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1932 - 2012 Aéroport de Lyon-Bron Hangar “Caquot” histoire du premier hangar avions à “double auvent” réalisé en France Dossier réalisé avec le soutien de la Mission Mémoire (DGAC) et de l’association Anciens Aérodromes Guilhem Labeeuw (DGAC/SNIA) - octobre 2012

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1932 - 2012Aéroport de Lyon-Bron

Hangar “Caquot”histoire du premier hangar avions à “double auvent”

réalisé en France

Dossier réalisé avec le soutien de la Mission Mémoire (DGAC) et de l’association Anciens Aérodromes

Guilhem Labeeuw (DGAC/SNIA) - octobre 2012

L’auteur tient à remercier : - la mission mémoire de la DGAC et le SNIA - l’association Anciens Aérodromes- la SLHADA- + personnes ressources : Paul Mathevetà compléter

remerciements

2012Les derniers jours du hangar “Caquot” de Lyon-Bron

Reconstitution virtuelle du hangar “Caquot” de Bron dans son état de 1932Réalisation : HB Concepts

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron - 1932d’après le concept novateur de l’ingénieur Albert Caquot

1932 - 2012

Une page de l’histoire du patrimoine aéro-nautique français s’est tournée le 28 juin 2012 sur l’aéroport de Lyon-Bron. Construit tout juste après la première aérogare de Bron il y a quatre-vingts ans, il n’aura pourtant fallu que quelques jours pour démolir cet édifice considéré comme le premier exemplaire français de hangar avion en béton armé de type “double auvent”.

Surnommé localement “le Caquot”, ce hangar à la forme atypique, avec sa proue en forme de vigie et ses auvents rappelant des ailes d’avion, avait sû conserver quelques traces d’un passé plus glorieux.En 1931, la Chambre de Commerce de Lyon décidait de doter la plateforme d’un hangar avions de “nouvelle génération”. Sur un pro-gramme directement inspiré des études du service des Bases du Ministère de l’air, rat-taché à l’époque à la direction d’Albert Caquot, les architectes Chomel & Verrier, auteurs de la première aérogare de Bron, furent chargés d’en exécuter les travaux. L’entreprise Limousin, avec pour ingénieur Gaston Le Marec (successeur d’Eugène Fre-yssinet dans cette entreprise), remporta le marché de construction. Le hangar fut livré en 1932, le premier d’une série de hangars du même type construits sur différentes plate-formes aéronautiques, en France comme au Maroc ou au Brésil.

Lourdement bombardé en 1944, le hangar fut reconstruit quasiment à l’identique, avant de connaître quelques années plus tard des modifications importantes, lui faisant per-dre sa destination aéronautique première au profit d’un garage pour les véhicules d’intervention et de sécurité de la plate-forme (SSLIA).

Hangar “Caquot” de Bron en 1932Extrait de la revue “L’architecture, 1932”

Hangar “Caquot” de Bron en 2011Photo G. Labeeuw

Démolition du hangar “Caquot” de Bron en juin 2012Photo : SLHADA

introduction

Démolition du hangar “Caquot” de Bron en juin 2012Photo : SLHADA

Les perspectives de développement de la plateforme aéronautique de Bron, les contraintes d’exploitation et son état de dégradation ont eu raison de ce vestige de l’architecture aéronautique des an-nées 30. Depuis un nouveau hangar pour l’entretien des véhicules d’intervention du SSLIA de l’aéroport est venu s’intercaler en-tre l’aérogare et le restaurant de l’aéroport.

Cependant, le travail mené conjointement par la mission mémoire de la Direction gé-nérale de l’Aviation civile (DGAC), le Service National d’Ingénierie Aéroportuaire (DGAC/SNIA) et les Aéroports de Lyon a permis la ré-alisation de supports oeuvrant à sa mémoire.

A côté des maquettes et outils de reconstitu-tion virtuelle, le présent ouvrage se veut, à son tour, apporter une pierre au maintien de la mémoire de cette réalisation historique.

La nouvelle caserne du SSLIA de Bron inaugurée en juin 2012, juste avant la démolition du hangar Caquot. Architectes : HB Concepts . Source : Aéroports de Lyon

Vue aérienne du hangar “Caquot” en juin 2011source : bing.fr

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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Maquette d’ensemble du hangar “Caquot” de Bron (échelle 1/72ème), dans l’état de 1932Réalisation : Maquettes HP

Maquette de détail de la structure (échelle 1/50ème), montrant l’appui central en béton, une section de la poutre longitudinale et la structure triangulée supportant les auvents en béton.

Réalisation : Maquettes HP

La réalisation des maquettes d’ensemble et de structure a été confiée par Aéro-ports de Lyon à la société Maquettes HP. Un travail préalable sur les quelques documents d’époque (plans et cartes postales) a été réalisé afin de consolider la véracité de certains détails (pavés de verre, portes, escaliers intérieurs).Les avions représentés sur la maquette ont été choisis au regard de leur présence à un moment donné sur la plateforme de Bron. Vue intérieure de la maquette, portes ouvertes.

Réalisation : Maquettes HP

La réalisation d’un outil de visualisation virtuelle est un choix de la mission mémoire de la DGAC et du SNIA, dans l’optique d’une mise à disposition du grand public sur le site internet du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, section transport aérien.

Cet outil de visualisation à 360° autorise une navigation à l’intérieur du hangar, à partir de plusieurs points de vue prédéfinis mais également depuis la toiture pour mieux apprécier l’ingéniosité des structures triangulées en béton supportant les auvents. Il est accessible en ligne sur le site internet du ministère.

Extraits de la visite virtuelle réalisée par le SNIA (C. Morand) sur la base d’une modélisation numérique comman-dée à l’agence d’architecture ayant réalisé la nouvelle caserne SSLIA (HB Concepts).

Réalisation : SNIA & HB Concepts

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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1932Repères historiques autour de la construction du premier

hangar avions à “double auvent” en béton armé cha

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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L’apport d’Albert Caquot à la production architec-turale aéronautique

Albert Caquot (Vouziers 1881-Paris 1976) Ingénieur (X- P&C promotion 1899)

Albert Caquot fut considéré comme « le plus grand des ingénieurs français vivants » pendant un demi-siècle. Doté d’une faculté d’invention féconde et variée, son gé-nie mécanicien et visionnaire s’appliqua aussi bien à la construction aéronautique naissante qu’à la réalisation d’ouvrages en béton armé, avec plus de 300 ponts et barrages de tous types, dont plusieurs furent des records

du monde, et des œuvres de génie civil les plus variées.

(Extrait de la notice biographique d’A. Caquot sur Wikipedia)Collection Musée de l’Air

et de l’Espace

1928 : A. Caquot est rappelé au ministère de l’Air

1928 : Directeur général des Services techniques et industriels de l’Aéronautique au ministère de l’Air

Les liens entre Caquot et l’aviation commen-cèrent dès son service militaire en 1901-1902 au sein du bataillon de sapeurs aérostiers du génie. C’est ainsi qu’en 1914, s’inspirant des observations qu’il a pu faire sur les dirigeables du colonel Renard, “il conçoit un nouveau modèle de ballon captif destiné à emporter des observateurs de l’armée de terre, qu’il adapte pour répondre aux besoins de la flotte anglaise. De nombreux ballons Caquot seront utilisés par les flottes anglaise et fran-çaise pendant le premier conflit mondial. Le 11 janvier 1918, Albert Caquot est nommé Directeur technique de la Section technique de l’aviation militaire ; dans l’exercice de cette responsabilité il donne une impulsion nouvelle à la conception et à la construction en série de nouveaux appareils. “(1)

Suite à la création du ministère de l’Air en 1928, A. Caquot renoue avec le monde de l’aviation après s’être brillamment illustré pendant plus d’une décennie dans l’étude et la construction de ponts mais aussi, dans le développement de hangars pour l’aviation

militaire au sein du bureau d’étude Pelnard-Considère-Caquot .

Nommé directeur général des Services Tech-niques et Industriels de l’Aéronautique au ministère de l’Air le 18 octobre 1928, Caquot innove en créant de nouvelles institutions (Ecole Sup’aéro) et des laboratoires (Souf-flerie de Chalais Meudon).

Durant les six années passées au poste de directeur général, il développe particulière-ment les réflexions autour d’une architecture spécifique à l’aviation. C’est ainsi qu’il est à l’origine de la concep-tion des hangars en béton armé à double auvent, dont le concept ne s’inspire plus seulement des techniques éprouvées sur les ouvrages d’art mais témoigne d’une vérita-ble réponse fonctionnelle aux contraintes de stationnement des avions. Les plans retrouvés et articles de presse de l’époque donnent un aperçu de ces hangars d’un genre nouveau et voués à une généralisation sur de nom-breux aérodromes.

(1) Extraits de la biographie de Jean et Thierry Kerisel

A la recherche d’un nouveau type de hangar avions

Hangars avions

Dans les débuts de l’aviation, la construction de hangars pour le stationnement et la main-tenance des avions répond à plusieurs ob-jectifs. Les hangars doivent être clos, couverts et permettre d’y déplacer plusieurs appareils de taille variable. Ces exigences conduisent après 1918 à l’utilisation des structures de por-tée plus importante que le type de hangar le plus répandu alors : les “Bessonneau”.L’implantation des hangars est déterminée par le plan de masse des terrains. A quelques exceptions près, comme le premier hangar avion en béton conçu par Freyssinet en 1916 sur le camp d’Avord, les hangars ne com-portent bien souvent qu’une grande porte ouvrant sur le côté des pistes en herbe.Quand au plan des hangars, si les formes po-lygonales ou circulaires sont tout à fait fonc-tionnelles, les raisons précédentes ont conduit à privilégier les dispositifs rectangulaires avec un seul pan ouvert. Avec les progrès réalisés sur les portes de grandes dimensions, il a été possible d’élargir les longs-pans côté ouvrant afin de permettre la sortie directe des avions sans déplacer les voisins, conduisant à des for-mats de hangars plus larges que profonds.

Hangars à double auvent

Avant d’être rappelé au ministère de l’Air en 1928, Caquot avait déjà réalisé avec ses as-sociés Pelnard et Considère de nombreuses études de hangars pour l’aviation militaire. Les formes étudiées s’inspiraient pour une grande part des techniques des ouvrages d’art, telles les structures de hangars à pou-tre bow-string développées tout au long des années 20.Vers la fin des années 1920, A. Caquot dével-oppe une idée de structure entièrement nouvelle pour l’époque, en prenant pour exemple à nouveau le retour sur expérience acquis sur les réalisations d’ouvrages d’art.

Hangar “traversant” conçu par Freyssinet en 1916, sur le camp d’aviation d’Avord. Collection personnelle

Schémas issus de la revue l’Architecture de 1936 (n°9)Source : Institut Français d’Architecture

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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Extraits d’un fac similé d’un album de plans du service des années aériennes (~ années 1930)Collection Service Historique de la Défense

Un article de la revue l’Architecture de 1936 revient quelques années après sur les prin-cipaux avantages de ce type de hangar à double auvent :

[Les hangars à auvent] consistent à réaliser la couverture du rectangle, exactement comme dans les portiques-parapluies des chemins de fer, au moyen d’une file de points d’appui simples ou jumelés, implantés dans l’axe longitudinal, la toiture étant con-stituée par deux encorbellements.

Les progrès de la technique ont même per-mis, dans certaines réalisations, de supprimer la file des points d’appui et de remplacer ces derniers par une poutre-caisson, reposant sur les seuls points d’appui subsistant aux ex-trémités, dans laquelle viennent s’encastrer les nervures d’encorbellement.

Dans le cas du hangar à double auvent, on utilise intégralement les bénéfices du dis-positif en implantant la plus grande dimen-sion de ces édifices normalement aux limites du terrain.

On peut ainsi, en équipant en portes les deux longs pans, dégager simultanément les deux faces et, si l’on a la précaution d’écarter suf-fisamment l’un de l’autre deux hangars vois-ins, on réserve ainsi un espace de manoeu-vre qui permet de déplacer les appareils sans encombrer les pistes de circulation.[...]Le hanqar en béton armé présente les avan-taqes d’un entretien à peu près nul et aussi d’une grande sécurité en cas d’incendie.

In L’Architecture de 1936, n°9 chapitre 5

La production d’A. Caquot au sein du ministère de l’Air

Le «Service des Bases» du ministère de l’Air, rattaché au service dirigé par A. Caquot, édite en décembre 1930 un album de plans de bâtiments aéronautiques, dont un fac-si-milé a été retrouvé récemment dans le fonds du musée de la base aérienne d’Avord et versé en 2011 aux archives du Service Histo-rique de la Défense (SHD) Parmi les planches de l’album, deux d’entre elles illustrent le travail exploratoire mené par les services d’A. Caquot. La structure de ces hangars à auvents, en béton armé, se com-pose d’une poutre centrale en cantilever, reposant sur un nombre limité de portiques. Cette poutre supporte de fins auvents en bé-ton, dont la forme n’est pas sans rappeler les structures des avions de l’époque.

Dans les archives du bureau d’études Pel-nard Considère-Caquot, on retrouve des plans, notes de calcul et correspondances pour des hangars à double auvent sur les bases d’Orléans et Fréjus. Pour autant, il est difficile de déterminer si A. Caquot a tra-vaillé directement à la construction d’un de ces hangars. Ceux d’Orléans sont attribués à l’ingénieur B. Laffaille, dont des échanges de correspondance avec le service des Bases sont conservés à l’Institut Français d’Archi-tecture dans le fonds Laffaille.

Extraits d’un fac similé d’un album de plans du service des années aériennes (~ années 1930)Collection Service Historique de la Défense

La note de calcul ci-dessus relative aux ef-forts du vent sur les hangars à double au-vent est conservée au centre d’archives du monde du travail à Roubaix. Les documents d’époque font référence à une norme 9961 spécifique à l’aviation (non retrouvée) et portent généralement le logo du service des Bases du ministère de l’Air et la signature de M.Garbe, directeur du Service des Bases à l’époque.

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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Bron : La première réalisation du type

Le concours organisé par la Chambre de Commerce de Lyon

1931 - Les études

Le 10 septembre 1932 paraît dans la revue du Génie Civil un article sur le «hangar à auvents en béton armé type «Caquot»» écrit par Gas-ton Le Marec, ingénieur des Ets Limousin ad-judicataire du marché de construction. Cet article permet de retrouver quelques infor-mations relatives au déroulement des études et de la phase de travaux.

Début 1931, la Chambre de Commerce de Lyon confie aux architectes Chomel et Ver-rier le soin de construire un hangar de 40x50 mètres destiné au stationnement des avions. Ces derniers, auteurs de l’aérogare de Bron, inaugurée le 14 décembre 1930, dressent un avant-projet sur la base d’un programme général établi par le Service des Bases qui devait servir de base à un appel d’offres. Sans en avoir retrouvé la trace, il est néan-moins fort probable que ce programme s’ins-pire directement des recherches de Caquot.

L’appel d’offres a dû se dérouler durant le premier semestre 1931, car les archives de Roubaix conservent dans le fonds Painda-voine les traces de plans d’appel d’offres pour un hangar avions à Bron daté de juin 1931. Il n’est donc pas impossible que d’autres entreprises en dehors des Ets Limou-sin aient répondu à cette consultation.

Le marché a été attribué aux Ets Limousin, entreprise connue dans pour la réalisation d’ouvrages d’art mais également de han-gars avions, parmi lesquels les plus connus sont les hangars à dirigeables d’Orly conçus par Freyssinet au début des années 20 . L’in-génieur Le Marec, au départ de Freyssinet de l’entreprise Limousin, saura mettre à profit les enseignements des hangars voûtes d’Orly en proposant des améliorations des voûtes des auvents.

Hangar à dirigeables d’Orly conçu par Freyssinet et l’entrepise Limousin (détruits en 1944).

Collection personnelle

Paindavoine

Non retenu lors de l’ap-pel d’offres, le projet de l’entreprise de charpentes métalliques fondée à Lille en 1960 respectait la forme des hangars à auvents mais avec une poutre lon-gitudinale triangulée pour reprendre les auvents. Les auvents n’étaient donc pas suspendus à la poutre caisson centrale.Coupe transversale d’un projet de hangar à Bron non réalisé

(Paindavoine). Collection Centre des Archives du Monde du Travail à Roubaix

Octobre 1931 : démarrage des travaux

Extrait de l’article du Génie Civil de 1932 :

[Le hangar à double auvent] comporte es-sentiellement une poutre-caisson centrale, reposant sur une série de portiques qui sou-tient de part et d’autre de grands auvents en porte à faux ; [...]. Il présente une largeur totale de 50 mètres, répartis en deux auvents de 20 mètres de portée chacun, et un cais-son central de 10 mètres. Sa longueur totale est de 40 mètres, divisé en deux travées de 20 mètres ; la hauteur libre aux extrémités des auvents est de 8,30 m. La fermeture est as-surée sur les deux longs pans par des portes roulantes, et aux deux autres extrémités par deux pignons, dont l’un est provisoire, ce qui permettra l’allongement ultérieur du hangar.

Dans une construction de ce genre, toute la difficulté réside évidemment dans la réa-lisation des auvents et de leur support. Ces auvents sont, en effet, soumis à des efforts multiples : ils doivent être capable de sup-porter leur poids propre et les surcharges de vent et de neige ; ils sont, d’autre part, sou-mis à des conditions de dilatation très dures, car leur grande portée conduit à l’emploi de faibles épaisseurs, plus sensibles aux vari-ations de la température et de l’état hy-grométrique de l’atmosphère. Des hourdis plans ne pouvaient constituer une solution acceptable qu’à la condition d’être coupés par des joints de dilatation très rapprochés.

L’emploi d’une série de voûtes transversales résout parfaitement le problème de la dila-tation ; il constitue, d’autre part, la solution spécifiquement la plus légère et la plus satis-faisante.

L’ensemble des constructions des hangars [...] par la Société des Entreprises Limousin, montre qu’une surface ondulée conserve parfaitement sa continuité et son étanchéi-té, malgré les dilatations et les retraits, aussi la Société des Entreprises Limousin n’hésita pas à proposer cette solution pour le hangar de Bron.La couverture des auvents est ainsi constituée par une série de voûtes de 5 cm. d’épais-seur, de 6,66 m de portée, et de 0,63 m de flèche, dont les poussées sont absorbées par des tirants. Ces voûtes, se réunissant deux à deux aux retombées, constituent une poutre en forme de V d’une très grande inertie. Les auvents sont attachés sur la poutre-caisson à l’aide de suspentes en béton armé, au nombre de trois, disposées en éventail au droit de chaque poutre-noue.

llustration de l’opération de décintrement réalisée en quatre phases le 30 mars 1932.

source : Le Génie Civil du 10 septembre 1932

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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automne 1932 : achèvement des travaux

Achevé à l’automne 1932, le hangar à double auvent de Bron sera finalement le premier du genre à être construit. Mais, dans le même temps, d’autres projets du même type sont en préparation sur les bases d’Orléans puis Marignane et Fréjus. Un aperçu de ces hangars se trouvent dans le chapitre 3.

Le pignon arrièreSource : Revue l’Architecture 1932

Vue depuis les auventsSource : Revue l’Architecture 1932

Coupe transversale sur le pilier central (collection Les Constructions Modernes)

Vue intérieure depuis le centre du hangarSource : Revue l’Architecture 1932

Vue transversale, portes ouvertesSource : Revue l’Architecture 1932

Façade principale avec la première vigieSource : Revue l’Architecture 1932

Vue aérienne du hangar en juin 1938Source : Photothèque de l’IGN

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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De 1932 aux démolitions de1944

1932 - 1944

Dès sa construction et jusqu’en 1939, le han-gar abrite des avions civils, appartenant à des aéroclubs. On peut voir sur certaines photos d’époque les avions suivants :

- Farman 190 de l’Aéro-Club du Rhône et du Sud Est (ACRSE) immatriculé F-AJJG en ser-vice jusqu’en 1936

- Caudron C-59 immatriculé F-AIHB vu de l’ar-rière sur la première photo

- Morane 230 immatriculé F-ALHB apparte-nant au président Lumière de l’ACRSE

La reconstruction du hangar et sa transformation en garage

Farman 190Collection personnelle

Caudron C-59Source : Les constructions modernes

Le hangar en 1944Collection personnelle

Lourdement bombardé par l’aviation alliée le 14 août 1944, le hangar subit des dommages importants. On voit bien que les structures en béton, prô-née par les constructeurs pour leur résistance, n’aura pas mieux résisté aux destructions de guerre que les hangars métalliques.

Le hangar en 1944Collection personnelle

Les travaux de réhabilitation

Malgré son état de ruine suite aux bombar-dements de 1944, le hangar sera finalement réparé dans les années 1947, dans un état quasiment identique à celui de 1932 : seuls les pavés de verre dans les voûtes semblent ne pas avoir été conservés. Une nouvelle vigie a été installée sur le toit du hangar. Ré-habilité, le hangar peut à nouveau accueillir des avions de tourisme.En 1960 (1), la décision est prise d’aména-ger le hangar pour les besoins du fret d’Air France. Les portes sont dès lors supprimées et remplacées par des maçonneries sur toute la longueur des longs-pans. Seuls les rails de gui-dage haut seront conservés.

Le hangar Caquot en 1950, avec sa nouvelle vigieCollection personnelle

Ces travaux marquent la fin de la destination aéronautique du hangar, les avions ayant été transférés sur d’autres hangars de la pla-teforme.

Quelques années plus tard, le hangar sera transformé de l’intérieur avec la création de cloisonnements et mezzanine pour les besoins du service des pompiers (SSLIA) de l’aéroport. On trouve la trace de ces amé-nagements dans le plan de la DDE 69 ci-des-sous. Le hangar conservera jusqu’en 2012 sa destination de garage pompiers.

(1) : informations issues du bulletin de la SLHADA (Tableau de bord) n°5 du janvier 2002, texte de P. Ma-thevet

Plan des aménagements intérieurs du hangar dressé par la DDE 69.Fonds de la SLHADA

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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La couverture

La couverture en coques de béton est res-tée quasiment dans son état de la réhabili-tation d’après guerre. Seules quelques traite-ments de fissures et la présence de lichens témoignent de l’agression des éléments cli-matiques. Pour mémoire, ces coques de 5 cm de béton (dans la construction d’origine), larges de 6,66m constituaient une des réponses les plus efficaces dans les années 30 au regard de l’étanchéité et de l’absorption de la dilata-tion.

Les “haubannages”

Les coques de béton, reliées entre elles par des poutres noues servant d’évacuation, étaient reliées à la poutre caisson centrale via des suspentes en béton armé disposées en éventail au droit des poutres noues. Ce procédé de haubannage extrêment auda-cieux posera problème dans le temps, les enrobages des aciers des suspentes n’étant pas suffisant pour protéger durablement les aciers des agressions du gel. C’est ainsi qu’en 1987, la DDE 69 réalisa une campagne de renfort en ajoutant des tirants en torons d’acier.

Etat des lieux en 2011

Le pignon nord et sa vigie en 2011Photo : G. Labeeuw

La façade ouest Photo : G. Labeeuw

Le pignon arrière. On aperçoit encore les structures des rails des portes.Photo : G. Labeeuw

2011

Le hangar Caquot, tel qu’on pouvait encore le voir en 2011, présentait donc un aspect assez différent de celui d’origine ou de son état après guerre. L’enduit épais de couleur marron a été ap-pliqué il y a quelques années, laissant par en-droit apparaître les maçonneries en mâche-fer. Ce choix de teinte sombre a conduit à mettre en exergue ce bâtiment au sein d’un paysage architectural de tendance plutôt claire, mais à son détriment, les opérations d’entretien réalisées ne pouvant remplacer une nécessaire réhabilitation.

Faute de décision forte prise pour sa péren-nité dans les schémas directeurs de la plate-forme des années 70, le bâtiment s’est pro-gressivement dégradé, surtout au niveau de sa couverture. Un rapport du bureau d’études JPGen Faci-lities en a dressé un bilan très inquiétant en 2010, sans toutefois s’appuyer sur des ana-lyses et expertises concernant le vieillissement intrinsèque des bétons. Néanmoins, devant les coûts annoncés pour sa réhabilitation et son état de dégradation avancée, peu de projets de réutilisation ont été raisonnable-ment étudiés.

C’est ainsi que la décision de sa démolition a été actée dans le dernier schéma directeur de l’aéroport de Bron.

Le hangar en 1944Collection : SLHADA

Vue des sous-faces des coques en béton. D’anciennes infiltrations d’eaux pluviales ont généré

des coulures ternissant l’aspect des sous-facesPhoto : G. Labeeuw

Les suspentes en bétonPhoto : G. Labeeuw

Les bureaux à l’étage.La disposition de la poutre caisson centrale permet-tait de dégager des surfaces importantes de bureau bénéficiant d’un large accès à la lumière naturelle

Photo : G. Labeeuw

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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autres réalisationsde hangars avions à “double auvent”

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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L’appropriation du type

Perspective (ci-dessus) et esquisses (en haut) d’un projet de hangar “Caquot” réalisé par l’architecte Robert Camelot (archi-tecte du C.N.I.T à la Défense (92)). Collection Institut Français d’Architecture

Ce projet de hangar à double auvents, datant des années 1932, est issu de la collabora-tion entre l’ingénieur Laffaille et l’architecte Robert Camelot. On aperçoit sur les pignons du hangar les poteaux en forme de V, que l’ingénieur Laffaille concrétisera sur de nombreuses réalisations pour l’aviation ou la SNCF.

Robert Camelot, Grand prix de Rome en 1933, devient archi-tecte en chef des bâtiments civils et Palais Nationaux et sera un des architectes du CNIT à la Défense. Il faut également sig-naler que l’ingénieur B. Laffaille avait participé au concours du CNIT, qui sera finalement réalisé avec le concours de l’ingénieur N. Esquillan.

Robert Camelot, architecte Beaudouin & Lods, architectes

A. Hardy, ingénieur

Dans le cadre du concours organisé par l’OTUA (Office technique pour l’utilisation de l’acier) en 1933, les architectes Beaudouin et Lods imaginèrent un projet de hangar avions à appui central unique dont les auvents circulaires étaient prévus en béton armé.Si la forme s’éloigne des hangars à double auvent, ce projet pousse l’idée du hangar à au-vents encore plus loin en imaginant un stationnement des avions tout autour du pilier central.

On ignore à ce stade si cette réalisation de hangars à auvent circulaire en béton a pu s’inspirer du projet non réalisé de Beaudoin et Lods. Les deux hangars ont été construits en 1947 par l’ingénieur Alfred Hardy sur l’aé-rodrome de Grimbergen, près de Bruxelles.

Les auvents ont environ 25 m de portée et ont une épaisseur variant de 6 à 12 cm. Réa-lisation peu connue en France, ces hangars sont pourtant devenus une référence inter-nationale.

source : Institut Français d’Architecture source : Institut Français d’Architecture

source : Institut Français d’Architecture

source : Institut Français d’Architecturesource : Institut Français d’Architecture

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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L’appropriation du type

Esquisse (en haut) et croquis d’étude (en bas) d’un projet de hangar “Caquot” réalisé par l’ingénieur B. Laffaille. Collection Institut Français d’Architecture, fonds Laffaille.

Bernard Laffaille, ingénieur de l’Ecole Centrale, s’appuie sur les concours de hangars du ministère de l’air pour développer ses recherches sur les structures en coques de béton. Cer-taines de ses réalisations sont toujours visibles, comme le hangar à doubles auvents sur la base aérienne d’Orléans. Le fonds d’archives de l’Institut Français d’Architecture conserve égale-ment de nombreuses études préalables sur les structures à auvents.

Bernard Laffaille, ingénieur

Fiche descriptive d’une étude de hangar à avions pour la base d’Orléans, établie par le BET Hennebique. Collection

Institut Français d’Architecture

Le BET Hennebique, un des tous premiers bureaux d’études à avoir développé les structures en béton en France, a réalisé ou participé à de nombreux appels d’offres de hangars pour l’aviation.

Pour ce projet de hangar à auvents en bé-ton sur la base aérienne d’Orléans, le fonds d’archive conservés à l’Institut Français d’Architecture permettent de comparer les différentes réponses techniques des BET Hennebique et de l’ingénieur Laffaille.

On retrouve également dans ce même fonds un projet pour le hangar double au-vent de Port-Lyautey (aujourd’hui Kenitra au Maroc).

Bureau d’Etudes Techniques Hennebique

L’ingénieur Laffaille ne limitera pas ses ré-flexions sur les structures en béton, bien au contraire. Ses recherches sur les coques en acier ont fait l’objet de publication scientifiques dans les annales des Ponts et Chaussées et nom-breuses sont les esquisses de hangars métal-liques conservées dans le fonds Laffaille à l’IFA.

Parmi celles-ci, on note plusieurs types de hangars à auvents, simples ou doubles, toutes basées sur une couverture composée de demi-cylindres métalliques.

Des hangars utilisant ce type de couverture ont été construits sur les bases de Cazaux et Dijon et détruits pendant la dernière guerre.

Projet (non réalisé) de hangar métallique à double auvent pour le ministère de l’Air établi par B. Laffaille en 1936. Collection : Institut Français d’Architecture

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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Aperçu des réalisations connues de hangar relevant du type “Caquot”

Hangars conçus par Bernard Laffaille

Marignane (13)

Détruit pendant la dernière guerre, ce hangar a été vraisemblablement conçu par l’ingénieur B. Laffaille en 1936, d’après les notes de calcul conservées à l’Institut Français d’Architecture.

Le hangar de MarignaneCollection : Photothèque nationale (IGN)

Collection personnelle

Orléans-Bricy (45)

Trois hangars étaient prévus sur cette base, dont deux seulement ont été réalisés. Suite aux bombardements, un seul a été conservé puis agrandi vers 1960 pour accueillir, encore aujourd’hui, les TRANSALL. Il est l’oeuvre de l’ingénieur B. Laffaille. La datation de ce der-nier hangar est difficile à déterminer de fa-çon sûre, mais remonterait aux années 1933 à 1936.

La façade principale dessinée par B. LaffailleCollection : DGAC / SNIA

Le hangar d’Orléans en 2012source : googlemap.fr

Hangar attribué à Albert Caquot

Fréjus-Saint-Raphaël (83)

Construit dans les années 1933-1934 par la Société des Grands Travaux en béton armé, ce hangar a été endommagé lors de la catastrophe du barrage de Malpasset et transformé de-puis en base de loisirs.

On retrouve des plans de ce hangar dans les archives du fonds Pelnard Considère Caquot au Centre des Archives du Monde du Travail à Roubaix Collection : CAMT

Rio de Janeiro - BrésilKénitra (Port-Lyautey) - Maroc

Le hangar en 2012source : googlemap.fr

Projet de hangar à auvent à Rio de Janeirosource : Techniques et Architecture 1947 n°9-12

Les versions métalliques

Intérieur du hangar en 1947source : dafina.net

Conçu par l’ingénieur A. de Mello-Flores probablement vers 1939, ce hangar me-sure 126 m de long et 60 m de large.En 2012, Il semblait encore conserver une destination aéronautique.

Le fonds d’archive du BET Hennebique à l’IFA conserve la trace d’un projet de han-gar à auvents daté de 1932. Mais l’attribu-tion reste à confirmer. Ce hangar construit vers 1934-1937 existait toujours en 2012.

Deux exemples parmi d’autres de hangars métalliques à double auvent s’inspirant de l’in-vention d’A. Caquot. Le premier construit en 1934 par la Société générale d’entreprises sur l’aéroport de Saint-Etienne-Bouthéon existe toujours. La portée des auvents reste assez limi-tée. Le deuxième est un hangar à Los Angeles (vers 1959) de portée beaucoup plus significa-tive, témoignant de la possibilité d’utilisation de ce principe pour des avions d’envergure plus grande.

Le hangar en 2012source : googlemap.fr

Hangar métallique à double auvent, Saint-Etienne/Bouthéon. source : L’architecture 1936 n°9

Hangar métallique à double auvent, Los Angeles 1959.

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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annexes

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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articles de presse de l’époque

L’Architecture, 1932

L’architecture, 1936, n°9. Collection Institut Français d’Architecture

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Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)

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article de presse contemporaine

Le Progrès, 11 mars 2012

Hangar “Caquot”histoire du premier hangar avions à “double auvent”

réalisé en France

Hangar “Caquot” de Lyon Bron

1932 - 2012

Une page de l’histoire du patrimoine aéronautique français s’est tournée le 28 juin 2012 sur l’aéroport de Lyon-Bron. Construit tout juste après la première aérogare de Bron il y a quatre-vingts ans, il n’aura pourtant fallu que quelques jours pour démolir cet édifice considéré comme le premier exemplaire français de hangar avion en béton armé de type “double auvent” inventé par l’ingénieur Albert Caquot.

Cet ouvrage, disponible en lecture libre, revient sur l’histoire du hangar «Caquot» de Bron et esquisse les nombreuses réalisations de hangars avions suscitées par l’invention d’Albert Caquot.

Avec le soutien de :

Guilhem Labeeuw

Ingénieur - architecte au département Bâtiments du Service National d’Ingénierie Aéroportuaire (DGAC/SNIA).Vice Président de l’Association « Anciens aérodromes ».