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http://espacepolitique.revues.org/3233 SommaireDocument suivant 24 | 2014-3 : Trafics en Asie du Sud-Est + Varia Varia Géopolitique du cannabis dans la Caraïbe insulaire The Geopolitics of cannabis in the insular Caribbean. Romain Cruse et Daurius Figueira Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Illustrations | Citation | Auteurs Résumés Français English Cet article examine la production et les flux commerciaux du cannabis dans la région caribéenne. L’analyse révèle une hiérarchisation des lieux de production ainsi que l’apparition de routes du commerce vers les marchés régionaux et internationaux. L’organisation du trafic se complexifie à mesure que les profits tirés du cannabis s’amplifient. Cette drogue, qui fut pendant longtemps produite et vendue par de petits agriculteurs isolés et précarisés par les politiques néolibérales mises en place dans la région depuis le début des années 1970, tend désormais à intégrer des réseaux de commercialisation complexes et multiples : gangs jamaïcains, cartels mexicains. Haut de page Entrées d’index Mots-clés : Caraïbe, Jamaïque, Saint-Vincent, cannabis, géopolitique, néolibéralisme, gangs, cartels Keywords : Caribbean, Jamaica, Saint Vincent, cannabis, geopolitics, neoliberalism, gangs, cartels Haut de page Plan Introduction Incertitudes autour de l’introduction du cannabis dans la région caribéenne Origine asiatique du cannabis pour la confection de toiles, de médicaments et pour les activités spirituelles.

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24 | 2014-3 : Trafics en Asie du Sud-Est + Varia

Varia

Géopolitique du cannabis dans la Caraïbe

insulaire

The Geopolitics of cannabis in the insular Caribbean.

Romain Cruse et Daurius Figueira Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Illustrations | Citation | Auteurs

Résumés

Français English

Cet article examine la production et les flux commerciaux du cannabis dans la région

caribéenne. L’analyse révèle une hiérarchisation des lieux de production ainsi que l’apparition

de routes du commerce vers les marchés régionaux et internationaux. L’organisation du trafic

se complexifie à mesure que les profits tirés du cannabis s’amplifient. Cette drogue, qui fut

pendant longtemps produite et vendue par de petits agriculteurs isolés et précarisés par les

politiques néolibérales mises en place dans la région depuis le début des années 1970, tend

désormais à intégrer des réseaux de commercialisation complexes et multiples : gangs

jamaïcains, cartels mexicains.

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Entrées d’index

Mots-clés :

Caraïbe, Jamaïque, Saint-Vincent, cannabis, géopolitique, néolibéralisme, gangs, cartels

Keywords :

Caribbean, Jamaica, Saint Vincent, cannabis, geopolitics, neoliberalism, gangs, cartels

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Plan

Introduction

Incertitudes autour de l’introduction du cannabis dans la région caribéenne

Origine asiatique du cannabis pour la confection de toiles, de médicaments et pour les

activités spirituelles.

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Diffusion vers l’Afrique et l’Amérique

La ganja indienne et la Caraïbe

Répartition géographique et caractéristiques de la production de cannabis dans la Caraïbe

Produire du cannabis dans la Caraïbe

Les grands types de production

Géographie de la production

Les échelles et les flux du commerce de cannabis

Les marchés des territoires anglophones

La plateforme haïtienne et la route des Bahamas

Importations

Les territoires hispanophones

Enjeux, acteurs

Conclusion

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Introduction

1 http://jamaica-gleaner.com/gleaner/20060816/lead/lead1.html

2 http://jamaica-gleaner.com/latest/article.php?id=48066

1Il y a une dizaine d’années, la presse caribéenne commença à relater des événements en lien

avec le trafic de cannabis impliquant une réorganisation évidente de cette activité. Ainsi, pour

prendre quelques exemples, la police jamaïcaine saisit le 16 août 2006 près d’une tonne de

cannabis compressé, chargé dans un bateau de pêche, dissimulé dans la mangrove d’Old

Harbour Bay. L’ampleur de la découverte ne laissait rien présager de nouveau, mais l’enquête

révéla l’implication de nombreux Jamaïcains, d’un ressortissant des Bahamas et

d’intermédiaires haïtiens : on commençait alors tout juste à parler du commerce armes contre

cannabis (drug for guns) entre Haïti et la Jamaïque1. Le 31 août 2013, cinq pêcheurs

jamaïcains et deux ressortissants du Guyana furent arrêtés en mer dans les Petites Antilles. À

bord du navire la police découvrit, là encore, plus d’une tonne de cannabis probablement

produit au Guyana2. Les spécialistes commencent alors à s’intéresser à une nouvelle plate-

forme de production, au Guyana, sous supervision de trafiquants jamaïcains. Deux tendances

nouvelles se dessinent : l’un des enjeux du trafic de cannabis est désormais visiblement le

marché régional (Jamaïque, Petites Antilles, Guyanes), autrefois délaissé au profit des

marchés internationaux ; les trafiquants jamaïcains semblent étendre leur emprise à travers la

région, des Bahamas jusqu’au Guyana.

2L’objet de cet article est de comprendre les causes de cette réorganisation du trafic de

cannabis, dont les points que nous avons évoqués ici ne sont que deux aspects. Ce genre

d’étude se heurte à la rareté des sources « classiques » pour les études des sciences sociales.

La méthodologie que nous avons employée relève de la mise en rapport des affaires de ce

type signalées par la presse caribéenne (d’où l’abondance des références aux médias

quotidiens régionaux), avec les quelques analyses universitaires, rapports et autres sources

« scientifiques » existant sur la question. Ces deux types de sources sont confrontés aux

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sources de première main, principalement les interviews menées à travers la région durant ces

dix dernières années par les auteurs.

3L’échelle d’analyse est celle de la Caraïbe insulaire, qui a été définie par N. Girvan (2005)

comme l’ensemble des territoires insulaires de la Caraïbe (des Bahamas à Trinidad et Aruba)

ainsi que des petits territoires insularisés adjacents (Guyane, Suriname, Guyana, Belize).

Cette échelle identifiant une Caraïbe « culturelle » est particulièrement pertinente dans le

cadre de cette étude, car elle correspond parfaitement à l’échelle du trafic mise en lumière.

L’article s’articule en quatre grandes étapes : une approche historique rapide rappelant les

conditions dans lesquelles le cannabis fut introduit dans la Caraïbe sous l’influence des colons

européens ; une description de la hiérarchisation des lieux de production régionaux ; une

description des échelles et des flux du trafic dans la région et vers les marchés extérieurs ; une

analyse des enjeux et des acteurs impliqués.

Incertitudes autour de l’introduction du

cannabis dans la région caribéenne

4Dans la Caraïbe insulaire (particulièrement dans la Caraïbe anglophone), le terme le plus

fréquemment utilisé pour le cannabis est « ganja ». L’utilisation de ce mot d’origine sanskrite

est fréquemment citée comme une « preuve » accréditant l’hypothèse selon laquelle cette

plante aurait été amenée pour la première fois d’Inde durant le « commerce de coolies »

(coolie trade) à la fin du 19e siècle (Comitas, 1975) : « nous pensons que [le cannabis] fut

amené ici par ces travailleurs indurés indiens, qui furent recrutés pour travailler dans les

plantations sucrières (…) après l’abolition de l’esclavage » (Chevannes, 2004). Il semble

cependant que l’histoire de l’introduction du cannabis dans la Caraïbe soit un peu plus

complexe...

Origine asiatique du cannabis pour la confection de toiles,

de médicaments et pour les activités spirituelles.

5Le cannabis fut, selon toute vraisemblance, domestiqué en Asie Centrale il y a plus de 6 000

ans (Hui-Lin, 1975), même si l’origine précise est impossible à déterminer et si certaines

études récentes laissent à penser que la « rencontre » entre l’Homme et le cannabis pourrait

être beaucoup plus ancienne (– 50 000 ?) (Clarke et Merlin, 2013). De ce foyer originel, la

plante fut sans doute amenée par l’Homme, à travers la barrière naturelle de l’Himalaya en

Asie du Sud, ainsi qu’en Asie de l’Est, et, bien plus tard, en Europe et en Afrique. La variété

des usages qui peut en être fait (consommation des graines riches en protéines et en

nutriments, utilisation des fibres pour faire des cordages, des vêtements, des filets et des

voiles, utilisation spirituelle de la substance psychoactive contenue dans la résine, etc.), la

relative adaptabilité de la plante aux différentes conditions climatiques et édaphiques, le grand

nombre de graines produites et sa découverte précoce expliquent qu’elle ait été l’une des plus

anciennes plantes cultivées par l’Homme (Clarke et Merlin, 2013). Les Védas indiens parlent

à son sujet de « nourriture des dieux » dans des écrits datant de plus de 2000 ans (Abel,

1980). À peu près à la même époque, on retrouve une évocation des qualités médicinales du

cannabis dans le livre préparé par le légendaire empereur chinois Shen Nun (Le Dain and alii,

1972). Pour grossir le trait, on peut dresser une géographie des utilisations précoces du

cannabis distinguant les cultures de Chine, d’Asie du Nord et d’Europe où la plante fut avant

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tout cultivée pour ses fibres, des cultures d’Inde et d’Asie du Sud, du Moyen-Orient et

d’Afrique où la plante fut très tôt cultivée pour ses propriétés psychoactives (Clarke et Merlin,

2013).

Diffusion vers l’Afrique et l’Amérique

6Des variétés cultivées pour leurs propriétés psychoactives furent introduites en Égypte il y a

environ 2000 ans (Clarke et Merlin, 2013). De là, la plante se diffusa à travers une grande

partie de l’Afrique le long des routes de commerce ouvertes par les commerçants arabes,

probablement à partir du 8e siècle de l’ère chrétienne (Du Toit, 1975 ; Hamid, 2002).

7Lorsque les Européens implantèrent des comptoirs le long des côtes africaines, le cannabis y

était déjà d’un usage très courant. Les pygmées sont par exemple connu comme des

chasseurs-cueilleurs ne cultivant véritablement qu’une seule plante : le cannabis (Clarke et

Merlin, 2013). Au vu des conditions de déportation des esclaves africains, il parait cependant

difficile d’imaginer comment ces « migrants nus », pour reprendre l’image d’E. Glissant

(1999), auraient pu apporter avec eux la plante. Ceci n’a pas empêché certains universitaires

d’affirmer que le cannabis aurait été introduit au Brésil durant le 16e siècle par des esclaves

originaires de l’actuel Angola (Hutchinson, 1975). On apprend en effet en lisant les récits, que

pendant les saisons d’inactivité sur les plantations du Nordeste brésilien, « les blancs faisaient

passer leurs journées en fumant des cigares parfumés tandis que les noirs fumaient la

maconha et rêvaient dans leur torpeur » (Garcia Moreno, 1958). Ceci plusieurs siècles avant

que les premiers travailleurs ne soient amenés d’Inde vers les plantations des îles

caribéennes...

8Autre fait troublant si l’on tente de corroborer l’assertion générale selon laquelle le cannabis

aurait été introduit par les travailleurs indiens au 19e siècle, il a été constaté par les

conquistadors espagnols que l’utilisation du cannabis était déjà courante parmi les peuples

d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale au 16e siècle (Le Dain and alii, 1972). Les

membres de groupes tribaux du Mexique étaient par exemple connus pour mâcher la « Santa

Rosa » (Williams-Garcia, 1975). Les Européens notèrent tout au long de la colonisation de ce

qu’ils appelèrent (avec un degré d’ethnocentrisme caractéristique) le « Nouveau Monde » que

les Amérindiens, « et notamment Sitting Bull, incorporaient du cannabis à la mixture utilisée

dans leurs calumets de la paix » (le Dain et alii, 1972). Rien n’empêche alors d’imaginer que

le cannabis ait pu avoir été introduit avec d’autres plantes importantes comme le riz par

contact précoce (précolombien) avec des navigateurs chinois (Menzies, 2003) : les voiles de

la flotte de Zheng He étaient d’ailleurs faites de chanvre, tout comme l’étanchéité des navires

était assurée par un mélange huileux contenant du chanvre (Clarke et Merlin, 2013). À moins

que la plante n’ait été introduite par les Européens, car les premières cultures de chanvre par

les colons sont attestées au Chili à partir de 1545 (Le Dain et alii, 1972).

La ganja indienne et la Caraïbe

9Les auteurs caribéens continuent cependant de penser que l’utilisation de la « ganja » (le

terme et la plante) par les rastafariens de la Jamaïque (et par la suite par leurs homologues du

reste de la Caraïbe, et par un ensemble plus large la population) fut inspirée par des rituels

hindous associés à celui qui a été décrit comme « le premier rasta » — Leonard Howel (Lee,

2010). Cependant les rastafariens eux-mêmes voient généralement l’utilisation de la ganja

comme partie intégrante de leur héritage africain (Hamid, 2002).

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3 Constatations basées sur les conclusions de l’étude de Comitas, 1975, actualisée par

les auteurs de (...)

10Quelle que soit son origine précise (une origine multiple n’étant pas impossible) la ganja

est aujourd’hui consommée par de nombreuses catégories de la population caribéenne.

L’utilisation de cette plante a pendant longtemps été considérée comme un marqueur de classe

(Comitas, 1975) : le cannabis était dans la Caraïbe, et demeure encore largement une drogue

du pauvre. Mais la situation actuelle se complexifie avec une consommation de plus en plus

importante au sein des classes moyennes, qui utilisent le cannabis de manière récréative,

comme un aphrodisiaque, ou encore comme une plante médicinale. Outre la classe, la

consommation de ganja est aussi un marqueur générationnel. Les enfants des espaces ruraux

sont seulement autorisés à boire le thé de ganja ; les jeunes adolescents des régions rurales et

des classes urbaines pauvres commencent à fumer secrètement en groupe d’amis, dans la rue

ou en tous les cas loin de la maison familiale – les plus précoces débutant dès l’âge de 10 ans ;

le développement d’une véritable habitude n’est cependant pas possible avant d’atteindre

l’âge de travailler, ou au moins de planter de la ganja (âge qui s’abaisse aujourd’hui avec le

développement de gangs de jeunes garçons à partir de 12 ans) ; dans la vingtaine, la

consommation de cannabis devient bien souvent une habitude aussi routinière que la

consommation de vin en France, durant les repas ou les fêtes notamment. Il semble que

l’habitude de consommer de la ganja diminue ensuite avec l’âge3.

Répartition géographique et

caractéristiques de la production de

cannabis dans la Caraïbe

Produire du cannabis dans la Caraïbe

11Le Cannabis est une plante annuelle, moyenne à grande, dont la croissance est

particulièrement influencée par les conditions environnementales. Dans des conditions

parfaites, elle peut atteindre 5 mètres de haut en 5 à 6 mois. Ces conditions idéales sont

réunies sur des berges de rivières ou de lacs, ou sur certaines terres agricoles aussi longtemps

que l’exposition assure un ensoleillement maximal, que l’apport en eau est suffisant, mais que

le sol est bien drainé, et qu’il contient suffisamment de nutriments (Clarke et Merlin, 2013).

La plante se développe en deux stades distincts : la croissance et la fleuraison. Les plants de

cannabis ralentissent leur croissance et débutent leur floraison lorsque le cycle de lumière

journalier (photopériode) devient inférieur à 14/12 heures par jour. Ceci correspond à la fin de

l’été aux latitudes tempérées et subtropicales. Mais dans les régions tropicales comme la

Caraïbe, le cycle du jour est à peu près égal à 12 heures toute l’année. Par ailleurs, la plupart

des variétés de cannabis ne supportent pas les températures froides — ce qui explique qu’elles

entrent naturellement en floraison à la fin de l’été des régions tempérées (lorsque la longueur

du jour diminue) pour atteindre la maturité, et ainsi former des graines, avant l’arrivée des

premières gelées. Dans les régions tropicales comme la Caraïbe cependant, la température

moyenne est d’environ 28 °C au niveau de la mer toute l’année, avec peu de variations d’un

mois à l’autre. Ces deux particularités (photopériode et températures constantes) font que le

cannabis peut être cultivé toute l’année dans la région, mais que le temps de croissance des

plantes est très court.

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4 Données récoltées par les auteurs de cet article à travers de multiples recherches de

terrain menée (...)

12Par conséquent les cultivateurs caribéens peuvent récolter entre deux mois à trois mois

après germination, en plantant des variétés à floraison rapide (cannabis à dominance indica) et

six à huit mois après germination en utilisant des variétés à longue période de floraison

(cannabis à dominance sativa). Dans ces conditions, une plante à dominance indica atteindra

une hauteur de 40 cm à un mètre, et produira entre 15 et 50 grammes de fleurs psychoactives

(poids sec) ; tandis qu’une variété à dominance sativa pourra produire plusieurs centaines de

grammes de fleurs sur un arbuste pouvant atteindre trois mètres de hauteur (les variétés sativa

ont la particularité de continuer à grandir en taille durant la longue période de floraison). Les

variétés indica ont un effet plus assommant (stone), recherché par les consommateurs, que les

variétés sativa, caractérisées par leur effet plus planant et stimulant (high)4.

5 http://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/faitsdivers/du-faux-branchement-

edf-a-la-plantati (...)

13Dans des territoires comme Trinidad & Tobago, où la criminalisation des producteurs,

trafiquants et consommateurs atteint un degré très poussé, les cultivateurs produisent aussi en

intérieur. La production de cannabis en intérieur s’opère dans des placards, tentes, pièces ou

logements entiers, spécialement équipés et utilisant une combinaison de lampes, ventilateurs,

extracteurs d’air, filtres à charbon, humidificateurs, etc. La production en intérieur permet de

dissimuler les cultures des rondes d’hélicoptères de police et des voleurs potentiels, tout en

limitant les risques liés à la saison des pluies (juin – octobre) : des pluies fréquentes

(particulièrement durant la nuit) entraînent le développement de maladies qui peuvent attaquer

le système racinaire et les précieuses fleurs ; des précipitations lourdes peuvent casser les

branches portant des grosses grappes de fleurs ; les orages et ouragans peuvent endommager

sévèrement les plantes ; les termites peuvent s’abriter dans le système racinaire et

progressivement manger le tronc depuis l’intérieur. La culture en intérieur permet de mieux

contrôler ces risques, mais à un fort coût énergétique. Au vu du prix de vente de l’électricité

dans la région, ces pratiques ne sont possibles à grande échelle que dans un pays pétrolier

comme Trinidad où le pétrole, et par conséquent l’électricité, est très bon marché. Ailleurs

dans la région, malgré les coûts, on note que ce type de cultures d’intérieur se développe

doucement : le 18 juin 2014, les services de police du Lamentin, à la Martinique, arrêtaient un

homme en flagrant délit de raccordement pirate sur le réseau EDF. En suivant le fil électrique,

ils arrivèrent jusqu’à une maison reconvertie en espace de culture de cannabis dans laquelle

poussaient une centaine de plantes5.

Les grands types de production

14Les recherches de terrain que nous avons menées dans de nombreux pays de la région

permettent d’identifier grossièrement trois types de producteurs :

De simples consommateurs cultiveront entre un et vingt pieds de cannabis à domicile,

au sein de leur jardin créole – une association complexe de plantes médicinales et de

plantes destinées à l’alimentation, héritage des systèmes agricoles amérindiens.

Des petits producteurs ouvriront un « jardin » dans des endroits plus ou moins reculés

pour cultiver entre 20 et une centaine de plantes et ainsi compléter les maigres revenus

tirés des activités formelles et informelles pratiquées pendant le reste du temps,

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comme on a pu le voir avec les nombreuses saisies de la sorte qui ont lieu à Saint Kitts

en 2012 .

Des producteurs spécialisés cultiveront des champs éloignés contenant de quelques

centaines jusqu’à 100 000 plants ou plus. L’accès est protégé par des pièges, des

chiens et des « soldats » (gardiens) armés qui vivent autour du champ pendant toute la

période de floraison et n’hésitent pas à ouvrir le feu sur les voleurs et la police. Nous

avons l’exemple de ce Guadeloupéen arrêté en septembre 2013 avec plus de 600 pieds

de cannabis , de cette plantation de plus de 1400 pieds de cannabis détruite récemment

à la Barbade , de ce Saint-martinois arrêté pour une plantation d’environ 1700 pieds de

cannabis , de cette plantation de 45 000 pieds de cannabis détruite à Trinidad en 2012 ,

ou encore de trois Jamaïcains arrêtés à Port Antonio pour une plantation d’un hectare .

Au total, près de 30 000 pieds de cannabis furent saisis à la Barbade en 2013, et plus

de 300 000 à Trinidad & Tobago.

15Une constante géographique de la production : plus le nombre de plantes cultivées

augmente, plus l’éloignement géographique du lieu de vie, des villes et villages, des routes et

autres axes de communication est important.

Géographie de la production

16Selon l'United Nation Offfice on Drug and Crime (UNODC, 2013a.) « le cannabis est

virtuellement produit dans chaque pays du monde ». Certains pays produisent cependant plus

que d’autres : « L’Amérique Latine et la Caraïbe représentent la seconde région pour le total

de saisies » (UNODC, 2013a.). En particulier « la Caraïbe dispose d’un climat et de

conditions topographiques qui sont bien adaptés pour la culture de marijuana. Le terrain

montagneux, les petits territoires et les petits terrains, ainsi que la proximité du plus

important marché font de la marijuana une culture extrêmement bénéfique partout dans la

Caraïbe » (Bernal and alii, 2000).

6 Voir par exemple : http://jamaica-star.com/thestar/20140408/news/news5.html

7 Voir par exemple : http://www.guyanatimesgy.com/?p=56361

17La répartition géographique de la production à grande échelle – comme pour celle des

autres plantes à drogue – est en partie influencée par ce qui a été appelé l’« effet ballon » :

lorsqu’une région subit des campagnes d’éradication, la culture ne disparait pas ; elle se

déplace simplement ailleurs, comme l’air dans un ballon que l’on comprimerait (Labrousse,

Figueira and Cruse, 2008). Cette causalité directe entre une politique volontariste anti-drogue

et le déplacement des cultures a été remise en question dans le cas d’un exemple particulier :

le Air Bridge Denial Program mené durant les années 1990 dans le but de réduire le trafic

aérien de drogues en Amérique du Sud (Friesendorf, 2005). Dans le cas caribéen, force est

cependant de constater l’évidence : les cultures semblent se déplacer au rythme des

campagnes d’éradication – ce qui n’exclut pas que d’autres facteurs n’interviennent en la

matière. La Jamaïque est devenue l’une des principales régions productrices de la Caraïbe

lorsque la Drug Enforcement Administration (DEA) lança des campagnes d’éradication dans

les champs mexicains et colombiens, durant la seconde moitié du 20e siècle (Labrousse,

2002). Durant les années 1970, le gouvernement de M. Manley ferme assez largement les

yeux sur la production et le trafic de cannabis dans l’île, permettant de soulager la détresse

économique des régions rurales de la Jamaïque. Le trafic vers les États-Unis explose alors par

tous les moyens possibles et imaginables : bateaux de pêche, avionnettes décollant à

proximité directe des plantations, cargos, lignes aériennes régulières... (Griffith, 1997).

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Pendant les années 1980 cependant, sous l’impulsion des États-Unis, relayés localement par le

régime conservateur d’E. Seaga, la Jamaïque devint à son tour la cible d’importantes

campagnes d’éradication et les contrôles devinrent plus stricts. Les compagnies comme Air

Jamaica furent très sévèrement sanctionnées à chaque fois qu’une saisie était effectuée dans

les soutes de leurs avions (Griffith, 1997). Ces campagnes furent un échec localement, car, au

vu des conditions économiques et de la culture de consommation locale, la production ne

baissa jamais réellement, mais se réfugia dans des terrains plus isolés des Montagnes Bleues,

des Montagnes Cockpit et dans la région de Negril. Pendant ce temps, les trafiquants

trouvaient des relais dans d’autres territoires pour contourner les contrôles sur les lignes

directes au départ de la Jamaïque. Ces campagnes furent aussi un échec à l’échelle régionale,

car le temps que les producteurs jamaïcains se remettent sur pieds, de nouveaux champs

étaient ouverts dans les îles des Bahamas, à Saint Vincent et à Trinidad notamment, pour

répondre à la demande du marché nord-américain (Labrousse, 2002). Les producteurs

jamaïcains ont eux-mêmes pour certains migré directement pour développer des champs de

ganja dans les Bahamas6, et plus récemment au Guyana7. Le dernier rapport annuel du

Département d’État des États-Unis au sujet du Suriname laisse penser que le pays est aussi

concerné ou qu’il est en passe de la devenir. On notera à ce point que le déplacement des

cultures n’est pas la seule conséquence d’une mesure politique visant à l’éradication des

cultures dans un lieu donné. P.-A. Chouvy (2013) a fourni à ce sujet une typologie des

conséquences des campagnes d’éradication forcée qui peut inclure aussi l’augmentation de la

violence, l’augmentation des prix de vente, l’augmentation des surfaces cultivées,

l’augmentation de la pauvreté, etc. Comme l’explicite un rapport de la Banque Mondiale

(2004) « une leçon essentielle est que l’éradication seule ne fonctionnera pas et sera

probablement contre-productive, encourageant de manière perverse les paysans à planter

plus de drogues (ex. Colombie), à déplacer les cultures dans des régions plus reculées, et

alimentant la violence et l’insécurité (…) ».

8 http://www.state.gov/j/inl/rls/nrcrpt/2013/vol1/204049.htm

9 http://www.jamaicaobserver.com/news/US-says-Jamaica-is-largest-Caribbean-

supplier-of-marijuana

18Alors que la Jamaïque a pendant très longtemps été le seul producteur important de

cannabis caribéen, la production actuelle se répartit désormais autour de trois pôles primaires,

et de nombreux pôles secondaires. Les trois principaux centres de production actuels sont la

Jamaïque, Saint Vincent (dont la production concurrence aujourd’hui la Jamaïque selon un

rapport non officiel de la DEA, cité dans le rapport de 2013 du Bureau of International

Narcotics and Law Enforcement Affairs8) et le Guyana, talonnés de près par Trinidad. À la

Jamaïque, premier producteur régional9, la production s’enracine dans un terreau historique,

culturel et socio-économique très favorable : les Jamaïcains consomment la ganja comme les

Français boivent du vin et la culture de la ganja est considérée comme une activité

relativement valorisante sur le plan moral, et souvent nécessaire sur le plan économique dans

les milieux ruraux frappés de plein fouet par les ajustements successifs du Fonds Monétaire

International (FMI) (Bernal et alii, 2000). La prépondérance de la production jamaïcaine à

l’échelle régionale est régulièrement soulignée par les rapports du Département d’État

américain (voir le rapport pour 2014 par exemple).

10 http://www.kaieteurnewsonline.com/2014/05/05/cops-destroy-huge-ganja-farm-at-

berbice/

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19Les producteurs de Saint Vincent bénéficient du soutien politique ouvert du Premier

ministre, ce qui a permis à cette île des Petites Antilles de passer rapidement du statut de

producteur secondaire à celui de centre primaire de production (Griffith and Munroe, 1995 ;

Labrousse, 2002 ; Klein, 2004). « Parmi les pays caribéens, Saint Vincent (…) affiche

l’industrie du cannabis la plus développée. Bien que plus petit en taille que le secteur de

l’exportation de cannabis jamaïcain, l’industrie de Saint Vincent joue localement un rôle plus

important, une fois rapportée à la taille de l’économie » (Klein, 2004). Le Guyana est le pays

producteur émergeant dont on découvre seulement l’importance au travers de quelques

affaires récentes. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple parmi d’autres, la police locale a

récemment détruit un champ de près de 18 hectares (soit une surface équivalente à 25 terrains

de football), situé à une centaine de kilomètres en amont de la rivière Berbice, dans l’intérieur

forestier du pays. Lors de cette seule opération, plus de 8 tonnes de cannabis séché furent

saisies, tandis que près de 150 000 pieds étaient brûlés10.

11 See for instance : $132m in ganja burnt; cops target more, Trinidad Express

Newspaper, 25 October 2 (...)

12 http://www.thenassauguardian.com/news/47834-police-find-32-mil-worth-of-

marijuana-plants-in-gb

20La production de cannabis à travers le reste de la région est relativement diffuse, avec

cependant une nette prédominance dans les territoires anglophones et une quasi-absence dans

les pays hispanophones. Le principal producteur au sein du groupe des petits pays producteurs

est l’île de Trinidad. Ce territoire appartiendrait sans doute au groupe des gros producteurs

régionaux si la prohibition n’y était pas mise en oeuvre de manière si drastique (Cruse, 2012).

Les forces de police locales détruisent très régulièrement de gigantesques champs (allant

jusqu’à 80 000 pieds si l’on se fie aux rapports de police) situés dans les régions marginales

de Biche (dans l’est) et du Northern Range (dans le nord)11. Les autres îles anglophones

comme Sainte Lucie et la Dominique sont aussi connues pour leur production de cannabis. De

la même manière qu’au Guyana, des îles isolées des Bahamas servent depuis une dizaine

d’années de plateforme de production off-shore pour bon nombre de producteurs

jamaïcains12.

13 Découverte de 276 pieds de cannabis, France Antilles, 7 avril 2014.

14 Plus de 2000 pieds de cannabis saisis, France Antilles, 26 octobre 2013.

15 Voir par exemple :

http://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/faitsdivers/decouverte-de-276- (...)

16 http://www.barbadostoday.bb/2014/05/18/cannabis-seized-during-drug-eradication-

exercise/

21En raison de difficultés économiques grandissantes et d’un taux de chômage avoisinant les

50 % chez les jeunes, en combinaison avec des prix de vente très forts sur les marchés locaux

(jusqu’à 20 à 25 euros pour un gramme de cannabis de bonne qualité), les territoires français

de la Martinique13, Guadeloupe et Saint-Martin14 suivent aujourd’hui la tendance mondiale

soulignée par le dernier rapport de l’UNODC (2013a.) : on y produit de plus en plus

localement, bien qu’à une échelle bien moindre que dans les pays voisins — les saisies

dépassent rarement la centaine de pieds. De plus en plus de jeunes de ces territoires plantent

une dizaine de pieds de cannabis pour compléter leur RSA ou les maigres revenus tirés

d’emplois au SMIC et/ou de « jobs » (emplois informels)15. Ceci est aussi vrai d’une île

relativement similaire économiquement comme la Barbade16.

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Les échelles et les flux du commerce de

cannabis

Figure 1. Production et trafic de cannabis dans la Caraïbe, 2014

Agrandir Original (png, 221k)

22Les principaux « flux » de cannabis relient les centres de productions que nous venons

d’identifier aux différents marchés (Figure 1). Ce sont principalement l’Amérique du Nord et

l’Europe, ainsi que le marché régional caribéen qui n’est lui-même pas négligeable.

23Le marché caribéen s’appuie sur une population totale de plus de 40 millions de personnes

et se compose globalement de trois types de territoires : des territoires relativement peu

peuplés où la consommation est très répandue, mais où le niveau de vie (et par conséquent les

prix de vente) est bas ou très bas (Jamaïque, Sainte Lucie, etc.), des grands territoires

relativement peuplés où la consommation de cannabis est très faible et où le niveau de vie est

lui aussi très faible (Cuba, Haïti, etc.), des petits et microterritoires où la population combinée

n’est pas négligeable, et où le niveau de vie est fort à très fort, en combinaison avec une forte

présence touristique, ce qui permet de vendre le cannabis à des prix élevés, voire très élevés

(Antilles françaises, petites îles du nord, etc.).

Les marchés des territoires anglophones

24Les îles anglophones représentent de solides marchés régionaux, particulièrement la

Jamaïque (2,7 millions d’habitants) et Trinidad (1,3 million d’habitants), ainsi que l’ensemble

des Petites Antilles (qui en incluant les territoires francophones et les îles éloignées d’Aruba,

Curaca et Bonaire, mais en excluant Trinidad & Tobago, représentent plus de 2 millions

d’habitants). Même si le niveau de vie de la majorité de la population est relativement bas

dans ces îles (le salaire minimum mensuel est généralement inférieur à l’équivalent de 300

euros), la masse de consommateurs et la haute valeur des devises locales (à l’exception de la

Jamaïque) en font des marchés attractifs pour les trafiquants. Le meilleur exemple est la

Page 11: Géopolitique du cannabis dans la Caraïbe insulaire...sources de première main, principalement les interviews menées à travers la région durant ces dix dernières années par

Jamaïque où la ganja peut être achetée à la boutique au coin de la rue avec une boîte de

sardines, des couches-culottes à l’unité, et de l’huile vendu dans un sac plastique et à la

cuillère. L’utilisation traditionnelle du cannabis dans cette partie du monde diffère fortement

de son utilisation récréationelle en Amérique du Nord ou en Europe notamment. À la

Jamaïque, la ganja a longtemps été utilisé dans les communautés rurales, et plus récemment

dans les bidonvilles urbains, comme un stimulant. Les études menées dans le pays ont

d’ailleurs entrainé la remise en cause du soi-disant syndrome de l’a-motivation – la thèse

selon laquelle une utilisation prolongée du cannabis serait universellement corrélée à une

baisse de l’envie et de la capacité à travailler (Rubin and Comitas, 1975 ; Comitas, 1976 ;

Dreher, 1982).

17 http://jamaica-gleaner.com/gleaner/20110919/business/business2.html

18 Voir par exemple : http://www.newsday.co.tt/crime_and_court/0, 172100.html ;

http://www.guardian.co (...)

19 http://www.antiguaobserver.com/st-vincent-still-source-for-most-cannabis-in-the-

caribbean/

20 Interview menée à Giraudel, Dominique, en décembre 2012.

25De nombreuses affaires révèlent l’ampleur de ce trafic régional, comme la saisie dans un

port trinidadien, le 19 septembre 2011, de plus d’une tonne de ganja jamaïcaine dissimulée

dans un conteneur de poulets surgelés17. De la même façon, des affaires récurrentes montrent

que la ganja de Saint Vincent est régulièrement importée à Trinidad sur des bateaux rapides18

— et parfois échangée contre des armes et de la cocaïne disponibles à Trinidad19. Les

interviews que nous avons menées auprès de trafiquants dominicais semblent indiquer que la

ganja jamaïcaine arrivait encore récemment dans cette île dissimulée dans des pots de

peinture, envoyés depuis la Jamaïque, via la Barbade, et dans des bouteilles de gaz, ayant

aussi transitées par la Barbade20.

La plateforme haïtienne et la route des Bahamas

21 Haiti and Jamaica's deadly trade, BBC News, 25 October 2008 ; Cops target small

ganja farmers, Jama (...)

22 Pour deux cas récents, voir : http://www.thenassauguardian.com/news/47834-

police-find-32-mil-worth- (...)

26Haïti a une population nettement plus importante (près de 11 millions d’habitants), mais

l’utilisation du cannabis n’y fait pas partie intégrante de la culture locale comme dans les îles

anglophones. Ceci peut être parce qu’aucun travailleur indien ne fut introduit dans ce

territoire en raison de la révolution de 1802 – si l’on veut donner du crédit à l’hypothèse de

l’introduction indienne. Par ailleurs, les conditions économiques sont telles que ce marché

reste peu attractif à la fois pour les producteurs et pour les trafiquants. L’attractivité d’Haïti

pour les trafiquants réside plus dans la facilité d’y héberger un hub de trafic régional. C’est

ainsi qu’il a été reporté depuis plusieurs années que les trafiquants jamaïcains utilisent Haïti

comme une plateforme d’exportation vers les États-Unis notamment. Les intermédiaires

locaux des immenses « Cités » haïtiennes (les bidonvilles qui représentent la majeure partie

des villes haïtiennes) sont payés en « bush weed », un cannabis de mauvaise qualité qui a

ainsi trouvé son chemin jusque dans ces quartiers et dont l’usage commence à se répandre. La

« high grade », le cannabis de bonne qualité, dont le prix de vente peut aujourd’hui égaler ou

dépasser le prix de vente de la cocaïne dans les rues des métropoles nord-américaines, est ré

exporté21. Les trafiquants jamaïcains profitent de leur présence en Haïti pour

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s’approvisionner en armes légères, qui pullulent dans le pays en raison de l’instabilité

chronique, et il a été noté que certains trafiquants vont jusqu’à ramener des migrants haïtiens

vers la Jamaïque, certains desquels sont embauchés dans les plantations de ganja et dans les

gangs urbains locaux (Cruse, 2010a). La plateforme de transit haïtienne a depuis été étendue

et englobe les îles Turques et Caïques, au Nord, les Îles Vierges américaines et britanniques, à

l’Est, et les Bahamas, à l’Ouest, sur la route maritime vers les États unis (Figueira, 2012). La

route Jamaïque — Bahamas – États-Unis est désormais l’un des principaux canaux

d’exportation, comme le montrent les arrestations récurrentes de fast-boats22 . Il est notable

que cette route ne soit pas dédiée au seul cannabis : la cocaïne, les armes et le trafic d’êtres

humains empruntent les mêmes canaux.

23 Voir par exemple : http://www.antiguaobserver.com/marijuana-seized-off-english-

harbour-boat/ ; http (...)

24 Voir par exemple : http://www.stabroeknews.com/2012/archives/07/17/large-

marijuana-seizure-off-barb (...)

25 http://www.state.gov/j/inl/rls/nrcrpt/2013/vol1/204049.htm

26 Les interviews menées auprès de trafiquants dominicais montrent l’imbrication

dans les réseaux au d (...)

27 Voir par exemple : http://dominicanewsonline.com/news/homepage/news/crime-

court-law/dominicans-invo (...)

28 http://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/faitsdivers/120-kilos-d-herbe-

saisis-de-la-cocain (...)

27Il existe une autre route du cannabis dans les Petites Antilles. Là, les productions issues de

Saint Vincent principalement sont acheminées vers l’Europe ou vers les États-Unis, soit

directement, soit par l’intermédiaire d’îles-relais comme Antigua et Barbuda23, la Barbade24,

Grenade25, la Martinique ou encore la Guadeloupe – îles dans lesquelles une bonne partie de

ces marchandises sont aussi écoulées. La multiplication récente des saisies de grandes

quantités de cannabis en Guadeloupe, avec une implication marquée de trafiquants

dominicais26, est une indication claire du développement de ce réseau27. De nombreuses

affaires ont montré que ce pipeline des Petites Antilles est complexe et multidrogues28.

29 http://www.caribbean360.com/news/trinidad_tobago_news/trinidad-and-tobago-

struggling-to-deal-with-t (...)

28Il existe enfin deux autres routes du cannabis dans le sud de la Caraïbe insulaire. Le

cannabis produit à Trinidad est largement consommé sur place, mais il alimente aussi

l’économie locale du crime par les revenus générés à l’exportation vers les États-Unis, et

particulièrement vers New York. Récemment, des trafiquants jamaïcains ont été arrêtés à

Trinidad et on suspecte qu’ils échangeaient dans l’île la ganja jamaïcaine contre de la cocaïne

qui était alors expédiée vers les États-Unis29, ce qui montre que cette route est, elle aussi,

largement multi drogues. Enfin, la vaste plateforme de production récemment identifiée au

Guyana semble pour l’instant écouler ses stocks vers le marché brésilien, selon les

collaborateurs de notre réseau de recherche présents sur place. Il ne fait cependant aucun

doute que ces productions devraient aussi prochainement inonder les marchés caribéens.

Importations

30 http://martinique.la1ere.fr/2014/05/02/la-douane-intercepte-pres-d-une-tonne-d-

herbe-de-cannabis-14 (...)

Page 13: Géopolitique du cannabis dans la Caraïbe insulaire...sources de première main, principalement les interviews menées à travers la région durant ces dix dernières années par

31 Interview réalisée par l’auteur à Kingston, à la Jamaïque, en mars 2010.

29Par ailleurs des territoires à fort niveau de vie comme les petites îles du Nord (Saint Martin,

etc.) sont récemment devenus des marchés aussi desservis par des trafiquants extérieurs à la

région. C’est ainsi que les douanes de Saint-Martin ont découvert récemment une tonne de

cannabis dans un conteneur en provenance des États-Unis30. Ceci n’est pas une nouveauté :

les Colombiens ont pendant longtemps exporté de la marijuana dans la Caraïbe. Des

trafiquants guadeloupéens interviewés en 2010 nous ont affirmé qu’ils récupéraient les sacs

de cocaïne colombienne directement en mer, emballés au milieu de paquets de marijuana (la

marijuana, moins dense que la cocaïne, fait flotter l’ensemble). Des avionnettes jettent ces

paquets munis de balises GPS en mer, à proximité des côtes, tandis que les trafiquants locaux

les récupèrent en bateaux rapides31.

Les territoires hispanophones

32 US Department of State, Country Report : Cuba, 2014.

33 www.jamaicanobserver.com/entertainment/Book-links-Tosh-and-ganja-

trade_16964199

30Les territoires hispanophones de la région n’ont pas une tradition importante de

consommation de cannabis. Ceci d’abord parce que peu d’esclaves y furent amenés en

comparaison des territoires anglophones, francophones et néerlandophones (ce qui pourrait

expliquer, entre autres, l’absence de développement de langues créoles dans ces territoires

hispanophones). Par ailleurs, le métissage entre les populations indienne, européenne et

africaine y fut la règle très tôt plutôt que la ségrégation qui caractérisait les autres types de

colonisation européenne (Mann, 2013). Enfin, très peu de travailleurs asiatiques y migrèrent.

Au total, il n’y eut dans ces territoires que peu de foyers ségrégés d’Africains ou d’Indiens

pour y développer l’usage traditionnel du cannabis de ces régions (l’utilisation du cannabis

pour ses vertus psychoactives est très récente en Europe) (Escohotado, 1999). Ces territoires

sont aussi connus pour leur application très stricte de la lutte contre le trafic de cannabis (ce

qui n’empêche pas qu’ils soient, à l’exception de Cuba, les principaux hubs du trafic de

cocaïne) (Figueira, 2012). La République dominicaine et Puerto Rico sont donc des marchés

très peu attractifs pour les producteurs et les trafiquants de cannabis caribéens. Cuba

représente sans doute le cas le plus extrême : la politique antidrogue y est menée de manière

très rigoureuse et le niveau de vie et la devise locale y sont extrêmement faibles – les

travailleurs cubains reçoivent comme salaire minimum moins de l’équivalent de 20 dollars

des États-Unis par mois, complétés par une éducation et un système de santé gratuits ainsi que

des bons alimentaires. Cuba est sans doute le pire marché du point de vue d’un trafiquant de

cannabis32. Un ancien musicien, un temps reconverti dans le trafic de ganja entre la Jamaïque

et les États-Unis expliquait récemment qu’il expédiait la ganja par avionnette, faisant un large

détour pour éviter rigoureusement de voler au-dessus de Cuba, car « Castro nous aurait

descendus »33...

Enjeux, acteurs

31Les enjeux du trafic de cannabis dans la région Caraïbe relèvent de trois ordres :

économiques, sociaux et politiques.

Page 14: Géopolitique du cannabis dans la Caraïbe insulaire...sources de première main, principalement les interviews menées à travers la région durant ces dix dernières années par

32Les enjeux économiques sont les plus évidents. Un gramme de « high grade » (cannabis de

haute qualité) se vend au détail dans la région entre l’équivalent d’un peu moins d’un euro à la

Jamaïque et 20 à 25 euros en Martinique et en Guadeloupe, soit un prix très proche de la

cocaïne (disponible sur ces marchés autour de 30 euros le gramme d’après nos observations).

Dans la Caraïbe comme ailleurs, le prix de vente varie en fonction de la quantité achetée et de

l’endroit. Ce prix varie aussi en fonction de l’acheteur (client régulier/occasionnel ;

étranger/natif ; etc.) (Jacques et alii, 2014). Le prix peut aussi fluctuer dans le temps et dans

l’espace en fonction de l’implication des forces de police dans la lutte contre le trafic (Bright

and Ritter, 2010). Un bon exemple est Trinidad où la lutte contre les petits trafiquants et les

consommateurs de cannabis est intense. La ganja jamaïcaine y est hors de prix pour un

travailleur : autour de 25 US $ le gramme dans un pays où le salaire minimum avoisine les

300 US $ mensuels. Le prix dépend aussi évidemment de la qualité du produit. La « bush

weed » (Jamaïque) ou la « Vincy » (Petites Antilles) est une sativa relativement peu

psychoactive, contenant généralement beaucoup de graines (synonyme de mauvaise qualité)

et compressée avec les branches et les feuilles. Le prix de vente peut être 10 fois inférieur à

celui de la « high grade » (Jamaïque) ou « Jama » (Petites Antilles), ou encore « Skunk »

(Petites Antilles françaises) – autant d’étiquettes génériques locales peu précises sous

lesquelles sont regroupées beaucoup d’hybrides de cannabis de bonne qualité (pour prendre

l’exemple des Antilles françaises : un kilogramme de « Vincy » se vend autour de 600 euros,

tandis qu’un kilogramme de « Jama », « Skunk » ou « Krépi Gold » vaut environ 5 000 à 6

000 euros). Au sujet de ces étiquettes, on notera que les appellations dans la Caraïbe sont

particulières : quelle que soit la variété plantée, la cannabis sera considéré comme « Bush

weed » (Jamaïque) ou « Vincy » (Petites Antilles) si il a été récolté précocement, si les

graines sont abondantes, et plus généralement si il est de mauvaise qualité. De la même

manière, indépendamment de la variété plantée, une herbe de bonne qualité sera considérée et

vendue comme « high grade » (Jamaïque, Petites Antilles), « Jama » ou « Skunk » (Petites

Antilles). Certains hybrides développés principalement pour la culture en intérieur aux États-

Unis, en Hollande ou en Espagne notamment, sont cultivés en extérieurs dans la Caraïbe et

vendus non pas selon leur appellation originelle, mais selon ces « étiquettes » propres à la

région. Seule la Jamaïque se distingue avec une production de variétés précisément définies,

qui sont le plus souvent des hybrides entre des variétés développées en Europe ou aux États-

Unis et des souches locales adaptées à l’environnement humide de la région. Comme dans les

Petites Antilles, on tend cependant à regrouper sous l’étiquette « Skunk » toute variété forte

dont on ne connait pas l’origine exacte.

34 Interviews de trafiquants menées par l’auteur à Bottom Town, Saint Vincent, à

Fort-de-France, Marti (...)

33Les prix de vente élevés génèrent des revenus phénoménaux pour une production et/ou un

trafic relativement faciles et à la portée de tous. Par ailleurs, il existe des différences notables

de prix de vente entre des marchés qui sont parfois très proches. Ainsi, dix kilogrammes de

ganja valent l’équivalent de 600 euros à l’embarquement sur une plage du sud-ouest de Saint

Vincent ; la même cargaison à une valeur dix fois supérieure au débarquement sur une plage

du sud de la Martinique, à seulement 200 kilomètres de là34. Les bénéfices considérables

générés par ces trafics représentent un enjeu économique de taille.

34Les enjeux sociaux relèvent de la traditionnelle pyramide socio-ethnique des activités dans

la Caraïbe, comme nous l’avons détaillé ailleurs (Cruse, 2014). Les populations noires

originaires des espaces ruraux et des vastes bidonvilles périurbains ont été marginalisées des

activités économiques lucratives depuis l’abolition de l’esclavage jusqu’à nos jours. Cette

Page 15: Géopolitique du cannabis dans la Caraïbe insulaire...sources de première main, principalement les interviews menées à travers la région durant ces dix dernières années par

marginalisation économique s’observe dans les secteurs légaux et illégaux de l’économie

caribéenne : même l’économie criminelle, et particulièrement le trafic de cocaïne, tend à être

monopolisée par les élites « claires » (voir par exemple sur ce sujet Cruse, 2012 ; 2014 ;

Figueira, 2012). Dans ce domaine, « les réseaux mafieux ont bénéficié de l’appauvrissement

massif des perdants de la mondialisation. Ruraux ou urbains, ceux-ci constituent une “armée

de réserve” inépuisable pour la production et le transport des drogues. Mais l’économie

politique de ce marché imite jusqu’à la caricature l’iniquité des chaînes de valeur

internationales, qu’il s’agisse de l’agrobusiness ou de l’industrie textile » (Polet, 2014). La

production et le trafic de cannabis a pendant longtemps été dans la région une des rares

opportunités d’enrichissement pour les populations pauvres afrocaribéennes.

35 Interview mené par l’auteur auprès de trafiquants arrêtés dans le sud de la

Martinique, lors de leu (...)

35Ainsi de nombreux petits agriculteurs de Saint Vincent commencèrent à planter du

cannabis dans les années 1970 sur leurs parcelles. Quelques centaines de plants de cannabis

disséminés sur les parcelles servent de culture commerciale ; tandis que les cultures

traditionnelles (dachines, bananes, poix d’Angole, etc.), dont les prix de vente sont bien trop

bas, sont consommées par le ménage (Klein, 2004). Lors de la récolte, les agriculteurs

descendent les mornes à pied, portant les sacs de ganja sur leur tête. Ils vendent ces sacs sur

une plage où un rendez-vous est pris avec un « boatman ». L’organisation du trafic est gérée

par un organisateur, qui reste sur place et qui n’est pas en contact avec le produit. Le

« boatman », qui possède un bateau, est payé pour le transport, en compagnie d’un

« capitaine », qui reste à bord et se charge de la protection de la marchandise et de sa vente35.

36 Saint Vincent PM Raplph Gonzales, quoted in « Marijuana on our minds », The

Guardian, Septembebr 23 (...)

36Des réseaux plus complexes et plus modernes ont vu le jour récemment avec le

développement de cultures de « high grade », et même de résine de cannabis de haute qualité,

destinés à l’exportation vers l’Amérique du Nord et l’Europe. Les dangers du commerce

maritime à destination des îles voisines incluent notamment la piraterie, la police (les

trafiquants ne font pas de distinction entre les deux en ce qui concerne les forces de police de

l’île voisine de Sainte Lucie), les « informateurs » qui dénoncent un concurrent ainsi que les

risques liés à la mer et au temps, particulièrement dans les canaux qui séparent les îles. Le

Premier ministre R. Gonzales n’a jamais caché sa sympathie pour la cause des producteurs de

ganja – devenant de fait un expert dans les négociations entre la pression des partenaires

extérieurs souhaitant la mise en place de campagnes d’éradication et le lobby local des

planteurs de ganja. R. Gonzales a de nombreuses fois pris position en faveur de la

décriminalisation de la ganja dans la région : « Nous devons trouver une niche [pour nos

terres agricoles]. Nous avons un temps pensé au cacao et à certains types de légumes. Nous

pensons désormais que la culture de ganja marcherait, comme en Californie (…). Lorsque

vous êtes dans votre chambre avec votre femme et que (…) vous fumez un joint, est-ce que

cela devrait vraiment être un délit ?”36.

37L’exemple de Saint Vincent souligne un fait essentiel : le trafic de cannabis a pendant très

longtemps été le commerce illégal rejeté par les gros trafiquants de la région (les réseaux

colombiens, les réseaux caribéano-libanais, etc.). Car la cocaïne est facilement disponible

dans la région, son volume est plus faible que celui de la ganja (à poids égal un kilogramme

de ganja est plus près de quatre fois plus volumineux qu’un kilogramme de cocaïne) et les

Page 16: Géopolitique du cannabis dans la Caraïbe insulaire...sources de première main, principalement les interviews menées à travers la région durant ces dix dernières années par

profits sont beaucoup plus forts sur le marché de la cocaïne (profit lié à la différence entre le

prix d’achat et le prix de vente en bout de chaîne). Le trafic de cannabis, délaissé par les gros

trafiquants, a été largement dominé par les afro-caribéens, marginalisés des pyramides

sociales régionales, et par les gangs locaux. Les plus développés d’entre eux, les gangs

jamaïcains, ont progressivement pris un ascendant sur leurs confrères des îles voisines au

point de s’étendre largement à travers les Petites Antilles, en Haïti et dans les Bahamas, et

jusqu’au Guyana. Lorsque les chefs de partis politiques jamaïcains commencèrent à envoyer

les leaders des gangs politiques aux États-Unis, à la fin des années 1970, les gangs jamaïcains

purent contrôler toute la filière, du producteur caribéen au point de vente au détail dans les

rues de Miami ou de New York (Cruse, 2010a.).

37 On pourra voir à ce sujet le documentaire des producteurs (légaux) de cannabis

hollandais Strain Hu (...)

38 http://www.theguardian.com/world/2008/mar/11/internationalcrime

39 Voir par exemple : http://www.jamaicaobserver.com/news/Woman-sentenced-for-

smuggling-ganja ; http:/ (...)

40 http://www.jamaicaobserver.com/news/Drug-smuggling-Jamaicans-in-Barbados-

make-lawyer-sick_15010716

38Cependant le prix de vente de la cocaïne a beaucoup baissé ces dernières années avec

l’augmentation de la production totale et, indirectement, avec l’ouverture de la zone de transit

ouest-africaine (Labrousse et alii, 2008). Dans le même temps, les planteurs caribéens ont eu

accès aux hybrides à forte concentration psychoactive développés en Europe et aux États-Unis

grâce à la migration saisonnière et au développement de la vente de ces produits par internet

(beaucoup de sites proposent aujourd’hui une livraison discrète de graines dans de nombreux

pays du monde). Ces hybrides ont été adaptés par croisement avec des variétés locales (voulu

ou non selon les cas : dans des territoires comme Saint Vincent, la production est telle qu’il

est impossible d’empêcher la pollinisation par des plantes de champs voisins37). Malgré la

pression très forte des États-Unis en faveur des campagnes d’éradication dans la Caraïbe

(pendant que le cannabis est progressivement légalisé dans certains états américains...), ces

nouveaux hybrides de haute qualité ont permis d’augmenter les bénéfices pour les

producteurs, tout en cultivant sur des surfaces plus petites – et donc de manière plus discrète.

Et tout laisse à penser que cette tendance va s’accroitre au vu de l’avancée du mouvement

pour la légalisation de la ganja à la Jamaïque et à Saint Vincent38. Pendant que le prix de la

cocaïne diminuait notablement, la qualité du cannabis produit, d’abord en Hollande, puis aux

États-Unis et finalement dans la Caraïbe, s’est sensiblement améliorée durant les dix dernières

années (UNODC, 2013a.). Par conséquent, certaines variétés de cannabis produites dans la

Caraïbe, comme la White Ice jamaïcaine, se vendent aujourd’hui au détail au même prix que

la cocaïne dans les rues de New York. C’est ce qui explique qu’on observe désormais le

développement des réseaux de « mules » transportant un kilogramme de ganja caribéenne

sous forme de petits sachets avalés – comme cela se déroulait avant cela uniquement sur le

marché de la cocaïne39. L’avocate barbadienne J. Thomas a récemment déclaré à ce sujet

qu’elle défend au moins un client jamaïcain par semaine devant les tribunaux pour ce genre

d’affaires40.

39Plusieurs indices laissent penser que, en raison de l’augmentation des bénéfices générés par

le trafic de cannabis dans la Caraïbe, les gangs caribéens – Jamaïcains en tête —, se font

progressivement détrôner par les cartels mexicains. Plus exactement, il semblerait aujourd’hui

que les gangs caribéens travaillent sous la direction des cartels mexicains dans la région,

particulièrement le cartel de Sinaloa. Il n’existe aucune preuve formelle de ce changement

Page 17: Géopolitique du cannabis dans la Caraïbe insulaire...sources de première main, principalement les interviews menées à travers la région durant ces dix dernières années par

d’organisation, et moins encore de recherches universitaires à ce sujet. Mais l’ampleur de la

plateforme de production développée récemment au Guyana, sous la direction de leaders

jamaïcains, n’est pas compatible avec l’échelle habituelle des réseaux caribéens. On assiste

actuellement à la formation d’un véritable marché caribéen bien structuré et bien organisé,

avec ses grands centres de production (Jamaïque, Guyana, Saint Vincent), ses débouchés

locaux et internationaux, ainsi que ses réseaux de mieux en mieux structurés en pipelines

multiples et multidrogues. Cette complexe organisation régionale ne peut être mise en place et

maintenue que par un groupe criminel d’ampleur internationale, et probablement pas par des

réseaux régionaux jamaïcains se concurrençant les uns les autres. La protection des cartels

mexicains – si elle était avérée – achèverait de rendre caduque la protection qu’avaient

historiquement offerte les partis politiques jamaïcains à leurs gangs, en échange de

l’assurance d’un vote homogène dans leurs quartiers respectifs (Cruse 2010b. ; 2011). Les

acteurs politiques locaux perdraient donc leur influence à mesure que les cartels mexicains

étendraient leur influence sur la région caribéenne, ce qui ne serait pas sans conséquence sur

la violence caractéristique de l’île, et plus généralement de la région (UNODC, 2013b.).

Conclusion

40Le cannabis est produit et consommé dans la région caribéenne depuis plus d’un siècle. La

prohibition imposée par les pouvoirs extérieurs (États-Unis, Europe) a transformé cette plante

robuste et facile à produire en source de profits considérables. La présence du voisin

colombien et de sa production gigantesque de cocaïne, un produit illicite plus dense et plus

profitable (au sens économique) a concentré l’attention des plus gros trafiquants de la région,

délaissant le trafic de cannabis aux groupes les plus défavorisés : principalement les Afro-

caribéens des régions rurales et périurbaines.

41Les dix dernières années ont cependant vu le développement de variétés et de techniques de

culture de plus en plus perfectionnées, et une augmentation sensible du taux de substances

actives (THC notamment) contenu dans ces nouvelles variétés. C’est ainsi que le cannabis

produit dans la Caraïbe a nettement changé au cours des dernières années. La Jamaïque était

réputée pour ses sativas relativement perfectionnés, tandis que Saint Vincent était un label

synonyme de cannabis de mauvaise qualité. Depuis peu, ces deux territoires produisent des

hybrides de ganja de grande qualité (White Ice, White Rhino, White Russian, etc.) ainsi que

des produits manufacturés haut de gamme à très forte valeur ajoutée comme la résine et

l’huile de cannabis.

42Les enjeux économiques ayant changé, l’organisation du trafic a elle aussi évolué. Alors

que les premières années étaient marquées par l’hétérogénéité et la dominance d’une

multitude de petits trafiquants opérant au coup par coup et à petite échelle, en fonction

d’opportunités, la tendance actuelle est à la complexification. Dans un premier temps, les

gangs jamaïcains se sont progressivement imposés sur le marché caribéen grâce à leur savoir-

faire dans la production et à l’art de la guerre développé dans les « garnisons politiques »

jamaïcaines ainsi que dans les guerres des gangs aux États-Unis. Il semble qu’aujourd’hui ces

gangs jamaïcains soient en train de céder aux pressions des cartels mexicains, premiers

fournisseurs de cannabis vers les États-Unis et sans conteste les organisations criminelles les

plus développées des Amériques.

43Les conséquences locales sont pour l’instant la mise à disposition de quantités toujours plus

grandes de cannabis de qualité croissante. Le développement actuel de la vaste plate-forme de

Page 18: Géopolitique du cannabis dans la Caraïbe insulaire...sources de première main, principalement les interviews menées à travers la région durant ces dix dernières années par

production du Guyana laisse imaginer que cette tendance va se poursuivre. Il est évidemment

à craindre que ce regain d’activités criminelles, qui se développe en harmonie avec le trafic de

cocaïne, d’armes et d’êtres humains, va contribuer à accroître les niveaux de violence déjà

phénoménaux dans la région, continuant parallèlement à pomper toujours plus de

financements publics vers des dépenses non productives comme la surveillance des eaux

territoriales et la lutte contre le narcotrafic.

44La politique anti-drogue menée par les États-Unis dans la région peut pour sa part être

considérée comme un échec patent, si on se cantonne à l’observation du déplacement des

cultures et l’augmentation générale de la production et du trafic (et de la violence associée). Il

ne faut cependant pas perdre de vue que cette politique est sélective et plus souvent que

rarement guidée par des objectifs géopolitiques pour lesquels la drogue sert de prétexte

d’intervention plus que d’objectif à abattre (Labrousse et Koutouzis, 1996 ; Dale Scott, 2003).

L’ouvrage de référence d’A. McCoy (2003) a sur cette question bien souligné comment la

lutte sélective contre certains groupes de trafiquants, en parallèle au soutien effectifs d’autres,

selon des impératifs géopolitiques, a contribué à la diffusion de la production de drogues et du

trafic dans le monde.

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Notes

1 http://jamaica-gleaner.com/gleaner/20060816/lead/lead1.html

2 http://jamaica-gleaner.com/latest/article.php?id=48066

3 Constatations basées sur les conclusions de l’étude de Comitas, 1975, actualisée par les auteurs de cet article

4 Données récoltées par les auteurs de cet article à travers de multiples recherches de terrain menées à la

Jamaïque, à Saint Vincent, à Trinidad, au Guyana et à la Dominique entre 2004 et 2014.

5 http://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/faitsdivers/du-faux-branchement-edf-a-la-plantation-de-

cannabis-255597.php

6 Voir par exemple : http://jamaica-star.com/thestar/20140408/news/news5.html

Page 21: Géopolitique du cannabis dans la Caraïbe insulaire...sources de première main, principalement les interviews menées à travers la région durant ces dix dernières années par

7 Voir par exemple : http://www.guyanatimesgy.com/?p=56361

8 http://www.state.gov/j/inl/rls/nrcrpt/2013/vol1/204049.htm

9 http://www.jamaicaobserver.com/news/US-says-Jamaica-is-largest-Caribbean-supplier-of-marijuana

10 http://www.kaieteurnewsonline.com/2014/05/05/cops-destroy-huge-ganja-farm-at-berbice/

11 See for instance : $132m in ganja burnt; cops target more, Trinidad Express Newspaper, 25 October 2011 ;

and more recently : $20 million in ganja destroyed, Trinidad Express Newspaper, May 1st, 2014.

12 http://www.thenassauguardian.com/news/47834-police-find-32-mil-worth-of-marijuana-plants-in-gb

13 Découverte de 276 pieds de cannabis, France Antilles, 7 avril 2014.

14 Plus de 2000 pieds de cannabis saisis, France Antilles, 26 octobre 2013.

15 Voir par exemple : http://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/faitsdivers/decouverte-de-276-pieds-de-

cannabis-249666.php ; http://www.guadeloupe.franceantilles.fr/actualite/faits-divers/plus-de-2-000-pieds-de-

cannabis-saisis-239735.php ; http://guadeloupe.la1ere.fr/2013/09/30/plusieurs-centaines-de-pieds-de-cannabis-

chez-un-particulier-73489.html

16 http://www.barbadostoday.bb/2014/05/18/cannabis-seized-during-drug-eradication-exercise/

17 http://jamaica-gleaner.com/gleaner/20110919/business/business2.html

18 Voir par exemple : http://www.newsday.co.tt/crime_and_court/0, 172100.html ;

http://www.guardian.co.tt/news/2011/05/28/4-million-ganja-seized ; http://www.trinidadexpress.com/news/3m-

in-ganja-found-in-banana-boxes-247404791.html

19 http://www.antiguaobserver.com/st-vincent-still-source-for-most-cannabis-in-the-caribbean/

20 Interview menée à Giraudel, Dominique, en décembre 2012.

21 Haiti and Jamaica's deadly trade, BBC News, 25 October 2008 ; Cops target small ganja farmers, Jamaica

Gleaner, June 23, 2008.

22 Pour deux cas récents, voir : http://www.thenassauguardian.com/news/47834-police-find-32-mil-worth-of-

marijuana-plants-in-gb et http://www.thenassauguardian.com/news/47683-men-charged-after-major-drug-bust

23 Voir par exemple : http://www.antiguaobserver.com/marijuana-seized-off-english-harbour-boat/ ;

http://www.antiguaobserver.com/more-than-half-million-dollars-of-weed-seized/

24 Voir par exemple : http://www.stabroeknews.com/2012/archives/07/17/large-marijuana-seizure-off-

barbados/ ; http://www.stabroeknews.com/2012/archives/07/17/four-bajans-remanded-in-st-vincent-over-ganja/

25 http://www.state.gov/j/inl/rls/nrcrpt/2013/vol1/204049.htm

26 Les interviews menées auprès de trafiquants dominicais montrent l’imbrication dans les réseaux au départ de

Saint Vincent, imbrication facilitée par les visas de pêche qui permettent aux “pêcheurs” de ces îles de se

déplacer librement dans la région.

27 Voir par exemple : http://dominicanewsonline.com/news/homepage/news/crime-court-law/dominicans-

involved-in-guadeloupe-trafficking-network/ ; http://dominicanewsonline.com/news/homepage/news/dominica-

identified-as-supplier-in-guadeloupe-drug-bust/

Page 22: Géopolitique du cannabis dans la Caraïbe insulaire...sources de première main, principalement les interviews menées à travers la région durant ces dix dernières années par

28 http://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/faitsdivers/120-kilos-d-herbe-saisis-de-la-cocaine-et-sept-

trafiquants-240850.php

29 http://www.caribbean360.com/news/trinidad_tobago_news/trinidad-and-tobago-struggling-to-deal-with-

trafficking-use-of-illegal-narcotics-us

30 http://martinique.la1ere.fr/2014/05/02/la-douane-intercepte-pres-d-une-tonne-d-herbe-de-cannabis-

148609.html

31 Interview réalisée par l’auteur à Kingston, à la Jamaïque, en mars 2010.

32 US Department of State, Country Report : Cuba, 2014.

33 www.jamaicanobserver.com/entertainment/Book-links-Tosh-and-ganja-trade_16964199

34 Interviews de trafiquants menées par l’auteur à Bottom Town, Saint Vincent, à Fort-de-France, Martinique, et

à Castries, Sainte-Lucie.

35 Interview mené par l’auteur auprès de trafiquants arrêtés dans le sud de la Martinique, lors de leur déportation

vers Saint Vincent.

36 Saint Vincent PM Raplph Gonzales, quoted in « Marijuana on our minds », The Guardian, Septembebr 23,

2013.

37 On pourra voir à ce sujet le documentaire des producteurs (légaux) de cannabis hollandais Strain Hunters :

https://www.youtube.com/watch?v=mjq5Han-Slw

38 http://www.theguardian.com/world/2008/mar/11/internationalcrime

39 Voir par exemple : http://www.jamaicaobserver.com/news/Woman-sentenced-for-smuggling-ganja ;

http://www.jamaicaobserver.com/news/Bermudan-women-jailed-for-smuggling-ganja-from-Jamaica ;

40 http://www.jamaicaobserver.com/news/Drug-smuggling-Jamaicans-in-Barbados-make-lawyer-

sick_15010716

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Production et trafic de cannabis dans la Caraïbe, 2014

URL http://espacepolitique.revues.org/docannexe/image/3233/img-1.png

Fichier image/png, 221k

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Pour citer cet article

Référence électronique

Romain Cruse et Daurius Figueira, « Géopolitique du cannabis dans la Caraïbe insulaire »,

L'Espace Politique [En ligne], 24 | 2014-3, mis en ligne le 12 janvier 2015, consulté le 20

Page 23: Géopolitique du cannabis dans la Caraïbe insulaire...sources de première main, principalement les interviews menées à travers la région durant ces dix dernières années par

janvier 2015. URL : http://espacepolitique.revues.org/3233 ; DOI :

10.4000/espacepolitique.3233

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Auteurs

Romain Cruse

Enseignant vacataire en économie, géographie et aménagement du territoire

Université des Antilles et de la Guyane (UAG), Martinique

[email protected]

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Paru dans L'Espace Politique, 4 | 2008-1

Daurius Figueira

Lecturer in Government and Criminology

University of the West Indies (UWI), Trinidad & Tobago

[email protected]

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Paru dans L'Espace Politique, 4 | 2008-1

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ISSN électronique 1958-5500