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La tragédie de la Garde de fer Julius Evola Publié pour la première fois en décembre 1938 dans le n° 309 de la revue La Vita Italiana – publication bien connue que dirigeait G. Preziosi –, cet essai ne manquera sans doute pas d’intéresser tous ceux qui, ces dernières années, se sont adonnés à une étude sérieuse du phénomène légionnaire ainsi qu’à l’interprétation qu’en a donnée le principal philosophe traditionaliste italien. Et ceci, au moins pour deux raisons : la première, parce qu’il s’agit ici du seul texte, parmi ceux consacrés par Évola à la Garde de fer, qui n’ait jamais été réédité depuis la guerre (la présente traduction a été réalisée à partir de la réédition parue dans la revue Domani n° 2/3, mai-décember 1978) ; la seconde, parce que, s’il se ressent du climat politique – pas toujours très serein – de l’époque où il fut rédigé (Totalité n’entend pas engager sa responsabilité pour certaines opinions d’Évola ou certaines citations de Codreanu, qui ne sont publiées ici qu’à titre documentaire), il n’en contient pas moins de nombreuses indications nécessaires à une compréhension « réaliste » du phénomène légionnaire (NDLR). Bucarest, mars 1938. Notre auto nous conduit en dehors des faubourgs de la ville le long d’une morne route provinciale sous un ciel gris et pluvieux. Nous tournons brusquement à gauche pour nous engager dans un chemin de campagne et nous nous arrêtons alors devant un édifice aux lignes nettes : c’est la « Maison Verte », le siège de la Garde de fer. « Nous l’avons construite de nos propres mains ! », nous dit non sans un certain orgueil le chef légionnaire qui nous accompagne. Nous entrons et, après avoir traversé une sorte de corps de garde, nous montons au premier étage. Un groupe de légionnaires s’écarte alors et voici que s’avance vers nous un homme jeune, grand et élancé, portant sur le visage une expression peu commune de noblesse, de franchise et d’énergie : les yeux gris-bleus, front haut, c’est l’archétype même aryo-romain. Mêlé cependant aux traits virils, il y a dans l’expression quelque chose de contemplatif et de mystique. Nous avons devant nous Corneliu Codreanu, chef et fondateur de la Garde de fer roumaine – celui que l’on traite d’« assassin », de « séide d’Hitler », de « conspirateur anarchiste » dans la presse vendue du monde entier parce que, depuis 1919, il a jeté le gant à Israël et contre les forces qui, à un titre ou à un autre, agissent comme ses alliés objectifs dans la vie nationale roumaine.

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La tragédie de la Garde de ferJulius Evola

Publié pour la première fois en décembre 1938 dans le n° 309 de la revue La Vita Italiana – publication bien connue que dirigeait G. Preziosi –, cet essai ne manquera sans doute pas d’intéresser tous ceux qui, ces dernières années, se sont adonnés à une étude sérieuse du phénomène légionnaire ainsi qu’à l’interprétation qu’en a donnée le principal philosophe traditionaliste italien. Et ceci, au moins pour deux raisons : la première, parce qu’il s’agit ici du seul texte, parmi ceux consacrés par Évola à la Garde de fer, qui n’ait jamais été réédité depuis la guerre (la présente traduction a été réalisée à partir de la réédition parue dans la revue Domani n° 2/3, mai-décember 1978) ; la seconde, parce que, s’il se ressent du climat politique – pas toujours très serein – de l’époque où il fut rédigé (Totalité n’entend pas engager sa responsabilité pour certaines opinions d’Évola ou certaines citations de Codreanu, qui ne sont publiées ici qu’à titre documentaire), il n’en contient pas moins de nombreuses indications nécessaires à une compréhension « réaliste » du phénomène légionnaire (NDLR).

Bucarest, mars 1938. Notre auto nous conduit en dehors des faubourgs de la ville le long d’une morne route provinciale sous un ciel gris et pluvieux. Nous tournons brusquement à gauche pour nous engager dans un chemin de campagne et nous nous arrêtons alors devant un édifice aux lignes nettes : c’est la « Maison Verte », le siège de la Garde de fer. « Nous l’avons construite de nos propres mains ! », nous dit non sans un certain orgueil le chef légionnaire qui nous accompagne. Nous entrons et, après avoir traversé une sorte de corps de garde, nous montons au premier étage. Un groupe de légionnaires s’écarte alors et voici que s’avance vers nous un homme jeune, grand et élancé, portant sur le visage une expression peu commune de noblesse, de franchise et d’énergie : les yeux gris-bleus, front haut, c’est l’archétype même aryo-romain. Mêlé cependant aux traits virils, il y a dans l’expression quelque chose de contemplatif et de mystique. Nous avons devant nous Corneliu Codreanu, chef et fondateur de la Garde de fer roumaine – celui que l’on traite d’« assassin », de « séide d’Hitler », de « conspirateur anarchiste » dans la presse vendue du monde entier parce que, depuis 1919, il a jeté le gant à Israël et contre les forces qui, à un titre ou à un autre, agissent comme ses alliés objectifs dans la vie nationale roumaine.

Parmi les nombreux chefs de mouvements nationaux qu’il nous a été donné de rencontrer en Europe, peu – pour ne pas dire aucun – nous ont fait une impression aussi favorable que Codreanu. Il a été un des rares avec qui nous avons pu parler avec une telle (et quasi totale) communion d’idées ; un des rares chez qui nous avons rencontré la capacité de pouvoir s’élever d’une façon aussi nette du plan des contingences pour ramener à des prémisses authentiquement spirituelles une volonté de renouveau politico-national. Et Codreanu lui-même n’a pas caché sa satisfaction de rencontrer enfin quelqu’un avec qui il puisse aller au-delà de la formule stéréotypée du « nationalisme constructif » – formule d’ailleurs bien incapable d’exprimer l’essence profonde du mouvement légionnaire roumain.

Nous vivions alors les heures de la chute du cabinet Goga, de l’intervention directe du roi, de la promulgation de la nouvelle constitution et du plébiscite.

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Nous étions au fait de tous les dessous de ces bouleversements, mais Codreanu compléta notre vision de la situation en en faisant une lumineuse synthèse. Il était plein de foi en l’avenir ainsi qu’en la victoire prochaine de son mouvement. Si ce dernier n’a ni réagi ni manifesté aucune opposition, ceci procédait de raisons tactiques bien précises : « S’il y avait eu des élections régulières comme le pensait Goga, nous nous serions imposés avec une écrasante majorité » – nous dit textuellement Codreanu. « Toutefois, mis devant l’alternative de dire oui ou non à un fait accompli, c’est-à-dire la Constitution, dont l’inspiration revient au Souverain, nous avons refusé de livrer bataille ». Et il ajouta même : « Nous avons emporté la première ligne de tranchée, puis la seconde, puis la troisième, et l’adversaire, à l’abri du réduit où il s’est retranché, tire maintenant sur nous sans même savoir que ce que nous, nous voudrions, c’est lui venir en aide contre son véritable ennemi ». Et nous nous souvenons aussi de cette autre phrase de Codreanu à une question que nous lui posions à propos de son attitude vis-à-vis du Roi : « Mais nous sommes tous monarchistes ! Cependant nous ne pouvons renoncer à notre mission et accepter de nous compromettre avec un monde moribond et corrompu ».

Et lorsqu’il tint à nous raccompagner avec sa propre automobile jusqu’à notre hôtel – sans se soucier de ce que ceci pouvait avoir d’exceptionnel (et nous encore moins de l’avertissement reçu de notre Légation selon lequel quiconque rencontrerait Codreanu était expulsé du pays dans les vingt-quatre heures) – et qu’il prit congé, sachant que nous poursuivions notre périple en passant par Berlin et Rome, il nous dit : « À tous ceux qui combattent pour la même cause que nous, dites que je les salue et que le légionnarisme roumain est et sera inconditionnellement à leurs côtés dans la lutte antisémite, antidémocratique et antibolchévique ».

Il vient de paraître récemment, dans la collection Europa Giovane (Casa Editrice Nazionale, Rome-Turin, 1938), la traduction italienne – que l’on nous avait déjà annoncée à Bucarest – du livre de Codreanu portant précisément pour titre Pour les Légionnaires [La Garde de fer]. Il s’agit de la première partie d’un ouvrage qui est simultanément l’autobiographie du Capitaine et l’histoire de la lutte de son mouvement et où l’on trouve bien évidemment aussi l’exposé de sa doctrine et de son programme politique. On peut mettre en parallèle ce livre avec la première partie du Mein Kampf d’A. Hitler sans craindre le moins du monde qu’il ressorte diminué d’une telle confrontation. En fait, c’est la force même – et le tragique même – des choses, qui fait que le récit de Codreanu possède une telle puissance suggestive. Et nous pensons que tout fasciste, au sens large, se doit de prendre connaissance, à travers elle, des tragiques et douloureuses vicissitudes d’une lutte qui, sur le sol roumain, n’a fait que répéter celle que nous-mêmes avons affrontée au cours de nos révolutions antidémocratiques et antisémites. Et c’est maintenant l’heure où, en ce domaine, on connaît enfin la vérité qu’occulte ou que déforme une presse tendancieuse : on ne peut se faire une idée exacte des possibles développements futurs de la Roumanie si l’on néglige le facteur représenté par le Mouvement légionnaire – réprimé aujourd’hui mais certainement pas hors de combat.

Par sa nature même, le livre de Codreanu ne se laisse pas facilement résumer. Nous ne pouvons ici qu’apporter quelques indications d’ordre général et doctrinal permettant de cerner la nature du mouvement de Codreanu. À peine âgé de vingt ans, ce dernier se lança, dans les années 1919-1920, pas seulement par la parole mais par l’action squadriste, dans la lutte contre le danger communiste au nom de la nation roumaine, faisant le coup de poing contre les ouvriers révoltés,

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arrachant les drapeaux rouges que ceux-ci avaient hissés sur leurs usines et les remplaçant par le drapeau national. Disciple d’A. C. Cuza, doyen du nationalisme roumain et précurseur de la lutte antisémite, Codreanu avait déjà su voir, à l’époque, ce qu’aurait réellement signifié la victoire du communisme : non pas une Roumanie ayant à sa tête un régime prolétarien roumain, mais son asservissement, dès le lendemain, sous la plus ignoble des tyrannies […]. Et dès ce moment-là, Codreanu devint la bête noire de la presse stipendiée par Israël, l’objet d’une campagne féroce de diffamation et de haine qui, à travers lui, visait également alors la foi nationale de tout un peuple. Voici ce qu’écrit Codreanu à ce sujet : « En une seule année, j’en ai appris sur l’antisémitisme à un point tel que ceci pourrait remplir la vie de trois hommes. Parce que je ne peux voir profaner les convictions les plus sacrées d’un peuple – c’est-à-dire ce que son cœur aime et respecte – sans en souffrir au plus profond de moi et sans que la blessure qu’on lui fait ne ruisselle de sang. Cela s’est passé il y a dix-sept ans et la blessure saigne encore ». À l’époque, Codreanu se battait contre ceux qui entonnaient des hymnes à l’internationale rouge, et ses partisans réduisaient en miettes les imprimeries de feuilles sémites où l’on insultait le Roi, l’Armée et l’Église. Mais un peu plus tard, et cette fois-ci au nom du Roi, de l’Armée et de l’Ordre, une presse roumaine experte à retourner sa veste devait continuer la même campagne contre Codreanu en répandant à longueur de colonnes la haine et la calomnie sur son mouvement.

« Je ne saurais définir », écrit Codreanu, « de quelle façon je suis entré dans la mêlée. Peut-être comme un homme qui marchant dans la rue avec les préoccupations, les pensées et les soucis qui sont les siens, verrait tout-à-coup un incendie dévorer une maison et mettrait bas la veste pour bondir au secours de ceux qui sont la proie des flammes. Avec le simple bon sens d’un garçon de vingt ans, voilà tout ce que m’inspira le spectacle que je voyais autour de moi : nous étions en train de perdre notre Patrie, et avec le concours inconscient des malheureux ouvriers roumains spoliés et réduits à la misère, allait désormais régner l’ordre dictatorial et exterminateur d’Israël. C’est poussé par un élan venu du cœur que j’ai commencé, par cet instinct de défense que possède même le dernier des vers de terre – à cette différence près qu’il ne s’agissait pas d’un instinct de conservation individuel, mais de la défense de la race à laquelle j’appartenais. C’est pourquoi j’ai toujours eu la sensation que reposait sur nos épaules toute notre race, avec les vivants mais aussi le cortège de ceux qui sont morts pour elle et de ceux qui sont à naître ; la sensation que la race lutte et s’exprime à travers nous et que, quel que soit le nombre de nos ennemis, en face d’une telle entité historique, il ne s’agit que d’une poignée d’individus sans importance que nous disperserons et que nous vaincrons… L’individu dans le cadre et au service de sa race, la race dans le cadre et au service de Dieu et des lois de la Divinité ; quiconque comprend cela triomphera, même s’il est seul. Et quiconque ne le comprend pas mordra la poussière ».

Telle était la profession de foi de Codreanu en 1922, époque où il achevait ses études universitaires. En tant que président de l’association des étudiants en droit nationalistes, il fixait simultanément les grandes lignes de la campagne antisémite dans les termes suivants : « a) identifier l’esprit et la mentalité étrangers à notre peuple qui se sont insensiblement infiltrés dans les modes de sentir et de penser d’un grand nombre de nos compatriotes ; b) effectuer notre

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propre désintoxication, éliminer le judaïsme introduit dans notre propre pensée par le biais des livres scolaires, des professeurs, du théâtre et du cinéma ; c) prendre conscience des menées israélites et les démasquer, quel que soit le déguisement dont elles se parent. Car nous avons des partis politiques qui sont, certes, dirigés par des Roumains, mais c’est le judaïsme qui s’exprime à travers eux. Nous avons des journaux roumains, écrits par des Roumains, mais ils ne sont que la tribune du Juif et de ses intérêts – de même que nous avons des conférenciers roumains, mais ils pensent, ils écrivent et ils parlent hébreu avec des mots roumains ». Parallèlement à cela étaient également évoqués les problèmes pratiques qui se posaient en termes politiques, nationaux et sociaux : celui de vastes régions de Roumanie littéralement colonisées par des populations exclusivement hébraïques ; celui posé par le fait que la plupart des centres vitaux des grandes villes étaient sous contrôle juif ; celui du pourcentage alarmant de Juifs dans les écoles – pourcentage atteignant souvent la majorité absolue –, ce qui équivalait à préparer leur invasion et leur hégémonie dans le domaine professionnel pour les nouvelles générations. Il convenait également de dénoncer les minables manœuvres effectuées derrière les coulisses : comme il l’avait déjà fait à l’époque communiste en révélant que les dirigeants du présumé « mouvement prolétarien roumain » étaient tous juifs sans exception, Codreanu n’hésita pas à révéler, cette fois en tant que député du Parlement, comment la majorité des hommes exerçant des responsabilités gouvernementales recevaient de soi-disant « prêts » des banques juives.

À l’arrivée de Mussolini au pouvoir, Codreanu reconnaît en lui un « porteur de lumière qui nous insuffle l’espérance : c’est pour nous la preuve que l’hydre peut être vaincue, la preuve que nous pouvons vaincre ». (Et il ajoutait : « Or, Mussolini n’est pas antisémite. C’est en vain que vous vous réjouissez, susurre à nos oreilles la presse juive. Mais moi je dis que ce qui importe, ce n’est pas le fait que nous nous réjouissions, c’est le fait que vous vous inquiétiez, vous, de sa victoire, le fait que, bien qu’il ne soit pas antisémite, il soit l’objet des attaques de la presse juive du monde entier ».

Ce que Codreanu avait vu très justement, c’est que le judaïsme a réussi à dominer à la fois le monde libéral par le biais de la Maçonnerie et la Russie par celui du communisme « En détruisant communisme et Maçonnerie – écrivait-il –, Mussolini a implicitement déclaré ainsi la guerre à l’hébraïsme ». Or, le récent virage antisémite du fascisme n’a fait que donner pleinement raison à Codreanu).

Pour finir d’éclairer l’attitude antisémite de Codreanu, il convient de retranscrire ici un passage de son livre qui démontre une particulière clairvoyance : « Celui qui s’imagine que les Juifs sont de pauvres malheureux venus ici par hasard, portés par le vent ou conduits par un destin contraire se trompe lourdement. Tous les Juifs sans exception qui existent de par le monde forment une grande collectivité cimentée par le sang et par la tradition talmudique. Ils sont encadrés par un État au sens propre, État implacable ayant ses lois, ses plans, des chefs pour définir ces plans et les mener à bonne fin : à la base de tout ceci, il y a le Cahal. De telle sorte que nous ne nous trouvons jamais devant des individus isolés mais en face d’une force constituée : la communauté juive. Dans chaque pays, chaque cité, là où se regroupe un nombre donné d’israélites, se forme immédiatement le Cahal, c’est-à-dire la communauté juive. Ce Cahal possède ses chefs, sa justice à part, etc. Et c’est dans ce petit Cahal, au niveau d’une simple ville ou même d’un pays, que se préparent tous les plans : comment s’attacher les politiciens ou les autorités ; comment s’introduire dans tous les cercles où il s’avère utile de s’infiltrer, comme, par exemple, chez les magistrats,

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les officiers, les hauts fonctionnaires, etc. ; quelle sera la marche à suivre pour enlever des mains d’un Roumain un secteur commercial donné ; comment éliminer l’honnête représentant d’une autorité opposée aux intérêts judaïques ; quel plan appliquer lorsque, poussée à bout, la population locale se révolte et explose en mouvements antisémites, et ainsi de suite ». Outre cela, il existe des plans généraux à long terme : « 1) Ils chercheront à rompre les liens entre le Ciel et la Terre en s’attachant à diffuser sur une grande échelle des théories athées et matérialistes, réduisant le peuple roumain – ou, éventuellement, seulement ses chefs – à un peuple séparé de Dieu et de ses morts : en le tuant non pas avec l’épée, mais par l’amputation des racines mêmes de sa vie spirituelle ; 2) C’est ensuite qu’ils s’attaqueront à ce qui relie la race à sa terre, cette source matérielle de sa richesse, en s’attaquant au nationalisme et à toute idée de patrie et de sol ; 3) Pour parvenir à ceci, ils chercheront à s’emparer de la presse ; 4) Ils se saisiront de tous les prétextes pour semer dans le peuple roumain la discorde, le malentendu et la contestation et, si possible, le diviseront encore davantage en factions antagonistes ; 5) Ils chercheront à s’accaparer toujours plus les moyens d’existence des Roumains ; 6) Ils les aiguilleront systématiquement sur la voie de la dissolution, ruinant la famille et la force morale et ne négligeant pas l’empoisonnement par le biais de l’alcoolisme et d’autres fléaux. Et, en vérité, quiconque voudrait empoisonner et conquérir une race pourrait y parvenir en adoptant ce système ». Par tous les moyens, depuis l’immédiat après-guerre jusqu’à hier, le mouvement de Codreanu a tenté de combattre sur tous les fronts cette offensive hébraïque conduite en Roumanie par les deux millions et demi de Juifs qui y sont présents et les forces affiliées à Israël ou financées par lui.

Le fléau représenté par les politicards et la nécessité de créer un « homme nouveau » sont deux autres idées-force de la pensée de Codreanu. « Le type d’homme qui existe aujourd’hui dans la vie politique roumaine – écrit Codreanu –, je l’ai déjà rencontré dans l’histoire : c’est sous son règne que sont morts les nations et qu’ont péri les États ». Pour lui, le grand péril national réside dans le fait d’avoir déformé et défiguré le type pur de la race romano-dace et d’y avoir substitué « le politicard, cet avorton moral qui n’a plus rien de la noblesse de notre race, qui se déshonore et se suicide ». Tant qu’il existera, les obscures forces anti-nationales trouveront toujours des instruments adéquats, ils pourront toujours ourdir des intrigues au service de leur double jeu. Si la Constitution roumaine de 1938 a mis fin au système des partis, c’est depuis des années que Codreanu avait adopté en ce domaine une position radicale qui lui faisait dire : « Tout homme franchissant la porte d’un parti politique sera un traître à sa génération et à sa race ».

Car il ne s’agit pas, ici, de partis ou de formules neuves mais bien d’un « homme nouveau ». C’est de cette constatation qu’est né le légionnarisme de Codreanu, qui veut être, avant tout, une école de vie, le creuset pour un nouveau type humain en lequel seront développées pleinement toutes les possibilités de grandeur humaine que Dieu a répandues dans le sang de notre race. « Légion de l’Archange Michel » : tel fut le nom de la première fondation légionnaire et, déjà, dans le choix même de cette appellation apparaît le côté mystique, religieux et ascétique d’un tel nationalisme. Pour Codreanu l’essentiel demeure cette création d’un nouveau type humain : le reste est accessoire, et par un processus naturel et fatal, il s’ensuit que c’est grâce à un tel type d’homme régénéré que sera résolu le problème juif, que seront trouvées de nouvelles formes politiques, que jaillira ce magnétisme capable de transporter les foules et de conduire la race sur le chemin de la gloire.

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C’est là un aspect particulier et caractéristique du mouvement légionnaire roumain que d’avoir, dans son organisation même en ce qu’on appelle des « nids », comme préoccupation fondamentale la création d’une nouvelle forme de vie communautaire imprégnée de rigides critères éthiques et religieux. C’est ainsi que beaucoup pourront être surpris d’apprendre que Codreanu avait imposé la discipline du jeûne deux jours par semaine à tous les adhérents de son mouvement et ses considérations sur la prière – considérations qui sembleraient avoir été formulées davantage par un religieux que par un chef politique – sont particulièrement intéressantes : « La prière est un élément décisif de la victoire. Les guerres sont gagnées par ceux qui ont su attirer de l’éther, des cieux, les forces mystérieuses du monde invisible et s’en assurer le concours. Ces forces, ce sont les âmes des morts, les âmes de nos ancêtres qui furent eux aussi, en leur temps, liés à nos lopins de terre, à nos sillons, qui moururent pour la défense de cette terre et sont aujourd’hui encore liés à elle par le souvenir de leur vie ainsi qu’à nous, leurs fils, petits-fils et arrière petits-fils. Et puis, au-dessus de l’âme des morts, il y a Dieu. Une fois attirées, ces forces pèsent dans la balance : elles protègent, elles insufflent le courage, la volonté et tout ce qu’exige la victoire et elles nous font vaincre. Elles sèment la panique et l’épouvante chez l’ennemi, paralysant son action. En dernière analyse, les victoires ne dépendent pas uniquement de la préparation matérielle, des forces matérielles des belligérants mais de leur capacité de s’assurer le concours des forces spirituelles. La justice et la moralité de notre action et l’appel fervent, le recours à elles sous la forme du rite et de la prière collective, attirent de telles forces ». Encore un passage caractéristique de Codreanu : « Si la mystique chrétienne, dont la fin est l’extase, est le contact de l’homme et de Dieu grâce à un saut de la nature humaine à la nature divine, la mystique nationale n’est rien d’autre que le contact de l’homme et des foules avec l’âme de leur race grâce à un saut que ceux-ci font du monde de leurs intérêts personnels et matériels au monde éternel de la race. Non pas seulement mentalement, car ceci n’importe quel historien peut le faire, mais en le vivant de toute leur âme ». Un autre aspect typique du légionnarisme de la « Garde de fer », c’est l’espèce d’engagement « ascétique » de ses chefs : ceux-ci doivent éviter toute manifestation de richesse ou de simple aisance. Un corps spécial de dix mille hommes – appelé « Mota et Marin », du nom de deux chefs de la Garde de fer tombés en Espagne – imposait à ses membres à l’instar de certains anciens ordres chevaleresques, la clause du célibat pour pouvoir faire partie d’un tel corps : afin qu’aucun lieu, qu’il soit mondain ou familial, ne puisse diminuer leur capacité de se jeter à la mort à tout instant.

Quoiqu’il ait par deux fois siégé au Parlement en tant que Député, Codreanu s’est affirmé dès le départ comme un adversaire déclaré de la démocratie ; selon ses propres termes, la démocratie détruit l’unité de la race par le système des partis ; elle est incapable de continuité dans l’effort et, comme le sens des responsabilités, le sens de l’autorité lui fait défaut : elle ne possède pas la force de la sanction et fait de l’homme politique l’esclave de ses partisans ; elle est au service de la haute finance ; elle transforme des millions de citoyens cosmopolites en Roumains. Inversement, Codreanu affirmait des principes de sélection sociale et d’élites (*). Ce dernier a eu une très exacte intuition de la nouvelle politique propre aux nations désireuses de repartir sur de nouvelles bases et dont le principe n’est ni la démocratie, ni la dictature, mais un rapport entre la nation et son chef, et comparable à celui qui existe entre la puissance et l’acte, entre l’obscur instinct et son expression. Le chef de ces nouvelles formes politiques n’est pas élu par la foule mais c’est la foule, la nation qui est d’accord

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avec lui et reconnaît dans les idées de celui-ci les siennes propres. La prémisse est une sorte de réveil intérieur qui trouve son origine chez le chef et dans l’élite. Évoquons ici les paroles mêmes de Codreanu : « C’est une forme neuve du gouvernement des États, forme jamais rencontrée jusqu’ici. J’ignore quel nom elle prendra, mais je sais qu’elle est neuve. Je crois qu’à la base, elle comporte cet état d’esprit, état propre à une haute conscience nationale qui d’abord, ou ensuite, s’étend peu à peu jusqu’à la périphérie de l’organisme social. C’est un état de clarté intérieure. Ce qui gisait jusque-là dans les cœurs en tant qu’instinct de la race se reflète, hors de tels moments, dans les consciences, créant un état d’illumination unanime que l’on ne rencontre que dans les grandes expériences religieuses. Et précisément, on pourrait appeler cet état un état d’œcuménicité nationale. Un peuple parvient, ce faisant, dans son intégrité, à prendre conscience de lui-même, de son sens et de son destin dans le monde. Dans l’histoire, nous n’avons rien rencontré d’autre chez les peuples que des éclairs sans lendemain : de ce point de vue, nous nous trouvons aujourd’hui confrontés à des phénomènes nationaux permanents. À ce moment-là, le chef n’est plus un “patron” qui fait “ce qu’il veut” et gouverne selon son “bon plaisir” : il est l’expression de cet état spirituel invisible, le symbole de cet état de conscience. Il ne fait plus ce qu’il veut mais ce qu’il doit. On ne le juge pas à partir des intérêts individuels ni même collectifs, mais de ceux de la nation éternelle dont ont désormais conscience les peuples. Dans le cadre de ces intérêts-là, et dans ce cadre seulement, ils trouveront naturellement la satisfaction la plus complète aussi bien de leurs intérêts individuels que de leurs intérêts collectifs ».

Que, par suite, Codreanu n’exclut pas que ces nouvelles formes de nationalisme puissent se concilier avec les institutions traditionnelles, ses propres idées sur l’institution monarchique le prouvent éloquemment. Qu’on en juge : « Je récuse la république. À la tête des ethnies, au-dessus de l’élite, il y a la monarchie. Si tous les rois n’ont pas été de bons monarques, la monarchie, par contre, a toujours été bonne. L’homme ne doit pas être confondu avec l’institution sinon l’on en tire des conclusions fausses. Il peut y avoir de mauvais prêtres, mais ce n’est pas une raison suffisante pour en conclure qu’il faut se séparer de l’Église et lapider Dieu. Il y a sans doute des rois faibles ou mauvais, cependant il est impossible de renoncer à la monarchie. Il existe une ligne de vie de la race. C’est lorsqu’il se maintient sur cette ligne que le monarque est grand et bon, et il est petit et mauvais dans la mesure où il s’éloigne de cette ligne de vie de la race – ou bien lorsqu’il s’y oppose. Nombreuses sont les autres <span style="font-family: Times New Roman,serif;">‘</span>lignes’ qui peuvent tenter un monarque : il doit les écarter toutes pour ne suivre que celle de la race. Telle est la loi de la monarchie ».

Si telles sont, dans leurs grandes lignes, les idées de Codreanu et de sa « Garde de fer », les vicissitudes de sa lutte se révèlent tragiquement incompréhensibles : hier encore, elles semblaient être le jouet de quelque horrible malentendu. Nous disons « hier encore » car, dans la mesure où subsistait en Roumanie le pur système démocratique – avec son asservissement bien connu à toute espèce d’influence indirecte ou de derrière les coulisses et son institution monarchique purement symbolique –, on pouvait comprendre qu’un mouvement comme celui de Codreanu soit contrecarré par tous les moyens et quel qu’en soit le prix par le système en place. Or, aujourd’hui, au nom de principes pratiquement opposés, pour des raisons d’opportunisme, les effets sont identiques et le péril adverse avance à visage découvert. Comment ne pas comprendre ces amères constatations de Codreanu : « Dans les années 1919, 1920 et 1921, la totalité de

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la presse aux mains des Juifs donnait l’assaut à l’État Roumain, déchaînant partout le désordre et exhortant à la violence contre le régime, les institutions, l’Église, l’ordre roumain, l’idée nationale, le patriotisme. Aujourd’hui (en 1936), comme par enchantement, la même presse, exactement aux mains des mêmes hommes, s’est érigée en protectrice de l’Ordre, de l’État, des lois ; elle se déclare contre toute violence et nous, nous sommes devenus les “ennemis du pays” les “extrémistes de droite”, à la solde et au service des ennemis du roumanisme. Et avant longtemps, gageons que nous entendrons aussi que nous sommes subventionnés par les Juifs ! ». Et Codreanu poursuit : « Nous avons reçu sur nos joues et sur nos cœurs de Roumains, sarcasmes après sarcasmes, gifles après gifles jusqu’à nous voir réellement dans cette épouvantable situation : les Juifs défenseurs du roumanisme, à l’abri de tout tracas, vivant dans la tranquillité et l’abondance ! Et nous, en tant qu’ennemis du roumanisme, menacés dans notre liberté et notre vie, pourchassés comme des chiens enragés par les autorités roumaines. J’ai vu avec mes yeux et j’ai vécu ces heures, rempli d’amertume jusqu’au tréfonds de l’âme. Te mettre à lutter pour ta terre, l’âme pure comme la prunelle des yeux, et lutter des années et des années durant dans la pauvreté et en cachant la faim qui te laboure pourtant le ventre, et puis te voir ensuite désignée sur la liste des ennemis du pays et parce que tu es payée par l’étranger – et pour voir les Juifs maîtres du pays, élevée au rôle de gardienne du roumanisme et de l’État Roumain, menacés par toi, jeunesse du pays, c’est quelque chose d’épouvantable ! »

Que tout ce qui précède ne soit pas simple littérature, le lecteur peut s’en rendre compte en parcourant le livre de Codreanu : il y trouvera une ample documentation sur la via crucis de la « Garde de fer » : arrestations, persécutions, procès, diffamations, violences physiques. Codreanu lui-même fit l’objet de nombreux procès qui, jusqu’ici, se terminèrent tous par des non-lieux. Chose significative, lorsqu’il fut inculpé d’homicide pour avoir tué de ses mains les bourreaux de ses camarades, dix-neuf mille trois cent avocats venus des quatre coins du pays se proposèrent pour assurer sa défense !

À l’issue de l’expérience du cabinet Goga, le régime démocratique roumain sembla prendre fin pour être remplacé par une nouvelle forme, autoritaire cette fois, de gouvernement. On ne sait quasiment rien, à l’étranger, des dessous d’un tel revirement. Bien que la Garde de fer ait été dissoute, cette nouvelle phase de la politique roumaine n’a pas mis un terme à la lutte menée par Codreanu contre les adversaires de sa conception de la nation et de l’État. Il faut bien voir que le gouvernement Goga fut constitué à titre d’expérience et, parallèlement, à des fins tactiques bien précises. Avec le nationalisme et l’antisémitisme modérés de Goga, ce que l’on cherchait à détourner, c’était les forces que le mouvement de Codreanu attirait à lui et qui y adhéraient chaque jour plus nombreuses : au fond, il s’agissait d’offrir un succédané aisément domesticable. Pour utiliser la formule mussolinienne employée à propos du plébiscite proclamé par Schuschnigg<a href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc"><sup>*</sup></a>, on s’aperçut assez vite que l’expérience était dangereuse et que l’engin pouvait bien échapper des mains de celui qui l’avait préparé. Car le régime Goga ne fut pas perçu comme un succédané dont il fallait se contenter mais, au contraire, comme le signe préliminaire d’un ralliement au courant du nationalisme intégral : peu importait le fait que Goga fut un adversaire déclaré de Codreanu (et telle avait été une des raisons de son choix), ce qui importait plutôt était son programme qui allait dans le sens du nationalisme et de l’antisémitisme ainsi que dans celui d’une révision de la politique internationale roumaine. C’est la raison pour laquelle – dans le cas où les élections annoncées par Goga auraient eu lieu –

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ce dernier aurait été emporté par un courant qui, bien que de même origine, aurait été plus fort que lui.

Ayant pris connaissance de ce danger, le Roi décida alors d’intervenir personnellement. Il mit fin au régime démocratique et fit promulguer une constitution dont l’objet consistait essentiellement à concentrer, directement ou indirectement, le pouvoir entre les mains du monarque. Il s’agissait d’une révolution autoritaire provenant, comme on dit, à la fois de la Cour et de la place publique. Voyant cela, la Garde de fer décida de dissoudre volontairement, afin de prévenir toute manœuvre de l’adversaire, le parti Tout pour la Patrie qu’elle avait créé. Elle se retira sans bruit, se proposant désormais de concentrer son action essentiellement sur le plan spirituel, se consacrant désormais à la formation spirituelle et à la sélection de l’afflux d’adhérents qui, dans les derniers temps – en raison surtout du fait que chacun considérait le gouvernement Goga comme une étape –, avait rejoint les rangs de Codreanu.

Nous étions en Roumanie à cette époque-là et la solution qui apparaissait aux observateurs roumains les plus sérieux comme éminemment souhaitable et probable, était de mettre un terme à la vieille querelle entre le régime et le légionnarisme pour y substituer une collaboration sur des bases nationales. Il ne s’agissait pas simplement de l’opinion exprimée par le principal théoricien roumain de l’État, Manoilesco, ou de gens qui, comme Nae Ionescu, avaient joué un rôle non négligeable dans le retour du Roi dans sa patrie : même le ministre Agetoianu, principal inspirateur de la constitution, n’excluait pas, lors d’une conversation que nous eûmes avec lui, cette collaboration, sous réserve – c’était ses propres mots – que la « Garde de fer » renonce à ses anciennes méthodes.

Nous serions bien les derniers, ici, à contester que, dans des conditions normales, lorsque la monarchie jouit de l’intégralité de sa puissance et de sa signification, celle-ci n’a nul besoin d’être doublée par une dictature pour exercer régulièrement sa fonction. Mais les choses se présentent différemment dans un État où l’intrigue politique s’est substituée à la fides traditionnelle, où l’hydre apatride a étendu ses tentacules sur la plupart des centres vitaux de la nation, où la démocratie des parties a miné l’intégrité éthique et le sentiment patriotique de vastes secteurs politiques. Lorsqu’il en est ainsi, ce qu’il faut, alors, est un mouvement de rénovation de type totalitaire, quelque chose qui, d’une façon globale, entraîne, fonde, transforme et tende à nouveau vers le haut l’ensemble de la nation en prenant appui sur un nouvel état de conscience et sur les forces que représentent un idéal et une foi. Et l’institution monarchique, lorsqu’elle est présente, n’est pas amoindrie par un tel mouvement national totalitaire : elle est, au contraire, grandie et complétée par lui comme le démontre l’exemple même de l’Italie. Dans ce contexte, on retenait donc comme désirable et possible la collaboration entre le nouveau régime et le mouvement légionnaire de Codreanu, et ce, d’autant plus que, comme on l’a vu, Codreanu défendait sans réserve l’idée monarchique et qu’il n’a jamais envisagé – et ses propres adversaires ne l’ont même jamais supposé – de se proposer prétendant au trône de Roumanie.

Les récents événements ont démontré l’inanité de telles espérances et n’ont fait que précipiter le drame. Peu après la sanction définitive de la nouvelle constitution, Codreanu a été mis une fois de plus en état d’arrestation. Pour quel motif ? Tout d’abord, on feignit de se souvenir, de longs mois après – alors que pendant toute sa carrière politique, sous l’aiguillon des circonstances, il n’avait quasiment fait que cela –, qu’il avait outragé un ministre en exercice. Un peu plus tard, on l’accusa de complot contre la sûreté de l’État… Mais la vérité est que

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l’arrestation de Codreanu eut lieu presque le jour qui suivit l’Anschluss et l’on peut très vraisemblablement penser que ceci n’avait pas d’autre motif que la peur de voir – en écho au triomphe du national-socialisme autrichien – les forces du nationalisme roumain, jusque-là tenues en laisse, tout emporter. On voulut donc, par un moyen ou par un autre, se débarrasser de leur chef. À l’issue du procès, Codreanu fut condamné à une peine de réclusion de dix ans et l’on arrêta simultanément toute une série de chefs secondaires ainsi qu’une quantité de gens soupçonnés d’appartenir à la « Garde » ou d’être solidaires avec elle. Qu’avec de telles mesures, on avait voulu chercher l’affrontement et que l’on ait été encore très loin de la stabilisation de la situation politico-nationale, chacun en Roumanie s’en rendit compte. Ce que chacun put également constater, c’est que si les précédents procès intentés à Codreanu – à une époque où ses adversaires jouissaient, par le biais de la corruption démocratique, de toutes les facilités – avaient dû invariablement se conclure par sa relaxe, c’est précisément cette fois sous les auspices de la nouvelle constitution anti-démocratique et « nationale » que l’on condamnait Codreanu ! Ceci ne pouvait être pris que comme un défi jeté à toutes les forces du légionnarisme national roumain qui, bien que latentes et dispersées, n’en étaient pas moins présentes et nombreuses encore. Quoique rien de très précis n’ait réussi à filtrer de ce dernier procès, il fut bien clair que la condamnation était soit excessive, soit insuffisante : car si vraiment c’est de complot contre la sûreté de l’État que Codreanu pouvait être convaincu positivement, étant donné l’animus qui avait conduit à ce procès, il y avait là une excellente occasion de le mettre définitivement hors d’état de nuire puisque, pour ce type de délit, la nouvelle constitution prévoit la peine capitale. Or, on avait dû se limiter à dix ans de prison.

Ce que l’on n’avait pas osé faire à ce moment-là fut cependant fait plus tard et ce qui était prévisible finit par arriver fatalement. Une fois passé le premier moment de stupéfaction, les forces fidèles à Codreanu engagèrent une action terroriste de « représailles » : le « bataillon de la mort » entra en scène, un « tribunal national » secret se constitua, dont l’objet était de juger et de frapper tous ceux qui, du point de vue légionnaire, attentaient à la nation. Ce changement d’attitude atteignit son paroxysme après la capitulation de Prague et les accords de Munich, mais ne fit, en définitive, que conduire à une situation chaque jour plus difficile : dès lors, les arrestations se multiplièrent, l’injustice appelle contre elle l’injustice ; récemment, le recteur de l’université de Cluj, personnage particulièrement hostile à la Garde, a été assassiné ; deux gouverneurs de province ont reçu du mystérieux « tribunal national » légionnaire la sentence de mort, laquelle doit être exécutée au cours du mois de janvier… La situation a atteint un tel point de non-retour que de très hautes personnalités – parmi lesquelles un prince de sang et le général Antonescu, déjà ministre de la guerre sous le gouvernement de Goga et actuellement commandant du Corps d’Armée n° II – viennent d’être soit démises, soit exilées, soit en état d’arrestation. Les événements se précipitent et, sous la pression d’une exacerbation générale, nous voici maintenant arrivés au dernier acte de la tragédie. Le 30 novembre, un laconique communiqué officiel annonçait que Codreanu, ainsi que treize autres légionnaires appartenant aux instances dirigeantes du mouvement et arrêtés avec lui, avaient été abattus par la police au cours d’une « tentative d’évasion ». Leurs corps auraient été inhumés, une fois faites les constatations d’usage, trois heures après soit presque immédiatement, de façon à couper court à toute possibilité d’enquête ultérieure.

Le paroxysme de la tension a donc ainsi été atteint et le retentissement suscité par cet événement à travers toute la Roumanie, où les fidèles de Codreanu se

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comptent désormais par millions, est énorme. L’état de siège qui était en vigueur dans plusieurs régions vient d’être étendu à l’ensemble du Royaume : rarement, au cours de son histoire, la Roumanie a connu des heures aussi troublées.

Ce qu’il faut retenir, au terme de cet exposé, est que : ou bien Codreanu était de la pire mauvaise foi – hypothèse que quiconque l’a approché ne serait-ce qu’un instant, quiconque a senti la foi, l’enthousiasme et la profonde sincérité qu’exprimait le moindre de ses écrits, ne peut qu’exclure –, ou bien il est impossible d’admettre que son mouvement ait eu un quelconque caractère subversif, finalité de toute façon étrangère à une reconstruction nationale de type « fasciste » ou national-socialiste, d’autant plus qu’il respectait le principe monarchique. Que conclure ? Éh bien, il n’est que trop légitime de s’interroger sur la véritable nature des forces qui ont provoqué, ou tout au moins favorisé, la tragédie de la « Garde de fer ». Lors de la dernière arrestation de Codreanu, nous étions alors à Paris et nous avons entendu un véritable hurlement de joie délirante accompagner la nouvelle de son arrestation dans les feuilles spécialisées de l’antifascisme et du socialisme apatride. Ce n’est pas une gageure que de dire qu’après la Tchécoslovaquie, la Roumanie est, dans toute l’Europe Centrale, le dernier carré – disposant de nombreuses ressources et précieux tant du point de vue économique que stratégique – qui soit resté aujourd’hui encore à l’abri du jeu des forces obscures en action dans les « grandes démocraties », la haute finance et le socialisme apatride. Et. pour de telles forces, représenter les intérêts de gens incapables d’une vision des choses à long terme, comme moyen et comme fin, et passer sur des cadavres – même s’il s’agit de ceux d’une jeunesse noble et généreuse qui s’était vouée au seul service du pays –, ce ne sont là qu’enfantillages.

Julius EVOLA Traduit de l’italien par G. B.

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Spiritualité légionnairepar Claudio Mutti

Notre tentative d’interprétation des particularités de la spiritualité légionnaire, plusieurs fois esquissées en marge de nos traductions d’un certain nombre d’ouvrages de Corneliu Codreanu pour les Editions d’Ar, n’a pas seulement rencontré l’adhésion – en particulier, nous pourrions citer celle d’auteurs prestigieux du monde disparu de la Garde de fer. Elle a également suscité la perplexité, des critiques et, pour finir, des attaques.

Ces dernières sont venues surtout des milieux catholiques que l’on qualifie de « traditionalistes » qui, enveloppant dans les plis d’un œcuménique et conciliaire silence tout motif de division pouvant exister entre le catholicisme romain et le catholicisme orthodoxe – dont la Garde de fer, officiellement, se réclamait dans le domaine religieux –, ont cherché à transformer Codreanu, rebaptisé « héros chrétien », en un saint protecteur de leur courant d’idées.

Afin de mieux développer leur critique de l’interprétation que nous en avons donnée, les « traditionalistes » en question ont cru bon de déformer délibérément la substance de nos affirmations. En effet, selon eux, nous aurions soutenu que le contraste existant, dans le cas précis de la Légion de l’Archange Michel, « entre un substrat non reconductible au christianisme et des modes d’expressions chrétiens », trouverait son origine dans des « motifs d’opportunité politique ». En d’autres termes, nous aurions sous-entendu, compte tenu de notre « obliquité mentale », que le Capitaine avait agi « par simple calcul politique comme l’aurait fait un Maure quelconque ! ».

En réalité, nous n’avons jamais songé à accréditer la thèse d’un « pragmatisme » légionnaire « prêt à utiliser le sentiment religieux comme un simple

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instrumentum de propagande dans un pays composé en majorité de croyants et de fidèles ». Pour nous faire dire des choses pareilles, il faut en effet posséder une bonne dose de cette « obliquité mentale » que les catholiques en question nous attribuent ! Par contre, nous avons affirmé que la spiritualité de l’organisation légionnaire ne peut pas être simplement réduite à la religiosité chrétienne. Pour nous, ce qui caractérise l’essence même du légionnarisme roumain, c’est un esprit transcendant la dimension religieuse en général et celle du christianisme en particulier et pour laquelle la foi des masses christianisées de Roumanie constitua le véhicule d’une spiritualité plus haute.

Du reste, ceci avait été relevé par d’autres, parmi lesquels Évola lui-même, lequel écrivait dans un article paru avant guerre, qui vient récemment d’être republié : « L’idée de la présence des forces des morts – et tout particulièrement celle des héros – aux côtés des vivants, et qui est particulièrement vive dans le mouvement légionnaire, reflète d’une façon indubitable certaines formes bien connues d’une spiritualité pré-chrétienne (rapports entre la gens, les ancêtres et les “héros” archégètes) » (1). Évola ferait-il preuve, lui aussi, d’« obliquité mentale » ? Mais ce n’est pas tout. Un auteur comme Ernst Nolte est peut-être encore plus péremptoire : « La mystique de la Garde de fer ne peut pas être définie comme chrétienne – même si des expressions propres au christianisme y abondent – parce qu’elle n’est pas centrée sur le bien éternel mais bien plutôt sur le ‘sang’ concret de son peuple… S’il est exact qu’il n’y a aucune rupture explicite avec la foi chrétienne, le hiatus n’en est pas moins incontestable » (2).

Mais passons en revue les éléments « gardistes » qui nous ont amené à distinguer en lui la présence d’un héritage étranger au catholicisme.

L’Archange Michel, tout d’abord. La formule propiatoire d’un rituel mithriaque cite nommément l’Archange comme l’intermédiaire au travers duquel la force immortalisante du dieu se transmet à l’initié : en fait, dans le mithraïsme, l’Archange, c’est celui qui transmet au myste l’auréole glorieuse, un intermédiaire analogue au qutb de l’ésotérisme islamique, l’« axe » au moyen duquel descend la barakah.

Or, on le sait, le mithraïsme se développa sur tout le territoire de l’ancienne Roumanie, très avant la christianisation, comme l’attestent les découvertes archéologiques que l’on continue de faire aujourd’hui encore un peu partout, de la Transylvanie à la Mer Noire. On peut quasiment, dans ces conditions, tenir pour certain que l’Archange « Michel » constitue un travestissement chrétien d’une entité préexistante à la christianisation de la Dacie. (On relèvera, par ailleurs, qu’en Italie même, dans le Gargano, la « Grotte de l’Archange » était originellement un mithréum). C’est probablement des mystères mithraïques – qui furent diffusés par les légionnaires romains à travers la Dacie, acquérant de ce fait le caractère d’une initiation guerrière (en effet, miles désigne un grade initiatique mithriaque) – que dérive l’essence même de l’éthique légionnaire, laquelle considère l’engagement des adhérents de la Garde de fer comme une militia. L’action légionnaire est en même temps conçue comme guerrière et rituelle, comme une guerre sainte. À cet égard, nous tenons à citer une fois encore E. Nolte : « c’est une guerre sainte que Codreanu déclare à la presse juive » (3).

Et Codreanu répète la distinction entre la grande et la petite « guerre sainte » formulée dans un hadith fameux qui établit une différence entre « les victoires

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sur les hommes » et « les victoires sur le diable et sur les pêchés », sur « le juif qui se niche à l’intérieur de nous ». Indubitablement, ceci ne s’explique que si l’on se réfère à des enseignements, et à des traditions étrangers au monde chrétien. Dans le cas d’espèce, il s’agit de l’Islâm avec lequel, depuis Mircea le Vieux, les Roumains eurent, pendant des siècles, des contacts répétés. Il n’est pas exclu que ce soit précisément à la lumière de tels contacts que l’on puisse trouver une explication à la signification spéciale que les légionnaires attribuaient à une pratique constamment observée par eux : nous voulons parler du jeûne. Les militants de la Garde ne la considéraient pas tant comme une « mortification de la chair » que comme une technique de purification, une arme au service de la grande guerre sainte et non pas comme un instrument de macération.

Dans la pratique légionnaire, un autre élément revêt une signification différente de celle qu’il possède dans le christianisme : il s’agit de la prière. Pour le légionnaire, celle-ci n’est pas une simple requête présentée à la divinité, une manifestation de sentimentalisme dévotionnel, mais bien plutôt un acte rituel nécessitant qui doit agir sur les forces mystérieuses du monde invisible. « Appelle-les – dit Codreanu en parlant de ces forces –, attire-les avec toute la puissance de ton esprit et elles viendront ». La prière légionnaire est, par conséquent, une récitation rituelle à travers laquelle s’exprime un acte de puissance, et non pas seulement un acte de foi. C’est ainsi que le chant semble avoir possédé, au-delà d’une effusion sentimentale, une valeur mantrique. Si le Capitaine attribua au chant une importance fondamentale – au point d’en faire l’une des « quatre dimensions essentielles qui sont à la base de notre vie » –, ce fut parce qu’il entrevit cette synthèse entre le rythme et l’image au travers de laquelle il n’est pas rare que s’expriment des expériences d’ordre supra-humain.

La doctrine du sacrifice, enfin, qui occupe dans le légionnarisme une place centrale, ne nous semble pas, elle non plus, devoir être réductible à la forme qu’elle revêt dans le christianisme. Ici comme précédemment est intervenue la transmission d’enseignements formulés bien avant que le christianisme n’ait fait coïncider le sacrifice avec la mort du « Fils de Dieu » et avec sa répétition par l’intermédiaire du sacrement de l’Eucharistie. Dans la doctrine légionnaire, le sacrifice tire sa justification à la lumière de ce que Mircea Eliade – lui-même membre d’un cuib de la Garde de fer appelle la « théorie archaïque de la régénération périodique des forces sacrées » (4). L’homme « archaïque », dit ce dernier, renouvelle par son sacrifice l’acte créateur des origines afin d’empêcher l’épuisement de la force sacrée. Or le sacrifice légionnaire est précisément un sacrifice « archaïque », car les militants de la Garde déclaraient se sacrifier afin de régénérer la race et d’en empêcher la disparition.

Le folklore roumain a conservé vivant dans le cœur de son peuple le souvenir de « rituels de construction », d’origine pré-chrétienne, qui réclamaient des sacrifices humains pour qu’un édifice puisse défier les siècles. C’est de ce « mythe » pré-chrétien que tire son origine la doctrine légionnaire du sacrifice selon laquelle l’édification de la Roumanie nouvelle ne saurait avoir de base stable si ses bâtisseurs, les légionnaires, ne lui insufflaient, par leur sacrifice, la force vitale qu’exige toute fondation durable.

On nous accordera que, compte tenu des différents éléments apportés jusqu’ici, l’interprétation que nous proposons n’a rien de gratuit. Ajoutons qu’il serait pour le moins curieux que la spiritualité d’un mouvement comme celui de la Garde de fer ait dû coïncider sic et sempliciter avec la religiosité chrétienne, comme le voudraient ses contempteurs. Ceci, en raison du fait que le légionnarisme va

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chercher ses racines au plus profond d’une culture dans laquelle l’élément chrétien ne constitue que l’ultime strate – une strate qui s’est déposée au-dessus de toute une série d’autres « âmes » se combinant en une synthèse totalement originale.

Claudio Mutti Traduit de l’italien par G. B.

(Illustration originale publiée par Totalité)

Mutti Claudio, « Spiritualité légionnaire », in Un mouvement chevaleresque au XXe siècle. La Garde de fer, numéro spécial et double de Totalité, n°s 18-19, été 1984, 240 pages. (version numérique pour le forum NSR).

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La Garde de fer à la lumière de la TraditionAntonio Medranc

(Traduit de l’espagnol par Georges Gondinet)

La Garde de fer roumaine est, sans aucun doute, un des mouvements les plus intéressants parmi ceux qui naquirent en ces critiques années trente, avec l’objectif de réorganiser la vie des peuples européens et de ralentir la décadence de l’Occident.

Nous pouvons voir dans le Mouvement légionnaire, en tenant compte des limites propres à la conjoncture historique, un authentique embryon de la Révolution traditionnelle dont l’Europe et le monde ont besoin. Il y a en lui des intuitions et des traits d’une valeur extraordinaire pour nous qui cherchons à tracer une ligne d’action concrète à partir de positions traditionnelles, au sein du chaos qui règne aujourd’hui, ou, ce qui revient au même, maintenant qu’il s’agit de poser le problème de l’organisation du mouvement traditionaliste-révolutionnaire, mouvement impérieusement exigé par la situation actuelle de l’Occident. Plus encore : la Légion de l’Archange Michel se présente à nous comme l’avant-garde annonciatrice de ce mouvement traditionaliste-révolutionnaire, dans la mesure où elle sut intégrer en une synthèse inégalée par les autres mouvements de son temps, la double dimension du traditionnel et du révolutionnaire, de la vocation restauratrice et de l’énergie rénovatrice.

Mouvement profondément révolutionnaire, qui naît avec la profonde volonté de changer dans ses fondements mêmes l’ordre des choses en vigueur dans sa patrie et dans le monde, la Garde de fer tire cette force révolutionnaire d’une sincère et profonde foi religieuse, de l’enracinement dans une tradition vivante qui a perduré à travers les siècles. Toute la doctrine et toute l’action de la Légion, son style et sa vision de la vie – étonnants par leur nouveauté même, ainsi que radicalement et juvénilement rénovatrices, comme un vent juvénile et irrésistible surgi du fond des âges dans le monde décrépit et sénile de la civilisation démocratique – reposent sur les fondations d’un véritable patrimoine traditionnel en lequel confluent la meilleure spiritualité chrétienne et le legs millénaire de l’héritage pré-chrétien indo-européen. Le tout, intégré en une vision du monde unitaire, de nature héroïque et sacrale, avec un sens cosmique et créateur.

La révolution légionnaire, qui est avant tout une révolution spirituelle, se présente en elle-même, et par ce simple fait, comme une résurrection de la

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Tradition – car ce n’est pas un hasard si la réalité spirituelle constitue le centre et le fondement du monde traditionnel. La signification traditionnelle de cette révolution se voit encore corroborée par son objectif même, par son but et sa fin ultime, à savoir la restauration des valeurs traditionnelles, minées par la subversion moderne, et le rétablissement d’une culture saine et normale, c’est-à-dire de la culture traditionnelle. Révolution signifie, ici, non seulement changement, altération, transformation ou destruction – destruction d’une destruction préalable, de l’œuvre chaotique engendrée par un processus subversif pluriséculaire –, mais aussi retour : retour à des conditions de normalité ; retour à la norme, à la ligne directrice contenue dans l’héritage sacré des ancêtres ; retour à la santé et à la plénitude des origines. Un retour qui est précisément la condition pour que soit efficace et authentique cette action transformatrice.

Révolution et tradition sont donc deux concepts inséparables dans le comportement et le credo légionnaires. Qui veut comprendre à fond ce que fut la Légion devra prendre en compte ces éléments qui se conditionnent étroitement et réciproquement.

Ion Mota fera explicitement référence à ce double versant – traditionnel et révolutionnaire – de l’idéologie gardiste, lorsque, d’une part, il définit la vocation nationaliste de la Légion comme « une attitude spirituelle traditionnelle » « notre nationalisme – dit-il – est une tradition », très antérieure à la naissance du terme « nationalisme » et liée au « regard doux mais continûment prudent du paysan et du berger ») et, quand, d’autre part, il précise que « l’esprit légionnaire révolutionnaire » est « un esprit de rupture totale avec le vieux monde » (1). L’objectif de la révolution légionnaire est, selon Mota, de mettre fin à cette civilisation « fausse, corruptrice et ruineuse » (qu’il qualifiera de « civilisation judaïque »), cause de « la décadence spirituelle » et de la corruption de « la vieille culture, héritière des ancêtres ». Ce n’est qu’après avoir abattu l’obstacle que cette civilisation suppose – ajoute le doctrinaire gardiste – que « nous sauverons, que nous retrouverons les trésors perdus, et aussi de nouveaux trésors, plus précieux, qui contribueront à nous élever plus haut, vers Dieu » (2). Ce sont les « trésors perdus » de la Tradition, enfouis par l’action séculaire de la subversion antitraditionnelle, que la révolution doit redécouvrir et récupérer, et, avec eux, son immense capacité créatrice et rénovatrice, sa pérenne actualité, source inépuisable de nouvelles et impérissables richesses.

Codreanu, lui aussi, de son verbe clair et direct, chaud et viril, chargé de connotations symboliques, a fait allusion à cette double dimension du mouvement légionnaire. « Par notre geste audacieux – écrit-il dans son livre Pentru Legionari, expliquant la naissance de la Légion – nous nous séparions de la mentalité dominante du siècle ; nous tuions un monde pour en créer un autre qui regardait le ciel » (3). D’un côté, rébellion contre un monde corrompu et décadent, refus de ses mensonges et de ses injustices, anéantissement des germes dissolvants qu’il porte en son sein, dépassement du désordre constitutif sur lequel il repose ; de l’autre, le regard porté sur le transcendant, sur les principes éternels et universels inspirateurs de la Tradition (principes symbolisés par « le Ciel », par les régions d’« en-haut », dans toute culture traditionnelle). Ici sont clairement tracées les deux coordonnées fondamentales de la révolution légionnaire : sous son aspect négatif, rupture radicale, révolutionnaire, sans pactes ni compromis, avec le vieil ordre de la société bourgeoise, laïque et profane, individualiste et rationaliste, matérialiste et capitaliste, exploiteuse et antitraditionnelle ; et, sous son aspect positif, retour à la vérité traditionnelle,

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résurrection du monde héroïque et sacral de la plus haute tradition européenne, personnifiée par la figure de Saint Michel l’Archange.

Dans une brève confession autobiographique qui précède son œuvre Cramni de Lemn, Ion Mota explique comment l’esprit légionnaire, qui ne se sent aucunement appartenir à ce monde moderne, de progrès et démocratie, de désagrégation et dissolution spirituelle, d’alinéation et avilissement, « est lié à un autre monde », plus pur et intègre, qu’il s’agit précisément de rendre à la vie. « Face au monde d’aujourd’hui – écrit-il – nous nous sentons des étrangers : nous ne lui trouvons d’autre sens que celui de le mettre aux abois pour faire renaître l’ancien âge et accroître la beauté, la force, la juste norme roumaine » (4). Des paroles – en substituant simplement au terme « norme roumaine », de signification très limitée, restreinte à un contexte national, celui, plus large et plus élevé, de « norme traditionnelle » – que pourraient faire leurs, de nos jours, de nombreux jeunes Européens et Américains.

« Nous avons conduit l’élan héroïque, dans un esprit de total sacrifice personnel, contre ce monde vieux et étranger », dit-il en un autre de ses écrits. Une seule chose importe à la Légion : « le monde héroïque de la révolution spirituelle et morale de la nation, en lutte, cheminant sur la voie sans retour qui n’a que deux dénouements : la mort ou la victoire » (5).

Il est intéressant de souligner, ici, trois points, représentatifs des apports les plus valables et originaux de la Garde de fer, et indices extrêmement révélateurs de sa volonté de restaurer l’ordre traditionnel : sa doctrine, sa structure organisative et ses techniques de réalisation.

Sur le plan doctrinal, la Légion part de la catégorique affirmation de la primauté du spirituel, ainsi que de la nécessité d’une révolution intérieure.

La révolution légionnaire, nous l’avons dit, est avant toute chose une révolution spirituelle, une révolution qui doit s’opérer à l’intérieur de la personne et renouveler la vie spirituelle du peuple, pour, par la suite, projeter sa lumière vivifiante et transformatrice sur tous les domaines de l’existence. « Le mouvement légionnaire est avant tout une révolution spirituelle », affirme, dans un travail publié en 1937, Victor Gârcineanu. Ce n’est pas un parti politique – précisait-il qui naît de l’action légionnaire, mais tout un monde nouveau, naissant de la loi cosmique et divine de l’harmonie universelle : « le monde légionnaire » (lumea legionarâ) (6). Ce qui préoccupe Codreanu et les dirigeants gardistes, avant le reste, c’est la transformation de l’homme, l’élaboration d’un nouveau type humain qui incarne les plus hautes valeurs de la race. La création de l’« homme nouveau » (omol nou) est le pivot central et l’objectif capital de la révolution légionnaire. La doctrine et le style de la Garde de fer sont, par ailleurs, animés par un profond sentiment religieux, par un comportement rituel et une vision sacrale de la vie qu’il est difficile de trouver en aucun autre mouvement politique de ce siècle. À tel point qu’on a pu affirmer que le mouvement fondé par Corneliu Codreanu suit plus le modèle « d’un ordre religieux que celui d’un parti » (7). Vasile Marin, expliquant la finalité d’intériorisation qui domine la Légion, définit le légionnaire comme « l’homme qui vit sa vie vers l’intérieur, en opposition avec les prédicateurs ‘civilisés’ du matérialisme historique, qui la vivent vers l’extérieur » (8).

Nous ne nous arrêterons pas sur ce sujet, déjà suffisamment analysé dans les diverses études consacrées à la Garde de fer. Nous nous limiterons seulement à

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signaler que, avec sa proclamation de la priorité de la révolution intérieure, la doctrine légionnaire ne fait que reprendre un principe contenu dans toutes les voies traditionnelles, tant de l’Orient que de l’Occident. « Il ne faut pas chercher à transformer le monde avant de s’être transformé soi-même », enseigne Swami Ramdâs, importante figure de l’Hindouisme actuel (9). « La véritable révolution est orientée vers l’intérieur. C’est celle de nos esprits, engendrée par la pratique du Zen. Les fruits en sont la paix et la liberté » – affirme le maître zen Taisen Deshimaru. Et l’un de ses disciples européens, après avoir défini le Zen comme « la révolution permanente, une lutte de tous les instants, contre soi-même », ajoute que celle-ci « est peut-être la seule révolution qui puisse être sûre, en fin de compte, de sortir toujours victorieuse » (10). Rappelons-nous aussi que la révolution intérieure coïncide pleinement avec la « régénération » ou la « renaissance » dont parle l’ésotérisme chrétien, lesquelles consistent précisément – comme l’ont exposé Maître Eckhart, Bahme, Law ou Eckartshausen en la mort du « vieil homme » et en la naissance de l’« homme nouveau », régénéré dans le Christ, Verbe divin présent au fond de l’être humain.

Comme le remarquait Julius Évola, le légionnarisme roumain démontra « la possibilité d’aller au-delà de certaines barrières, que certains ont considéré infranchissables ». En faisant référence « à la conception œcuménique de l’Église orthodoxe », il donna vie à « un idéal organique de vie nationale, comme unité de race et de foi, des vivants, des morts et de la loi de Dieu » ; idéal qui dépassait de beaucoup le point auquel étaient parvenues les autres idéologies de l’« Axe » : « naturellement – déclare Évola –, sous les aspects non politiques, mais spirituels, de celles-ci » (11). « En posant comme base de son programme de reconstruction nationale l’accomplissement d’une régénération spirituelle et le style de vie d’une ‘milice’ renforcée ascétiquement et compénétrée de religiosité », Codreanu sut, selon Évola, « reconnaître le point sur lequel tous les efforts doivent se concentrer ».

Il importe de préciser ici – car il s’agit d’un point-clé décisif, qui nous introduit, en passant, aux autres aspects que nous allons étudier – que le mouvement légionnaire ne se contenta pas de rêver de cet idéal de l’« homme nouveau » et de signaler la nécessité de cette « révolution intérieure », mais qu’en même temps il se préoccupa d’obtenir les moyens indispensables pour qu’ils deviennent réalité. Le Rex proposait aussi une « révolution des âmes », et la Phalange parla d’un nouveau style et d’une nouvelle « manière d’être » ; mais, si nous laissons de côté ce que cette affirmation peut avoir de vague en dehors d’un strict cadre traditionnel, la carence des méthodes nécessaires et d’une adéquate structure organisative (en général, on recourut à une organisation de parti, malgré l’aversion portée à l’idée partitocratique), firent que tout ceci demeura un bel idéal. Le fait est tout spécialement évident dans le cas de la Phalange, car le panorama qu’offre aujourd’hui l’ensemble des milieux phalangistes est si déplorable que l’on ne pourrait concevoir une plus grande contradiction avec les idéaux josé-antoniens du « moine-guerrier » et du « style poétique ». Il ne suffit pas de dire aux hommes qu’ils doivent s’efforcer d’être meilleurs et qu’un nouveau mode d’être doit les caractériser ; il faut leur apporter les éléments techniques et organisatifs nécessaires pour que cela soit effectivement possible. Ainsi le firent toujours les disciplines traditionnelles, et ceci fut ce que fit, avec une solution géniale, la Garde de fer.

En premier lieu, pour ce qui concerne la structure organisative du mouvement, son articulation à base de « nids », petites unités composées d’un groupe réduit d’hommes, unis par une vie spirituelle en commun et par d’étroits liens de

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solidarité, donna à la Légion un chemin pour mener à bien son œuvre transformatrice. Le « nid » (cuib) est l’athanor communautaire en lequel s’opère « le Grand Œuvre », la transmutation alchimique de l’homme légionnaire. « Unité parfaite », il est à la fois « un groupe de combat politique, une école civique, un complexe éducatif, une équipe de travail communautaire et un cercle spirituel » – selon la définition de Faust Bradesco – ; le cuib est fondamentalement « le cadre où la vie spirituelle des adhérents s’épanouit » (12). L’ambiance du nid, sa forme de fonctionnement et le style de vie qui y règne, font que lentement dans ses membres « prennent forme des manières nouvelles de voir la vie, de comprendre la politique, d’envisager leur comportement envers les choses, les hommes et la divinité » (13).

Noyau constitué comme une enceinte amicale et fraternelle, en lequel règne un climat chaud, d’intense vie spirituelle et d’intimité familiale – comme une « petite famille légionnaire, fondée sur l’amour », tel que le définit Codreanu (14), le nid est une authentique communauté. La constitution, par conséquent, d’un mouvement qui a pour base et cellule fondamentale un semblable groupement, suppose, déjà pour le présent, une restauration de la réalité communautaire propre au monde traditionnel, au milieu de l’obscur marécage sociétaire (fait d’anonymat, d’inorganicité et de froid rationalisme) dans lequel se trouve enfoncée la civilisation moderne.

La distance qui sépare le mouvement légionnaire du schéma propre aux partis politiques, cette distance saute aux yeux. Alors qu’un parti politique représente l’organisation-type de la modernité – artificielle et inorganique (réceptacle de masses et agglomération d’individus isolés, sans lien vivant qui les unisse), régie par des schémas abstraits et des relations contractuelles, enfermée dans une vision fragmentaire qui ne contient que les seuls aspects partiels de la vie humaine et dont l’action se situe toujours sur un plan très extérieur et superficiel –, le nid se présente à nous comme une réalité vivante et organique, qui s’accroît de façon naturelle, qui englobe toute la vie de l’homme, avec le sens de l’unité et de la totalité. Tandis que le parti crée sa cohésion sur la simple coïncidence d’opinions ou d’intérêts de ses membres, sur un programme ou une idéologie, il y a, dans le nid, une communauté de vie qui procède de ce qu’il y a de plus haut et de plus profond chez l’être humain : sa réalité transcendante, spirituelle, divine. Alors que le parti – même les partis dits « confessionnels » – est, en soi, une organisation sécularisée et profane, éloignée de toute discipline spirituelle et en laquelle le pouvoir formateur du divin n’intervient en rien, le nid se définit fondamentalement comme une communauté sacrée : son existence est régie par le rite et le symbole comme forces vives de la Tradition.

Il est important de souligner cette dernière remarque, car c’est elle qui nous livre la clef pour comprendre l’exacte fonction du nid et dévoiler la véritable essence de la Légion. « Le cuib est un temple », disait Codreanu (15). Lors des réunions du nid, on élève des prières à Dieu, on chante les hymnes de la Légion et on évoque la présence des martyrs. Le Livret du chef de nid – dans lequel Codreanu expose, sous une forme concise, les normes de la vie du nid – a l’aspect, selon Claudio Mutti, d’un « manuel liturgique », car y est établie « la succession de formules et de gestes inhérents à un rite » (16).

Toutefois, la vie du nid, avec cette dimension sacrale et rituelle qui est la sienne, ne serait pas concevable sans une discipline précise, sans une série de techniques et de méthodes opératives qui lui donnent un contenu et rendent possible son travail formateur de l’« homme nouveau ». Tel est le dernier point

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que nous avons jugé digne d’un examen du point de vue traditionnel.

Parmi ces techniques de transformation spirituelle, nous pouvons mentionner : la prière, le jeûne, les marches, le chant, le sacrifice, l’évocation des morts, la pauvreté et la vie austère, le silence et le travail.

Autant d’éléments – il est facile de s’en rendre compte qui sont présents, avec une plus ou moins grande intensité, selon les cas, dans les voies initiatiques du monde traditionnel. La valeur et la signification véritable de plusieurs d’entre eux ont été magistralement analysées par des auteurs comme Julius Évola, Ion Marii ou Claudio Mutti. Nous nous limiterons ici à deux facteurs ayant fait l’objet d’une moindre attention : le silence et le travail.

La troisième loi du nid fait référence au silence (« la loi du silence »). La voici « Parle peu. Dis ce qu’il faut. Parle quand il faut. Ton discours doit être la voix des faits. Toi, réalise, laisse les autres parler » (17). Cette norme fait immédiatement surgir à la mémoire la troisième des huit étapes de l’« Octuple sentier aryen » de la tradition bouddhiste : samma vacha, la « parole droite » ou la « juste expression ».

Les normes légionnaires prescrivent même la pratique du silence, comme un exercice de plus dans la discipline ascétique de l’élite gardiste. « On fera des exercices de silence total », dit encore Codreanu, en même temps qu’il transmet à ses militants la consigne suivante : « Le moins de paroles possible, le plus de méditation possible, que rien ne vienne troubler la majesté-du silence et de la concorde » (18). En écoutant de semblables propos, on ne peut que penser aux techniques de méditation silencieuse pratiquées dans des disciplines comme le Zen ou le Yoga.

En notre époque de bruit et de verbalisme, de brouhaha chaotique et de bavardage inconsistant, cette exigence du silence apparaît comme une consigne révolutionnaire de premier ordre, comme un baume spirituel, comme une source de paix et d’ordre tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’homme.

Nous ne pouvons manquer de signaler l’importance que le silence acquiert dans toutes les voies traditionnelles de réalisation, en tant que moyen indispensable pour la concentration et l’approfondissement de son être propre, pour l’œuvre de transformation intérieure, pour la connaissance de soi et pour harmoniser sa vie avec le rythme cosmique et la Loi divine. On recommande, dans la discipline Vêdânta, pour atteindre la réalisation spirituelle, de « cultiver le silence et de méditer constamment sur l’Atman » (19). « Le sage parle peu, même si sa vie entière est religion exprimée dans l’action », disait Ramakrishna. Il ajoutait qu’une fois que l’homme a goûté au nectar de la vérité, « il revient silencieux », de même que l’abeille cesse de bourdonner lorsqu’elle butine une fleur (20). Chez les Peaux-Rouges, pour lesquels « le silence sacré est la voix du Grand Esprit », la pratique de la « prière silencieuse » constitue un des principaux rites, le silence symbolisant ici « le parfait équilibre des trois parties de l’être » (corps, âme et esprit) (21). Dans l’ascèse bouddhiste, qui accorde une importance spéciale à la « discipline de la parole », étroitement liée à la « discipline de la garde des sentiments », il est dit que l’homme doit « se ceindre de silence », faisant naître entre les impressions et le moi « une distance, un espace fait de silence » – ce silence consistant non seulement à ne pas prononcer de parole externe, verbale, mais même de « parole intérieure, et qui, en outre, implique le non-ouïr, le non-voir, le non-imaginer » (22). Et cette discipline bouddhique du

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silence parvient à sa plus pure forme d’expression dans le Zen, très justement défini comme le chemin du silence par excellence. Yoga et Zen, écrit Taisen Deshimaru, sont des « voies de retour au silence », qui est « notre nature profonde » (23). La pratique du silence constitue un élément capital dans la voie du Zen, voie dans laquelle toutes les actions de la journée – que ce soit le travail ou les repas, l’art ou le sport, la marche ou la méditation – se déroulent dans une attitude de concentration muette.

La tradition chrétienne elle-même, au sein de laquelle s’insère la Garde de fer, n’est pas éloignée de ce culte du silence. Ainsi, l’hésychasme orthodoxe, discipline qui présente d’extraordinaires parallélismes avec le Yoga hindou, « insiste sur le silence, sur la solitude », sur la « paix spirituelle comme condition rendant possible la contemplation des choses invisibles » (24). Le terme hésychia, qui donne son nom à cette discipline spirituelle, ne signifie rien d’autre que quiétude ou silence intérieur. Le Starets Silouane définira l’hésychia, le silence comme « la prière incessante et la demeure de l’intellect en Dieu » (25). « Ce à quoi tu peux parvenir de meilleur et de plus grandiose, en cette vie – écrivit Meister Eckhart dans son traité Von der ewigen Geburt –, est de demeurer en silence et de laisser Dieu parler et agir » (26). Angelus Silesius rejoint cette idée lorsqu’il écrit : « Être occupé est bien ; mais il est mieux de prier ; et mieux encore de comparaître devant Notre Seigneur Dieu calme et muet » (27).

Liée à la pratique du silence, nous trouvons le travail, autre coordonnée fondamentale de la discipline légionnaire : « Ta parole est celle des faits. Agis ! Ne parle pas ! » Codreanu insiste à plusieurs reprises sur la valeur éducative, transformatrice et réalisatrice du travail. La Garde de fer se verra définie par « le Capitaine » comme une « école de l’action créatrice » (28). L’« homme nouveau » que voudrait former la Légion, outre un héros, « au sens guerrier » et « au sens social », devra être « héros du travail » – c’est-à. dire un « géant qui construit son pays puissant par son travail » (29). La deuxième loi du nid est précisément la « loi du travail ».

Il faut dire qu’il s’agit ici d’un travail vécu sacralement et rituellement, dans un sens sacrificiel, comme action désintéressée, en accord avec le principe indo-aryen du nishkamakarma. Ce qui semble évident si nous prenons en considération le contexte rituel dans lequel évolue le mouvement légionnaire, d’une part, et l’insistance que l’éthique légionnaire met sur l’esprit de sacrifice, sur le « désintéressement dans le combat » et le « renoncement à l’intérêt personnel » sous toutes ses formes, d’autre part.

Voici une nouvelle coïncidence avec les voies traditionnelles de réalisation, dans lesquelles le travail, conçu de la façon que nous avons indiquée, comme art, comme action créatrice libre et désintéressée, agit comme un puissant levier dans le travail visant à transformer l’homme et dans sa marche vers l’éveil. C’est peut-être le Zen qui en offre le plus clair exemple : il est connu que dans les monastères zen on consacre une attention particulière aux travaux manuels (propreté, préparation de la nourriture, culture des champs, etc.), en occupant la majeure partie du jour au travail, qui est réalisé par les moines en silence et dans une concentration entière. Dans le Zen, le travail est vécu comme une chose merveilleuse et miraculeuse, qui offre une excellente occasion à l’homme de parvenir au satori. « Le travail est le prolongement de la méditation Zen » ; il n’est que zazen en action, « zazen dans la conduite des objets, des choses » (30). Nous trouvons une attitude semblable dans la tradition chrétienne, où la maxime ora et labora s’érige en principe directeur des communautés monastiques

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médiévales, et où nous voyons une figure ascético-contemplative de la taille d’un saint Séraphin de Sarov souligner l’importance du travail pour obtenir la victoire sur le moi. « Le travail physique et l’étude des Saintes Écritures – affirme le saint russe – contribuent à conserver la pureté » (31).

Nous pensons que dans les différents aspects analysés, il y a suffisamment d’éléments pour apprécier le souffle traditionnel qui animait la Garde de fer. Un mouvement qui, en toute justice, peut être considéré comme le plus complet essai et le plus réussi, mené à bien en ces derniers temps, de reconstruction d’une authentique aristocratie traditionnelle de l’Occident.

La Légion nous apparaît comme un phénomène lumineux de retour aux origines, comme une véritable résurrection de la plus noble et pure tradition européenne en cette ère de chaos et de ténèbres. En elle réaffleure toute la grandeur, toute l’intégrité et l’élévation des anciens ordres ascético-militaires : depuis le vieux mithraïsme – qui eut une si grande diffusion dans la Dacie romanisée – jusqu’à la Chevalerie chrétienne médiévale.

Il faudrait une plus grande approche de la doctrine traditionnelle, au double sens d’approfondissement (pénétration dans les dimensions les plus profondes – métaphysique et ésotérique – de cette doctrine) et élargissement des horizons (tourner notre attention vers les autres traditions encore vivantes aujourd’hui et vers des thèmes d’une importance capitale, ignorés par les fondateurs de la Légion : théorie cyclique, symbologie et cosmologie, etc.), pour corriger les limites et les déficiences qu’a pu présenter le mouvement légionnaire (32) et pouvoir ainsi développer pleinement la potentialité comprise dans les grandes intuitions gardistes.

Ce qui, pour l’instant, reste sûr, c’est que la Garde de fer offre un magnifique exemple de la potentialité révolutionnaire, rénovatrice et transformatrice, de la Tradition. C’est une preuve clairvoyante qu’il n’y a pas de révolution plus profonde et authentique que la révolution traditionnelle, et que c’est seulement de nos jours que l’on peut agir révolutionnairement à partir de la plate-forme traditionnelle. La Garde de fer nous enseigne qu’une vraie révolution, un changement radical du cours des choses, un nouvel ordre mondial assis sur la paix et la justice n’est possible qu’avec l’orientation qu’apportent les principes éternels de la Tradition. Tout le reste contribue à maintenir la situation actuelle de désordre et de décadence, à faire progresser la tendance qui menace de nous conduire au chaos et à la destruction finale.

Antonio Medranc (Traduit de l’espagnol par Georges Gondinet)

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13 septembre 1899 : naissance de Corneliu Codreanu,

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sous la protection de l’Archange Michel.

Ion Mota Apôtre de la révolution spirituelle roumainePar Haldir (I/II)

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(Note : la plupart des citations, textes extraits etc. sont des traductions réalisées par mes soins à partir de l'italien et de l'anglais, sous toutes réserves.)

Ion I. Moţa (nom parfois orthographié Motza ou francisé en Mota)] est né le 5 juillet 1902 à Orăştie (alors territoire de l’Empire austro-hongrois) et mort à Majadahonda, Espagne, lors des combats contre les Rouges durant la guerre civile. Il fut avec Corneliu Codreanu, l’un des chefs de la Garde de fer.

Jeunesse et formationIon Mota était le fils d’un archiprêtre orthodoxe, Ion Mota, et de Marie Damian, elle-même fille du prêtre Nicolae Damian. Sa famille, notamment son père, compta beaucoup dans sa formation politique. Le père Ion Mota était un actif militant nationaliste, défendant à travers ses écrits notamment les droits des Roumains de Transylvanie. C'est pour cela qu’il fonda les journaux Libertatea (Liberté), Foaia Interesanta (Nouvelles intéressantes) et Foaia Plugarului (Journal du paysan). Son engagement lui valut plusieurs peines de prison infligées par les autorités hongroises ; il finit par être condamné à mort, à laquelle il échappa en se réfugiant dans la partie indépendante de la Roumanie.Le journal Liberté paraissait toujours dans l’entre-deux-guerres et apporta son soutien à l’action de Ion Mota (fils) et ses camarades. C’était « le journal roumain nationaliste le plus répandu et le plus apprécié » dira Codreanu. Soutien moral et intellectuel, mais également soutien financier et matériel : c’est le père Ion Mota qui rend possible la parution du journal de la Légion, Pămāntul Strămoşesc (Terre des ancêtres) le 1er août 1927.

Favorisé par ce climat Ion Mota développe de forts sentiments nationalistes, confirmés par ce qu'il découvre, avec la guerre qui ravage l'Europe puis le tragique sort des Roumains. Il s'engage rapidement pleinement dans le mouvement nationaliste, poussé par ailleurs une foi extrêmement profonde.Très bon élève, Ion Mota obtint une bourse qui lui permet de partir étudier le droit et les sciences politiques à la Sorbonne à Paris (1920-1921). Malgré sa réussite aux examens, sa bourse ne fut pas renouvelée, et il revient en Roumanie (université de Cluj, puis de Iaşi) quelque temps. Son engagement le contraint à quitter la Roumanie, où les autorités lui interdisent de s’inscrire, pour poursuivre ses études. A Cluj, il fonde le journal Dacia noua (Dacie nouvelle) avec Justin Iliesu, pour diffuser ses idées nationalistes.

Ion mota et sa femme, Iridenta Codreanu (à droite)sœur de Corneliu Codreanu ; elle lui donna deux enfants.

Il choisit l’université de Grenoble où il vécut modestement avec Codreanu, qui s'y inscrivit en même temps. Ce dernier était venu avec sa femme et tous trois partageaient le même logement. C’est à Grenoble que Mota présenta sa thèse, en 1932 (Jean Motza, La sécurité juridique dans la Société des nations), dans laquelle il démontre l’inefficacité de la SDN et son impossibilité à garantir

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l’égalité et la sécurité des nations. Rentré en Roumanie vers 1926 pour accomplir son service militaire, il s’installa comme avocat à Orăştie, sa ville natale après avoir obtenu son doctorat. Activité professionnelle qui s’ajouta à ses nombreuses activités militantes ; proche ami de Codreanu, dont il devint le beau-frère - il épousa la sœur du Capitaine, Iridenta Codreanu - le journaliste nationaliste et syndicaliste étudiant avait participé à la fondation de la Légion de l’archange Michel dont il devint l’un des cadres principaux.

Chef du mouvement étudiant

C'est durant le grand mouvement étudiant qui secoua la Roumanie à partir de l'automne 1922 et jusqu'à l'année suivante que se rencontrèrent Corneliu Codreanu et Ion Mota. Les deux hommes se lièrent en amitié comme en politique et leurs destins furent désormais liés. Le mouvement étudiant de protestation posa 10 conditions au gouvernement et rapidement, la lutte rassembla les étudiants nationalistes face aux forces judéo-démocratiques. Ion Mota s’imposa comme l’un des chefs du mouvement étudiant de 1923 ; alors que les autorités parvinrent à rallier certains étudiants, Ion Mota fut élu président du Centre « Petru Maior » de Cluj avec un programme radical : celui de continuer la lutte quoi qu’il en coûte. Pour s’être opposé au gouvernement, Ion Mota sera interdit de toutes les universités de Roumanie. Iion Mota s'est imposé comme un meneur d'homme hors-pair ; il devient président du groupe Génération du mouvement étudiant de 1922 (Generatia Miscarii Studentesti dela 1922). Il fonde également la revue Axa, collabore à de nombreuses publications nationalistes : Cuvantul Studentesc (Parole d'étudiant), Crai Nou, Revista Mea (Ma revue), Cuvantul Argesului (Parole d'Arges), Romania Crestina (Roumanie chrétienne), Vestitorii (Hérauts). L'un article publié alors s'intitulait : « La nécessité d’un nationalisme radical » (« Necesitatea nationalismului radical »). Cette même année, 1923, il fonde à Cluj, avec les professeurs I. C. Catuneanu, Ciortea, Iuliu Hategan, l’avocat Em. Vasiliu-Cluj, etc., l’Acţiunea românească (« l’Action roumaine »), groupe nationaliste dont le nom s'inspire directement du mouvement français de Charles Maurras, l’Action Française. L'AR était doté d’une revue mensuelle, L’Action Roumaine qui devint La Fraternité Roumaine, « très bien écrite aussi, mais n’apportant rien. Ils ne purent créer ni un mouvement d’idées ni une organisation solide » note Codreanu.Durant cette période, la lutte estudiantine se poursuivait et repris en vue de la rentrée. Les dirigeants des différentes groupes à travers le pays décidèrent de la tenue d’un congrès de plusieurs jours, en août 1923, à Iassy. Mota et Codreanu incarnaient la tendance dure du mouvement. Après plusieurs mois de lutte, n’ayant pu obtenir ce qu’ils voulaient des politiciens esclaves d’Israël, ils envisagèrent de terminer la lutte. Ion Mota déclara :

Citer:« Les étudiants ne pourront continuer la grève l’automne prochain. Plutôt que de nous résigner à une capitulation humiliante pour nous tous, il vaudrait mieux que nous leur conseillions de reprendre les cours. Quant à nous, qui les avons conduits pendant cette année d’épreuves, finissons le mouvement en beauté, en nous sacrifiant à notre cause, mais en entraînant avec nous, dans la mort, tous les coupables qui ont trahi les intérêts roumains. Procurons-nous des revolvers et

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supprimons-les, donnant ainsi un exemple terrible qui marquera dans notre histoire. Quoi qu’il arrive de nous ensuite, que nous mourions aussi ou que nous moisissions toute la vie dans des cachots, peu importe. »

Vers l’Archange

C'est ce qui fut décidé. Un complot commence à se dessiner et les préparatifs se mettent en place. Mais les conjurés sont arrêtés le 8 octobre 1923 lors d'une réunion. Ils sont envoyés à la prison de Vacaresti pour plusieurs mois. Ils furent acquittés en mars 1924. Pour Ion Mota, l’affaire ne pouvait se clore qu’avec la punition de celui qui les avait dénoncés. À l’approche du procès, alors que tous les participants sont réunis au tribunal, il passa à l’action :

Citer:« À un moment donné Vernichesco entra aussi. Mota le prit par le bras, comme s’il voulait lui dire quelque chose, puis ils partirent dans la pièce voisine, où étaient les bureaux des fonctionnaires.Quelques minutes plus tard, nous entendîmes sept coups de revolver et des cris. Nous nous précipitâmes : Mota avait tiré sur Vernichesco pour le punir de sa trahison.Je m’empressai pour défendre Mota, car il était entouré des gardiens et de fonctionnaires menaçants. Quand l’agitation fut un peu calmée, on nous emmena et on nous enferma de nouveau, chacun dans une cellule. De nos petites fenêtres, nous aperçûmes sur un brancard Vernichesco que l’on transportait de l’infirmerie à l’hôpital. Nous commençâmes à siffler notre hymne de combat “Étudiants chrétiens de la Grande Roumanie” et nous continuâmes jusqu’à ce que la civière eût franchi la porte de la prison.Deux heures plus tard arriva le juge d’instruction. Il nous interrogea à tour de rôle ; nous nous solidarisâmes tous avec Mota. »

Mota fut à nouveau arrêté, emprisonné, à Galata cette fois, avant d’être acquitté, encore, le 29 septembre 1924.Les deux amis fondèrent les Frères de la Croix, qui furent placés sous la direction de Mota, mouvement groupant les paysans et les étudiants et œuvrant pour le renouveau nationaliste. « Les jeunes gens des fraternités venaient, à tour de rôle, travailler dans notre camp pour retourner ensuite chez eux organisés et éduqués dans notre esprit » écrit Codreanu. À Iassy il fait bâtir le Foyer chrétien de la culture.L’Action roumaine, de son côté, fusionna en 1925 avec la Ligue de défense national-chrétienne (LDNC) de A. C. Cuza et qu’avait déjà rejoint Codreanu.

À la tête de la Garde de fer

Les deux hommes figurent dans le groupe Vacarastenilor, qui fonde, le 24 juin 1927, la Légion de l’Archange Saint Michel ; Ion Mota devint le second de Codreanu. Il le restera jusqu’à sa mort.

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Déjà présent au « Congrès antisémite mondial » en septembre 1925, Ion Mota représentait la Légion à la rencontre internationale fasciste de Montreux (Suisse) en 1934 et représenta la Roumanie nationaliste à l’étranger. Il fut également le correspondant pour la Roumanie de l’agence de presse nationaliste Welt Dienst (Service mondial), fondée par Ulrich Fleischhauer. Il traduisit, depuis le français, Les Protocoles des sages de Sion.Ion Mota contribua notamment par la publication de nombreux articles à la diffusion de la doctrine et l'esprit légionnaire, notamment pour Pamantul Stramosesc et plus particulièrement adressés aux ouvriers et paysans dans La Liberté, qu’il fit paraître à la suite de son père. La pérénité du journal lui tenait particulièrement à cœur et il demanda à Codréanu, dans son Testament, d'en prendre soin. En 1936, un recueil de ses articles fut édité : Cranii de Lemn (Crânes de bois). Mota parcourait également le pays pour donner des conférences, très suivies de la jeunesse roumaine. Le lumineux manifeste de la révolution spirituelle des chemises vertes dira Codreanu.Figure aimée et respectée des légionnaires, il fut admiré même de ses adversaires, nombre d'entre eux lui rendirent hommage à sa mort. Cela ne lui épargna pas les persécutions : il fut emprisonné à la prison de Jilava le 10 décembre 1933, avec de nombreux autres légionnaires.Après sa libération, à l'approche d'élections importantes, il devient vice-président de Tout pour la Patrie. Figure éminente du mouvement légionnaire, il constitue avec Vasile Marin, en 1936, une unité combattante symbolique de sept (huit ?) légionnaires pour lutter contre les Rouges en Espagne.Chrétien animé d'une ferveur mystique et homme d'action nationaliste, il en prend la tête. Les deux hommes combattront jusqu’à leur mort, le 13 janvier 1937 sur le front de Madrid. Ion I. Mota était âgé de 34 ans.Avant de partir, il avait laissé à Nae Ionesco de courts testaments, adressés à sa femme, ses deux enfants, Michel et Gabrielle, ses parents et pour Codreanu et les légionnaires, devant être remises s’il tombait au combat.

Les huit légionnaires partant pour l'Espagne : le docteur Ion Mota,le général Gheorghe Cantacuzino dit le Garde-Frontière, l'ingénieur Gheorghe

Clime,l'avocat Niculae Totu, le professeur Ion Dumitrescu-Borsa, Banica Dobre,

le docteur Vasile Marin et l'avocat Alexandru Cantacuzino

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L’enterrement

Ils furent enterrés un mois plus tard à Bucarest, lors de funérailles auxquelles se joignirent des centaines de milliers de Roumains. Des représentants et ministres des mouvements nationalistes à travers l’Europe vinrent rendre hommage aux deux héros : Allemagne nationale-socialiste, Italie fasciste, Espagne et même Japon, ainsi que des représentants des mouvements nationalistes alliés, tels que la Jeunesse patriote de Pologne. La cérémonie eut un impact considérable tant sur la population que sur les observateurs par sa dignité et sa ferveur religieuse et patriotique.

Le sacrifice de Ion Mota et Vasile Marin connut un retentissement international ; c’est l’un des moments-clés du mouvement légionnaire. Le convoi funéraire, en train, reçu des hommages depuis l’Espagne jusqu’en Roumanie, notamment rendu en Allemagne par les SS. En Roumanie, les corps furent honorés dans de nombreuses villes, groupant des milliers ou des dizaines de milliers de personnes, des dizaines de prêtres, avant la procession de Buracest et leur enterrement à la Maison Verte.

Vidéo présentant les funérailles des deux héros(ainsi que leur départ pour l'Espagne et autres)

Là, en présence de 2 à 300 prêtres, de cinq combattants légionnaires revenus du front espagnol et de milliers de légionnaires en chemise verte. À l’appel, par le Pedro de Prat y Souzo, le représentant des forces nationalistes espagnoles, des noms de hommes tombés, tous répondaient : « Présent ! ».Les deux hommes furent inhumé dans un mausolée spécialement construit près du siège de la Légion pour rappeler à tous les légionnaires leur sacrifice. Un corps d’élite spécial fut créé au sein de la Garde de fer, le Corps Mota-Marin, sous la direction d’Alexandru Cantacuzino.Un monument fut érigé à Majadahonda, en Espagne, sur les lieux de leur mort, le 13 septembre 1970.Le poète Radu Gyr composa en leur honneur L’hymne Mota Marin (Imnul Mota-Marin). La chanson comporte la répétition d’une phrase, étant les derniers mots de Mota, dérivés de la dernière lettre qu’il écrivit à Codreanu avant de mourir : "Et, Corneliu, faites que notre pays soit aussi beau quel le soleil, puissant, et obéissant à Dieu".

Pour ceux qui ne voyaient jusque-là dans les appels au sacrifice du mouvement légionnaire de vaines paroles, la mort exemplaire des deux chefs montra que l’école légionnaire, l’homme nouveau, étaient des réalités. Lors des élections qui suivirent, Tout pour la Patrie obtint devant le troisième parti de Roumanie avec 15,5 % des voix ; les effectifs du mouvement passèrent de janvier à décembre 1937 de 92 000 à 272 000. Cette époque de progression marqua également le début d’une nouvelle, la plus sanglante, période de répression contre la Garde de fer durant laquelle, entre autre, le Capitaine fut assassiné.

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Monument en l'honneur de Mota et Marin à Majadahonda, lors e son inauguration le 13 septembre 1970.

Sources & bibliographie(note : voir en p. 1 pour une bibliographie complète)Œuvres de Ion Mota• Lambelin Roger, Protocoalele inteleptilor sionului [Les Protocoles de Sion]

[Traduction accompagnée de nombreux commentaires et ajouts d'auteurs roumains], Edition de La Liberté, Orastie, 1923.

• Memoriu Regelui Ferdinand, scris in inchisoarea Galata [Mémorandum au roi Ferdinand, écrit à la prison de Galata], 1924, collection "Generatia noua", n° 8, Iasi, 1925.

• Statutele tineretului mondial antisemit [Statuts de la Jeunesse mondiale antisémite] [adoptés au Congrès antisémite mondial tenu à Budapest en 1925 (où Ion Mota représentait la jeunesse nationaliste roumaine), Budapest, 1925.

• Liga Natiunilor (idealul, viciile si primejdia ei) [Société des Nations (l'idéal, les vices et son danger)], Editions de l'Institutului de Arte Grafice "Bica" din Bucuresti, Bucarest, 1930.

• Liga Natiunilor (conferinta ampla nepublicata), tinuta in Palatul Societatii Studentilor in Medicina, la 27 Februarie 1931 [La Société des Nations (grande conférence inédite, tenue au Palais de l'Association des étudiants de médecine le 27 février 1931)], Bucarest.

• La sécurité juridique dans la Société des Nations, Thèse de doctorat présentée à la faculté de droit, Université de Grenoble, Imprimerie de la Biblioteca Centrului de Studii a Centrului Studentesc Bucuresti, Bucarest, 1932.

• Memoriu Regelui Carol al II-lea [Mémorandum au roi Charles II (adressée depuis la prison de Jilava où il était emprisonné avec de nombreux autres légionnaires après la dissolution illégale de la Garde de Fer par le gouvernement 'libéral' dirigé par I. G. Duca)], Jilava, 1934.

• Cranii de lemn [Crânes de bois], Editions Totul Pentru Tara, 2 avril 1936, Sibiu. Editions Monumentului Mo

• ta-Marin, collection "Omul Nou", Traian Golea, Munich (Allemagne), 1970. [Nouvelle édition complétée, incluant Liga Natiunilor, le Testament et une biographie signée par A. Vantu (publiée dans le quotidien "Cuvantul Studentesc", janvier-février 1937]

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• Testamentul lui Ion Mota [Testament de Ion Mota], Imprimerie Isvor, Bucarest, 1937.

• Prezent !, Imprimerie Bucovina, Bucarest, 1937.• Corespondenta cu serviciul mondial (1934- 1936) [Correspondance au Service

mondial (1934 - 1936)], collection "Biblioteca Verde", Salo (Italie).

Ion Mota Apôtre de la révolution spirituelle roumainePar Haldir (II/II)

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Annexes

Citations :

De Ion MotaCiter:« Notre âme, toujours liée à un autre monde, erre aujourd’hui dans une vie qui n’est pas la nôtre. Lorsque nous sommes confrontés au monde d’aujourd’hui, nous nous sentons étrangers, nous ne trouvons aucun sens en elle sinon par la possibilité d’en tirer parti pour faire revivre les jours anciens et accroître leur beauté – leur beauté et l’ordre roumaine véritable. »Les Crânes de bois.

Citer:« Le Congrès, considérant que chaque État, en vertu du principe de la souveraineté nationale, est seul compétent pour décider, sur son propre territoire, de l’attitude qu’il doit prendre à l’égard des citoyens, groupes, races et religions au sein de ses frontières et, en tenant compte à la fois la loi naturelle et de la morale, déclare que la question juive ne doit pas être considérée comme une campagne de haine contre les juifs. Cependant, étant donné que, dans de nombreux pays, certains groupes juifs exercent, que ce soit ouvertement ou non, une influence néfaste sur les intérêts moraux et matériels de la nation, et forment une sorte d’État dans l’État, réclamant toutes sortes de droits, mais refusant de se conformer à toutes les obligations correspondantes, et travaillent à la destruction de la civilisation chrétienne, le Congrès dénonce la sinistre activité de ces éléments et est prêt à les combattre. »

Citer:« La jeunesse nationaliste légionnaire n’est pas anarchique... Cette jeunesse a déclaré que les lois normales sont suffisantes pour mener à bien la mission et gagner... Mais, quand les hommes, effrayés par le progrès normal et légal de cette jeunesse, conçurent et mirent en œuvre la mise hors la loi de cette jeunesse, le problème prit une autre dimension... les initiatives illégales et la violence incombent entièrement à nos ennemis. Dieu et l’histoire se prononceront sur la question du commencement des attaques injustifiées, et donc de la justification d’une violence ou d’une autre. »

Citer:« Ne croyez pas – parce que nous combattons les idées d’humanisme, de liberté, d’égalité et de fraternité dans le sens dont les Juifs l’interprètent et essayent de les appliquer – que nous sommes les ennemis de ces nobles idées dans leur acceptation idéale. Toutes ces idées sont dérivées des enseignements de Jésus. Les rejeter revient à nier le Christ. Nous les reconnaissons et les acceptons, mais seulement à travers le prisme de leur possibilité de réalisation utile dans les circonstances actuelles. Ce sont une interprétation et une application très différente de celles que les Juifs donnent à ces idées, qu’ils ont raillé, en les utilisant comme une arme pour atteindre la puissance juive mondiale. Ils ont utilisé d’une façon malhonnête ces nobles idéaux en se fondant sur le pouvoir de

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fascination qui les lient entre eux et qui, par une mauvaise interprétation, les fait agir contre le but même qu’ils visent lorsqu’ils sont correctement interprétés. »

Citer:« Nous ne ferons pas et n’ont pas fait un seul jour dans notre vie, de la politique ... Nous avons une religion, nous sommes les serviteurs de la foi ... Pour les légionnaires, politique signifie la religion. »

Citer:« Le monde juif est un corps compact, un peuple étranger, uni, mené par un même programme. »

Citer:« Notre action est une pierre angulaire de cette nouvelle construction légionnaire roumaine qui — suivant la volonté du destin, laquelle a été ainsi dès les temps légendaires de maître Manole — a exigé notre ensevelissement dans les fondations que, dès lors, les siècles ne pourront plus démolir »

Citer:« Pour remporter cette victoire tout il faut se préparer à mourir dans l'esprit de Horia, de Jancu et du capitaine ! »

Citer:« Je ne sais pas ce qu'en penseraient les théologiens, dont je connais pas la science, mais la mesure de notre renaissance intérieure, la mesure de notre vie chrétienne, je le vois surtout dans la mesure du sacrifice pour le bien d'autrui, d'un sacrifice personnel volontaire, consciemment avec amour et enthousiasme, sans se préoccuper de respecter les formes de je ne sais quel pacte bilatéral entre nous et Dieu.Ce sacrifice qui en nous jaillit de l'amour, d'un amour pour ce qui n'est pas notre propre existence, sacrifice qui s'il se réalise, désole les assises humaines de notre vie, mais qui nous enflamme avec une satisfaction que la parole humaine ne peut rendre : il arrache l'indifférence de notre nature vers les choses divines, et en nous transformant en une blessure vive (de soleil et de sang, comme dirait Radu Gyr), il nous met en communion directe avec la divinité qui nous pénètre et nous envahit ; cela nous fait spirituellement plus vivants, plus chrétiens.Ceux qui ne comprennent pas... et sentent le désert de la mort dans le cœur, qu'ils restent à l'écart, et laissent passer la jeunesse se sacrifiant ; ils ne peuvent la comprendre, ni s'élever avec elle. »

Citer:« Les grandes souffrances, les espoirs du peuple roumain aujourd'hui, n'ont trouvé presque aucun écho dans le monde des lettres et des autres arts. [...] Car le sentiment collectif, l'amour et la douleur des gens, le travail épique des nations en guerre, des catastrophes, et les élévations des peuples, n'est pas ressenti par l'artiste de notre temps, bien que ce soit la source d'émotions et de sentiments beaucoup plus riches et intenses que ceux de la vie individuelle. »

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Citer:« Nous partîmes de l’Icône et de l’Autel. Puis nous errâmes quelque temps portés par les vagues humaines et malgré la pureté de notre élan, nous n’atteignîmes pas la rive. À présent, dispersés, déchirés, le cœur lourd, nous nous serrons aux pieds de Jésus, sur le seuil de l’aveuglante clarté du Ciel, devant l’Icône, qui est notre lumière, notre consolation, notre force et notre réconfort.Pas un seul jour de notre vie nous n’avons fait de la politique. Nous avons une religion, nous sommes les serviteurs d’une foi. Son feu nous consume et, entièrement dominés par elle, nous la servirons jusqu’à nos dernières forces. Ni défaites et ni capitulations n’existent pour nous : la force dont nous voulons être les instruments est éternellement invincible.Nous ne pouvons discuter ici en détail les causes de l’écroulement de la vieille “Ligue”. En ces moments de création nouvelle, exposons seulement avec clarté et résolution l’essence même du système naissant :"Lumière de lumière…"....Combattants ! Allumez de nouveau dans vos âmes le flambeau de la foi et la victoire sera notre ! »

Citer:« J’ai compris le devoir de ma vie. J’ai aimé le Christ et suis allé joyeusement à la mort pour lui ! Faits, Corneliu, de notre pays une terre belle comme soleil, une nation moderne et respectée, obéissant à la parole de Dieu. Je meurs avec toute mon énergie et plein de félicité pour le Christ et pour la Légion. Je ne demande pas de récompense ni autre chose, mais seulement la victoire. »Testament.

Citer:« L’esprit de sacrifice est nécessaire ! Nous, nous tous, avons la plus redoutable dynamite, l’arme la plus élaborée de la guerre, plus puissante que des chars et des mitrailleuses : ce sont nos propres cendres ! Tout pouvoir dans le monde est destiné à s’effondrer, tandis que restent les cendres des valeureux combattants, tombés pour la Justice et pour Dieu. »

Citer:« Ils mitraillaient le visage du Christ ! La civilisation chrétienne dans le monde vacillait ! Pouvions-nous rester indifférents ? »Testament.

Citer:« Le diable a lancé ces jours la guerre la plus acharnée contre l’Église établie par notre Seigneur Jésus Christ. Depuis que notre Seigneur est venu à nous, aucune partie de l'humanité ne s'était soulevé avec tant de haine et de colère pour démolir la loi et l'ordre chrétiens, comme c'est le cas de nos jours. Les gens meurent par dizaines de milliers, certains tentent de détruire les autels des églises du Christ, et d'autres se battent pour les défendre. Le communisme est comme la bête rouge de l'Apocalypse qui se lève pour jeter le Christ hors du monde. »Noël 1936.

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Ion Mota par JCB

Au sujet de Ion Mota

Citer:« Comme son chef et ami, Corneliu Codreanu, Ion Mota croit que la mission de la jeune génération et de réconcilier la Roumanie avec DIeu [...] Pour lutter avec tous les moyens contre les puissances des ténèbres. De nombreux volontaires, en Espagne, sont tombés pour un idéal humain - le fascisme ou le communisme. Ion Mota a été de ceux qui sont tombés pour un idéal surhumain - la victoire du Christ. »Mircea Eliade

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Citer:« Ion Mota avait des adversaires, mais il n’avait pas d’ennemis. C’était un jeune homme discret, calme, concentré, sans geste frénétique, n’affichant aucun héroïsme ostentatoire en parole ou en regard. Il avait des yeux clairs, droits. [...] Il ne craignait pas la mort, et cela était bien avant son départ pour l’Espagne. Il attendait avec impatience le sacrifice, pour enseigner le chemin de la vie héroïque, impersonnelle. »Mircea Eliade

Citer:« En ce moment, un quart de siècle après la mort de Mota et Marin comme héros d’un nouveau crédo, soyons plus que jamais convaincus de la victoire des préceptes moraux sur le principe de force. Les légionnaires, qui ont pris part à la guerre civile d’Espagne, n’étaient pas les mercenaires d’un quelconque impérialisme machiavélique, mais les messagers d’une croyance à la base de laquelle brillait la spiritualité chrétienne. Élevés dans l’esprit de l’honneur et de la dignité, ils brûlaient de défendre les lois caractéristiques de la nouvelle tendance, même si cette lutte était disproportionnée, même si elle devait être inutile. C’était leur façon d’affirmer, par les faits, la doctrine antimachiavélique du Mouvement légionnaire, par cette protestation du sacrifice, du sang versé pour la défense des droits et de la liberté des autres. »Faust Bradesco, Antimachiavélisme révolutionnaire.

Citer:« La doctrine légionnaire est une doctrine ouverte, expansionniste, et donc - pour ne pas nous perdre en elle -, nous devons comparer en permanence notre propres vécu avec les textes fondateurs. Nous ne devons jamais de dire : « Ce que le capitaine et Mota ont dit n'était valable que pour leur temps, nous vivons dans des temps différents". Ce qu'ils ont dit a créé la trame de la doctrine légionnaire et ne pourra jamais être changée. Seulement à l'intérieur de ce que leur pensée à délimité sommes-nous autorisés à apporter notre contribution, et toujours avec le plus grand soin afin que cela s'adapte aux principes. Comme une cathédrale qui, après avoir été conçue et construite par ses fondateurs, peut être décorée par des sculpteurs et des peintres. »Horia Sima, La doctrine légionnaire.

Citer:« La mort de Mota et Marin a fructifié. Elle a donné un sens à la vie et scellé la création de notre génération. »Mircea Eliade

Citer:« Le sacrifice de Mota et Marin est le cadeau offert à Dieu par la Nation roumaine »Père Dumitru Staniloaie.

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Dérives, enseignements et jugements autour du phénomène légionnaristeet de son chef historique Cornéliu Zéléa Codréanu.

par Arnaud Guyot-Jeannin

On a beaucoup glosé sur le mouvement légionnaire de Cornéliu Zéléa Codréanu. Pour certains, il s'agissait d'un mouvement chrétien, typiquement réactionnaire et antisémite. Pour d'autres, la réalité est beaucoup plus complexe et mérite un approfondissement doctrinal. Analyse d'un mouvement traditionaliste européen.

[Ci-dessus : icône légionnaire célébrant la naissance de Codreanu, le 13 septembre 1899, sous la protection de l'Archange Michel, dont il fera le saint

patron de son mouvement politique]

Il faut remonter jusqu'en 1859, si on veut comprendre avec exactitude le phénomène légionnariste et par la suite gardiste. Cette année-là est marquée par

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la fondation de l'État unitaire roumain qui naît de l'association des principautés de Valachie et de Moldavie.À cette époque, la vie politique du pays se répartit en 3 collèges électoraux qui représentent les principales strates sociales existantes : les grands propriétaires fonciers, les fonctionnaires et les bourgeois des villes, les paysans. Cette réparti-tion quelque peu injuste permet aux forces financières du pays de s'emparer de l'appareil d'État, alors même que les paysans, majoritaires, ne sont que très faiblement représentés à la Chambre des Députés et pas du tout au Sénat. Devant ce scandale, les paysans ne tardent guère à manifester leur mécontentement.

Contre l'usure

C'est ainsi qu'en 1907, les paysans roumains créent une petite révolution en s'attaquant aux riches propriétaires fonciers. À cette époque, les Juifs qui résident en Roumanie détiennent une part considérable du pouvoir financier. L'antisémitisme devient alors très virulent. Pendant cette révolte, un jeune sous-lieutenant, du nom de Ion Antonescu, futur Conducator de Roumanie, se fait remarquer par sa violence à l'égard des grands spéculateurs capitalistes. Ces événements terminés, les intellectuels comprennent la nécessité de faire participer les masses paysannes à la vie économique et sociale de la nation. En 1910, est fondé le Partidul Nationalist-Democrat (Parti National-Démocrate) avec, à sa tête, l'historien Nicolas Iorga (1871-1940) et le juriste de souche allemande Cuza. Ce parti suscite d'ailleurs l'éclosion de toute une série d'autres mouvements nationalistes.

La Légion de l'Archange Michel

Au début des années 20, la pauvreté atteint son paroxysme. Le nationalisme gagne la jeunesse. Le 24 juin 1927 a lieu la fondation du mouvement légionnaire sous le nom de la Légion de l'Archange Michel. Cinq personnes sont à l'origine de cette création : Ioan I. Moţa [orthographié parfois Motza en fr.], Ilie Gârneaţă, Cornéliu Georgesco, Radu Mironovici et bien sûr Cornéliu Codréanu.

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Né le 13 septembre 1899, Cornéliu Zéléa Codréanu fait ses études secondaires dans un collège militaire. Très tôt, il prend conscience de la nécessité d'un engagement politique total sans aucune concession face au monde moderne. En octobre 1919, alors qu'il n'a que 20 ans, il adhère au mouvement patriotique de la Garde de la conscience nationale [organisation anticommuniste de masse prônant un socialisme nationaliste chrétien, créée en 1919] dirigé par l'ouvrier-typographe Constantin Pancu. Il y milite pendant 4 ans. Puis le 4 mars 1923 se constitue la Ligue de la défense nationale chrétienne [LANC, Liga Apărării Naţional Creştine] sous la présidence de celui dont nous avons parlé un peu plus haut&nbsp;: le Drumont roumain, A. C. Cuza. Codréanu s'y occupe de l'organisation dans tous le pays. Il entreprend, avec quelques-uns de ses camarades de combat, la liquidation des politiciens corrompus les plus connus afin de créer un climat général d'extrême tension qui doit servir à réaliser la future révolution nationaliste. Il se doit d'être souligné qu'à l'époque, Codréanu jouit d'un grand prestige auprès de la jeunesse universitaire. Il étonne déjà par le magnétisme qu'il exerce sur les foules. Il se marie le 4 juin 1925 avec Elenea Ilinoiü devant plus de 10 000 personnes.La Légion de l'Archange Michel peut se définir par son rôle d'ordre politico-religieux comme un mouvement qui désire renouer avec l'héritage spirituel et traditionnel, impérial-européen. Très vite, elle se dote d'une revue bi-mensuelle : La Terre des ancêtres (Pămîntul Strămoşesc) dont le premier numéro paraît le 1er août 1927.Le 1er octobre 1927 est fondé à Bucarest le premier nid légionnaire. La Légion de l'Archange Michel peut s'interpréter comme une milice de Dieu. Son but premier est de faire s'épanouir spirituellement les individus. Sur le rôle éminemment religieux joué par la légion, Codréanu s'explique :

Citer:« La légion est une école et une armée plutôt qu'un parti politique. Tout ce que notre race peut engendrer de plus fier, de plus pur, de plus travailleur et de plus brave, l'âme la plus belle que notre esprit puisse imaginer, voilà ce que l'école légionnaire doit produire ».

Pourtant une question épineuse se pose : peut-on limiter la spiritualité légionnaire au christianisme orthodoxe ? Selon le traditionaliste italien Claudio Mutti :Citer:« Ce qui caractérise l'essence même du légionnarisme roumain, c'est un esprit transcendant la dimension religieuse en général, et celle du christianisme en particulier, et pour laquelle la foi des masses christianisées de Roumanie constitua le véhicule d'une spiritualité plus haute ».

Julius Evola lui-même n'écrivait-il pas, lui qui, justement, s'était intéressé de très près au mouvement légionnaire, que :Citer:« L'idée de la présence des morts — et tout particulièrement celle des héros — aux côtés des vivants, et qui est particulièrement vive dans le mouvement légionnaire, reflète d'une façon indubitable certaines formes bien connues d'une spiritualité pré-chrétienne ».

Par ailleurs, Claudio Mutti insiste :Citer:« La formule propitiatoire d'un rituel mithriaque cite nommément l'Archange

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comme l'intermédiaire au travers duquel la force immortalisante du Dieu se transmet à l'initié : en fait dans le mithraïsme, l'Archange, c'est celui qui transmet au myste l'auréole glorieuse, un intermédiaire analogue au qutb de l'ésotérisme islamique, “l'axe” au moyen duquel descend la barakah. Or, on le sait, le mithraïsme se développa sur tout le territoire de l'ancienne Roumanie, très avant la christianisation, comme l'attestent les découvertes archéologiques que l'on continue de faire aujourd'hui encore un peu partout, de la Transylvanie à la Mer Noire. On peut quasiment, dans ces conditions, tenir pour certain que l'Archange “Mihel” constitue un travestissement chrétien d'une entité préexistante à la christianisation de la Dacie ».

D'autre part,Citer:« Dans la pratique légionnaire, un autre élément revêt une signification différente de celle qu'il possède dans le christianisme : il s'agit de la prière. Pour le légionnaire, celle-ci n'est pas une simple requête présentée à la divinité, une manifestation de sentimentalisme dévotionnel, mais bien plutôt un acte rituel nécessitant qui doit agir sur les forces mystérieuses du monde invisible… La prière légionnaire est, par conséquent, une récitation rituelle à travers laquelle s'exprime un acte de puissance, et non pas seulement un acte de foi ».

Il y aurait beaucoup à dire aussi sur le “sacrifice” dans la doctrine spirituelle légionnaire. Dans son Traité sur l'histoire des religions, Mircea Eliade — membre d'un cuib gardiste — écrit en substance que l'homme légionnaire est immortel dans la mesure où par son sacrifice il régénère les forces sacrées des origines. Et pour conclure sur cette question, Mutti affirme :Citer:« Le légionnarisme va chercher ses racines au plus profond d'une culture dans laquelle l'élément chrétien ne constitue que l'ultime strate qui s'est déposée au-dessus de toute une série d'autres âmes se combinant en un synthèse totalement originale ».

Le mouvement légionnaire commence à prendre une importance assez considérable sur le plan national. Le nombre de ses militants augmente chaque mois. Alors le 20 juin 1930, Codréanu décide de constituer au sein de la légion un mouvement, la Garde de Fer (Garda de Fier) qui a pour but de parer à un éventuel coup de force militaire soviétique.

Une doctrine politique et sociale cohérente

Dans les années qui suivent, la Garde de Fer subit des attaques de toutes parts. Sa première dissolution est prononcée le 11 janvier 1931 tandis que le gouvernement national-paysan donne l'ordre à la police d'arrêter de nombreux militants gardistes. Cette répression n'empêche en rien la progression électorale du mouvement. En effet, le 3 août 1931, aux élections partielles dans le dé-partement du Neamtz (Moldavie), les légionnaires remportent une belle victoire en récoltant plus de 11 301 voix. Codréanu est élu député.

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La Garde de Fer devient alors une force politique de plus en plus incontournable. Elle développe un certain nombre d'idées fortes intéressantes, notamment à travers l'ouvrage de Codréanu Pentru legionari. Ces grandes orientations doctrinales permettent de bien cerner le corpus idéologique légionnariste : rejet du marxisme comme du libéralisme démocratique, lutte politique temporelle et revitalisation spirituelle, adoption d'un type d'idéal aristocratique s'accomplissant dans une société organique et communautaire, fidélité aux principes traditionnels élitaires qui abattront l'égalitarisme niveleur, mise en place d'une véritable justice sociale rompant définitivement avec le socialisme collectiviste et le capitalisme marchand…Malheureusement toutes ces considérations doctrinales ne viennent pas à bout de la répression régimiste. C'est ainsi qu'en mars 1932, le gouvernement Iorga-Argetoïanu exige la deuxième dissolution de la Garde de Fer. Malgré ces pro-blèmes, le mouvement légionnaire obtient un franc succès aux élections générales de juillet (70 000 voix et 5 sièges au Parlement).Le 10 décembre 1933, intervient une troisième dissolution du mouvement de Codréanu. Cela fait déjà plus de 3 ans que le roi Carol II est rentré en Roumanie. Cette fois-ci, 20 000 légionnaires sont arrêtés. Quant aux morts, ils sont évalués au nombre de 16. La vengeance gardiste intervient dans la nuit du 29 au 30 décembre. Le Ministre Duca est abattu par 3 légionnaires. Le 20 mars 1935, la Garde de Fer réapparaît sous le nom de Tout pour la patrie [Totul Pentru Ţară]. La présidence est assurée par le général Gheorghe Cantacuzino-Granicerul. Le 25 octobre 1936 est créé le corps ouvrier légionnaire sous le commandement de l'ingénieur Gheorghe Clime.

La doctrine légionnaire accorde une place prépondérante aux revendications so-ciales. Rien ne lui est plus étranger que le capitalisme financier. Cette préoccupation des intérêts ouvriers s'explique par le rôle éminemment important

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que revêt le travail dans l'éthique légionnaire. La prise en compte de la motivation des forces du travail doit trouver son plein accomplissement dans le dialogue avec les forces du capital, ceci dans un souci de restauration du corporatisme d'inspiration nationale-chrétienne. Cette volonté révolutionnaire de reconstituer la communauté populaire et sociale roumaine est motivée par la nécessité impérative de supprimer la lutte des classes au profit du rassemblement de tous les atomes du corps social…L'arrestation du CapitaineLe 20 décembre 1937, Tout pour la patrie recueille 17 % des voix et fait entrer au Parlement 66 députés. La Garde de Fer est maintenant le troisième parti de Roumanie.La Garde de Fer prend une signification toute particulière lorsqu'on sait qu'une partie assez importante de l'élite intellectuelle roumaine la soutient. N'est-ce pas Emil Cioran qui, sous la signature des légionnaires de Paris, écrira l'article daté du 30 novembre 1940, jour anniversaire de l'assassinat de Codréanu :Citer:« La figure généreuse de Codréanu, créateur et organisateur du mouvement légionnaire, suprême exemple de sacrifice, s'entoure pour tous les légionnaires d'une auréole de saint et de martyr. C'est lui qui le premier de tous les Roumains, avec une sûreté d'intuition étonnamment pénétrante, a proclamé qu'il fallait retrouver l'âme de la nation roumaine, constamment mise en échec, d'abord par des siècles de servitude, et tout récemment encore, par une classe dirigeante hypocrite et criminelle. Par là même, il a expliqué sa confiance dans les vertus cachées et inaltérables de notre peuple, et il a compris que ce peuple a besoin d'être libre, nous voulons dire, d'être lui-même, et non pas ce qu'on lui disait d'être ; qu'il avait une grande soif de liberté intérieure, en voulant passer sur ses propres racines. C'est pourquoi le premier effort de Codréanu a été la création d'un homme nouveau, le seul vrai, le seul capable de donner un rythme nouveau à la vie du peuple roumain ».

D'autres intellectuels comme Mircea Eliade ou Virgil Georghiu n'hésitent pas à prendre fait et cause pour le Capitaine et son mouvement.Le 17 avril 1938, Codréanu est arrêté. Cette nouvelle persécution est ordonnée par Armand Calinesco. Deux jours après, Codréanu est jugé pour acte d'outrage à l'adresse du Professeur N. Iorga. Le verdict tombe : ce sera une condamnation à six mois de prison.Le 27 mai 1938, la condamnation à 6 mois de prison se transforme en une peine de dix ans de travaux forcés. Le motif : trahison en la patrie ! Ce qui ne manque pas de piment lorsqu'on sait avec quelle force Codréanu défendait son pays. Au contraire, ce qui l'avait fait agir sur une voie factieuse contre l'État bourgeois roumain, c'était son attachement à sa nation et à l'idée qu'il se faisait d'elle.

Enfin, le 29 novembre 1938 à dix heures du soir, on ouvre la cellule de Codréanu et de ses 13 camarades, on les installe dans un camion, puis on les étrangle au moyen d'une corde alors que le camion roule toujours. Alors, afin de les rendre non identifiables, on versera de l'acide sulfurique sur leurs corps martyrisés pour finalement les recouvrir de ciment et de terre.Ce massacre perpétré par les hommes d'Armand Calinesco ne restera pas sans suite. Puisque ce dernier est exécuté par 9 légionnaires dirigés par Miti Dumitresco, le 21 septembre 1939. Le même jour est organisé un véritable carnage dans les milieux légionnaires. Un nouveau gouvernement est constitué sous la dépendance du Général Argeseanu.Horia Sima [ci-dessus] est désigné successeur de Codréanu par le fondateur du

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mouvement Cornéliu Georgesco. Il s'entretient avec le Général Antonesco pour la formation du nouveau Gouvernement. Mais le 21 janvier 1941, Antonesco décide de “casser” la Garde de Fer. Les meurtres se comptent par dizaines. Les principaux chefs légionnaires se réfugient en Allemagne où ils seront par la suite internés dans divers camps de concentration. Car en effet, Hitler joue la carte Antonesco.La guerre enfin terminée, les légionnaires sont libérés et acquittés au procès de Nuremberg.

Arnaud Guyot-Jeannin, "Dérives, enseignements et jugements autour du phénomène légionnariste et de son chef historique Cornéliu Zéléa Codréanu", Orientations n°13, 1991.

Légionnarisme ascétique.Rencontre avec le chef de la Garde de fer.

par Julius Evola

Julius Evola, « Legionarismo ascetico, Colloquio col capo delle “Guardie di Ferro” », Il Regime Fascista, 22 marzo 1938, « Légionnarisme ascétique - Rencontre avec le chef des Gardes de fer », Totalité, n°2, 1977 [pdf|85Ko|4p].

BUCAREST, mars

Rapidement notre auto laisse derrière elle cette chose curieuse qu’est la Bucarest du centre : un ensemble de petits gratte-ciel et d’édifices très modernes, essentiellement de type "fonctionnel", avec des devantures et des magasins d’un style entre le parisien et l’américain, le seul élément exotique étant les fréquents chapeaux d’astrakan des agents et des bourgeois. Nous atteignons la station du Nord, nous prenons une poussiéreuse route provinciale longée de petits édifices du type de ceux de l’ancienne Vienne, qui mène en droite ligne à la campagne. Après une bonne demi-heure, la voiture tourne brusquement à gauche, prend un chemin de campagne, s’arrête face à un édifice presque isolé parmi les champs : c’est la "Maison Verte", résidence du Chef des

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Gardes de Fer roumains.« Nous l’avons construite avec nos propres mains », nous disent avec un certain orgueil les légionnaires qui nous accompagnent. Intellectuels et artisans se sont associés pour bâtir la résidence de leur chef, presque au sens d’un symbole et d’un rite. Le style de la construction est roumain : des deux côtés, elle se prolonge par une espèce de portique, au point de donner l’impression d’un cloître.Nous entrons, nous montons au premier étage. Vient à notre rencontre un homme jeune, grand et élancé, en tenue sportive, avec un visage ouvert et qui donne immédiatement une impression de noblesse, de force et de loyauté. C’est justement Corneliu Codreanu, chef de la Garde de Fer. Son type est spécifiquement aryo-romain : il semble une réapparition de l’ancien monde aryo-italique. Tandis que ses yeux gris-bleus expriment la dureté et la froide volonté propres aux Chefs, il y a simultanément, dans l’ensemble de l’expression, une note particulière d’idéalisme, d’intériorité, de force, de compréhension humaine. Même sa façon de converser est caractéristique : avant de répondre, il semble s’absorber en lui-même, s’éloigner, puis, tout à coup, commence à parler, s’exprimant avec une précision presque géométrique, en phrases bien articulées et organiques.

• « Après toute une phalange de journalistes, de toutes nations et couleurs, qui ne savent me questionner sur rien d’autre que ce qui est lié à la politique la plus contingente, c’est la première fois, et je le note avec satisfaction dit Codreanu, que vient chez moi quelqu’un intéressé, avant tout, à l’âme, au noyau spirituel de mon mouvement. J’ai trouvé une formule pour contenter ces journalistes et leur dire un peu plus que rien, à savoir : nationalisme constructif.

• L’Homme se compose d’un organisme, c’est-à-dire d’une forme organisée, puis de forces vitales, puis d’une âme. On peut en dire de même pour un peuple. Et la construction nationale d’un État, bien qu’elle reprenne naturellement ces trois éléments, peut surtout subir, cependant, et pour des raisons de qualification diverse et d’hérédité différente, les mouvements d’un de ces éléments.

• Selon moi, dans le mouvement fasciste prédomine l’élément État, qui correspond à celui de la forme organisée. Ici parle la puissance formatrice de la Rome antique, maîtresse du droit et de l’organisation politique, dont l’Italien est le plus pur hériter. Dans le national-socialisme est au contraire mis en relief ce qui se rapporte aux forces vitales : la race, l’instinct de la race, l’élément ethnico-national. Dans le mouvement légionnaire roumain, l’accent est surtout mis sur ce qui, dans un organisme, correspond à l’élément âme : sur l’aspect spirituel et religieux.

• De là vient la caractéristique des différents mouvements nationaux, pour autant qu’à la fin ils comprennent tous ces trois éléments et n’en négligent aucun. Le caractère spécifique de notre mouvement nous vient d’une lointaine hérédité. Déjà Hérodote appelait nos pères : "Les Daces Immortels". Nos ancêtres géto-thraces avaient foi, avant même le christianisme, en l’immortalité et l’indestructibilité de l’âme, ce qui prouve leur orientation vers la spiritualité. La colonisation romaine a ajouté à cet élément l’esprit romain d’organisation et de forme. Tous les siècles suivants ont désagrégé notre peuple et l’ont rendu misérable ; mais tout comme chez un cheval malade et frustre on peut reconnaître aussi dans le peuple roumain d’hier et d’aujourd’hui les éléments latents de cette double hérédité.

• Et c’est cette hérédité que le mouvement légionnaire veut réveiller continue

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Codreanu. Il part de l’esprit : il veut créer un homme spirituellement nouveau. Une fois cette tâche réalisée comme "mouvement", le réveil de la seconde hérédité nous attend, c’est-à-dire celui de la force romaine politique formatrice. Ainsi, l’esprit et la religion sont pour nous le point de départ, le "nationalisme constructif" est le point d’arrivée, une simple conséquence. L’éthique simultanément ascétique et héroïque de la Garde de Fer consiste à réunir l’un et l’autre point. »

Nous demandons à Codreanu quel est le rapport de la spiritualité de son mouvement avec la religion chrétienne orthodoxe. Voici sa réponse :

• « En général, nous tendons à vivifier sous la forme d’une conscience nationale et d’une expérience vécue ce qui, dans cette religion, trop souvent s’est momifié et est devenu le traditionalisme d’un clergé somnolent. De plus, nous nous trouvons dans des conditions favorables du fait qu’est étranger à notre religion, nationalement articulée, le dualisme entre foi et politique et qu’elle peut nous fournir des éléments éthiques et spirituels sans s’imposer comme une entité cependant politique. De notre religion, le mouvement des Gardes de Fer reprend ensuite une idée fondamentale : celle de l’œcuménicité. Ceci est le dépassement positif de tout internationalisme et de tout universalisme abstrait et rationaliste. L’idée œcuménique est celle d’une societas comme unité de vie, comme organisme vivant, comme un "vivre" ensemble non seulement avec notre peuple, mais aussi avec nos morts et avec Dieu. L’actualisation d’une idée semblable sous la forme d’une expérience effective est au centre de notre mouvement ; politique, parti, culture, etc., ne sont pour nous que conséquences et dérivations. Nous devons revivifier cette réalité centrale, et rénover par cette voie l’homme roumain, pour agir ensuite et construire aussi la nation et l’État. Pour nous, un point particulier est que la présence des morts de la nation œcuménique n’est pas abstraite, mais réelle : des nos morts et surtout de nos héros. Nous ne pouvons nous séparer d’eux ; comme des forces devenues libres de la condition humaine, ils pénètrent et soutiennent notre vie la plus haute. Les légionnaires se réunissent périodiquement par petits groupes, appelés "nids". Ces rassemblements suivent des rites spéciaux. Celui par lequel s’ouvre chaque réunion est l’appel à tous nos camarades tombés, auquel les participants répondent par "Présent !". Mais ceci n’est pas pour nous une simple cérémonie et une allégorie, mais au contraire une évocation réelle.

• Nous distinguons l’individu, la nation et la spiritualité transcendante, continue Codreanu, et dans la vocation héroïque nous considérons ce qui mène de l’un à l’autre de ces éléments, jusqu’à une unité supérieure. Nous nions sous toutes ses formes le principe de l’utilité brute et matérialiste : non seulement sur le plan de l’individu, mais aussi sur celui de la nation. Au-delà de la nation, nous reconnaissons des principes éternels et immuables, au nom desquels on doit être prêt à combattre, à mourir et à tout subordonner, avec au moins la même décision qu’au nom de notre droit de vivre et de défendre notre vie. La vérité et l’honneur sont, par exemple, des principes métaphysiques, que nous mettons plus haut que notre nation elle-même. »

Nous avons appris que le caractère ascétique du mouvement des Gardes de Fer n’est pas générique, mais aussi concret et pour ainsi dire pratiqué. Par exemple, est en vigueur la règle du jeûne : trois jours par semaine, 800 000 hommes environ pratiquent le dénommé "jeûne noir", c’est-à-dire l’abstinence de toute

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sorte de nourriture, boisson et tabac. De même, la prière a une part importante dans le mouvement. En plus, pour le corps d’assaut spécial qui porte le nom des deux chefs légionnaires tombés en Espagne, Mota et Marin, est en vigueur la règle du célibat. Nous demandons à Codreanu qu’il nous indique le sens précis de tout cela. Il semble se concentrer un moment, puis répond :

« Il y a deux aspects, pour la clarification desquels il faut avoir présent à l’esprit le dualisme de l’être humain, composé d’un élément matériel naturaliste et d’un élément spirituel. Quand le premier domine le second, c’est l’"enfer". Tout équilibre entre les deux est chose précaire et contingente. Seule la domination absolue de l’esprit sur le corps est la condition normale et la prémisse de toute force vraie, de tout héroïsme véritable. Le jeûne est pratiqué par nous parce qu’il favorise une telle condition, affaiblit les liens corporels, encourage l’autolibération et l’auto-affirmation de la volonté pure. Et quant à cela s’ajoute la prière, nous demandons que les forces d’en haut s’unissent aux nôtres et nous soutiennent invisiblement. Ce qui conduit au second aspect : c’est une superstition que de penser que dans chaque combat seules les forces matérielles et simplement humaines sont décisives ; entrent en jeu au contraire également les forces invisibles, spirituelles, au moins aussi efficaces que les premières. Nous sommes conscients de la positivité et de l’importance de ces forces. C’est pour cela que nous donnons au mouvement légionnaire un caractère ascétique précis. Dans les anciens ordres chevaleresques aussi était en vigueur le principe de la chasteté. Je relève toutefois qu’il est chez nous restreint au Corps d’Assaut, sur la base d’une justification pratique, c’est-à-dire que pour celui qui doit se vouer entièrement à la lutte et ne doit pas craindre la mort, il est bien de ne pas avoir d’empêchements familiaux. Du reste, on reste dans se corps seulement jusqu’à 30 ans révolus. Mais, en tout cas, demeure toujours une position de principe : il y a d’un côté ceux qui ne connaissent que la "vie" et qui ne cherchent par conséquent que la prospérité, la richesse, le bien-être, l’opulence ; de l’autre, il y a ceux qui aspirent à quelque chose de plus que la vie, à la gloire et à la victoire dans une lutte tant intérieure qu’extérieure. Les Gardes de Fer appartiennent à cette seconde catégorie. Et leur ascétisme guerrier se complète par une dernière norme : par le vœu de pauvreté auquel est tenu l’élite des chefs du mouvement, par les préceptes de renoncement au luxe, aux divertissements creux, aux passetemps dits mondains, en somme par l’invitation à un véritable changement de vie que nous faisons à chaque légionnaire. »

Petite histoire de l’idéologie roumaineRobert Steuckers

Analyse : Armin HEINEN, Die Legion "Erzengel Michael" in Rumänien : Soziale Bewegung und politische Organisation. Ein Beitrag zum Problem des internationalen Faschismus, R. Oldenbourg Verlag, München, 1986, 558 p.

L’ouvrage d’Armin Heinen, consacré au mouvement de Codreanu, diffère de beaucoup d’autres travaux consacrés à la Garde de Fer et aux tumultes de la politique roumaine de l’entre-deux-guerres. Il en diffère parce qu’il explore à fond le contexte historique de la Roumanie depuis son émergence en tant qu’État et parce qu’il résume, de manière limpide et pédagogique, les multiples linéaments

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de l’idéologie nationale roumaine. Ce sont ces pages-là que nous analyserons dans le présent article, laissant de côté — mais pour y revenir plus tard — l’exposé brillant et détaillé des événements politiques du terrain que Heinen nous livre dans son remarquable ouvrage.

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[Ci-dessus : Carte ethnique de la Roumanie pendant l’entre-deux-guerres.30 % de la population était non-roumaine. Dans ce tiers de la population,

on comptait 26 % de Juifs, 25 % de Magyars et 14 % d’Allemands (surtout en Transylvanie

et dans le Banat) et 10 % d’Ukrainiens (surtout en Bessarabie/Moldavie)]

Au XIXe siècle, les principautés roumaines (la Moldavie et la Valachie), en s’émancipant de la tutelle ottomane, entrent automatiquement dans un champ conflictuel, excitant la convoitise des puissances voisines, l’Autriche-Hongrie et la Russie. La société, marquée par l’orthodoxie aux réflexes ruraux et par l’idéologie guerrière turque/ottomane, reçoit comme de mauvais greffons les éléments épars de l’occidentalisme, le libéralisme économique et politique. La société roumaine est affectée par une cascade de crises dues aux facteurs de modernisation : dans une société accoutumée à la dépendance voire au servage, l’émancipation moderne ébranle les structures sociales.En amont, chez les dirigeants, les principes individualistes, propres à la modernité politique, disloquent le sens du devoir de solidarité et de charité, plongeant du même coup les masses rurales dans la perplexité puis dans la colère. En aval, dans les masses, le respect pour les élites traditionnelles s’estompe et, vis-à-vis des élites importées ou de la bourgeoisie urbaine émergente, éclot une haine qu’il sera de plus en plus difficile de contenir. Pour les masses, les élites traditionnelles ont succombé aux tentations du mirage occidentaliste ; elles ont basculé dans le péché, en oubliant leurs devoirs paternalistes de solidarité et de charité. Les élites importées et les élites urbaines (ou fraîchement urbanisées) sont, elles, les tentatrices, les vectrices du péché.

Le poporanisme, équivalent roumain du narodnikisme russe

Dans un tel contexte, à terme explosif, se profilent 4 filons idéologiques, dont 3 sont calqués sur leurs équivalents ouest-européens : le libéralisme, le conservatisme, le socialisme ; 4ème filon, le “poporanisme”, lui, est “national” (au sens ethnique) et paysan, c’est-à-dire attaché aux modulations traditionnelles des relations sociales. Le libéralisme roumain est coincé entre une volonté théorique de démocratisation et la défense effective d’intérêts précis (ceux de la bourgeoisie « parvenue » et importée). Le conservatisme roumain est, quant à lui, immobiliste : raisonnant en termes d’idéaltypes conservateurs figés, il refuse de prendre en compte toutes les modifications politiques survenues après 1848.Dans le conservatisme roumain, émerge tout de même une figure intéressante, celle de Constantin Radulescu-Motru, auteur de Cultura româna si politicianismul (La culture roumaine et la politicaille). Radulescu-Motru estime que les Roumains, par manque d’énergie, n’ont pas transformé leur culture rurale du départ en une culture plus vaste, plus générale, plus viable, semi-urbaine, ou d’une urbanité non oublieuse de ses racines, à la mode allemande. Dans cette ruralité demeurée primitive et en conséquence fragilisée, des “politicards” et des “avocats”, rusés et spéculateurs, ont instrumentalisé des idées étrangères, occidentales, ont rationalisé à leur profit l’appareil étatique, pour prendre la place des élites déclinantes et pour barrer la route à toute élite nouvelle, issue du peuple roumain, qui se profilerait à l’horizon.

Une doctrine de l’État démocratique paysan

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Le socialisme roumain, enfin, est un socialisme sans ouvrier, dans un pays aux structures industrielles peu développées. Le poporanisme, spécificité roumaine, élabore une doctrine de l’État démocratique paysan, optant pour une voie non capitaliste. Le poporanisme est donc bel et bien une expression de l’ethnicité rurale roumaine, orpheline de ses élites et haïssant les nouveaux venus dans la société roumaine. Il est démocratique parce qu’il estime ne plus avoir d’élites traditionnelles ou a perdu toute confiance dans les éléments qui subsistent de celles-ci. Les dominants traditionnels ayant dérogé, le peuple roumain doit prendre son destin en mains : ses élites doivent sortir directement de ses rangs. Mais son caractère démocratique ressort également parce qu’il refuse toute domination des masses rurales par de nouvelles élites dans lesquelles il ne se reconnaît pas. La voie est non capitaliste parce que le capitalisme est porté par des éléments non issus de ces masses rurales.

L’idéologie poporaniste se base, au départ, sur les écrits de Constantin Stere (1865-1936, surnommé “Şărcăleanu”), un socialiste qui a refusé le marxisme et s’est inspiré desnarodniki russes (et orthodoxes). Le terme narodniki vient de narod (peuple), comme “poporanisme” vient de popor (peuple) (cf. C. Stere, « Socialdemocratism sau poporanism », in Viata românesca, 2, 1907-1908). Stere refuse le marxisme parce qu’il ne convient pas à un pays à forte dominante agraire comme la Roumanie. L’idéologie marxiste a été incapable de produire un discours cohérent sur les masses rurales. Le modèle de l’idéologue populiste-paysan roumain est le Danemark (qui, en Grundvigt, avait eu son théoricien-poète de la ruralité et de la populité, initiateur du courant d’idées folkelig, de l’adjectif dérivé de folk, “peuple”). Le Danemark a su conserver intact son paysannat ; par un réseau de coopératives, il a rendu les petites fermes familiales viables et les a couplées au monde industriel.

[ci-dessus : Gabaret Ibrăileanu (1871-1936), auteur d’un importantouvrage sur la culture roumaine, Spiritul critic in cultura romaneasca

(1909, L’esprit critique dans la culture roumaine). Il s’est penchésur les modalités d’introduction de la culture occidentale dans les pays roumains.

Il a souligné le rôle de la Moldavie dans la conservation du caractère national]

En termes plus enthousiastes, G. Ibrăileanu, un disciple de Stere, imagine une Roumanie démocratique, avec un Parlement de petits producteurs et une armée de paysans-soldats, à la mode des Boers sud-africains ; ces chefs de famille permettraient à leurs cadets, filles et garçons, d’étudier des matières culturellement enrichissantes, à l’université ou dans les conservatoires, générant

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ainsi une nouvelle élite intellectuelle ayant acquis ses qualités en dehors de toutes préoccupations utilitaires. Contrairement aux conservateurs, les poporanistes se considéraient comme les successeurs des révolutionnaires de 1848. Mais, comme les conservateurs du mouvement Junimea [Jeunesse, créé en 1863 par Maiorescu, ils refusaient d’inclure dans leur vision idéale de la société, les éléments non issus des masses rurales.

Les piliers d’un nationalisme ethnique, farouchement anti-occidental

Le conservatisme du mouvement Junimea, dont Radulescu-Motru fut le principal théoricien, et le poporanisme ruraliste de Stere et Ibrăileanu sont les 2 piliers de l’anti-occidentalisme roumain, dont la Garde de Fer sera, plus tard, un avatar radicalisé. Ceci dit, Stere refusera toujours la radicalisation légionnaire ; demeurant rationnel et fidèle à son « modèle danois », basant ses arguments sur des statistiques et sur des observations empiriques, se bornant à déplorer l’accroissement trop rapide des populations non roumaines en Roumanie (et des Juifs en particulier), Stere restera éloigné de toutes les déformations mystiques de son socialisme agrarien.

Sur cette double généalogie idéologique, s’est greffé un antisémitisme qui, dans un premier temps, était principalement littéraire. Des figures comme Mihail Eminescu, Aurel C. Popovici et Nicolae Iorga effectueront, petit à petit, la synthèse entre le populisme roumain, conservateur ou poporaniste, le nationalisme inspiré des autres nationalismes européens et de l’antisémitisme. Parmi les leitmotive de cette synthèse : la modernité, en accordant un droit égal à tous, confisque aux paysans pauvres, porteurs de la substance ethnique roumaine, l’égalité des chances ; la société moderne, impliquant la division du travail, induit un clivage entre producteurs (paysans et artisans) et « parasites » (commerçants et spéculateurs). L’antisémitisme qui découle de ces ressentiments sociaux présente toutes les nuances et gradations du genre : pour les uns (Iorga et Eminescu), les Juifs sont assimilables s’ils adoptent des « métiers productifs » ; pour Stere, qui raisonne en termes rationnels, la naturalisation demeure possible, si les Juifs s’adaptent à la culture roumaine (ce qui revient en fait à adopter les mêmes métiers que les Roumains) ; pour d’autres, comme V. Alecsandri, B.P. Hasdeu, N.C. Paulescu et Alexandru C. Cuza, toute vie en commun avec les Juifs est impossible. Comment justifient-ils cette exclusion sans appel ? En mettant en avant, comme beaucoup d’autres antisémites européens, des citations du Talmud (Rohling, Rosenberg, Picard, etc.). Pour cette tradition anti-talmudiste, l’existence du Talmud dans l’héritage spirituel juif interdit l’assimilation et la coexistence pacifique.

Nicolae C. Paulescu introduit cependant des nuances : la substance populaire roumaine n’est pas tant menacée par la concurrence économique de l’élément juif que par la perte des « directives restreignantes ». Une société rurale est une société « économe », épargnante, qui restreint ses pulsions vers la consommation. Le rôle de la morale est de pérenniser cette propension à la restriction, pour que la société ne perde ni son équilibre ni son harmonie. A.C. Cuza introduit dans ce discours des éléments tirés de Malthus : 2 peuples, les Roumains et les Juifs, ne peuvent pas vivre « dissimilés » sur un même territoire, sans que n’éclate une guerre à mort.

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Le divorce entre le peuple et l’élite

Pour Eminescu, la Roumanie est passée de l’obéissance aux Turcs à l’obéissance à l’étranger (hongrois, juif ou allemand), parce qu’en 1878, au Congrès de Berlin, qui instaure l’indépendance définitive de la Roumanie, les puissances imposent comme clause que les non orthodoxes peuvent acquérir la citoyenneté roumaine, introduisant de la sorte une cassure difficilement surmontable entre la ville et la campagne. Cette cassure marginalise une intelligentsia brillante, de souche paysanne et roumanophone, très nombreuse et privée d’avenir parce que les postes sont déjà occupés dans les villes, par les francophiles, les fils urbanisés et francisés des boyards (dénoncés surtout par Iorga), les Juifs, les étrangers. L’idéal de ces laissés-pour-compte, c’est une culture authentiquement roumaine qui puisse accéder à l’universel, être appréciée dans le monde entier, exprimer la créativité profonde de l’âme roumaine aux yeux de tous les peuples de la planète, souder la solidarité des Roumains vivant à l’intérieur et à l’extérieur des frontières du royaume.Cet idéal, les Roumains sentent qu’ils ne pourront le réaliser. Raison pour laquelle leur nationalisme, au début du XXe siècle, est le produit d’une « conscience malheureuse », de doutes et de peurs. Les Roumains ont l’impression, en 1900, que, dans le siècle qui s’annonce, ils auront le statut d’« ilotes ». Heinen (pp. 86-87) résume ce passage au nationalisme angoissé chez Eminescu :Citer:« [Chez Eminescu], la nation apparaît comme une essence spécifique, qui déploie ses propres revendications et a sa propre personnalité. Elle se trouve au-dessus de l’idée de liberté individuelle, ce qui veut dire qu’elle ne se constitue pas par la volonté de ses membres mais est un donné naturel se situant au-delà d’eux. Le sens qu’acquiert la vie individuelle d’un chacun existe par la Nation et pour la Nation. Le corps populaire menace toutefois d’être détruit à cause de la lutte des classes, principe égoïste, rendant impossible le don de soi à la Nation. L’inégalité, résultant de la division du travail social, et les conflits qui en découlent doivent être limités par la conscience d’une appartenance à la Nation. Quant à A.C. Cuza, il estime que la réalité Roumanie ne réside pas dans la lutte des classes mais dans la lutte des races, c’est-à-dire dans la question de savoir si ce sont des Roumains ou des Juifs qui conduiront le pays ».

Un vigoureux plaidoyer contre la « raison pure »

Aurel C. Popovici introduisit dans la littérature roumaine la critique conservatrice moderne des fondements du libéralisme. Appuyée sur les travaux de Burke, de Joseph de Maistre, de Gustave Le Bon, de Taine, Langbehn, Houston Stewart Chamberlain et Gumplowicz, sa démarche vise essentiellement à déconstruire le mythe de la raison pure. Heinen la résume comme suit (p. 87) : « L’œil humain n’a pas été créé pour ne regarder que le soleil. Nous ne pouvons pas éduquer nos jeunes gens pour n’être que de purs savants ; nous aurions pour résultat une catégorie sociale de demi-cultivés ridicules, avançant des prétentions irréalisables [...]. La raison pure dissout tout, remet en question les structures traditionnelles et met ainsi en danger l’intégration sociale [...]. Sans religion, les gens simples du peuple perdent leur retenue morale, la haine sociale et l’envie "rongent des trous" dans la vie spirituelle de la nation ». Popovici estime que tous les maux du monde moderne sont réunis dans la démocratie. Par le fait qu’elle hisse les intérêts matériels de la plèbe insatiable et égalitariste au rang de

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source des décisions politiques, nous voyons nécessairement naître un monde de démagogie, de lutte des classes, orienté seulement vers la satisfaction des intérêts particuliers et éphémères. La ville moderne reflète d’ores et déjà, pour Popovici, cette dégénérescence des mœurs politiques.

À la décadence de la Roumanie de la fin du XIXe siècle, les nationalistes opposent, nous explique Heinen (p. 89), la grandeur nationale des XVe et XVIe siècles ou évoquent les Daces. Les nationalistes roumains préféraient d’office tout ce qui s’était passé avant 1800, les époques de simplicité patriarcale, où régnait une solidarité naturelle entre paysans, boyards et lettrés. L’assaut des mœurs occidentales délétères, la pénétration en Roumanie d’éléments étrangers a ruiné définitivement cette harmonie.

Un César lié au peuple

Mais les nationalistes ne veulent pas pour autant d’un retour au Moyen Âge. Les innovations de la modernité, notamment dans les domaines économique et militaire, doivent être assimilées et soumises à des principes directeurs pré-modernes. L’évolution de la société doit être graduelle, mais c’est le paysannat de souche qui doit la contrôler, de façon à ce qu’il demeure toujours la classe sociale dominante. Pour chapeauter ce paysannat, les nationalistes réclament une monarchie héréditaire, se plaçant au-dessus des classes sociales ; le monarque souhaité n’est pas absolu : il devra être un César lié au peuple. À ses côtés, devra se trouver une oligarchie politique capable de comprendre l’évolution naturelle des choses.

Raisonnant sur un mode « évolutionnaire », rejetant toute forme de rupture révolutionnaire, A.C. Cuza et N. Iorga [photo ci-dessus] préconisaient une démocratie constitutionnelle, ayant pour organe législatif un parlement des états, calqué sur ceux de l’Ancien Régime mais adapté aux impératifs de l’heure. Contrairement à Popovici, influencé par les idéologèmes sociaux-darwiniens, Cuza et Iorga préconisaient l’intervention de l’État, notamment dans les domaines de l’enseignement et de la formation professionnelle, parce que le retard économique de la Roumanie était dû, pour une bonne part, à l’absence de corps de métier, de maîtres éducateurs, de gildes, d’instituts agronomiques. Eminescu, Iorga et Cuza réclamaient le partage des grands domaines au profit de

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groupes, familiaux ou villageois, composés de petits paysans. Cette revendication distingue les nationalistes des conservateurs, pour qui l’État agrarien doit être dirigé par les gros propriétaires et pour qui l’individualisme de type occidental ne doit pas être abandonné et/ou éradiqué au profit d’un don total de la personne à la nation.

L’influence de la revue “Sămănătorul”

Après la Première Guerre mondiale, quand la donne change de fond en comble, le poporanisme de Stere se transforme en “taranisme” (de&nbsp;tsara, paysan). Le néo-nationalisme gardiste prend une coloration mystique, absente chez Iorga et Cuza. Le projet de fonder un système d’éducation rationnel, mettant l’accent sur l’agronomie et le développement des corps de métier, cède le pas, dans l’idéologie gardiste, à une éducation de type militaire (milice de Dieu) et activiste. Ce glissement vers le mysticisme armé et politisé, s’est opéré, graduellement, par l’intermédiaire d’une revue très lue, Sămănătorul (Le Semeur), dont Nicolae Iorga fut pendant un certain temps le rédacteur-en-chef. Le “samanatorisme” esquissa, dans le monde des lettres roumain, l’image d’un village où vivent 2 peuples, selon des modes très différents. D’un côté, la Roumanie patriarcale, avec ses boyards, ses lettrés, ses prêtres et ses paysans ; de l’autre, les étrangers et les parvenus sociaux d’origine non roumaine, qui ne vivent que pour satisfaire leurs intérêts et leurs pulsions.Dans l’orbite de cette vision samanatoriste, d’abord circonscrite à la littérature, naît un roman, de la plume de Bucura Dumbrava, Haiducul (L’Haiduc). Dumbrava y décrit une société déterminée par des conflits qui ne sont pas de nature sociale mais ethnique. Les Phanariotes grecs ont pu régner sur les Valaques et les Moldaves parce que l’élite nationale était désunie. Précisément parce qu’elle était étrangère, la domination des Phanariotes était arbitraire. L’idéal de Dumbrava est le Prince Vlad Tepes (1448-1476), souverain implacable mais national.Dans son roman, les bandes de brigands que sont les Haiducs (ou haïdoucs, bandits d’honneur), représentent le renouveau national. Ils se placent délibérément en dehors des lois, pour faire triompher le véritable droit national, oblitéré par les dominants étrangers. Les paysans considèrent les Haiducs comme leurs protecteurs et leurs sauveurs ; ils les nourrissent et les cachent comme des partisans. À l’intérieur des bandes, les membres sont liés par serment et se placent sous l’autorité d’un chef aux qualités exceptionnelles, le Capitan. Trahir le Capitan implique non seulement une entorse aux règles du groupe mais est un crime contre l’ensemble du peuple roumain et mérite, de ce fait, la mort.Dans ce roman, lu par des quantités d’adolescents roumains, se retrouvent l’éthique nationale et l’esprit de corps de la Garde de Fer, expression d’un nationalisme nouveau par rapport à celui, littéraire et idéologique, des Eminescu, Iorga et Cuza, fondateurs du Parti National-Démocrate. À l’intérieur de ce parti, dans les années 20, nous trouvons une aile radicale, dirigée par Corneliu Sumuleanu et Ion Zelea-Codreanu. De cette aile radicale naîtra, après une rupture survenue quelques années plus tard, la Légion de l’Archange Michel.

(Nous donnons ici une vision assez incomplète du livre d’A. Heinen ; les chapitres sur l’évolution des doctrines nationalistes en dehors de la Légion et de la Garde sont importants eux aussi ; notamment, quand il évoque, dans l’œuvre de Mihail Maïnolesco, le passage du néo-libéralisme technocratique roumain à la doctrine du parti unique et du corporatisme moderne. Maïnolesco a eu une influence très

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importante en Allemagne, en Italie, dans la France de Vichy et dans la Politieke Akademie de Victor Leemans à Louvain en Flandre. Maïnolesco a donné une dimension européenne à l’idéologie roumaine. Nous y reviendrons).

Robert Steuckers, "Petite histoire de l’idéologie roumaine", Orientations n°13, 1991. Version numérique : Vouloir.

Un entretien avec Horia Sima,Chef du Mouvement légionnaire roumain (Garde de fer)

Georges Gondinet. – Monsieur Horia Sima, j’aimerais commencer cet entretien par quelques questions sur le fondateur et chef historique de la Garde de fer, Corneliu Zelea Codreanu. Pouvez-vous en brosser un portrait, en nous précisant si la personnalité de Codreanu n’était pas, pour reprendre l’expression et la classification du sociologue Max Weber, celle d’un « chef charismatique », c’est-à-dire d’un homme incarnant, pour tout un groupe social, la promesse d’un changement radical, sur le plan religieux comme sur le plan politique ?

Horia Sima. – Il est fort difficile de faire, en quelques mots, le portrait de Corneliu Codreanu. Il y faudrait un livre. Dans mon ouvrage Histoire du Mouvement légionnaire, on trouve d’innombrables références à la personne du Capitaine, entre autres son portrait physique. D’autre part, l’attraction qu’a exercée Codreanu sur notre génération est due, non seulement à ses idées, mais aussi à une sorte de « charisme » qui émanait de sa personne. Codreanu était un véritable « manifeste vivant », ainsi que l’ont défini certains de ces contemporains. Sa simple présence parmi les gens provoquait un effet plus grand que le plus vibrant des discours. L’« homme nouveau » envisagé par lui n’était pas une abstraction intellectuelle, car il se reflétait dans sa propre apparition majestueuse, d’une rare beauté.De même, sa conception de la vie, sa doctrine, n’étaient pas étrangères à la réalité nationale. Elles correspondaient aux aspirations les plus hautes de notre peuple. Car chaque peuple à un éthos à lui, une image spirituelle, qui définit sa personnalité historique. Le fondateur du Mouvement puisait d’une manière permanente dans ses actions, dans les profondeurs de l’âme collective, dans ces valeurs intrinsèques et inaliénables de la nation.Le « charisme » du Capitaine provenait de cette juste interprétation de l’énergie intérieure du peuple roumain. Il était donc normal que les foules le suivent avec enthousiasme, découvrant en lui le réalisateur du destin national. Les changements que Corneliu Codreanu préconisait dans tous les domaines de la vie publique, n’étaient que la conséquence d'une idée centrale qu’il avait forgée au sujet de la mission de la nation roumaine dans le monde.

Georges Gondinet. – Quelle différence voyez-vous entre le « culte de la personnalité » dont a pu jouir, par exemple, un Staline et l’admiration ou la

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fidélité qui entourèrent Codreanu ?

Horia Sima. – Staline ou d’autres tyrans de l’histoire n’étaient pas aimés par le peuple, mais craints. Sans l’exercice du pouvoir et sans les instruments de la terreur, ils ne représentaient plus rien. D’un jour à l’autre, ils auraient disparu dans le néant de l’histoire.Codreanu, à la différence des autres, n’a eu le pouvoir politique même pas un jour, et toute sa vie il a été persécuté justement par ceux qui détenaient le pouvoir, quel que soit le régime existant. Ainsi, l’attachement des masses populaires à la personne du Capitaine – fait qui persiste jusqu’aujourd’hui – s’explique par le fluide spirituel qui émanait de lui et qui révélait à ces masses leur propre fond spirituel, dont elles n’avaient eu jusqu’alors qu’un pressentiment, qu’une vague conscience. Dans ces cas – ainsi qu’il le disait lui-même – la volonté du chef et la volonté des multitudes se superposent, sans aucune contrainte, par une adhésion naturelle comme entre parents et enfants.

Georges Gondinet. – Certains ennemis de la Garde de fer, cherchant à salir le nationalisme roumain de Codreanu, ont fait allusion aux origines de ses parents. Qu’en est-il exactement ?

Horia Sima. – C’est une méthode de dénigrement courante, bien qu’absurde et ridicule, qui n’affecte en rien la personnalité de Codreanu, son nationalisme ou sa valeur spirituelle. Ouvrir un tel problème, c’est faire preuve d’un racisme fort éloigné de la tendance française et de la mentalité roumaine.Le nationalisme roumain n’est pas raciste. Est Roumain toute personne qui s’identifie avec le destin de notre peuple et le sert avec foi et amour, indifféremment de son origine ethnique. La Garde de fer a eu des légionnaires de toutes les nationalités cohabitantes. Certains d’entre eux sont d’ailleurs devenus des figures de première importance ; beaucoup sont tombés en combattant ou ont souffert une mort de martyr.En ce qui concerne Corneliu Codreanu, son père, le professeur Ion Zelea Codreanu, était roumain pur de Bucovine, établi en Moldavie longtemps avant la Première Guerre mondiale. Du côté de sa mère, d’après certains biographes, il y avait eu dans la famille une lointaine ascendance allemande. C’est sur cette imperceptible goutte de sang « étranger » que des personnes « bienveillantes » ont brodé tout un canevas d’insanités anti-nationalistes.Comme je l’ai déjà dit, dans la Garde de fer ne s’est jamais posé un tel problème, ni racial ni religieux, étant admise la vérité qu’une nation est avant tout une entité spirituelle, bien que formée de plusieurs groupements d’origines diverses et parfois même de races différentes.

Georges Gondinet. – Julius Evola, qui a eu l’occasion de faire la connaissance de Codreanu, voit en lui, dans Le chemin du cinabre, son autobiographie spirituelle, « une des figures les plus dignes et les mieux orientées spirituellement » qu’il ait rencontrées dans les mouvements nationaux de cette époque. Cela pose la question du Christianisme de Codreanu (et, par voie de conséquence, de la Garde de fer). Qu’en pensez-vous ? Et quel rôle attribuer à la vénération de Codreanu pour l’Archange Michel ?

Horia Sima. – Codreanu était un chrétien convaincu, mais la signification de son Christianisme ne se réfère pas à sa personne ; plutôt à l’œuvre politique qu'Il a réalisé. Le Mouvement légionnaire créé par lui est un mouvement à structure

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religieuse et c’est par cela qu’il, se distingue des autres mouvements nationaux contemporains.La base de la philosophie du Mouvement, c’est le Christianisme. Dans ce sens, on peut préciser que Codreanu n’a pas cherché à capter des adhérents, mais à transformer les individus dans le sens chrétien. Toute l’éducation légionnaire part de l’idée de former un « homme nouveau ». Or, l’homme nouveau conçu par le Capitaine n’était autre que l’homme chrétien projeté dans l’aire de la vie politique.Corneliu Codreanu, bien entendu, n’est pas le fondateur d’une nouvelle religion et il ne s’est nullement mêlé aux affaires de l’Église, pour laquelle il montre la plus profonde des vénérations. Il est resté toute sa vie un homme politique, préoccupé par le bien et le salut de sa nation. Pourtant, en dotant le Mouvement d’un substratum religieux, il voulait ennoblir la vie politique, la faire sortir de la jungle des intérêts et des ambitions et l’élever vers un rang spirituel. La politique, la vraie politique, n’est pas un jeu d’intérêts, mais elle doit être subordonnée aux lois divines.Corneliu Codreanu a choisi comme patron du Mouvement l’Archange Michel, parce que son combat céleste contre Lucifer était une voie à suivre pour toutes les nations qui doivent s’élancer dans la défense du Christ lorsque les ennemis de l’Église veulent détruire son œuvre terrestre. L’Archange Michel représentait encore une chose pour le Capitaine : le triomphe final des puissances du Bien sur le Mal.

Georges Gondinet. – La vie de Codreanu, parsemée d’emprisonnements et de souffrances, couronnée par le martyre, ne fait-elle pas irrésistiblement penser à une Imitatio Christi ?

Horia Sima. – On peut parler, dans un certain sens, d’une Imitatio Christi, si l’on se réfère à Codreanu en tant qu’homme, en tant que personne solitaire. Pourtant, la mission de sa vie a dépassé les frontières de son propre salut, en se consacrant au salut de sa nation.Il est extrêmement difficile de se consacrer à la perfection intérieure, en devenant un imitateur du Christ. Cependant, il est infiniment plus dur, délicat et laborieux d’arracher des millions de gens à leur misère et à leur apathie, en leur montrant la voie à suivre pour l’accomplissement de leur destin historique, voie consacrée par Dieu.Les prisons et les souffrances de Codreanu, couronnées par le martyre, sont conséquences de son combat pour notre peuple. Le Capitaine voyait loin et il s’est bien rendu compte que, sans un changement radical de la politique, sans une nouvelle orientation, notre nation allait tomber dans l’esclavage athéo-marxiste. Comme l’Archange Michel, il a lutté contre les forces du Mal qui l’ont persécuté avec acharnement et, finalement, l’ont tué. Ces forces l’ont tué parce qu’elles voyaient en lui l’envoyé du Ciel, une possibilité (par la grandeur spirituelle de son mouvement) pour que la Roumanie – et peut-être l’Europe entière – échappent au piège qu’elles leur préparaient.

Georges Gondinet. – Passons, si vous le voulez bien, à quelques points de l’histoire du Mouvement légionnaire Roumain. À quoi répondait sa fondation ?

Horia Sima. – La fondation du Mouvement légionnaire a répondu à une nécessité historique nationale, et même européenne.Vers 1922, a eu lieu, en Roumanie, un conflit de générations. L’ensemble des

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étudiants de toutes les Universités, dans un moment d’illumination collective, a pris le cap d’une autre voie politique, se forgeant un autre idéal. Une nation ne peut vivre éternellement des rentes du passé ; elle doit, au contraire, se poser en permanence des questions sur son avenir, en se fixant de nouveaux objectifs.Dans ce sens, la nouvelle génération a ainsi fixé son but : « l’idéal qui doit nous guider, ne doit pas être une attitude passive en face des événements, mais la consolidation du patrimoine physique et spirituel de notre nation. La Roumanie peut se perdre sans une politique lucide et vigoureuse sur le plan interne et externe ». Du point de vue européen, le mouvement de résurrection nationale de 1922 a coïncidé avec des phénomènes semblables dans la plupart des pays de notre continent. On a constaté partout une effervescence nationale, provoquée par la crainte de voir l’Europe tomber victime de la révolution bolchevique.Le Mouvement légionnaire a été fondé un peu plus tard, en 1927, mais il continuait et portait à sa plénitude les idéaux de la génération de 1922. D’ailleurs, les fondateurs du Mouvement, Codreanu et Mota en tête, avaient été eux-mêmes les protagonistes de la réaction estudiantine contre le conformisme prêché par l’ancienne génération.

Georges Gondinet. – Que faut-il penser de cette hypothèse selon laquelle l’assassinat de Codreanu aurait pu être suggéré par Hitler au roi Carol II, lors d’une entrevue à Berchtesgaden, afin de « pacifier » la Roumanie ?

Horia Sima. – L’hypothèse est fausse. Bien au contraire, Hitler avait un véritable culte pour Codreanu, qu’il considérait comme « le père du nationalisme européen ». À la rencontre de Berchtesgaden, le roi Carol a soulevé le problème de la Garde de fer pour découvrir quelles étaient les relations du Mouvement avec l’Allemagne nationale-socialiste et si la Garde de fer jouissait d’un quelconque appui du Reich. Hitler, sans se rendre compte des intentions du roi, a répondu que le gouvernement allemand ne s’immisçait pas dans les affaires internes de la Roumanie. Le roi a été fort content de cette réponse, considérant que Hitler lui laissait les mains libres pour procéder comme bon lui plairait envers le Mouvement légionnaire.En réalité, le roi n’a fait que tromper la bonne foi de Hitler qui ne pensait pas, tant s’en faut, à l’imminence du crime. La preuve en est que lorsqu’il a appris l’assassinat du Capitaine, Hitler a eu un accès de furie. Il a donné l’ordre pour que toutes les décorations roumaines reçues par les dignitaires du Reich fussent rendues au gouvernement roumain et les relations diplomatiques entrèrent dans une phase critique.Hitler s’est considéré personnellement offensé par le fait que, à peine quelques jours après l’entretien de Berchtesgaden, Codreanu fût tué comme si le roi Carol II avait eu son approbation à lui. Il ne faut cependant pas oublier qu’avant l’Allemagne, le roi Carol avait visité Londres et Paris. Il n’est pas exclu que, dans l’une de ces capitales, il ait reçu des suggestions pour liquider Codreanu  !

Georges Gondinet. – Comment la Garde de fer a-t-elle pu survivre aux terribles répressions de 1938 ?

Horia Sima. – A cause des mêmes raisons pour lesquelles le Christianisme a pu survivre après les persécutions des premiers siècles. Du sang des martyrs, de nouveaux légionnaires sont nés  ! Mais il faut aussi tenir compte du fait que le Mouvement disposait en 1938 de cadres puissants et de plus de 200 000

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membres actifs. Les pertes ont été terrifiantes, mais nous avions de fortes réserves dont sortirent les nouveaux dirigeants. Avec la victoire du 6 septembre 1940, le nombre des légionnaires encadrés a augmenté sensiblement de sorte que l’avenir était assuré.Le Mouvement légionnaire a été un phénomène collectif de grande profusion. Entre lui et la nation s’était réalisée une interpénétration tellement puissante que la Garde de fer a pu survivre à toutes les persécutions et aux immenses pertes en vies humaines.

Georges Gondinet. – Expliquez-nous la dyarchie qui fut établie avec le général Antonesco et les conflits auxquels elle donna lieu.

Horia Sima. – Il n’a jamais été question d’une dyarchie proprement dite, mais d’une collaboration entre le Mouvement et le « conducator » de l’État, basée sur le fait qu’on avait gagné ensemble la victoire du 6 septembre 1940. Cela n’a pas été une dyarchie, parce que tous les pouvoirs de l’État se trouvaient concentrés entre les mains du général Antonesco. Aucune nomination importante et aucune loi ne pouvaient avoir lieu sans son approbation. Dans le cadre de cette collaboration, nous avions un certain rôle et disposions de certains ministères.Le conflit a commencé au moment où Antonesco a prétendu être proclamé aussi « chef du Mouvement légionnaire ». C’était une chose absurde, étant donné qu’il était étranger au Mouvement et, en aucun cas il n’aurait été accepté par les masses légionnaires. Il voulait imiter Franco, lequel avait cependant la justification d’une guerre civile menée à la victoire.Or, en Roumanie, le général Antonesco était tributaire des sacrifices légionnaires, et pas l’inverse. Sans l’action révolutionnaire du Mouvement, le 3 septembre, le Général ne serait jamais devenu « conducator » de l’État. En voyant qu’il y avait résistance à son projet, il a pensé se débarrasser de nous en utilisant l’armée. Mais, comme il n’était pas très sûr non plus de l’armée, au milieu de laquelle nous jouissions de grandes sympathies, il a mis tout son espoir dans l’armée allemande qui se trouvait en Roumanie, en vertu des conventions signées.Pour capter l’assentiment de Hitler, il a commencé une campagne d’intrigues à Berlin contre la Garde de fer, en la présentant comme un mouvement anarchique et incapable d’une action constructive dans l’État. Le résultat de ces intrigues fut que Hitler, à l’occasion des événements de janvier 1941, passa du côté du Général, en donnant l’ordre à l’armée allemande de Roumanie de l’appuyer pour « le rétablissement de l’ordre »  !Le 21 janvier 1941, Antonesco a perpétré tout simplement un « COUP D’ÉTAT », en s’insurgeant contre l’ordre constitutionnel établi, tandis que les légionnaires n’ont fait que défendre cet ordre. Nous avons cédé seulement au moment où nous avons été mis devant l’ultimatum de Hitler.

Georges Gondinet. – Après le coup d’État du Général Antonesco, le 21 janvier 1941, quel fut le sort des légionnaires réfugiés en Allemagne ? Ont-ils eu ce statut « privilégié » auquel une certaine presse voudrait faire croire ?

Horia Sima. – Dans le traitement que le gouvernement allemand a appliqué aux légionnaires réfugiés en Allemagne, il y a eu deux phases :• 1) Pendant les années 1941-1942, il leur a fixé la résidence forcée dans

certaines localités, et la majorité des légionnaires ont travaillé dans des usines.

• 2) À partir de la fin de 1942, les légionnaires ont été internés dans des camps

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de concentration à Buchenwald, Dachau et Sachsenhausen-Oranienburg.Le « statut de faveur », dont parle une certaine presse, s’est limité au fait que les légionnaires internés vivaient séparés de la masse des détenus, comme des fauves dangereux, dans un camp au milieu du grand camp, entouré d’un double réseau de barbelés, qui les rendait plus prisonniers que les autres.Moi, personnellement, j’ai été interné dans la prison du camp de Sachsenhausen. Je vivais dans une cellule, totalement isolé des autres camarades et du monde extérieur.

Georges Gondinet. – La Roumanie tombe sous la coupe marxiste le 23 août 1944. Vous constituez un Gouvernement National Roumain à Vienne. Rappelez-nous l’itinéraire qui fut le vôtre, au sein du Mouvement, et qui vous conduisit à cette haute responsabilité.

Horia Sima. – Je me trouvais justement dans le camp de Sachsenhausen lorsque la Roumanie a capitulé le 23 août 1944. Le lendemain, 24 août, je fus retiré du camp, transporté à Berlin, et, de là, plus loin, jusqu’à Rastenburg, en Prusse Orientale, où se trouvait le Quartier Général du Führer. J’ai eu un entretien avec Himmler et Ribbentrop, qui ont sollicité ma collaboration. Je n’ai pas vu Hitler.

Georges Gondinet. – Comment expliquer que les légionnaires aient bénéficié d’un « traitement de faveur » de la part des Alliés ?

Horia Sima. – Question de logique et d’équité. Les légionnaires ne pouvaient aucunement être encadrés dans les catégories fixées par les Alliés eux-mêmes et, du coup, on ne pouvait les rendre responsables pour des crimes du temps de la guerre.Nous avions été éliminés du pouvoir en Roumanie avant le déclenchement de la guerre contre la Russie soviétique. La majorité des légionnaires a fait la guerre en tant que simples soldats au front, sans avoir participé à sa responsabilité politique. D’autres, par dizaines de milliers, se trouvaient dans les prisons, tandis que ceux d’Allemagne croupissaient dans les camps de concentration.Nous ne pouvions être accusés non plus de « crimes contre l’humanité », étant nous-mêmes victimes des forces de l’Axe. Le Gouvernement de Vienne n’entrait pas non plus parmi les clauses précises des « punitions ». Les Alliés ont été d’ailleurs fort impressionnés du fait que, pendant la guerre, bien que nationalistes, nous avions été internés dans des camps de concentration. Ils ont fait des enquêtes sur le comportement des légionnaires en exil et, comme suite de ces résultats, la Garde de fer a bénéficié d’un « non lieu » unique dans les annales de la dernière guerre.Étant donné les circonstances tragiques de la Roumanie, le devoir de la Garde de fer était de continuer la lutte. J’ai accepté en principe de former un Gouvernement national qui puisse mobiliser la nation roumaine contre l’invasion soviétique. J’ai rédigé une « Proclamation » pour le Pays, qui a été transmise par radio. J’ai immédiatement commencé l’organisation de la résistance contre l’envahisseur avec les moyens sommaires dont nous disposions.Cependant, l’occupation du pays par les divisions russes s’est déroulée trop vite pour qu’on put arrêter leur invasion sur les Carpates méridionales. N’existant plus un territoire national libre, nous avons constitué le Gouvernement National de Vienne.

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Georges Gondinet. – Que fit le Mouvement légionnaire pour résister à l’occupation soviétique et à la « marxisation » de la Roumanie ?

Horia Sima. – Assez de choses, et significatives dans les conditions et les circonstances d’alorsNous avons formé une armée nationale, qui a combattu sur le front de l’Oder, pendant les derniers mois de la guerre.Nous avons parachuté en Roumanie plus d’une centaine de légionnaires instruits dans des écoles spéciales. Ces équipes de légionnaires ont posé les bases du mouvement de résistance contre l’occupation soviétique, à partir de l’automne 1944 dans une période où les vieux partis – responsables de l’acte du 23 août – collaboraient avec les communistes, sans se rendre compte de la tragédie qui allait suivre.Nous avons donc été les premiers à prendre les armes pour combattre les bolcheviques et leurs outils inconscients. Nous avons étéde même les derniers à quitter cette lutte en 1956, après la révolte magyare, en constatant que les Alliés occidentaux toléraient que les divisions soviétiques écrasent l’aspiration de liberté de ce peuple. Il était clair que les Alliés occidentaux appliquaient ad litteram les accords de Yalta, sur la base desquels l’Europe a été divisée en sphères d’influence. Il n’y avait plus de sens pour un mouvement de résistance en Roumanie…

Georges Gondinet. – Pour les survivants, ce fut l’exil. Quels pays ont accueilli les réfugiés politiques roumains ?

Horia Sima. – Il faut reconnaître que le premier pays qui nous a accordé l'asile poli Tique, dès 1945, même en sachant que nous étions des légionnaires, a été la France. Nous avons été traités généreusement par les autorités, même lorsqu’il y avait au pouvoir un gouvernement socialiste.Plus tard, vers 1949, les portes de l’Espagne franquiste se sont ouvertes aussi. Au-delà de l’océan, le seul pays qui nous ait offert l’asile a été l’Argentine de Péron. Les États-Unis refusaient toujours de recevoir les légionnaires, vu qu’ils auraient appartenu à un parti « totalitaire ». Motivation absurde, car notre court passage au gouvernement ne peut être placé dans la catégorie des « totalitarismes ». Il n’y a eu qu’une collaboration avec un régime militaire autoritaire. On ne doit pas confondre les régimes autoritaires ou militaires avec les régimes totalitaires. Plus tard fut levée cette interdiction et, après, un nombre important de légionnaires se sont établis aux Etats-Unis et au Canada.

Georges Gondinet. – En 1977, vous avez célébré le semi-centenaire du Mouvement légionnaire. Était-ce une commémoration reposant sur le simple souvenir ou l’expression d’une organisation bien vivante, toujours active, décidée à poursuivre le combat même dans des conditions défavorables ?

Horia Sima. – La commémoration du semi-centenaire a été premièrement un acte de piété et de reconnaissance envers le Capitaine et les autres fondateurs du Mouvement. Mais, en même temps, une promesse et un serment pour continuer leur lutte, même dans les circonstances défavorables au milieu desquelles nous nous trouvons, le pays sous la terreur communiste et les légionnaires libres éparpillés partout dans le monde.Sans doute, le combat d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier.

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Après la tragédie de la révolte hongroise, nous avons compris que n’était plus possible une opposition frontale contre le régime communiste. À partir de cet instant-là nous nous sommes abstenus de toute intervention directe et nous avons concentré nos efforts dans les domaines politique et de la propagande. Ainsi, nous continuons le combat qui nous semble essentiel, pour le salut de notre nation et du monde entier.

Georges Gondinet. – Le peuple roumain reste-t-il ouvert à l’action de la Garde de fer ?

Horia Sima. – Difficile à dire. La terreur qui règne en Roumanie depuis l’avènement du régime communiste, enlève aux gens toute velléité de se manifester ouvertement. Pour ne pas mettre en danger la population nous avons renoncé à toute intervention directe. Dans les conditions existantes, tout mouvement de résistance active est condamné à l’échec.Il y a encore, certainement, des légionnaires qui maintiennent le feu sacré de la doctrine et leurs efforts isolés peuvent avoir certaines influences sur les nouvelles générations. Nous en avons la preuve par nombre de réfugiés récents qui, en arrivant dans l’Occident libre, nous cherchent et s’affilient aux organisations légionnaires des pays où ils se fixent.Malheureusement, pour la plupart des gens, le contact avec la Garde de fer n’est qu’un rêve. Les nouvelles générations sont farouchement surveillées et ce qu’elles savent au sujet du Mouvement légionnaire, c’est ce qu’on leur a inculqué à l'école, ou ce qu’ils ont lu dans les livres d’histoire édités par le régime : c’est-à-dire uniquement des mensonges ou des infamies à l’adresse de la Garde de fer. Ce qui ne les empêche pas de vouloir connaître ce mouvement dont le régime a tellement peur, tout en le déclarant « inexistant ». La pensée qui les anime est la suivante : « Si le régime communiste accuse la Garde de fer de tant de défauts, infamies, traîtrises, crimes et ignominies, c’est que la réalité était rigoureusement contraire ».

Georges Gondinet. – Venons-en à quelques éléments de doctrine et d’action. En quels termes concevez-vous, aujourd’hui, la « question juive » que voulait résoudre la Garde de fer ?

Horia Sima. – Tout d’abord, il faut préciser que, dans la question juive, le Mouvement légionnaire n’a jamais adopté un point de vue racial ou religieux, comme ce fut le cas du National-socialisme ou d’autres mouvements politiques. Notre « antisemitisme », ou, plus exactement, notre « anti-judaïsme » a eu des origines économiques et sociales. Les Juifs avaient accaparé dans des proportions effroyables les richesses du pays (presque 70 %), de telle manière que les couches sociales moyennes et prolétaires vivaient dans une situation matérielle voisine de la misère. Les seuls bénéficiaires étaient les Juifs et les hommes des partis qui couvraient les spéculations des premiers. La situation tendait vers une domination totale de la nation par la minorité judaïque. Aujourd’hui, la question se pose dans des termes différents. Le nombre de la population juive a sensiblement diminué en Roumanie, la plupart s’étant repliés en Israël, en Amérique Latine ou aux États-Unis. Ceux qui sont restés ne constituent plus une menace virulente comme jadis, Donc, le problème juif n’aura plus une acuité permanente pour le développement futur de notre pays.

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Georges Gondinet. – En quoi la Garde de fer se différencie-t-elle du fascisme italien et du national-socialisme allemand ?

Horia Sima. – À cette question, le fondateur du Mouvement a répondu en des termes pertinents, dans un entretien qu’il a eu avec Julius Evola, à Bucarest, en 1937.Le Fascisme, disait-il, exalte la valeur de l’État, celle de l’enveloppe extérieure d’une nation. Il le comparait à un vêtement.Le National-socialisme met de côté cette enveloppe, ce vêtement, et s’intéresse au corps de la nation. Il exalte la race, la composante biologique de la nation.Le Mouvement légionnaire pénètre plus à fond, s’intéressant à l’âme de la nation. Il exalte l’éthos spirituel d’un peuple. Rien ne peut être ajouté à la caractérisation des trois mouvements formulée par Corneliu Codreanu.

Georges Gondinet. – Vous avez mis en parallèle la Phalange espagnole et le Mouvement légionnaire. Qu’est-ce qui, selon vous, justifie ce parallèle ?

Horia Sima. – J’ai publié, en 1959, un livre en espagnol, Dos Movimientos Nacionales, dans lequel j’ai analysé la doctrine des deux mouvements. J’ai découvert de grandes ressemblances, d’autant plus surprenantes qu’ils ont pris naissance indépendamment l’un de l’autre.José Antonio et Corneliu Codreanu ont la même conception sur l’individu et sur la nation. L’homme est porteur des valeurs éternelles, dit José Antonio, tandis que la nation a un destin propre, une mission à remplir dans l’universalité. Ce qui correspond à la formule « individu – nation – Dieu » de Codreanu, expression synthétique de sa philosophie.

Georges Gondinet. – A l’heure où le cosmopolitisme se livre au déracinement de tous les peuples, où tout grave problème a un retentissement international, ne croyez-vous pas qu’un effort devrait être fait pour dépasser le nationalisme dans un authentique universalisme traditionnel ?

Horia Sima. – Le nationalisme ne doit d’aucune manière être abandonné, ainsi que le propose le « cosmopolitisme » et moins encore dépassé, pour qu’on arrive à une fraternité universelle.Le nationalisme est la sève dont se nourrissent toutes les nations. En l’éliminant, c’est comme si l’on arrachait leurs racines. À ce stade, les nations se décomposent et périssent.Au contraire, les valeurs nationales doivent être approfondies, cultivées au maximum et purifiées des ingrédients qui ne leur appartiennent pas. Avant tout, doivent être expulsés, de sa sphère, le. chauvinisme et l’impérialisme. _Alors, toutes les nations vivront en paix et on pourrait atteindre un « universalisme traditionnel » ou, pour mieux dire, « chrétien ». C’est le Christianisme qui garantit la convergence spirituelle de toutes les nations, par le fait qu’il proclame les nations créations divines, dont chacune a une mission à remplir dans l’histoire.

Georges Gondinet. – On parle beaucoup d’un « homme nouveau » dans la doctrine légionnaire. Que recouvre cette expression ?

Horia Sima. – Corneliu Codreanu disait qu’avant tout, le Mouvement légionnaire

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est une œuvre éducative, une grande école spirituelle, où « si d’un côté entre un homme, de l’autre côté doit sortir un héros ». La transformation qu’un individu subit dans l’école légionnaire, c’est l’apparition d’un « homme nouveau ». Un individu amorphe, apathique, insensible aux souffrances de sa nation, orienté exclusivement vers la satisfaction de ses égoïsmes, devient – après son passage au milieu de la vie légionnaire – un autre individu, désintéressé, qui voit l’accomplissement de sa vie dans son sacrifice pour la nation.Selon nous, à travers l’école légionnaire, l’individu s’encadre dans l’ordre naturel de la création. L’individu dans le cadre de la nation et les nations dans le cadre et sous l’obéissance des lois divines. Ce retour de l’individu vers le monde des valeurs éternelles, est le sens profond de « l’Homme Nouveau » légionnaire.

Georges Gondinet. – Au lendemain de la guerre, dans un livre publié en français en 1951, Destinée du Nationalisme, vous affirmiez que le destin du nationalisme « se confond avec le destin des Démocraties ». Est-ce toujours votre conviction ?

Horia Sima. – Il ne faut pas confondre la portée des mots. Il n’y a pas une incompatibilité radicale entre les termes lorsqu’il y a application stricte et honnête de leur étendue doctrinale. Tout le malentendu tient au fait que les « démocrates », n’appliquent pas comme il se doit les principes de la « démocratie ». Un écrivain politique roumain, Aurel Popovici, a mis, dans un livre publié en 1910, l’alternative Nationalisme ou Démocratie. D’après lui, il existerait une incompatibilité organique et insurpassable entre le nationalisme et le système démocratique de gouvernement. À moi, il me semble que ces deux termes peuvent coexister (ce que je soutenais d’ailleurs dans le livre cité), mais il faut bien délimiter la sphère des deux notions. Le Nationalisme n’est pas une valeur de nature passagère. Il est la manifestation du spécifique d’une nation, de son éthos national. Il est une constante, la réalisation historique d’une nation. C’est pourquoi, même lorsqu’il n’est pas affiché expressément ou lorsqu’il est répudié en tant que doctrine, il continue à produire ses effets.La Démocratie est plutôt une technique politique, destinée à découvrir les courants d’opinion dans le sein d’une nation. Son rôle se réduit au problème des élections, au moment électoral car après cet événement, ne gouverne nullement la « démocratie », mais le ou les partis sortis vainqueurs des urnes. Le nationalisme ne voit aucun inconvénient à s’exprimer sous forme démocratique, car il ne craint pas les urnes. C’est ce qui le confond avec le destin des démocraties. Mais, pas plus  ! Le Mouvement légionnaire s’est déclaré dès le début respectueux de la Constitution et pour la conquête du pouvoir par les voies légales. En quoi il se montrait plus démocrate que les partis dits « démocratiques ». Parce que ceux-ci ont continuellement violé leur propre système, gouvernant avec des méthodes dictatoriales. C’est pourquoi je vous affirmais plus haut qu’il faut bien distinguer la portée des termes.

Georges Gondinet. – Puisque l’anticommunisme demeure l’orientation prioritaire de l’action légionnaire dans le monde moderne, comment le concevez-vous sur un plan pratique ?

Horia Sima. – En ce moment précis, étant donné les circonstances internationales, nous ne pouvons faire autre chose que donner l’alarme au sujet du péril communiste par des mémoires, articles livres et d’autres manifestations

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significatives. Ce qu’il faut surtout faire, c’est ouvrir les yeux de l’opinion politique occidentale sur le danger qui menace l’humanité entière et sur l’erreur immense qu’on a commise en abandonnant à l’esclavage communiste l’Europe Orientale. Il faut faire comprendre aux Occidentaux, par tous les moyens, qu’ils constituent la proie future du Moloch rouge, lequel, une fois sûr d’avoir définitivement crucifié sa première prise, s’attaquera aussi au reste de l’Europe. Il faut surtout leur faire comprendre que leur salut ne passe pas par des arrangements diplomatiques, mais par une mobilisation vigilante et prête aux sacrifices.Nous remplissons déjà cette tâche, à notre échelle, mais elle devrait revenir en grand aux forces patriotiques et nationalistes des pays occidentaux.

Georges Gondinet. – L’Europe, gravement atteinte par la décadence, risque de céder un jour ou l’autre au poids de l’impérialisme soviétique. Étant donné que la phase de simple défense anticommuniste paraît dépassée, qu’il faut imaginer le pire (invasion de l’Armée rouge) et réfléchir d’ores et déjà aux moyens de résistance, comment envisagez-vous la lutte contre le communisme dans un contexte d’occupation militaire ?

Horia Sima. – La question nous dépasse. Il ne faut pas oublier que les légionnaires sont des réfugiés politiques, aimablement tolérés par les différents pays qui les ont acceptés. La résistance contre une invasion soviétique regarde premièrement les citoyens des pays en cause.Sans doute, de fortes convulsions éclateront au début dans ces pays, sous l’aiguillon d’une prise générale de conscience. Mais si l’invasion se prolonge au-delà d’un certain laps de temps, ne doutons pas que tous les pays encore libres aujourd’hui seront obligés de se soumettre au joug soviétique.Pour que l’Europe Occidentale n’arrive pas dans cette situation effroyable, une seule recette valable : il faut empêcher cette invasion par le renforcement du Pacte Atlantique et de la solidarité envers les États-Unis. Car si les tanks soviétiques arrivent à Brest… « lasciate ogni speranza… »1

Georges Gondinet. – Quelle importance accordez-vous à la pensée chrétienne dans ce qu’il faut appeler la lutte contre les forces du Mal ?

Horia Sima. – Au lieu de « pensée chrétienne » je dirais le rôle de la chrétienté dans la lutte contre les forces du Mal. Le communisme n’est pas une invasion des barbares. Ce n’est pas un impérialisme de style classique. Ni même l’expression d’une révolte sociale, ainsi que l’affirme sa doctrine. C’est la projection historique des forces du Mal. Pour la première fois, Lucifer est parvenu à dominer une partie de la terre, en se créant un État « conformément à son image ». La haine avec laquelle le communisme poursuit la déchristianisation des nations ne peut avoir une autre explication. Or, que constatons-nous ? Pour la première fois dans l’histoire, la société chrétienne – tellement vigilante pendant les siècles passés – ne reconnaît pas son véritable ennemi. C’est la même société qui, jadis, a constitué une digue contre les invasions barbares et a refoulé l’expansion arabe et turque. Quoique disposant des moyens pour affronter le communisme, les États chrétiens de l’Occident préfèrent le compromis avec l’athéo-marxisme, sans se rendre compte que, de cette manière lâche, ils condamnent à l’extermination l’Église du Christ au-delà du Rideau de Fer. Nous assistons à un processus de déchristianisation de l’Occident qui aura des

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conséquences néfastes pour sa propre existence. Ils se trompent cruellement, les chrétiens qui croient qu’en abandonnant à leur misérable sort les chrétiens de l’Est, ils ont apaisé le monstre bolchevique. Leur tour viendra pour endurer le même sort. Leur politique – dite « réaliste » – ne constitue nullement une garantie et moins encore un bouclier pour leur propre sécurité. Au contraire, ce n’est qu’une étape sur le chemin de leur propre destruction. Le salut n’est possible que par une renaissance fulgurante de la conscience chrétienne du monde occidental. Sera-t-elle réalisable ??

Georges Gondinet. – Dans quelle mesure la doctrine légionnaire a-t-elle encore un rôle à jouer dans le monde de l’informatique, des missiles inter-continentaux, des banques et des enfants conçus en éprouvette ?

Horia Sima. – Ce problème ne se pose pas uniquement pour la doctrine légionnaire, mais pour toute espèce ou forme de nationalisme. De plus, comme le nationalisme est la forme vivante des nations, la manifestation de leur propre existence dans l’histoire, le problème se pose en une égale mesure pour tous les peuples : les nations et les doctrines nationalistes pourront-elles encore exister dans le nouveau cycle où s’engage l’humanité, dominée par ces découvertes scientifiques ? En dehors du cas où le communisme dominerait le globe entier, les nations continueront à affirmer leur credo et leur personnalité, chacune essayant d’entrer en compétition pacifique avec les autres. Dans un monde de technique avancée il n’y aura plus place pour des guerres dévastatrices. Il y aura probablement un retour vers la paix bienfaisante.La doctrine chrétienne dispose de tous les éléments pour opérer sur le plan de la pensée une conversion spirituelle des nations, en les déterminant à une coopération loyale dans l’intérêt de tous.

Georges Gondinet. – Quel message adresseriez-vous aux jeunes qui refusent l’Europe de Yalta et qui rejettent toute vision matérialiste du monde ?

Horia Sima. – Les nouvelles générations risquent de perdre définitivement leur liberté et de devenir les esclaves de l’impérialisme mondial du communisme, si elles ne retournent pas aux vérités essentielles de la vie, qui sont : l’idée nationale et l’idée chrétienne. On ne peut être libre et jouir des droits naturels de l’homme dans une nation d’esclaves.Le devoir de chacun, jeune ou vieux, est, en ce moment, non seulement de s’opposer à la menace de l’Est, mais de faire tout ce qui est possible pour gagner la bataille contre le communisme.Dans un proche avenir : ou s’écroule le monde libre, ou cesse d’exister l’empire du Mal  !TERTIUM NON DATUM EST  !2

Propos recueillis par Georges GONDINET, avec le précieux concours de Faust BRADESCO.