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Un pigment est une substance colorante insoluble dans le milieu qu’elle colore. Utilisés en art et dans l’industrie, les pigments se présentent sous la forme de poudres. Ils sont généralement mis en suspension dans un liant liquide afin d’obtenir une peinture ou une encre. Les pigments étant insolubles, ils se fixent à la surface du support sur lequel on applique le mélange, contrairement aux teintures qui sont absorbées par le support. Les pigments d’origine naturelle/Minéraux ce sont les terres, ocres, lapis-lazuli, cinabre, oxydes de fer naturels, connus pour certains depuis la Préhistoire. Les pigments biologiques extraits de plantes tinctoriales sont des composés organiques. Le pigment est extrait de diverses parties constitutives de la plante les feuilles (guède, chlorophylle (E140), anthocyanes (E163), les racines (garance) ou le tronc. Les pigments d’origine animale ce sont la cochenille Kermes vermilio pour des rouges carmins, écarlates ou cramoisis. Le murex pour la pourpre colore depuis l’Antiquité la robe des sénateurs ou des cardinaux à Rome ou encore le sépia ou encre de seiche. À partir du XIXe siècle, beaucoup de ces pigments naturels ont été reproduits par synthèse chimique (l’alizarine remplace la garance, la mauvéine, aniline, fuchsine). Les pigments synthétiques sont issus de la chimie minérale et de la chimie organique : pérylènes, quinacridones, phtalocyanines, azoïques. Leur découverte date du XIXe siècle et constamment améliorés, ils sont les plus utilisés aujourd’hui. Les pigments biologiques : les plus connus sont les mélanines, substances produites par les mélanocytes. On en connaît deux types : la mélanine-base ou eumélanine est un polymère brun-noir et la phéomélanine de couleur jaune-rouge (c’est un monomère). L’absence congénitale de mélanine produit l’albinisme. La mélanine est présente dans les yeux et les phanères, peaux, ongles et cheveux. Dans les yeux, les pigments, mélanines et lipofuscine (yeux verts) colorent l’iris en vert, gris, noir, noisette… Des pigments en très faible quantité donneront les yeux bleus. Cet iris peut parfois être rouge en l’absence totale de pigment (ex. en cas d’albinisme). Dans les vaisseaux des mammifères, l’hémoglobine donne un rouge rutilant. FONDATION CLÉMENT Pigment

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Un pigment est une substance colorante insoluble dans le milieu qu’elle colore. Utilisés en art et dans l’industrie, les pigments se présentent sous la forme de poudres. Ils sont généralement mis en suspension dans un liant liquide afin d’obtenir une peinture ou une encre. Les pigments étant insolubles, ils se fixent à la surface du support sur lequel on applique le mélange, contrairement aux teintures qui sont absorbées par le support. Les pigments d’origine naturelle/Minéraux ce sont les terres, ocres, lapis-lazuli, cinabre, oxydes de fer naturels, connus pour certains depuis la Préhistoire. Les pigments biologiques extraits de plantes tinctoriales sont des composés organiques. Le pigment est extrait de diverses parties constitutives de la plante les feuilles (guède, chlorophylle (E140), anthocyanes (E163), les racines (garance) ou le tronc. Les pigments d’origine animale ce sont la cochenille Kermes vermilio pour des rouges carmins, écarlates ou cramoisis. Le murex pour la pourpre colore depuis l’Antiquité la robe des sénateurs ou des cardinaux à Rome ou encore le sépia ou encre de seiche. À partir du XIXe siècle, beaucoup de ces pigments naturels ont été reproduits par synthèse chimique (l’alizarine remplace la garance, la mauvéine, aniline, fuchsine). Les pigments synthétiques sont issus de la chimie minérale et de la chimie organique : pérylènes, quinacridones, phtalocyanines, azoïques. Leur découverte date du XIXe siècle et constamment améliorés, ils sont les plus utilisés aujourd’hui. Les pigments biologiques : les plus connus sont les mélanines, substances produites par les mélanocytes. On en connaît deux types : la mélanine-base ou eumélanine est un polymère brun-noir et la phéomélanine de couleur jaune-rouge (c’est un monomère). L’absence congénitale de mélanine produit l’albinisme. La mélanine est présente dans les yeux et les phanères, peaux, ongles et cheveux. Dans les yeux, les pigments, mélanines et lipofuscine (yeux verts) colorent l’iris en vert, gris, noir, noisette… Des pigments en très faible quantité donneront les yeux bleus. Cet iris peut parfois être rouge en l’absence totale de pigment (ex. en cas d’albinisme). Dans les vaisseaux des mammifères, l’hémoglobine donne un rouge rutilant.

Fondation Clément

Pigment

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Guyanes > Pigments1

Exposition collective

Colette Foissey, commissaireDavid Redon, commissaire-adjoint

L’exposition Guyanes > Pigments dont le titre, nom propre, est une référence directe à la poésie de Léon-Gontran Damas et qui, nom commun, nom polysémique, rend hommage au sol, à la terre latéritique rouge qui couvre le Plateau des Guyanes, faisant des trois pays présentés à l’exposition, des partenaires d’un même socle géologique. Pigments c’est encore le colorant de la peinture, base des arts visuels, des encres de tatouages, des décors de céramiques, de ciels de case et des tembé. Pigments c’est enfin la mélanine qui donne leurs couleurs à tous les hommes. Nous voudrions que cette exposition soit éloge de toutes les pigmentations.

Liste des artistes, associations et galeries :

GuyanePhilippe Cerdan (Hydréco), Katia Clamaran, David Damoison, Tanguy Deville, Claude Favier (Galerie L’Encadrier), Pierre-Olivier Jay (Une saison en Guyane), Karl Joseph, John Lie A Fo, Mary Fleury (Gadépam), Xavier Fricaudet, Patrick Lacaisse (Chercheurs d’Art), Patrick Lafrontière, Jean-Luc de Laguarigue, Fabrice Loval, Thierry Montford, Marc Perroud (Mama Bobi), Gwenael Quenette, David Redon (Fondation Pierre Verger3), Philippe Roger, Jean-Pierre Triveillot.

SurinameSri Irodikromo, Kurt Nahar, Marcel Pinas, Dhiradj Ramsamoendj, Monique Nouh Chaia (Readytex Art Galery), George Struikelblock.

BrésilRoberta Carvalho, Orlando Maneschy, Luciana Magno, Patrick Pardini, Armando Queiroz.

Pigment, nom masculin. Un pigment est une substance colorante insoluble dans le milieu qu’elle colore. Utilisés en art et dans l’industrie, les pigments se présentent sous la forme de poudres. Ils sont généralement mis en suspension dans un liant liquide afin d’obtenir une peinture ou une encre. Les pigments étant insolubles, ils se fixent à la surface du support sur lequel on applique le mélange, contrairement aux teintures qui sont absorbées par le support. Les pigments d’origine naturelle Minéraux : ce sont les terres, ocres, lapis-lazuli, cinabre, oxydes de fer naturels, connus pour certains depuis la Préhistoire. Les pigments biologiques extraits de plantes tinctoriales sont des composés organiques. Le pigment est extrait de diverses parties constitutives de la plante : les feuilles (guède, chlorophylle (E140), anthocyanes (E163)), les racines (garance) ou le tronc. Les pigments d’origine animale : ce sont la cochenille Kermes vermilio pour des rouges carmin, écarlates ou cramoisis. Le murex pour la pourpre colore depuis l’Antiquité la robe des sénateurs ou des cardinaux à Rome ou encore le sépia ou encre de seiche. À partir du XIXe siècle, beaucoup de ces pigments naturels ont été reproduits par synthèse chimique

(l’alizarine remplace la garance, la mauvéine, aniline, fuchsine). Les pigments synthétiques sont issus de la chimie minérale et de la chimie organique : pérylènes, quinacridones, phtalocyanines, azoïques. Leur découverte date du XIXe siècle et, constamment améliorés, ils sont les plus utilisés aujourd’hui. Les pigments biologiques : les plus connus sont les mélanines, substances produites par les mélanocytes. On en connaît deux types : la mélanine-base ou eumélanine est un polymère brun-noir et la phéomélanine de couleur jaune-rouge (c’est un monomère). L’absence congénitale de mélanine produit l’albinisme. La mélanine est présente dans les yeux et les phanères, peaux, ongles et cheveux. Dans les yeux, les pigments, mélanines et lipofuscine (yeux verts) colorent l’iris en vert, gris, noir, noisette… Des pigments en très faible quantité donneront les yeux bleus. Cet iris peut parfois être rouge en l’absence totale de pigment (ex. en cas d’albinisme). Dans les vaisseaux des mammifères, l’hémoglobine donne un rouge rutilant2

RemerciementsMerci à la Fondation Clément et à son président et fondateur, Bernard Hayot, qui a lancé et permis cette aventure contemporaine sur le Plateau des Guyanes, à Colette Sorel et Florent Plasse, à toutes les équipes qui œuvrent sur le site pour la promotion du patrimoine, à la DAC Guyane et à son directeur Michel Colardelle, à tous les artistes, galeristes, membres engagés dans les associations culturelles et éducationnelles de ces territoires. Un merci tout particulier à Pierre et Françoise Grenand pour leur générosité. Sans toutes ces énergies et tous ces talents rien n’aurait été possible. Rien ne sera possible.

Une exposition regroupant quelques-uns des courants artis-tiques actuels de Guyane ne pouvait qu’être révélatrice, s’il en était besoin, du foisonnement des talents qui irriguent ce pays malgré son enclavement, l’absence de véritable école d’art4, la faiblesse du marché – une seule galerie privée5-, enfin l’absence jusqu’à présent de Fonds régional d’art contemporain (FRAC) et de véritable salle équipée aux nor-mes d’exposition internationales. Jeunesse de la population, croissance démographique extrêmement rapide, existence d’associations pionnières, en particulier tournées vers la dé-fense des arts d’inspiration « raditionnelle »6, diversité de ses sources dans un contexte multiculturel original et par-ticulièrement varié, poids de mémoires trop longtemps dé-niées qui met en tension les rapports sociaux en libérant des énergies vives : les conditions d’une émergence artistique féconde sont réunies. La créolité, phénomène artistique et culturel « total » autant que linguistique, n’est pas réservée au monde dit « créole », c’est une modalité principielle de la chimie sociale, qui fonde sur la connaissance et l’épreuve de la valeur des « racines multiples » de chacun l’invention, avec toute l’audace nécessaire, de la modernité et de la créativité. En ce sens, « Pigments » n’est qu’un essai, un commencement, puisque tous les artistes guyanais n’y sont pas, et non des moindres7.Cet essai devait également, quasi fatalement, conduire à l’élargissement de son propos, tant les voisins brésilien et surinamais, abreuvés aux mêmes sources autochtones mais ouverts, du fait de leur contexte politique et de leur his-toire, à d’autres enseignements, sont présents en Guyane par des artistes qui s’y sont établis, tel John Lie A Fo, et les influences qu’ils exercent, comme Marcel Pinas. Elargis-sement qui conduit, analysant les œuvres et écoutant les propos tenus par les artistes eux-mêmes, à éprouver les parentés profondes qui les unissent, volonté de vivifier les cultures des origines sans folklorisation, souci de l’environ-nement en danger considéré comme matriciel, revendication politique et sociale, différente en chaque lieu de manière circonstancielle mais homogène dans ses fondements. Là réside certainement l’essentiel des spécificités artistiques des Guyanes, dans cet écartèlement apparent entre tradition et modernité, entre nature et culture dont apparaît de plus en plus le caractère européo-centré. La pratique artistique, ici comme ailleurs et peut-être plus encore, est résistance et, davantage qu’agression, combat.Pour revenir à la Guyane, la place des arts plastiques y change, sous l’impulsion des grandes Collectivités auxquel-les s’associe le ministère de la Culture et de la Communi-

cation : engagement d’une collection d’art contemporain, prémisse du futur FRAC, avec la Région Guyane et le musée des Cultures Guyanaises8, dans la perspective de la mise en œuvre de la Maison des Cultures et des Mémoires de la Guyane dans l’ancien Hôpital Jean-Martial, au cœur de Cayenne, projetée en partenariat à trois, Conseil régional, Conseil général9 et Etat ; résidences d’artistes, qu’il faudrait développer dans le cadre de la nouvelle priorité gouverne-mentale, éducation artistique et culturelle en temps scolaire et hors temps scolaire ; affectation de salles, dans des mo-numents historiques restaurés, aux initiatives des artistes de plus en plus présents, jeunes plasticiens, photographes notamment, les engageant vers la professionnalisation10 (La Poudrière et le Fort Diamant par le Conseil général, le Camp de la Transportation par la Ville de Saint-Laurent du Maroni dans le cadre de la Ville d’Art et d’Histoire) ; encouragement à des événements d’ampleur nationale voire internationale, telles les Rencontres de la Photographie initiées par Karl Joseph, ouverture, avec des crédits notamment européens11, d’un Centre d’art à Mana avec l’association Chercheurs d’art. Le FRAC en particulier, institution de monstration d’œuvres de niveau international, lieu de confrontation des artistes guyanais avec ceux de l’arc caraïbe et de l’Amérique, sera certainement essentiel dans un pays aussi enclavé que la Guyane.Il reste à espérer une école d’art qu’il faudra bien finir par créer, à l’image du Conservatoire de musique et de danse qui vient d’être labellisé, non pour canaliser la créativité de la jeunesse guyanaise et la fondre dans la banalité de la culture mondialisée mais, en lui donnant les outils techniques les plus perfectionnés, libérer tous ses possibles, immense gisement d’énergie et de talent.Je souhaite exprimer ma reconnaissance à la Fondation Clément d’avoir permis la mise en œuvre en Martinique de « Pigments », première exposition à tenter une synthèse des forces créatrices à l’œuvre sur le plateau des Guyanes. Les apparentements sont forts entre les Antilles et la Guyane, dans le domaine artistique comme dans les autres, même si les échelles sont différentes et le développement, inégal. A quand, lorsqu’une salle le permettra, une édition en Guyane même ?

Michel Colardelle, Directeur des Affaires culturelles de Guyane

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Guyane, GuyanesUltra périphérique, entre fleuves, rapides et sauts, entre Atlantique et Monts Tumuc Humac, la Guyane est loin d’être une île. Elle est terre de passages, d’errances et de mi-grations, lieu traversé par les hommes, les idées, les œu-vres, les biens et les matériaux. Les relations avec les pays voisins passent par tous les interstices, les layons dans la forêt, immense et singulier espace de circulation ; les fleuves Maroni à l’ouest et Oyapock à l’est, cours d’eau qui ont toujours été voies de passages davantage que frontières. Espace de transactions millénaires des femmes, de regrou-pements familiaux mais aussi de résistances et d’exactions guerrières, le territoire, espace géologique cohérent – le « bouclier guyanais » des géologues - [1], se manifeste aujourd’hui comme une résultante vivace de cette géo-graphie commune. Il affirme, en tous lieux, un engagement pour la reconnaissance des origines. La mémoire des racines partagées sur un même sol est une forme majeure de la construction de l’art. Ce dénominateur commun aux diffé-rentes communautés du Plateau des Guyanes a modifié le propos de l’exposition consacré initialement à la Guyane. Il a semblé nécessaire d’élargir le propos afin de mettre en lumière ce point focal. L’exposition est ainsi devenue « les Guyanes » à travers une sélection de 32 artistes dont les créations plastiques témoignent à la fois de l’emprise, de l’empreinte et de l’emprunt de cette vaste zone. Une marque indélébile, un style, une marque originelle. L’espace est pré-gnant. La forêt représente 90% de la surface du territoire. Petite par les chiffres de sa population, la Guyane est, on le sait peu, de loin la plus grande région de France (1/6ème de la superficie de l’hexagone). Ses habitants sont en majorité des jeunes : 50% ont moins de 25 ans. L’immensité des aires protégées a fait de ces pays des espaces qui hésitent, dans un double désir, entre maintien des traditions (demande, en Guyane, d’inscription du maraké sur la liste de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO) et « mo-dernité ». Ces facteurs « objectifs » dessinent les contours et définissent l’espace possible pour la création. Le temps est prégnant tout autant. En Guyane, l’histoire a apporté une suite, sans solution de continuité, d’amertumes et de souffrances dans la chair et dans les âmes, atteignant à la fois la dignité et l’intégrité physique jusqu’à l’extermination ; colonisation, traite et esclavage à quoi succèdent orpaillage et colonie pénitentiaire. La départementalisation, fondée

sur le principe de l’assimilation, a coupé bien des racines natives et originelles. Plus largement, sur le plateau des Guyanes, s’est développée une forme d’art qui s’écrit et se crie parfois « révolte », « résistance ». Ces œuvres militantes nous parlent sans déclamation. Elles ne se situent pas dans la violence démonstrative. Ni négatives ni réactives. Elles sont énoncé clair et limpide, bien au-delà des fragmentations culturelles de l’Occident en races et histoires. Elles sont dénonciation à caractère universel et manifestent une juste revendication de respect des droits de l’Homme. Efficientes et jamais gratuites, elles imposent les nécessaires prises en compte par la conscience collective et individuelle d’un dépassement de l’ethnocentrisme. Les critères de la culture « savante » des modèles élitaires, normes et hors normes actuelles des capitales culturelles occidentales, sont mis à mal ; la création aux prises avec des référents ancrés dans le temps long et un espace relativement « vide », une his-toire à digérer, est ici restée sciemment à l’écart des grands courants artistiques actuels. Elle poursuit d’autres enjeux en assumant l’héritage. Les traces d’un passé ancien ou très récent, inscrites dans les œuvres, entremêlent en nos lieux les particularismes locaux, le populaire, les codes esthétiques relevant des modes de penser et d’être au monde spécifi-ques, holistiques (par exemple le chamanisme), les légitimant et les assumant tant comme sujet que comme objet d’art. Ainsi, les artistes restent-ils fondamentalement marqués par ce désir de retour aux sources des cultures amérindiennes, bushinengué et africaines. L’art de la résistance, incarné par celui des Noirs Marrons12, devient paradigme et posture. Les créations amérindiennes s’arc-boutant sur les éléments les plus ancestraux sont élan et vitalité, sources d’influences ou plutôt de confluences des flux contemporains. Il ne s’agit pas d’un folklorisme exotique équatorial et nostalgique mais d’un creuset. Comme dans bien des régions du monde, le melting pot des Guyanes est un milieu fertile. Certains artistes ont étudié en métropole, voyagé, exposé à l’étranger, d’autres sont venus du Suriname en Guyane lors de la guerre civile, d’autres encore se sont appuyés sur leur connaissance du registre décoratif et symbolique « traditionnel » pour une réappropriation et une réinterprétation de ses systèmes picturaux ou sculptés. La variété des parcours personnels renvoie à la diversité native. L’art photographique émerge en Guyane avec des jeunes talents. Dans le nord-est du Brésil (Para), on remarque une forte orientation vers la défense et la sauvegarde du patrimoine tant matériel qu’immatériel de l’Amazonie et de ses habitants. Les arts vidéo, utilisant les média les plus sophistiqués, mettent en évidence la valeur et

l’extrême fragilité des racines. Les artistes du Suriname, for-tement traumatisés tant par les violences de la guerre civile (1986-1992) et particulièrement le massacre de Moïwana que par la destruction programmée de l’environnement -orpaillage et déforestation- participent de ce courant par d’autres moyens plastiques : expression surréaliste dadaïste, toiles psychédéliques ou installations monumentales iden-titaires qui s’inscrivent souvent dans le paysage naturel ou urbain. L’art du tembé est aux quatre coins de Paramaribo et de Moengo.

La Cuverie où prend place Pigments 1 s’articule autour de deux grands axes, l’espace et le temps, de part et d’autre d’une frontière symbolique, chemin allant de la figure de la mort, Lan Mo, à celle du Caribbean Soldier, figure du Tout-Monde ; ce soldat armé d’un boulet monte la garde. Pigments 1 présente des œuvres du Plateau des Guyanes inscrites aux confluences d’une forêt dont le vert formate le regard, le paysage, l’absence d’horizon et d’une histoire qui déroule le fil rouge de la tragédie. Un espace et un ensemble cohé-rents. Un monde. A dessein, la scénographie renforce les thématiques. L’espace vaste, dilaté des territoires amazo-niens, est rendu tangible par un grand dépouillement et par le choix du vide ; des œuvres de grand format à l’image de ces écosystèmes font éprouver visuellement la vastitude de l’espace amazonien. En opposition, la partie, relative à l’histoire est surchargée, étouffante, dans le but d’induire et provoquer un sentiment d’oppression. En contrepoint de l’idée répandue d’un territoire de l’oralité et d’une absence d’écriture, des œuvres emblématiques portant traces écri-tes et envahies de graphies en tout genre parcourent tout le dispositif. Témoignage de la place fondamentale de la conceptualisation dans la création des origines à nos jours. La Case à Lucie où se prolonge l’exposition avec Pigments 2 traite de la relation « nature/culture ». L’exposition engage une confrontation entre une symbiose passée et une dys-biose13 à l’œuvre. Le concept de « territoire » (Pigment 1) marqué par le géopolitique, le temps et l’histoire devant mener à celui de « lieu », espace ouvert au-delà des barriè-res conventionnelles. L’Amazonie étant un lieu commun, un bien commun, tous les artistes, peu ou prou, l’ont l’intégrée à leur répertoire. La mise en cause de la destruction de la forêt et de ses habitants est leitmotiv et, au même titre que la dénonciation de l’histoire coloniale et de l’esclavage, elle est en elle-même matière à peindre, à filmer, à créer. Le discours plastique est frontal. Froid, sec, factuel. La place donnée à la représentation de l’humain est primordiale.

Elle suggère chez le spectateur ainsi pris à partie un possible dialogue, un face à face, visage contre visage, les yeux dans les yeux, au-delà des questions linguistiques, qui interroge sur les responsabilités. Nous ne pourrons plus jamais dire que nous ne savions pas. Le dernier espace, Pigments 3, installé dans les Chais, prolonge la relation en rapprochant l’artiste du visiteur. Certains artistes ont accepté de se mettre eux- mêmes en exposition à travers de courts vidéo-autoportraits. Les Guyanes, territoire tant et tant blessé, dont la margina-lisation économique s’est finalement transmuée en atout, a préservé, comme ses voisines, la vigueur et l’intelligence des racines. Loin de la globalisation, de la mondialisation, les œuvres témoignent d’une « mondialité » au sens de Glissant, d’un « Tout-Monde » mosaïque vivace car alimentées de fleu-ves puissants et d’effluves de la terre, de la volonté opiniâtre d’être dans le prolongement jusqu’à la canopée. Elles sont la signature d’un cheminement accompli qui transcende la question des identités premières, sans jamais les renier.

Colette Foissey, commissaire.

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L’art contemporain du Suriname > de l’unité dans la diversité

Un développement accéléré de la création artistique au Suriname caractérise ces dernières années. Certains artistes se sont formés à l’extérieur du pays dans des structures dédiées de niveau international en Jamaïque (Edna Manley College for Visual and Performing Arts) ou aux Pays Bas (Rijksacademie). Des expositions d’envergure ont changé définitivement le paysage artistique tel « Wakaman » en 2009 et « Paramaribo SPAN » en 2010. Les infrastructures se sont adaptées à ce nouveau paysage (une galerie pro-fessionnelle, un nouvel espace d’exposition à Paramaribo, la critique d’art dans les médias et la réalisation d’un mu-sée à Moengo). De plus en plus d’artistes sont exposés à l’étranger. Mais, certainement, le facteur le plus important réside dans la conscience assumée, la fierté de sa culture et l’attention portée aux cultures proches tant géographi-quement que spirituellement. L’art se libère des canons et des règles des modèles coloniaux. Les artistes participant à cette exposition sont les représentants de cet autre Suriname. Dans ses peintures, dessins et installations, Marcel Pinas (1971) fait renaître la culture, en partie perdue, de son lieu de naissance. Cette démarche est à l’œuvre autant dans son travail personnel que sur tout le site de Moengo où il a créé des conditions favorables à l’émergence des talents des jeunes Noirs Marrons. Marcel Pinas leur permet ainsi de développer leurs capacités créatives et leur offre l’opportunité de gagner leur vie. Cet artiste a fondé le Tembé Art Studio, installé des œuvres dans un parc de sculptures et lancé la réalisation du Musée d’art Contemporain ainsi qu’un programme de résidence d’artiste ; il organise des manifestations culturelles qui attirent un grand public. Dans ses installations, George Struikelblok (1973) dénonce les injustices sociales qui l’obsèdent. Il marque, lui aussi, un vif intérêt pour les cultures révélant d’autres sociétés. Dans « Les Derniers Mots » (2009), il inscrit des mots en diffé-rentes langues sur un miroir suspendu au plafond ; ils sont ceux du deuil et expriment la tristesse de la perte de l’être aimé, douleur universelle dans toutes les cultures. Dans ce travail, comme dans d’autres, le miroir symbolise la réflexion (le reflet intérieur/la pensée). Cependant, ces peintures res-tent optimistes et sont une représentation de l’amour. Dans des couleurs brillantes et éclatantes, des formes étranges manifestent ce sentiment vital. Dhiradj Ramsamoedj (1984), le plus jeune, est à la fois peintre, dessinateur, créateur d’installations et interprète de ses propres performances. Il arrive que tous ces éléments soient réunis dans certaines créations. Son installation « Adjie Gilas » (2010), est un hommage à sa grand-mère mais aussi un hommage à la

culture hindustani. Ailleurs, il exprime le mystérieux, l’élusif de l’humanité révélé dans le multiculturel en transforma-tion incessante. Kurt Nahar (1972) affirme son engagement politique. Il utilise collages, copies, assemblages et instal-lations pour dénoncer des injustices au Suriname tels les meurtres de Décembre de 1982 ou les exportations massi-ves des ressources naturelles. Il ne cherche pas à séduire le « regardeur » par des procédés esthétisants. Il va droit au but par des moyens efficaces. « Souvenez-vous » (2012), est composé d’un vieux téléphone mural muni d’un rétroviseur14. Cet objet est une œuvre réellement « parlante ». Le son du tocsin qui résonne dans l’écouteur martèle la mémoire des quinze hommes assassinés en 1982. Le son perpétuel des cloches a aussi, tel un réveil téléphonique, la fonction de ne pas laisser s’endormir les consciences sous les draps de l’histoire. Sri Irodikromo (1972) privilégie, elle, l’esthétique afin de signifier la richesse et la variété de la culture surina-mienne. Elle travaille la peinture appliquée sur des textiles. Sa technique combine l’héritage et le contemporain (par exemple dans la technique du batik). Dans son utilisation de la couleur, le rouge, l’orange et le jaune dominent, souvent en opposition à leurs couleurs complémentaires. Les femmes sont également un thème important de sa recherche plasti-que. Aussi grandes que puissent être les différences entre eux, les artistes sont, chacun à leur manière, des révélateurs et emblèmes d’une prise de conscience autonome de soi que leur pays prend de plus en plus.

Rob Perrée, historien d’art

Brésil, les yeux chlorophyles

Aborder l’art contemporain du nord du Brésil nécessite une double contextualisation à la fois dans les dynamiques artis-tiques propres à tout le pays et dans celles communes aux artistes du plateau des Guyanes et de l’Amazonie. Ce n’est pas un hasard si l’artiste Armando Queiroz, chef de file de la création artistique contemporain paraense (de l’état du Para dont la capitale est Belém) est régulièrement invité à la Biennale de Sao Paulo. Au travers des œuvres sélection-nées se dessinent les préoccupations communes à tous les artistes du plateau, elles tournent autour d’une figure cen-trale, incontournable : l’Amazonie. Des artistes explorent et interprètent ses formes d’expression végétales et animales, comme Roberta Carvalho ou Patrick Pardini, d’autres comme Armando Queiroz ou Luciana Magno interrogent inlassable-ment les peuples qui l’habitent et leurs modes de vies éco-anthropologiques confrontés à l’avènement brutal au Brésil de la société de consommation mondialisée.

David Redon, commissaire-adjoint de l’exposition

La Cuverie où prend place Pigments 1 s’articule autour de deux grands axes de part et d’autre d’une frontière symbolique entre la figure de la mort et celle d’une figure du Tout monde qui monte la garde : l’espace et le temps. La création sur le Plateau des Guyanes est aux confluences d’une forêt dont la prégnance formate le regard et d’une histoire qui déroule le fil rouge de la tragédie.

A dessein, la scénographie renforce les thématiques. L’espace vaste, dilaté des territoires amazoniens est rendu tangible par un grand dépouillement et par le choix du vide ; des œuvres de très grands formats à l’image des éléments naturels occupants ces systèmes font éprouver visuellement la vastitude de l’espace amazonien. En opposition, la partie relative à l’histoire est surchargée, étouffante dans le but d’induire et provoquer une impression et un sentiment d’oppression.

Pigment 1 > Espaces/Territoires/Histoires

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Patrick Pardini (Brésil), Sans titre, photographie, série Arborescence,1999

Territoires > Racines15

Cette section esquisse les relations profondes, parfois sou-terraines, entre l’art contemporain et ses sources. « Racines » ouvre l’exposition. Cette entrée en matière végétale dans l’exposition, métaphore grand format de la croissance et de la vigueur des créations plastiques qui prennent naissance et croissance par les réseaux et ramifications tentaculaires met en scène les linéaments spatio-temporels qui vascularisent nature et culture. Qui sont artères et fleuves.

Patrick Pardini > Sans titre, série Arborescence

C’est une des œuvres emblématiques de la grande série « Arborescence » de Patrick Pardini, artiste franco brésilien qui vit et travaille à Belém (Brésil) depuis 1981. Les photographies ont été réalisées en Amazonie brésilienne entre 1999 et 2003. Ces Racines, chevelu labyrinthique inversé, sont synecdoque de la rain forest. En image surimposée, elles retracent les cheminements des hommes, leurs errances et leurs itinérances. La quête vitale du lointain. L’objectif de Patrick Pardini est de rendre sensibles les phénomènes d’anthropisation, de domestication et d’acculturation de l’arbre tant dans la forêt amazonienne que dans les terres agricoles ou dans les villes. A travers les figures-portraits de l’arbre toujours en noir et blanc, l’artiste instaure une appréhension nouvelle du végétal. Comme vu pour la première fois. CF

La torche de résine

portée à bras d’hommeouvrant la marchedans la nuit du marronnagen’a jamais cesséà direvraid’êtrece flambeautransmis d’âge en âgeet que chacunse fit fort de rallumeren souvenir de tant et tant de souvenirs.

Poème inédit de Léon-Gontran Damas, épitaphe sur sa tombe18.

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L’art du tembé22 > art de vivre ensembleLibi makandi.Le tembé, polychrome ou laissé au naturel, est à la fois le répertoire décoratif et l’objet décoré. On distingue généra-lement le Ferfi tembé (le tembé peint) d’autres demeurant plus traditionnellement fidèles aux techniques de la sculp-ture, le Koti tembé.L’organisation du tracé n’est pas sans rappeler le « paral-lélisme asymétrique24» ou encore la « symétrie asymétri-que » propre à créer une impression dynamique perturbante entraînant le regard dans un jeu de piste improbable. Le tembé man25, se joue des codes « classiques » qui privi-légient les formes strictes de l’axialité. S’agit-il d’une pure abstraction ?

Un pur décorLes compositions géométriques sont réalisées avec le com-pas, la hache, la pointe sèche, la scie, la règle, le couteau. L’outil induisant en partie le dessin, doit-on parler de dé-terminisme technologique ? Peintes ou gravées sur bois, elles revêtent la forme d’entrelacs, rubans réguliers qui vont ondoyant et ondulant, allant s’entrecroisant dessus dessous. Elles rappellent l’art de la vannerie ou celui du tissage.L’emplacement du décor n’est pas aléatoire. Il est présent sur de multiples objets de la vie quotidienne mais les mani-festations les plus spectaculaires se trouvent sur les objets emblématiques du groupe : sur les bancs dont la forme et l’usage fixent les hiérarchies. Sur les zones « dangereuses » de passage et de transition du dehors au dedans, sur la terre ou sur les eaux ; le triangle faîtier et la porte de la maison ; la tête de pirogue, la pagaie.

De longs chemins : layons, itinéraires d’évasions26

Art non seulement décoratif et de plus en plus prisé par les touristes, le tembé est, dès l’origine, un art militant.

Les arts traditionnels sources d’inspiration, fabriquent de contemporains métissages. Art marron et art amérindien témoignent par le geste créatif à la fois du milieu naturel pour le support (bois) et pour les couleurs (pigments naturels minéraux et végétaux : pemba, rocou, noir de fumée…) et du milieu culturel pour les sujets. L’art du marronage, de la fuite, de la fugue19 et de la liberté est une expression vivace qui marque la zone d’influence des communautés bushinengué. Les manifestations de l’art des Amérindiens « des grands bois20 » tels les ciels de case ren-voient aux mythes fondateurs. Ces formes artistiques parfois considérées comme unique reflet de la tradition et de la collectivité sont réduites à des produits de l’artisanat. Mais polysémiques et s’appuyant sur une large vision de l’histoire elles méritent une relecture car elles débordent amplement le statut de témoignages ou documents « ethniques21 ».

Pour Marc Perroud, matérialisation des «paroles des premiers temps, les récits du « Lowe ten », le tembé est indissociable de la révolte des esclaves de l’ancienne Guyane hollandaise. Les rubans sont analysés comme la transposition plastique des voies ouvertes dans la forêt amazonienne, des routes empruntées ou des culs de sacs. Les entrelacs peuvent être lus comme les racines et les branches qui zèbrent les sols de la forêt, scandant le parcours du fuyard, de l’évadé. Cartogra-phie chromatique d’un lieu, le tembé est illustration possible d’un tracé marqueur du passage et de la transmission à l’autre : « marques du secret, marques du combat. Premiers savoir-faire de la clandestinité. La trace des mouvements et des luttes de libération sur les murs des factories, dans la poussière des plantations. La tradition orale nous dit que tout a commencé par quelques traits furtivement tracés sur le sol ; la marque du Marron en puissance qui prépare sa fuite en complicité ou organise déjà celle des autres. Signes de reconnaissance et déjà indications ; mises en garde ; invites ; messages codés, discrets, secrets, ritualisés27».Sur–écrits, assemblages de motifs divers, tels les patchworks réalisés par les femmes et encodés puisqu’ils véhiculent des messages de sagesse souvent inscrits au revers, ils sont aussi parfois « présents d’amour » et, comme tels, sont des objets où l’investissement temporel pour la réalisation est signifiant de la qualité et de la force du sentiment éprouvé (peignes, battoirs à linge, ustensiles de cuisine, plateau à vanner).

D’autres auteurs, s’appuyant sur l’observation ethnologique, considèrent l’art du tembé, « art total » en ce qu’il concerne la quasi-totalité des supports possibles, compris le corps, la chevelure etc., est essentiellement une marque d’un désir permanent et profond de « faire beau », une préoccupation esthétique systématique qui trouve son fondement principal dans un système de rapports sociaux fondé sur l’équilibre symbolique des échanges28.

L’évolution et le contact ont entraîné un changement de sens ; le tableau peint sur bois ou sur toile est apparu ; le mo-tif et l’objet sont devenus autonomes. Ce type de tembé est essentiellement réalisé par les Saramaka sur le littoral guya-nais, zone d’échanges commerciaux. L’art tembé passe du symbolique fonctionnel au touristique « art d’aéroport ».Plusieurs artistes guyanais sont devenus, à la suite de Lamo-raille, des maîtres du tembé. Franky Amete (responsable de l’atelier Boni de l’association Libi Na Wan à Kourou), Antoine Dinguiou et Sawanie Pinas. CF

Les ciels de case > art amérindien

« La forêt vierge n’existe pas. Elle n’est autre qu’une forêt dans laquelle l’homme occidental ne se sent pas bien. Cet univers est univers d’abondance pour ceux-là seuls qui en connaissent les moindres arcanes » Françoise Grenand, Amérindiens des grands bois : Wayana, Wayampi, Teko in Plumes amérindiennes, Guyane, don Dr. Marcel Heckenroth, sous la direction de Mariane Pourtal Sourrieu, MAAO, Marseille, 2012, p. 70

Ils rendent sensible le respect et la relation symbiotique unissant les premiers habitants de l’Amazonie avec leur milieu originel.

Ces trois ciels de case, maluwana, ont été réalisés selon la tradition et les savoir-faire amérindiens grâce à l’Association Gadépam ; ils sont exceptionnellement signés.

Les connaissances liées aux maluwana et à la construction du tukusipan, le carbet circulaire qui les abrite sont parta-gées par les Wayana et les Apalai. Ils sont « territoire et savoir communs de deux sociétés30 ». Le tukusipan, lieu de rassemblement et de partage, est dédié aux pratiques rituelles et cérémonielles. Ces deux éléments sont indisso-ciables l’un de l’autre. Tous les villages wayana possèdent un tukusipan avec un ciel de case ; il sont un signe distinctif et un marqueur identitaire.

Le ciel de case est métaphoriquement et visuellement clef de voûte d’un dispositif social irradiant sur tous les membres, tel un point d’orgue, placé au sommet intérieur de la voûte, enchâssé en haut du pilier central du carbet communautaire. Cet espace est en général construit lui aussi sur un plan circulaire. La forme du carbet a pu être interprétée comme celle de l’habitat de la guêpe. C’est dans le Tukusipan que se déroule une partie des rites du maraké31.

Antoine Lamoraille - Collection Mama Bobi (De gauche à droite en partant du haut)Saint-Laurent du Maroni, Guyane1 - Go da yu kon yu sa membre sa yu si/Va reviens et souviens toi de ce que tu as vu, Tembé peint (ferfi tembé), acrylique sur contreplaqué, 62 x 43 cm, 20012 - Gado a e tan bun ma na fu wakti dede/Dieu il va bien mais c’est en attendant la mort, Tembé peint (ferfi tembé), acrylique sur contreplaqué, 62 x 43 cm, 20013 - Busi abi yesi/La forêt a des oreilles, Tembé peint (ferfi tembé), acrylique sur contreplaqué, 62 x 43 cm, 20014 - Mi na fu soro mi na fu watra ma mi ati dipi/Je suis de la Terre je suis de l’Eau mais mon cœur est profond, Tembé peint (ferfi tembé), acrylique sur contrepla-qué, 62 x 43 cm, 2001

Minesteli Ananuman [Association Gadepam]Antecum Pata, Haut Maroni, GuyaneCiel de case Wayana – Maluwana (détail)pigments naturels sur bois, 2012

Anïmawale Opoya [Association Gadepam]

Antecum Pata, Haut Maroni, GuyaneCiel de case Wayana – Maluwana (détail)pigments naturels sur bois, 2012

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Elément décoratif majeur dominant l’espace architectural le plus représentatif de la communauté, il lui revient une fonction symbolique très forte. Cette position extrême lui fait jouer un rôle de relais entre le sol et le ciel. La présence fréquente de nombreux petits points blancs sur le fond noir du disque n’est pas sans évoquer la voûte céleste et son cortège stellaire. Représentatif de la pensée et de l’iden-tité du groupe sur lequel il préside, disque emblématique et prophylactique, inscrit dans l’architecture un discours où l’homme est sous la protection de la nature et des esprits qui la peuplent. Le maluwana est l’élément phare d’un dis-positif plus vaste incluant un système de pensée fondé sur l’imposition de codes guidant la vie de l’individu appartenant au groupe social. Il participe d’un système d’interdits et de transgressions.

Il est porteur de nombreux signes liés aux croyances et à la mythologie, aux légendes fondatrices. La circonférence marquée par des décors triangulaires, figure les épines du fromager d’où provient le disque. Les animaux « irréels » circulent en cercles concentriques et sont remplis de mo-tifs géométriques à base de droites. Ces êtres vivants sont particulièrement dangereux pour l’homme. Ils appartiennent à un bestiaire fantastique de monstres terrestres et aquati-ques : makwatili, chenilles réputées carnivores et agressives ; mulokot vivant dans l’eau dont on ne peut même prononcer le nom. Les regarder sur le disque installé dans le carbet peut entrainer la chute du ciel de case et la dévoration du regardeur. Ce sont les hommes âgés qui, traditionnellement, avaient en charge la réalisation du maluwana ; les animaux représentés pouvaient perturber la grossesse et même en-traîner la mort. Les femmes n’avaient pas le droit de le regarder même pendant sa fabrication.

Aujourd’hui ce sont les jeunes qui les fabriquent. La tradi-tion du maluwana se trouve tant au Brésil, en Guyane qu’au Suriname. Mais les finalités sont devenues commerciales et le ciel de case n’est plus lié au carbet. Il n’a donc plus de trou central pour y fixer un poteau. La fonction a changé. Ses dimensions ont diminué et de nouvelles formes se sont imposées (en général, zoomorphes). Des non Amérindiens commencent à en produire pour la vente. Les motifs, eux, sont restés relativement stables.

Une des plus belles synthèses de l’art du maluwana et de l’art tembé est « Roots » œuvres de Sri Irodikromo, exposée entre les tembé et les ciels. CF

« L’écrivain-militant se fait historien parce qu’il croit avoir la compétence quasi exclusive et la mission de révéler la mémoire vraie. « Notre histoire (ou nos histoires) n’est pas accessible aux historiens. Leur méthodologie ne leur donne accès qu’à la chronique coloniale. Notre chronique est des-sous les dates, dessous les faits répertoriés : Nous sommes paroles sous l’écriture. Seule la connaissance romanesque, la connaissance littéraire, bref la connaissance artistique, pourra nous déceler, nous percevoir, nous ramener évanescents aux réanimations de la conscience »J. Bernabe, P. Chamoiseau, R. Confiant32, Eloge de la Créolité, Paris, Gallimard, 1989

Territoires > Signes

Frontière > Lan Mo

AKFAKA and so onFoisonnement du geste graphique : l’utilisation de l’alphabet Afaka et des idéogrammes et traces d’écriture qui sont écriture de la trace. Il est question dans ces œuvres de faire mémoire, celle des dominés. Et nous revient en mémoire le texte « écrire en pays dominé33 ».

L’alphabet afaka a été, dit-on, inventé en 1910 par un noir marron comme moyen de communiquer entre soi, excluant, geôlier, tortionnaires et étrangers à la communauté. C’est un acte fondateur. La communauté se donne une identité par l’emblème de la langue. Ces codes graphiques, langage qui exclut le non initié, portent revendication de l’ancrage. Readytex Art Galerye dans une culture originelle.

Tony Riga > Lan Mo

La figuration monumentale de la mort, « Lan Mo », est une création de Tony Riga pour Natural Tribal39. Cette apparition tricéphale, guide peut être nos regards dans les trois directions du temps –passé, présent, futur- nous indiquant l’omniprésence de la mort. Le fil de la mort relie inexorable le territoire et son histoire. Lan Mo aux ailes démesurées, image de la faucheuse, est représen-tation tutélaire, dominatrice et maîtresse du Temps. Elle promène en laisse deux tatous. L’utilisation de palmes et la structure même de ce costume de l’effroi sont des réinterprétations libres des costumes cérémoniaux des communautés « premières ». Les crânes ont été réali-sés par moulage sur des simples masques en plastique vendus lors du carnaval, dérision suprême de l’éphémère. Figures incontestées de la vitalité créatrice, les « mas-ques » de carnaval disent le profond ; la vertu cathartique de la fête joyeuse fait passer le non-dit à l’expression et à l’existence. CF

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Trois fleuves16

trois fleuves coulenttrois fleuves coulent dans mes veines.Léon-Gontran Damas, BlackLabel17

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Les œuvres de quatre artistes (John Lie A Fo, Marcel Pinas, George Struikelblock, Sri Irodikromo) ont en commun d’inscrire des graphies plus ou moins importantes - discrètes chez Struikelblock, incontournables chez Pinas et John Lie A Fo -, sujet même de l’œuvre chez Sri Irodikromo. Ces signes sont paroles, chuchotements ou cris. Ils relèvent et révèlent l’identité. Comme sur un corps le tatouage. Ils sont le texte de la peinture et sa signature.

Ces quatre artistes sont surinamais. Comme la plupart, ils vont étudier en Europe et plus particulièrement aux Pays Bas. L’autre grande source d’influence est Jamaïcaine. Marcel Pinas, George Struikelblock en assument les apports. Leur art est fortement marqué par ces voyages et années d’apprentissage. Une ouverture aux courants plastiques contemporains, fenêtre sur le monde, se lit dans le traitement et dans le sujet. Il est d’autant plus remarquable d’insister sur la place des signes « originels » qui fondent leurs œuvres et sur le désir partagé d’un retour au pays natal.

John Lie A Fo > Afaka’son

Dans les années 70, la visite des collections du Tropen Museum d’Amsterdam est révélation pour John Lie A Fo. C’est là qu’il découvre l’écriture Afaka. Il ne va plus cesser d’en utiliser les signes, les réinitialiser, les réinventer plasti-quement comme porte-forme et porte-parole. Il s’empare de ces signes très graphiques et en fera la structure de bien des œuvres. Le code secret inventé pour communiquer entre initiés perdure comme tel. Seuls ceux qui savent pourront les voir dans les tableaux de John.Deux photographies de sa femme Maria explicitent en partie sa démarche. Le corps est surligné d’encre. John lit-il dans la morphologie de l’être tant aimé des lignes de forces ou bien décrypte-t-il les formes pour les assujettir à la contrainte des signes de l’alphabet Afaka ?

Ses parents sont originaires de Chine, mais aussi de Java ; il est lui aussi issu de trois fleuves qui coulent dans sa peinture. La culture amérindienne et noir marron s’y sur-imprime. La réaffirmation de ces signes, tout au long de l’œuvre, est la trame du tissu de chaque toile.

Permanence : John signe ses œuvres avec un tampon rouge en afaka. Idéogrammes à l’allure asiatique. John a plaisir à se nommer avec beaucoup de malice dans les yeux « le vieux Chinois ».

Marcel Pinas > Afaka Kondé

La série Afaka Kondé (2008) de Pinas prend le signe Afaka comme seul sujet. Les lettres Afaka jetées au centre, vont se propageant. Dissémination. Traceur du passé, « marqueur de paroles », Marcel le revendique : « Je me focalise sur les N’dyuka parce que je suis un descendant des N’dyuka du Suriname ». Marcel prend souvent comme motif -au double sens du terme- l’affirmation de cette identité par des élé-ments de l’art tembé et par des signes Afaka. Son art est un manifeste politique, social, et écologique : les cultures des origines sont riches de sagesse34. « A travers mon art, je lutte pour une renaissance de la culture marronne »35. En réalité, il ne reste pas focalisé sur son unique culture. L’instal-lation « kokulampus » (lampes à huile populaires au Suriname) allume les lampes des autres cultures, aussi bien. CF« Dans Afaka Kondé, Marcel Pinas, rend hommage à ces ancêtres noirs marrons qui ont développé l’écriture Afaka comme un langage secret il y a de nombreuses années. Cette écriture aurait été inventée au début du 20ème siècle par le noir marron Afaka Atoemoesie. On prétend que l’auteur a été inspiré par un rêve. L’écriture est formée de 56 syllabes. Elle a servi de support de communication entre les membres de la communauté N’dyukas installés le long des rives du Tapanahony, fleuve situé à l’est du Suriname. Encore, dans les années 20, les missionnaire essayaient de l’utiliser pour christianiser des N’dyukas. De nos jours cette écriture est rarement utilisée. Seulement un petit groupe de communautés, descendants des N’dyukas, la connait encore et la comprend. Marcel Pinas pense que l’Afaka est héritage essentiel des Marrons, et qu’il mérite d’être préservé pour les futures générations. Pour maintenir ce patrimoine, l’artiste l’a inscrit sur ses toiles. » Readytex Art Galery

Sri Irodikromo > Roots

Le titre de son œuvre « Roots » n’est pas une métaphore. La toile est parsemée de racines végétales et culturelles. De techniques dites mixtes, elle fait une culture et rend un hom-mage à son père et à ses origines indonésiennes. Sri est une chercheuse en arts. Elle expérimente. Elle trouve. Dans son laboratoire pictural, elle élabore des compositions à partir de la cire, base du travail du batik dont elle veut conserver le savoir. La cire est aussi posée sur le batik comme élément traçant des formes aléatoires en surface. Des couleurs acryli-ques en camaïeu de carmin et fuchsia sont recouvertes de

broderies. L’œuvre monumentale de Sri Irodikromo « Roots » est une résultante de l’accumulation en plans successifs, de la superposition de strates, de l’inscription de signes empilés. Roots ou l’archéologie de la mémoire, somme tous les signes-racines du territoire : dessins et lettres, bois et coton, broderies et coutures qui relient et renouent les fils, déchirures et taches inscrites sur le fond rouge, carmin, sang. Le rouge n’est pas une couleur neutre ni seulement éclatante. L’artiste nous rappelle que c’est la couleur végé-tale des graines de roucou utilisées par les Amérindiens pour habiller et protéger le corps par ses vertus thérapeutiques et esthétiques. Il renvoie aux coutumes des rituels ingiwinti37, dialogue spirituel dont les sources sont les religions afri-caines ancrées dans les mentalités amérindiennes. Cette œuvre, définie par Sri comme un maluwana est hybride par essence. Elle mêle tous les signes, les emmêle et les tisse tous ensemble. CF

Sri explicite cette œuvre : « les signes, les symboles et l’écri-ture ancienne m’ont depuis toujours fascinés et je m’en sers beaucoup dans mes œuvres. « Roots » a été le commencement de tout. Œuvre fondatrice, elle a été une source d’inspiration pour tous mes autres tableaux et toiles. Dans « Roots », tout est réuni sur un Maluwana (ciel de case). […]. Sur ce ciel, on trouve des créatures des temps anciens comme la chenille à deux têtes et encore bien d’autres animaux, l’histoire de la communauté, les liens entre les hommes, les esprits et la Nature ; tous ces dessins sont peints dans des couleurs vives.

Le mot d’ordre est donné par Marcel « kibri a kulturu », préserver sa culture.

Du haut vers le bas :John Lie A Fo (Guyane)Afaka writing –toe, photo et dessin, 30 x 40 cm, 1977

Marcel Pinas (Suriname)Afaka kondé, technique mixte sur papier, 100x70 cm, 2008

Sri Irodikromo (Suriname) Roots, batik, cire d’abeille, racines de ficus, 250x195 cm, 2006

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Dans mon Maluwana, j’ai combiné les symboles des différents ethnies de façon décorative pour ne plus former qu’une en-tité …parce que tous ensemble, nous vivons dans ce beau pays qui est Le Suriname. Les nombreuses couleurs et mo-dèles sont appliquées sur la toile avec le procédé du batik. Je couds un grand nombre de racines aériennes d’arbres de la forêt ; elles représentent notre héritage. Elles sont aussi les veines dans lesquelles coulent nos sangs mêlés ».

Sri nous « traduit » et légende les signes récurrents de Roots, son maluwana dans un schéma explicatif38.Vlechtwerk inheems : vannerie amérindienneHoutsnede marron : gravure sur bois des MarronsAfaka marron : écriture marronBeschildering op aarde potten inheems : peinture sur les poteries amérindiennesSpintol : fuseau qui permet le filage du coton« Kluwaja » tweekoppige draak inheems : chenille à deux têtes des Amérindiens

Sari motief hindustaans : motif des saris indiensSchildpad inheems : tortue des AmérindiensDjaran Kepang javaans : cheval plat indonésienRotstekening inheems : peintures rupestres

Georges Struikelblock > Flowers of love

« Flowers » est un grand format vertical dont des couleurs en un certain désordre assemblé s’offrent en un bouquet d’éclaboussures joyeux. Le cerne noir délimite la plage chro-matique. Les signes ne sont pas immédiatement visibles, traces graphiques perdues dans l’immensité de la toile.

Avec un peu d’attention, on peut distinguer les premières lettres de l’alphabet latin. On les retrouvera sur la quasi-totalité de l’œuvre peint de l’artiste tout comme les premiers chiffres de la numéra-tion arabe, manière incantatoire, éternel retour du même, de l’ordre du balbutiement, des premières lettres comme les premiers mots.

Ces lettres et chiffres, écrits en noir inscrivent la recherche toujours recommencée des origines de la parole, du langage, de la filia-tion. La perte du père, douleur envahissante est sublimée par l’expression plastique. George marque son territoire mental qui est celui de l’absence, peut être aussi celui de l’en-fance, par un débordement de l’énergie vitale dans laquelle la relation amoureuse est salvatrice. CF

Georges StruikelblokFlower of loveacrylique sur toile,158 x 172 cm, 2009

Georges Struikelblock, TogethernessChaise en bois peinte,54 x 80 x 52 cm, 2011

TogethernessCette simple chaise d’écolier, graffée et taggée permet à George Struikelblock de s’approprier picturalement les objets les plus banals du quotidien. L’environnement familier, le mobilier domestique est réduit à une seule chaise ; elle est vide. Le titre « Ensemble » en est d’autant plus évocateur.

L’histoire fait face au territoire avec « Traces-mémoires ». Elles cheminent serrées et condensées, concentrées et compulsives pour donner à sentir les convulsions de l’histoire, du temps. Les expôts ont pour fonction de mettre en évidence des témoignages matériels à valeur d’universaux de l’histoire des hommes au-delà de l’histoire d’ici : l’enfermement, l’exil, la résistance, la révolte, la mise en souvenirs de la mémoire collective.

Histoires > Traces/Mémoires

« Ô corps aiméLes ténèbres repêchéesÔ nuditéEncore drapée de véritéÔ femmes en pleursLes yeux couverts de malheursÔ femmes en larmesÔ corps trempés

Drapés de pluie comme linceulTous mortsEt moi saufIls pavent les marchesDes siècles noirsTous mortsEt moi saufTous mortsPour toiPour moi »Pour moins souffrir, oui, je veux me dire, l’entendre dire :«Tous mortsEt moi sauf».De grâce, prenez bien soin de vous!En amitié, toujours.Jerry René-Corail40

Sri Irodikromo, schéma explicatif, Roots, 2013

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René Jerry Corail > 17 panneaux sur vélin et encres végétales

La nature intervient comme support et comme matière au travers de l’ensemble de l’œuvre de l’artiste plasticien et poète, fils de Khokho, Jerry René-Corail (1960-2006). Ses œuvres sont des combinaisons de sculpture, d’installations, de photographies, d’actions engageant le corps physique-ment dans le paysage, sa démarche s’apparente à des in-terventions in situ.Rocou, résine komaté, génipa..., les pigments naturels s’al-lient dans la création aux quatre éléments, terre, air, eau, feu. Ainsi des « 17 format bambou » nés de la récolte quotidienne des éléments de la nature nécessaires à leur fabrication. Une série en hommage au règne végétal et animal ; varaitions à l’infini, via les motifs du palmier et de l’oiseau, au travers des nuances chromatiques d’un seul pigment, le génipa. Corail aimait à raconter qu’il obtenait ce pigment à partir d’un palmier grâce à des connaissances acquises des savoirs amérindiens. Le chiffre 17 revient au hasard des supports et correspond au nombre de jours que l’auteur passa dans le coma suite à un accident.David Redon

George Struikelblock > Last words

La mort a toujours été au centre de la création de George Struikelblock. La mort du père avant la naissance de l’artiste, la non-rencontre et le fait même de n’avoir pas pu vivre la perte et le deuil sont au fondement de sa création.

Cette œuvre a vu le jour à une période où George Struikel-block travaillait activement sur les différentes coutumes et usages marquant le deuil ; il s’est interrogé sur les pratiques relevant du respect envers les morts. En chaque être, se trouvent de multiples souvenirs de personnes proches. En chacun de nous, la culture guide des manières spécifiques de vivre la séparation, l’adieu et ses expressions verbales. Readytex Art Galery

« En plongeant dans les histoires du bagne, j’ai trouvé tous les héroïsmes, toutes les dignités, toutes les ferveurs, mais aussi toutes les inhumanités, les dénis agresseurs, le comble des souffrances et des indignités, l’absolu des couRea-dytex Art Galeryes et des faiblesses, un concentré hallucinant de ce qui fait l’homme : déflagrations d’ombres et de lumières, de lumières dans l’ombre et d’ombres qui éclairent. Le tout aurait pu à jamais s’effacer. Mais la mémoire des hommes qui étaient passés là, qui avaient souffert là, s’est mystérieusement maintenue. Des usures de cet affronte-ment est né le plus étonnant des patrimoines de l’humanité. » Patrick Chamoiseau41

Jean-Luc de Laguarigue, (Martnique), Bagne, photographies, Bagne, Saint-Laurent du Maroni (Guyane), 2011

< Jean-Luc de Laguarigue, Graffitis laissés par des passants, Bagne de l’île Royale, photographie. Îles du Salut, Guyane, 2011

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Xavier Fricaudet > Mémoires sensibles/Mémoires de l’Autre (1870 – 1950)

Méconnus, isolés, oubliés, peu publiés ou rarement exposés, les documents photographiques qui ont pour trait d’union la Guyane émergent peu à peu des fonds d’archives, rayon-nages, registres et autres cartons. Des ilots retracent ainsi par l’image une histoire de ce territoire et des hommes qui l’ont occupé. Les frontières de ce nouveau continent se dessinent, des grands ensembles, des reliefs se profilent et permettent de donner à la cartographie historique une mise au point jusque-là imprécise.Que l’on cherche à faire la lumière et s’orienter dans cet abysse historique et c’est tout un pan du XIXème siècle qui sort des flots. Jules Crevaux et d’autres savants explorateurs ont tôt compris l’intérêt de la photographie pour documenter les zones laissées vierges sur les cartes de leurs prédéces-seurs. Et de donner à leurs contemporains réunis à Paris en sociétés savantes une preuve par l’image des arguments qu’ils échafaudaient. Les sciences de l’Homme, l’ethnologie et l’anthropologie sont alors naissantes et trouvent en la machinerie photographique une vérité que le dessin n’offrait plus. Scientifique, le photographe scrute son sujet avec dis-tance, le fixe en le faisant poser devant ses lourds objectifs. Pourtant, avec le temps patiemment accumulé depuis, des particules de poésie croissent au cœur de ces images.1892. Paris, capitale trépidante en ce 19ème finissant ar-chive, conserve, collecte, étudie, classe les documents en provenance de son empire et « accueille » le monde dans ses fameuses expositions universelles. La photographie, consi-dérée alors comme fois image et réalité à la fois, alimente albums, catalogues et collections muséales. Elle fournit aussi aux théoriciens évolutionnistes et colonialistes les argu-ments et le fondement des thèses raciales. Dans la foule des regards sur l’Autre, l’instrument photographique se réduit à des visées de catégorisation de spécimens humains. L’opé-rateur peut n’être qu’un habile agitateur de produits et un fin manipulateur d’appareils. Et ne disposer ses modèles que

dans des vues face/profil. De cette volonté de tri et avec ce début de systématisation, perlent ici et là un regard plus appuyé, une posture, un éclairage qui font glisser ces images vers l’œuvre et estompent ainsi les intentions premières.Avant tout outil de reproduction, instrument d’objectivation, reflet inaltérable dans les mains d’hommes aux démarches diverses, l’image photographique a longtemps été mise à l’écart du soupçon quant à la neutralité de sa fonction illus-tratrice. Seul le caractère de l’opérateur, son renom don-naient à ses images leur intérêt historique malgré leurs indé-niables qualités esthétiques. Que l’on songe à Jean Galmot, à sa flamboyance et à son intrépide activité dans les placers guyanais. Ses images brutes, prises à l’emporte-pièce, aux noirs et gris fort contrastés évoquent si justement l’uni-vers clos des chercheurs d’or. A tel point qu’elles se parent aujourd’hui d’un éclat qu’elles ne possédaient pas.Présences au monde d’une réalité absente ou lointaine, les épreuves photographiques gardent les traces et la mémoire des faits qu’elles illustrent. Œuvres involontaires, anonymes, ces portraits de bagnards ont été capturées par des fonc-tionnaires, administrateurs du bagne qui, loin du zèle facile de la propagande, s’éloignent de l’exotisme et du prosély-tisme en vogue. Œuvres sans auteur, elles sont pour autant des témoignages convaincants de l’atrocité de la politique pénitentiaire. Avec proximité et mise à distance à la fois, ces portraits fantomatiques transgressent le temps et font figure d’apparitions. Documentaire, ethnographique, scienti-fique et historique, l’imagerie photographique s’est déplacé des boîtes d’archives aux cimaises, modifiant son statut de document à celui d’œuvre. C’est en admirant celles Jean Marcel Hurault – géographe à l’IGN - que l’on perçoit le plus clairement ce mouvement d’ampleur. La mise à distance se réduit, la sensibilité du regard porté grandit, la personne se superpose au spécimen. L’intelligence et la bienveillance s’allient pour révéler et aussi mieux comprendre cet Autre, partie de moi.

Xavier Fricaudet

Nos manières d’appréhender l’histoire sont fortement influencées par les images des livres d’histoire, devenues illustra-tions avec légendes. Afin d’interroger les images de notre mémoire, une place particulière est consacrée à la démarche des voyageurs, ethnographes, explorateurs, géographes. Quelles traces durables laissent-ils de leurs périples ? Témoi-gnages à la fois de leur passage mais surtout de leur « vision » des hommes et des lieux, leurs « clichés » deviennent des lieux communs en induisant nos lectures, nos exotismes, nos peurs et nos hantises, le beau, le banal. La photogra-phie « documentaire » formate nos regards et nous lisons les territoires avec les yeux d’autrui.

Pierre Verger, au plus près du sujet

Autour de Pierre Verger, la jeune photographie contempo-raine instaurera de nouvelles relations au sujet et à l’objet de la prise de vue.

L’œuvre photographique de Pierre Verger (1902-1996) est aujourd’hui reconnue mondialement, tant pour ses qualités esthétiques qu’ethnographiques. A l’image du travail de Edward Sheriff Curtis sur les nations indiennes d’Amérique du Nord, elle reste une tentative encore inégalée d’embras-ser ce que l’anthropologue Roger Bastide avait nommé les « Amériques noires ».

Le voyage au Suriname de Pierre Verger en 1948 constitue sans aucun doute une étape cruciale dans le déclenche-ment de sa « vocation » afro-américaine. Il y rencontre les populations N’dyukas, descendants des fugitifs et rebelles victorieux contre l’ordre colonial esclavagiste hollandais, alors considérées, selon les termes de l’époque, comme les « peuples les plus africains et primitifs » de toutes les Améri-ques42. Inédites pour la majorité d’entre elles43, ses photogra-phies renvoient à des enjeux multiples, au croisement entre

l’histoire, l’anthropologie et les liens qu’entretiennent ces deux disciplines avec la photographie. Les quelques jours qu’il passe avec l’anthropologue Alfred Métraux dans le village de Wanhati et ses alentours, entre le 29 mai et le 7 juin 1948, vont permettre à Pierre Verger, dans une cinquantaine de clichés, de mettre au jour un témoignage inégalé sur la vie quotidienne des populations N’dyukas. Il capture sur sa pelli-cule des scènes de vie qui n’avaient jamais été documentées auparavant par un artiste photographe : chaîne de fabrication des galettes de farine de manioc, habitat, scènes de jeu et de danses, culte de possession du Kromanti, jardinage, pêche, sculpture du bois, tambour, chaleur et joie de la vie familiale et collective… Les photographies de Verger sont très loin des représentations cinématographiques stéréo-typées et caricaturales de Saramakas, N’dyukas et Matawaï alors proposées par Hollywood ou les magazines de voyage sensationnalistes au monde entier44. Ce témoignage est aujourd’hui d’autant plus important que la « guerre civile » du Suriname (1986-1992) a amené l’armée nationale de Dersi Bouterse à dévaster complètement la région, dont le village de Wanhati, provoquant l’exil de quelques 10 000 Ndyuka vers la Guyane Française. Comme le souligne l’anthropologue américain Richard Price, « dans ce contexte de guerre et

Pierre Verger 1902-1996 (Brésil), Portrait de Malonti Wanhatti, Suriname, Photographie, 1948 Pierre Verger, Wanhatti Wanhatti, Suriname, Photographie, 1948

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de destruction, les images des N’dyukas du Cottica prises par Pierre Verger constituent un précieux témoignage d’un monde passé aujourd’hui disparu – saisissant dans toute leur dignité, des hommes, des femmes et des enfants en train de mener leurs activités quotidiennes ou de célébrer leurs obias et leurs dieux.45 ». Même si elles sont peu connues dans l’œuvre de Verger, les photographies prises au Suriname illustrent parfaitement le travail réalisé par le photogra-phe sur les questions afro-américaines, le Suriname - et de façon plus général les Guyanes - se trouvant au cœur des Amériques noires, au centre d’un triangle constitué par l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et les Antilles. En s’intéressant aux N’dyukas du Suriname, Verger a su im-mortaliser la richesse de leur culture tout en l’inscrivant

dans une réflexion globale sur ce qu’il nommera plus tard « les flux et reflux » des relations entre l’Afrique et les Amé-riques Noires chères à Roger Bastide. Dans cet Atlantique Noir46, l’expérience surinamaise de Verger lui permet d’explo-rer la notion de « survivance anachronique » et de comparer les manifestations cultuelles observées au Suriname avec celles qu’il va ensuite découvrir dans le Vaudou, la Santeria, la Regla de Ocha en Haïti ou à Cuba. David Rebon

Katia Clamaran > Village Saramaca

Quatre clichés extraits d’un travail photo entrepris en 2007 sur le « village Saramaca » de Kourou. Ces scènes de genre évoquent l’évolution des modes de vies bushinengués im-mortalisés par Pierre Verger ou Jean-Marcel Hurault. Elles rappellent l’histoire des migrations de travail sur les villes du littorale, ici, initialement pour construire le Centre Spatial Guyanais, puis leur sédentarisation, loin de l’habitat tradition-nel, dans une forme urbaine d’abord informelle, hésitante, vacillante, faite des restes de la ville légale. Entre deux cases insalubres bientôt rasées, un enfant surgit. DR

Philippe Roger, jusqu’à l’intimité, l’impudique, l’épiderme

Il décrit son parcours : « c’est de l’errance et par les voya-ges qu’est venue pour moi la passion de la photographie. L’image m’a toujours paru supérieure aux mots pour partager l’émotion solitaire mais je ne sais pas vraiment pourquoi ce besoin s’est construit. Je sais que je ne photographie pas pour témoigner, rapporter la « réalité », figer l’instant ou retenir le temps qui passe, mais plutôt pour lui donner une forme et donner à voir ce qui me touche dans un paysage, un regard, une lumière, une simple texture parfois... ». Les six portraits d’épidermes correspondent à un changement dans la manière de se saisir du sujet : au plus près, sans re-touche. Les sujets sont abordés sous le signe des extrêmes, à l’image de la Guyane qui porte les cicatrices de l’histoire, les traces sur la peau sont les stigmates et l’inscription de l’identité. La photographie décrit et décrypte l’histoire, s’en saisit, sans décors et sans décorum : nue. La violence urbaine latente du quartier Nobel ou de la cité « Lumière » transpire de ses portraits au scalpel, rappelant au spectateur l’envers du décor de la mirifique « ville spatiale » de Kourou. CF

Les Guyanais (vidéo)

« … colonisationcivilisationassimilationet la suite… »

Ce projet représente une tentative. Celle de répondre à cette question, aux perspectives incertaines: « Qui sommes-nous aujourd’hui, Guyanais du début du XXIème siècle ? »Pour ce faire, Karl Joseph nous entraîne au cœur d’une épo-pée photographique dont il nous livre ici l’étonnant constat visuel. Tel un puzzle, ses clichés dessinent la singulière et polymorphe identité guyanaise de ce début de siècle, fixant dans chaque photo les contours de notre Mémoire.Avec « Les Guyanais », le photographe entend participer au-delà des communautés et du temps à la construction d’un champ visuel dans lequel se trouverait cette identité guyanaise aux formes multiples. Dans son errance, il nous emporte à la rencontre d’une Guyane plurielle, issue de la rencontre de tant de cultures. Ces photos correspondent chez lui à une farouche envie de documenter le présent, à la lumière de sa sensibilité, afin de conserver des traces d’un aujourd’hui qui deviendra inéluctablement notre passé. Les clichés tentent de capturer l’air du temps et de rendre compte au mieux de la réalité. Pour Karl Joseph, le specta-teur n’est pas uniquement son contemporain. Il tente à tra-vers l’outil photographique d’apporter des informations sur l’époque photographiée. Il enregistre des traces susceptibles d’être vues plus tard. Les photographies nous sont tendues, tel un miroir, proposant de refléter ce que nous sommes.Le projet « Les Guyanais » répond aussi à son propre besoin de réexaminer son identité. Qui fait écho à toutes celles qu’il a croisées. Il fait, lui aussi, partie du puzzle.Muriel Guaveïa47

Un long couloir sans issue, cale de bateau négrier au plancher fait de lames de bois usées et tachées, oblige le passager à longer l’immense fresque « Déportations » de Fabrice Loval. La toile telle une voile de bateau déroule ses histoires de marches forcées et de traites, de progressions et régres-sions. Les signes épars, comme sur l’œuvre de Sri Irodikromo, maculent le parcours de références s’abreuvant à toutes les sources des différentes populations des Guyanes. L’archéo-logie, fouille et recherche des signes premiers. Elle est, pour Fabrice Loval, une source d’inspiration et un répertoire de motifs. Les tracés peints cernés de carmin des personnages

Katia Clamaran (Guyane)

Sans titre, Photographies. Série Village Saramaca, Kourou

Sans titre, Photographies. Série Village Saramaca, Kourou

Philippe Roger (Guyane) Sans faille, Photographie. Série épidermes, Kourou, 2010

Philippe Roger (Guyane) Fragile, Photographie. Série épidermes, Kourou, 2011

Philippe Roger (Guyane) Fragile, Phota Karl Joseph, Sète, Guyane, Sans titre, Photographie. Série Les Guyanais, Diaporama ographie. Série épidermes, Kourou, 2011

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et des signes de « Déportations » tirent un trait d’union avec l’art préhistorique. Les fonds très travaillés de multiples couches et coutures du temps donnent l’impression de ren-trer dans une grotte ornée, une caverne aux parois murales intactes. Sept figures « Les Errants » en linceul, échappées du tableau, marquées au feutre noir de signes amérindiens, gesticulent et dansent dans des renfoncements de la grotte-bateau. Fabrice Loval est sculpteur de formation. Il travaillait la pierre avant son arrivée en Guyane. La chatoyance des paysages (le vert est sa couleur préférée) et le manque de matériaux à sculpter, l’ont tourné vers la peinture. Homme des voyages lui-même, il a retiré d’un passage en Thaïlande le goût pour les figures découpées après avoir fait l’acqui-sition de marionnettes en cuir. Il en apprécie la capacité à porter des ombres dans l’espace mais aussi dans le temps en leur donnant place dans son vocabulaire intérieur. Les sept figures d’Errants, âmes à la recherche d’un reposoir ultime, sont des figures découpées aux ciseaux dans le blanc de la toile laissée vierge. Seuls y sont inscrits les signes amérindiens, tracés en noir telles les peintures corporel-les, les tatouages ou les scarifications. Marionnettes elles aussi, elles sont manipulées par des destins ou des hasards. Ces œuvres concomitantes et en dialogue les unes avec les autres disent les exils toujours forcés et les retours à la terre natale improbables. CF

Lestés lourdement d’un passé lointain et d’un présent tout proche, les artistes sont partie prenante, ont des partis pris et s’engagent. Leurs œuvres s’affichent, subjectifs té-moignages, témoignent de l’ici maintenant (guerre civile du Suriname, séisme en Haïti…) mais aussi du partout et toujours.

John Lie A Fo > Espace politique

Sur la guerre civile du Suriname, John Lie A Fo produit toute une série de gravures et de toiles, telle « The fall of lady

justice » présentée ici. Les autres productions traitent du coup d’état militaire et des tReadytex Art Galeryiques évènements qui se sont déroulés à Fort Zeelandia, où l’artiste est d’ailleurs le pre-mier à exposer de l’Afaka. Après un court exil aux Pays Bas, John revient vivre en Guyane Française avec toute sa famille. Lors de la

guerre civile (1986-1992), John, définitivement installé en Guyane, est le spectateur impuissant de la guérilla qui ravage son pays. En 1986, des familles sont massacrées dans le village de Moïwana, en pays Ndjuka, près de la rivière Cot-tica. Ce crime de guerre, dont le jugement se fait toujours attendre, inspire à John l’une de ses œuvres les plus boule-versantes, le « Cri du Maroni », qui est considéré par l’artiste comme son « Guernica personnel ». Entre 1986 et 1989, ce sont plus de 10 000 réfugiés surinamais, principalement des Ndjukas de Cottica et quelques familles d’amérindiens Kali’na qui viennent s’installer dans l’ouest guyanais. La France leur concède le statut de « PPDS », personnes provisoirement déplacées du Suriname, à celui de réfugiés politiques. DR

Jean-Pierre Triveillot est un contestataire pacifique et actif. Artiste polyvalent, peintre, sculpteur, il danse. Il fait aussi de la méditation et pratique le yoga. Vigilant, il maintient sur son lit de fakir une posture militante d’anti- colonialisme de veille. Et, plus largement, d’anti-racisme. La dénoncia-tion des dominations, des abus des uns et des autres, des complicités, des alliances et des indignités qu’il traque à la pointe de ses pinceaux ou de sa gouge fait partie intégrante de son système pictural. Il est un écrivain de salut public, un « Ben de Cayenne ». Ces deux œuvres sont non pas des textes incitant à une quelconque révolution ou un grand soir fantasmé, mais un appel à se tenir droit. Ses tableaux « ardoises » - il faudra bien payer un jour - se résument à l’inscription. Ils sont tracts. Ecrits à la va-vite, inspirés par la fougue du tribun, sur des supports improbables, ici un vieil emballage en carton, là une planche. Qu’importent les matériaux car seule compte pour lui la transmission de son appel à dignité, le passage de témoin. CF

La série de « Quatre Révoltés », deux hommes et deux fem-mes, manifeste l’engagement universel vers l’égalité.

Ces quatre bas-reliefs aux silhouettes expressionnistes, figures d’orants aux cheveux dressés de colère, figures de soldats aux poings levés, ont leur torse tourné vers le spec-tateur. Ils font face. Ils sont nus et sans armes. Ils sont debout. On pourrait presque croire que les femmes dansent tant elles sont dynamiques et élancées. Elles vont sur la pointe des pieds. Les hommes plus trapus, la cambrure des reins très marquée, les muscles sur développés, sont en file indienne. Ils avancent. Mur de courage auquel les femmes prennent éminemment part et à part égale avec les hom-mes. Leçon. CF

En un espace « secret », l’œuvre de Kurt Nahar se présente comme un travail de résistance, d’engagement, de dénoncia-tion. Très influencé par le dadaïsme, Kurt Nahar crée des uni-vers à partir d’objets de la vie quotidienne avec un minimum d’intervention de sa part. Ceux-ci rentrent plus facilement en résonnance avec le spectateur. C’est la finalité de la dé-marche artistique de Kurt, grand agitateur des consciences oublieuses. Interpeller, poser problème, interroger, déstabi-liser. Les œuvres sont dérangeantes : psychologiquement et auditivement. Elles sont à subir, entendre au son du glas,

du tocsin ; elles remémorent les événements tragiques, « les meurtres de décembre » des 7 et 8 décembre au Suriname. Obsessionnel, le timbre du téléphone martèle le chiffre 8 comme un balancier d’une horloge déréglée. Le 8 est aussi le signe de l’infini. CF

Dhiradj Rasmamoendj, Adjie Gilas, 344 mugs

L’incorporation individuelle de l’histoire, de la grande Histoire en histoire familiale, sa transmutation en souve-nirs personnels, est l’œuvre de Dirhadj Rasmamoendj. 344 mugs à l’effigie de sa grand-mère Adjie Gildas racontent la vie d’une femme engagée forcée dans les plantations. Des portraits d’elle au pochoir, peints en noir, couleur du deuil, individualisent et rendent unique chacun des mugs en alu-minium50 ; ils répètent à qui veut, l’écho 344 fois prononcé de l’absence. CF

« L’installation Adjie Gildas a été réalisée en hommage à la grand-mère de l’artiste. Elle consiste en une accumulation de 344 mugs d’aluminium. Ils étaient, à l’origine, posés ré-gulièrement sur des étagères de bois fixées aux murs d’une chambre particulière dans la maison de Adjie. Ces mugs étaient une source de petits revenus car Adjie les louaient parfois. En 2010, l’installation des 340 mugs a été présentée pour la première fois lors de l’exposition « Paramaribo SPAN » grâce au mécénat de la Surinaamse Bank (DSB) ; la grand-mère de Dhiradj Rasmamoendj était alors en vie. L’artiste a souhaité rajouter un nouveau mug à chaque nouvelle année de la vie d’Adjie. A présent, le nombre des mugs s’élève à 344. Il est définitif. L’œuvre a également été présentée à l’exposition « Paramaribo Perspectives » (TENT Rotterdam) aux Pays-Bas en 2011. Cette installation peut être montée et adaptée dans tout espace selon les contraintes du lieu. » Readytex Art Galery

John Lie A Fo, (Guyane), Le cri du Maroni (détail), acrylique sur toile, 122 x 184 cm, 1986

Dhiradj Ramsamoedj (Suriname), Adjie Gilas, installation de 344 mugs, 2010 (détail)

Ci-dessus - du haut vers le bas, de gauche à droite Kurt Nahar,

Final countdown installation, 15 x 85 cm, 2010 (détail)Remember, installation, téléphone et installation sonore, 2012Fort Bomika, installation, bois brûlé et flotté et téléphone, 85 x 80 cm, 2009

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Armando Queiroz (Brésil), Coletivo (Farinha) – Objeto relacional 1997

La conclusion « sans titre » laisse le visiteur libre de terminer à sa guise le parcours. Deux petites chambres se succèdent. La première est presque vide. Seulement un bol de couac et cinq cuillères. Du plafond descend un balbutiement, comp-tine, berceuse fReadytex Art Galeryile, œuvre d’Orlando Maneschy. L’autre chambre est remplie de figurines, jouets d’enfants retravaillés –réenchantés- par Victorine.

Conclusion > Sans-titre

Le métissage brésilien est fait de multiples racines : Amérin-diens autochtones, Africains, Portugais. Puis, des migrants du monde entier sont venus se joindre à eux : autres Euro-péens, Asiatiques, Juifs, Arabes… L’habitude de la diver-sité et la tradition de l’accueil ont créé les conditions d’une grande ouverture des esprits sur l’altérité et pour les Brési-liens le partage est la première et l’ultime solution. Armando Queiroz nous offre cette nourriture traditionnelle sur toute l’aire des Guyane : le couac52. Cinq cuillères sont distribuées sur le pourtour du bol pour un possible repas commun. CF

TOYS TOL+54 STORY

La chambre, est tapissée de 157 objets collectés par Patrick Lacaisse pour Chercheurs d’Art. Elle est peuplée de tous les souvenirs possibles d’enfants, de tous les visages aimés ou à aimer, de toutes les couleurs. Ces figurines, peluches et miniatures d’engins en plastiques, nounours et poupées, entretiennent des relations de connivences, des similitudes ou des dissemblances.Cette grand-mère, à l’âge de 80 ans, a orné pendant plu-sieurs années des jouets usagés provenant de la grande dis-tribution et témoignages vulgaires de la société de consom-mation mondialisée. Victorine a utilisé chacun des jouets patiemment collecté comme support de sa ré inscription dans la société amérindienne. Elle les a marqués d’une nou-velle identité, une seconde vie, avec des attributs textiles, les transformant en œuvres kali’na par de nombreux ajouts envahissants et multicolores « les ornements de franges et de pompons de laine sont un des éléments importants de la décoration du costume masculin ou féminin portés lors des cérémonies ». Cette grand-mère habite avec sa famille dans la cité ghetto « Zananas » à Mana. Victorine ou comment de la marge, rentrer dans son milieu. CF

Patrick Lacaisse, cheville ouvrière de l’Association Cher-cheurs d’art nous raconte sa rencontre avec Victorine et les jouets :« D’habitude, les deux compères de la cité Ananas m’appor-taient des mangues, des coulans, des œufs, et d’autres jours, des noix de coco, des papayes. Ce jour-là, au fond du sac, il y avait quatre peluches habillées, festonnées, pomponnées. Un zèbre, avec un vêtement crocheté, des colliers de perles tor-sadés et des pompons ; un bel assortiment jaune, rose, vert. Une maman zèbre je crois. Il y avait encore, dans le sac, la poule en plastique qui pond des œufs en sucre, habillée d’un saya frangé en laine. Rouge, jaune, rose, blanc et vert.Ils m’ont dit que c’était la grand-mère qui faisait ça, pour s’amuser. Alors j’ai demandé si elle pouvait m’en faire d’autres. Ils ont bien ri ! Nous sommes en 2003 et ont suivi jusqu’à ce jour saki Satan et caïmans, tigres, bèf, chiens, crabes, chevaux, dragons, canards, crapauds, une termite (le plus gros de tous), l’opossum, la rainette. Une faune invraisemblable, recomposée, articulée, interprétée, agen-cée. Un autre monde, une vision. Victorine François s’est toujours beaucoup amusée à cet ouvrage. Les petits-en-fants, les arrière-petits-enfants sont son premier public, les pourvoyeurs de jouets, les dénicheurs d’objets. Ils l’accom-pagnent régulièrement jusqu’à la maison, pour livrer la pro-duction. L’émerveillement, les rires à chaque déballage !Victorine, un père Noël. Il y a eu encore les Père Noël et les humains : le blanc au nez crochu, la Chinoise, le garçon chinois, la sorcière, le nain, la femme noire. Des Amérin-diens : l’Indien Tchoto du grand sud guyanais, tout rouge, avec ses petits accrochés dans le dos, la belle Kali’na, le chaman, l’Indien blanc et son pumali. La poupée Cheyenne des plaines, Pocahontas n’échappent pas à la transforma-tion, sont ré habillées, maquillées et deviennent des Kali’na. Les amis Jean-Michel et Katia, ethnologue et conserva-trice du musée sont tombés sous le charme et ont réalisé

« La créolisation est la mise en contact de plusieurs cultures ou au moins de plusieurs éléments de cultures distinctes, dans un endroit du monde, avec pour résultante une donnée nouvelle, totalement imprévisible par rapport à la somme ou à la simple synthèse de ces éléments.

On prévoirait ce que donnera un métissage, mais non pas une créolisation. Celle-ci et celui-là, dans l’univers de l’atavique, étaient réputés produire une dilution de l’être, un abâtardissement. Un autre imprévu est que ce préjugé s’efface lentement, même s’il s’obstine dans des lieux immobiles et barricadés ». Glissant51

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< Patrick Lacaisse (Guyane)La chambre de Victorine, Installation de 157 jouets d’enfantstransformés avec ajouts de pompons et rubans, socles divers et vidéo, 2012

le film « ... Les trucs que grand-mère ». La caméra tournait entre les mains des enfants. Et puis quand Che55 a monté « Histoires de Naturels » au Château de Saint Auvent, dans le Limousin, pour commémorer le tricentenaire de la naissance de Linné et Buffon, on a bien sûr réservé la meilleure place à Toys Tol+, la grande salle de réception. On s’est dit qu’il fallait là aussi kali’naliser les lieux. Les grands rhinocéros bleus de l’artiste Châtelain, dans le parc, ont été emplumés, maquillés, festonnés, emperlés... Dans cette expo, qui indi-quait comment les peuples d’Amazonie organisent le monde animal et humain, Victorine se déployait à côté des éminents naturalistes du XVIIIe siècle.

Les jouets ont retrouvé leur boîte, leurs étiquettes.Ils viennent de prendre le bateau pour la Martinique.Bonne traversée, bon arrivée et bon accueil !Je dois encore raconter ce départ aux îles à Victorine.Il faudra penser à rapporter des photos.

Merci Victorine ! Patrick Lacaisse pour Chercheurs d’art, Mana, mars 2013

Dhiradj Ramsamoedj, Caribbean Soldier

La dernière œuvre de Pigments I est aussi la première. The Caribbean Soldier de Dirhadj Rasmamoendj veille et garde les sorties et les entrées du territoire, d’un possible « Tout-monde » à construire, fragile par essence, entre les appétits voraces et les appétits « impériaux » et impérieux. La vigi-lance est nécessaire. Plus que jamais.

« Cette œuvre fait partie de la série « Flexible man » ; gran-deur nature, elle est composée essentiellement de morceaux de textiles56 de toutes les couleurs. Un homme porte une chaîne avec un boulet. Symbole clair de la diversité culturelle composant la population du Suriname et des Caraïbes. Le boulet est une arme renvoyant à notre propre force issue de la pluralité. La chaîne est le lien qui nous relie à notre passé. » Readytex Art Galery

Dhiradj Ramsamoedj (Suriname), Caribbean soldier, sculpture, textiles,180 x 90 x 90 cm, 2010

Jean-Michel Beaudet53, Les trucs que grand-mère a faits. Film, 30 min. avec Victorine François, Patrick Lacaisse, Fatima Singh et Katia Kukawka. Mana, Chercheurs d’art, 2007

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La Case à Lucie domine la Cuverie ; placée en haut d’une petite butte. Deux volées d’escaliers y mènent. Une grande galerie couverte la ceint où on s’imagine qu’il doit faire bon le soir.

Deux parties (symbiose57 et dysbiose58) orientent le propos vers un possible dépassement du territoire vers un lieu commun ; un lieu comme un bien commun.

Pigment 2 > Du territoire au lieu

Patrick Pardini > Arborescence

Cinq portraits d’arbres et d’hommes entremêlés ont été sélectionnés dans une très grande série réalisée par Patrick Pardini. Image de la relation fusionnelle du végétal et de l’humain, formes homothétiques -on ne sait ce qui est mem-brures de l’arbre et ce qui est membres des hommes- en une intégration parfaite et involontaire des spectateurs huchés dans les branches. Dans le cadre du projet photographique Arborescence - physionomie du végétal dans le paysage amazonien-, Patrick Pardini a saisi ces scènes biomorphiques dans une rue de Belém, alors que les gens attendaient le

passage de la procession Círio59 de Nazaré60, le deuxième dimanche d’octobre 1999. CF

John ou le messager de la jungle

Qualifié de « messager de la jungle » par les galeristes hollandais, Lie A Fo est,

comme « Lam Métis » ou Jean-Michel Basquiat, l’un de ces

artistes dont l’œuvre ne peut ni se résumer ou se réduire à sa provenance géographique, l’Amazo-nie, ni aux apports évi-dents du mouvement « Cobra » puisés dans la fréquentation des artis-tes belges et flamands lors de sa formation à

Anvers et La Haye. Sa peinture est puissante, parfois vio-lente, en ce qu’elle est véritablement « habitée » par les mythologies amérindiennes et noirs marrons. Par les esprits de la forêt. DR

Fabrice Loval, la grande forêt

Il est en général interdit de toucher aux œuvres dans les musées, dans les expositions, dans les galeries. On ne s’y assied pas. On n’a pas le droit d’y poser les pieds. On ne pose sur les œuvres que le regard et rarement de question. Fabrice Loval induit, par cette installation tridimensionnelle, une attitude particulière chez le visiteur. Il le met en situation, en posture d’éveil et d’éventuelle transgression. Il a posé au sol deux toiles peintes où marcher, prolongation de la forêt verticale qui semble s’accrocher à la canopée. Un tabouret, peint lui aussi, complète l’installation ; proposition à s’assoir et à prendre le temps, comme on le fait peu, de réfléchir. Il invite le corps et l’esprit à entrer dans son œuvre de manière physique. A revisiter les aprioris. A repenser la vision de l’art et de la nature. A se repenser soi-même. CF

Trois regards devant l’infini des couleurs

Trois photographes naturalistes, Thierry Montford, Tanguy Deville et Gwenaël Quenette, présentent ici leurs recherches en « symbiose » avec la biodiversité guyanaise. Le champ de l’ornithologie (l’étude des oiseaux), de l’entomologie (l’étude des insectes), de l’herpétologie (l’étude des amphibiens, et des reptiles) est immense dans la forêt pluviale, les inven-taires des espèces sont loin d’y être terminés. L’oeil averti de photographes professionnels permet d’entrevoir l’univers multiples et colorés que cache le biotope du plateau des Guyanes.

Symbiose >

Patrick Pardini (Brésil), Sans titrePhotographies. Série Arborescence, 1999

John Lie A Fo (Guyane)Fauteuil oiseau, Fauteuil et deux coussins peints, 80 x 70 x 60 cm

Une Saison en Guyane – Collectif de photographes naturalistes Thierry Montford, Tanguy Deville et Gwenaël Quenette Cayenne, Guyane Symbiose : 3 regards devant l’infini des couleurs Photographie/Diaporama

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Patrick Lafrontière > Robes en Spathe Royenta

Ces robes donnent corps à un travail de plusieurs décennies. Faites intégralement à partir des fibres de palmiers royaux61, pal-miers les plus hauts du monde, elles sont une expression végé-tale à mi-chemin entre stylisme et art plastique. La féminisation « sur mesure » du végétal, son mouvement toujours possible par le porter du vêtement, ap-portent une dimension nouvelle brouillant les pistes. Est-ce vêtement ou est-ce tableau animé en trois dimensions. Les usages traditionnels de la fibre

(cordages, liens) mais aussi des usages en tant que textiles ont été identifiés en Afrique, en Asie et au Proche Orient. Compositions d’éléments naturels, les créations sont évoluti-ves. Les couleurs varient avec le temps et le degré d’hygro-métrie. Patrick travaille les fibres selon différents procédés. Aujourd’hui, il les tisse pour en faire de véritables matières à coudre ensemble les savoirs anciens et ses recherches contemporaines. Il expérimente tout en prenant en compte les traditions des tisserands indiens. Il métisse encore ses créations en composants des mariages avec d’autres fibres naturelles (lin et soie)62. CF

Évoquer, convoquer, provoquer > le bestiaire, source d’ins-piration constante chez les artistes visuels de Guyane.

À travers les techniques utilisées pour créer, orner, repré-senter, les artistes évoquent l’animal le convoquent voir le provoquent, en faisant un élément artistique central par-ticulièrement important dans toutes les cultures amérin-diennes. Il serait vain ici d’énoncer rituels et célébrations

élaborés en Amazonie autour de l’entité animale et des mythes qui s’y rapportent (Descola, Schoepf, Beaudet, van Velthem). Les pratiques artistiques concernant les seuls arts visuels permettent une expression variée avec la vannerie et la plumasserie, le perlage, le dessin et la peinture corporelle, la céramique, la sculpture sur bois. Sans s’attarder ici sur les assemblages de pierre des Mitaraka (lézard, tortue) et les pétroglyphes présents un peu partout en Guyane (nom-breuses représentations animales).L’animal est évoqué quand on donne son nom à des motifs de vannerie (écailles de tortue, dards de guêpe, huppes de perdrix, dos de lézard...) ou à des manières de croiser les fibres (jabot d’oiseau) ; le carbet tatou, est ainsi nommé pour sa forme. De nombreux motifs de vannerie représen-tent directement l’animal (chenille, grenouille oiseaux, escar-got...), motifs qu’on retrouve avec les rangs de perles sur les ceintures et bracelets, les colliers, les jupes de cérémonie. Les ciels de case wayana et teko avec Ti’iwan Kusili Maurel, développe un registre animalier remarquable. Les potières amérindiennes, particulièrement les Kali’na, ornent les pots de motifs animaliers surmodelés, mais surtout produisent, à la motte ou au colombin, un bestiaire varié, dans l’idée du pot, pour le simple plaisir de représenter. Les corps des danseurs, des célébrants vont parfois occuper une animalité par les peintures et dessins sur la peau, et par les danses exécutées (danse et chant des grands poissons, danse des oiseaux,...).

En restant dans une dynamique du mythe, on peut dire que l’homme va provoquer l’animal et l’oiseau quand il porte les pa-rures de plumes parfois si importantes et si majestueuses !Ici, le déploiement de bancs zoomorphes monoxyles indique un animal convoqué par le chaman kali’na, à travers le banc mule et l’image de l’animal. Cet esprit auxiliaire, sous la forme du vautour ou du jaguar va aider le praticien à entrer en contact avec le monde des esprits. C’est assis sur de longs caïmans que les postulants aux cérémonies de lever de deuil, vont recevoir les peintures corporelles au premier jour, puis se faire maquiller et parer au deuxième jour. Dans le bas Oyapock, les Palikwene taillent d’immenses poissons-scie de près de 10 m de long pour recevoir les invités aux grandes cérémonies du turé. Ces dernières décennies, les tailleurs de bois amérindiens se sont faits rattraper par les artisans marrons de bords de route qui, dans un premier temps, ont confectionné de petits bibelots souvenirs dans des bois tendres pour les touristes, à l’image du tatou, de la tortue, du caïman. Il y a une vingtaine d’années, avec la vogue des

bois durs et précieux, un bestiaire très inspiré a émergé, taillé dans le moutouchi, l’amourette, le bois serpent, le wacapou, l’amarante. Toute la faune amazonienne est apparue, dans un style dynamique, avec de vraies réussites plastiques. Alors que la figure animale est généralement absente de l’art des Marrons qui s’affirme avant tout dans la sculpture en bas-relief, ces artisans de bords de route, en créant un marché de l’art dynamique, ont repris à leur compte la taille en relief d’un bestiaire de belle dimension jusqu’à réaliser d’imposants bancs zoomorphes, à l’image d’André van Bree qui fait apparaître en majesté tigres et caïmans dans de lourds blocs de Saint Martin rouge. Ces talentueux sculpteurs Nengee réinvestissent les formes d’un bestiaire amérindien en retrouvant aussi, peut-être sans surprise, une stylistique africaine. Patrick Lacaisse pour Chercheurs d’art, Mana, mars 2013.

En écho à la profusion des ressources naturelles auquel ren-voie le bestiaire amazonien, les photographies de David ma-gnifient les gestes et rendent comptent de l’extraordinaire diversité des techniques employées (bijoux, céramiques, corps tresses, ornements, accessoires, céramiques, textiles, vanneries, forge, peintures, bois, sculpture, calebasses, …). Il compose au plus près des corps, des visages et des figures des sujets emportés par le mouvement de la création. On y voit les « artistes-artisans de bord de route » au cœur d’ate-liers eux-mêmes enchâssés dans un environnement forestier

qui apparaît comme une réserve inépuisable de matériaux et d’inspiration. Leurs échoppes apparaissent comme les comptoirs, les avant-postes de la luxuriance de la Nature.

David Damoison, photographe parisien d’origine martini-quaise, raconte au gré de ses clichés l’éternel aller-retour triangulaire des identités créoles entre l’Afrique réinventée, les nouveaux mondes américains et l’Europe. Dans le cadre de la 7ème biennale du marronnage de Matoury en 2010, son « voyage des sens » l’amène pour la première fois à marron-ner sur les chemins de traverse guyanais. Avec « Chercheurs d’Art », association engagée depuis 25 ans à Mana, loin dans l’ouest guyanais, dans la promotion de l’art contemporain par l’évacuation des classements réducteurs qui enferment les artistes et leurs œuvres (arts premiers, arts décoratifs, arts populaires, savants, artisanat, etc...), il travaille à dévoiler « l’art que cache la forêt ».

Ses treize portraits d’artistes en ateliers témoignent de la vitalité des pratiques créatives de la « Route de l’art » qui, dans l’ouest guyanais, le long des routes de Mana, Char-vein, Javouhey, Saint-Laurent, Awala-Yalimapo, au cœur des bourgs, des campoes ou en lisière de forêt concerne plus d’un millier d’œuvres, 150 à 200 artistes et 60 sites

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Chercheurs d’Art (collectifs d’artistes-artisans de bord de route) Mana, Guyane, Bestiaire amazonien, série de 17 bancs zoomorphes en bois sculpté (sélection),1999-2002

David Damoison (Paris, Martinique) Sans titre (1 à 13 - sélection) Photographies. Série de portraits d’artistes-artisans et scènes d’atelier de la « Route de l’art », 2012

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32

« Cet espace de rencontre est, pour reprendre une expression de Michel de Certeau, un « lieu pratiqué », c’est-à-dire un lieu où se déploient des stratégies identitaires. Un espace n’est jamais une donnée ontologique : il existe parce qu’il est dit et investi. De la même manière, un espace de contact n’est pas un simple lieu de croisements et de rencontres heureuses, mais un champ de tension où des stratégies et des forces s’affrontent autour d’une frontière physique ou symbolique. C’est donc un espace relationnel qui met en œuvre des négociations, des stratégies d’appropriation et des postures de résistance. […] Lieux de conflits, les espaces de contact sont aussi, comme le rappelle Homi Bhabha, des espaces de création, des « entre-lieux » de la culture, où se réalisent de nouveaux consensus, de nouvelles pratiques culturelles et de nouvelles identités ». Laurier Turgeon, Patrimoines métissés63.

Huit bâches de KC + vidéo artistes auto portraitsPortraits d’Amérindiens

Dysbiose, espace entièrement noir, est dédié à la mise en scène de la mise à mort des écosystèmes et des hommes habitants ces terres.

Biodiversité > en 30 bocauxUne série de serpents et poissons prélevés lors des travaux d’aménagement du barrage de Petit-Saut (Kourou) par le labo-ratoire Hydréco, flottent dans le formol.

Jean-Pierre Triveillot >Trophée Tête de chevalUne tête de cheval faite à partir d’une souche de man-guier, dont un oeil est peint et l’autre non. Le côté borgne est celui où la racine s’est transformée en crâne. Déchar-née, creuse, morte. Des racines s’échappent du sommet de la tête faisant de l’animal un mutant entre cervidé et équidé. Montée sur un support en forme de blason, la racine est devenue trophée de chasse.

Trois œuvres brésiliennes viennent clore, provisoirement, le propos. Deux vidéos et un portrait ; tous les trois nous regardent fixement.Luciana Magno, Sans titre, Performance, vidéo, 2012Armando Queiroz, Ymá Nhandehetama, Antigamente fomos muitos, vidéo, 2009Orlando Maneschy, In other words, Secret, Performance sonore, 2008

Points d’interrogations.

Dysbiose >

Pigment 3 > Dialogues

1 En référence et en hommage à Léon-Gontran Damas, Pigments/préface de Robert Desnos/bois gravé de Frans Masereel, Paris, G.L.M. Éditeurs, 1937 pour la 1ère édition. OuvReadytex Art Galerye saisi et interdit en 1939 pour atteinte à la sûreté de l’État ; édition définitive, préface de Robert Goffin, dessin hors-texte de Max Pinchinat, Paris, Présence Africaine, 19622 D’après Wikipédia3 La Fondation Pierre Verger conserve la quasi-intégralité de l’œuvre photographique de Pierre Verger composée de 62 000 négatifs et de plus de 8 000 tirages. Pierre Verger classait l’ensemble de ses négatifs selon un ordre géographique (continent - pays - ville - quartier) et parfois thématique lorsqu’il avait une très grande quantité de photos pour un même lieu (le quartier du Pelourinho par exemple). http://www.pierreverger.org/fr/photos/apresentacao.htm4 Seuls les professeurs d’art plastique font aujourd’hui, dans le cadre scolaire, une initiation des jeunes, et c’est à leur dévouement et à leur compétence que l’on doit l’éveil de nouvelles vocations5 L’Encadrier à Cayenne, dont il faut saluer le couReadytex Art Galerye6 On citera notamment Mama Bobi à Saint-Laurent du Maroni et Apatou et Libi Na Wan à Kourou7 Tel le pionnier, José Legrand8 Précurseur, il avait sous l’impulsion de sa directrice Marie-Paule Jean-Louis, acquis une première collection9 Appelés à fusionner dans un délai de deux ans en une Collectivité unique10 Aujourd’hui la plupart, pour vivre, doivent ou bien travailler en Europe, ou bien faire un autre métier11 FEADER12 Action, pour un esclave, de s’évader ; état d’esclave marron (http://www.cnrtl.fr/definition/marronnage)13 « Un déséquilibre de la flore colique quantitatif et qualitatif perturbant sa propre physiologie et celle de l’organisme qui l’héberge. Le terme de dysbiose fait ressortir le conflit entre les métabolis-mes de ces deux organismes initialement en symbiose » www.labbio.net/docs/fr/dysbiose14 Il a pour fonction de permettre de regarder derrière soi son passé15 « Glissant oppose, on le sait, l’archipel au continent, les sociétés du rhizome à celles de la racine… » Brigitte Dodu, 2011, « Mondialité ou mondialisation ? Le Tout-monde et le Tout-empire », Les Cahiers du GEPE, N°3, Hors champ. Pour le lire : http://www.cahiersdugepe.fr/index1826.php16 Léon-Gontran Damas est né à Cayenne, dernier des cinq enfants de Ernest Damas (1866-?), mulâtre européen-africain, et de Marie Aline (1878-1913), métisse amérindienne-africaine originaire de Martinique17 Léon-Gontran Damas, 1956, « Black Label », Gallimard, Paris 18. Publié dans Ethiopiques n°1519 Dénètem Touam Bona, http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=849920 Françoise Grenand, 2012, « Amérindiens … », op.cit. p.7021 Pour Richard et Sally Price leur renommée est « mondiale » : « les marrons du Surinam et de la Guyane sont renommés dans le monde entier pour leur sculpture sur bois». Richard et Sally Price, 2003, « Les Marrons, Cultures en Guyane », Vents d’ailleurs, Paris, p. 10322 « Tembé vient de ten, le temps et de membe, la conscience » selon Mama Bobi23 « C’est dans la mouvance des idées indépendantistes et anticolonialistes des années 1970 qu’Antoine Aouegui dit Lamoraille, artisan ébéniste et militant syndical fonde le MLB (Mouvement de Libération Boni […] En 1979, Lamoraille est arrêté pour atteinte à la sûreté de l’État. Il est incarcéré à la Santé avec quelques camarades activistes soupçonnés de complot terroriste. Amnistié en 1981, Lamoraille fonde alors plusieurs écoles de Tembé sur le Maroni, et au début des années 1990 le Centre de Formation Mama Bobi » 24 Abdou Sylla, 1987, « Le parallélisme asymétrique dans l’art africain », Ethiopiques n°46-47, Revue trimestrielle de culture négro-africaine, Nlle série, vol. 4 »25 Seuls les hommes ont le droit de fabriquer les tembé26 Ce discours sur la signification « politico historique » est remis en question. Au Suriname, depuis les années 1960, les Noirs-marrons revendiquent la reconnaissance de leurs particularismes et identi-tés afin de se libérer, une seconde fois, du regard colonialiste. En effet, le carcan de l’esclave en fuite, référence passéiste ne correspond plus aux ambitions et aspirations des plus jeunes.27 Catalogue « Le Ferfi Tembé, une collection d’art contemporain pour l’émancipation : Mawina Tembé » transmis gracieusement par l’association Mama Bobi en vue de l’exposition Pigments28 En particulier Sally et Richard Price, « Les Arts des Marrons », Vents d’ailleurs, 2005 (1ère éd. anglaise, 1999), La Roque d’Antheron29 Elle a été la première à signer ses œuvres.30 Mataliwa Kulijaman et Eliane Camargo, 2007, « Kaptëlo, l’origine du ciel de case et du roseau à flèches chez les Wayanas (Guyanes) », Gadepam, CTHS, p. 2031 Rituel initiatique au moment de la puberté ; il marque le passage du jeune homme à l’étape adulte avec entre autres, l’application sur le corps en différents endroits de guêpes et de fourmis, rite dénommé eputop. Ce rituel renforce l’appartenance de l’individu au groupe32 Bernabe J., Chamoiseau P., R. Confiant , 1989, « Eloge de la Créolité », Gallimard, Paris33 Patrick Chamoiseau, 2002, « Ecrire en pays dominé », Gallimard, Paris34 Rob Peree, Alex Van Spripriaan et Christopher Cozier, 2011, « Marcel Pinas, artist, more than an artist », Jap Sam Books, Heijningen35 Entretien de DénitemTouam Bona avec Marcel Pinas, Africultures, www.africultures.com, 31/03/200936 Léon-Gontran Damas, 1952 « Grafitti », republié en 1966, « Névralgies », Paris, Présence Afri-caine, 1966, p. 77

37 « Ingiwinti » se réfère à une série de rituels dans lesquels le winti - la religion syncrétique traditionnelle du Suriname, attirant les croyances et les pratiques de plusieurs peuples de l’Afrique occidentale - adopte et adapte des éléments des peuples amérindiens indigènes. La couleur rouge est traditionnellement portée par les célébrants de rituels ingiwinti. (http://turcanin.wordpress.com/2012/05/14/suriname-back-to-the-roots-the-ingiwinti-project/)38 Réalisé à notre demande39 « Cette association culturelle a pour objet la promotion et l’encouragement à la créativité, essentiellement basée sur l’utilisation de matériaux naturels et de récupération, qui permettront de développer et de présenter les activités du groupe lors de manifestations publiques ou privées. Natural tribal a pour objectif de refaire découvrir la beauté de l‘art primitif et la richesse de la nature amazonienne à travers la confection de costumes, maquillages et accessoires divers inspirés des peuples primitifs océaniens, africains et amériendiens. » http://naturaltribal.objectis.net/40 Jerry Rene-Corail, 2000, « La clef du temps », Ibis Rouge, Cayenne41 Patrick Chamoiseau, 2011 «Traces-mémoires du bagne », in Jean-Luc de Laguarigue, «Bagnes» t amérindiens. » http://naturaltribal.objectis.net/42 Voir à ce sujet le cinéma hollywoodien des années 30 ou la presse brésilienne qui reprend les pho-tographies de Verger en titrant : « la plus primitive de toutes les tribus noires du monde » in Salvador De Bahia, Diario da Noite, 1er décembre 194843 Edition partielle dans l’édition du Diario da Noite, 1er décembre 1948 et dans 50 anos de fotogra-fia, Salvador, 1982, Corrupio.44 Un envoyé très spécial ou Too hot to handle, USA, MGM, 1938, 105 minutes, superproduction réalisé par Jack Conway, avec Clark Gable et Myrna Loy.45 Richard Price, « Pierre Verger, Un pont au-dessus de l’Atlantique », préface, catalogue d’exposi-tion, 22 avril-10 mai 200946 Paul Gilroy,2003, « L’Atlantique Noir. Modernité et double conscience », Kargo, 333 p. [1993, The Black Atlantic. Modernity and double consciousness, Cambridge Harvard University Press]48 Toutes les notices qui suivent ont été rédigées par Readytex Art Galery49 Maurice Rupert Bishop, (29 mai 1944 – 19 octobre 1983), leader révolutionnaire grenadin, a été premier ministre de l’île entre 1979 et 1983.50 « Une bourgeoisie d’affaires, née après la Seconde Guerre mondiale grâce à l’afflux de capitaux étrangers, domine l’économie du Suriname. Celle-ci repose essentiellement sur l’exploitation de la bauxite, qui représente en effet 80 % des exportations et 20 % du produit intérieur brut (PIB). » (http://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Suriname/145552)51 Edouard Glissant, 1997, « Traité du Tout-Monde », Gallimard, Paris52 Semoule ou farine fabriquée à partir de la racine de manioc. En Guyane, le manioc a longtemps constitué la base de l’alimentation, et cela est encore vrai dans les zones rurales (communautés amé-rindiennes, marronnes, créoles et haïtienes) reposant sur les productions de l’abattis. On le trouve sur les marchés sous forme de tubercules pour les variétés douces appelées ici en créole puis français kramangnok (cramanioc), et sous forme transformée (kwak ; couac, kasav cassave, sispa, tapioca, crabio, « pains de pulpe de manioc ») pour les variétés amères (Wikipédia)53 Membre du CREM (Centre de Recherche en Ethnomusicologie) du CNRS, il enseigne depuis 1988 l’ethnomusicologie générale et de l’ethnologie de la danse à l’université de Nanterre ; il a enseigné à l’Université fédérale du Minas Gerais (Brésil) en 2002 et 200354 Toys Tol+ signifie littéralement récits de jouets. Les « toli neti » renvoient aux veillées contées chez les Surinamais55 Che pour Association Chercheurs d’Art56 Divers morceaux de tissu, africains, asiatiques, américains et européens.57 La symbiose est une association intime et durable entre deux organismes hétérospécifiques (appartenant à des espèces différentes), et parfois plus de deux. Les organismes sont qualifiés de symbiotes, ou, plus rarement symbiontes (par utilisation de la traduction de symbiote en Anglais) ; on peut parler plus simplement d’hôtes. Aujourd’hui, la notion de symbiose est restreinte aux asso-ciations à bénéfice mutuel (d’après la définition de Pierre-Joseph van Beneden sur le mutualisme en 1875) et, dans son sens strict, de type obligatoire, les symbiotes ne pouvant survivre séparément ; la notion de « parasitisme » est donc exclue du terme symbiose. (Wikipédia)58 Antonyme de symbiose, utilisé en médecine et plus particulièrement en gastrologie59 L’histoire raconte qu’au début du 18ème siècle, Placido José de Souza, un habitant de la périphérie de Belém, la grande cité amazonienne, trouve une statue de Notre Dame de Nazareth (Nazaré en Portugais) près de la rivière Murucutu. Il l’emporte chez lui, mais le lendemain matin, la statue a disparu. Elle est retournée au bord de la rivière. La scène se reproduit inlassablement jusqu’à ce que Josè entreprenne de bâtir une chapelle sur le lieu où se trouvait la statue. En 1793 a lieu la première procession, de la basilique au palais du gouvernement, pour la célébration d’une messe. Les croyants portent des cierges en cire (cirio). La basilique se trouvait jadis dans la forêt, maintenant elle est au cœur de la ville (Belém) qui s’est développée autour. http://www.mariedenazareth.com/10888.0.html?&L=060 Notre-Dame de Nazareth est la patronne de l’État du Pará, elle est aussi la patronne des naviga-teurs.61 Sur la place des Palmistes, au cœur de Cayenne, il y a des palmiers royaux. Patrick y trouve ses matières premières comme sur le site de Régina62 Pour un commentaire complet voir http://www.une-saison-en-guyane.comfocus-sur-patrick-lafron-tiere-spat-ou-l%E2%80%99expression-vegetale/

< Roberta Carvalho (Brésil), Arte e Natureza N°5, Photographie. Série Symbiosis, 2011 installation art vidéo

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www.fondation-clement.orgwww.facebook.com/fondationclement

Habitation Clément Le François - Martinique Tél. : 05 96 54 75 51

Fondation d’entreprise de GBH, la Fondation Clément mène des actions de mécénat en faveur des arts et du patrimoine culturel dans la Caraïbe. Elle soutient la création contemporaine avec l’organisation d’expositions à l’Habitation Clément, la constitution d’une collection d’œuvres représentatives de la création caribéenne des dernières décennies et la co-édition de monographies sur les artistes martiniquais. Elle gère aussi d’importantes collections documentaires réunissant des archives privées, une bibliothèque sur l’histoire de la Caraïbe et des fonds iconographiques. Enfin, elle contribue à la protection du patrimoine créole avec la mise en valeur de l’architecture traditionnelle.

Catalogue publié par la Fondation Clément à l’occasion de l’exposition Guyanes > Pigmentsdu 29 mars au 12 mai 2013

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isbn : 978-2-919649-07-5