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GRH, Territoire et Traduction, ou la difficile naissance d’une gestion territoriale des ressources humaines Auteur (s) : Ingrid Mazzilli Coordonnées : CERAG, 150 rue de la Chimie, BP. 47, 38040 Grenoble Cedex 9 [email protected] Résumé : Depuis quelques années, on voit se développer des dispositifs de GRH élargis et étendus à plusieurs entreprises à l’échelle d’un espace inter-organisationnel, constituant peu à peu un niveau complémentaire d’action pour la GRH. Quelques travaux récents témoignent de l’intérêt grandissant pour ces questions (Bories- Azeau et Loubès, 2009 ; Beaujolin-Bellet, 2008 ; Colle et al. 2008 ; Raveyre, 2009 ; Xhauflair et Pichault, 2009), engageant de nouvelles réflexions en matière de GRH. L’ancrage théorique permettant de mieux saisir ces nouveaux dispositifs inter-organisationnels reste cependant à consolider. Les pratiques issues du terrain sont encore elles-mêmes en forte évolution. Devant tant d’interrogations face au développement de ces dispositifs, il semble au premier abord, nécessaire de comprendre ce qu’ils recouvrent exactement : à quels besoins répondent-ils, qui sont les acteurs pour les organiser, comment cela peut-il fonctionner, comment les construire,

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GRH, Territoire et Traduction, ou la difficile naissance d’une gestion

territoriale des ressources humaines

Auteur (s) : Ingrid Mazzilli

Coordonnées : CERAG, 150 rue de la Chimie, BP. 47, 38040 Grenoble Cedex 9

[email protected]

Résumé :

Depuis quelques années, on voit se développer des dispositifs de GRH élargis et étendus à

plusieurs entreprises à l’échelle d’un espace inter-organisationnel, constituant peu à peu un

niveau complémentaire d’action pour la GRH.

Quelques travaux récents témoignent de l’intérêt grandissant pour ces questions (Bories-

Azeau et Loubès, 2009 ; Beaujolin-Bellet, 2008 ; Colle et al. 2008 ; Raveyre, 2009 ; Xhauflair

et Pichault, 2009), engageant de nouvelles réflexions en matière de GRH. L’ancrage théorique

permettant de mieux saisir ces nouveaux dispositifs inter-organisationnels reste cependant à

consolider. Les pratiques issues du terrain sont encore elles-mêmes en forte évolution. Devant

tant d’interrogations face au développement de ces dispositifs, il semble au premier abord,

nécessaire de comprendre ce qu’ils recouvrent exactement : à quels besoins répondent-ils, qui

sont les acteurs pour les organiser, comment cela peut-il fonctionner, comment les construire,

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quels en sont les facteurs-clés de succès ? La problématique vise à établir quelles sont les

spécificités du processus de construction d’une instrumentation de GRH territoriale. Il s’agit

de comprendre la construction d’un dispositif de GRH territoriale, grâce aux retours du

premier volet de deux études de cas longitudinales effectuées sur deux territoires distincts. Le

premier cas concerne une action GTRH (gestion territoriale des ressources humaines)

développée au sein d’un pôle de compétitivité ; la seconde est dédiée à l’étude d’un projet

GTRH initié par une Maison de l’Emploi et de la Formation. Dans les deux cas, la

construction de ces dispositifs s’avère plus ardue que prévu par les concepteurs du projet.

Une revue de littérature indiquera dans quelle mesure le territoire peut être envisagé comme

un espace pertinent pour organiser des dispositifs de GRH territoriale. Le cadre d’analyse

fourni par la théorie de la traduction permet de comprendre comment ceux-ci se construisent

(I). Une étude de cas comparative illustrera ainsi quelles sont les spécificités de ces

instrumentations d’un territoire à un autre (II.). Une discussion permettra d’élargir notre

réflexion de manière à orienter nos travaux vers des pistes de recherches à poursuivre (III.).

Mots clefs :

GRH territoriale, théorie de la traduction, Pôle de compétitivité, Maison de l’Emploi et de la

Formation.

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INTRODUCTION :

Depuis quelques années, on voit se développer des dispositifs de GRH élargis au territoire,

étendus à plusieurs entreprises à l’échelle d’un espace géographique et social, et constituant

peu à peu un niveau complémentaire d’action pour la GRH. Un certain nombre de travaux ont

pointé la nécessité de penser la GRH en dehors des frontières de l’organisation et au sein des

réseaux organisationnels (Cadin, 1997 ; Le Boulaire et Leclair, 2003 ; Rorive, 2005). Nous

pensons que la gestion des ressources humaines déployée au niveau d’un réseau local

territorial fait figure d’initiative prometteuse. Mais comment concrétiser une telle ambition ?

Comment s’élabore un dispositif de GRH élargi au territoire ? Nous proposons dans cette

communication de nous atteler à la compréhension de la construction d’un dispositif de GRH

territoriale. Ces dispositifs empruntent des formes variées : partage de salariés, dispositif de

reclassement élargi, parcours professionnels transverses, ou encore GPEC territoriale. Les

structures qui portent ces dispositifs sont, elles aussi, diverses : groupements d’employeurs,

comité de bassin d’emploi, branches professionnelles, Maisons de l’Emploi et de la Formation

ou pôles de compétitivité. Ils peuvent être incorporés dans diverses instrumentations de GRH

inter-organisationnelles : fiches métiers, cartographie des compétences, recensement des

formations, bases de données informatisées, etc. Quelques travaux récents témoignent de

l’intérêt grandissant pour ces questions, mais l’ancrage théorique permettant de mieux saisir

la construction de ces nouveaux dispositifs reste néanmoins à consolider. Les pratiques issues

du terrain sont encore elles-mêmes en fortes évolutions. Au-delà du simple état des lieux, un

besoin de connaître en profondeur les dynamiques d’émergence de ces dispositifs fait donc

sens. La théorie de l’acteur-réseau (ou théorie de la traduction) permet de retracer la logique

de constitution d’un objet socio-technique et nous semble, en ce sens, appropriée à l’étude du

processus de construction de dispositifs de GRH territoriale. Ainsi, notre problématique est la

suivante : quelles sont les spécificités du processus de construction d’une instrumentation de

GRH territoriale ? Afin d’éclairer notre questionnement, nous nous appuierons sur le premier

volet de deux études de cas longitudinales, effectuées sur deux territoires distincts. Le premier

cas concerne une action GTRH (gestion territoriale des ressources humaines), développée au

sein d’un pôle de compétitivité ; la seconde est dédiée à l’étude d’un projet GTRH initié par

une Maison de l’Emploi et de la Formation (MEF). Cette recherche montre que la

concrétisation d’un dispositif de GRH territoriale ne tient pas uniquement au développement

d’outils sophistiqués. Elle tente enfin d’indiquer quelques pistes permettant de caractériser la

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nature des étapes du processus de traduction favorisant l’acheminement d’un dispositif de

GRH territoriale vers sa stabilisation.

La communication sera structurée en trois parties. Une revue de littérature indiquera dans

quelle mesure le territoire peut être envisagé comme un espace pertinent pour organiser des

dispositifs de GRH territoriale. Le cadre d’analyse fourni par la théorie de la traduction

permet de comprendre comment ceux-ci se construisent (I.). Une étude de cas comparative

illustrera ensuite quelles sont les spécificités de ces instrumentations, d’un territoire à un autre

(II.). Une discussion permettra d’élargir notre réflexion de manière à orienter nos travaux vers

des pistes de recherche à poursuivre (III.).

I : LE TERRITOIRE ET LA GRH

Le territoire s’envisage peu à peu comme un espace où l’action peut être organisée (I.1) et

rendant parfois nécessaire le développement d’une GRH élargie au territoire (I.2). Face à la

diversité des dispositifs de GRH territoriale, aux formes, aux contours et aux instrumentations

variés, il s’avère nécessaire d’en saisir le processus de construction (I.3).

I.1 : Un contexte favorable au développement de la GRH territoriale

I.1.1 Le territoire, à la croisée des proximités géographiques et organisées

Les gestionnaires s’inspirent depuis quelques années des travaux issus des recherches menées

dans le champ de l’économie de la proximité (Pecqueur, 2009 ; Lauriol et al. 2008), et

s’approprient à leur tour les notions d’espace et de territoire. Raulet-Croset (2008) propose de

différencier les acceptions du territoire selon deux dichotomies. La première met dos à dos un

territoire spatial, qui renvoie à une dimension matérielle et géographique, et un territoire

symbolique, associé à la production de sens et à l’existence d’un sentiment commun

d’appartenance. La seconde dichotomie oppose un territoire prescrit, dont les frontières et les

représentants sont désignés, et un territoire construit, où les acteurs ont établi un lien avec

celui-ci et donnent à voir leurs actions sur la scène publique. En sciences de gestion, il semble

opportun de retenir ces deux dichotomies, car nous nous inscrivons à la suite des travaux

considérant que le territoire émerge à la croisée des formes de proximités géographiques et

organisées (Torre et Rallet, 2005; Zimmermann, 2008).

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I.1.2 L’ancrage territorial et les réseaux territoriaux d’innovation, propices à

l’essor de la GRH étendue

Les territoires naissent lorsque la coordination des acteurs sur cet espace est rendue possible

grâce à ces formes de proximité. Cette dynamique, une fois enclenchée est de nature à

favoriser, d’une part, l’ancrage territorial des firmes qui tentent de valoriser leur capital

humain (Gallego et Saoudi, 2009). Dans cette optique, les liens avec les acteurs territoriaux et

les ressources locales sont recherchés et valorisés par ces firmes (Colletis et al. 1997). Le

territoire devient ainsi peu à peu, un lieu d’expérimentations en matière de transition

professionnelle et de reclassement (Beaujolin-Bellet, 2008 ; Raveyre, 2005). Le territoire,

peut, d’autre part, être également propice à l’essor de réseaux territoriaux d’innovation

(milieux innovateurs, districts industriels, système productifs locaux, clusters) (Moulaert et

Sekia, 2003), dont la déclinaison française la plus récente est celle des pôles de compétitivité.

Au sein de ces réseaux, la mobilité des salariés qualifiés et spécialisés (De Laurentis, 2006)

est facilitée du fait de la proximité géographique des organisations (Almeida et Kogut, 1999)

et favorise la circulation des connaissances, qui est reconnue comme un élément essentiel de

la compétitivité du réseau (Hakanson, 2005 ; Malmberg and Power, 2005). L’ancrage

territorial des firmes et la formation de réseaux territoriaux d’innovation constituent des

éléments propices à l’émergence de formes de GRH étendues au territoire.

I.1.3 L’émergence de formes de GRH étendues au territoire

Qu’elles soient impulsées par l’état (Michaux, 2009) ou émergentes, les formes de

coordination territoriale multi-acteurs sont nombreuses et sources de compétitivité pour ces

territoires (Mendez, et Mercier, 2006). Ces formes de coordination donnent parfois naissance

à des dispositifs de GRH envisagés à l’échelle d’un territoire. La plupart des pôles de

compétitivité ont ainsi au moins engagé une réflexion à ce sujet, voire concrétisé certaines

actions de GRH (Colle et al. 2009). Ceci implique qu’il faille dépasser le cadre d’analyse de

l’organisation, nécessitant de modifier les repères classiques de la gestion, car sur ces

territoires, « les acteurs ne sont pas liés par des relations hiérarchiques, ni par des partages

d'expérience ou de valeurs communes, ils appartiennent généralement à des institutions

différentes. » (Raulet-Croset, 2008, p.149). Un certain nombre d’expérimentations en matière

de GRH territoriale sont impulsées, malgré ces interrogations.

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I. 2 : Le territoire constitue un espace porteur d’instrumentations de

GRH territoriale

I.2.1 La GRH territoriale : les caractéristiques

On voit ainsi se développer des expérimentations de GRH territoriale aux configurations

vairées et que l’on rassemble aujourd’hui sous le terme générique de « dispositifs de GRH

territoriale », dont on peut distinguer quelques caractéristiques communes : ces dispositifs se

développent au sein d’un « réseau territorial », propice aux situations de travail en co-activité

de proximité ; ils sont porteurs d’un modèle de gestion commune des ressources humaines

concernant plusieurs organisations et sont constitués d’une instrumentation de GRH,

formalisée selon divers degrés. Enfin, on observe que ces instrumentations sont élaborées par

un tiers, dont le rôle est central (Xhauflair et Pichault, 2009). Ce « tiers » désigne

l’organisation à l’origine de la création et de l’animation du dispositif de GRH territoriale. Il

peut être un système productif local (Bobulescu et Calamel, 2009), un pôle de compétitivité

(Colle et al. 2009 ; Defélix et al. 2008), une Maison de l’Emploi et de la Formation (Bories-

Azeau et Loubès, 2009), une entreprise, un comité de bassin d’emploi1, un syndicat de

branche professionnelle, etc.

I.2.2 Quelles pratiques de GRH ?

Les pratiques développées concernent essentiellement les pratiques d’acquisition et de

régulation des ressources humaines (Défélix et Mazzilli, 2009), mais aussi la mise en réseau

et la communication. Les activités d’acquisition renvoient aux pratiques de recrutement et

d’intégration. Il s’agira donc de mettre en place des plateformes de recrutements mutualisées

(Paradas, 2007), des bases de CV communes, ou encore de travailler à l’attraction des

salariés sur un territoire par une démarche de communication. Sur le second, celui de la

régulation des RH, les pratiques concernent la formation, la gestion des carrières et la GPEC.

Les initiatives sont variées sur ce volet. Elles concernent néanmoins principalement

l’organisation de formations inter-entreprises (Bel, 2007), et dans une moindre mesure, le

déploiement d’une gestion territoriale des parcours professionnels (Nabet, 2007 ; Culié et al.

2009), voire celui de dispositifs de gestion des compétences (Tixier, 2009) et de GPEC

1 « Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences de territoire. Expériences et bonnes pratiques des Comités de bassins d’emploi. Guide pour l’action », Rapport réalisée pour la DGEFP/Sous-direction des mutations de l’emploi et du développement de l’activité, mai 2009, 138p.

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territoriale. Sur le troisième point, celui de la mise en réseau et de la communication,

quelques initiatives visent à créer du lien entre les responsables RH des entreprises du

territoire par l’organisation de réunions d’échanges ou de clubs RH.

I.2. 3 Comment les construire ?

Le développement récent et rapide de ces formes de GRH territoriale démontre un certain

intérêt de la part des acteurs locaux chargés du développement économique, de la part des

collectivités territoriales, des services déconcentrés de l’état et des organisations du secteur

privé. En revanche, comme nous l’avons montré, il est encore actuellement malaisé de définir

ce que recouvrent plus précisément ces dispositifs, tant leur hétérogénéité est grande et leurs

configurations variées. Il demeure néanmoins nécessaire d’approfondir la connaissance que

l’on a de ces dispositifs, car peu de recherches ont à ce jour réellement tenté de comprendre

comment ceux-ci se construisaient. Nous proposons donc d’aller au-delà de l’état des lieux

des pratiques, afin d’étudier la dynamique d’émergence de deux dispositifs de GRH

territoriale, construits sur deux territoires distincts. Quelques travaux s’attèlent à l’étude de la

construction d’un réseau local (Raveyre, 2009), mais en demeurant interrogatifs quant à la

manière de mettre en place une instrumentation de gestion inter-organisationnelle. Somme

toute, qu’y a-t-il donc dans cette « boîte noire », au sens indiqué par les auteurs de la théorie

de la traduction, nous permettant de restituer l’historique de la constitution d’une

instrumentation de GRH territoriale ?

I.3 : Le cadre de la théorie de la traduction pour appréhender la dynamique

d’émergence d’une instrumentation de GRH territoriale

I.3.1 La constitution d’un réseau socio-technique

Le recours au cadre de la théorie de la traduction semble être approprié pour l’étude de

l’émergence d’une d’instrumentation de GRH territoriale. Il fournit un éclairage sur les

conditions à partir desquelles les acteurs d’une situation peuvent se retrouver en convergence

autour d’un changement ou d’un projet. Ce cadre permet d’étudier la manière dont la

coopération est produite et dont l’une des formes, lorsqu’elle aboutit, prend le visage d’un

acteur-réseau stabilisé et « irréversibilisé » (Amblard et al. 2005). Cet acteur-réseau est

constitué de l’alliance d’humains et d’éléments non-humains, ces deux entités étant

regroupées sous la dénomination d’« actants ». Etudier un système socio-technique revient à

considérer les relations entre les objets techniques et le contexte, qui comprend tout à la fois,

l’organisation sociale, les représentations du monde et les modèles dits culturels (Akrich,

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2006a, p.109). Cette activité collective, mise en boîte noire sous la forme d'un

artefact (Callon, 2006, p.271), peut-être différente selon les contextes. Le célèbre récit de la

domestication des coquilles St-Jacques de la baie de Saint-Brieuc illustre ainsi la convergence

des acteurs territoriaux côtiers (Callon, 1986). Ce cadre d’analyse a été adopté notamment par

Beaujollin-Bellet (2008) afin d’étudier les formes de coordination innovantes lors de

restructurations, reposant sur la constitution de forums hybrides territorialisés, où le territoire

est considéré comme un laboratoire de plein air.

I.3.2 Une instrumentation de GRH territoriale comme projet socio-technique

Une instrumentation de GRH territoriale peut être considérée comme un objet socio-

technique. Une instrumentation de gestion rassemble un ensemble d’instruments, dont la

succession d’activités qu’ils autorisent, forme un processus. Un instrument de gestion se

définit comme « tout moyen, conceptuel ou matériel, doté de propriétés structurantes, par

lequel un gestionnaire, poursuivant certains buts organisationnels, dans un contexte donné,

met en œuvre une technique de gestion » (Gilbert, 1998, p.23-24). Les travaux d’Alcouffe et

al. (2008) ont ainsi montré dans quelle mesure la théorie de la traduction pouvait rendre

compte de la diffusion d’outils comptables innovants. Plus proche de notre objet, Oiry (2003)

se réfère également à cette théorie afin d’étudier la construction des dispositifs de gestion des

compétences. Les objets techniques et les instruments de gestion ont donc des caractéristiques

proches (Oiry, 2001, p.124). L’émergence d'une instrumentation de gestion peut ainsi

s'analyser comme un processus de traduction, dont le succès pourra être apprécié lors de la

stabilisation de l’acteur-réseau ainsi constitué. C’est durant la constitution de ces réseaux

techniques que sont rendus visibles les négociations et les ajustements entre actants humains

et non-humains. Le rôle du centre de traduction est essentiel dans la constitution du réseau

sociotechnique, car il établit une connexion entre des actants et des relations que personne ne

peut voir et assembler de la sorte (Callon, 2006). Dans la suite de notre communication, nous

emploierons le terme d’acteur pour désigner les actants humains.

I.3.3 Les étapes du processus de traduction

Le processus de traduction correspond à quatre moments distincts : la problématisation, les

dispositifs d’intéressement, l’enrôlement et la mobilisation des alliés (Callon, 1986).La

problématisation constitue l’étape au cours de laquelle un problème est formulé et dont la

résolution est rendue indissociable du recours à un objet technique. Cette première description

restitue implicitement les rôles et les définitions des acteurs de la situation. L’objet technique

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devient peu à peu un « point de passage obligé ». Afin de parvenir à ses fins, l’acteur à

l’origine de la formulation du problème doit, une fois identifié l’ensemble des alliés

potentiels, négocier avec eux leur participation au projet. Il a, pour cela, recours à des

dispositifs d’intéressement, mettant en avant les gains potentiels que ceux-ci retireraient de

leur participation au projet. Ces dispositifs d’intéressement permettent d’articuler les rôles

proposés par l’initiateur du projet et les rôles que les acteurs acceptent de jouer. Une fois les

alliés ayant accepté leurs rôles, l’enrôlement est achevé. Il s’agit ensuite de mobiliser les alliés

en rendant effective la coordination grâce à la désignation de porte-paroles représentants les

groupes d’acteurs enrôlés. Une première étape de traduction a abouti ; mais celle-ci peut-être

remise en cause à tout moment par l’intervention d’actants humains ou non-humains venant

proposer une traduction concurrente. Ces étapes du processus de traduction ont été

notamment utilisées par certains auteurs en sciences gestion afin de rendre compte de

l’émergence de projets divers. Leca et al (2006) ont contribué à l’opérationnalisation de ce

processus en mettant en exergue ses étapes intermédiaires et en élaborant ainsi une grille de

lecture permettant de mener à bien une étude comparative de deux projets socio-techniques.

Cette grille de lecture comprend une étape supplémentaire, celle de la stabilisation du réseau,

comme l’indique le tableau ci-dessous (tableau 1) :

Problématisation • Résoudre un problème concret • Cibler des alliés potentiels • Déterminer une logique

Dispositifs d’intéressement

• Raconter une bonne histoire • Système de récompense matériel • Système de récompense symbolique

Enrôlement/Incorporation des approches dans des « supports inscrits »

• Principaux « supports inscrits » Mobilisation du réseau

• Accord • Négociation

Stabilisation du réseau

• Porte-parole • Construction d’une identité et stabilisation

Tableau 1 : Etapes du processus de traduction, réalisé à partir de Leca et al. 2006

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A partir des éléments de la revue de littérature et de la grille d’analyse construite à l’aide de la

théorie de la traduction, l’objet de notre communication vise à établir quelles sont les

spécificités du processus de construction d’une instrumentation de GRH territoriale.

II : UNE ETUDE DE CAS COMPARATIVE : DEUX TERRITOIRES , DEUX

INSUTRUMENTATIONS DE GRH TERRITORIALE

Après avoir exposé la méthodologie à laquelle nous avons eu recours (II.1), nous présenterons

le processus de constitution de deux instrumentations de GRH territoriale à l’aune du cadre

d’analyse de la théorie de la traduction (II.2.).

II. 1 : Méthodologie de la recherche

II.1.1 Matériaux empiriques collectés

La démarche choisie est celle d’une étude de cas portant sur deux dispositifs de GRH

territoriale émergents. Notre objectif est de réaliser une étude du processus de traduction en

ayant recours à deux études de cas longitudinales, afin de gagner en visibilité sur leurs

évolutions. La recherche qualitative est particulièrement appropriée lorsqu’il s’agit de

considérer des dispositifs émergents.

Le recueil des matériaux empiriques a été effectué lors d’une première phase entre mai 2009

et janvier 2010, ce qui a permis de bénéficier d’une visibilité sur une période de deux ans, car

lors des entretiens, il a été demandé aux personnes rencontrées de nous raconter l’histoire du

projet depuis sa création. La seconde phase sera effectuée entre mai et juin 2010. La nature

des données collectées est qualitative et le mode de collecte des données est multiple. À ce

jour, 37 entretiens semi-directifs ont été réalisés au titre de la première vague, dont 19

entretiens concernant le projet GTRH Pôle, et 18 pour le projet GTRH MEF. Les entretiens

sont répartis comme indiqué ci-dessous (tableau 2) :

« GTRH Pôle »

Total : 18 entretiens réalisés

« GTRH MEF »

Total : 19 entretiens réalisés

Chefs de projet et chargés de mission 4 3

Membres de la direction/ gouvernance 2 2

Membres partenaires du comité de pilotage 3 4

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Dirigeants d’entreprises ou responsables RH 5 6

Financeurs (Direccte et UT de la Direccte2) 2 3

Consultants 2 1

Tableau 2 : Entretiens semi-directifs réalisés entre mai 2009 et février 2010.

La grille d’entretien utilisée a été adaptée en fonction des personnes interviewées. De

manière générale, les thèmes ont porté sur les raisons de leur participation ou de leur soutien

au projet de GRH territoriale, le déroulement et les modalités de cette participation, leur rôle,

l’évaluation qu’ils en font à ce jour, les résultats attendus à plus long terme et les pistes de

développement futures. L’entretien permettait également de recueillir leur représentation

d’une GRH territoriale et du territoire.

Outre les entretiens, la collecte des éléments qualitatifs est complétée par l’analyse de

documents fournis par les interlocuteurs, à savoir essentiellement des communiqués de presse,

des documents de travail et les comptes-rendus des réunions des comités de pilotage.

Nous proposons une analyse comparative de deux cas de GRH territoriale en France. Le

premier cas concerne un dispositif de GRH territoriale développé au sein d’un pôle de

compétitivité avec lequel nous avons pris contact afin d’étudier plus en profondeur le projet

de GRH repéré. Les pôles de compétitivité ont été impulsés à l’initiative de l’État en 2005

suite à un appel à projet, dont a résulté la labellisation de 71 pôles en France. Ils ont vocation

à rassembler, autour d’un même secteur d’activité, entreprises, centres de recherches,

organismes de formation et collectivités locales, et ceci dans le but de faire émerger des

projets de recherche et de développement collaboratifs3. Certains pôles ont mis en place des

programmes transverses, notamment dédiés au management et à la gestion des ressources

humaines.

Nous avons jugé pertinent de choisir une seconde étude de cas afin de mettre en perspective

les aspérités de leur développement. Pour cela, nous avons repéré un second dispositif de

GRH territoriale, dans la même région, mais dans un autre département. Ce second dispositif

est pris en charge par une Maison de l’Emploi et de la Formation (MEF). Les MEF sont une

initiative de Jean-Louis Borloo, alors Ministre de l’emploi, de la cohésion sociale dans le

cadre de son Plan de cohésion sociale promulgué en 2005. Mises en place sous la

2 Direccte : Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi. UT de la Direccte : Unité Territoriale de la Direccte. 3 Site officiel des pôles de compétitivité : http://www.competitivite.gouv.fr/

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responsabilité des collectivités territoriales (communes, groupements de communes,

départements, exceptionnellement régions), elles réunissent les membres du service public de

l’emploi (UT de la Direccte, Pôle Emploi), ainsi que d’autres organismes (AFPA, Missions

locales d’insertion, etc.). Les entreprises, les associations et les organismes d'appui à la

création d'entreprises sont également associés.

II. 1.2 Le projet GTRH au sein d’un pôle de compétitivité

Le pôle de compétitivité étudié est un pôle organisé autour d’activités essentiellement

industrielles. Il s’est très tôt interrogé sur le gestion des ressources humaines du territoire et a

ainsi, peu après sa labellisation, été à l’origine de la création d’un programme transverse dédié

aux ressources humaines. L’ambition du programme était à l’origine, de « rétablir

durablement l'adéquation entre les ressources et les besoins quantitatifs et qualitatifs en

personnel des entreprises du pôle “(intitulé de l’objectif du projet dans les documents fournis

par le pôle). Le programme se découpait en deux volets. Le premier, «Job4 » a pour objectif la

promotion des métiers du pôle. Le second volet, que nous étudions en particulier ici, a été

nommé « GRH Pôle ». Il a vocation à soutenir la mise en place d’actions prévisionnelles des

emplois et des compétences au sein des entreprises adhérentes au pôle de compétitivité. Il a

lui-même été scindé en trois axes.

Le premier axe concerne une aide à la mise en place d’une gestion prévisionnelle des emplois

et compétences pour les entreprises adhérentes du pôle de compétitivité. Si les grandes

entreprises sont déjà outillées en la matière, cela n’est en revanche pas le cas de la plupart des

TPE et des PME du pôle. Le deuxième axe consiste à développer un outil de gestion

territoriale des emplois et des compétences (GTEC) : « Le cœur de la GTEC est bien

l’anticipation des métiers et la mutualisation des données, afin de proposer des formations.

La GTEC (premier axe) est un outil parmi cela.» (Chef de projet). L’outil final prend le

visage d’un intranet, où chaque entreprise peut consulter ses propres données et les différentes

synthèses réalisées. Le troisième axe, enfin, consiste à proposer aux entreprises adhérentes du

pôle, des formations. Plusieurs actions de formations inter-entreprises ont été ainsi organisées

depuis plusieurs mois. Ces formations portent à la fois sur des contenus liés à la technicité des

métiers industriels, mais elles concernent également certains domaines plus transverses

4 Les intitulés des projets ont été modifiés par nos soins, dans l’attente de l’accord des responsables du projet pour la diffusion de ces informations.

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(bureautique, langues). Elles sont dédiées à tous types de populations parmi les salariés des

entreprises adhérentes du pôle de compétitivité. Notre étude est ciblée sur la mise en place des

pratiques de GPEC et du développement de l’instrument GTEC (axe 1 et 2).

II. 1.3 Le projet GTRH initié par une Maison de l’Emploi et de la Formation

Ce projet GTRH est développé par une MEF. Elle fonctionne grâce à un statut associatif : le

conseil d’administration est composé, pour moitié, des représentants de l’Etat et du service

public de l’emploi notamment, et pour moitié des représentants du territoire (les collectivités

territoriales : ici sont représentées 9 communautés de communes sur le territoire, et quelques

communes non fédérées, représentants 110 communes au total et 150 000 habitants). Les

partenaires sociaux font partie également d’un second cercle de partenaires membres de

l’assemblée générale et des comités de pilotage des différents projets. Les actions menées par

la MEF sont toutes multi-partenariales. La MEF est organisée autour de trois grands champs

d’action, selon un cahier des charges national. Il s’agit de l’observation du territoire, de

l’accompagnement des demandeurs d’emploi et de l’appui au développement économique. La

MEF a choisi d’inclure dans le premier champ toutes les actions liées à l’observation et à

l’accompagnement des ressources humaines, dont fait partie le projet GTRH.

La GTRH repose sur deux principaux instruments. Le premier est un outil de diagnostic et

d’accompagnement de la GPEC, consistant à proposer 6 jours d’intervention par un

consultant. Le second est nommé « Portrait-Flash» et est considéré comme plus léger, car il

comprend deux jours d’intervention par le consultant et porte sur 7 processus RH. En

contrepartie de l’un ou de l’autre des diagnostics réalisés, les dirigeants d’entreprises devaient

contribuer à alimenter une base de données commune, comprenant l’ensemble des salariés de

l’entreprise, afin de construire un outil de gestion territoriale des ressources humaines.

Les diagnostics RH et les Portraits-Flash ont été réalisés à l’automne 2008. Aujourd’hui, 16

entreprises au total ont participé à l’une de ces actions. Elles appartiennent à des secteurs

d’activités variés : secteur médico-social, agroalimentaire, BTP, cuir, céramique, métallurgie,

plasturgie, cosmétique et entreprises de service. L’objectif du projet GRTH au démarrage était

de faire de la base de données, l’un des piliers de l’outil GTRH. Près de 7000 salariés sont

recensés dans cette base. Les informations recueillies sont relatives au genre, à l’âge, au lieu

de résidence, à l’ancienneté, au niveau de poste occupé, etc.

Une première restitution collective a eu lieu en juillet 2009 auprès des entreprises. La MEF

envisageait, à partir des diagnostics établis, de rebondir sur la mise en place d’actions

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collectives. Ainsi, trois volets de formations inter-entreprises transversales ont été organisés

sur 9 thématiques et concernant une centaine de salariés. Un deuxième besoin a émergé lors

de cette restitution auprès des dirigeants et responsables RH. Ceux-ci ont exprimé le souhait

de mettre en place des séances d’échanges de pratiques. Aujourd’hui, la MEF poursuit les

actions engagées. L’étude que nous avons menée porte sur la mise en place des diagnostics

GPEC, des Portraits-flash et de la constitution d’une démarche GTRH.

II.2 La constitution de deux dispositifs de GRH territoriale à l’aune de la théorie

de la traduction

II. 2.1 La problématisation

Anticiper l’évolution des ressources humaines sur le territoire

Dans le cas du pôle de compétitivité, la problématisation intervient lorsque quelques

personnes, parmi les membres de la gouvernance du pôle de compétitivité, formulent la

proposition de mettre en place un dispositif de GRH visant à gérer les compétences à l’échelle

du territoire. Cinq groupes d’acteurs peuvent être identifiés : la gouvernance du pôle, les

entreprises adhérentes, les représentants des collectivités territoriales (Conseil Régional) et de

l’État (Direccte), les organisations professionnelles de branche et un cabinet de conseil.

Chacun de ces groupes détient une bonne raison d’être concerné par cette initiative. La

gouvernance du pôle a en effet besoin de mieux fédérer ses adhérents afin d’assurer la montée

en compétence du pôle. Les entreprises adhérentes souhaitent pouvoir recourir à une main-

d'œuvre qualifiée et assez nombreuse. Les collectivités territoriales ont pour mission la

valorisation de leur territoire, notamment en développant tous types d’actions en faveur de

l’emploi. Les consultants, enfin, se saisissent de cette mission, car ils sont particulièrement

intéressés pour développer un tel outil de GRH territoriale. Un comité de pilotage qui

rassemble des acteurs du pôle, quelques industriels et des représentants des institutions locales

est ainsi constitué et des groupes de travail s’organisent.

Cette étape de problématisation vise à rendre indispensable le projet de construction d’une

instrumentation de gestion des compétences territoriales, ce qui aboutit bientôt à la

formulation d’une unique question par le comité de pilotage: « comment rétablir durablement

l'adéquation entre les ressources et les besoins quantitatifs et qualitatifs en personnel des

entreprises du pôle» ? Le pôle de compétitivité tente de faire du dispositif de GTEC un «

point de passage obligé» pour chacun de ces groupes. Dès lors, chaque groupe d’acteurs est

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amené à, d’abord accepter de répondre à la question formulée de cette manière, et à

reconnaître que la coopération autour de cette question est utile pour chacun d’entre eux. En

outre, chaque groupe d’acteurs doit faire face à quelques obstacles. La gouvernance du pôle

peine à rassembler les entrepreneurs, car la région est caractérisée par un lourd héritage

industriel souvent décrit comme « une culture du secret» (chef de projet). Les entreprises,

quant à elles, de par leur taille, ont peu d’expérience en matière de GRH. Les collectivités

locales se heurtent à l’existence de nombreux dispositifs similaires existants, qu’elles

soutiennent et financent parfois déjà par ailleurs. Les consultants, enfin, n’ont encore que peu

de recul sur une méthodologie pour adapter un outil de GPEC à l’échelle d’un territoire. Mais

à ce stade, le rôle et l’identité de chaque groupe sont définis dans le dispositif de GTEC : le

pôle assurera le pilotage stratégique du projet, un organisme professionnel portera le suivi

opérationnel, les consultants seront en charge de la réalisation de l’outil, les entreprises

fourniront les informations nécessaires à l’alimentation de la base de données, et les

collectivités locales soutiendront financièrement le projet.

Entrer dans une démarche collective de GRH sur un bassin d’emploi

Du côté de la MEF, la problématisation est intervenue de manière différente. En effet, ce

territoire, différent du premier, avait été fortement impacté quelques années auparavant, par la

fermeture de deux grands groupes, dont avait résulté la mise en place d’un contrat de site avec

l’État afin de revitaliser le bassin d’emploi5. À ce moment, l’idée d’une GPEC territoriale

avait été émise par le sous-préfet en charge du contrat de site, mais sans toutefois trouver un

élan favorable. Créée quelques mois plus tard grâce à la dynamique engagée, la MEF

cherchait quant à elle, à orienter son champ d’action par rapport à l’une des missions lui ayant

été confiée, à savoir l’observation, la participation et l’accompagnement du territoire. À ce

moment, l’idée du sous-préfet de développer une GPEC rejoint le projet de la MEF : le sous-

préfet propose alors à la MEF de mettre en place une action commune. La MEF prend alors

en charge le pilotage du futur projet GTRH. La problématisation est ainsi formulée en ces

termes par l’équipe de la MEF : « comment proposer à des entreprises d’entrer dans une

démarche collective sur un bassin d’emploi ? » (Chef de projet). Cinq groupes d’acteurs sont

5« La mise en œuvre de contrats de site s’inscrit dans le cadre de la politique d’accompagnement des mutations économiques décidée lors du CIADT du 13 décembre 2002. L’objectif était d’apporter une réponse rapide et appropriée aux restructurations industrielles à impact socio-économique local lourd. » Source : http://www.datar.gouv.fr/

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identifiés : la MEF, en tant que structure fédératrice ; les représentants du territoire (les

communes et les communautés de communes) ; le service public de l’emploi ; les entreprises

du territoire ; un cabinet de conseil. La MEF a besoin de mettre en place ce dispositif de GRH

car elle souhaite se positionner sur les missions qui lui ont été confiées. Les représentants des

collectivités locales, essentiellement des élus du territoire, ont la volonté de mettre en place

des actions favorisant la redynamisation de leur bassin d’emploi. Le service public de

l’emploi, représentant l’État, a également intérêt à valoriser l’activité économique locale. Les

entreprises, quant à elle, sont soucieuses du bon développement de leurs compétences. Déjà

sensibilisés par les actions menées dans le cadre du contrat de site, les différents acteurs ont

donc déjà réfléchi au fait que leur participation à ce projet GTRH pourrait leur être bénéfique.

Un important travail de problématisation avait été au préalable enclenché grâce à

l’implication du sous-préfet. Dès lors, chaque groupe d’acteurs est amené à accepter l’idée de

participer à un projet de gestion territoriale des ressources humaines, qui amènerait

l’ensemble des acteurs du territoire à travailler ensemble, grâce à l’impulsion de la MEF. Le

point de passage obligé, autrement dit, le besoin de rassembler les efforts autour d’un projet

GTRH, semble ainsi avoir été imposé de manière convergente par la MEF. Une seule question

est alors formulée : « comment avoir une vision à moyen ou long terme des ressources

humaines sur notre territoire»? La MEF assure donc le pilotage et l’ingénierie du projet, dont

la réalisation sur le terrain sera menée par un consultant. Les entreprises volontaires

réaliseront un diagnostic RH ou un Portrait-Flash et donneront les informations nécessaires

pour construire la base de données. Les représentants du territoire participeront à des comités

de pilotage tandis que le service public de l’emploi se portera garant du financement attribué

par l’intermédiaire des représentants de la Direccte.

II.2.2 Les dispositifs d’intéressement

Le pôle de compétitivité et la MEF octroient des formes de rétributions matérielles et/ou

symboliques à ces alliés potentiels intéressés par le problème qu’ils tentent de résoudre.

Pouvoir comparer ses pratiques de GRH

Le pôle de compétitivité démarre alors un long travail réalisé par le chef de projet afin de

démarcher des entreprises volontaires pour participer à une action de diagnostic GPEC

« pilote », ainsi qu’à la GTEC. Des courriers sont envoyés à près de 200 entreprises et des

visites d’entreprises sont effectuées par le chef de projet. En parallèle, lors des comités de

pilotage, les industriels insistent en particulier sur la confidentialité des données mutualisées.

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Il est proposé également d’ajouter aux éléments d’enquête les données correspondant au parc

machines, ainsi que d’avoir la possibilité d’ajouter des éléments concernant la politique

salariale. Le pôle tente alors « d’intéresser» les entreprises adhérentes en insistant sur le fait

que celles-ci pourront bénéficier de la base de données créée avec l’instrumentation de GTEC,

pour se comparer par rapport aux autres entreprises sur leurs pratiques de GRH.

Disposer d’un diagnostic et d’un accompagnement RH

La MEF, quant à elle, « intéresse» les entreprises qu’elle souhaite voir participer au projet de

GTRH, en leur proposant de mettre à disposition les services d’un consultant afin de réaliser

un diagnostic RH. Ce service leur est proposé gratuitement : « L’engagement qu’on

demandait aux entreprises, c’était, voila, maintenant vous bénéficiez de l’apport d’un

consultant pendant 2 ou 6 jours, la contrepartie qu’on vous demande, c’est d’accepter de

fournir au pot commun de la base de données du territoire, à la fois les éléments qualitatifs

qu’on peut retirer des diagnostics et à la fois les éléments tirés de la base de données

quantitative. Ce qui n’a pas posé de problème. Ils nous ont simplement demandé de faire

attention à des questions de confidentialité.» (Chef de projet).

II. 2.3 L’enrôlement

Cette étape est suivie par celle de l’enrôlement, qui rend compte de la stabilisation du projet

grâce à l’acceptation des rôles par les acteurs. La logique de la problématisation donne peu à

peu naissance à divers artefacts, encastrant ces principes ainsi que les étapes précédentes de

traduction.

Une instrumentation de GRH construite autour d’un intranet

Au sein du pôle, la question « comment rétablir durablement l'adéquation entre les

ressources et les besoins quantitatifs et qualitatifs en personnel des entreprises du pôle ? » est

transformée en une série d’énoncés considérés comme certains : on doit rétablir cette

adéquation grâce notamment à la mise en place d’une instrumentation de gestion des

ressources humaines, sous la forme d’un outil de gestion territoriale des emplois et des

compétences. Pour cela, le pôle a choisi de débuter de manière indirecte, avec le projet «

Job», qui incite les entrepreneurs à réfléchir à l’image des métiers du pôle. Le volet « GTEC »

a ensuite pris le relais et a démarré, également de manière très progressive, en proposant une

aide individualisée à la mise en place d’une GPEC, avant d’étendre cela au niveau territorial.

Enfin, une stratégie de suivi personnalisé a été adoptée. Près de 55 entreprises ont ainsi été

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« enrôlées» lors de cette étape. En revanche, les négociations ayant eu lieu auparavant sont

visibles dans l’outil GTEC : tandis que le comité de pilotage, au démarrage du projet,

spécifiait que l’objectif était effectivement de disposer d’une vision des ressources humaines

du territoire en termes d’emplois et de compétences, la concrétisation de l’outil prend un tout

autre visage : celui-ci est en effet peu à peu orienté, du fait notamment des demandes des

industriels, vers un outil de comparaison des processus RH et des données sociales des

entreprises participantes.

Une instrumentation GTRH conçue peu à peu comme un « outil virtuel »

La MEF a choisi de mettre en œuvre un projet GTRH similaire à celui développé par le pôle.

Les entreprises qui acceptent de participer émettent le souhait de pouvoir bénéficier d’un

diagnostic RH gratuit, mais également d’entrer dans une démarche collective, leur permettant

d’élargir leur réseau professionnel. Leurs réserves concernent simplement la confidentialité

des données collectées. Peu d’entreprises répondent à l’appel à projet du fait de la situation de

crise économique, au plus haut niveau durant cette période. En revanche, la Région accepte de

financer le projet dans le cadre d’un contrat d’un an, d’une durée renouvelable équivalente et

un membre de l’unité territoriale locale accepte de participer au groupe de travail de l’action

GTRH. Néanmoins l’instrumentation de GTRH se concrétise peu à peu par le déroulement

des actions prévues auprès des entreprises volontaires et en ayant le support des autres

groupes d’acteurs impliqués. La MEF construit une base de données territoriale mais est assez

vite amenée à l’abandonner, au profit d’autres actions qui seront envisagées dans la seconde

phase du projet. Le projet GTRH devient ainsi, selon les mots employés par l’un des membres

du groupe de travail, « un outil virtuel ».

II. 2.4 La mobilisation des alliés et la stabilisation du réseau.

Les deux organisations ne sont pas parvenues de manière équivalente à stabiliser le support de

leurs alliés potentiels. Cette phase de la mobilisation des alliés correspond au moment où un

porte-parole est désigné pour représenter chaque groupe d’acteurs. Les négociations qui vont

s'instituer ont lieu, en réalité, entre les porte-paroles de chaque groupe d’acteurs identifié. Ce

micro-réseau ne s'agrandira que si les entités qui le composent parviennent à se diffuser.

Toutes les entités humaines et non-humaines doivent être représentées dans les espaces de

négociation à partir desquels les réseaux s'élaborent. Les porte-paroles rendent alors possible

la prise de parole et l'action concertée.

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Un instrument GTEC en mal d’adoption par les acteurs du projet

Au sein du pôle, les entreprises participant au projet GTRH représentent les entreprises du

pôle et plus largement celles du territoire. Le pôle négocie ainsi l’intéressement avec

seulement quelques entreprises (12 entreprises sur la GPEC, puis 55 sur la GTEC). La

gouvernance des pôles de compétitivité est représentée par quelques membres réguliers du

comité de pilotage du projet ; l’organisation professionnelle de la branche industrielle

concernée par les chefs de projet, etc. Ils sont ainsi amenés à parler de la main-d'œuvre de la

région, au nom des entités qu’ils représentent. Pourtant, on constate une certaine difficulté de

leur part à rendre indiscutable la proposition : « il est possible de rétablir durablement

l'adéquation entre les ressources et les besoins quantitatifs et qualitatifs en personnel des

entreprises du pôle grâce à l’outil de GTEC », alors même que les entités ont été rendues «

mobiles». En effet, les entreprises, la gouvernance du pôle, les consultants et les financeurs

sont bien rassemblés dans le programme et plus précisément sur l’axe GTEC, mais sans

présenter toutefois un fort consensus. Le réseau n’est à ce jour pas encore stable. L’outil est

peu à peu contesté par les différents groupes d’acteurs, car il ne répond pas à leurs attentes.

Les représentants des acteurs du pôle, des collectivités locales et des organisations

professionnelles reconnaissent ne pas savoir comment utiliser l’outil GTEC afin de bénéficier

d’une vision des ressources humaines sur le territoire. Les entreprises n’utilisent que rarement

l’outil GTEC, car entre temps, la période de crise économique a limité leur implication sur ce

type de projet ; les financeurs du projet émettent un avis plutôt mitigé quant aux résultats

atteints ; les consultants ont terminé leur mission et transfèrent l’outil au pôle ; le pôle de

compétitivité souhaite déléguer le pilotage du projet à une autre organisation. Le projet GTRH

est en partie ralenti, avant d’entrer actuellement dans une phase réorganisation, concernant

son orientation stratégique et la structure de son pilotage.

Un projet GTRH intégrant les traductions des acteurs

La mobilisation des alliées a eu lieu de manière différente avec la MEF, qui a pu, quant à elle,

s’acheminer vers une stabilisation progressive du réseau. La MEF, en tant que structure

composée des membres qu’elle représente, est déjà désignée comme porte-parole des

représentants du territoire et du service public de l’emploi. Les 16 entreprises qui participent

au projet GTRH représentent les entreprises du territoire. Ces entreprises ont jugé

l’intervention du consultant plutôt utile et poursuivent leur engagement auprès de la MEF, et

certains continuent d’assister aux réunions de restitution et de pilotage du projet. Bien que la

mobilisation de ces alliés s’étiole peu à peu, (la participation aux réunions diminue), le projet

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entre dans une seconde phase et les représentants des entreprises ont formulé un besoin de

continuer ces actions sur différents points.

Nous présentons maintenant une mise en perspective des deux processus de traduction grâce

au cadre d’analyse proposé par Leca et al. (2006) (tableau 3).

GTRH Pôle GTRH MEF Problématisation

• Résoudre un problème concret

• Cibler des alliés potentiels

• Déterminer une logique

Rétablir durablement l'adéquation entre les ressources et les besoins quantitatifs et qualitatifs en personnels des entreprises du pôle. Les entreprises du pôle, les syndicats patronaux, les financeurs, les consultants. Procurer aux entreprises du pôle une main-d'œuvre qualifiée suffisamment nombreuse.

Ordre de mission imprécis. Les entreprises du territoire, les partenaires de la MEF, les financeurs, les consultants. Accompagner le territoire et ses entreprises pour répondre aux évolutions et aux problématiques RH.

Dispositifs d’intéressement • Raconter une bonne

histoire

• Système de récompense matériel

• Système de récompense symbolique

Pouvoir comparer les pratiques de GRH entre les entreprises. Disposer d’un diagnostic RH et d’un accompagnement gratuit de la part d’un consultant. Faire partie du réseau des industriels et des décideurs locaux. Retombées en termes de relations interpersonnelles.

Avoir une vision à moyen ou long terme des ressources humaines. Disposer d’un diagnostic RH et d’un accompagnement gratuit de la part d’un consultant. Faire partie du réseau des industriels et des décideurs locaux. Retombées en termes de relations interpersonnelles.

Enrôlement/ Incorporation des approches dans des « supports inscrits»

• Principaux « supports inscrits »

Diagnostics RH individuels. Base de données informatisée accessible par internet.

Diagnostics RH individuels. Base de données Excel.

Mobilisation du réseau • Accord

• Négociation

Assez faible et limité à quelques personnes. Redéfinition perçue comme importante.

La MEF, les financeurs, quelques entreprises, quelques collectivités sont d’accord. Redéfinition perçue comme partielle.

Stabilisation du réseau • Porte-parole

• Construction d’une identité et stabilisation

Réorganisation du dispositif en cours. Identité très partiellement construite sur le volet 2 du dispositif.

Identification des porte-paroles en cours. Identité en construction.

Tableau 3 : Les étapes des deux processus de traduction (adapté de Leca et al. 2006)

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III : DISCUSSION ET CONCLUSION

La mise en perspective du processus de constitution de deux instrumentations de GRH

territoriale permet d’extraire certains éléments qui paraissent spécifiques à l’une et à l’autre de

ces deux études de cas. Nous les présentons de manière à élargir notre propos afin d’envisager

des pistes de recherches à venir (III.1). Nous concluons sur les apports de la théorie de la

traduction au regard de nos travaux ainsi que les limites afférentes à cette recherche (III.2.)

III.1 : Mise en perspective des deux projets GTRH

L’objectif de cette recherche était de restituer une étude comparative de deux processus de

traduction, afin de développer un cadre d’analyse qui puisse rendre compte de la construction

des instrumentations de GRH territoriale. Nous avons pour cela, combiné les apports issus des

travaux portant sur l’instrumentation de gestion et de la théorie de la traduction. Nous

indiquons ensuite quelques pistes permettant de caractériser la nature des étapes du processus

de traduction, favorisant l’acheminement d’un dispositif de GRH territoriale vers sa

stabilisation.

III. 1.1 L’inscription dans des supports et des énoncés

Cette recherche montre que la concrétisation d’un dispositif de GRH territoriale ne tient pas

uniquement au développement d’outils sophistiqués. La manière dont les acteurs se sont saisis

des éléments techniques peut en partie éclairer l’acheminement vers une stabilisation du

dispositif.

Les instrumentations de GRH territoriales décrites sont inscrites dans divers supports,

considérés comme « ressources extrasomatiques ». Selon Strum et Latour (2006), ce sont des

ressources matérielles et des symboles utilisés pour imposer ou réimposer une vue

particulière. Le recours à cette technique permet de passer d’un stade de complexification, où

les individus sont amenés à renégocier les liens établis, à un stage de complexité, où l’on est

capable de négocier pas à pas grâce à ces inscriptions. C’est l’inscription des négociations

dans ces ressources qui permet aux performateurs d’inscrire celles-ci et de ne pas négocier et

renégocier en permanence.

Pourtant, on constate que le cas de la GTRH MEF paraît plus pauvre en « ressources

extrasmotatiques», tandis que la GTRH Pôle consiste en la création d’une base de données

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prenant le visage d’un site internet. La GTRH MEF n’a que peu de ressources inscrites, car

les chefs de projets décrivent ce dispositif comme un « outil virtuel», selon leurs propres

termes. Dans le cas de la GTRH Pôle, la ressource (l’intranet) a été figée trop tôt et dans un

processus de traduction inachevé, tandis que dans le cas de la GTRH MEF, l’inscription lente

dans un outil virtuel aurait permis un renouvellement des traductions de manière à poursuivre

l’enrôlement des acteurs. Dans une visée davantage prescriptive, on peut donc se demander à

quel moment l’inscription dans des artefacts doit intervenir dans le processus de traduction.

III. 1.2 La problématisation, une étape cruciale pour vaincre les traductions

concurrentes

La problématisation renvoie aux solutions proposées et doit donc, selon Alcouffe et al.

(2008), pouvoir faciliter l’enrôlement des idéaux n’ayant pas encore été incorporés dans

d’autres innovations concurrentes, qui elles, auraient déjà été mises en boîte noire. Sur ce

point, nos deux « centres de traduction» ont procédé de manière différente. Le pôle de

compétitivité a très tôt formulé le problème de l’inadéquation entre des besoins et des

ressources en termes de compétences. Ce problème concret a été identifié par un petit groupe

d’acteurs, qui a ensuite repéré des alliés potentiels. Tel qu’il était formulé, ce problème ne

laissait que peu de place à l’intégration d’éléments extérieurs. La création d’un tissu sans

couture devient difficile, alors même que le projet est encerclé de traductions concurrentes. En

effet, d’autres dispositifs similaires, mis à disposition par l’État et par la Région autour des

questions d’emplois, étaient en même temps développés sur ce territoire durement impacté

par la crise économique en 2008-2009. La mobilisation des alliées est ardue, car ceux-ci sont

intéressés par d’autres dispositifs.

La MEF a procédé de manière quelque peu différente. On constate, d’une part, que la

problématisation n’a pas eu lieu de façon aussi précise que dans le cas du pôle, laissant

davantage de place à l’intégration d’éléments externes. D’autre part, la MEF a d’abord

cherché à mobiliser des alliés potentiels, avant de définir un problème concret avec eux. Les

mêmes outils mis à disposition par l’État sur cet autre territoire, ne sont ainsi pas perçus

comme concurrents, mais avant tout, complémentaires. Enfin, il se peut, mais ce point reste à

approfondir lors de la seconde phase d’entretiens, que dans le cas de la MEF, la présence d’un

leader charismatique très présent sur le territoire, ayant été dès les premiers instants, à

l’origine de l’impulsion du projet, ait pu avoir également un poids non négligeable lors de la

problématisation. Quels sont donc les éléments et les caractéristiques d’une problématisation

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permettant d’enrôler les acteurs et de mobiliser des alliés, et quel est le poids relatif de

personnages charismatiques lors de cette étape ?

III. 1. 3 Le positionnement du centre de traduction, un rôle de « tiers » à

s’approprier

La problématisation nous semble être en étroite relation avec la manière dont le centre de

traduction s’approprie son rôle de « tiers ». Xhauflair et Pichault (2009) mettent en avant le

rôle de ce tiers-traducteur dans la mise en place de pratiques de fléxicurité au sein de

périmètres inter-organisationnels au niveau local, qui nous paraissent proches des dispositifs

de GRH territoriale présentés dans cette recherche. Le centre de traduction dans le processus

de construction du dispositif est reconnu comme central, mais il nous semble que la théorie de

l’acteur-réseau ne rend pas suffisamment compte des différentes manières d’être traducteur.

Certaines caractéristiques de ce centre de traduction auraient-elles une influence pour une

mobilisation plus large et soutenue des alliés ? Il nous paraît donc intéressant de poursuivre

cette piste de recherche et d’établir par la suite quelles seraient ces caractéristiques au regard

de l’acheminement vers la stabilité du réseau. A ce stade de notre recherche, nous

entrevoyons en discernement trois éléments qui pourraient à ce titre être distinctifs : la

manière dont se positionne le traducteur, la légitimité que les acteurs lui attribuent et le mode

de gouvernance du dispositif.

En premier lieu, le positionnement que le centre de traduction s’attribue au regard du

dispositif de GTRH qu’il développe semble avoir un certain poids. La MEF se positionne

clairement dans un rôle de tiers actif et coordinateur : « Nous on sert de lien. On ne remplace

pas le Pôle-Emploi, on ne remplace pas les Communautés de Communes, mais on vient en

appui. On vient faire du lien. On vient mettre un peu d’huile dans les rouages, ou plus

simplement un peu d’humanité dans les rouages !» (Chef de projet). Ce positionnement

demeure en revanche moins affirmé du côté du pôle de compétitivité.

En second lieu, la question de la légitimité nous est apparue comme particulièrement

pertinente. En effet, tandis que la MEF semble être perçue comme ayant un positionnement

légitime et reconnu sur ces questions RH, le pôle de compétitivité est cependant placé dans

une position plus délicate à ce sujet. Les pôles, ont été et sont parfois encore, de manière

générale, à la recherche de légitimé en tant qu’acteurs collectifs (Mendez et Brabet, 2009).

Cette légitimité, lorsqu’elle est acquise, ne garantit pas pour autant la légitimité du pôle sur

les questions d’emplois et de gestion des ressources humaines.

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En dernier lieu, on peut enfin se questionner sur le mode de gouvernance des structures

traductrices : sont-elles favorables à l’émergence de tels dispositifs au sein de leurs réseaux

territorialisés (Ehlinger et al. 2007)?

III.2 Conclusion

L’émergence des dispositifs de GRH élargis interroge le praticien, qui ne sait comment

s’outiller afin de développer une GRH territoriale. Le tâtonnement, l’expérimentation sont

donc encore à l’ordre du jour. Le chercheur, quant à lui, souhaite comprendre comment ces

initiatives naissent, se construisent et se développent, cela dans le but d’aboutir à une

modélisation du processus de construction d’un dispositif de GRH territoriale. Cette

communication constitue sans aucun doute, l’une des premières étapes de ce travail de longue

haleine, requérant une implication régulière et dans le temps auprès des acteurs de terrain.

Nous avons montré que le territoire construit, à la croisée des proximités géographiques et

organisées, était un terrain fertile pour l’émergence des dispositifs de GRH territoriale, grâce à

la volonté d’ancrage territorial de certaines firmes et au développement de réseaux

d’innovation. Face à la diversité et à l’hétérogénéité des pratiques émergentes, nous avons fait

le choix de zoomer sur deux dispositifs de GRH territoriale, afin de comprendre comment ces

dispositifs de construisaient. Puisque ces dispositifs reposent sur des instrumentations de

gestion, nous avons jugé pertinent de nous référer au cadre d’analyse de la théorie de la

traduction, car les instrumentations de gestion peuvent être appréhendées comme un objet

socio-technique. Les étapes du processus de traduction – la problématisation, les dispositifs

d’intéressements, l’enrôlement et la mobilisation des alliés –illustrent de quelle manière

l’imbrication d’éléments humains et non-humains donne peu à peu corps à une

instrumentation de GRH territoriale, dont la stabilisation peut, à tout moment, être remise en

question par des traductions concurrentes. L’étude de terrain menée en parallèle auprès de

deux dispositifs de GRH territoriale distincts a permis de mettre en exergue certaines des

caractéristiques de ce processus de traduction. Tandis que la GTRH Pôle, dont le pivot central

est une base de données informatisée, peine à s’acheminer vers une mobilisation des alliés, la

GTRH MEF a, quant a elle, pu de manière encore timide, construire la première version en

voie de stabilisation d’une instrumentation de GRH territoriale.

Ces premiers constats nous amènent à nous interroger sur une contribution possible de ces

travaux pour l’étude de la construction de dispositifs de GRH territoriale. Trois questions sont

formulées : à quel moment l’inscription dans des artefacts doit-elle intervenir dans le

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processus de traduction ? Quels sont les éléments et les caractéristiques d’une

problématisation permettant d’enrôler les acteurs et de mobiliser des alliés, et quel est le poids

relatif de personnages charismatiques lors de cette étape ? Enfin, le positionnement du tiers-

traducteur, la légitimité que les acteurs lui attribuent et le mode de gouvernance de la structure

traductrice confèrent-ils au dispositif un avantage dans l’acheminement vers la stabilisation

du réseau ? Plus largement, la possible contribution de ces travaux porte sur la caractérisation

des étapes du processus de traduction dans la construction d’une instrumentation de GRH

inter-organisationnelle. De la même manière qu’Alcouffe et al. (2008) identifient plusieurs

modalités d’intéressement lors de la diffusion d’innovations comptables (commerciales

politiques, éditoriales, intellectuelles, visant une expertise), nous tenterons d’établir quelles

sont les différentes manières de problématiser, d’intéresser, d’enrôler et de mobiliser, mais

aussi de se positionner en tant que traducteur.

Bien entendu, l’une des limites de nos travaux réside dans le fait que ces processus, tels qu’ils

ont été étudiés à ce jour, ne sont pas assez avancés dans le temps pour déterminer s’ils ont

atteint ou non un certain degré d’irréversibilité. C’est pourquoi nous avons choisi de parler de

l’acheminement vers une stabilisation possible, dont nous avons jugé l’avancement grâce à la

mobilisation des alliés et à la participation des différents acteurs dans ces projets. Cependant,

la prochaine phase de réalisations d’entretiens auprès des mêmes acteurs devrait pouvoir

fournir un certain nombre d’éléments complémentaires afin d’approfondir ce point.

Outre les éléments discutés dans notre dernière partie, il pourrait être pertinent, dans la suite

de nos travaux, d’étudier quelles sont les modifications de l’instrumentation par les

utilisateurs (Akrich, 2006b).

Enfin, cette recherche ayant suscité l’intérêt des praticiens rencontrés lors de notre étude de

terrain, il nous semble nécessaire de pouvoir extraire de ces travaux, des éléments ayant

valeur de préconisations à leur égard. Bien entendu, cela engage d’autres réflexions quant à

notre posture de chercheur. Il demeure néanmoins certain que l’opérationnalisation de la

théorie de la traduction, employée à l’étude de la construction de dispositifs de GRH

territoriale, figure parmi nos prochains objectifs de travail.

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