GONTHIER Franck PE2 groupe C - Inspé de Bourgogne · 2008. 1. 4. · II ) Les travaux des...
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GONTHIER Franck PE2 groupe C
Dossier : 05STA00809
Les jeux de langage
Comment donner aux élèves l’envie d’entrer dans le monde de l’écrit ?
I.U.F.M. De l’Académie de Dijon , centre d’Auxerre
Directeur de mémoire : M. LAUGIER
Année de soutenance : 2006
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Résumé Le jeu et l’apprentissage ont toujours été liés. En proposant en classe des jeux de langage,
l’enseignant ne va pas proposer à ses élèves d’apprendre telle ou telle notion de grammaire ou
d’enrichir son vocabulaire, il va proposer aux élèves de jouer. Ceux-ci vont se laisser prendre au
jeu (c’est le cas de le dire) et à cette occasion, apprendre sans vraiment s’en apercevoir (parce
que motivés par l’aspect ludique) une série de notions rébarbatives qui ont place dans les
programmes scolaires. Les jeux de langue ont un autre avantage. Contrairement à de nombreux
autres jeux, ils ne développent pas une réelle compétition entre les participants. Le plus souvent,
il ne s’agit pas en effet de gagner, mais bien de trouver. Les diverses trouvailles individuelles de
la classe vont être mises en commun et enrichir chacun au passage. Ce mémoire va présenter les
activités menées dans une classe de cycle 2 et une classe de cycle 3 et tenter de démontrer
comment les jeux de langage peuvent permettre aux élèves de mieux comprendre et de mieux
manipuler la langue.
Summary
Playing and learning have always been closely linked. Through introducing language
games in a classroom activities, a teacher is not asking the pupils to learn a particular grammar
point, nor to widen their vocabulary, but rather asking them to “play”. Captivated by the motivating,
fun aspect of such activities, the pupils will without realizing it, learn a series of rather repetitive
notions present in the national curriculum. Linguistic games also have another advantage ; unlike
many other kinds of games, they do not necessarily create a sense of competitiveness amongst
pupils. More often than not the objective is to discover not to win. The numerous individual
discoveries made will eventually be looked at as a whole, whilst the discovery process should
enable each child to develop on a personal level. The following research is based on a series of
activities carried out in classes of “Cycle 2” and “Cycle 3.” Its’ aim is to demonstrate how
linguistic games can enable pupils to better understand and better manipulate language.
Mots clés : - jeux - créativité - production d’écrits - plaisir - évaluation
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Table des matières
I) Introduction page 5
II) Les travaux des chercheurs concernant la pédagogie du jeu en français page 6
A) Le point sur les programmes page 6
1) Cycle des apprentissages fondamentaux page 6
2) Cycle des approfondissements page 7
B) Les rapports entre jeux de langage et divers champs de recherches page 8
1) Jeux de langage et ateliers d’écriture page 8
2) Jeux de langage et sciences humaines page 10
3) Jeux de langage et pédagogie page 10
4) Jeux de langage et succès d’écriture page 11
5) Jeux de langage et créativité page 11
a) Définition de la créativité page 11
b) Composantes de la créativité page 12
c) Conditions favorables à la créativité page 13
III ) Présentation des activités menées en classe page 14
A) Contexte page 14
B) Déroulement des activités page 15
1) Acrostiches page 15
1-1 Première séance page 15
a) Les points positifs page 16
b) Les points méritant remédiation page 16
3
1-2 Deuxième séance page 16
a) Les points positifs page 17
b) Les points méritant remédiation page 18
2) Logorallye page 18
a) Les points positifs page 18
b) Les points méritant remédiation page 19
3) La machine à fabriquer des mots page 20
a) Les points positifs page 20
b) Les points méritant remédiation page 21
IV) Quels bilans tirer de ces activités ? page 22
A) Les satisfactions page 22
1) Intérêts des élèves page 23
2) Le rôle de l’objectif page 24
B) Les difficultés page 25
1) La place du jeu dans les apprentissages page 25
2) L’évaluation page 27
V) Conclusion page 28
VI) Bibliographie page 30
VII) Annexes page 31
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I ) Introduction
En tous cycles, en toutes disciplines et en tous domaines, les jeux dans la classe
peuvent n’être que le camouflage d’activités scolaires traditionnelles et contraignantes, ou encore
n’être qu’un moment de détente accordé en fin de cours.
L’hypothèse exposée dans ce mémoire, dans la présentation de travaux de
chercheurs et pédagogues comme dans l’analyse de séances menées en classe est fort différente. Il
est défendu ici que jeu et langage peuvent entretenir des relations étroites pour favoriser une maîtrise
de la langue fine et une entrée dans l’écrit volontaire et désinhibée.
En effet, jouer avec le langage, c’est en transgresser les règles, la normalité,
c’est tirer parti de ses points faibles, c’est jouer avec l’ambiguïté des structures. Cependant, le jeu, la
déviance poétique sont sous-tendus par une analyse inconsciente de la langue et de ses mécanismes,
inconscience qui fait de tous les « joueurs » des linguistes qui s’ignorent. C’est sur ce point précis
que j’ai axé mes recherches car je pense que le jeu de mots suppose une acquisition correcte du code,
sous-tend cette acquisition, puis s’appuie dessus. Celui qui possède mal la langue n’aura pas les
mêmes possibilités de jeu que celui qui la manie avec dextérité.
La thèse qui est ici présentée est que l’on peut tout apprendre du langage à
travers l’humour, le jeu, la poésie et que l’entrée se fera plus facilement si elle intervient sous
forme ludique. L’enfant, en ne se sentant pas perdu ni dominé par la langue, appréhendera d’autant
mieux l’écrit qu’il se focalisera sur l’objectif donné et ne se sentira pas submergé par le flot des
difficultés. « Peut-être faut il aller plus loin et voir dans les contraintes d’abord des provocations, et
donc des moteurs d’énergie créatrice » ( Jean Lescure, La Bibliothèque Oulipienne ) …
Dès lors, quels rapports doivent entretenir jeu et langage pour permettre aux
élèves de rentrer plus facilement dans le monde de l’écrit et dans la manipulation de la langue ?
Les projets d’écriture présenté ici sous forme d’étude de divers jeux de
langage ont été mis en place dans des classes de cycle 2 et de cycle 3 de niveaux et de milieux très
hétérogènes lors de mes différents stages. Après en avoir décrit les aspects et le déroulement, je
tenterai d’analyser les réussites mais aussi les difficultés rencontrées afin d’envisager des
remédiations.
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II ) Les travaux des chercheurs concernant la pédagogie du jeu en français
La maîtrise de la langue est un des objectifs fondamentaux de l’école primaire et
l’entrée dans l’écrit est largement développée dans les nouveaux programmes, nouveaux
programmes qui ne font toutefois pas mention des jeux littéraires (A). Cependant, les pédagogues
n’ont pas attendu 2002 pour s’interroger sur l’entrée des élèves dans l’écrit. Ils considèrent que le jeu
peut être un moyen efficace de s’approprier la langue (B).
A) Le point sur les programmes
Ayant choisi d’axer mon mémoire plus sur la production d’écrits que sur la
maîtrise de la langue de manière générale, je limiterai mes recherches au cycle 2, le cycle des
apprentissages fondamentaux (1) et au cycle 3, le cycle des approfondissements (2). Je pense
également qu’avoir recours à des jeux de langage au cycle des apprentissages premiers reste un
excellent moyen de développer le goût pour les sonorités de la langue et se doit d’avoir sa place dans
la classe.
1) Cycle des apprentissages fondamentaux
Au cycle des apprentissages fondamentaux, la lecture et l’écriture sont
omniprésentes dans tous les domaines et l’objectif visé en matière de production d’écrits est qu’avant
la fin du cycle, tous les élèves aient la capacité de produire un texte structuré, fut-il court. Cela n’est
possible qu’à « condition de sérier les difficultés de manière à ne jamais les présenter toutes en même
temps et à exercer séparément les différentes composantes de la production de textes ».
Un des principes majeurs des jeux de langage est justement de travailler sur les
contraintes d’écriture. Ils permettent aux élèves de se focaliser sur un point du fonctionnement de la
langue et rentrent de ce fait parfaitement en adéquation avec les programmes. Ils peuvent de plus se
révéler un outil intéressant pour mieux comprendre les mécanismes oraux comme écrits, comme
nous l’envisagerons ultérieurement pour l’articulation des syllabes avec l’exemple de la machine à
fabriquer des mots.
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Contrairement au cycle des approfondissements où le jeu poétique fait partie
intégrante des programmes, les instructions officielles ne mentionnent pas de supports particuliers
pour la manipulation de la langue. Ceci ne signifie toutefois pas que le jeu en français soit à proscrire
dans ce cycle qui prend le relais de la maternelle, où le jeu constitue la base de la plupart des
apprentissages.
2) Cycle des approfondissements
Au cycle 3, les élèves sont (ou devraient être…) entrés dans le monde de la
lecture et de l’écrit. Ils vont découvrir un fonctionnement plus détaillé de la langue avec l’apparition
d’une nouvelle démarche réflexive qu’est l’Observation Réfléchie de la Langue (ORL). Tous les
écrits peuvent servir de supports d’écriture, que ce soit des textes narratifs, descriptifs, ou poétique.
Les programmes insistent sur la nécessité de faire comprendre à l’élève qu’un
texte a toujours besoin de révisions et qu’il ne peut pas se contenter de son premier jet : « La révision
reste (… ) un moment essentiel. Les élèves doivent être régulièrement conduits à ajouter, supprimer,
remplacer, déplacer des fragments de textes sur leur propres brouillons ou sur ceux de leurs
camarades, en s’appuyant sur les annotations des autres élèves ou du maître et en utilisant les outils
construits par la classe ». Cette recommandation des instructions officielles prend tout son sens si
l’on considère plus attentivement la mise en place de certains jeux de langage comme nous le verrons
dans la partie d’analyse de séances.
Il est toutefois étonnant de constater que les jeux de langage ne sont pas
directement mentionnés à ce propos. Les programmes s’attardent plus en détail sur les jeux
poétiques, partie des jeux de langage, en précisant que ceux-ci combinent l’invention et les
contraintes d’écriture pour développer la curiosité et le goût pour la poésie. Il aurait été intéressant
d’élargir cette analyse en signalant que les jeux de langage dans leur ensemble combinent l’invention
et les contraintes d’écriture pour développer la curiosité et le goût pour la langue tout entière.
Enfin, les programmes préconisent en cycle 3 la mise en place d’ateliers de
lecture mais ne mentionnent à aucun moment la mise en place d’ateliers d’écriture, ateliers qui
pourtant paraîtraient aussi bénéfiques. Ces derniers s’intègreraient parfaitement en ORL. En effet, un
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des points forts des nouveaux programmes est de conduire les élèves à examiner des productions
écrites comme des objets que l’on peut décrire et dont on peut définir les caractéristiques.
Il ne s’agit pas ici d’une série d’exercices sur des savoirs encore mal maîtrisés,
mais un moment de découverte visant à développer la curiosité des élèves et leur maîtrise du langage.
Les supports ne sont encore une fois pas explicitement mentionnés mais l’utilisation des jeux de
langage paraît ici opportune. Beaucoup de pédagogues se sont attelés à cette étude et l’analyse
présentée ici va tenter d’exposer l’étendue de leurs recherches.
B) Les rapports entre jeux de langage et divers champs de recherches
Ces recherches concernent particulièrement la mise en place de chantiers
d’écriture ou d’ateliers d’écriture (1). Interviennent également les sciences humaines (2), le plaisir de
jouer ( 3 ), la créativité mise en œuvre lors des jeux de langage ( 4 ) et enfin les relations entre jeu et
pédagogie (5 ).
1) Jeu de langage et ateliers d’écriture
L’acte d’écrire est souvent pour les élèves synonyme de frustrations ou de peurs
( peur de faire des fautes, peur de mal faire …). Les pédagogues se sont posés la question de savoir
comment outrepasser ces peurs pour donner à l’élève l’envie d’écrire et surtout pour qu’il y prenne
plaisir.
Pour tous, il est avant tout primordial de guider l’enfant dans cet apprentissage
complexe afin qu’il se construise une représentation positive de lui-même comme sujet écrivant. Le
groupe de recherches d’ ECOUEN insiste sur cette idée dans Former des enfants producteurs de textes, en mettant l’accent sur le fait que l’enfant est un compositeur capable ( je suis compétent
pour, je peux le faire ) et qu’ « écrire, ça s’apprend ». Pour eux, il faut donner à l’élève les moyens de
prendre conscience de l’utilité de l’écrit. Il doit lui même en faire l’expérience et les projets
d’écriture se révèlent d’excellents outils pour cela.
Le projet d’écriture se veut en effet inscrit dans une dynamique dont les
compétences visées sont multiples. Au niveau de l’aspect communicationnel de la langue par
exemple, l’élève va devoir prendre en compte tous les paramètres de la situation d’énonciation ( le
destinataire, le but pour lequel il écrit…) et il va mobiliser ses connaissances pour y répondre de
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manière la plus pertinente possible. La situation d’écriture répond à un problème soulevé : on écrit
dès lors dans un but précis.
Mis à part cet objectif essentiel, le projet d’écriture développe des compétences
transversales et transdisciplinaires fort intéressantes, puisqu’il exige des élèves de gérer les
différentes étapes de l’élaboration du récit : des objectifs aux tâches en passant par le respect du
calendrier, il doit trouver le moyen de classer, de hiérarchiser, de traiter des informations avec les
outils de son choix, et ce dans le seul but de mener à terme son projet. Devenu ainsi plus autonome,
l’enfant est acteur actif de ses apprentissages et goûte à la satisfaction de l’implication dans la tâche
entreprise, à la joie de la terminer et de la réussir.
Le cadre didactique étant posé, il reste à choisir le moyen le plus adapté de
rentrer dans l’écrit. Les jeux d’écriture sont propices à l’imagination et au plaisir de s’amuser avec
les mots. Beaucoup sont inspirés des pratiques menées par les membres de l’OULIPO (Ouvroir de
Littérature Potentielle ). Ce groupe littéraire fondé par Raymond Queneau et François Le Lionnais
proposait une approche ludique et expérimentale de la littérature, et ce par l’élaboration de nouvelles
contraintes formelles.
Dans Jeux pour écrire, Michel Martin s’appuie sur les travaux de l’OULIPO
pour inventorier des gammes « gammes et programmes ». Les consignes proposées ne s’affichent
pas comme une obligation d’écriture inhibant pour certains mais comme un défi à relever pour
gagner, ce qui se révèle bien plus stimulant. L’idée même du jeu instaure des règles à suivre, des
contraintes qui motivent et « obligent à chercher des solutions au delà de l’impulsion », comme le
souligne Yak Rivais dans Littératurbulences : jeux de langage et d’écriture.
Au plaisir de réussir, s’ajoute celui de la conscience du succès car la contrainte
est mesurable. Yak Rivais donne à ses élèves des contraintes ludiques pour stimuler leur langage oral
tout d’abord, écrit par la suite. Selon lui, la contrainte n’est pas un frein à l’imagination. Au
contraire, elle oblige l’enfant à trouver des solutions aux problèmes qui lui sont proposés. Et comme
la langue « a du jeu » entre ses composantes, la contrainte permet de découvrir des relations
nouvelles qui élargissent le champ de l’imaginaire et de la créativité. Ecrire un texte en lipogramme
(S’interdire par exemple d’écrire dans un texte la lettre la plus fréquente, le E, comme a pu le faire
Georges Perec dans la disparition) oblige le scripteur à contourner la difficulté, et pour ce faire, à
sortir de la banalité du quotidien, et, en dernier ressort, à mieux maîtriser la langue. Construire une
histoire avec des mots imposés joue le même rôle.
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2) Jeu de langage et sciences humaines
Les études générales consacrées au jeu sont assez nombreuses mais ne traitent pas
toujours du rapport entre jeu et langage. Ces travaux mêlent à la fois philosophie, anthropologie,
sociologie et histoire des relations populaires. La question majeure ici soulevée a été de savoir quels
rapports entretiennent le jeu, la fonction ludique, la représentation du monde et la société.
Pour certains philosophes, le jeu humain est une sorte de répétitions du monde des
adultes et de ses activités. Pour d’autres, le monde des jeux est l’héritage miniaturisé des cultures.
Pour d’autres enfin, c’est le jeu qui permet à l’enfant de toucher pour la première fois la notion de
règle, de conventions librement acceptées.
Dans son ouvrage Les Jeux et les hommes, Roger Caillois tente de définir l’activité
ludique en élaborant une classification des jeux mais ne fait pas de place aux jeux qui s’intéressent
plus spécifiquement au langage. Comme le rappellent Caré et Debyser dans jeu, langage et créativité,
la linguistique s’est plutôt intéressée à la langue qu’à la parole. Or, les jeux de langage sont souvent
des manipulations plus parolières et plus contextuelles que linguistiques et il convient dès lors de
s’attarder sur l’intérêt des jeux de langage sous un autre éclairage que celui des sciences humaines.
3) Jeux de langage et pédagogie
Chercheurs et psychologues s’interrogent depuis longtemps sur la valeur éducative des
activités ludiques. Certains la dénigrent, d’autres la subliment. Toujours est-il que l’on voit fleurir
dans le marché ce que l’on appelle des jeux « éducatifs ».
Karl Gross voit dans le jeu un avantage majeur car il estime que c’est un très bon
entraînement à la vie d’adulte tandis que les précurseurs de la pédagogie nouvelle et des méthodes
actives comme Decroly pensent que le jeu est le ciment de l’école privilégiant une pédagogie active.
Cependant, certains détracteurs de cette méthode reprochent à ces derniers de partir de l’idée reçue
que toute activité libératrice et plaisante est forcément éducative. Ainsi Freinet souligne que les
méthodes actives ne doivent pas se réduire à des activités ludiques au détriment d’activités « réelles »
en rapport avec l’âge, la motivation et les possibilités des enfants. Piaget propose lui aussi une
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classification des jeux mais en se basant sur les stades de développement de l’intelligence, concept
au centre de sa théorie.
Ardent défenseur de la pédagogie nouvelle, Piaget s’attarde sur les rôles
formateurs de tous les jeux et insiste sur la nécessité de les introduire à l’école. Piaget accorde
énormément d’importance à la valeur des jeux car il soutient que ces derniers contribuent autant à la
construction d’une personnalité équilibrée qu’au développement de l’intelligence cognitive
proprement dite. Bruno Bettelheim rejoint cette idée dans sa Psychanalyse des contes de fées.
4) Jeux de langage et succès d ‘écriture
L’atelier d’écriture du type OULIPO n’annonce pas clairement que l’on va jouer
en écrivant. Il pose clairement sa contrainte et c’est alors que la langue se pose comme un défi à
relever, et comme un objet de plaisir.
La contrainte oblige à progresser et interdit la réussite chanceuse : franchir une
difficulté implique donc une réussite, un succès concernant l’acte d’écriture, succès qui va
obligatoirement avoir des répercussions positives sur le comportement d’écrivain de l’élève.
Les jeux d’écriture ont comme autre avantage non négligeable d’inviter les
élèves à travailler en ateliers ou en petits groupes pour arriver ensemble à surmonter les obstacles.
Cette pratique suppose des échanges entre les élèves, des débats, une entente pour s’organiser, des
capacités de planification…. Ces compétences sont précisément celles du scripteur devant sa copie
lors d’une production d’écrit qui doit sans cesse revenir sur son écrit pour l’améliorer. C’est par ce
moyen qu’interagissent réellement les zones proximales de développement selon Vigotsky.
Ainsi, progressivement, les multiples possibilités qui permettent de dominer
l’écrit se mettent en place et, en prenant la mesure de l’écrit, les élèves prennent de plus en plus de
plaisir à rédiger.
5) Jeux de langage et créativité a) Définition de la créativité
Les jeux de langage puisent leur force dans leur capacité à exploiter le potentiel
créateur des élèves. Les jeux de créativité ont pour objectif majeur de développer le potentiel
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langagier des élèves en encourageant l’invention et la production pour le plaisir des formes, de sens,
de phrases, de discours… Ils libèrent pour cela les élèves du modèle cloisonné de la répétition.
Pour les pédagogues, la créativité n’est pas inhérente au langage mais est au
contraire une aptitude de l’élève à inventer, à imaginer, à découvrir, à s’exprimer, à produire des
textes… Il est du devoir de l’école d’entretenir cette capacité d’imagination chez les élèves et de ne
pas la laisser s’effriter. Elle peut être stimulée par les méthodes actives ou au contraire étouffée par
les méthodes transmissives ou par des activités de répétition ou de pure imitation.
La créativité est au contraire stimulée par le travail individualisé ou en petits
groupes, aidée par des tâches différenciées qui permettent des initiatives. Le climat doit être libre et
permissif et pas frustré par un style de classe autoritaire. La créativité est enfin stimulée lorsque les
élèves sont responsables de leurs productions.
b) Les composantes de la créativité
Francis Debyser a dégagé six composantes de la créativité qu’il présente comme
ayant l’avantage d’être mesurables :
- La richesse des productions verbales : C’est ce que l’on peut qualifier de fluidité verbale. C’est la
capacité que doit avoir le scripteur d’exploiter au maximum toutes les ressources offertes par le
support proposé.
- La flexibilité : C’est la capacité pour l’élève de ne pas se bloquer dans une direction donnée à la
lecture d’un sujet.
- L’originalité : C’est la capacité pour l’élève de proposer des réponses moins prévisibles que celles
auxquelles on pourrait s’attendre pour une question donnée.
- L’aptitude à dissocier et à déstructurer des éléments joints : C’est la capacité à traiter différemment
les composantes d’un même énoncé pour enrichir la production finale, c’est arriver à rendre cohérent
un tout dont on aurait éclaté les éléments.
- L’aptitude à associer et à continuer des éléments séparés : C’est l’aptitude pour l’élève de faire des
rapprochements judicieux entre des éléments qui normalement ne sont pas associés. Cette
compétence se mesure particulièrement quand on demande aux élèves par exemple de créer des
mots-valises.
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- L’aptitude à restructurer et à créer : Il s’agit ici de faire quelque chose de complètement nouveau
avec des éléments divers. C’est un point difficile à réaliser pour les élèves car cela demande une
capacité d’abstraction importante.
c) Les conditions favorables à la créativité
Ce sont les techniciens du Brain Storming qui ont le mieux étudiés les incidences
positives ou négatives de plusieurs facteurs sur la créativité. Ils en tirent un certain nombre de
conclusions :
- Le travail en groupe est favorable à la créativité car il favorise les échanges entre élèves, les
débats et la diversification des idées.
- Le climat du groupe doit autant que possible être détendu pour que l’atmosphère favorise la
créativité.
- L’absence de hiérarchie est indispensable entre les élèves car un ordre figé empêche ou inhibe
l’inventivité. Il faut absolument éviter que l’idée qui prime dans un groupe soit celle de celui qui
est reconnu ayant les meilleurs résultats scolaires ou comme ayant la plus forte influence dans le
groupe.
- La levée des censures : la routine et l’esprit critique, dans un certain sens, brident l’imagination.
Il s’agit pour les élèves de ne pas s’autocensurer par peur de la critique. On peut par exemple
procéder à un recueil des idées et en discuter en groupe classe mais en aucun cas l’élève ne doit
ressentir de retenue dans ses idées.
- La mise en commun de l’inventivité : elle est nécessaire dans la classe pour arriver à évoluer et à
modifier sa production de manière pertinente.
- Créativité et régression : il est nécessaire d’arriver à se remettre en question pour progresser. Une
régression est quelquefois nécessaire pour stimuler la créativité.
Ainsi, la créativité ne s’apprend pas par la théorie, elle se pratique. A la lumière
de ses éclairages théoriques, les jeux de langage peuvent se présenter comme le moyen le plus
efficace de développer la créativité. Le dispositif doit être adapté, les élèves écoutés et stimulés.
La partie qui va suivre présente un éclairage plus pratique sur les points positifs
et les difficultés rencontrées lors de la mise en place de jeux de langage.
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III) Présentation des activités menées en classe
Au début du projet, j’avais pour objectif d’étendre mes recherches sur les trois
cycles pour analyser le rôle des jeux de langage au long des différentes phases d’apprentissage des
codes oraux et écrits. Cependant, pour des raisons pratiques, je n’ai pu mener les séances que j’aurai
souhaitées avec les cycle 1. Les activités présentées ici ont donc été proposées à une classe de
CE1/CE2 pour les acrostiches et le logorallye (1) et (2) et avec des CP pour la machine à fabriquer
des mots (3). Après une présentation de l’environnement et du contexte des différentes classes (A), je
reviendrai plus en détail sur le déroulement des séances et l’analyse critique que l’on peut en faire
(B).
A) Contexte
Les deux premières activités présentées dans le (B) ont été menées dans la
classe de CE1/CE2 de Saint Bris le Vineux lors de mon affectation en tant que pré recruté. Cette
classe à l’effectif moyen (24 élèves) avait pour habitude de travailler sur manuel en français, avec
des leçons différentes pour les deux niveaux. Le choix que j’ai opéré pour traiter du présent a été de
partir d’un même support pour les deux classes afin de favoriser l’entraide entre les deux niveaux.
Aucun élève de la classe ne présentait de difficultés de lecture majeures, auquel cas j’aurai envisagé
des activités d’entrée dans l’écrit différente, plus axée sur un travail oral.
La classe de Saint Bris le Vineux n'avait pas l'habitude de produire beaucoup
d'écrits, et la cassure entre « bons élèves » et « mauvais élèves » semblait déjà être très présente dans
la tête des enfants. J'ai été confronté à un blocage de la part de certains dès les jours d'observation
quand je leur ai demandé s'ils aimaient écrire et pourquoi. Beaucoup m'ont en effet répondu qu'ils
n'aimaient pas écrire car ils faisaient beaucoup de fautes et qu'ils avaient toujours des mauvaises
notes. Entreprendre un travail d'écriture allait donc être un défi intéressant à relever. Le travail ne
devait pas être austère et avoir commencé avec des acrostiches m'a permis de mettre les élèves au
travail dès notre première prise de contact de manière assez ludique mais avec un objectif clairement
affiché.
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Le jeu de langage présenté par la suite a été mené lors de mon pré recrutement
en classe de CP à l'école RENOIR d'Auxerre. Cette classe d'école située en Zone d'Education
Prioritaire est habituée à accueillir des stagiaires et de ce fait à des méthodes de travail et à des
exercices variés. Contrairement aux séances menées à Saint Bris le Vineux, qui s'inscrivaient dans
une séquence, la séance menée avec cette classe a été une séance isolée, même si la maîtresse de la
classe m'a indiquée qu'elle allait continuer à exploiter le dispositif. Cette séance a eu lieu au mois de
mars : certains élèves étaient déjà lecteurs mais d'autres avaient énormément de difficultés avec la
correspondance graphie/ phonie et avec le système syllabique plus généralement.
B) Déroulement des activités
1) Acrostiches
« Pièce de vers composée de telle sorte qu'en lisant dans le sens vertical la première lettre de chaque
vers on trouve le mot pris pour sujet, le nom de l'auteur ou le dédicataire. » (Dictionnaire).
1-1 Première séance
La séance sur les acrostiches a été la première séance que j'ai menée avec ma
classe de CE1/CE2 (voir fiche de préparation en annexe). Plus qu'une simple présentation, cette
activité devait en même temps me servir d'évaluation diagnostique sur les capacités des élèves à
s'impliquer dans un processus d'apprentissage nouveau et faire prendre conscience à ceux-ci que
même les instants « de jeu » seraient également des phases de travail.
La séance a débuté par la distribution d'un poème (qui était en fait un acrostiche
du prénom JEAN ). Les enfants n'ont pas reconnu le prénom tout de suite et il a fallu que j'écrive le
poème au tableau en accentuant les premières lettres. Je leur ai ensuite proposé de rédiger eux aussi
un poème sur leur prénom, poème qui devait les caractériser. Pour les aider, je leur ai distribué une
liste d'adjectifs. Nous avons expliqué ensemble les mots posant une difficulté et les élèves ont été
invités à se décrire sincèrement, car leur production allait être débattue en groupe classe.
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a) Les points positifs de la séance
Cette première séance a permis de poser les bases du travail que j'allais effectuer
en français avec cette classe. Habitués à travailler sur manuel, les élèves ont été intéressés par l'idée
de travailler sur un autre support et se sont impliqués dans l'activité. De plus, j'ai bénéficié pendant
cette prise de contact d'une qualité d'écoute certaine ( la peur du nouveau maître ? ), ce qui a facilité
les débats lors de la lecture des productions en groupe classe. Tous les élèves ont réussi à produire,
ce qui n'a pas forcément été le cas lors de la deuxième séance sur les acrostiches.
b) Les points positifs de la séance auxquels il faut remédier
J’ai été dans l’ensemble relativement déçu par la qualité des productions lors de
cette première séance. La question a donc été d’en déterminer les causes. Dans un premier temps, je
pense qu’avoir distribué une fiche d’aide aux élèves a un peu annihilé leur créativité en agissant de
manière négative sur la « flexibilité des productions verbales », pour reprendre une classification de
J.M.Caré . En effet, beaucoup d’élèves se sont contentés de se précipiter dans la liste à la recherche
d’un adjectif correspondant à la lettre qu’ils voulaient, sans se soucier de savoir si l’adjectif leur
correspondait vraiment. De plus, beaucoup d’élèves de la classe avaient un prénom comprenant une
lettre peu usité de la langue française ( Maximilien, Maygane, Kévin, Dylan, Alexandre…) et le
dispositif prévu pour cette séance (utiliser des adjectifs) était forcément pauvre pour eux (voir copies
de certains de ces élèves en annexe ).
En proposant une telle activité, je ne pouvais en fait m’attendre à autre chose
qu’à un ensemble de copies très peu différentes les unes des autres, ensemble de copies où le
potentiel créatif des élèves ne pouvait pas s’exprimer. Enfin, je n’ai pas présenté de façon claire les
objectifs aux élèves et ils se sont donc impliqués dans l’activité plus parce qu’ils étaient heureux de
sortir de leur traditionnel manuel et que le maître était nouveau que parce que l’activité était
intéressante.
1-2 Deuxième séance
Cette deuxième séance est intervenue en fin de séquence sur le présent. Les
acrostiches du début ont été repris, sans fiche d’aide, avec comme consigne de faire désormais des
phrases. Les élèves avaient le droit d’utiliser le dictionnaire. L’objectif clairement annoncé cette fois-
ci était de réaliser un affichage dans la classe avec les prénoms de tous les élèves : les productions
allaient donc être recopiées sur grand format et être décorées.
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a) Les points positifs de la séance
Les élèves se sont appropriés le dispositif et le jeu de manière surprenante. Les
contraintes d’écriture (les lettres imposées) les ont conduit à lire et relire d’une manière attentive et
intelligente, à écrire en s’obligeant à respecter l’intrusion d’éléments perturbateurs, à utiliser ces
éléments de manière que ceux-ci deviennent un avantage en les transformant en vecteurs de
créativité.
Le fait que les élèves puissent utiliser le dictionnaire a conduit à avoir des
productions riches avec une adaptation aux contraintes astucieuses ( voir en annexe la copie d’Alex
qui a utilisé le « x » pour xylophone). Des tournures de phrases intéressantes ont également émergé
(copie de Fanny : « Y a t-il beaucoup de personnes qui s’appellent Fanny ? » ) et les copies étaient
toutes très différentes. Ces contournements des difficultés ont fait l’objet d’un débat en groupe classe
car les élèves qui ont fourni les copies, qui ont le plus attiré mon attention, n’étaient pas ceux qui
étaient traditionnellement dans la lumière. Ces derniers ont pu intervenir et réapprendre à avoir une
estime de soi. Du moins par rapport au français.
Ce jeu de langage et de créativité a eu pour fonction de développer le potentiel
langagier de ces élèves en encourageant l’invention et la production pour le plaisir de l’originalité. Il
les a pour cela libérés pour un temps du carcan de la répétition ou de l’imitation des modèles
scolaires plausibles, raisonnables et conformistes.
En outre, les meilleurs élèves ont pour la plupart été un peu submergés par cette
consigne inhabituelle. Je pense que ces derniers avaient une intelligence que je qualifierai de
« scolaire », c’est à dire très conditionnée par la consigne, très habituée à répéter les modèles appris
pendant les exercices d’application. Un tel exercice a été très formateur pour eux car il les a poussés
à s’interroger sur la nature même des compétences qu’on leur demandait et les a incités à se remettre
en question.
17
b) Les points sur lesquels j’ai rencontré des difficultés
Un de ces points, l’évaluation, fera l’objet d’un paragraphe ultérieurement :
Comment justifier que je mette en lumière les copies d’Alex, de Fanny ou d’Arnaud alors que
d’autres copies répondaient également à la consigne ?
Un autre de ces points a été que je ne m’attendais pas à ce que les « bons »
élèves soient autant en marge par rapport à ce type d’exercice (voir la copie de Camille). Il a été dur
de faire sentir que l’on pouvait commencer une phrase sur une ligne et la poursuivre sur une autre en
gardant une cohérence dans la production.
Les phrases de Camille se suffisent à elles mêmes ligne par ligne avec une phrase
coupée du contexte et de la consigne (« La foire part demain ») et seule une analyse au cas par cas a
pu être envisagée : en changeant de méthode ou de modalité d’apprentissage, on réussit à rassembler
certaines individualités sensibles à cette forme d’apprentissage mais on en perd d’autres. La question
sera donc celle du dosage du jeu et de la place du jeu dans l’apprentissage (cette question sera
soulevée par la suite).
2) Le logorallye
Ce jeu de langage est également intervenu pendant la séquence sur le présent. Le
but était pour les élèves, de produire un texte avec un maximum de mots imposés, en conjuguant les
verbes au présent. Ce jeu devait mettre les élèves en position d’écrivains et, tous les mots imposés
étant des verbes, leur permettre de réinvestir les compétences acquises lors des séances précédentes.
Enfin, cet exercice m’a servi d’évaluation formative pour le reste de la séquence.
a) Les points positifs de la séance
J’avais choisi ce jeu, que Michel Martin classe de même que les acrostiches dans
la catégorie « sens obligatoires », car il faisait appel aux mêmes compétences que les acrostiches, à
savoir d’écrire en s’obligeant à intégrer des éléments extérieurs imposés. Les élèves ont dans
l’ensemble répondu à la consigne d’autant plus que les mots imposés ne posaient pas de difficulté de
compréhension (c’était une liste de verbes que nous avions dégagée ensemble au tableau).
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Ils ont également considéré comme un défi d’employer les verbes du tableau
(mais quelquefois au détriment de la qualité du récit ) et cela a conduit certains, qui d’ordinaire
produisaient des écrits courts, à fournir une copie consistante. Les élèves se sont fixés sur le premier
point de la consigne.
b) Les points de la séance qui méritent remédiation
Si la consigne a été respectée sur la nécessitée d’utiliser le maximum de mots du
tableau, la deuxième partie de la consigne qui était que tous les verbes devaient être conjugués au
présent a été nettement plus laissée de côté. Les élèves ont tellement été focalisés sur le fait que le
but était d’employer le maximum de mots, que cela s’est fait au détriment de la cohérence de leurs
récits. Beaucoup ont procédé à des énumérations et d’autres ne se sont absolument pas préoccupés du
temps des verbes (voir copies d’élèves en annexe).
Je voulais que les élèves écrivent. Et pour cela j’ai dédramatisé l’écrit au
maximum en appuyant de manière insistante sur le caractère ludique de l’activité ; les élèves avaient
une consigne inhabituelle, un but à atteindre ; ils oublieraient donc les contraintes fixes d’écriture
( grammaire, syntaxe…) pour fournir un récit naturellement cohérent car désinhibé.
Cette vision simpliste de l’activité présentait en effet nombres de lacunes :
- Le niveau initial des élèves dans un premier temps : cette production d’écrits étaient la première
que je faisais avec les élèves. Je n’avais que des a priori sur leur capacité à rédiger. De plus, cette
contrainte avait comme caractéristique d’être très libre ( le sujet n’était pas imposé ), ce qui peut être
un avantage pour certains mais un inconvénient pour d’autres qui se sont confrontés à l’angoisse de
la page blanche.
- Les élèves bloqués dans un deuxième temps : un certain nombre d’élèves ont été bloqués parce
qu’ils avaient à rédiger un texte libre. Je n’avais pas voulu donner de thème sur cette production
d’écrits pensant que j’allais surcharger la consigne. Cependant, les élèves en ont été déstabilisés et
certains ont présenté des difficultés de démarrage n'ayant pas une idée de la structure de leur
production.
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- Dans un troisième temps, je pense que les élèves n'ont pas perçu la continuité dans la séquence sur
le présent et ont vécu cette activité comme décontextualisée. Cette activité aurait mérité de s'inscrire
dans un projet et de ne pas présenter un caractère définitif.L'écrit obtenu est plus un « premier jet »
sur lequel j'aurai dû revenir après avoir par exemple débattu des productions en groupe classe.
- Enfin, je pense justement que j'aurai dû travailler en groupe classe sur des productions notables, ou
sur une production commune : l'élève en difficulté aurait été aidé par le groupe classe en ayant la
possibilité lors des lectures en commun de retenir et d'emprunter toute idée ou toute tournure de
phrase qui lui semblerait pertinente, adaptée à son projet. Le groupe classe serait alors devenu une
aide à la réécriture, réécriture qui serait devenue nécessaire pour faire apparaître des choix plus
adaptés à la consigne.
3) La machine à fabriquer des mots
Cette séance a été menée avec une classe de CP au mois d'avril. Cette classe
travaillait souvent sur la syllabe comme unité de déchiffrage. C'est pourquoi j'ai choisi, avec
l'enseignante de la classe, de proposer ce jeu de langage. Des mots nouveaux sont inventés en
utilisant les syllabes (voir fiche de préparation en annexe ). Ce jeu peut se pratiquer librement, mais il
a été bien plus efficace de montrer aux élèves comment on en fabrique.
a) Les points positifs de la séance
Cette séance a bien fonctionné dans l'ensemble même si l'activité était complexe
: elle nécessite une maîtrise au moins partielle de compétences dans l'ordre du décodage. Les enfants
ont réalisé sans difficultés marquées pour la plupart, un travail sur la combinatoire car ils ont lu puis,
ont assemblé les étiquettes des syllabes pour recomposer des mots connus ou chercher des mots
nouveaux.
Certains groupes ont eu du mal à débuter l'activité car les élèves étaient obligés
au départ d'oraliser toutes les propositions de mots pour leurs camarades. Il fallait procéder par
tâtonnement, par assemblage pour identifier le mot existant à l'oral : certains ont eu des difficultés
à déchiffrer des mots qu'ils avaient inventés et qui présentaient des enchaînements difficiles à cause
notamment de la juxtaposition de deux consonnes (« pinme », « etje » par exemple ) mais l'entraide
à l'intérieur des groupes a permis de surmonter cette difficulté.
Ces difficultés présentaient des intérêts divers car elles ont conduit les élèves à
se demander si il fallait prononcer syllabe par syllabe ou si le mot nouvellement constitué se
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prononçait différemment. Un prolongement intéressant de cette activité pourrait être d'envisager
des syllabes qui, une fois associées à d'autres, subiraient des changements de prononciation. Ceci
sous-entend toutefois que les élèves soient un tant soit peu à l'aise avec la combinatoire et avec le
déchiffrage.
Cet exercice a été très formateur pour les élèves ayant déjà un comportement
de lecteur car il les a poussé à manipuler les unités de la langue de manière différente. Les élèves
qui étaient plus en difficulté de lecture ont eu besoin que je les accompagne tout au long de
l'exercice et j'ai toujours eu besoin de rappeler les mots originaux desquels les syllabes étaient
extraites pour faciliter l'oralisation des mots nouveaux. Je pense qu'en connaissant de manière plus
approfondie les élèves de ma classe pour former des groupes homogènes, cet exercice pourra
constituer une activité intéressante de différenciation pédagogique sur la lecture.
Les élèves ont dans l'ensemble vécu cette activité de manière ludique avec le
souci d'atteindre le but que j'avais fixé (composer le maximum de mots, réels ou imaginaires) mais
avec une réelle implication dans l'activité : quel que soit leur niveau de lecture, les élèves ont
trouvé un intérêt dans l'activité.
b) Les points à reconsidérer
Pour les élèves en difficulté de lecture, avoir demandé de composer des mots
de plus de deux syllabes était une erreur car ils ont fini par juxtaposer simplement les étiquettes
sans réelle intention de déchiffrer le mot créé. Un réajustement de ma part ( j'ai ici dû plusieurs fois
rappeler la consigne) a été nécessaire pour ces élèves qui finissaient par perdre de vue qu'ils
devaient arriver à lire aux autres le mot qu'ils avaient trouvé. Il faut à ce sujet constituer des
groupes homogènes pour ne pas qu'un élève lecteur empêche les autres de tirer tous les bénéfices
de l'activité.
La synthèse est probablement la partie qu'il faudra que je fasse le plus évoluer
pour créer une véritable interaction entre les groupes. Faire par exemple écrire au tableau un mot
trouvé par un groupe et le faire déchiffrer par les autres en interrogeant des élèves plus ou moins à
l'aise en lecture en fonction de la difficulté du mot écrit. Un des points positifs de la synthèse
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commune est que la classe, possédant les critères de réussite, elle peut elle- même s'évaluer ( le
critère de réussite était ici d'arriver à dire aux autres le maximum de mots trouvés ).
Tous les groupes n'avaient pas les mêmes syllabes pour composer leurs mots et
certains groupes se sont intéressés du travail des autres ou ont trouvé que les autres groupes avaient
des syllabes « plus faciles ». Je pense que je suis passé à côté ici d'interactions langagières qui
auraient pu être intéressantes à exploiter.
Enfin, il a été dommage que cette activité ait été isolée. Comme cette séance a
été réalisée lors de mon pré recrutement, je ne disposais pas d'assez de temps pour prolonger
l'activité sur d'autres séances et je ne sais pas si l'enseignante a poursuivi dans le même sillage. Le
piège à éviter absolument dans les jeux de langage est qu'ils peuvent vite être réduit à une simple
activité occupationnelle s'ils ne sont pas exploités de manière rigoureuse par la suite.
IV) Quels bilans tirer de ces activités ?
Installer ce type d'activités induit une implication personnelle forte autant de la
part des élèves que de l'enseignant et les satisfactions retirées sont aussi fortes des deux côtés (A ).
Cependant, certaines difficultés sont difficiles à surmonter, comme la place à accorder au jeu dans
l'apprentissage ou la valeur à donner à l'évaluation ( B ).
A) Les satisfactions
La mise en place de jeux littéraires en classe a été source d’explications
préalables de ma part. Beaucoup d'élèves s'inquiétaient en effet de ne pas travailler sur le manuel et
se demandaient si les activités proposées étaient vraiment du travail. Certains parents sont également
venus me demander des renseignements, mais plus pour savoir comment ils pouvaient prendre le
relais de ces exercices à la maison que pour critiquer l'utilité de l'activité. Un recueil d impression en
fin de période scolaire m'a confirmé l'intérêt des élèves pour ce type d'activité (1 ), à condition
toutefois d'en comprendre les finalités ( 2 ).
22
1) Intérêt des élèves
L'entrée dans l'écrit n'est pas toujours chose aisée pour l'enfant. Celui-ci se
retrouve confronté à une multitude de contraintes ( imagination , planification, hiérarchisation des
idées et sur un autre plan orthographe, grammaire, syntaxe...). Les enfants ont avant tout été séduits
par le caractère nouveau de la tâche proposée. Mais il fallait également qu'ils s'épanouissent dans
l'activité pour ne pas se sentir submergés par la langue, pour ne pas être bloqués par la peur de faire
des fautes et j'ai été très agréablement surpris d'apprendre que beaucoup d'enfants avaient repris à
leur compte les exercices faits en classe en rédigeant à la maison par exemple des acrostiches sur les
prénoms de leurs parents.
L'avantage indéniable de cette batterie d'activités était qu'à tous les niveaux, des
textes complets ( longs ou courts peu importe ) sont produits en relation avec un problème formel.
Les objectifs visés sont limités, balisés et fixés dès le début. Les élèves ont apprécié que j'annonce
clairement que je ferai surtout attention au respect de la consigne, plus qu'aux normes de la langue en
tant que telle. Le travail à faire à ce niveau est surtout un travail qui m'incombe car même si j'avais
affiché un grand détachement par rapport à la norme, je n'ai pas pu m'empêcher d'être déçu à la
lecture des copies. Peut-être aurai-je dû tout de même rappeler qu'il fallait essayer de ne pas faire
beaucoup de fautes...
L'appellation « jeu de langage » contient le mot jeu. Et qui dit jeu dit critères de
réussite. Ceux- ci sont fixés dans les consignes qui se manifestent comme des obstacles à franchir ou
des énigmes à résoudre. Les élèves ont été particulièrement sensibles au défi que cela représentait à
relever : les consignes ne se présentent pas comme un « tu dois écrire » mais comme un « Es-tu
capable de gagner ? ». Mais je pense également que la force de ces jeux est de présenter des solutions
multiples. Les élèves ont aimé pouvoir gagner, tout simplement. C'est à ce niveau la grande
différence avec les pratiques traditionnelles de rédaction où les fautes sont souvent pénalisées et
surévaluées, les difficultés non hiérarchisées.
Comme les solutions sont aussi nombreuses qu'il y a d'élèves, les combinaisons
deviennent illimitées et on ne gagne jamais contre les autres mais on réussit à braver la consigne.
C'est alors que l'écrit devient enfin un plaisir. Jusqu'alors, les élèves étaient habitués à un classement
figé : il y avait les bons élèves d'un côté et les mauvais de l'autre. Ils ont ici été surpris de voir que ce
n'était pas forcément les mêmes qui réussissaient le mieux à chaque fois (voir copie de Camille sur
les acrostiches ). Certains élèves ont alors gagné en estime d'eux mêmes.
23
2) Le rôle de l'objectif
Partant du constat que deux séances finalement assez similaires ( les deux
séances sur les acrostiches ) avaient été si différentes, je me suis demandé quelles avaient pu en être
les causes.
Le point le plus important est le rôle accordé à la présentation de l'activité aux
élèves.Un enseignant qui propose une activité à ses élèves a toujours en tête des objectifs
pédagogiques et/ou notionnels, un enfant qui se lance dans une activité n'a pas toujours une autre
source de motivation que le fait que ce soit le maître qui lui ait demandé. Les jeux proposés se
veulent ( pour le moins ) d'inspiration oulipienne et la force d'un projet comme celui de l'OULIPO est
de provoquer un réel intérêt, une véritable passion pour l'écrit en déclenchant de la curiosité par
rapport à l'acte même d'écrire et force est de constater après ma première tentative que l'intérêt n'était
pas particulièrement apparu. Le projet oulipien n'est pas un projet d'ordre pédagogique en lui-même,
mais peut supporter des adaptations pour le devenir.
Si ma première séance sur les acrostiches n'a pas marché, c'est que je n'ai pas su
captiver mes élèves, c'est que je n'ai pas proposé une séance qui pouvait répondre à leur besoin
créateur. Mais une telle séance n'était-elle pas le préalable nécessaire aux copies réalisées en
deuxième séance ? Je pense que c'était un passage obligatoire mais qui aurait mérité d'être mieux
expliqué aux élèves, de s'inscrire dans plus de cohérence. Je n'avais pas dit aux élèves que nous
allions réaliser un affichage dans la classe sur la base des acrostiches et lorsque j'en ai parlé, cela a
provoqué un déclic chez certains.
De plus, la contrainte était plus motivante : dans l'esprit des élèves, on est passé
de « chercher un adjectif qui commence par telle ou telle lettre » à « réaliser un texte original qui
parle de moi parce qu'il va être affiché dans la classe ». La contrainte du premier exercice était peu
stimulante car l'obstacle était inconsciemment jugé trop facile à surmonter ( à part pour quelques
élèves ayant un « k », un « x » ou un « y » dans leur prénom.
Que l'enseignant ait une idée en tête en proposant telle ou telle activité, ce n'est
pas forcément évident pour les élèves. Donc quand je précise que pour le logorallye il faut utiliser le
maximum de mots, il est normal que les élèves procèdent à des énumérations comme il est normal
qu'ils soient passés un peu vite sur la structure du récit : c'était mon objectif à moi, pas leur objectif à
eux. Quand l'objectif est clair et que les attentes sont les mêmes des deux côtés, l'évaluation devient
plus aisée et mieux comprise, ce qui n'est pas négligeable car c'est une réelle source de difficulté.
24
B) Les difficultés rencontrées
Elles sont essentiellement de deux ordres. Elles concernent dans un premier
temps la place accordée aux jeux dans l'apprentissage ( 1 ) et dans un deuxième temps, elles ont trait
à l'évaluation ( 2 ).
1) La place du jeu dans l'apprentissage
La question est ici de savoir s'il est préférable de proposer des jeux de langage
en début d'apprentissage, en milieu d'apprentissage ou en fin d'apprentissage.
a) En début d'apprentissage
Présenter un jeu en début d'activité apparaît judicieux si l'on considère que
l'enfant va avoir assimiler un certain nombre de règles, de contraintes, et qu'il va lui falloir du temps
pour cela. Chaque jeu impose aussi ses exigences et l'enfant va avoir besoin d'un temps d'adaptation.
C'est ainsi qu'il a été difficile à mes élèves de passer des acrostiches au logorallye car les attentes
étaient différentes, dans la longueur, dans le fait de se retrouver seul face à sa copie, dans la nécessité
de structurer son récit...
En début d'apprentissage, le jeu de langage peut être utilisé comme :
- Lanceur d'écriture : les élèves sont amenés à produire de l'écrit par une contrainte inhabituelle et
motivante. Les récits pourront être repris par la suite mais sur la base de ce premier jet.
- Préalable à une activité plus complexe au niveau des consignes : C'est ainsi que ma séance sur les
acrostiches avec les adjectifs a servi de répétition pour la séance finale où il fallait intégrer des verbes
conjugués.
- Support à une séance d'Observation Réfléchie de la Langue en cycle 3 : dès lors qu'il y a production
de langage, il y a matière à observation et à manipulation.
b) En milieu d'apprentissage
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En milieu d'apprentissage, les enfants sont en train de se familiariser avec une
notion et doivent faire des exercices pour être parfaitement à l'aise avec elles. L'utilité des exercices
d'application est certaine mais je pense insuffisante car elle ne permet pas un échange entre les élèves
et sacralise un ordre établi.
En effet, lors des exercices d'entraînements, des élèves isolés répètent
inlassablement des exercices d'application et lors des mises en situation ils font « comme s'ils
s'intéressaient » au sort du camarade. Avoir recours au jeu de langage pour tester l'acquisition d'une
notion ou d'un processus ( comme celui de la combinaison des syllabes dans la machine à fabriquer
des mots ) permet selon moi une analyse autrement plus fine du chemin parcouru et du travail restant
à effectuer. Le jeu de langage doit dès lors s'insérer de manière cohérente dans la séquence car il ne
peut pas se suffire à lui- même, comme ne peuvent se suffire à eux-mêmes des exercices
d'application qui ne feraient que consacrer un savoir purement scolaire.
c) En fin d'apprentissage
Envisager un jeu de langage en fin d'apprentissage apparaît difficile car cela
sous-entend que c'est le jeu de langage lui-même qui ferait office d'évaluation de la séquence et qu'il
faudrait de ce fait expliquer les critères de réussite à ce moment là. Cela paraît peu envisageable car
l'évaluation du jeu de langage pose un problème de compréhension aux élèves ( comprendre les
attentes du maître, arriver à s'auto-évaluer...).
Attendre la fin de séquence pourrait provoquer une surcharge cognitive chez
l'enfant et se révèle dès lors peu pertinent. On pourrait alors l'envisager comme une variation, un
prolongement vers une autre activité mais loin du stress de l'évaluation.
d) Conclusions sur ce point
Ainsi, je pense qu'il n'y a pas de place type à privilégier et que tout dépend des
objectifs que l'on s'est fixé au début. Il est évident que si l'on veut se servir d'un jeu de langage
comme lanceur d'écriture original, on l'envisagera en début d'activité. De même que si l'on veut se
servir d'un jeu de langage pour permettre un réinvestissement de connaissances, celui-ci aura plus sa
place en milieu de séquence. Cependant, pour les raisons précédemment évoquées, le faire intervenir
en fin de séquence apparaît peu opportun.
26
2) L'évaluation
Qu'est ce qui fait dans un jeu de langage que je suis plus sensible à telle ou telle
production d'élèves ? Un maniement de la langue pertinent, une tournure de phrase originale, une
idée inattendue, une correction de la langue efficace... autant d'éléments subjectifs qu'il est difficile
de faire appréhender aux élèves. Le but d'un jeu de langage n'est pas d'aboutir à une seule solution
mais à une multitude de possibilités.
Partant de ce constat, on peut déduire ce que ne devrait pas être l'évaluation. Elle
ne doit pas se présenter comme LA solution qu'on délivre en pénalisant tout écart à cette norme fixée
arbitrairement. Mais c'est ici précisément un des problèmes majeurs des jeux de langage, on sait ce
que ne doit pas être l'évaluation, mais on n'a pas encore établi de règles ou de critères précisant ce
qu'elle doit être. Et quand on sait combien la notation ou l'appréciation peut être quelque chose de
traumatisant chez l'élève, on comprend la nécessité de fixer des critères bien compris de tous.
Toutefois, deux pistes semblent se dessiner en fonction de la forme et de la
spécificité des jeux sélectionnés ( cette répartition a été préconisée entre autres par Michel Martin
dans jeux pour écrire ) :
- Dans un premier temps, l'évaluation peut se limiter à une appréciation globale effectuée par les
élèves eux-mêmes. Elle procède alors par comparaison où chacun saisit dans sa globalité les qualités
et les défauts de son texte par rapport à d'autres. Dans ce cas, le rôle du maître est particulièrement
déterminant car il n'est pas naturel que les enfants repèrent les structures les plus intéressantes et ils
peuvent de plus se laisser influencer par leurs émotions ou leurs affinités avec l'auteur de la copie
débattue.
L'enseignant peut alors guider par un questionnement et mettre en lumière les passages qui lui semblent les
plus judicieux. On remarquera que les enfants reprennent à leur compte les tournures ainsi relevées. C'est
ainsi qu'après avoir mis en lumière la structure « Y a t-il...? » dans la copie de Fanny, cette structure est
apparue dans la copie de Brittany ( voir annexe ). Cette forme d'évaluation paraît être la meilleure car c'est
celle qui se rapproche le plus de l'évaluation formatrice qui aide l'enfant à se détacher de sa propre copie.
27
- Dans un deuxième temps, une autre méthode, grandement facilitée par les contraintes imposées, consiste à
fixer en classe les critères et le barème de l'évaluation. Ce barème peut graduer les difficultés et prendre en
compte les progrès. Une telle évaluation est toutefois difficile à réaliser. J'ai essayé de la mettre en place lors
de la correction du logorallye. En concertation avec les élèves, nous avons essayé de fixer un barème qui
prenait en compte le nombre de verbes correctement utilisés et conjugués. Mais comment juger pour les
élèves si un verbe est correctement conjugué ? De plus, ces critères se sont vite révélés peu satisfaisants car le
niveau de la classe n'était pas celui que j'avais prévu.
Si on considère les acrostiches, le critère était d'arriver à intégrer les lettres imposées dans un texte cohérent
ce que l'ensemble des élèves a réussi à faire : le critère choisi s'est donc révélé insuffisant et la correction n'a
pas été facile à mener. Il aurait ici fallu faire prendre conscience aux élèves de l'insuffisance des critères et
établir avec eux une grille de correction plus complète.
V) Conclusion générale
L'acte d'écrire est un acte complexe, qui nécessite une rigueur dans le raisonnement et
dans la pratique. Beaucoup d'élèves pensent ne pas pouvoir y arriver sans faire trop de fautes et cela
provoque chez eux un rejet. L'intérêt des élèves porté aux jeux de langage, l'entrain qui a suivi la mise en
activité et l'engouement pour les résultats obtenus montrent que l'envie d'écrire et le plaisir de manipuler les
mots peuvent naître chez les élèves à condition d'avoir recours à des stimuli adaptés.
La mise en place de projets d'écriture autour des jeux de langage se révèle alors
bénéfique à plus d'un titre : en plus de réconcilier l'enfant avec le monde de l'écrit, elle le met en situation de
communication avec les autres élèves, lui fait prendre conscience de la nécessité de la réécriture et permet un
réinvestissement original des connaissances acquises ou en voie d'acquisition, une exploitation de la langue
plus fine que de simples exercices d'application.
Les jeux de langage sont aussi nombreux que l'on peut avoir d'objectifs d'exploitation
différents et il convient pour l'enseignant d'être conscient dès le début de la nécessité de cibler ses objectifs et
d'établir des critères d'évaluation lisibles. C'est ainsi que des réajustements pourront s'établir en toute
transparence entre les attentes de l'enseignant, le projet de l'élève et les tâches complexes d'écriture.
28
Comme le précise Yak Rivais dans Littératurbulences, jeux de langage et d'écriture,
« l'enchantement de la langue, le pouvoir de la langue, passe par de multiples pratiques, ludiques autant que
possibles, par d'innombrables essais et erreurs et surtout par cent mille milliards de plaisir ». C'est ici une
notion importante qui ressort une fois de plus : pour apprendre de manière efficace, les élèves doivent avoir
plaisir à le faire. Et comment ne pas prendre de plaisir en jouant...
Ainsi, par la pratique des jeux de langage, les élèves sont entrés de manière volontaire
dans l'apprentissage proposé. Un travail transdisciplinaire a également été engagé en parallèle avec
l'illustration de mots valises en arts plastiques et les élèves ont ressenti une cohérence dans les activités
proposées et y ont été sensibles. Cette démarche peut se faire à tous les niveaux de l'école élémentaire comme
en maternelle et je suis vraiment impatient de pouvoir travailler avec ma classe sur du long terme, car un
remplacement ou un stage de trois semaines génèrent forcément des frustrations.
29
VI) bibliographie
- M. Martin, Jeux pour écrire : ateliers d'écriture, Hachette, 1995.
- J-M.Caré, F. Debyser, Jeu, langage et créativité, B.E.L.C., Hachette : Larousse, 1978
- OULIPO, La littérature potentielle.Créations, recréations, récréations, Collection Idées,
Gallimard, Paris, 1973.
- Oulipo, Atlas de littérature potentielle, Collection Idées, Gallimard, Paris, 1981.
- Yak Rivais, De la manière impertinente d'apprendre la grammaire, le petit Yak illustré, Retz,
1989.
- Yak Rivais, Jeux de langage et d'écriture, Littératurbulences ( 7 à 14 ans ), Retz, 1992.
- Yak Rivais, Pratiques des jeux en classe ' 9 à 12 ans ), Retz, 1993.
- P Guiraud, Les jeux de mots, P.U.F., 1976.
- Pef, La Belle Lisse Poire du prince de mots tordus, Gallimard, 1980.
- Bernard Friot, C'est quoi ton prénom, Milan, 2003.
- P. Fournel, Superchat et les chats pitres, Poche Nathan, 1986.
- Groupe de recherche d'ECOUEN, coordination, Josette Jolibert, Former des enfants producteurs
de textes, Hachette Education, 1998.
- Groupe EVA, sous la direction de Hélène Romian, Evaluer les écrits à l'école primaire,
Hachette Education, 1991.
- Marina Yaguello, Alice aux pays du langage, Le Seuil, 1981.
- S. Lamblin, Jouer avec les mots, Livre de poche Jeunesse, 1984.
- Camille Rondier-Pertuisot, Colas Rist, 34 fiches de perfectionnement à l'écriture créative,
Editions d'organisation, 1992.
- Revue Le Français aujourd'hui N° 51, 64, 69, 80.
- Revue Le Français dans le monde N° 167, 194.
- Revue Repères N° 63, 66, 70, 73.
- Revue Repères, INRP, Des outils et des procédures pour évaluer les écrits, N° 66, 1985.
30
ANNEXES
31