François Villon - Oeuvres complètes

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Project Gutenberg's Oeuvres compltes de Franois

    Villon, by Franois Villon

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    Title: Oeuvres compltes de Franois Villon

    Suivies d'un choix des posies de ses disciples

    Author: Franois Villon

    Release Date: May 3, 2004 [EBook #12246]

    Language: French

    Character set encoding: ISO-8859-1

    *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DEFRANCOIS VILLON ***

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    OEUVRES COMPLTES

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    DE

    FRANOIS VILLON

    SUIVIES D'UN CHOIX DES POSIES DE SES DISCIPLESDITION PRPARE PAR LA MONNOYE

    MISE AU JOUR, AVEC NOTES ET GLOSSAIRE PAR M.PIERRE JANNET

    PRFACE

    On ne sait gure de la vie de Franois Villon que ce qu'il en dit lui-mme, et l'on ensait trop. J'aurais voulu me dispenser de dcrire, aprs tant d'autres1, cette existencepeu difiante, mais je n'ai pas cru pouvoir le faire. Le sujet des posies de Villon,c'est Villon lui-mme, et sa biographie est la clef de ses oeuvres.

    Note 1:(retour) Voir notamment la Vie de Franois Villon, par Guillaume Colletet,en tte des oeuvres de Villon, dition de M.P.L. Jacob, bibliophile (M. PaulLacroix), Paris, 1854, in-16;leMmoire de M. Prompsault, en tte de son ditionde Villon, Paris, 1832, in-8;Franois Villon, Versuch einer kritischen Darstellungseines Lebens nach seinen Gedichten, von Dr. S. Nagel.Mulheim an der Ruhr,1856, in-4, le travail le plus complet et le plus judicieux qu'on et fait jusqu'alorssur ce sujet, et la base de ceux qu'on a faits depuis;Franois Villon, sa vie et sesoeuvres, par Antoine Campeaux, Paris, Durand, 1859, in-8, et la notice de M.Anatole de Montaiglon, excellente pour le fond comme pour la forme, dans lesPotes Franais, recueil publi sous la direction de M. Eugne Crpet, Paris, 1861-62, 4 vol. gr. in-8, t. I, p. 447-455.

    Franois Villon naquit Paris en 1431. Sur la foi d'une pice que Fauchet, dans sontrait de l'Origine des chevaliers, imprim en 1599, dit avoir trouve dans unmanuscrit de sa bibliothque 2, on a mis en doute le lieu de la naissance et jusqu'aunom du pote. On s'est livr des conjectures ingnieuses pour concilier lesrenseignements fournis par lui-mme avec les indications de Fauchet, pourexpliquer comment il pouvait s'appeler la fois Corbueil et Villon, tre la foisnatif d'Auvers et de Paris. Pour moi, je crois, avec le P. Du Cerceau, Daunou etbeaucoup d'autres, qu'on ne doit tenir aucun compte de ce huitain, amplificationmaladroite de l'pitaphe en quatre vers 3. Ce n'est pas sur une pareille autorit qu'onpeut substituer le nom de Corbueil celui de Villon, que notre pote se donne lui-mme en vingt endroits de ses oeuvres 4.

    V

    VI

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    Note 2:(retour) Voici cette pice, que j'ai cru devoir rejeter des oeuvres de Villon:

    Je suis Franoys, dont ce me poise,Nomm Corbueil en mon surnom,Natif d'Auvers emprs Pontoise,Et du commun nomm Villon.Or, d'une corde d'une toiseSauroit mon col que mon cul poise,

    Se ne fut un joli appel.Le jeu ne me sembloit point bel.

    L'auteur de ce huitain n'a pas compris l'intention comique de ce vers de Villon:

    N de Paris emprs Pontoise;

    C'est pourquoi il le fait gravement natre Auvers, qui est en effet prs de Pontoise.Mais une preuve certaine de la composition tardive de cette pice, c'est qu'on netrouverait probablement pas dans la seconde moiti du XVe sicle, et certainementpas dans les oeuvres de Villon, un huitain dont les rimes soient distribues commedans celui-l. Dans tous les huitains de Villon, sans exception, le premier vers rimeavec le troisime, le second avec le quatrime, le cinquime et le septime, et lesixime avec le huitime. Les faussaires ne pensent jamais tout.

    Note 3:(retour) Voy. p. 101.

    Note 4:(retour) Voy. le Glossaire-Index, au mot VILLON.

    Les parents de Villon taient pauvres5. Sa mre tait illettre6; son pre taitvraisemblablement un homme de mtier, et peut-tre, ainsi que l'a conjectur M.Campeaux, un ouvrier en cuir, un cordouennier7.

    Note 5:(retour) V. p. 31, huitain XXXV.

    Note 6:(retour) Oncques lettre ne leuz. P. 55, v. 22.

    Note 7:(retour) VoyezNotes

    Pouss par le dsir de s'lever au-dessus de la triste condition de ses parents, ouplutt par ce besoin de savoir qui tourmente les natures comme la sienne, Villontudia. Il connut les misres de l'tat d'colier pauvre. On n'a pas de renseignementscertains sur le genre d'tudes auquel il se livra ni sur les progrs qu'il y fit. M. Nagelsuppose qu'il obtint le grade de matre s arts, et se fonde surtout sur le legs qu'il faitplus tard, de sa nomination qu'il a de l'Universit (p. 15). Mais ce legs pourraitbien n'tre qu'une plaisanterie, comme tant d'autres. Ce qu'il y a de certain, c'est

    qu'il n'obtint pas le grade de matre en thologie, but suprme des tudes du temps8.

    Note 8:(retour) Voy. Grand Testament, huitains XXXVII (p. 32) et LXXII (p. 52.)

    VII

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    Quoy que je luy voulsisse dire,Elle estoit preste d'escouter, etc. (P. 47.)

    Note 13:(retour)

    ... qui partout m'appelleL'amant remys et reni. (P. 48.)

    Note 14:(retour) Voir notamment les huitains CVI CX du Grand Testament.

    Note 15:(retour)

    Quant chicanner me feit Denise,Disant que je l'avoye mauldite. P. 69.

    Note 16:(retour) La sentence fut excute. LaDouble ballade de la page 45 nelaisse aucun doute cet gard:

    J'en fus batu, comme ru telles,Tout nud... (P. 46, v. 24-25.)

    C'est la suite de cette sentence que Villon, dcid quitter Paris, composa lesLays ou legs auxquels on a donn depuis le titre de Petit Testament.

    Dans le huitain VI, page 9, il annonce qu'il s'en va Angers. Il est probable qu'il nefit pas ce voyage. Ses habitudes, ses relations, sa misre, le retinrent Paris ou auxenvirons. C'tait en 1456. Fltri par le chtiment qu'il avait subi, aigri parl'infortune, il ne connut plus de bornes. L'anne qui suivit sa condamnation futassurment l'poque la plus honteuse de sa vie. En 1457, il tait dans les prisons duChtelet, et le Parlement, aprs lui avoir fait appliquer la question de l'eau17, lecondamnait mort. On ignore le motif de cette condamnation; on a suppos qu'ils'agissait d'un crime commis Rueil par lui et plusieurs de ses compagnons, dontquelques-uns furent pendus18. Cette supposition parat fonde. Quant au crimecommis, il n'tait peut-tre pas d'une extrme gravit. Les lois taient svres, et les

    compagnons de Villon devaient avoir, comme lui, des antcdents fcheux.

    Note 17:(retour) C'est ce qu'indiquent clairement ces deux vers de la page 104:

    On ne m'eust, parmi ce drapel,Faict boyre celle escorcherie.

    Note 18:(retour) Voy. laBelle leon aux enfans perduz, p. 86, et leJargon, p. 125.

    Quoi qu'il en soit, Villon ne partagea pas leur sort. Il est vrai qu'il ne ngligea rienpour se tirer d'affaire: il appela de la sentence, ce qui lui valut quelque rpit; puis,du moins ceci parat certain, l'occasion de la naissance d'une princesse qu'ilappelle Marie, il implora la protection du pre de cette princesse. Cette dmarche

    X

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    lui russit: le prince intercda pour lui, et le Parlement commua sa peine en celle dubannissement. Villon se montra pntr de reconnaissance. Il adressa une requte auParlement, pour lui rendre grces autant que pour lui demander un dlai de trois

    jours pour quitter Paris, et il composa pour la princesse qui venait de natre des verspleins de sentiment. M. Prompsault a cru que cette princesse tait Marie deBourgogne, fille de Charles le Tmraire, ne le 13 fvrier 1457; mais c'tait uneerreur. M. Auguste Vitu, qui prpare depuis nombre d'annes une dition de Villon,

    a reconnu qu'il s'agissait de Marie d'Orlans, fille du pote Charles d'Orlans, ne le19 dcembre 1457, et M. Campeaux a clairement dmontr que cette opinion taitfonde.

    A partir du moment o Villon quitte Paris, en excution de l'arrt du Parlement,nous perdons sa trace jusqu'en 1461. A cette poque nous le trouvons dans lesprisons de Meung-sur-Loire, o le dtient Thibault d'Aussigny, vque d'Orlans.Quel nouveau mfait lui reprochait-on? Ceux qui supposent qu'il avait fabriqu dela fausse monnaie n'ont pas pris garde que la punition de ce crime taitexclusivement du ressort des juges sculiers. Dans leDbat du coeur et du corps deVillon, compos dans sa prison, le pote attribue sa dtention safolle plaisance.

    Ce qu'on lui reprochait, c'tait peut-tre quelque propos ou quelque crit peuorthodoxe, quelqueplaisanterie sentant le sacrilge, quelque aventure galante partrop scandaleuse, toutes choses dont il tait bien capable et dont la rpressionregardait la justice ecclsiastique. Il y a lieu de croire que le dlit n'tait pas enrapport avec la punition, car Villon, qui n'a jamais protest contre sa condamnation

    au fouet, qui se contente d'indiquer vaguement que le Parlement l'avait jugparfausserie, fit preuve de la plus violente rancune contre Thibault d'Aussigny. Il paratmme certain que cette mauvaise affaire ne lui fit pas perdre la faveur de sesprotecteurs, Charles d'Orlans et le duc de Bourbon.

    Quoi qu'il en soit, Villon languit longtemps dans la prison de Meung, plong dansun cul de basse-fosse, nourri au pain et l'eau. Rien n'indique qu'une sentencequelconque ait t rendue contre lui mais le traitement qu'on lui faisait subir devaitle conduire lentement une mort certaine. Heureusement Louis XI, qui venait de

    succder Charles VII, alla Meung dans l'automne de 1461, et Villon lui dut sadlivrance. Fut-ce, ainsi que le dit M. Campeaux, par suite du don de joyeuxavnement qui remettait leur peine tous les prisonniers d'une ville o le roi entraitaprs son sacre? Je serais plutt port croire, malgr l'absence de preuves, queVillon fut personnellement l'objet d'une mesure de clmence de la part du roi; lafaon dont il en tmoigne sa reconnaissance me parat justifier cette supposition 19.

    Note 19:(retour) On a dit rcemment que le roi qui dlivra Villon tait Charles VII.Je ne puis adopter cette opinion. Sans examiner ici la valeur du document sur lequel

    elle est base, je me bornerai faire remarquer que Charles VII mourut Mehun-sur-Yvre, prs de Bourges, le 22 juillet 1461, prcisment au moment o Villontait dans la prison de Meung-sur-Loire, prs d'Orlans, o il passa tout un t(p.21, v. 14), c'est--dire tout l't de la mme anne 1461.

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    En sortant des prisons de Meung, Villon composa, du moins en partie, le GrandTestament, dans lequel sont intercales des pices qui se rapportent diversespoques de sa vie, et dont quelques-unes ont d tre composes beaucoup plus tard.

    Il est probable, en effet, que Villon vcut encore longtemps; mais on ne sait rien deprcis cet gard. Les conjectures sur lesquelles on se fonde pour placer la date de

    sa mort entre 1480 et 1489 ne sont, en dfinitive, que des conjectures. Quant auxvoyages qu'on lui fait faire Saint-Omer, Lille, Douai, Salins, Angers, Saint-Genoux, et jusque dans le Roussillon, rien ne prouve qu'ils ont eu lieu. Villonnomme ces localits dans ses oeuvres, il est vrai, mais nulle part il ne dit qu'il les avisites. Son voyage Bruxelles, son sjour en Angleterre, avec la rponse hardiequ'il aurait faite au roi Edouard V, ne me semblent pas beaucoup plus certains,malgr mon respect pour celui qui s'en est fait l'historien 20. Ce qui me semble horsde doute, c'est sa retraite dans le centre de la France, o semblait l'attirer quelquechose qui nous est inconnu, peut-tre quelque relation de famille. Dans le Petit

    Testament, il annonce qu'il va Angers21; il en revenait peut-tre lorsqu'il fut arrt Meung. Dans le Grand Testament, il dit qu'il parle un peu poictevin 22. La

    Ballade Villon (p. 109) et laDouble ballade (p. 107) prouvent qu'il sjournaquelque temps Blois, la cour de Charles d'Orlans, et le vers de la page 111:

    Que fais-je plus? Quoi? Les gaiges ravoir.

    autorise penser qu'il avait obtenu auprs du prince une de ces charges qu'on

    donnait aux potes de cour. Ainsi, par leDit de la naissance Marie, Villon n'avaitpas seulement chapp au dernier supplice; il s'tait de plus acquis la faveur deCharles d'Orlans, et il sut la conserver, du moins pendant quelque temps, et peut-tre jusqu' la mort du duc, arrive en 1465.

    Note 20:(retour) Rabelais, livre IV, chap. LXVII. M. Nagel a relev deux erreursdans ce passage de Rabelais. Villon n'aurait pu se trouver la cour d'Edouard V, quine monta sur le trne qu'en 1483, et le mdecin Thomas Linacre, n vers 1460, nefut clbre que sous les rgnes de Henri VII et de Henri VIII.

    Note 21:(retour) Page 9. Le Franc archer de Bagnolet dit, p. 157, v. 12: Mamre fut ne d'Anjou; mais cela ne prouverait rien, mme quand il serait dmontrque ce monologue est de Villon.

    Note 22:(retour)Page 62.

    Il eut un autre protecteur en la personne du duc de Bourbon, qui lui faisait degracieux prts 23.

    Enfin, Rabelais, livre IV, chapitre XIII, nous apprend que maistre Franois Villon,sus ses vieux jours, se retira Saint-Maixent en Poictou, sous la faveur d'un hommede bien, abb dudit lieu. L, pour donner passe-temps au peuple, entreprit faire

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    jouer la Passion en gestes et langage poictevin 24. Ce tmoignage n'est pasirrcusable; mais pourquoi ne pas l'accepter? Aprs une vie aussi agite, on aime se reprsenter le pauvre pote enfin tranquille, l'abri du besoin, s'occupant, pourson plaisir, de jeux dramatiques, auxquels il avait d probablement, dans d'autrestemps, demander son pain 25.

    Note 23:(retour)P. 115, v. 6.

    Note 24:(retour)oeuvres de Rabelais, dition Burgaud des Marets et Ratnery, t. II,p. 92. On voit ensuite un tour jou au sacristain des cordeliers, Estienne Tapecoue,qui sent bien son Villon, mais dont le dnoment cruel a pu tre invent parRabelais, qui n'aimait pas les moines.

    Note 25:(retour) On croit que Villon donna des reprsentations dramatiques Pariset ailleurs, et c'est comme directeur de troupe qu'on lui fait parcourir une partie de laFrance et des Pays-Bas.

    En pntrant dans les mystres de cette existence misrable, on est frapp de deuxchoses: D'abord, on remarque qu'elle n'exera pas sur le coeur de Villon toutel'action corruptrice qu'il y avait lieu de redouter. Au milieu de son abjection, Villonconserve des sentiments levs. Il est plein d'amour et de respect pour sa mre 26,de reconnaissance pour quiconque l'a secouru 27, de vnration pour ceux qui ontfait de grandes choses; il aime son pays, chose d'autant plus honorable qu'elle taitrare en ce temps-l 28; il regrette les erreurs de sa jeunesse, et le temps qu'il a si malemploy 29; voil qui doit lui faire pardonner bien des choses.

    Note 26:(retour) Voy. p. 32, huit. XXXVIII; p. 54, huit. LXXIX; p. 55, Ballade.

    Note 27:(retour) Guillaume Villon, p. 9,53; Jean Cotard, p. 22,58; Louis XI, p.23,24; le Parlement, P. 103; Marie d'Orlans, p. 105,107; le duc de Bourbon, p.114.

    Note 28:(retour) Ces deux vers de la page 34:

    Et Jehanne, la bonne Lorraine,Qu'Anglois brulrent Rouen,

    lui font d'autant plus d'honneur qu' l'poque o il les crivit des gens clairsregardaient Jeanne d'Arc comme sorcire, et les Anglais avaient en France denombreux partisans.

    Note 29:(retour)Grand Testament, huitain XXVI et suiv.

    Puis, quelle influence n'eut-elle pas sur le talent du pote30! Form, comme on ditaujourd'hui, l'cole du malheur, il vit les choses sous leur vrai jour, et il entra dansune voie tout fait nouvelle. Il rompit en visire l'Allgorie, qui rgnait alors ensouveraine, toutes les affteries de la posie rhtoricienne cultive par les beaux

    XIV

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    esprits du temps. Il fut le premier pote raliste. Que l'on compare avec ses autresoeuvres les quelques pices qu'il a composes selon la potique de sescontemporains, laBallade Villon (p. 109), laRequeste au Parlement(p. 103), etd'autres, et l'on ne sera point tent de regretter, avec Clment Marot, qu'il n'ait past nourry en la court des rois et princes, o les jugemens s'amendent et leslangaiges se pollissent, car il y et certainement plus perdu que gagn.

    Note 30:(retour)

    Travail mes lubres sentemens,Esguisez comme une pelote,M'ouvrist plus que tous les CommensD'Averroys sur Aristote. (P. 25.)

    M. A. de Montaiglon a parfaitement caractris le rle de Villon dans la posiefranaise. Je ne puis mieux faire que de lui emprunter ces quelques lignes:

    ... Au moment o parut Villon, la littrature franaise en tait prcisment cettepriode de transformation; de la posie gnrale elle passait la posie personnelle;ses contemporains, subissant leur insu cette phase littraire, s'essayaient l'individualit avec plus d'effort que de bonheur; Villon l'atteignit du premier coup.Sa force est l, et sa valeur s'augmente de l'intrt que, sous ce rapport, offraient sesoeuvres. Elle est tellement saisissante qu'elle a t reconnue de tous, et le succs quil'accueillit ne s'arrta pas. Franois Ier lui fit l'honneur dfaire faire une dition deses posies par Clment Marot, qui le combla de ses louanges. Un peu plus tard, il

    est vrai, l'cole de Ronsard protesta. Pasquier condamne Villon, et Du Verdiers'merveille que Marot ait os louer un si goffe ouvrier et faire cas de ce qui nevaut rien. Cela marque moins un manque de got que la force partiale du prjug;la Pliade, qui est en ralit aussi aristocratique que savante, ne pouvait admirerVillon sans se condamner elle-mme; mais, ce moment pass, le charmerecommence: Regnier est un disciple de Villon; Patru le loue; Boileau a senti queltait son rang; La Fontaine l'admire; Voltaire l'imite; les rudits littraires du XVIIeet du XVIIIe sicle, Colletet, le P. Du Cerceau, l'abb Massieu, l'abb Goujet,parlent de lui comme il convient, en mme temps que Coustelier et Formey le

    rimpriment, que La Monnoye l'annote, et que Lenglet-Dufresnoy prpare unenouvelle dition. De nos jours, une justice encore plus clatante lui a t rendue.L'dition de Prompsault, laquelle M. Lacroix est venu ajouter, pourrait treaccepte comme dfinitive, au moins quant au texte, si M. Vitu n'en promettait une,qui, en profitant des prcdentes, donnera sans doute le dernier mot. Tous ceux quiont parl incidemment de Villon, MM. Sainte-Beuve, Saint-Marc Girardin, Chasles,Nisard, Geruzez, Demogeot, Gnin, et d'autres encore, l'ont bien caractris. Enmme temps qu'eux, M. Daunou a crit sur notre pote une longue tude, insredans leJournal des Savants, et M. Thophile Gautier, dans l'ancienneRevue

    franaise, des pages vives, aussi justes que pleines de verve, qui ont t recueilliesdans ses Grotesques. Enfin, en 1850 M. Profillet, et en 1856 un professeurallemand, M. Nagel, ont pris Villon pour sujet d'un travail spcial; l'anne dernire(1859), M. Campeaux lui a consacr un excellent travail, auquel, pour tre meilleur,

    XVIXVII

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    il ne manque peut-tre qu'une plus ancienne et plus familire connaissance desalentours. Tous sont, avec raison, unanimes reconnatre l'originalit, la valeuraise et puissante, la force et l'humanitde la posie de Villon. Pour eux tous, et ce

    jugement est aujourd'hui sans appel, Villon n'est pas seulement le pote suprieurdu XVe sicle, mais il est aussi le premier pote, dans le vrai sens du mot, qu'ait eula France moderne, et il s'est coul un long temps avant que d'autres fussent dignesd'tre mis ct de lui. L'apprciation est maintenant juste et complte; d'autres

    viendront qui le loueront avec plus ou moins d'clat et de talent, qui le jugeront avecune critique plus ou moins solide ou brillante; mais dsormais les traits de la figurede Villon sont arrts de faon ne plus changer, et ceux qui entreprendront d'yrevenir ne pourront rester dans la vrit qu' la condition de s'en tenir aux mmescontours.

    Plus loin, M. A. de Montaiglon, passant lgrement sur le Petit Testament, quin'est que spirituel, et sur quelques pices qu'il regrette de trouver dans le Grand

    Testament, ajoute:

    Ce n'est pas l qu'il faut chercher Villon, mais dans la partie populaire et humainede son oeuvre. On ne dira jamais assez quel point le mrite de la pense et de laforme y est inestimable. Le sentiment en est trange, et aussi touchant quepittoresque dans sa sincrit; Villon peint presque sans le savoir, et en peignant il nepallie, il n'excuse rien; il a mme des regrets, et ses torts, qu'il reconnat en seblmant, mais dont il ne peut se dfendre, il ne les montre que pour en dtourner. Jeconnais mme peu de leons plus fortes que la ballade: Tout aux tavernes et aux

    filles. La bouffonnerie, dans ses vers, se mle la gravit, l'motion la raillerie, latristesse la dbauche; le trait piquant se termine avec mlancolie; le sentiment dunant des choses et des tres est ml d'un burlesque soudain qui en augmentel'effet. Et tout cela est si naturel, si net, si franc, si spirituel; le style suit la penseavec une justesse si vive, que vous n'avez pas le temps d'admirer comment le corpsqu'il revt est habill par le vtement. C'est bien mieux que l'esprit bourgeois,toujours un peu mesquin, c'est l'esprit populaire que cet enfant des Halles, quicrivait:Il n'est bon bec que de Paris, a recueilli dans les rues et qu'il pure enl'aiguisant. Il en a le sentiment, il en prend les mots, mais il les encadre, il les

    incruste dans une phrase si vive, si nette, si bien construite, si nergique ou silgre, que cette langue colore reoit de son gnie l'lgance et mme le got, sansrien perdre de sa force. Il a tout: la vigueur et le charme, la clart et l'clat, la varitet l'unit, la gravit et l'esprit, la brivet incisive du trait et la plnitude du sens, lasouplesse capricieuse et la fougue violente, la qualit contemporaine et l'ternellehumanit. Il faut aller jusqu' Rabelais pour trouver un matre qu'on puisse luicomparer, et qui crive le franais avec la science et l'instinct, avec la puret et lafantaisie, avec la grce dlicate et la rudesse souveraine que l'on admire dansVillon, et qu'il a seul parmi les gens de son temps...

    On ne connat certainement pas la totalit des oeuvres de Villon, du moins sous sonnom. Il est vident que le Petit Testamentn'est pas son coup d'essai. Lors de sonsecond procs, en 1457, il tait probablement connu par d'autres compositions. Sans

    XVIII

    XIX

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    cela, il est douteux que Charles d'Orlans ft intervenu en sa faveur, et que leParlement lui et fait grce de la vie. Lorsqu'il composa le Grand Testament, il y fitentrer quelques pices qui n'en faisaient pas ncessairement partie, mais qui s'yrattachaient assez naturellement. On n'y trouve pas une ballade, pas un rondeaucomposs antrieurement au Petit Testament. Villon ne parat pas avoir t trs-soucieux de recueillir ses oeuvres. La plupart sont sans doute perdues; d'autres sontdissmines dans des recueils manuscrits ou imprims o il n'est pas facile de les

    reconnatre, soit parce qu'elles ne portent pas de nom d'auteur, soit parce qu'ellessont attribues d'autres. On ne connat pas de manuscrit qui contienne tout cequ'on sait positivement lui appartenir. Les premires ditions, qui furent faites sansson concours et probablement aprs sa mort, ne contiennent que le Grandet le PetitTestament, leJargon, et un petit nombre de pices dtaches. Jean de Calais,l'diteur prsum duJardin de plaisance, dont la premire dition est de 1499 ou de1500, s'acquitta fort mal des fonctions d'excuteur testamentaire que Villon lui avaitconfies, si tant est qu'on doive prendre au srieux les huitains CLX et CLXI duGrand Testament. Il fit entrer dans son recueil diverses pices connues comme tantde Villon et beaucoup d'autres qu'on lui attribue avec plus ou moins devraisemblance, mais sans dire des unes ni des autres qu'elles taient de lui.

    M. Brunet a donn, dans la dernire dition duManuel du Libraire, une excellentenotice des ditions de Villon. La premire avec date est de Paris (Pierre Levet),1489, in-4. Il en parut plusieurs autres la fin du XVe sicle et au commencementdu XVIe. Celle de Paris, Galiot Du Pr, 1532, in-8, est la premire laquelle on ait

    joint lesRepues franches, leMonologue du franc archier de Baignoletet le

    Dialogue des seigneurs de Mallepaye et de Baillevent31

    Note 31:(retour) Il avait t fait antrieurement plusieurs ditions desRepeuesfranches, qui s'ajoutaient aux ditions correspondantes des oeuvres de Villon, maisqui portaient des signatures ou une pagination spares.

    L'anne suivante, le mme Galiot Du Pr publia la premire dition des oeuvres deVillon revues par Clment Marot.

    En 1723 il parut chez Coustelier une dition de Villon, avec les remarques d'Eusbede Laurire et une lettre du P. Du Cerceau.

    Les oeuvres de Villon furent rimprimes en 1742, la Haye, avec les remarques deLaurire, Le Duchat et Formey, des mmoires de Prosper Marchand et une lettrecritique extraite duMercure de fvrier 1724.

    En 1832 parut l'dition de Prompsault, fruit de longues et laborieuses recherches, etqui, sans tre parfaite, ne mritait pas le discrdit dont elle a t frappe pendant

    longtemps.

    Dans l'dition de 1854, due aux soins de M.P.L. Jacob, bibliophile (M. PaulXX

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Lacroix), le texte de Prompsault a t revu, notablement amlior, lucid par desnotes o brillent l'rudition et la sagacit bien connues de leur auteur.

    Enfin, tout rcemment, M. Paul Lacroix a publi le texte des deux Testamentsd'aprs un manuscrit de la bibliothque de l'Arsenal. Je n'ai pu faire usage de cetteintressante publication, d'abord parce que l'impression de mon dition tait tropavance, puis pour une autre raison: c'est que je ne pouvais m'carter du texte que

    j'avais adopt.

    On savait depuis longtemps que La Monnoye avait eu l'intention de faire unedition des oeuvres de Villon. A cet effet, il avait annot un exemplaire de l'ditionde 1723. Cet exemplaire, dont on avait perdu la trace depuis longtemps, a tretrouv, en 1858, auBritish Museum, par M. Gustave Masson, qui m'agracieusement offert une copie du travail de La Monnoye.

    En tte de son exemplaire, La Monnoye avait inscrit d'abord ce titre, qui nous faitconnatre le plan d'une vaste collection qu'il projetait:

    L'Histoire et les Chefs de la posie franoise, avec la liste des potes provenaux etfranois, accompagne de remarques sur le caractre de leurs ouvrages.

    Puis vient ce titre particulier:

    Posies de Franois Villon et de ses disciples, revues sur les diffrentes ditions,

    corriges et augmentes sur le manuscrit de M. le duc de Coislin et sur plusieursautres, et enrichies d'un grand nombre de pices, avec des notes historiques etcritiques.

    La Monnoye n'eut pas le temps de mettre la dernire main son dition de Villon.Son travail ne porta que sur l'tablissement du texte. La comparaison des manuscritset des anciennes ditions, faite par un homme tel que La Monnoye, devait donnerd'excellents rsultats. J'ai reproduit scrupuleusement, sauf deux ou trois exceptionsindiques dans les notes, le texte tel qu'il a t arrt par lui, et ce texte estassurment le meilleur qu'on ait donn jusqu' prsent.

    La Monnoye ne se contenta pas de revoir le texte de l'dition de 1723. Il y ajouta desa main divers morceaux qui n'avaient pas encore t publis, et qui ont paru pour lapremire fois dans l'dition Prompsault. Mais il ne put faire le choix des posiesqu'il voulait joindre aux oeuvres de Villon. Pour rpondre de mon mieux son plan,

    je donne la fin du volume dix-sept pices tires duJardin de plaisance. M.Campeaux en avait publi un plus grand nombre: j'ai fait un choix dans son choix,

    et si les pices que je donne ne sont pas de Villon, elles sont au moins de son cole,et souvent dignes de lui.

    Pour toute la partie du texte tablie par La Monnoye, je n'avais qu'une chose faire:

    XXI

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    suivre la leon adopte par lui. A l'gard des pices dont il ne s'tait pas occup, j'aid agir autrement: je les ai revues sur les manuscrits et les ditions originales.

    A dfaut des notes historiques et critiques promises par La Monnoye, et sans avoirla prtention de les suppler, je donne la suite du texte quelques renseignementsqui m'ont paru ncessaires, puis un Glossaire-Index, dans lequel j'ai tentd'expliquer les mots vieillis, de donner des renseignements sur les personnes et les

    choses. S'il n'a pas d'autre utilit, ce travail servira du moins de table.

    Une dition de Villon n'est pas facile faire. J'ai largement mis profit les travauxde mes devanciers, et je me plais le reconnatre. J'aurais pu relever bien deserreurs: je me suis content de les corriger. Je crois que cette dition vaut mieux quecelles qui l'ont prcde. D'autres viendront aprs moi qui feront mieux. J'ai cruprudent de leur donner l'exemple de l'indulgence.

    P. JANNET.

    REMARQUES PHILOLOGIQUES.

    La langue de Villon est encore la vieille et bonne langue franaise, riche et simple,claire, naturelle, l'allure vive et franche. C'est encore la langue des fabliaux,

    assouplie, mais presque entirement prserve de l'invasion des mots pdantesquesforgs dans la seconde moiti du XVe sicle. Le Glossaire, dont l'tendue estgrande relativement celle du livre, n'offre qu'un petit nombre de ces mots. Enrevanche, il en contient beaucoup d'autres dont la perte est regrettable.

    Villon tait trs-svre pour la rime. Aussi, lorsque nous rencontrons la fin de sesvers quelque chose qui nous parat anormal, nous devons nous garder de l'expliquerpar une ngligence du pote. Il faut chercher d'autres raisons; cela peut amener desobservations intressantes.

    Par exemple, lorsqu'il fait rimer e avec a32, cela prouve, ainsi que Marot l'aremarqu, que Villon prononait, la parisienne, a pour e.

    Lorsqu'il fait rimer oi, oy, avec ai, ay, 33, cela prouve que ce que nous appelons ladiphtongue oi se prononait ou .

    S'il fait rimer Changon, Nygon, escourgon, avec donjon34, c'est que, dans certains

    cas, le g se prononaitj.

    Note 32:(retour)Robert, Haubert, avecpluspart, poupart(p.11 et 12);La Barre,feurre, avec terre, guerre (p. 14); appertavecpart, despart(p. 44), etc.

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    XXIII

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Note 33:(retour)Cholletavec souloit(p. 14);exploictz avec laiz (p. 17); moyne,essoyne, royne, avec Seine (p. 34), etc.

    Note 34:(retour) Pages 12 et 13.

    S'il fait rimerfuste avecfusse, prophtes avecfesses35, c'est encore une affaire de

    prononciation parisienne.

    Il en est de mme d'ancien, Valrien, paroissien, rimant avec an36.

    Lorsqu'il crit soullon pour rimer avecRoussillon37, il entend que les deux ll serontmouilles, et prononces comme telles, sans tre prcdes d'un i comme enespagnol.

    Comment faut-il prononcer le nom de Villon?

    LaBallade de la page 99, l'Epistre de la page 111, le Problme ouBallade de lapage 120, etc., ne laissent aucun doute cet gard. On doit le prononcer comme lesdeux dernires syllabes du motpaVILLON, c'est--dire comme on pourra. EnFrance, ce n'est gure que dans le Midi qu'on sait prononcer les ll mouilles. LesParisiens diront Viyon; les Picards, Vilion....

    Mais bel est fol et lunaticque

    Qui de ce fait sermon si long;Peu nuit la chose publicqueSe Brussiens disent Filon.

    Il ne m'en chaut gueres si l'onChoisit de ces faons la pire,Et bien veuil qu'on dise selonQue ds piea l'on souloit dire.

    Note 35:(retour) Pages 26 et 52.

    Note 36:(retour)P. 81.

    Note 37:(retour) Voy. la Ballade de la page 99.

    CLMENT MAROT DE CAHORSVarlet de chambre du Roy

    AUX LECTEURS.

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Entre tous les bons livres imprimez de la langue franoise ne s'en veoit ung siincorrect ne si lourdement corrompu que celluy de Villon, et m'esbahy (veu quec'est le meilleur Pote parisien qui se trouve) comment les imprimeurs de Paris etles enfans de la ville n'en ont eu plus grand soing. Je ne suis (certes) en rien sonvoysin; mais, pour l'amour de son gentil entendement, et en recompense de ce que

    je puys avoir aprins de luy en lisant ses Oeuvres, j'ai faict icelles ce que je

    vouldroys estre faict aux miennes, si elles estaient tombes en semblableinconvnient. Tant y ay trouv de broillerie en l'ordre des coupletz et des vers, enmesure, en langaige, en la ryme et en la raison, que je ne say duquel je doy plusavoir piti, ou de l'oeuvre ainsi oultrement gaste, ou de l'ignorance de ceux quil'imprimrent; et, pour en faire preuve, me suys advis (Lecteurs) de vous mettre icyung des couplets incorrects du mal imprim Villon, qui vous fera exemple ettesmoing d'ung grand nombre d'autres autant broillez et gastez que luy, lequel esttel:

    Or est vray qu'aprs plainctz et pleursEt angoisseux gemissemens,Apres tristesses et douleursLabeurs et griefz cheminemensTravaille mes lubres sentemensAguysez ronds, comme une peloteMonstrent plus que les commensEn sens moral de Aristote.

    Qui est celluy qui vouldroit nyer le sens n'en estre grandement corrompu? Ainsi,pour vray, l'ay-je trouv aux vieilles impressions, et encores pis aux nouvelles. Or,voyez maintenant comment il a est r'abill, et en jugez gratieusement:

    Or est vray qu'aprs plainctz et pleursEt angoisseux gemissemens,Apres tristesses et douleurs,Labeurs et griefz cheminemens,

    Travail mes lubres sentementsAguysa (ronds comme pelote),Me monstrant plus que les commentsSur le sens moral d'Aristote.

    Voyl comment il me semble que l'autheur l'entendoit; et vous suffise ce petitamendement pour vous rendre advertiz de ce que puys avoir amend en mille autres

    passages, dont les aucuns me ont est aisez et les autres trs difficiles. Toutesfoys,partie avecques les vieulx imprimez, partie avecques l'ayde de bons vieillards qui

    en savent par cueur, et partie par deviner avecques jugement naturel, a estreduict nostre Villon en meilleure et plus entire forme qu'on ne l'a veu de nosaages, et ce sans avoir touch l'antiquit de son parler, sa faon de rimer, sesmesles et longues parenthses, la quantit de ses sillabes, ne ses couppes, tant

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    fminines que masculines; esquelles choses il n'a suffisamment observ les vrayesreigles de franoise posie, et ne suys d'advis que en cela les jeunes Poetesl'ensuyvent, mais bien qu'ilz cueillent ses sentences comme belles fleurs, qu'ilscontemplent l'esprit qu'il avoit, que de luy apreignent proprement descrire, etqu'ils contrefacent sa veine, mesmement celle dont il use en ses Ballades, qui estvrayment belle et hroque, et ne fay double qu'il n'eust emport le chapeau delaurier devant tous les Potes de son temps, s'il eust est nourry en la Court des

    Roys et des Princes, l o les jugemens se amendent et les langaiges se pollissent.Quant l'industrie des lays qu'il feit en ses Testamens, pour suffisamment lacongnoistre et entendre il fauldroit avoir est de son temps Paris, et avoircongneu les lieux, les choses et les hommes dont il parle: la mmoire desquelz tant

    plus se passera, tant moins se congnoistra icelle industrie de ses lays dictz. Pourceste cause, qui vouldra faire une oeuvre de longue dure ne preigne son soubjectsur telles choses basses et particulires. Le reste des Oeuvres de nostre Villon (horscela) est de tel artifice, tant plain de bonne doctrine et tellement painct de millebelles couleurs, que le temps, qui tout efface, jusques icy ne l'a sceu effacer; et

    moins encor l'effacera ores et d'icy en avant, que les bonnes escriptures franoisessont et seront mieulx congneues et recueillies que jamais.

    Et pour ce (comme j'ay dit) que je n'ay touch son antique faon de parler, jevous ay expos sur la marge, avecques les annotations, ce qui m'a sembl le plusdur entendre, laissant le reste vos promptes intelligences, comme ly Royspourle Roy, homspour homme, compaingpourcompaignon; aussi force pluriers poursinguliers, et plusieurs autres incongruitez dont estait plain le langaige mal lym

    d'icelluy temps.

    Aprs, quand il s'est trouv faulte de vers entiers, j'ay prins peine de les refaire auplus prs (selon mon possible) de l'intention de l'autheur, et les trouverezexpressment marquez de cette marque f, afin que ceulx qui les sauront en la sorteque Villon les fist effacent les nouveaulx pour faire place aux vieulx.

    Oultre plus, les termes et les vers qui estaient interposez, trouverez reduictz en leursplaces; les lignes trop courtes, allonges; les trop longues acoursies; les mots

    obmys, remys; les adjoutez ostez, et les tiltres myeulx attiltrez.

    Finalement, j'ay chang l'ordre du livre, et m'a sembl plus raisonnable de le fairecommencer par le Petit Testament, d'autant qu'il fut faict cinq ans avant l'autre.

    Touchant le Jargon, je le laisse corriger et exposer aux successeurs de Villon enl'art de la pinse et du croq.

    Et si quelqu'un d'adventure veult dire que tout ne soit racoustr ainsi qu'ilappartient, je luy respons ds maintenant que, s'il estait autant navr en sapersonne comme j'ay trouv Villon bless en ses Oeuvres, il n'y a si expertchirurgien qui le sceust panser sans apparence de cicatrice; et me suffira que le

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    labeur qu'en ce j'ay employ soit agrable au Roy mon souverain, qui est cause etmotif de ceste emprise et de l'excution d'icelle, pour l'avoir veu voulentiersescouter et par trs bon jugement estimer plusieurs passages des Oeuvres quis'ensuyvent.

    MAROT

    AU ROY FRANOIS Ier.

    Si Villon on treuve encor dire,S'il n'est reduict ainsi qu'ay prtendu,A moy tout seul en soit le blasme (Sire),Qui plus y ay travaill qu'entendu;Et s'il est mieux en son ordre estenduQue paravant, de sorte qu'on l'en prise,

    Le gr vous en doyt estre rendu,Qui fustes seul cause de l'entreprise.

    LEPETIT TESTAMENT

    DE MAISTREFRANOIS VILLON

    FAIT L'AN 1456.

    Mil quatre cens cinquante et six,Je, Franois Villon, escollier,Considrant, de sens rassis,Le frain aux dents, franc au collier,Qu'on doit ses oeuvres conseiller,

    Comme Vegce le racompte,Saige Romain, grand conseiller,Ou autrement on se mescompte.

    II.

    En ce temps que j'ay dit devant,Sur le Nol, morte saison,Lorsque les loups vivent de vent,

    Et qu'on se tient en sa maison,Pour le frimas, prs du tison:Cy me vint vouloir de briserLa trs amoureuse prison

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Qui souloit mon cueur desbriser.

    III.

    Je le feis en telle faon,Voyant Celle devant mes yeulxConsentant ma deffaon,

    Sans ce que j luy en fust mieulx;Dont je me deul et plains aux cieulx,En requrant d'elle vengenceA tous les dieux venerieux,Et du grief d'amours allgence.

    IV.

    Et, se je pense ma faveur,Ces doulx regrets et beaulx semblansDe trs decepvante saveur,Me trespercent jusques aux flancs:Bien ilz ont vers moy les piez blancsEt me faillent au grant besoing.Planter me fault autre complantEt frapper en un autre coing.

    V.

    Le regard de Celle m'a prins,Qui m'a est flonne et dure;Sans ce qu'en riens aye mesprins,Veult et ordonne que j'endureLa mort, et que plus je ne dure.Si n'y voy secours que fouir.Rompre veult la dure souldure,

    Sans mes piteux regrets ouir!

    VI.

    Pour obvier ses dangiers,Mon mieulx est, ce croy, de partir.Adieu! Je m'en voys Angiers,Puisqu'el ne me veult impartirSa grace, ne me departir.

    Par elle meurs, les membres sains;Au fort, je meurs amant martir,Du nombre des amoureux saints!

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    VII.

    Combien que le dpart soit dur,Si fault-il que je m'en esloingne.Comme mon paouvre sens est dur!Autre que moy est en queloingne,Dont onc en forest de Bouloingne

    Ne fut plus alter d'humeur.C'est pour moy piteuse besoingne:Dieu en vueille our ma clameur!

    VIII.

    Et puisque departir me fault,Et du retour ne suis certain:Je ne suis homme sans deffault,Ne qu'autre d'assier ne d'estaing.Vivre aux humains est incertain,Et aprs mort n'y a relaiz:Je m'en voys en pays loingtaing;Si establiz ce prsent laiz.

    IX.

    Premirement, au nom du Pre,Du Filz et du Saint-Esperit,Et de la glorieuse MrePar qui grace riens ne prit,Je laisse, de par Dieu, mon bruitA maistre Guillaume Villon,Qui en l'honneur de son nom bruit,Mes tentes et mon pavillon.

    X.

    A celle doncques que j'ay dict,Qui si durement m'a chass,Que j'en suys de joye interdictEt de tout plaisir dchass,Je laisse mon coeur enchass,Palle, piteux, mort et transy:Elle m'a ce mal pourchass,

    Mais Dieu luy en face mercy!

    XI.

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    Et maistre Ythier, marchant,Auquel je me sens trs tenu,Laisse mon branc d'acier tranchant,Et maistre Jehan le Cornu,Qui est en gaige dtenuPour ung escot six solz montant;Je vueil, selon le contenu,

    Qu'on luy livre, en le racheptant.

    XII.

    Item, je laisse Sainct-AmantLe Cheval Blanc avec la Mulle,Et Blaru, mon dyamantEt l'Asne ray qui reculle.Et le dcret qui articulle:Omnis utriusque sexus,Contre la Carmeliste bulle,Laisse aux curez, pour mettre sus.

    XIII.

    Item, Jehan Trouv, bouchier,Laisse le mouton franc et tendre,

    Et ung tachon pour esmoucherLe boeuf couronn qu'on veult vendre,Et la vache qu'on ne peult prendre.Le vilain qui la trousse au col,S'il ne la rend, qu'on le puist pendreOu estrangler d'un bon licol!

    XIV.

    Et maistre Robert Valle,Povre clergeon au Parlement,Qui ne tient ne mont ne valle,J'ordonne principalementQu'on luy baille legerementMes brayes, estans aux trumellires,Pour coeffer plus honestementS'amye Jehanneton de Millires.

    XV.

    Pour ce qu'il est de lieu honeste,Fault qu'il soit myeulx recompens,

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Car le Saint-Esprit l'admoneste.Ce obstant qu'il est insens.Pour ce, je me suis pourpens,Puysqu'il n'a sens mais qu'une aulmoire,De recouvrer sur Malpens,Qu'on lui baille, l'Art de mmoire.

    XVI.

    Item plus, je assigne la vieDu dessusdict maistre Robert...Pour Dieu! n'y ayez point d'envie!Mes parens, vendez mon haubert,Et que l'argent, ou la pluspart,Soit employ, dedans ces Pasques,Pour achepter ce poupartUne fenestre emprs Saint-Jacques.

    XVII.

    Derechief, je laisse en pur donMes gands et ma hucque de soyeA mon amy Jacques Cardon;Le gland aussi d'une saulsoye,

    Et tous les jours une grosse oyeEt ung chappon de haulte gresse;Dix muys de vin blanc comme croye,Et deux procs, que trop n'engresse.

    XVIII.

    Item, je laisse ce jeune homme,Ren de Montigny, troys chiens;

    Aussi Jehan Raguyer, la sommeDe cent frans, prins sur tous mes biens;Mais quoy! Je n'y comprens en riensCe que je pourray acquerir:On ne doit trop prendre des siens,Ne ses amis trop surquerir.

    XIX.

    Item, au seigneur de GrignyLaisse la garde de Nygon,Et six chiens plus qu' Montigny,Vicestre, chastel et donjon;

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Et ce malostru Changon,Moutonnier qui tient en procs,Laisse troys coups d'ung escourgon,Et coucher, paix et aise, en ceps.

    XX.

    Et maistre Jacques Raguyer,Je laisse l'Abreuvoyr Popin,Pour ses paouvres seurs grafignier;Tousjours le choix d'ung bon lopin,Le trou de la Pomme de pin,Le doz aux rains, au feu la plante,Emmaillot en jacopin;Et qui vouldra planter, si plante.

    XXI.

    Item, maistre Jehan MautainctEt maistre Pierre Basannier,Le gr du Seigneur, qui attainctTroubles, forfaits, sans espargnier;Et mon procureur Fournier,Bonnetz courts, chausses semelles,

    Tailles sur mon cordouennier,Pour porter durant ces gelles.

    XXII.

    Item, au chevalier du guet,Le heaulme luy establis;Et aux pietons qui vont d'aguetTastonnant par ces establis,

    Je leur laisse deux beaulx rubis,La lenterne la Pierre-au-Let.,Voire-mais, j'auray les Troys licts,S'ilz me meinent en Chastellet.

    XXIII.

    Item, Perrenet Marchant,Qu'on dit le Bastard de la Barre,

    Pour ce qu'il est ung bon marchant,Luy laisse trois gluyons de feurrePour estendre dessus la terreA faire l'amoureux mestier,

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    O il luy fauldra sa vie querre,Car il ne scet autre mestier.

    XXIV.

    Item, au Loup et Chollet,Je laisse la foys un canart,

    Prins sous les murs, comme on souloit,Envers les fossez, sur le tard;Et chascun un grand tabartDe cordelier, jusques aux pieds,Busche, charbon et poys au lart,Et mes housaulx sans avantpiedz.

    XXV.

    Derechief, je laisse en piti,A troys petitz enfans tous nudz,Nommez en ce prsent traicti,Paouvres orphelins impourveuz,Tous deschaussez, tous despourveus,Et desnuez comme le ver;J'ordonne qu'ils seront pourveuz,Au moins pour passer cest yver.

    XXVI.

    Premirement, Colin Laurens,Girard Gossoyn et Jehan Marceau,Desprins de biens et de parens,Qui n'ont vaillant l'anse d'ung ceau,Chascun de mes biens ung faisseau,Ou quatre blancs, s'ilz l'ayment mieulx;

    Ils mangeront maint bon morceau,Ces enfans, quand je seray vieulx!

    XXVII.

    Item, ma nomination,Que j'ay de l'Universit,Laisse par rsignation,Pour forclorre d'adversit

    Paouvres clercs de ceste cit,Soubz cest intenditcontenuz:Charit m'y a incit,Et Nature, les voyant nudz.

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    XXVIII.

    C'est maistre Guillaume CotinEt maistre Thibault de Vitry,Deux paouvres clercs, parlans latin,Paisibles enfans, sans estry,

    Humbles, bien chantans au lectry.Je leur laisse cens recevoirSur la maison Guillot Gueuldry,En attendant de mieulx avoir.

    XXIX.

    Item plus, je adjoinctz la CrosseCelle de la rue Sainct-Anthoine,Et ung billart de quoy on crosse,Et tous les jours plain pot de Seine,Aux pigons qui sont en l'essoine,Enserrez soubz trappe volire,Et mon mirouer bel et ydoyne,Et la grace de la geollire.

    XXX.

    Item, je laisse aux hospitauxMes chassis tissus d'araigne;Et aux gisans soubz les estaux,Chascun sur l'oeil une grongne,Trembler chire renffrongne,Maigres, velluz et morfonduz;Chausses courtes, robbe rongne,Gelez, meurdriz et enfonduz.

    XXXI.

    Item, je laisse mon barbierLes rongneures de mes cheveulx,Plainement et sans destourbier;Au savetier, mes souliers vieulx,Et au fripier, mes habitz tieulxQue, quant du tout je les dlaisse,

    Pour moins qu'ilz ne coustrent neufzCharitablement je leur laisse.

    XXXII.

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Item, aux Quatre Mendians,Aux Filles Dieu et aux Beguynes,Savoureulx morceaulx et frians,Chappons, pigons, grasses gelines,Et puis prescher les Quinze Signes,Et abatre pain deux mains.

    Carmes chevaulchent nos voisines,Mais cela ne m'est que du meins.

    XXXIII.

    Item, laisse le Mortier d'orA Jehan l'Espicier, de la Garde,Et une potence Sainct-Mor,Pour faire ung broyer moustarde,

    Et celluy qui feit l'avant-garde,Pour faire sur moy griefz exploitz,De par moy sainct Anthoine l'arde!Je ne lui lairray autre laiz.

    XXXIV.

    Item, je laisse MairebeufEt Nicolas de Louvieulx,A chascun l'escaille d'un oeuf,Plaine de frans et d'escus vieulx,Quant au concierge de Gouvieulx,Pierre Ronseville, je ordonne,Pour luy donner encore mieulx,Escus telz que prince les donne.

    XXXV.

    Finalement, en escrivant,Ce soir, seullet, estant en bonne,Dictant ces laiz et descripvant,Je ouyz la cloche de Sorbonne,Qui tousjours neuf heures sonneLe Salut que l'Ange prdit;Cy suspendy et cy mis bonne,Pour pryer comme le cueur dit.

    XXXVI.

    Cela fait, je me entre-oubliai,

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Non pas par force de vin boire,Mon esperit comme li;Lors je senty dame MmoireRescondre et mectre en son aulmoireSes espces collaterales,Oppinative faulce et voire,Et autres intellectualles.

    XXXVII.

    Et mesmement l'extimative,Par quoy prosprit nous vient;Similative, formative,Desquelz souvent il advientQue, par l'art trouv, hom devientFol et lunaticque par moys:Je l'ay leu, et bien m'en souvient,En Aristote aucunes fois.

    XXXVIII.

    Doncques le sensif s'esveillaEt esvertua fantasie,Qui tous argeutis resveilla,

    Et tint souveraine partie,En souppirant, comme amortie,Par oppression d'oubliance,Qui en moy s'estoit espartiePour montrer des sens l'alliance.

    XXXIX.

    Puis, mon sens qui fut repos

    Et l'entendement desveill,Je cuide finer mon propos;Mais mon encre estoit gel,Et mon cierge estoit soufl.De feu je n'eusse pu finer.Si m'endormy, tout enmoufl,Et ne peuz autrement finer.

    XL

    Fait au temps de ladicte date,Par le bon renomm Villon,Qui ne mange figue ne date;

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    Sec et noir comme escouvillon,Il n'a tente ne pavillonQu'il n'ayt laiss ses amys,Et n'a mais qu'un peu de billon,Qui sera tantost fin mys.

    CY FINE LE TESTAMENT VILLON.

    CY COMMENCE LE GRANT TESTAMENTDEFRANOIS VILLONFAIT EN 1461.

    I.

    En l'an trentiesme de mon aage,Que toutes mes hontes j'eu beues,Ne du tout fol, ne du tout sage.Nonobstant maintes peines eues,Lesquelles j'ay toutes receuesSoubz la main Thibault d'Aussigny.S'evesque il est, seignant les rues,Qu'il soit le mien je le regny!

    II.

    Mon seigneur n'est, ne mon evesque;Soubz luy ne tiens, s'il n'est en friche;Foy ne luy doy, ne hommage avecque;Je ne suis son serf ne sa biche.Peu m'a d'une petite micheEt de froide eau, tout ung est.Large ou estroit, moult me fut chiche.Tel luy soit Dieu qu'il m'a est.

    III.

    Et, s'aucun me vouloit reprendreEt dire que je le mauldys,Non fais, si bien me sait comprendre,

    Et rien de luy je ne mesdys.Voycy tout le mal que j'en dys:S'il m'a est misericors,Jsus, le roy de paradis,

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Tel luy soit l'me et au corps!

    IV.

    S'il m'a est dur et cruelTrop plus que cy ne le racompte,Je vueil que le Dieu ternel

    Luy soit doncq semblable, ce compte!...Mais l'Eglise nous dit et compteQue prions pour nos ennemis;Je vous dis que j'ay tort et honte:Tous ses faictz soient Dieu remis!

    V.

    Si prieray Dieu de bon cueur,Pour l'me du bon feu Cotard.Mais quoy! ce sera doncq par cueur,Car de lire je suys faitard.Prire en feray de Picard;S'il ne le sait, voise l'apprandre,S'il m'en croyt, ains qu'il soit plus tardA Douay, ou Lysle en Flandre!

    VI.

    Combien souvent je veuil qu'on priePour luy, foy que doy mon baptesme,Obstant qu' chascun ne le crye,Il ne fauldra pas son esme.Au Psaultier prens, quand suys mesme,Qui n'est de beuf ne cordoen,Le verset escript le septiesme

    Du psaulme deDeus laudem.

    VII.

    Si pry au benoist Filz de Dieu,Qu' tous mes besoings je reclame,Que ma pauvre prire ayt lieuVerz luy, de qui tiens corps et ame,Qui m'a prserv de maint blasme

    Et franchy de vile puissance.Lou soit-il, et Nostre-Dame,Et Loys, le bon roy de France!

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    VIII.

    Auquel doint Dieu l'heur de Jacob,De Salomon l'honneur et gloire;Quant de prouesse, il en a trop;De force aussi, par m'ame, voire!En ce monde-cy transitoire,

    Tant qu'il a de long et de l;Affin que de luy soit memoire,Vive autant que Mathusal!

    IX.

    Et douze beaulx enfans, tous masles,Veoir, de son trs cher sang royal,Aussi preux que fut le grand Charles,Conceuz en ventre nuptial,Bons comme fut sainct Martial.Ainsi en preigne au bon Dauphin;Je ne luy souhaicte autre mal,Et puys paradis la fin.

    X.

    Pour ce que foible je me sens,Trop plus de biens que de sant,Tant que je suys en mon plain sens,Si peu que Dieu m'en a prest,Car d'autre ne l'ay emprunt,J'ay ce Testament trs estableFaict, de dernire voulent,Seul pour tout et irrvocable:

    XI.

    Escript l'ay l'an soixante et ung,Que le bon roy me dlivraDe la dure prison de Mehun,Et que vie me recouvra,Dont suys, tant que mon cueur vivra,Tenu vers luy me humilier,Ce que feray jusqu'il mourra:

    Bienfaict ne se doibt oublier.

    Icy commence Villon entrer en matirepleine d'erudition et de bon savoir.

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    XII.

    Or est vray qu'aprs plaingtz et pleurset angoisseux gemissemens,Aprs tristesses et douleurs,Labeurs et griefz cheminemens,

    Travail mes lubres sentemens,Esguisez comme une pelote,M'ouvrist plus que tous les CommensD'Averroys sur Aristote.

    XIII.

    Combien qu'au plus fort de mes maulx,En cheminant sans croix ne pile,Dieu, qui les Pellerins d'EsmausConforta, ce dit l'Evangile,Me montra une bonne villeEt pourveut du don d'esprance;Combien que le pecheur soit vile,Riens ne hayt que persvrance.

    XIV.

    Je suys pcheur, je le say bien;Pourtant Dieu ne veult pas ma mort,Mais convertisse et vive en bien;Mieulx tout autre que pch mord,Soye vraye voulent ou enhort,Dieu voit, et sa misricorde,Se conscience me remord,Par sa grace pardon m'accorde.

    XV.

    Et, comme le noble RomantDe la Rose dit et confesseEn son premier commencement,Qu'on doit jeune cueur, en jeunesse,Quant on le voit vieil en vieillesse,Excuser; helas! il dit voir.

    Ceulx donc qui me font telle oppresse,En meurt ne me vouldroient veoir.

    XVI.

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Se, pour ma mort, le bien publiqueD'aucune chose vaulsist myeulx,A mourir comme ung homme iniqueJe me jugeasse, ainsi m'aid Dieux!Grief ne faiz jeune ne vieulx,Soye sur pied ou soye en bire:

    Les montz ne bougent de leurs lieux,Pour un paouvre, n'avant, n'arrire.

    XVII.

    Au temps que Alexandre regna,Ung hom, nomm Diomeds,Devant luy on luy amena,Engrillonn poulces et detz

    Comme ung larron; car il fut desEscumeurs que voyons courir.Si fut mys devant le cads,Pour estre jug mourir.

    XVIII.

    L'empereur si l'arraisonna:Pourquoy es-tu larron de mer?L'autre, responce luy donna:Pourquoy larron me faiz nommer?Pour ce qu'on me voit escumerEn une petiote fuste?Se comme toy me peusse armer,Comme toy empereur je fusse.

    XIX.

    Mais que veux-tu! De ma fortune,Contre qui ne puis bonnement,Qui si durement m'infortune,Me vient tout ce gouvernement.Excuse-moy aucunement,Et saches qu'en grand pauvret(Ce mot dit-on communment)Ne gist pas trop grand loyault.

    XX.

    Quand l'empereur eut remir

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    De Diomeds tout le dict:Ta fortune je te mueray,Mauvaise en bonne! ce luy dit.Si fist-il. Onc puis ne mespritA personne, mais fut vray homme;Valre, pour vray, le rescript,Qui fut nomm le grand Romme.

    XXI.

    Se Dieu m'eust donn rencontrerUng autre piteux Alexandre,Qui m'eust faict en bon heur entrer,Et lors qui m'eust veu condescendreA mal, estre ars et mys en cendreJug me fusse de ma voix.Ncessit faict gens mesprendre,Et faim saillir le loup des boys.

    XXII.

    Je plaings le temps de ma jeunesse,Ouquel j'ay plus qu'autre gall,Jusque l'entre de vieillesse,

    Qui son partement m'a cel.Il ne s'en est pied all,N'a cheval; las! et comment donc?Soudainement s'en est voil,Et ne m'a laiss quelque don.

    XXIII.

    All s'en est, et je demeure,

    Pauvre de sens et de savoir,Triste, failly, plus noir que meure,Qui n'ay ne cens, rente, n'avoir;Des miens le moindre, je n'y voir,De me desadvouer s'avance,Oublyans naturel devoir,Par faulte d'ung peu de chevance.

    XXIV.

    Si ne crains avoir despendu,Par friander et par leschier;Par trop aimer n'ay riens vendu,

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Que nuls me puissent reprouchier.Au moins qui leur couste trop cher.Je le dys, et ne croys mesdire.De ce ne me puis revencher:Qui n'a mfiait ne le doit dire.

    XXV.

    Est vrit que j'ay aymEt que aymeroye voulentiers;Mais triste cueur, ventre affam,Qui n'est rassasi au tiers,Me oste des amoureux sentiers.Au fort, quelqu'un s'en recompense,Qui est remply sur les chantiers,Car de la panse vient la danse.

    XXVI.

    Bien say se j'eusse estudiOu temps de ma jeunesse folle,Et bonnes meurs dedi,J'eusse maison et couche molle!Mais quoy? je fuyoye l'escolle,

    Comme faict le mauvays enfant...En escrivant ceste parolle,A peu que le cueur ne me fend.

    XXVII.

    Le dict du Saige est trs beaulx dictz,Favorable, et bien n'en puis mais,Qui dit: Esjoys-toy, mon filz,

    A ton adolescence; maisAilleurs sers bien d'ung autre mectz,Car jeunesse et adolescence(C'est son parler, ne moins ne mais)Ne sont qu'abbus et ignorance.

    XXVIII.

    Mes jours s'en sont allez errant,

    Comme, dit Job, d'une touailleSont les filetz, quant tisserantTient en son poing ardente paille:Lors, s'il y a nul bout qui saille,

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    Soudainement il le ravit.Si ne crains rien qui plus m'assaille,Car la mort tout assouvyst.

    XXIX.

    O sont les gratieux gallans

    Que je suyvoye au temps jadis,Si bien chantans, si bien parlans,Si plaisans en faictz et en dictz?Les aucuns sont mortz et roydiz;D'eulx n'est-il plus rien maintenant.Respit ils ayent en paradis,Et Dieu saulve le remenant!

    XXX.

    Et les aucuns sont devenuz,Dieu mercy! grans seigneurs et maistres,Les autres mendient tous nudz,Et pain ne voyent qu'aux fenestres;Les autres sont entrez en cloistres;De Celestins et de Chartreux,Bottez, housez, com pescheurs d'oystres:

    Voil l'estat divers d'entre eulx.

    XXXI.

    Aux grans maistres Dieu doint bien faireVivans en paix et en requoy.En eulx il n'y a que refaire;Si s'en fait bon taire tout quoy.Mais aux pauvres qui n'ont de quoy,

    Comme moy, Dieu doint patience;Aux aultres ne fault qui ne quoy,Car assez ont pain et pitance.

    XXXII.

    Bons vins ont, souvent embrochez,Saulces, brouetz et gros poissons;Tartres, flans, oeufz fritz et pochez,

    Perduz, et en toutes faons.Pas ne ressemblent les maons,Que servir fault si grand peine;Ils ne veulent nulz eschanons,

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Car de verser chascun se peine.

    XXXIII.

    En cest incident me suys mys,Qui de rien ne sert mon faict.Je ne suys juge, ne commis,

    Pour punyr n'absouldre meffaict.De tous suys le plus imparfaict.Lou soit le doulx Jsus-Christ!Que par moy leur soit satisfaict!Ce que j'ay escript est escript.

    XXXIV.

    Laissons le monstier o il est;Parlons de chose plus plaisante.Ceste matire tous ne plaist:Ennuyeuse est et desplaisante.Pauvret, chagrine et dolente,Tousjours despiteuse et rebelle,Dit quelque parolle cuysante;S'elle n'ose, si le pense-elle.

    XXXV.

    Pauvre je suys de ma jeunesse,De pauvre et de petite extrace.Mon pere n'eut oncq grand richesse.Ne son ayeul, nomm Erace.Pauvret tous nous suyt et trace.Sur les tumbeaulx de mes ancestres,Les ames desquelz Dieu embrasse,

    On n'y voyt couronnes ne sceptres.

    XXXVI.

    De pouvret me guermentant,Souventesfoys me dit le cueur:Homme, ne te doulouse tantEt ne demaine tel douleur,Se tu n'as tant qu'eust Jacques Cueur.

    Myeulx vault vivre soubz gros bureauxPauvre, qu'avoir est seigneurEt pourrir soubz riches tumbeaux!

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    XXXVII.

    Qu'avoir est seigneur!... Que dys?Seigneur, lasse! ne l'est-il mais!Selon ce que d'aulcun en dict,Son lieu ne congnoistra jamais.Quant du surplus, je m'en desmectz.

    Il n'appartient moy, pcheur;Aux thologiens le remectz,Car c'est office de prescheur.

    XXXVIII.

    Si ne suys, bien le considre,Filz d'ange, portant dyadmeD'etoille ne d'autre sydre.Mon pre est mort, Dieu en ayt l'ame,Quant est du corps, il gyst soubz lame...J'entends que ma mre mourra,Et le sait bien, la pauvre femme;Et le filz pas ne demourra.

    XXXIX.

    Je congnoys que pauvres et riches,Sages et folz, prebstres et laiz,Noble et vilain, larges et chiches,Petitz et grans, et beaulx et laidz,Dames rebrassez colletz,De quelconque condicion,Portant attours et bourreletz,Mort saisit sans exception.

    XL.

    Et mourut Paris et Hlne.Quiconques meurt, meurt douleur.Celluy qui perd vent et alaine,Son fiel se crve sur son cueur,Puys sue Dieu sait quelle sueur!Et n'est qui de ses maulx l'allge:Car enfans n'a, frre ne soeur,

    Qui lors voulsist estre son pleige.

    XLI.

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    La mort le faict frmir, pallir,Le nez courber, les veines tendre,Le col enfler, la chair mollir,Joinctes et nerfs croistre et estendre.Corps fminin, qui tant est tendre,Polly, souef, si precieulx,Te faudra-il ces maulx attendre?

    Ouy, ou tout vif aller s cieulx.

    BALLADEDES DAMES DU TEMPS JADIS.

    Dictes-moy o, n'en quel pays,Est Flora, la belle Romaine;Archipiada, ne Thas,Qui fut sa cousine germaine;Echo, parlant quand bruyt on maineDessus rivire ou sus estan,Qui beaut eut trop plus qu'humaine?Mais o sont les neiges d'antan!

    O est la trs sage Helos,Pour qui fut chastr et puis moynePierre Esbaillart Sainct-Denys?

    Pour son amour eut cest essoyne.Semblablement, o est la royneQui commanda que BuridanFust jett en ung sac en Seine?Mais o sont les neiges d'antan!

    La royne Blanche comme ung lys,Qui chantoit voix de sereine;Berthe au grand pied, Bietris, Allys;

    Harembourges, qui tint le Mayne,Et Jehanne, la bonne Lorraine,Qu'Anglois bruslrent Rouen;O sont-ilz, Vierge souveraine?...Mais o sont les neiges d'antan!

    ENVOI

    Prince, n'enquerez de sepmaine

    O elles sont, ne de cest an,Que ce refrain ne vous remaine:Mais o sont les neiges d'antan!

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    BALLADEDES SEIGNEURS DU TEMPS JADIS

    Suyvant le propos prcdent.

    Qui plus? O est le tiers Calixte,Dernier deced de ce nom,

    Qui quatre ans tint le Papaliste?Alphonse, le roy d'Aragon,Le gracieux duc de Bourbon,Et Artus, le duc de Bretaigne,Et Charles septiesme, le Bon?...Mais o est le preux Charlemaigne!

    Semblablement, le roy Scotiste,Qui demy-face eut, ce dit-on,Vermeille comme une amathisteDepuys le front jusqu'au menton?Le roy de Chypre, de renom;Hlas! et le bon roy d'Espaigne,Duquel je ne say pas le nom?...Mais o est le preux Charlemaigne!

    D'en plus parler je me dsiste;

    Ce n'est que toute abusion.Il n'est qui contre mort rsiste,Ne qui treuve provision.Encor fais une question:Lancelot, le roy de Behaigne,O est-il? O est son tayon?...Mais o est le preux Charlemaigne!

    ENVOI.

    O est Claquin, le bon Breton?O le comte Daulphin d'Auvergne,Et le bon feu duc d'Alenon?...Mais o est le preux Charlemaigne!

    BALLADE

    A ce propos, en vieil franois.

    Mais o sont ly sainctz apostoles,D'aulbes vestuz, d'amys coeffez,Qui sont ceincts de sainctes estoles,

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Dont par le col prent ly mauffez,De maltalent tout eschauffez?Aussi bien meurt tilz que servans;De ceste vie sont bouffez:Autant en emporte ly vens.

    Voire, o sont de Constantinobles

    L'emperier aux poings dorez,Ou de France ly roy tresnobles,Sur tous autres roys dcorez.Qui, pour ly grand Dieux adorez,Bastist eglises et convens?S'en son temps il fut honorez,Autant en emporte ly vens.

    O sont de Vienne et de GrenoblesLy Daulphin, ly preux, ly senez?O, de Dijon, Sallins et Dolles,Ly sires et ly filz aisnez?O autant de leurs gens privez,Heraulx, trompettes, poursuyvans?Ont-ilz bien bout soubz le nez?...Autant en emporte ly vens.

    ENVOI.Princes mort sont destinez,Et tous autres qui sont vivans;S'ils en sont coursez ou tennez,Autant en emporte ly vens.

    XLII.

    Puys que papes, roys, filz de roys,Et conceuz en ventres de roynes,Sont enseveliz, mortz et froidz,En aultruy mains passent leurs resnes;Moy, pauvre mercerot de Renes,Mourray-je pas? Ouy, se Dieu plaist;Mais que j'aye faict mes estrenes,Honneste mort ne me desplaist.

    XLIII.

    Ce monde n'est perpetuel,Quoy que pense riche pillart;

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Tous sommes soubz coutel mortel.Ce confort prent pauvre vieillart,Lequel d'estre plaisant raillartEut le bruyt, lorsque jeune estoit,Qu'on tiendrait fol et paillait,Se, vieil, railler se mettoit.

    XLIV.

    Or luy convient-il mendier,Car ce force le contraint.Regrette huy sa mort, et hier;Tristesse son cueur si estrainct,Souvent, se n'estoit Dieu qu'il crainct,Il feroit un horrible faict.Si advient qu'en ce Dieu enfrainct,Et que luy-mesmes se deffaict.

    XLV.

    Car, s'en jeunesse il fut plaisant,Ores plus rien ne dit qui plaise.Tousjours vieil synge est desplaisant:Moue ne faict qui ne desplaise.

    S'il se taist, affin qu'il complaise,Il est tenu pour fol recreu;S'il parle, on luy dit qu'il se taise.Et qu'en son prunier n'a pas creu.

    XLVI.

    Aussi, ces pauvres femmelettes,Qui vieilles sont et n'ont de quoy,

    Quand voyent jeunes pucellettesEn admenez et en requoy,Lors demandent Dieu pourquoySi tost nasquirent, n'a quel droit?Notre Seigneur s'en taist tout coy,Car, au tanser, il le perdroit.

    LES REGRETSDE LA BELLE HEAULMIRE

    J parvenue vieillesse.

    Advis m'est que j'oy regretter

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    La belle qui fut heaulmire,Soy jeune fille souhaitterEt parler en ceste manire:Ha! vieillesse felonne et fire,Pourquoy m'as si tost abatue?Qui me tient que je ne me fire,Et qu' ce coup je ne me tue?

    Tollu m'as ma haulte franchiseQue beaut m'avoit ordonnSur clercz, marchans et gens d'Eglise:Car alors n'estoit homme nQui tout le sien ne m'eust donn,Quoy qu'il en fust des repentailles,Mais que luy eusse abandonnCe que reffusent truandailles.

    A maint homme l'ay reffus,Qui n'estoit moy grand saigesse,Pour l'amour d'ung garson rus,Auquel j'en feiz grande largesse.A qui que je feisse finesse,Par m'ame, je l'amoye bien!Or ne me faisoit que rudesse,

    Et ne m'amoyt que pour le mien.J ne me sceut tant detrayner,Fouller au piedz, que ne l'aymasse,Et m'eust-il faict les rains trayner,S'il m'eust dit que je le baisasseEt que tous mes maux oubliasse;Le glouton, de mal entach,M'embrassoit... J'en suis bien plus grasse!

    Que m'en reste-il? Honte et pch.

    Or il est mort, pass trente ans,Et je remains vieille et chenue.Quand je pense, lasse! au bon temps,Quelle fus, quelle devenue;Quand me regarde toute nue,Et je me voy si trs-change,Pauvre, seiche, maigre, menue,

    Je suis presque toute enrage.

    Qu'est devenu ce front poly,Ces cheveulx blonds, sourcilz voultyz,

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    Grand entr'oeil, le regard joly,Dont prenoye les plus subtilz;Ce beau nez droit, grand ne petiz;Ces petites joinctes oreilles,Menton fourchu, cler vis traictis,Et ces belles lvres vermeilles?

    Ces gentes espaules menues,Ces bras longs et ces mains tretisses;Petitz tetins, hanches charnues,Esleves, propres, faictissesA tenir amoureuses lysses;Ces larges reins, ce sadinet,Assis sur grosses fermes cuysses,Dedans son joly jardinet?

    Le front rid, les cheveulx gris,Les sourcilz cheuz, les yeulx estainctz,Qui faisoient regars et ris,Dont maintz marchans furent attaincts;Nez courb, de beault loingtains;Oreilles pendans et moussues;Le vis pally, mort et destaincts;Menton fonc, lvres peaussues:

    C'est d'humaine beaut l'yssues!Les bras courts et les mains contraictes,Les espaulles toutes bossues;Mammelles, quoy! toutes retraictes;Telles les hanches que les tettes.Du sadinet, fy! Quant des cuysses,Cuysses ne sont plus, mais cuyssettesGriveles comme saulcisses.

    Ainsi le bon temps regretonsEntre nous, pauvres vieilles sottes,Assises bas, croppetons,Tout en ung tas comme pelottes,A petit feu de chenevottes,Tost allumes, tost estainctes;Et jadis fusmes si mignottes!...Ainsi en prend maintz et maintes.

    BALLADE DE LA BELLE HEAULMIREAUX FILLES DE JOIE.

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Or y pensez, belle Gantire,Qui m'escolire souliez estre,Et vous, Blanche la Savetire,Ores est temps de vous congnoistre.Prenez dextre et senestre;N'espargnez homme, je vous prie:Car vieilles n'ont ne cours ne estre,

    Ne que monnoye qu'on descrie.

    Et vous, la gente Saulcissire,Qui de dancer estes adextre;Guillemette la Tapissire,Ne mesprenez vers vostre maistre;Tous vous fauldra clorre fenestre,Quand deviendrez vieille, flestrie;Plus ne servirez qu'un vieil prebstre,Ne que monnoye qu'on descrie.

    Jehanneton la Chaperonnire,Gardez qu'ennuy ne vous empestre;Katherine la Bouchire,N'envoyez plus les hommes paistre:Car qui belle n'est, ne perpetreLeur bonne grace, mais leur rie.

    Laide vieillesse amour n'impetre,Ne que monnoye qu'on descrie.

    ENVOI.

    Filles, veuillez vous entremettreD'escouter pourquoy pleure et crieC'est que ne puys remde y mettre,Ne que monnoye qu'on descrie.

    XLVII.

    Ceste leon icy leur bailleLa belle et bonne de jadis;Bien dit ou mal, vaille que vaille,Enregistrer j'ay faict ces ditzPar mon clerc Fremin l'estourdys,Aussi rassis que je pense estre...

    S'il me desment, je le mauldys:Selon le clerc est deu le maistre.

    XLVIII.

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    Si apercoy le grand dangerL o l'homme amoureux se boute...H! qui me vouldroit laidangerDe ce mot, en disant: Escoute!Se d'aymer t'estrange et rebouteLe barat de celles nommes,

    Tu fais une bien folle doubte,Car ce sont femmes diffames.

    XLIX.

    S'ils n'ayment fors que pour l'argent,On ne les ayme que pour l'heure.Rondement ayment toute gent,Et rient lors quant bourse pleure.

    De celles n'est qui ne recoeuvre;Mais en femmes d'honneur et nomFranc homme, se Dieu me sequeure,Se doit employer; ailleurs, non.

    L.

    Je prens qu'aucun dye cecy,Si ne me contente-il en rien.En effect, je concludz ainsy,Et sy le cuyde entendre bien,Qu'on doit aymer en lieu de bien.Asavoir-mon se ces fillettes,Qu'en parolles toute jour tien,Ne furent pas femmes honnestes?

    LI.

    Honnestes, si furent vrayement,Sans avoir reproches ne blasmes.S'il est vray que, au commencement,Une chascune de ces femmesLors prindrent, ains qu'eussent diffames,L'une ung clerc, ung lay, l'autre ung moine,Pour estaindre d'amours les flammes,Plus chauldes que feu Sainct-Antoine.

    LII.

    Or firent selon le decret

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Leurs amys, et bien y appert;Elles aymoient en lieu secret,Car autre qu'eulx n'y avoit part.Toutesfois, ceste amour se part:Car celle qui n'en avoit qu'unD'icelluy s'eslongne et despart,Et ayme myeulx aymer chascun.

    LIII.

    Qui les meut ce? J'imagine,Sans l'honneur des dames blasmerQue c'est nature feminine,Qui tout vivement veult aymer.Autre chose n'y say rymer;Fors qu'on dit, Reims et Troys,Voire l'Isle et Sainct-Omer,Que six ouvriers font plus que troys.

    LIV.

    Or ont les folz amans le bond,Et les dames prins la volle;C'est le droit loyer qu'amours ont;

    Toute foy y est viole,Quelque doulx baiser n'acolle.De chiens, d'oyseaulx, d'armes, d'amours,Chascun le dit la volle:Pour ung plaisir mille doulours.

    DOUBLE BALLADESUR LE MME PROPOS.

    Pour ce, aymez tant que vouldrez,Suyvez assembles et festes,En la fin j mieulx n'en vauldrez,Et sy n'y romprez que vos testes:Folles amours font les gens bestes:Salmon en idolatrya;Samson en perdit ses lunettes...Bien heureux est qui rien n'y a!

    Orpheus, le doux menestrier,Jouant de flustes et musettes,En fut en dangier du meurtrierBon chien Cerberus troys testes;

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    Et Narcissus, le bel honnestes,En ung profond puys se noya,Pour l'amour de ses amourettes...Bien heureux est qui rien n'y a!

    Sardana, le preux chevalier,Qui conquist le regne de Crtes,

    En voult devenir moulierEt filer entre pucellettes.David ly roy, saige prophtes,Craincte de Dieu en oublya,Voyant laver cuisses bien faictes...Bien heureux est qui rien n'y a!

    Ammon en voult deshonnorer,Feignant de manger tartelettes,Sa soeur Thamar, et deflorer,Qui fist choses moult deshonnestes;Herodes (pas ne sont sornettes)Sainct Jean-Baptiste en dcolla,Pour dances, saultz et chansonnettes...Bien heureux est qui rien n'y a!

    De moy, pauvre, je veuil parler;

    J'en fuz batu, comme ru telles,Tout nud, j ne le quiers celer.Qui me feit mascher ces groiselles,Fors Katherine de Vauselles?No le tiers ot, qui fut l.Mitaines ces nopces telles,Bien heureux est qui rien n'y a!

    Mais que ce jeune bachelier

    Laissast ces jeunes bachelettes,Non! et, le deust-on vif brusler,Comme ung chevaucheur d'escovettes.Plus doulces luy sont que civettes;Mais toutesfoys fol s'y fia:Soient blanches, soient brunettes,Bien heureux est qui rien n'y a!

    LV.

    Si celle que jadis servoyeDe si bon cueur et loyaument,Dont tant de maulx et griefz j'avoye,

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Et souffroye tant de torment,Se dit m'eust, au commencement,Sa voulent (mais nenny, las!),J'eusse mys peine aucunement,De moy retraire de ses las.

    LVI.

    Quoy que je luy voulsisse dire,Elle estoit preste d'escouter,Sans m'accorder ne contredire;Qui plus, me souffroit arrester,Joignant elle prs s'accouter;Et ainsi m'alloit amusant,Et me souffroit tout racompter,Mais ce n'estoit qu'en m'abusant.

    LVII.

    Abus m'a, et faict entendreTousjours d'ung que ce fust ung aultre;De farine, que ce fust cendre;D'ung mortier, ung chapeau de feautre;De viel machefer, que fust peaultre;

    D'ambesas, que ce fussent ternes...Toujours trompant ou moy ou aultre,Et vendoit vessies pour lanternes.

    LVIII.

    Du ciel, une poisle d'arain;Des nues, une peau de veau;Du matin, qu'estoit le serain;

    D'un trongnon de chou, ung naveau;D'orde cervoise, vin nouveau;D'une truie, ung molin vent;Et d'une hart, ung escheveau;D'un gras abb, ung poursuyvant.

    LIX.

    Ainsi m'ont amours abus,

    Et pourmen de l'uys au pesle.Je croy qu'homme n'est si rus,Fust fin comme argent de crepelle,Qui n'y laissast linge et drapelle,

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    Mais qu'il fust ainsi manyComme moy, qui partout m'appelle:

    L'Amant remys et reny.

    LX.

    Je renye Amours et despite;

    Je deffie feu et sang.Mort par elles me precipite,Et si ne leur vault pas d'ung blanc.Ma vielle ay mys soubz le banc;Amans je ne suyvray jamais;Se jadis je fuz de leur ranc,Je declaire que n'en suys mais.

    LXI.

    Car j'ay mys le plumail au vent:Or le suyve qui a attente;De ce me tays dorenevant.Poursuyvre je vueil mon entente,Et, s'aucun m'interroge ou tenteComment d'amours ose mesdire,Geste parolle les contente:

    Qui meurt a ses loix de tout dire.

    LXII.

    Je cognoys approcher ma soef;Je crache, blanc comme cotton,Jacobins gros comme ung estoeuf:Qu'est-ce dire? que JenannetonPlus ne me tient pour valeton,

    Mais pour ung vieil us rgnait...De vieil porte voix et le ton,Et ne suys qu'ung jeune coquart.

    LXIII.

    Dieu mercy et Jaques Thibault,Qui tant d'eau froide m'a faict boyre,En ung bas lieu, non pas en hault;

    Manger d'angoisse mainte poire;Enferr... Quand j'en ay mmoire,Je pry pour luy et reliqua,Que Dieu luy doint... et voire, voire,

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    Ce que je pense... et cetera.

    LXIV.

    Toutesfoys, je n'y pense mal,Pour luy et pour son lieutenant;Aussy pour son official,

    Qui est plaisant et advenant,Que faire n'ay du remenant;Mais du petit maistre Robert?...Je les ayme, tout d'ung tenant,Ainsi que faict Dieu le Lombart.

    LXV.

    Si me souvient, mon advis,Que je feis, mon partement,Certains lays, l'an cinquante six,Qu'aucuns, sans mon consentement,Voulurent nommer Testament;Leur plaisir fut, et non le mien:Mais quoy! on dit communement,Qu'un chascun n'est maistre du sien.

    LXVI.

    S'ainsi estoit qu'aulcun n'eust pasReceu les lays que je luy mande,J'ordonne que, aprs mon trespas,A mes hoirs en face demande;Qui sont-ilz? si on le demande:Moreau, Provins, Robin Turgis;De moy, par dictez que leur mande,

    Ont eu jusqu'au lict o je gys.

    LXVII.

    Pour le rvoquer ne le dy,Et y courust toute ma terre;De piti en suys refroidy,Envers le bastard de la Barre:Parmy ses trois gluvons de foerre,

    Je luy donne mes vieilles nattes;Bonnes seront pour tenir serre,Et soy soustenir sur ses pattes.

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    LXVIII.

    Somme, plus ne diray qu'ung mot,Car commencer veuil tester:Devant mon clerc Fremin, qui m'ot(S'il ne dort), je vueil protester,Que n'entends homme detester,

    En ceste presente ordonnance;Et ne la vueil manifesterSinon au royaulme de France.

    LXIX.

    Je sens mon cueur qui s'affoiblist,Et plus je ne puys papier.Fremin, siez-toy prs de mon lict,Que l'on ne me viengne espier!Prens tost encre, plume et papier,Ce que nomme escryz vistement;Puys fais-le partout copier,Et vecy le commancement.

    Ici commance Villon tester.

    LXX.

    Au nom de Dieu, Pre eternel.Et du Filz que Vierge parit,Dieu au Pre oeternel,Ensemble et du Sainct Esperit,Qui saulva ce qu'Adam prit,Et du pery pare les Cieulx...Qui bien ce croyt, peu ne merit:

    De gens mortz se font petiz Dieux.

    LXXI.

    Mortz estoient, et corps et ames,En damne perdition;Corps pourriz, et ames en flammes,De quelconque condition;Toutesfoys, fais exception

    Des patriarches et prophtes;Car, selon ma conception,Oncques grand chault n'eurent aux fesses.

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    LXXII.

    Qui me diroit: Qui te faict mectreSi trs-avant ceste parolle,Qui n'es en Thologie maistre?A toy est presumption folle.C'est de JESUS la parabolle,

    Touchant le Riche ensevelyEn feu, non pas en couche molle,Et du Ladre, de dessus ly.

    LXXIII.

    Si du Ladre eust veu le doy ardre,J n'en eust requis refrigre,N'au bout d'icelluy doiz aherdre,Pour refreschir sa maschoure.Pions y feront mate chre,Qui boy vent pourpoinct et chemise:Puys que boyture y est si chre,Dieu nous garde de la main mise!

    LXXIV.

    Ou nom de Dieu, comme j'ay dit,Et de sa glorieuse Mre,Sans pech soit parfaict ce dictPar moy, plus maigre que chimere;Si je n'ay eu fivre effimre,Ce m'a faict divine clmence;Mais d'autre dueil et perte amreJe me tays, et ainsi commence:

    LXXV.

    Premier, je donne ma pauvre ameA la benoiste Trinit,Et la commande Nostre Dame,Chambre de la divinit;Priant toute la charitDes dignes neuf Ordres des cieulx,Que par eulx soit ce don port

    Devant le Trosne prcieux.

    LXXVI.

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Item, mon corps j'ordonne et laisseA nostre grand mre la terre;Les vers n'y trouveront grand gresse:Trop lui a faict faim dure guerre.Or luy soit dlivr grand erre;De terre vint, en terre tourne.Toute chose, se par trop n'erre,

    voulentiers en son lieu retourne.

    LXXVII.

    Item, et mon plus que pre,Maistre Guillaume de VillonQui m'a est plus doulx que mreD'enfant eslev de maillon;Dejett m'a de maint boillon,Et de cestuy pas ne s'esjoye,Si luy requiers genoillon,Qu'il m'en laisse toute la joye.

    LXXVIII.

    Je luy donne ma librairie,Et leRommant du Pet au Diable,

    Lequel maistre Gui TabarieGrossoya, qu'est hom vritable.Par cayers est soubz une table.Combien qu'il soit rudement faict,La matire est si trs notable,Qu'elle amende tout le meffaict.

    LXXIX.

    Item, donne ma bonne mrePour saluer nostre Maistresse,Qui pour moy eut douleur amre,Dieu le sait, et mainte tristesse;Autre chastel ou fosteresseN'ay o retraire corps et ame,Quand sur moy court male destresse,Ne ma mre, la povre femme!

    BALLADEQUE VILLON FEIT A LA REQUESTE DE SA MRE,POUR PRIER NOSTRE-DAME.

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    Oeuvres compltes de Franois Villon

    Dame du ciel, rgente terrienne,Emperire des infernaulx palux,Recevez-moy, vostre humble chrestienne,Que comprinse soye entre voz esleuz,Ce non obstant qu'oncques rien ne valuz.Les biens de vous, ma dame et ma maistresse,Sont trop plus grans que ne suis pecheresse,

    Sans lesquelz bi