de l'Interféron telles que les dysthyroïdies sévères, les maladies auto-immunes associées, des contre-indications hématologiques, des cryoglobulinémies mixtes symptomatiques sévères ne répondant pas au traitement antiviral. Le problème des patients non répondeurs à l'Interféron-α reste entier. D'autres traitements anti-viraux, incluant les inhibiteurs de protéases ou de polymérase du VHC ou des immunomodulateurs, sont en cours de développement.

6.4 EFFETS SECONDAIRES.

6.4.1 Effets secondaires de l'Interféron-α. Les effets secondaires liés à l'utilisation de l'IFN-α sont nombreux, dominés par une asthénie, un syndrome pseudo-grippal (fièvre, frissons, myalgies, céphalées), des troubles digestifs à type de nausées voire de diarrhée, et des troubles thymiques observés chez 1/3 des patients (irritabilité, dépression, labilité émotionnelle), sécheresse cutanée et troubles ophtalmologiques. Ces troubles conduisent rarement à l'arrêt du traitement ou à l'introduction de traitements additionnels, si ce n'est le Paracétamol qui permet souvent de contrôler le syndrome pseudo-grippal. L'inconvénient principal est lié à l'asthénie dont il est difficile de dire si elle est induite par le traitement ou liée à l'hépatopathie sous-jacente. Biologiquement, une leuconeutropénie ou une thrombopénie peuvent être observées, principalement chez les patients cirrhotiques. L'ensemble de ces effets secondaires est réversible et plus de 95 % des patients feront leur traitement dans son intégralité. Quelques effets secondaires sévères (cardio-vasculaires, psychiatriques, ophtalmologiques, thyroïdiens ou l'exacerbation de maladies auto-immunes jusqu'alors méconnues) sont possibles mais rares ; ils doivent être reconnus précocément de façon à arrêter au plus tôt le traitement.

6.4.2 Les effets secondaires de la Ribavirine : Des effets tératogéniques et des fétopathies ont été décrits dans les modèles expérimentaux animaux. Chez l'homme, dans les essais cliniques, les effets secondaires usuels sont habituellement minimes et réversibles et dominés par : 1. un inconfort abdominal spontanément résolutif malgré la poursuite du traitement ; 2. une hyperuricémie asymptomatique ; 3. une anémie hémolytique souvent modérée avec une diminution de l'ordre de 1 g de

l'hémoglobinémie mais pouvant entrainer des modifications thérapeutiques en cas de baisse plus importante. Des accidents ischémiques cardiaques ont été rapportés probablement favorisés par l'anémie hémolytique. Une coronaropathie évolutive est donc une contre-indication à la Ribavirine.

D'autres effets inhabituels peuvent être observés : un prurit, une toxidermie, une toux sèche. L'ensemble de ces résultats montre que si la Ribavirine en monothérapie a peu d'indication dans le traitement de l'hépatite chronique C, l'association Ribavirine/Interféron-α est supérieure à l'Interféron-α seul chez des patients naïfs, rechuteurs et à un moindre degré non répondeurs. Ceci a été confirmé par deux récentes méta-analyses montrant que la combinaison dans l'ensemble des populations traitées multipliait par un facteur 2 ou 3 l'activité de l'Interféron-α .

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6.5 CAS PARTICULIERS

6.5.1 L'infection associée par le VIH. L'infection par le VIH augmente le risque de passage à la chronicité mais aussi la sévérité histologique des hépatopathies virales B et C, notamment chez les toxicomanes. Les résultats des traitements antiviraux chez les sujets coinfectés par le VIH, montrent de moins bons résultats, en terme d'éradication virale, que chez les sujets non infectés par le VIH. Cependant, l'espoir d'une amélioration durable chez des sujets ayant une hépatopathie sévère justifie la poursuite des essais thérapeutiques.

6.5.2 Autres situations d'immunodépression. Elles ont toutes les mêmes conséquences que celles signalées avec la co-infection par le VIH ; elles comprennent les hémodialysés et transplantés rénaux, bon nombre de patients hématologiques mais aussi, fait souvent moins connu, les alcooliques chroniques. Dans toutes ces populations la prévalence des infections chroniques par les virus B et C est particulièrement fréquente, survenant il faut le rappeler, chez des sujets qui sont tous de très mauvais répondeurs à la vaccination contre le virus B (comme, sans doute, à la plupart des autres vaccins) ; un effort particulier restera donc à faire, dans l'avenir, pour travailler sur des protocoles de vaccination renforcée chez tous ces patients.

6.5.3 Les infections hépatotropes multiples. Certains sujets sont infectés par plusieurs virus hépatotropes (B et C, ou B, C et D). Quoiqu'il ait été décrit un "équilibre" de multiplication des différents virus (avec un risque de rupture de cet équilibre en cas d'efficacité des traitements sur l'un ou l'autre virus), il est aujourd'hui logique de proposer un traitement antiviral dans ces cas, particulièrement lorsque l'hépatite est histologiquement très active, la décision étant cependant moins claire en cas de virus D associé. EN CONCLUSION, le traitement par Interféron pégylé et ribavirine a une efficacité indiscutable quoiqu'encore insuffisante pour le contrôle des hépatites chroniques virales C. Les profils de réponse varient selon le type du virus suggérant des mécanismes d'action différents et selon le stade de la maladie. De façon à éviter la cascade hépatite chronique/cirrhose/carcinome hépatocellulaire, il apparaît aujourd'hui justifié de dépister les très nombreux porteurs chroniques d'une infection virale B ou C de façon à leur proposer au plus tôt une tentative thérapeutique par Interféron, dont l'inefficacité fera discuter d'autres associations thérapeutiques si l'activité histologique de l'hépatopathie le justifie. Mais la vraie priorité reste à la prévention, possible et efficace contre l'hépatite B grâce au vaccin, limitée aux contrôles rigoureux des produits transfusionnels et apparentés en ce qui concerne le virus C.

6.6 HÉPATITE CHRONIQUE ACTIVE AUTOIMMUNE Elimination d'une étiologie médicamenteuse ou virale C ou B. Indication des corticoïdes (cliniques, biologiques et histologiques) associés à

l'Azathioprine (Imurel : 50 à 100 mg/j) : Prednisolone à dose initiale forte (1/2 mg/kg/j) jusqu'à la diminution des signes d'activité puis dose d'entretien (5-15 mg/j).

Comme on a vu dans les chapitres précédents, l'association d'une infection virale C à certaines hépatites d'allure autoimmune (avec anti LKM1) pose le problème de la décision

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de traitement soit par Interféron (avec le risque d'aggraver une pathologie autoimmune mais une efficacité potentielle sur le virus C) ou par corticoïdes (efficace sur la partie autoimmune de la maladie mais bien sûr contre-indiquée par l'infection virale).

6.7 HÉPATITE MEDICAMENTEUSE Après l'arrêt du médicament responsable il est rare, mais possible, d'observer la persistance de signes importants d'activité qui feraient éventuellement discuter les corticoïdes.

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ANOMALIES BIOLOGIQUES HEPATIQUES CHEZ UN SUJET ASYMTOMATIQUE Anaïs Vallet-Pichard et Stanislas Pol

Service d’hépatologie, Hôpital Necker

Objectifs (question 83 du programme officiel) Interpréter des anomalies biologiques hépatiques chez un sujet asymptomatique

Points forts à comprendre Devant une hypertransaminasémie supérieure à dix fois la valeur normale, il faut rechercher en priorité : - une prise médicamenteuse suspecte dans les trois mois précédant l’hépatite et devant faire suspendre le traitement; - une hépatite aigüe virale (virus hépatotropes classiques A, B, C ou autres types CMV, HSV, VZV,EBV…) ou parasitaire (toxoplasmose); - une étiologie toxique; - une hépatite auto-immune (en particulier chez la femme de plus de 40 ans). On ne méconnaitra pas le diagnostic de migration lithiasique et dans des contextes cliniques évocateurs seront discutés le foie de choc ou le foie septique. Devant une hypertransaminasémie inférieure à dix fois la valeur normale, trois grandes causes sont à rechercher principalement: - l’alcoolisme chronique; - les troubles dysmétaboliques ; - l’hépatite C chronique. Devant une cholestase, il faut différencier les causes intra-hépatiques et les causes extra-hépatiques au moyen d’une échographie. Devant une augmentation isolée des GGT, il faut principalement rechercher: - un alcoolisme chronique; - une prise médicamenteuse; -un surpoids ou des variations pondérales brutales Points forts à retenir Les anomalies biologiques hépatiques sont fréquentes (5% de la population générale). La démarche diagnostique doit être simple et étagée: les principales étiologies pourront être recherchées par un interrogatoire (consommation quotidienne d’alcool, prise médicamenteuse, facteurs de risque viraux, poids et variations pondérales…) et un examen clinique complets et des examens complémentaires simples (biologiques et échographique).

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Le recours à la ponction biopsie hépatique ou à des examens radiologiques plus complexes pourra être nécessaire en seconde intention. La prise en charge thérapeutique précoce conditionne le pronostic et la réversibilité de l’éventuelle hépatopathie sous-jacente. En cas d’hépatite aigüe, quelle qu’en soit l’étiologie, il faut éviter de prescrire des médicaments et arrêter tous les traitements en cours non indispensables. Une hépatite aigüe sévère peut évoluer vers une hépatite fulminante ou sub-fulminante définie par un une encéphalopathie hépatique associée à un TP<20 à 30% devant faire discuter une transplantation hépatique en super-urgence. Tout retard à la prise en charge spécialisée est une perte de chance pour le patient.

Les anomalies biologiques hépatiques sont fréquentes (environ 5% de la population générale). Elles sont habituellement regroupées dans des grands syndromes (cytolyse ou hypertransaminasémie ; cholestase avec augmentation des phosphatases alcalines et des GGT), volontiers associés. Leurs causes sont multiples et justifient une prise en charge diagnostique et thérapeutique précoce qui conditionnent le pronostic et notamment la réversibilité de l’hépatopathie correspondante.

1 HYPERTRANSAMINASEMIES L'hypertransaminasémie est une situation clinique fréquente. Souvent découverte fortuitement, elle met le médecin face à l'ensemble de la pathologie hépatique. Une démarche diagnostique simple et étagée peut permettre de conduire à un diagnostic étiologique qui appuiera une prise en charge thérapeutique adaptée. La démarche diagnostique est largement dépendante de l'importance et de la durée de l'hypertransaminasémie

1.1 Hypertransaminasémies supérieures à dix fois la valeur normale Cette situation, en fait rare, pose les problèmes du diagnostic d'une hépatite aiguë. Moins que l'examen clinique, c'est l'interrogatoire, extrêmement détaillé, qui s’attachera à rechercher des facteurs de risque de contamination virale (voyage récent en zone d'endémie, toxicomanie intraveineuse, transfusion sanguine, sexualité à partenaires multiples), une prise médicamenteuse ou l'exposition à un toxique et les examens complémentaires qui permettront d'en établir l'étiologie (fig. 1). • Toute prise médicamenteuse suspecte dans les trois mois précédant la découverte de l'hypertransaminasémie conduira à l’arrêt du traitement en raison des risques de progression de l'hépatite médicamenteuse toxique ou immuno-allergique. On retiendra comme principales molécules capables de donner des hépatites cytolytiques : l’halothane, le cyclophosphamide, la vincristine, la methyldopa, le verapamil, la salazosulfapyridine, les fibrates, les sulfamides, l’isoniazide, les imipraminiques, les AINS, le paracétamol, l’allopurinol … • L’exposition à un toxique doit être recherchée à l’interrogatoire (en particulier la consommation de champignons vénéneux ou de stupéfiants métamphétamine-ectasy ou cocaïne). • Dans des contextes cliniques évocateurs, les diagnostics de foie de choc, de foie septique ou de formes pseudo-hépatitiques de maladies lithiasiques seront discutés. Le foie de choc

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survient au décours d’un choc hypovolémique ou cardiogénique, qui a d’ailleurs pu passer inaperçu (troubles du rythmes spontanément résolutifs, bas débit au cours d’une dialyse) et se caractérise par un tableau d’hépatite aigüe fréquemment associée à une insuffisance hépatocellulaire et à une insuffisance rénale. Les anomalies biologiques hépatiques (ASAT, ALAT, TP) se normalisent rapidement dans les 48 heures avec la correction du choc. Le foie septique est exceptionnel, survenant, en dehors du contexte de choc septique, chez des patients immunodéprimés et se traduisant par une altération franche de l’état général, une hépatomégalie douloureuse et un ictère. Enfin, les migrations lithiasiques sont diagnostiquées dans un contexte clinique évocateur associant douleurs de type biliaire, ictère et fièvre. Les perturbations du bilan hépatique régressent rapidement dans les 24 à 48 heures. Des formes frustres sans fièvre, ni ictère, ni douleur typiques peuvent rendre le diagnostic plus difficile. Ce tableau de migration lithiasique justifie la réalisation d’une échographie hépatique devant une hypertransaminasémie supérieure à dix fois la valeur normale pour explorer la voie biliaire principale. • Le diagnostic d’hépatite virale aigüe sera fondé sur l’interrogatoire retrouvant des facteurs de risque de contamination et sur les sérologies. En première intention, on recherchera les IgM anti HAV, l’Ag HBs et les Ac anti HBc de type IgM, la PCR virale C afin de diagnostiquer une infection virale liée aux virus hépatotropes classiques (A, B, C). On en profitera pour dépister le VIH, les facteurs de risque étant identiques à ceux des hépatites B et C. En seconde intention, on discutera d’autres atteintes infectieuses, virales ou non, et on recherchera les Ac anti delta (chez les porteurs de l’Ag HBs), les IgM anti CMV, anti EBV (VCA), anti HSV, anti VZV, anti toxoplasmose, la sérologie syphilitique (TPHA VDRL). • Les hépatites auto-immunes seront recherchées en particulier chez la femme de plus de 40 ans en dosant les anticorps anti-tissus : anti-nucléaires, antimitochondries, anti-muscle lisse et anti LKM1 (voir : Pour approfondir). • Enfin, et plus particulièrement chez des sujets de moins de 40 ans, le dosage de la cuprémie et de la ceruléoplasmine sera demandé à la recherche d’une poussée de Maladie de Wilson.

1.2 Hypertransaminasémies modérées, inférieures à dix fois la normale Une augmentation de l'activité sérique de l'alanine aminotransférase (ALAT) ou de l'aspartate aminotransférase (ASAT) supérieure ou égale à 1,5 fois la normale et inférieure à 10 fois la valeur supérieure de la norme est une situation fréquente. Elle est observée dans 2 à 5% de la population générale. Elle justifie une démarche diagnostique simple (tabl. I). La priorité est d'affirmer la réalité ou le caractère prolongé de l'hypertransaminasémie : en effet dans la moitié des cas environ, un contrôle un mois après le premier dosage de l'activité sérique des transaminases montre que celle-ci s'est normalisée (il en est ainsi de l'hypertransaminasémie portant sur les ASAT au décours d'un exercice musculaire). A l’interrogatoire du sujet on précisera : son poids et sa surface corporelle (en notant d'éventuels amaigrissements ou prises de poids récents) ; sa consommation d'alcool quotidienne (souvent sous-estimée et à tort banalisée): une surconsommation d'alcool sera affirmée par un interrogatoire efficace ou suggérée par une augmentation du VGM, des ASAT, des GGT et des IgA; ses prises médicamenteuses (incluant la phytothérapie prolongée sous forme de pilules, herbes, tisanes ou décoctions, dont l’hépatotoxicité n'a été décrite que récemment) particulièrement les trois derniers mois précédant l'apparition des anomalies biologiques hépatiques ; les facteurs de risque de contamination virale, et plus particulièrement une toxicomanie intraveineuse même ancienne et anecdotique ou des

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antécédents transfusionnels; l'éventuelle exposition à des toxiques industriels. L'examen clinique complet (incluant l'examen de la thyroïde, l'examen cardiovasculaire avec la mesure du pouls…) est le plus souvent pauvre.

1.2.1 Diagnostics les plus fréquents Les trois causes principales d'hypertransaminasémie prolongée modérée sont l'alcoolisation chronique, l'obésité ou la surcharge pondérale et l'infection virale C. • L'alcoolisation chronique ou la consommation excessive d'alcool (plus de 4 verres par jour chez l’homme et de 2 verres par jour chez la femme) touche 3 à 5 millions de français et est responsable de 30 à 50% des hypertransaminasémies modérées prolongées. Il s'agit d'une alcoolisation trop souvent considérée comme banale et sans risque. Pour l'ensemble des buveurs excessifs, un tiers a un foie normal, un tiers a une cirrhose et un autre tiers a une maladie alcoolique du foie non cirrhotique (stéatose ou hépatite alcoolique) témoignant de l'inégalité génétique et constitutionnelle vis-à-vis de l’hépatotoxicité de l'alcool. Le risque d'hépatopathie alcoolique n'est pas clairement corrélé à la consommation d'alcool ; le patient doit être prévenu du probable retentissement hépatique de sa surconsommation d’alcool. Le seul traitement à lui proposer est l’abstinence qui permettra également l'amélioration d'autres problèmes, tels qu'une dyslipidémie, une hypertension artérielle, des troubles de l'humeur ou du comportement pouvant poser des problèmes socio-professionnels ou familiaux. Si le sevrage ambulatoire ne peut être obtenu par le médecin généraliste, des prises en charge alcoologiques (consultations, voire hospitalisations) seront discutées. • Les troubles dysmétaboliques (dyslipidémies, dysglycorégulation, obésité) représentent 20% environ des causes d'hypertransaminasémies prolongées. Chez environ deux tiers des sujets ayant un surpoids, après avoir éliminé d'autres causes potentielles d'augmentation des transaminases, une échographie pourra montrer une stéatose hépatique (« foie gras ») sous la forme d'un foie hyperéchogène (brillant). Récemment, une nouvelle entité a été décrite, la NASH (non alcoholic steato-hepatitis) associant des lésions de stéatose et d’hépatite pseudo-alcoolique (corps de Mallory, infiltrat à polynucléaires neutrophiles, lésions hépatocytaires centrolobulaires) qui ont un potentiel fibrosant et peuvent évoluer vers la cirrhose dans un tiers des cas. Cela justifiera une prise en charge thérapeutique sérieuse (diététique, médicamenteuse) des différents troubles métaboliques ; un amaigrissement progressif de 10% du poids corporel permet, dans ces situations, une normalisation des transaminases dans 90% des cas. A l'opposé, un amaigrissement marqué peut aussi s'accompagner d'une stéatose avec les mêmes anomalies biologiques hépatiques. • Le virus de l'hépatite C est responsable de 15 à 20% des hypertransaminasémies modérées prolongées. Dans 2/3 des cas, un facteur de risque de contamination est identifié (risque paréntéral principalement : usage de drogues intraveineux ou inhalé, transfusions de produits sanguins ou gestes médicaux lourds); la coexistence des anticorps anti-VHC et de l'hypertransaminasémie témoigne dans plus de 95% des cas d'une hépatite chronique (voir : Pour approfondir).

Par un interrogatoire approfondi et des examens complémentaires simples (VGM, GGT, bilan lipidique, anticorps anti-VHC), le diagnostic sera le plus souvent suspecté, voire établi. La prise en charge thérapeutique sera principalement diététique pour les deux principales causes, et justifiera une prise en charge hépatologique spécialisée pour la troisième. Il ne faudra pas méconnaître la possibilité dans près de la moitié des cas de pathologie intriquée (alcoolique et

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dysmétabolique ou alcoolique et virale). Enfin, il faut signaler que des données récentes modifient l'approche diagnostique des hypertransaminasémies puisque 10% des patients ayant une hypertransaminasémie inexpliquée auraient une maladie coeliaque asymptomatique. Il est donc licite de rechercher les anticorps antigliadine et antiendomysium et de poursuivre s'ils sont positifs par une endoscopie digestive haute avec biopsies duodénales à la recherche d'une atrophie villositaire.

1.2.2 Maladies générales à éliminer En dehors des étiologies évidentes (qui peuvent cependant elles-mêmes justifier la réalisation d'une PBH, notamment pour la pathologie alcoolique ou en cas de suspicion de NASH), la PBH sera souvent l'examen clé du diagnostic de l'hypertransaminasémie isolée et prolongée. Avant que cette PBH soit réalisée, auront été éliminées les maladies générales suivantes :

Les maladies thyroïdiennes : l'hypo mais surtout l'hyperthyroïdie donne volontiers des hypertransaminasémies avec une augmentation de la GGT; la tachycardie est fréquente et devra au moindre doute conduire aux dosages hormonaux (TSH). Le diagnostic d'une dysthyroïdie ne doit pas conduire à la réalisation d'une PBH mais à l'initiation d'un traitement qui permet souvent rapidement (dans les deux mois) la normalisation du bilan biologique hépatique avec l'euthyroïdie.

La dysglycorégulation : le diabète déséquilibré non insulino ou insulino-dépendant peut être responsable d’une hypertransaminasémie modérée. Un traitement bien conduit par régime, anti-diabétiques oraux ou insuline permet, dès lors que la glycémie est normale, de normaliser les transaminases.

Les maladies cardiaques : les cardiopathies infracliniques et principalement les cardiopathies droites ou globales peuvent s'accompagner d'anomalies biologiques hépatiques. La cholestase est plus fréquente que la cytolyse. Devant une cytolyse prolongée et inexpliquée, l'examen clinique du cœur, l'électrocardiogramme, voire l'échocardiographie sont cependant justifiés. L'échographie montre le plus souvent une dilatation de la veine cave inférieure ou des veines sus-hépatiques en cas de cardiopathie rendant compte d'un « foie cardiaque ».

Les maladies musculaires : elles sont habituellement peu ou pas symptomatiques et le plus souvent bénignes, notamment chez l'adolescent. Evoquées par le contraste entre l'élévation des aminotransférases (et principalement de l'aspartate aminotransférase) et la normalité de la GGT, elles seront confirmées par le dosage des enzymes musculaires (CPK) et de la créatinurie. Cette hypertransaminasémie peut s'observer chez les sportifs et notamment les marathoniens au décours d'un effort prolongé justifiant la répétition de la mesure des transaminases.

1.2.3 Diagnostics rares à évoquer Toute la pathologie hépatique peut être discutée devant une hypertransaminasémie prolongée et la ponction biopsie hépatique sera souvent l’examen clé du diagnostic. On évoquera principalement les maladies suivantes :

Les hépatites auto-immunes : elles sont principalement rencontrées chez l'enfant et la femme au-delà de la quarantaine, d'autant qu'existent cliniquement des anomalies compatibles avec une maladie auto-immune (syndrome sec, polyarthralgies, dysthyroïdie, vascularite cutanée ou neurologique) et un syndrome biologique inflammatoire. La

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présence d'anticorps anti-tissus permettra d'affirmer le diagnostic et la PBH permettra de déterminer le degré de l’atteinte hépatique (activité nécrotico-inflammatoire et fibrose). Un traitement immunosuppresseur sera débuté.

L’hémochromatose génétique pour laquelle l'antécédent familial n'est qu'inconstamment retrouvé doit être recherchée ; un bilan du fer perturbé (augmentation du fer sérique, augmentation de la ferritinémie, mais surtout coefficient de saturation de la sidérophiline > 60%) permettra d'évoquer fortement le diagnostic et justifiera la recherche de la mutation C282Y du gène HFE. En cas d’homozygotie pour la mutation, le diagnostic d’hémochromatose génétique sera certain et la biopsie inutile avant 50 ans (si les transaminases sont inférieures à 5 fois la normale et la ferritinémie inférieure à 1500 µg/l) et en l’absence d’argument pour une cirrhose. Un traitement par saignées sera entrepris pour obtenir une stricte normalisation du bilan martial et un dépistage génétique familial sera proposé. Les signes extrahépatiques de l'hémochromatose (mélanodermie, diabète, cardiopathie, chondrocalcinose, autre endocrinopathie…) seront recherchés. La biopsie hépatique avec le dosage du fer intra-hépatique à visée diagnostique a perdu de son intérêt depuis l’apparition du diagnostic génétique mais garde des indications dans les situations douteuses, en cas de perturbation du bilan martial sans mutation retrouvée ou associée à une hétérozygotie.

La maladie de Wilson, maladie de surcharge beaucoup moins fréquente, sera suspectée devant des perturbations du bilan du cuivre (cuprémie, cuprurie, céruloplasmine), l’existence de signes extra-hépatiques (troubles neuropsychiques, anémie hémolytique, anneau cornéen de Kaiser-Fleicher) et sera confirmée par la biopsie hépatique et le dosage du cuivre intra-hépatique. Une enquête familiale sera entreprise une fois le diagnostic posé.

L’exposition à des substances toxiques industrielles, domestiques ou à la phytothérapie pourra justifier, en cas de difficulté diagnostique, la réalisation d'une PBH.

1.2.4 En résumé et en pratique Devant une hypertransaminasémie modérée et prolongée, confirmée à au moins deux dosages à un mois d'intervalle, trois situations principales s'observent.

Facteur étiologique précis

Alcoolisme, surpoids ou hyperlipidémie : la PBH n'est pas justifiée à titre diagnostique. On proposera un sevrage alcoolique et/ou un amaigrissement progressif, suivi quelques semaines (deux mois environ) plus tard d'un contrôle biologique. La normalisation du bilan ne justifiera que la poursuite des règles hygiéno-diététiques. La persistance des anomalies pourra justifier la PBH.

Absence de diagnostic étiologique précis

Après avoir éliminé une dysthyroïdie, un diabète, une pathologie cardiaque ou musculaire par des examens cliniques et complémentaires simples, le patient sera adressé dans un service spécialisé de façon que soient réalisés des examens plus spécifiques à la recherche des diagnostics d'hémochromatose, d'hépatite auto-immune, médicamenteuse ou toxique et de maladie de Wilson . Dans la plupart des cas, on aura recours à une PBH.

Hépatite C

En cas d'hépatite C identifiée lors du premier bilan, le patient justifiera d'une prise en charge

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hospitalière pour la biopsie hépatique et le traitement éventuel de son hépatite chronique.

Enfin, on évitera quelques erreurs courantes dans la gestion des hypertransaminasémies

Méconnaître la possible gravité d'une hépatite aiguë quelle qu'en soit l'étiologie : toute hépatite aiguë justifie une prise en charge diagnostique et thérapeutique incluant le suivi du patient jusqu'à sa guérison. La mesure du TP permet de s’assurer de la présence ou de l’absence d’une insuffisance hépatique : un TP< 50% définit une hépatite aigüe sévère qui doit être prise en charge dans un centre spécialisé, au mieux pouvant réaliser une transplantation hépatique en urgence. Une hépatite aigüe sévère peut évoluer vers une hépatite fulminante ou sub-fulminante définie par un une encéphalopathie hépatique associée à un TP<20 à 30% devant faire discuter une transplantation hépatique en super-urgence.

Devant une hépatite aiguë quelle qu'en soit l'étiologie, abuser de prescriptions médicamenteuses non absolument indispensables qui risquent plus d'aggraver le patient que de lui rendre service. A ce titre, tout médicament, éventuellement responsable de l'hépatite aiguë, doit être aussitôt arrêté étant donné les risques d'aggravation.

Devant une hypertransaminasémie modérée, méconnaître un problème d'alcool souvent sous-estimé, voire nié par le patient ou imputer cette hypertransaminasémie à une prise médicamenteuse « de confort » alors qu'il existe une étiologie (par exemple virale) éventuellement curable.

Pour ces différentes raisons, toute interrogation sans réponse face à une hypertransaminasémie, soit élevée, soit modérée mais constante ne fera pas reculer le médecin non spécialiste et conduira à une consultation spécialisée.

2 CHOLESTASE La cholestase se définit comme l’ensemble des signes liés à la diminution ou à l’arrêt du flux biliaire. Toute lésion altérant ce flux à un niveau quelconque entre sa source hépatocytaire (canalicule biliaire) et sa terminaison ampullaire entraîne une cholestase. Cliniquement, la cholestase peut être asymptomatique ou se compliquer de prurit, d’ictère avec urines foncées et selles décolorées. Dans les formes sévères de cholestase chronique, diverses atteintes sont possibles telles que l’amaigrissement et la diarrhée liés à une stéatorrhée, les ecchymoses par carence en vitamine K, les xanthomes sous-cutanés par hypercholestérolémie, les douleurs osseuses voire les fractures spontanées par ostéomalacie, les signes ophtalmiques par carence en vitamine A…. Biologiquement, il existe une augmentation des phophatases alcalines (test sensible mais peu spécifique du fait d’une possible origine osseuse, placentaire ou intestinale), des GGT (test sensible mais aspécifique car il peut traduire une cytolyse ou une induction enzymatique) et de la 5’nucléotidase (test plus spécifique mais moins sensible et de réalisation plus délicate). C’est finalement l’élévation couplée des phophatases alcalines et des GGT qui a la plus grande valeur pour le diagnostic. Il peut s’associer à ces anomalies une hyperbilirubinémie à prédominance conjuguée. Devant une cholestase biologique, il faut en premier lieu déterminer s’il s’agit d’une cholestase extra-hépatique (consécutive à un obstacle sur la voie biliaire principale) ou intra-hépatique (consécutive à une obstruction sur les voies biliaires intra-hépatiques ou à un arrêt ou une diminution de production de la bile par les hépatocytes). La distinction entre ces 2

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situations, classiquement de traitement chirurgical ou médical, est basée sur des arguments cliniques (triade associant douleur, fièvre, ictère orientant vers une pathologie lithiasique de la VB ou ictère et AEG orientant vers un cancer de la tête du pancréas) et surtout radiologiques. L’échographie est l’examen clé permettant d’affirmer le siège extra-hépatique de la cholestase si elle visualise une dilatation des voies biliaires intra-hépatiques ; si elle met en évidence une grosse vésicule, on peut situer l’obstacle au dessous de l’abouchement du canal cystique. Il est important de préciser que cette dilatation peut manquer en cas d’obstacle récent.

2.1 Causes extra-hépatiques de cholestase La lithiase du cholédoque survient habituellement chez une femme et se traduit par la

triade douleur, fièvre et ictère sur 24 à 48 heures. L’échographie visualise inconstamment (environ 50% des cas) le calcul, mais une lithiase vésiculaire est fréquemment présente. Le traitement est urgent et repose sur l’antibiothérapie couvrant les bacilles à gram négatifs en attendant la levée rapide de l’obstacle par chirurgie (cholécystectomie et extraction des calculs) ou cholangiographie rétrogade endoscopique qui permet d’affirmer le diagnostic et d’éliminer le calcul (sphinctérotomie endoscopique).

Le cancer de la tête du pancréas survient typiquement chez un sujet âgé et se révèle par un ictère progressif sans douleur ni fièvre associé à une altération de l’état général. L’échographie et le scanner mettent en évidence la tumeur. Le traitement curatif est chirurgical si la tumeur est localisée sans envahissement locorégional ou métastatique (duodéno-pancréatectomie céphalique). Dans le cas contraire, le traitement est palliatif par drainage de la VBP soit chirurgical, soit endoscopique, suivi ou non d’une chimiothérapie.

L’ampullome vatérien est d’évolution très lente et a une expression pseudo-angiocholitique

Le cholangiocarcinome de la voie biliaire principale ou du hile hépatique est révélé par les mêmes symptômes que le cancer de la tête du pancréas. Le diagnostic repose sur le scanner et la cholangioIRM. Seul le traitement chirurgical peut être curatif. Le traitement palliatif assurant le drainage de la VBP peut être chirurgical, endoscopique ou radiologique.

Le cancer de la vésicule biliaire ou de l’estomac ayant envahi le pédicule hépatique Le syndrome de Mirizzi : il s’agit d’un calcul enclavé dans le canal cystique à l’origine

d’une grosse vésicule qui comprime la VBP. La pancréatite aigüe ou chronique, la cholangite sclérosante (cf infra) lorsque la maladie

touche la VBP, les parasitoses biliaires (douve, ascaris) ou la compression du pédicule hépatique par une adénopathie tuberculeuse ou néoplasique sont plus rares et s’inscrivent habituellement dans des contestes évocateurs. La combinaison des examens morphologiques (échographie, TDM ou IRM abdominale, cholangioIRM, CPRE ou écho-endoscopie) permet un diagnostic rapide et participe éventuellement au traitement (drainage chirurgical par cholangiographie transhépatique, sphinctérotomie endoscopique, mise en place d’une endo-prothèse biliaire, kystostomie pancréatique…).

2.2 Causes intra-hépatiques de cholestase Les lésions comprimant les voies biliaires intra-hépatiques : cancer hépatique primitif ou

secondaire, infiltration hépatique des hémopathies malignes, granulomatose dont la sarcoïdose.

Les lésions des canaux biliaires :

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o La cirrhose biliaire primitive (CBP) ou cholangite chronique destructrice non suppurée active des canaux biliaires interlobulaires : chez une femme d’âge moyen, elle se manifeste par une cholestase d’aggravation très progressive. Il existe une hypergammaglobulinémie prédominant sur les IgM. Le diagnostic se fait sur la positivité des anticorps anti-mitochondrie de type 2. Des manifestations extra-hépatiques auto-immunes peuvent se rencontrer (dysthyroïdie, Sjögren …). La biopsie hépatique confirme le diagnostic en montrant une infiltration inflammatoire des canaux biliaires interlobulaires, une ductopénie, une prolifération cholangiolaire et une fibrose pouvant aller jusqu’à la cirrhose. Le traitement repose sur l’acide ursodésoxycholique (10-20 mg/kg/j) pour freiner la constitution de la cirrhose qui, lorsqu’elle est installée, pourra conduire à une transplantation hépatique.

o La cholangite sclérosante primitive (CSP): elle se caractérise par une atteinte des canaux biliaires de toute taille. Elle survient plutôt chez un homme de 40 ans, elle est fréquemment associée à une recto-colite hémorragique. Le diagnostic est posé sur l’imagerie (écho-endoscopie, cholangioIRM ou CPRE) devant un aspect de sténose et dilatatation sur les voies biliaires intra-hépatiques et de sténose sans dilatation sus-sténotique sur les voies biliaires extra-hépatiques. La biopsie, si elle est réalisée, peut être normale ou montrer une infiltration lymphocytaire des canaux biliaires de toute taille, une fibrose concentrique autour de ces canaux, une ductopénie et une fibrose pouvant aller jusqu’à la cirrhose. Le risque est donc l’évolution vers la cirrhose secondaire qui justifiera la réalisation d’une transplantation hépatique avant la survenue d’un cholangiocarcinome. L’acide ursodésoxycholique ne semble pas efficace pour éviter l’évolution cirrhogène.

o Les syndromes de recouvrement (overlap syndrome) : c’est l’association d’une hépatite auto-immune (HAI) et d’une CBP ou d’une HAI et d’une CSP ou d’une CBP et d’une CSP

o Les cholangiopathies auto-immunes : elles se caractérisent par une cholestase, des lésions histologiques prédominantes des voies biliaires, la négativité des anticorps anti-mitochondrie et la positivité des anticorps anti-muscle lisse et/ou des facteurs anti-nucléaires et une faible réponse au traitement (corticoïde ou acide ursodésoxycholique). Il s’agit peut-être d’un terme générique pour des formes atypiques de CBP, HAI ou CSP, d’un état de transition ou d’une entité distincte.

Les lésions hépatocytaires : les hépatites aigües ou chroniques peuvent comporter une expression cholestatique partielle ou dominante (virales, médicamenteuses, alcooliques…), de même que la cirrhose également par le biais de l’insuffisance hépatocellulaire ; enfin, la cholestase récurrente bénigne est une cause rare de cholestase liée à un désordre intermittent de la sécrétion biliaire par les hépatocytes.

3 AUGMENTATION ISOLEE DE LA GGT La GGT est souvent augmentée au cours des cytolyse et constamment au cours des cholestases. Son augmentation peut être isolée et c’est alors un motif fréquent de consultation, notamment par le biais de la médecine du travail. Cette anomalie est sensible dans les pathologies hépato-biliaires mais elle est non spécifique

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car les GGT ont une répartition ubiquitaire dans les tissus et les organes: elles sont retrouvées dans le foie mais aussi dans le pancréas, les glandes mammaires, les villosités intestinales, le tube contourné proximal rénal, les vésicules séminales. Ainsi, une atteinte de ces différents organes peut expliquer une augmentation isolée des taux sériques des GGT. En outre, les taux peuvent présenter des variations physiologiques: par exemple, elles sont plus élevées chez les hommes que chez les femmes, en post-ménopause qu'en période d'activité génitale, elles sont plus faibles en cas de grossesse. Avant de débuter un bilan étiologique, il faut vérifier la persistance de l'augmentation des GGT dans un délai de 1 à 3 mois et son caractère isolé. En effet, les taux se normalisent dans la moitié des cas au contrôle. Dans le cas contraire, on recherchera à l'interrogatoire et à l'examen clinique une intoxication alcoolique chronique, une prise de médicament, une surcharge pondérale, des variations pondérales brutales. On pratiquera des examens biologiques simples (NFS, plaquettes, cholestérolémie, triglycéridémie, glycémie, TSH, anticorps antimitochondries) et une échographie hépatique. Au terme de ce bilan on pourra avoir une orientation étiologique.

3.1 Causes fréquentes d'augmentation des GGT. o L’alcoolisme chronique: c'est le premier diagnostic à évoquer. L'augmentation des GGT

n'est pas correlée à la durée ou à l'importance de l'intoxication. Elle se voit même en cas de foie histologiquement normal du fait de l’induction enzymatique par l’alcool et les médicaments (l’activité est alors habituellement inférieure à 2 fois la normale). Elle est cependant plus fréquente et plus importante en cas d'hépatopathie alcoolique associée (stéatose, stéato-fibrose, hépatite alcoolique, cirrhose); cependant, dans ces cas, les autres paramètres du bilan hépatique sont le plus souvent perturbés. Le traitement consiste à obtenir un sevrage qui doit permettre de normaliser le taux des GGT en 2 mois. En cas de suspicion d'hépatopathie constituée, une PBH pourra être réalisée.

o La prise médicamenteuse: l’augmentation des GGT est secondaire à une induction enzymatique et/ou une toxicité. Les GGT sont généralement entre 2 et 4 fois la normale. Les principaux médicaments en cause sont les anticonvulsivants (barbiturique, phénytoïne, carbamazépine), les antidépresseurs tricycliques, les hypnotiques, la rifampicine, le rimifon. Le traitement est l'arrêt du médicament responsable.

o Les troubles dysmétaboliques: l'obésité par l'intermédiaire d'une stéatose simple ou d'une NASH constitue une des causes fréquents d’augmentation des GGT ainsi que les hypercholestérolémies et hypertriglycéridémies; les variations pondérales brutales soit dans le sens de la prise de poids, soit dans le sens de l'amaigrissement peuvent également expliquer de telles anomalies.

3.2 Causes plus rares d'augmentation isolée des GGT o Les causes métaboliques et nutritionnelles: le diabète pourrait entraîner une augmentation

des GGT par l'intermédiaire d'une stéatose mais son implication est controversée selon les études; l'hyperthyroïdie est une cause classique, mais comme nous l'avons signalé plus haut, une hypertransaminasémie modérée peut être associée; la nutrition parentérale totale et la dénutrition peuvent faire augmenter isolément les taux des GGT mais plus fréquemment en association avec une augmentation des phosphatases alcalines réalisant un vrai syndrome de cholestase.

o Les causes hépatiques non alcooliques: tumeurs hépatiques primitives ou secondaires,

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cirrhose biliaire primitive, cholangite sclérosante, syndrome de Budd Chiari, maladie de Caroli

o La pathologie des voies biliaires en particulier la lithiase de la VBP o Les causes diverses: pancréatopathie, foie cardiaque, larva migrans viscérale, distomatose o Les causes familiales

Si le bilan étiologique (clinique, biologique et échographique) est normal, une simple surveillance est à préconiser. La PBH ne sera réalisée qu'en cas de suspicion d'hépatopathie alcoolique constituée, de NASH ou de cirrhose biliaire primitive. De même, une écho-endoscopie ou une cholangio IRM sera réalisée en cas de suspicion de pathologie des voies biliaires à l'echographie. La conduite à tenir devant une augmentation isolée des GGT est résumée dans la figure 2.

4 CONCLUSION Les anomalies du bilan hépatique chez un sujet asymptomatique sont fréquentes et

justifient une prise en charge basée sur un interrogatoire fouillé et des examens

complémentaires simples biologiques et radiologiques. La plupart des causes seront ainsi

retrouvées et les traitements mis en route. La ponction biopsie hépatique et les examens

d’imagerie autres que l’échographie resteront des examens de deuxième intention.

Pour approfondir :

Les hépatites auto-immunes sont principalement de 2 types (type I et type II). L’hépatite auto-immune de type I survient chez la femme dans 80% après 40 ans, les anticorps antinucléaires et les anticorps anti-muscle lisse sont positifs, la ponction biopsie hépatique montre des lésions d’activité (infiltrat portal ymphoplasmocytaire) et de fibrose gradé selon le score de Knodell ou Métavir. Le traitement repose sur l’association corticoïdes-azathioprine. La transplantation hépatique est indiquée dans les formes fulminantes ou dans les cirrhoses décompensées. L’hépatite auto-immune de type II survient chez l’enfant avant 15 ans et se caractérise par la positivité de anticorps anti LKM1 (liver kidney microsome). Dans 1/3 des cas, d’autres pathologies auto-immunes (cutanées, rhumatologiques, endocriniennes…) sont associées. Lorsque la sérologie C est positive, une recherche de virémie par PCR doit être effectuée. Si la PCR est positive, une ponction biopsie hépatique doit être réalisée pour déterminer l’activité de l’hépatite (A) et le degré de fibrose (F)(score Métavir : A de 0 à 3 et F de 0 à 4). Si les lésions hépatiques sont supérieures à A1F1, un traitement antiviral est indiqué : actuellement il s’agit d’une bithérapie associant l’interféron-pégylé (1,5 µg/kg/sem en sous-cutané) et la ribavirine (800 à 1200mg selon le poids per os). Les chances de réponse long terme (négativation de la PCR 6 mois après l’arrêt du traitement) sont de 88% pour les génotypes 2/3 et de 48% pour les génotypes 1 après 48 semaines de traitement.

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1.1 Tableau 1 : Stratégie diagnostique devant une hypertransaminasémie modérée

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Cirrhose et complications

Philippe Sogni

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Cochin

Objectifs (question N° 228 du programme officiel) • Diagnostiquer une cirrhose. • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge. • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient. • Décrire les principes de la prise en charge au long cours.

Les points importants 1-La cirrhose est l’aboutissement d’une maladie chronique du foie associant une fibrose désorganisant l’architecture hépatique et limitant des nodules de régénération, associée à des lésions hépatocytaires. 2-En France, les 3 causes les plus fréquentes sont par ordre décroissant l’alcool, les virus (C, B, B+D) et l’hémochromatose. 3-Le diagnostic repose sur la présence de signe clinico-biologique d’insuffisance hépato-cellulaire et d’hypertension portale. L’echodoppler du foie et la fibroscopie oeso-gastro-duodénale sont indispensables. 4-La biopsie du foie n’est pas toujours indispensable au diagnostic 5-Le traitement repose sur celui de la maladie causale et sur la transplantation hépatique dans les formes graves en l’absence de contre-indication. 6-Les complications les plus fréquentes sont représentées par l’ascite et l’insuffisance rénale, les hémorragies digestives, l’encéphalopathie hépatique, le sepsis et le développement du carcinome hépato-cellulaire.

1 Définition La définition est anatomo-pathologique. Il s’agit d’un processus diffus désorganisant l’architecture hépatique et se définissant par l'association de trois lésions :

- des lésions hépatocytaires - l'existence d'une fibrose et - la présence de nodules de régénération.

Suivant la taille des nodules, on distingue des cirrhoses macro-(> 10 mm) ou micro-(< 3 mm) nodulaires. Les nodules sont formés d'amas d'hépatocytes, parfois disposés en travées irrégulières de plusieurs cellules d'épaisseur. Ces amas d'hépatocytes ont perdu les connexions vasculaires et biliaires normales du lobule hépatique. Cependant, une biopsie faite en plein centre d'un macronodule peut retirer un fragment hépatique dont l'apparence est normale.

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2 Causes des cirrhoses chez l’adulte (Tableau 1)

2.1 Causes fréquentes (alcool, virus B,C ou B+D, hémochromatose) : voir chapitres correspondants

2.2 Causes rares de cirrhose :

2.2.1 Maladie de Wilson Affection génétique, de transmission autosomale récessive, caractérisée par l'accumulation de cuivre dans l'organisme, en particulier le foie et le système nerveux central. Les manifestations sont généralement tout d'abord neurologiques : troubles du tonus musculaire et mouvements involontaires, parfois épisodes psychotiques. L'atteinte hépatique peut prendre toutes les formes symptomatiques de l'hépatite fulminante à la cirrhose ; l'anneau cornéen de Kayser Fleischer est presque contant après 10 ans et pathognomonique de la maladie. D'autres signes sont plus rares : atteinte rénale, arthralgies, pigmentation cutanée, anémie hémolytique. Le diagnostic doit être envisagé systématiquement devant toute cirrhose découverte chez un sujet de moins de 30 ans qui implique dans les dosages suivants : céruléoplasmine et cuivre sanguins ainsi que cuprurie. Le traitement repose sur l’utilisation des chélateurs du cuivre (D-pénicillamine).

2.2.2 L’hépatite auto-immune Elle prédomine chez la femme et évolue par poussées de cytolyse. Trois types ont été décrits avec des critères clinico-biologiques particuliers. La forme la plus fréquente (type 1) est caractérisée par la positivité d’anticorps anti-muscle lisse (et anti-nucléaires) détectables dans le sang. Le diagnostic positif est parfois difficile. Il repose sur l’association de critères clinico-biologiques, immunologiques, histologiques (atteinte hépatocytaire avec inflammation portale, péri-portale et lobulaire lympho-plasmocytaire associée à une fibrose de gravité variable) et de la réponse au traitement immuno-suppresseur. L’association de maladies auto-immunes est également évocateur (thyroïdite, anémie hémolytique, thrombopénie etc…). Deux traitements ont montré un bénéfice sur la clinique, les anomalies biologiques et probablement sur la survie. Il s’agit soit de la prednisolone (dose initiale chez l’adulte de 60 mg/j rapidement dégressive jusqu’à une dose d’entretien) soit de l’association prednisolone (1/2 dose) et azathioprine (50 mg/j). A l’heure actuelle, la bithérapie est le traitement de référence. La durée minimum ou maximum de traitement est inconnue, elle dépend de la tolérance du traitement et de son indication (maladie évoluée du foie, rechutes). La transplantation hépatique est proposée aux patients atteint de cirrhose décompensée en échec de traitement médical et en l’absence de contre-indication.

2.2.3 Cholestases prolongées - Cirrhose biliaire primitive. Elle touche à 90 % la femme entre 35 et 55 ans. La maladie

peut rester asymptomatique pendant plusieurs années et être découverte fortuitement par des anomalies du bilan hépatique. Les premiers symptômes sont souvent un prurit et une asthénie précédant de plusieurs mois ou années l’ictère. Les tests hépatiques sont précocement perturbés avec une augmentation des phosphatases alcalines et des gammaGT. Les transaminases sont normales ou modérément élevées. Il s’y associe une augmentation du cholestérol et des IgM. Au début de l’évolution la bilirubine est normale. L’echographie du foie montre l’absence d’anomalies des voies biliaires. Les

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anticorps anti-mitochondries (type M2) sont élevés dans 95 % des cas et souvent dès le début de la maladie. La biopsie du foie, non indispensable au diagnostic, permet d’évaluer la sévérité de la maladie, en appréciant notamment le degré de fibrose. De nombreuses manifestations extra-hépatiques notamment auto-immunes ont été décrites (syndrome de Sjögren , polyarthrite rhumatoïde, thyroïdite d’Hashimoto, syndrome de Raynaud). L’évolution de la maladie est variable. Le taux de bilirubine est l’élément pronostique le plus important : quand il dépasse 100 – 150 µmol/l, la durée de vie est habituellement inférieure à 2 ans. Le traitement repose sur l’acide ursodésoxycholique (13 – 15 mg/kg/j) qui entraîne habituellement une diminution du prurit, une amélioration des tests hépatiques, des lésions hépatiques et de la survie. Dans les formes sévères et en l’absence de contre-indication, une transplantation hépatique est proposée.

- La cholangite sclérosante est une maladie rare survenant habituellement chez l’homme jeune. La plus fréquemment, il s’agit d’une cholangite sclérosante primitive associée ou non à une maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI). Plus rarement, il s’agit d’une cholangite secondaire (calculs intra-hépatiques, sténoses biliaires, cancers, médicaments, infections, anomalies congénitales). Le plus fréquemment, une asthénie progressive associée à un prurit suivis d’un ictère conduisent au diagnostic. Plus rarement, des symptomes de cholangite associant douleur de l’hypochondre droit, ictère et fièvre peuvent survenir. Biologiquement, il existe le plus souvent une cholestase fluctuante et les transaminases sont modérément augmentées. A l’imagerie (cholangiographie rétrograde par voie endocopique ou bili-IRM), il existe une atteinte des grosses voies biliaires intra- et/ou extra-hépatiques. A la biopsie hépatique, il est retrouvé une prolifération ductulaire, une fibrose péri-ductulaire (« en bulbe d’oignon ») avec une réaction inflammatoire, une oblitération ductulaire et de la fibrose pouvant aboutir à une cirrhose biliaire. Les MICI sont les maladies extra-hépatiques les plus fréquemment associées et plus rarement sont retrouvés : pancréatite, atteinte articulaire, sarcoïdose, maladie caeliaque, thyroïdite. Trois types de complications peuvent survenir : les complications de la cirrhose, les complications mécaniques (ictère, infection, calculs intra-hépatiques) et la survenue d’un cholangio-carcinome. Il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement médical de fond de la maladie, il s’agit de traiter les complications ou d’envisager une transplantation hépatique en cas de cirrhose décompensée en l’absence de contre-indication.

- Les cholestases extra-hépatique peuvent se compliquer de cirrhose véritable si leur évolution est prolongée et surtout si elles s'accompagnent d'angiocholite. Ces cirrhoses biliaires secondaires sont d'observation très rare. Leurs causes principales sont les sténoses traumatiques de la voie biliaire principale et la lithiase biliaire.

3 Diagnostic positif

3.1 Examen physique : A la palpation du foie, on recherche un foie dur (de volume augmenté ou diminué) à bord inférieur tranchant. La palpation du foie peut-être gênée par une ascite (signe du glaçon). Il n’y a pas de reflux hépato-jugulaire. On recherche des signes d’insuffisance hépato-cellulaire et des signes d’hypertension portale (Tableau 4). Parmi les signes cliniques d’insuffisance hépato-cellulaire, l'angiome stellaire correspond à un

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petit anévrisme artériolaire d'où irradient de petits vaisseaux qui forment une couronne autour du point central. En comprimant celui-ci, on peut effacer cette couronne et ne laisser persister que l'anévrisme dont on sentira parfois les battements systoliques; lorsqu'on relachera la pression, l'angiome se réinjectera du centre vers la périphérie ce qui est très caractéristique. Les angiomes stellaires siègent principalement sur le visage, les membres supérieurs et le thorax. L'érythrose palmaire est une confluence d'angiomes qui donne une teinte rosée à la paume de la main. Les angiomes stellaires sont inconstants et peu nombreux en cas d'insuffisance hépatocellulaire aiguë ; ils sont fréquents, et souvent nombreux, en cas de cirrhose. En dehors de l'insuffisance hépatique, les angiomes stellaires peuvent s'observer chez l'adolescent et l'adulte jeune normal, au cours de la grossesse et chez les sujets soumis à un traitement par les oestrogènes. Ils ne doivent pas être confondus avec "les taches rubis", les varicosités ou les télangectasies qui n'ont absolument pas la même valeur diagnostique, ni avec un purpura. Parmi les signes cliniques d’hypertension portale, la circulation collatérale abdominale est très évocatrice : elle siège principalement entre l'ombilic et l'appendice xiphoïde ; elle est représentée par deux ou plusieurs veines, plus ou moins dilatées, dont le courant sanguin est ascendant. En cas de syndrome de Cruveilhier Baumgarten, il se constitue des dilatations veineuses péri-ombilicales réalisant au maximum ce que l'on désigne sous le nom imagé de "tête de méduse". Sur ces veines dilatées on peut percevoir, spontanément ou en exerçant une pression convenable, un frémissement et/ou un souffle continus.

3.2 Tests biologiques : I Il existe souvent une neutropénie et une thrombopénie en apport avec un hypersplénisme. La bilirubine est normale ou augmentée. Les transaminases, gGT et phosphatases alcalines sont habituellement modérément augmentées. L’albuminémie et le TP sont abaissés s’il existe une insuffisance hépatocellulaire. Il existe fréquemment une augmentation polyclonale des gamma-globulines.

3.3 Imagerie : L’echo-Doppler du foie doit être systématique. Elle retrouve fréquemment une dysmorphie du foie et des signes d’hypertension portale (ascite, splénomégalie, dilatation du tronc porte, de la veine mésentérique et de la veine splénique et présence de voies de dérivation veineuses). Elle recherche une tumeur du foie ou une thrombose porte.

3.4 Endoscopie : L’endoscopie oeso-gastro-duodénale est également indispensable pour rechercher des signes d’hypertension portale (varices oesophagiennes ou gastriques, gastrite d’hypertension portale) et permet de décider la mise en route d’une traitement préventif des hémorragies digestives.

3.5 Biopsie du foie : Le diagnostic de certitude de la cirrhose est anatomo-patholgique (biopsie du foie). Cependant la biopsie n’est pas indispensable dans tous les cas pour pouvoir affirmer le diagnostic. L’association maladie chronique du foie avec insuffisance hépato-cellulaire, hypertension portale (endoscopie) et absence de thrombose de la veine porte (echo-Doppler du foie) suffit dans un grand nombre de cas pour le diagnostic.

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4 Evolution et pronostic L’évolution de la cirrhose est variable, dépendant notamment de la pathologie responsable et de la poursuite ou non de cette pathologie (exemple : alcool).

4.1 Cirrhose compensée : Pendant longtemps la maladie peut rester asymptomatique ou pauci-symptomatique. Il n’y a pas de complication. La maladie peut être reconnues fortuitement à l’occasion soit de la découverte d’anomalies du bilan hépatique, soit d’anomalies échographiques, soit de la mise en évidence d’une pathologie causale (consommation excessive d’alcool, marqueurs virologiques B ou C).

4.2 Cirrhose décompensée : L’évolution habituelle se fait vers l’aggravation avec l’apparition de complications qui mettent en jeu le pronostic vital. Il s’agit de décompensations oesdémato-ascitiques, hémorragies digestives, encéphalopathies hépatiques, sepsis et du carcinome hépato-cellulaire. La sévérité de la cirrhose est évaluée au plus simple par le score de Child-Pugh (cf. tableau 2). D’autres facteurs pronostics importants rentrent en ligne de compte : hémorragie digestive, sepsis, syndrome hépato-rénal, carcinome hépato-cellulaire. Dans tous les cas, il est important de rechercher une éventuelle cause à la survenue de ces complications (tableau 3).

4.3 Régression de la cirrhose: A l’heure actuelle, un certains nombre d’observations rapportent des cas de régression de la cirrhose avec diminution de la fibrose en cas de taitement curatif de la cause de cette cirrhose. Elle témoigne du processus dynamique d’évolution de la fibrose. Sa fréquence réelle est difficile à apprécier.

5 Traitement

5.1 Traitement de la cirrhose : De manière générale, il est prudent de supprimer l’alcool même en cas de cirrhose non alcoolique. Il est également prudent de supprimer tout médicament non indispensable (de même phytothérapie…). Il n’y a pas de régime alimentaire particulier et la ration calorique doit être normale. Le traitement dépend de la cause. En cas de cirrhose alcoolique, l’alcool doit être définitivement arrêté et une hépatite alcoolique recherchée et spécifiquement traitée (cf. question). En cas de cirrhose virale B ou C un traitement anti-viral doit être discuté au cas par cas. En cas de cirrhose auto-immune un traitement immuno-suppresseur doit être débuté. En cas d’hémochromatose les saignées peuvent diminuer le risque d’aggravation de la maladie. Enfin, en cas de cirrhose biliaire secondaire, l’obstacle biliaire doit être levé.

5.2 Traitement des complications : Systématique, curatif et si possible préventif (cf. questions et Tableau 5).

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6 Complications (Tableau 5)

6.1 Hémorragie digestive (rupture de varices oesophagiennes ou gastriques, gastrite d’hypertension portale, varices ectopiques) : (cf. question hémorragie digestive)

6.2 Ascite et complications de l’ascite (ascite réfractaire, infection spontanée du liquide d’ascite, syndrome hépato-rénal, rupture de l’ombilic, étranglements herniaires) (cf question ascite)

6.3 Encéphalopathie hépatique

6.3.1 C’est une urgence médicale : le diagnostic est le plus souvent clinique L’encéphalopathie est reconnue chez le cirrhotique devant l’un de ces 4 stades :

- Stade I : astérixis - Stade II : astérixis + syndrome confusionnel. - Stade III : coma vigil sans signe de localisation - Stade IV : coma profond sans signe de localisation.

L’EEG s’aggrave parallèlement à ces différents stades

6.3.2 Ce n’est pas - Une autre encéphalopathie métabolique (insuffisance respiratoire ou rénale…) - Une autre cause de troubles neurologiques chez le malade cirrhotique alcoolique

o Hypoglycémie ou hyponatrémie ou hypophosphorémie o Delitrium tremens o Alcoolisation aiguë o Crise convulsive ou signes neurologiques post-critiques o Hématome sous-dural ou extra-dural

6.3.3 Si l’encéphalopathie est aiguë : La recherche d’un facteur déclenchant potentiellement curable doit être systématique car le traitement de ce facteur déclenchant s’accompagne en règle générale de la disparition rapide de l’encéphalopathie.

- Infection bactérienne (favorisée par l’hémorragie digestive) : Infection du liquide d’ascite, septicémie, infections urinaires, pneumopathies, meningite bactérienne.

- Hémorragie digestive (cf question) - Hyponatrémie et insuffisance rénale secondaire à un traitement diurétique mal

conduit, hypophosphorémie - Régime trop riche en protides - Traitements : Par hypnotiques :barbituriques, benzodiazépine : dans ce dernier

cas, un traitement par Flumazenil (ANEXATE®) antagoniste des récepteurs cérébraux aux benzodiazépines pourrait être utile. Se méfier des neuroloptiques « cachés » comme les anti-émétiques

- Hépatite alcoolique aiguë

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6.3.4 Si l’encéphalopathie est chronique (ou aiguë mais sans cause déclenchante apparente) du fait de shunts portosystémiques spontanés ou après anastomose portocave ou TIPS ou du fait d’une insuffisance hépatocellulaire majeure : le lactulose per os peut avoir une centaine efficacité.

6.4 Carcinome hépato-cellulaire (cf . question tumeurs primitives et secondaires du foie)

6.5 Thrombose porte (le plus souvent associée ou révélatrice d’un carcinome hépato-cellulaire) (cf . question tumeurs primitives et secondaires du foie)

6.6 Sepsis (infection d’ascite, infection urinaire, érysipèle, infection pulmonaire, septicémie) (cf. question ascite)

6.7 Manifestations pleuro-pulmonaires

6.7.1 Hydrothorax (cf. question ascite)

6.7.2 Syndrome hépato-pulmonaire

- Définition : complication de l’hypertension portale, il associe une maladie chronique du foie, une hypoxémie (PaO2 < 70 mmHg en air ambiant), une élévation du gradient alvéolo-artériel d’O2 (> 20 mmHg) et une vasodilatation pulmonaire.Manifestations : dyspnée d’effort et de repos. Cyanose en cas d’hypoxémie majeure

- Diagnostic : o Radiographie de thorax normale o Gaz du sang : hypoxémie majorée par l’orthostatisme (orthodéoxie) o Echographie cardiaque transthoracique avec épreuve aux microbulles o Scintigraphie pulmonaire de perfusion (macroagrégats d’albumine marquée

au Tc99) - Pronostic et traitement : pronostic sévère (50 % de décès à 3 ans). Indication de

transplantation hépatique à discuter au cas par cas.

6.7.3 Hypertension artérielle pulmonaire - Définition : association d’une maladie chronique du foie, d’une élévation de la

pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm > 25 mmHg), d’une baisse de la pression capillaire pulmonaire (< 15 mmHg) et d’une élévation de la résistance vasculaire pulmonaire (> 120 dynes.s.cm-5)Manifestation : dyspnée

- Diagnostic o Radiographie de thorax normale o Echographie cardiaque o Cathétérisme des cavités droites

- Pronostic et traitement : pronostic mauvais (50 % de survie à 5 ans). Traitement médical spécialisé (prostaglandines). Transplantation hépatique habituellement contre-indiquée

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Tableau 1 : Causes des cirrhoses

Causes fréquentes - Alcool - Hépatites chroniques B, C ou B+D - Hémochromatose

Causes rares - Cirrhose biliaire primitive - Cirrhose biliaire secondaire - Hépatites auto-immunes - Thrombose des veines hépatiques (Budd-Chiari) - Stéato-hépatites non-alcooliques - Maladie de Wilson - Déficit en alpha-1-antitrypsine - Autres : mucoviscidose, foie cardiaque, maladie de Gaucher, cholestérolose hépatique,

porphyries…

Tableau 2 : Classification de Child-Pugh 1 2 3 Encéphalopathie Absente Confusion Coma Ascite Absente Discrète Modérée Bilirubine totale (µmol/l) < 35 35 - 50 > 50 Albuminémie (g/l) > 35 28 - 35 < 28 Prothrombine (%) > 50 40 - 50 < 40 Le score est établi en additionnant les points (score de 5 à 15) Classe A : score 5 ou 6. Classe B : score 7, 8 ou 9. Classe C : score de 10 à 15.

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Tableau 3 : Facteurs d’aggravation de la cirrhose

Facteurs communs - Hémorragie digestive - Sepsis - Carcinome hépato-cellulaire - Syndrome hépato-rénal - Toxicité médicamenteuse

Facteurs particuliers à certaines étiologies - Hépatite alcoolique aiguë (cirrhose alcoolique) - Séroconversion ou réactivation virale B (cirrhose virale B) - Surinfection virale D (cirrhose virale B) - Interruption de traitement (cirrhose auto-immune, maladie de Wilson…) - Rechute (cirrhose auto-immune) Tableau 4 : Signes cliniques d’insuffisance hépato-cellulaire et d’hypertension portale

Signes cliniques d’insuffisance hépato-cellulaire Signes cliniques d’hypertension portale Angiomes stellaires Erythrose palmaire Hippocratisme digital Ongles blancs Encéphalopathie hépatique Foetor hepaticus Asthénie (non spécifique) Ictère à bilirubine conjuguée (non spécifique) Manifestations cutanéo-muqueuses hémorragiques Manifestations endocriniennes (hypogonadisme)

Ascite Oedèmes des membres inférieurs Circulation collatérale porto-cave Splénomégalie Syndrome de Cruveilhier-Baumgartner

Tableau 5 : Complications de la cirrhose - Hémorragie digestive (rupture de varices oesophagiennes ou gastriques, gastrite

d’hypertension portale, varices ectopiques - Ascite et complications de l’ascite (ascite réfractaire, infection spontanée du liquide

d’ascite, syndrome hépato-rénal, rupture de l’ombilic, étranglements herniaires) - Encéphalopathie hépatique - Carcinome hépato-cellulaire - Thrombose porte (le plus souvent associée ou révélatrice d’un carcinome hépato-

cellulaire) - Sepsis (infection d’ascite, infection urinaire, érysipèle, infection pulmonaire, septicémie) - Manifestations pleuro-pulmonaires (hydrothorax, syndrome hépato-pulmonaire,

hypertension artérielle pulmonaire)

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Hémochromatose

Philippe Sogni

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Cochin

Objectifs (question N° 242 du programme officiel) • Diagnostiquer une hémochromatose. • Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

Les points importants • L’hémochromatose est une maladie autosomale récessive, d’expression variable. La

mutation C282Y à l’état homozygote du gène HFE est responsable de la très grande majorité des cas.

• Le diagnostic doit être évoqué sur des signes cliniques précoces et non spécifiques (asthénie, signes rhumatologiques, mélanodermie) avant les signes tardifs (cirrhose, diabète, atteinte cardiaque) responsables de la surmortalité de la maladie.

• La première anomalie biologique à rechercher est l’augmentation de la saturation de la transferrine (à jeun).

• L’enquête familiale doit être effectuée chez les parents au 1° degré de la personne atteinte par la réalisation de tests génétiques.

• Le traitement repose sur la réalisation de saignées qui doivent amener à la normalisation des stocks en fer et être poursuivies à vie.

1 Définition Maladie héréditaire autosomale récessive liée à une augmentation de l’absorption intestinale du fer, elle est due à une mutation du gène HFE. La fréquence en France des homozygotes est de 0,3% et des hétérozygotes de 5% mais très variable suivant l’origine ethnique des ascendants (surtout Europe du Nord et de l’Ouest). L’expression de la maladie est également très variable, estimée à environ 50 % et déterminée par le présence de co-facteurs acquis (alcool, hépatites B ou C…) ou génétiques.

2 Diagnostic positif (Figure 1) Le diagnostic positif se fait par l’association d’une surcharge en fer et d’anomalies génétiques chez des patients ayant de plus en plus à l’heure actuelle des manifestations cliniques frustres. En effet, le diagnostic précoce de la maladie permet une prise en charge thérapeutique précoce, empêchant la surmortalité et diminuant la morbidité due à la maladie. L’anomalie biologique la plus précoce est l’augmentation de la saturation de la transferrine (réalisée à jeun). Une surcharge hépatique en fer se définit comme une augmentation du fer intra-hépatique (ou comme la nécessité de pratiquer des saignées pour normaliser le bilan martial). L'index

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hépatique en fer est habituellement supérieur ou égal à 2 (fer intra-hépatique en µmol/g de foie sec / age en année) et les saignées doivent retirer plus de 4 g de fer (à un rythme de 500 ml par semaine, en sachant que 500 ml de sang contiennent 250 mg de fer). La biopsie hépatique permet d'apprécier l'existence d'une fibrose, voire d'une cirrhose. En dehors de la quantification du fer intra-hépatique, elle affirme la surcharge en fer par la coloration de Perls en montrant un marquage hépatocytaire prédominant dans la région péri-portale. La coloration de Perls peut également objectiver des nodules dépourvus de fer à risque élevé de carcinome hépato-cellulaire. La biopsie hépatique n’est pas indispensable en cas d’hémochromatose homozygote en l’absence d’hépatomégalie, si les transaminases sont normales et si la ferritinémie est inférieure à 1000 ng/ml. Dans ce cas, la réalisation d’une IRM hépatique avec mesure du fer permet de quantifier la surcharge en fer.

3 Diagnostic différentiel (Figure 1) Parmi les diagnostics différentiels, le syndrome dysmétabolique est une cause fréquente de consultation. Il se caractérise par l’association d’anomalies du bilan hépatique modérées (augmentation des transaminases et des gGT) et d’un surpoids, d’un diabète de type 2 ou d’une dyslipidémie. Il existe fréquemment une augmentation de la férritinémie (< 1000 ng/ml) mais avec une saturation de la transferrine qui reste normale. Une biopsie du foie peut être indiquée dans certains cas pour éliminer le diagnostic d’hémochromatose et également pour rechercher une stéato-hépatite non alcoolique (NASH). Cette entité se caractérise par des signes histologiques évoquant une hépatite alcoolique aiguë alors que la consommation d’alcool est modérée. Le risque est le développement d’une fibrose qui peut aller jusqu’à la cirrhose. La prise en charge passe par des mesures diététiques appropriées, la pratique régulière de sport. Certains traitements comme la metformine peuvent être envisagés. Le but des cette prise en charge est de réduire l’insulino-résistance qui est probablement le facteur principal de développement de cette pathologie.

4 Manifestations cliniques

4.1 Actuellement, le diagnostic doit être évoqué sur des signes précoces :

4.1.1 Asthénie chronique inexpliquée.

4.1.2 Signes cutanéo-phanériens : mélanodermie surtout sur les zones d’expositions solaires et les cicatrices, ichtyose, koïlonychie, diminution générale de la pilosité.

4.1.3 Atteinte ostéo-articulaire : volontiers révélatrice, elle est la cause la plus fréquente d’altération de la qualité de vie. L’atteinte la plus caractéristique est l’arthrite chronique touchant les 2ième et 3ième métacarpo-phalangiennes (« poignée de main douloureuse ») ; d’autres articulations peuvent être touchées (interphalangiennes proximales, poignets, hanches ou genoux). Les crises de pseudo-goutte sont également très évocatrices. Radiologiquement, les signes les plus fréquents sont l’arthropathie sous-chondrale et la chondrocalcinose. L’ostéoporose est fréquente.

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4.2 Les signes tardifs témoignent habituellement d’une surcharge importante en fer et sont responsables de la surmortalité (Tableau 1) :

4.2.1 Manifestations hépatiques : au début pauci-symptomatique, l’hépatomégalie clinique est longtemps isolée. L’augmentation des transaminases est < 3 x normale. La maladie hépatique est souvent symptomatique lorsqu'il existe une pathologie associée (alcool, virus C) ou lorsque se développe un carcinome hépatocellulaire. Le risque de carcinome hépatocellulaire est très élevé en cas de cirrhose et représente la 1re cause de surmortalité. Ce risque est particulièrement élevé chez les patients cirrhotiques avec nodules hépatiques dépourvus en fer.

4.2.2 Syndrome endocrinien : tardif, diabète souvent insulinodépendant, et hypogonadisme hypogonadotrope.

4.2.3 Syndrome cardiaque : souvent infra-clinique, avec signes ECG (aplatissement voire inversion de l’onde T) ou échographique (cardiomyopathie non obstructive dilatée) puis troubles du rythme. Il peut être décompensé par l'apport de vitamine C.

5 Traitement

5.1 Les saignées régulières Elles sont la base du traitement curatif des surcharges en fer quelque soit le statut génétique du malade. Le traitement initial débute par une saignée hebdomadaire de 300 à 500 ml. La durée de cette phase initiale dépend de l'intensité de la surcharge et la ferritinémie est le meilleur marqueur pour suivre la déplétion en fer. Le but est d'obtenir une ferritinémie inférieure ou égale à 50 ng/ml et une saturation de la transferrine inférieure à 20 % sans anémie. La phase d'entretien doit être poursuivie à vie pour maintenir ces critères biologiques. L'atteinte hépatique et la cardiopathie régressent bien sous traitement, mais le risque de carcinome hépato-cellulaire persiste en cas de cirrhose. En revanche, le syndrome endocrinien et les manifestations articulaires sont peu améliorés. Un traitement chélateur par Desféral* (Desferoxamine : par exemple 20 à 40 mg/kg/j SC continu 5 j / 7) peut être associé en cas de mauvaise tolérance des saignées ou de cardiopathie associée. La transplantation hépatique représente le traitement des cirrhoses évoluées.

5.2 Traitements associés : Abstinence alcoolique, vaccination anti-virus B, prise en charge spécifique du diabète et de la cardiopathie, vitamine C contre-indiquée.

6 Diagnostic pratique

6.1 Diagnostic du probant (figure 1) : Le diagnostic doit être évoqué à l’heure actuelle sur des signes précoces. Dans ce cas, la première anomalie biologique à rechercher est l’augmentation de la saturation de la transferrine (examen à réaliser à jeun). Il s’y associe fréquemment une augmentation de la férritinémie qui est le reflet de l’importance de la surcharge en fer.

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6.2 Enquête familiale : Elle doit être effectuée chez tous les parents au 1° degré (a priori asymptomatiques) du probant par enquête génétique.

6.3 Test génétique La prescription d’un test génétique nécessite l’information et l’autorisation du patient pour être réalisée ainsi que l’explication du résultat. Deux mutations du gène HFE sont recherchées : mutation majeure (C282Y) et mineure (H63D). La mutation homozygote C282Y est responsable de 95% des hémochromatoses en France. Rarement une double hétérozygotie (C282Y / H63D) est en cause. Chez les patients hétérozygotes C282Y, un certain degré de surcharge en fer peut être noté mais l’atteinte hépatique, lorsqu’elle existe, est habituellement due à une pathologie associée (alcool, hépatite C, stéato-hépatite non-alcoolique…). Tableau 1: Causes et risques relatifs de décès chez des patients atteints d’hémochromatose diagnostiquée à un stade tardif* Causes de décès Risque relatif (x) Décès (%) Carcinome hépato-cellulaire 220 30 Cirrhose 13 19 Diabète 7 6 Cardiopathie 306 6 * En l’absence de fibrose extensive, un patient atteint d’hémochromatose correctement déplété en fer a un pronostic équivalent à la population générale.

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Figure 1 Stratégie diagnostique d’une surcharge en fer

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Ascite Philippe Sogni

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Cochin

Objectifs (question N° 298 du programme officiel) Devant une ascite, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents

Les points importants 1-Le diagnostic clinique est facile en cas d’abondance moyenne et nécessite une ponction exploratrice pour rechercher une infection, le taux de protides, la richesse en cellules et des cellules anormales. 2-Les étiologies ont nombreuses, dominées par la cirrhose et les cancers. 3-Le traitement de l’ascite du cirrhotique repose sur le régime pauvre en sel associé aux diurétiques et/ou aux ponctions évacuatrices. 4-En cas de ponction évacuatrice > à 5 l la ponction doit être compensée par de l’albumine à 20 %. 5-L’infection du liquide d’ascite est diagnostiquée sur un taux de polynucléaires neutrophiles dans l’ascite > 250 / ml et nécessitant la mise en route en urgence d’un traitement antibiotique adapté ensuite à l’antibiogramme. 6-Le syndrome hépato-rénal chez le patient cirrhotique correspond à une insuffisance rénale fonctionnelle qui persiste malgré le remplissage volémique, l’arrêt des diurétiques et le traitement des autres causes d’insuffisance rénale. Son pronostic est mauvais.

1 Définition L’ascite est définie comme un épanchement non sanglant de la cavité péritonéale. En cas de cirrhose, l'ascite n'apparaît que lorsqu'il existe à la fois une hypertension portale et une insuffisance hépatocellulaire. Cette dernière en effet entraîne une rétention hydro-sodée expliquée en grande partie par un hyperaldostéronisme; de plus, l'insuffisance hépatocellulaire est souvent cause d'hypoalbuminémie qui, par baisse du pouvoir oncotique, contribue à la constitution de l'ascite (et d'oedèmes).

2 Diagnostic clinique positif Souvent, l’installation de l’ascite est précédée d'un météorisme abdominal. Quand son volume est inférieur à un ou deux litres, l'ascite ne peut pas être cliniquement décelée et ne le sera que par l'échographie et/ou une ponction exploratrice. Toutefois, chez certains sujets, elle peut déjà entraîner la distension d'une hernie crurale, inguinale ou ombilicale, antérieurement connue ou méconnue. Dans certains cas l'installation de l'ascite s'accompagne de quelques douleurs abdominales.

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Quand l'ascite devient plus abondante, avant même qu'elle entraîne une distension évidente de l'abdomen, on constate une matité des flancs encadrant la sonorité de la région ombilicale. Si le malade est placé en décubitus latéral, la matité s'exagère dans le flanc où le liquide s'accumule et diminue ou disparaît dans l'autre (matité déclive). Quand l'ascite est plus abondante encore, la distension de l'abdomen devient alors évidente. L'ombilic est souvent éversé. Les muscles grands-droits de l'abdomen sont plus ou moins écartés. La matité devient très franche et très étendue. Elle peut nécessiter alors une ponction évacuatrice d'urgence. Quand l'ascite est volumineuse, il est généralement impossible de palper le foie et la rate. Si l'abdomen n'est pas trop tendu, et s'il existe une splénomégalie ou une hépatomégalie, on peut observer le signe du glaçon : la dépression brusque de la paroi refoule l'organe qui donne ensuite un choc en retour (à la manière d'un glaçon qu'on enfonce dans l'eau et qui remonte à la surface). Quand l'épanchement liquidien est abondant, l'inconfort du sujet est souvent très grand. L'anorexie est habituelle. Du fait de la compression du diaphragme, ou d'un épanchement pleural associé, une dyspnée peut se développer et là encore une évacuation d'urgence devra être envisagée. Il est important de rechercher d’autres signes cliniques d’hypertension portale ou d’insuffisance hépato-cellulaire.

3 Diagnostic différentiel - Grossesse - Tumeur pelvienne (ovaire) - Globe vésical (dysurie, matité sous-ombilicale médiane convexe vers le haut)

4 Examens complémentaires

4.1 Ponction d’ascite - Elle est réalisée le plus souvent à l’aveugle en fosse iliaque gauche à mi-distance de la

ligne joignant l’épine iliaque antéro-supérieure et en pleine matité. En cas de doute diagnostique ou d’épanchement de faible abondance, elle peut être réalisée sous échographie.

- La ponction d’ascite sera exploratrice - Tube biochimie : taux de protides (éventuellement enzymes pancréatiques, cholestérol

ou triglycérides - Tube anatomopathologie : recherche de cellules anormales - Tube bactériologie : numération des éléments (globules rouges et globules blancs),

recherche de germe à l’examen direct (éventuellement recherche de BK) - Flacons pour hémocultures aérobies et anaérobies ensemencés avec du liquide d’ascite

permettant la mise en évidence plus fréquente d’un germe en cas d’infection - La ponction pourra être également évacuatrice (cf. traitement)

4.2 Echographie abdominale - Permet le diagnostic d’une ascite de faible abondance (moins de 2 litres) - Permet d’éliminer en cas de doute une tumeur pelvienne ou un globe vésical - Permet une ponction d’ascite en cas d’ascite de faible abondance ou d’échec de la

ponction à l’aveugle

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5 Diagnostic étiologique : Tableau 1 Les étiologies d’une ascite peuvent se discuter en fonction ou non de la présence d’une hypertension portale associée (Tableau 1) ou en fonction de la richesses en protides (cf. çi-dessous).

5.1 Ascite pauvre en protides (transsudat : taux de protides < 30 g/l)

5.1.1 La cirrhose est la première cause d'ascite en France Il faut rechercher : Non-respect du régime sans sel,

Arrêt du traitement diurétique Hépatite alcoolique ou virale aiguë surajoutée Carcinome hépato-cellulaire ou thrombose porte Hémorragie digestive Infection bactérienne

5.1.2 Ascites pauvres en protides de causes plus rares : - Anasarque - Syndrome néphrotique - Dénutrition - Entéropathie exsudative - Syndrome de Demons-Meigs (ascite, une tumeur ovarienne bénigne ou maligne et un

hydrothorax)

5.2 Ascite riche en protides (exsudat : taux de protides > 30 g/L)

5.2.1 Ascite néoplasique : Le diagnostic se fait sur l’association d’un contexte évocateur, la présence d’un exsudat, d’un taux élevé de cholestérol dans l’ascite (> 1,5 mmol/l) et de la présence de cellules suspectes dans l’ascite (sensibilité assez faible)

5.2.2 Ascite par obstacle sus-hépatique : L'insuffisance cardiaque droite, la péricardite constrictive, l'obstruction de la veine cave inférieure et le syndrome de Budd-Chiari sont des causes d'obstacle sus-hépatique. L'ascite est volontiers pauvre en cellules et riche en protides. Il est important dans ce cas de rechercher des signes d’insuffisance cardiaque droite.

5.2.3 Ascite pancréatique : L'ascite est due dans ce cas à une fuite par rupture d'un canal pancréatique ou d'un pseudo-kyste dans la cavité péritonéale. Il est parfois difficile de déterminer chez les malades alcooliques l'origine pancréatique ou cirrhotique de l'ascite. Le dosage de l'amylase dans le liquide d'ascite permet le diagnostic d'ascite pancréatique.

5.2.4 Ascite chyleuse : Le mécanisme en est un obstacle lymphatique. Les causes sont multiples et incluent les pathologies malignes (essentiellement les lymphomes), la chirurgie nécessitant une dissection du rétropéritoine et les traumatismes. L'aspect du liquide d'ascite est lactescent, dû à une forte concentration en triglycérides ou cholestérol et une formule cellulaire lymphocytaire du liquide (> 70 %). La concentration en triglycérides dans l'ascite est supérieure au taux de triglycérides plasmatiques.

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5.2.5 Ascite tuberculeuse : Chez un patient transplanté, immunodéprimé, vivant dans des conditions d'hygiène précaire, la présence de fièvre, douleurs abdominales, sueurs nocturnes doit faire rechercher une péritonite tuberculeuse. Celle-ci est caractérisée par sa grande richesse en lymphocytes. La recherche de bacilles acido-acoolo-résistants est rarement positive et doit toujours s'accompagner de la mise en culture du liquide. Une coelioscopie est parfois justifiée pour biopsier les tubercules péritonéaux.

5.2.6 Ascite cirrhotique compliquée

5.2.7 Autres causes rares

6 Traitement de l’ascite chez le patient atteint de cirrhose Le traitement de l'ascite repose sur un régime pauvre en sel (40 meq/j) et le repos.

6.1 En cas d'ascite non tendue sans trouble ionique (volume mobilisable estimé inférieur à 5 litres), le traitement va débuter par :

- Diurétiques associant Spironolactone (ALDACTONE 75®) : 1/j et Furosémide (LASILIX 40®) : 1/j. Les doses pourront être augmentées tous les 4 jours en l’absence d’efficacité et de complication

et/ou - Ponctions d’ascite évacuatrices à compenser par une perfusion de macromolécules si

volume compris entre 3 et 5 l. La compensation n’est pas nécessaire pour des ponctions non répétées de moins de 3 litres.

6.2 En cas d’ascite tendue d’ascite réfractaire ou de troubles ioniques (volume mobilisable estimé supérieur à 5 litres ou natrémie inférieure à 130 meq/l ou créatininémie supérieure à 110 µmol/l), le traitement va débuter par :

- Ponctions d’ascite évacuatrices de 5 à 10 litres à compenser par la perfusion d’Albumine à 20 % : 1 flacon à 100 ml pour 2 litres d'ascite évacuée.

6.3 La surveillance de la tolérance et de l’efficacité du traitement - La clinique

- Perte de poids : doit être au moins de 500 g/j pour les diurétiques, égale au volume d’ascite retiré pour les grandes ponctions. - Périmètre abdominal. - Diurèse des 24 h.

- Les ionogrammes sanguin et urinaire - Surveillance de la natrémie (risque d’hyponatrémie) de la kaliémie (risque d’hyperkaliémie avec les épargneurs potassiques et d’hypokaliémie avec les diurétiques de l’anse) - Créatininémie - Une natrémie < 130mEq/l, une kaliémie > 5,5 mEq/l, une créatininémie 100 µmol/l imposent l’arrêt du traitement diurétique

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- Natriurèse (sur échantillon d’urines) : une natriurèse élevée sans perte de poids chez un malade sous diurétiques témoignerait d’un non respect du régime sans sel.

7 Complications de l’ascite chez le patient atteint de cirrhose

7.1 Infection du liquide d’ascite C’est une urgence thérapeutique.

7.1.1 Le diagnostic doit être suspecté devant : Des arguments cliniques : - Hyperthermie supérieure à 38°5 ou hypothermie inférieure à 36°, frissons - Hypotension artérielle - Douleurs abdominales, diarrhée - Encéphalopathie hépatique, décompensation œdémato-ascitique sans cause évidente,

hémorragie digestive Des arguments biologiques : - Hyperleucocytose avec polynucléose - Aggravation de la fonction hépato-cellulaire (élévation de la bilirubine, chute du

facteur V) - Apparition d’une insuffisance rénale - Hypoglycémie (inférieure à 0,8 g/l chez un malade perfusé en sérum glucosé) Il doit être systématiquement recherche au cours de toute ponction d’ascite

7.1.2 Le diagnostic est confirmé par l’analyse du liquide d’ascite : L’isolement du germe et/ou un taux de polynucléaires neutrophiles supérieur à 250/mm3 associé à des signes cliniques ou biologiques ont la même signification et imposent un traitement antibiotique. Les germes les plus souvent rencontrés sont : Escherichia Coli, Klebsiella pneumoniae et l’enterobacter.

7.1.3 Le traitement curatif repose sur - Les antibiotiques à débuter en urgence après prélèvements bactériologiques (ascite,

ECBU, hémocultures), adaptés secondairement à l’antibiogramme. Le germe est plus souvent mis en évidence si l’ascite est ensemencé sur des flacons à hémocultures (aérobie et anaérobie). La durée du traitement est habituellement d’ 1 semaine avec ponction d’ascite de contrôle à 48 h pour vérifier la décroissance d’au moins 50 % du nombre de polynucléaires dans l’ascite. Les antibiotiques de référence sont le Céfotaxime (CLAFORAN® , 2 g toutes les 8 heures) ou l’association Amoxicilline + ac. clavulanique (AUGMENTIN®, 1 g toutes les 6 heures)

- Remplissage vasculaire associé : Il a été montré que la perfusion d’albumine à 20% (1,5 g/kg à J0 et 1 g/kg à J3) diminuait la mortalité.

7.1.4 Surveillance régulière - Clinique

- Pouls, tension artérielle, température - Poids

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- Conscience - Recherche d’un ictère, d’une défaillance rénale, cardiaque ou respiratoire.

- Biologique - Nombre de leucocytes dans l’ascite à 48h (efficacité = diminution d’au moins

50% du nombre de polynucléaires) - N.F.S., créatininémie, ionogramme sanguin.

7.1.5 Traitement préventif Il est indiqué chez les patients ayant déjà fait une infection spontanée du liquide

d’ascite, durant une hémorragie digestive (dose x 2 pendant 7 jours) ou chez ceux ayant un taux de protides dans l'ascite inférieur à 10 g par litre. Le traitement habituellement proposé est la Norfloxacine (Noroxine 400®, 1 cp/j)

7.2 Syndrome hépato-rénal

7.2.1 Définition : le syndrome hépato-rénal est une insuffisance rénale fonctionnelle qui complique l’insuffisance hépatocellulaire des cirrhoses en phase terminale. Il est lié à la stimulation des systèmes vasoconstricteurs endogènes en réponse à l’hypovolémie efficace, aboutissant à une hypoperfusion rénale par vasoconstriction artériolaire rénale majeure. On distingue 2 types de syndrome hépato-rénal

o SHR de type 1 : insuffisance rénale aiguë évolutive (créatininémie > 230 mmol/l, ou Cl de la créatinine < 20 ml/min) en moins de 15 jours (médiane de survie spontanée de 15 jours à partir du diagnostic)

o Le SHR de type 2 : insuffisance rénale moins sévère et d’évolution plus lente (médiane de survie spontanée de l’ordre de 6 mois). Le passage à un SHR de type 1 peut survenir à l’occasion d’un facteur précipitant nutritionnel, de la fonction hépatique ou de la survenue d’une autre complicationDiagnostic :

tableau 2.

7.2.3 Traitement préventif : le traitement doit être avant tout préventif - Contre-indication des médicaments néphrotoxiques (aminosides, AINS) - Précaution devant la prescription d’examens utilisant des produits de contraste

iodés (scanner…) - Remplissage correcte des malades (notamment au cours des ponctions

évacuatrices et des infections d’ascite) - Surveillance des traitements diurétiques

7.2.4 Traitement curatif

- Le traitement idéal est la transplantation hépatique - En cas de contre-indication ou en attendant la transplantation hépatique, un

traitement associant remplissage adéquat et perfusion de Terlipressine (GLYPRESSINE®) en milieu spécialisé doit se discuter.

7.3 Complications mécaniques pariétales La rupture de l'ombilic est une complication non exceptionnelle des ascites volumineuses. Elle est due à l'ulcération de la paroi abdominale au niveau de l'ombilic éversé. C’est une

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urgence chirurgicale. De même, l’ascite peut favoriser un étranglement herniaire.

7.4 Hydrothorax Correspond au passage de l’ascite au niveau de la plèvre en raison de brèches diaphragmatiques et de la pression intre-pleurale inférieure à la pression intra-abdominale. Il est situé le plus souvent à droite. Le plus souvent, il est associé à une ascite réfractaire mais il peut être isolé. Le traitement repose sur l’utilisation des diurétiques en évitant les ponctions répétées. L’hydrothorax peut s’infecter même en l’absence d’argument pour une infection du liquide d’ascite.

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Tableau 1 : Etiologies d’une ascite

Avec hypertension portale Sans hypertension portale Cirrhose Autres maladies du foie Syndrome de Budd-Chiari Bilharziose Hépatite aiguë grave Infiltration tumorale du foie Insuffisance cardiaque droite, péricardite Thrombose porte aiguë

Carcinose péritonéale (ovaire, cancers digestifs,

mésothéliome, maladie gélatineuse du péritoine)

Pancréatite chronique Tuberculose péritonéale Rupture ou obstruction du canal thoracique Autres : maladie périodique, hypothyroïdie, syndrome néphrotique, vascularites, lupus, gastro-entérite à éosinophiles, endométrisose, maladie de Waldenström, syndrome POEMS*, maladie de Whipple…

* : Le syndrome POEMS est une cause rare d'ascite associant une polyneuropathie (P), une organomégalie (O) dont l'hépatomégalie est le signe le plus fréquent, une endocrinopathie (E), une atteinte cutanée (Skin changes) et une protéine monoclonale (M protein). Tableau 2 : Critères diagnostiques du syndrome hépato-rénal

Critères majeurs Critères mineurs •Réduction de la filtration glomérulaire

- Créatinine >1,5 mg/dl (130 mmol/l) - Clairance créatinine < 40 ml/min

•Absence d’autre cause : - Choc, sepsis, hypovolémie - Médicaments néphrotoxiques - Absence de néphropathie organique

(Protéinurie < 0.5g/j et échographie rénale normale)

•Absence de réponse à une expansion volémique, après arrêt des dirurétiques

- Albumine 20 % : 200 ml - Sérum physiologique 1500 ml

•Diurèse < 500 ml/j •Natriurèse < 10 mEq/ •Osm urinaire > Osmolalité plasmatique •Natrémie < 130 mEq/l •Hématurie < 50 cel /champ

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Ictère

Philippe Sogni

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Cochin

Objectifs (question N° 320 du programme officiel) Devant un ictère argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.

• Les points importants • L’ictère est une situation fréquente, de cause multiple et correspondant à une

augmentation de la concentration sanguine en bilirubine. • On distingue les ictères à bilirubine non conjuguée (selles non décolorées et

urines normales) des ictères à bilirubine conjuguée (selles décolorées et urines foncées).

• Les ictères à bilirubine non conjuguée sont dus soit à une hémolyse soit à un défaut de conjugaison de la bilirubine.

• Les ictères à bilirubine conjuguée sont dus à une maladie du foie ou des voies biliaires.

• L’echographie est le premier examen à réaliser pour distinguer les ictères à bilirubine conjuguée avec ou sans obstacle sur les voies biliaires.

• En l’absence de dilatation des voies biliaires à l’echographie, les anomalies du bilan hépatique permettront de distinguer les ictères cytolytiques et cholestatiques.

1 Définition et rappel physiopathologique L'ictère correspond à l'apparition d'une coloration jaune de la peau et des muqueuses

en raison de augmentation du taux plasmatique de bilirubine au-delà des valeurs de 25 à 30 µmol/l.

La bilirubine provient pour 80 % du catabolisme de l'hème contenue dans l'hémoglobine. La bilirubine libre ainsi formée, insoluble dans l'eau est dirigée vers le foie via la circulation sanguine sous forme de liaison à l'albumine plasmatique. Les hépatocytes captent la bilirubine grâce à un transporteur d'anions. Dans l'hépatocyte, la bilirubine est liée à des protéines de transport, puis conjuguée à l'acide glucuronique. Cette bilirubine conjuguée, (diglucuroconjuguée) soluble dans l'eau est alors excrétée dans la bile par des transporteurs d'anions. Dans la lumière intestinale, la bilirubine est réduite en urobilinogènes, donnant ainsi la coloration normale des selles. Par définition on distingue :

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- Les ictères à bilirubine libre, conséquence d'une production accrue de bilirubine ou plus rarement d'une anomalie génétique de la glucuroconjugaison.

- Les ictères à bilirubine conjuguée résultant d'un trouble de l'excrétion et/ou de la sécrétion biliaire présent au cours des maladies du foie ou des voies biliaires.

2 Les étapes du diagnostic

2.1 L’interrogatoire doit préciser : - Le mode d'installation de l'ictère, l'existence d'un prurit, d'une altération de l'état

général - Les antécédents de maladie hépatobiliaire et de lithiase vésiculaire - Les traitements médicamenteux - Les facteurs de risques concernant la transmission de virus hépatotropes dans les 6

derniers mois (habitudes alimentaires, transfusion, soins dentaires, acupuncture, percing, tatouages, toxicomanie)

2.2 L’examen clinique - Précise l'aspect des urines et des selles - Recherche : Une altération de l'état général Une hépatomégalie. Des signes cliniques de maladie grave du foie tels que des signes d'insuffisance

hépatocellulaire (angiomes stellaires, ongles blancs, érythrose palmaire, astérexis, hippocratisme digital), des signes d'hypertension portale (splénomégalie, circulation veineuse collatérale, la présence d'une ascite).

L'existence d'une grosse vésicule palpable.

2.3 Les examens biologiques Les examens biologiques à demander en première intention sont :

- La numération formule sanguine - Le dosage de la bilirubine totale et conjuguée, des phosphatases alcalines et de la

gammaGT - Le dosage des transaminases - Le dosage du TP et éventuellement du facteur V

2.4 Dès ce stade le diagnostic peut être orienté Les urines sont claires (absence d'accumulation de bilirubine conjuguée). La coloration des selles est normale Il n'existe pas de prurit Les tests hépatiques sont normaux L'hyperbilirubinémie prédomine sur la fraction libre Il s’agit d’un ictère à bilirubine non conjuguée (libre) Les urines sont foncées contenant de la bilirubine conjuguée. Les selles sont décolorées Un prurit peut être présent Les tests hépatiques sont altérés

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L'hyperbilirubinémie prédomine à 80- 90% sur la fraction conjuguée Il s’agit d’un ictère à bilirubine conjuguée

3 Les ictères à bilirubine non conjuguée (libre) Les principales causes sont :

3.1 Les hémolyses intravasculaires Leur diagnostic repose sur l'élévation du fer plasmatique, l'existence d'une réticulocytose, et d'une baisse de l'haptoglobine. Les principales causes sont d'origine génétique (drépanocytose, thalassémie, déficit en G6PD, érythropoiese inefficace), médicamenteuse ou toxique (Ribavirine), plus rarement infectieuses (leptospirose) ou parasitaires (paludisme).

Attention il faut savoir que les anémies hémolytiques chroniques favorisent la formation de lithiase biliaire pigmentaire pouvant donner lieu à des accidents de migration.

3.2 Le défaut de conjugaison hépatique de la bilirubine Il correspond principalement à la maladie de Gilbert. Cette affection fréquente (3 % de la population) transmise sur le mode autosomal récessif, correspond à un déficit partiel en glycuronyl-transférase. Les déficits plus complets en glucuroconjugaison (maladie de Crigler-Najar) sont responsables d'ictères dans la période néonatale.

3.3 Les ictères à bilirubine conjuguée La démarche consiste à rechercher l'existence d'un obstacle sur les voies biliaires ou le

pancréas et à en préciser la nature. En premier lieu, il convient de rechercher l'existence d'une dilatation des voies biliaires sur l'échographie, examen de première intention.

Cependant, l'échographie peut-être prise en défaut chez les sujets obèses. En outre, l'absence de dilatation des voies biliaires n'élimine pas formellement l'obstacle, si le foie est déjà fibreux, ou si l'examen est demandé trop précocement.

3.3.1 Les voies biliaires sont dilatées

3.3.1.1 Le pancréas est pathologique • Les examens d’imagerie :

- La tomodensitométrie complète le bilan. Cet examen doit être fait sans et avec contraste iodé en respectant les

antécédents d'allergie à l'iode (éventuelle prémédication). En cas de cholestase importante, l'injection d'iode doit

être minimale, et réalisée après réhydratation afin de limiter le risque d'insuffisance rénale.

- L'échoendoscopie grâce à une sonde d'échographie montée sur un endoscope permet une analyse complémentaire

du cholédoque rétropancréatique et de l'échostructure pancréatique. Elle permet en outre de réaliser des biopsies

dirigées. Elle est réalisée sous anesthésie.

- La cholangio-IRM (ou bili-IRM) peut permettre d'analyser les structures bilio-pancréatiques surtout si celles-ci sont

dilatées, elle reste actuellement en cours d'évaluation dans cette indication. Elle ne nécessite ni injection de produit

de contaste ni anesthésie.

• Les causes les plus fréquemment trouvées sont : - Le cancer de la tête du pancréas. L'interrogatoire précise l'existence d'une altération de l'état général et le caractère

progressif de l'ictère, l'examen clinique retrouve une grosse vésicule palpable.

- L'ampullome Vatérien, tumeur des voies biliaires dont le pronostic est le plus favorable. Le traitement classique

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repose sur la duodépancréatectomie céphalique.

- Une pancréatite chronique se complique parfois d'un faux kyste compressif.

- Plus rarement il s'agira d'une pancréatite aiguë, ou d'une adénopathie compressive.

• Quelle que soit la cause, il faut rapidement décomprimer les voies biliaires, la sanction est

le plus souvent chirurgicale ou endoscopique (pose de prothèse par voie endoscopique cf. infra). Dans le cas d'un faux kyste, le geste pourra être complété par un drainage ou une éxérèse. Dans le cas d'une tumeur maligne, l'éxérèse satisfaisante sur le plan carcinologique est rare à ce stade en dehors de l'ampullome.

3.3.1.2 Le pancréas est normal • Les examens d’imagerie :

- L'examen TDM fournit les mêmes renseignements que l'échographie, il doit être réalisé en deuxième intention, sa sensibilité pour le diagnostic de lithiase cholédocienne ou de pathologie pancréatique est supérieure à celle de l'échographie.

- L'échoendoscopie permet aisément de compléter le bilan lésionnel avec un minimum de risques. Il s'agit de l'examen ayant la meilleure sensibilité pour le diagnostic de lithiase cholédocienne (97 %). L'examen de la loge vésiculaire avec la recherche d'un sludge de lithiase ou de signes de cholécystite (parois épaissies) doit être systématique.

- La cholangio pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) parfois réalisée dans le même temps que l'échoendoscopie permet de réaliser une sphinctérotomie, geste diagnostique, mais surtout thérapeutique en cas de lithiase de la voie biliaire principale chez les sujets fragiles. En raison du risque septique, cet examen doit être fait sous antibiothérapie. En cas d'échec technique de l'opacification rétrograde, un abord transhépatique sous repérage échographique ou scannographique est parfois nécessaire, en particulier pour la recherche du pôle supérieur d'une volumineuse tumeur ou en cas d'obstacle important.

- La cholangio-IRM possède une sensibilité supérieure à celle de l'échographie et du scanner pour le diagnostic de lithiase cholédocienne, mais sa place reste en cours d'évaluation. La cholangio-IRM visualise bien les voies biliaires intrahépatiques dilatées.

• Les causes les plus fréquentes sont : - La lithiase cholédocienne. En sa faveur la notion de terrain : femme, obésité, âge

supérieur à 60 ans, lithiase vésiculaire connue. L'interrogatoire retrouve la notion d'une crise douloureuse de l'hypochondre droit suivi d'un accès fébrile puis de l'ictère 12 à 24 h plus tard. La vésicule n'est pas palpable. Le traitement est chirurgical chez le sujet jeune, endoscopique chez les sujets fragiles.

- Le cancer primitif des voies biliaires (cholangiocarcinome). Les examens morphologiques préciseront l'étendu des lésions, l'extension ganglionnaire. Le traitement chirurgical est rarement possible. Le traitement repose le plus souvent sur un drainage endoscopique éventuellement complété de radiothérapie externe.

- La cholangite sclérosante primitive (CSP) principalement chez l'adulte jeune. Elle est associée dans la moitié des cas à une MICI (RCH ou Crohn). Dans le cas ou la maladie est connue, l'hypothèse d'une dégénérescence maligne (cholangio-carcinome) constitue la principale préoccupation.

- Plus rarement il s'agira d'une compression de la voie biliaire principale lié au

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développement extra pancréatique d'un faux kyste, à la présence d'une adénopathie compressive, ou à l'extension pédiculaire d'un cavernome portal.

- Les cholangites infectieuses ne se rencontrent plus actuellement que chez les patient VIH+ très immunodéprimés (CD4 < 250)

3.3.2 Les voies biliaires sont fines Le dosage simultané des transaminases (ALAT) permet alors d'orienter le diagnostic

en distinguant les ictères cholestatiques ou le taux de l'ALAT est inférieur à 20 fois la valeur normale (20 N), et les ictères cytolytiques ou le taux de l'ALAT supérieur à 20 N.

3.3.2.1 L'ictère est de type cholestatique L'échographie demandée précédemment aura également permis de préciser la structure et la morphologie hépatique.

Il existe des anomalies focales :

- L'échographie devra en outre préciser le caractère tissulaire ou kystique des lésions. Dans le premier cas, elle

recherchera l'existence d'un halo périphérique (œdème), de calcifications ou d'adénopathies, l'étude doppler

recherchera une hypervascularisation artérielle. En cas de lésion kystique l'homogénéité ou non devra être précisée.

- Le scanner et éventuellement l'IRM, permettrons de mieux caractériser le nombre de lésions et la nature de leur

vascularisation.

• En cas de lésion solide, le diagnostic de tumeur du foie devra être précisé (cf. question)

• Face à une lésion kystique ou nécrotique, en fonction du contexte clinique, et de la présence d'une éosinophilie, les

sérologies parasitaires seront demandées. Il s'agit principalement :

- Du kyste hydatique. L'interrogatoire retrouve le séjour en région d'endémie (Maghreb), la sérologie est positive.

L'échographie montre des calcifications périphériques et l'existence de cloisons internes. La ponction est

dangereuse, elle est donc contre indiquée si le tableau clinique est complet.

- De l'échinococcose alvéolaire. L'interrogatoire retrouve le séjour dans une région d'endémie (Est de la France).

L'échographie retrouve de vastes zones de hypoéchogènes correspondant à la nécrose

• Dans le cas ou les sérologies sont négatives, la ponction biopsie hépatique est alors indispensable, afin de permettre une

analyse histologique ainsi qu'une analyse bactériologique et mycologique directe et après mise en culture du matériel

prélevé. Les causes les plus probables sont alors :

- Les cancers primitifs et secondaires du foie

- Les abcès à pyogénes ou mycotiques sont beaucoup plus rares.

Le foie est homogène

• Dans ce cadre, l'interrogatoire reste fondamental pour orienter le diagnostic, la notion d'une maladie chronique du foie

sous jacente doit être précisé. Il faut cependant bien comprendre que la survenue d'une cholestase peut compliquer toute

maladie chronique du foie lorsque la quantité de parenchyme est devenue insuffisante pour assurer le rôle émonctoire du

foie. Il faut cependant s'acharner à retrouver une cause surajoutée.

• Les principales causes sont :

- Les complications de la maladie alcoolique du foie, en particulier l'hépatite aigue alcoolique révélant ou

compliquant une cirrhose connue. Les principaux éléments du diagnostic chez un sujet alcoolique sont l'existence

d'une fièvre, d'une hépatomégalie de stéatose, d'une polynucléose, et d'une cytolyse modérée prédominant sur les

SGOT (ASAT). Le diagnostic clinique doit cependant être confirmé par la biopsie hépatique en cas de forme

grave.

- La forme cholestatique des différentes hépatites virales aiguës doit être connue, principalement l'hépatite A, E et B.

Le diagnostic repose sur la notion de contage et sur le résultat des sérologies.

- Les causes médicamenteuses doivent toujours être évoquées surtout chez le sujet âgé. Les molécules les plus

souvent en cause sont les macrolides et l'aziathioprine. Le problème de ces hépatites est leur association possible à

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des lésions de cholangite pouvant conduire à la destruction des petites voies biliaires (Augmentin R,

phénothiazines)

- La cirrhose biliaire primitive doit être évoquée chez la femme d'age mûre. L'atteinte hépatique est parfois associée à

d'autres manifestations d'auto-immunité, voir à une hépatite autoimmune (overlap syndrome). Le diagnostic repose

sur les données de la biopsie hépatique et la présence d'anticorps anti-mitochondrie de type 2.

- L’insuffisance cardiaque droite s’accompagne souvent d’une augmentation des gammaGT et phosphatase alcaline.

Il s’y associe cliniquement un gros foie mou douloureux, des oedemes des membres inférieurs, un reflux hépato-

jugulaires voire une ascite. Cette symptomatologie doit être distinguée de l’anoxie hépatique avec cytolyse

prédominante en cas d’insuffisance cardiaque aiguë avec insuffisance circulatoire.

- Les formes infiltrantes des cancers primitifs ou secondaires du foie (hémopathies malignes).

- La cholangite sclérosante primitive ou secondaire exclusivement localisée aux petites sont des cause plus rares.

• Parmi les autres causes rares, il faut citer :

- La cholestase récurrente bénigne, maladie génétique rare, transmise sur le mode autosomique récessif lié à un

déficit fonctionnel d'une ATPase hépatocytaire (FIC1). La fréquence et la sévérité des épisodes de cholestase est

très variable d'un individu à l'autre.

- La cholestase gravidique survient durant le 2 ème ou 3ème trimestre de la grossesse. Elle se révèle par un prurit. Le

pronostic est excellent pour la mère, le risque est essentiellement fœtal (prématurité, mort in utéro). Souvent

cependant, les transaminases sont élevées.

- Les déficits génétiques de l'excrétion biliaire sont des causes rares d'ictère fluctuant à bilirubine conjuguée avec des

tests hépatiques normaux. Ces affections bénignes (maladie de Rotor et Dubin-Johnson) sont transmises sur le

mode autosomal récessif.

3.3.2.2 L'ictère est de type cytolytique • Cette rubrique correspond au cadre des hépatites massives par nécrose. Là encore l'interrogatoire reste fondamental.

L'hospitalisation doit être demandé si le TP devient inférieur à 50%. Dans le cas ou des troubles de conscience

apparaissent l'hépatite est dite fulminante.

• Les principales causes sont :

- Les hépatites virales intéressent principalement les sujets jeunes. Le diagnostic repose sur la notion de contage et le

résultat des sérologies.

- La recherche d'une cause médicamenteuse ou toxique doit être systématiquement +++. Parmi les médicaments, le

paracétamol arrive en tête d'un très longe liste. Parmi les toxiques figurent en bonne place les solvants industriels,

les herbicides. Ailleurs il pourra s'agir de drogues (cocaïne, ecstasy) ou de champignons (phalloïdine).

• Les autres causes sont plus rares. Il s'agit des hépatites autoimmunes, ischémiques (coup de chaleur, incompétence

hémodynamique).

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Alcoolisme et Foie

Philippe Sogni

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Cochin

Objectifs (question N° 45 du programme officiel) Cette question s’inscrit dans l’item du Module 3 « addiction et conduites dopantes » sous-section : maladies alcooliques du Foie Elle aborde les marqueurs biologiques de l’alcoolisme et les hépatopathies alcooliques en dehors de la cirrhose éthylique traitée dans un chapitre spécifique exclue)

1 Alcoolisme

TENEUR EN ALCOOL DES PRINCIPALES BOISSONS

Teneur moyenne en degrés*

Volume Teneur approximative en g d’alcool

BIERE ORDINAIRE 5 1 l 40

BIERE (Canette) 6 330 ml 16

VIN 11 1 l 90

PORTO 20 50 ml 8

"PASTIS" 45 25 ml 9

CALVADOS etc 48 25 ml 10

WHISKY 45 25 ml 9

RHUM 45 25 ml 9

* Un degré signifie 1 p 100 (v/v) soit 1 ml d'alcool pur pour 100 ml de boisson. ** 1 ml d'alcool éthylique pèse environ 0,8 g. FORMULE GÉNÉRALE POUR CALCULER LE NOMBRE DE G D'ALCOOL INGÉRÉ :

La définition habituelle de l'alcoolisme chronique est la consommation de plus de 80 g d'alcool par jour depuis quelques deux ans au moins. Les modalités pratiques de calcul figurent sur le tableau ci-dessous

Nombre de ml absorbés × nombre de degrés × 0,8 / 100

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2 LES MARQUEURS BIOLOGIQUES DE L'ALCOOLISME Ils peuvent être séparés en trois rubriques, dont seule la deuxième sera abordée ici : • Marqueurs de risque de survenue d'alcoolo-dépendance et/ou de complication organique. Ces marqueurs (qui n'existent pas encore) auront pour but de détecter les personnes susceptibles de devenir alcoolo-dépendants ou qui pourraient craindre des complications organiques de leur alcoolisme. • Les marqueurs de surconsommation permettent de dépister les individus alcooliques ; c'est en effet parmi eux que se recruteront ceux qui deviendront alcoolo-dépendants ou développeront une cirrhose.

2.1 Les marqueurs étiologiques essaient, devant une complication organique, d'en attribuer la responsabilité à l'alcool. Parmi les nombreux paramètres biologiques utilisés pour le dépistage de l'alcoolisme chronique deux se sont imposés en pratique : la gamma glutamyl transférase (GGT) et le volume globulaire moyen (VGM).

2.1.1 LA GAMMA GLUTAMYL TRANSFERASE C'est une enzyme membranaire dont l'activité est présente dans de nombreux tissus tels rein, pancréas, foie, cerveau, intestin grêle. La GGT joue un rôle dans le métabolisme du glutathion et dans le transport de certains acides aminés vers l'intérieur de la cellule. Chez le sujet normal l'activité GGT sérique est d'origine hépatique.

2.1.1.1 SENSIBILITE DE LA GGT DANS LE DEPISTAGE DE L'ALCOOLISME CHRONIQUE Elle varie en fonction de l'existence ou non d'une hépatopathie. Chez l'alcoolique à foie présumé sain, la GGT sérique est élevée dans seulement 50 % des cas, un alcoolique sur deux échappe donc au test. L'élévation de l'enzyme, lorsqu'elle existe, est habituellement modérée, ne dépassant pas en général 2 fois la limite supérieure de la normale. Lorsqu'il existe une hépatopathie associée à l'alcoolisme, la sensibilité de la GGT s'améliore et est de l'ordre de 80 % ; l'activité sérique de l'enzyme dépasse habituellement 2 fois la limite supérieure de la normale ; elle peut atteindre N × 10, 20 ou bien davantage au cours des hépatites alcooliques sévères. Il n'y a pas de corrélation entre l'activité sérique de la GGT et la quantité d'alcool ingérée.

2.1.1.2 SPECIFICITE DE LA GGT Il existe de nombreuses causes autre que l'alcool, d'élévation de l'activité sérique de la GGT ; c'est pourquoi il faut absolument oublier le postulat " GGT élevée = alcoolisme ". En effet la GGT s'élève, avec une excellente sensibilité (80 %), dans toutes les maladies hépatiques quelle que soit leur étiologie ; pour certains la GGT serait à l'hépatologie ce que la vitesse de sédimentation est aux maladies générales et tend de plus en plus à remplacer la clairance de la BSP. Les activités sériques de la GGT sont en général plus élevées dans les pathologies cholestatiques que dans celles cytolytiques ; toutefois, pour une pathologie donnée, il existe de larges variations individuelles ce qui ôte à un résultat isolé tout caractère indicatif. En raison de la large distribution de la GGT dans l'organisme, cette enzyme peut également

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s'élever au cours de pathologies non hépato-biliaires. Parmi celles-ci on retiendra (liste non exhaustive) : pancréatite, diabète, cancers avec ou sans métastases hépatiques, insuffisance cardiaque, hyperthyroïdie. La sensibilité de la GGT est variable suivant la pathologie considérée. Là encore, l'importance de l'élévation de l'activité sérique de l'enzyme ne possède guère de valeur d'orientation. L'activité sérique de la GGT peut s'élever au cours des traitements par des médicaments inducteurs enzymatiques dont la plupart des hypnotiques, anxiolytiques, anti-dépresseurs, produits largement utilisés dans le traitement de l'alcoolisme. L'élévation de l'enzyme est en général modérée. Enfin dans environ 5 % des cas on ne trouve pas de causes pouvant expliquer l'élévation de la GGT sérique

2.1.1.3 TEST DU SEVRAGE Il a pour but d'améliorer la spécificité de la GGT ; il consiste à faire deux dosages de GGT à huit jours d'intervalle environ, période pendant laquelle il sera demandé au patient de s'abstenir de toute boisson alcoolisée. L'interprétation du deuxième dosage est la suivante : • Il existe une baisse significative (environ 50 % par rapport à la valeur initiale) de l'activité sérique de la GGT : cela signe l'alcoolisme et témoigne de sa chronicité. En effet l'alcoolisation aiguë n'augmente pas la GGT, du moins tant que le foie est sain. • L'activité sérique de l'enzyme est identique à celle du 1er dosage : soit le patient ne s'est pas abstenu d'alcool et on ne dispose d'aucun moyen pour s'en assurer ; soit l'élévation de la GGT est due à une cause autre que l'alcool, cause qu'il convient alors de rechercher.

2.1.2 LA MACROCYTOSE Elle est définie par un volume globulaire moyen supérieur à 98 µ3 et est d'autant plus suggestive d'alcoolisme qu'elle survient en l'absence d'anémie. Tout comme la GGT, sa sensibilité dans le dépistage de l'alcoolisme est médiocre, de l'ordre de 50 à 60 %. De même la valeur prédictive positive, c'est à dire la probabilité pour qu'un sujet ayant une macrocytose soit un alcoolique est de l'ordre de 60 %. Cette modeste performance est expliquée par le manque de spécificité du test : en effet de nombreuses maladies (hématologiques par exemple) sont susceptibles d'engendrer une macrocytose. Enfin l'alcoolisation aiguë n'augmente pas le VGM. Les deux paramètres, GGT et VGM, les plus couramment utilisés dans le dépistage de l'alcoolisme révèlent, lorsqu'ils sont combinés, quelques 60 à 65 % des alcooliques chroniques.

2.2 LES MARQUEURS DU FUTUR En raison des médiocres performances diagnostiques de la GGT et du VGM d'autres marqueurs ont été développés. Parmi ceux-ci, trois semblent actuellement prometteurs.

2.2.1 TRANSFERRINE DESIALYSEE (CARBOHYDRATE-DEFICIENT TRANSFERRIN, CDT). La transferrine, protéine synthétisée par le foie et transporteuse du fer, est constituée d'une chaîne polypeptidique sur laquelle sont greffées deux chaînes oligo-saccharidiques dont les extrémités sont constituées par des acides sialiques, au nombre de 2 ou 3 par chaîne. L'addition des acides sialiques est sous la dépendance d'une glycosyl-transférase. La forme de

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transferrine majoritaire dans un sérum normal comporte 4 acides sialiques. La consommation régulière de plus de 50 g d'alcool pur par jour provoque l'apparition dans le sérum de transferrine "désialylée" c'est-à-dire ne comportant que zéro, un ou deux acides sialiques. Une telle désialylation n'est pas l'apanage de la transferrine puisque décrite aussi pour d'autres glycoprotéines, comme l'α1-glycoprotéine ou l'α2-macroglobuline. Le mécanisme exact de la désialylation alcoolo-induite n'est pas connu avec précision. La sensibilité de la CDT pour le dépistage de la consommation excessive d’alcool chez des patients ayant ou non une atteinte hépatique varie entre 0,6 et 0,8, soit légèrement inférieure à celle de la GGT et supérieure à celle du VGM. La variation de sensibilité de la CDT en fonction de l’état hépatique reste un sujet de débat. Elle est théoriquement possible en raison des troubles de synthèse de la transferrine en cas d’insuffisance hépatocellulaire. En l’état actuel des choses, il apparaît raisonnable de retenir qu’en cas de cirrhose, le dosage de la CDT semble moins contributif pour le diagnostic d’alcoolisation excessive que lorsque le foie est sain. Le dosage de la CDT serait alors particulièrement utile pour dépister les abus avant qu’il n’y ait détérioration hépatique. L’avantage de la CDT par apport à la GGT réside dans sa meilleure spécificité qui est de l’ordre de 0,8. Chez les non-buveurs, une élévation de la CDT a été décrite dans les cirrhoses biliaires primitives, les tumeurs hépatiques et les hépatites chroniques. Les mécanismes de ces augmentations ne sont pas connus. En ce qui concerne les hépatites et surtout les hépatites C, il faut prendre soin d’éliminer formellement un alcoolisme caché, surtout lorsque le patient est un ancien toxicomane. Il n’en reste pas moins que la fréquence de l’élévation de la CDT dans les hépatopathies non alcooliques est nettement inférieure à celle de la GGT.

2.2.2 ACETATE SANGUIN L'actétate est le métabolite final de l'oxydation hépatique de l'alcool. On sait que l'alcoolisation chronique entraîne, sans doute par induction enzymatique, une accélération du métabolisme de l'alcool. Cela conduit à une synthèse plus rapide d'acétate d'où une augmentation de sa concentration sanguine par rapport à celle d'un individu sobre ou celle après intoxication aiguë. Ce test permettrait de distinguer un alcoolisme chronique d'une alcoolisation aiguë.

2.2.3 3. ASPARTATE AMINO-TRANSFERASE MITOCHONDRIALE (ASTm) L'aspartate amino-transférase (AST ou ASAT, anciennement SGOT) telle qu'on la mesure dans le sérum ou dans le foie est un mélange de 2 isoenzymes, chacune étant codée par un gène distinct. L'isoenzyme la plus importante est la mitochondriale (ASTm) dont l'activité représente quelques 80 % de l'activité AST hépatique totale (ASTt) ; les 20 % restants sont constitués par l'autre isoenzyme, d'origine cytosolique (ASTc). Dans le sérum au contraire l'ASTm ne représente, à l'état normal, qu'une faible partie (moins de 6 à 7 %) de l'activité AST totale. Sans doute parce que l'alcool est un toxique mitochondrial, la fraction ASTm est fréquemment (plus de 80 % des cas) augmentée chez les alcooliques; le rapport ASTm/ASTt semble permettre de distinguer une population d'alcooliques (qu'ils aient ou non une hépatopathie), d'une population d'individus sobres (ayant un foie sain ou non). Ce test a fait ses preuves dans une population de malades hospitalisés mais on attend les études de masse pour juger de son intérêt dans le dépistage à l'aveugle.

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3 Hépatopathies alcooliques non cirrhotiques

3.1 INTRODUCTION Les hépatopathies alcooliques non cirrhotiques (HANC) comprennent la stéatose et l'hépatite alcoolique (HA), pathologies souvent associées. Les diagnostiquer, surtout l'HA, présente un intérêt considérable. En effet cette maladie : • témoigne de la sensibilité particulière de l'individu à l'hépatotoxicité de l'alcool, • délimite les sujets à haut risque de cirrhose, • est réversible, au moins largement, à l'arrêt de l'intoxication. Diagnostiquer une hépatite alcoolique est un acte de médecine préventive. Les signes fonctionnels propres aux hépatopathies envisagées ici sont largement intriqués avec ceux revenant directement à l'alcoolisme qu'il conviendra de rechercher soigneusement mais qui ne seront pas abordés dans ce chapitre. Il en est de même en ce qui concerne les anomalies biologiques comme la macrocytose avec ou sans anémie et la thrombopénie. A l'égard de ce dernier point il convient de rappeler que la thrombopénie et l'allongement du temps de saignement sont fréquents chez l'alcoolique ; aussi, dans la mesure du possible, les injections intra-musculaires doivent être proscrites. Comme il sera vu plus loin, les hépatopathies alcooliques sont très souvent peu symptomatiques. Cependant l'absence de symptôme ne préjuge pas de l'état hépatique sous-jacent : chez un patient asymptomatique les lésions histologiques peuvent varier de la stéatose simple à la cirrhose. D'autre part les anomalies biologiques des HANC n'ont guère de valeur d'orientation diagnostique. C'est pourquoi la biopsie hépatique reste l'examen essentiel qu'il conviendra de pratiquer chaque fois que cela est possible.

3.2 STEATOSE ALCOOLIQUE La stéatose est définie par l'accumulation de graisses histologiquement visibles dans les hépatocytes ; c'est la manifestation la plus précoce et la plus commune de la maladie alcoolique du foie. Elle peut être isolée ou associée soit à une hépatite alcoolique soit à une cirrhose ; ces deux maladies dominent alors le tableau clinique.

3.2.1 CLINIQUE La plupart des patients ayant une stéatose alcoolique isolée sont totalement asymptomatiques ; il peut toutefois dans certains cas, exister des douleurs de l'hypocondre droit. Le signe clinique le plus fréquent (75 % des cas) est l'hépatomégalie isolée : gros foie régulier, de taille variable, de consistance molle ou ferme, au bord inférieur mousse ; habituellement la palpation n'est pas douloureuse. Les signes cliniques usuels d'insuffisance hépatocellulaire ou d'hypertension portale sont absents. Dans quelques cas rares de stéatose sévère, le tableau clinique est celui d'une cholestase ictérique qui peut être confondu avec une obstruction de la voie biliaire principale.

3.2.2 BIOLOGIE Il existe fréquemment une augmentation modérée de l'activité sérique des transaminases prédominant sur les AST. La stéatose pure ne s'accompagnant pas, par définition, de nécrose hépatocytaire, l'hypertransaminasémie ne refléterait alors qu'une augmentation de la perméabilité des

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membranes hépatocytaires. Les phosphatases alcalines sériques sont soit normales soit très modérément augmentées et l'élimination de la BSP peut être discrètement diminuée. Il existe dans environ 80 % des cas une augmentation de l'activité sérique de la GGT, dépassant le plus souvent 2 fois la limite supérieure de la normale. Le taux de Quick et l'électrophorèse des protides sont normaux. Dans quelques cas la stéatose entraîne une hyperlipidémie qui peut être responsable d'une anémie hémolytique en raison du pouvoir détergent de certains lipides sur la membrane des érythrocytes. Cette association stéatose-hyperlipidémie-anémie hémolytique est appelée syndrome de ZIEVE.

3.2.3 AUTRES EXAMENS Echographie : le foie stéatosique, outre son augmentation de taille, se caractérise par un parenchyme homogène ayant une hyperéchogénécité diffuse. Système porte et voies biliaires sont normaux.

3.2.4 HISTOLOGIE Les lipides, essentiellement sous forme de triglycérides, s'accumulent préférentiellement dans la zone centrolobulaire. A un stade précoce de l'intoxication on observe des micro-vésicules de lipides qui, devenant rapidement coalescentes, forment des macro-vésicules qui peuvent repousser le noyau en périphérie de la cellule. A l'occasion les hépatocytes stéatosiques peuvent se rompre et sont alors entourés de cellules mononucléées formant un lipogranulome. Certaines fois l'aspect lipidique du centre du granulome est mal apprécié, posant ainsi des problèmes de diagnostic différentiel.

3.2.5 PHYSIOPATHOLOGIE La survenue de la stéatose est liée à l'interférence entre alcool et le métabolisme hépatique des lipides : • Diminution du catabolisme des acides gras, essentiellement par inhibition du cycle de KREBS. • Augmentation de la synthèse des triglycérides (TG). Les précurseurs des TG peuvent être soit les chylomicrons, soit les acides gras libres (AGL), soit des glucides ou des acides aminés. Leur augmentation de synthèse est due : d'une part à l'induction par l'alcool, de l'alpha glycérophosphatase, enzyme jouant un rôle clef dans ce métabolisme ; d'autre part au fait qu'un moyen pour le foie de se débarasser de l'excès d'ions H+ engendrés par l'oxydation de l'alcool est de synthétiser plus de lipides. • Augmentation de la pénétration dans l'hépatocyte des AGL circulant, en raison, sous l'influence de l'alcool, d'un accroissement de taille des "fenêtres" des sinusoïdes hépatiques. Ce mécanisme semble toutefois ne pouvoir jouer un rôle dans la survenue de la stéatose qu'à un stade précoce de la maladie ; en effet, au cours de l'hépatite alcoolique se développe progressivement une fibrose péri-sinusoïdale dont l'effet est de diminuer non seulement le calibre mais aussi le nombre des "fenêtres". Lorsque la consommation d'alcool est très importante (> 400 g/j) il existe une mobilisation des acides gras provenant des tissus adipeux d'où une élévation de la concentration sérique des AGL. • Diminution de la secrétion des TG sous forme de lipoprotéines. Ce mécanisme ne semble jouer un rôle qu'à un stade avancé de la maladie ; en effet au stade initial de l'intoxication l'alcool aurait au contraire tendance à augmenter la secrétion hépatique.

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Au total l'alcool dont le métabolisme est essentiellement hépatique se substitue aux acides gras, source habituelle d'énergie pour les mitochondries.

3.2.6 ÉVOLUTION ET TRAITEMENT La stéatose ne prédispose pas à la survenue de la cirrhose. Elle peut néanmoins, en cas de poursuite de l'alcoolisation, se compliquer d'une hépatite alcoolique. Le seul traitement est l'arrêt de l'intoxication ; l'hépatomégalie régresse alors et souvent rapidement.

3.3 HÉPATITE ALCOOLIQUE L'hépatite alcoolique (HA) est une maladie inflammatoire, nécrosante et fibrosante. Elle peut survenir sur foie sain, sur foie fibreux ou sur cirrhose. Sa prévalence est inconnue pour au moins deux raisons : 1) elle est souvent peu symptomatique donc passe facilement inaperçue ; 2) son diagnostic est strictement histologique. Dépister une HA revêt une importance majeure dans la mesure où il reste très généralement admis que ce sont ses récidives qui conduisent à la cirrhose : le risque de survenue de cirrhose, en cas de poursuite de l'intoxication, est 7 fois plus élevé chez les patients alcooliques ayant une HA que chez ceux n'en ayant pas. L'hépatite alcoolique peut schématiquement se présenter sous deux formes : majeure et mineure.

3.3.1 CLINIQUE

3.3.1.1 Forme majeure : Elle survient souvent, que ce soit sur foie sain ou antérieurement lésé, après une intoxication alcoolique massive. Cette forme est fréquente dans les pays anglo-saxons mais rare en France en raison, entre autres, des différences de modalité de consommation d'alcool dans ces pays. Le tableau initial comporte des douleurs abdominales et une fièvre modérée à 38°-38°5 pouvant faire évoquer une cholécystite ou une appendicite. Une telle méprise diagnostique doit être évitée dans la mesure où ces malades seraient aggravés par une intervention chirurgicale inutile. L'ictère est fréquent ; il existe une hépatomégalie ferme, régulière, sensible à la palpation. Cette hépatomégalie se développe certaine fois aux dépens du lobe gauche qui peut prendre un aspect tumoral. Un souffle hépatique est possible. A ce tableau peut éventuellement s'associer une ascite et même une encéphalopathie.

3.3.1.2 Forme mineure : C'est la forme la plus fréquente en France ; son diagnostic est difficile étant donné la pauvreté des signes fonctionnels spécifiques qui d'autre part sont largement masqués par ceux de l'intoxication alcoolique elle-même. Douleurs abdominales et ictère sont rares ; la température est normale ou discrètement élevée. Il existe le plus souvent une hépatomégalie régulière, de consistance un peu ferme, sensible à la palpation douce dans la moitié des cas environ.

3.3.2 BIOLOGIE Il existe une élévation de l'activité sérique des transaminases AST et ALT avec un rapport AST/ALT supérieur à 1 dans 80 % des cas environ. L'augmentation des AST et ALT est en

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général modérée, de 2 à 5 fois la limite supérieure de la normale (N) ; une augmentation dépassant 10 X N doit faire rechercher un autre diagnostic. Il n'y a pas de corrélation entre l'élévation des transaminases et les lésions histologiques. Les phosphatases alcalines peuvent être élevées, de l'ordre de 2 à 3 X N et leur normalisation est souvent lente. La bilirubine est soit normale soit discrètement augmentée dans les formes mineures et franchement dans les formes majeures ; le plus souvent, mais non toujours, elle sera à prédominance de bilirubine conjuguée. La GGT sérique est élevée dans plus de 80 % des cas et dépasse le plus souvent 2 X N. L'électrophorèse des protéines est normale sauf si l'HA survient sur cirrhose. Le taux de Quick est normal dans les formes mineures et abaissé dans les majeures. Sur le plan hématologique, outre la classique macrocytose, il peut exister une anémie modérée et une hyperleucocytose (40 % des cas) à polynucléaires pouvant atteindre des chiffres très élevés (30 000/mm3), sans origine bactérienne.

3.3.3 HISTOLOGIE Les critères obligatoires pour le diagnostic sont :

• nécrose et/ou ballonisation des hépatocytes dans la région centro-lobulaire, • infiltrat inflammatoire à polynucléaires dans la région centro-lobulaire, • fibrose sinusoïdale et péri-sinusoïdale, • corps de Mallory, globules hyalins composés probablement de filaments d'actine et de

tubuline. Ils sont fréquents mais non indispensables pour porter le diagnostic. Très évocateur d'HA, ils n'en sont cependant pas pathognomoniques.

D'autres lésions anatomopathologiques peuvent être observées : une stéatose macro-vésiculaire, fortement évocatrice de l'étiologie alcoolique ; nécrose en pont : collapsus de travées d'hépatocytes d'un espace porte à un autre ou à une veine centro-lobulaire ; prolifération des petits canaux biliaires ; mitochondries géantes ; fibrose périveinulaire : cette fibrose autour des veines centro-lobulaires aurait pour certains auteurs un caractère pronostique d'évolution ultérieure vers la cirrhose mais cette notion reste à confirmer.

3.3.4 EVOLUTION DE L'HA A court terme : elle est conditionnée par la sévérité clinique initiale et par l'état du foie sur lequel elle survient. La mortalité de la forme majeure varie de 25 à 60 % des cas selon que l'HA survient sur foie sain ou sur cirrhose, la mort étant alors le plus souvent liée à l'aggravation de l'insuffisance hépatocellulaire. Les critères péjoratifs d'évolution sont :

• cliniques : ascite, encéphalopathie, fièvre, • biologiques : hyperbilirubinémie prolongée et importante, Quick < 50 %, • anatomopathologiques : degré d'extension de la fibrose et de la nécrose, oblitération

des veines sus-hépatiques, nombre élevé de corps de Mallory. Sur le plan anatomique, apparaît obligatoirement une fibrose qui va combler les zones de nécrose. A long terme : Elle dépend essentiellement de l'arrêt de l'intoxication alcoolique. En cas d'abstinence la fibrose se stabilise et peut même, dans un petit nombre de cas, régresser. A l'inverse on peut assister quoique rarement, malgré l'arrêt de l'alcool, à une pérénisation des lésions d'HA ; le pronostic est alors défavorable. La poursuite de l'alcoolisation expose le patient à la survenue de nouvelles HA qui aggraveront les lésions déjà constituées et conduiront à la cirrhose. Celle-ci n'empêchera pas la survenue de nouvelles HA.

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3.3.5 TRAITEMENT Aucun traitement spécifique de l'HA n'a aujourd'hui fait preuve de son efficacité. Les mesures thérapeutiques comprendront : Arrêt de l'alcool : celui-ci devrait être définitif au vu des notions exposées ci-dessus, c'est pourquoi, outre les dispositions habituelles à prendre pour éviter les complications d'un sevrage brutal, il convient d'engager le patient dans un projet thérapeutique à long terme, en le confiant, si besoin, à des unités spécialisées dans le traitement de l'alcoolisme. Repos : il sera modulé en fonction de l'état clinique du malade. Calories : il existe souvent une dénutrition qui aggrave la maladie. Un régime hypercalorique est souhaitable et il faut faire comprendre au malade, souvent anorexique, l'intérêt d'un tel régime. En cas de forme majeure d'HA il faut éviter les apports protéiques d'acides aminés aromatiques qui peuvent précipiter ou aggraver une encéphalopathie ; on leur préfère les acides aminés branchés dont la viande de dinde et de lapin est riche. Divers médicaments ont été utilisés avec des résultats variables : antithyroïdiens de synthèse, oxandrolone, catergène. Leur prescription, qui ne pourrait guère se justifier qu'en cas d'HA majeure, doit être discutée au coup par coup et en aucun cas être faite en ambulatoire. L'adjonction de vitaminothérapie hydrosoluble, surtout B1 et B6, sera systématique comme chez tout alcoolique mais n'est en rien un traitement spécifique de l'HA. Seule la corticothérapie (40 mg/j de Prednisolone pendant 4 semaines) a fait la preuve de son efficacité dans les HA sévères (TQ < 50 %, hyperbilirubinémie > 100 µmol/l et/ou encéphalopathie hépatique). La réduction de la mortalité précoce (à 3 mois) est de 50 % dans le groupe traité par rapport aux sujets non traités.

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Tumeurs du foie, primitives et secondaires

Philippe Sogni

Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Cochin

Objectif (question N° 151 du programme officiel) Diagnostiquer une tumeur du foie primitive et secondaire.

1 Tumeurs bénignes du foie (tableau 1) Les tumeurs bénignes du foie sont le plus souvent découvertes de façon fortuite, à l'occasion d'une échographie abdominale réalisée pour des raisons diverses. En l'absence de cirrhose (qui ferait rechercher un CHC) ou d'un cancer connu (où le diagnostic de métastase serait évoqué en premier), ces lésions sont presque toujours bénignes. Les tumeurs bénignes du foie le plus fréquemment observées sont l'hémangiome (développé à partir des cellules endothéliales), l'adénome hépatocellulaire et l'hyperplasie nodulaire focale (développés à partir des hépatocytes).

1.1 Kyste biliaire Le kyste biliaire n'est pas à proprement parler une tumeur. Le kyste biliaire est très fréquent (environ 50 % de la population). Il est habituellement unique et asymptomatique. Les gros kystes (plus de 10 cm) peuvent être responsables de pesanteurs, voire douleurs, et exceptionnellement se compliquer (ruptures, compressions, hémorragies ou infections intrakystiques). A l'échographie, la lésions est anéchogène, à paroi fine, sans cloison ni calcification. L'ensemble de ces caractères est nécessaire eu diagnostic de certitude. Les diagnostics à éliminer sont le kyste hydatique (paroi plus épaisse, cloisons, origine géographique du patients, sérologie), les tumeurs psudokystiques (métastases nécrosées, notamment métastases endocrines, sarcomes, lymphomes, exceptionnelement cystadénome). Aucun traitement ni surveillance n'est nécessaire en cas de certitude diagnostique. Les gros kystes symptomatiques font exceptionnellement l'objet de traitements : fénestration sous coelioscopie, alcoolisation percutanée).

1.2 Hémangiome L'hémangiome a une prévalence de 3 p. 100 dans la population adulte. Il est formé de cavités bordées par des cellules endothéliales, alimentées par l'artère hépatique. Sa taille est souvent petite (inférieure à 3 cm), mais elle peut être très volumineuse, dépassant 10 cm. La tumeur est unique dans les 3/4 des cas. Elle peut être multiple et doit alors évoquer une localisation hépatique de maladie de Rendu-Osler. Dans la majorité des cas, l'hémangiome n'entraîne aucun symptôme, et l'examen clinique est normal. En cas d'hémangiome trés volumineux, pesanteur ou douleurs peuvent apparaître, et il est possible de palper une tumeur de consistance molle, et d'entendre un souffle systolique. Les tests biologiques hépatiques sont normaux. Le volume de la tumeur est généralement stable, mais il peut aussi croıtre lentement avec l'âge.

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Des complications peuvent apparaître en cas d'hémangiome de grande taille : hémorragies intratumorale ou intrapéritonéale (spontanées ou provoquées par un traumatisme), thromboses intratumorales, responsables de douleur, de fièvre et d'une diminution des plaquettes par coagulation intra-tumorale. La ponction-biopsie hépatique est contre-indiquée du fait du risque hémorragique. Le risque de cancérisation est nul. Le diagnostic des hémangiomes de petite taille est facile à l'échographie qui montre une image arrondie, hyperéchogène, homogène et bien limitée. En cas de tumeur volumineuse, l'aspect peut être atypique: hypo-échogène ou hétérogène. S'il existe un doute, l'examen morphologique le plus performant est l'IRM. L'existence d'une image hyperintense en séquence pondérée T2 est caractéristique de l'hémangiome. Le seul diagnostic différentiel est représenté par les métastases hypervascularisées des tumeurs carcinoïdes ou endocrines. Sur la tomodensitométrie, la lésion est hypodense avant injection de produit de contraste, parfois calcifiée en son centre. Après injection de produit de contraste, celui-ci s'accumule progressivement de la périphérie vers le centre de la lésion qui finit par s'effacer. En cas d'hémangiome asymptomatique (la majorité des cas), aucun traitement ne doit être proposé. Le risque de complications (très réduit) ne peut justifier la résection chirurgicale. Les contraceptifs oraux n'ont aucun rôle dans la genèse des hémangiomes et peuvent être poursuivis. Lorsque la tumeur est responsable de douleurs ou lorsqu'il existe une complication, la résection chirurgicale peut être proposée. Mais ce geste n'est pas dénué de risque. En cas de tumeur symptomatique très volumineuse ou atteignant les deux lobes, une radiothérapie peut être envisagée. L'efficacité de la ligature ou de l'embolisation de l'artère hépatique n'est pas clairement démontrée.

1.3 Adénome L'adénome hépatocellulaire est une tumeur rare (prévalence de l'ordre de 1/106). Il s'observe essentiellement chez la femme. Une relation a été établie entre adénome et prise de contraceptifs oraux. Toutefois, avec l'utilisation des contraceptifs faiblement dosés en œstrogènes, le risque est aujourd'hui considéré comme très faible, voire nul. La lésion est le plus souvent unique (90 p. 100 des cas). Rarement, il peut exister deux ou trois tumeurs. Lorsque le nombre de lésions dépasse 10, on parle d'adénomatose. La taille de l'adénome hépatocellulaire peut varier de 1 à 20 cm, elle est souvent volumineuse. La tumeur est arrondie et bien limitée. Elle est constituée de travées régulières uni- ou pluri-cellulaires d'hépatocytes, bordées par des sinusoïdes normaux ou collabés. Les hépatocytes sont parfois surchargés en glycogène ou en graisse. La vascularisation de la tumeur est artérielle. La lésion est fréquemment remaniée par des zones de nécrose et d'hémorragie. Le risque est l'apparition de dysplasie, puis de transformation maligne. L'adénome se révèle souvent par des douleurs ou une hémorragie intrapéritonéale. Les douleurs sont généralement intenses, d'installation brutale et liées à des phénomènes de nécrose et d'hémorragie intratumorales. A l'examen, il existe une hépatomégalie douloureuse, parfois une masse palpable. L'exploration biologique peut mettre en évidence une augmentation des phosphatases alcalines et de la gGT. L'hémorragie intrapéritonéale se traduit par des douleurs abdominales, une défense, un collapsus et une anémie. La mortalité est voisine de 10 p. 100. Les douleurs et les hémorragies intrapéritonéales s'observent principalement en cas de tumeur volumineuse. Leur fréquence pourrait être majorée par la grossesse. Sans doute du fait de l'utilisation des contraceptifs faiblement dosés en œstrogènes, ces complications sont très rares aujourd'hui et les adénomes observés de nos jours sont plus

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souvent asymptomatiques. En échographie, la tumeur est souvent isoéchogène et sa présence est suspectée par des modifications des contours du foie et le refoulement des vaisseaux. Plus rarement, elle est hypo-, hyper-, ou à la fois hypo et hyperéchogène. Au Doppler, il existe des signaux veineux intratumoraux. La tomodensitométrie met en évidence une image arrondie, généralement bien limitée, iso- ou hypodense avant administration de produit de contraste. La présence de zones hyperdenses à l'intérieur de la lésion traduit une hémorragie intratumorale. L'injection de produit de contraste est suivie d'une opacification rapide et massive de la tumeur, en rapport avec son hypervascularisation. L'opacification est fugace ; la lésion redevient rapidement iso- ou hypodense. En IRM, l'adénome est généralement iso-intense, mais l'examen peut mettre en évidence la présence de nécrose, d'hémorragie ou de graisse, évocateurs du diagnostic. Elle permet difficilement de différencier l'adénome du CHC. La biopsie de la lésion comporte un risque hémorragique et permet rarement de conclure formellement. L'adénome justifiant une résection chirurgicale, le diagnostic sera finalement établi lors de l'examen histologique de la pièce de résection opératoire.

1.4 Hyperplasie nodulaire focale L'hyperplasie nodulaire focale est 10 fois plus fréquente que l'adénome. Elle est constatée principalement chez l'adulte avec une nette prédominance féminine. Son développement est indépendant des contraceptifs oraux. La lésion est généralement unique. Plus rarement, il existe 2 ou 3 tumeurs. La lésion est grossièrement arrondie. Son diamètre est de un à plusieurs centimètres. A la coupe, elle est caractéristique par l'existence en son centre d'une étoile fibreuse, d'où irradient des travées séparant des nodules pseudo-cirrhotiques. Contrairement à l'adénome, la tumeur est rarement le siège de remaniements nécrotiques ou hémorragiques. Le risque de dysplasie ou de transformation cancéreuse est nul. La tumeur est exclusivement vascularisée par l'artère hépatique. Une hypothèse est qu'elle est la conséquence d'une hypervascularisation localisée du foie, induite par la présence d'une branche artérielle particulièrement développée. La tumeur serait ainsi une réponse hyperplasique à une augmentation localisée de débit artériel. Cette théorie est confortée par la fréquente association de l'hyperplasie nodulaire focale à d'autres anomalies vasculaires, comme des l'hémangiomes hépatiques. L'hyperplasie nodulaire focale est généralement asymptomatique et de découverte fortuite. En cas de tumeur volumineuse, des douleurs sont possibles. L'examen clinique est habituellement normal, mais peut mettre en évidence un gros foie ou une masse hépatique. Les tests biologiques sont généralement normaux. Une augmentation isolée de la gGT est possible. A l'échographie, la tumeur est arrondie, bien limitée, iso-, hypo- ou hyperéchogène; elle est généralement homogène. A la différence de l'adénome, l'examen en écho-Doppler met en évidence dans la tumeur des signaux artériels; ces signaux prédominent au centre de la lésion. La tomodensitométrie montre une tumeur légèrement hypodense, avec parfois une zone très hypodense centrale, correspondant à l'artère nourricière. Après administration de produit de contraste, l'opacification de la tumeur est précoce et massive et la persistance de la zone hypodense centrale est très caractéristique. En IRM, l'hyperplasie nodulaire focale apparaît iso- ou hypo-intense en T1 et discrètement hyperintense avec un élément central très hyperintense en T2. Après injection d'un produit de contraste paramagnétique, on observe une captation importante au temps artériel, sauf au niveau de l'élément central. Lorsque ces signes sont présents, le diagnostic peut être porté avec une quasi certitude et le recours à un examen

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histologique est inutile. Lorsque le diagnostic est incertain, un examen histologique est indispensable. Certains proposent une biopsie transpariétale. Ce geste peut être à l'origine de complications et il est préférable de procéder à une biopsie chirurgicale obtenue au cours d'une laparatomie ou d'une coelioscopie. Grâce à l'examen histologique extemporané, l'intervention peut se limiter à la biopsie s'il s'agit d'une hyperplasie nodulaire focale ou conduire à l'exérèse de la lésion en cas d'adénome hépatocellulaire, de cancer ou de doute sur la nature de la tumeur.

1.5 Adénome/Cystadénome biliaire L'adénome biliaire est une tumeur rare, qui dépasse rarement 3 cm. La prolifération est faite de petits canaux biliaires à épithélium cubique et d'un stroma souvent abondant. Elle est découverte fortuitement à l'occasion d'une intervention chirurgicale ou d'une autopsie. Le cystadénome biliaire est une tumeur également très rare, préférentiellement observée chez la femme après 40 ans. La lésion, généralement volumineuse (10 à 20 cm de diamètre), est faite d'une cavité kystique cloisonnée, bordée par un épithélium cubo-cylindrique formant des protrusions. Les cavités contiennent un liquide mucineux et ne communiquent pas avec les voies biliaires. La tumeur peut étre découverte de façon fortuite ou à l'occasion d'une gêne ou de douleurs. En échographie, en tomodensitométrie ou en IRM, l'aspect liquidien de la tumeur, les cloisons et les protrusions pariétales sont assez caractéristiques. Un kyste biliaire simple peut être facilement éliminé. En revanche, un kyste hydatique ou une métastase d'aspect kystique (d'origine endocrine ou ovarienne) peuvent être difficiles à différencier. La ponction ramène un liquide mucineux. Le traitement est l'exérèse de la tumeur.

2 Le carcinome hépato-cellulaire (CHC) (tableau 4) Le CHC est un des cancers les plus fréquents (8e rang dans le monde). Son incidence est variable d'une région à l'autre : il existe des région à haut risque (Asie du Sud-Est, Chine, certaines régions d'Afrique sub-Saharienne) (incidence de 20 à 100/100000/an), à risque intermédiaire (Italie, Espagne, Argentine)(8 à 12/100000/an) et à faible risque (Europe du Nord, USA) (2 à 4/100000/an). L'incidence est plus élevée chez les hommes (x 4 à 9), augmente avec l'age, avec une fréquence maximale variable selon la région (40 ans en Afrique, 50 ans en Asie et 60 ans en Europe). La cirrhose, qu'elle qu'en soit l'étiologie, est un facteur de risque majeur de CHC : plus de 80 % des CHC surviennent sur un foie cirrhotique. Chez les patients atteints de cirrhose, l'incidence du CHC est de 3 à 5% par an. Les autres facteurs étiologiques potentiels sont : 1) des carcinogènes chimiques (alcool: le CHC complique 5 à 20 % des cirrhoses alcooliques; aflatoxine Bl, toxine alimentaire dans certaines régions de Chine ou d'Afrique, responsable d'une mutation précoce particulière de la protéine P53 ; peut-être les nitrosamines et le tabac) ; 2) des facteurs hormonaux : stéroïdes anabolisants et oestrogènes ; 3) des maladies métaboliques génétiques (déficit en a1AT, tyrosinémie, hémochromatose - surtout si age >55, AgHBs + ou alcool, porphyrie cutanée, maladie de Wilson) ; et 4) des prédisposition génétiques potentielles actuellement non caractérisées. Les virus hépatotropes B et C pourraient intervenir en jouant un rôle direct (via l'intégration et/ou l'expression de protéines transactivatrices) ou indirect (via la constitution de la cirrhose). Cependant, ces virus agissent probablement en association avec les autres cofacteurs environnementaux.

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2.1 Lésions prénéoplasiques au cours des cirrhoses Certaines lésions pouvant survenir au cours des cirrhoses sont considérées comme prénéoplasiques: 1) les dysplasies (à grandes et à petites cellules), présentes dans 24 % des cirrhoses (jusqu'à 53 % si AgHBs +); 2) les foyers hyposidérifères dans les foies d'hémochromatose et 3) les macronodules de régénération (MNR)(0,8 à 2 cm)(15 à 25 % des cirrhoses). Les MNR ordinaires peuvent évoluer vers des MNR atypiques (présence d'atypies cellulaires, de foyers de dysplasie et augmentation de la prolifération cellulaire) ; 70 % des MNR atypiques vont progresser vers un CHC bien différencié en 12 à 14 mois environ ; 3 ans après résection d'un MNR, il existe une récidive tumorale dans le foie cirrhotique restant dans 100 % des cas s'il s'agissait d'un MNR avec présence de foyers néoplasiques, dans 36 % s'il s'agissait de MNR atypiques sans foyer de CHC et 0 % des cas s'il s'agissait d'un MNR ordinaire.

2.2 Dépistage du CHC au cours des circhoses (tableau 2) L'alpha-foetoprotéine (AFP) est augmentée (> 10 ou 20 ng/ml) lors des hépatites aiguë, chroniques ou des cirrhoses (15-60 %). L'élévation de l'AFP, concomitante de celle des transaminases est dans ces cas le reflet de la destruction et de la régénération hépatocytaire. Les patients atteints d'hépatite chronique ou de cirrhose avec AFP élevée ont une survie diminuée par rapport aux patients avec AFP normale. Le développement d'un CHC est aussi plus fréquent chez ces malades, surtout s'il existe une concentration croissante de l'AFP. La concentration d'AFP est corrélée à la taille de la tumeur et à son degré de différenciation : l'AFP est négative dans 15 % des tumeurs de >5 cm, 27 % de celles de 3-5 cm et 40 % de celles < 2 cm. Pour des tumeurs de > 3 cm, la sensibilité et la spécificité sont respectivement de 80 % et 50 % si AFP > 20 ng et 50 % et 100 % si AFP >200 ng/ml. Cette sensibilité diminue à 35-65 % (AFP > 20) et 10-25 % (AFP > 200) pour des petites tumeurs < 3 cm. Le dépistage du CHC chez les patients atteints de cirrhose repose actuellement sur la mesure de l'AFP et l'échographie. La fréquence avec laquelle sont effectués les examens varie en fonction des études mais reste en moyenne basée sur une période de 6 mois (3 à 12 mois). Cette périodicité représente le délai moyen nécessaire pour que la taille d'un petit CHC passe de 1 à 3 cm (3 à 6 mois), et doit être modulée par l'incidence du CHC et le coût de ce dépistage en fonction des pays concernés. Les résultats de cette stratégie sont divergents, probablement en raison des différents protocoles utilisés et des populations étudiées. Dans les études occidentales (avec un dépistage /6-12 mois), 20 à 30 % seulement des lésions étaient uniques et <3 cm au moment du dépistage. Le nombre de malades ayant effectivement bénéficié d'un traitement curatif chirurgical était de l'ordre de 10 % des CHC dépistés, essentiellement en raison de l'âge des patients, de la sévérité de l'atteinte hépatique sous-jacente ou de la présence d'autre atteinte viscérale. Lorsque le traitement chirurgical ou par alcoolisation était possible, les résultats, relativement comparables pour les deux traitements, restaient décevants : en moyenne 30 à 40 % de survie et 60-80 % de récidive à 5 ans. Les facteurs prédictifs de survie à 5 ans aprés une première hépatectomie étaient : 1) le délai avant l'apparition de la récidive ; 2) le type de récidive (nodulaire, multifocale ou extrahépatique: 30 % vs 20 % vs 0 %); 3) le traitement entrepris aprés la récidive (2e hépatectomie : 70 % de survie, chimioembolisation : 20 % de survie, alcoolisation ou abstention : 0 % de survie). Le seul traitement dont les résultats semblent actuellement encourageants est la transplantation hépatique proposée pour de petites tumeurs

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en nombre limité (tumeur <5 cm ou moins de 3 tumeurs de <de 3 cm). Lorsque ces indications sont respectées, le taux de survie peut atteindre 85 % à 5 ans. En résumé, le dépistage du CHC, tel qu'il est pratiqué, le plus souvent / 6 mois, n'améliore pas significativement le pronostic de ces malades, sauf si une transplantation hépatique peut être proposée, dans des indications extrêmement précises. Les causes d'echec sont en effet en rapport avec le stade avancé de la maladie hépatique sous-jacente et le risque trés élevé de récidive aprés traitement d'une lésion même unifocale en raison du caractère multifocal du processus carcinomateux dans un foie cirrhotique.

2.3 Traitement précoce des lésions prénéoplasiques Il n'existe pas actuellement de critère biologique (AFP) ou morphologique (echo, scanner ou IRM) spécifique permettant de différencier un MNR ordinaire d'un MNR atypique (ou contenant un foyer de CHC). Ces examens peuvent cependant faire proposer un traitement aggressif (résection ou alcoolisation) devant une augmentation progressive de volume d'un MNR, très évocatrice de son caractère atypique ou déjà transformé, surtout si sa taille dépasse 15 mm. Cependant, la résection hépatique segmentaire d'MNR atypique n'élimine pas le risque de récidive tumorale dans un autre secteur du foie : 35 % à 100 % à 3 ans (respectivement en l'absence ou en présence de microfoyers de CHC au sein du MNR). De même, l'alcoolisation de MNR suspects, qui permet d'obtenir la nécrose complète de la lésion et l'absence de récidive locale à 24 mois, n'empêche pas l'apparition de nouveaux foyers de CHC dans d'autres territoires hépatiques dans environ 25 % des cas.

2.4 Traitement préventif au stade de cirrhose Le traitement de lésions prénéoplasiques comme les MNR est probablement encore trop tardif et ne prévient pas l'apparition, 2 ou 3 ans plus tard, de nouveau foyers carcinomateux uni ou multifocaux. Ces données suggèrent donc qu'il faut traiter la maladie hépatique à son stade le plus précoce, c'est à dire de cirrhose. De nouvelles approches thérapeutiques prophylactiques doivent être envisagées. Elles pourraient reposer sur l'inhibition des mécanismes potentiellement impliqués dans la carcinogénèse hépatique, en utilisant par exemple des agents thérapeutiques ayant un effet antiviral (diminuant le cycle nécrose/régénération et prolifération, ainsi que l'inflammation chronique génératrice de radicaux libres), un effet antiprolifératif, un effet sur la différenciation cellulaire ou un effet antiangiogénique. Parmi les molécules potentiellement intéressantes, des résultats prometteurs ont été obtenus avec l'interféron � (qui possède des propriétés antiprolifératives, antivirales et antiangiogéniques), un dérivé de l'acide rétinoïque, l'acide polyprénoïque et, plus récemment, un traitemenl adjuvant par du lipiodol marqué à l'iode 131. Les interférons ont une activité antivirale directe, en particulier en induisant certaines protéines spécifiques (MxA, Protéine Kinase p68, oligoadénylate-synthétase), mais il peuvent aussi moduler le système immunitaire ou agir sur la prolifération et la différentiation cellulaire. L'interféron alpha est actuellement le traitement de choix des hépatites virales chroniques B et C. Ce traitement semble réduire l'incidence du CHC chez les patients avec cirrhose virale C. L'effet préventif observé est probablement multifactoriel (antiviral, antitumoral, antiprolifératif et probablement antiangiogénique) Les dérivés naturels ou synthétiques de la vitamine A, les rétinoïdes, sont capables d'inhiber la

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prolifération et/ou d'induire la différenciation cellulaire ; un effet antitumoral a également été observé au cours de certaines tumeurs humaines : cancers du col utérin, cancer de la peau et leucémies à promyélocytes. Un nouveau dérivé synthétique acyclique de l'acide rétinoique dépourvu de la toxicité habituelle de ces composé, l'acide polyprénoïque, a retardé l'apparition spontanée du CHC d'environ deux ans dans un modèle murin. Le mécanisme moléculaire d'action de l'acide polyprénoïque est mal connu, mais pourrait faire intervenir un effet sur la différenciation cellulaire et/ou l'induction d'une apoptose. En clinique, ce dérivé a montré un effet préventif sur l'apparition de nouvelles tumeurs après hépatectomie pour CHC (27 % après 12 mois de traitement vs 49 % chez les non traités), et la survie était significativement améliorée (74 % vs 46 %) à 5 ans. Des résultats intéressants ont été obtenu récemment par l'utilisation de lipiodol marqué à l'iode-131 (Lipiocis) en traitement adjuvant aprés résection curative de CHC : L'injection unique dans les 6 semaines qui suivait la résection a réduit l'incidence des récidives (30 % vs 60 % chez les non traités) et amélioré la survie à 3 ans (86 % vs 46 %). L'inhibition de l'angiogénèse pourraît être une autre approche thérapeutique prophylactique : toute tumeur nécessite une néovascularisation pour se développer au delà de quelques mm3. Une surexpression de facteurs angiogéniques (notamment bFGF et VEGF) pourrait apparaître précocement lors de la progression de certains nodules cirrhotiques vers un MNR ou un CHC et constituer un marqueur de la transformation cellulaire en méme temps qu'une cible potentielle pour un traitement prophylactique. Une modification de la vascularisation apparaît parallèlement dans les MNR atypiques et les CHC : augmentation progressive de la vascularisation artérielle et diminution de la vascularisation portale, d'abord centrale dans les foyers carcinomateux puis diffuse à l'ensemble du nodule tumoral au cours de sa croissance. Une molécule antiangiogénique pourrait avoir un effet inhibiteur sur la croissance de microfoyers tumoraux déjà présents. Cependant, il est possible que ces molécules entrainent des lésions des vaisseaux associés à la cirrhose elle-même. Il est donc primordial de mieux caractériser les différences phénotypiques entre vaisseaux tumoraux et non tumoraux pour pouvoir développer des agents pharmacologiques plus spécifiques des vaisseaux tumoraux.

2.5 Facteurs prédictifs (tableau 3) Plusieurs études ont cherché à définir des facteurs prédictifs du CHC au cours des cirrhoses pour en améliorer le dépistage et définir des population à trés haut risque d'évolution vers le CHC à moyen terme (2-4 ans). Ces différentes études ont retrouvé comme facteurs essentiels : l'âge > 50 ans, le taux initial d'AFP >15 ng/ml, des signes d'insuffisance hépatocellulaire ou d'HTP (volumineuses VO), le sexe masculin et une infection par le VHC. L'existence d'une dysplasie hépatocytaire serait aussi, pour certains, un facteur prédictif majeur indépendant. L'identification, par exemple à l'aide d'un score* prédictif utilisant ces critères, d'une population de patients cirrhotiques à très haut risque de CHC permettrait de réserver la stratégie de dépistage à intervalles rapprochés (/ 3 mois, par exemple) uniquement à cette population (pour en réduire le coût), et de lui proposer un traitement prophylactique systématique (par une molécule pharmacologique) et à discuter, en cas d'échec (apparition et/ou progression d'un MNR, par exemple), une transplantation hépatique "prophylactique". Une approche similaire (traitement prophylactique pharmacologique puis eventuellement TH) pourrait être aussi discutée aprés une résection hépatique partielle pour un petit CHC.

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2.6 Traitement du CHC (tableau 5) Comme dans la plupart des cancers, la résection reste le meilleur traitement du CHC en terme de survie. Au moins 80 % des CHC se développent chez des malades ayant une maladie chronique du foie, ce qui augmente le risque opératoire par rapport aux sujets à foie normal. L'amélioration des techniques chirurgicales, l'utilisation de médicaments diminuant l'hémorragie per-opératoire, et la meilleure prise en charge péri-opératoire, ont diminué la mortalité de la résection hépatique chez les malades ayant une maladie chronique du foie à moins de 5 %. La transplantation hépatique offre également une bonne chance de guérison chez les malades ayant une petite tumeur non invasive.

2.6.1 Hépatectomie partielle Seuls les malades avec un seul nodule tumoral ou un petit nombre de nodules réunis dans un même segment pouvant être retirés par une résection hépatique simple avec une bonne marge de sécurité devraient être opérés. Ceci exclut de la résection hépatique les patients avec des nodules tumoraux multiples ou ceux chez qui la résection parenchymateuse serait trop proche de la tumeur. Les malades avec une mauvaise fonction hépatique ont un risque élevé de décès postopératoire : les malades avec un score de Pugh au-dessus de 6 devraient être exclus de la résection hépatique. Une hépatectomie majeure peut être effectuée chez les malades ayant une tumeur volumineuse et une hypertrophie compensatrice du foie controlatéral. Il est possible de favoriser cette hypertrophie du foie controlatéral par embolisation percutanée de la branche portale où est située la tumeur. La survie à 5 ans après hépatectomie avoisine 40 %. Les décès tardifs sont principalement liés à une récidive tumorale ou à des complications de la cirrhose (30 % des patients). La survie est significativement plus mauvaise chez les patients ayant un score préopératoire de Pugh au-dessus de 6. Le risque de récidive à 5 ans est de l'ordre de 75 %. Les récidives surviennent principalement dans le foie (85 %). Peu de récidives sont localisées près de la tranche de section hépatique (résection tumorale incomplète ou marge de parenchyme trop étroite). La plupart des récidives surviennent à distance du site opératoire. Elles sont uniques chez à peu près deux tiers des malades et multiples chez un tiers. Elles peuvent être dûes à la présence de foyers cancéreux occultes ou à l'évolution de MNR dans le parenchyme hépatique restant. La récidive peut aussi être la conséquence de la poursuite du processus oncogénique dans le parenchyme hépatique résiduel. Chez près de 10 % des malades, la récidive survient à la fois dans le foie et dans des sites non hépatiques tels que les poumons, les os, le cerveau, ou la peau. A côté d'une marge parenchymateuse trop étroite, certains facteurs biologiques et morphologiques sont associés à un risque élevé de récidives après résection : le nombre de nodules (plus qu'un), leur taille (plus que 3 ou 5 cm), l'absence de capsule autour de la tumeur, l'envahissement de la capsule par des îlots tumoraux, la présence de nodules satellites à proximité de la tumeur, et l'envabissement des petites branches portales distales par des emboles tumoraux. Une concentration élevée d'alphafoetoprotéine sérique, au-dessus de 500 ng/ml, est aussi un indicateur de récidive. Il n'y a pas de certitude que la présence de cellules circulantes, en particulier pendant l'acte chirurgical, soit associée avec un pronostic plus mauvais. Le candidat idéal pour la résection hépatique serait donc un malade avec une bonne fonction

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hépatique, un nodule tumoral isolé de moins de 5 cm de diamètre, bien encapsulé, sans nodule satellite, sans envabissement portal, et avec une concentration faible d'alphafoetoprotéine sérique. Chez ces malades, la survie cumulative à 3 ans est d'environ 85 %. La chimio-embolisation artérielle préopératoire pourrait avoir un intérêt en provoquant une nécrose tumorale, en diminuant la taille de la tumeur, et ainsi en augmentant le taux de résection et l'épaisseur de parenchyme non tumoral entre la tranche de résection et la tumeur. La migration de cellules tumorales pendant la résection pourraient aussi être réduites par cette manoeuvre. Cependant, la fréquence des récidives et le taux de survie ne sont pas différents chez des malades traités ou non par une chimioembolisation préopératoire. La chimio-embolisation artérielle préopératoire peut augmenter les difficultés chirurgicales secondaires aux adhérences vasculaires autour du foie et de la vésicule biliaire. Il a en outre été suggéré récemment que la chimio-embolisation artérielle augmente le risque de métastases extra-hépatiques. Le taux de réponse à la chimiothérapie systémique des CHC inopérables n'excède pas 20 %. Il n'a pas été démontré d'intérêt de la chimiothérapie systémique adjuvante après résection d'un CHC. Environ 50 % des récidives surviennent sous forme d'un nodule hépatique unique et peuvent éventuellement bénéficier d'une résection itérative. Le risque de ces résections itératives est identique à celui d'une première hépatectomie. La survie sans récidive après hépatectomie itérative pour récidive de CHC chez les patients cirrhotiques est identique à celle observée après la première résection, avoisinant 30 % à 5 ans. Lorsqu'une résection itérative n'est pas possible en raison du siège des nodules de récidive, de la fonction hépatique, ou de la multiplicité des nodules, l'alcoolisation percutanée ou la chimio-embolisation semblent préférables à l'abstention thérapeutique.

2.6.2 Transplantation hépatique La fréquence élevée de récidives après résection hépatique partielle a conduit au concept de résection hépatique totale suivie par une transplantation hépatique dans le traitement du CHC. L'ablation de la totalité du foie, source potentielle de récidive, devrait en effet diminuer la mortalité à long terme par récidive tumorale. Les mêmes facteurs prédictifs de récidive ont été mis en évidence après transplantation et après résection partielle, en particulier la taille de la tumeur, supérieure à 5 cm, le nombre de tumeurs, et l'envahissement macroscopique des branches portales. De plus, il est vraisemblable que chez ces malades, la récidive tumorale est facilitée par l'immunodépression induite par le traitement antirejet. Les résultats observés chez les malades ayant une petite tumeur de découverte fortuite sont meilleurs. Lorsque la tumeur est unique, inférieure à 3 cm de diamètre, et sans signe d'invasion, la survie à 5 ans est de 75 %. La supériorité de la transplantation hépatique sur la résection partielle n'a pas été démontrée chez les patients ayant un carcinome hépatocellulaire de moins de 3 cm de diamètre. Un traitement préopératoire par chimio-embolisation ou alcoolisation percutanée ainsi qu'une chimiothérapie post-opératoire adjuvante peuvent améliorer les résultats de la transplantation hépatique pour CHC. Ces suggestions reposent sur des petites séries non contrôlées.

2.6.3 Chimioembolisation lipiodolée La chimioembolisation lipiodolée associe l'administration intra-artérielle simultanée sous forme d'une émulsion, de lipiodol ultrafluide et de drogue(s) cytotoxique(s). Le lipiodol se

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comporte comme un embole qui ralentit ou interrompt temporairement le flux et s'accumule dans les vaisseaux tumoraux qu'il rencontre puis se fixe sélectivement et durablement dans les tumeurs hépatiques. La ou les drogue(s) cytotoxique(s) profite(nt) des deux effets du lipiodol : ralentissement circulatoire augmentant le temps de contact et vectorisation sélective dans la tumeur. La chimioembolisation lipiodolée peut être proposée si : Le CHC est prouvé histologiquement ou biologiquement, la tumeur n'est pas résécable chirurgicalement, l'état général est inférieur au stade III de l'OMS, l'âge est inférieur ou égal à 75 ans, le patient ne présente ni encéphalopathie hépatique, ni ictère obstructif, ni insuffisance cardiaque, rénale ou respiratoire. Il ne doit pas exister d'inversion complète du flux portal ni de thrombose de la veine porte. Enfin, le patient devra être dans le stade I ou II de la classification d'Okuda. Avant le procédure, il faut réaliser un scanner afin de mesurer le volume de la tumeur, un bilan de coagulation, une créatininémie, une évaluation de la fonction hépatique et la mesure de l'AFP. L'examen est réalisé sous anesthésie locale, chez un malade à jeûn, bien hydraté (200 à 300 ml/heure), avec antibiothérapie prophylactique et antiémétique. Les drogues utilisées sont habituellement le cisplatine (1,5 à 2 mg/kg, sous réserve d'une fonction rénale normale). Si la fonction cardiaque est correcte, l'adriamycine peut être employée (50 mg/m2). D'autres protocoles utilisent l'association cisplatine - adriamycine et mitomycine C (10 mg). Ces drogues sont dissoutes dans 10 ml de produit de contraste et émulsifiées avec 7 à 10 ml de lipiodol ultrafluide. L'ensemble de l'émulsion est injectée aprés cathétérisme hypersélectif du territoire vasculaire nourricier de la tumeur. L'embolisation qui suit cette injection est réalisée habituellement avec des fragments de spongel. Les suites normales de l'embolisation sont marquées par un syndrome lié à la nécrose tumorale : fièvre, douleurs, nausées, vomissements durant 24 à 48 heures, habituellement bien prévenus par les antiémétiques, les morphiniques et éventuellement les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les protocoles de chimioembolisation varient selon les équipes. Certains font une seule séance, d'autres répètent les chimioembolisations tous les 2 mois pendant 6 mois et font le bilan à 6 mois, d'autres encore poursuivent les séances s'il existe une réponse morphologique ou biologique. Les complications sont rares (3 à 4 % des cas). L'embolisation entraîne toujours une cytolyse. Son retentissement reste mineur lorsqu'il n'existe pas d'insuffisance hépatique préalable. L'insuffisance rénale est prévenue par une hydratation correcte pré- et post-embolisation, et l'infection du foyer embolisé est prévenue par une antibioprophylaxie. La survenue d'une cholécystite est à craindre si l'embolisation hépatique n'est pas assez sélective, à savoir au-delà de l'artère gastroduodénale. On a décrit des cas d'infarctus hépatique, d'abcès et de rupture tumorale, des hémorragies digestives par rupture de VO. La chimioembolisation entraîne environ 50 % de réponse morphologique et 75 % de réponse blologique (50 % RC, 25 % RP) sur l'AFP. Même si l'efficacité de la chimioembolisation est souvent spectaculaire, peu d'études contrôlées ont prouvées l'amélioration de la survie chez les patients traités.

2.6.4 Alcoolisation L'alcoolisation percutanée des CHC est actuellement un traitement largement utilisé. L'alcool entraîne une déshydratation cellulaire responsable d'une nécrose de coagulation et une thrombose artérielle intra-tumorale entraînant une ischémie tumorale. Classiquement, cette

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technique s'adresse aux patients porteurs d'une à trois tumeurs, dont le diamètre est inférieur à 3 à 5 cm et inopérables. Cette technique est proposée lors des récidives après chirurgie ou associée à une séance de chimioembolisation. Les contre-indications sont l'ascite incontrôlable, des troubles importants de la coagulation, la proximité (< 1 cm) de la capsule ou des gros troncs vasculaires et biliaires. Elle nécessite un examen d'imagerie permettant de dénombrer les lésions et de les mesurer, ainsi qu'un bilan de la coagulation et un dosage de l'AFP. Le suivi de ces patients se fait par imagerie (scanner ou IRM) et dosage de l'AFP L'examen est réalisé sous anesthésie locale et prémédication. Il est le plus souvent réalisé en ambulatoire. La tumeur est ponctionnée habituellement sous repérage échographique avec une aiguille fine (21 G). La quantité totale d'alcool absolu qui sera injecté est calculée suivant la formule V = 4/3 x 3,14 (R + 0,75)3. Cette dose est injectée au cours de séances répétées à raison de 2 à 10 ml par séance. Au total, le traitement dure de 3 à 4 semaines. L'alcoolisation a été proposée dans des tumeurs de plus grand diamètre, sous anesthésie générale, avec de multiples aiguilles et l'injection de grandes quantités d'alcool (de 50 à 100 ml en une seule séance). Les complications sont rares (1 %), et consistent en hémopéritoine, épanchement pleural, thrombose vasculaire ou biliaire. Durant le traitement, peuvent survenir des douleurs dues à un reflux de l'alcool dans le péritoine le long du trajet de l'aiguille, de la fièvre et parfois des réactions vasovagales. Les risque d'essaimage de cellules tumorales le long du trajet de l'aiguille, avec dissémination tumorale péritonéale, pourraît être réduit par l'alccoolisation du trajet de l'aiguille (de l'ordre d'1 %). Des survies équivalentes à celles obtenues par résection chirurgicale ont été observées sur plusieurs centaines de patients : survie à 4 ans de 50 % et à 5 ans de 40 %.

2.6.5 Radiofréquence La radiofréquence consiste à détruire une tumeur par des microondes à l'aide d'une sonde de forme variable (droite, ou le plus souvent formée de 4 à 12 crochets en J, créant une zone de nécrose sphérique de 3 à 5 cm de diamètre. La zone détruite est donc plus importante que celle créée par alcoolisation. Les indications et contre-indications sont proches de cette dernière (une à trois tumeurs, dont le diamètre est inférieur à 3 à 5 cm, situées à distance - au moins 1 cm - de la capsule et des gros troncs vasculaires et biliaires). Les risques sont également proches : lésion d'une structure de voisinage (hémorragie, notamment), rupture capsulaire, dissémination tumorale (jusqu'à 10 % dans une série), risque d'insuffisance hépatique si la zone détruite est importante sur un foie dont la réserve fonctionnelle est limite. Les résultats de la radiofréquence pour CHC sont encore mal évalués.

2.6.6 Lipiocis Ce traitement utilise le lipiodol et de l'iode 131 radioactif, délivrés au foie in situ, lors d'une artériographie sélective de l'artère hépatique. Le lipiodol est est un mélange d'esters éthyliques d'acides gras iodés de l'huile d'œillette, très riche en iode (38% de son PM), lui permettant de jouer un rôle comme moyen de contraste radiologique. Il est sélectivement fixé par les CHC. Le marquage radioactif du lipiocis se fait par échange isotopique : chaqueiode naturel est remplacé par l'iode 131, avec une activité spécifique très élevée. Le lipiocis est délivré sous forme conditionnée à 2mL, d'activité de 2220MBq, soit 60mCi. Ces sont les particules ß émis par l'iode 131 qui assurent l'activité antitumorale, grâce à leur énergie élevée. La période

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radioactive de l'iode 131 est de 8 jours. Il n'est pas nécessaire de procéder à une embolisation. Ainsi la thrombose porte n'est-elle pas une contre-indication, mais est au contraire une indication, du lipiocis, contrairement à la chimioembolisations. Après injection intra-artérielle hépatique, la grande majorité du produit reste localisée dans le foie (environ 80-90%), et une petite fraction atteint les poumons (10-20%). Au sein du foie, il existe une concentration élective du lipiocis dans les lésions tumorales (rapport T/NT=5 en moyenne). Ailleurs, La distribution du lipiocis est répartie de façon homogène dans tout le parenchyme hépatique sain. La rétention dans le CHC est prolongée, avec une période effective dépassant 5 j. L 'élimination du radioélément qui n'a pas été capté par le foie se fait essentiellement par voie urinaire (30 à 50% de l'activité injectée) sur une durée d'une semaine. L'élimination fécale est très faible (<3% en 5 jours). La radioactivité circulant dans le sang est négligeable, de même que la fixation dans tous les autres organes. Les études de phase I et II n'ont pas relevé de complications majeures, notamment hépatiques et hématologiques. Une complication pulmonaire, vraisemblablement une pneumopathie d 'origine immuno-allergique, a été enregistrée. Dans un essai contrôlé testant l'efficacité du traitement par Lipiocis vs un traitement médical chez des patients atteints de CHC au stades OKUDA I ou II avec thrombose portale, la tolérance a été excellente, et il existait une différence significative du taux de survie en faveur du Lipiocis (survie actuarielle - Kaplan-Meier à 6 mois de 48% vs 0% chez ceux ayant eu un traitement de confort). Le Lipiocis a une AMM dans cette indication.

3 Métastases hépatiques Le foie est l'organe le plus souvent touché par les métastases, qui constituent la première cause de tumeurs hépatiques malignes. Les principaux cancers qui donnent des métastases hépatiques sont les cancers du sein, du poumon et les cancers digestifs. Pour le cancer du sein, l'incidence moyenne des métastases hépatiques est de 10 %, les métastases étant le plus souvent métachrones et localisées uniquement au foie dans 10 à 20 % des cas. Les possibilités thérapeutiques sont généralement d'ordre systémique et le pronostic mauvais (10 à 20 mois de survie moyenne). Pour le cancer du colon, l'incidence des métastases hépatiques varie de 40 à 50 %, les métastases étant souvent synchrones (20 à 35 % des cas) et localisées uniquement au foie dans 20 % des cas ; elles peuvent faire l'objet d'une résection chirurgicale si certains critères sont respectés (age, état général, absence d'atteinte extra hépatique, absence d'adénopathies locorégionales, 3 à 5 métastases au plus, de diamètre inférieur à 5 cm, 1 cm de marge de sécurité de parenchyme sain) et/ou être traitées par voie systémique.

3.1 Diagnostic : Les métastases peuvent être découvertes au cours du bilan préthérapeutique d'un cancer : leur recherche sera d'autant plus "agressive" que leur présence modifie le traitement (Fig. 1) ; elles peuvent également être découvertes devant des symptômes : pesanteurs ou douleurs (épigastriques ou HCD, continues, inhibant la respiration, à irradiation scapulaire), altération de l'état général (anorexie, amaigrissement, fièvre, fatigue), des signes de compression ou d'envahissement (cholestase, hypertension portale). La biologie est normale ou montre une cholestase : élévation des gGT et des phosphatases alcalines, habituellement anictérique (bilirubine normale).

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Les marqueurs tumoraux peuvent être utiles s'ils sont nettement élevés et que le cancer primitif est connu (ACE et cancer colorectal, CA 19-9 et cancer de l'estomac, du pancréas ou des voies biliaires, CA 15-3 et cancer du sein, PSA et cancer de la prostate). Leur utilisation dans un but diagnostique, lorsque le cancer primitif n'est pas connu, n'est pas recommandée. Différentes méthodes d'imagerie permettent de détecter les métastases, réaliser un bilan préthérapeutique et permettre un suivi évolutif.

3.2 Echographie La sensibilité de l'échographie est d'environ 50%. Les aspects échographiques des métastases sont polymorphes et souvent peu spécifiques. Cependant, certains aspects sont caractéristiques de la tumeur primitive : - Les métastases de cancer digestif sont volontiers hyperéchogénes, entourées d'un halo hypoéchogène réalisant une image en cible ; ce halo traduit en général une croissance lésionnelle rapide. La présence d'un semis de points très échogènes au centre est très évocateur d'un adénocarcinome mucoïde. L'aspect de "miliaire" hyperéchogène se rencontre dans les cancers endocrines du pancréas, les tumeurs carcinoïdes, et les cancers du rein. - Les métastases de cancer du sein sont principalement hypoéchogénes, sous la forme de nodules multiples (miliaire hypoéchogène) ou de lésions confluentes hétérogènes d'aspect infiltrant. - Les métastases spontanément calcifiées se rencontrent dans les cancers du colon. Après chimiothérapie, toutes les métastases peuvent se calcifier. - Les métastases kystiques se rencontrent dans les tumeurs de l'ovaire, les léiomyosarcomes, le carcinome endométrial et les métastases hypervasculaires (endocrines et carcinoides). - Les métastases nécrosées se rencontrent fréquemment dans les sarcomes, le schwannome malin, les carcinomes ovariens, les mélanomes. L'échographie permet d'apprécier l'extension intrahépatique des métastases, de dépister des complications (thrombose portale rare, dilatation des voies biliaires), d'apprécier l'existence ou non d'adénopathies pédiculaires hépatiques et coeliaques. Elle est en revanche peu sensible pour la détection de lésions péritonéales. Elle permet parfois de retrouver le cancer primitif (grosse tumeur colique, lésion pancréatique). Plusieurs diagnostics différentiels doivent être envisagés : Angiomes hépatiques avec les métastases hyperéchogénes, stéatose hépatique nodulaire devant une image apparemment hyperéchogène, ilôt de foie sain sur foie stéatosique devant une image apparemment hypoéchogène.

3.3 La tomodensitométrie spiralée Elle a une sensibilité d'environ 80%. Elle est très utilisée dans le bilan des métastases. L'aspect des métastases en tomodensitométrie est polymorphe, dépendant de leur taille, de leur caractère hypo ou hypervasculaire, de la phase d'acquisition. Les métastases hypovasculaires (cancers colorectaux) sont le plus souvent hypodenses avant injection. Elles peuvent avoir des calcifications centrales (tumeurs productrices de mucine). Après injection, le rehaussement est faible, périphérique, annulaire. La tumeur s'imprègne progressivement sur les temps tardifs Les métastases hypervasculaires (cancers endocrines) posent le problème du diagnostic différentiel avec une lésion angiomateuse. Ces lésions se rehaussent globalement à la phase artérielle de l'injection avec souvent l'apparition d'une hypodensité globale à la phase portale. Ce rehaussement doit être distingué de la prise de contraste en motte intense typique des

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angiomes. Quand elles sont plus volumineuses, elles peuvent apparaitre nécrosées en leur centre avec une périphérie hypervascularisée (hyperdense).

3.4 IRM La sensibilité de l'IRM est d'environ 80 %. L'aspect IRM des métastases dépend du type de tumeur primitive. Les métastases hypovasculaires (cancers colorectaux) présentent un hyposignal avec parfois un aspect de nécrose centrale (hyposignal plus intense), en séquence pondérée en T1. En séquence pondérée T2, elles présentent un hypersignal intermédiaire (>foie, <LCR), souvent hétérogène avec un centre plus hypointense (nécrose de coagulation) ou plus hyperintense (nécrose de liquéfaction) que la périphérie. Il existe fréquemment un halo d'hypersignal périlésionnel plus marqué sur la séquence T2. Après injection de gadolinium, la prise de contraste est précoce et transitoire en périphérie (« wash out »). Dans les métastases hypervasculaires (tumeurs endocrines), l'aspect est hypointense en T1 et fortement hyperintense en T2, comme celui des angiomes. Le diagnostic est d'autant plus difficile que les lésions sont petites et peu nombreuses. Quand elles sont plus volumineuses, le signal central devient hétérogène avec une zone nécrotique dont l'hypersignal en T2 est plus marqué. L'injection de gadolinium avec réalisation de séquences rapides (écho de gradient) permet de distinguer ces métastases des angiomes : la prise de contraste au temps précoce est périphérique mais ne réalise pas les images en mottes caracteristiques des angiomes. La zone centrale se rehausse ensuite. D'autres produits de contraste sont actuellement étudiés pour sensibiliser la recherche de métastases en IRM. La ferrite, agent de contraste superparamagnétique, est capté sélectivement par le système réticulo-endothélial. Après injection, il s'accumule dans le foie sain dont le signal diminue nettement. Les métastases qui ne fixent pas la ferrite apparaissent donc en hypersignal relatif par rapport au foie. Le contraste lésion/foie sain est donc renforcé.

3.5 Démarche diagnostique (figure 1) L'interrogatoire recherche des antécédents tumoraux, parfois mal conus du malade. Lorsque la tumeur est connue, il est souvent utile d'obtenir la preuve histologique de la métastase, si le traitement est susceptible d'être modifié. En l'absence de tumeur connue, l'attitude est différente selon que les métastases peuvent être ou non l'objet d'une éxérèse. En l'absence d'éxérèse possible, l'obtention d'une histologie permet d'orienter les investigations à la recherche du cancer primitif, et de guider le traitement. Si l'éxérèse est possible, elle permet (après un bilan initial "minimum", comportant les examens ci-dessous) d'éviter de réaliser une biopsie percutanée, qui peut se compliquer (hémorragie, dissémination tumorale). Les métastases des cancers colorectaux ont un mauvais pronostic : survie de 20 % à 1 an et quasi-nulle à 5 ans. La résection doit être réalisée (environ 10 % des cas) lorsqu'elle est possible : la survie peut alors atteindre 30 % à 5 ans. La chimioembolisation ou l'alcoolisation des métastases des cancers colorectaux fait l'objet actuellement de nombreuses études. Si l'on obtient une réponse précoce dans environ 80 % des cas, il n'est pas certain que l'on obtienne un bénefice en terme de survie. Les métastases hypervasculaires ont cependant un meilleur taux de réponse à la chimioembolisation, corrélé à une survie plus longue. La chimiothérapie est indiquée dans les autres cas, sauf très mauvais état général, et le plus tôt possible. En cas de bonne réponse, une éxérè secodaire doit être discutée. En cas

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d'échappement ou de non-réponse, des protocoles de "seconde ligne" doivent être discutés. Dans les autres types de métastases, la recherche de tumeurs chimio- ou hormonosensibles est une priorité (sein, ovaire, prostate, lymphomes, leucémies, tumeurs embryonnaires, tumeurs neuro-endocrines).

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Tableau 1 : Caractéristiques des tumeurs hépatiques bénignes Kyste biliaire Hémangiome Hyperplasie nodulaire

focale Adénome

Fréquence 50% 2,5% 1/100.000 1/1.000.000 Clinique 0

Compression ou complications*

0 Compression ou complications*

0 Compression*

0 Hémorragie

Compression* Biologie Normale Normale Normale ou

gGT Normale ou

gGT ou PAlc Echographie Anéchogène,

liquidienne, paroi fine Hyperéchogène, bien

limité Isoéchogène, polylobé, signal doppler artériel

Isoéchogène

Scanner Inutile Hypodense, opacification

périphérie vers centre

Hypodense (+ zone centrale), opacification

précoce massive (+ persiste centre)

Opacification rapide, massive et fugace

IRM Rarement utile Hypointense T1 Hyperintense T2

Hypointense T1 (+/-), hyperintense T2 (+/-)

Gadolinium + tardif au centre

Lésion unique gadolinium +

précoce

Traitement 0 (sauf complications)

0 (sauf complications)

Contrôle 1 an ou biopsie (exérèse) si

atypique

Exérèse ; aspect proche du CHC

* : Si volumineuse (> 10 cm de diamètre) Tableau 2 : Valeurs diagnostiques des examens de dépistage du carcinome hépato-cellulaire Echographie

(lésion focale) Alphafoetoprotéine

> 15 ng/ml Alphafoetoprotéine

> 100 ng/ml Sensibilité (%) 80 50 20 Spécificté (%) 90 90 90 VPP (%) 75 30 60 Tableau 3 : Risque de survenue d’un carcinome hépato-cellulaire (CHC) sur cirrhose Score prédictif* CHC à 3 ans Risque faible < 11 0 % Risque élevé > 11 24 % Dont > 11 et pas de dysplasie 17 % Dont > 11 et dysplasie 72 % Score prédictif* = (6 x age) + (4 x sexe) + (3 x VO)+ (3 x TP) + (3 x AFP) + (3 x VHC) (Items = 0 si age < 50 ans, sexe féminin, petites varices oesophagiennes (VO), TP > 70%, alphafoetoprotéine (AFP) < 15 ng/ml ou hépatite C (VHC) négative. Items = 1 si age > 50 ans, sexe masculin, grosses VO, TP < 70%, AFP > 15 ng/ml ou VHC positive)

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Tableau 4 : Caractéristiques des tumeurs hépatiques malignes Carcinome

hépatocellulaire Cholangio-carcinome Métastases de cancers

digestifs Fréquence 3/10.000 1/100.000 1/10.000 Clinique Cirrhose

Complications Ictère

Complications 0

(hépatomégalie dure) Biologie Cirrhose

AFP élevée Normale

Cholestase Normale ou

gGT ACE, CA 19-9

Echographie Nodule(s) Thrombose porte

Hyperéchogène, bien limité

Nodules multiples, hypoéchogènes,

hétérogènes, cocardesScanner Hypervascularisation

précoce Bilan d’extension Hypodenses,

hypervascularisation précoce périphérique

IRM Hypointense T1, hyperintense T2

Cocardes Traitement Transplantation,

exérèse, alcoolisation, traitement palliatif

Résection, Traitement palliatif

Histologie+++ Résection

Chimiothérapie Tableau 5 : Stades pronostic des carcinome hépatocellulaire selon Okuda

- Stade I : Absence de facteurs de gravité - Stade II : Présence de 1 ou 2 facteurs de gravité - Stade III : Présence de 3 ou 4 facteurs de gravité

Facteurs de gravité : envahissement > 50% du foie, ascite, albuminémie < 30 g/l, bilirubinémie > 30 mg/l Tableau 6 : Origine des métastases hépatiques

- Cancers digestifs : 50 % (dont colo-rectum 40 %, autres 10 %) - Cancers uro-génitaux : 10 % - Cancers sein : 5 % - Cancers broncho-pulmonaires : 15 % - Divers : 10 % (lymphomes, neuro-endocrines, lymphomes, sarcomes,…) - Sans primitif retrouvé : 10 %

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Figure 1

Métastases hépatiques de primitif inconnu

Interrogatoire, examen cliniqueScanner thoraco-abdominalFemme : scanner pelvienHomme : alpha-foetoprotéine, betaHCG, PSA

Ponction écho-guidée

Adénocarcinomesbien ou moyennement

différenciés

Adénocarcinomespeu ou

indifférenciés

Tumeurneuro-

endocrine

Cancerépidermoïde

Endoscopies digestivesMammographie Immunomarquage

ORLRelecture scannerEcho-endoscopie haute

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Chimiothérapie des cancers digestifs François Goldwasser

Oncologie médicale, Médecine Interne, Groupe Hospitalier Cochin

Objectifs du programme officiel (question N° 141 du programme officiel) • Connaître les stratégies de prévention, de dépistage, de diagnostic et de traitement

des principales tumeurs bénignes et malignes, afin de participer à la décision thérapeutique multidisciplinaire et à la prise en charge du malade à tous les stades de sa maladie.

∆ Cette question aborde également partiellement d’autres items du programme N°142. Prise en charge et accompagnement d'un malade cancéreux à tous les stades de la maladie. Traitements symptomatiques. Modalités de surveillance. Problèmes psychologiques, éthiques et sociaux. N°143. Agranulocytose médicamenteuse : conduite à tenir.

Points importants • La décision de chimiothérapie s'inscrit dans une stratégie et une réflexion

PLURIDISCIPLINAIRE. • Les médicaments anti-tumoraux actuels ont transformé le pronostic du

CANCER COLO-RECTAL

1 Les médicaments anti-tumoraux en cancérologie digestive La description des différents médicaments, de leur toxicité, des modalités d'administration et de surveillance, la définition des différentes stratégies (adjuvant, néoadjuvant,..) ont été traitées dans le module 10 et les étudiants sont invités à se reporter au document pédagogique du module 10.

1.1 Familles thérapeutiques actives en cancérologie digestive -les fluoropyrimidines (5-fluorouracile) -la gemcitabine (Gemzar*) -le cisplatine (Cisplatyl*) -l'oxaliplatine (Eloxatine*) -l'irinotécan (Campto*) -le docétaxel (Taxotère*) et le paclitaxel (Taxol*) -le cetuximab (les anticorps monoclonaux anti-rec EGF; Erbitux*) -le bevacizumab (anticorps monoclonaux anti-VEGF; Avastin*) Tous ces médicaments sont exclusivement d'administration parentérale, à l'exception des dérivés récent du fluorouracile, qui permettent une administration orale.

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1.2 Rappel des principaux effets indésirables spécifiques, extra-hématologiques

Toxicité aigue spécifique Toxicité chronique cumulative 5-fluorouracile et dérivés

Mucite, diarrhée Syndrome mains-pieds Cardiaque Syndrome cérébelleux Décès (déficit homozygote en DPD)

aucune

gemcitabine Fièvre, arthralgies Microangiopathie thrombotique (très rare)

aucune

cisplatine Vomissements Insuffisance rénale aigue tubulaire

Tubulopathie chronique Surdité cochléaire Polynévrite sensitive

oxaliplatine Vomissements Paresthésies aigues

Polynévrite sensitive

paclitaxel et docétaxel

Allergie Pneumopathie interstitielle aigue (docétaxel)

Alopécie, Polynévrite sensitive Syndrome oedémateux et toxicité unguéale (docétaxel)

irinotécan Syndrome cholinergique (vomissements diarrhée, crampes abdominales, troubles de l'accomodations, sueurs,..) Diarrhée retardée (entre J5 et J10) Neutropénie Risque particulier de choc septique

aucune

cetuximab Acné, diarrhée aucune bevacizumab HTA, hémorragie, thrombose HTA

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2 Indications thérapeutiques 2-1 spectre d'action anti-tumorale des médicaments Médicament

/Cancer oesophage estomac Pancréas

et voies biliaires

Carcinome hépato-

cellulaire

Colon-rectum

Canal anal

5-FU oui oui oui non oui oui gemcitabine non non oui non non non

cisplatine oui oui oui non non oui oxaliplatine non non oui non oui non irinotécan non oui oui non oui non

Paclitaxel et docétaxel

oui oui oui non non oui*

cetuximab oui * non non non oui non bevacizumab non non non non oui non

Ce qu'il faut retenir des médicaments : Le 5-FU est le médicament de référence en cancérologie digestive. Le cisplatine est synergique avec le 5-FU et l'association cisplatine-5-FU est active dans les cancers de l'œsophage, de l'estomac, du pancréas et des voies biliaires, du canal anal. Il est inactif dans les cancers colo-rectaux. La gemcitabine a une indication élective en oncologie digestive: les adénocarcinomes du pancréas et des voies biliaires L'oxaliplatine est synergique avec le 5-FU et est actif dans les cancers colorectaux. Il est utilisé en phase adjuvante ou métastatique. L'irinotécan est utilisé pour le traitement des cancers colorectaux ou gastriques métastatiques. La simultanéité du risque de diarrhée sévère et de neutropénie expose à des toxicité aigues pouvant menacer la vie et une éducation du patient (conduite à tenir si diarrhée ou fièvre est impérative). Les taxanes sont utilisées en phase localement avancée ou métastatique sauf dans les cancers colorectaux. Le cetuximab est susceptible d'être efficace pour le traitement des tumeurs épithéliales. Il n'induit pas de toxicité hématologique. Il est commercialisé pour le traitement de seconde intention des cancers colo-rectaux métastatiques mais ses indications vont sans doute rapidement s'élargir. Il est particulièrement actif dans les cancers de l'œsophage mais n'est pas encore commercialisé dans cette indication. Le bevacizumab est le premier médicament anti-angiogenèse commercialisé. Il n'induit pas de toxicité hématologique. Son AMM concerne les cancers du rein et colorectaux, au stade métastatique. Ses indications devraient s'élargir dans les prochaines années. Son action anti-VEGF explique des interactions avec l'hémostase, la pression artérielle, et la fonction rénale.

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Ce qu'il faut retenir par maladie: -Un traitement de référence des cancers de l'œsophage, de l'estomac, du pancréas et des voies biliaires est l'association 5-fluorouracile et cisplatine -les traitements systémiques dans le cancer colorectal évoluent très vite. Les associations 5-fluorouracile et oxaliplatine d'une part, et 5-fluorouracile et irinotécan d'autre part, sont des traitements de référence pour le traitement des cancers colorectaux métastatiques. Seule la première est actuellement validée en situation adjuvante. Les biothérapies (cetuximab et bévacizumab), utilisées en phase métastatique, seront probablement utilisées de plus en plus précocément au cours de la maladie. -Les carcinomes hépatocellulaires, quel que soit le stade, ne sont pas des indications de chimiothérapie car aucun médicament n'est efficace dans cette maladie. 2-2 Stratégie thérapeutique en oncologie digestive: place des médicaments anti-tumoraux dans la démarche pluridisciplinaire.

Indication /Cancer

Situation néoadjuvante

Situation adjuvante

Effet palliatif

1ère ligne métastatique avec gain en

survie

2ème ligne métastatique avec gain en

survie Adénocarcinome

gastrique non démontré Radio-

chimiothérapie

oui oui non

Cancer de l'oesophage

radio- chimiothérapie

non oui oui non

Carcinome hépato-cellulaire

non non non non non

Tumeur des voies biliaires

non non oui non non

Adénocarcinome du pancréas

non oui oui oui non

Adénocarcinome colique

non oui oui oui oui

Adénocarcinome rectal*

radio-chimiothérapie

oui oui oui oui

* bas et moyen rectum