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90 Ann Skelton Ann grandit sous le violent régime de l’apartheid en Afrique du Sud. Quand elle avait 15 ans, les enfants noirs de son âge qui protestaient étaient abattus et emprisonnés. En tant que jeune procureur, elle vit des enfants battus par la police, mordus par les chiens policiers et condamnés à des coups de fouet. Elle devint juriste et se battit pour les droits des enfants et écrivit des lois qui les protègent. Elle porte les cas des enfants devant le tribunal et quand elle gagne ces cas, elle aide également beaucoup d’enfants dans des situations similaires à celles de ses clients. C’est important pour Ann que les adultes écoutent les enfants. « Les enfants sont des personnes. Ils ont besoin de la possibilité de participer aux décisions qui concernent leur vie » À l’adolescence, Ann détestait toutes les règles de l’école. « Quand j’ai commencé le lycée, mes camarades de classe et moi-même devions porter une plaquette autour du cou avec notre nom. Je trouvais cela abaissant et j’ai refusé de la porter » Mais ce n’était que la pre- mière d’une série d’humilia- tions pour Ann dans son nouveau lycée. « Les enfants plus âgés nous utilisaient, ils nous envoyaient acheter des choses pour eux et nous trai- taient comme des esclaves simplement parce que nous étions plus jeunes. Je me suis révoltée contre ce harcèle- ment et bien sûr j’ai eu des problèmes, qui se termi- NOMINÉE • Pages 90–109 POURQUOI ANN A-T-ELLE ÉTÉ NOMINÉE ? Ann Skelton a été nominée au Prix des Enfants du Monde 2012 pour son victorieux combat, de plus de 20 ans en faveur des droits des enfants victimes du système judiciaire. Ann a fait un travail révolu- tionnaire pour les enfants d’Afrique du Sud, aussi bien dans les salles de tribunal qu’en changeant les lois qui affectent les enfants. Lorsque Nelson Mandela a été élu prési- dent, on demanda à Ann de prendre la direction du travail d’élaboration de la nouvelle loi protégeant les enfants qui enfreignent la loi. En assistant un enfant dans un cas de divorce, un enfant maltraité dans un foyer pour enfants, un enfant réfugié non accom- pagné, des enfants maltrai- tés en prison, des enfants dans des « écoles en boue » en mauvaises conditions et en faisant prendre au tribunal une décision en faveur des enfants, Ann a aidé et protégé tous les enfants d’Afrique du Sud dans des situations similaires. Ann est Direc- trice du Centre for Child Law à l’Université de Pretoria et est assistée par deux jeunes avocates. Ann avec les étudiants à la Pretoria Boys High School et la Girls High School intéressés à promouvoir les droits de l’enfant. PHOTO: MASI LOSI

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World's Children's Prize promotes a more humane world. The program is open for all schools and 57,450 schools with 26.8 million pupils in 102 countries supports it. Every year millions of children learn about the rights of the child, democracy and global friendship through the program. They gain faith in the future and a chance to demand respect for their rights. In the Global Vote, the children decide who receives their prestigious award for their work for the rights of the child. The candidates for the Prize are chosen by a child jury who are experts in the rights of the child through their own experiences. The Prize Laureates become role models for millions of children. The prize money is used to help some of the world's most vulnerable children to a better life. The patrons of the World's Children's Prize include Nelson Mandela, Queen Silvia of Sweden, Aung San Suu Kyi and Graça Machel.

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Ann Skelton

Ann grandit sous le violent régime de l’apartheid en Afrique du Sud. Quand elle avait 15 ans, les enfants noirs de son âge qui protestaient étaient abattus et emprisonnés. En tant que jeune procureur, elle vit des enfants battus par la police, mordus par les chiens policiers et condamnés à des coups de fouet. Elle devint juriste et se battit pour les droits des enfants et écrivit des lois qui les protègent. Elle porte les cas des enfants devant le tribunal et quand elle gagne ces cas, elle aide également beaucoup d’enfants dans des situations similaires à celles de ses clients.

C’est important pour Ann que les adultes écoutent les enfants. « Les enfants sont des personnes. Ils ont besoin de la possibilité de participer aux décisions qui concernent leur vie »

Àl’adolescence, Ann détestait toutes les règles de l’école.

« Quand j’ai commencé le lycée, mes camarades de classe et moi-même devions porter une plaquette autour du cou avec notre nom. Je trouvais cela abaissant et j’ai refusé de la porter »

Mais ce n’était que la pre-mière d’une série d’humilia-

tions pour Ann dans son nouveau lycée.

« Les enfants plus âgés nous utilisaient, ils nous envoyaient acheter des choses pour eux et nous trai-taient comme des esclaves simplement parce que nous étions plus jeunes. Je me suis révoltée contre ce harcèle-ment et bien sûr j’ai eu des problèmes, qui se termi-

NOMINÉE • Pages 90–109POURQUOI ANN A-T-ELLE ÉTÉ NOMINÉE ? Ann Skelton a été nominée au Prix des Enfants du Monde 2012 pour son victorieux combat, de plus de 20 ans en faveur des droits des enfants victimes du système judiciaire.

Ann a fait un travail révolu-tionnaire pour les enfants d’Afrique du Sud, aussi bien dans les salles de tribunal qu’en changeant les lois qui affectent les enfants. Lorsque Nelson Mandela a été élu prési-dent, on demanda à Ann de prendre la direction du travail d’élaboration de la nouvelle loi protégeant les enfants qui enfreignent la loi. En assistant un enfant dans un cas de divorce, un enfant maltraité dans un foyer pour enfants, un enfant réfugié non accom-pagné, des enfants maltrai-tés en prison, des enfants dans des « écoles en boue » en mauvaises conditions et en faisant prendre au tribunal une décision en faveur des enfants, Ann a aidé et protégé tous les enfants d’Afrique du Sud dans des situations similaires. Ann est Direc-trice du Centre for Child Law à l’Université de Pretoria et est assistée par deux jeunes avocates.

Ann avec les étudiants à la Pretoria Boys High School et la Girls High School intéressés à promouvoir les droits de l’enfant. PHOTO: MASI LOSI

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naient souvent dans la salle de retenue de l’école. Je me suis toujours sentie exclue d’un système où on était puni sim-plement parce qu’on avait une opinion différente »

Les règles de l’apartheid Ann fréquenta une « école pour blancs seulement » à Pietermaritzburg – à cette époque, les enfants noirs et blancs étaient séparés dans toutes les activités de la vie. C’était littéralement un crime pour un enfant noir de rendre visite à un enfant blanc dans un voisinage blanc sans une autorisation, appelée « laissez-passer » !

Ann se souvient du jour où les enfants noirs descendirent dans la rue pour protester contre l’apartheid.

« J’avais 15 ans et quand j’ai vu à la télé les enfants d’Afrique du Sud se révolter contre les règles de l’apar-theid, j’ai compris leurs récla-mations d’une tout autre façon que la plupart des gens dans mon école pour blancs et de mon voisinage. Ceci se

passait en 1976, quand les enfants noirs protestèrent contre le gouvernement de l’apartheid qui les forçait à vivre dans la pauvreté et à apprendre l’afrikaans – la langue des blancs. Ils vou-laient parler leur propre langue. Quel mal y avait-il à cela ? Mais beaucoup d’en-fants qui ont protesté dans les rues le 16 juin 1976, ont été emprisonnés ou abattus par la police, pour avoir exprimé leurs opinions et pour avoir

refusé d’être traités en esclaves. Je me souviens avoir écrit un poème sur ce que je ressentais et sur les enfants qui payaient de leur vie leur besoin de liberté »

La famille d’Ann « Mon père qui était le fils d’un mineur en Angleterre avant de venir en Afrique du Sud, savait ce que cela signi-fiait d’être pauvre. Un jour, alors que nous passions, devant une fabrique, nous

avons vu beaucoup de noirs qui faisaient la queue devant la porte dans l’espoir qu’on leur donne un travail et j’ai entendu mon père dire : « Pauvres gens, je me sou-viens de ce que c’est que de faire la queue de cette façon » À ce moment, j’ai su que ma famille n’était pas différente des familles noires et que nous étions tous dignes de respect.

Lors de ma dernière année de lycée, j’ai fait un discours sur l’inégalité. Ce qui ne m’a pas rendue populaire, car c’était toujours du temps de l’apartheid, mais pour moi c’était important parce que j’ai appris à mettre en mots mes sentiments et mes pen-sées de révolte. Je n’ai pas réa-lisé alors que j’étais en train de devenir une juriste qui par-

Le Child Justice Act a été développé par un comité diri-gé par Ann. La loi met l’accent sur le besoin pour soins et réhabilitations des enfants délinquants plutôt que sur la punition. La plupart des enfants qui ont affaire à la jus-tice en Afrique du Sud, sont maintenant pris en charge par les centres de soins.

À 15 ans, Ann a vu des enfants noirs protester contre l’apar-theid. Hector Pieterson, qui avait le même âge qu’Ann, a été abattu par la police. Hector a reçu, à titre posthume, le Prix Honoraire des Enfants du Monde, pour l’année 2000.

Seuls les blancs étaient autorisés à nager sur cette plage.

L’apartheid était du racisme légal Le racisme s’installa tôt en Afrique du Sud, mais en 1948 il fut légalisé et fut appelé apartheid, ce qui signifie « séparation » En ce temps-là, les noirs et les blancs étaient séparés les uns des autres et les noirs étaient victimes de discrimination et de persécution. L’Afrique du Sud était divisée en zones blanches et noires. Des millions d’enfants noirs et leur famille furent obligés d’aller vivre dans les « zones noires » Les enfants restaient seuls quand leurs parents allaient travailler très loin, dans les maisons, les fermes et les usines des blancs. Beaucoup d’enfants ne voyaient leurs parents qu’à Noël. Les noirs étaient arrêtés s’ils entraient dans une zone blanche sans autorisation. Ils n’avaient pas le droit d’utiliser les mêmes bus, parcs, toilettes pu-bliques, restaurants et nombre d’autres services réservés aux blancs. Si les enfants protestaient contre ces inégalités et réclamaient la liberté, la police et les soldats utilisaient la violence pour les faire taire.

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En assistant au tribunal Shaafi de Somalie et d’autres enfants réfugiés non accompagnés, Ann a protégé les droits de tous les enfants dans la même situation en Afrique du Sud.

« J’ai vu beaucoup d’enfants arrêtés, battus par la police et mordus par les chiens policiers »

lerait au nom des enfants et qui se battrait pour leurs droits. Mais c’est ce qui s’est passé »

Des enfants en prison « Des années plus tard, j’ai étudié le droit et en 1986, j’ai obtenu mon premier job en tant que procureur au tribu-nal. Dans ce travail, j’ai vu beaucoup d’enfants traînés devant les tribunaux, arrêtés et battus par la police et mor-dus par les chiens policiers avec des blessures encore ouvertes. Certains, sans vête-ments, avaient froid. Ils étaient souvent très jeunes et on les maintenait dans des cellules de prison très long-temps. Si on les jugeait cou-pables d’enfreindre la loi, ils risquaient la bastonnade.

J’ai compris que le système était très mauvais pour les enfants qui ne respectaient pas la loi et que nous devions changer cela. J’ai quitté le tri-bunal, je suis allée travailler chez Lawyers for Human Rights et ai initié un projet destiné à aider les enfants en prison. Mes collègues juristes et moi-même, pouvions aller au tribunal pendant la jour-née et pouvions constater quels étaient les enfants qui avaient été arrêtés pendant la nuit.

Parfois, nous devions attendre pendant des heures, assis sur des bancs très durs dans les postes de police, parce que la police faisait de tout pour nous décourager de rester. Mais nous attendions jusqu’à ce qu’ils nous montrent les enfants. Nous faisions de notre mieux pour contacter les familles et leur dire que leurs enfants étaient arrêtés, pour les aider à venir au tribunal et pour qu’ils puissent emmener leurs enfants à la maison. À ce moment-là, le téléphone por-table n’existait pas. C’était très difficile de trouver ne

serait-ce qu’un seul membre de la famille qui avait le télé-phone, mais quand nous pou-vions le contacter, nous pou-vions vraiment aider l’enfant et il était relâché »

Battu à mort « Un jour en 1992, un garçon de 13 ans, Neville Snyman et ses amis, se sont introduits par effraction, dans un magasin, ont volé des bonbons, des chips et des boissons. Quand la police les a trouvés, les a arrê-tés et mis en prison. En prison, Neville a été violé et battu à mort. Les journaux de tout le pays ont parlé de cet événe-ment scandaleux et beaucoup de gens ont réalisé pour la pre-mière fois, l’horreur qu’était la prison pour les enfants »

Pour Ann, ce fut la fois de trop. Elle n’en pouvait plus.

« J’ai réalisé que jusqu’à ce moment-là, je n’avais aidé qu’une poigné d’enfants dans une ville et que nous devions aider tous les enfants empri-sonnés du pays et immédiate-ment. Alors, nous avons com-mencé la campagne ‘Libérez un enfant à Noël’. J’ai appelé des centaines de personnes et chaque juriste spécialisé dans les droits de la personne d’Afrique du Sud a appelé un autre juriste, qui en a appelé un autre… et ainsi nous avons constitué une chaîne d’adultes qui travaillaient ensemble pour essayer de ren-voyer le plus d’enfants pos-sible à la maison pour Noël. Je suis allée m’entretenir avec

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Quand Nelson Mandela a été élu président en 1994, il a dit : « Nous devons vider les pri-sons des enfants ! » On confia à Ann la tâche de présider le comité qui rédigerait une nou-velle loi pour les enfants.

Ann est devenue juriste afin de défendre la cause des enfants et de se battre pour leurs droits.

des membres du gouverne-ment et les responsables des prisons et j’ai réussi à obtenir leur coopération. Cette année-là, nous avons pu sor-tir 260 enfants de prison ! »

Menacée de détention Un jour, la police de sûreté nationale de l’apartheid, fit des descentes dans les bureaux où Ann et ses amis juristes des droits de la per-sonne travaillaient. Ils prirent de nombreux dossiers et documents où Ann conser-vait les informations sur les enfants qu’elle aidait. Ann comprit immédiatement qu’elle-même risquait d’être emprisonnée, puisque la police de sûreté avait déjà arrêté, dans tout le pays, des collègues noirs et des milliers d’autres personnes qui se bat-taient contre les lois de l’apar-theid. Ann alla chez elle et appela son mari. Elle lui dit qu’il allait devoir apprendre à donner le biberon à leur bébé, au cas où Ann finirait en pri-son. Son mari eut peur, mais fit ce qu’elle dit, car il savait qu’Ann n’abandonnerait jamais son travail pour les enfants, même au risque d’être détenue.

Ceci se passait en 1992 et les choses étaient en train de changer rapidement. Le temps de l’apartheid arrivait à sa fin et c’était une période pleine d’espoir pour l’Afrique du Sud. Après de nombreuses années de lutte contre le sys-tème de l’apartheid, Nelson Mandela et d’autres combat-tants de la liberté furent libé-rés. C’était un temps où il était permis de rêver que le pays allait traiter correcte-ment ses enfants.

Nelson Mandela devint président en 1994 et, dans son premier discours au parle-ment, il dit : « Nous devons vider les prisons des enfants ! » Et il le pensait vraiment. On demanda à Ann de diriger un comité spécial qui rédigerait une nouvelle loi pour les

enfants qui auraient enfreint la loi.

A consulté les enfants Tout en rédigeant la loi, Ann et ses collègues décidèrent de demander aux enfants ce qu’ils pensaient. Après tout, la loi concernait directement ! Voici quelques commentaires que firent les enfants :

« Les enfants de moins de 10 ans sont trop petits pour planifier des délits, à moins que quelqu’un de plus âgé les encourage »

« Le policier qui m’a arrêté était gentil. Mais au poste de police, les choses ont changé.

On m’a torturé et j’ai même avoué avoir fait des choses que je n’avais pas faites parce qu’on m’a dit que je les avais faites. C’est bien qu’un parent ou un assistant social soit avec vous quand vous racon-tez ce qui s’est passé, comme ça vous avez moins peur »

« La police m’a arrêté et enfermé. Ils ne m’ont pas dit que j’avais le droit de passer un coup de fil. Même si vous êtes arrêté, on doit vous dire quels sont vos droits »

« Il n’y a pas de lit dans une cellule de prison. On ne peut pas acheter à manger.

Il n’y a personne pour vous aider si vous êtes malade.

Vous dormez avec des per-sonnes bien plus âgées qui abusent de vous. Les cellules de prison vous donnent des idées de suicide si vous êtes déprimé »

« Les tribunaux doivent être plus adaptés aux enfants avec des posters en couleur, des peintures, des meubles, des bonbons. Les adultes ne doivent pas porter de longues robes noires, ça fait peur »

Les enfants sont des personnes Ann explique que la façon dont les enfants voient les pri-sons et les tribunaux, révèle désespoir et colère. Ils expri-ment la terreur et la solitude qu’ils ont ressenties en entrant en conflit avec la loi.

« Cela nous dit aussi com-

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ment les adultes manquent à leur devoir envers les enfants quand ceux-ci ont des pro-blèmes. Mais cela nous dit aussi que si nous les consul-tons et nous les traitons avec respect et dignité, ils peuvent s’exprimer d’une façon logique et raisonnable, ce qui peut nous aider à les aider »

Ann appelle les enfants qu’elle aide, ses « clients enfants »

« Les enfants sont des per-sonnes » dit-elle, « Ils ont besoin de participer aux déci-sions qui les concernent. L’une des choses les plus agréables, c’est d’aider un enfant à canaliser sa colère et sa révolte dans une action constructive. C’est seulement ainsi que l’enfant peut trouver

les moyens de changer sa situation ! »

Le crime fait souffrir Ann sourit en disant :

« Aujourd’hui nous avons la loi que nous avons rédigée. Son nom est Child Justice Act. La loi admet que les enfants peuvent faire des fautes et que les adolescents ont tendance à briser les règles. Si nous les traitons comme des criminels, le dan-ger est qu’ils viennent en contact avec de vrais crimi-nels, se durcissent et finissent par commettre de vrais et sérieux délits. Si nous réali-sons qu’ils ont fait une faute, mais leur donnons une deu-xième chance, sans les porter devant un tribunal et en pri-son, il est possible qu’ils tirent une leçon de leurs fautes et deviennent des citoyens res-pectueux des lois et des droits des autres »

« Il ne faudrait pas leur faire supporter les consé-quences de leurs fautes pour le reste de leur vie et en faire des criminels. La loi leur per-met d’être dirigés vers des

programmes par lesquels ils peuvent apprendre à différen-cier ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, comment se com-porter avec les autres et pour-quoi le délit fait mal aux autres. Ils peuvent devenir des membres de la société res-pectueux des lois.

Cependant, s’ils continuent à commettre des délits ou si leur crime est très sérieux, tels un meurtre, attaque à main armée ou viol, la nou-velle loi spécifie qu’ils

peuvent être jugés et s’ils sont retenus coupables, ils risquent d’être envoyés dans un centre de soins protégé ou en prison. S’ils vont en pri-son, ce sera pour le plus court temps possible et ils doivent être séparés des adultes. Tous les enfants ont droit à un avocat et s’ils ne peuvent pas le payer, le Legal Aid South Africa (financé par le gou-vernement) mettra gratuite-ment un avocat à leur dispo-sition»

Dans un cas qui a impliqué sept « écoles en boue » en Afrique du Sud, Ann a déclaré qu’elle-même et le Centre for Child Law représentaient les enfants de toute l’Afrique du Sud dans la même situation que celle des sept écoles. Le résultat fut que le gouvernement d’Afrique du Sud promit de mettre à disposition un total de 8,2 milliards de rands (USD 1,2 milliards) pour remplacer toutes les écoles en boue.

Ann croit que les enfants sont souvent floués par le système, et que les adultes doivent apprendre à écouter les enfants.

« Aujourd’hui, quand nous por-tons un cas devant un tribunal, ce n’est plus pour aider les enfants qui sont déjà en pri-son, comme au temps de l’apartheid. Maintenant nous avons appris que ce qui se passe dans ce tribunal peut toucher des milliers d’enfants »

Avant, ces deux garçons qui lisent Le Globe au centre de soins pour enfants, auraient été en prison. Mais la nouvelle loi pour les enfants à laquelle Ann a pris part, met l’accent sur la néces-sité des soins et la réhabilitation des enfants délinquants plutôt que sur la punition.

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Shaafi a été bombardé, dérobé, illégal et légal Quand la maison de Shaafi, en Somalie fut bombardée, il s’enfuit et traversa plusieurs pays avant d’arriver en Afrique du Sud. Là, il fut « illégal » et arrêté. Ann Skelton et les Lawyers for Human Rights portèrent son cas devant la Haute Cour de justice et se battirent pour ses droits afin qu’il soit « légal » lui et tous les enfants réfugiés.

Ouvre la porte ! » L’ordre est proféré à

voix basse. Les yeux de Shaafi tombent sur le pistolet que l’homme tient à la main sur le comptoir qui les sépare. Il se précipite pour ouvrir la porte du magasin. Un autre homme entre et ensemble, ils agressent Shaafi. Il tombe sur le sol.

« Où est l’argent ? » demandent les voleurs.

Shaafi désigne la monnaie et les billets dans les deux boîtes en carton à côté du comptoir.

« Si tu cries on te tue » menace un des hommes en pointant son arme contre Shaafi. L’autre homme vide les boîtes de leur argent, met la monnaie et les billets dans un sac et empoche quelques boîtes de poisson derrière le comptoir. Ils sont partis aussi

«

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employeur. Il a besoin de ce travail.

Prie cinq fois Quelques minutes plus tard, une femme vient acheter du pain. Dans son mauvais anglais, Shaafi lui dit qu’il ne peut pas lui rendre la mon-naie.

« Combien d’œufs je peux avoir pour le reste du pain ? » demande-t-elle.

vite qu’ils sont venus. Shaafi se relève et ferme la

parte derrière les hommes. Ses mains tremblent mais il rassemble ses esprits et se tient droit. Aujourd’hui, le propriétaire du magasin somalien lui a laissé la res-ponsabilité du magasin parce qu’il devait s’occuper d’af-faires importantes. Ils ont été dévalisés avant et Shaafi ne veut pas abandonner son

Shaafi calcule rapidement dans sa tête. « Trois » dit-il et il emballe soigneusement trois œufs dans un vieux journal.

Shaafi dort sous l’étroit comptoir du magasin, où son matelas et ses couvertures sont repliés pendant la jour-née. Au coucher du soleil, il ferme la porte derrière lui et à son lever il l’ouvre. Pendant ces heures, Shaafi a trop peur d’aller aux toilettes, qui se

trouvent dans la cour. À côté de son lit, sur une

étagère avec les boîtes de conserve, se trouve tout ce qu’il possède, sa valise. À l’in-térieur, soigneusement pliés il y a quelques vêtements près de son Coran, qu’il utilise cinq fois par jour quand il prie Allah. Ses prières sont pour sa famille en Somalie, pour leur sécurité, son avenir en Afrique du Sud et plus parti-

Enfants non accompagnés Les enfants qui tel Shaafi, passent les frontières seuls sont appelés « enfants non accompagnés ou mineurs » Certains enfants fuient quelque chose d’horrible qui a lieu dans leur pays d’origine comme la guerre et la famine. D’autres se déplacent parce qu’ils vivent dans des pays où la plupart des gens sont pauvres et ils espèrent trouver de meilleures possibilités dans d’autres pays – comme l’éducation ou, s’ils ont plus de 15 ans, du travail. Mais d’autres encore recherchent les membres de leur famille desquels ils ont été séparés. Cela peut être dangereux pour les enfants de voyager seuls, parce que les étrangers risquent d’essayer d’abuser de leur confiance. Une fois, dans le nouveau pays, ils ont sou-vent de la difficulté à y trouver leur place, pour y vivre, pour aller à l’école, parce qu’ils ne peuvent montrer aucun papier qui leur donne le droit de se trouver dans le pays. Les juristes peuvent alors les aider à se procurer les papiers et empêcher leur expulsion, ce qui corres-pondrait à les renvoyer dans leur pays d’origine. Si un enfant ne peut plus retourner dans le pays d’où il ou elle vient, parce que la situation y est encore dangereuse, ils peuvent obtenir le statut de « réfugiés » dans le nouveau pays et peut-être y rester d’une façon permanente. En Afrique du Sud, il y beaucoup d’enfants non accom-pagnés provenant d’autre pays africains comme le Zimbabwe, le Mozambique, la RD du Congo et la Somalie.

Shaafi dort par terre, derrière le comptoir du magasin.

Shaafi garde tout ce qu'il possède dans une petite valise. Il ouvre la valise cinq fois par jour pour y prendre son Coran et prier Allah. Il prie pour sa famille et pour son propre futur.

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Shaafi Daahir Abdulahi ,17

demandé un permis afin d’obtenir un statut de réfu-giés. On leur a donné un per-mis de transit pour 14 jours afin de leur permettre de se rendre au bureau de réfugiés le plus proche.

Inquiet et arrêté « Les adultes de mon groupe ont payé mon transport à Johannesburg et en retour, je leur ai porté leurs bagages » dit Shaafi. « Mais quand nous sommes arrivés et sommes allés au bureau des réfugiés pour faire ma demande d’un

permis d’asile, on a refusé parce que j’étais un enfant. Ils m’ont dit d’aller au Département du Développement Social du gouvernement sud-africain. Je ne savais pas ce que c’était ni où le trouver. J’étais de plus en plus inquiet parce que mon permis de 14 jours allait prendre fin. Je devais trouver un endroit où vivre et travail-ler pour me nourrir »

C’est alors que j’ai com-mencé à travailler pour le propriétaire du magasin somalien. J’ai appris l’anglais avec mes clients. Je cherchais une école et on m’a offert une place dans une école musul-mane, mais je n’ai pas pu m’y inscrire parce que je n’avais pas de papiers qui prouvaient qui j’étais et ne pouvais payer les taxes scolaires »

En décembre 2010, la police a fait une descente dans le

magasin et m’a demandé mon permis. Comme je ne parlais pas anglais, le propriétaire a expliqué que je ne pouvais pas obtenir de permis du fait que j’étais mineur. Le policier m’a arrêté et a dit que j’étais « illégal » et que si vraiment j’étais mineur, je ne devrais pas travailler. Le propriétaire lui a donné 30 rands et alors, le policier m’a relâché »

« Les lois d’Ann » protègent « Quelques semaines plus tard, il y a eu une autre des-cente de police, mais heureu-sement, cette fois encore, on ne m’a pas mis en prison. Mais la chance a pris fin quand un autre policier, dans la rue, a demandé à voir mon permis. On m’a arrêté et j’ai été malmené pendant près d’une heure dans le fourgon de police. On ne m’a relâché que quand un ami est venu au

culièrement pour aller à l’école.

Maison bombardée Qu’est-ce qui a amené Shaafi à travailler et à vivre dans un magasin de Mamelodi, une dangereuse banlieue de Tshwane en Afrique du Sud ?

En septembre 2010, la mai-son de Shaafi, à Mogadiscio, la capitale de la Somalie a été bombardée. Son père a été tué et sa mère et ses frères, à la suite de la panique qui s’en est suivie, se sont sauvés dans des directions différentes. Un nombre incalculable de mai-sons ont été détruites ce jour-là et les soldats des armées militantes ont tué beaucoup de gens. Shaafi joignit un groupe de survivants qui fuyaient le massacre. Il a abandonné sa ville avec les seuls vêtements qu’il portait, ne sachant pas si sa mère était morte ou vivante.

Pendant des semaines, Shaafi et les familles réfugiées ont voyagé en bateau et en voiture vers l’Afrique du Sud, avec l’espoir de faire leur vie dans ce pays. Ils ont traversé le Kenya, la Tanzanie, la Zambie et finalement le Zimbabwe. C’était un voyage dangereux. En Zambie, on leur a volé leur argent en ils ont dû passer plusieurs nuits dans les bois avant de rejoindre la frontière entre l’Afrique du Sud et le Zimbabwe. Là, ils ont déclaré aux garde-frontières qu’ils cherchaient asile et ont

AIME : Lire le Coran et prier pour la paix.DÉTESTE : La guerre.LE PIRE : Quand ma maison a été bombardée, mon père est mort et ma mère a disparu.LE MEILLEUR : Quand Ann Skelton m'a aidé à légaliser ma situation en Afrique du Sud pour que je ne sois plus arrêté.ADMIRE: Allah.DÉSIRE : Réussir ma vie. Fonder une famille et pouvoir la protéger.RÊVE DE : Retrouver ma mère.

Entre le coucher et le lever du soleil, Shaafi a trop peur de quitter le magasin où il s'est enfer-mé, même pour aller aux toilettes, qui se trouvent dans la cour du voisin.

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poste de police et a payé 50 rands pour moi. Je vivais dans la peur et je n’avais aucune possibilité de me construire une vie ni même de penser à l’école.

D’autres Somaliens m’ont conseillé de contacter les Lawyers for Human Rights et de leur demander de l’aide pour obtenir mon permis. Le juriste était gentil et m’a expliqué que le gouvernement sud-africain avait une loi qui pro-tège les enfants réfugiés comme moi. Puis, ils m’ont emmené au Département du Développement Social. Les adultes qui travaillaient à cet endroit, ont refusé de m’aider

et ont dit qu’il n’y avait aucune loi qui les obligeait à aider des enfants réfugiés étrangers »

Au Département du Développement Social on ne connaissait pas les lois de leur propre pays. L’Afrique du Sud a signé la Convention inter-nationale relative aux Droits de l’Enfant qui reconnaît, aux enfants réfugiés, le droit de demander l’asile. Ann Skelton décida d’aider Shaafi. Elle savait que l’Afrique du Sud avait de nouvelles lois qui proté-geaient les enfants, car elle avait pris une part importante dans l’élaboration de ces lois. Elle savait que Shaafi avait le droit d’aller à l’école, de se faire soigner à l’hôpital si néces-saire, et d’être protégé contre le harcèlement de la part de la police et d’autres adultes.

À la Haute Cour Shaafi et Ann portèrent le cas devant la Haute Cour de jus-

tice. Le juge ordonna au Département du Développement Social de se présenter devant le tribunal. Alors, tous ceux qui avaient refusé de l’aider écouteraient le récit de Shaafi. Voici ce que réclamèrent Ann et Shaafi à la Haute Cour : •Donnerimmédiatementà

Shaafi son permis de demandeur d’asile, ce qui

prouve qui il est et lui garantit ses droits légaux. •Déclarerquetousles

enfants réfugiés, sans parents doivent recevoir le même permis. •OrdonnerauDépartement

du Développement Social de faire une liste de tous les enfants réfugiés sans parents et faire un plan pour eux afin qu’ils fassent valoir leurs droits.

Shaafi est « légal » Shaafi maintenant est une personne « légale » mais son permis ne le protège pas de la xénophobie de ces gens qui ne l’aiment pas pour la simple raison qu’il vient d’un autre pays ou d’une autre religion. Mais son permis, donne à Ann les moyens de l’aider à faire des plans pour son avenir.

Voici la vue que Shaafi a depuis le petit magasin où il reste pratiquement enfermé 24 heures sur 24.

Quand il n'y a pas de clients, Shaafi joue avec des jeunes enfants devant le magasin.

« J’avais huit ans quand les soldats du Mouvement Mai Mai m’ont enlevé à mon école. Avant, je vivais avec ma mère à Bukavu, la partie occidentale de la République démocratique du Congo. Beaucoup d’autres garçons ont été enlevés ailleurs, mais au même moment que moi et on leur a appris à utiliser des

armes. Après quelque temps, j’ai réussi à m’enfuir avec quatre de mes amis. Nous avons traversé plusieurs pays, nous arrêtant ici et là. Je connais bien la carte de l’Afrique ! Finalement, je suis arrivé en Afrique du Sud où on m’a aidé. J’ai un endroit où vivre et on paie mes taxes scolaires et mes frais de

transport. Certains Sud-Africains n’aiment pas les étrangers et quelquefois les étrangers sont agressés à cause de cette xénophobie. A ce moment-là, j’ai eu peur de sortir et pendant un mois, je ne suis pas retourné à l’école parce que j’avais peur de prendre le train. Mais j’ai raconté tout cela aux enfants

de mon école, parce que je veux que les autres enfants comprennent que pour un enfant séparé de sa famille, de son foyer, les choses ne sont pas faciles. Il me reste une année d’école après celle-ci. Quand j’aurai termi-né, je voudrais étudier la poli-tique internationale » Joshua Masudi, 17 ans

C’est dur de vivre loin de chez soi

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RacismXenopho

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devrait aller où on lui dit d’al-ler. Mais Ann écoute. Elle sait que la liberté de religion est un droit fondamental de l’être humain et que les enfants sont des êtres humains. Elle est investie d’une nouvelle mission. Elle pense créer un foyer spécialement pour enfants réfugiés, où des

enfants comme Shaafi, se sen-tiraient libres d’être fidèles à la culture de leur famille, sans endurer la peur ou les discri-minations.

Shaafi a aujourd’hui un per-mis de demandeur d’asile. Mais ce n’est pas suffisant. Par une froide après-midi d’hiver, Ann Skelton se rend en voiture dans la banlieue Mamelodi où Shaafi travaille. Elle risque non seulement d’être agressée, mais la vie en se trouvant avec lui près du comptoir du magasin, en recherchant quels sont les désirs de Shaafi pour son futur. Elle veut l’aider à se construire une vie et à réali-ser ses rêves.

« Il faut que je te dise quelque chose » lui dit-il « Je viens de rencontrer un autre garçon qui s’est sauvé de la même ville que moi en Somalie où la guerre conti-nue. Il m’a dit que mon petit frère est vivant. Les soldats l’ont enlevé pour en faire un soldat comme eux et l’utiliser dans leur guerre. Il a dit que

personne n’a de nouvelles de ma mère »

Respectez ma religion « Shaafi, maintenant que tes droits ont été reconnus en Afrique du Sud, veux-tu que je trouve un foyer sécurisé pour enfants et une école que tu peux suivre ? » demande Ann.

Shaafi n’a pas besoin de réflé-chir pour donner sa réponse. « Je veux aller à l’école, mais pas dans un foyer »

« Pourquoi est-ce que tu ne veux pas aller dans un foyer sécurisé ? s’enquiert Ann.

« Ils ne me laisseraient pas prier cinq fois par jour et res-pecter ma religion. Ma culture est différente et les autres enfants se moqueraient de moi et me harcèleraient, comme ils le font ici »

Ann acquiesce, elle com-prend. Beaucoup d’adultes lui ont dit qu’il est ingrat et qu’il

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Ann Skelton demande à Shaafi ce qu'il veut faire, maintenant que ses droits ont été reconnus en Afrique du Sud.

« Je ne veux pas aller dans un foyer pour enfants parce qu'on ne respecterait pas ma religion et les autres enfants se moqueraient de moi » dit Shaafi.

Dites ce que vous pensez de la xénophobie et du racisme Avez-vous fait l’expérience d’attitudes xénophobes ou racistes ? Racontez votre histoire et vos pensées concernant le fait de mal-traiter « les autres » au Prix des Enfants du Monde.

« Xéno » signifie étranger « phobie » signifie peur, ainsi le mot xénophobie signifie litté-ralement « peur des étran-gers » Pourquoi avoir peur des étrangers qui sont des êtres humains comme nous ? Dans certains pays, surtout où il y beaucoup de pauvres, on a peur que les étrangers qui viennent s’établir chez

eux, auront le travail et autres avantages, comme l’éduca-tion, à leur place. Parfois, les personnes qui ont peur des étrangers utilisent des moyens violents pour essayer de forcer les étrangers à par-tir – ils les menacent, leur font du mal ou exigent qu’ils leur donnent ce qu’ils ont, et parfois aussi, ils les tuent.

Ceci fait très peur aux étran-gers, y compris les enfants étrangers. Souvent ils ne peuvent retourner dans leur pays parce qu’il y a la guerre ou d’autres événements qui mettraient leur vie en danger. La xénophobie peut dévelop-per le racisme.

La xénophobie et le racisme poussentles gens à maltraiter leurs frères humains

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Enfants emprisonnés Le cas d’Ann a changé la loi pour tous les enfants d’Afrique du Sud

La meilleure des mères

Michael

La Cour Constitutionnelle d’Afrique du Sud est une

instance très importante, car elle peut décider si une loi respecte les droits de la constitution de l’Afrique du Sud. La constitution est la loi la plus importante du pays et d’autres lois ou actions des gens ne peuvent aller à son encontre. Toute personne dont les droits sont violés peut porter le cas au tribunal, même les enfants pour autant que quelqu’un les assiste.

L’un des cas qu’Ann porta devant la Cour constitution-nelle au nom de tous les enfants d’Afrique du Sud, concernait une loi qui per-mettait qu’on emprisonne un enfant pour un temps très long, y compris l’emprison-nement à vie. La Constitution dit que détenir des enfants en prison doit être une mesure du tout dernier res-sort et qu’une cour doit tou-jours trouver un autre moyen de sanction et ceci pour le temps le plus court possible.

La Cour constitutionnelle trouva que la loi permettant des condamnations longues et la prison à vie allait à l’en-contre des droits de l’enfant et ordonna qu’elle soit retirée des manuels juridiques. Les enfants ne peuvent plus être condamnés à la prison à vie. Ce cas important a changé la loi pour tous les enfants d’Afrique du Sud, parce que tous les juges dans tous les tribunaux du pays doivent suivre ce qui est dit par la Cour constitutionnelle.

Quand Nelson Mandela devint président en 1994, il y avait beau-

coup d’enfants dans les prisons d’Afrique du Sud. Le gouverne-

ment de Mandela demanda à Ann Skelton de développer un système

judiciaire nouveau pour les enfants. En 2010, le Child Justice Act entra en vi-gueur, développé par un comité dirigé par Ann. La loi met l’accent sur les besoins de soins et de réhabilitation des mineurs délinquants plutôt que sur la punition. La plupart des enfants qui ont des pro-blèmes avec la justice en Afrique du Sud vont dans des dispensaires pour enfants où ils reçoivent une thérapie appropriée et où il y a des classes et des ateliers pour l’enseignement de l’art, menuiserie, sou-dage, plomberie, tapisserie et sport.

Quatre garçons au centre Horizon BO-SASA de la Cité du Cap racontent com-ment ils sont tombés dans la délinquance et quels sont leurs rêves pour le futur.

« J’ai eu une enfance heureuse avec la mère que chaque garçon désirerait avoir. Quand j’avais deux mois, ma mère a divorcé parce que mon père se dro-guait. Je n’ai pas vu mon père avant l’âge de cinq ans. Jusqu’à l’âge de 15 ans, ma vie était sans histoires, mais un jour un ami m’a fait prendre de la drogue. J’en suis rapidement devenu accro et j’ai commencé à voler. Ma mère a remarqué que des choses disparais-saient et que je maigrissais et ne man-geais pas beaucoup. Alors, une nuit elle m’a demandé « Dominique, est-ce que tu te drogues ? » J’ai répondu, « T’es folle ? » Ma mère m’a placé dans un home pour enfants drogués. J’y suis resté à peu près une semaine. Puis j’ai volé un laptop et me suis retrouvé en détention. C’est pour cela que je suis à BOSASA. Je suis un programme qui m’aide à me sortir de ma dépendance. Les adultes ici sont gentils avec nous, mais je veux retourner à la maison.

Je veux me libérer de la drogue et, plus tard, devenir un conservateur de la nature. C’est ma façon de dire à ma mère à quel point je regrette de lui avoir fait du mal » Dominique

Le visage souriant c’est celui de Dominique saluant sa mère.

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Enfants emprisonnés

J’ai fait les mauvais choix

Pardon, maman

Ma famille est tout pour moi

Les garçons écrivent l’histoire de leur vie.

Brandon

« J’avais trois ans quand ma mère et mon père ont commencé à boire et à me battre. Une assistante sociale m’a emmené au foyer d’enfants, où je suis resté jusqu’à l’âge de sept ans. Puis ils m’ont placé dans une famille d’accueil. J’y suis resté une année et puis je me suis sauvé parce qu’ils se moquaient de moi. Puis, à neuf ans, j’ai été place dans une autre famille d’accueil. Je me suis beaucoup battu parce que quand ils me demandaient si j’avais de vrais parents, ils riaient. C’est pour cela que je me mettais en colère et que j’ai commencé à me battre.

À 12 ans, j’ai voulu savoir où étaient mes parents. J’étais très agressif. C’est pour ça qu’ils m’ont envoyé dans un autre endroit très loin. Un jour, j’ai demandé un peu d’argent à mes parents d’accueil et ils m’ont insulté. Je me suis sauvé et j’ai commencé à m’in-troduire dans les maisons et à voler des objets. On m’a arrêté et condamné à six mois de prison. Après, j’ai encore volé et en 2010, j’ai été condamné à deux ans de prison. Je ne suis pas fier de ce que j’ai fait. J’ai fait les mauvais choix dans la vie. C’est pour ça que je veux que quelqu’un m’aide à ne plus voler dans les maisons »Michael

« Ma mère et mon père étaient divorcés depuis longtemps. Papa s’est remarié et a des enfants avec sa femme. Il ne s’oc-cupe pas de moi et ma mère travaille seule pour moi et ma sœur. Je suis allé à l’école jusqu’à la neuvième, puis j’ai commencé à prendre de la drogue avec mes amis. Ce qui a foutu en l’air toute ma vie. On a commencé à voler pour payer nos drogues. J’ai été arrête pour vol avec effraction. Le tribunal, m’a envoyé à la prison Pollsmoor pour quatre semaines, mais quand je suis de nouveau passé devant le tribunal, ils m’ont envoyé à BOSASA. J’espère que la prochaine fois que j’irai au tribunal, on m’enverra à la maison. Si je suis condamné, ils m’enverront de nouveau à la prison Pollsmoor, parce que j’aurai plus de 18 ans et je ne serai plus un enfant.

J’aimerai dire à ma mère qui a tant tra-vaillé pour payer mes taxes scolaires, que je regrette. Si j’ai la chance de ne pas être condamné, je vais finir l’école et travailler pour devenir mécanicien sur voitures » Kevin

« Mon père est mort dans un accident de moto quand j’avais sept ans. Ma mère était aussi sur la moto et à cause de l’accident, elle ne peut plus travailler. Alors on s’est battus à la maison pour survivre. Ma famille est tout pour moi.

J’ai eu de mauvaises fréquentations et j’ai fini dans la rue à essayer de trouver de l’argent pour mes problèmes de drogue. Je ne suis plus allé à l’école. On m’a arrêté parce que je m’étais fâché avec ma mère et que je me suis enfoncé dans la drogue. Je l’ai frappée à l’épaule et je lui ai fait mal. Elle m’a dénoncé à la police parce qu’elle disait que je devais apprendre que ce que j’avais fait était mal. Ma mère a dit qu’elle retirerait la plainte si je faisais des efforts. Le tribu-nal m’a envoyé à BOSASA où je me trouve maintenant et je suis un pro-gramme de gestion de la colère ce qui m’aide dans mon besoin de drogue. Mon rêve est de terminer l’école et d’être soudeur sur une plateforme pétrolière et d’avoir une belle maison et une voiture »Brandon

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Kevin

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Pas d’école pour quand il pleut

Le cas d’Ann a rapporté des milliards aux écoles en boue

Le cas des « écoles en boue » commença avec sept écoles primaires dans la province du Cap-oriental en

Afrique du Sud, dépourvues des équipements les plus élémentaires qu’on pouvait attendre d’une école. Les bâtiments sont fait en boue, il n’y a pas d’eau courante et les enfants n’ont pas assez de bancs et de chaises.

L’école de Zinathi, la Tembeni Junior Primary, est l’une de ces écoles. Elle compte 220 élèves qui se partagent 53 bancs et dans certaines classes on ne trouve pas une seule chaise. Dans une autre école, la Nomandla Senior Primary, les enfants utilisent le dos de leur cama-rade de classe comme surface d’écriture, car il n’y a pas de banc. Les parents et les enfants de cette école ont décidé d’aller au tribunal (aidés par leurs juristes du Legal Resources Centre) pour exiger que leurs écoles soient mises en état, avec eau courante et assez de bancs et de chaises.

Ann écrivit un affidavit (une affirmation que l’on dit la vérité) pour le tribunal. Elle y déclara que son organisa-tion, le Centre for Child Law, soutenait les requêtes des parents et des enfants des sept écoles primaires, mais aussi que le problème était bien plus grand. Elle releva qu’il y avait beaucoup d’autres d’écoles dans toute l’Afrique du Sud, construites en boue et qui n’avaient pas assez de bancs et de chaises. L’importance du Centre for Child Law qui joignit les plaignants, c’est qu’ils représentaient les enfants de toute l’Afrique du Sud dans la même situation que celle des sept écoles. Ce qui signifiait que le gouvernement ne pouvait résoudre le problème seulement dans les sept écoles.

Le résultat de ce cas, fut que le gouvernement d’Afrique du Sud s’engagea par écrit, dans les trois années suivantes, à réparer les écoles en boue du pays et à faire en sorte que toutes aient l’eau courante et assez de bancs et de chaises. Il promit de dépenser 84 millions de rands (USD 11,5 millions) pour les sept écoles, et un total de 8,2 milliards de rands (USD 1,2 milliards) afin de remplacer toutes les écoles en boue d’Afrique du Sud.

7h00 Zinathi se lève, quitte sa natte en roseaux et se lave dans un baquet d’eau.

Zinathi est élève de la Tembani Junior Primary, l’une parmi les nombreuses écoles en boue d’Afrique du Sud. Quand il a plu, Zinathi et ses camarades de classe doivent utiliser une planche posée comme un petit pont pour entrer dans leur classe.

« Comme mon rêve de changer notre vie dépend du fait d’aller à l’école, cela me fait de la peine quand on ne peut pas y aller » dit Zinathi. Elle espère que cela s’améliorera maintenant que son école est l’une de celles que le gouvernement d’Afrique du Sud a promis de remplacer.

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ZinathiPas d’école pour quand il pleut L’apartheid a détruit les forêts Les forêts autour du village où vit Zinathi sont en

danger. Cette zone était un bantoustan du nom de Transkei jusqu’à l’abolition de l’apartheid en 1994. Des milliers de personnes vivaient sur un petit territoire qui s’en trouva hyper exploité par le bétail et l’élevage. Ici, les gens sont très pauvres et ne peuvent compter que sur les petites forêts qui restent pour le bois de chauffage, l’eau et le pâturage. Mais partout ailleurs dans la pro-vince du Cap-oriental, le gouvernement a lancé des programmes afin de protéger les étendues sauvages et créé des parcs de jeux dans le but de sauvegarder les ressources naturelles.7h30 am

Zinathi va à l’école avec son amie, Amanda Puzi. C’est loin, quatre kilo-mètres de marche aller et retour. « Ça nous maintient en forme ! » dit Zinathi.

8h00Zinathi et Amanda se mettent en file avec les autres enfants de l’école et entrent dans leur salle de classe en boue où elles étudient jusqu’à 14 heures.

Z inathi est assise près du feu qui réchauffe la mai-

son familiale dans le petit vil-lage de Ngqeleni. Elle regarde les étincelles se dégager des flammes et se mélanger à la fumée qui s’élève vers le petit trou dans le toit en herbe de son foyer.

Dehors, il pleut à verses. Zinathi et ses amis ne peuvent pas aller à l’école aujourd’hui parce que les rues

sont très boueuses et d’ail-leurs, l’école est à quatre kilo-mètres de marche. Ils seraient complètement trempés en arrivant.

Enlever l’eau « Quand nous arrivons à l’école après qu’il a plu comme ça, nous devons enle-ver l’eau de la classe avant de pouvoir étudier. Nous pre-nons quelques planches que

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Zinathi Ngxokagi, 12AIME : Avoir assez de nourriture avec de la viande pour moi et ma famille. DÉTESTE : Le crime.LE PIRE : Quand mon amie a été violée dans notre voisinage. Plus personne n’est en sécurité. LE MEILLEUR : La nouvelle salle de classe avec des fenêtres, un toit et beaucoup de chaises. ADMIRE : Nelson Mandela. VEUT ÊTRE : Policière, ainsi je pourrai arrêter les criminels. RÊVE DE : Être en sécurité dans mon voisinage. D’une nouvelle robe verte.

nous utilisons comme bancs pour faire un petit pont devant la porte de la classe. Notre école est faite en boue et n’a ni fenêtres ni portes et les gouttes tombent sur nos livres. C’est difficile d’ap-prendre dans la classe, même quand il ne pleut pas »

Zinathi est frustrée de ne pas pouvoir aller à l’école, mais elle a beaucoup de tra-vail qu’elle doit rattraper dans la propriété familiale. C’est à elle de tenir à jour la fourni-ture de farine de mealie-meal (maïs) de la famille, une tâche qui prend du temps.

Il faut que ça changeIl ne pleut presque plus et Zinathi peut allumer le feu à l’extérieur pour cuisiner. Quand l’eau dans le pot noir bout, elle verse quelques tasses de son mealie-meal frais moulu, dans l’eau

chaude, remue et le laisse cuire à peu près une heure. Sa mère vient de recevoir du sucre d’un ami. Et en y ajou-tant le jus d’un citron pressé, le porridge aura aujourd’hui, un délicieux goût aigre-doux.

En attendant, Zinathi tisse la natte qu’elle est en train de faire avec les roseaux qu’elle cueille à la rivière. Elle dort sur une natte en roseaux sur le sol en terre battue dans la chambre à coucher de leur maison familiale.

Mais Zinathi en a assez de manger du mealie tous les jours et de dormir sur une natte en roseaux sur le sol. Elle veut sortir sa famille de la pauvreté.

« Je veux aller à l’école, avoir de bonnes notes et deve-nir policière. Je sais que d’al-ler à l’école m’aidera un jour à me sortir de la vie que nous vivons. Je ne veux pas manger du mealie tous les soirs. Je veux aussi dormir dans un lit, sur un oreiller moelleux, ce que font d’autres enfants du village.

Avec mon premier salaire de policière, j’achèterai un fri-go, comme celui de mes voi-sins, et je mettrai dedans de la viande et des légumes »

Vol et abus Assister sa famille n’est pas la seule raison pour laquelle Zinathi veut être policière quand elle finira l’école.

« Il y a beaucoup de gens

dans ce village qui ne tra-vaillent pas et volent les autres » dit-elle.

« Je veux changer cela. Mon rêve est d’être policière quand je serai grande, pour protéger ma famille et mon voisinage »

Il n’y a pas longtemps, dans un village voisin, l’amie de 15h00

Zinathi rentre et mange un peu de porridge en puisant dans la marmite qui est encore sur le feu. Aujourd’hui elle peut ajouter du sucre et du citron – un régal !

16h00Zinathi va chercher de l’eau et du bois dans la forêt. Quand elle arrive à la rivière, elle lave ses vêtements dans un baquet.

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Zinathi a été agressée par un homme dans la forêt près de leur propriété. Depuis, les filles ont peur de s’éloigner de leur maison. Pourtant, elles doivent aller par groupes dans la forêt presque chaque jour car ils dépendent des arbres pour se chauffer et de la rivière pour l’eau pour boire et pour laver. Il n’y a pas de magasins dans le village de Zinathi, les gens dépendent des ressources naturelles pour survivre.

« C’est pour cela que je n’aime pas quand je ne peux pas aller à l’école. Mon rêve de changer notre vie dépend du fait qu’on va à l’école. Je ne peux entrer à l’école de police que si j’ai de bonnes notes »

17h00Encore quelque tâches ménagères. Zinathi broie le maïs pour en faire de la farine pour le porridge. Elle ramasse quelques poi-gnées de tiges de mealie séchées et les met dans la pierre à broyer de sa grand-mère.

21h00Zinathi dort sur le sol, sur sa natte en roseaux.

Zinathi tisse sa natte de couchage et un panier. Elle connaît si bien cette forme de tissage qu’elle peut le faire les yeux fermés. C’est un travail artisanal tradi-tionnel qu’elle pratique depuis qu’elle est toute petite.

La nouvelle école ! L’emménagement de la nouvelle école est bientôt terminé. Zinathi nettoie les alentours.

Lave les uniformes scolaires Quand il pleut, les uniformes scolaires se salissent facilement sur le long chemin qui mène à l’école. Zinathi l’a lavé comme il faut.

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Les amis de Zinathi

« J’aime regarder la télé. Je n’aime pas la pauvreté et le crime dans mon voisinage. Je veux étudier et devenir infirmière » Amanda Puzi, 12

« J’aime jouer au football. Je n’aime pas les harcèlements à l’école. Je veux être riche plus tard pour pouvoir offrir une bonne nourriture à ma famille et aussi une maison et une voiture » Magwenqana Masithebe, 12

« J’aime les jeux. Je n’aime pas les crimes parce que ça fait du mal aux gens. Je veux être une star de la télé » Emihle Sawulisi, 12

« J’aime jouer au football. Je n’aime pas l’école. Je veux vivre dans une maison en briques avec des fenêtres et je veux conduire une voiture » John Asiphe, 13

« J’aime conduire une voiture. Je hais la violence dans mon village et je veux être ensei - gnante pour aider les gens à devenir quelqu’un » Nelisa Sonyaka, 11

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Un rap pour l’Ange de Wonder Wonder Machethe avait dix ans quand il commença à fuguer. À douze ans on l’enferma dans un foyer pour enfants, où les garçons

auraient dû recevoir de l’amour, une bonne éducation et une vie décente.

Au lieu de cela Wonder vivait dans la peur et quand il pleuvait son lit était

trempé. Quand Ann Skelton arriva dans la vie de Wonder, elle fit ce qu’elle

faisait depuis des années en aidant beau-coup d’enfants à présenter leur cas devant un tribunal. Elle porta le foyer pour enfants devant le tribunal supérieur de région et gagna. Le juge dit : « Nous trahissons les enfants » et ordonna au foyer de changer et de devenir un bon endroit pour les enfants. Depuis, la décision de la cour doit être appliquée par les foyers pour enfants dans tout le pays.

« Je ne supportais pas la vio-lence à la maison. Nous

partagions une maison avec d’autres familles et certaines étaient très pauvres, comme nous. Il y avait toujours quelqu’un qui criait, buvait

ou était sous l’effet de la drogue, se disputant avec sa femme ou ses enfants. J’avais souvent peur et un jour j’ai tout simplement ouvert la

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porte et je me suis sauvé. Je ne savais pas où j’allais, mais je me suis retrouvé à l’extérieur de la ville. Je savais que mon oncle vivait dans la province de Limpopo dans un petit vil-lage et je me suis dit que je pourrais essayer de trouver son adresse. Il m’a fallu des jours, mais finalement je l’ai trouvée. Quand je suis arrivé chez lui, il m’a reçu genti-ment, mais m’a dit que je devais retourner à la maison, chez mes parents et il m’a mis dans un bus.

Je suis retourné à Johannesburg, mais très vite, j’en ai eu de nouveau assez du harcèlement à l’école et de la violence à la maison et je suis reparti. J’ai beaucoup rôdé et une nuit j’ai dormi dans les toilettes de la gare de Johannesburg où un agent de sécurité m’a trouvé le lende-main matin à la première heure. Il m’a remis à la police parce que je n’étais pas censé dormir là »

S’est senti menacé La fuite de Wonder prit fin. Il avait 12 ans quand on l’enferma dans un foyer pour enfants, appelé Luckhoff School.

« C’était un endroit hor-rible. Il pleuvait dans nos lits et je me sentais tout le temps menacé par le directeur et sa femme. Ils n’en avaient rien à faire des enfants et nous punissaient sévèrement. Quand un enfant en blessait un autre à coups de couteau,

on l’enfermait dans une cel-lule pour trois semaines, mais il en ressortait pire qu’avant »

C’était un endroit où la police et l’état enfermaient les enfants dont les parents ne s’occupaient pas. Ils l’appe-laient école des métiers parce que nous étions censés apprendre un métier comme le soudage ou la menuiserie ou la mécanique sur voiture. Mais nous n’avons rien appris de tout ça »

J’étais bon élève à l’école et j’aimais beaucoup mon sport. Je jouais au foot et j’ai rejoint l’équipe. Ce qui m’a vraiment donné confiance et j’ai beau-coup aimé quand l’enseignant de sport m’a invité chez lui un samedi après-midi. Il est venu me chercher. Je lui ai dit com-ment je me sentais et que je voulais vraiment une chance dans la vie, que je voulais tra-

vailler dur pour faire du sport. Je lui ai dit que je me sentais en danger de tomber dans la drogue que les enfants faisaient passer à l’intérieur du foyer. Il m’a écouté et, pour la première fois de ma vie, j’ai senti qu’un adulte me comprenait »

Ann s’occupe du cas Ann Skelton trouva Wonder dans ce foyer alors qu’il avait 12 ans. Pour lui, elle est un ange. Ann se souvient très bien du jour où elle a rencon-tré Wonder. Il y a cinq ans de cela. Elle visitait le Luckhoff School of Industry afin de contrôler l’endroit, après avoir reçu un coup de télép-hone anonyme qui lui avait parlé de la situation des enfants à l’école. Ann et Wonder pensent qu’il s’agit de l’enseignant de sport de Wonder qui l’a appelée peu de temps après que Wonder se soit confié à lui.

« Je suis allée en inspection à l’école et je l’ai trouvée dans des conditions épouvantables. Les lits des enfants étaient mauvais, le toit était percé et quand il pleuvait, ils étaient mouillés. Les couvertures étaient minces et déchirées.

Les fenêtres étaient cassées et il n’y avait pas de sécurité autour de l’immeuble »

Ann ne perdit pas de temps, elle porta la Luckhoff School au Tribunal supérieur de région. Les adultes de cette école d’état essayèrent de se défendre au tribunal en disant qu’ils n’avaient pas d’argent pour les couvertures. Mais, ils avaient de l’argent pour payer les frais du procès !

« Nous les trahissons » Le juge déclara que la Luckhoff School violait les droits de l’enfant et les lois du pays. Il leur ordonna de don-ner immédiatement à chaque enfant un sac de couchage et de construire une barrière autour de l’école pour des rai-sons de sécurité. Il leur dit également de faire un plan par écrit pour chaque enfant pour qu’ils reçoivent les soins nécessaires de la part d’adultes qualifiés et de lui fournir un rapport quelques semaines plus tard faisant état des progrès. Il dit :

« Quel message donnons-nous aux enfants quand nous leur disons qu’on doit les enlever à leurs parents parce qu’ils méritent d’être mieux

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GWonder avec ses deux sœurs Ashley, 12 ans et Robin, 10 ans. Ashley dit : « J’admire mon frère parce que il prend soin de moi, il m’aide. Il est allé

dans une bonne école, il peut m’aider à faire mes devoirs et il me dit que l’école c’est la meilleure chose que je puisse faire pour préparer ma vie »

Ann Skelton a rencontré Wonder dans un foyer pour enfants. Il avait alors douze ans.

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traités, et ensuite nous les négligeons ? Nous les trahis-sons et nous leur enseignons que ni la loi, ni les institutions d’état peuvent leur garantir leur protection »

Ann dit qu’il ne suffit pas de faire de bonnes lois pour protéger les enfants.

« Nous devons également enseigner ces lois aux adultes, comme nous avons fait à la Luckhoff School. Beaucoup d’adultes ne savent pas com-ment protéger et soutenir les enfants. On doit leur montrer la nouvelle façon de traiter les enfants avec douceur. Ce cas a changé la situation non seu-lement des enfants de la Luckhoff School, mais aussi de toutes les écoles de ce genre dans l’ensemble du pays »

« Ma vie a changé »Ann comprit que l’habilité de Wonder à bien travailler à l’école et ses talents de foot-balleur méritaient d’être encouragés. Elle invita un bienfaiteur à sponsoriser Wonder à la High School de Pretoria pour cinq ans.

« Cela a changé ma vie » dit Wonder, « Pour la première fois, on me traitait avec res-pect et j’ai appris à avoir confiance dans un groupe de frères. Je vivais dans le loge-ment de l’école et là, les enfants n’étaient pas punis avec violence, mais avec des mots et des conseils. Je suis devenu très bon au rugby et j’ai créé la meilleure équipe de l’école. J’ai fini l’école l’année passée et j’ai réussi mes exa-mens ! »

Ma mère a déménagé dans un meilleur endroit et je vis à la maison où je partage une chambre avec elle et mes sœurs. Mon expérience a éga-lement aidé mes sœurs plus jeunes, Ashley et Robin, parce que je peux les aider à faire leurs devoirs. Je leur parle et leur dit qu’elles doivent bien travailler pour se construire un meilleur futur »

Un rap pour AnnLorsque Wonder entendit qu’Ann avait été nominée au Prix des Enfants du Monde, il écrivit une chanson rap. Le rap, a-t-il dit, c’est comme de la poésie avec un rythme, avec un message qui peut exprimer ta passion et ta douleur.

Tout petit j'ai traversé l'enfer pour arriver au paradis.

J’ai grandi comme un truand, mais ma vie a pris un autre tournant.

Six ans après, tu es nominée au Prix des Enfants du Monde.

Ton courage pour moi a été énorme, tu m’as fait voir l’amour sous un autre angle !

Je te jure que quand je t’ai vue la première fois, il y a six ans, tu avais l’air d’un ange.

Tu m’as soulevé quand j’étais à terre, à mon tour de changer le cours de cette galère,

tu m’as connu plein de pourquoi – qu’importe ce qui arrivera ce jour, ma gagnante à moi, ce sera toujours toi !

Quand Ann a porté le cas du foyer pour enfants, où se trouvait Wonder au Tribunal supérieur de région, elle l’a fait pour aider Wonder et les autres garçons, mais aussi pour aider les autres enfants dans tous les foyers pour enfants en Afrique du Sud. Ici Wonder écrit le rap à Ann, qu’il appelle ange.

Page 20: Fr, Ann Skelton

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A la juriste de Sarisa, dit au juge que quand les

parents divorcent, les enfants devraient être consultés concernant les décisions qui influencent leur vie, comme le temps qu’ils devront passer avec chacun de leurs parents.

Ce qui fut déterminant pour Sarisa, parce que les juges l’écoutèrent et à la suite de cela, les adultes aussi. Mais cela fut déterminant pour beaucoup d’autres enfants,

parce que cela donna nais-sance à un processus qui pre-nait en compte les voix des enfants dans les cas de divorce des parents. Le cas de Sarisa était le premier en Afrique du Sud où un enfant concernant la bataille de la garde, avait son propre juriste pour l’ai-der. Le cas de Sarisa servit de précédent pour d’autres cas. Depuis, il n’est pas rare que les enfants aient une représenta-tion juridique au tribunal.

« Les enfants ont droit à la parole dans les disputes sur la garde des enfants » déclare le journal Pretoria News après que le juge a accepté d’écouter Sarisa van Niekerk quand elle avait douze ans (elle en a aujourd’hui 19). Ses parents ne pouvaient se mettre d’accord sur la façon de partager la garde de Sarisa. Ann Skelton était la représentante juridique de Sarisa et c’était la première fois qu’un enfant en Afrique du Sud avait son propre juriste pour l’assister dans cette matière.

Ma voix doit être entendue À douze ans, Sarisa se retrouva au centre d’une affaire judiciaire entre ses parents divorcés. Ils n’étaient pas d’accord sur la façon de partager la garde de Sarisa et de sa sœur. Sarisa était malheureuse de ne pas pouvoir être entendue et elle a écrit une lettre au juge.

J’ai 12 ans et je suis impliquée dans une af

faire

judiciaire au Tribunal de région concernant mes

droits en tant que personne et en tan

t qu’enfant.

La première fois que j’ai entendu parler des dro

its

de l’enfant, c’était à l’école et j’avais

dix ans.

J’ai appris que les droits de l’enfant fon

t partie

de la constitution appelée Déclaration des

droits, mais on ne considère pas toujours les

enfants comme faisant partie de ceux qui ont des

droits.

Tous les enfants ont le droit d’avoir un

e assis-

tance juridique. Un juriste est une perso

nne qui est

entraînée à comprendre les lois et à vous aider.

Parfois une affaire juridique peut se révé

ler injuste

pour un enfant, si le juriste ne l’aide p

as.

Tous les enfants ont le droit d’être pro

tégés

contre des traitements qui ne leur conviennent

pas et contre tout ce qui peut leur fair

e du mal.

Le Centre for Child Law m’a aidée, par déci-

sion judiciaire, à avoir un juriste mandaté de mon

choix, qui me représente au tribunal pour que mes

droits puissent aussi être protégés et m

on choix

entendu concernant les questions qui in

fluencent

ma vie.

Sarisa

nn Skelton, qui était

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EX

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