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L’enseignement de la
grammaire Quelle grammaire pour JuL ?
Mohamed Bourradou –Hadjadj Nasserddine
Université Ahmed Draya –Adrar (Master 1)
Adrar, février 2018
Résumé :
C’est quoi la grammaire ? Quels sont les types de grammaire qui se sont succédés ?
Quel traitement se fait de la grammaire dans une classe de langue ? Quelle grammaire est
enseignée dans le système éducatif algérien ? Les enseignants algériens adhérent-ils à
l’enseignement de la grammaire textuelle et énonciative ? Quel avenir pour l’enseignement
de la grammaire ? Voici les quelques questions que cette modeste contribution essaye de
répondre.
Mots clés : grammaire- contexte algérien – éclectisme- enseignement-Fle – évaluation-
Introduction
Lorsque en octobre 2017, le rappeur français Jul
a posté sur les réseaux sociaux un petit texte de
quelques lignes plein de fautes de grammaire et
d’orthographe, la réponse des internautes sur les
réseaux sociaux était sans concession et en plus
claire « Achète-toi un Bescherelle Jul ».1
Le Bescherelle est considéré par des
générations comme le symbole du Bon usage de la
langue française, il contient toutes les règles
relatives à cette langue. La maîtrise des règles est
devenue synonyme de la maîtrise de la langue. Un
enseignant de langue française peut –il donc entrer
en classe avec un Bescherelle dans son cartable et
faire une séance de grammaire ? Savoir les règles de
la grammaire aide-t-il à maîtriser la compétence de
communication ? Peut-on communiquer
correctement sans connaitre les règles
grammaticales ? D’ailleurs c’est quoi la grammaire ?
Y a –t-il une grammaire ou des grammaires ? Quelle
grammaire peut-on privilégier ? Son enseignement
est-il nécessaire
1 Page Facebook de JUL ,
https://www.facebook.com/julOfficial/posts/123037
3337064713
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dans une
classe de
langue ? Quelle grammaire est enseignée dans le
système éducatif algérien ? La grammaire
textuelle exclut-elle les autres grammaires ?
Mais la véritable question qu’on doit poser est :
comment faire pour que Jul écrive correctement ?
JUL est dans cet article le synonyme de tous les
apprenants et de tous les anciens apprenants qui
trouvent des difficultés et qu’ils n’arrivent pas à
écrire correctement. Presque tous les enseignants
avaient et ont des Jul dans leurs classes, la faute
est-elle due à la façon d’enseigner la grammaire
par les enseignants ? Faut-il repenser notre
enseignement de la grammaire ? S’il y a un Jul en
français langue maternelle, il y a aussi des Jul en
FLE. La situation est identique, sinon pire. Il faut
aussi préciser qu’il n’y a pas une grammaire
spécifique de FLE et une autre pour FLM, la
grammaire de FLM est la même pour le FLE.
Cette contribution va essayer de répondre
à quelques de ces questions, en abordant la
grammaire et son évolution dans le temps ainsi
que la grammaire enseignée à travers le temps
dans le système scolaire algérien qui est évaluée
dans les sujets du baccalauréat, chaque fois que
l’école algérienne change de paradigme cela se
répercute sur cette évaluation certificative. En
abordera aussi la façon d’enseigner la grammaire
du texte, en contexte algérien.
1-Définition de la grammaire
Le mot grammaire est fortement
polysémique. Il est difficile à cerner, parce que ses
emplois sont aussi flous que multiples (R. Glisson
& D. Coste ; 1976)
Selon le Dictionnaire de linguistique, (J.
Dubois, 1973). « Le terme de grammaire a
plusieurs définitions selon les théories
linguistiques ; on peut en retenir quatre principales
:
a. La grammaire est la description complète de
la langue, c'est-à-dire des principes d'organisation
de la langue.
Elle comporte plusieurs parties :
- une phonologie (étude des phonèmes et de leurs
règles de combinaison) ;
- une syntaxe (règles de combinaison des
monèmes et morphèmes et des
Syntagmes) ;
- une lexicologie (étude du lexique) ;
- une sémantique (étude des sens des mots et de leurs
combinaisons).
b. La grammaire est la description des morphèmes
grammaticaux (articles, conjonctions, prépositions,
pronoms, etc.) et des lexèmes ou monèmes lexicaux
(noms, verbes, adjectifs, adverbes) et l'étude de leurs
combinaisons pour former des mots ou des phrases
(syntaxe). En ce cas, la grammaire s'oppose à la
phonologie (l'étude des sons et de leurs règles de
combinaison). On peut l'appeler morpho-syntaxe.
c. La grammaire est la description des seuls
morphèmes ou mots grammaticaux (articles,
conjonctions, prépositions, pronoms, etc.), en
excluant les lexèmes ou monèmes lexicaux (c'est-à-
dire les noms, adjectifs, adverbes, verbes). Elle décrit
les règles qui régissent le fonctionnement des
morphèmes ou mots grammaticaux dans la phrase.
Ainsi, la grammaire ne s'intéresse qu'à la syntaxe et
s'oppose à la phonologie et au lexique.
d. En linguistique générative, la grammaire d'une
langue est le modèle de la compétence idéale de
sujets parlant une langue. Elle est formée de trois
parties :
- une composante syntaxique : système des
règles définissant les phrases permises dans une
langue
- une composante sémantique, système des
règles définissant le sens des phrases générées ou
produites
- une composante phonétique et phonologique
: système des règles réalisant en une séquence de
sons les phrases générées par la syntaxe.
En 1973 J. Dubois et René Lagane dans « La
nouvelle Grammaire » Française donnent une
définition plus concise :
« Décrire une langue, c’est décrire le système,
c’est-à-dire étudier la forme et l’organisation des
règles qui constituent, avec les mots, la structure de
la langue.
Quand on analyse ainsi la structure du français, on
établit la grammaire du français .Pour pouvoir faire
cette grammaire, il faut analyser ce que disent les
français, leurs énonces, afin de dégager les règles
générale communes à tous ceux qui parle français. »
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2.
Pourquoi étudie la grammaire ?
Selon toujours Jean Dubois et René Lagane on
étudie la grammaire :
- Pour acquérir une manière pratique de la langue
maternelle, une meilleure maitrise des règles du
français et pour parvenir ainsi à la communication la
plus large et la plus sûre ;
- Pour comprendre la structure et le fonctionnement
de cet instrument de communication qui est à la base
de nos relations avec les autres hommes, de notre
développement intellectuel de notre culture.
3. Les grands courants en didactique de la
grammaire2
Trois mouvements principaux ont marqué
l'enseignement grammatical du français langue
maternelle et qui sont transposés sur le français
langue étrangère
3.1. La grammaire traditionnelle
Élaborée au fil du XIXe siècle parallèlement à
la mise en place de l'école publique, la grammaire
traditionnelle est encore très vivante aujourd’hui.
Elle s'est constituée surtout en vue de l'apprentissage
de l'orthographe d'accord. La plupart des notions
qu'elle s'est efforcée de transmettre sont en effet
reliées aux règles du code orthographique. L'auteur
le plus connu de ce courant est sans conteste Maurice
Grevisse et son Bon Usage.
2 . La grammaire structurale
Avec le développement de la linguistique
moderne, l'enseignement grammatical, vers le début
des années 1970, s'est renouvelé sur la base des
descriptions structuralistes de la
langue, particulièrement le distributionnalisme et le
générativisme. L'orthographe s'est vue reléguée au
second plan au profit de la syntaxe de la phrase, vue
non plus comme une simple suite de mots mais
comme une structure hiérarchique où les
éléments s'emboîtent les uns dans les autres un peu à
la manière des poupées gigognes. L'accent est mis
2 Claude Simard ; Survol historique des grands courants
en didactique de la grammaire ; Volume 6, numéro 1,
2000
sur les groupes fonctionnels (groupe nominal,
groupe verbal, etc.), sur leurs relations réciproques et
sur leur constitution interne. À la place des
définitions traditionnelles d'ordre sémantique, la
grammaire structurale dégage les propriétés des
groupes fonctionnels et des classes de mots à l'aide
de manipulations concrètes d'addition, d'effacement,
de substitution ou de déplacement. Bien sûr on ne
peut pas parler de la grammaire structurale sans
parler des exercices structuraux : la répétition : la
substitution, la transformation, la combinaison le
dialogue dirigé et la complétion
3.Le modèle génératif transformationnel
En 1957, Chomsky formule sa grammaire
générative et s’oppose su coup au
distributionnalisme bloomfieldien, et au modèle
behaviouriste de Skinner. Il s’intéresse au
phénomène selon lequel un individu détient la
compétence nécessaire pour reconnaître, produire et
comprendre une infinité de phrases.
La grammaire générative est essentiellement faite
de règles : son but est d’énoncer des lois. Alors que
l’approche structurale s’intéresse aux unités,
l’approche générative élabore des règles.
4. La grammaire de discours ou de texte
Au cours des années 1980, sous l'influence de la
linguistique pragmatique et de la linguistique de
l’énonciation, un nouveau mouvement de rénovation
gagne l'enseignement grammatical. La perspective
retenue n'est plus seulement phrastique comme dans
la grammaire structurale, elle s'agrandit et devient
transphrastique. En étendant l'étude de la grammaire
aux énoncés longs que forment les discours ou les
textes, on vise à sensibiliser les élèves aux
mécanismes grammaticaux responsables de la
continuité d'un texte et de son inscription dans
une situation de communication.
4. Traitement de la grammaire dans une classe de
langue
Les méthodes les plus utilisées pour le
traitement de la grammaire en classe de langue sont :
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4.1. La Grammaire active/la grammaire
passive
La grammaire active ou “la grammaire de
production” (Puren, Bertocchini, Constanzo 1998)3
comprend l’ensemble des règles linguistiques que
l’apprenant maîtrise à un niveau de compétence
active définie comme la capacité de l’apprenant à
réutiliser des éléments linguistiques ou culturels
pour sa propre expression personnelle. Par contre,
la grammaire passive appelée aussi “la grammaire
de reconnaissance” par ceux-ci (1998:201) est
l’ensemble des règles linguistiques maîtrisées par
l’apprenant à un niveau de reconnaissance.
Jakobson, 1963 dans « linguistique et théorie de la
communication » fait la distinction entre grammaire
de l’expression et grammaire de la compréhension
(dites aussi grammaire de la parole et grammaire de
l’écoute. (R.Gallisson , D.Coste 1976)
4.2 La grammaire contextualisée/la
grammaire décontextualisée
La grammaire contextualisée, c’est la
grammaire enseignée dans un contexte qui renvoie
à une situation de communication, alors que la
grammaire décontextualisée est celle qui est
enseignée en dehors de tout contexte ou situation de
communication, comme dans des exercices
artificiels composés des phrases isolées.
4. 3 La grammaire déductive/la
grammaire inductive
La grammaire déductive désigne un
enseignement de la grammaire allant des règles aux
exemples contrairement à la grammaire inductive
qui va des exemples aux règles, comme lorsque
l’enseignant demande aux apprenants de découvrir
une règle à partir d’une série de phrases. Les
exercices d’application correspondent à une phase
déductive de l’apprentissage de la grammaire.
4.4. La grammaire implicite/la
grammaire explicite
La grammaire implicite signifie un
enseignement de la grammaire faisant l’impasse sur
3 Cité par Nurten özçelik ; l’enseignement et
l’apprentissage de la grammaire en classe du fle.
Ondokuz Mayıs Üniversitesi Eğitim Fakültesi Dergisi
2012
toute explicitation des règles en classe qui est le
procédé principal de la grammaire explicite.
Quoique la pratique de l’enseignement implicite soit
longtemps interprétée par les enseignants et les
apprenants, comme un non-enseignement de la
grammaire. J.P.CUQ et Isabelle Gruca préfèrent de
le loin la grammaire explicite à la grammaire
implicite pour des raisons d’optimisation de temps,
de focalisation de l’intention des apprenants sur des
points de langue en misant sur l’impact
acquisitionnel de la conceptualisation des apprenants
et de lutter contre la focalisation des erreurs
(J.P.CUQ et Isabelle Gruca 2003)
5. L’enseignement/apprentissage de la
grammaire dans les différentes méthodologies :
5.1. La Grammaire dans les méthodes
traditionnelles
Dans les méthodes traditionnelles, appelées
aussi les méthodes grammaire traduction ou
classique, la conception de la langue est réduite à
l’enseignement explicite de la grammaire : au début
du cours, le professeur énonce et explique les règles
grammaticales sur un point donné et les apprenants
les appliquent dans des exercices de thèmes et de
versions. La traduction est systématiquement utilisée
comme un procédé d’enseignement/apprentissage
linguistique.
Dans les manuels de grammaire traditionnels
qui adoptent une démarche déductive et analytique,
l’accent est mis sur l’analyse grammaticale ou
l’analyse logique. Quant au statut de l’enseignant,
elle détient le savoir et le transmet verticalement.
5.2. La Grammaire dans la méthode
directe
Dans cette méthode dont l’objectif principal
est d’enseigner aux apprenants de “penser
directement dans la langue cible”, on accorde une
plus grande importance à l’apprentissage du
vocabulaire qu’à celui de la grammaire. Comme
l’indiquent Germain et Séguin,4 ”Tout recours à la
grammaire n’est pas banni pour autant. Ce qui
change, c’est plutôt le moment où sont introduites les
règles de grammaire, ainsi que la façon de le faire.
Avec la méthode directe, la pratique orale doit
4 Cité par Nurten ÖZÇELİK ibid
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précéder
les règles
grammaticales” (1998: 19) 5. Pour que les apprenants
ne recourent pas au dictionnaire qui est conçu
comme l’instrument principal de la démarche
analytique, les manuels offrent une grande quantité
de mots.
La démarche adoptée en grammaire est
inductive et implicite : d’abord l’observation et la
répétition fréquente et mécanique des formes
grammaticales, ensuite l’assimilation des régularités
par des exercices de réflexion grammaticale et puis
la comparaison avec la langue maternelle.
Déconseillés la traduction, l’usage de la langue
maternelle et l’apprentissage par cœur des règles
grammaticales.
5.3. La grammaire dans la méthode
audio-orale
L’oral et les structures grammaticales de la
langue courante sont les sujets privilégiés de cette
méthode où les structures de la langue se pratiquent
dans des exercices structuraux centrés sur la syntaxe,
de substitution ou de transformation, suivis des
répétitions intensives et de la mémorisation des
structures modèles, c’est-à-dire, des exercices
d’automatisation d’inspiration behavioriste.
Dans cette méthode adoptant une démarche
d’apprentissage inductive, on ne donne lieu ni à
l’analyse et ni à la réflexion sur la langue à acquérir.
5.4. La Grammaire dans les méthodes
audio-visuelles
Les méthodes audio-visuelles sont fondées
sur la linguistique structurale, on propose à
l’apprenant des exercices structuraux sans ne lui
donner aucune description grammaticale. Il s’agit
d’un enseignement de la grammaire implicite et
inductive. La méthode Structuro Globale Audio-
Visuelle (SGAV) donne plus d’importance au travail
sur la syntaxe par rapport à celui de la morphologie.
C’est la grammaire et les structures qui sont
l’axe de la progression et de l’élaboration des
méthodes. La notion de structure couvre la totalité de
l’activité langagière mais elle “ne porte jamais que
sur l’énoncé, c’est pourquoi, cette pratique exclut ce
qui relève de l’enchaînement des énoncés et de la
5 Cité par Nurten ÖZÇELİK ibid
grammaire textuelle” (Boyer, Butzbach, Pendanx
1990: 205).6
5.5. La grammaire dans les méthodes
communicatives
Les pratiques diversifiées connues sous les
noms de méthode cognitive, de méthode notionnelle-
fonctionnelle et de méthode communicative se
regroupent sous la dénomination générale de
“méthode communicative” qui fait mieux la
différence entre la compétence linguistique et la
compétence de communication ayant des
composantes discursive, linguistique, référentielle et
socio-culturelle. Parmi celles-ci, la composante
linguistique se définit comme la connaissance des
modèles phonétiques, lexicaux, grammaticaux et
textuels du système de la langue.
Les activités grammaticales englobées dans les
activités d’appropriation se caractérisent par la
diversité. On propose à l’apprenant des exercices
grammaticaux de plusieurs types, semblables aux
exercices structuraux de type pragmatiques,
syntaxiques, notionnels et qui sont tous au service de
la communication. L’approche communicative
fonctionnelle ne cherche pas à faire progresser le
lexique ni les structures grammaticales. On envisage
une progression plutôt dans les tâches à accomplir
que dans les difficultés linguistiques.
6. L’enseignement de la grammaire dans
le système éducatif algérien à travers le temps :
Quelle grammaire était enseignée dans le
système éducatif Algérie à travers le temps ? Pour
répondre à cette question, il suffit de consulter les
sujets du baccalauréat pour avoir une réponse claire.
Années 60 jusqu’aux années 70, la grammaire était
de type traditionnel, dans les années 70 et jusqu’en
1993.Le baccalauréat se composait de 4 parties
(Compréhension et lexique syntaxe, synthèse et
essai) De 1994 à 2006, le baccalauréat se composait
de 3 parties (Compréhension, fonctionnement de la
langue et expression écrite. De 2006 à nos jours, le
baccalauréat se compose de 2 parties
(Compréhension et production écrite)
A travers l’organisation du baccalauréat, on
sait le type de grammaire qui a été dispensé dans
6 Cité par Nurten ÖZÇELİK ibid
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l’école
algérienne , avant les années 70 c’était une
grammaire traditionnelle , les années 70 et 80
grammaire structurale ,avec une partie consacré à la
syntaxe, entre 1994 et 2006 , un mélange de
grammaire structural et de grammaire textuelle ,et
enfin de 2006 à nos jours , le tout textuel.
L’Algérie n’était pas en reste, ses
programmes suivaient (avec un léger retard)
l’évolution des méthodes et des méthodologies qui
régnaient dans le monde de la didactique des
langues.
6.1. La grammaire textuelle
La grammaire traditionnelle est une grammaire dont
l’étude porte essentiellement sur la phrase, c’est la
grammaire de Port Royal développée au XVIIe
siècle. C’est la grammaire scolaire, celle du « Bon
Usage ». Elle est une grammaire normative qui suit
un code. Elle est aussi sélective car elle fonctionne
en se fondant sur des exemples littéraires issus des
textes des « bons » auteurs. Cette grammaire avait la
vie longue. Il fallait attendre jusqu’à la fin des années
60 pour que cette grammaire cède la place à une autre
grammaire : la grammaire structurale. La grammaire
structurale naît à la suite de la linguistique
structurale qui remonte au début du XXe siècle, et
dont l'ambition est de rendre compte de la structure
des langues avec plus d'efficacité. La grammaire
structurale se préoccupe donc tout particulièrement
de l'organisation des mots et des constituants de
phrase. Elle subordonne, sans le négliger, le sens à la
syntaxe. Ce type de grammaire était enseigné dans le
système éducatif algérien jusqu’au début des années
90, toute la génération de cette période garde en
mémoire le découpage de la phrase en groupe
nominal sujet et groupe verbal.
Au début des années 90 jusqu’à la fin de la
décennie et sous l’influence de l’approche
communicative, il régnait dans le système éducatif
une période transitoire. Cette période a intégré une
autre grammaire mais sans réellement l’appliquer.
Cependant ce nouveau paradigme donnait plus
d’importance à la compétence de communication et
7 Redhouane Kerrouzi ; Le rapport de cause dans la
production écrite des apprenants de 4ème A. M.
instaura une certaine tolérance dans la pratique de la
langue, « le bon usage » n’est plus le critère majeur
dans l’évaluation d’une production écrite, ainsi on
peut lire cette instruction rédigée par Ministère de
l’Education Nationale en 1993 et destinée aux
professeurs lors de l’évaluation de la production
écrite dans les examens officiels :
« On appréciera d’abord la
communicabilité du texte produit, ensuite la
pertinence des informations ou argument avancés et
enfin la correction de la langue. Tout cela pour
éviter le laxisme dans l’appréciation globale et le
terrorisme du correcteur qui subordonne tout à la
correction de la langue. »
Ce doute paradigmatique c’est dissipé au
début des années 2000, avec l’intégration des notions
de cohérence et de cohésion dans le système
d’évaluation. Les guides destinés aux enseignants
insistaient sur le cadre théorique sur lequel ce base
cette nouvelle grammaire ; la linguistique
énonciative. De ce fait le système algérien est entré
dans l’ère de la grammaire du texte sous le parapluie
l’approche communicative sans pour autant
abandonner les exercices structuraux chers à la
grammaire structurale.
La grammaire de texte est nait sous
l’impact de la linguistique pragmatique et de la
linguistique textuelle et énonciative. Dépassant le
niveau de la phrase, reconnue dans la grammaire
structurale, cette grammaire tend à être
transphrastique : elle met l’accent donc sur les
discours longs ou les textes authentiques.
L’enseignement de ce type de grammaire vise à
orienter l’attention des apprenants sur les
mécanismes grammaticaux qui assurent la continuité
d’un texte ainsi que son appartenance à une situation
de communication. Néanmoins, enseigner la
grammaire de texte ne veut dire en aucun cas
occulter la grammaire structurale ou la grammaire de
la phrase.7
La grammaire du texte présente le thème
(information connue) et le propos (nouvelle
information), ainsi que la façon dont on doit faire
alterner l’information connue et l’information
nouvelle dans le texte pour aider le destinataire à
comprendre. Elle se penche aussi sur les éléments de
cohérence du texte, tant du point de vue de l’auteur
Contraintes de mobilisation . Université Abdelhamid Ibn
Badis de Mostaghanem - Mémoire de magistère 2012
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que du
lecteur.
Ainsi, l’élève est exposé très tôt à l’importance du
destinataire dans le processus de communication et
à la nécessité de lui faciliter la lecture, dans le cas de
textes écrits.
On lui enseigne que l’un des objectifs de la
communication est de transmettre de l’information
par la production d’un discours ou d’un texte écrit
cohérent, et que pour y parvenir, il gagne à
comprendre les phénomènes grammaticaux entre les
phrases :
la progression de l’information ;
la reprise de l’information ;
le lien entre les phrases.
L’élève doit aussi maîtriser les notions
grammaticales qui les accompagnent, par exemple :
l’utilisation de référents (les pronoms, les
déterminants, les synonymes, etc.);
la concordance des temps ;
l’utilisation de marqueurs de relation et de
marqueurs de modalité.
Pour la grammaire du texte chaque type de
texte a ses propre outil linguistique, on ne peut pas
dans cette logique étudier la passivation dans le texte
argumentatif, ni d’ailleurs la reprise nominal, la
logique de la grammaire du texte, est définie par la
question suivante : un outil ou une notion
grammatical pourquoi faire ?
Ainsi chaque type de texte a ses propres notions
grammaticales ; les outils linguistiques du texte
narratif ne sont pas ceux du texte explicatif,
du texte argumentatif ou texte injonctif, chaque
type de texte a ses propres outils grammaticaux
7. La grammaire textuelle et énonciative en
contexte algérien
L’enseignement de la grammaire après la
réforme des années 2000 s’inscrit directement et
sans équivoque dans la grammaire textuelle et
énonciative, ce choix est dicté par l’approche
communicative, appliquée dans tous les paliers
(primaire, moyen et secondaire).Apres une période
résistance à cette démarche du tout textuel ; les
enseignants se sont résignés à enseigner ce type de
grammaire sans une réelle formation. La
grammaire préconisée est une grammaire explicite,
8 MEN , Troisième année moyenne guide du professeur.
inductive et contextualisée. Son principal objectif
est l’expression, la production d’énoncés écrits ou
oraux. Une séance de grammaire comporte trois
phases 8 : observation du phénomène étudié,
réflexion sur le phénomène et conceptualisation
(l’élève doit induire les règles du phénomène) et
enfin application et manipulation (exercices).
L’énonciation quant à elle s’est imposée
d’elle-même en parallèle à la grammaire textuelle.
Elle est confondue avec la grammaire textuelle car
elle est étudiée dans les textes. Cependant la
grammaire de l’énonciation s’intéresse au
phénomène des mots renvoyant à l’énonciateur, à
ses sentiments, à ses croyances (les modalisateurs).
La grammaire de l’énonciation travaille aussi sur la
prise en compte du destinataire. Il s’agit d’une
grammaire au service de la communication.
L’objectivité et la subjectivité de l’énonciateur sont
les notions clé de cette grammaire en contexte
algériens.
8. L’évaluation de la grammaire du texte au
baccalauréat
A première vu le baccalauréat algérien ne
comporte pas une partie propre à la grammaire mais
en lisant les questions on comprend aisément que la
grammaire est présente, au dernier baccalauréat celui
de 2017 ,4 questions sur 9 portaient sur la grammaire
du texte. C’est une grammaire d’apparence discrète
mais fortement présente : substitution, reprise de
l’information, énonciation, cohérence, cohésion et
emploi sont les concepts clés sur lesquels l’apprenant
algérien est évalué. Sans parler de la grammaire
textuelle évaluée dans la production écrite.
9. Séance de grammaire textuelle et énonciative
au secondaire, cas de 3eme année secondaire
Une séance de grammaire selon le paradigme de
la grammaire textuelle, ne doit pas être enseignée en
dehors d’un texte, ni en dehors d’une séquence, cette
séquence est rattachée à un projet qui aborde un type
de texte. C’est une grammaire contextualisée.
Une séance de grammaire n’est pas donc une
séance isolée, elle suit un enchainement logique, les
notions grammaticales sont au service du texte et de
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la
compréhension. A la fin d’une séquence elles seront
au service de la production écrite. D’ailleurs la
grammaire n’est pas appelée grammaire dans
l’approche communicatif contexte algérien mais elle
fait partie d’un fait de langue ; vocabulaire, lexique
et grammaire sont indissociées. La voix passive, le
pronom indéfini « On », la forme impersonnelle ne
vont pas être abordés séparément, ils sont tous au
service d’un phénomène : l’objectivité et
l’effacement de l’énonciateur dans le texte explicatif
ou scientifique. Un enseignant ne peut pas –sous
peine d’être crucifier pas les inspecteurs- entrer en
classe et commencer sa séance de la voix passive
par : le chat mange la souris, la souris est mangée
par le chat !
Prenons un autre exemple : projet II, du
programme de 3 AS, organiser un débat puis faire le
compte rendu. Séquence 01 : s’inscrire dans le
débat : convaincre ou persuader. A travers l’intitulée
de la séquence, on comprend aisément qu’il s’agit
d’un texte argumentatif, alors tous les phénomènes
linguistiques propre à l’argumentation vont être
abordés.
L’élément qui différencie le texte argumentatif
du texte scientifique est la notion de subjectivité et
la présence de l’énonciateur dans son énoncé.
L’enseignant va aborder cette notion qui s’oppose à
la notion d’objectivité étudiée dans le texte
scientifique. La subjectivité intègre la grammaire et
le vocabulaire, l’enseignant ne peut donc pas
nommer sa séance « séance de grammaire » elle est
nommée séance fait de langue : Pour aborder cette
notion il va aborder : Les pronoms personnels, les
adjectifs possessifs et les pronoms possessifs de la
première personne ,le vocabulaire appréciatif , le
vocabulaire de sentiment, l’expression de degré de
certitude et d’incertitude, les verbes de modalité, le
conditionnel ,les verbes de modalité, l’exclamation
et l’interrogation rhétorique.
La séance doit s’appuyer sur un texte support
qui comporte non tous les éléments cités mais
quelques-uns. Le texte de la compréhension sera
donc l’appui, il a été étudié pour un objectif de
compréhension mais dans la séance de fait de
langue, l’enseignant doit revenir au texte pour cibler
le phénomène linguistique recherché .Les éléments
étudiés doivent être impérativement réinvestis dans
la production écrite. Cette séance est fortement
ancrée dans la grammaire du texte mais aussi dans
la grammaire énonciative, la grammaire textuelle
contexte algérien est une grammaire issue de deux
écoles qui sont complémentaires. Cependant lors de
la phase de manipulation, les enseignants peuvent
recourir à des exercices structuraux qui doivent être
contextualisés. De ce fait la grammaire contexte
algérien se rapproche de l’éclectisme mais sans le
nommer.
Conclusion
Depuis que Dell Hymes a introduit le
concept de compétence de communication en 1966,
l’enseignement de la grammaire était voué à prendre
aussi une autre voie : la grammaire n’est pas que
l’ensemble de règles et de normes d’une langue mais
c’est aussi savoir utiliser ces connaissances
grammaticales pour communiquer à l’écrit comme à
l’oral : la grammaire est un usage et un emploi.(
Widdowsson 1981). Aujourd’hui, avec l’approche
communicative, la grammaire n’est pas enseignée
pour elle-même, la finalité de l’école n’est pas de
former des grammairiens mais des individus pouvant
utiliser la compétence linguistique pour
communiquer dans des différentes situations, fini le
temps ou les élèves devraient apprendre les
différentes règles grammaticales en utilisant un
métalangage spécifique, la grammaire de texte est
devenue la grammaire à enseigner. Cependant,
avouons-le, la grammaire textuelle pose un sérieux
problème aux enseignants algériens, faute de
formation et faute de connaissances sur la
linguistique d’énonciation, certains enseignants,
abordent toujours la grammaire comme elle leur a été
transmise quand ils étaient à leur tour des élèves, un
mélange de la grammaire traditionnelle et de la
grammaire structurale. Leurs pratiques sont proches
d’un éclectisme « sauvage » qui ne dit pas son nom.
Ils confondent entre connaissances grammaticales
savantes des livres de grammaire et pratiques de
classe, des fois même la transposition n’est pas faite,
l’élève reçoit directement des notions brutes du
Bescherelle ou du Bon usage. Pour les enseignants la
grammaire reste la norme et les règles, ils sont à
contre-courant des instructions officielles qui les
poussent sans les convaincre vers la grammaire du
texte qui essaye sans parvenir jusqu’à présent de les
faire éloigner de la grammaire du Bon usage. Les
enseignants algériens font toujours de la résistance à
la grammaire du texte.
Pour certains enseignants, en s’éloignant de la
grammaire traditionnelle avec le respect des règles et
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de la
norme,
on prend le risque de former des générations entières
de JUL . Qui maitrisent certes la communication
mais les règles qui sont le fondement de toute langue
ne sont pas respectées. Cette situation se résume déjà
dans l’article paru dans le journal Le Figaro le 15.02.
2008, écrit par Aude Sérès, qui reflète
l’enseignement de la grammaire entre pratique des
enseignants, instructions officielles, résultats des
élèves et inquiétudes des parents. La grammaire n’a
pas voulu rester en classe, elle est devenue un sujet
sociale, c’est normal ! La langue, elle-même est un
phénomène social.
Alors, quelle grammaire choisir à l’école :
traditionnelle, structurale ou textuelle ? Ces derniers
temps un ancien-nouveau terme est devenu à la
mode, il est sur toutes les lèvres des didacticiens ;
l’éclectisme. Tout le monde en parle mais personne
ne sait vraiment ce qu’il est. Ce concept peut –il être
le graal que tout le monde recherche, peut-il palier
aux lacunes de la grammaire textuelle, traditionnelle
et structurale ? D’ailleurs c’est quoi l’éclectisme ?
L’éclectisme n. m. (du grec : eklegein, choisir)
est une méthode qui consiste, en philosophie, en
science, ou en politique, à essayer de concilier les
divers systèmes en prélevant dans chacun d'eux ce
qui paraît le plus conforme à la vérité pour en
composer un système unique, où se trouveraient
réunies, en une synthèse harmonieuse, les données
essentielles de tous les autres.
En didactique du F.L.E, l’éclectisme est une
logique de l’empilement, de sédimentations
successives au cours du temps (une couche de
traditionnel, une couche d’audiovisuel, une couche
de communicatif...) ou une couche de behaviorisme,
une couche de cognitivisme, une couche
constructivisme et pourquoi pas une autre couche
d’apprentissage social , la même logique s’applique
à l’enseignement de la grammaire : une couche de la
grammaire traditionnelle , une couche de la
grammaire structurale et une autrecouche de la
grammaire du texte.
Cependant cet éclectisme est-il bénéfique en
classe de FLE ? Peut-il donner des solutions aux
problèmes que suscitent les situations
d’enseignement/ apprentissage de la grammaire ?
C.Puren dans son livre : La didactique des langues à
la croisée des méthodes. Essai sur l’éclectisme.
Nous a donné quelques pistes de réflexion.
Références bibliographiques :
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de retour, Le Figaro le 15.02. 2008.
2- Chartrand, S.-G. Quelles finalités pour
l’enseignement grammatical à l’école ? Une
analyse des points de vue des didacticiens du
français depuis 25 ans. Formation et
profession.2012.
http://dx.doi.org/10.18162/fp.2012.222
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la croisée des méthodes. Essai sur l'éclectisme ;
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programme, Commission Nationale des
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sur l’éclectisme en didactique du F.L.E.
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