Greenpeace Magazine 2013/03

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1 GREENPEACE MEMBER 2013, Nº  3 France: premières fissures dans le lobby nucléaire p. 26 Portrait: Richart Sowa, constructeur d’îles p. 12 Public Eye: nommer et dénoncer p. 14 Dossier France p. 22 La Parisienne devenue agricultrice bio p. 52

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Transcript of Greenpeace Magazine 2013/03

1Magazine GreenpeaceNo 3 — 2013 1

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— france: premières fissures dans le lobby nucléaire p. 26

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Éditorial — Consacrer le dossier du magazine à un pays, cette décision n’a pas été facile pour la rédaction. Pays, États, nations: ces notions contredisent notre vision d’une planète unique, placée sous le signe de l’équilibre et de la paix. Les problèmes environnementaux ne s’arrêtent pas aux frontières nationales, même si les gouvernements semblent le penser.

Mais la nature elle-même connaît des territoires et la réalité politique est structurée en zones de pouvoir. Cela peut même être une chance lorsque cela permet à un changement positif de se réaliser plus facilement dans une sphère donnée. La France pourrait en être une illustration, elle qui a aujourd’hui la possibilité d’induire la transition énergétique en Europe; elle qui a prouvé sa capacité à porter des grands projets dans le domaine social ou technologique. Il y deux cents ans, elle a changé la face du monde avec la Révolution. Ces dernières décennies, des impulsions technologiques remarquables sont venues de l’Hexagone, malheureusement limitées au secteur nucléaire pour la plupart. L’énorme potentiel de ce pays pourrait servir à construire un avenir vert. Notre dossier (p. 22) dresse un état des lieux.

Jouer sur les frontières nationales est aussi un jeu redou-table pratiqué par les multinationales, dont l’avidité et la duplicité sont sans limites. Le Public Eye, le prix de la honte probablement le plus important au monde, dénonce ce genre d’entreprises. Bilan et perspectives de cette initiative de Greenpeace Suisse et de la Déclaration de Berne (p. 14).

Aucune délimitation entre la sphère humaine et le royaume de la nature n’est plus explicite que le bord de la mer. Même si cette ligne se délite elle aussi. Notre magnifique essai photographique (p. 43) illustre un phénomène hautement symbolique: le déclin des huîtres de l’Atlantique. Signe de l’état préoccupant de l’océan.

Quand le désespoir nous guette, au vu de l’ampleur des problèmes environnementaux, il est bon de se rappeler cette formule de Thor Heyerdahl, navigateur et archéologue: «Des frontières? Je n’en ai jamais vu, mais je sais qu’elles existent dans l’esprit de certains.»

La rédaction

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Magazine GreenpeaceNo 3 — 2013

Dossier France p. 22 É N E R G I E N u c l É a I R E

Da N S l e P I È g e D u N u c l É a I r e

La transition énergétique en Europe dépend de la France et de ses centrales.

p. 26S u R P Ê c H E

grand avenir pour la petite pêche artisanaleRemplacer la pêche industrielle par les méthodes

traditionnelles pourrait sauver les espèces menacées.p. 36

P R o t E c t I o N d E S o c É a N S

Du plaisir gastronomique à la déception environnementale

Bactéries et nuisances environnementales déciment les huîtres.

p. 43c H a N G E M E N t d E d É c o R

De la scène artistique à la culture biologiqueune danseuse se transforme en agricultrice.

p. 52Portrait ROBINSON SUR L’ÎLE DE PLASTIQUE 12

Public Eye UN PR IX DE LA HONTE POUR LES DESTRUCTEUR S DE L’EN VIRONNEMENT 14

Le lobby du transgénique NOUVELLE PRESSION AVANT L’ÉCHÉANCE DU MOR ATOIRE 18

En action 2Courrier des lecteurs / Mentions légales 10Le mot de la direction 11Faits frappants 50Campagnes 62Brèves 66Mots fléchés écolos 72

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Corée du Sud, 28 avril 2013 Déluge de slogans Dans un océan de pancartes, la population de Samcheok manifeste avec Greenpeace et exprime sa colère contre un projet de centrale nucléaire près de cette ville située à quelque 200 kilomètres de Séoul.

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Pôle Nord, 15 avril 2013 Message en capsule Immergée dans l’océan Arctique avec le «drapeau pour l’avenir», une capsule de verre et de titane renferme les noms de 2,7 millions de personnes qui s’engagent contre la pêche industrielle et les forages pétroliers au pôle Nord.

Allemagne, 12 avril 2013 Vol exploratoire Un militant de Greenpeace en parapente demande aux ministres allemands de l’agriculture réunis à Berchtesgaden de faire la lumière sur les agissements de l’industrie du bois.

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Australie, 24 avril 2013 Passagers clandestins Des militants de Greenpeace abordent le charbonnier MV Meister près de la Grande Barrière de corail pour protester contre cette énergie fossile destructrice.

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10Magazine GreenpeaceNo 3 — 2013

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meNtIoNS lÉgaleS – greeNPeace member 3/2013Éditeur / adresse de la rédaction Greenpeace Suisse, Heinrichstrasse 147, case postale, 8031 Zurich, téléphone 044 447 41 41, téléfax 044 447 41 99, [email protected], www.greenpeace.chChangements d’adresse: [email protected]

Équipe de rédaction: Tanja Keller (responsable), Matthias Wyssmann, Hina Struever, Roland Falk Auteurs: Fabien Fivaz, Luigi D’Andrea, Bruno Heinzer, Thomas Niederberger, Samuel Schlaefli, Rita Torcasso, Matthias WyssmannPhotographes: James Alcock, Christian Åslund, Jean-Paul Barbier, Sebastien Bozon, Peter Caton,

Jean Chung, Fojtu, Pierre Gleizes, Heike Grasser, Edgar Hagen, Ibra Ibrahimoviç, Jean-Philippe Ksiazek, Lagazeta, Chris Maluszynski, Jacky Naegelen, Gavin Newman, Ruben Neugebauer, Micha Patault, Philip Reynolds, Thomas Rickmann, Samuel Schlaefli, Thomas Schuppisser, Thomas Stutz, Ross White Traduction en français: Nicole Viaud et Karin VogtMaquette: Hubertus DesignImpression: Stämpfli Publikationen SA, BernePapier couverture et intérieur: 100% recyclé Tirage: 110 000 en allemand, 21 500 en françaisParution: quatre fois par annéeIllustration: Sibylle Heusser et Marcus Moser, Atelier Oculus, Zurich

Le magazine Greenpeace est adressé à tous les adhérents (cotisation annuelle à partir de 72 francs). Il peut refléter des opinions qui diver-gent des positions officielles de Greenpeace.

Pour des raisons de lisibilité, nous renon-çons à mentionner systématiquement les deux sexes dans les textes du magazine. La forme masculine désigne implicitement les personnes des deux sexes.

Dons: compte postal 80-6222-8Dons en ligne: www.greenpeace.ch/donsDons par SMS: envoyer GP et le montant en francs au 488 (par exemple, pour donner 10 francs: GP 10)

courrier des lecteurs

«Êtes-vous en faveur d’une api-culture respectueuse des abeilles?» Comment ne pas l’être! Mais qu’est-ce qu’un élevage vraiment conforme aux besoins de l’espèce? En théorie, tout le monde souhaite le bien-être de ces merveilleux insectes. Pourquoi la pratique s’écarte-t-elle donc tant de la théo-rie? Quand il s’agit de changer nos habitudes, de déroger à notre confort, les choses deviennent difficiles. Quelques exemples:• Une colonie à l’état naturel se multiplie par essaimage. Il n’est pas possible d’y introduire une reine d’élevage.• Chaque colonie est prête à donner de son miel à d’autres êtres vivants – mais pas les quantités que nous soutirons aux abeilles. Pour des raisons de santé, les abeilles ne peuvent pas se passer du miel de printemps.• Pour la reine, avoir une pastille de marquage collée sur le dos tout au long de sa vie est un incon-vénient majeur. Et elle ne sait pas pourquoi l’apiculteur lui rogne les ailes.• Les abeilles sont fortement stressées par l’enfumage. Si l’api-culteur est capable de travailler dans le calme, un flacon vaporisa-teur d’eau suffit amplement.• Une colonie d’abeilles veut vivre en paix. Chaque intervention

perturbe le climat de la ruche pendant plusieurs jours.• Les abeilles supportent mal les pesticides et les insecticides (voir: http://nuoviso.tv/uebersicht-alle-videos/item/summ-mir-das-lied-vom-tod-2).• Il serait bénéfique pour les abeilles de retrouver suffisamment de plantes mellifères chaque année.

Pour une apiculture respec-tueuse des besoins des abeilles, il faudrait un vrai changement d’attitude sur tous ces points.

J. Studerus, apiculteur, Gonten (aI)

Je vous félicite de la qualité de votre magazine n° 2/2013. Concer-nant l’article sur les lampes LED, il faut rappeler l’effet «rebond». Les gains d’efficacité sont souvent anéantis par une consommation accrue. On le voit très bien avec votre illustration en page 32 du dernier magazine: avec le LED, la bonne conscience nous amène à illuminer des façades qu’on laisse-rait normalement dans l’obscurité.

Et pour l’éclairage urbain désormais possible en LED, on peut craindre que les communes installent davantage de réver-bères. Pour la lampe jaunâtre à vapeur de sodium, c’est particuliè-rement dommage, car la tech-nique LED actuellement dispo-nible n’est même pas plus efficace. Dans le laboratoire où je travaille, les quelques tubes fluorescents

ont été remplacés par une pléthore de LED. Avec une augmentation de consommation de courant à la clé: les adaptateurs secteur tirent du courant même lorsque les lampes sont éteintes, et le person-nel laisse les lampes allumées bien plus longtemps. Un effet que l’on observe aussi pour les écrans d’ordinateur.

L’efficacité des LED est mani-festement surestimée et les écono-mies de courant sont souvent rattrapées par une consommation plus élevée.

t. Schmidt, Steffisburg (BE)

Qu’elle est belle et magique, la photo d’Allana Beltran que vous publiez dans votre dernier maga-zine! L’artiste australienne de 27 ans, perchée dans les couronnes d’arbres en véritable ange gardien pour exiger l’arrêt de la défores-tation en Tasmanie. Une action artistique forte qui mérite le res-pect. Je me réjouis de la prochaine édition du magazine Greenpeace.

anton c. Meier, Emma Kunz,Würenlos aG

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uN DraPeau Pour l’aveNIr

Le 15 avril, quatre jeunes militants de Greenpeace immergeaient sous la banquise du pôle Nord un «drapeau pour l’avenir» en titane et une capsule contenant les noms de 2,7 millions de protecteurs de l’Arctique. Sur le drapeau triangulaire, des cercles s’en-trecoupent pour créer un motif géométrique en couleur. C’est un signal d’alerte lancé aux États et aux multinationales qui veulent tirer profit de la fonte dramatique des glaces polaires. C’est aussi le symbole de la force des êtres humains qui luttent ensemble contre ces dérives. Un mois plus tard, les peuples indigènes de la région polaire avali-saient, avec Greenpeace, une déclaration en faveur de la protection de la nature. Une première victoire!

Il ne se passe quasiment pas une semaine sans qu’un bureau de Greenpeace quelque part dans le monde enregistre un succès.

Mi-juin 2013, Greenpeace Afrique réus-sissait à convaincre le gouvernement sénéga-lais de prolonger son moratoire sur les autorisations aux flottes de pêche étrangères.

Début juin 2013, le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono visitait le Rainbow Warrior et promettait à Kumi Naidoo, directeur de Greenpeace Internatio-nal, son soutien dans la lutte pour la protec-tion des forêts équatoriales.

Au printemps 2013, la campagne de protection des abeilles lancée par un groupe suisse de bénévoles aboutissait à l’inter-diction par l’Union européenne – et ensuite par le gouvernement suisse – de trois pesti-cides particulièrement dangereux.

En 2011, le gouvernement chinois interdisait le riz transgénique suite à une campagne de Greenpeace Chine.

En Inde, Greenpeace coopère étroite-ment avec le gouvernement du Bihar pour permettre à cet État pauvre de devenir une région énergétique axée sur une production décentralisée et renouvelable.

Les succès locaux améliorent la situa-tion de l’environnement, des animaux et des êtres humains. Mais l’ampleur et la rapi-dité de la destruction ne sont pas enrayées. Greenpeace s’accroche pourtant à cet objec-tif! Il faut davantage de campagnes com-munes à travers le monde. Mettre ensemble les forces et les ressources des 28 bureaux de Greenpeace sur les cinq continents. Avec l’intelligence et la créativité des biologistes marins, escaladeuses, professionnels d’Internet, militants du climat, rédacteurs, capitaines de bateau, donatrices et autres spécialistes financiers. Et avec votre soutien, sur lequel nous comptons.

Pour que les multinationales et les gouvernements soient contraints de changer d’attitude. Et que le drapeau multicolore reste prisonnier des glaces pour la génération à venir.

Verena Mühlberger et Markus Allemann, co-direction de Greenpeace

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12Magazine GreenpeaceNo 3 — 2013

Richart Sowa, 59 ans, Isla Mujeres, Mexique

Le constructeur d’îles

Sa vision d’une île flottante est devenue une passion vitale pour le Britannique Richart Sowa. la troisième île qu’il a lui-même construite s’appelle Joysxee Island

et flotte sur 150 000 bouteilles de plastique vides.

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Un paradis sur plastique: Richart Sowa, ancien hippie et visionnaire, devant sa Spiral Island au large du Mexique.

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Par Rita Torcasso — Richart Sowa a réalisé son rêve: posséder sa propre île. Son paradis se situe tout près de la côte mexicaine. L’île flottante est maintenue en place par une ancre et trois câbles. Cet original vit en compagnie de chats et de chiens dans une maison à trois étages réa-lisée à l’aide de débris. Joysxee Island est aujourd’hui répertoriée sur le site Tripadvisor parmi les seize principales attractions sur Isla Mujeres.

En 1977, Richart Sowa dessine pour la pre-mière fois une île flottante. Père de trois enfants, il travaillait alors comme menuisier dans une usine de cuisines agencées. À 30 ans, il a voulu «changer de cap et être davantage à l’écoute de lui-même». Il devient musicien et peintre de rue, traverse l’Europe, puis les États-Unis jusqu’au Mexique. C’est à cette période qu’il réa-lise la richesse potentielle des déchets.

Au Mexique, il découvre les jardins sus-pendus des mayas et se rappelle son rêve insu-laire. Sur la plage hippie de Zipolite, il élabore une construction de papier mâché à laquelle il fixe de vieux filets à légumes remplis de bou-teilles vides. Mais la police met fin à son travail de construction de «Spiral Island». C’est ce nom qu’il donnera également à son deuxième projet, sur la côte de Puerto Aventuras: «La spirale, c’est le symbole de l’évolution, car seule la déviation produit du nouveau.» Les autorités lui permettent d’ancrer sa construction dans un canal artificiel. Durant trois ans, il collecte des bouteilles et des débris pour son île qui croît en forme de spirale.

Spiral Island connaît un large écho bien au-delà du Mexique. Pour Richart Sowa, son île est le signe que la pensée positive peut générer des énergies capables de changer le monde: «Les îles flottantes sont une solution pour les pays menacés de submersion ou un instrument contre la pénurie de denrées alimentaires». Pendant qu’il développe son petit paradis écologique, un complexe touristique de luxe est réalisé sur la côte. Et en 2005, l’ouragan Emily détruira l’île flottante.

Richart Sowa se remet alors à travailler comme menuisier et musicien, et élabore un nou-veau projet. Il obtient un capital de départ sponsorisé de 40 000 dollars et loue un bout de plage privée sur Isla Mujeres pour 1000 pesos par mois. Sa troisième île s’appellera Joysxee Island, la clé de la joie. Aujourd’hui, elle est enregistrée comme bateau écologique et

s’étend sur 400 mètres carrés. Les sacs porteurs remplis de bouteilles vides sont fixés par les racines de mangroves. Richart Sowa veut mon-trer aux visiteurs qu’une vie en autarcie est possible: eau de pluie collectée, four solaire, déchets compostés, réfrigérateur alimenté à l’énergie des vagues. L’île dépend encore d’une arrivée d’eau potable de la côte, et le courant est produit par une installation photovoltaïque de 800 kilogrammes, trop lourde pour la construction flottante. Un «radeau sur bou-teilles» actionné par des câbles assure la liaison à la terre ferme, où Richart Sowa gagne sa vie comme musicien et où il continue de récolter des bouteilles vides pour développer son refuge.

Le type de construction développé par l’ancien hippie est maintenant repris par un architecte hollandais: un projet de grande enver-gure qui veut utiliser les déchets en plastique de l’énorme zone d’ordures entre Hawaı̈ et la côte américaine pour réaliser une île flottante capable d’accueillir 500 000 personnes.

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Personne ne veut le recevoir. Depuis dix ans, le Public Eye Award est devenu le prix de la honte le plus détesté dans le monde des affaires. Quel est l’impact du prix aujourd’hui? Bilan.

Par Thomas Niederberger

Depuis l’an 2000, le Public Eye constitue le contrepoint critique à la rencontre annuelle du Forum économique mondial de Davos (WEF). Les Public Eye Awards, les prix de la honte qui distinguent les «pires entreprises de l’année», sont nés en 2005. Le Public Eye a évolué avec le temps. Ses premières éditions accompagnaient la montée en puissance du mouvement alter-mondialiste. Davos était alors le prolongement

des protestations de Seattle, Prague et Gênes. Le Public Eye a d’abord été une contre-confé-rence réunissant des militants du monde entier pour discuter des luttes menées contre la do-mination des entreprises représentées au WEF. Le sentiment général était que «cela ne pouvait pas continuer ainsi». Illustration des critiques, le film the corporation dressait le profil psychologique des entreprises. Si elles étaient des personnes, les multinationales rempliraient tous les critères des psychopathes: irrespon-sables, manipulateurs et mégalomanes, sans scrupule, mues par le seul objectif du profit maximal des actionnaires.

Le monde a changé depuis la première édition du Public Eye. Les multinationales aussi. Elles ne peuvent plus se passer de credo envi-ronnemental et social. Même le WEF tente d’aller à la rencontre des critiques. «Le WEF était pour nous le symbole des tractations cachées entre multinationales», rappelle Andreas Cassee, ancien protestataire et aujourd’hui membre du jury de Public Eye. «Mais nous avons surestimé l’importance de l’événement. Les décisions importantes se prennent ailleurs.»

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Les protestations ont reflué. Aujourd’hui, le WEF est le rendez-vous des journalistes à la recherche de contenus controversés, qui parlent volontiers du Public Eye pour alimenter leurs papiers. Les Public Eye Awards rencontrent ainsi un large écho international et permettent aux organisations de dénoncer les agissements des multinationales. «Le processus de nomi-nation est sérieux et le jury est composé de spé-cialistes indépendants», explique Michael Baumgartner, responsable du Public Eye chez Greenpeace. Les deux organisations respon-sables de l’événement, Greenpeace et la Décla-ration de Berne, délèguent chacune une repré-sentation au jury, étoffé depuis cette année par quatre spécialistes en éthique de diverses universités. Chaque nomination fait l’objet d’une expertise par l’Institut d’éthique écono-mique de l’Université de Saint-Gall. Et le jury sera prochainement renforcé par un représen-tant des pays du Sud.

Pression morale contre psychopathes«Naming and Shaming», voilà le principe

du Public Eye Award: nommer les problèmes pour les dénoncer. Une première étape pour construire une pression morale sur les multina-tionales, déclare Ulrich Thielemann, spécialiste en éthique économique et membre du jury. L’idée est d’alerter l’opinion publique, la clientèle, les médias et le personnel des entreprises visées: «Cette dernière catégorie est très impor-tante: la plupart des gens souhaitent pouvoir adhérer aux valeurs de leur employeur et avoir l’impression de faire un travail utile.» Mais en fin de compte, la «moralisation des marchés» doit aussi se traduire dans la réglementation. «C’est là le rôle des milieux politiques. Le prix de la honte s’adresse aux citoyennes et citoyens qui peuvent faire pression pour imposer un cadre réglementaire à l’économie. Les multina-tionales responsables ne doivent pas être pénalisées par la concurrence.»

Les organisations non gouvernementales sont les chiens de garde de la société civile. Elles filtrent les cas particulièrement graves et les dénoncent à titre d’exemple. Mais cette démarche ne fait-elle pas perdre la vue d’en-semble? Ulrich Thielemann s’explique: «Il n’est pas possible d’attaquer tous les problèmes de front. C’est la pointe de l’iceberg, bien sûr, mais

chacun sait que les candidats au prix de la honte sont encore bien plus nombreux.» Andreas Missbach, membre du jury pour la Décla-ration de Berne, souligne: «Notre principal pro-blème est qu’il y a toujours trop d’entreprises qui mériteraient le prix.»

Les cas de destruction environnementale, de violation des droits humains ou de conditions de travail catastrophiques sont tous les jours dans les médias. Malgré une gestion soigneuse de leur image, les multinationales restent dénuées de tout scrupule dès qu’il en va de leur profit. Les nouvelles technologies de commu-nication facilitent la dénonciation des méfaits. Ce qui aboutit à une multiplication des entre-prises candidates au prix de la honte. Une lutte contre des moulins à vent?

Le prix et son impactÀ première vue, la réaction des multina-

tionales visées semble toujours la même: ignorer, réfuter, enjoliver. La dynamique déclenchée par la nomination et la remise du prix est toute-fois chaque fois différente. Depuis 2005, quelque 300 propositions ont abouti à plusieurs

«Les ONG sont les chiens de garde de la société et filtrent les cas particu­lièrement graves.»

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douzaines de nominations et à une vingtaine d’entreprises lauréates. Un critère de sélection est que la proposition de nomination peut s’inscrire dans une campagne appelée à se pour-suivre. Le Public Eye Award est donc un élé-ment d’un tout: «une petite pierre dans une mo-saïque, un regard qui reste vigilant», dit Ulrich Thielemann. Mais peut-il induire de réelles améliorations? Aucune multinationale ne l’ad-mettrait publiquement et il n’existe pas de relevé systématique des comportements des entre-prises épinglées ces dernières années. Un son-dage auprès des organisations ayant déposé les nominations gagnantes indique pourtant que l’effort en vaut la peine. Petit bilan.

• Faire connaître les problèmes: les nomina-tions sont largement diffusées par des sites de vidéos, des médias sociaux et par la presse classique. Le public est appelé à voter en masse pour son «favori», ce qui permet de faire connaître des entreprises souvent méconnues, car ne produisant pas de biens de consom-mation. Une démarche efficace: quand Glencore reçoit le prix en 2008, c’est encore «la plus grande multinationale dont tu n’as encore jamais entendu parler». Après plusieurs tentatives, le rappeur Greis parvient à remettre le prix au responsable Ivan Glasenberg, qui promet quelques améliorations. Parmi les inconnus que le Public Eye a fait connaître, on peut aussi citer G4S, une société active dans la sécurité, ou Neste Oil, un fabricant finlandais d’agrocar-burants. Et la nomination de Coal India visait une société très problématique, qui est la pro-priété de l’État indien et dont on ne parle pratiquement pas sur la scène internationale.

• Briser les tabous: la multinationale de l’élec-tronique Samsung était intouchable en Corée du Sud. La critique publique était quasiment im-possible. Grâce à la nomination de Samsung au Public Eye 2012, l’organisation locale Sharp a pu briser le mur du silence et aborder les conditions de production insalubres dans les usines Samsung.

• Forcer à négocier: au Ghana, l’organisation Wacam parvient à relancer les négociations rompues sur un projet de mine, l’entreprise AngloGold Ashanti ayant reçu le prix du jury du Public Eye en 2011. La multinationale a tenté de

discréditer Wacam, mais la pression des médias locaux et internationaux a eu raison de ces manœuvres. La renommée du Public Eye a per-mis de positionner l’association comme acteur incontournable.

• Empêcher des projets et enrayer la spécu­lation: en 2010, une année après avoir reçu le prix de la honte, les Forces motrices bernoises renonçaient à leur participation à un projet de centrale au charbon à Dörpen, en Basse-Saxe. La nomination avait été proposée par une asso-ciation citoyenne locale. On peut espérer que la firme grisonne Repower, nominée cette année pour un projet similaire dans le Sud de l’Italie, suivra cet exemple. Barclays Bank, lauréate en 2012, annonçait en février dernier son retrait des activités spéculatives sur les denrées alimen-taires. Le «World Development Forum» s’était fortement appuyé sur le prix pour mettre en cause la banque britannique.

• Renforcer les résistances: la multinationale brésilienne Vale, active dans les matières pre-mières, a remporté le prix du public pour sa par-ticipation au projet de barrage géant de Belo Monte, dans la forêt amazonienne, qui devait priver les peuples autochtones de Xingus de leur milieu de vie. Plusieurs procédures en justice sont en cours et les Xingu bloquent régulière-ment les chantiers. Les juges ont rendu plusieurs décisions en leur faveur et ont donc retardé les travaux. Une campagne forte menée sur les médias sociaux au Brésil a stimulé les votes en faveur de Vale et renforcé la résistance des Xingus.

Pour changer la réalité, il ne suffit évidemment pas de dénoncer les méfaits des multinationales. Il faudrait des règles contraignantes, des juges courageux et des sanctions financières efficaces. Mais c’est aussi dans ce sens que le Public Eye travaille. Shell, première entreprise distinguée en 2005 pour sa pollution du delta du Niger, a été condamnée en janvier dernier par une cour hollandaise à dédommager l’un des milliers de petits paysans lésés – qui dès lors pourraient tous entamer une action en justice. Un autre type de sanction financière concerne le retrait d’investisseurs. Les caisses de pension tiennent souvent des listes d’exclusion qui sont définies en fonction d’index de risques de réputation

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établis sur la base de l’actualité médiatique dans le monde entier. Karen Reiner, de l’entreprise RepRisk, ne peut pas se prononcer sur les retom-bées immédiates du Public Eye. «Mais une nomination jette certainement la lumière sur les activités controversées d’une société et contri-bue à sensibiliser notre clientèle.» Et la clientèle de RepRisk, ce n’est le petit magasin bio du coin de la rue, mais les grands investisseurs comme Goldman Sachs, le lauréat du prix du jury de cette année.

Décerner le Public Eye Award à Goldman Sachs, c’est un geste d’une portée particulière pour Andreas Cassee. «Nous montrons claire-ment que les scandales ne sont pas le fait de pays pauvres et éloignés.» Si Goldman Sachs a été nominée, c’est parce que la banque exerce une influence massive sur les gouvernements occi-dentaux. Elle a contribué au déclenchement de la crise de la dette grecque et empoché des millions de deniers publics. Pendant que le Public Eye décernait son prix de la honte, une équipe de Goldman Sachs qui se trouvait au WEF semble même avoir organisé une séance de crise. C’est d’ailleurs une équipe de cinéma

qui a déposé la nomination, en vue de lever des fonds pour financer un documentaire sur les dessous de la crise de la dette et ses profiteurs.

Alors, quel bilan? Dans les films d’Hol-lywood, le psychopathe est toujours capturé et emprisonné à vie. À Davos, pas de happy end, mais un discours percutant de la journaliste grecque Eurydice Bersi, sur une Grèce laminée par le service de la dette. Sa conclusion: «Informez-vous! Regardez qui profite de la crise! Pas seulement par solidarité, mais parce que vous pourriez être les prochains sur la liste!»

Un travail harassant pour cet ouvrier indien à la mine de Jharia, de l’entreprise Coal India. L’activité minière a transformé cette ancienne région forestière en taudis pour migrants pauvres.

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le moratoire sur la culture commerciale des plantes génétiquement modifiées arrive à échéance en 2017. Il pourrait être suivi d’une interdiction

définitive des oGM, mais l’économie et les sciences s’y opposent vivement.

Essai de luigi d’andrea, chargé d’affaires, et Fabien Fivaz, président de StopoGM

Le débat autour de la poursuite ou de la levée du moratoire suisse sur la culture commerciale des plantes génétiquement modifiées (PGM) s’intensifie. En 2005, le peuple suisse avait largement accepté, à l’unanimité des cantons et contre l’avis du Parlement et du Conseil fédé-ral, un moratoire de cinq ans sur la culture commerciale des PGM. Il a été prolongé une première fois en 2010 jusqu’à fin 2013, puis une nou-velle fois cette année jusqu’à fin 2017. La première prolongation laissait un délai pour terminer et analyser les résultats du programme de recherche PNR 59 sur l’utilité et les risques de la dissémination de PGM. Dans le cadre de la seconde prolongation, le Parlement a deman-dé, jusqu’à fin 2016, une analyse coût-avantage des OGM et se donne le temps de légiférer (ou non) sur la coexistence des cultures tradition-nelles et transgéniques.

Le contexte politique est largement défavorable aux OGM. La majorité de la population et des agriculteurs n’en veut pas. De plus, toutes les stratégies fédérales en matière agricole ont choisi de miser sur la qualité, ce qui exclut presque automatiquement les OGM (un grand nombre de labels suisses les excluent déjà). C’est dans ces conditions

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que le Conseil fédéral a lancé au début de l’année une consultation sur un paquet législatif visant à autoriser les OGM dès la fin du moratoire en 2018. Il comprend une révision de la loi sur le génie génétique qui donne un cadre légal aux zones sans OGM et une ordonnance sur la coexistence qui définit les modalités de culture (distance de séparation entre cultures conventionnelles et GM, etc.).

À l’exception de l’économie, les réponses à la procédure de consultation sont unanimes pour fustiger la possibilité de lever l’inter-diction. La plupart des cantons, les associations agricoles, de protection de l’environnement et des consommateurs refusent d’entrer en ma-tière. Pour eux, la structure de l’agriculture suisse, avec ses petites sur-faces hétérogènes, la volonté d’orienter la production vers la qualité plutôt que la quantité, l’augmentation des coûts qu’induirait la culture d’OGM et l’opposition des consommateurs sont autant d’éléments qui devraient inciter le Conseil fédéral à renoncer. Techniquement, les distances de séparation sont jugées insuffisantes. La plupart des can-tons ont également demandé la possibilité d’interdire les OGM sur l’en-semble de leur territoire, ce qui n’est pas prévu dans le projet actuel. Pour StopOGM, la coexistence ne doit pas être instaurée sur l’ensemble du territoire, en permettant simplement la création de régions sans OGM. Au contraire, la Suisse entière doit rester une région sans OGM. StopOGM se rallie à l’avis de la Commission fédérale d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain (CENH) qui considère la liberté de choix non pas comme un droit de revendication, mais comme un droit de refus. Par droit de refus, il faut comprendre que l’État n’est pas tenu de garantir l’accès aux PGM. C’est au contraire aux exploitants désireux de recourir aux PGM qu’il appartient de motiver la création de zones ad hoc.

Dans ces conditions pourtant, la question d’une interdiction défi-nitive des OGM en Suisse se pose à nouveau clairement. Nous devons nous interroger sur l’opportunité de lancer une initiative dans ce sens si le Conseil fédéral devait s’entêter et être suivi par une majorité du Parlement.

L’offensive scientifiqueLe rapport final du PNR 59 clamait haut et fort: «Les OGM ne

représentent aucun risque ni pour l’environnement ni pour la santé.» Mais qu’en est-il vraiment? Au sein du PNR 59, les expériences du volet biosécurité ont été menées majoritairement sur des variétés de blé et sur d’anciennes variétés de maïs transgénique non commercialisées, dans des conditions expérimentales qui n’ont rien à voir avec la réalité. Les résultats obtenus à l’aide d’essais sur de petites surfaces et sur une courte durée ne sont pas généralisables aux conditions de cultures commerciales à large échelle et à long terme. Il est donc scientifiquement impossible de conclure à une absence de risques générale pour l’envi-

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ronnement de tous les OGM. Le rapport final du PNR 59 est un document rédigé par une équipe en charge de la communication du Fonds national suisse (FNS), qui n’a rien de scientifique. Il ne fait d’ailleurs pas l’unanimité parmi les chercheuses et chercheurs ayant participé au programme.

En ce qui concerne les évaluations sanitaires, le PNR 59 ne s’est pas penché sur la question. Une simple analyse des publications existantes a été réalisée. Elle n’est d’ailleurs pas aussi catégorique que le rapport final. Il est, par exemple, possible d’y lire: «Les analyses de toxicité sont basées sur des tests qui permettent l’identification d’effets toxiques aigus. Les effets à moyen ou long terme sont difficiles à détecter et des tests appropriés sont insuffisants ou manquent.»

Fin février 2013, une lettre ouverte au Parlement intitulée «Pas d’interdiction insidieuse des OGM dans l’agriculture suisse» a été envoyée par les Académies suisses des sciences (ASS). En résumé, elle reproche aux parlementaires de ne pas avoir tenu compte des résultats du PNR 59 qui, selon les ASS, montraient que les OGM ne présentaient pas plus de risques pour l’environnement et la santé que les plantes conventionnelles. Les ASS estiment que la coexistence est possible et que l’agriculture suisse ne doit pas se fermer aux développements futurs du génie génétique. Elles vont jusqu’à affirmer que le refus des OGM par la population et par les paysans serait présumé! Comble du ridicule, les scientifiques en appellent à une décision démocratique sur le futur du génie génétique dans l’agriculture suisse, alors même que le moratoire se base justement sur un vote populaire. Et les scienti-fiques d’ajouter que la recherche tout entière serait affectée par une interdiction des OGM en Suisse.

Peu après l’envoi de la lettre ouverte, les ASS organisaient une conférence de presse au Parlement pour présenter leur nouveau rapport: «Les plantes génétiquement modifiées (PGM) et leur importance pour une agriculture durable en Suisse». La stratégie est d’allier le génie génétique à quelque chose de «vert» comme le mot durable… et au final de proposer des OGM à l’agriculture biologique!

La lettre des ASS met en exergue leur ignorance du processus de décision politique. Il est évident que si la politique ne se résumait qu’à avaliser les conclusions scientifiques, un simple conseil scientifique suffirait! Mais un monde où les avis des experts se substitueraient à la décision politique serait un monde sans garde-fou. Et puisque l’incerti-tude est reconnue par les experts eux-mêmes, il est incohérent de conférer à l’expertise scientifique le statut de savoir incontestable. La réponse des parlementaires a été cinglante. Elle renvoie les scientifiques à leurs études en réaffirmant que «la décision de cultiver des plantes génétiquement modifiées dans notre pays n’est pas une décision d’ordre technique ou ne relevant que d’enjeux liés à la biosécurité. Il s’agit d’un choix de société qui implique une réflexion sur le type d’agri-

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culture que nous souhaitons pour notre pays ainsi que sur le type de produits alimentaires que nous souhaitons consommer.»

L’agriculture biologique exclut les OGM et toutes les techniques invasives pour le génome; un changement des règles internationales en vigueur ne se fera pas pour faire plaisir aux ASS.

Les disséminations expérimentales auront lieuLe moratoire ne concerne pas les disséminations expérimentales

destinées à la recherche. Fin janvier, l’Université de Zurich déposait une demande pour conduire des essais pendant la période 2014–2015. Ces derniers concernent des lignées de blé transgéniques résistantes au mildiou proches de celles déjà testées entre 2008 et 2009 dans le cadre du PNR 59. Un million de francs d’argent public sera investi pour construire le nouveau site protégé à Reckenholz (ZH) pour accueillir ce type d’essai.

L’objectif des disséminations expérimentales est de comprendre si l’expression des gènes de résistance est indépendante de l’environ-nement et si l’insertion de ces gènes à différents endroits dans les génomes affecte la fonction d’autres gènes. Ces questions ont toutefois déjà obtenu des réponses lors des premiers essais.

Pour StopOGM la nécessité des disséminations expérimentales et de tests agronomiques de performance est compréhensible pour des lignées destinées à une utilisation dans l’environnement, c’est-à-dire dans l’agriculture. Or les chercheurs insistent sur le fait que ces essais ont un objectif de recherche fondamentale et ne visent pas la commercia-lisation. Et pour cause, car le mildiou n’est pas un problème pour l’agri-culture suisse! Des tests sous serre se prêtent bien mieux à l’analyse de la stabilité génétique d’une lignée GM, car il est alors possible de contrôler exactement l’environnement et d’établir des liens de causalité directs entre la variation d’un facteur et son effet sur la plante.

Au final, nous estimons que la recherche publique ferait mieux d’orienter ses crédits vers l’agronomie classique et de chercher des solutions qui soient réellement utiles à l’agriculture suisse.Pour plus de renseignements et recevoir notre bulletin d’information, www.stopogm.ch.

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À première vue, le pays aux 58 réacteurs nu-cléaires ne semble pas le candidat idéal pour un magazine écologique (dont la rédaction n’a d’ailleurs pas l’habitude de consacrer un dossier thématique à un pays, quel qu’il soit). Ce n’est pas de notre voisin occidental que viennent géné-ralement les impulsions écologiques. Et pourtant la France compte énormément pour la Suisse et l’Europe.

Elle est appelée à jouer un rôle clé dans la politique énergétique européenne de ces prochaines années. Grande puissance comme l’Allemagne et la Grande- Bretagne, la France peut faire pencher la balance en faveur des énergies renouve-lables au lieu du fossile et du nucléaire. Le gouvernement de François Hollande pourrait réaliser de grandes choses. Espérons que la France et l’Europe saisi-ront cette chance historique! Mais ce n’est pas la seule raison de l’intérêt que nous portons à la France.

La France s’est donnée corps et âme au nucléaire. Sa dépendance à cette énergie consti-tue un danger majeur. Le gouvernement français se retrouve aujourd’hui confronté à des centrales nucléaires qui arrivent en fin de vie. La Suisse

observe avec crainte la centrale française de Fessenheim, non loin de Bâle, et celle du Bugey, près de Genève. Exploitant elle-même des centrales encore plus vétustes, elle n’a pourtant pas de leçons à donner en la matière. L’analyse de la politique nucléaire française reste un sujet passionnant (p. 26). On découvre avec effroi un pays qui mise complètement sur cette dangereuse énergie, jusqu’à s’y enliser.

Mais ce qui nous motive plus particulière-ment à placer notre voisin au centre de ce dossier, c’est que les tensions qui entravent la transition écologique y sont particulièrement visibles: tensions entre régions rurales et villes, entre progrès et tradition, entre industrie et agriculture, entre centre et périphérie, entre liberté et égalité.

La France a choyé l’idée de l’État central comme peu d’autres démocraties. D’un côté, Paris avec ses rouages du pouvoir, de l’autre les vastes provinces du deuxième plus grand pays européen. À Paris, les élites; en province, l’individualité et la liberté. Un pays autant pour les carriéristes en quête d’ascension sociale que pour les originaux qui retournent à la nature (p. 52). Un pays fort en débats intellectuels abstraits, mais aussi

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Lorsqu’il est question de l’environnement, la Suisse se tourne volontiers vers l’Allemagne

et les pays nordiques, parfois vers la Chine. Mais vers la France?

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en protestations populistes et poings levés contre Paris. Deux démarches d’ailleurs parfois aussi impuissantes l’une que l’autre.

C’est pourtant à la France que l’on doit ce qui est probablement le tournant le plus impor-tant de l’époque moderne: la Révolution de 1789, décisive pour les Lumières, la démocratie et le capitalisme. La France a aussi profon-dément marqué l’identité de notre continent, et au-delà, au XXe siècle. Elle a la force de penser les grandes choses. N’est-il donc pas logique de se tourner vers notre voisin immédiat, au lieu de toujours penser à l’Amérique, quand on aspire au changement?

Malheureusement, les élites françaises des 70 dernières années n’ont cherché les grandes choses que dans les progrès technologiques. Dans l’énergie nucléaire, instrument de pouvoir tant militaire que pacifique. Dans les «grands projets», qui semblent tant compter pour la fierté nationale: le Concorde, le Minitel, le TGV, La Défense…

Projets, révolutions, transition sociale – toutes choses que nous appelons de nos vœux à l’heure actuelle.

Mais malgré la crise économique et les pro-testations sociales permanentes, la France semble étrangement repue, presque indolente. Est-ce le fait des énormes étendues de terre fertile? Ou alors de la proximité de l’océan, un écosystème cher à Greenpeace? La mer ouvre la France au monde, produisant une foule d’aven turiers et d’explorateurs, de navigateurs

en solitaire et de plongeurs en eaux profondes, de colonisateurs et de mercenaires. L’évasion, dans tous les sens du terme, est la nostalgie de la France. Ushuaïa Nature, le nom de l’émission de télévision dédiée à l’écologie à la française, évoque la ville la plus lointaine du monde. On retrouve là le rêve de la prise de distance par rapport au monde civilisé.

Or la réalité écologique des mers rattrape aujourd’hui les habitants de la terre ferme, comme le montrent nos deux articles consacrés à l’océan (p. 36 et 43). Une transition s’annonce.

Le président Hollande a promis de réduire la part du nucléaire de 75 à 50% du courant consommé en France, soulevant de grands espoirs écologiques. Il doit brider et renouveler le secteur industriel, mais aussi réformer ce grand pays d’adeptes du retour à la nature et de l’éva-sion. Et il doit juguler les élites figées dont il fait pourtant partie. Pour le salut de la France et de l’Europe. Même si le tournant dépendra fina-lement de cette merveilleuse population française.

Allons enfants!

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Localisation de nos reportages

Énergie nucléaire

Surpêche

Protection des océans

Agriculture

Réacteurs électronucléaires

Réacteurs électronucléairesdéfinitivement arrêtés

Usines de la filière ducombustible nucléaire

Réacteur en chantier / en projet

Tournée de l’Arctic Sunrise en faveur d’une pêche durable en Europe

Pêche industrielle: pillage des mers par les navires congélateurs

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Rencontre avec Yannick Rousselet, militant antinucléaire de légende. Ce quinquagénaire de forte stature vit à Cherbourg. Avec sa moustache blanche, son regard chaleureux et son tempé-rament jovial, il aurait plutôt l’air d’un capitaine de chalutier de la Manche. On pourrait aussi le prendre pour Ordralfabétix, le poissonnier du village d’Astérix: placide la plupart du temps, mais il ne faut pas l’énerver. Le nucléaire est justement un sujet qui le hérisse. Quand il ap-prend en 2009 le passage prévu d’un convoi de déchets nucléaires à destina-tion de la Russie, il n’hésite pas à s’enchaîner tout seul à la voie ferrée pour bloquer le train.

De passage en Suisse pour une action, il visitera en une seule journée tout le parc nucléaire suisse, de Leibstadt à Mühleberg. La question nucléaire, ce militant Greenpeace la connaît

sous toutes ses coutures. À croire qu’il passe son temps dans ces installations pourtant stric-tement confinées.

Après un passage à la Hague, à l’usine de retraitement du combustible nucléaire usé, nous retournons à Cherbourg. L’œil vigilant, Yannick Rousselet scrute la zone portuaire. «La grue d’Areva est en action. Il doit y avoir un bateau au port. Pourquoi ne suis-je pas mis au courant?!» Une jetée est réservée aux transports de maté-riaux nucléaires. Aujourd’hui, il semble que ce soit simplement une livraison de conteneurs vides pour le géant nucléaire français. Yannick Rousselet sort ses jumelles: «Ah, ce doit être le Pacific Grebe qui est de retour du Japon.» Il connaît tous les navires, toutes les routes du business nucléaire. «Les Japonais sont les seuls qui savent encore fabriquer ce genre de conte-neurs.»

La France semble sous l’emprise des élites pro -nucléaires. Mais Greenpeace ne relâche pas sa

lutte et le bloc des nucléocrates commence à se fissurer, tout comme les cuves de réacteurs des

centrales. Récit en cinq chapitres d’un moment historique de la Ve République.

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La presqu’île de la Hague est une merveille: villages romantiques à peine délaissés, falaises émaillées de genêt jaune, un vrai paradis de vacances. La tristement célèbre usine de retrai-tement et son site de stockage de déchets radioactifs semblent avoir atterri là par hasard. Telle une cicatrice dans la verdure du paysage, le rectangle gris des installations occupe une surface d’environ 5 fois 0,5 km.

L’usine dessine sa silhouette symétrique dans le ciel. Silencieuse, elle n’a rien de particu-lièrement menaçant. Elle semble plutôt gro-tesquement provisoire. Deux ou trois camions de matériau radioactif y sont en moyenne retraités chaque jour: une quantité qui paraît minime en regard des dimensions du site.

Le plus impressionnant est le bâtiment gris-bleu de retraitement des eaux usées (qui seront ensuite rejetées à quelques centaines de mètres de la côte, en toute «légalité»).

À droite et à gauche, on trouve les bâtiments UP1 et UP2. L’abréviation désignait à l’origine les «usines à plutonium», mais celles-ci ont été rebaptisées en «unités de production» pour rassurer la population.

La construction de l’un des sites nucléaires les plus dangereux du monde n’a rencontré que peu de résistance dans la région. Tout le contraire de Wackersdorf, où l’Allemagne voulait construire une telle «machine infernale»: le projet souleva 880 000 oppositions et ne fut ja-mais réalisé. Les villages de la Hague et la jolie ville portuaire de Cherbourg accueillaient au contraire avec bienveillance les activités de fis-sion nucléaire.

C’est peut-être là l’héritage militaire de Cherbourg, située sur le Cotentin qui s’avance comme un doigt, ou un poste avancé, dans le canal de la Manche. Au port, un Napoléon de bronze à cheval se dresse vers l’Angleterre, l’en-nemi de toujours. Les forts militaires dominent cette plus grande baie portuaire artificielle du monde. Les plages voisines d’Utah et Omaha furent le théâtre du Débarquement de Norman-

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die. À Cherbourg, chaque famille compte une personne qui travaille pour l’industrie nucléaire ou les entreprises de l’armée. C’est là que sont fabriqués – et démontés – les sous-marins nucléaires. Comme son père et son grand-père, Yannick Rousselet a travaillé au chantier naval avant de rejoindre Greenpeace en 2001.

Dans ses jeunes années, il était militant de la première heure contre la transformation de la presqu’île en une sorte de Disneyland du nucléaire. Au chantier naval, on tolérait cet engagement politique extrêmement minori-taire.

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L’origine militaire du nucléaire est patente dans cette région reculée de Basse-Normandie. Un pays qui veut se doter d’une «force de frappe» doit se fournir en plutonium. C’est la raison d’être de la Hague, qui extrait cette substance hyperdangereuse des barreaux de combustible usés.

Pour Yannick Rousselet, le nucléaire n’est donc pas simplement source d’énergie. «C’est surtout une question de pouvoir. En démocratie, l’énergie atomique ne peut pas fonctionner. Elle implique un type de société axé sur la sécurité et le contrôle: un État centralisé autoritaire.»

Le nucléaire s’incarne dans un État puis-sant, productif et centralisé, au croisement de diverses aspirations: fierté des grands projets, vision gaulliste de la Grande Nation à droite, héritage jacobin de la Révolution des guillotines à gauche, avec le soutien des communistes et staliniens français. Le parc nucléaire le plus dense au monde est devenu une question d’identité nationale et d’organisation de la société.

Autour du nucléaire, la France a créé un système de pouvoir qui contrôle largement le pays. Les producteurs d’énergie EDF et Areva, majoritairement en possession de l’État, sont aux mains des «X-Mines», comme on appelle ces étudiants issus des deux «grandes écoles» que sont l’École polytechnique et l’École des mines. Au lieu de ce nom de série télévisée, Yannick Rousselet les appelle les «nucléo-crates».

—   I I I   —U N J E U D A N G E R E U X

Les bureaux de Greenpeace à Paris sont dis-crets, dans une petite rue du Xe arrondissement, quelque part entre la place de la République et Montmartre. Un petit écriteau, sans autre logo. Pour entrer, il faut passer un système de portes automatiques.

Victime d’espionnage, de piratage et d’une hostilité généralisée, Greenpeace France se rappelle aussi l’attentat des services secrets français contre le Rain-bow Warrior. C’était en 1985, dans le Pacifique sud, lors des protestations contre les essais nucléaires dans l’atoll de Mururoa.

En 2006, la société EDF s’introduit dans le système informatique de Greenpeace pour déro-ber d’innombrables documents. La prudence est donc de mise. «D'abord, ils vous ignorent; ensuite, ils vous raillent, puis ils vous combattent; et enfin, vous gagnez», aurait dit Gandhi. Dans les escaliers, une banderole proclame: «Les grands changements semblent impossibles au début, inévitables à la fin.» Un dicton qui s’applique certainement à la situation énergétique française. La sortie du nucléaire commence à s’imposer même à ceux qui ne la veulent pas. Le gouvernement lui-même parle de «transition énergétique».

Mais l’arrêt du nucléaire sera une véritable révolution pour la France. Le président Hollande aura-t-il le courage et la force de chan-ger le cours des choses? Veut-il vraiment la transition?

«Le mandat de François Hollande est décisif», explique Sophia Majnoni. La nouvelle directrice des campagnes chez Greenpeace France parle vite et bien. Elle a la carrure intel-lectuelle qu’il faut pour tenir tête aux bêtes du pouvoir de l’administration et de l’économie. Elle est secondée par Karine Gavand, sa conseillère politique tout aussi perspicace et élé-gante. Greenpeace France sait manifestement user de ses qualités de David contre le Goliath nucléaire. Mais l’organisation a-t-elle vraiment accès aux responsables politiques les plus importants? La réponse de Karine Gavand fuse: «Cet après-midi, nous sommes chez le Premier ministre».

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Pourtant les partisans de l’écologie ont encore du pain sur la planche pour imposer la transition énergétique. Le fait que les Verts intègrent le gouvernement ne change rien à l’affaire. «Depuis, la situation n’a fait qu’empirer, dit Sophia Majnoni. Nous avons perdu une voix.» Sa collègue précise: «François Hollande est tout de même le premier président à s’engager à diminuer la part du nucléaire. Mais il ne faut pas se faire d’illusions.»

Le président français fait preuve d’une grande souplesse en termes d’énergie. À l’ap-proche des élections, le Parti socialiste avait fait des concessions notables aux Verts pour s’assu-rer leur soutien. Il avait promis une réduction du nucléaire de 75 à 50% jusqu’en 2025, ce qui aurait impliqué la fermeture de 24 des 58 réacteurs en exploitation.

Trois semaines seulement après la signature du pacte, Hollande déclarait toutefois ne pas vouloir le respecter. Parviendra-t-il à dompter le bloc des pro-nucléaires? La question ne se pose même plus. Car il est lui-même un nucléocrate, formé dans les mêmes moules que les élites. Aujourd’hui, il peine même à concrétiser son projet de fermeture de la bombe à retardement qu’est la centrale de Fessenheim.

Bref, c’est un jeu dangereux auquel se livre François Hollande.

—   I V   —L’ I N É V I TA B L E

Ce n’est pas seulement son pays, et ses voisins, que le président de la République expose aux risques incalculables de l’énergie nucléaire. En cas de réélection en 2017, il serait contraint de résoudre un problème qui n’en sera que plus urgent. Le secteur français de l’énergie est dans une situation périlleuse.

«Le parc nucléaire français a été construit à 80% dans la décennie autour de 1980, explique Sophia Majnoni. Les centrales arrivent à la fin de la période d’exploitation prévue. Et les réacteurs sont tous de même type. La découverte d’un seul défaut structurel entraînerait obliga-toirement l’arrêt de tous les réacteurs. Ce serait alors la panne de courant générale.» L’exemple de Fukushima montre que les choses peuvent aller très vite avec un tel cumul de risques.

Depuis la catastrophe nucléaire du Japon, les voix critiques sont toutefois plus nom-breuses. Greenpeace gagne en influence et la compétence des journalistes augmente. Le mur du silence des nucléocrates s’effrite. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN, l’équivalent français de notre IFSN) n’est plus complètement à la botte d’EDF et d’Areva. Les coûts du nucléaire s’accroissent, minant la capacité financière – et aussi la générosité – des producteurs d’énergie. Les syndicats, longtemps associés aux bénéfices du nucléaire, sont mécontents de la diminution de cette source de revenus. Les technologies écologiques et la concurrence d’un courant vert étranger toujours moins cher menacent l’in-dustrie française. À l’échelle locale, les maires ont compris, après Fukushima, qu’ils seraient totalement démunis face à une catastrophe.

Deux tiers de la population française vivent dans un rayon de 75 km d’une centrale.

Or pour l’instant, le débat français se limite à la question des risques. Les solutions de tran-sition énergétique sont peu développées dans ce pays pourtant voué à la haute technologie et au rôle de pionnier. Une nouvelle loi sur l’énergie devrait être élaborée d’ici à 2014. En 2015, la France accueillera la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques et sera donc sous les feux de la rampe en termes d’éco-logie. Et en 2016, l’Union européenne prendra des décisions importantes en matière de politique énergétique.

Le cadre européen est justement un théâtre où la France pourrait jouer un rôle décisif. Entre le camp anglo-polonais des adeptes du nu-cléaire et du charbon, et celui des progressistes germano-danois. Mais c’est peut-être trop demander aux nucléocrates. Ce qui est sûr, c’est que le mandat de François Hollande jusqu’en 2017 sera une période décisive. Un moment proprement historique pour la France.

—   V   —F L A M A N V I L L E

De retour en Normandie, en compagnie de Yannick Rousselet. Nous faisons le tour de la presqu’île, avec ses riches villages dotés de salles de sport surdimensionnées et de mairies imposantes.

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«Le secteur nucléaire a sa stratégie pour gagner la population locale», relate Yannick Rousselet. Les salariés des entreprises qui s’en-gagent dans la politique locale sont soutenus fi nancièrement. Les impôts aux communes d’implantation remplissent les caisses. Et les salaires off erts sont élevés.

Mais quand l’argent ne coule plus à fl ots, l’infl uence du nucléaire sur la politique et les syndicats décline elle aussi. La rentabilité de la Hague est compromise, car le fabricant de plutonium perd des clients. D’un point de vue économique, cette production est une aberration. «L’usine de retraitement était une solution poli-tique, pour faire croire aux gens que le problème des déchets était résolu.» Plus la dimension éco-nomique devient décisive pour le secteur nu-cléaire, plus le système français devient absurde. Et Yannick Rousselet d’ajouter: «La privatisation aura raison de l’industrie nucléaire.»

De la Hague, nous longeons la côte vers le sud. Le changement climatique ne passe pas inaperçu en Normandie: un hiver enneigé et un printemps traversé par un vent froid presque automnal. C’est l’automne des nucléocrates. Nous arrivons au site de Flamanville, qui compte deux réacteurs déjà anciens. C’est aussi

le chantier d’un réacteur de type nouveau, l’EPR (European Pressurized Reactor). Ancien projet phare du nucléaire français, l’EPR est devenu un désastre économique.

Pourtant les aff aires allaient bon train avec la commande de la Finlande qui voulait construire un EPR à Olkiluoto au prix fi xe de trois milliards d’euros. Aujourd’hui, ce projet même pas terminé a déjà coûté huit milliards à Areva. En Angleterre, le gouvernement refuse d’off rir une garantie de prix du courant pour une autre construction qu’Areva réaliserait pour neuf milliards. Et l’explosion des coûts à Flamanville a d’ores et déjà provoqué le retrait de l’associé italien Enel.

L’échec économique de l’EPR est aussi lié à sa puissance trop élevée de 1650 mégawatts. Les nucléocrates n’étaient pas conscients du fait que les temps pouvaient changer. «Un réacteur plus petit se serait mieux vendu», pense Yannick Rousselet. «Et la situation aurait été plus diffi -cile pour les antinucléaires.» L’arrogance d’Areva, EDF et compagnie a du bon.

La France et son élite nucléaire endurcie, un cas à part? Pas si sûr. L’attitude de l’oligarchie suisse de l’électricité n’est pas fondamentalement diff érente. Elle fait tout pour empêcher une production décentralisée et démocratique du courant. Sous certains aspects, les bétonneurs du département fédéral autour de Doris Leuthard sont parfois pires. Car les centrales suisses sont plus anciennes que les françaises et la Suisse n’a même pas à craindre de pénurie de courant sans le nucléaire.

Cherbourg a été le point de départ de centaines de milliers d’émigrés à destination du Nouveau Monde ou encore une escale du Titanic au cours de sa traversée fatale. Qu’en dira-t-on à l’avenir? Que la ville était le théâtre de la folie nucléaire? Notre regard se perd sur le canal de la Manche, avec ses vents et ses courants marins.

«Lorsque la ministre de l’Écologie Delphine Batho (limogée depuis, ndlr) est venue nous voir en février dernier, elle a déclaré que nous pourrions construire ici des centrales maré-motrices d’une puissance équivalente à plusieurs EPR», dit Yannick Rousselet, le sourire à peine caché sous sa moustache.

La France a longtemps joué avec le feu, mais son avenir énergétique pourrait bien être l’eau.

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É N E R G I E N u c l É a I R E

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C om m e n ta i r e de G r e e n pe ac e

Ce sont de bien grands mots que le can-didat Hollande à la présidence lance sur Twitter en août 2011. Il se distance alors du superréacteur prévu à Penly pour plaire aux Verts, dont il brigue le soutien. Mais le rêve de la sortie du nucléaire sous la présidence socialiste sera de courte durée.

Après les élections, il n’est plus question d’arrêter les 20 centrales né-cessaires pour réduire la part du nu-cléaire. Même la fermeture de la cen-trale vétuste de Fessenheim pose problème au président, qui poursuit la construction de Flamanville. Et le débat sur l’énergie fait l’impasse sur les risques nucléaires. La sortie du nucléaire n’est pas à l’ordre du jour. La promotion des énergies renouvelables est quasi inexistante.

Dernier épisode en date: le budget du ministère de l’Écologie, du Dévelop-pement durable et de l’Énergie subit une réduction massive. La ministre socialiste concernée, Delphine Batho, critique cette décision et est immédia-tement limogée. – La pression du lobby industriel et énergétique reste mani-festement trop forte pour Hollande.

É N E R G I E N u c l É a I R E

«Nous devons nous ‹dénucléariser›! À l’horizon de 2025, je propose de passer de

75 à 50% de production d’électricité par le nucléaire.»

Magazine GreenpeaceNo 3 — 2013

S u R P Ê c H E

les pêcheurs artisans français en

difficulté

La fin de l’année 2013 pourrait marquer un tournant décisif pour la pêche et les océans, du moins en Europe. L’Union européenne aura alors réformé sa politique commune de la pêche pour les dix prochaines années. La France joue à cet égard un rôle particulier: un des principaux pays de pêche et de consom-mation au monde, elle possède, après les États-Unis, la plus vaste superficie d’océans. Tandis que les gros chalutiers pillent les ressources, les petits pêcheurs, pour la plupart des entreprises familiales, rentrent de plus en plus souvent bredouilles au port.

p a r B r u n o H e i n z e r

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G u y Vau d o, pêcheur artisan et plongeur à Sète, sur le littoral méditerranéen, est un homme qui n’a pas peur des mots: «En moins de cinquante ans, la pêche industrielle a réussi à surexploiter des populations de poissons qui étaient présentes depuis des millénaires.

Je suis devenu pêcheur par conviction et par passion. Je souhaite que la politique commune de la pêche prenne enfin en compte les gens qui travaillent de façon durable. Nous autres, petits pêcheurs, nous avons toujours eu conscience de notre environnement – c’est la condition même de notre existence. Notre pêche nous permet de choisir la taille des poissons que nous souhai-tons conserver. Nous pouvons nous adapter aux saisons et respectons le cycle annuel naturel des espèces que nous pêchons.»

Si l’on ne renverse pas la vapeur en matière de politique de la pêche, il n’y aura plus rien à pêcher dans 35 ans. Aujourd’hui, 80% des quotas sont octroyés à la pêche industrielle qui, avec ses méthodes non sélectives et destructives, est responsable de la surpêche. Elle capture deux à trois fois plus de poissons que nos mers ne peuvent en produire. Sans compter les millions d’animaux marins qui sont rejetés par-dessus bord, morts ou mutilés, en tant que prises acces-soires. Le plus absurde est que cette flotte d’énormes bateaux usines, équipés de la techno-logie la plus sophistiquée, ne réussit même pas à couvrir ses coûts! Elle ne se maintient à flot que grâce aux centaines de millions d’euros de subventions qu’elle perçoit.

P r i n c i pa le s e x ig e n c e s de s

pe t i t s pê c h e u r s e t de G r e e n pe ac e

Pour mettre fin à la surpêche dans les eaux européennes, les pêcheurs artisans et Greenpeace posent trois exigences majeures à la poli-tique commune de la pêche pour 2014 à 2023:

I La pression sur les ressources halieutiques doit se relâcher: les quantités pêchées doivent corres-pondre aux ressources existantes et aux capacités de reproduction. Pêchons moins, mais mieux! Respectons les quotas de pêche scientifiquement étayés et les zones protégées afin que les stocks puissent se rétablir.

II Cessons les prises accessoires: il faut mettre fin au gaspillage des ressources; les méthodes de pêche doivent être sélectives.

III Les quotas de pêche doivent être en relation directe avec le développement durable: les quo-tas les plus élevés doivent être accordés aux pêcheurs qui utilisent les pratiques les plus durables – aussi bien du point de vue social qu’environnemental.

De son côté, la petite pêche côtière locale – qui représente en France plus de la moitié des personnes employées dans le secteur de la pêche, et même 80% en Europe – ne reçoit aucune subvention et seulement 20% des quo-tas de prises. Elle n’a pas manifestement pas réussi à se faire entendre à Bruxelles.

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A n n e -M a r i e Ve rg e z a 53 ans. Elle possède son propre bateau de pêche à Saint-Jean-de-Luz, dans le Pays basque. «Dans la pêche industrielle, les armateurs ne sont pas des pêcheurs, mais des hommes d’af-faires – dans la petite pêche artisanale, les armateurs naviguent sur leur propre bateau», explique-t-elle.

Exploitant le Nahikari («désir» en basque), elle est la seule femme de la région à exercer le métier de «patron pêcheur». Elle pratique la pêche à la palangre, du nom de la ligne prin-cipale à laquelle sont fixés des bras latéraux disposés à espaces réguliers et où se trouvent les appâts montés sur les hameçons. La palangre est posée durant quelques heures, puis relevée. Cette technique traditionnelle est sans doute la plus ancienne qui soit. Autrefois, on n’avait même pas besoin de bateau: on posait la palangre directement sur la grève avant la marée haute.

Anne-Marie Vergez se bat pour un seul objectif: «Les politiciens, au niveau français et européen, doivent enfin prendre en compte les petits pêcheurs qui sont les seuls à pouvoir garantir la pérennité des stocks, parce qu’ils traitent les ressources halieutiques en respectant le développe-ment durable.»

Pratiquée à proximité des côtes par des arti-sans qui sont généralement propriétaires de leur bateau, la petite pêche a une attitude foncière-ment différente de celles des multinationales de la pêche industrielle, telle la PFA (voir maga-zine 2/2013). Les pêcheurs locaux ne cherchent

S u R P Ê c H EC on s e i l s au x

c on s om m at e u r s

Les consommateurs peuvent, eux aussi, apporter leur contribution, par exemple lorsqu’ils achètent du poisson pendant leurs vacances au bord de la mer.

Achetez-le directement au port ou dans la halle aux poissons au lieu de vous ravitailler chez les gros détaillants – en France, par exemple, Intermarché exploite sa propre flotte.

N’achetez pas de poissons trop petits. La taille minimale est de 36 cm pour le bar, 20 cm pour le maquereau, 27 cm pour le merlu et 25 cm pour le sar commun.

N’achetez pas le poisson pendant sa période de reproduction, par exemple du bar entre la mi-février et la fin mars.

Préférez la qualité à la quantité: choisissez des labels locaux tels que du «bar de ligne» ou du «mer-lu de ligne» au lieu de poisson surgelé ou d’élevage, meilleur marché.

Posez des questions au poissonnier ou au serveur du restaurant: d’où vient le poisson? A-t-il été pêché de façon durable ou par un gros chalutier?

Signez la pétition de Fish Fight France: www.fishfight.fr.

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pas à maximiser leurs profi ts et ne doivent pas assouvir l’avidité d’actionnaires friands de divi-dendes. Le produit de leur pêche doit unique-ment permettre de subvenir aux besoins de leur famille. La plupart sont pêcheurs de père en fi ls et savent qu’ils doivent ménager les stocks pour laisser du poisson à leurs enfants et petits-en-fants. Ils recourent à des méthodes spécifi ques selon le type de poisson, par exemple à la ligne pour le bar (en hiver) ou avec des cannes à pêche (en été); avec des lignes de fond (palangre) pour le merlu ou avec des pièges pour les crustacés. Lorsqu’un autre poisson mord à l’hameçon, il sera lui aussi vendu ou consommé par le pêcheur. Il n’y a pas de prises accessoires. Les petits pêcheurs ne détruisent pas le biotope et sont suffi samment fl exibles pour s’adapter aux cycles des espèces suivant les saisons. Contrairement aux équipages des grands chalutiers ou des navires à fi lets dérivants, ils respectent les tailles minimales et les périodes de frai, car ils ont intérêt à pouvoir pêcher du poisson adulte au même endroit l’année suivante.

Pour que cette pêche puisse enfi n obtenir la place qu’elle mérite dans la politique euro-péenne, les pêcheurs artisans français se sont pour la première fois organisés. Plus de 500 pêcheurs possédant des bateaux de 12 mètres de long au maximum se sont associés pour créer la Plateforme de la petite pêche artisanale fran-çaise. Originaires pour la plupart du Langue-doc-Roussillon, de Bretagne et du Pays basque, certains d’outre-mer, ils veulent que la nouvelle politique commune prenne enfi n en compte leurs intérêts et leurs prestations, et qu’elle réduise les surcapacités des bateaux usines qui ne sont pas rentables. Les quotas de pêche devraient désormais être octroyés sur la base de critères écologiques, sociaux et territoriaux. Les pêcheurs côtiers, localement enracinés, ont toujours pêché en préservant les ressources pour les générations suivantes. Ce type de pêche durable doit être encouragé.

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P lu s de p oi s s on ?La pêche dans l’Union européenne

Quels pays pêchent le plus?Prises en millions de tonnes

2010 4,9 17% 15% 12% 9% Danemark Espagne GB France

2005 5,6

1995 8,1

Les trois espèces les plus pêchées

Sprat

Maquereau

Hareng

L’espèce la plus menacée

Thon rouge

Où la plupart des poissons sont-ils pêchés?2009, en tonnes de poissons vivants

Atlantique Nord-Est 3549, 8Atlantique Est /partie centrale 489,7Méditerranée 448, 4

Les stocks de poissons sont-ils inépuisables?

Stockssurexploités

68% 80% 47% UE Méditerranée Atlantique, Nord-Est

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S u R P Ê c H E

Depuis des années, Greenpeace exige la création d’aires marines protégées qui couvriraient 40% des mers du globe et dans les-quelles aucune pêche industrielle ne serait pratiquée, du moins jusqu’à ce que les stocks se soient reconstitués. C’est en effet le seul moyen pour empêcher que les océans ne meurent complètement. Les instances de l’ONU sont arrivées à la même conclusion et proposent la mise sous protection de 20% des mers du globe.

Pour réaliser ces objectifs de la Convention sur la diversité bio-logique, la France a convoqué un «Grenelle de la mer» entre 2009 et 2012, une initiative qui place la mer au centre du débat. Il s’agit

d’une vaste procédure de consul-tation d’une durée de trois ans à laquelle participent tous les grou-pements concernés (y compris Greenpeace France). Quatre groupes de travail ont retenu plu-sieurs centaines de propositions et fait la synthèse de leurs résultats. C’est ainsi que l’objectif de mettre sous protection 20% des mers françaises d’ici 2020 (dont 10% comme zones où la pêche sera interdite) a été proposé au gouver-nement: une bonne décision, certes, mais pas assez contraignante.

Malheureusement, les «déci-sions» nationales et internatio-nales ne sont, pour la plupart, que des déclarations d’intention bien vite oubliées sous la pression

du puissant lobby de la pêche industrielle. Seulement 1,2 % des mers sont protégées dans le monde. Et dans les eaux françaises également, pratiquement aucun des objectifs de ce Grenelle de la mer n’a été mis en œuvre. Or le temps est compté pour les océans, qui ne peuvent attendre la réa-lisation de ces ambitieux objectifs. Il est d’autant plus urgent de commencer directement au niveau de la pêche, de mettre un terme aux pires excès et d’encourager les méthodes les plus respectueuses du développement durable.

R é s e rv e s m a r i n e s / G r e n e lle de l a m e r

un c h a l u t i e r g é a n t à 3 0 m i l l e s m a r i n s d e l a c ô te m a u r i ta n i e n n e : G re e n p e a c e s ’e n g a g e e n a f r i q u e d e l ’o u e s t p o u r u n e p ê c h e d u ra b l e q u i t i e n n e c o m p te d e s b e s o i n s d e s e n t re p r i s e s fa m i l i a l e s l o c a l e s ,

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Gw e na ë l P e n na ru n, qui pratique la pêche côtière traditionnelle à Sainte-Marine, en Bretagne, déclare: «Je ne peux pas dire si j’ai choisi ce métier ou si c’est lui qui m’a choi-si. Tout petit déjà, j’accompagnais mon père en mer, et maintenant, cela fait 30 ans que je pêche le bar à la ligne dans le Sud du Finistère. Être pêcheur, c’est pour moi synonyme de liberté – ou plutôt, ça l’était. Car aujourd’hui, je dois sortir quand le poisson est là et avant qu’il ne reparte. Nous remarquons que le nombre des poissons a fortement diminué au cours des 30 dernières années.»

De mars à juin dernier, Greenpeace a entre-pris une expédition «révolutionnaire». Pour la première fois, les pêcheurs n’étaient pas nos adversaires, mais voyageaient avec l’équipage de Greenpeace à bord de l’Arctic Sunrise qui a sillonné les mers européennes pour soutenir les pêcheurs locaux travaillant de façon durable et exiger un changement de la politique com-mune de la pêche. Comme symbole de leur lutte commune pour des mers saines, l’Arctic Sunrise a transporté un fanal d’un pays à l’autre – en commençant par la Roumanie et en finissant par l’Angleterre. Le navire a accosté dans neuf pays et collecté des messages de soutien à la pêche côtière locale pour faire pression sur les négocia-tions de l’UE concernant la réforme de la pêche.

Les efforts conjugués des pêcheurs artisans, de Greenpeace et d’autres protecteurs des océans ont déjà porté leurs premiers fruits. Fin

mai, des négociateurs du Conseil des ministres de l’UE et du Parlement européen ont présenté un projet de nouvelle politique de la pêche qui, pour la première fois, fixe des quotas de pêche de façon à garantir la pérennité des stocks et à réduire nettement les prises accessoires. Le compromis doit encore être approuvé par les États membres et le Parlement européen afin que cette série de lois puisse entrer en vigueur au début de 2014.

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La plupart des stocks de poissons comestibles des mers européennes sont surexploités ou épuisés. Une modifica-tion fondamentale de la politique com-mune de la pêche s’impose d’urgence.

Le 30 mai 2013, les membres de l’Union européenne ont relevé ce défi et se sont mis d’accord, au terme d’âpres négociations, sur les principaux éléments d’une réforme de la politique de la pêche en Europe.

L a p oli t iq u e c om m u n e de l a pê c h e

Pratiquer la pêche à grande échelle avec un chalutier est une activité régie par la politique commune de la pêche. C’est au niveau européen que se définissent les règles en la matière.

La politique actuelle est un échec largement reconnu. Elle sert surtout les intérêts de l’industrie, en délaissant les objectifs de protection des mers. Conséquence: des stocks de poissons décimés par la surpêche, de nom-breuses prises accessoires, de forts quo-tas de pêche et des subventions contro-versées à l’industrie. Tout cela aux dépens de l’environnement marin et des petits pêcheurs aux pratiques de pêche durables.

C om m e n ta i r e de G r e e n pe ac e

Thilo Maack, expert en océans pour Greenpeace Allemagne prend positon sur la consultation au sujet de la réforme de la politique commune de la pêche:

«Les négociations à Bruxelles ont tout de même abouti à un accord sur la manière de permettre aux stocks eu-ropéens de poissons de se rétablir. Au vu de la surpêche massive, nous au-rions pourtant souhaité des règles plus strictes. Les projets ambitieux du Parlement ne se retrouvent pas vraiment dans ce compromis. Il sera toujours permis de rejeter les prises accessoires à la mer. Le rétablissement des stocks sera échelonné sur une plus longue pé-riode que ce qu’il aurait fallu. Et la plu-part des poissons comestibles des eaux européennes sont toujours surex-ploités ou épuisés. Il s’agit maintenant de voir comment les pays membres de l’UE mettront en œuvre les nouvelles règles et s’ils sanctionneront systéma-tiquement les écarts.»

S u R P Ê c H E

«La haute mer est l’incarnation d’un enjeu multilatéral particulier, puisqu’elle n’a pas de

propriétaire et constitue pourtant une source de richesse immense, à peine explorée.»

d é c l a ra t i o n d e d e l p h i n e B a th o , a n c i e n n e m i n i s t re d e l ’ E n v i r o n n e m e n t d u g o u v e r n e m e n t f ra n ç a i s , 1 1 a v r i l 2 0 1 3

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Tout le monde parle de la mor t des abeilles. Mais on sait moins que les jeunes huîtres meurent à un rythme drama-tique. L’ostréiculture française – la quatrième au monde après la Chine, le Japon et la Corée du Sud – est touchée de plein fouet. Depuis 2008, les produc -teurs tirent la sonnette d’alarme.

L’hécatombe a commencé en avril, d’abord dans les lagunes du littoral méditerranéen, puis sur la côte atlantique. De 40 à 80% des naissains – larves de moins d’un an – ont succombé; dans certaines régions, la mortalité atteignait 100%. Chaque été, une grande partie des naissains qui auraient dû constituer la base de l’élevage des années suivantes meurent. Écologiquement et économiquement, les conséquences sont dramatiques. Un quart des 4800 entreprises ostréicoles employant 15 000 personnes, géné-ralement des PME familiales, est menacé. S u i te p . 4 8

mort DeS huîtreS en france

E S S a I P H o t o G R a P H I q u E

d e s g o u r m e ts a s i a t i q u e s à c a n c a l e : s i l e s h u î t re s v i e n n e n t à m a n q u e r, l e s t o u r i s te s n e v i e n d r o n t p l u s . E n Fra n c e , u n é l e v e u r s u r q u a t re c ra i n t d e d i s p a ra î t re .

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E x p l o i ta t i o n o s t ré i c o l e d a n s l a b a i e d u M o n t - S a i n t - M i c h e l : o u t re d e u x t y p e s d e b a c té r i e s , d e s p r o d u i ts p o l l u a n ts u t i l i s é s p a r l e s a g r i c u l te u r s p o u r ra i e n t ê t re l a c a u s e d e l ’ h é c a t o m b e .

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E S S a I P H o t o G R a P H I q u E

Pa s e n c or e de prob lè m e p ou r le s c on s om m at e u r s

Les grossistes peuvent encore combler les pertes en important des huîtres d’Asie. Cela réconforte peut-être les gourmets, mais pas les éleveurs. Et la disparition des huîtres sauvages entraînerait une catastrophe écologique. Car ces mollusques sont non seulement un maillon important de la chaîne alimentaire, mais purifient aussi l’eau de mer en la filtrant.

D e s é t é s mort e l sLa mortalité estivale des huîtres n’est pas une nouveauté. Les mollusques n’ont pas d’anti-corps, on ne peut pas les vacciner ou les guérir, mais seulement attendre que l’épizootie recule – ou pas. Ce scénario du pire est déjà survenu deux fois dans l’histoire de l’ostréiculture fran-çaise – la première au début du XXe siècle. L’espèce indigène européenne, ostrea edulis, qui était déjà consommée dans la Rome antique, a été décimée il y a une centaine d’années par le parasite Bonamia ostreae. Aujourd’hui, elle est encore commercialisée sur certains sites ostréi-coles typiques sous le nom d’«huître plate». Après son déclin, les éleveurs se sont tournés vers l’huître portugaise (crassostrea angulata) qui fut éradiquée par un virus entre 1970 et 1972. Elle a donc été remplacée par la crassostrea gigas, une huître creuse qui représente plus de 98% du marché actuel – et qui est elle aussi menacée.

L e s pr i n c i pa le s c au s e s s on t c on n u e s

La récente mortalité massive des huîtres a été causée par des bactéries de souches proches, Vibrio splendidus et Vibrio aesturianus, mais surtout par une forme très agressive d’herpès- virus. «Le gros problème auquel nous sommes

confrontés, c’est un nouvel agent infectieux. Il s’agit d’un descendant d’un virus bien connu, OsHV-1, que nous avons baptisé microvariant d’OsHV-1», explique Nathalie Cochennec, bio-logiste à Ifremer, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer. Les scientifiques ont établi la présence de ce virus dans un échan-tillon sur deux de tissus d’huîtres prélevés en 2008. En 2009, on le trouvait déjà dans 96% des échantillons, généralement avec les deux bactéries Vibrio.

On ne sait pas vraiment pourquoi ces virus sont mortels pour les jeunes huîtres. Le bio-chimiste français Jean-Francois Samain en voit la raison dans le changement climatique: «L’augmentation de la température de l’eau incite l’huître à se reproduire. Elle concentre son énergie sur la production de gamètes et s’en trouve affaiblie.» De plus, des experts n’excluent pas d’autres facteurs, tels les produits agricoles toxiques ou des toxines provenant des algues. Les chercheurs américains supposent que la suracidité des mers contribue à cette mortalité.

L e s h u î t r e s r é s i s ta n t e s, u n e s p oi r ?

Certaines huîtres résistent à ces nouveaux agents infectieux. Si l’on réussissait à identifier ces espèces et à les élever, elles pourraient constituer la base de nouveaux stocks. L’Ifremer et les quatre plus grands éleveurs de naissains du pays s’y emploient. L’un d’eux, Frédéric Che-nier, collecte des huîtres sauvages sur les côtes les plus escarpées de Bretagne. «Ce sont les plus fortes. À partir de là, j’élève une souche, je l’expose à des agents infectieux et, avec celles qui ont survécu, je poursuis l’élevage. Si tout se passe bien, elles seront sur le marché en 2015.»

I l fau t lu t t e r c on t r e le s c au s e s plu s profon de s

On peut toutefois se demander si cette stratégie suffira à long terme. Car cela ne résoudra pas les problèmes plus sérieux: suracidité, réchauf-fement et pollution des océans.

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en solo sur une autre scène

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Magazine GreenpeaceNo 3 — 2013 53

Quel citadin n’a pas un jour rêvé de prendre ses cliques et ses claques, de tourner le dos à la jungle de béton urbaine, aux transports pu-blics bondés et de retrouver un peu de sa liberté à la campagne? Cela reste souvent une belle utopie. Pas pour Nicole Klein: après avoir vécu près de 20 ans à Paris, cette danseuse est deve-nue paysanne bio dans les Préalpes françaises.

Il est bientôt dix heures du soir. Une nuit comme dans les contes de fées tombe sur le Vercors, un massif escarpé au sud de Grenoble. C’est là, à St-Roman, à l’ouest du Vercors, que se dresse la yourte de Nicole Klein. Nous sommes assis au centre, sur des poufs et des matelas, autour d’une table de salon impro-visée – moi, la voisine Sandra et son ami Florent, qui vient d’arriver en tenue d’apiculteur. Nicole nous sert de délicieux produits de cette région fertile: une salade de mâche et de jeunes feuilles de tilleul du marais voisin, décorée de fleurs de bourrache d’un violet éclatant. Pour l’accompa-gner, du boulgour, du pesto à l’ail des ours fait maison, des champignons, des navets, du pain et du fromage du village. Nous mangeons pen-dant que Nicole, une petite femme au teint frais, le visage parsemé de taches de rousseur, met de temps à autre une bûche dans le vieux poêle à bois émaillé. Nous sommes début mai et il fait encore frisquet. Soudain, alors que l’ampoule au-dessus de nos têtes vient de s’éteindre (un problème de batterie de l’installation solaire...), nous découvrons un ciel étoilé au travers de la voûte en plastique transparent qui couronne la yourte. Dehors, on n’entend que le coasse-ment des grenouilles du marais, le bruissement de la Drôme et, parfois, le chant d’un rossignol. La jeune femme nous avait prévenu: «C’est une incroyable demeure, il n’y a pratiquement pas de différence entre l’extérieur et l’intérieur...»

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Il en allait autrement à Paris: elle y partageait un appartement de 50 m2 avec son compagnon de l’époque et un ami. La seule chose qu’ils en-tendaient, tard dans la nuit, c’était le vacarme de la circulation sur l’avenue très fréquentée devant leur immeuble. Et si, par hasard, un chant nocturne retentissait, c’était celui d’ivrognes rentrant chez eux. Née à Chicago, Nicole avait suivi sa mère à Paris à l’âge de 13 ans. Elle passera 19 ans dans la capitale commer-ciale, artistique et politique de la France. Un lieu où l’on passe une partie de la journée sous la lumière blafarde des couloirs du métro, en essayant d’éviter aussi élégamment que possible ses semblables. Un lieu où les gens sont obligés de se mettre des œillères s’ils ne veulent pas être submergés par le flot incessant d’impressions. La folie quotidienne de la vie dans les grandes métropoles, qui est devenue la norme pour la moitié de l’humanité, a fini par miner Nicole: «À un moment donné, je n’ai plus supporté la vio-lence de la ville. Par violence, je ne fais pas allu-sion aux statistiques des hold-up, mais à la froideur des relations humaines et à l’ignorance réciproque. En ville, tout le monde court après quelque chose. Mais, que veulent-ils vraiment, quel est leur but?»

Magazine GreenpeaceNo 3 — 2013 54

C’est dans un magasin bio de Montreuil, où elle travaillait durant ses études de danse à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Cergy-Pontoise, qu’elle a commencé à s’intéres-ser aux aliments bio. Plus tard, alors qu’elle oc-cupait un poste d’employée de bureau à mi-temps auprès de Greenpeace, elle s’est familiarisée avec les thèmes de la souveraineté alimentaire et des OGM. En 2006, elle a suivi son ami de l’époque, qui venait d’obtenir une bourse artis-tique au Bénin, en emportant avec elle des tas de DVD sur le thème de l’environnement. Avec le zèle du missionnaire, elle voulait sensibiliser les cultivateurs aux dangers des OGM, des engrais chimiques, des pesticides, les mettant en garde contre la dépendance des grands groupes de l’agrochimie. «Je prêchais une agricul-ture bio dont je n’avais aucune idée», recon-naît-elle aujourd’hui. Pourtant, le Bénin marque un tournant pour elle: «J’ai soudain réalisé combien je m’étais éloignée de mon environ-nement naturel, et que l’agriculture de sub-sistance – une vie au contact de la nature et déterminée par la nature – était la norme pour la plupart des gens de la planète.

Mon mode de vie urbain constituait l’exception – pas le leur!» Dès lors, Nicole se sentira soli-daire des petits agriculteurs – en France plutôt qu’en Afrique, où les conditions auraient été totalement différentes.

Un e paysa n n e c i toy e n n e du mon de

La nuit passée dans la yourte de Nicole a été reposante. Le chant d’un coq nous a réveillés. Pour le repas de midi, Nicole est partie chercher quelques œufs dans l’enclos des poules, construit avec les moyens du bord. À part cela, la «ferme» ne produit pas grand-chose pour l’instant. Ici, à St-Roman, Nicole n’exploite qu’un petit verger qui produit des pêches, des prunes, des nèfles, des cormes et des coings. Cela ne suffit pas. Bien que les trappes aménagées dans le plancher soient pleines de conserves en bocal de l’été dernier, elle a besoin de marchandises que des paysans bio vendent sur le marché. Nicole aurait pu prendre des parts dans la grande parcelle de sa voisine Sandra.

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Ni c o l e u t i l i s e l e m o i n d re e s p a c e d e s a y o u r te e t n e c o n s e r v e q u e l e s t r i c t n é c e s s a i re . M a i s l a p a y s a n n e b i o n e v o u d ra i t p a s p o u r a u ta n t re n o n c e r à I n te r n e t .

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Mais elle est tombée amoureuse d’un petit lopin de terre à Trièves, où habite son ami et où sa yourte va bientôt déménager. Elle me montrera plus tard ce nouvel endroit et le jardin collectif qui s’y trouve. Mais auparavant, elle veut relever ses mails. Surfer sur le web dans une yourte? – Eh oui! La jeune femme peut difficilement ima-giner une vie sans Internet. Elle passe com-mande à des magasins en ligne, répond aux inscriptions à ses cours de danse et communique avec ses sœurs qui vivent aux États-Unis. Pour cela, elle a tiré un câble depuis la maison de Sandra. La connexion n’est pas mauvaise. «Tu sais, je ne suis pas hostile à la technique et je ne veux pas me couper du monde.» Son père, à Chicago, lui demande parfois si son mode de vie n’est pas un «truc de néo-hippies». – «Pas du tout!» Dans le projet de vie de Nicole, l’autosuf-fisance, l’adaptation aux cycles naturels et le renoncement au confort domestique ne sont pas en contradiction avec les boutiques en ligne et les vols intercontinentaux. Elle ne compte pas renoncer aux voyages en avion pour le Canada, le Japon, les États-Unis ou l’Inde. «Ma morale ne va pas jusque-là...» Elle a des principes, mais qui ne doivent pas restreindre son dévelop-pement individuel. Les «néos», comme les autochtones les appellent, seraient-ils une sorte d’hybride, à mi-chemin entre la frugalité des petits paysans et l’hédonisme des citoyens du monde? En tout cas, le radicalisme et le dogma-tisme des anciens mouvements de marginaux ne les séduisent guère. «En fait, je suis végéta-rienne, explique-t-elle, mais si quelqu’un se donne la peine de me cuisiner un plat de viande, j’accorde plus d’importance à son geste.» La convivialité passe avant les principes.

Nicole va chercher sa vieille Peugeot 306, consciente de cette nouvelle inconséquence écologique: «À Paris, je me déplaçais la plupart du temps à vélo. Ici, je suis toujours en voiture.» Une route sinueuse monte au col de Grimone, à 1318 mètres d’altitude, traversant des gorges profondes, fortement boisées. D’anciennes galeries creusées dans la roche offrent des vues sublimes sur les torrents coulant au pied du massif du Vercors. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ces falaises offraient des caches appréciées aux résistants luttant contre l’occu-pation allemande. Aujourd’hui, 10% du parc naturel du Vercors est protégé: ces 170 km2 sont

la plus vaste réserve naturelle de France. Juste avant d’arriver en haut du col, la voiture s’arrête brusquement. Sur une prairie maigre, Nicole a découvert des primevères sauvages. Une fois rentrée, elle préparera une infusion aux herbes contre les refroidissements. De l’autre côté de la route, il y a des buissons de baies d’églantine – le fruit préféré de Nicole. En automne, elle vient toujours ici avec son ami pour en cueillir. Ils préparent de la glace à l’églantine. Au cours des sept dernières années, la jeune femme n’a cessé de perfectionner ses connaissances sur la flore et ses propriétés culinaires. Après l’expérience décisive du Bénin, elle a commencé à «wwoofer» – autrement dit à travailler dans des fermes bio en échange du gîte et du couvert. Ensuite, elle s’est engagée dans un projet de jardinage urbain à Mon-treuil. Pourtant, bien qu’elle apprécie les initiatives d’agriculture urbaine et de villes en transition, toujours plus nombreuses, cela ne lui suffisait pas. «Je me sentais minoritaire au milieu de tous les autres, si différents.» Fina-lement, Nicole se lance dans une formation d’un an à la culture maraîchère bio dans la petite ville de Die, non loin de St-Roman. C’est une véritable petite Mecque du bio. Nulle part ailleurs en France, on ne trouve autant de pay-sans bio que dans la région Rhône-Alpes, dont font partie les départements de la Drôme et de l’Isère sur lesquels s’étend le massif du Vercors. Aujourd’hui, plus de 10% des paysans de la Drôme et 5% de l’Isère cultivent de manière biologique – en France, la moyenne est de 2,5%.

Une fois le col franchi, notre regard dé-couvre un vaste haut plateau fertile. Des champs de colza d’un jaune lumineux jouxtent des prairies sauvages. Entre les deux, d’étroites bandes de forêts se perdent le long de l’Ebron, sur les coteaux desquels on produit la Clairette, un vin doux pétillant qui a fait la renommée de la région. «L’environnement d’ici me donne de la force, de l’énergie. Paris, à l’inverse, me vidait complètement.» Souvent, elle se sentait épuisée et inutile – même lorsqu’elle fonçait sur les routes de France le week-end pour participer à des débats sur la souveraineté alimentaire et à des manifestations contre la globalisation. Certes, elle trouve toujours les mouvements sociaux inspirants, «mais ici, je peux faire bou-

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ger les choses beaucoup plus.» Je pense à Mahatma Gandhi et à son credo: «Sois toi-même le changement que tu veux voir advenir dans le monde.»

L e s n é o s a r r i v e n t, le s e n fa n t s du pays pa rt e n t

Nous arrivons à Tréminis, où vit Sylvain, l’ami de Nicole: c’est un petit village endormi qui compte plus de ruches que d’habitants. L’air est imprégné du doux nectar. Une épicerie en constitue en quelque sorte le centre – il n’y a pas d’autre lieu de rendez-vous. De nombreux villages du Vercors sont quasiment déserts. Les jeunes quittent les campagnes à cause du manque d’emplois et de formations – un fléau national! Chaque année, 30 000 paysans cessent leur activité. Officiellement, on en compte encore 770 000, soit environ 3% de la population. Ils sont aussi toujours plus vieux: un tiers seulement a moins de quarante ans. À l’inverse, les néos ont préféré s’installer à la campagne malgré une bonne formation et des possibilités de carrière dans la capitale. Deux tiers des 30 personnes participant à la formation que Nicole a suivie à Die venaient de la ville et n’avaient aucune racine paysanne. Combien de néos se sont établis dans la région du Vercors ces der-nières années? Nul ne le peut dire exactement. Les nouveaux arrivés n’apparaissent dans les statistiques que s’ils disposent de plus de 12 hec-tares de terre, et sont donc reconnus comme paysans professionnels.

Modè le s d’e n t r e pr i s e p ou r pe t i t s r ev e n u s

Sylvain n’a que 120 m2 de terre – juste derrière le bâtiment de la Poste, qui aurait bien besoin d’être rénové. C’est là qu’il vit depuis sept ans. Il y produit de la salade, des pommes de terre, des radis, des oignons, des mûres, de la rhu-barbe et des pommes. Avec l’enclos des poules, cela suffit pour le ravitaillement en légumes, en fruits et en œufs, assure-t-il. Pour le reste, Sylvain gagne sa vie en fabriquant de la glace bio. Avec une aide financière initiale de l’État, il a installé un petit atelier de production

dans une ancienne maison communale. Son modèle d’entreprise est viable, alors que celui de Nicole reste vague. Avant notre rencontre, elle nous avait parlé d’un verger pour produire des baies et des fruits qu’elle aimerait transformer en jus et en glace. Mais le terrain adéquat manque. «Avoir à nouveau un revenu régulier serait une bonne chose», dit-elle. Après avoir fui Paris, elle a touché des allocations de chômage pendant un an. Son ancien employeur l’a soutenu durant une année supplémentaire pour sa reconversion. Actuellement, elle vit de ses économies et du peu d’argent que lui rap-portent, de temps à autre, ses cours de danse et de technique respiratoire. «Je m’en sors à peu près avec 300 à 400 euros par mois.» Son idée actuelle: cultiver des champignons qu’elle compte vendre sur les marchés locaux. Ce matin, le mycélium dont elle a besoin est arrivé chez Sylvain – il s’agit de cellules de cham-pignons sous forme de filaments qu’elle a com-mandées sur un magasin en ligne aux États-Unis.

En France, l’État investit beaucoup d’argent pour intéresser les jeunes aux métiers agricoles. Mais pour obtenir des subventions, Nicole aurait d’abord besoin d’un plan commercial claire-ment défini, et surtout de suffisamment de terrain. C’est cette dernière exigence qui lui cause le plus de soucis, car, ici, la terre est aussi rare et convoitée que partout ailleurs en Europe. «C’est une sorte de système aristocratique en circuit fermé.» Généralement, les parcelles restent pendant des générations aux mains des familles qui les possèdent. Les propriétaires sont extrê-mement prudents quand il s’agit de louer leurs terres, car la loi française offre une bonne pro-tection aux locataires. Une fois signé, un contrat de bail ne peut être résilié qu’exceptionnelle-ment durant la période réglementaire de neuf ans. Comme leurs trois amis des jardins collec-tifs de Prébois, Nicole et Sylvain sont en pourparlers avec les paysans et les propriétaires de terrain des environs. Leur objectif: quatre hectares. Cela ferait trois de plus que ce qu’ils ont aujourd’hui et leur permettrait, dans un pre-mier temps, de subvenir à leurs besoins et d’ob-tenir un revenu suffisant sur le marché. Dans deux jours, ils auront d’autres entretiens avec les propriétaires des parcelles. Je demande à Nicole si je peux l’accompagner. «Non, me répond-elle. L’enjeu est trop important.»

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Magazine GreenpeaceNo 3 — 2013

«Né oru r au x» ou «M é t ro, b ou l ot, d od o» ?

Dans leur ouvrage paru en 1979, le retour à la nature: «au fond de la forêt… l’État», les sociologues Bertrand Hervieu et Danièle Hervieu-Léger décrivent des jeunes fatigués de la ville, à la recherche de nouvelles formes de travail, de consommation, de communauté et d’agriculture. Ils avaient surtout trouvé ces «néoruraux» (en abrégé, les «néos») dans des régions agricoles à l’abandon, où l’on pou-vait acheter des petits bâtiments en ruine et quelques hectares de terre pour moins de 10 000 francs. Selon les scientifiques, ce qui caractérisait ces néos, c’était la volonté de s’isoler et de tourner le dos aux «effets pervers» de la

grande ville, la nostalgie d’une nature intacte et d’une vie en har-monie avec celle-ci, enfin, le retour au village, où tout le monde se connaît et où la solidarité n’est pas un vain mot.

Depuis, le terme de «néoru-raux» est utilisé de diverses manières dans la littérature et dans la vie quotidienne. D’après une étude de l’institut Ipsos réalisée en 2003, 4,2% de la population française de 15 ans et plus sont des néos, soit quelque deux millions de personnes. Il faut toutefois y ajouter tous ceux qui, indépendam-ment de leur profession et de leur lieu de travail, ont quitté les villes et les agglomérations pour s’ins-

taller à la campagne. Seuls 14% de ce groupe s’intéressaient encore au renouveau et au développe-ment des zones rurales. Ces néo-ruraux du XXIe siècle ne sont à l’évidence en rien comparables aux jeunes politisés et utopiques analysés par Hervieu et Léger.

un e v u e fa n ta s t i q u e s u r l e s al p e s f ra n ç a i s e s : c ’e s t l à q u e Ni c o l e K l e i n s e c o n s t r u i t u n e n o u v e l l e e x i s te n c e .

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Les locaux sont sceptiques à l’égard des projets des néos. Ils ne veulent pas d’un «truc de hippies» et souhaitent d’abord s’assurer que les néos les prennent au sérieux. Les voisines de Nicole ont fait plusieurs fois la remarque que «de nos jours, les jeunes changent tout le temps leurs plans». De toute façon, les paysans ne correspondent pas vraiment à l’idée que la jeune femme s’en faisait à Paris – des gens qui de-vaient aimer la liberté et être révolutionnaires. «En réalité, la plupart sont très conservateurs et s’accommodent des directives de Paris», dé-clare-t-elle aujourd’hui. C’est le cas, par exemple, avec la loi COV, adoptée fi n 2011, qui limite les semences de céréales à 22 sortes. Celui qui réutilise ses semences est obligé de rémunérer les semenciers. Je trouve cela très inquiétant.»

E n t r e le Ja r di n du M a rg a rou e t Pa r i s

De Tréminis, nous continuons notre route vers le jardin collectif de Prébois, tout proche. Un pan-neau peint à la main indique l’embranchement du chemin qui mène au jardin du Margarou, un terrain de 8000 m2, avec deux vastes serres et deux champs. Dans les serres poussent du basilic, plus de vingt sortes de tomates, des épinards, des poivrons, de la salade et de la mélisse. Les collègues de Nicole, Faith et Calou, sont juste-ment en train de charger les plants dans une camionnette. Elles les vendront demain au mar-ché bio de Mens, la commune voisine. Les champs sont encore arides. En avril, Nicole a planté quelques pêchers et pruniers. Elle est en train d’inspecter les feuilles et les bourgeons. Une bonne partie des arbustes sont malades, constate-t-elle, atteints par un champignon. Peut-être l’espèce ne convient-elle pas, à moins que cela ne vienne du sol argileux qui donne du souci aux jardinières: fi dèles aux principes de l’agroécologie, elles ne voulaient pas le labourer afi n de préserver la microbiologie du sol. Mais la nature leur a appris qu’ici, cela ne marche pas. Les jardinières du Margarou ont dû emprunter une charrue à des paysans conventionnels.

Nicole rejoint ses amies pour bavarder devant la vieille caravane qui sert d’entrepôt pour les semences et de cuisine pour préparer le café.

L’atmosphère est sympathique et détendue. Faith est anglaise, mais vit depuis de nombreuses années dans les Préalpes françaises. Ses bras musclés sont tannés par le soleil. Elle fume une cigarette qu’elle a roulée elle-même. Entre deux bouff ées, elle mord dans un morceau de baguette, un peu de jambon ou du chocolat. Pour la première fois, j’ai l’impression de voir la Parisienne en Nicole. Certes, sa polaire est tachée et ses chaussures sont usées, mais ses mains ne sont pas aussi foncées et calleuses que celles de Faith ou de Calou. Son rire a aussi l’air moins enjoué et insouciant – comme si elle était encore un peu prisonnière de son passé d’artiste parisienne, et pas totalement habituée à sa nouvelle identité de paysanne bio. Elle l’avoue elle-même: «Je sais, je suis diff érente.» On ne se débarrasse pas si facilement de son passé. Des années d’observation précise et de préoccupations esthétiques ont marqué sa manière de penser. Mais elle a aussi développé un sens raffi né du transcendantal, de ce qui se cache derrière les choses. Et parfois, Nicole regrette le melting-pot culturel de Paris. Dans les rares bistros de l’Isère, on rencontre rarement un Marocain, une Philippine ou un musicien de Côte d’Ivoire. Pense-t-elle parfois y retourner? «Non, pour l’instant, je ne peux pas m’imaginer autre chose. Mais rien n’est défi nitif.»

c H a N G E M E N t d E d É c o R

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a G R I c u l t u R E

C om m e n ta i r e de G r e e n pe ac e

«Faire ses achats est un acte politique. Chaque fois que nous choisissons un produit, nous choisissons aussi notre agriculture de demain. Bien sûr, ce sont aussi les conditions politiques d’en-semble qui décident de l’usage de pol-luants lors de la production de légumes, de fruits ou de céréales. Ou qui garan-tissent le respect et la sauvegarde de la biodiversité lors de la production ali-mentaire. Or les décideurs politiques ne réagissent que si la société dans son ensemble demande des produits biolo-giques: à la Coop, à la Migros ou au petit magasin du quartier. Seuls la pression des consommatrices et consommateurs et l’engagement des organisations environnementales et d’autres acteurs peuvent contraindre les décideurs à changer.»Marianne Künzle, responsable de la campagne agriculture de Greenpeace Suisse

P r i n c i pe s de l a c a m pag n e de G r e e n pe ac e p ou r

l’ag r ic u lt u r e

Greenpeace s’engage à travers le monde pour une agriculture moderne et écolo-gique axée sur les cycles et les ressources naturelles, produisant des aliments sans génie génétique et sans polluants.

La production agricole mondiale était jusqu’ici placée sous le signe de la performance et de la rationalisation. Aujourd’hui, nous savons que l’agricul-ture industrialisée, avec ses engrais artifi ciels, ses pesticides, son gaspillage d’eau et ses plantes transgéniques, a créé un grand nombre de problèmes pour les êtres humains, les animaux et l’environnement.

Pour maîtriser les défi s de l’avenir, il faut un changement radical et sys-tématique de la recherche, de la forma-tion et des pratiques agricoles. La disponibilité de la nourriture, et sa pro-duction locale, sont le garant d’une sécurité alimentaire basée les petites structures paysannes. La multifonc-tionnalité de l’agriculture, avec ses apports écologiques et sociaux, doit être reconnue et promue à l’échelle mon-diale.

«Je veux promouvoir un modèle agricole plus respectueux de l’environnement, plus en phase

avec les attentes de la société.»S té p h a n e l e Fo l l , m i n i s t re f ra n ç a i s d e l ’ag r i c u l t u re ,

d e l ’ag r o a l i m e n ta i re e t d e l a Fo rê t

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Le FSC exclut le groupe Danzer

Greenpeace salue la décision du FSC (Forest Stewardship Council) de retirer le label «Bois certi­fié FSC» au groupe Danzer, dont le siège est à Baar (ZG). Cette décision a été prise environ 18 mois après que Greenpeace ait déposé une plainte contre ce groupe auprès de FSC International à cause de la participation de Siforco – qui était alors sa filiale – à des violences commises par des mi­litaires et des forces de sécurité contre des habi­tants de la communauté forestière de yalisika, au nord de la République démocratique du Congo. En Allemagne, les organisations de défense des droits humains ECCHR et Global Witness ont dé­posé il y environ un mois une plainte auprès du ministère public de Tübingen contre un dirigeant du groupe Danzer, de nationalité allemande, à cause de cette affaire qui date de mai 2011. Avec cette décision, le FSC montre que sa «Poli­cy for Association» (principes éthiques pour les firmes certifiées) n’existe pas que sur le papier et qu’il refuse d’être associé à des entreprises impli­quées dans des violations particulièrement graves des droits humains. Cette affaire montre aussi que le FSC doit prendre d’urgence des mesures de précaution concernant la certification du bois dans des zones à haut risque, caractérisées par un taux de corruption élevé, une absence de sécurité juridique, un non­respect des lois et des pressions sur la société civile. Certaines entreprises suisses se retrouvent régu­lièrement confrontées aux problèmes du respect des droits humains et des normes environnemen­tales dans leurs activités à l’étranger. C’est la rai­son pour laquelle Greenpeace Suisse soutient la campagne «Droit sans frontières», qui demande au Conseil fédéral et au Parlement des disposi­tions écologiques et sociales légalement contrai­gnantes pour les multinationales ayant leur siège en Suisse.

Monsanto se retire d’Europe Monsanto va cesser de produire du maïs généti­quement modifié en Europe — sauf en Espagne, au Portugal et en Tchéquie. Le grand groupe agro­alimentaire a confirmé devant la presse danoise qu’il n’investirait plus dans l’expérimentation, le développement et la commercialisation de plantes génétiquement modifiées (PGM). «Nous ne dépenserons plus d’argent pour convaincre les agriculteurs de cultiver nos PGM», a déclaré le responsable des relations publiques de Monsanto en Europe. Aujourd’hui, le maïs génétiquement modifié ne représente que 1% des surfaces de maïs cultivées. Or, ce recul est passé sous silence. BASF, Bayer et Syngenta se sont déjà retirées de la branche des PGM en Europe. L’annonce de Monsanto est, certes, réjouissante et doit être considérée comme un succès du mouvement cri­tique envers le génie génétique, mais il reste diffi­cile de savoir ce qu’il en sera à l’avenir. L’UE devrait prochainement se prononcer sur l’autorisation du maïs génétiquement modifié SmartStax. Cette espèce développée par Monsanto et Dow Agro­Sciences produit six toxines insecticides et est résistante à deux herbicides. Bien que les dos­siers fournis par les industriels présentent des lacunes, ce maïs a été évalué positivement lors d’une première expertise de l’EFSA. Dans une action diffusée par courriel, l’Institut Testbiotech exige que les autorités responsables procèdent à une nouvelle évaluation du maïs SmartStax et prennent des mesures efficaces contre son im­portation. En effet, on présume qu’il a déjà été introduit de façon non contrôlée en Europe, car il n’existe pas de procédure de test fiable. Source: Groupe suisse de travail sur le génie génetique

De l’électricité propre sans charbon

Les centrales à charbon sont la méthode la plus polluante et la plus inefficace pour produire de l’électricité. En Suisse, de telles centrales seraient impensables. Pourtant, le groupe énergétique gri­son Repower projette d’implanter une immense centrale à charbon à Saline Joniche, en Calabre. Cette centrale rejetterait chaque année six fois la quantité de CO2 que produisent tous les ménages du canton des Grisons. De nouvelles centrales

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à charbon empêcheront le tournant énergétique et conforteront la place de l’électricité d’origine fossile en Italie pour des décennies – avec des nuisances climatiques qui nous toucheront aussi.En Calabre, la population et les responsables politiques s’opposent à cette centrale. Dans les Grisons également, l’investissement du groupe Repower, dont le canton détient une majorité des parts, suscite des résistances. Le 22 septembre, les électeurs pourront envoyer un signal en fa­veur du tournant énergétique. S’ils disent oui à l’initiative cantonale sur l’énergie propre sans charbon, les entreprises dans lesquelles le can­ton détient une participation n’auront plus le droit d’investir dans des centrales à charbon. Miser sur une technologie totalement désuète ne constitue pas un atout pour la place économique grisonne. L’efficacité énergétique et les énergies renouve­lables sont appelées à se développer au cours des prochaines décennies. Il s’agit d’en profiter en investissant judicieusement. C’est exactement ce que réclame l’initiative «Oui à l’énergie propre sans charbon».

Conséquences pour la santé de la production d’électricité à partir du charbon

Une étude publiée par Greenpeace a analysé les incidences sanitaires de la production d’électrici­té à partir du charbon en Europe. Elle en conclut que la pollution de l’air provoquée par les 300 plus grandes centrales à charbon d’Europe a raccourci la vie de ses habitants de 240 000 années au total rien qu’en 2010. Cela correspond à 22 000 décès prématurés.L’étude a en outre calculé les conséquences pos­sibles induites par les 50 nouvelles centrales de ce type prévues en Europe: si toutes devaient être mises en service, il en coûterait 31 000 autres an­nées de vie, soit 2700 décès prématurés. La Suisse ne sera pas épargnée par les incidences sanitaires et pourtant, elle investit dans de nouvelles cen­trales à charbon, par exemple à Lünen et à Wil­helmshaven (Allemagne).«Les centrales à charbon sont des tueurs silen­cieux. Leurs émissions toxiques causent notam­ment des maladies respiratoires, des infarctus, des cancers du poumon et des crises d’asthme», ex­plique Lauri Myllyvirta, experte en énergie auprès de Greenpeace International. Greenpeace exige l’abandon de cette énergie polluante et des pres­criptions européennes contraignantes en vue de développer les énergies renouvelables d’ici 2030. www.stromohnekohle.ch (en allemand)

Les élèves d’Ebnat­Kappel passionnés par l’énergie

solaire

Greenpeace Suisse a réalisé sa plus vaste opé­ration dans le cadre du Projet Solaire Jeunesse à Ebnat­Kappel (SG) à la mi­mai. Environ 140 élèves et 20 professeurs du second cycle de l’école de Wier se sont penchés durant une semaine sur le thème des énergies renouvelables et ont joué les installateurs solaires.Le temps fort de cette opération dans le Toggen­burg aura été la construction d’une centrale so­laire sur le toit de l’entreprise Alder + Eisenhut. «J’espère pouvoir encore la montrer à mes en­fants», a déclaré un élève de 14 ans. Selon Georg Klingler, expert en énergie solaire de Greenpeace Suisse, Ebnat­Kappel montre clairement «qu’il n’est pas nécessaire d’attendre la Confédération pour mettre en œuvre le tournant énergétique». Les élèves ont pu saisir le vaste potentiel du so­laire dans leur commune. Et Georg Klinger d’ajou­ter: «Cette centrale réalisée par des jeunes me semble de bon augure pour l’avenir des énergies renouvelables».Cette opération était organisée conjointement par le Projet Solaire Jeunesse de Greenpeace et l’association Energietal Toggenburg. La res­ponsable Christiane Pietsch était enthousiaste: «Nous avons travaillé d’arrache­pied, mais c’est incroyable de voir à quel point l’école, les artisans locaux et tous les partenaires se sont engagés.»

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Centrales nucléaires:il est urgent d’agir

En 2011, le Conseil fédéral et le Parlement se sont prononcés en faveur d’une sortie progressive du nucléaire. Pourtant, ni l’un ni l’autre n’ont jusqu’à présent fixé de durée d’exploitation légale pour les centrales existantes, se fondant sur le principe qu’«une centrale nucléaire peut être exploitée tant qu’elle est sûre.» La pétition «40 ans, ça suffit» veut mettre un terme à cette situation, et cela pour trois raisons:• aucun autre pays ne garde ses réacteurs en

activité aussi longtemps que la Suisse; • réaliser des travaux et des améliorations sur

les centrales ne permet pas de compenser les conséquences de l’usure;

• les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique suffisent largement pour se passer du nucléaire dans notre pays.

Important!Délai de récolte des signatures le 30 septembre. Signez dès aujourd’hui le formulaire ci­joint et faites signer vos amis et vos proches. Vous pouvez aussi signer la pétition en ligne sous www.greenpeace.ch/40ans.

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Energy Academy

100% renouvelable — la Suisse vit un moment décisif pour son avenir énergétique. Le Conseil fédéral a pris la décision de sortir du nucléaire. Depuis, la date de sortie et les solutions énergétiques du futur font l’objet de nombreux débats. Il est grand temps de faire nos adieux au nucléaire et aux énergies fossiles. De nombreuses solu-tions s’offrent à nous. Il ne nous reste plus qu’à faire le bon choix.

Le cours «Energy Academy – 100% renou-velable» vous familiarise avec les options fondamentales de l’avenir énergétique. En deux journées de cours, nous vous pré-senterons les possibilités et les solutions qui s’offrent à la politique énergétique suisse:

• Comment combiner intelligemment les différentes formes d’énergies renouve-lables?• Quels outils politiques sont néces saires pour parvenir à un approvisionnement éner-gétique à 100% renouvelable?• Que puis-je faire, à titre privé ou en tant que citoyen au niveau communal, cantonal ou fédéral?

Ce cours est animé par Rudolf Rechsteiner, ancien conseiller national, journaliste, chargé de cours à l’EPFZ et aux universités de Bâle et de Berne. Après une introduction à la politique énergétique, nous esquisse-rons en petits groupes les meilleurs scénarios pour l’avenir, testerons les arguments en organisant un faux débat télévisé et regarde-rons ce qui se passe au-delà de nos fron-tières. Plus de 200 participants engagés ont suivi ces cours pendant les deux dernières années.

Informations générales

ObjectifsPouvoir transmettre vos connaissances avec maîtrise et conviction; savoir répondre aux questions délicates et contrer les arguments de vos interlocuteurs.

Dates & lieuLes samedi 19 octobre et 2 novembre 2013, à Lausanne

PrixCHF 300.— (repas végétarien compris)– Pour les bénévoles actifs de Green­peace, les cours sont gratuits.– Obligation de s’inscrire pour les deux journées du module.– En cas d’annulation moins d’une semaine avant le début du cours, les frais d’inscription seront facturés.

Vous avez une question?Veuillez nous contacter par courriel: 100pourcent­[email protected]

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Énergie

La voie solaireLe réseau Energieregion Emmen-tal et le Projet Solaire Jeunesse ont créé un parcours dédié à l’énergie solaire – «Energieweg Sonne». Cette nouvelle offre a été conçue pour présenter à la population le large spectre d’utilisations du courant solaire et stimuler le débat. Sur ce trajet de 40 kilomètres qui relie Burgdorf à Langnau en passant par Sumiswald, on pourra découvrir neuf installations différentes – en VTT électrique, pour plus de confort. Vous trouverez l’itinéraire et la description des installations solaires sous www.energieweg­ sonne.ch (en allemand). Le dépliant d’information est disponible sous www.energieregion­emmental.ch (en allemand). Des visites guidées peuvent être organisées.

Initiative personnelle

Du courant écolo pour les favelas de

RioÀ Rio de Janeiro, des jeunes de la favela Vila Isabel ont équipé de panneaux solaires un centre com-munautaire et la salle de football adjacente avec une équipe de bénévoles de Greenpeace. Ils peuvent ainsi jouer ou s’entraîner également le soir. Au Brésil, de nombreux enfants des favelas rêvent de devenir footballeurs professionnels un jour – il en existe des exemples éminents. L’objectif du projet est de faire participer des jeunes de la favela à l’installation et de leur ouvrir de meilleures perspectives professionnelles. Il s’agit aussi de sensibiliser le public aux énergies alternatives.

À voir

À la recherche Du lIeu le PluS Sûr De

la terre

350 000 tonnes de déchets hautement radioactifs doivent être entreposés définitivement pour des milliers d’années dans un endroit sûr pour les popula-tions et sans danger pour l’environnement.

Edgar Hagen, le réalisateur du film die Reise zum sichersten ort der Erde accompagne le physicien Charles McCombie à la recherche de la «terre promise». Ce voyage nous conduit en Chine, dans le désert de Gobi, à Gorleben en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Suède et en Aus-tralie, mais aussi, régulièrement, en Suisse. Les autorités de notre pays luttent pour imposer à cer-taines personnes, notamment dans le vignoble zurichois, la construction d’un lieu de stockage défi-nitif sous leur maison.

Le film d’Edgar Hagen ébranle les images toutes faites que nous nous faisons du monde. Son voyage nous conduit aux limites de la connaissance et de la responsabilité sociale. À ne pas manquer! Le film Die Reise zum sichersten Ort der Erde sort fin octobre dans les cinémas suisses.

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Énergie solaire

Cadastre pour les communes

Le cadastre solaire pour les com-munes est un programme de sensibilisation au thème de l’éner-gie solaire à l’intention des jeunes et de la population locale – un projet proposé conjointement par le bureau bernois Weichen stellen et le Projet Solaire Jeunesse.

Ce projet se base sur le contact personnel entre les jeunes et les propriétaires de maisons de la commune. Équipés d’un mètre à ruban et d’une application web qu’ils ont développée eux-mêmes, ces jeunes vont de maison en maison et mesurent les surfaces des toits. Le potentiel recensé est inscrit sur une carte qui fournit des informations sur la superficie, l’inclinaison et le type de chaque toit, ainsi que sur les gains d’éner-gie potentiels.

Parallèlement, les jeunes montent une centrale solaire dans la région sous la direction du Projet Solaire Jeunesse. À la fin de la semaine du projet, le respon-sable organise une séance d’infor-mation avec la commune et les entreprises solaires locales. Les habitants peuvent ainsi se faire une idée du travail réalisé et connaître le potentiel solaire de leur propre toit. Une occasion pour les pro-priétaires de maisons, les investis-seurs et les professionnels du solaire de discuter de la question. Contact et autres informations:Bureau Weichen stellenResponsable du projet solaire Emmental:Lukas [email protected] Solaire Jeunesse Responsable: Retze [email protected]

Greenpeace

Greenpeace Sénégal passe au solaire!

Début juin, des collaborateurs de Greenpeace et des bénévoles ont installé un panneau solaire sur le toit du bureau de Greenpeace à Dakar. Il s’agissait de signaler qu’en Afrique aussi, une énergie respec-tueuse de l’environnement peut être produite à moindre coût et utilisée pour de multiples activités.

Bilan

Le rapport annuel 2012 en ligne

Le rapport annuel 2012 de Greenpeace est en ligne. Cette année encore, il présente des photos émou-vantes et des vidéos sur des campagnes et des actions menées dans le monde entier. Shell a suspendu ses projets de forage dans l’Arctique, des entreprises du textile ont éliminé les substances toxiques de leur production et une campagne suisse en faveur des abeilles lancée par des bénévoles de Greenpeace a rencontré un vaste écho en Europe. Les chiffres sont aussi positifs: le volume des dons s’est accru, passant à 25,4 millions de francs, tandis que le nombre des personnes nous soutenant a légèrement progressé. Version en ligne: www.greenpeace.ch/rapportannuel

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Protestation non violente

Actions de solidarité avec les manifestants turcs

Dans le monde entier, des actions de solidarité ont été organi-sées pour soutenir les manifestants turcs. À Zurich, Berne et Genève également, des bénévoles de Greenpeace ont lancé un signal pacifique en faveur d’un renforcement du droit de participation des citoyens et de la protection de l’environ-nement en Turquie.

Le bureau de Greenpeace à Istanbul, qui se trouve à proxi-mité du parc Gezi, a dû être transformé en clinique d’urgence pour accueillir des manifestants.

Kumi Naidoo, président de Greenpeace International, a demandé au gouvernement turc de mettre immédiatement fin aux violences: «Cette manifestation ne concerne pas seule-ment la destruction d’un parc et la construction d’un centre commercial. Il s’agit désormais d’un mouvement citoyen qui s’engage en faveur des droits civils et des libertés politiques et qui réclame notamment le droit de manifester pacifiquement pour que le bien-être des habitants ne soit pas sacrifié à des intérêts économiques.»

Il en va en l’occurrence de la liberté d’opinion et du respect de la non-violence ainsi que de la protection de l’environ-nement. Gezi n’est que le dernier exemple de situations dans lesquelles le gouvernement turc ne tient absolument pas compte des préoccupations du peuple. C’est ainsi que, récem-ment, plusieurs centrales nucléaires ont été projetées et la résistance locale a été réprimée, sans que les médias n’en parlent. La construction d’une nouvelle centrale nucléaire a été également décidée en catimini, sans que la population ne soit consultée. C’est la raison pour laquelle Greenpeace exige un droit de participation accru pour la population turque – et non pas sa limitation, comme le prévoit actuellement une révision de la législation en matière d’environnement.

À lire

La parabole des «Jardiniers de Dieu»

Le paradis se trouve sur les toits de la ville. Ses habitants se nourrissent de légumes, de fruits et de miel; ils cultivent le jardin d’Éden qu’ils ont créé sur les immeubles d’une ville dévastée après que la catas-trophe climatique qui menaçait se soit produite. Toby, une jeune fille combative finit par trouver refuge dans la secte des «Jardiniers de Dieu», dirigée de manière militaire par une organisation économique. Elle y rencontre Ren, la danseuse trapéziste, Amanda l’anarchiste, et Jimmy, qui a une relation particu-lière avec chacune d’elles. Dans ce roman écrit la plupart du temps dans la perspective de Toby, Margaret Atwood parle d’un monde dans lequel l’économie globalisée a pris les rênes du pouvoir et où la recherche est entièrement soumise à son diktat. Margaret Atwood, Le temps du déluge, éd. Robert Laffont, CHF 39.80ISBN 9782221115879

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«Il y a plus de douze ans, je me trouvais à bord du Beluga, le navire de Greenpeace. J’ai vu le cargo Zamosvorechye qui remontait l’Elbe. Il transportait du papier provenant d’Arkhangelsk, une ville portuaire sur la mer Blanche, en Russie. J’étais là, avec deux douzaines de militants de Greenpeace, pour protester contre la des-truction des forêts primaires en Russie. Après tout, nous autres en Allemagne, nous portions une bonne part de responsabilité, car nous achetions le papier qui devait être déchargé à Hambourg.

Je me rappelle encore bien de cette nuit, car il faisait froid. Un vent glacial soufflait sur l’Elbe et je me demandais comment, avec la pluie givrante, nous réussirions à monter sur ce bateau pour y accrocher notre banderole de pro-testation. Lorsque le cargo est passé à côté de nous, nous avons sauté dans les zodiacs, foncé vers la coque et, déjà, les premiers militants grimpaient aux grues du bateau et commen-çaient à fixer la banderole. Malgré le froid mor-dant, elle était en place au bout de quelques minutes. Entre les deux mâts, on pouvait lire en grandes lettres: «Pas une forêt vierge pour du papier». Nous réclamions la protection des forêts de Dvinsky et d’Onega. Cette dernière a été mise sous protection et transformée en parc national – plus de dix ans après notre interven-tion – par le chef du gouvernement russe Medvedev.

Avant cette action, je m’étais rendu à Arkhan-gelsk, j’avais visité quelques forêts anciennes et réfléchi avec mon collègue russe à la manière dont nous pourrions attirer l’attention sur leur destruction. Nous avions envisagé une protesta-tion dans le port de Hambourg. Tout cela a été un succès, puisque, peu après, Greenpeace Rus-sie a pu convenir d’un arrêt des coupes avec l’entreprise de bois locale, qui avait promis de respecter les limites du parc national que nous avions proposé de créer. Promesse tenue jusqu’à présent!

La forêt d’Onega est située sur une vaste presqu’île de 70 kilomètres sur 70, près de la ville d’Arkhangelsk, à tout juste 1000 kilomètres au nord de Moscou. Avec la décision du gouver-nement russe, le parc national d’Onega couvre désormais une superficie de 201 000 hectares et comprend 180 000 hectares de forêt primaire boréale totalement intacte, ainsi que certaines parties de la mer Blanche. Le parc national est ainsi l’une des plus vastes zones forestières pro-tégées dans la partie européenne de la Russie.

Je suis très content de m’être démené en pleine nuit avec d’autres militants voilà plus de dix ans, car la protection de cette forêt est un magnifique succès. Cela nous donne la force de continuer à lutter, ces prochaines semaines et ces prochains mois, pour la protection de la forêt. Même s’il fait parfois froid et qu’il pleut, comme ces dernières semaines dans la Hesse et en Bavière, où je me suis engagé avec mes col-lègues pour la protection des forêts de hêtres.» Blog d’oliver Salge, expert en matière de forêts auprès de Greenpeace allemagneblog.greenpeace.de

Coup d’arrêt au déboisement

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greeNPeace obtIeNt la ProtectIoN DeS forêtS aNcIeNNeS ruSSeS

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Mort des abeilles

Les populations d’abeilles suisses en

déclinD’après une communication d’Agroscope et de l’association des apiculteurs VDRB, les pertes de populations d’abeilles en Suisse s’élèvent à 28,1% depuis l’hiver dernier (4,7% de pertes jusqu’à la mise en hivernage, 14,7% pour la période entre le début et la fin de l’hivernage, et 8,7% des colonies affaiblies au printemps). La situa-tion est dramatique.

Les populations d’abeilles et d’autres pollinisateurs sont for-tement menacées à l’échelle mon-diale. Les pertes en Europe le montrent: ces dernières années, le taux de décès dans les colonies d’abeilles était en moyenne de 20%, ces chiffres variant toutefois considérablement – de 1,8 à 53% – d’un pays à l’autre. La protection des abeilles doit donc être une tâche prioritaire. Leur disparition est due à plusieurs causes. Une première mesure vraiment efficace serait d’interdire les substances particulièrement toxiques pour les abeilles dans l’agriculture. Green-peace exige des autorités qu’elles retirent définitivement de la circu-lation tous les pesticides nocifs pour les abeilles et proposent un plan d’action pour réduire les pes-ticides chimiques. Il est né ces-saire de changer de cap et de s’orienter vers une agriculture écologique, exempte de tout pro-duit chimique.

À lire

Prévisions critiques pour les 40 prochaines années

En 1972, un livre allait ébranler notre croyance aveugle dans le progrès: Halte à la croissance? Rapport sur les limites de la croissance, aussi connu sous le nom de rapport Meadows ou de rapport du Club de Rome. Les limites absolues de la crois-sance seront atteintes au cours des cent prochaines années si l’humanité ne réussit pas à réduire son empreinte écologique – telle était sa thèse centrale. Ses conclusions firent l’effet d’une bombe et l’ouvrage devint un best-seller mondial, avec plus de 30 millions d’exemplaires vendus. Quarante ans plus tard, le Club de Rome récidive.

Le rapport actuel (qui n’est pas encore disponible en français) s’intitule 2052 – a Global Forecast for the Next Forty Years. Il esquisse un avenir qui sera différent de ce que nous pouvions imaginer. Quelles nations conserveront leur bien-être ou l’accroîtront et lesquelles verront leur développement entravé? Comment s’effectuera le passage à la suprématie économique de la Chine? La démocratie basée sur le modèle occidental réussira-t-elle à résoudre les vastes problèmes de l’humanité?

Jorgen Randers, l’un des co-auteurs du rapport de 1972, a élaboré un scénario pour les 40 prochaines années. Il se fonde sur les prévisions globales des principaux scientifiques, économistes et futurologues. Malgré des pronostics plutôt sombres, Randers ne croit pas en un effondrement global, car «l’humanité a commencé à s’adapter aux limites de cette planète». Mais le rapport invite à ne pas relâcher notre vigi-lance, car le monde sera confronté à de formidables défis et sera marqué par des troubles et des bouleversements sociaux. Une tâche titanesque nous attend si nous voulons réussir à les surmonter. Ce nouveau rapport en fournit les bases. Jorgen Randers, 2052 — A Global Forecast for the Next Forty Years, Chelsea Green, $ 24.95 (paperback)ISBN 9781603584210

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«Des abeilles et des hommes»

«More than Honey» pour

20 000 enfantsPlus d’un tiers de nos denrées ali-mentaires sont produites avec l’aide des abeilles. Or ces dernières meurent en masse. More than Honey, le documentaire suisse le plus vu de tous les temps, consacré à ces insectes dont la survie est menacée, est désormais présenté dans 900 écoles suisses. Ce film clairement structuré permet aux élèves d’élargir leurs connais-sances en la matière.

L’association Filme für die Erde (Films pour la Terre), en collaboration avec le projet de visites d’école de Greenpeace et la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse, a mis gratuite-ment à disposition 900 DVD du documentaire. Cette action a fait un tabac: en quelques secondes, des commandes sont arrivées de toute la Suisse et de nouvelles visites d’école portant sur les abeilles sont organisées presque chaque jour.

Kai Pulfer, directeur de Filme für die Erde explique: «Le thème de la mort des abeilles montre que les humains sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis. Nous sommes enchantés de voir que des enseignants suisses transmettent aux jeunes généra-tions ce savoir pour leur avenir et réagissent à leurs questions.»

Nous aimons!

la ProtectIoN DeS coNSommateurS

a beSoIN De votre aIDe

Beaucoup connaissent ce problème: l’appareil qui rend l’âme juste après l’expiration de la garantie, le fabricant qui refuse de le réparer ou les pièces de rechange qui ne sont plus disponibles ou hors de prix. Tous ces appareils électriques ou électroniques que nous devons jeter et remplacer par de nouveaux constituent une nuisance pour notre environnement.

En signalant les défauts d’un produit, vous aiderez à protéger l’environnement, et par là même votre porte-monnaie, de certaines mesures prises par les fabricants pour optimiser leur profit. Pour sou-tenir l’action de la Fondation pour la protection des consommateurs, signalez vos produits défectueux sous www.konsumentenschutz.ch (en allemand). Répondre au questionnaire ne vous prendra que dix minutes.

Pétition

«Non au forage de Noiraigue»

Vous aussi, signez la pétition du collectif citoyen «Non à l’explora-tion et l’exploitation d’hydro-carbures» dont l’objectif est de remettre 4500 signatures au Grand Conseil du canton de Neu-châtel et au Conseil municipal du Val-de-Travers afin d’obtenir un moratoire sur tout forage dans le Val-de-Travers.Informations détaillées sous:httwww.avaaz.org/fr/petition/Non_au_forage_de_Noiraigue//?launch

72Magazine GreenpeaceNo 3 — 2013

Gagnez l’un des six couteaux de table EvoWood Le couteau Wenger est un produit de très haute qualité, fabriqué dans le respect du développement durable et doté d’un manche ergonomique en bois de noyer provenant des chutes de bois de la fabrication de meubles. Envoyez la solution jusqu’au 30 septembre 2013 par courriel à [email protected] ou par voie postale à Greenpeace Suisse, rédaction magazine, mots fléchés écolos, case postale, 8031 Zurich. La date du timbre postal ou de réception du courriel fait foi. La voie juridique est exclue. Il ne sera échangé aucune correspondance.

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IMPORTANT!

Pétition sur la limitation de la durée de vie des centrales.

Dernier délai de collecte des signatures le 30 septembre.

Signez dès aujourd’hui la pétition à la page 64!

Infos et signature en ligne sous

www.greenpeace.ch/40ans