Génération Y & Internet : remise en cause du business model de la presse
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Transcript of Génération Y & Internet : remise en cause du business model de la presse
Elise CANCES ROUEN BUSINESS SCHOOL, Promotion 2010
Majeure Marketing Produit et Communication
Directrice de mémoire : Valérie NICOLAS-HEMAR
Internet et presse écrite à destination des jeunes,
remise en cause du business model de la presse
2 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
« La presse n’a pas entamé un nouveau chapitre de son histoire, mais bien une
autre histoire, sous le régime d’Internet. »
J.F. Fogel et Bruno Patino, Une presse sans Gutenberg, Grasset, 2005
« Le modèle économique sur lequel nous avons construit notre essor depuis des
décennies se désintègre sous nos yeux. »
Eric Fottorino, Président du Directoire du Monde, « A nos lecteurs », Le Monde, 19
avril 2009
« Il y aurait comme une cécité culturelle et économique à ne pas prendre en
compte les attentes des jeunes en matière d’information. »
Marie-Christine Lipani Vaissade, « Une rencontre du troisième type », Les jeunes
et les médias, les raisons du succès, ouvrage dirigé par Laurence Corroy, Vuibert,
2008
3 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
UN GRAND MERCI A …
Je tiens tout d’abord à remercier ma directrice de mémoire, Valérie Nicolas-Hémar, pour
ses conseils éclairés et la façon dont elle a su me guider dans ce vaste sujet.
Un grand merci à Clément Courvoisier, Directeur Marketing du Figaro.fr, pour avoir accepté
de répondre à mes questions pièges.
Un grand merci également à Cédric Giorgi, Directeur Marketing de Goojet et auteur du blog
http://www.cedricgiorgi.com/ pour ses éclairages sur les possibilités infinies de l’Internet
mobile.
Merci enfin à ma famille, toujours présente pour me soutenir. Je salue en particulier mes
parents, ainsi que Thierry et Anne-Laure.
4 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
INTRODUCTION
Il semble parfois que la crise de la presse n’en finisse plus. La baisse de sa diffusion est continue
depuis plus de 30 ans et la presse quotidienne est touchée par le phénomène plus que tout autre type
de presse. Au-delà de l’enjeu majeur auquel elle doit faire face, à savoir le vieillissement de son
lectorat, une redéfinition complète de l’univers dans lequel elle évolue est à la fois un obstacle
supplémentaire et un nouveau défi. L’avènement d’Internet et des nouveaux médias remet en cause
son business model, déjà en difficulté : la presse quotidienne est en crise ou instable sur toutes ses
sources de revenus.
Le fer de lance des changements du paysage médiatique au profit d’Internet se trouve dans la
cible jeune, qui sait exploiter les ressources importantes du Web. Les jeunes, qui manquent
cruellement à la Presse Quotidienne Nationale (PQN) comme à la Presse Quotidienne Régionale
(PQR), préfèrent consulter l’actualité sur les sites d’information, où l’audience est généralement moins
âgée que celle des journaux traditionnels, voire sur des sites complètement différents. Leur manière
de s’informer et leurs intérêts ont changé. A ce constat s’ajoute celui que la presse gratuite rencontre
aussi un franc succès en partie grâce aux jeunes. On voit donc que les jeunes sont a priori intéressés
par l’information, par l’actualité, qu’ils sont peut-être même plus curieux que d’autres… Alors pourquoi
ce désamour des jeunes envers la PQN/R ?
Aujourd’hui, la presse tâtonne pour essayer de répondre à ces questions, tant sur le papier que
sur le Web. Les nouvelles formules se multiplient ; tandis que certains sites Internet renoncent à devenir
payants, comme celui de L’Express1, d’autres deviennent en partie payants, comme Le Figaro, ou
payants au bout d’un certains nombres d’articles lus, comme le site du New York Times2, etc. Il
semblerait que, à force de tâtonnements, on ait depuis longtemps oublié d’écouter la jeune génération,
et c’est en cela qu’une démarche marketing se justifie pleinement.
Les jeunes sont favorables à la presse… Et la presse a besoin des jeunes, qui, même s’ils semblent
plébisciter l’accès à l’information via Internet ou les gratuits, se désintéressent pourtant de la presse
payante. C’est par leurs nouvelles consommations de média et leurs nouvelles habitudes qu’ils
remettent en cause la viabilité des systèmes installés jusqu’alors. Face à une génération aux besoins
1 « L'Express renonce au payant en ligne », CB Newsletter, 20/01/2010.
L’idée d’une mise en place d’un espace premium payant sur le site Lexpress.fr a été abandonnée en raison d’un
« problème de rentabilité à terme ». L’idée d’un modèle mixte pour le site de l’hebdomadaire L’Express avait été
lancée en mars 2009 par l’administrateur du groupe belge Roularta, Rik de Nolf.
2 « Le site du New York Times sera payant en 2011 », CB Newsletter, 20/01/2010.
« Nos lecteurs sont très loyaux et nous pensons qu'ils paieront pour nos contenus et nos services en ligne », déclare
le président du conseil d'administration de la maison mère, Arthur Sulzberger.
5 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
nouveaux, comment la PQN/R peut-elle mettre en place un modèle qui permette d’attirer et de
rentabiliser l’audience jeune au moyen d’Internet ?
Cette problématique amène de nombreuses sous-questions auxquelles nous tenterons de répondre :
Quelles sont les composantes du business model de la presse qui en font un secteur complexe et en
crise ? Comment expliquer une crise à la fois structurelle et conjoncturelle, qui empêche le
renouvellement de son lectorat ? Quelles sont les attentes des jeunes ? Pourquoi préfèrent-ils lire les
news sur Internet ? En quoi les besoins du lectorat ont-ils changé ? En quoi cela affecte-t-il la presse et
en quoi est-ce un tournant décisif ? Quels en sont les enjeux ?
Nous essaierons dans un premier temps, après avoir décrit le business model de la presse, de cerner
les problèmes que rencontre la presse face aux nouvelles habitudes et aux nouveaux besoins
des jeunes. Nous en viendrons ensuite à nous demander quels ont été les systèmes mis en place
pour répondre à ces nouvelles attentes, ainsi que leurs limites, et étudierons les leviers sur lesquels
la PQN/R peut s’appuyer. Dans une troisième partie, nous analyserons au moyen d’une étude
qualitative les perceptions des jeunes et leurs besoins en matière de presse écrite. Nous tenterons
enfin d’en déduire des pistes pour un modèle d’acquisition et de fidélisation des 18/25 ans sur
Internet et d’attraction vers la presse écrite.
Tous les spécialistes de la presse s’accordent à dire qu’aujourd'hui il est nécessaire de trouver un
nouveau modèle économique pour la presse. L’objet de cette étude n’est pas de découvrir la
solution miracle que tous peinent à trouver, mais d’explorer différentes pistes en prenant le
jeune lecteur comme point central. Celui-ci a en effet trop souvent été oublié devant les difficultés
financières et rejeté derrière les solutions à court terme qui ont pu être néfastes sur le long terme.
6 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Table des matières
Introduction .............................................................................................................................................. 4
I. LES JEUNES, ADEPTES DE LA MOBILITÉ ET DE LA FACILITÉ, METTENT EN DIFFICULTÉ LA PQN/R PAR LEUR GOÛT POUR INTERNET ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES ............ 10
A. Introduction à la situation économique actuelle de la presse ........................................................ 10
1. De quelle presse parle-t-on ? ............................................................................................ 10
a) La presse quotidienne d’information nationale et régionale .............................................. 10
b) Une presse en inexorable déclin ....................................................................................... 11
c) Une bonne santé financière nécessaire à la démocratie .................................................. 11
d) La presse écrite est industrie qui a besoin de capitaux ..................................................... 12
2. Introduction au business model de la presse ................................................................... 13
B. Le business model de la presse repose sur une combinaison entre deux supports et deux demandes que tout oppose ........................................................................................................... 14
1. Une offre pour deux demandes : les lecteurs et les annonceurs ..................................... 14
a) Les lecteurs : une faible part des abonnements par rapport aux ventes engendre une vulnérabilité certaine ......................................................................................................... 15
b) Les annonceurs ................................................................................................................. 15
c) Chiffre d’affaire et répartition des revenus ........................................................................ 15
d) Deux sources de revenus différentes mais liées ............................................................... 16
2. Une offre pour deux supports : le papier et l’écran ........................................................... 17
a) Le Web, un média supplémentaire ? ................................................................................. 18
b) Le Web, un support complémentaire ................................................................................. 19
c) Les sites de presse quotidienne en progression, mais confrontés à une concurrence de puissants agrégateurs internationaux ............................................................................... 20
C. La presse écrite, un modèle en crise à tous les niveaux ............................................................... 21
1. Au niveau des lecteurs : baisse de la diffusion et vieillissement du lectorat .................... 22
a) La chute des points de vente et la baisse de la diffusion .................................................. 22
b) Baisse de l’audience et vieillissement du lectorat ............................................................. 23
2. Au niveau des annonceurs : la ruée vers Internet, où la rentabilité est moins importante pour la presse en ligne ....................................................................................................................... 24
a) Un marché publicitaire naturellement faible, où la presse vient de perdre son monopole 24
b) La perte de la manne des petites annonces avec l’arrivée d’Internet s’explique par la gratuité, la flexibilité et la forte couverture de ce média .................................................... 26
c) Une redéfinition du paysage média en faveur d’Internet, où la rentabilité pour la presse en ligne est inférieure à la presse écrite ................................................................................ 26
D. Les défis de la presse écrite face aux jeunes ................................................................................ 28
1. Les jeunes, très mobiles, ont l’impression de manquer de temps et de moyens ............. 28
a) Les jeunes, très peu attirés par l’offre de presse quotidienne, sont des lecteurs occasionnels .......................................................................................................................................... 28
b) Le « journal de papa », c’est démodé ! ............................................................................. 29
2. La génération Y est la génération du numérique ............................................................. 31
7 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
a) Les « digital natives » marquent une rupture avec la génération X par leur consommation média en faveur des nouveaux écrans ............................................................................. 31
b) Leur goût pour Internet et les réseaux sociaux se construit autour de nouvelles valeurs sociales qui créent des besoins nouveaux en matière d’information ............................... 34
3. Le besoin de gratuité......................................................................................................... 36
4. Finalement, une offre éditoriale inadaptée aux attentes, aux préoccupations et aux modes de consommation des jeunes ............................................................................................................ 37
E. En résumé, un business model qui ne fonctionne plus ................................................................. 37
1) Le processus de remise en cause de la presse par les jeunes ........................................ 37
2) Un business model qui ne fonctionne plus ....................................................................... 39
II. CEPENDANT, INTERNET EST AUSSI UNE OPPORTUNITÉ POUR ATTEINDRE CES JEUNES ET CONQUÉRIR UN NOUVEAU LECTORAT .............................................................................. 41
A. Veille : quelles ont été jusqu’ici les réponses de la presse à ces problèmes ? ............................. 41
1. Les réponses au niveau étatique ...................................................................................... 41
2. Les réponses au niveau organisationnel .......................................................................... 42
a) Les avantages et inconvénients des rédactions bi-média ................................................. 42
b) Du e-journalisme… au m-journalisme ? ............................................................................ 42
3. Le système de rentabilité choisi pour le site Internet ........................................................ 43
a) L’abandon du tout-gratuit ................................................................................................... 43
b) Les modèles mixtes ........................................................................................................... 43
4. Les réponses technologiques ........................................................................................... 45
a) Les vidéo et la production de contenus ............................................................................. 45
b) Diaporamas et galeries photos .......................................................................................... 46
c) Les Web-documentaires, témoins d’un nouveau journalisme, rencontrent un vif succès 46
d) Reportages audio et radios ............................................................................................... 46
e) Les widgets des sites de presse en ligne permettent un accès facilité à ces évolutions technologiques .................................................................................................................. 46
5. Les réponses communautaires ......................................................................................... 46
a) Les blogs et le lien autour d’une communauté .................................................................. 46
b) Interaction et logique participative ..................................................................................... 47
c) La présence sur les réseaux sociaux ................................................................................ 48
6. Les réponses dans le contenu .......................................................................................... 48
7. Segmentation des sites de presse en ligne ...................................................................... 50
B. Les possibilités offertes par Internet et la consommation multimédia des jeunes ........................ 51
1. L’infidélité et l’opportunité d’une marque forte de l’information ........................................ 51
a) Le sentiment de surinformation ......................................................................................... 51
b) Une génération qui zappe d’un média à l’autre : attirer du Web vers le print ? ................ 51
2. Le temps passé par les jeunes sur les réseaux sociaux peut les changer en vrais relais pour les marques de presse .............................................................................................................. 51
a) Les 15/25 ans et les réseaux sociaux ............................................................................... 51
b) Un exemple international d’utilisation des réseaux sociaux : le New-York Times gère une communauté autour de sa marque ................................................................................... 53
8 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
3. La mobilité et la connaissance technologique forte : téléphone mobile et Internet .......... 53
a) « Tout ce qui a un écran est désirable » : les jeunes ont développé un très grand intérêt pour les nouvelles technologies et y consacrent un fort budget ....................................... 53
b) L’e-book, une offre encore inaccessible et peu exploitée mais qui dessine les contours d’un avenir du papier ................................................................................................................ 54
c) Les smartphones, qui rencontrent un vif succès auprès des jeunes, sont les alliés d’une lecture mobile de la presse ............................................................................................... 54
d) Vers une démocratisation des netbooks et des tablettes propice à la lecture de la presse sur les écrans .................................................................................................................... 56
4. Les leviers ......................................................................................................................... 58
C. Des offres limitées aux seules évolutions numériques .................................................................. 58
1. Une inadéquation entre l’offre et la demande ................................................................... 58
2. Les jeunes ne sont pas une cible prioritaire pour la presse quotidienne .......................... 59
III. ÉTUDE DES PERCEPTIONS DES JEUNES ET DE LEURS BESOINS EN MATIÈRE DE PRESSE ÉCRITE EN LIGNE ........................................................................................................................ 60
A. Présentation de l’étude : objectifs et guide d’entretien .................................................................. 60
1. Objectif principal de l’étude ............................................................................................... 60
2. Objectifs secondaires de l’étude ....................................................................................... 60
3. Guide d’entretien et méthodologie de l’étude ................................................................... 61
B. Analyse des entretiens................................................................................................................... 61
1. Une rupture entre les jeunes et la presse écrite, mais un goût prononcé pour la presse en ligne et mobile .................................................................................................................................... 61
a) La confirmation d’une rupture entre les jeunes et la presse écrite payante ...................... 61
b) L’intégration de la gratuité comme modèle doit se comprendre par un besoin d’information qui reste limité ................................................................................................................... 63
c) Ce besoin limité d’information est une opportunité encore mal exploitée pour les marques fortes de la presse en ligne ............................................................................................... 64
2. « Je me suis rendue compte qu’en fait je ne connaissais pas du tout la presse en ligne ! » : radiographie des succès et échecs de la presse en ligne auprès des jeunes .................................. 64
a) Une consommation régulière mais partielle, qui doit être facilitée par tous les moyens techniques et la personnalisation ...................................................................................... 64
b) Les jeunes sont à la fois attirés et déstabilisés par le sérieux de la presse en ligne ........ 65
c) La méfiance envers les communautés et la volonté de partager avec ses proches ......... 65
d) Des tests de concepts indiquent l’attirance vers un contenu dédié aux jeunes ................ 66
e) La consommation de presse en ligne est entièrement différente entre les jeunes internautes et les jeunes mobinautes .................................................................................................. 66
C. Typologie des jeunes lecteurs de presse en ligne ......................................................................... 66
1. Définition des profils .......................................................................................................... 66
a) Le « technophile curieux » ................................................................................................. 67
b) Le « jeune actif intimidé » .................................................................................................. 68
c) L’ « overbooké » ................................................................................................................ 68
d) Le « militant passionné » ................................................................................................... 69
2. Les réponses et attentes des jeunes en fonction des profils définis ................................ 70
9 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
a) Le « technophile curieux » recherche une information synthétique, des tendances sur ses sujets préférés et la dimension esthétique a une grande importance pour lui ................. 70
b) Le « jeune actif intimidé » voudrait un journal plus accessible, plus compréhensible et plus proche de lui ...................................................................................................................... 71
c) L’« overbooké » recherche la praticité avant tout, la clarté et le sens de la synthèse ...... 71
d) Le « militant passionné » recherche le point de vue, des idées originales, la participation et le débat ............................................................................................................................. 72
IV. PROPOSITION D’UN MODÈLE D’ACQUISITION ET DE FIDÉLISATION DES 18/25 ANS PAR INTERNET ..................................................................................................................................... 72
A. Quels profils la presse en ligne doit-elle cibler en priorité ? .......................................................... 73
B. Acquisition et fidélisation par le site Internet : attirer par le format et fidéliser par le contenu ...... 73
1) Et s’il fallait aller au-delà du débat gratuit/payant ? .......................................................... 73
2) Attirer par le format : transformer l’expérience de lecture................................................. 74
a) La technologie doit davantage être mise en valeur ........................................................... 74
b) Mettre en avant les blogs sur des thématiques précises .................................................. 75
c) Rendre la presse en ligne accessible via les réseaux sociaux pour répondre au besoin primordial d’information rapide et condensée ................................................................... 75
3) Fidéliser par le contenu ..................................................................................................... 76
a) Une forte demande d’adaptation du contenu qu’il est essentiel de respecter .................. 76
b) Cibler à la fois un potentiel de fidélisation et de paiement ................................................ 77
c) Faciliter le paiement par tous les moyens ......................................................................... 78
4) L’enjeu est d’attirer les jeunes sans déstabiliser les internautes habituels ...................... 78
C. Acquisition et fidélisation par les réseaux sociaux : trouver des relais d’audience tout en créant un lien entre l’internaute et la marque ................................................................................................ 79
1) Les réseaux sociaux comme relais d’audience : de véritables créateurs de trafic ........... 79
2) Les réseaux sociaux comme relais de la marque créateurs de lien social....................... 80
3) Privilégier les réseaux sociaux comme point d’entrée des jeunes vers les communautés des journaux en ligne ......................................................................................................................... 80
D. La piste de l’Internet mobile ........................................................................................................... 81
1) Les atouts de l’Internet mobile .......................................................................................... 81
2) Penser le mobile autrement .............................................................................................. 81
E. Gérer l’interaction entre Internet, mobile, papier… et les futurs supports ! ................................... 82
1) Comment attirer vers le papier ? ....................................................................................... 82
2) La personnalisation, clé de voûte de la relation entre les supports .................................. 83
CONCLUSION ....................................................................................................................................... 84
SOMMAIRE & EXECUTIVE SUMMARY ............................................................................................... 85
ANNEXES .............................................................................................................................................. 86
SOURCES ........................................................................................................................................... 100
10 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
I. LES JEUNES, ADEPTES DE LA MOBILITE ET DE LA FACILITE , METTENT EN DIFFICULTE LA PQN/R PAR LEUR GOU T POUR INTERNET ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES
A. Introduction à la situation économique actuelle de la presse
1. De quelle presse parle-t-on ?
a) La presse quotidienne d’information nationale et régionale
Nous avons choisi d’aborder dans cette étude la presse quotidienne d’information générale payante,
qu’elle soit nationale ou régionale. Cette presse comprend deux grands types de presse quotidienne :
d’un côté, la Presse Quotidienne Nationale (PQN), composée des grands journaux nationaux, en
particulier Le Figaro, dont la Diffusion France payée3 (DFP) est de 314 947 exemplaires en 20094, Le
Monde et Libération ; d’un autre côté la Presse Quotidienne Régionale (PQR), composée de plus de 60
quotidiens. Les audiences les plus importantes des quotidiens nationaux sont celles du Parisien avec
1 284 000 lecteurs5 en 2009, Le Monde (1 260 000 lecteurs) et Le Figaro (908 000 lecteurs).
L’audience jeune de ces titres est faible : 13% du lectorat des principaux titres de la PQN ont entre
15 et 25 ans, alors que ces jeunes forment 16% de la population nationale. A titre de comparaison, la
Presse Quotidienne Urbaine Gratuite (PQUG), avec entre autres Metro et 20 Minutes, totalise une
audience de plus de 8 millions de lecteurs, dont 31% ont entre 15 et 25 ans, soit presque trois fois plus
en proportion !
Tableau 1. Diffusion et audience des principaux quotidiens d'information
Titre
Diffusion OJD 2009 (DFP DSH)
Audience totale EPIQ 2009 (LDP)
Dont pourcentage 15/25 ans
Pre
sse
Qu
oti
die
nn
e
Nati
on
ale
Le Parisien (Ile-de-France)
314 971 ex. 1 284 000 14%
Le Monde 288 049 ex. 1 260 000 18%
Le Figaro 314 497 ex. 908 000 11%
Libération 111 584 ex. 441 000 11%
3 La Diffusion France Payée représente le nombre d’exemplaires effectivement vendus sur le territoire national.
Les autres indicateurs sont moins pertinents : le tirage ou la diffusion totale prennent en compte des exemplaires
donnés gratuitement, ainsi que la diffusion à l’étranger. A titre d’exemple, la différence entre la DFP et le tirage
du Figaro en 2009 est de l’ordre de 30%.
4 Source : OJD 2009, DFP, DSH (Déclaration sur l’Honneur de l’éditeur)
5 Source : étude EPIQ 2009, LDP (Lecture Dernière Période)
* Les astérisques renvoient au lexique à la fin du mémoire.
11 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Titre Diffusion
OJD 2009 (DFP DSH) Audience totale EPIQ 2009 (LDP)
Dont pourcentage 15/25 ans
L'Humanité 47 801 ex. 213 000 5%
La Croix 95 130 ex. 288 000 3%
France Soir 22 722 ex. 57 000 21%
Total 1 194 754 ex. 4 451 000 13%
Pre
sse
Qu
oti
die
nn
e
Rég
ion
ale
Ouest France 762 213 ex.
Total PQR 66 14 791 000
Total PQR 66 10%
Sud Ouest 297 991 ex.
La Voix du Nord 274 088 ex.
Dauphiné Libéré 235 129 ex.
Aujourd'hui en France
183 571 ex.
PQUG Total 8 034 000 31%
Le lectorat de la presse quotidienne d’information est en fait plutôt en affinité avec les hauts revenus et
les personnes ayant un haut niveau d’études. Toujours à l’aide de l’étude EPIQ 2009, on peut décrire
de façon caricaturale le lecteur de la PQN comme un homme (54%), diplômé de l’enseignement
supérieur (43%), cadre (12%), profession intermédiaire (15%) ou étudiant (11%) entre 35 et 49 ans
(25%), et vivant en région parisienne (25%)6. Le lectorat de la PQR est quant à lui segmenté sur des
critères tels que la région d’origine et l’âge. Cela reste un lectorat plus populaire que celui de la PQN.
b) Une presse en inexorable déclin
La mort de la presse est annoncée régulièrement par de nombreux écrivains. Le dernier livre de Bernard
Poulet, intitulé La fin des journaux et l’avenir de l’information, en est le témoin. D’après l’auteur, il est
même « peut-être temps de paniquer ». Il touche d’ailleurs un point sensible et qui fait que ce sujet
est problématique : il est politiquement incorrect de dire que la presse peut mourir. Pourtant, la presse
est en inexorable déclin : pour la première fois depuis plus de 40 ans, Le Monde est passé en 2009
sous la barre symbolique des 300 000 exemplaires... Alors qu’en 1916, Le Petit Parisien était le
premier quotidien au monde, avec 3 millions d’exemplaires vendus7.
c) Une bonne santé financière nécessaire à la démocratie
La bonne santé financière d’un journal n’a pas toujours été une préoccupation première. Au contraire,
on a pendant longtemps cherché à éloigner les journaux de l’influence de l’argent. Le système mis en
place à la Libération, s’il avait des objectifs louables, a eu des effets pervers en installant une certaine
dépendance des quotidiens aux aides de l’Etats et en empêchant de construire autour des journaux de
puissants groupes. La législation actuelle reste toujours anti-concentration et prévoit ainsi qu’un même
groupe ne peut « dépasser 30 % du total des publications quotidiennes d’information politique et
6 Chiffre EPIQ 2009, calculés sur l’item PQN (comprenant, en plus des titres précédents, Les Echos et L’Equipe)
7 Tendances économiques de la presse quotidienne dans le monde, sous la direction de Jacques Leprette et Henri
Pigeat, PUF (2002)
12 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
générale diffusées sur le territoire national »8. En voulant assurer le pluralisme, par les aides de l’Etat,
et en cherchant à protéger la presse politique de l’influence de l’argent, on l’a au contraire déstabilisée
et on en a fait une des presses les moins diversifiées au monde : aujourd'hui, avec à peine 1,7 quotidien
par million d’habitants, la France se trouve au 103ème rang mondial selon le classement annuel de
l’Association Mondiale des Journaux (World Association of Newspapers).
Or, un quotidien a un rôle à jouer dans la démocratie ; il entretient le débat et forge les opinions,
ou, tout du moins, doit se faire l’écho des opinions. Seulement, un journal aura beau fournir les plus
beaux textes par les plus belles plumes, « si le journalisme ne sait pas se vendre », comme le souligne
Patrick Eveno, « il disparaîtra au profit de la communication ». Il ajoute que « l’indépendance
rédactionnelle et politique a pour condition la rentabilité économique de l’entreprise ; et inversement,
parce que la rentabilité autorise la liberté ». La production d’information coûte cher : le premier poste de
dépense d’un journal est sa rédaction. Si la presse ne se vend pas, elle entre dans un cercle vicieux
où ce qui fait son avantage concurrentiel (l’information de qualité) est appauvri et où donc elle
attirera moins les lecteurs, et donc produira une information de qualité moindre. Sans recherche,
vérification et hiérarchisation de l’information, il ne restera plus que l’information que les acteurs de
l’actualité voudront bien nous donner. La bonne santé économique d’un journal ne doit donc pas faire
peur : plus un journal est puissant et plus la démocratie est développée.
d) La presse écrite est industrie qui a besoin de capitaux
La nécessité d’engranger des bénéfices se ressent d’autant plus quand on regarde en détail les charges
auxquelles la presse écrite doit faire face : la rédaction, les charges d’exploitation (coûts de fabrication
et d’impression), les coûts de distribution et les frais généraux engendrent un prix de revient d’un
exemplaire entre 1,10 et 1,60€, alors qu’il est vendu entre 0,80 et 1,30€9. La rédaction à elle seule
représente entre 0,30 et 0,40€10, soit déjà le tiers du prix de vente. L’information, à l’ère où on la trouve
partout gratuitement, a donc un coût élevé. Un journaliste représente entre 100 000 et 150 000 d’euros
par an, et le budget total d’une rédaction d’un quotidien national oscille entre 20 millions et 60 millions
d’euros par an, selon le nombre et le prestige des journalistes. De plus, les coûts de distribution sont
parmi les plus élevés d’Europe (0,40€ par exemplaire vendu), rendant encore plus difficile l’accès aux
consommateurs. Enfin, n’oublions pas que la presse écrite est une industrie lourde : elle demande des
investissements importants en rotatives et le coût de fabrication représente 0,45€ par exemplaire
vendu pour les quotidiens nationaux (0,30€ environ pour les quotidiens régionaux)11.
8 Comment sauver la presse quotidienne d’information ?, Institut Montaigne, Rapport 2006
9 La presse quotidienne nationale, fin de partie ou renouveau ?, Patrick Eveno, VUIBERT (2008), pp 137-140
10 Calcul effectué par Patrick Eveno, PQN fin de partie ou renouveau ?
11 Calcul effectué par Patrick Eveno, PQN fin de partie ou renouveau ?
13 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
En conséquence, comme le montre le graphe suivant, les prix de vente des quotidiens français figurent
parmi les plus élevés parmi les pays industrialisés ; les prix des quotidiens augmentent même plus vite
que la moyenne des prix à la consommation.
Tableau 2. Prix moyen des quotidiens en 200112
Le prix des quotidiens français a donc de quoi en décourager plus d’un, et notamment les jeunes dont
le pouvoir d’achat est faible. L’augmentation du prix de vente peut ainsi être une solution à court
terme, mais elle est néfaste à long terme13, empêchant la conquête de nouveaux lecteurs, et en
particulier la génération numérique habituée à la gratuité.
On voit donc que les recettes provenant de la simple vente des quotidiens sont insuffisantes à
rendre un journal rentable. C’est pourquoi a été mise en place très rapidement dans l’histoire de la
presse une deuxième source de revenus : la publicité.
2. Introduction au business model de la presse
Un business model est le « modèle économique » sur lequel se développe une entreprise, c'est-à-dire
sa façon de générer des revenus. Il définit l’origine et le mode d'obtention de son chiffre d'affaires,
ainsi que la façon de dégager de la rentabilité. Le chiffre d’affaire de la presse quotidienne nationale est
de 817 millions d’euros en 2008 selon la Direction du Développement des Médias et des Industries
Culturelles (DDMIC, ex-DDM).
La presse a deux sources de revenus principaux : les ventes et la publicité. Le journal se vend donc
deux fois, à deux acteurs qui n’ont pas les mêmes attentes. A cela s’ajoutent les aides de l’Etat, qui
représentent environ 10% du chiffre d’affaires de la presse14. Les aides à la diffusion (aide à la
distribution postale, tarifs SNCF pour le transport des journaux,…), les aides au pluralisme (aides à tous
les journaux politiques et les aides à la modernisation (aides à la mise en place et à la gestion des sites
12 Comment sauver la presse quotidienne d’information ?, Institut Montaigne, Rapport 2006
13 Comme le démontrent Jacques Leprette et Henri Pigeat, Tendances économiques de la presse quotidienne dans
le monde. Pour plus d’informations : analyse sur les conséquences des baisse ou hausse des prix, pp 30-34
14 La fin des journaux et l’avenir de l’information, Bernard Poulet, Collection Le Débat, GALLIMARD (2009)
14 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Internet) ont ainsi représenté 163 millions d’euros en 2007. Enfin, à ces sources de revenus on ajoute
tous les « plus-produits » vendus sous la marque d’un quotidien (DVD, livres, CD,…).
La presse dispose donc de quatre sources de revenus différentes : les ventes (les lecteurs), la publicité
(les annonceurs), les aides de l’Etat et les plus-produits. Nous nous concentrerons ici sur l’étude des
lecteurs et des annonceurs.
Figure 1. Les 4 sources de revenus de la presse
B. Le business model de la presse repose sur une combinaison entre deux supports et deux demandes que tout oppose
Une fois posées toutes les charges auxquelles doit faire face une entreprise de presse, et une fois vue
sa situation économique globale à ce jour, il nous faut explorer en détails les éléments de ce
business model, ce en quoi il est particulier et ses évolutions, pour nous mener dans la partie
suivante à comprendre en quoi les jeunes remettent en cause ce modèle économique. Nous verrons
tout d’abord que la presse présente une offre pour deux supports et pour deux demandes différentes,
puis que ces deux demandes sont liées.
1. Une offre pour deux demandes : les lecteurs et les annonceurs
La presse est un produit à part puisque, comme les autres médias, elle présente une offre pour deux
demandes totalement différentes : d’une part les lecteurs, d’autre part les annonceurs. Rares
sont les journaux (tel Le Canard Enchaîné) qui arrivent à vivre uniquement de leurs ventes aux lecteurs.
Plus nombreux sont ceux qui ne vivent que de la publicité : ce sont les gratuits, comme les gratuits
d’information (20 Minutes, Metro, Direct Matin…) ou les gratuits d’annonce. Malgré leur grand succès
auprès des lecteurs, eux aussi connaissent des difficultés : la publicité étant souvent le premier budget
diminué en temps de crise, leur dépendance encore plus forte aux annonceurs ne les a pas avantagés
en 2009. Par exemple, 20 Minutes a récemment dû mettre en place des plans d’économie et Metro a
suspendu sa version espagnole15.
15 Lefigaro.fr, « L'étau se resserre autour des quotidiens d'information gratuits », 29/05/2009
http://www.lefigaro.fr/medias/2009/05/30/04002-20090530ARTFIG00092-l-etau-se-resserre-autour-des-
quotidiens-d-information-gratuits-.php
VENTES PUBLICITÉAIDES DE
L'ÉTATPLUS-
PRODUITS
15 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
a) Les lecteurs : une faible part des abonnements par rapport aux ventes
engendre une vulnérabilité certaine
Les recettes provenant des lecteurs sont composées des recettes de ventes au numéro (c'est-à-dire
l’achat direct en kiosque) et des recettes d’abonnement. La répartition entre ces deux types d’achat
est variable d’un titre à l’autre. Cependant, on peut dire que la part de vente au numéro est majoritaire
pour tous les titres : ainsi, sur l’année glissante 2008/09, les ventes au numéro comptent pour 62% de
la DFP pour Le Figaro, contre 53% pour Le Monde, 64% pour Le Parisien, et 82% pour Libération
(source : OJD). Quand on prend toute la presse quotidienne nationale, on trouve une moyenne de part
d’abonnement de 20%. Les ventes de la presse quotidienne écrite dépendent donc fortement de
sa capacité à attirer les lecteurs en kiosque.
Tableau 3. Répartition Ventes / Abonnement + Portage de la PQN/R, source OJD
b) Les annonceurs
Les sources de revenus en provenance des annonceurs se déclinent selon les petites annonces
(immobilier, emploi, etc.) et la publicité. La publicité est née dans la presse, mais elle reste longtemps
marginale ; à la fin du XIXème siècle, elle ne compte que pour 20% des recettes du Figaro, tandis
qu’aujourd'hui elle est majoritaire dans le chiffre d’affaire de toute la PQN/R. Les annonceurs se fondent
sur trois critères principaux pour choisir un support de presse écrite : le prestige et l’image de la marque
de presse, un contexte rédactionnel qui offre un écrin aux campagnes de publicité, et enfin un lectorat
adapté à leur cible marketing.
c) Chiffre d’affaire et répartition des revenus
Tableau 4. Schéma des revenus de la presse écrite
LES LECTEURS LES ANNONCEURS
VENTE AU
VENTE PAR
RECETTES
RECETTES
LES REVENUS DE LA
16 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
La part de la publicité dans les recettes est fortement variable d’un titre à l’autre. Dans la presse en
général, elle dépasse 50% depuis plus de vingt ans16, sauf en 2008 où elle était de moins de 44%17.
En PQN, elle est moins importante, puisqu’elle représente 48% en moyenne depuis 1985, et tombe à
43% en 2008. Le chiffre d’affaire moyen de la PQN s’élève à 911 millions d’euros entre 1985 et 2007,
pour un chiffre d’affaire de 817 millions € en 2008.
Tableau 5. Evolution du CA de la PQN en milliers €18
On observe donc que la PQN/R dépend de deux sources de revenus fragiles et fluctuantes,
puisque :
- Parmi les revenus liés aux ventes, les ventes par abonnement, certaines et sources de
fidélisation, composent à peine 20% des revenus provenant des lecteurs ;
- Une grande partie de son chiffre d’affaires provient de la publicité, elle-même très
dépendante de la conjoncture.
d) Deux sources de revenus différentes mais liées
Il est intéressant de voir que, non seulement ces sources de revenus sont fragiles, mais qu’en plus les
deux sources de revenus principales de la presse, les lecteurs et les annonceurs, sont liées. En
effet, les revenus en provenance des lecteurs et des annonceurs dépendent de deux marchés différents,
où les attentes ne sont pas les mêmes, mais qui sont tout de même interdépendants. On observe ainsi
ce qu’on appelle en économie un « effet de réseau croisé »19 : la satisfaction d’un consommateur pour
un bien vendu sur un marché dépend de la taille de la demande pour un autre bien sur un marché
différent, et vice versa. D’une part, les lecteurs dépendent du marché des médias, et sont attentifs
16 Direction du Développement des Médias (DDM), Tableaux Statistiques de la Presse : « Chiffres clés de la presse
écrite de 1985 à 2007 », http://www.ddm.gouv.fr/IMG/pdf/TSP_2007_avec_donnees_de_cadrage.pdf
17 Lefigaro.fr, « La vente de journaux par abonnement progresse », 07/08/2009
http://www.lefigaro.fr/medias/2009/08/07/04002-20090807ARTFIG00012-la-vente-de-journaux-par-
abonnement-progresse-.php
18 Travail des données d’après les Tableaux statistiques de la DDMIC
19 Economie de la presse, Patrick Le Floch et Nathalie Sonnac, Collection Repères, Edition 2005, pp. 26-27
0%
20%
40%
60%
80%
100%
-
200 000
400 000
600 000
800 000
1 000 000
1 200 000
1 400 000
Recettes de Ventes Recettes de Publicité CHIFFRE D'AFFAIRES
17 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
avant tout au prix et au contenu du média ; d’autre part, les annonceurs dépendent du marché
publicitaire, dans lequel ils recherchent un prix de l’encart satisfaisant, au vu de la taille du lectorat
atteint et de leur cible.
Patrick Le Floch et Nathalie Sonnac expliquent ainsi dans Economie de la Presse (Repères, 2005)
qu’« apparaissent des effets de réseau croisés, où l’utilité de chaque industrie dépend du volume de la
demande de l’autre ». En effet, un annonceur ne va communiquer dans un support que s’il lui
permet d’atteindre les personnes les plus susceptibles d’acheter ses produits ; il va donc
demander au titre de presse de lui montrer qu’il est performant sur une certaine cible, et qu’il atteint une
taille conséquente de cette cible. Son achat d’espace publicitaire dépend donc à la fois de la taille du
lectorat et de sa propre cible. De plus, les lecteurs ne prennent pas seulement en compte le contenu
d’un titre. Les publicités qui paraissent dans les journaux les influencent, d’abord dans le jugement
de qualité qu’ils portent sur le journal et sur l’image qu’ils ont de lui. Cette influence peut être positive
ou négative, et dépend en plus du nombre de publicités du journal.
Cette interdépendance est très complexe et dépend en grande partie de l’attitude des lecteurs
vis-à-vis de la publicité. S’ils apprécient la publicité, comme le montrent Patrick Le Floch et Nathalie
Sonnac avec la parution des petites annonces dans la PQR, un supplément de publicité va provoquer
une hausse des ventes. S’ils ont une attitude négative par rapport à la publicité et que le volume
publicitaire augmente, ils achèteront moins de journaux, ce qui engendrera une baisse de la publicité.
On peut résumer cette situation par le schéma suivant, inspiré de l’ouvrage cité :
Figure 2. Effets de réseaux croisés dans la presse
Se met ainsi en place un système complexe où les intérêts des uns dépendent de ceux des autres
mais sont souvent contraires.
2. Une offre pour deux supports : le papier et l’écran
Les sites de presse d’information sont apparus sur le net depuis 1995, avec le lancement de Lemonde.fr
et, depuis, presque tous les grands journaux ont leur propre site Web.
18 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
a) Le Web, un média supplémentaire ?
Internet, une nouvelle façon de consommer les m édias // Selon la définition de Kotler
dans Marketing Management, un média est un « ensemble de supports qui relèvent d’un même mode
communication », c’est-à-dire un ensemble de supports homogènes. Si Internet est considéré
comme un média, il ne répond pourtant pas strictement à la définition, n’offrant pas un ensemble
homogène de supports. Pour la presse, Internet est en tout cas un nouveau moyen de communication
pour effectuer son métier. Ainsi, on retrouve souvent les mêmes informations, d’abord sur papier (le
« print ») puis sur le Web, ou inversement.
Internet est un média totalement différent des autres dans la façon dont on le consomme. S’il semble
se rapprocher de la télévision par le support de l’écran, il en diffère par une consommation « active » :
l’internaute décide de ce qu’il cherche, de ce qu’il regarde ou non, du temps qu’il y passe. Au contraire
de la diffusion de masse mise en place par tous les autres médias, les utilisateurs d’Internet
peuvent contrôler ce qu’ils écoutent ou regardent. Le changement le plus radical qu’a engendré
Internet est la possibilité de faire venir le monde à soi et de devenir soi-même producteur d’information
par le biais des outils du Web 2.0. On n’y consomme donc plus seulement de l’information, on peut la
produire soi-même. Le Web s’oppose aussi à la presse dans la variété des thèmes traités et peut
presque prétendre à l’exhaustivité, puisqu’on trouve absolument de tout sur le net, même si information
n’est pas forcément fiable. De plus, les moments consacrés à la lecture et les moments où l’on
navigue sur le Web ne sont pas les mêmes. Enfin, Internet est gratuit, ou du moins donne une
impression importante de gratuité, malgré un abonnement à un fournisseur d’accès à Internet.
Le Web, un nouveau support pour un nouveau métier // Internet met en exergue le
mythe du « village global » de Marshall Mac Luhan, face à la réalité d’un « globe des tribus » de Denis
Pingaud et Bernard Poulet (Des pouvoirs des médias à l’éclatement de la sphère publique). Internet
n’est pas juste un support de plus ; il signe la fin du journalisme tel qu’il a vécu jusqu’ici. En effet,
Internet est la troisième étape de l’ère de la communication. Dépassant les échanges personnels (un à
un), puis les médias de masse (la presse quotidienne, la radio et la télévision : un vers tous), cette
troisième étape correspond à une individualisation de la société : avec Internet, la communication va
de tous vers tous. La doxa, l’opinion prend une importance de plus en plus grande. Internet signe le
retour à un esprit collectif, à la croyance en la sagesse des foules. Dans ce débordement d’opinion, les
tribus se forment, chacun reste avec sa communauté, et la liberté offerte par Internet n’est que relative
au monde que l’on connaît : peu d’internautes savent utiliser Internet pour découvrir l’inconnu.
19 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Figure 3. Les conversations numériques : une nouvelle ère pour les médias20
Le journalisme sur le Web ne peut plus alors ressembler au journalisme du print, d’autant plus que la
lecture sur Internet n’a rien à voir avec la lecture papier : l’e-journalisme doit tout d’abord produire
des articles courts, avec des résumés, car ils ne sont pas souvent lus en entier ; il doit aussi proposer
réactivité et rapidité ; il doit enfin et surtout proposer différents liens vers d’autres articles pour satisfaire
la curiosité du lecteur et montrer différents liens vers de nouveaux thèmes. La structure des articles est
très différente, avec des phrases courtes, compréhensibles par tous. Le cyber-journalisme doit utiliser
toutes les possibilités offertes par Internet et devenir un journalisme de la vitesse.
b) Le Web, un support complémentaire
Le Web, de nouvelles possibilités pour une même mission // Internet donne le moyen
aux producteurs d’information d’une créativité démultipliée. Tout est possible pour le reportage : l’écrit,
l’image et le son se combinent pour donner lieu à des Web-documentaires, des émissions, des
zappings, etc. Le Web donne ainsi à la presse de nouvelles possibilités technologiques pour accomplir
la même mission : informer. Internet repousse les limites de ce qui était connu jusqu’alors, en termes
de format comme en termes de publicité. Ainsi, on peut utiliser la vidéo, différents formats de bandeaux
publicitaires, on peut utiliser toutes sortes de sites Web, créer du buzz, des jeux en ligne…
Le Web, le « média global » // En fait, Internet n’est pas un simple média de plus, un simple
support supplémentaire. Il entraîne une véritable révolution technologique et médiatique, dont le fer de
lance est la cible jeune. Il rassemble tous les médias en un seul support et les concurrence en rendant
les informations accessibles rapidement, gratuitement et sans intermédiaire. Il se nourrit des autres
médias, et c’est pourquoi on l’appelle parfois le « média global » : on y retrouve les films de cinéma, les
émissions et les séries de télévision, les webradios et la lecture de la presse. Ainsi, le concept
20 Etude « Marques-média et médias-marques », Irep, décembre 2009 (disponible sur Slide Share :
http://www.slideshare.net/lpto/mediamarque-marquemedia-sminaire-irep-2009)
20 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
d’« intermédialité » correspond plus que jamais à Internet. Germain Lacasse 21 définit
l’intermédialité comme « un nouvel espace symbolique, constitué par les médias dans leur rapport avec
les communautés, avec des références qui font appel soit à un autre média, soit à des produits d'autres
médias ». C’est, selon Silvestra Mariniello, la construction d’un média par la « conjonction de plusieurs
systèmes de communication et de représentation », comme « convergence de plusieurs médias »,
comme « interaction entre médias », et des « emprunts entre différents supports ».
Sur Internet, on peut lire, écouter, regarder, s’informer, se divertir,… mais, surtout, on peut le faire
autrement. Sa complémentarité avec la presse plus particulièrement se retrouve aussi parce que le
Web permet d’atteindre un public que la presse écrite a du mal à attirer et qui est friand d’Internet : les
jeunes. Il suffit de regarder quelques chiffres : la pénétration d’Internet auprès des 20/25 ans est de
85%, et 58% l’utilisent tous les jours ou presque 22 . Les chiffres de référence de l’Observatoire
Médiamétrie le confirment : ce média couvre 80% de la population des 16-24 ans au quatrième trimestre
2009, contre 61% pour les 25-34 ans. La pénétration auprès des étudiants est même de 84%. Les 16-
24 ans représentent ainsi un quart de l’audience d’Internet !
Une offre de contenu qui se différencie // Si les deux supports sont bien différents, l’offre
de contenu tend également à se différencier entre le print et le Web : les grands quotidiens donnent
ainsi certaines exclusivités au Web et d’autres au papier, et ils font également interagir les deux.
Par exemple, Le Figaro interroge ses lecteurs en ligne et fait paraître le résultat du sondage le lendemain
sur le papier en le commentant. Ce type de proposition est cependant toujours peu développé car cela
demande beaucoup d’investissements. La tendance dans les années à venir sera sans doute de
proposer deux offres totalement différentes sur le print et sur le Web, permettant de justifier le prix de
certaines informations.
c) Les sites de presse quotidienne en progression, mais confrontés à une
concurrence de puissants agrégateurs internationaux
L’année 2009 est à marquer d’une pierre blanche puisque pour la première fois un site de presse
d’information générale a dépassé un site « agrégateur d’information » : Lefigaro.fr a battu Google
News, avec 7 356 000 visiteurs uniques en septembre 2009, contre 5 988 000 V.U.23 pour le site
d’informations de Google. Les versions en ligne de Le Parisien et Le Monde dépassent toutes deux à
cette date les 5 millions de visiteurs uniques. Lemonde.fr, Lefigaro.fr, Liberation.fr et Leparisien.fr
enregistre une augmentation de leur audience cumulée de 23% entre décembre 2008 et décembre
2009. Libération a presque doublé son audience, à 3,65 millions de visiteurs uniques (son audience a
21 http://cri.histart.umontreal.ca/cri/sphere1/definitions.htm
22 Enquête sur les pratiques culturelles des Français, Ministère de la Culture et de la Communication, 2008
23 Médiamétrie//Netratings, septembre 2009, tous lieux de connexion
21 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
même augmenté depuis le lancement de sa version payante en septembre24). On voit donc que les
versions Web des quotidiens peuvent rencontrer un grand succès et sont sûrement destinées à
progresser encore.
Les sites de presse sont confrontés à deux types de concurrents. D’une part, on trouve les très puissants
agrégateurs d’information et les portails (Google News, Yahoo actualités…) qui souvent ne produisent
pas l’information eux-mêmes mais l’agrègent. D’autre part, les sites participatifs ont une audience
beaucoup plus faible mais répondent aux nouveaux besoins d’informations liés à Internet : la
contribution de l’internaute à l’information. Cette production se restreignait avec Rue89 ou MediaPart à
une participation à l’écriture d’articles ; aujourd'hui, on voit avec le succès du Post l’arrivée d’un nouveau
type de sites participatifs, davantage liés à la vidéo.
Tableau 6. Audience des principaux sites d'information en ligne en février 200925
Site
Tous Brands sauf (C) = Channel Audience totale (VU)
Médiamétrie Nielsen NetRatings Fév.09 Dont pourcentage
15/24 ans
Sites de PQN
Le Parisien (C) 4 139 000 8%
Le Monde 4 665 000 8%
Le Figaro 5 632 000 7%
Libération 2 787 000 6%
L'Humanité 319 000 8%
La Croix 415 000 7%
France Soir 545 000 9%
PQR Ouest France 2 380 000 8%
Sud Ouest 883 000 6%
PQUG 20 Minutes 3 447 000 7%
Metro France 876 000 9%
Sites participatifs
d’info. générale
Le Post 2 697 000 8%
Rue 89 1 408 000 7%
Agora Vox (C) 403 000 8%
Mediapart 328 000 9%
C. La presse écrite, un modèle en crise à tous les niveaux
La presse écrite est en crise :
- Ses recettes pâtissent de la baisse continue de la DFP et du désamour des annonceurs pour
ce vieux média. Nous verrons dans cette partie en détail les problèmes rencontrés au niveau
des lecteurs et des annonceurs ;
24 Chiffres Médiamétrie//NetRatings, décembre 2009, tous lieux de connexion
25 Source : Médiamétrie Nielsen NetRatings, Février 2009, nombre de visiteurs uniques.
22 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
- De plus, comme nous l’avons vu, ses prix de vente sont gangrenés par des coûts plus élevés
qu’ailleurs d’impression et de distribution ;
- Et enfin, elle est touchée une crise de l’offre… qui ne sait pas attirer les nouvelles générations.
1. Au niveau des lecteurs : baisse de la diffusion et vieillissement du lectorat
a) La chute des points de vente et la baisse de la diffusion
4 600 points de vente ont disparu entre 1995 et 2003 sur un total de 30 00026. La France est dans une
des plus mauvaises situations d’Europe, avec 2 000 habitants par points de vente en 2006, contre
800 pour l’Allemagne, par exemple. Or, acheter en kiosque n’est pas un acte d’anodin : cela demande
un effort pour le lecteur et provoque un coût à la fois tant temporel et financier. L’achat en kiosque
n’est donc pas facilité par le faible nombre de points de vente ; le fait que les gratuits aient supprimé cet
obstacle devant les jeunes lecteurs, encore plus que leur gratuité, est même selon Marie-Christine
Lipani Vaissade dans Les jeunes et les médias les raisons du succès, la première raison de leur
réussite. Le recul de la presse quotidienne est dû essentiellement à la diminution du nombre de lecteurs
quotidiens : de moins en moins de Français lisent chaque jour un journal. Ce recul, qui a commencé
bien avant l’avènement d’Internet et des gratuits, touche aussi bien la presse nationale que régionale.
Ainsi, en dix ans, entre 1994 et 2004, la PQN a vu sa diffusion payée baisser de 7% et la PQR de 14%,
seuls les quotidiens du septième jour parvenant à augmenter leurs ventes de 21%. Le graphe suivant
nous montre l’évolution de la diffusion depuis 1985, en baisse continue depuis 1985. La France est, par
contre, le pays européen où on lit le plus de magazines. Il ne peut s’agir uniquement d’une simple
question de désintérêt pour l’information, ni d’une spécificité culturelle française car la presse
quotidienne a connu du succès en France.
Tableau 7. Evolution de la diffusion des quotidiens, indice base 100 en 2002 (source : DDMIC)
Quand on observe les évolutions des recettes de ventes, on s’aperçoit que si les ventes par abonnement
progressent de façon régulière, ce n’est pas le cas des ventes au numéro, qui subissent des hauts et
des bas mais qui baissent en moyenne. Entre 1985 et 2008, les recettes des ventes par abonnement
augmentent de 5,5% en moyenne, tandis que celles des ventes au numéro baissent de 0,5%, malgré
26 Institut Montaigne, Comment sauver la presse quotidienne d’information , 2006
23 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
la hausse constante des prix de vente ! Outre la faiblesse de l’évolution des recettes sur près de 25 ans,
on note la perte due aux ventes en kiosque. Elle s’explique sûrement, comme nous le verrons dans la
partie suivante, par un phénomène culturel.
Tableau 8. Evolution des recettes de vente de la PQN (en milliers €)
b) Baisse de l’audience et vieillissement du lectorat
L’origine de la baisse de la diffusion est le désintérêt des nouvelles générations pour la presse
quotidienne. En effet, le lectorat de la presse vieillit et la presse d’information a oublié ses
lecteurs. Comme le dit d’ailleurs l’investisseur américain Warren Buffet, « les lecteurs de journaux
prennent la direction des cimetières pendant que les non-lecteurs de journaux sortent des universités ».
Le lectorat ne se renouvelle pas : les jeunes ne s’intéressent pas à la presse quotidienne. Aujourd'hui,
69% des Français lisent un quotidien, un taux de couverture qui a baissé de 4 points en 10 ans27.
Tableau 9. Taux de pénétration de la lecture d'un quotidien par tranches d'âge28
27 Enquête sur les pratiques culturelles des Français, 2008, Ministère de la Culture et de la Communication
28 Enquête sur les pratiques culturelles des Français, 2008, Ministère de la Culture et de la Communication
-
100 000
200 000
300 000
400 000
500 000
600 000
Recettes de Ventes Ventes au numéro Vente par Abonnement
24 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
On observe que la plus forte baisse du taux de pénétration des lecteurs de quotidiens entre 1997 et
2008 atteint les 15/24 ans, et surtout que la plus forte de baisse de lecteurs réguliers est aussi chez les
15/24 ans : le pourcentage de 15/24 ans lisant un quotidien tous les jours ou presque a diminué de
moitié, pour atteindre un jeune sur dix seulement en 2008, contre une personne de plus de 65 ans sur
deux.
2. Au niveau des annonceurs : la ruée vers Internet, où la rentabilité est moins importante pour la presse en ligne
La crise de la presse se cristallise dans sa crise au niveau publicitaire. En effet, les problèmes
rencontrés avec les annonceurs sont le signe de leurs doutes quant à la viabilité de la presse et surtout
de son efficacité en tant que média à attirer les cibles publicitaires les plus recherchées. C’est donc là
que la crise est le plus visible et la mieux expliquée et explicable.
a) Un marché publicitaire naturellement faible, où la presse vient de perdre
son monopole
Un marché relativement faible // La faiblesse du marché publicitaire français pénalise la
presse quotidienne. Avec 0,6% du PIB (contre le double aux Etats-Unis), il est au 10ème rang en
Europe29. Les investissements ne sont donc pas extensibles et la bataille est rude pour gagner en parts
de marché. De plus, les investissements en presse se sont effondrés en 2009 sous l’effet de la crise.
Le succès du hors-média // En outre, en France plus qu’ailleurs le marché publicitaire donne
la part belle au hors média, avec 63% des investissements publicitaires qui lui sont consacrés, soit 20,5
milliards d’euros en 2008. Le hors-média doit son succès à son coût beaucoup plus faible, notamment
parce qu’il passe par beaucoup moins d’intermédiaires. Son efficacité est encensée et on commence à
penser que la présence en magasin est plus rentable que la publicité traditionnelle. En fait, c’est tout
l’univers média qui est en redéfinition et dont la presse quotidienne fait les frais : de tous les médias,
elle est celui dont l’efficacité est la plus difficile à prouver. La publicité traditionnelle, sous forme
d’espaces publicitaires, laisse la place au marketing direct, la sponsorisation, l’événementiel et le
marketing personnel. Les Etats Généraux de la presse écrite, citant Robert Picard, montrent de plus
qu’en Europe « pour un euro dépensé par un annonceur, on en compte […] cinq dépensés par
l’audience. Le marché de la communication dépend de la demande et non plus d’une offre financée par
la publicité »30. Il faut donc revoir un système où la publicité prenait toute la place et duquel elle ne peut
que s’en aller progressivement, et conforter la place tenue par les revenus de la demande, et donc, pour
la presse, des lecteurs.
29 Source : WARC, cité dans Les Etats Généraux de la Presse écrite, 8 janvier 2009
30 Les Etats Généraux de la presse écrite, p. 37
25 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
La part de marché (PDM) plurimédia de la presse, qui ne cessait de baisser graduellement depuis des
années, est de 28% en 2009 avec 7,15 milliards € bruts investis31. Pour la première fois depuis sa
naissance, la presse n’est plus le premier média investi… ! Elle vient d’être dépassée par la
télévision (PDM de 30%, avec 7,59 milliards € bruts), alors que, et ce jusqu’en 1993, la presse dans
31 Chiffres investissements bruts, Kantar Media (ex TNS Media Intelligence)
-20% -15% -10% -5% 0% 5% 10% 15% 20%
Total Presse
Quotidiens nationaux
Quotidiens régionaux
Presse gratuite
Radio
Télévision
Publicité extérieure
Cinéma
Internet
Total médias
Total hors-médias
Evolution des investissements 2007/08 par média
(Données UDA)
13,1% 2,8%
12,7%
4,5%
0,4%
3,1%
63,4%
Répartition des investissements publicitaires bruts en 2008
(Données UDA)
Total presse
Radio
Télévision
Publicité extérieure
Cinéma
Internet
Total hors-médias
30%
28%
16%
15%
10%
1%
Télévision
Presse
Internet
Radio
Publicité extérieure
Cinéma
Tableau 10. Parts de marché publicitaire plurimédia de 2009 en brut (source : Kantar Media, ex. TNS MI)
26 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
son ensemble attirait plus de la moitié des investissements publicitaires tous médias confondus. La
PQN/R paraît bien minuscule et obtient une part de marché d’à peine 3,1% en 2008 avec 1,025
milliard d’euros investis32.
Une dépendance à la publicité accrue qui pose problème // La dépendance de la
presse du marché de la publicité, par nature volatile et très sensible à la conjoncture est inquiétante,
d’autant plus que les revenus en provenance de la publicité augmente plus vite en moyenne (1,3%) que
les revenus en provenance des lecteurs (0,8%) entre 1985 et 2008 (calculs d’après les chiffres DDMIC).
Dans le graphe suivant, on voit très bien les pics provoqués dans les CA de la PQN par les années
d’euphorie publicitaire (au début des années 2000 en particulier).
Tableau 11. Evolution des recettes de publicité de la PQN (en milliers €)
b) La perte de la manne des petites annonces avec l’arrivée d’Internet
s’explique par la gratuité, la flexibilité et la forte couverture de ce média
Ainsi que le montre le tableau 13, les petites annonces ont fui la presse à l’apparition d’Internet (on le
voit bien sur le graphe à partir des années 2000), où proximité, réactivité et surtout gratuité sont les
maîtres mots. Notons que la PQR se porte mieux, car elle a toujours l’avantage de la proximité, mais
elle est menacée par le succès de la presse gratuite d’annonces. Les petites annonces accusent un
recul de 12% en 2006, et de 10% en 2007 et 2008.
c) Une redéfinition du paysage média en faveur d’ Internet, où la rentabilité
pour la presse en ligne est inférieure à la presse écrite
L’avènement d’Internet et l ’efficacité publicitaire // La part de marché en brut
d’Internet atteint 16% en 2009, alors qu’elle était à peine de 1,7% en 2002, et 9,9% en 200633. En net,
la communication digitale représente un marché de 2,11 milliards d’euros en 2009, en hausse de
32 Chiffres UDA 2008
33 Source : Kantar Media (ex TNS Media Intelligence)
-
100 000
200 000
300 000
400 000
500 000
600 000
700 000
Recettes de Publicité Publicité commerciale Petites annonces
27 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
6% par rapport à 200834. Le display (la publicité « traditionnelle » en ligne, au moyen de bannières et
autres bandeaux publicitaires) est en baisse de 6% en 2009 (480 millions € nets), tandis que le search
(le référencement) augmente de 10%. On voit donc que la publicité sur Internet est d’une toute autre
forme que celle proposée par les autres médias. L’important n’est pas l’image (ou le son), ni même le
message ; ce qui importe, c’est l’efficacité. Rien que le moyen de paiement de la publicité en ligne le
prouve : on ne paie pas au nombre de pages vues, on paie au nombre de clics.
Tableau 12. Détails de l'évolution des investissements nets sur Internet 2008/0935
Or, justement, et c’est là la révolution d’Internet, cette efficacité est mesurable et est même
mesurable en temps réel, permettant le réajustement des campagnes publicitaires ! Au contraire, si
l’on veut mesurer l’efficacité de la presse écrite, on est obligé de construire une étude post-campagne
pour démontrer ses effets.
La publicité des sites de presse en ligne ne suffit pas à les faire vivre // Les
investissements publicitaires se ruent sur Internet. Or, justement, « la recette publicitaire tirée d’un
visiteur unique est vingt fois moindre que celle d’un lecteur »36. Ainsi, le revenu publicitaire annuel fourni
par un visiteur unique oscille entre 1 et 3 euros par an, contre 20 à 60 euros pour un lecteur. La presse
est donc en pleine recherche d’un modèle sur Internet : le débat du gratuit / payant sur Internet bat son
plein.
Internet, un moyen efficace de toucher la cible jeune // Pour atteindre un taux de
couverture de 60% de la population française, la radio a mis 30 ans, la télévision 20 ans, et Internet à
peine 10 ans. Près de 31 millions de Français sont connectés en haut débit (+9% en un an) 37 .
Aujourd'hui, les jeunes s’approprient et maîtrisent les technologies dès qu’elles apparaissent. Une
démonstration simple de l’efficacité d’Internet est le buzz qu’a eu la campagne Roller Babies d’Evian,
qui a obtenu un triomphe international en avril 2009 : des millions de vues sur Youtube et des
34 Source : Etude SRI-Capgemini 35 Observatoire de l’e-pub 3ème édition : Bilan 2009 et Projections 2010, Capgemini Consulting, SRI et
UDECAM, Conférence du mercredi 13 janvier 2010
36 Les Etats Généraux de la presse écrite, p.38
37 Mediamétrie, 4ème trimestre 2009
28 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
commentaires de tous les pays. Un buzz sur Internet, relayé par une campagne en télévision est souvent
bien plus efficace qu’un dispositif plus complexe.
D. Les défis de la presse écrite face aux jeunes
La cible jeune est au centre des préoccupations des acteurs de la presse quotidienne ; sans jeunes
lecteurs, l’avenir est plus noir. C’est une cible convoitée, qu’il faut savoir attirer et surtout fidéliser afin
d’assurer la survie des journaux.
1. Les jeunes, très mobiles, ont l’impression de manquer de temps et de moyens
a) Les jeunes, très peu attirés par l’offre de presse quotidienne, sont des
lecteurs occasionnels
Qui est le jeune lecteur de quotidiens ? // Comme nous l’avons vu auparavant, si 58%
des 15/24 ans lisent un quotidien payant, seuls 10% en ont une lecture régulière. En fait, les 15/24
ans sont surtout friands de magazines, où ils vont pouvoir trouver des articles correspondant à leurs
passions ou leur style de vie, ou des articles de fond dans les magazines d’actualité. Les jeunes
préfèrent acheter des magazines. Ils sont très peu nombreux à acheter de la presse d’information
quotidienne. Marie-Christine Lipani Vaissade dans Les jeunes et les médias, les raisons du succès,
dresse le portrait du jeune lecteur de presse quotidienne : c’est un lecteur occasionnel, qui a peu de
temps à consacrer à la presse, et qui ne se retrouve pas dans une presse qu’il trouve « chère et
rébarbative ». En fait, les jeunes qui achètent de l’information quotidienne sont peu nombreux, d’abord
parce que ce que l’offre ne leur correspond pas, et ensuite parce que, de toutes les générations, ils font
partie de celle qui connaît le mieux les moyens de s’informer rapidement et souvent gratuitement grâce
aux nouvelles technologies.
Ainsi, les gratuits ont trouvé leur succès grâce aux jeunes, population délaissée par les journaux
traditionnels, et pourtant cible publicitaire très convoitée ! Pourtant, « croire que le succès des gratuits
est dû à leur unique gratuité est une erreur » affirme Marie-Christine Lipani Vaissade dans une interview
à CB News38. Si les gratuits ont pu réussir à entrer dans le peloton de tête des grands journaux
français, ce ne peut-être que parce qu’ils ont pu combler une attente chez leur public et qu’ils ont
réussi à fidéliser leur lectorat. En effet, les jeunes aiment s’informer mais peut-être ne se retrouvent-ils
pas dans les quotidiens traditionnels.
Manque de ressources et importance du prix psychologique // Le succès des
gratuits est manifeste d’un autre problème : la lecture de quotidiens permet de rentabiliser son temps
dans les transports en commun. Laure Descombres, dans Le Marketing des 18-30 ans : La Cible des
38 CB News, Quotidiens gratuits cherchent relais de croissance, n°999, 02/02/2009
29 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
« pré-adultes »39 met cela en avant : les jeunes ont l’impression d’avoir peu de temps, et ils vont
chercher à utiliser leur temps libre pour les loisirs, les amis et les sorties. En plus de cette sensation de
manque de temps, ils ont souvent peu de ressources, surtout quand ils sont étudiants. Le prix des
quotidiens est alors un frein immense, mais plus que tout, le prix psychologique des quotidiens est
l’obstacle majeur à l’accès à la presse quotidienne par ces jeunes : en effet, au prix matériel du
quotidien s’ajoute celui beaucoup plus grand du déplacement et de l’achat du journal, qui prend trop de
temps. Pour acheter un quotidien, il faut le vouloir.
b) Le « journal de papa », c’est démodé !
Des moments de consommation et un rite différent s // En 2007, les trois quarts des
15-24 ans passent plus de 6 heures hors domicile par jour moyen de semaine (soit 1,5 fois le temps
hors domicile de la population française)40. Les moments de consommation de la presse diffèrent
énormèment, comme le montrent les graphiques ci-après, tirés de l’étude de Médiamétrie, Media in
Life :
Tableau 13. Evolution de la part de présence multimédia dans la journée chez les 15 ans et plus
L’ensemble de la population française âgée de plus de 15 ans a une part de présence (soit, un
pourcentage de contacts) de 9% avec la presse, assez homogène tout au long de la journée. On
observe une importance certaine de la radio la matin, remplacée par la télévision le soir.
39 Le Marketing des 18-30 ans : La Cible des « pré-adultes », Descombes L. Cormelles-Le-Royal, EMS (2002)
40 SIMM 2007, indice 149
30 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Tableau 14. Evolution de la part de présence multimédia dans la journée chez les 15/24 ans
Chez les 15/24 ans, en revanche, la télévision n’a pas une part aussi forte, et le Web et l’ordinateur ont
une présence beaucoup plus importante tout au long de la journée. De plus, les contacts avec la
presse sont regroupés autour de la tranche horaire 6h-10h : les jeunes lisent le matin, et donc,
comme ils les prennent plus que les autres, dans les transports en commun. Ils s’informent grâce au
quotidien gratuit du matin, puis grâce à la radio, au Web et au journal télévisié du soir. Ils ont
complètement intégré l’idée du multimédia et ont besoin de plusieurs sources d’information.
Chez les jeunes, la presse, pour ceux qui la lisent, est donc devenue un rite du matin, ce qu’elle n’est
pas pour la génération précédente. Souvent même, les enfants ont pu grandir en voyant leurs parents
lire un quotidien le soir ou partir l’acheter le dimanche matin. Le moment de lecture de la presse n’est
plus le même, ses significations non plus. On peut donc supposer que les jeunes ne cherchent plus la
même chose dans la presse.
Une rupture avec l’offre : défiance envers une presse donneuse de leçons //
Marie-Christine Lipani Vaissade montre dans son ouvrage que, souvent, les jeunes disent qu’ils liront
la presse quotidienne nationale plus tard ; en effet, on peut penser qu’ils l’admirent même s’ils ne la
lisent pas. Ils avancent qu’ils la liront quand ils en auront « besoin » car ils imaginent que dans la vie
active c’est important. Pourtant, il s’agit d’une presse à laquelle on doit s’habituer. Les jeunes la
ressentent souvent comme une presse difficile d’accès et peu attrayante : elle n’est pas pour eux, ils ne
s’en sentent pas les destinataires. Bref, la presse quotidienne est pour eux quelque chose de lointain.
Au-delà de ce problème, on note chez les jeunes plus que chez toute autre génération, une défiance
envers les journalistes. Le Baromètre TNS-La Croix l’a montré récemment, la presse est un des
médias en lequels les Français ont le moins confiance : seuls 52% des Français pensent que les choses
se sont passées comme la presse les restituent, contre 58% pour la radio… mais 31% pour Internet.
31 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Chez les jeunes, cette défiance va plus loin, dans le sens où elle cherche à s’éloigner de l’avis du
journaliste : on peut en effet penser que le succès des gratuits passe aussi par la recherche d’une
information neutre et sans avis politique. Les jeunes, qui lisent surtout dans les transports en
commun, n’ont peut-être pas envie d’afficher leur opinion aux yeux des autres et être ainsi jugés. Les
jeunes reprochent peut-être plus simplement à la presse, comme le dit Bernard Poulet, son « ambition
démesurée de fixer les valeurs de la société, non plus au nom d’un engagement, mais sous le masque
de l’objectivité »41 : ce n’est pas le côté politique de la presse quotidienne d’aujourd'hui qui dérangerait,
mais son attitude de donneuse de leçons, faire croire qu’elle est objective tout en montrant ce qu’il faut
penser. Or, quelles qu’en soient les raisons, cet apolitisme ou cette volonté de non-jugement de la
part de la jeunesse est problématique pour la PQN/R, réputée être une presse d’opinion.
2. La génération Y est la génération du numérique
Ces changements majeurs interviennent dans une toute nouvelle configuration de la consommation des
médias.
a) Les « digital natives » marquent une rupture avec la génération X par leur
consommation média en faveur des nouveaux écrans
La génération précédente (la génération X) a grandi avec la télévision. La génération Y est quant à elle
marquée par l’apparition d’Internet mais aussi, plus globalement, par sa sensibilité à la technologie. On
les appelle également les « digital natives », ou encore la « génération numérique » : c’est une
génération qui a connu dans son enfance les dernières innovations technologiques. Pour eux,
comme le dit Alan Kay, « technology is technology only for people who were born before it was
invented » (« la technologie n’est de la technologie que pour ceux qui sont nés avant qu’elle ne soit
inventée »).
41 La fin des journaux et l’avenir de l’information, Bernard Poulet, Collection Le Débat, GALLIMARD (2009)
32 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Cette génération met en place une véritable révolution sociologique avec de nouveaux
comportements et types de vie. La génération Y passe plus de temps devant ce qu’on appelle les
« nouveaux écrans » (ordinateur, téléphone mobile, consoles de jeux…) que devant la télévision,
comme le montre le tableau 17. Le temps passé devant le petit écran est même en diminution chez les
jeunes : « les 15-24 ans d’aujourd’hui, tout en ayant des contacts plus fréquents avec la télévision que
leurs homologues de 1997, ont dans l’ensemble un volume hebdomadaire de consommation inférieur
de deux heures » 42.
42 Enquête sur les pratiques culturelles des Français, 2008, Ministère de la Culture et de la Communication
52%
27%
14%
7%
Fréquence de connexion des 15/24 ansInternautes dernier mois, 1er trimestre 2009
Source : Médiamétrie
Tous les jours
Presque tous lesjours
1 à 2 fois parsemaine
moins souventou sansreponses
33 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Tableau 15. Temps hebdomadaire consacré aux écrans par tranches d'âge43
Ce qui distingue la génération numérique des autres générations, c’est non seulement le taux de
couverture (6,7 millions d’internautes dernier mois sur 7,5 millions de 15/24 ans, soit presque 90% !)
mais également le temps passé sur Internet. Ainsi, à domicile, ils passent 40 minutes par jour sur le
Web. 70% d’entre eux déclarent d’ailleurs ne plus pouvoir se passer d’Internet. Comme le montre le
mapping suivant, la télévision n’a une pénétration que de 28% chez les 15/24 ans, contre presque 40%
dans l’ensemble de la population de plus de 15 ans. Le temps consacré à Internet, avec une part de
présence de 14% est quasiment multiplié par deux. La presse, avec un indice inférieur à 100, n’a une
pénétration que de 5,4%...
Tableau 16. Mapping Affinité / Pénétration multimédia chez les 15/24 ans44
L’omniprésence des écrans et la consommation multi -écrans // Non seulement les
jeunes ont une consommation différente des médias, mais ils en également consomment plusieurs à la
fois. La sociologue Gilles Lipovetsky parle ainsi d’ « écran global » car tous les écrans des différents
médias se confondent de plus en plus et interagissent. Cette omniprésence est d’abord possible grâce
43 Enquête sur les pratiques culturelles des Français, 2008, Ministère de la Culture et de la Communication
44 Source : Etude Médiamétrie Media in Life 2008
34 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
à la miniaturisation technologique, mais également parce que les jeunes combinent les différents
médias dans leur consommation : ils mélangent les usages, peuvent ainsi écouter de la musique tout
en étant sur Internet, jouer aux jeux vidéo en regardant la télévision, etc.
La jeunesse est donc au cœur de ce que Laurent Sorbier appelle, dans la revue Esprit, la « révolution
numérique » : il y a dans nos sociétés « la diffusion, à une vitesse sans précédent, de l’usage de
l’ordinateur personnel, d’Internet, puis de toute panoplie d’outils numériques, qui s’accompagne d’un
discours messianique sur l’avènement d’une société d’information ». Ainsi, cette révolution dans la
consommation médiatique n’est pas sans conséquence sur les manières de penser et d’agir, et donc,
finalement, sur les attentes et les besoins des jeunes en matière d’information.
b) Leur goût pour Internet et les réseaux sociaux se construit autour de
nouvelles valeurs sociales qui créent des besoins nouveaux en matière
d’information
L’avènement d’une culture jeune et l ’apparition de nouveaux besoins // Les
nouveaux outils sont parfaitement conformes à leur mode de vie : ils sont mobiles, interactifs et
représentent un vrai espace de liberté. Selon Florence Hermelin, directrice de NRJ Lab, « les jeunes
privilégient l’utilisation de l’écran car il préserve du regard de l’autre et libère de toute inhibition pour
découvrir le monde ». La génération Y commence à façonner un nouvel univers, et leurs attentes face
à tous les médias traditionnels s’en trouvent modifiées. Le rapport à l’information lui-même s’en trouve
transformé. Sur Internet, l’information est gratuite, en libre accès, commentée par tous, modifiable. De
ce fait, Internet a forgé une « contre-culture de la gratuité, de l’interactivité, du nivellement des
savoirs, de l’instantanéité voire de l’instabilité »45. On a souvent parlé de démocratisation grâce à
l’Internet : tout est accessible à tout le monde de la même façon et au même moment. En conséquence,
de nouveaux besoins apparaissent : Internet habitue à la rapidité dans la mise en ligne de l’information.
Internet, c’est l’instantanéité, l’ubiquité, l’accessibilité et le collaboratif. Les jeunes ont donné
naissance à de nouveaux usages plus qu’à de nouvelles technologies : ils plébiscitent les blogs,
les forums, les commentaires, le téléchargement… De plus, la navigation sur un site Internet doit être
fluide et on doit pouvoir passer d’un sujet à l’autre sans problème, sans même que ces sujets aient un
rapport entre eux. Il y a également une exigence d’interactivité : l’internaute doit avoir la possibilité de
commenter, de réagir, de rectifier les informations. Parallèlement à la défiance envers le journalisme
que nous avons vue auparavant, les internautes accordent une confiance de plus en plus
importante aux jugements de leurs pairs : les commentaires sont lus, même si l’on ne commente pas
forcément soi-même. Ceci explique la multiplication des blogs, qui commentent l’information ou qui
simplement parle d’un secteur en particulier. En découle un parcellement de l’information.
45 Florence Hermelin, NRJ Lab, citée dans le Rapport d’information sur l’impact des nouveaux médias sur la
jeunesse, par le Sénateur David ASSOULINE
35 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Un besoin d’information tra nformé par les réseaux sociaux // La définition du
réseau social par Laurent Suply, journaliste au Figaro.fr et auteur du blog high tech « Suivez le geek »46,
est simple et juste :
« Le terme désigne un site Internet permettant à l’internaute de s’inscrire et d’y créer une carte
d’identité virtuelle appelée le plus souvent "profil". Le réseau est dit social en ce qu’il permet
d’échanger avec les autres membres inscrits sur le même réseau : des messages publics ou privés,
des liens hypertexte, des vidéos, des photos, des jeux… L’ingrédient fondamental du réseau social
reste cependant la possibilité d’ajouter des « amis », et de gérer ainsi une liste de
contacts. L’émulation des réseaux sociaux fonctionne ensuite sur deux principes que l’on peut
résumer ainsi : 1) "Les amis de mes amis sont mes amis", et 2) "Les personnes qui partagent les
mêmes centres d’intérêts que moi sont mes amis". »
L’exemple de réseau social le plus connu est celui de Facebook, mais on trouve aussi des réseaux
professionnels (LinkedIn, Viadeo, 6nergies…), généralistes (Copains d’avant), de partage de photos
(Flickr)… Twitter est le nouveau venu ; il s’agit d’un site de micro-blogging : l’utilisateur doit écrire en
moins de 140 caractères ce qu’il fait, ses pensées du jour, ou relayer des informations… A la différence
de Facebook, de nombreuses célébrités y sont présentes, et les « Tweeterers » peuvent suivre leurs
fils d’information (leurs « tweets » ou « twits » : littéralement, leurs « gazouillis »). Par exemple, voici le
dernier tweet du Président Obama à propos de la réforme de la santé américaine : « Thank you for your
tireless work and for never giving up. You showed that change is possible—this is your victory.
http://bit.ly/bU0eNk ».
Frédéric Filloux, blogueur influent avec Monday Note, résume l’impact des réseaux sociaux sur
l’information en deux notions : l’« information commodity » et le « chaudron participatif » 47 .
L’ « information commodity » définit la masse d’information brute produite par les communautés.
Les attentats de Bombay retransmis en live sur Twitter ou encore les émeutes en Iran vues sur Youtube
en sont les témoins les plus marquants. L’audience est immense mais la valeur de cette information est
quasiment nulle car elle est disponible pour tous et gratuite. Selon Frédéric Filloux, Le « chaudron
participatif » a pour postulat : « si un événement buzze, c’est qu’il existe ». Les notions d’origine ou
de fiabilité des faits évoqués n’ont presque plus d’importance, seul compte le fait qu’on en parle. Les
réseaux sociaux sont le relais puissant de ce nouveau type d’information grâce à une audience
colossale, et surtout un temps passé incroyablement élevé : ainsi, les 15-24 ans passent presque six
heures par mois devant Facebook48…
Les conséquences sur l’ information // Cette recherche parcellaire d’information amène
Jacques Piette à constater que « les jeunes revisitent surtout des terrains connus plutôt qu’explorer de
46 http://blog.lefigaro.fr/hightech/2008/01/definition-reseau-social.html
47 « Communiquer sur Internet 2010 », publication de l’IAB France, p.12, chapitre « Médias et Communautés »
48 Médiamétrie Nielsen NetRatings, Février 2010, tous lieux de connexion
36 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
nouvelles parties du réseau »49. On ne cherche pas à aller plus loin que ce que l’on connaît déjà et il
est connu que sur Internet on se rend presque toujours sur les mêmes sites. Les internautes restent
donc dans un même monde. La première conséquence sur l’information est donc que les jeunes ne
font pas l’effort de chercher d’autres informations, alors qu’ils font pourtant preuve d’une grande
curiosité pour tout ce qui est divertissant ou qui a trait à la technologie, ou qui, plus simplement, les
intéresse déjà. Google est le premier réflexe des jeunes lorsqu’ils veulent effectuer une recherche.
La deuxième conséquence pour l’information est que l’information devient un produit comme un
autre. Le fait de lire de simple résumés, de se contenter de quelques ligne sur un fait d’actualité diminue
le besoin d’une information recherchée, détaillée : on n’a pas besoin des commentaires des journalistes,
seuls les faits sont demandés, puis on passe à autre chose. Les jeunes glanent quelques informations
de-ci delà, la survole, dans un zapping permanent.
Enfin, la troisième conséquence est clairement montrée par le récent sondage « L’information au
quotidien » effectué par TNS Sofres : 35% des 15/34 ans voient en Internet une source d’information
qui remplace les journaux contre 26% en moyenne. L’utilité même du journal est remise en cause. Il
s’agit d’une tendance de fond internationale puisque, selon une étude du Pew Research Center, 40%
des Américains recherchent principalement les informations nationales et internationales sur Internet,
contre 35% pour la presse papier50.
Tableau 17. Internet, une source d’information qui remplace les journaux (Sondage TNS Sofres)
3. Le besoin de gratuité
L’information payante se trouve dévalorisée face à l’avalanche de gratuité que proposent à la fois
Internet et les journaux gratuits. En effet, pourquoi payer quand on peut trouver la même chose ailleurs
et gratuitement ? Pourquoi payer quand on sait que quelqu’un quelque part sur un blog répètera
l’information ? Une étude de CSA pour Bayard Presse51, intitulée « La génération de la gratuité » décrit
49 Le nouvel environnement médiatique des jeunes : quels enjeux pour l’éducation aux médias ?, Agora, Dossiers
technologiques de l’information et de la communication : construction de soi et autonomie, n°46, 4ème trimestre
2007
50 Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles, Actualités de la Presse écrite : « La presse
américaine en pleine transition du papier au numérique », http://www.ddm.gouv.fr/article.php3?id_article=1479
51 Sondage de l’Institut CSA pour BAYARD PRESSE/PHOSPHORE, La génération de la gratuité, Juillet 2005
37 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
ce phénomène. Le fait que les jeunes soient les plus nombreux à penser que ce serait une bonne chose
que les journaux gratuits remplacent à terme les journaux payants montre l’ampleur du malaise : où est
passée la valeur ajoutée proposée par la presse payante pour les jeunes ? Comment revaloriser
l’analyse de l’information qu’elle propose ?
Tableau 18. Résultats « La génération de la gratuité », Sondage CSA pour Bayard Presse / Phosphore
Pensez-vous que c’est une très bonne chose, une assez bonne chose, une assez mauvaise chose ou une très mauvaise chose si à terme les journaux gratuits remplacent les journaux payants ?
%
TOTAL Bonne chose
Très bonne chose
Assez bonne chose
TOTAL Mauvaise
chose
Assez mauvaise
chose
Très mauvaise
chose NSPP
Ensemble 100 65 17 48 34 27 7 1
15/17 ans 100 74 13 61 25 22 3 1
18/24 ans 100 60 19 41 39 30 9 1
La démocratisation que propose Internet peut être vue comme un leurre à bien des égards. En effet, si
l’information est partout présente, gratuite et abondante, le sentiment de surinformation envahit le net.
On a beau savoir tout et très vite, il reste un véritable sentiment de mal-information.
4. Finalement, une offre éditoriale inadaptée aux attentes, aux préoccupations et aux modes de consommation des jeunes
Finalement, on retrouve à travers tous ces éléments une rupture et une incompréhension mutuelle entre
les jeunes et la presse quotidienne payante. D’un côté, les uns ne voient plus l’utilité de la presse
quotidienne payante, et de l’autre, la presse n’arrive pas à apporter des réponses correctes à ces
nouvelles attentes. Ce champ libre a laissé la place aux gratuits d’information, qui ont pu en enlevant
les obstacles entre la presse écrite et les jeunes (par la gratuité, la disponibilité et la clarté) séduire une
population oubliée par les grands journaux. Cependant, leur force a surtout été d’offrir une écriture
proche des jeunes, avec des sujets qui les intéresse.
E. En résumé, un business model qui ne fonctionne plus
1) Le processus de remise en cause de la presse par les jeunes
Les jeunes de 15/24 ans sont au sein d’une période de transistion, pednant laquelle ils sont au début
ou ne sont pas encore dans la vie active. Durant cette période incertaine :
- Ils ont des ressources limitées mais peuvent dépenser beaucoup pour des nouvelles
technologies,
- Ils manquent de temps ou du moins ont la sensation de manquer de temps et préfèrent
consacrer leur temps libre aux loisirs,
- Et ils sont technophiles et zappeurs dans leur consommation de média.
38 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Figure 4. La situation des jeunes de 15/24 ans : au cœur d’une période de transition
On peut donc voir que les jeunes remettent en cause la PQN/R par trois éléments essentiels :
- Tout d’abord, ils consomment peu ou pas la presse quotidienne, et ne semblent pas avoir
une fidélité à une marque. Ils préfèrent tout ce qui est pratique et gratuit, qui leur permet de
rentabiliser leur temps dans les transports en commun. Ils ont intégré la gratuité comme modèle
et ne voient pas la valeur apportée par de l’information payante, même s’ils pensent la lire plus
tard.
- Cette consommation différente de la PQN/R provient de leurs nouveaux modes de vie : ils
ont une grande sensation de manque de temps et d’argent. Les quotidiens leur paraissent
chers et ennuyeux et ils préfèrent garder leur temps libre pour se divertir. De plus, ils ont de
toutes nouvelles pratiques média, ils sont technophiles, maîtrisent les nouvelles technologies
dès qu’elles apparaissent et peuvent combiner l’utilisation de différents médias. Dans cette
avalanche de rapidité et flexibilité, la presse quotidienne paraît un média bien peu réactif.
Ces nouveaux modes de vie correspondent à de nouvelles attentes des jeunes, qui sont très
éloignées de l’offre actuelle de la presse payante : ils recherchent des informations claires et
succinctes, ils ne veulent pas sentir qu’on leur donne des leçons au travers d’un article car ils ont
besoin de penser par eux-mêmes. Internet leur a donné la conviction que la démocratisation
de l’information est une bonne chose et ils aiment conjuguer les différentes sources
d’information. Ils veulent se sentir destinataires de l’information, ce que la presse quotidienne
payante leur refuse jusqu’ici, en leur proposant une littérature complexe et un univers trop élitiste.
On peut résumer cette situation par le schéma suivant :
39 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
2) Un business model qui ne fonctionne plus
Les jeunes remettent donc en cause le business model de la presse en :
- Lui enlevant une source de revenus précieuse (l’achat, l’abonnement)
- Lui demandant de révolutionner ses supports (Web, ordinateur ou téléphone)
- Exigeant de nouveaux contenus
…Car :
- Ils n’achètent plus de print, pas de quotidiens en tout cas.
- Ils ne semblent pas fidèles à une marque en particulier ; ils ont plusieurs sources d’information.
- Ils ne valorisent pas l’information comme la génération précédente et ne comprennent pas
pourquoi il faudrait payer pour de l’information.
LEUR CONSOMM
ATION ACTUELLE
DE LA PRESSE
• Lecture occasionnelle
• Pas de fidélité à une marque en particulier
• Préférence pour la gratuité, la rapidité, la praticité
• Intégration de la gratuité comme modèle
LEURS NOUVEAUX MODES DE
VIE
• Sensation de manque de temps et mobilité : recherche de rentabilisation
• Manque d’argent : dépenser pour se divertir
• Passion pour la technologie
• Pratique du zapping entre médias
LEURS ATTENTES,ÉLOIGNÉE
S DE L’OFFRE PAYANTE
ACTUELLE
• Infos claires et succinctes
• Refus d’être politisés ou de se sentir jugés
• Génération du visuel : images, schémas, couleurs
• Maquettes claires, comme sur le net, avec plusieurs portes d’entrée
• Volonté de se sentir destinataires de l’information
Figure 5. Le processus de remise en cause de la PQN/R par les jeunes
40 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Il existe une véritable rupture générationnelle autour d’une révolution numérique. Cette rupture entraîne
pour la presse :
- La remise en cause du support papier (dans les déplacements quotidiens : le téléphone avec
l’iPhone et l’accès à LeMonde.fr, le MP3 et podcasts téléchargés sur le net, l’ordinateur avec
les vidéos, etc.)
- Le besoin d’utilisation des opportunités d’Internet (vidéos intégrées dans les reportages,
Le Talk Orange-Le Figaro, newsletters, liens vers d’autres articles, hiérarchisation de l’info,…)
- L’importance d’une offre adaptée : l’importance de la marque, repère dans l’immensité
d’Internet, besoin d’une information fiable dans un univers de sur-information, baisse de la
légitimité d’une information payante.
On peut résumer la situation par le schéma suivant :
UN BUSINESS MODEL QUI NE FONCTIONNE PLUS
LES LECTEURS LES ANNONCEURS
LE
PR
INT
Baisse continue de la diffusion
Vieillissement du lectorat
Succès des gratuits auprès des jeunes qui met en exergue une offre payante inadaptée à cette cible
Des problèmes structurels jamais résolus (distribution, coûts prohibitifs) qui handicapent l’accès au papier : prix psychologique important
Crise et redéfinition des budgets de communication au profit d’Internet (baisse des investissements même en presse gratuite)
Domination du hors média et remise en cause de l’efficacité publicitaire de la presse écrite
LE
WE
B
Des sites dont l’audience ne cesse d’augmenter mais qui sont confrontés à la concurrence d’agrégateurs d’information puissants et à la remise en cause de leur modèle d’information par les sites participatifs
Une audience plus jeune mais qui pratique le zapping et refuse de payer
Des jeunes internautes aux habitudes et aux besoins d’information nouveaux, qui accordent de l’importance au buzz et aux réseaux sociaux pour s’informer
L’émergence d’une croyance en la démocratisation par Internet, qui remet en cause l’existence des journaux
Un goût des jeunes pour les nouvelles technologies qui remet en cause le support papier
La publicité display, vendue par les marques de presse en ligne, est en difficulté
Un revenu publicitaire par visiteur très inférieur au print
Un revenu publicitaire capté par les moteurs de recherche et les portails
41 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
II. CEPENDANT, INTERNET EST AUSSI UNE OPPORTUNITE POUR ATTEINDRE CES JEUNES ET CONQUE RIR UN NOUVEAU LECTORAT
A présent que nous avons étudié les nouveaux usages des jeunes en matière d’Internet et des nouvelles
technologies, et comment ceux-ci remettent en cause la presse dans le système de création de valeur
tel qu’il existe aujourd'hui, il nous faut tout d’abord regarder quelles ont été les solutions mises en place
jusqu’ici, les recherches et leurs limites afin de dégager les facteurs clés de succès de la presse sur
Internet pour atteindre la cible jeune.
A. Veille : quelles ont été jusqu’ici les réponses de la presse à ces problèmes ?
Même si la réaction des éditeurs français a souvent été décriée comme lente et se reposant trop sur les
aides de l’Etat, ces dernières années ont été les témoins de nombreux investissements sur le Web
de la part des quotidiens nationaux et régionaux. On a aussi vu apparaître de tous nouveaux genres de
sites d’information, les sites d’information dits « participatifs ».
1. Les réponses au niveau étatique
La mise en place de la campagne « Mon journal offert » souligne l’investissement de l’Etat dans les
problèmes de la presse. Le succès de cette initiative, qui proposait aux jeunes de moins de 24 ans de
recevoir gratuitement un quotidien parmi soixante quotidiens régionaux ou nationaux de façon
hebdomadaire pendant un an, prouve l’intérêt des jeunes pour la presse. L’abonnement comprenait
généralement un abonnement au site Internet de la marque pendant quelques mois. 200 000 jeunes de
18 à 24 ans ont ainsi bénéficié de l’offre, grâce à un soutien de l’Etat de 15 millions d’euros sur trois
ans dans le cadre des missions du Fonds de Modernisation de la Presse (FDM).
Selon un communiqué52 du Ministère de la Culture et de la Communication, l’opération « Mon journal
offert » s'inscrit dans « un plan ambitieux de réflexion sur les média » et vise :
- la conquête du jeune lectorat par une découverte progressive non contraignante,
- la fidélisation sur une période suffisamment longue d’une année,
- la production d’un contenu dédié adapté aux attentes des jeunes lecteurs,
- et le développement de l’interactivité grâce à des actions plurimédia.
52 http://www.culture.gouv.fr/mcc/Actualites/A-la-une/Operation-Mon-journal-offert-un-succes
42 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
2. Les réponses au niveau organisationnel
Au niveau organisationnel, la convergence des médias a rendu plus pertinente l’inauguration de
rédactions bi-média. En 2008, même le Washington Post est passé à une rédaction bi-média.
a) Les avantages et inconvénients des rédactions bi -média
Les avantages d’une rédaction bi -média // Les avantages peuvent se résumer en trois
mots : réactivité, complémentarité et exhaustivité. Réactivité car une réaction bi-média permet, en allant
au-devant des événements par sa partie Web, d’être toujours au fait des actualités importantes. De
plus, le journalisme change et beaucoup d’événements naissent sur le net. La complémentarité naît
de la complémentarité des deux médias : Internet devient le domaine de l’actualisation en permanence,
de la recherche d’informations sur le vif, tandis qu’à l’écrit est dédiée une volonté d’explication, d’analyse
et de recherche plus profonde. Un bel exemple de complémentarité est le sondage que l’on fait sur le
net, et dont la promotion a été faite sur le papier, et dont les résultats paraîtront à la fois sur le Web et
sur le quotidien du lendemain. De ce fait, la parution papier peut bénéficier des articles Internet. La
presse, avec le à la fois le Web et l’écrit, met ainsi en place une exhaustivité de l’information : ce qu’on
ne trouve pas sur la version papier sera sur la version online, etc. Bien sûr, il y a des métiers du Web
dans lesquels les journalistes ont souvent peu d’expérience, comme la production de vidéos. A ce
propos, Edward Roussel, rédacteur en chef du Telegraph.co.uk conseille de « faire vous-même ce que
vous savez faire de mieux et sous-traiter le reste ».
Les inconvénients d’un journalisme bi -média // Le journalisme bi-média bouscule
certains métiers, et de nouvelles fonctions apparaissent, comme les animateurs de communauté.
Cela pose également la question de la qualité éditoriale. Selon le World Editors Forum (« Trends in
newsrooms 2009 »), il est essentiel pour qu’elle soit assurée d’offrir une formation multimédia à
l’ensemble du personnel. Le journalisme bi-média demande surtout un temps d’adaptation et une prise
en compte des difficultés des journalistes. A cet égard, Le Figaro propose à ces journalistes papier
d’intervenir sur le site au moyen d’interviews de manière volontaire, afin de les impliquer petit à petit
dans le processus53. Enfin, cela amène la question du statut du journaliste et du statut d’éditeur des
marques de presse pour leurs sites de presse en ligne.
b) Du e-journalisme… au m-journalisme ?
Le journalisme de presse est un métier en profonde transformation. En témoignent les versions mobiles
de sites Internet et l’engouement pour les smartphones et les applications iPhone qui amènent
l’avènement d’un nouveau type de journalistes : les mojos, pour « mobile journalists ».
53 Cf. Interview de Clément Courvoisier, Directeur Marketing du Figaro.fr en annexe.
43 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
3. Le système de rentabilité choisi pour le site Internet
Le système de rentabilité sur Internet fait actuellement l’objet de nombreux tâtonnements de la part
de la presse en ligne. Le fait que certains sites aient été payants, puis gratuits, puis redeviennent
payants en est la preuve manifeste. Cette étape est cruciale et indispensable, d’autant plus que, nous
l’avons vu en première partie, la rentabilité d’un lecteur sur le Web est infime en comparaison avec le
papier, ramenant l’idée d’un avenir sans papier à la simple chimère ; faute de modèle économique
viable, la solution du tout écran est encore écartée : le payant revient en force pour compenser la
baisse des revenus publicitaires.
a) L’abandon du tout-gratuit
En février 2009, Le Figaro, fer de lance du mouvement tout-gratuit, a lancé une nouvelle formule sur le
Web avec des abonnements payants. Libération est également devenu payant, mais dans une plus
grande mesure puisqu’on ne peut plus consulter les articles que l’on pouvait habituellement consulter.
Ce regain d’intérêt pour le payant provient de la crise qui a tiré vers la bas les tarifs publicitaires sur le
net. Selon Philippe Jannet, Président du Monde Interactif, « on ne peut pas espérer financer un site de
contenus par la publicité. Toute la problématique est de savoir où placer le curseur entre gratuit et
payant. Mais il faut vendre d’abord la qualité du service »54. Or, justement, comment proposer un
service de qualité quand on n’arrive pas à financer ce qui fait son avantage concurrentiel ?
Internet a entraîné une destruction de valeur très importante des contenus, puisque l’on trouve
l’information partout… alors que les coûts demeurent. Au-delà de la non-rentabilité de ce système, Eric
Fottorino, Président du Directoire du Monde martèle que « le tout-gratuit est une illusion totale […] : il
grève l’indépendance des journalistes et uniformise les contenus »55. L’heure est donc à la désillusion
pour les éditeurs de presse quotidienne.
b) Les modèles mixtes
Définition et évolutions // Les modèles mixtes forment aujourd'hui la quasi-totalité des sites
de presse quotidienne en ligne. Ces sites présentent une partie gratuite et visible de tous les internautes,
généralement majoritaire, ainsi qu’une zone payante. Le site est alors financé par la publicité mais
aussi par les internautes abonnés qui peuvent accéder aux zones payantes. Le Monde a ouvert
son site en mode mixte en 2002. Cela s’est révélé un excellent modèle, selon les mots-mêmes de
Philippe Jannet56, Directeur du Monde.fr. La publicité représente 60 à 65% du chiffre d’affaire du site,
tandis que le reste provient à la fois des abonnements, de la vente de contenus, en B-to-C (ventes
d’articles d’archive par exemple) ou B-to-B. Les abonnements sont à 6€/mois ou 15€/mois, pour obtenir
54 Stratégies n°1558, 24 septembre 2009
55 CB News, 6 avril 09, n°1008, « Le papier encore plus lourd que l’écrit »
56 Conférence EBG « Les grands enjeux gratuit / payant », 14 janvier 2010, en présence de Philippe Jannet,
directeur du Monde Interactif
44 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
le journal en version PDF. Toujours selon Philippe Jannet, le taux de marge représente 15 à 25% selon
les années, soit 3 à 4 millions d’euros pour un chiffre d’affaire de 17,5 à 18 millions d’euros. Les Echos
ont un modèle similaire, où la partie payante est plus importante que la partie gratuite ; en effet, il s’agit
d’une communauté qui a d’importants moyens, qui est identifiée et homogène. L’enjeu pour un site est
donc de savoir valoriser son audience.
Les moyens de paiement et systèmes de monétisatio n // Dans un système mixte, il
est important, et encore plus pour les jeunes, de rendre le système de paiement aisé. Il est
psychologiquement difficile et peu pratique de devoir sortir sa carte bancaire pour payer de petites
sommes. De plus, le numéro de carte bancaire doit être demandé de nouveau, une fois la carte périmée.
Le meilleur moyen de faciliter le paiement est d’obtenir un RIB de la part de l’internaute. Un autre modèle
de monétisation se dessinera bientôt avec la publicité insérée avant ou après une vidéo sur un site.
L’Internet mobile présente des opportunités certaines // L’avènement de l’Internet
mobile permet de faire payer simplement des services. Parmi tous les smartphones, ces téléphones
avec accès à Internet, l’iPhone présente l’avantage de dépendre d’un opérateur unique. Avec 2
millions d’utilisateurs, il représente à lui seul 80% de l’Internet mobile. Une application est un petit
programme symbolisé par une icône permettant d’accéder directement à un site Web. Plus d’1 milliard
de ces applications ont été téléchargées dans le monde 57 . Plus de 35 000 « apps » sont ainsi
disponibles sur l’AppStore d’iTunes. Elles peuvent être gratuites ou payantes et font l’objet d’un choix
volontaire de téléchargement de la part du mobinaute. Les « apps » payantes sont très faciles à
télécharger, puisqu’il n’y a qu’à entrer son code d’utilisateur pour payer. L’iPhone a ainsi permis
d’augmenter de 15% l’audience de la marque Le Monde.fr. L’application gratuite du Monde possède
déjà 100 000 utilisateurs58. Il sera bientôt possible de proposer d’acheter du contenu au sein-même de
l’application, ce qui permettra de monétiser les services qu’on ajoute au fur et à mesure. Libération.fr
propose des zones qui ne sont accessibles que si l’on entre son code abonné, ce qui implique qu’on
est obligé de payer d’une autre façon pour y accéder. En outre, l’iPhone permet la verticalité, on peut
tester grâce à lui des contenus plus segmentés. Par exemple, Elle Shopping Guide est une application
du magazine Elle qui rencontre un franc succès aux Etats-Unis.
Ces opportunités sont d’autant plus importantes que se dessinent de nouveaux profils dans la
consommation média. Le Baromètre de la Consommation Numérique de TNS Sofres a ainsi distingué
la montée des « exclusifs numériques » : d’après Valérie Morisson, Directrice Associée, en charge de
l’Unité Technology & Media, ces « individus qui ne lisent la presse que sur des supports numériques […]
57 CB News 18 Mai 2009 n°1014 « Multimédia : Widgets »
58 Philippe Jannet, Directeur du Monde Interactif, Conférence EBG « Les grands enjeux gratuit / payant », 14
janvier 2010
45 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
ne représentent pour le moment que 1% des 15 ans et plus, mais cela représente presque un demi
million de personnes ! 59».
Les facteurs clés de succès : décerner les potentiels payants // Les sites qui
réussissent à faire payer en nombre les internautes et mobinautes ont tous réussi à discerner leur
potentiel payant, c'est-à-dire ce pour quoi ils sont prêts à payer. Par exemple, de nombreux sites
ayant trait à la finance et aux marchés boursiers ont réussi à vendre cher leur information. Par exemple,
Les Echos ont créé Crible.fr : pour 1 100€ par an, l’abonné obtient trois newsletters quotidiennes avec
toutes les informations qui l’intéressent, et il a également accès à un site animé par six grandes plumes.
Le but des Echos était de s’imposer comme un must en matière d’influence. Si l’on cherche à attirer les
jeunes, il faut donc discerner ce qui pourrait les intéresser et, surtout, les contextes dans lesquels
payer ne serait qu’un problème secondaire ; l’urgence peut par exemple être un agent suffisamment
fort pour influencer l’achat. En effet, quand on a besoin de quelque chose, on est prêt à le payer.
4. Les réponses technologiques
a) Les vidéo et la production de contenus
De nombreuses vidéos sont visibles sur les sites de presse quotidienne, plus ou moins mises en avant,
et pour différents usages : reportages, interviews, mini-journaux télévisés… Liberation.fr propose ainsi
de nombreux reportages, qui lui permettent d’aller sur le terrain et qui sont relayés par les parties
régionales de son site. Le « J’y vais / J’y vais pas » sur Lefigaro.fr, qui critique les sorties cinéma de la
semaine, rencontre également un certain succès.
Les vidéos du Figaro.fr sont réunies dans l’onglet « En images » au côté des photos, du Talk et des
quiz, à l’adresse http://videos.lefigaro.fr/. On peut en faire un classement très complet : par thème
(politique, sport, économie, culture, automobile, interview, science), les plus vues ou les mieux notées
sur un jour, une semaine, un mois, etc., et les dernières vidéos mises en place. Les images de la
tempête Xynthia en mars 2010 ont ainsi atteint près de 50 000 vues, et la vidéo produite par Le Figaro
la plus vue à ce jour avec près de 99 000 vues est le Politizap du 4 décembre 2009 intitulé « Le bras
d’honneur de Noël Mamère est inacceptable ». La vidéo la plus vue est le film Lady Dior, avec presque
1 360 000 vues. Les vidéos rencontrent donc un vif succès sur les sites de presse en ligne, et les
contenus produits en interne n’ont pas à rougir de leurs résultats. Au Figaro a été créé un véritable
petit studio d’enregistrement. On y produit les vidéos quotidiennes du Talk Orange-Le Figaro (à 18h,
interview de personnalités de l’actualité, souvent politiques) et le Buzz Média (à 15h, interview de
personnalités des médias). Les journalistes qui animent ces entretiens sont de grands journalistes
reconnus du Figaro, comme Anne Fulda. On trouve également le Politizap, zapping des temps forts de
l’actualité politique de la semaine, sélectionnés par la rédaction du Figaro.fr.
59 http://www.tns-sofres.com/espace-presse/news/0E9D5B30009A406684BE203025F8BA3B.aspx
46 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
b) Diaporamas et galeries photos
Les galeries photos sont dans la continuité d’un journalisme de magazine, de l’image. De plus, les
galeries photos sont souvent un point d’entrée efficace, amenant ensuite les lecteurs vers de nouveaux
articles. L’actualité en images est ainsi bien mise en avant sur Libération.fr. Le site a d’ailleurs mis en
place « Vos photos sur Libération.fr » : chaque fin de semaine, sont sélectionnés des clichés envoyés
par les internautes sur le blog « Vos photos » (http://photos.blogs.liberation.fr /vosphotos/).
c) Les Web-documentaires, témoins d’un nouveau journalisme, rencontrent
un vif succès
Les Web-documentaires prennent également de l’ampleur et rencontrent un très vif succès, comme les
superbes Web-documentaires sur les prisons de Lemonde.fr (« Le corps incarcéré », « Ma première
nuit en prison », « Ma dernière nuit en prison », etc.). Des récompenses sont même apparues pour
mettre en valeur ce nouveau type de journalisme : « Le corps incarcéré » a ainsi obtenu le prix du
Web-documentaire RFI/France 24 en septembre 2009.
d) Reportages audio et radios
Libération.fr est le seul quotidien national en ligne à avoir franchi le pas de l’audio en proposant des
reportages audio de quelques minutes. Par exemple, dans « Silence, on joue », des chroniqueurs
passent au crible les dernières sorties de jeux vidéo pendant quelques minutes. Liberation.fr a même
mis en place une radio : « Radio Libé », propulsée par Radionomy.
e) Les widgets des sites de presse en ligne permettent un accès facilité à ces
évolutions technologiques
Un widget est un petit gadget, un programme simple permettant d'obtenir des informations (météo,
actualité, dictionnaire...) qui se mettent à jour automatiquement. Un internaute peut donc installer un
widget d’un site sur lequel il va souvent, cela lui évite de revenir sans cesse sur la page d’accueil du
site. Il peut installer le widget sur son blog ou sur une page d’accueil personnalisée, comme iGoogle.
Par exemple, le widget iGoogle de Lemonde.fr obtient 296 000 utilisateurs, celui de Libération 111 000
et celui du Figaro 73 000. Lefigaro.fr a mis en place un widget intéressant qui pourrait conquérir les
autres sites : il sélectionne non seulement des actualités intéressantes par thèmes mais également met
en valeur les vidéos en premier.
5. Les réponses communautaires
a) Les blogs et le lien autour d’une communauté
Les blogs ont fait leur apparition sur les sites de presse en ligne. La communauté est même le principal
atout mis en avant par Lefigaro.fr pour attirer les internautes vers son nouvel abonnement (gratuit ou
non) « Mon Figaro Connect ». Les internautes sont ainsi souvent invités à créer leur page personnelle,
47 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
sur laquelle ils peuvent présenter les articles qu’ils ont sélectionnés, voire écrire leurs propres
commentaires sur l’actualité. Lemonde.fr comprend ainsi 7 000 blogueurs et gèrent plus de 4 000
commentaires par jour. Les sites mettent également en ligne des blogs d’expert qui attirent de
l’audience, comme le blog « Suivez le geek » sur Lefigaro.fr.
b) Interaction et logique participative
La presse en ligne, et les médias en général, hésitent à mettre à contribution les internautes de
peur de dévaloriser leur marque, ce qui explique le peu d’innovation à ce niveau-là. Nous Il existe
quatre façons d’impliquer l’internaute dans la presse en ligne, selon les stades de la chaîne
d’information, de la production de contenu à la fonction de relais.
Production de contenu // L’internaute peut produire du contenu pour les marques de presse
en ligne en écrivant des articles, des reportages, en fournissant des posts… Cette logique
participative est quasiment inexistante dans la presse en ligne, à quelques exceptions près.
Leparisien.fr a ainsi mis en ligne début mars 2010 sa plateforme participative « YOU », reliée
directement au site parent sur la barre de navigation par thèmes. Sur « YOU », l’internaute peut poster
ses vidéos, ses photos, ses articles… Il est identifié par un avatar et possède une fiche de présentation.
Les internautes peuvent voter pour leurs éléments préférés. Pour trouver une initiative similaire, il faut
aller vers les gratuits d’information : Metro a également mis en place une plateforme participative,
appelée « Metro Reporters » : elle invite les « metronautes » à charger leurs contenus (photos ou
vidéos, accompagnées d’une description brève de l’événement) sur la plateforme. Les metronautes
sont valorisés par la publication de certains contenus sur la version papier du journal, et sont rémunérés
en échange. La plateforme du Parisien, « YOU », est l’unique plateforme communautaire créée par une
marque de presse quotidienne payante française à ce jour. « YOU » étant extrêmement récente, il est
impossible à ce stade d’en évaluer la réussite. Parmi les plateformes communautaires, on peut ajouter
Lepost.fr qui appartient au Monde et rencontre un grand succès, mais il n’est pas relié à sa marque-
mère.
Contribution // Sur la grande majorité des sites de presse en ligne, l’internaute est invité à
contribuer au contenu mis en ligne par les journalistes en envoyant leurs propres documents :
photos, vidéos, etc. Ce sont en quelque sorte des « appels à témoins ». On l’a vu récemment avec la
récolte de photos d’internautes de la tempête Xynthia en France par Lefigaro.fr, mais cette participation
a lieu de façon plus continue sur d’autre sites, comme Liberation.fr, qui propose via un blog la mise ne
ligne des plus belles photos des internautes. La contribution permet la valorisation de l’internaute.
Filtre // L’internaute peut devenir un filtre quantitatif ou qualitatif dans des classements mis en
valeur par le site de presse. Lorsqu’il s’agit de filtre quantitatif, il n’est pas impliqué activement : le simple
fait de cliquer sur un article suffit : c’est le principe des sections « Regard sur l’actu : Les articles les
plus lus » sur Lefigaro.fr. Cela peut également être un filtre qualitatif : le vote de l’internaute est sollicité
afin d’indiquer la qualité qu’il attribue à l’article (« Les articles les mieux classés »), ou bien il s’agit
simplement de montrer les articles les plus commentés, donnant un gage de valeur à leurs sujets.
48 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Relais // Enfin, à la fin de chaque article, l’internaute peut choisir de l’envoyer par e-mail ou via
les réseaux sociaux (Facebook, Twitter,…) ; il se fait le relais de l’information et, en quelque sorte, la
recommande à ses pairs. Cette transformation de l’internaute en relais est visible sur la grande majorité
des sites de presse en ligne et demande une très faible implication du lecteur.
c) La présence sur les réseaux sociaux
Les sites de presse en ligne n’exploitent pas encore les réseaux sociaux de façon optimale. Ils
se contentent d’y être présents et n’adaptent pas l’information à ce nouveau format. Excepté les pages
de fans sur Facebook et les profils sur Twitter, la présence sur les réseaux sociaux récents n’est pas
développée. Si l’on se penche à l’inverse sur la présence des réseaux sociaux sur les sites de presse
en ligne, là encore le bilan est mitigé : les pages fans de Facebook ne sont pas souvent mises en avant,
par exemple. Seul le partage d’articles par les réseaux sociaux est commun à toute la presse
quotidienne en ligne. Cependant, de nouvelles initiatives ont été mises en place, montrant la
volonté d’une implantation plus poussée. Ainsi, le « LibéTwitt » de Libération.fr rapporte les tweets
émis par le compte Twitter du journal et a même créé un événement spécial pour les élections
régionales ; LibéTwitt est présenté comme « le meilleur de Twitter éditorialisé par la rédaction de
Libération et accessible à tous depuis Libération.fr, sans avoir besoin de se créer de compte ni de choisir
qui vous suivez. » Libération a également une chaîne sur Dailymotion, rapportant les vidéos de
LibéLabo sur http://www.dailymotion.com/liberation ; elle possède 572 abonnés.
D’autres médias savent mieux utiliser les opportunités des réseaux sociaux ; à titre d’exemple, TF1, au
travers de la technologie Facebook Connect, propose à l’internaute de visionner un programme et de
le commenter en même temps avec les membres de sa communauté.
6. Les réponses dans le contenu
Le contenu de la presse en ligne commence à se détacher certainement du contenu de la presse écrite,
traçant les contours d’un véritable nouveau métier.
La hiérarchisation de l’information // L’information brute ne représente pas la valeur
ajoutée de la presse car on peut la trouver partout, surtout sur Internet. Elle peut représenter de la valeur
seulement s’il s’agit d’un scoop ou d’une information en avant-première. La valeur ajoutée par la presse
en ligne ne provient pas non plus de l’opinion, qui foisonne dans tous les blogs de la toile. La valeur de
la presse est avant tout créée par l’enquête, le journalisme d’investigation. La presse donne une
analyse pertinente des faits, et les met en perspective par sa fonction pédagogique. Elle guide
l’internaute dans l’avalanche d’informations du net, en triant et hiérarchisant les faits. Sa valeur ajoutée
sur Internet se dessine également autour de sa capacité à fédérer et à animer une communauté autour
de soi, à faire parler. Cette fonction se retrouve avant tout dans la page d’accueil où sont mis en valeur
les événements marquants de la journée par rapport à d’autres. Elle est aussi visible par des cadres
dans la page d’accueil rassemblant les articles les plus lus. Les réponses dans le contenu sont donc
primordiales pour attirer un certain public.
49 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
L’hyperlocalité et l ’ information sur -mesure // Parmi quelques innovations qu’on peut
associer aux jeunes et aux nouvelles tendances d’Internet on trouve l’hyperlocalité. Les internautes
aimant à trouver de l’information qui les concerne de près, Libération.fr a mis en place des blogs sur les
grandes villes françaises : on trouve ainsi LibéLille, LibéReims, etc. Une des hypothèses pour l’avenir
est ainsi un big bang de l’hyperlocal et de l’actualité sur-mesure. Selon Vin Crosbie, fondateur du cabinet
Digital Deliverance, « peu de gens le savent mais il est désormais possible, et plus économique pour la
presse, d’imprimer une édition unique de son journal pour chaque lecteur ». Par exemple, HP a créé
nouvelle imprimante qui permet d’éditer un petit nombre d’exemplaires en couleurs. Ce peut être utile
pour attirer une audience habituée à choisir l’information qui l’intéresse sur le net.
Un contenu spécial étudiants // Quelques éditeurs étrangers ont pris de belles initiatives
concernant les jeunes. The Guardian a par exemple mis en place une section spéciale pour les
étudiants (http://www.guardian.co.uk/education/students) qui rassemble non seulement des sujets
d’actualité sur l’éducation mais aussi tout un foisonnement d’articles sur la vie étudiante, des conseils
pour réussir (« How to be a student », « The art of making friends at university »,…).On y trouve
également des dossiers spéciaux, comme « The road to university » (http://www.guardian.co.uk/
education/series/theroadtouniversity) qui accompagne pas à pas les étudiants dans leur découverte de
l’université, décrypte cette étape difficile, ou encore donne des solutions aux difficultés financières des
étudiants. Plus près de nous, Le Parisien / Aujourd'hui en France a mis en place a créé « Paris
Etudiant » (http://www.parisetudiant.com/), accessible dès la page d’accueil du site du Parisien.fr par
l’onglet « Vie étudiante »60. Paris Etudiant existe également en application iPhone. Un agenda quotidien
« Sortir à Paris » est ainsi proposé, avec l’actualité des concerts, des soirées, des pièces de théâtre et
des expositions. Les sections présentées sont : Orientation, Jobs/Stages, Se Loger, Sortir à Paris,
Forums, Vos Documents. Les internautes peuvent par exemple télécharger leurs photos pour illustrer
l’actualité étudiante. Les universités se présentent, détaillant leurs programmes, les écoles décrivent
leurs diplômes. Les étudiants peuvent également déposer leurs documents (dissertations, fiches,
mémoires,…) et être rémunérés selon leur vente. On trouve en outre des guides de rapports de stage
en entreprise, des exemples de CV et lettres de motivation, comment trouver un « bon job d’été », ainsi
que des tests (« Pour quel métier êtes-vous fait ? »), etc. Il s’agit d’un contenu inédit dans l’univers de
la presse quotidienne en ligne.
L’addition de services // Des services payants sont parfois ajoutés aux offres des sites de
presse en ligne, mais il s’agit souvent de services visant les catégories socioprofessionnelles
supérieures, comme le pressing pour Lefigaro.fr, destinés aux abonnés Business. Cependant, on trouve
quelques éditeurs qui ont pris des initiatives concernant les jeunes… Ou plutôt les très jeunes, puisque
Bayard Presse a créé le site Bayard Kids, véritable plateforme de jeux éducatifs pour les enfants de 2
à 11 ans : http://www.bayardkids.com/. Accessibles pour tous les abonnés grâce à un code, il offre des
60 Accessible de la même façon via la page d’accueil Aujourd'hui en France, http://www.aujourdhui-en-
france.fr/une/
50 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
activités inédites aux enfants, comme écouter une histoire, une comptine ou une chanson, jouer à un
jeu éducatif interactif et innovant, découvrir et comprendre le monde grâce à un documentaire ludique,
regarder une histoire interactive ou un dessin animé… Rassurés par une marque dont l’expertise auprès
des enfants n’est plus à prouver, les parents peuvent laisser leurs tous jeunes enfants apprendre à
surfer ou prendre le temps de jouer avec eux. Le temps moyen sur le site atteint ainsi vingt minutes par
session61.
7. Segmentation des sites de presse en ligne
On peut observer trois types de sites de quotidiens en ligne en fonction de leur avancée dans la mise
en place des outils technologiques. Nous avons ajouté à cette étude les quotidiens gratuits Metro et 20
Minutes, dont la cible sur papier est fortement jeune. Nous avons ainsi étudié les outils que nous avons
discernés dans les parties précédentes et évalué l’avancée des acteurs choisis sur trois critères
marquant la prise de participation de l’internaute : seulement « réaction », « conversation » ou
« création » :
- Le premier groupe est formé par les gratuits : ils ont une forte avancée à tous les niveaux et
proposent un site plus participatif que les autres. Ils mettent surtout en avant une « Une des
lecteurs », « une » propre aux lecteurs en fonction des articles qu’ils ont aimés ou auxquels ils
ont le plus participé.
- Le second groupe est composé des quotidiens nationaux : ils sont avancés dans la partie
« réaction » mais n’axent pas leurs sites sur la conversation et encore moins la conversation.
61 Conférence « Les nouveaux médias et les jeunes : de nouveaux modes de consommation de presse. Quelle
évolution chez Bayard ? » Avec Pascal Ruffenach, Directeur Général de Bayard Presse, Lundi 23 novembre, à
Rouen Business School
51 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
- Enfin, on trouve Le parisien, modèle à part puisqu’il introduit une plateforme communautaire et
de la conversation, privilégiant ainsi la participation avancée de l’internaute au détriment de la
réaction.
B. Les possibilités offertes par Internet et la consommation multimédia des jeunes
1. L’infidélité et l’opportunité d’une marque forte de l’information
a) Le sentiment de surinformation
Devant la multiplication des sources d’information, le sentiment de surinformation est perceptible : le
néologisme « infobésité », contraction d’« information » et « obésité », montre bien ce malaise qui
y est lié. L’information devient un produit banal et les internautes sont tellement informés, et de toutes
les façons, qu’ils en éprouvent une overdose. Dans ce contexte, un journaliste aura toujours sa place
dans sa fonction de tri, de vérification et de hiérarchisation de l’information. La fonction de filtre et de
guide de la presse sera donc toujours indispensable.
b) Une génération qui zappe d’un média à l’autre : attirer du Web vers le
print ?
L’attrait pour Internet des jeunes est une chance pour la presse quotidienne. Elle peut développer son
offre en ligne de manière à s’assurer une audience plus jeune et peut-être même l’attirer vers le print
en mettant en valeur ses abonnements ou en faisant des abonnements spéciaux pour les moins de 25
ans. La convergence numérique va permettre à la presse d’être accessible via Internet sur tous les
supports. Comme le dit si bien Marshall Mc Luhan, « le message, c’est le médium ». Le moyen de
communication, le média en lui-même, a le pouvoir d’influencer. Le medium, ainsi, importerait plus que
le message dans la compréhension de l’information. La presse écrite aurait donc toujours sa place par
sa notion de référence et de prestige.
2. Le temps passé par les jeunes sur les réseaux sociaux peut les changer en vrais relais pour les marques de presse
a) Les 15/25 ans et les réseaux sociaux
L’importance des réseaux sociaux dans le surf des 15 -25 ans // Dans le monde,
deux internautes sur trois se rendent sur les réseaux sociaux, et il s’agit de la quatrième activité des
internautes, devant la consultation d’e-mails. De plus, le temps passé sur les réseaux sociaux
représente 10% du temps passé sur Internet et progresse trois fois plus vite62. Facebook à lui seul
62 Source : Chiffres Nielsen, Global Faces & Network Faces, in “What the f**k is social media ?”, présentation de
Marta Z. Kagan, http://www.slideshare.net/mzkagan/what-the-fk-is-social-media-one-year-later?src=embed (ou
52 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
totalise plus de 400 millions d’utilisateurs actifs dans le monde63, soit 100 millions d’individus de plus
que la population des Etats-Unis, et six fois la population française… ! En France, le site Facebook
obtient 20,8 millions de visiteurs uniques en février 2010. Il possède une pénétration de 59,3% sur les
jeunes de 15-24 ans, qui y passent 5 heures 50 par mois, soit une heure de plus que la moyenne64.
De nouveaux besoins d’information naissent avec les réseaux sociaux // Les
réseaux sociaux répondent à deux nouveaux besoins en matière d’information, pour lesquels les
moteurs de recherche traditionnels sont trop lents :
- Le « real time » : les internautes ont de plus en plus besoin d’informations sur l’actualité
chaude, qui n’est pas forcément intégrée immédiatement dans ces moteurs.
- Le « social search » : la génération numérique prend de plus en plus en compte les autres
internautes dans ses recherches. Le « social search » se définit ainsi comme une « méthode
de recherche sur le Web qui détermine la pertinence des résultats en considérant les
interactions ou les contributions des utilisateurs »65. On peut montrer la puissance de cette
tendance par le fait que même Google propose, depuis fin octobre 2009, un outil de social
search, appelé « Google Social Search »66.
L’importance de Tweeter dans l’information se ressent depuis peu de temps ; elle a véritablement
commencé avec l’image du « miracle » de l’Hudson River (un avion avait réussi à se poser sur l’eau
aux Etats-Unis sans faire aucun blessé) et s’est vue récemment avec les manifestations suite aux
élections en Iran. Une étude de Compete.com montre ainsi que les recherches sur Tweeter ont dépassé
celles sur Google la semaine du 20 juin 2009 (cf. Figure 6 ci-dessous). Une expérience récente vient
appuyer cette affirmation : des journalistes français ont décidé de rester enfermés pendant cinq jours
avec pour seules informations les tweets de ce réseau social, pour en éprouver la fiabilité67.
Pour conclure, Twitter engendre la réduction des barrières entre l’internaute et la source
d’information. L’internaute pense se trouver au plus près de la vérité en étant au plus près des acteurs
de l’actualité. De plus, Twitter entérine la segmentation de l’information car ses utilisateurs se
concentrent sur leurs thèmes favoris.
http://www.slideshare.net/punnned/marta-kagans-what-the-fk-is-social-media)
63 Source : Newsroom du site Facebook, http://www.facebook.com/press/info.php?timeline
64 Chiffres Facebook : Nielsen NetRatings, Février 2010
65 Source Wikipédia, http://en.wikipedia.org/wiki/Social_search
66 http://googleblog.blogspot.com/2009/10/introducing-google-social-search-i.html
67 Pour plus d’information : http://huisclossurlenet.radiofrance.fr/, article présentant les conclusions de Nicolas
Willem sur cette expérience.
53 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Figure 6. Pourcentage de la recherche "Iran+election" en juin 2009 selon les acteurs68
b) Un exemple international d’utilisation des réseaux sociaux : le New-York
Times gère une communauté autour de sa marque
En haut de la une du New-York Times s’ouvre un bandeau affichant « Timespeople recommande » et
un lien vers un article et le site Timespeople69. Timespeople est un réseau social propre au New-
York Times : il permet aux inscrits de voter et de recommander les articles à la communauté et à leurs
amis. Comme sur Twitter, on peut suivre les recommandations de certains utilisateurs par un
abonnement aux flux qu’ils génèrent. De plus, Timespeople est également centré autour d’une
application Facebook : les activités de l’utilisateur apparaissent dans ses actualités Facebook (c’est-à-
dire dans la page commune où sont mises à jour les différentes activités de chacun). Timespeople est
une plateforme centrée autour de la notion d’« amis » : le point de départ de l’application est le
cercle des proches. Enfin, le site est bien mis en valeur par la page d’accueil du New-York Times. La
plateforme ne propose en revanche aucune contribution de type User Generated Content (« Contenu
généré par l’utilisateur », soit la production de contenu : photo, vidéo, article, billet…).
3. La mobilité et la connaissance technologique forte : téléphone mobile et Internet
a) « Tout ce qui a un écran est désirable 70 » : les jeunes ont développé un très
grand intérêt pour les nouvelles technologies et y consacrent un fort
budget
68 http://blog.compete.com/2009/06/25/iran-election-twitter-google-search/
69 http://timespeople.nytimes.com/home/
70 How teenagers consume media, Morgan Stanley Research, 10/07/09
54 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Les 15-25 ans sont suréquipés en nouvelles technologies. Les chiffres que nous avons choisis dans
l’étude REM de l’Observatoire Médiamétrie le montrent : tous les indices d’affinité, quel que soit
l’équipement choisi, sont supérieurs à 100, et presque tous sont des indices forts (supérieurs à 115).
Tableau 19. Equipement des 15-25 ans
Les jeunes possèdent donc une maîtrise particulière de ces nouvelles technologies. Ils son
capables de dépenser beaucoup pour s’équiper, mais ils maîtrisent leur budget de télécommunication
par une surconsommation de forfaits bloqués (cf. Tableau 22).
b) L’e-book, une offre encore inaccessible et peu exploitée mais qui dessine
les contours d’un avenir du papier
Un e-book, ou livre électronique, est un appareil électronique permettant de lire des textes
numérisés. L’e-book a l’avantage d’offrir une lecture aussi confortable que sur un support papier grâce
à la technologie e-paper. Contrairement aux techniques d'affichage classiques, le papier électronique
utilise la lumière ambiante de la même manière que le papier classique et consomme très peu
d’énergie 71 . Cette technologie devrait être promise à un bel avenir puisque l’e-book, qui coûte
aujourd'hui entre 150 et 300€, représentera 10 à 15% du marché de la presse dans les années à venir
et pourra compléter utilement les alertes d’info sur téléphone mobile. De plus, il ne faudra pas longtemps
avant que le prix des e-papers baisse drastiquement, jusqu’à 40 ou 50€.
Cette solution est encore peu utilisée. Seuls Les Echos proposent une version e-paper de leur journal,
ce qui s’explique par la cible de ces objets, souvent des actifs CSP+. De plus, l’e-book est fortement
concurrencé par l’iPhone qui, s’il n’offre pas un confort de lecture aussi favorable, est cependant bien
plus pratique en tant que symbole de la convergence média.
c) Les smartphones, qui rencontrent un vif succès auprès des jeunes, sont les
alliés d’une lecture mobile de la presse
Les smartphones sont des téléphones dotés d’un système d’exploitation sophistiqué et d’une
connexion confortable au réseau Internet. Ils présentent des possibilités infinies et nous ne sommes
71 http://fr.wikipedia.org/wiki/E_paper
Octobre - Décembre 2009 Pénétration Octobre - Décembre 2009 Pénétration Affinité
TOTAL 61 051 8 463
Equipés Console de jeux 35 115 58% 6 656 79% 137
Equipés Téléphone mobile 56 254 92% 8 385 99% 108
Equipés Micro-ordinateur 47 460 78% 7 865 93% 120
Equipés Micro-ordinateur portable 24 220 40% 5 044 60% 150
Equipés Net Book 3 855 6% 923 11% 173
Accès Internet 44 383 73% 7 404 87% 120
Equipés GPS 27 349 45% 4 522 53% 119
Equipés Baladeur MP3 ou MP4 36 472 60% 7 182 85% 142
Equipés Appareil photo numérique 46 260 76% 7 140 84% 111
15-25 ans Ensemble
55 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
qu’au début de leur utilisation par la presse. Parmi ces « téléphones intelligents », l’iPhone présente
une ergonomie avantageuse grâce au navigateur Safari ; son système d’application et l’Internet en
illimité permettent de naviguer très facilement sur le Web. Il n’existe pas encore en France de mesure
de l’audience mobile, mais on sait qu’au Royaume-Uni, le nombre d’utilisateurs d’internet sur mobile
progresse 10 fois plus vite que le nombre d’utilisateurs d’internet à domicile72. Selon Ken Ferguson,
analyste chez Nielsen, « les utilisateurs viennent pour la météo, résultats sportifs et l’actualité chaude. »
L’accès aux smartphones se démocratise. Aujourd'hui, 18% des internautes sont des « mobinautes »73,
c'est-à-dire des internautes via le téléphone mobile. La moitié des 15-34 ans ont un accès à l’Internet
mobile (contre 39% pour l’ensemble de la population), que ce soit via leur téléphone mobile ou des clés
3G. L’attrait pour ce type de téléphone, qui se traduit par le succès commercial de l’iPhone,
continue de progresser auprès des 15/24 ans : il est passé de 66% à 70% en un an74.
Le Tableau 22 montre que les jeunes sont en proportion deux fois plus à détenir un iPhone que le reste
de la population française. Leurs usages sont plus importants que le reste de la population (tous les
indices sont supérieurs à 115). Un jeune de 15-25 ans sur deux a utilisé récemment Internet sur son
mobile (dans les 30 derniers jours). 15% ont même récemment consulté l’actualité sur leur mobile,
contre 6% de la population française.
Les utilisateurs de smartphones modifient fortement leur consommation de médias. Tout d’abord,
la consommation nomade devient plus importante. L’Internet mobile convient aux jeunes et à leur
mode de vie ; ils sont très nomades et les mobinautes se connectent dans 2,8 lieux en moyenne. La
rue arrive en deuxième position derrière le domicile avec une pénétration de 59% auprès des
mobinautes. De plus, ils sont nombreux à se connecter de chez eux sur Internet via leur téléphone plutôt
72 Chiffre Stratégies, n°1544, 5 mai 2009
73 Etude IPSOS Profiling 2009, Internautes dernier mois
74 Baromètre de la Consommation Numérique : La mobilité d’Internet, une priorité croissante pour les Français,
TNS Sofres, 2 mars 2010, communiqué de presse
Octobre - Decembre 2009 Pénétration Octobre - Decembre 2009 Pénétration AffinitéOctobre - Decembre
2009Pénétration Affinité
TOTAL 53 410 8 276 7 014
Utilisateurs téléphone mobile 44 808 84% 8 053 97% 116 6 842 98% 116
2 téléphones mobiles ou plus 2 366 4% 475 6% 130 403 6% 130
Marque du téléphone mobile / I PHONE 1 465 3% 479 6% 211 436 6% 227
Type d'abonnement / Compte bloqué 6 281 12% 2 578 31% 265 2 306 33% 280
Consultation email sur mobile 6 823 13% 1 658 20% 157 1 573 22% 176
Envoi email sur mobile 4 044 8% 1 071 13% 171 958 14% 180
Mobinautes DM 12 151 23% 4 053 49% 215 3 512 50% 220
Services mobiles DM / Consultation actualités DM 3 156 6% 1 237 15% 253 1 152 16% 278
Services mobiles / actualités 4 359 8% 1 641 20% 243 1 546 22% 270
Visionnage TV sur mobile 4 708 9% 1 771 21% 243 1 590 23% 257
Ecoute Radio sur mobile 13 077 24% 4 592 55% 227 4 016 57% 234
Messagerie instantanée sur mobile 3 376 6% 1 984 24% 379 1 872 27% 422
@15-25 ans internautes dm@15-25 ansEnsemble des individus
Tableau 20. Les jeunes et la téléphonie mobile
56 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
qu’en passant par leur ordinateur. Bruno Patino75 constate que « le choc de l’Internet mobile peut
rivaliser en impact avec celui connu sur le PC, d’autant plus que la pénétration de téléphone mobile a
beau rester faible en France (83%), elle l’emporte largement sur celle d’Internet. »
Selon Bruno Rives, Directeur de l’Observatoire des Tendances et Usages des Technologies (Tebaldo),
cette nouvelle façon de consommer la presse en mobilité est « une des voies de l’avenir ». Les médias
doivent s’emparer de ce média dont la configuration correspond mieux à leur manière de délivrer de
l’info et qui présente l’avantage de pouvoir faire payer les mobinautes facilement.
Il est déjà possible de s’abonner à un service de kiosque numérique. On peut ainsi télécharger de
magazines ou les consulter en streaming pour environ 16€/mois sur Relay.com ou lekiosque.fr. L’iPhone
semble idéal pour la presse car il permet d’une part de fidéliser les mobinautes à la marque et d’autre
part d’attirer des jeunes qui n’aiment ni se déplacer en kiosque, ni perdre leur temps dans les transports.
La lecture mobile est très développée chez les jeunes : un quart (24,3%) d’entre eux lisent dans les
transports en commun, contre 11,2% des adultes76.
d) Vers une démocratisation des netbooks et des tablettes propice à la lecture
de la presse sur les écrans
Les netbooks // Un netbook est un portable miniature, également appelé « ultra-portable ». Il
comprend les mêmes fonctionnalités qu’un ordinateur mais simplifiées, et possède moins de capacités.
Il possède la particularité d’avoir un écran pivotant qui lui permet de se transformer en tablette.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, un ultra-portable est assez accessible (environ 400€) et sa
praticité offre de grands avantages par rapport à un ordinateur. Selon Display Research, 33,3 millions
75 Dans les Etats Généraux de la Presse, pp.37/39, « Le choc d’Internet, quels modèles pour la presse écrite ? »
76 Les jeunes et les médias, les raisons du succès
Figure 7. Lieu de connexion des internautes et mobinautes
57 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
de netbooks ont été vendus dans le monde en 2009, soit deux fois plus qu’en 2008 ! Ils représentent
aujourd’hui 20% des portables vendus dans le monde77.
Les tablettes // Les tablettes pourraient révolutionner le monde de la presse. Une tablette est
un ordinateur mobile de la forme d'une ardoise équipé d'un écran tactile ou stylo-compatible. Si la
tablette existe depuis une dizaine d’années, elle est longtemps restée un produit pour « geeks » et
utilisateurs avertis. Elle est cependant en voie de démocratisation grâce à l’iPad d’Apple, qui sortira en
avril 2010 en France. Samuel Laurent, du blog « Suivez le geek », a même intitulé un de ses billets
« Pourquoi l'iPad n'est pas un objet geek (et pourquoi c'est tant mieux pour elle) »78. L’iPad a créé un
très gros buzz sur Internet, plutôt négatif de la part des connaisseurs ; cependant, poussée par la
popularité et l’image de la marque Apple, elle pourrait bientôt devenir le chaînon manquant entre
l’ordinateur et le téléphone portable. Elle s’accorde aux attentes du grand public et peut créer un
phénomène de mode durable comme cela a été le cas pour l’iPod. Apple n’apporte pas des innovations
techniques majeures, mais l’entreprise sait adapter des produits au grand public. Elle devrait rencontrer
un grand succès : aux Etats-Unis, un possesseur d’iPhone sur six souhaite acheter un iPad (cf. Tableau
23). La principale différence entre un netbook et une tablette est sa facilité de prise en main : il suffit de
cliquer sur des icônes, alors qu’un netbook garde la même configuration qu’un ordinateur et répond à
la même façon de penser et d’organiser les choses.
Le Monde va proposer à partir de fin mars un nouveau modèle une offre « Quadruple play » 79,
« 100%LeMonde » : tous les supports (papier, Web, iPhone, iPad) seraient ainsi disponibles pour
19,90€ par mois pendant 3 mois puis à 29,90€. La tablette devient plus accessible ; si l’iPad devrait être
vendu environ 549€ en Europe (contre 499$ aux Etats-Unis), tous les fournisseurs commencent à
présenter leurs modèles et certains coûtent 200€.
77 http://www.zdnet.fr/actualites/informatique/0,39040745,39711907,00.htm
78 http://blog.lefigaro.fr/hightech/2010/01/pourquoi-lipad-nest-pas-un-obj.html
79 http://www.pressemagazine.com/100p100media/le-monde-propose-un-nouveau-modele-a-partir-du-29-
mars.html
58 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Tableau 21. Etude AdMob : aux Etats-Unis, 1 possesseur d'iPhone sur 6 souhaite acheter un iPad
4. Les leviers
Clément Courvoisier 80 , Directeur Marketing du Figaro.fr, nous rappelle qu’il y a « trois obstacles
principaux » entre les jeunes et la presse : d’abord la ligne éditoriale, où les jeunes doivent trouver des
articles qui leur parlent ; ensuite, le support, qui doit rendre la presse facile d’accès ; et enfin la gratuité :
« les jeunes sont très débrouillards, ils ont appris grâce à Internet à chercher de l’information
gratuitement et ne sont pas habitués à payer ». Pour atteindre les jeunes, il y a un important travail de
recrutement à effectuer. Cependant, on peut se demander si l’outil est suffisant pour attirer la génération
numérique. La profondeur de la crise de la presse laisse en effet supposer une crise de l’offre, en plus
de la crise de confiance évoquée par tous, et une incapacité à séduire les nouveaux lecteurs.
C. Des offres limitées aux seules évolutions numériques
1. Une inadéquation entre l’offre et la demande
On constate que la presse a mis en place avant tout des solutions technologiques pour répondre aux
nouvelles consommations médias, sans vraiment changer le fond de son contenu, ou du moins en ne
le mettant pas assez en avant. Pourtant, il est essentiel de questionner les cibles de la presse. Est-
il logique de proposer à la fois un contenu complexe et pointu et de s’engager dans une opération telle
que « Mon journal offert » ? Qu’a-t-on fait du troisième but exprimé de cette opération, à savoir la
production d’un contenu dédié adapté aux attentes des jeunes lecteurs ? Peut-on vraiment assurer les
autres objectifs (conquête du jeune lectorat, fidéliser, développer l’interactivité par des actions
pluriméda) en ne remplissant pas celui-là ? Peut-on conquérir les jeunes sans leur proposer un
contenu dont ils se sentent les destinataires ? Selon Marie-Christine Lipani Vaissade, « l’avenir de
la presse passe par sa qualité journalistique et des choix éditoriaux clairs81 ». Pierre-Jean Bozo cite les
80 Entretien avec Clément Courvoisier
81 Les jeunes et les médias, les raisons du succès, Dirigé par Laurence Corroy, EDITIONS VUIBERT (2008)
59 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
principaux reproches faits aux quotidien : en premier, les lecteurs ne se reconnaissent pas et ne se
sentent pas concernés : en deuxième, l’élitisme ; en troisième, l’accès au registre de langue difficile.
Tout cela est un obstacle majeur à l’adhésion d’un lectorat jeune. Si l’on veut conquérir un lectorat jeune
pour qu’enfin la presse quotidienne cesse de péricliter, on doit s’adresser à eux. Mais le veut-on
vraiment ?
La raison profonde du désamour entre la presse et les jeunes se trouve ici : une inadéquation entre
l’offre et la demande. Pour le prouver, il faudrait examiner leurs envies profondes.
2. Les jeunes ne sont pas une cible prioritaire pour la presse quotidienne
Selon Clément Courvoisier, Directeur Marketing du Figaro.fr, « les jeunes ne sont pas une cible directe
pour nous ». S’ils ne sont pas la cible principale des quotidiens, en particulier des quotidiens nationaux,
qui vont privilégier les actifs CSP+, « ils sont forcément une cible parce qu’ils ne seront pas toujours
jeunes ». Ils vont entrer dans la vie active, et lefigaro.fr cherchera plus à toucher ces jeunes actifs.
Quelles sont les raisons qui font que les jeunes ne sont pas prioritaires ? On peut d’abord penser qu’il
s’agit d’un problème de statut. Une presse sérieuse s’adresse à des gens sérieux, donc à des actifs ou
retraités CSP+. On peut aussi émettre l’hypothèse que les CSP+ sont plus aptes à dépenser de l’argent
que les jeunes qui, on l’a vu, refusent de payer. Suffit-il de rendre accessible le contenu aux jeunes pour
les attirer vers la presse ?
60 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
III. E TUDE DES PERCEPTIONS DES JEUNES ET DE LEURS BESOINS EN MATIE RE DE PRESSE E CRITE EN LIGNE
Après avoir étudié les réponses à la révolution numérique envisagées par la presse quotidienne et les
leviers auprès des jeunes, il nous faut à présent étudier la demande et hiérarchiser ses besoins. Quelles
sont les réponses des jeunes aux évolutions de la presse ? Parmi les leviers définis
précédemment, quels sont ceux les plus susceptibles d’attirer les jeunes ?
A. Présentation de l’étude : objectifs et guide d’entretien
1. Objectif principal de l’étude
Nous avons décidé de procéder à une étude qualitative afin de mettre en lumière les attentes profondes
des jeunes pour dégager un nouveau modèle. Pourquoi les jeunes préfèrent-ils la presse en ligne à la
presse écrite ? Comment les attirer au mieux sur Internet ? Peut-on les attirer d’un support vers l’autre ?
La problématique de l’étude est donc la suivante : dans l’hypothèse d’une volonté de conquête du
lectorat jeune, quels sont les leviers permettant à la presse en ligne d’attirer au mieux les jeunes
?
L’objectif est donc de comprendre les motivations et les attentes de la cible jeune en matière
d’information en ligne et plus spécifiquement de presse en ligne. Nous étudierons donc tous les sites
d’information en ligne et sur les supports Web et mobile auprès de jeunes de 18 à 25 ans, étudiants ou
jeunes actifs.
2. Objectifs secondaires de l’étude
Les objectifs secondaires de l’étude sont les suivants :
- Définir une typologie des jeunes intéressés par l’information en ligne afin de dégager les profils
qu’il est le plus pertinent de cibler.
- Analyser les différences de représentations et motivations entre la presse écrite et la presse en
ligne :
o Déterminer les représentations à l’égard de la presse écrite et de ses lecteurs ;
o Déterminer les représentations à l’égard du lecteur de presse écrite en ligne.
- Définir les représentations à l’égard d’Internet et des nouvelles technologies.
- Etudier la consommation personnelle de presse écrite en ligne :
61 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
o Analyser les pratiques quotidiennes ;
o Analyser les préférences, les attentes et les besoins ;
o Déterminer l’étendue de la connaissance des nouvelles offres, leur accueil par les
jeunes et leur consommation.
- Comprendre les attentes en fonction des profils découverts et définir les pistes pour un nouveau
modèle.
3. Guide d’entretien et méthodologie de l’étude
Neuf jeunes entre 19 et 26 ans, cinq filles et quatre garçons, ont été interrogés entre les 8 et le 22 février
2010, pendant des entretiens semi-directifs d’environ une heure. Les critères de sélection ont été les
suivants : lecteurs de sites de presse en ligne, que ce soit sites participatifs, agrégateurs d’information
ou sites de presse en ligne, ayant visité au moins une fois dans les 30 jours précédents un site de
presse quotidienne en ligne (régionale ou nationale). Les individus sont de la région parisienne
comme de Province, et sont soit étudiants soit jeunes actifs. Trois d’entre eux ont un iPhone.
Le guide d’entretien, qui se trouve en annexe, accompagné d’un exemple d’interview, a suivi la structure
suivante :
- Nous avons d’abord cherché les évocations, les motivations et les pratiques liées à la presse
écrite ;
- Nous avons ensuite étudié celles liées à la presse en ligne ;
- Nous avons ensuite parlé des différentes nouveautés existantes sur ces sites ;
- Et nous avons essayé de mettre en avant leurs attentes et leur degré de satisfaction vis-à-vis
de ces sites.
B. Analyse des entretiens
Nous verrons tout d’abord les tendances générales décelées au cours de ces entretiens, puis nous
aborderons les profils trouvés, leurs réponses aux offres de la presse en ligne et leurs attentes
spécifiques.
1. Une rupture entre les jeunes et la presse écrite, mais un goût prononcé pour la presse en ligne et mobile
a) La confirmation d’une rupture entre les jeunes et la presse écrite payante
L’étude dégage tout d’abord la confirmation d’une rupture entre les jeunes et la presse quotidienne
payante. Ainsi, quand on demande aux jeunes de dresser le portrait du lecteur de presse quotidienne
payante, ils décrivent quelqu’un d’assez éloigné d’eux. Il s’agit d’une personne plus âgée, surtout si elle
lit la presse régionale…
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Ce sont « des personnes âgées ». Le lecteur de presse quotidienne « a plus de trente ans » ou
« de 35 à 80 ans », « il a la quarantaine ».
…et qui a des moyens :
C’est « un cadre » ou « un homme d’affaires », « il a un certain niveau de vie », « il a un bon niveau
intellectuel ». « Je le vois comme une personne entre 30 et 50 ans, plutôt un homme, en costume
dans le métro ! »
Selon eux, les personnes âgées lisent la PQR parce qu’elles n’ont pas d’autre moyen d’information, et
les cadres lisent la presse quotidienne pour être au fait des événements politiques et économiques.
Certains sont même assez critiques sur ce lecteur, ils le trouvent « hautain ». Ils ne se reconnaissent
pas en lui. D’autres, parce qu’ils leur fait penser à leurs parents (plus souvent à leur père), y sont plus
attachés, mais ne s’y reconnaissent pas non plus, comme s’il s’agissait d’une autre génération,
d’habitudes qui leur sont étrangères : « il a l’habitude de ce média », « il lit la presse par habitude ».
Les jeunes interrogés donnent ainsi l’impression que la presse est un apprentissage, une « habitude »
à prendre, et que cette habitude n’est plus à la mode : « la presse écrite, c’est désuet ». Parallèlement
à cette notion d’apprentissage apparaît celle d’effort apparaît : ils plébiscitent ainsi les gratuits (« il n’y
a pas de contraintes » ; « quand tu achètes un journal, déjà […] il faut aller en kiosque, il faut parler à
quelqu'un »).
Quand, au contraire, on évoque le lecteur de la presse en ligne, ils y verront à la grande majorité
quelqu'un de plus jeune ; il s’agit même de l’unique critère qui change, avec la volonté de rapidité. On
trouve alors ces deux portraits en miroir : le lecteur de presse quotidienne écrite payante est âgé et
a du temps pour lui, tandis que le lecteur de presse en ligne est plus jeune et recherche de l’information
rapide. Il s’agit donc de deux usages complètement différenciés.
Les jeunes ne se reconnaissent donc ni dans le portrait qu’ils font du lecteur de la presse écrite payante,
ni dans ses usages. De plus, s’ils connaissent ces journaux et en approuvent la qualité, ils ne s’y
reconnaissent pas forcément non plus :
« Je ne peux pas dire que je sois vraiment attachée à ses journaux. »
« En termes de contenus, d’opinions, je ne me reconnais dans aucun pour l’instant. »
« Je ne dirais pas de que ça s’adresse aux jeunes, mais c’est censé s’adresser à tout le monde. »
D’une manière générale, ils se reconnaissent davantage dans les gratuits, dont les sujets leur semblent
plus proches d’eux : « les gratuits, c’est plus de mon âge que les journaux que lit mon père auxquels je
ne comprends rien ».
Cette rupture entre les jeunes et la presse écrite quotidienne se constate par le fait qu’Internet
devient leur première source d’information. Ils peuvent trouver des informations à la télévision ou
en radio, mais tous consacrent plus de temps à la lecture sur Internet. L’achat de presse magazine
d’information est un fait rare, souvent « impulsif » ou parce qu’un sujet est intéressant pour leurs études
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ou correspond à leurs centres d’intérêt, tandis que l’achat de presse quotidienne est quasiment nul. La
plupart retrouve dans la presse en ligne une information « moins compliquée », plus accessible :
« c’est plus facile à comprendre ». Dans la presse écrite, « il faut vraiment connaître tous les faits, c’est
dur ». Ils perçoivent pourtant la différence à la fois de forme et de fond entre la presse quotidienne
écrite et en ligne, mais n’iront pas pour autant vers l’écrit. Ils déclarent par exemple :
« J’ai l’impression que ce ne sont pas les mêmes articles que dans la presse écrite que dans
la presse en ligne, et c’est dommage »
« J’apprécie beaucoup la presse en ligne… mais elle est perfectible »
De plus, tous aiment le support de l’écran pour lire la presse, le trouve « agréable ». Le papier ne leur
apporte finalement pas une valeur ajoutée assez importante pour qu’ils paient pour cela.
S’il ya une rupture entre la presse quotidienne écrite payante et les jeunes, on peut voir cependant leur
grand intérêt pour la presse en ligne. La gratuité n’est pas le seul facteur explicatif de cet intérêt,
puisqu’il y a de tout sur Internet et qu’ils choisissent d’aller sur les sites de presse quotidienne. L’étude
montre que les jeunes apprécient la presse en ligne, et même quand on leur demande ce qu’ils
voudraient y améliorer, beaucoup, il faut le souligner, déclarent être satisfaits de son offre actuelle en
ligne.
b) L’intégration de la gratuité comme modèle doit se comprendre par un
besoin d’informat ion qui reste limité
Parmi tous ces jeunes, qu’ils utilisent un smartphone ou Internet sur l’ordinateur, aucun n’a exprimé une
véritable disposition à payer, même de petites sommes. Les jeunes utilisateurs d’iPhone rencontrés ne
téléchargent pas d’applications payantes dans la catégorie des applications d’actualité. Ils refusent de
payer, même un peu. Tous ou presque se « débrouillent » pour lire la presse quotidienne de façon
gratuite. Ils la trouvent sur leur lieu d’études ou au bureau. Si jamais ils ont eu pour habitude de lire la
presse quotidienne payante de façon gratuite, même s’ils l’apprécient et même s’ils déplorent que les
gratuits n’aient pas une qualité égale, ils n’achèteront toujours pas de presse quotidienne payante.
Certains se voient l’acheter plus tard, mais beaucoup ne comprennent pas pourquoi ils achèteraient ce
qu’ils peuvent trouver gratuitement. En fait, il en ressort surtout un problème de praticité. Acheter en
kiosque les ennuie, leur fait perdre du temps ; de plus, le format d’un journal est trop important, trop
« encombrant » ; et surtout, ils n’ont pas l’impression d’avoir assez de temps pour s’y consacrer. Il
faudrait qu’ils en ressentent un besoin plus grand pour entamer la démarche.
Les jeunes perçoivent la différence entre la presse quotidienne payante et la presse quotidienne
gratuite. Ils ne la trouvent pas de même qualité et cela les importune, même si « c’est gratuit, alors il ne
faut pas trop leur en demander ». Le plus inquiétant est surtout qu’aucun ne perçoit la différence
entre l’offre payante (les abonnements) et l’offre gratuite de la presse en ligne. Les parties gratuites
répondent tellement bien à leurs besoins, et ils utilisent avec tellement de facilité Internet, qu’ils n’ont
pas besoin de payer. Ils ne ressentent pas le besoin d’une information plus complexe. S’ils doivent
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payer pour être mieux informés sur un point, ils préfèrent abandonner ou chercher autrement
sur Internet : « Sur Internet, il y a tout pour qui sait chercher » ; « Si on cherche vraiment, on peut
trouver des articles de fond ».
c) Ce besoin limité d’information est une opportunité encore mal exploitée
pour les marques fortes de la presse en ligne
Lorsqu’on leur demande un panier de mots autour de la notion de « journal », tous les jeunes
interrogés citent systématiquement et en premier les marques de presse, et Le Monde en
particulier. Les marques de presse quotidienne, notamment la presse quotidienne nationale, sont donc
des marques très fortes. Elles possèdent une aura, même auprès de ces jeunes qui ne l’achètent
quasiment jamais : elles représentent pour eux l’actualité et l’information de qualité. Les jeunes ont donc
un ou deux journaux en ligne sur lesquels ils se rendent fréquemment, surtout s’ils ont été habitués à
une marque média plus jeunes. Dans ce cas-là, ils sont presque exclusifs de cette marque. Ils peuvent
l’avoir mise dans leurs favoris. De même, tous les jeunes possesseurs d’iPhone ont installé au moins
une application de presse quotidienne d’information, et ils possèdent tous celle du Monde. Cela leur a
paru comme une évidence ; ces marques de presse fortes font donc partie de leur ensemble de
considération.
Cependant, l’éventail des sites d’information en ligne évoqué est important, beaucoup consultent
Google Actualités, ou les portails du type MSN. Si certains cherchent une « source fiable », beaucoup
n’évoquent pas la fiabilité ou la qualité comme un critère premier de satisfaction. Cependant, tous
estiment nécessaire la hiérarchisation des articles. Ils souhaitent avant tout un site clair, dans lequel
ils puissent trouver facilement les informations qui les intéressent et les informations les plus
importantes. Être une marque de presse forte suffit donc peut-être à attirer les jeunes mais pas
forcément à les satisfaire. Cette attirance doit être mieux exploitée de sorte que les jeunes se
reconnaissent dans ces journaux.
2. « Je me suis rendue compte qu’en fait je ne connaissais pas du tout la presse en ligne ! » : radiographie des succès et échecs de la presse en ligne auprès des jeunes
a) Une consommation régulière mais partielle, qui doit être facilitée par tous
les moyens techniques et la personnalisation
La première conclusion que l’on peut retenir de cette étude est que, si les jeunes se rendent de manière
régulière, souvent quotidienne, sur les sites de presse en ligne, cela reste une consommation souvent
partielle : une personne interrogée a ainsi déclaré à la fin d’une interview « Je me suis rendue compte
que je ne connaissais pas du tout la presse en ligne ! ». Ils s’attardent peu sur les outils mis à
disposition par la presse sur ses sites Web, mais ils utilisent en revanche les outils qui facilitent
l’accès à la presse en ligne : pages personnalisées, Twitter. Parmi les outils, ils connaissent mal les
vidéos ou les Web-documentaires, même s’ils en saluent l’intérêt ; ils préfèrent les diaporamas, qui
65 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
engagent moins leur temps, sont synthétiques et sont une bonne base pour aller s’informer sur certains
sujets. Les jeunes restent toujours dans cette dimension temporelle, ils veulent gagner du temps à
tous les points de vue :
- D’abord, pour trouver l’article qui va les intéresser, en réduisant le travail de recherche
qui peut se faire en amont ;
- Mais aussi pour comprendre ce que contient l’article, les faits, leur contexte, les enjeux et
les arguments pour et contre (si débat il y a) ;
- Et, enfin, pour retrouver les thèmes qu’ils apprécient.
Pour cela, il semble que la personnalisation, plus que la communauté soit un élément indispensable.
b) Les jeunes sont à la fois attirés et déstabilisés par le sérieux de la presse
en ligne
S’ils se retrouvent plus dans la presse quotidienne en ligne grâce aux formats proposés, les contenus
ne leur semblent pas adaptés. Nous avons noté une contradiction entre l’image qu’ont les jeunes
de la presse, ce qu’ils aiment en général et ce qu’ils souhaitent y trouver. Le sérieux de la presse
quotidienne, en particulier la PQN, semble à la fois un atout et un obstacle auprès des jeunes :
- L’image sérieuse renvoyée par la presse est un atout parce qu’elle est justement la première raison
de leur venue sur ces sites : ils cherchent une information validée, reconnue, de qualité.
- Dans le même temps, ils sont théoriquement attirés par tout ce qui est vidéo, Web-documentaires,
diaporamas. Et cependant, ils sont peu nombreux à les utiliser et à les connaître.
Cela s’explique d’abord par le peu de temps qu’ils passent sur ces sites. Mais cela s’explique également
par le fait que le contenu ne leur parle pas. Ils sont déstabilisés par un contenu qui ne s’adresse pas à
eux et ils ont du mal à se projeter dans une presse qui serait la presse en ligne idéale pour eux.
Encore peu éduqués à la presse, ils ont à la fois une vision scolaire de l’information et un besoin de
nouveautés susceptibles d’attirer leur attention :
« Il n’y a jamais d’articles plus pédagogiques, qui t’expliquent les enjeux. »
c) La méfiance envers les communautés et la volonté de partager avec ses
proches
Il ressort de l’étude que les jeunes n’aiment pas l’idée d’une communauté autour d’une marque de
presse. Il se dessine plusieurs raisons :
- Les jeunes considèrent l’actualité, et plus précisément leur opinion politique, comme quelque chose
d’intime, qu’ils ne veulent pas afficher sur le Web.
- Ils savent qu’un journal est rattaché à une ligne éditoriale particulière et ils ne veulent pas s’en
sentir prisonniers. Ils ne souhaitent pas se voir rattachés à une opinion. Ils préfèrent garder la
liberté de choisir, de partager un article de n’importe quel journal. Ils aiment l’éclectisme.
66 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
- Ils souhaitent avant tout partager avec leurs amis, leurs proches connaissances. S’ils peuvent
afficher un article qu’ils ont aimé sur Facebook, ils ne voient pas ce que pourrait leur apporter une
communauté avec laquelle ils n’ont rien en commun. Ils ne cherchent pas à débattre et l’actualité
n’est pas une base assez divertissante pour eux pour faire connaissance avec d’autres.
- Enfin, pour appartenir à une communauté, il faut avoir ce que les jeunes déclarent ne pas avoir,
c'est-à-dire du temps. Ils préfèreront consacrer ce temps-là aux réseaux sociaux.
En outre, ils réprouvent les commentaires, que d’une manière générale ils trouvent trop virulents. Ils
n’ont pas envie de s’impliquer et risquer de ce fait de se faire malmener.
d) Des tests de concepts indiquent l’attirance vers un contenu dédié aux
jeunes
L’étude a mis en exergue l’attirance vers un contenu de qualité avec des thèmes qui seraient plus
à même d’intéresser les jeunes. Les étudiants en particulier ont aimé l’idée d’une section « Vie
étudiante » inspirée de celle existant actuellement sur leparisien.fr. Ils ne savent en général pas où
chercher pour trouver des informations concernant leurs études, et trouvent originale et intéressante
une telle initiative, et beaucoup assurent qu’ils s’y rendraient. Cependant, ils ont souligné qu’ils ne
comprendraient pas que soit créée une section spécialement pour les « étudiants » ou, plus
généralement, les « jeunes ». Ils auraient le sentiment d’être à part, de ne pas être traités comme les
autres (particulièrement le « jeune actif intimidé »). Cela n’aurait pas de sens pour eux puisqu’ils
viennent chercher une information généraliste. Une section « Education » serait ainsi plus pertinente.
e) La consommation de presse en ligne est entièrement différente entre les
jeunes internautes et les jeunes mobinautes
Lors de cette étude, nous avons constaté avec surprise que les possesseurs d’iPhone avaient une
toute nouvelle consommation et avaient changé leurs habitudes en n’allant presque plus sur les
sites de presse en ligne. Nous pouvons donc émettre l’hypothèse que le mobile répond pleinement aux
nouveaux besoins des jeunes. La vitesse de l’information est importante, et la marque de presse reste
finalement leur repère. Ce repère ne doit pas être perdu.
C. Typologie des jeunes lecteurs de presse en ligne
1. Définition des profils
On peut affiner le profil du jeune lecteur de presse écrite que nous avons dessiné jusqu’ici. Notre étude
nous a permis de définir quatre profils de lecteurs de presse en ligne selon trois critères principaux :
- Ce que l’individu recherche dans l’information ;
- Comment il a appris à lire la presse ;
- Son niveau de connaissance de l’offre et des outils de la presse en ligne.
67 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
D’après ces critères, nous avons discerné le « technophile curieux », le « jeune actif intimidé »,
l’« overbooké » et le « militant passionné » :
Tableau 22. Typologie des jeunes lecteurs de presse en ligne
Ce que l’individu recherche dans
l’information
Comment il a appris à lire la presse
Son niveau de connaissance de l’offre
et des outils
Le « technophile curieux » La curiosité, l’évasion. Recherche d’une valeur ajoutée, d’information sur ses passions, des sujets précis sur ses centres d’intérêt, notamment la technologie, les jeux vidéo. Il cherche à s’occuper.
Lit souvent beaucoup de journaux de la PQN/R, mais toujours de manière gratuite. Ne cherchera jamais à payer pour des journaux, très attaché à la démocratisation par Internet.
Temps moyen à élevé consacré à la presse en ligne, et connaissance un peu plus étendue de l’offre et des outils. Connaissent les blogs surtout, les vidéos, les diaporamas.
Le « jeune actif intimidé » Cherche un statut, le sérieux ; il pense ne pas être à la hauteur pour se faire sa propre opinion. Il manque de confiance en lui et trouve dans l’information un outil d’insertion sociale. Il parfois un iPhone.
A appris à lire la presse tout seul, avec les gratuits dans les transports en commun, ou pendant ses études avec une offre gratuite des payants.
Temps assez élevé consacré à la presse en ligne ; lit les gratuits. Connaît les diaporamas, mais préfère une vision classique de la presse.
L’« overbooké » Cherche à s’informer par curiosité, pour lui-même et surtout pour faire passer le temps dans les transports en commun. A parfois un iPhone. L’information n’est pas quelque chose de primordial pour lui, sauf sur certains sujets précis qui concernent directement ses études ou son métier.
A appris à lire la presse par les gratuits, mais a parfois des parents abonnés à la presse papier, ce qui lui a donné une certaine marque comme repère, sur laquelle il va le plus souvent.
Temps faible consacré à la presse en ligne. Connaît les diaporamas, trouve ça « sympa », aimerait connaître un peu plus ce qu’il y a, y passer plus de temps.
Le « militant passionné » Achète de la PQ payante, cherche à comparer des avis, à se tenir informé, des articles sur un sujet précis, aime la politique. Il cherche le débat.
Il a appris par ses parents, il lit la presse depuis longtemps et a découvert la presse en ligne assez tôt. Il est plus attaché à une conception de la presse proche de la génération précédente.
Temps élevé consacré à la presse en ligne. Il lit beaucoup de blogs, il aime l’opinion, il passe du temps sur la presse en ligne et sur les sites participatifs.
a) Le « technophile curieux »
Le « technophile curieux », qui peut être jeune actif ou étudiant, est très à l’aise avec les nouvelles
technologies. Il s’intéresse souvent à toutes les nouveautés high-tech et il passe beaucoup de temps
sur Internet, même pour ses loisirs. Il s’agit en somme d’un véritable « geek ». Il n’est pourtant pas
refermé sur son monde et il aime à s’informer dans tous les domaines. Il a une vie sociale comparable
aux autres jeunes, mais aime consacrer beaucoup de temps à son ordinateur pour jouer ou regarder
les séries télévisées, en téléchargement, en streaming ou en catch-up TV, ou encore s’informer sur ses
centres d’intérêt. Il s’intéresse à l’information internationale. C’est un curieux, il est passionné et
exigeant. Il cherche à s’évader par l’information, à s’amuser. La technologie lui sert à se tenir au
courant en permanence, par l’intermédiaire des widgets, des pages personnalisées ou des profils qu’il
68 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
suit via Twitter. Il a intégré à quel point peuvent être pratiques les outils offerts par Internet et s’en sert
pour se faciliter l’accès à l’information. Il a une consommation de presse en ligne plus moderne
et différente de tous les autres. Il se sert souvent d’Internet pour échanger et partager avec ses amis,
au travers des réseaux sociaux ou de l’échange de mails, des actualités sur les thèmes qu’il apprécie.
Dans la presse en ligne, il cherche avant tout quelque chose de différent de la presse écrite. Il
souhaite y trouver une valeur ajoutée. Il cherche des blogs, des vidéos, d’autres avis... Il aime Internet,
il prône la gratuité (« la gratuité, j’y tiens ! »), l’information disponible pour tous, c’est pour lui quelque
chose de presque sacré. Il aime retrouver des avis différents : « la valeur ajoutée pour moi, c’est l’avis,
le style, le ton du site ». C’est un profil beaucoup moins anxieux que d’autres, il a confiance en Internet
et en son avenir.
b) Le « jeune actif intimidé »
Il a appris à lire la presse pendant ses études supérieures ou par les gratuits. Il vient d’entrer dans un
nouveau milieu dans lequel il se sent en position de faiblesse, qu’il ne maîtrise pas, et il cherche à
se rassurer par la lecture des quotidiens : « pour ne pas paraître idiot dans les débats ». Ils lui
permettent de se sentir légitime à son poste, dans son entreprise, au milieu de ses pairs : « je suis arrivé
dans un milieu où ça parle beaucoup d’actualité […] j’ai commencé à lire pour savoir ce qui se passait,
pour savoir de quoi ils parlaient ». Il ne cherche pas uniquement à s’informer, il cherche des sujets de
conversation sérieux et des opinions : « la presse permet de ne pas être à l’écart quand tu discutes
avec des amis, par exemple ». L’actualité est un « sujet facile de conversation », rassurant. Le « jeune
actif intimidé » a peur de paraître idiot, il ne se sent pas cultivé, alors que sa consommation de presse
quotidienne (quelque soit le support) est plus élevée que la plupart des jeunes. Il est déjà dans la réalité
de la vie professionnelle (il s’intéresse ainsi avant tout à l’économie), mais son identité reste en
construction, surtout en ce qui concerne la politique. Il ne sent pas encore assez sûr de lui pour se
forger une opinion sur les journaux qu’il lit : « on va dire que je suis plutôt à un stade où je prends
les informations plutôt que je les juge » ; « pour l’instant, j’absorbe » ; « plus ça va aller, plus je me
permettrai de juger selon mon propre point de vue les articles ».
Il est angoissé, il réfléchit beaucoup, il veut comprendre son environnement pour avoir une prise sur lui.
Il croit avoir un déficit de formation ou de culture par rapport aux autres. Il a conscience que le savoir
est un moyen d’intégration sociale : « quand tu as envie de discuter avec des amis ou avec des
collègues qui font des allusions à des faits d’actualité et que toi, tu ne sais rien… c’est un facteur
d’exclusion ». Il se projette dans l’avenir en se disant qu’il doit continuer à « apprendre », à se
développer, bref à mûrir.
c) L’ « overbooké »
L’ « overbooké » représente la majorité des personnes interrogées. Il s’agit le plus souvent d’un
étudiant, mais il peut être jeune actif ; il a une vie chargée, par les cours ou par le travail qu’il fait en
plus de ses études, qui l’empêche de faire ce qui lui plaît tout à fait. Les transports en commun offrent
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un moment idéal pour lui pour s’informer. Il met à profit ce « temps perdu » pour lire les gratuits ou
consulter les grands titres sur son smartphone s’il en a un. Son discours s’articule autour de son manque
de temps.
Il se méfie généralement un peu des journalistes. Il a appris à lire la presse par les gratuits. Souvent,
ses parents étaient ou sont abonnés à un journal qui lui a permis de rester fidèle à une marque de
presse précise. Il n’a le temps pour rien. Il préfère trouver des infos brutes sans point de vue, il aime
avoir l’impression de se forger une opinion par lui-même. Il n’a pas le temps pour lire des avis, ceux-ci
l’énervent, il s’en sent prisonnier :
« Je n’aime pas trop qu’il y ait un parti pris, je préfère avoir les faits et juger par moi-même »
« Quand tu vois plusieurs opinions, après tu ne sais plus quoi penser, et puis, ils ne s’appuient pas
sur les mêmes faits donc ça n’avance à rien ! »
« Sur Le Monde ou Le Figaro, ils ne creusent pas vraiment les informations, ils n’ont pas beaucoup
de distance vis-à-vis du pouvoir »
S’il veut compléter les informations qu’il trouve dans les gratuits ou les journaux qu’il obtient
gratuitement, il ira chercher l’information sur le journal qu’il connaît sur le net : « Quand j’ai Le Figaro à
disposition, je le regarde, je ne l’achète jamais. Si je vois que ça peut m’intéresser, je vais sur Internet ».
Il ne connaît en effet souvent qu’un ou deux sites de presse en ligne : lemonde.fr et/ou lefigaro.fr, et
parfois un site de presse régionale : « Le Monde, c’est une référence, et puis ça me paraît neutre
politiquement ». Assez rarement, il ira chercher un parti pris qu’il considère comme plus légitime sur
d’autres sites, comme sur les sites participatifs, et sur des sujets très précis.
Il picore l’information plutôt qu’il ne cherche à approfondir les faits d’actualité. Il regarde la une des
quelques sites qu’il connaît et clique sur un article s’il l’intéresse ou s’il est mis en avant : « En général,
je ne vais pas voir les articles qui sont liés car je n’ai pas beaucoup de temps ». Ils y vont souvent quand
il est au bureau ou pendant ses études, quand il est en pause : il n’y revient pas le soir, préférant les
informations à la télévision. Il a une consommation de l’information assez segmentée : il a un site préféré
pour chaque centre d’intérêt.
d) Le « militant passionné »
Les « militants passionnés » sont beaucoup moins nombreux et, plus âgés que les autres, se
rapprochent des « technophiles curieux » par leur connaissance des outils de la presse en ligne. Ils ont
une connaissance très large des sites d’information, plus large encore que celle des « technophiles
curieux ». Ce sont les outils informatiques qui, en se mettant à jour, les décident à aller vers un site ou
non, et pas le nom du site qui les attire vers l’information. Ils ont une opinion politique déjà bien forgée,
depuis le lycée ou l’université, et, comme les « technophiles curieux », ils aiment l’opinion développée
par les différents sites, mais ils en diffèrent par ce qu’il recherche dans l’information. Ils sont souvent à
la fois très éclectiques et très intéressés par un domaine en particulier : la politique.
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Ils ressentent la différence entre la presse et les autres médias de façon plus importante (« il n’y a pas
les mêmes infos dans la presse par rapport aux autres médias, et c’est justement ça qui est
intéressant »). Ils ont une vision plus ancienne de la presse, ils attachent beaucoup d’importance au
journalisme : « je suis beaucoup plus attentive à savoir qui a écrit l’article ». Ils aiment le côté
« proximité » de la presse. Ils aiment l’idée que l’information devienne gratuite, ils trouvent important
que la culture soit accessible à tous « ça rend la presse accessible à tous, à ceux qui n’ont pas les
moyens de s’abonner ».
Ce qui change par rapport à l’écrit, pour eux, c’est la communication, le fait de pouvoir échanger avec
les autres internautes, « confronter les avis » : « un vrai dialogue peut se nouer, contrairement avec la
presse écrite qui permet seulement d’en parler à des collègues ou des amis ». Ils font partie de la
minorité qui écrit parfois des commentaires sur les sujets d’actualité et aiment à lire ceux des autres, où
ils trouvent des idées parfois originales et qui ne sont pas développées dans la presse.
2. Les réponses et attentes des jeunes en fonction des profils définis
a) Le « technophile curieux » recherche une information synthétique, des
tendances sur ses sujets préférés et la dimension esthétique a une grande
importance pour lui
Le « technophile curieux » a une conscience élevée des outils offerts par Internet. Il les utilise pour
simplifier sa recherche d’information. Il connaît et utilise à la fois les portails et les agrégateurs
d’informations. Il connaît et apprécie, même s’il y va rarement, les sites d’information participatifs. Il se
sert de Netvibes ou de pages personnalisées iGoogle sur lesquelles il a intégré les applications des
sites de presse en ligne ou de Google Actualités. Il peut avoir un compte Twitter : « Même s’il fait avoir
l’ordinateur allumé en permanence, c’est cool d’avoir de l’information en direct de manière très
synthétique ». Il recherche les vidéos et les diaporamas, les regarde plus souvent que les autres, trouve
important que le format soit différenciant par rapport au papier.
Le « technophile curieux » a besoin d’une information à la fois générale et pointue sur des sujets qui le
passionnent. Pour cela, il aime les blogs, et va parfois sur ceux des sites de presse en ligne. Il cherche
donc à avoir des thématiques précises, mais, parce qu’il maîtrise de façon experte Internet, est très
exigeant sur ce qu’il peut y trouver. Il aime trouver les tendances des thèmes qu’il privilégie. Il est
facilement déçu et peut ne pas revenir sur un site s’il n’en est pas satisfait. L’ergonomie a ainsi son
importance : « Je ne veux pas que ce soit fouillis. Il faut que ce soit facile, instinctif… Si ça ne me plaît
pas, je n’y reviens pas ». Il est donc exigeant à la fois sur le fond et la forme ; il a besoin à la fois de
qualité graphique et d’originalité.
Sa curiosité est un atout pour la presse, qui peut lui apporter non seulement les informations qu’il
recherche, mais il appréciera également qu’elle le renvoie vers des blogs ou d’autres sources
d’informations auxquelles il est ouvert et habitué. Il cherche également à partager les informations qui
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l’intéresse, notamment si elles sont originales, et utilise pour cela les fonctions « à partager » (par mail
ou par les réseaux sociaux) des différents articles qu’il trouve.
b) Le « jeune actif intimidé » voudrait un journal plus accessible, plus
compréhensible et plus proche de lui
La connaissance des outils de la presse en ligne des « jeunes actifs intimidés » est au contraire des
« technophiles curieux » assez limitée. Ils aiment les articles, rechignent devant les images. S’ils ont un
iPhone, c’est seulement pour lire les articles. Ils ne cherchent pas à aller plus loin, mais ils aiment cet
outil, qui leur permet de s’informer souvent et d’occuper leur temps dans les transports. Le « jeune actif
intimidé » attend avant tout un contenu de qualité, qu’il prendra le temps de comparer avec d’autres
sources. Il cherche une opinion, mais discrète et toujours clairement étayée.
Il éprouve un besoin d’initiation à une presse qu’il a l’impression de ne pas maîtriser. Il aimerait une
presse plus accessible, avec un langage plus facilement compréhensible, duquel il ne se sentira pas
exclu. Une certaine pédagogie dans les articles est recherchée, une explication des faits précédents.
Un article ne devrait pas prendre les événements pour acquis et compris car cela le rend mal à l’aise :
il apprécie donc que le contexte soit rappelé, et que les enjeux soient clairement mis en avant.
En bref, les « jeunes actifs intimidés » ont besoin d’être encouragés dans leur démarche de découverte
de la presse ; ils ont besoin d’être respectés et valoriser. Un sentiment de proximité avec le journal, si
elle est mise en place, peut les aider dans cette démarche.
c) L’« overbooké » recherche la praticité avant tout, la clarté et le sens de la
synthèse
L’« overbooké », parce qu’il est souvent mobile, est un adepte de la presse gratuite ou de tout autre
type de média ou d’outil pratique (informations matinales à la télévision, chaînes d’information en
continu, radio) qui lui donne une information synthétique, ce qu’il faut retenir de l’actualité. Il approfondit
par lui-même ensuite s’il le souhaite. Son sentiment d’être « overbooké » l’amène à utiliser des outils
pratiques. Il jette donc toujours un œil sur les sections du type « Les articles les plus lus / envoyés » ou
« Les articles mieux notés ». Il fait ainsi un tour d’horizon des faits importants. Il possède un attrait
certain pour les smartphones, et envisage d’acheter un iPhone s’il n’en a pas déjà un. Contrairement
au « jeune actif intimidé », il apprécie le fait que les articles soient peu développés. D’ailleurs, il réprouve
la difficulté, refuse d’avoir à télécharger un logiciel, par exemple.
Il lit l’actualité pour lui, et il n’envisage pas de partager les articles qu’il parcourt. Il ne clique pas sur les
liens connexes d’un article et a une lecture plutôt partielle, sauf si le sujet l’intéresse vraiment. De plus,
l’« overbooké » révère la neutralité, mais affectionne d’être surpris. Il peut ainsi apprécier d’avoir des
points de vue sur certains sujets, des thèmes non abordés. Il n’est pas contre les opinions qui sortent
de l’ordinaire et lui permettent ainsi de compléter ses connaissances.
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Il cherche donc à avoir des articles clairs, des synthèses des schémas car l’analyse est importante. Il
cherche à comprendre de façon rapide.
d) Le « militant passionné » recherche le point de vue, des idées originales,
la participation et le débat
De tous les individus interrogés, le « militant passionné » est celui qui prise le plus les blogs et les
commentaires. Il a déjà une opinion bien à lui et cherche dans la presse des informations sur des sujets
précis. Il a une connaissance très étendue de l’information en ligne, lit différents blogs qur les thèmes
qu’il affectionne et connaît les sites participatifs. Il se rapproche donc du « technophile curieux » par sa
pratique mais les thèmes de ses recherches et ses attentes diffèrent. Il est curieux de tout, mais souhaite
qu’on l’interpelle, qu’on le fasse réfléchir. Il recherche une navigation par thèmes plus aisée. Il aimerait
une sorte de base de données facile à exploiter.
C’est le profil qui peut être le plus intéressé par l’engagement communautaire, à condition que ce soit
autour d’une cause : ce peut être du journalisme citoyen, par exemple, via le partage de vidéos,
d’articles, de points de vue… Le « technophile curieux » peut l’être aussi, mais sur des sujets moins
sérieux, comme des vidéos de buzz.
IV. PROPOSITION D’UN MODE LE D’ACQUISITION ET DE FIDE LISATION DES 18/25 ANS PAR INTERNET
73 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Dans cette partie, nous allons proposer quelques pistes pour attirer et fidéliser les 18/25 ans au moyen
d’Internet : nous verrons donc dans un premier temps les réponses à apporte sur le Web, puis nous
explorerons les innovations du mobile et enfin nous développerons les possibilités qu’Internet offre pour
attirer vers le papier et les moyens d’interaction entre tous les supports.
A. Quels profils la presse en ligne doit-elle cibler en priorité ?
Les « passionnés » sont déjà acquis à la cause de la presse, sur laquelle ils passent du temps et dont
ils connaissent mieux que les autres les atouts par rapport aux autres sources d’information. On peut
attirer les « passionnés » au travers de communautés de partage, mais il faudrait qu’ils passent plus de
temps sur les sites en question. Or, généralement, même s’ils ont des idées politiques précises, ils ne
sont pas fidèles à une marque de presse en particulier car ils vont avant tout chercher des points de
vue différents. Même s’il s’agit d’une minorité, ils ne sont pas à délaisser car ils peuvent participer à la
vie du site, et il est possible d’en faire des ambassadeurs de la marque. Cependant, les outils actuels,
qui conviennent à leur vision plus classique de la presse peuvent leur convenir, et ils ne forment pas de
ce fait la cible la plus intéressante.
Les « technophiles curieux » et les « overbookés » nous semblent des cibles pertinentes car elles ont
un potentiel de fidélisation non négligeable pour une presse en perte de vitesse auprès des jeunes. Ces
deux profils s’intéressent à la presse et peuvent être attirés de façon simple par la mise en place d’outils,
et possèdent ensemble une exigence sur le contenu que la presse possède les moyens de satisfaire.
B. Acquisition et fidélisation par le site Internet : attirer par le format et fidéliser par le contenu
1) Et s’il fallait aller au-delà du débat gratuit/payant ?
Les jeunes ne veulent pas payer pour de l’information, c’est un fait que notre étude a pu vérifier (même
si nous tenterons de trouver des potentiels de paiement dans la troisième partie de cette entrée). Cela
nous amène à certifier que la problématique de l’attraction des jeunes sur les sites de presse en ligne
va bien au-delà de la question du modèle gratuit/payant. Du point de vue des jeunes, ce doit être gratuit,
et ils trouveraient normal que les archives soient payantes.
La priorité nous semble, en se plaçant du point de vue des 15-25 ans, d’attirer les jeunes vers les
sites de presse en ligne et surtout de créer du lien avec des marques qu’ils perçoivent comme
lointaines. Une fois ce lien créé, les jeunes pourront envisager de s’impliquer davantage dans la
relation avec ces marques, dans la régularité et même l’abonnement. Avant de savoir s’il faut que ce
soit gratuit ou payant, il faut déterminer ce que les jeunes auraient envie de payer ou non.
74 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
2) Attirer par le format : transformer l’expérience de lecture
Selon Clément Courvoisier82, Directeur Marketing du Figaro.fr, la presse quotidienne doit « se détacher
de la notion de support » pour avancer : « Ce n’est pas grave si un jour n’y a plus de kiosques, parce
qu’il y aura toujours un besoin d’information à apporter au lecteur. C’est notre métier : nous ne sommes
pas des imprimeurs, nous faisons de l’information. » La presse n’est pas le papier, ni Internet, ni le
mobile... La presse est un métier : elle produit de l’information de qualité, de l’analyse et de la
hiérarchisation. Le format est indispensable pour attirer les jeunes, mais, et c’est ce que nous a permis
de découvrir notre étude, il n’est pas suffisant.
a) La technologie doit davantage être mise en valeur
Utiliser l ’image comme point de départ // Nous avons vu dans notre étude que les jeunes,
s’ils connaissent mal les nouveautés technologiques de la presse en ligne, éprouvent un fort intérêt pour
elles. Il est donc recommandé de les mettre en avant pour qu’elles soient plus accessibles. Les jeunes
sont plus attirés par l’image que par l’écrit, mais il doit toujours y avoir un mélange des deux. L’image
doit ainsi être un complément ou un point de départ : elle doit donner envie d’approfondir le sujet.
En cela, les diaporamas, qu’ils se trouvent en ligne ou sur mobile sont très appréciés. Une image est
plus marquante qu’un texte, mais elle doit toujours rester un complément d’un article. Elle doit amener
vers un article, ou doit au moins être liée à des articles dont le sujet se rapporte. Il est possible de
moderniser la page de une en introduisant un carrousel de photos et vidéos : dans un carré ou un
rectangle seraient mis en avant les photos et vidéos illustrant les événements du jour ; le carrousel
permet de les faire défiler. Il attire l’œil et donne envie de cliquer. De plus, il permet à la presse
d’effectuer sa mission de tri et de hiérarchisation en mettant en avant les faits marquants du jour. A titre
d’exemple, on peut évoquer la une de Lepost.fr, qui est très bien pensée.
Transformer l ’expérience de lecture // Les photos, les vidéos sont plus que de simples
formats, ils vont transformer l’expérience de lecture de la presse. La contradiction éprouvée par les
jeunes entre loisir et sérieux peut s’effacer en leur faisant vivre une expérience. De plus, cela entraîne
une rupture dans la navigation, un moment de flottement et de concentration qui permet de rendre la
navigation plus agréable, et souvent plus longue. Enfin, il existe un troisième avantage non négligeable
à la mise en avant des vidéos : il est possible de les valoriser en introduisant une publicité avant la
vidéo, ou un interstitiel translucide avec un message publicitaire. Ce type de format publicitaire est prisé
car il permet un ciblage fin de l’internaute (les vidéos répondant souvent à un centre d’intérêt défini) ;
de plus, il est obligatoire de le voir pour regarder la vidéo. Ajoutons à cela que les jeunes interrogés ne
sont pas défavorables à la présence de publicité sur les vidéos : ils savent que c’est le prix à payer pour
la gratuité. La presse en ligne se doit dans le même temps de jouer avec les possibilités infinies du
82 Cf. interview de Clément Courvoisier en annexe
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Web ; il peut être facile et peu coûteux de produire des formats inédits et explicatifs, comme l’ont
montré les Web-documentaires.
Faire intervenir les journalistes // Les jeunes attendent de la presse qu’elle explique les
événements de l’actualité. Un moyen de renouer le contact avec les jeunes, de donner un sentiment
de proximité est de faire intervenir les journalistes, du « print » comme du Web83. Ils peuvent être
interviewés sur des sujets qui les concernent. Ce sentiment de proximité pourra également être donné
par la présence sur les réseaux sociaux, que nous verrons dans la partie C.
b) Mettre en avant les blogs sur des thématiques précises
La présence des blogs doit être intensifiée à la fin des articles, en particulier sur les thématiques qui
intéressent les « technophiles curieux », qui sont les plus susceptibles d’y prêter attention : cinéma,
nouvelles technologies, jeux vidéos. Le blog ne doit pas venir concurrencer l’expertise de la presse en
ligne, mais apporter un plus en racontant une expérience d’utilisateur sur des sujets qui s’y prêtent.
Les blogs sont analysés et lus par une personne de la rédaction, qui met en avant certaines idées ou
certains blogueurs. Par exemple, sur 20minutes.fr, quelques blogueurs privilégiés, experts en médecine
ou en recherche médicale ont été régulièrement mis en avant pendant le pic de la grippe H1N184. Cette
présence devrait devenir plus précise, et intervenir sur de nombreux événements.
c) Rendre la presse en ligne accessible via les réseaux sociaux pour répondre
au besoin primordial d’information rapide et condensée
La presse doit entrer dans le territoire des jeunes : les réseaux sociaux. De nouvelles expériences
concluantes ont eu lieu et il est par exemple intéressant de créer des fils sur Twitter concernant des
événements particuliers. Olivier Toscer, journaliste au Nouvel Observateur, a ainsi twitté pendant le
procès Clearstream, relatant différents faits en moins de 140 caractères85. Twitter lui a permis de
« retranscrire des images » et des « scènes jamais divulguées au public dans les médias classiques ».
Twitter ne permet pas de comprendre un événement ; en revanche, il est un outil complémentaire,
permettant de suivre l’événement, d’en découvrir les coulisses, de s’informer autrement. La présence
actuelle des marques de presse quotidienne sur Twitter peut donc être élargie et diversifiée.
On sait combien les moteurs de recherche, et en particulier Google, sont important dans la recherche
d’informations des jeunes. Or, Google a signé en octobre 2009 un accord de partenariat avec Twitter
grâce auquel on retrouvera des tweets dans les pages de résultats du moteur de recherche86. Cette
83 Cette expérience a débuté au Figaro.fr, cf. interview de Clément Courvoisier en annexe
84 « Communiquer sur Internet 2010 », publication de l’IAB France, p.13, chapitre Médias et communautés
85 « Communiquer sur Internet 2010 », publication de l’IAB France, p.16, chapitre Médias et communautés
86 http://googleblog.blogspot.com/2009/10/rt-google-tweets-and-updates-and-search.html (annonce sur le blog
officiel de Google)
76 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
fonctionnalité est déjà disponible aux Etats-Unis avec un onglet de recherche « Social Media ». Elle fera
sûrement son apparition prochainement en France. Le classement devrait se faire selon le nombre de
« followers » d’un profil. Une marque de presse pourrait donc légitimement se trouver bien positionnée
dans ce type de recherche, et ainsi offrir un autre moyen d’être présent sur Google.
3) Fidéliser par le contenu
A trop penser que seul le format suffit à attirer les jeunes, on oublie que le contenu peut finalement les
repousser. S’il faut continuer à le rendre accessible par les formats et les outils pour attirer le plus grand
nombre, il faut cibler et fidéliser ceux qui représentent l’avenir de la presse.
a) Une forte demande d’adaptation du contenu qu’il est essentiel de respecter
La presse doit cibler et fidéliser parmi les jeunes ceux qui représentent son avenir en adaptant son
contenu. La presse en ligne doit se différencier en mettant en avant ses atouts. Si elle se contente de
jouer sur la rapidité de l’information, elle n’apportera aucune valeur ajoutée : « Dans la course à
l’information, c’est toujours Twitter qui gagnera 87 ». Il est donc nécessaire de valoriser les
spécificités de la presse sur le Web : analyse, tri, hiérarchisation, mise en contexte,
personnalisation.
Il nous semble important que la presse en ligne réponde à la demande des jeunes en valorisant son
expertise au moyen de schémas, de dossiers de fond, d’intervention de spécialistes. Il est ainsi
recommandé de produire des dossiers de fond que l’ont peut facilement retrouver, en créant une
section dédiée. Pour les lycéens et les étudiants, il peut être intéressant par exemple de leur permettre
de retrouver facilement un dossier spécial qui a été faire sur la chute du Mur de Berlin. Cette initiative
pourrait facilement être relayée auprès des professeurs et universitaires, qui en démontreraient l’intérêt
à leurs élèves. La presse ne doit pas rester dans l’instant : sa valeur ajoutée repose sur
l’approfondissement et l’accumulation des données analysées. Elle doit se différencier par une
pédagogie subtile. L’idée n’est pas de construire un livre d’Histoire mais de servir de repère dans un
monde en perpétuel changement en abordant les grands enjeux contemporains. Cette volonté
peut se traduire par une navigation à double entrée, qui ne présenterait non plus seulement les thèmes
mais également les enjeux : à la fois par la barre horizontale traditionnelle de thèmes, mais aussi par
une barre verticale. Celle-ci permettrait de revenir en arrière ou d’aller sur des thèmes connexes
facilement en affichant la hiérarchie des articles.
L’adaptation du contenu passe aussi par la mise en avant de thématiques existantes, comme les
jeux vidéo, le cinéma ou l’international. Les sites de presse en ligne possèdent tous le contenu, au
moins au travers des blogs d’experts. On peut pour cela intégrer les blogs dans les thématiques, au lieu
de les mettre dans une section à part.
87 Cf. Interview Cédric Giorgi en annexe
77 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Enfin, cela passe aussi par d’autres thématiques non abordées jusqu’à présent et trouvant pourtant
leur place dans la presse quotidienne, qu’elle soit nationale ou régionale. Les bases sont jetées,
puisque, par exemple, Le Figaro possède Le Figaro Etudiant, ou encore Le Parisien a mis en place sa
section « Vie étudiante ». La présence d’un contenu d’aide à l’orientation ou dédié aux étudiants a
été bien accueillie par les personnes interrogées. Les universités peuvent s’y présenter, des articles
peuvent expliquer le choix des filières, montrer des reportages et des témoignages d’anciens étudiants.
La presse en ligne, par sa légitimité d’investigation, peut apporter un réel retour d’expérience très utile
et novateur.
b) Cibler à la fois un potentiel de fidélisation et de paiement
Pour que la presse se décide vraiment à attirer les jeunes, nous avons pris le parti de montrer qu’ils
avaient un potentiel de fidélisation, mais aussi de paiement. La presse se doit d’attirer les jeunes, qui
représentent son avenir. Elle doit commencer ce travail dès le lycée et cibler les étudiants du cycle
supérieur, au moment où l’esprit s’ouvre vraiment aux enjeux de l’actualité.
Les jeunes, contrairement à ce qu’on pense, sont prêts à payer pour de l’information, mais toujours de
faibles sommes. Le prix d’un journal est ainsi trop élevé par rapport au nombre d’informations qui vont
être perçues comme utiles. La différenciation justifiant le paiement repose sur deux piliers : la
personnalisation et l’approfondissement.
Dégager une plus-value par la personnalisation // Le potentiel de fidélisation repose,
à notre avis, sur la personnalisation. Les jeunes nous ont fait part de leur envie de retrouver facilement
les articles qu’ils ont aimés, les thèmes qui leur plaisent, etc. en déplorant le « fouillis » des sites de
presse en ligne. Sans engendrer une notion d’« abonnement », il est possible, comme lorsqu’on se rend
sur des sites de e-commerce, de s’identifier rapidement, ou même d’être reconnu immédiatement, et
de retrouver sur sa page les points qu’on a décidé de mettre en avant. Différents thèmes pourraient être
choisis, mais aussi les dossiers et les formats (dernières vidéos, etc.). Cela permettrait de mettre en
avant ce qui existe déjà et intéresse potentiellement les jeunes (les blogs sur les nouvelles technologies,
sur les jeux vidéos, les sorties cinéma…) et dont ils ne perçoivent pas la présence. Une partie de la
page serait bien entendu commune à tous les internautes, avec la présentation des actualités récentes,
pour ne pas transformer la page d’accueil en simple portail. L’idée est de faire d’une page de site de
presse en ligne un univers que l’on maîtrise facilement et dans lequel les jeunes se reconnaissent.
De plus, le fait de choisir les thèmes au départ permet à l’internaute de prendre conscience de l’offre
étendue de contenu, puisque les barres de thèmes sont peu utilisées.
Vendre des services en lien avec la recherche intelle ctuelle // Dans notre étude,
nous avons distingué un certain potentiel payant sur l’approfondissement et les services qui
78 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
peuvent y être liés. Selon Philippe Jannet, « tous les individus ont un potentiel payant, il suffit juste de
trouver à quels moments ils ressentent un besoin tellement important qu’ils vont décider de payer »88.
Tout d’abord, examinons les étudiants « overbookés » :
Les étudiants participant à des concours et des examens (baccalauréat, concours des grandes
écoles, étudiants en histoire, en journalisme, en sciences politiques…) sont capables de payer
ponctuellement pour ce qu’ils ne peuvent trouver facilement sur Internet, pour des dossiers de
fond, des aides à la préparation de leurs examens.
Les étudiants peuvent également trouver nécessaire des conseils sur leurs études, via les
classements des écoles et des universités, ou encore des parties plus techniques de la section
« Education » que nous avons proposée plus haut (orientation).
Un abonnement « Spécial Etudiants » peut ainsi être proposé, mais il devra respecter certaines
conditions :
- Il s’agit d’un abonnement pour le site Internet et le Web mobile, auquel on peut penser à ajouter
le journal papier ; il peut s’agir par exemple du journal du samedi uniquement, pour habituer en
douceur au journal papier à des moments où les jeunes se sentent un peu plus libres.
- L’abonnement se paie au mois, car un jeune ne peut se permettre de payer pour un an, même
avec 60% de réduction comme le propose Libération. Il est psychologiquement moins
contraignant de devoir payer une faible somme mensuelle qu’une somme importante. Surtout,
l’économie par rapport à un abonnement normal doit être indiquée.
- Il donnera accès à des dossiers de fond et des parties de la section « Education »
inaccessibles aux non-abonnés.
- Certains services pourraient être inclus et uniquement accessibles à ces abonnés. La
recherche gratuite d’archives, disponible sur Libération, est un bon exemple de ce qui peut
être fait.
c) Faciliter le paiement par tous les moyens
Le jeune internaute doit pouvoir payer sans difficultés. Il ne doit avoir à rentrer son code bancaire qu’une
seule fois pour être reconnu ensuite.
4) L’enjeu est d’attirer les jeunes sans déstabiliser les internautes habituels
La personnalisation simple et accessible de la page d’accueil, et les abonnements ou ventes ponctuelles
à destination des étudiants nous semble former une solution sage pour ne pas perturber l’ensemble de
l’audience des sites de presse en ligne. Pour attirer les jeunes, il faut ainsi à la fois faciliter l’accès à
l’information par le format et les outils et proposer un contenu qui leur est adapté, sans perturber les
88 Conférence EBG « Les grands enjeux gratuit / payant », 14 janvier 2010
79 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
lecteurs habituels par un changement de ligne éditoriale trop fort. On peut d’ailleurs supposer que les
journalistes n’accepteraient pas un tel changement, et le fait que cela pourrait dénaturer la marque et
son image leur donne raison.
Figure 8. Les enjeux de l’attraction de la cible jeune pour la presse en ligne
C. Acquisition et fidélisation par les réseaux sociaux : trouver des relais d’audience tout en créant un lien entre l’internaute et la marque
1) Les réseaux sociaux comme relais d’audience : de véritables créateurs de trafic
Tous les amis d’un utilisateur de Facebook peuvent voir qu’il a adhéré à un groupe ou est devenu fan
d’une marque et décident de le suivre ou pas. Créer une page fan, c’est donc créer une véritable visibilité
de la marque. Ainsi, les réseaux sociaux créent des liens vers la presse en ligne. Une étude de la
plateforme de blogs Overblog de juin 200989 montre que « les discussions sur la toile font principalement
référence à des actualités lues sur des blogs, lesquels font souvent référence à la presse en ligne. Cette
habitude de la blogosphère montre la confiance des blogueurs envers les médias classique ; ils
s’appuient sur les articles d’informations des journalistes, puis discutent l’actualité avec un avis plus
personnel ». Liberation.fr est ainsi le journal le plus cité. A cette époque, les trois sujets pour lesquels
les blogueurs ont fait le plus référence aux médias « traditionnels » sont Hadopi, le crash aérien du vol
AF447, le pape et ses discours sur les préservatifs. La visibilité des marques de presse en ligne sur les
réseaux est donc un enjeu crucial et devient un véritable relais d’audience. Les sites de presse en ligne
doivent donc maîtriser le « linkbaiting », qui signifie littéralement « appâter » ou « hameçonner par le
lien », c'est-à-dire qu’ils doivent être capables de créer du contenu qui suscite spontanément des liens
89 Résultats dans le Communiqué de presse : http://www.communique-de-presse-gratuit.com/actualites-buzz-et-
medias/complementarite-blogs-et-presse-en-ligne-le-rapport-entre-la-blogosphere-et-la-presse-en-ligne/
conserver l’image de la marque
JEUNES
CONTENU ADAPTÉ
FACILITER
L’ACCÈS PAR LE
FORMAT
AU
TR
ES
80 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
dits « organiques » ou « naturels » (les backlinks) : il s’agit de donner envie aux internautes de créer un
lien vers un site Internet90.
2) Les réseaux sociaux comme relais de la marque créateurs de lien social
La page fan du New-York Times sur Facebook s’ouvre sur cette phrase : “Where the conversation
begins” (« Là où la conversation commence»). Le réseau social ne fait donc pas que relier le
consommateur à la marque de presse, il est la base d’un échange. De plus, il présente l’avantage d’aller
chercher le consommateur là où il aime passer du temps. La marque est intégrée dans l’environnement
familier de l’internaute : on peut ainsi créer un sentiment d’appartenance autour de la marque par les
communautés.
La présence d’ « amis » permet de personnaliser et d’incarner la marque. C’est pourquoi la fonction
« partager » est très importante. Ainsi, l’étude AddToAny, publiée en juillet 2009, montre qu’aux Etats-
Unis, près de 24% du contenu partagé est désormais partagé au travers de Facebook, contre seulement
11% via le traditionnel e-mail (soit autant que le contenu partagé via Twitter).
Figure 9. Les fonctions de partage d'articles utilisées aux Etats-Unis
3) Privilégier les réseaux sociaux comme point d’entrée des jeunes vers les communautés des journaux en ligne
Un réseau social n’est pas forcément une communauté. Selon Frédéric Lopez, dans son blog Novactif,
quatre points différencient le réseau social de la communauté91 : un « objectif partagé par tous les
membres », des « rites », une « structure sociale » et enfin un « sentiment d’appartenance ».
90 Blog Adscriptor : “Linkbait & linkbaiting : une tentative de traduction” :
http://adscriptum.blogspot.com/2006/02/linkbait-linkbaiting-une-tentative-de.html
91 http://www.novactif.com/2009/03/02/reseau-social-ou-communaute-virtuelle-la-confusion/
81 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
C’est justement ce « sentiment d’appartenance » qui manque aux jeunes pour entrer dans les
communautés créées par les marques de presse en ligne. Pour nous, il y a une étape cruciale à
effectuer avant de se lancer dans la création d’une communauté : créer du lien, un sentiment
d’appartenance, bref, une affection envers la marque. Il faut aller encore au-delà du fait d’être une
« référence » en matière d’information, car la notion de « référence » perd de sa valeur sur Internet. Le
réseau social n’est pas une solution miracle, mais il est une opportunité à ne pas rater. Au travers des
réseaux sociaux existant, les sites de presse quotidienne peuvent acquérir de nouveaux lecteurs. Il
reste à leur proposer les services adéquats.
D. La piste de l’Internet mobile
1) Les atouts de l’Internet mobile
L’Internet mobile a de nombreux atouts par rapport au Web. Cédric Giorgi le résume bien en déclarant
que d’une part, le mobile possède tous ce que les autres médias possèdent, mais qu’il possède en plus
deux caractéristiques propres : premièrement, il est extrêmement personnel, puisqu’on ne partage pas
son téléphone ; et deuxièmement, il est réactif, on peut tout connaître tout de suite grâce au Web
mobile, d’autant plus qu’on n’éteint jamais son portable et qu’on l’a toujours sur soi. La liberté offerte
par un smartphone est donc bien plus grande encore que celle d’Internet.
2) Penser le mobile autrement
Encore une fois, nous voulons souligner que pour attirer les jeunes, le seul format ne suffit pas. Bien
entendu, la presse n’en est qu’à ses débuts sur le mobile, et rien n’est encore défini. Pour l’avenir, il
semble important de ne pas se contenter de mettre à disposition le contenu du Web sur le mobile : en
effet, les mobinautes ont des attentes différentes des internautes. Là encore, le fait que les
marques de presse aient une notoriété importante est un atout, puisque les mobinautes consomment
des programmes qu’ils connaissent déjà. Il faut savoir penser le mobile autrement pour utiliser au mieux
les opportunités offertes.
Nous avons voulu, en rencontrant Cédric Giorgi92, définir des pistes pour le futur de la presse mobile.
Le téléphone, en particulier les smartphones, ont, nous l’avons vu, une attraction immense pour les
jeunes et l’on peut espérer une démocratisation proche des abonnements Web mobile illimités. La start-
up Goojet a pour but « de mettre un peu de social dans le Web mobile ». L’application Goojet, qu’on
peut installer à la fois sur son portable et sur Internet, permet de « faciliter le partage de liens entre
utilisateurs, c'est-à-dire des articles, des sites, des vidéos ». Goojet a ainsi formé toute une
communauté, dont les membres sont appelés les « Goojeters ». Or, d’après les résultats de notre étude,
bien que les jeunes de 18 à 25 ans ne se reconnaissent pas dans des communautés autour de marque
de presse, ils aiment les réseaux sociaux, y retrouver leurs amis, discuter avec eux et partager des
92 Cf. interview Cédric Giorgi en annexe
82 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
vidéos de buzz. L’application a pour cœur de cible, selon Cédric Giorgi, les 25-35 ans, qui ont une vision
« plus cérébrale » de l’actualité.
Une application de ce type, permettant à la fois à ses utilisateurs d’avoir en permanence l’actualité de
nombreux sites de presse dans leur poche, et de la partager, la commenter, l’évaluer, propose un
formidable modèle d’attraction des jeunes. Ce peut être une façon de les impliquer, peut-être même de
les fidéliser. On peut ainsi imaginer une application à partir du réseau social Facebook ou Twitter. Dans
l’application Goojet en elle-même, les marques de presse pourraient développer des thèmes, des
débats, des dossiers… L’utilisateur n’a plus à utiliser une à une chaque application de presse, il peut
aller de l’une à l’autre et ainsi comparer les avis. A l’opposé, on peut imaginer, grâce à des dispositifs
comme Facebook Connect (qui permet à un logiciel d’accéder à tous les contenus du profil d’un membre
de Facebook), une mise en relation avec son réseau plus aisée dans une application de marque de
presse. La personnalisation peut même aller plus loin, grâce aux photos et vidéos disponibles sur le
compte de l’intéressé, qui peuvent s’intégrer à des publicités, par exemple. TF1, par exemple, utilise
déjà Facebook Connect pour proposer à l’internaute de visionner un programme et de le commenter en
même temps avec les membres de sa communauté.
E. Gérer l’interaction entre Internet, mobile, papier… et les futurs supports !
Il ne faut pas oublier que l’impression de qualité de la presse provient du journal papier, et il est donc
indispensable de relier tous les supports entre eux : renvoyer de l’écrit vers le Web via des sondages,
mais aussi du Web vers l’écrit en mettant en avant des dossiers spéciaux du lendemain sur le site
Internet.
1) Comment attirer vers le papier ?
Une initiative comme « Mon journal offert » est un bon début. Il ne faut pas abandonner la présence
gratuite de journaux dans les grandes écoles et les universités, et il faut la renforcer dans les
lycées, encourager la lecture en offrant des abonnements aux professeurs d’histoire, afin qu’ils fassent
relier à leurs élèves Histoire et actualité, qu’ils les intéressent aux enjeux nationaux et mondiaux.
Une bonne façon d’attirer vers le papier est de tirer les leçons des nouveaux usages d’Internet.
Ainsi, selon l’APPM, la nouvelle maquette que va proposer Le Monde fin mars 2010 devrait consacrer
sa page 2 aux « 24 heures dans le monde » : « l’essentiel de l’actu du jour traité à la façon d’une home
page de site d’actualité »93.
Une bonne façon d’attirer vers le papier, en plus de l’éducation à la lecture, est la personnalisation du
papier. Le principal problème des quotidiens généralistes auprès des jeunes est justement… leur côté
93 http://www.pressemagazine.com/100p100media/le-monde-propose-un-nouveau-modele-a-partir-du-29-
mars.html
83 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
trop généraliste ! Ils souhaitent qu’on leur parle de ce qu’ils aiment. Bien sûr, ils ont aussi envie
qu’on les surprenne, mais ils apprécient un environnement familier et se fidélisent facilement envers
les marques qui partagent leurs valeurs et leurs centres d’intérêt. Si la personnalisation n’est pas encore
possible aujourd'hui, elle le sera peut-être dans les années à venir.
2) La personnalisation, clé de voûte de la relation entre les supports
La personnalisation, si elle n’est pas évidente sur le papier, est plus accessible sur les supports
numériques. Elle est le moyen de les relier entre eux, par exemple via le profil de l’utilisateur ou la
reconnaissance de son adresse IP ou de son téléphone. Elle est ainsi le relais et le lien entre chaque
support. Les supports peuvent ainsi interagir et se mettre en valeur les uns les autres.
Il est important de travailler la spécialité de chacun de ces supports et d’adapter le contenu au
contenant. Le fil conducteur reste l’information, mais le besoin d’information change en fonction du
support. On n’est ni au même endroit, ni au moment, ni dans le même état d’esprit quand on utilise son
ordinateur, son portable ou une tablette. Finalement, il faut s’attacher au métier de la presse, produire
de l’information de qualité au bon moment, au bon endroit… et à la bonne personne.
84 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
CONCLUSION
Les jeunes remettent en cause le business model de la presse par leurs nouveaux usages. Ces
nouveaux usages proviennent de leurs modes de vie, à la croisée entre la vie étudiante et la vie
professionnelle. Ils produisent des nouveaux besoins en matière d’information, spécifiques à la
génération numérique qui maîtrise Internet mieux que quiconque. Les « digital natives » savent
désormais chercher l’information ailleurs quand on la leur refuse quelque part. Ces nouveaux usages
engendrent une importante demande d’adaptation par le format aux sites de presse en ligne.
Cependant, nous avons vu grâce à notre étude qu’il ne suffit pas d’attirer les jeunes par le format : c’est
par le contenu qu’on peut les fidéliser. Les jeunes trouvent l’offre on et off-line de la presse quotidienne
payante trop éloignée d’eux, de leurs convictions, de leurs besoins.
Dans un contexte où l’« infobésité » est croissante, les jeunes ne ressentent pas un besoin assez
puissant d’information pour une presse qu’il faut faire l’effort d’aller chercher. Ils remettent donc en
cause les sources de revenus liées aux ventes de quotidiens payants. De plus, s’ils apprécient les sites
de presse en ligne, ils ne sont pas leur unique source d’information sur le net. Les revenus pas lecteur
dans un secteur où les modèles sont encore en cours de définition sont insuffisants pour remédier à la
perte des jeunes lecteurs du papier. Les opportunités que nous avons dégagées pour la presse sont
avant tout : fidéliser par un contenu adapté à la fois sur la forme et sur le fond, et proposer un contenu
pour les étudiants pour créer un lien plus affectif autour de la marque ; trouver des relais d’audience au
travers des réseaux sociaux ; penser le mobile comme outil de connexion avec le cercle d’amis ; gérer
l’interaction entre les supports pour créer un sentiment de continuité autour de la marque.
Internet et les nouveaux supports représentent une opportunité certaine pour la presse et lui
permettent une métamorphose vitale. Plus que jamais, la presse est prête à trouver un modèle dans
lequel elle pourra survivre. Cependant, cette survie se fera peut-être au détriment du support papier
quotidien disparaît peu à peu aux yeux de la jeune génération. La presse quotidienne doit se détacher
de la notion de support et savoir se définir par son métier : la production d’information.
85 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
SOMMAIRE
Depuis des décennies, la presse quotidienne est en crise. Elle peine à renouveler son lectorat, sa
diffusion est en baisse, et les revenus provenant de la publicité ou d’Internet ne suffisent pas à
compenser la perte de ses lecteurs, en particulier de ses lecteurs réguliers. La presse est entrée dans
un cercle vicieux où ce qui fait son avantage concurrentiel, c’est-à-dire la production d’une information
de qualité, ne suffit plus à attirer les nouvelles générations. Les jeunes de 15 à 25 ans, qui font partie
de la « génération numérique », adeptes de la mobilité et de la facilité, mettent en difficulté la PQN/R
par leur goût pour Internet et les nouvelles technologies. Internet leur permet d’accéder à une offre
d’information sans précédent et à de nouveaux outils, qui transforment peu à peu leurs besoins en
matière d’information : ils recherchent une information rapide, neutre, voire brute, accessible, facile à
lire et à comprendre, et liée à d’autres articles. Cependant, ces nouvelles habitudes sont justement une
opportunité sans précédent : la « révolution numérique » pourrait bien provoquer une métamorphose
de la presse et lui permettre enfin d’attirer une cible qu’elle avait fini par oublier. Les réponses de la
presse quotidienne ont jusqu’ici été des réponses technologiques, et elle tâtonne dans beaucoup de
domaines pour trouver un modèle économique viable. Notre étude s’attache à démontrer que si le
format peut suffire à attirer les jeunes, il est nécessaire d’adapter le contenu à leurs attentes pour les
fidéliser. Il ne suffit pas d’amener les internautes à contribuer, il faut d’abord créer un lien affectif entre
les marques de presse et les jeunes. Plusieurs pistes sont ainsi dégagées : utiliser les réseaux sociaux
comme relais d’audience et outil de dialogue ; penser le mobile comme un outil de connexion avec le
cercle d’amis ; amener une offre cohérente, personnalisée et adaptée à chaque support.
EXECUTIVE SUMMARY
The daily press has been in crisis for decades. It has difficulty in renewing its readership. Its distribution
is in decline. Income resulting from the advertising or from the Internet is not enough to compensate for
the loss of its readers, in particular regular readers. What made the press competitive advantage, that
is to say production of quality information, is now in danger ; it is not enough anymore to entice the new
generation. The young people from 15 to 25 years old, who are a from the "digital generation», put in
trouble the daily press because of their new habits about the Internet and high technologies. The Internet
allows them to reach much more information than ever, with new and efficient tools. That changes little
by little their needs in information: they are now looking for fast, neutral information, that is approachable,
easy to read and to understand and connected to other articles. However, these new habits are an
unprecedented opportunity; indeed, the "digital revolution" could provoke a metamorphosis of the press
and allow it finally to entice a target that it had eventually forgotten. Until now, the answers of the daily
press were technological answers. It is hesitating in many domains to find a viable business model. Our
study attempts to demonstrate that if the format can be enough to entice the young people, it is
necessary to adapt the contents to their expectations, in order to develop loyalty. It is not enough to
bring the Internet users to contribute, it is necessary to create at first an emotional link between the
brands of press and the young people. Several ways to follow were found: use the social networks as
relay of audience and as a tool of dialogue; think of the mobile phone as a tool of connection with the
circle of friends; bring a coherent, personalized and adapted offer to every support.
86 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
ANNEXES
ANNEXE 1. Interview de Cédric Giorgi, Directeur Marketing de Goojet ………………………………p.86
ANNEXE 2. Interview de Clément Courvoisier, Directeur Marketing du Figaro.fr ……………………p.87
ANNEXE 3. Guide d’entretien ………………………………………………………………………………p.90
ANNEXE 4. Exemple d’entretien (« Jeune actif intimidé »)………………………..……………………p.95
SOURCES………………………………………………………………………………………………..…p.100
87 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
ANNEXE 1. Interview Cédric Giorgi, Directeur Marketing de Goojet
« Le but de cette interview est de répondre à cette question : l’Internet mobile est-il un levier pour attirer les jeunes vers la presse ? Et, si oui, dans quelle mesure c’est un levier idéal par rapport aux autres réponses technologiques, que ce soit sur Internet ou les e-books, les tablettes, etc.
Pour commencer, j’aimerais que vous me parliez un peu de Goojet, que vous m’expliquiez son fonctionnement, à quoi ça sert, qui est la cible mais surtout à quels besoins ça répond.
─ Le but de Goojet a toujours été de mettre un peu de social dans l’Internet mobile, et donc de faciliter les échanges entre utilisateurs, sur le partage de mêmes thématiques. On a fait ça au début sur mode widget, puis là on a changé légèrement de produit, en tout cas la plate-forme n’a pas changé : il s’agit toujours de faciliter le partage de liens entre utilisateurs, de liens mobiles, donc des liens mobiles du web, c'est-à-dire des articles, des sites, des vidéos… tout ce qu’on connaît déjà sur le web mais en version web mobile. Goojet se présente comme une application qu’on peut avoir sur n’importe quel type de téléphone. On a aussi une version web qui est là en complément, mais le but c’est vraiment d’utiliser la partie mobile, et l’utilisateur se crée un compte, personnalise un certain nombre de contenus, de flux et s’abonne à différentes choses. Il a des espaces favoris pour naviguer sur certains sites et ensuite, via la communauté, la plate-forme lui donne les articles ou les vidéos qui ont été le plus « buzzés » sur un thème en particulier par la communauté.
─ Et quel est le profil des Goojeters ? Ce sont des jeunes ?
Non, alors notre cible est plus sur du 25-35 ans que sur du 15-25, ça c’est clair. En fait, les gens qui cherchent des articles, qui cherchent des articles, qui cherchent à communiquer sur des liens sur l’actualité… c’est assez cérébral. Le produit en lui-même est assez fun, il y a une bonne ambiance, mais sinon ce sont des gens qui aiment le contenu. Les jeunes sur le mobile vont plutôt vers du chat, ils ne sont pas encore énormément à vouloir lire des articles sur leur mobile. Ils préfèrent passer du temps à jouer à des jeux et à chatter qu’à lire des informations… même si c’est peut-être quelque chose qui va changer, mais alors il faudrait qu’on rajoute des thématiques plus « funs », comme du cinéma, peut-être que là on aura plus de jeunes. Mais il y a aussi le fait que, si on regarde la pénétration de l’Internet mobile chez les jeunes, par rapport à l’ensemble des Français, elle est plus faible. Ça demande des forfaits et des téléphones plus chers. Je connais peu de jeunes qui ont l’Internet mobile ou un iPhone… Par contre, ils ont le chat, le MSN ou les sms illimités.
─ Est-ce que, d’une manière générale, les Goojeters passent beaucoup de temps sur l’application ?
Oui, en général, ils surfent plusieurs fois pas jour, et ils restent sur des sessions de dix minutes, ce qui n’est pas mal.
─ Vous disiez qu’il y avait peu de jeunes qui avaient l’Internet mobile. Pensez-vous qu’il y aura une démocratisation proche de l’Internet mobile ?
En fait, de l’Internet mobile oui, mais pas du web mobile. Je fais la différence parce qu’il y a de plus en plus de forfaits qui intègrent l’Internet mobile, mais de façon partielle : ça peut être du chat illimité, du Dailymotion, ou un accès à Facebook… des choses qui effectivement sont incluses dans les packages histoire d’attirer les jeunes, mais qui n’ont pas la même facilité de navigation. Ils vont télécharger des applications qui ont été très chargées, ils ne sont pas encore dans un mode de découverte. C’est finalement équivalent à du chat. Ils ne sont pas sur du partage de liens ou quelque chose comme ça sur Facebook.
─ Le partage de lien, c’est quelque chose d’intéressant dans…
Alors, le partage de liens, c’est un moyen de Goojet c’est un cadre, une application qui permet de faire plein de choses. Si on n’a pas une communauté qui partage, ce cadre va rester vide, il n’y aura pas de contenu de valeur. Ce n’est que parce qu’il y a une communauté qui partage et qui commente qu’on a du contenu et qu’on peut faire remonter ce qui est le meilleur, le crowdsourcing. Il y a des Goojeters qui disent et montrent des choses intéressantes qu’on met en avant. S’il n’y avait pas de communauté le produit ne serait pas du tout le même. Mais après, il peut n’y avoir qu’1% qui va être actif, 9% qui va interagir un peu, et 90% qui ne va faire que lire. Ce qu’ils lisent, c’est ce qui a été créé et découvert par les 10% restant.
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─ Qu’est-ce que le mobile a par rapport à internet ?
Il a plein de choses. Une théorie que j’aime bien explique qu’un média n’a jamais fait mourir un autre média. Le mobile reprend tout ce qui a été fait par les anciens média, parce que sur ton mobile tu peux lire du texte, tu peux regarder le tv aller sur internet regarder un film etc. et, en plus, tu rajoutes ses caractéristiques propres : c’est le seul média que tu as toujours dans ta poche, c’est le seul média qui est toujours allumé, car personne n’éteint jamais son portable… et puis, le mobile est toujours là quand tu as besoin d’être créatif, c'est via le mobile que tu peux partager cette créativité-là ; tu vas faire une photo, tu vas l’envoyer, tu as une idée en tête, tu vas faire un texte, c’est vraiment un outil pour partager ses idées ou la créativité qu’on peut avoir. Ça devient assez intéressant pour tout ce qui est média communautaire et on peut jouer là-dessus.
─ C’est la réactivité qui le différencie.
Oui, la réactivité et c’est aussi le fait que ce soit un outil extrêmement personnel. Les autres médias, l’ordinateur et donc Internet on les partage un peu, tandis que le téléphone ça ne se partage pas. Et il y a un dernier élément qui est intéressant en terme de business, c’est que c’est le seul qui a un système de paiement intégré, que ce soit via les opérateurs ou sur l’iPhone : on a déjà donné le code de ta carte bleue donc on peut acheter des choses sans avoir à redonner ses coordonnées. C’est complètement autonome.
─ A propos, quel est le business model de Goojet, comment vous financez-vous ?
Comment on veut arriver à l’équilibre : c’est par la publicité. Comment on est financé : par des investisseurs privés. L’idée pour la publicité est assez simple : Goojet offre un environnement où l’utilisateur a accès à plusieurs thèmes. Ces thèmes-là vont intéresser les marques, c'est-à-dire qu’on va leur proposer du contenu et une présence à nos utilisateur qui vont interagir. Donc, il y a des gens qui parlent de ta marque et des thèmes qui intéressent ta marque. Il ne s’agit pas seulement d’insérer une bannière ; de la même façon qu’une marque peut s’intégrer à d’autres médias sociaux web, elle peut faire la même chose sur Goojet avec la différence qu’il y a le contenu. Nous, on a déjà du contenu, vous pouvez sponsoriser une thématique en mettant votre contenu : vous aurez plus de légitimité qu’en mettant une simple bannière. On peut aussi créer en marque grise des thèmes pour une marque annonceur et les mettre en avant.
─ Au niveau infos, actu… à votre avis, est ce que le besoin d’information a changé ?
Il y a un important besoin d’information en instantané. Avant, il y avait vraiment un décalage. Pour le journal, il fallait attendre le journal du soir, ou alors mettre une chaîne TV d’info… Après, sur le web c’est la dernière info, et maintenant c’est sur le téléphone : on a l’information en direct où qu’on soit. Les sites mobiles sont tout le temps mis à jour. Ce qui change c’est que c’est en termes de type de contenu. C’est triste parce que ça ne va pas vers du contenu riche, ça va vers du contenu pauvre, facile, rapide. On n’ira pas lire les plus beaux articles du Monde sur le mobile. Sur des engins comme l’iPad, peut être qu’on se remettra à lire de vrais articles. Sur le mobile, le contenu est adapté.
─ Comment la presse pourrait-elle se différencier dans ce contexte, en intégrant une offre mobile ?
L’approche qui me paraît intéressante : le média mobile intégré à un ensemble. De toute façon, maintenant, l’information est gratuite et les gens paient de moins en moins pour de l’information. Par contre, ils paient pour un service accessible qui soit personnalisé, que tu aies des alertes. Et puis aussi une offre intégrées : le journal papier + web + mobile avec des accès et des choses différentes, c’est comme ça qu’ils peuvent se différencier. Sur l’information en elle-même, ils ne peuvent pas jouer la course, parce que de toute façon, c’est Twitter qui aura gagné.
─ Sur Goojet, il y a différents sites de presse. Qu’y a-t-il de ces sites ?
Ce sont les flux RSS et les sites mobile. Le flux RSS nous sert pour rentrer dans le thème des news et alerter qu’il y a un nouvel article. L’intérêt du flux RSS classique… si ce n’est que dans la plupart des cas on redirige plutôt vers le site mobile plutôt que vers le flux RSS.
─ Et comment sont-ils mis en valeur ? Pourquoi 20 Minutes en premier par exemple ?
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C’est nous et c’est sur la qualité qu’on y voit nous. En fait, au début on a fait tous les tests, on a mis en avant différents sites et articles, du Monde, du Figaro, du Nouvel Obs, le JDD… on a vraiment mis tous ceux qui en tout cas avaient une offre web mobile. Sauf que les gens vont vers des marques qu’ils connaissent. Et puis… 20 Minutes, ils aiment bien c’est bien fait, c’est facile à lire ; sur Le Monde il a un gros pavé. C’est plus nous qui avons influencé l’usage presse sur Goojet que l’utilisateur, au début en tout cas.
─ Comme vous me l’avez dit, les gens vont souvent chercher ce qu’ils connaissent, au travers des applications thématiques, dites « verticales ». Est-ce que vous pouvez m’en dire un peu plus là-dessus ?
Sur la version actuelle qui est disponible, il y a toutes les thématiques disponibles à cocher. Une fois cette étape franchie, tout est en vrac dans l’application. Ce fouillis-là plaît, certains aiment avoir tout mélangé. Par contre, il y en a qui n’en voient pas l’intérêt, n’arrivent pas s’y retrouver. On a voulu verticaliser à l’interieur de l’application, en divisant et en filtrant tout le contenu par thématiques. Il va y avoir du sport, du cinéma… toutes les thématiques assez standards des sites médias. La deuxième phase, pour toucher des cibles qui ne sont pas aussi globales que celle de Goojet : éditer des applis sur un seul thème. Une sorte de Goojet Cinéma par exemple, même si sur ce thème-là en particulier on ne pourrait pas beaucoup se différencier d’allo ciné. Et puis peut-être qu’on sortira un Goojet Mode... Eventuellement en partenariat avec des sites médias qui veulent avoir cet aspect partage et communautaire. Les médias, pour ça, ils n’ont pas d’argent. Un média qui marche super bien sur ce type d’offre, comme Le Post, perd de l’argent. Nous, on s’est toujours dit qu’on ne ferait pas payer les médias pour le trafic qu’on crée vers eux grâce à notre application ; et,en même temps, eux ne nous font pas payer pour le contenu qu’on agrège. Ça renvoie vers le site mobile : on n’enlève pas leurs publicités, on ne change rien, ce qui fait qu’on est vraiment apporteur de trafic.
─ D’après mon étude, les jeunes n’adhèrent pas trop aux communautés des sites de presse en ligne. Est-ce que Goojet est l’idéal pour partager ?
Le produit va un peu changer donc… est-ce qu’on va avoir plus de jeunes ? C’est difficile à dire. Sur des thématiques plus média que presse (cinéma, sorties, etc.), là, on va les intéresser. Sinon, il faut dire que toute une partie des jeunes n’est pas intéressée par l’actu telle qu’elle est présentée. En tout cas, ils ne sont pas intéressés par entrer dans l’actu des Echos, etc. …Par contre, l’actu people, ça les intéresse. Aussi, sur les communautés Goojet, ce sont des gens qui sont prêts à interagir, à aller vers les autres. Sur les communautés de 20 minutes ou Le Figaro, ce n’est pas la relation, la découverte de l’autre. Ce qui va intéresser les jeunes, c’est ce qui va t’aider à communiquer avec ta communauté à toi. Si tu fais un Facebook Connect sur 20 Minutes et que tu partages tes articles préférés que tes amis Facebook voient ça, ça les intéresse.
─ Peut-on voir Goojet comme un outil de fidélisation ?
Ils vont papillonner autant sur Goojet qu’ailleurs. Je pense que tant qu’on aura toute cette partie de communauté, on restera plus sur du 25-35 ans que sur du 15-25 ans. Donc je ne pense pas… peut-être que la majorité s’intéresse aux liens, aux articles plus qu’aux médias en eux-mêmes. Ils ne font pas trop attention. Ils sont sur le contenu plus que le contenant. Il y avait eu une initiative, c’est un peu en marge de ça mais, il y avait des abonnements de presse qui avaient été offerts...
─ Oui, « Mon journal offert »…
Voilà, ça avait cartonné, c’est parti en moins de temps que prévu. Et c’était surtout parce que c’était gratuit, on est dans la culture du gratuit. Ce sont des médias qui ne sont pas forcément lus d’habitude par les jeunes, mais là comme c’était gratuit, ils y sont allés.
─ Mais du coup, on voit qu’ils sont potentiellement intéressés. Mais comme ils trouvent les mêmes infos ailleurs gratuitement, ils sont intelligents, ils vont trouver autre part ce qu’ils cherchent… Sinon, je voulais revenir sur les commentaires. Qu’est-ce qui est le plus commenté et comment ?…
C’est la politique surtout. Il y a quelque chose de particulier sur Goojet : il faut créer un compte. Les gens peuvent te retrouver sur Goojet. On a une communauté qui est assez bon enfant. Il y a des dérapages aussi, mais comme ils sont identifiés, il y a plus de retenue. Ça peut partir en sucette quand on commente un match OM/PSG, mais il y a de l’auto modération. Il y a aussi besoin de ça pour garder
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la bonne ambiance. Ce n’est pas comme sur les sites de presse où des visiteurs viennent juste pour faire la polémique.
─ Et pour finir… Ma petite question piège : comment voyez-vous l’avenir de la presse ?
Je suis beaucoup ce sujet-là, ça m’intéresse, et pour moi, aucun média n’a jamais tué aucun média. Ils se sont tous rajouté les uns aux autres. La presse ne va pas mourir, je ne le vois pas comme ça. Je pense qu’on est dans une période où les informations sont en temps réel, on a accès à l’information, navigation en diagonale, etc. mais qu’à un moment donné la valeur du contenu va revenir. On ne va pas rester sur du petit contenu facile à lire. Je pense à un retour de la qualité. Il y aura peut être un choix à faire dans la presse, soit partir sur du 20 Minute : rapide et facile à lire, accessibles à tous. Soit du premium.
─ Oui, un clivage de la presse, d’un côté une presse accessible de moins bonne qualité et de l’autre une presse très chère avec les informations clés…
Je ne sais pas si l’info de qualité doit forcément être chère, mais les gens sont prêts à payer pour un contenu de qualité. Par contre, pour le gratuit / payant , ilfaut aller sur ce type de monétisation. Et puis… ce qui m’intéresse, moi, en tant qu’internaute, c’est d’avoir une page pour moi. Il y a quelque chose qu’on ne perdra pas, c’est l’aspect journaliste, que n’importe quel bloggeur ne pourra pas avoir : le bloggeur relaye seulement. Le journaliste ne donne pas seulement des résultats, il analyse. Si j’achète Le Monde, il y a toute une partie qui ne m’intéresse pas. Je ne vois pas pourquoi je paierai pour un journal qui ne m’intéresse pas. Par contre, il y a toute une partie qui m’intéresse, sur les média, les nouvelles technos, l’économie…
─ Vous dîtes que la presse ne va pas disparaître, mais est-ce que vous ne croyez-pas que la presse quotidienne peut disparaître ? Parce que, justement, au quotidien, on a Internet, on a vraiment, pour tout ce qui est de l’instant, accès à d’autres choses plus rapidement… tandis que pour tout ce qui est dossier de fond, on a la presse magazine. Alors quelle est vraiment la plus-value de la presse quotidienne ?
Bonne question. La presse magazine et la presse spécialisée ce sont encore des choses que j’achète, je suis abonné à 3 magazines. Et de temps en temps je vais acheter un magazine en kiosque. Et pour acheter un journal, y a L’Equipe. La PQR à mon avis, ils ont encore de l’avenir, ils peuvent toujours couvrir des choses que d’autres ne couvriront pas, et il y a encore beaucoup de gens qui n’ont pas accès à internet et qui ont besoin de ce type d’information. La clé, c’est d’arriver à attirer les jeunes, à proposer du contenu qui les intéresse.
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ANNEXE 2. Interview de Clément Courvoisier, Directeur Marketing du Figaro.fr
« Les jeunes sont-ils une cible pour Le Figaro.fr ?
Les jeunes c’est forcément une cible dans le sens où aujourd'hui ils sont jeunes, mais un jour ils vont devenir vieux. Ils vont grandir. Les jeunes ne sont pas une cible directe, il s’agit d’une cible en devenir. En fait, ce n’est pas une cible prioritaire, mais c’est une cible quand même. La presse gratuite les habitue à la lecture de la presse, et nous cherchons à atteindre les jeunes actifs, plutôt.
─ Pensez-vous qu’on puisse attirer les jeunes de l’Internet vers l’écrit ?
Oui. Tout dépend ce qu’on met dans « jeunes » : le jeune actif, il nous faut le recruter. En fait, il y trois gros obstacles entre la presse écrite et les jeunes… D’abord, la ligne éditoriale : les articles doivent les intéresser. Les jeunes actifs s’y intéressent plus facilement, ils veulent trouver l’actualité de leur marché. Deuxièmement, le support : les jeunes ne sont pas habitués à acheter du papier, ils préfèrent Internet ou le mobile. Troisièmement, ce sont des gens très débrouillards : ils ont appris grâce à Internet à chercher de l’information gratuitement. Ils ne sont pas habitués à payer.
─ Y a-t-il des contenus à potentiel payant pour les jeunes ? Pour les étudiants, par exemple ?
Pour les étudiants, nous avons déjà Le Figaro Etudiant. On vient de sortir une offre spéciale pour les étudiants. Les archives sont payantes, et elles intéressent très souvent les étudiants pour leurs mémoires. On propose un abonnement avec les archives, Le Figaro du lundi (avec le supplément emploi, qui peut les intéresser), plus le Figaro du vendredi car il est lié au New-York Times.
─ Le Figaro a participé à l’initiative Monjournaloffert.fr. Les jeunes doivent s’habituer au contenu ou le contenu doit-il s’ouvrir à eux ?
Le principal problème est que l’information va très très vite, et les jeunes ne sont plus habitués à lire des articles de fond. Ils lisent beaucoup plus d’information mais de manière très rapide. Il faut que nous sachions redonner le goût d’aller en profondeur dans l’information. Après, il faut trouver le meilleur support pour cela. Le support, ça peut être le quotidien aujourd'hui, la tablette demain…
─ Les réponses technologiques, c’est quelque chose qui marche pour attirer les jeunes ?
La génération d’avant a connu le média non connecté. Ils ont été habitués à n’avoir que de l’écrit, que de la vidéo, que de… C’est une aberration aujourd'hui car il s’agissait seulement d’un manque de moyens. Aujourd'hui, on peut avoir à la fois un article, à la fois une vidéo avec un point de vue… Les jeunes sont beaucoup plus multimédia, ils ne connaissent pas les frontières du format (écrit, vidéo…). Il faut donc exporter nos contenus pour être là où la personne a envie de les consommer. Il y a tellement d’information partout que quelqu'un qui se débrouille bien sur le net, un jeune par exemple, peut avoir des flux RSS, Widget, Facebook, Twitter,… si on n’est pas là à l’endroit où il a envie de nous consommer, il ne viendra pas nous chercher.
─ Comment voyez-vous l’avenir de la presse ?
La presse est en mutation : il ne faut pas se leurrer, la diffusion de la presse au global baisse, il ne faut pas s’attendre à une hausse, même si, à court terme, c’est possible. C’est une tendance de fond. Le Figaro doit fournir de l’information de qualité et l’apporter. Le portage a rencontré un vif succès, il faut faire la même chose sur le net… et le faire pour que les internautes lisent l’information de la manière la plus agréable pour eux, grâce filtrage de l’information. Le Figaro a fait le travail de sélection et d’analyse. C’est ça notre métier… ! Ce n’est pas grave si dans 20 ans, il n’y a plus de quotidiens dans les kiosques, parce qu’il y aura toujours un besoin d’information en profondeur à apporter au lecteur. La presse doit différencier son métier de son support. On n’est pas des imprimeurs, on fait de l’information. Donc l’avenir de la presse, je le vois très bien.
– Le Figaro n’a pas également une stratégie diversification dans les services ?
Oui. Il y a deux enjeux. Il y a un enjeu par rapport au client. La relation entre le journal et son lecteur se rapproche de plus en plus, il y a de plus en plus de communication ; il faut que l’information qu’on
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apporte soit à la fois vue comme un média et comme un service. Autour des valeurs du Figaro, on va plugger un certains nombre de services, comme la conciergerie, qu’on a vue tout à l’heure. Pour ce qui est des jeunes, on propose pas exemple le site Ticketac.fr, qui est exactement dans la cible. Il ne faut pas donner de l’information brute, il faut la packager comme un service. Ça, c’est le premier enjeu. Le deuxième enjeu, c’est d’un point de vue business model. Ce qui a de la valeur sur Lafigaro.fr, c’est son audience. On ne la monétise pas directement. Ce qui rapporte de l’argent sur Internet, c’est le e-commerce. Et pourtant, la valeur client, elle est chez nous : c’est nous qui avons de l’audience, et qui connaissons nos lecteurs. Donc l’idée est de plugger sur l’« aspirateur à audience » qu’est le Figaro.fr un certain nombre de sites éditoriaux et de services, pour aller justement chercher de la valeur. Un exemple : Lefigaro.fr, c’est 6 millions de visiteurs uniques, beaucoup de monde, profil large, etc. La publicité, ça va bien, mais ce n’est pas non plus l’eldorado. Sur Lefigaro.fr on va produire des PAP (Pages Vues avec Publicité, NDLA), on va les pousser éditorialement vers Lefigaro.fr/madame. Ce n’est alors plus que 1,5 million de PAP. Sur ces 1,5 million, les CPM publicitaires se vendent beaucoup mieux. On va pouvoir vendre du Dior, du Chanel, etc. déjà, l’entonnoir fonctionne. Une fois que les lectrices sont sur Lefigaro.fr/madame, on va les pousser vers Bazarchic, qui appartient au Figaro, où là il y a des grosses marges. Donc, on a amené une personne du Figaro jusqu’à Bazarchic. Le potentiel qu’elle avait sur Lefigaro.fr, on a réussi à le convertir sur Bazarchic. S’il n’y avait pas Lefigaro.fr, Bazarchic n’aurait pas assez d’audience, donc on ne ferait pas d’argent. J’aurais également pu prendre un exemple sur Lefigaro.fr, Evene.fr, Ticketac. Forcément, il y a beaucoup moins de personne avant et après le filtre ; mais grâce au Figaro.fr, on a réussi à capter les personnes intéressées.
– Les jeunes ne sont pas prêts à payer beaucoup, et pas souvent, que faut-il faire ? Pour rendre le paiement plus facile ? Est-ce que les applications iPhone seront faciles à monétiser par exemple ?
Déjà, sur l’iPhone, l’application est déjà rentable grâce à la publicité. On gagne de l’argent dessus.
– Et le site web ?
Le site est à l’équilibre. Les nouveaux médias au global, on gagne de l’argent, grâce à Ticketac, etc. Mais ces sites-là marchent grâce à l’audience du Figaro.fr. Donc, LeFigaro.fr n’a pas vocation à gagner de l’argent. D’un point de vue business, c’est un aspirateur à audience. Pour l’application, on aura bientôt un onglet payant. Pour ça, il faudra créer un compte online et payer. Pour ce qui est des jeunes, ils ne sont pas prêts à payer : c’est faux. Les jeunes paient beaucoup sur Internet ! Mais ils ne paient pas pour de l’information. Ils paient pour de la musique, de l’e-commerce… Pour les faire payer en direct, le jeune est prêt à payer si c’est simple et indolore. On le voit avec iTunes. Les gens qui achètent sur iTunes, ils pourraient très bien aller sur eMule pirater. Pourquoi ? Parce que c’est plus simple et ça leur demande moins de temps. Pour faire payer les jeunes sur Le Figaro.fr, il faudra avoir le paiement le plus simple possible. Ça peut passer par l’opérateur, etc. Un jeune n’a pas peur de donner son code de carte bancaire ; par contre, il est trop paresseux pour le faire.
– En quoi le métier de la presse est différent en ligne, et quelles ont été les modifications apportées ?
On a deux rédactions à part. L’information sur Internet et l’information sur papier vivent à des ryhtmes complètement différents. Il y a une véritable différenciation entre Lefigaro.fr et le papier : parce que c’est de l’information en continu, ce sont des articles plus courts, ils connaissent le langage Internet, les liens hypertexte, etc. Après, la force du Figaro.fr par rapport à d’autres sites, c’est qu’il y a la rédaction du Figaro derrière qui vient alimenter. Il ne faut pas que notre site soit juste une vitrine, et pour ça il faut que la rédaction du quotidien s’implique sur Internet. On a copié l’initiative du New-York Times, qui s’appelle : « Invite, not assign ». Les journalistes du quotidien qui sont volontaires, on les encourage. On leur propose leurs propres blogs, des réactions à chaud via des films, pour que les journalistes s’impliquent, comprennent les mécanismes du Web et veuillent de plus en plus s’impliquer. Aujourd’hui, les deux rédactions sont dans le même immeuble, juste à côté. Depuis peu, Le Figaro, Lefigaro.fr et Le Figaro Magazine sont sur un même pôle éditorial, afin de collaborer.
– Vous pensez qu’il y a une rupture entre le journalisme tel qu’il existe et les jeunes ?
Je pense que les jeunes d’aujourd’hui sont autant voire plus politisés qu’avant. Ils ont accès beaucoup plus facilement à l’information pour se renseigner et prendre position. C’est facile de donner son avis sur Internet, comme avec les « J’aime » de Facebook. C’est facile aussi de lire l’info quand elle tombe. Si l’information est fausse, elle est tout de suite démentie. Donc, ils sont beaucoup plus politiques qu’avant, mais ils sont moins fidèles à des partis politiques, donc ils sont moins fidèles à des lignes
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éditoriales. Avant, on s’abonnait et on faisait corps avec le journal auquel on était abonné. Aujourd’hui, on peut passer 80% de sont temps sur Liberation.fr et 20% sur Le Monde. Sur Lefigaro.fr, on le voit bien : il y a autant de gens de droite que de gauche qui commentent.
– A propos des commentaires, est-ce que les opinions radicales n’effraient pas les internautes ?
Il y a des opinions radicales, mais c’est tant mieux : les gens s’expriment librement. Et nous c’est ce qu’on veut : on veut un débat. Ce qui est génial, c’est qu’un article écrit peut vivre dans le temps. Maintenant, si quelqu’un veut écrire un commentaire, il est obligé de se logguer.
ANNEXE 3. Guide d’entretien
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Bonjour, et merci d’avoir accepté de répondre à mes questions. Je suis étudiante à RBS et dans le cadre de mon mémoire j’entreprends une étude sur les jeunes et la presse quotidienne.
Partie 1
Aimez-vous Internet ? Pourquoi utilisez-vous internet ? Les moments, les endroits, le temps passé, ce que vous y faites… Votre utilisation par rapport aux autres médias, ce que vous en pensez.
Partie 2
1. Evocations : Panier de mots. Si je vous dis « la presse » ou « journal », quels sont les mots qui vous viennent à l’esprit ? Décrivez-moi le lecteur de presse écrite quotidienne, des journaux. A quoi ressemble-t-il physiquement ? Quelles sont ses valeurs ? Quelle est sa profession ? Qu’aime-t-il dans la vie, quels sont ses loisirs ? Pourquoi lit-il la presse, quelles sont ses motivations ? Quel genre de presse lit-il et dans quels endroits ? A quels moments et à quelle fréquence ?
2. Motivations : A votre avis, pourquoi lit-on la presse ? Qu’est-ce qu’on recherche généralement dans la presse ? Qu’est-ce qu’on y cherche, qu’est-ce qu’on veut y trouver ? Qu’est-ce qu’on appelle un « bon journal » ? Comment définiriez-vous un bon journal (en général) ? Qu’est-ce qu’un journal qui vous intéresserait ? Quel serait le journal idéal pour vous, qui vous conviendrait ? Comment doit être un journal pour vous intéresser ? Que doit-il contenir, comment doit-il être ? Combien doit-il coûter ? Où devez-vous pouvoir le trouver ? Quand ?... Vous-même, lisez-vous des journaux, des quotidiens ?
(n’importe lesquels, qu’ils soient payants ou gratuits, nationaux ou régionaux, etc.) ? Si oui, lesquels et pourquoi ? Si non, pourquoi ? Contexte, occasion, fréquence, avec qui… Choix : critères, raisons… Critères de choix. Aimez-vous ces journaux ? Vous reconnaissez-vous dans ces journaux ? Pourquoi ?
Partie 3 Maintenant, décrivez-moi le lecteur de presse écrite en ligne. A quoi ressemble-t-il physiquement ? Quelles sont ses valeurs ? Quelle est sa profession ? Qu’aime-t-il dans la vie, quels sont ses loisirs ? Pourquoi lit-il la presse en ligne, quelles sont ses motivations ? Quel genre de presse en ligne lit-il et où ? A quels moments et à quelle fréquence ? Sur Internet, où cherchez-vous des informations, l’actualité, les news, ce qui vous intéresse d’une manière générale ? (Citez-moi des sites) Quel intérêt portez-vous à l’information en général ? Pour vous, à quoi sert l’information ? Aimez-vous la presse en ligne ? La trouvez-vous de qualité ? Vous plaît-elle ? Quand, comment la consultez-vous ?
95 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
Quels sites consultez-vous ? A quels moments, sur quels supports, pendant combien de temps, où (bureau / domicile / …), avec qui… ? Les différents supports sur lesquels vous recherchez des informations. (ordinateur, mobile,…). Pourquoi ces supports ? Comment allez-vous de l’un à l’autre ? Que cherchez-vous dans la presse en ligne ? Pourquoi allez-vous sur ces sites ? Quelles parties, quels articles, quels thèmes (etc.) consultez-vous ?
Partie 4 Quels sont les critères qui font qu’un site de presse en ligne vous satisfait plus qu’un autre ? Partagez-vous les articles d’actualité que vous trouvez sur ces sites ? Avec qui ? Sur quels thèmes ? Pourquoi ? à quelle fréquence ?... Avez-vous l’impression de faire partie d’une communauté de lecteurs lorsque vous êtes sur un site ? Vous verriez-vous créer votre page personnelle sur l’un de ces sites, comprenant les articles que vous avez aimés, vos commentaires sur l’actualité, avec possibilité d’interagir avec les autres membres ? Si oui / non, pourquoi ? Quel intérêt portez-vous aux commentaires ? Que pensez-vous des vidéos et des web documentaires qui existent sur ces sites ? Consultez-vous des blogs sur ces sites ? Leparisien.fr / Aujourd'hui en France a mis en place une section Vie étudiante. Elle rassemble des conseils pour les étudiants pour sortir, se loger, s’orienter dans les études. Elle propose également un service permettant d’acheter et vendre ses documents (mémoire, dissertations…). Qu’en pensez-vous ? Si vous avez un smartphone, avez-vous installé des applications de quotidiens en ligne ? Si vous n’en avez pas, le feriez-vous ? Qu’en pensez-vous ? Êtes-vous satisfait du design et de la navigation sur ces sites ? (sur Internet comme sur mobile)
Partie 5 : Attentes Qu’attendez-vous d’un site de presse en ligne ? Pour vous, que manque-t-il aux sites de presse en ligne ?
ANNEXE 4. Exemple d’interview (« Jeune actif intimidé »)
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Pour commencer, j’aimerais que vous me décriviez votre consommation d’Internet… Les endroits où vous le consultez, les raisons…
J’utilise Internet principalement le soir, pour regarder des trucs sans intérêt sur Facebook, consulter mon compte, lire des mangas, regarder des vidéos... Je n’y reste pas longtemps. Et au bureau je n’ai pas le droit d’y aller, à cause de la politique de l’entreprise… Sinon, j’irais ! Sinon, j’y vais surtout depuis mon mobile, que j’ai depuis 3 semaines. Pour regarder les infos dans les transports, c’est la première chose que je fais. Et aussi, pour regarder les horaires des transports avant de partir du bureau.
PARTIE 1
Si je vous dis « presse », « journal », quels sont les mots qui vous viennent à l’esprit ?
Le Monde, 20 Minutes, Metro, transports. TV, magasines, portable (mobile).
Pouvez-vous me faire le portrait du lecteur de presse quotidienne payante ? Comment le voyez-vous ?
Comment, moi, je le vois ? Hé bien… C’est quelqu'un qui veut s’informer, qui s’intéresse, soit qui a du temps à perdre dans les transports, soit qui s’intéresse vraiment à ce qu’il lit.
Pourquoi qui s’intéresse vraiment ?
Ben… Il faut faire un effort pour acheter un journal sachant qu’on a plein de choses gratuites disponibles. Déjà, il faut aller dans un kiosque. Tandis que les gratuits me sont donnés directement donc il n’y a aucun souci. Sur le portable aussi, c’est facile, il n’y aucune contrainte, tu as tout ce que tu veux directement, alors que quand tu l’achètes, il faut parler à quelqu'un déjà et il y a un impact financier, il faut payer... 1 ou 2€ par jour, c’est pas énorme, mais au bout du compte c’est énorme.
Quelle est la valeur ajoutée de ces journaux pour vous ?
Par exemple, le Figaro ou Le Monde, par rapport à 20 Minutes, sont beaucoup plus détaillés, il y a beaucoup plus d’aspects, ils rentrent dans le détail. Mais, pour moi, ce n’est pas vraiment ce qui m’intéresse, je ne lis pas vraiment pour tout savoir, juste pour connaître les grandes lignes. Je n’ai pas forcément le temps de feuilleter un magazine ou un quotidien en entier.
Qu’est-ce qu’on cherche dans le presse, d’une manière générale ?
On lit la PQ à mon avis pour se tenir informé, pour savoir ce qui se passe autour de nous, je pense. Pour ne pas paraître idiot dans les débats, par exemple. C’est idiot, mais ne pas être à l’écart quand tu parles avec des amis, par exemple, c’est important. Si jamais tu as envie de discuter avec des amis, ou même avec des personnes, tes collègues, qui font des allusions à un événement dans l’actualité et que toi tu sais rien… C’est un facteur d’exclusion. On va dire que l’actu, c’est un sujet facile de conversation. Quand tu n’as rien à dire, tu parles de la météo mais aussi de l’actualité. Du coup, c’est facile d’embrayer, de consulter les avis de chacun là-dessus lorsque tu discutes. C’est un sujet de conversation super facile.
Est-ce que c’est la presse qui va apporter une info plus intéressante qu’un autre média ?
L’avantage, c’est que la presse fournit un point de vue, et elle fournit des faits, qui permettent déjà de se forger un point de vue par soi-même, qu’on peut exprimer dans une conversation, plutôt que de découvrir au fil de l’eau. Ça permet de participer, d’émettre un point de vue, de discuter. C'est-à-dire, plus constructif que d’être spectateur.
Ça ne vous gêne pas qu’il y ait une opinion ?
Non, au contraire, je trouve ça intéressant, parce que comme je lis plusieurs sources, ça me permet de voir des opinions différentes et de forger la mienne en fonction de ce qu’il y a.
A votre avis, qu’est-ce qu’on appelle un bon journal ?
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Un bon journal… On va dire que moi, comme je ne suis pas très cultivé, je vais m’arrêter sur des points un peu superficiels, mais déjà… l’esthétique, s’il est clair, c’est vachement important. Si je regarde la première page, si on voit bien les grandes lignes, c’est pas fouillis, et on arrive en 2 ou 3 coups d’œil à savoir ce qu’il y a dans le journal et à aller voir ce qui t’intéresse.
Par exemple ?
J’aime bien Le Monde, j’aime bien 20 Minutes parce que c’est super propre, il y a pas mal de choses en plus. Le Figaro j’aime moins la première page, c’est purement intuitif, j’ai pas de critères...
Ça, c’est un peu ton journal idéal… à part que ce soit bien fait, tu as d’autres critères ?
Pas de fautes de syntaxe, pas de fautes d’orthographe, ça c’est insupportable ! Par exemple, je lis Le Monde sur mon iPhone et c’est bourré de fautes d’orthographe. Alors bon c’est compréhensible, il faut aller vite, c’est l’actualité, mais ça m’énerve à chaque fois. Donc ça c’est quelque chose qui compte. Après, en termes de contenu, j’aime bien quand ça parle un peu plus d’économie. Moi, c’est ça qui me plaît, la politique j’aime pas trop, c’est des gens qui se tapent dessus, c’est pas très intéressant. Clairement avec les régionales, là, c’est n’importe quoi. L’économie, c’est beaucoup plus intéressant, d’autant plus que c’est la crise, donc on apprend beaucoup de choses.
Depuis quand vous intéressez-vous à l’économie ?
On va dire que, quand je suis rentré en école d’ingénieur, c’est venu graduellement. Et depuis un an, je lis régulièrement. Et là, depuis que j’ai le portable, je lis encore plus.
Depuis quand lisez-vous des quotidiens ? Vous en lisez beaucoup ? Lesquels ?
Je ne lis aucun quotidien payant. Je n’en lis plus depuis que je ne suis plus en école, où on y avait droit gratuitement. En fait, là, je ne lis plus que 20 Minutes et Métro, qui sont gratuits. En école d’ingénieur, j’ai commencé, parce qu’on avait Le Figaro, Les Echos et Le Monde, et, du coup, comme en école d’ingénieur, on a beaucoup de temps, ça permet de lire… et avant je ne lisais pas beaucoup, et là je suis rentré dans un milieu où ça parle pas mal d’actualité. Même les profs, les élèves discutent régulièrement de ce qui se passe. J’ai commencé à lire pour savoir ce qui se passait, pour comprendre de quoi ils parlaient.
D’accord, et ça vous a aidé… ?
Oui, oui, ça aide énormément, c’est une source d’information absolument… phénoménale.
Vous les aimez bien parce que vous aimez bien ça, par rapport aux autres ?
Ce que j’apprécie dans 20 Minutes, c’est le fait que ce soit court. Et que ça n’utilise pas des mots trop durs, que ce ne soit pas trop dur à lire. Après, ce qui est un peu pourri, c’est qu’il y ait toujours des jeux de mots dans les titres. Parfois c’est bien fait, mais rarement. Les jeux de mot ne sont pas géniaux, trop faciles. Pas professionnels.
Votre consommation a changé depuis que vous avez commencé ?
Oui, ma consommation a changé depuis que je suis passé dans le milieu professionnel. Je suis passé des quotidiens payants que j’avais à disposition aux gratuits. Je suis passé des payants aux gratuits, parce que je ne les avais plus gratuits… je ne les avais plus à portée, comme ça. Ça m’a pas donné envie de les acheter… Et pour deux raisons : d’abord parce qu’ils sont trop gros, trop longs… et puis c’est pas pratique, pour lire dans les transports. Quand tu veux lire un article, c’est un peu trop long, je n’arrive pas à aller jusqu’au bout. Pour une journée, je pense que si tu veux lire tout ce qu’il y a dedans, ça prend trop de temps. Et même les articles eux-mêmes, c’est très très long. J’ai pas le temps, enfin, je ne prends pas le temps, je n’ai pas envie de prendre le temps de les lire.
Est-ce que vous vous reconnaissez dans ces journaux ?
Je dirais que non, pas trop, parce que vu que je les lis depuis pas très longtemps, un an et demi, deux ans, on va dire que je suis plus à un stade où je prends plus les informations plutôt que je les juge. Donc, en termes de contenus, d’opinion, je ne me reconnais dans aucun, parce que pour l’instant
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j’absorbe, je me forge mon opinion, et je pense que plus ça va aller, plus je me forgerai ma propre opinion et je me permettrai de juger selon mon propre point de vue les articles.
PARTIE 2
Pourriez-vous à présent me décrire le lecteur de la presse en ligne ?
A mon avis, c’est quelqu'un qui n’est pas prêt à débourser de l’argent. C’est peut-être quelqu'un qui déjà n’a pas envie de dépenser de l’argent, qui le lit sur son ordinateur portable, il a envie de s’informer de manière rapide en balayant un ou deux sites et en lisant les points de vue sur les sujets d’actualité principaux, et puis il clique sur celui qui l’intéresse et puis voilà quoi. Donc il n’a pas envie d’avoir un pavé, comme ça, il préfère avoir une liste déroulante et cliquer sur ce qu’il veut, facilement. Après, il peut lire aussi sur son téléphone portable, c’est un peu la même chose, c’est plus pratique aussi. C’est quelqu'un qui a moins le temps et moins l’envie de prendre du temps à lire l’actualité.
Vous, vous avez Internet. Qu’est-ce que vous faîtes pour chercher de l’information, de l’actu ?
Sur l’ordinateur, j’ai un site dans mes favoris, qui est Le Monde. En général, quand j’allais sur l’ordinateur, j’y allais très rapidement et même souvent en premier. Ça, c’était avant que j’aie un téléphone portable qui va sur Internet. Maintenant que j’ai un iPhone, j’ai plusieurs applications de presse (Le Monde, Le Parisien, Le Point, Le Time Magazine et le New-York Times), que j’utilise souvent, quitte à lire des articles qui portent sur le même sujet mais qui ont des points de vue différents.
Allez-vous sur les portails ?
Alors, avant oui, mais parce que ma page d’accueil, c’était Yahoo!... alors je cliquais un peu sur les actualités, mais maintenant que je connais Le Monde et tout, je n’y vais plus du tout. iGoogle, je ne connais pas. Les sites participatifs, non plus.
Est-ce que vous aimez la presse en ligne ?
J’apprécie beaucoup la presse en ligne parce que c’est court et ça permet de se tenir informé. Ça me plaît parce que j’y trouve mon compte. Mais elle est perfectible… c’est vrai que ça vaut pas un quotidien, ça, je le vois… mais en même temps j’ai plus forcément le temps de me consacrer à un quotidien, et j’ai pas envie de dépenser de l’argent. Ce qui m’énerve parfois, c’est les coquilles, les petites fautes… mais je l’apprécie beaucoup.
Vous avez l’impression que ça s’adresse à vous ?
Oui… on va dire qu’ils arrivent à cibler une population qui n’a pas envie de forcément dépenser de l’argent, qui n’a pas trop le temps et qui du coup a besoin d’avoir un site facile d’accès, où on peut cliquer si on veut aller plus loin… donc je pense qu’ils ont trouvé un bon filon.
Vous avez déjà payé sur un site ?
Non jamais, jamais…
Vous ne le ferez jamais ?
Pour l’instant, non. Mes finances ne me le permettent pas. Je pense que je ne le ferai pas plus tard. Plus tard, j’achèterai sûrement de la presse magazine spécialisée, pas ce qu’on trouve en ligne. Je considérerai que la presse quotidienne qu’on trouve en kiosque n’a pas assez de valeur ajoutée par rapport à ce qu’on trouve en ligne. Je préfèrerais acheter un truc spécifique.
Qu’est-ce que vous recherchez dans les sites de presse en ligne ?
Dans les thèmes recherchés… J’aime bien tout ce qui est économie, donc je vais très vite dans la section économie. Je lis les grandes lignes principales. Tout ce qui est politique, j’y passe peu de temps. Je vais voir le sport, et les nouvelles technologies. Je cherche à être informé, et je cherche à m’occuper.
Quels sont vos critères, qui font que vous préférez un site à un autre ?
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La clarté du site joue beaucoup. La diversité des thèmes présentés sur la une. Si je vais sur un site et que je n’y vois que de l’économie ou que de la politique, ça ne m’attire pas, je préfère ce qui est plus généralistes, plus diversifié. Tout à l’heure, j’ai dit que j’aimais bien qu’il y ait une opinion, mais en fait je n’aime pas quand l’avis est trop tranché, par exemple Total… Je n’aime pas quand c’est tout blanc ou tout noir. Le Figaro donne un avis et Libération dit exactement le contraire. J’aime bien quand c’est subjectif, quand il y a un point de vue, mais pas quand c’est trop marqué sur certains points. Libération, ou même parfois Le Figaro, ça manque de recul, de neutralité.
Communautés
Je pense que ça peut être une très bonne idée, si tu consultes régulièrement et si tu as le temps. Si j’avais la volonté de m’y consacrer, je le ferais. Mais, déjà il faut choisir un titre… ou deux… mais ce n’est pas quelque chose qui m’intéresse. Ça veut dire s’attacher à un titre, mais moi je ne veux pas, je veux pouvoir aller d’un point de vue à un autre. Et puis… sur beaucoup de sujets, je me trouve un peu… inculte… et donc je n’aime pas affirmer mes opinions quand j’estime ne pas en savoir assez. Sur certains points, je le ferais si j’en avais l’intime conviction et si j’avais tous les éléments pour.
Commentaires
D’une manière générale, je trouve ça bien, mais je trouve vraiment l’avis des gens qui postent trop tranché. C’est pas agréable, parce que dès que tu exposes un point de vue tu peux te faire lyncher. Je ne les lis jamais, sauf si ça m’intéresse vraiment de savoir ce que pensent les gens.
Les vidéos
Je ne peux pas les regarder sur l’iPhone parce que ça ne marche pas mais j’aimerais bien.
Diaporama
Ça m’énerve… même si parfois une image peut véhiculer plus que des mots, l’image prend trop de place, le commentaire pas assez, je préfère lire des articles.
Blogs
Je sais qu’il y en a, mais les blogs ça correspond à une série d’avis sur des articles… pour moi c’est la même chose que les commentaires, c’est trop tranché. En fait, je ne connais pas, mais je pars avec l’a priori que c’est trop tranché, donc j’y vais pas.
Ces sites prennent-ils en compte les jeunes, à votre avis ?
Je ne pense pas. Parce qu’ils sont restés un peu austères… je trouve, on sent que ça s’adresse à un public qui a envie de s’informer… c'est-à-dire quelqu'un qui vient chercher de l’information plutôt que quelqu'un qui passe pas hasard. Par ex, sur l’iPhone, c’est une série de trucs qui ne sont pas du tout différenciés… c’est pour les gens qui ont vmt envie de s’informer, si on n’en a pas envie on passe et on repart.
Vie étudiant du Parisien ? + application
Je ne connais pas, mais je trouve que c’est une super bonne idée… ! ça gagnerait à être connu. Ça me plairait et je vais même surement aller voir tout de suite après. Je trouve que sur le parisien ça a sa place, c’est plus jeune, plus tendance que le figaro… sur Le Monde pourquoi pas… mais j’ai du mal à imaginer… pour moi c’est vraiment plus vieux.
Radio, playlist
Libération c’est pas le quotidien qui m’intéresse… mais c’est une idée qui va bien… J’ai pas d’avis.
iPhone, applications… pouvez-vous m’en dire plus sur votre utilisation ?
L’avantage : très facile d’accès, tu l’as toujours sur toi, tu peux consulter n’importe quand, et puis c’est court et concis. Et puis on a accès très très facilement à des sources différentes, ça permet de comparer, et j’apprécie beaucoup ça.
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Satisfait design, navigation ?
C’est sympa… ça dépend lesquels. Le Time magazine, ça m’énerve parce qu’on arrive directement sur une image, c’est trop restrictif, et j’ai pas envie qu’on m’impose ce qui doit être le plus important. Ils devraient faire des onglets plus apparents sur les applications pour pouvoir chercher des thèmes. Sur les sites internet c’est plus simple.
Qu’est-ce qui manque à ces sites ?
Moi je suis très satisfait, j’en demande pas plus que ce qui existe déjà. Moi ce que j’aime vraiment c’est avoir plusieurs points de vue, donc à partir de là j’ai tout ce que je veux. J’ai pas forcément envie d’un contenu spécial pour les jeunes, ça veut dire que les jeunes ne peuvent pas s’élever au niveau des adultes. S’ils mettaient vie étudiante, avec de l’actu… oui… mais comme je ne me considère plus comme étudiant ça marcherait pas… mais pour le parisien ça m’intéresse vraiment et je vais aller le consulter.
SOURCES
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OUVRAGES ET ARTICLES DE REVUES ACADEMIQUES
Le Marketing des 18-30 ans : La Cible des « pré-adultes » Laure Descombes, EMS (2002)
Les jeunes et les médias, les raisons du succès Dirigé par Laurence Corroy, EDITIONS VUIBERT (2008)
Dont, en particulier : Une rencontre du troisième type, de Marie-Christine Lipani Vaissade
La presse quotidienne nationale, fin de partie ou renouveau ? Patrick Eveno, EDITIONS VUIBERT (2008)
Tendances économiques de la presse quotidienne dans le monde Sous la direction de J. Leprette et Henri Pigeat, PUF (2002)
La fin des journaux et l’avenir de l’information Bernard Poulet, Collection Le Débat, GALLIMARD (2009)
Economie de la presse Patrick Le Floch, Nathalie Sonnac, Collection Repères, LA DECOUVERTE (2005)
Marketing Management, 12ème édition Philip Kotler, Kevin Lane Keller, Bernard Dubois, Delphine Manceau, PEARSON EDUCATION (2006)
How teenagers consume media Morgan Stanley Research, 10/07/09
Communiquer sur Internet 2010 Publication de l’IAB France (2010)
RAPPORTS GOUVERNEMENTAUX
L’impact des nouveaux médias sur la jeunesse David Assouline, octobre 2008
Livre vert des Etats généraux de la presse écrite Ouvrage collectif, Janvier 2009
La presse au défi du numérique Marc Tessier, février 2007
Les médias et le numérique Rapport de Danièle GIAZZI, septembre 2008
Enquête sur les pratiques culturelles des Français, 2008 Ministère de la Culture et de la Communication
ÉTUDES
La génération de la gratuité Sondage de l'Institut CSA pour Bayard Presse, Juillet 2005
Marques-média et médias-marques Irep, décembre 2009 Disponible sur Slide Share : http://www.slideshare.net/lpto/mediamarque-marquemedia-sminaire-irep-2009
Comment sauver la presse quotidienne d’information ? Institut Montaigne, Rapport 2006 http://www.institutmontaigne.org/medias/documents/rapport_media_sans_coquille.pdf
“What the f**k is social media ?” de Marta Z. Kagan, http://www.slideshare.net/punnned/marta-kagans-what-the-fk-is-social-media
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Etude IPSOS Profiling 2009
Baromètre de la Consommation Numérique : La mobilité d’Internet, une priorité croissante pour les Français, TNS Sofres, mars 2010
CALCULS :
- Etudes de la presse écrite : OJD, EPIQ - Etudes sur la presse en ligne : Observatoire Médiamétrie (OUI, REM, 4ème trimestre 2009),
Médiamétrie Nielsen NetRating, Media In Life (MIL 2008)
- Etudes sur les investissements : UDA 2008, Kantar Media
ARTICLES DE PRESSE
Stratégies
Dossier : Médias et mobiles, pas de répit pour les médias, n°1577, 18/02/2010
L'ardoise magique va-t-elle sauver la presse ?, n°1574, 28/01/2010
Internet : La presse se gare en zone payante, n°1558, 24/09/09
Des innovations pour la presse, n°1544, 07/05/09
Presse : Internet m’a tuer ?, n°1543, 30/04/09
CB News
Quotidiens gratuits cherchent relais de croissance, n°999, 02/02/09
Le papier encore plus lourd que l’écrit, n°1008, 06/04/09
La presse doit se servir des écrans, n°1008, 06/04/2009
PQN recherche nouvelle formule désespérément, n°1017, 08/06/09
Préado, qui es-tu ?, n°1002, 23/02/09
Widgets : le système d'application Apple séduit les annonceurs et les médias, n°1014, 18/05/09
SOURCES INTERNET
http://www.lefigaro.fr/medias/2009/05/30/04002-20090530ARTFIG00092-l-etau-se-resserre-autour-des-quotidiens-d-information-gratuits-.php
http://www.lefigaro.fr/medias/2009/08/07/04002-20090807ARTFIG00012-la-vente-de-journaux-par-abonnement-progresse-.php
http://www.ddm.gouv.fr/IMG/pdf/TSP_2007_avec_donnees_de_cadrage.pdf
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http://blog.lefigaro.fr/hightech/2008/01/definition-reseau-social.html
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http://www.culture.gouv.fr/mcc/Actualites/A-la-une/Operation-Mon-journal-offert-un-succes
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103 I n t e r n e t e t p r e s s e é c r i t e à d e s t i n a t i o n d e s j e u n e s , r e m i s e e n c a u s e d u b u s i n e s s m o d e l d e l a p r e s s e
http://googleblog.blogspot.com/2009/10/rt-google-tweets-and-updates-and-search.html
http://www.communique-de-presse-gratuit.com/actualites-buzz-et-medias/complementarite-blogs-et-presse-en-ligne-le-rapport-entre-la-blogosphere-et-la-presse-en-ligne/
http://adscriptum.blogspot.com/2006/02/linkbait-linkbaiting-une-tentative-de.html
http://www.novactif.com/2009/03/02/reseau-social-ou-communaute-virtuelle-la-confusion/
http://www.pressemagazine.com/100p100media/le-monde-propose-un-nouveau-modele-a-partir-du-29-mars.html
http://blog.compete.com/2009/06/25/iran-election-twitter-google-search/
CONFÉRENCES
Conférence EBG « Les grands enjeux gratuit / payant », 14 janvier 2010. Avec : - LE MONDE INTERACTIF - Philippe Jannet, Président - NOTREFAMILLE.COM - Toussaint Roze, PDG
- LAGARDERE ACTIVE - Frédérique Lancien, Directeur du développement numérique à l'international
- MAPPY - Henri Moché, DG
Conférence « Les nouveaux médias et les jeunes : de nouveaux modes de consommation de presse. Quelle évolution chez Bayard ? » 23 novembre 2009, à Rouen Business School. Avec Pascal Ruffenach, Directeur Général de Bayard Presse
Conférence « Observatoire de l’e-pub 3ème édition : Bilan 2009 et Projections 2010 », 13 janvier 2010 Capgemini Consulting, SRI et UDECAM